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Séquence II | Penser une éducation idéale

Séance 1 | Initiation à l’exercice de l’essai


Objectif : préparer l’essai

Sujet d’entraînement :
Une bonne éducation est-elle intemporelle ou doit-elle tenir compte de l’époque ?

DÉFINITION ET MÉTHODE DE L’EXERCICE


L’essai est une réponse construite et argumentée à une question liée au parcours “La bonne éducation” et à
l’œuvre Gargantua au programme (“La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle”).. C’”est un exercice de
ré exion et d’argumentation dont le but est de convaincre.
Analyser la question
• identi ez les mots-clés pour assurer la compréhension du sujet
• reformulez le sujet et posez les questions qui en découlent (= la problématique)
Chercher des arguments
• Mobiliser vos connaissances : textes étudiés, œuvres de votre culture personnelle (livres, lms, séries,
tableaux, …), actualités, constats généraux sur le thème. Ne pas recourir aux anecdotes personnelles.
• Appuyez-vous sur le texte à contracter.
• Notez vos arguments en y associant vos exemples au brouillon, en pensant aux points communs mais aussi
aux divergences.
Construire un plan en fonction de la question posée, à l’aide de parties et sous-parties)
• Une question fermée (totale) à laquelle on peut répondre par “oui” ou par “non” : plan dialectique
• évitez de réduire la question à une opposition arti cielle et contradictoire
• préférez un plan progressif et concessif (“certes… mais…)
• proposez une réponse claire en n de devoir
• Une question ouverte : plan analytique (= chaque partie explorera un aspect de la question)
Rédiger l’essai
• Introduction :
• amorce qui amène la question du sujet (elle peut faire le lien avec le texte à contracter)
• question du sujet (clairement recopiée éventuellement reformulée en complément)
• annonce du plan et des grandes parties
• Développement
• En 2 ou 3 parties, composées d’arguments (sous-parties) qui forment un raisonnement répondant à la
question posée (= tout doit être clairement rattaché au sujet)
• Un argument = un paragraphe composé de l’idée, de l’explication de cette idée et d’au moins un
exemple commenté.
• Les connecteurs logiques doivent montrer la progression du propos
• Conclusion qui résume rapidement le raisonnement en apportant une réponse claire

1 • Préambule : éduquer ou instruire ?


Est-ce que l'école doit se charger entièrement de l'éducation des enfants sur tous les plans, ou se contenter
de l'instruction, de l'enseignement des savoirs ? Aujourd'hui par exemple, certains parents considèrent qu'elle
va trop loin quand elle s'immisce sur le terrain de la morale, de la sexualité.
Il y a bien de la différence entre les deux termes : le mot «éducation» est directement issu du latin educatio,
du verbe ducere qui signi e «conduire», «guider». En particulier dans le domaine des valeurs. Instruire,
l'instruction, c'est en revanche transmettre à la génération future un certain nombre de connaissances.
Extrait de l'émission « Les idées claires» de Danièle SALLENAVE, France Culture, 14 janvier 2014.

1. D'après ce texte, quelle est la différence entre «éduquer » et « instruire » ?


2. Quelle est l'étymologie du verbe « éduquer » indiquée dans cet extrait ? Cherchez l'étymologie du verbe «
instruire ».
3. Cherchez à quelle date, en France, l'«Instruction publique » est devenue l'« Éducation nationale».
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I. Un apprentissage de la liberté et de l’autonomie • 2
Enfant, on ne cesse de cirer à nos oreilles, comme si l’on versait dans un entonnoir, et l’on nous demande
seulement de redire ce que l’on nous a déjà dit. Je voudrais que le précepteur change cela, et que dès le début,
selon la capacité de l'esprit dont il a la charge, il commence à mettre celui-ci sur la piste, lui faisant apprécier,
choisir et discerner les choses de lui-même. Parfois lui ouvrant le chemin, parfois le lui laissant ouvrir. Je ne
veux pas qu'il invente et parle seul, je veux qu'il écoute son élève parler à son tour. Socrate, et plus tard
Arcésilas1, faisaient d'abord parler leurs élèves, puis leur parlaient à leur tour. “L'autorité de ceux qui enseignent
nuit généralement à ceux qui veulent apprendre.” [Cicéron, De natura deorum, 1, 5]
Il est bon qu'il le fasse trotter devant lui pour juger de son allure, et jusqu'à quel point il doit descendre pour
s'adapter à ses possibilités. Faute d'établir ce rapport, nous gâchons tout. Et savoir le discerner, puis y
conformer sa conduite avec mesure, voilà une des tâches les plus ardues que je connaisse ; car c'est le propre
d'une âme élevée et forte que de savoir descendre au niveau de l'enfant, et de le guider en restant à son pas.
Car je marche plus sûrement et plus fermement en montant qu'en descendant.
Michel de MONTAIGNE, «De l’institution des enfants», Essais, 1580

1. Comment les maîtres doivent-ils enseigner aux élèves pour plus d’efficacité ?
2. En quoi consiste, selon Montaigne, l’enseignement idéal ?
3. Quelle métaphore quali e l’élève dans ce texte ? Interprétez.

II. Une éducation par les choses • 3


Rousseau (1712-1778) est un philosophe des Lumières. Dans cet essai, il envisage l’éducation idéale d’un jeune garçon
ctif, Émile.

Rendez votre élève attentif aux phénomènes de la nature, bientôt vous le rendrez curieux; mais, pour nourrir
sa curiosité, ne vous pressez jamais de la satisfaire. Mettez les questions à sa portée, et laissez-les lui
résoudre. Qu'il ne sache rien parce que vous le lui avez dit, mais parce qu'il l'a compris lui-même; qu'il
n'apprenne pas la science, qu'il l'invente. Si jamais vous substituez dans son esprit l'autorité à la raison, il ne
raisonnera plus; il ne sera plus que le jouet de l'opinion des autres. Vous voulez apprendre la géographie à cet
enfant, et vous lui allez chercher des globes, des sphères, des cartes : que de machines !
Pourquoi toutes ces représentations? que ne commencez-vous par lui montrer l'objet même, a n qu'il sache
au moins de quoi vous lui parlez ! Une belle soirée on va se promener dans un lieu favorable, où l'horizon bien
découvert laisse voir à plein le soleil couchant, et l'on observe les objets qui rendent reconnaissable le lieu de
son coucher. Le lendemain, pour respirer le frais, on retourne au même lieu avant que le soleil se lève. On le
voit s'annoncer de loin par les traits de feu qu'il lance au-devant de lui. L'incendie augmente, l'orient paraît tout
en ammes; à leur éclat on attend l'astre longtemps avant qu'il se montre; à chaque instant on croit le voir
paraître; on le voit en n. [...] Ne tenez point à l'enfant des discours qu'il ne peut entendre. Point de descriptions,
point d'éloquence, point de gures, point de poésie. Il n'est pas maintenant question de sentiment ni de goût.
Continuez d'être clair, simple et froid; le temps ne viendra que trop tôt de prendre un autre langage.
Jean-Jacques ROUSSEAU, Émile ou de l’Éducation, 1762

1. Comment et à qui s’adresse ce texte ?


2. En vous appuyant sur les phrases négatives, expliquez quelle éducation rejette Rousseau. Quel type
d'éducation défend il au contraire? Quel exemple développe-t-il pour illustrer son propos?

III. Éducation et valeurs morales


A. TEXTE DE VICTOR HUGO • 4
Victor Hugo a écrit ce poème après une visite au bagne. Il y explique pourquoi l'éducation est si importante.

Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.


Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l'école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.

1 Socrate (v. 470-399 av. J.-C.) et Arcésilas (v. 316-241 av. J.-C.) sont des philosophes qui ont diffusé leurs systèmes de pensée sans
laisser de traces écrites.
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C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt.

[...] L'école est sanctuaire autant que la chapelle.


L'alphabet que l'enfant avec son doigt épelle
Contient sous chaque lettre une vertu; le cœur
S'éclaire doucement à cette humble lueur.
Donc au petit enfant donnez le petit livre.
Marchez, la lampe en main, pour qu'il puisse vous suivre.
La nuit produit l'erreur et l'erreur l'attentat.
Faute d'enseignement, on jette dans l'état
Des hommes animaux, têtes inachevées,
Tristes instincts qui vont les prunelles crevées,
Aveugles effrayants, au regard sépulcral2,
Qui marchent à tâtons dans le monde moral.
Allumons les esprits, c'est notre loi première,
Et du suif le plus vil faisons une lumière.
L'intelligence veut être ouverte ici-bas,
Le germe a droit d'éclore, et qui ne pense pas
Ne vit pas. Ces voleurs avaient le droit de vivre.
Songeons-y bien, l'école en or change le cuivre,
Tandis que l'ignorance en plomb transforme l'or. […]

Victor Hugo, «Chaque enfant qu'on enseigne », Les Quatre Vents de l'esprit, 1881.

1. Expliquez le premier vers du poème? En quoi peut-on l'assimiler à une maxime ou un proverbe ?
2. Quel est l'effet produit sur l'homme par l'éducation selon Victor Hugo?
3. Montrez que les images de l'homme sans éducation sont effrayantes.

B. TEXTE DE JULES FERRY • 5


À la suite de la loi du 28 mars 1882 qui rend l'école primaire obligatoire, Jules Ferry, alors ministre de l'Instruction
publique, explique dans une lettre adressée aux instituteurs comment ils doivent comprendre l'une de leur mission
essentielle : l'instruction civique et morale.

La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d'une part, elle
met en dehors du programme obligatoire l'enseignement de tout dogme particulier; d'autre part, elle y place au
premier rang l'enseignement moral et civique.
L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'Église, l'instruction morale à l'école. Le législateur n'a
donc pas entendu faire une œuvre purement négative.
Sans doute il a eu pour premier objet de séparer l'école de l'Église, d'assurer la liberté de conscience et des
maîtres et des élèves, de distinguer en n deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances qui
sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances qui sont communes et indispensables à tous,
de l'aveu de tous.
Mais il y a autre chose dans la loi du 28 mars : elle a rme la volonté de fonder chez nous une éducation
nationale, et de la fonder sur des notions du devoir et du droit que le législateur n'hésite pas à inscrire au
nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l'éducation, c'est sur vous,
Monsieur, que les pouvoirs publics ont compté. En vous dispensant de l'enseignement religieux, on n'a pas
songé à vous décharger de l'enseignement moral; c'eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre
profession. Au contraire, 1l a paru tout naturel que l'instituteur, en même temps qu'il apprend aux enfants à lire
et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement
acceptées que celles du langage ou du calcul.
Jules FERRY, « Lettre aux instituteurs », 1883.

2 Sépulcral : qui évoque la mort


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1. En vous appuyant sur les connecteurs logiques, faites apparaître la construction de ce texte et
distinguant les étapes à travers un schéma ou un plan.
2. Quels sont les types d'enseignement que Ferry oppose ? Lesquels sont désormais à la charge de
l’instituteur?

IV. Eduquer au XXIe siècle • 6


Philosophe français spécialiste de l’histoire des sciences, Michel Serres prononce ce discours à l’Académie Française en
2011 : il y explique que le numérique amène à une mutation en profondeur de l’être humain, et en particulier de ses facultés
de connaissances.

Avant d’enseigner quoi que ce soit qui que ce soit, au moins faut-il le conna tre. Qui se pr sente,
aujourd’hui, l’ cole, au coll ge, au lyc e, l’universit ? […]
Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né, pendant un intervalle bref, celui qui nous
sépare de la Seconde Guerre mondiale.
Il ou elle n’a plus le même corps, la même espérance de vie, n’habite plus le même espace, ne communique
plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde extérieur, ne vit plus dans la même nature ; né sous
péridurale et de naissance programmée, ne redoute plus la même mort, sous soins palliatifs. N’ayant plus la
même tête que celle de ses parents, il ou elle connaît autrement. […]
Trois questions, par exemple: Que transmettre? À qui le transmettre? Comment le transmettre ?
Que transmettre ? Le savoir !
Jadis et naguère, le savoir avait pour support le corps même du savant, de l’aède3 ou du griot4. Une
bibliothèque vivante... voilà le corps enseignant du pédagogue.
Peu à peu, le savoir s’objectiva5 d’abord dans des rouleaux, vélins ou parchemins, support d’écriture, puis,
dès la Renaissance, dans les livres de papier, supports d’imprimerie, en n, aujourd’hui, sur la toile, support de
messages et d’information.
L’évolution historique du couple support-message est une bonne variable de la fonction d’enseignement. Du
coup, la pédagogie changea trois fois: avec l’écriture, les Grecs inventèrent la paideia6 ; à la suite de
l’imprimerie, les traités de pédagogie pullulèrent. Aujourd’hui ?
Je répète. Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà, partout sur la toile, disponible, objectivé. Le transmettre à
tous ? Désormais, tout le savoir est accessible à tous. Comment le transmettre ? Voilà, c’est fait.
Avec l’accès aux personnes, par le téléphone cellulaire, avec l’accès en tous lieux, par le GPS, l’accès au
savoir est désormais ouvert. D’une certaine manière, il est toujours et partout déjà transmis. […]
Ne dites surtout pas que l’élève manque des fonctions cognitives qui permettent d’assimiler le savoir ainsi
distribué, puisque, justement, ces fonctions se transforment avec le support. Par l’écriture et l’imprimerie, la
mémoire, par exemple, muta au point que Montaigne voulut une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine.
Cette tête a muté.
De même donc que la pédagogie fut inventée (paideia) par les Grecs, au moment de l’invention et de la
propagation de l’écriture ; de même qu’elle se transforma quand émergea l’imprimerie, à la Renaissance ; de
même, la pédagogie change totalement avec les nouvelles technologies. […]
Face à ces mutations, sans doute convient-il d’inventer d’inimaginables nouveautés, hors les cadres
désuets qui formatent encore nos conduites et nos projets. Nos institutions luisent d’un éclat qui ressemble,
aujourd’hui, à celui des constellations dont l’astrophysique nous apprit jadis qu’elles étaient mortes déjà
depuis longtemps.
Michel Serres, Petite poucette, 2011

1. Pourquoi selon Michel Serres la pédagogie a-t-elle aujourd’hui besoin d’un renouvellement radical ?

3 poète récitant ses vers à haute voix dans la Grèce antique


4 musicien récitant en Afrique
5 se transforma en réalité étudiable

6 système d’instruction développé en Gr!ce antique









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