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Les causes de cette crise sont, je crois, évidentes ; elle n’est imputable3 à
aucun gouvernement, à aucune administration, mais à un ensemble de
tendances qui se sont peu à peu développées dans l’opinion en général. Il y a
d’abord l’attrait légitime4 des découvertes scientifiques et techniques de notre
temps, qui fait oublier ce qui devrait les compléter ; il y a surtout l’urgence
créée par les difficultés sociales et économiques, qui exigent de trouver un
gagne-pain rapide ; il y a d’autre part le respect passionné de la liberté de
l’enfant, respect qui va souvent à l’encontre de ses intérêts ; c’est là alors que
s’affaiblit l’action éducative de la religion et de la famille. Ainsi, tout l’aspect
de l’éducation qui est formation de l’esprit et du caractère tend à passer au
second plan. M’étant occupée de ces aspects pendant tant et tant d’années
d’enseignement, j’aimerais signaler une ou deux des disciplines ou des
méthodes qui se trouvent souffrir de ce divorce, alors même qu’elles
apportent une aide considérable dans la vie pratique, et qu’elles présentent
une valeur exceptionnelle pour ce développement d’ordre moral.
Et pour commencer, parlant au nom de l’Académie française, je voudrais
placer en tête la maîtrise de notre langue. C’est un fait que les exigences en ce
domaine ont été depuis bien des années amoindries 5, et le souci d’une langue
correcte paraît un luxe vain6. Pourtant, toute la vie et même les réussites
matérielles les plus simples dépendent de la facilité que l’on a à exprimer
clairement et correctement sa pensée, à comprendre celle des autres et à
éviter ainsi le malentendu. Cela commence avec le premier entretien pour
1
L’éducation : L’éducation vient du latin ‘’ducere’’ qui veut dire conduire ; c’est l’action sur le long terme qui vise à la
formation d’un être humain, sur tous les plans, physique, intellectuel, moral, civique et éventuellement religieux ; éduquer
signifie élever (dans tous les sens du terme, former) ; l’enseignement comprend la transmission de connaissances et de
savoir-faire. L’éducation comprend aussi un ‘’savoir-être’’ (avec les autres). L’éducation incombe certes au personnel
éducatif, mais d’abord à la famille.
2
L’Académie française est une institution qui date du XVIIème siècle (1635) ; elle se compose de 40 membres chargés de
rédiger et de mettre à jour un Dictionnaire de la langue française …
3
Imputer qque chose à : mettre sur le compte de quelqu’un ; accuser, rejeter la faute sur ; attribuer la faute ou la
responsabilité à …
4
légitime : à juste titre.
5
amoindries : diminuées
6
vain : inutile
obtenir un emploi, cela continue avec la défense de n’importe quel projet
parmi ses égaux, soit dans le cadre de son activité professionnelle, soit dans le
domaine de la politique. Et cela trouve un achèvement dans le maniement
même d’une pensée personnelle, utile à tous. Mais il y a plus : l’incapacité à
s’exprimer ou à comprendre l’autre de façon correcte et complète a des
conséquences bien connues : c’est le recours à la violence ! Parce que l’on ne
trouve pas ses mots, on en vient aux coups ! Et parce que l’on ne comprend
pas la thèse des adversaires, on s’entête en vaines querelles. Un vrai
maniement de la langue française n’est donc pas un luxe plus ou moins
périmé7, mais le meilleur et le plus nécessaire moyen qui existe pour aboutir à
un vrai progrès dans le domaine moral de l’individu et dans la vie collective à
laquelle il participe.
Mais attention ! Comprendre la pensée des autres avec exactitude
suppose que l’on comprenne aussi la pensée de ceux qui nous ont précédés,
et ici se révèle une autre ignorance qui me paraît dangereuse. Pour trop de
jeunes, à l’heure actuelle, bien qu’ils aient étudié l’histoire, la réalité ne
commence vraiment qu’avec leur propre naissance. Tout ce qui précède
appartient à un domaine confus, à un magma 8 indifférencié que l’on pourrait
appeler une sorte de temps virtuel. En fait, les moyens modernes
d’information rendent tous les événements comme contemporains les uns
des autres et, trop souvent, déforment les œuvres pour les adapter au goût
du jour. J’ai eu bien des exemples de cette étrange tendance : elle a été
décrite dans certains livres sur les sociétés à venir ; or elle se perçoit déjà
nettement dans l’enseignement. (…) Même les erreurs du passé, quand elles
ont été comprises et bien perçues, sont une aide pour mieux construire
l’avenir. Autrement, on est voué au sort de ces jeunes enfants livrés à eux-
mêmes sur une île déserte et qui cherchent en vain à fonder une société sans
avoir, pour les aider, la connaissance d’un passé. Je pense au livre de William
Golding, Sa Majesté des Mouches. Il est malgré tout étrange qu’à une époque
où se marque une si vive et si louable curiosité à l’égard des peuples
différents, qui sont nos contemporains à travers la planète, il existe ce refus
d’intérêt pour ce qu’a représenté notre passé, encore présent dans notre vie.
Il serait urgent de rappeler aux nouvelles générations que tout avenir se
construit en fonction d’un passé qui vous aide et vous porte plus loin. (710
mots)
7
périmé : ancien, passé de mode, dépassé
8
un magma : une bouillie épaisse.
Jacqueline de Romilly, membre de l’Académie française,
« Enseignement et éducation », discours prononcé lors de la
rentrée solennelle des cinq académies, 2008.
Consigne : Vous résumerez ce texte au quart de sa longueur, avec une marge de + ou –
10 %, soit 177 mots, avec une marge comprise entre (177 – 17 =) 160 et (177 + 17 =) 194.
1ère étape : Comprendre le texte / Retrouver l’enchaînement logique du texte (le plan) /
Rechercher des synonymes pour REFORMULER.
1er paragraphe :
1/ Le thème du texte (de quoi parle-t-il) ? Surlignez le ou les mots-clés.
3/ Quelle est la thèse (le point de vue) affirmée par Jacqueline de Romilly ? Surlignez les
phrases et/ou mots-clés.
5/ 1er § : J. de Romilly constate un phénomène, en explique les causes : Quelles sont-elles
(selon elle) ? Repérez-les. Reformulez-les.
1er paragraphe :
1/ Le thème :
L’éducation, plus précisément la « crise » de l’éducation, l.1.
= le « divorce » (l.13) entre la transmission de connaissances (« l’enseignement intellectuel ») et la
transmission de valeurs morales et de postures (« formation morale », « formation de l’esprit et du
caractère », l.10 et « développement d’ordre moral », l.15).
Pour comprendre clairement de quel divorce il s’agit, il faut lire le 1 er paragraphe du discours intégral
(extrait mal coupé ds le cahier d’exercices – Le 1 er § du discours est primordial = il contient la thèse) : le
divorce entre « enseignement intellectuel et formation morale ».
3/ Phrases et mots-clés :
« crise »,
« divorce »,
l.5 « qui fait oublier ce qui devrait les compléter »,
l.9-11 « tout l’aspect de l’éducation qui est formation de l’esprit et du caractère tend à passer au second
plan. »,
l.15, au sujet des 2 disciplines malmenées, « elles apportent une aide considérable dans la vie pratique,
et (…) présentent une valeur exceptionnelle pour ce développement d’ordre moral. »
4/ Voir texte.
OR, maîtriser la langue, c’est essentiel pour s’exprimer comme pour comprendre la pensée d’autrui
(qu’il s’agisse de postuler pour un emploi, de défendre un projet, de penser par soi-même). De surcroît,
sans les mots, ne reste que la violence.
La conclusion : DONC, savoir s’exprimer n’est ni superflu, ni dépassé ; c’est vital pour l’élévation morale
de l’individu comme pour la communauté.
§3 :
Le 2ème pb constaté : Mais comprendre la pensée des autres implique de connaître l’histoire des idées. La
2ème discipline qui souffre de ce divorce, c’est l’Histoire. Trop de jeunes méconnaissent le passé, même
proche, nébuleux, confus, presque fictif. Les media contemporains abolissent la temporalité (la notion
de temps), la chronologie, lacune déjà avérée dans l’enseignement.
POURTANT, les erreurs du passé, bien comprises, sont éclairantes ; sans cela, comment prétendre
fonder ou renouveler une société ?
La conclusion : Quelle contradiction, cette curiosité pour l’ethnologie et cette indifférence au passé qui
cependant perdure dans nos vies. Pas d’avenir qui ne se fonde sur le passé.
2ème § : La 1ère de ces disciplines = la maîtrise de la langue, négligée, méprisée, déconsidérée, non jugée
indispensable.
Or, elle est nécessaire pour s’exprimer comme pour comprendre autrui, indispensable dans les
domaines professionnel, politique et personnel, pour convaincre ou penser par soi-même. De plus, les
mots sont l’alternative à la violence. Elle est donc essentielle au développement individuel et utile à la
collectivité.
3ème § : L’Histoire, soit la connaissance du passé, de l’histoire des idées, sans déformation, et la notion de
temporalité sont nécessaires pour comprendre les différentes idéologies, éviter les erreurs du passé,
fonder l’avenir.
La crise de l’éducation, qui fait passer la formation (10) morale de l’individu au second plan,
privilégiant la formation (20) intellectuelle, est un phénomène de société qui s’explique par (30) l’attrait
pour les innovations scientifiques et technologiques, le contexte (40) socio-économique défavorable, et
enfin une éducation libérale qui proscrit (50) la contrainte, même si elle se retourne contre l’enfant. (60)
Voilà comment on oublie la dimension morale de l’éducation (70) qui doit former l’esprit et le caractère.
Je voudrais (80) justement évoquer deux disciplines qui pâtissent de ce divorce entre (90) formation
intellectuelle et morale.
Premièrement, la maîtrise de notre langue (100), négligée, n’apparaît plus comme fondamentale.
Or, elle est essentielle (110) pour s’exprimer, comprendre, indispensable dans les domaines
professionnel, politique (120) et personnel, pour convaincre ou pour penser par soi-même (130). De
surcroît, sans la parole, reste la violence. Savoir s’(140) exprimer n’est donc ni superflu, ni dépassé, c’est
(150) vital pour l’élévation de l’individu comme pour la (160) collectivité.
De plus, la seconde discipline maltraitée, c’est l’(170) Histoire. Or, comprendre la pensée des
autres implique de connaître (180) l’Histoire des idées, sans déformation, dans la bonne temporalité
(190). Trop de jeunes méconnaissent le passé, même proche, nébuleux, presque (200) fictif. Les media
abolissent la temporalité, lacune déjà constatée dans (210) l’enseignement. Pourtant, les erreurs du
passé, bien comprises, sont (220) éclairantes. Quelle contradiction entre cette curiosité constatée pour
l’ethnologie (230) et cette indifférence au passé. Cependant, il n’est pas (240) d’avenir qui ne se fonde
sur la connaissance du (250) passé.
La crise globale de l’éducation, [qui fait passer la formation (10) morale de l’individu au second
plan, privilégiant la formation (20) intellectuelle,] qui privilégie la formation intellectuelle à la formation
morale, [est un phénomène de société qui] s’explique par (30) l’attrait pour les innovations scientifiques
et technologiques, le contexte (40) [socio-]économique défavorable, et [enfin] une éducation libérale
qui proscrit (50) la contrainte, [même si elle se retourne contre l’enfant], quitte à nuire à l’enfant. (60)
[Voilà comment] on oublie la dimension morale de l’éducation (70) qui doit former l’esprit et le
caractère. Je voudrais (80) [justement] évoquer deux disciplines qui pâtissent de ce divorce [entre (90)
formation intellectuelle et morale].
Premièrement, la maîtrise de notre langue (100), [négligée], n’apparaît plus [comme]
fondamentale. Or, elle est essentielle (110) pour s’exprimer, comprendre, [indispensable dans les
domaines professionnel, politique (120) et personnel,] pour convaincre ou [pour] penser par soi-même
(130). De surcroît, [sans la parole, reste la violence] elle évite la violence. Savoir s’(140) exprimer n’est
donc ni superflu, ni dépassé, [c’est] mais (150) vital pour l’élévation de l’individu comme pour la (160)
collectivité.
[De plus, la seconde discipline maltraitée, c’est l’(170) Histoire.] Or, comprendre la pensée des
autres implique de connaître (180) l’Histoire des idées, [sans déformation], correctement [dans la bonne
temporalité] (190). Trop de jeunes méconnaissent le passé, [même proche, nébuleux, presque (200)
fictif]. Les media abolissent la temporalité, lacune déjà constatée dans (210) l’enseignement. Pourtant,
les erreurs du passé, bien comprises, sont (220) éclairantes. Quelle contradiction entre cette curiosité
constatée pour l’ethnologie (230) et cette indifférence au passé. Cependant, il n’est pas (240) d’avenir
qui ne se fonde sur la connaissance du (250) passé.
16 9 = -7
-1
8 6 = -2
-1
-1
6 4 = -2
2 1 = -1
-10
2 1 = -1
-9
-5
-2
-8
6 1 = -5
-1
-2
= -58
= 192.
Résultat :
189 mots.
L’ESSAI (L’ARGUMENTATION) : Méthode par l’exemple.
Sur le thème de « La bonne éducation ».
ACTIVITE
ARGUMENTS EXEMPLES
Savoir s’exprimer permet de … (à vous de Jacqueline de Romilly donne des exemples concrets
continuer en fonction des exemples donnés). pris dans la vie courante : l’entretien d’embauche, le
fait de défendre un projet dans sa vie professionnelle,
dans l’engagement politique, la vie associative ...
On pourrait ajouter à cette liste le fait de se sentir
concerné par un débat, impliqué, apte à suivre le
débat, à y participer …
ARGUMENTS EXEMPLES
Ex : Lequel vaut mieux de Christian de Neuvillette, amant de
Gargantua, dans le 1er roman de Roxane qui a l’infortune de ne pas savoir s’exprimer (dans
Rabelais intitulé Pantagruel, écrit ceci à Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand) ou de Don Juan,
son fils Pantagruel parti étudier à Paris :personnage de Molière, beau parleur sans foi ni loi qui ne
« science sans conscience n’est que respecte jamais sa parole auprès des femmes qu’il séduit
ruine de l’âme », autrement dit … (à puis délaisse ?
vous de formuler et de développer
l’argument). Ex : les maîtres sophistes de la Sorbonne, présents dans le
roman de Gargantua, comme maître Janotus de Bragmardo
(p.85-87, chap.19) ou Thubal Holoferne, savent discourir, ce
sont des maîtres de la rhétorique, mais ou ils parlent à vide
(comme maître Janotus), pour ne rien dire, soit ils ont l’art
de justifier tout et n’importe quoi, avec mauvaise foi (p.92,
chap.21).
La maîtrise de la langue est l’une des Ex : Dans Gargantua, Ponocratès (à vous de continuer).
acquisitions parmi d’autres d’une
éducation qui se doit d’ouvrir l’esprit et
de le rendre curieux en variant le
champ des connaissances, comme elle
se doit d’exercer le corps autant que
l’esprit, le plus grand nombre de
facultés.