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Sujet d’entraînement :
Une bonne éducation est-elle intemporelle ou doit-elle tenir compte de l’époque ?
1. Comment les maîtres doivent-ils enseigner aux élèves pour plus d’efficacité ?
2. En quoi consiste, selon Montaigne, l’enseignement idéal ?
3. Quelle métaphore quali e l’élève dans ce texte ? Interprétez.
Rendez votre élève attentif aux phénomènes de la nature, bientôt vous le rendrez curieux; mais, pour nourrir
sa curiosité, ne vous pressez jamais de la satisfaire. Mettez les questions à sa portée, et laissez-les lui
résoudre. Qu'il ne sache rien parce que vous le lui avez dit, mais parce qu'il l'a compris lui-même; qu'il
n'apprenne pas la science, qu'il l'invente. Si jamais vous substituez dans son esprit l'autorité à la raison, il ne
raisonnera plus; il ne sera plus que le jouet de l'opinion des autres. Vous voulez apprendre la géographie à cet
enfant, et vous lui allez chercher des globes, des sphères, des cartes : que de machines !
Pourquoi toutes ces représentations? que ne commencez-vous par lui montrer l'objet même, a n qu'il sache
au moins de quoi vous lui parlez ! Une belle soirée on va se promener dans un lieu favorable, où l'horizon bien
découvert laisse voir à plein le soleil couchant, et l'on observe les objets qui rendent reconnaissable le lieu de
son coucher. Le lendemain, pour respirer le frais, on retourne au même lieu avant que le soleil se lève. On le
voit s'annoncer de loin par les traits de feu qu'il lance au-devant de lui. L'incendie augmente, l'orient paraît tout
en ammes; à leur éclat on attend l'astre longtemps avant qu'il se montre; à chaque instant on croit le voir
paraître; on le voit en n. [...] Ne tenez point à l'enfant des discours qu'il ne peut entendre. Point de descriptions,
point d'éloquence, point de gures, point de poésie. Il n'est pas maintenant question de sentiment ni de goût.
Continuez d'être clair, simple et froid; le temps ne viendra que trop tôt de prendre un autre langage.
Jean-Jacques ROUSSEAU, Émile ou de l’Éducation, 1762
1 Socrate (v. 470-399 av. J.-C.) et Arcésilas (v. 316-241 av. J.-C.) sont des philosophes qui ont diffusé leurs systèmes de pensée sans
laisser de traces écrites.
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C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt.
Victor Hugo, «Chaque enfant qu'on enseigne », Les Quatre Vents de l'esprit, 1881.
1. Expliquez le premier vers du poème? En quoi peut-on l'assimiler à une maxime ou un proverbe ?
2. Quel est l'effet produit sur l'homme par l'éducation selon Victor Hugo?
3. Montrez que les images de l'homme sans éducation sont effrayantes.
La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d'une part, elle
met en dehors du programme obligatoire l'enseignement de tout dogme particulier; d'autre part, elle y place au
premier rang l'enseignement moral et civique.
L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'Église, l'instruction morale à l'école. Le législateur n'a
donc pas entendu faire une œuvre purement négative.
Sans doute il a eu pour premier objet de séparer l'école de l'Église, d'assurer la liberté de conscience et des
maîtres et des élèves, de distinguer en n deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances qui
sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances qui sont communes et indispensables à tous,
de l'aveu de tous.
Mais il y a autre chose dans la loi du 28 mars : elle a rme la volonté de fonder chez nous une éducation
nationale, et de la fonder sur des notions du devoir et du droit que le législateur n'hésite pas à inscrire au
nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l'éducation, c'est sur vous,
Monsieur, que les pouvoirs publics ont compté. En vous dispensant de l'enseignement religieux, on n'a pas
songé à vous décharger de l'enseignement moral; c'eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre
profession. Au contraire, 1l a paru tout naturel que l'instituteur, en même temps qu'il apprend aux enfants à lire
et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement
acceptées que celles du langage ou du calcul.
Jules FERRY, « Lettre aux instituteurs », 1883.
Avant d’enseigner quoi que ce soit qui que ce soit, au moins faut-il le conna tre. Qui se pr sente,
aujourd’hui, l’ cole, au coll ge, au lyc e, l’universit ? […]
Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né, pendant un intervalle bref, celui qui nous
sépare de la Seconde Guerre mondiale.
Il ou elle n’a plus le même corps, la même espérance de vie, n’habite plus le même espace, ne communique
plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde extérieur, ne vit plus dans la même nature ; né sous
péridurale et de naissance programmée, ne redoute plus la même mort, sous soins palliatifs. N’ayant plus la
même tête que celle de ses parents, il ou elle connaît autrement. […]
Trois questions, par exemple: Que transmettre? À qui le transmettre? Comment le transmettre ?
Que transmettre ? Le savoir !
Jadis et naguère, le savoir avait pour support le corps même du savant, de l’aède3 ou du griot4. Une
bibliothèque vivante... voilà le corps enseignant du pédagogue.
Peu à peu, le savoir s’objectiva5 d’abord dans des rouleaux, vélins ou parchemins, support d’écriture, puis,
dès la Renaissance, dans les livres de papier, supports d’imprimerie, en n, aujourd’hui, sur la toile, support de
messages et d’information.
L’évolution historique du couple support-message est une bonne variable de la fonction d’enseignement. Du
coup, la pédagogie changea trois fois: avec l’écriture, les Grecs inventèrent la paideia6 ; à la suite de
l’imprimerie, les traités de pédagogie pullulèrent. Aujourd’hui ?
Je répète. Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà, partout sur la toile, disponible, objectivé. Le transmettre à
tous ? Désormais, tout le savoir est accessible à tous. Comment le transmettre ? Voilà, c’est fait.
Avec l’accès aux personnes, par le téléphone cellulaire, avec l’accès en tous lieux, par le GPS, l’accès au
savoir est désormais ouvert. D’une certaine manière, il est toujours et partout déjà transmis. […]
Ne dites surtout pas que l’élève manque des fonctions cognitives qui permettent d’assimiler le savoir ainsi
distribué, puisque, justement, ces fonctions se transforment avec le support. Par l’écriture et l’imprimerie, la
mémoire, par exemple, muta au point que Montaigne voulut une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine.
Cette tête a muté.
De même donc que la pédagogie fut inventée (paideia) par les Grecs, au moment de l’invention et de la
propagation de l’écriture ; de même qu’elle se transforma quand émergea l’imprimerie, à la Renaissance ; de
même, la pédagogie change totalement avec les nouvelles technologies. […]
Face à ces mutations, sans doute convient-il d’inventer d’inimaginables nouveautés, hors les cadres
désuets qui formatent encore nos conduites et nos projets. Nos institutions luisent d’un éclat qui ressemble,
aujourd’hui, à celui des constellations dont l’astrophysique nous apprit jadis qu’elles étaient mortes déjà
depuis longtemps.
Michel Serres, Petite poucette, 2011
1. Pourquoi selon Michel Serres la pédagogie a-t-elle aujourd’hui besoin d’un renouvellement radical ?