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Droit pénal général

L2 Droit
La Rochelle Université
Année 2020/2021

Plan du Cours :

Introduction générale

Partie I : L'infraction

Partie II : L'auteur de l'infraction

Partie III : La neutralisation de l'infraction

Conclusion générale

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Introduction générale

Droit pénal ou droit criminel ?

Longtemps le droit pénal n'a pas porté ce nom, on désignait bien volontiers la même matière
sous le vocable de droit criminel et ce n'est qu'assez récemment que le basculement s'est opéré vers
l'expression de droit pénal qui s'est généralisée dans la quasi totalité de l'enseignement supérieur
français (dans les établissements anglo-saxon l'expression de « criminal law » pour sa part a
toujours largement cours).

On relèvera qu'en France la référence au droit criminel n'a toutefois pas complètement
disparu :
– vos enseignants sont des MCF ou des PR en Droit privé et sciences criminelles,
– certains services de police sont encore désignés comme Brigade criminelle même si, ici,
l'expression à un sens plus étroit,
– le service du Ministère de la Justice en charge des affaires pénales est La direction des
affaires criminelles et des grâces,

On voit donc qu'il y a une certaine difficulté à se séparer de cet ancien vocable de
« criminel » et cela pour une raison tout à fait compréhensible :
– le vocable de droit pénal est tout à fait explicite : le propre du droit pénal est de mener les
individus à une sanction très particulière la peine, qu'aucune autre branche du droit ne
pourrait employer,
– mais le vocable de droit criminel, lui, oriente vers un autre aspect très spécifique du droit
pénal : il s'intéresse à une catégorie bien particulière d'individus les criminels.

Les expressions de droit criminel et de droit pénal s'opposent donc mais, en réalité se
complètent, car :
– le criminel mérite une peine,
– la peine s'applique au criminel.

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Mais alors une nouvelle question se pose nécessairement : si l'on admet que le criminel
mérite une peine encore faut il s'entendre sur la notion même de criminel ? Nous allons donc
maintenant envisager ces deux manières de concevoir la matière, par le criminel et par la peine.

La notion de crime et de criminel

Nous commencerons par la notion de droit criminel et donc par la notion de crime et de
criminel puisque logiquement la peine ne doit intervenir que dans un second temps, lorsque un
crime a été commis et qu'un criminel est appréhendé.

Qu'est ce que le crime ?

La notion de crime est particulièrement difficile à cerner pour plusieurs raisons :

– sa variabilité dans le temps : beaucoup de comportements aujourd'hui considérés comme


légaux ont longtemps été considéré comme des crimes (les exemples sont multiples en droit
français : l'avortement qui est légalisé en 1975, l'homosexualité qui a longtemps été une
infraction mais cesse de l'être en 1971 ou encore le suicide qui n'est plus une infraction
depuis 1810).

– sa variabilité dans l'espace : certains comportements sont considérés comme répréhensibles


dans certains pays alors que dans d'autres ils sont considérés comme légaux. Les exemples
évoqués plus haut fonctionnent mais l'on constate également que dans certains pays la
consommation de produit stupéfiants et légale tandis qu'elle est strictement interdite dans
d'autres.

– sa variabilité en terme de gravité : on pourrait croire que le crime est une notion « unitaire »
en ce sens que tous les crimes sont comparables, que peut être tous les crimes seraient traités
de la même manière :
– la sagesse populaire connaît un adage qui accrédite cette idée « qui vole un œuf, vole un
bœuf » en ce sens que n'importe quelle violation de la loi pénale est une violation de la
loi pénale peu important la faible gravité du préjudice,

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– en réalité tous les « crimes » ne sont pas tout à fait comparables. Le droit français
procède même à une distinction entre les « crimes » en trois catégories selon leur
gravité :
– les infractions les plus graves, qui mènent aux peines les plus sévères, sont
expressément qualifiées de « crimes » : on y trouve essentiellement des infractions
contre les personnes telles que le meurtre ou le viol. Les peines encourue pour les
crimes peuvent aller jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité.
– les infractions de gravité intermédiaires sont qualifiés de « délits » : on trouve ici
souvent des infractions contre les biens telles que le vol, l'escroquerie ou encore
l'abus de confiance mais également des infractions contre les personnes telles que les
agressions sexuelles. Les peines classiquement encourues pour les délits sont un
emprisonnement d'une durée maximale de 10 ans et une amende dont le montant
maximal est fixé par le législateur.
– enfin, les contraventions sont la dernière catégorie d'infraction, classiquement les
moins graves. Elles ont la particularité d'être divisée en cinq « classes » de la 1ère à
la 5ème, la 5ème étant la plus grave et expose à des peines d'amende de gravité
croissante pouvant aller jusqu'à un maximum de 1500 euros pouvant être porté à
3000 euros en cas de récidive. On y trouve beaucoup de choses : les contraventions
routières par exemple mais également certaines violence légères exercées contre les
individus ou les animaux,
– Pour décrire cette grande subdivisions des infractions en trois catégories on parle
classiquement de la « classification tripartite des infractions » ou de la classification
« cardinale du droit pénal ». Deux remarques méritent toutefois d'être faites :
– cette distinction n'est pas que dans la gravité et la peine encourue : selon qu'une
infraction appartient à l'une ou l'autre de ces catégories la procédure applicable
va énormément changer : les crimes sont jugés par une cours d'assise composé de
magistrats professionnels et de jurés populaires après une longue procédure
d'instruction, les délits sont jugés par un tribunal correctionnel (rattaché au TJ)
composé de 1 ou 3 magistrats professionnels, les contraventions ne font souvent
l'objet d'aucun jugement au sens propre et les amendes directement appliquées
par un agent verbalisateur.
– la plupart des pays du monde n'adoptent pas cette distinction : par exemple en
droit anglo-saxon il n'existe que deux catégories d'infractions : les fellonies,

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équivalent de nos crimes, les misdemeanours, équivalent de nos délits. Les
contraventions sont en effet dans beaucoup de pays considérées comme de trop
faible gravité pour relever du droit pénal. Elles fond l'objet d'un traitement
différencié. En réalité le droit français prévoit un statut vraiment très particulier
pour les contraventions mais il persiste à considérer qu'il s'agit d'une composante
du droit pénal. En droit anglais, on enseigne presque pas les contraventions
comme relevant du droit pénal.

On le voit, le crime est variable dans le temps, dans l'espace, en terme de gravité, mais
également en ce qui concerne sa dénomination précise : crime / délits / contravention. Ce constat
amène à une remarque d'ordre sémantique et à une interrogation plus fondamentale :

• Pour ce qui est de la remarque sémantique : C'est peut être cette grande variabilité du crime
et fait que le vocable de droit criminel a été abandonné : les crimes ne sont qu'une catégorie
de comportement prohibés à coté des délits et des contraventions, parler de droit criminel
voudrait donc dire qu'on ne par que du droit des crimes … et pas du droit des contraventions
ou des délits :
• on parle donc de droit pénal parce que tous ces comportements ont pour trait commun
d'amener à une peine,
• et pour désigner tous ces comportements (crimes, délits, contraventions) il a fallu trouver
un vocable général : celui d'« infractions ». Le droit pénal est donc le droit qui
s'appliquent aux personnes ayant commis des infractions qu'il s'agisse de crimes, de
délits ou de contraventions.

• Pour ce qui est de l'interrogation plus fondamentale : Est-il possible de donner une
définition absolue ou invariable du crime ?
◦ Cette question est intéressante parce que la plupart des définitions du crimes sont
relativement simplistes et sans intérêt. Souvent le crime est défini comme « le
comportement qui expose son auteur à une peine ». Pour savoir ce qu'est un crime, il
faut donc savoir ce qu'est une peine parce qu'il suffit alors de trouver un comportement
passible d'une peine pour conclure que ce comportement est un crime. Toutefois, la
difficulté apparaît lorsqu'on s'interroge sur la notion de peine qui est généralement
définie comme « la mesure qui vient sanctionner la commission d'un crime ». Le crime

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est ainsi passible d'une peine qui sanctionne un crime qui est passible d'une peine.. On le
voit, la notion de crime serait relativiste : elle ne serait pas absolue elle serait fonction
selon les époques et les pays du rejet par le groupe social d'un certain comportement et
de la volonté de ce même groupe social d'appliquer à ceux qui adoptent ce
comportement une sanction que l'on considère comme suffisamment grave pour être une
peine. Les premiers sociologues qui ont étudié le crime au XIXème siècles estimaient
ainsi qu'il ne faut pas chercher à définir le crime autrement que comme « une atteinte
aux états forts de la conscience collective qui détermine l'application d'une réaction
sociale bien particulière qu'est la peine » (Emile Durkheim,1858/1917). Le crime est
donc entièrement social, il n'existe pas si la société ne l'a pas défini comme tel.
Durkheim explique même que l'existence du crime est un signe de bonne santé de la
société parce qu'en rejetant certains comportements, en les criminalisant et en les
punissant, cette société montre sa solidité son homogénéité et sa capacité à affirmer
collectivement des valeurs qu'elle veut protéger : la vie, la propriété, la stabilité de l'Etat
(le plan du Code pénal actuel reprend d'ailleurs cette distinction : infraction contre les
personnes, contre les biens, contre la nation, l'état et la paix publique). Durkheim illustre
son propos sur l'utilité du crime en le comparant au fonctionnement de l'organisme
humain lorsqu'il affirme que : « N'y a t il pas dans l'organisme des fonctions répugnantes
dont le jeu régulier est nécessaire à la santé individuelle ? ».
◦ Certains auteurs considèrent toutefois que ce point de vue n'est pas juste et qu'il est
possible de donner une définition absolue du crime, qu'il est même possible d'identifier
un noyau dur de la criminalité qui intégrerait des comportements qui de tout temps et en
tous lieux ont été considéré comme des infractions (on parle alors de mala in se par
opposition au mala prohibita). Pour cela, ils remontent dans le temps et vont chercher
dans « le code d'hammourabi » à Babylone, dans la loi des douze tables à Rome, dans le
décalogue ou encore dans la loi salique des comportements qui auraient toujours été
interdit et punit. Ce noyau dur pose problème toutefois pour plusieurs raisons :
▪ personne n'est réellement d'accord pour dire ce qui en relèverait : le meurtre, l'inceste
et le vol sont relativement consensuel, mais le viol ? L'avortement ? Le suicide ?
L'homosexualité ? Parfois évoqués ne sont pas toujours pris en compte par les
auteurs,
▪ les faits démontrent que aujourd'hui beaucoup de ces comportements sont
parfaitement autorisés dans beaucoup de pays : il est donc difficile d'affirmer qu'ils

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ont toujours été interdit partout,
▪ même pour le meurtre qui est généralement considéré comme interdit fondamental il
faut reconnaître que l'application de la peine de mort, les meurtres justifiés par la
légitime défense ou par l'état de guerre font qu'il est parfois tout à fait légitime et
sans conséquence juridique d'ôter la vie à quelqu'un.

On le voit le crime est surtout une affaire de société. Les sociétés évoluent, finissent par
accepter des comportements qu'elles ont longtemps refusé et parfois également par refuser des
comportements qu'elles avaient pu tolérer jusque là. En France, à l'heure actuelle, c'est la loi qui est
en charge de la détermination des infractions : on parle d'un principe de légalité criminelle sur
lequel nous reviendrons plus tard.

Comment identifier le criminel ?

Le crime est donc une affaire de société, c'est également une affaire d'homme puisque le
crime est aujourd'hui principalement le produit d'un individu personne physique :
• cela n'a pas toujours été le cas : sous l'ancien régime certains animaux pouvaient être
poursuivis pénalement. Des procès ont ainsi pu être fait à des truies pour avoir dévoré vivant
des nouveaux nés laissés sans surveillance,
• depuis le nouveau code pénal de 1994, et sous certaines réserves, il est possible de
poursuivre des personnes morales pour les infractions qui auraient été commises par leurs
organes ou représentants.

Si l'on met de côté ces considérations, le crime est avant tout le comportement d'un être
humain mais, ceci étant dit, la question reste posée de la raison pour laquelle un individu pourtant
socialement intégré décide d'adopter un comportement que la société rejette pourtant. Beaucoup
d'explications très différentes ont été fournies pour expliquer le passage à l'acte de l'individu :
• certaines sont très circonstanciées : la prise de produits désinhibant tels que l'alcool ou les
produits stupéfiants, les circonstances de la vie telles que les déceptions amoureuses, les
échecs professionnels. Toutefois, tous les individus confrontés à ces circonstances ne
commettent pour autant pas d'infractions, il n'y a donc pas d'explications absolues et les
explications absolue sont souvent peu convaincante car trop radicales,

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• l'une des explications les plus absolues de la criminalité est celle qui a pu être proposée par
Cesare Lombroso, un médecin italien (1835-1909), qui propose la théorie du criminel né.
Selon lui, il existe un individu qui est criminel par essence et qui n'a donc pas le choix de sa
criminalité. Cet individu, serait la résurgence du sauvage primitif, de l'homme des cavernes,
et serait ainsi reconnaissable à son apparence physique : « les oreilles écartées, les cheveux
abondants, la barbe rare, les sinus frontaux et les machoires énormes, le menton carré et
saillant, les pommettes larges, les gestes fréquents, en somme un type ressemblant au
mongol et parfois au nègre » (L'homme criminel, publié à la toute fin du 19ème siècle). Par
ailleurs, ce criminel né, présente les traits suivants :
◦ une propension au tatouage : obscène / multiple / précoce,
◦ de cette propension et du constat que le criminel est souvent couturé de cicatrice il
déduit le second caractère du criminel : « une insensibilité physique comparable à celle
des fous et des aliénés »,
◦ une insensibilité morale : notamment s'éteint chez eux « la pitié pour la souffrance
d'autrui »,
◦ une propension au suicide … il exploite essentiellement des statistiques carcérales sur ce
point,
◦ la présence de certains trait d'esprits caractéristiques : instabilité / vanité / vengeance /
propension au vin et au jeu / paresse / imprévoyance / légèreté d'esprit
• Les théories de Lombroso qui sont résolument abandonnées à notre époque étaient déjà très
critiquées lorsqu'il les a formulées : il n'observe que des prisonniers condamnés,
généralement des cadavres, et beaucoup des caractères qu'il prête au criminel né sont
paradoxalement des caractères acquis plutôt qu'innés,
• D'autres théories ont été proposées pour expliquer le passage à l'acte, presque autant qu'il y a
d'auteur s'intéressant au phénomène. Celles de Durkheim retiennent l'attention même si elles
restent parfois trop vague pour expliquer la criminalité d'un individu. Durkheim et ses
successeurs soutiennent les théories du contrôle social : il estime que l'individu dès son plus
jeune age se voit en principe inculqué les codes sociaux qu'il s'agisse de la manière de se
vêtir, de s'exprimer ou de se comporter. Ces codes sont inculqués par des relais sociaux qui
sont aussi divers que la famille, l'école, l'université, la police, les clubs sportifs … L'individu
peut toutefois être confronté à un relais social défaillant qui ne remplit pas sa fonction, ou à
un relais social qui inculque des valeurs différentes de celles généralement admises : il
risque alors de se retrouver alors dans une situations « d'anomie » c'est à dire dans une

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situation ou il ne connaît pas la norme de comportement ou en connaît une qui ne
correspond aux critères de la société. C'est cette anomie qui expliquerait la délinquance.
• Pour d'autres auteurs encore, la délinquance s'explique parfois par un simple calcul
économique de l'agent : adopter une carrière délinquante est parfois plus rentable que
d'adopter une carrière licite. Ces individus peuvent éventuellement sortir de la délinquance
lorsque se maintenir dans la délinquance peut devenir trop risqué pour la situations sociale
dans laquelle ils se sont élevé.

On le voit, il existe une multitude d'explication au passage à l'acte d'un individu : une même
infraction peut s'expliquer par plusieurs considérations différentes. Un meurtre peut ainsi avoir des
motifs crapuleux, sentimentaux, religieux … En sommes, à la variété des crimes il faut encore
ajouter la variété des explications du crime. Il y a alors presque autant d'explications que de
délinquants.

On comprend donc que la réaction au crime, la peine, soit elle aussi très variable.

La notion de peine

Le droit pénal peut s'envisager par le crime et par le criminel : il peut également s'envisager
par l'implication du crime, c'est à dire la peine. Mais là encore on trouvera peu de certitudes
absolues.

Le code pénal ne définit pas plus la peine qu'il ne définit l'infraction. Tout au plus l'article
130-1 du Code pénal prévoit il que :
« Afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles
infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a
pour fonctions :
1° De sanctionner l'auteur de l'infraction ;
2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. »

Toutefois, au delà des fonctions assignées à la peine par l'article 130-1 du Code pénal, il a
longtemps été courant d'attribuer une multitude d'autres finalités aux peines.

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L'ancien Code pénal, par exemple, attribuait en son article 1er des finalités très distinctes
aux peines en fonction de la nature de l'infraction commise :

• les contraventions étaient frappée « de peine de police » : il s'agit de policer les


comportements, de s'assurer le maintien d'une organisation rationnelle au sein d'un groupe,

• les délits étaient frappés de peines « correctionnelle » : il s'agit de corriger les individus,

• les crimes étaient frappés de peines « afflictives et infamante » : il s'agit de frapper les
individus dans leur chair et de les déligner aux autres,

Cela n'a pas empêché les auteurs, parfois même bien avant l'édiction de l'ancien et du NCP,
de proposer leur énumération propre des finalités de la peine :

• un but de prévention générale et individuelle : l'un des tenants de cette conception est Cesare
Beccaria qui s'oppose en 1764 à une conception classique, afflictive, des peines lorsqu'il
écrit « que le but des peines n'est ni de tourmenter et affliger un être sensible, ni de faire
qu'un crime déjà commis ne l'ait pas été ». La peine remplit, selon lui deux autres objectifs
« empêcher le coupable de causer de nouveaux dommages à ses concitoyens et de dissuader
les autres d'en commettre de semblable ». Il propose alors que les peines soient choisi par les
gouvernants de telle manière à ce qu'elle « fassent l'impression la plus efficace et la plus
durable possible sur l'esprit des hommes, et la moins cruelle sur le corps du coupable ».
◦ de fait dans beaucoup d’États européens la peine de mort est abolie dès le 19ème siècle,
en France elle ne le sera que tardivement mais une réflexion est engagée très tôt sur la
manière de donner la mort : la guillotine fait ainsi office de moindre mal que les
techniques antérieures plus cruelles (pendaison, démembrement, garrottage),
◦ le recours à la torture et aux supplices physiques est également écarté dans beaucoup de
législations européennes à la même période (France L. 28 avril 1832) : il faut toutefois
préciser que la torture en tant que telle n'a pas toujours été considérée comme une peine
mais plutôt comme un moyen d'investigation (ord. Criminelle de 1670),

• pour d'autres la peine poursuit une finalité rétributive (rétribution) : la peine est la
compensation d'un mal causé.

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◦ La compensation peut se faire de différentes manières : longtemps on a employé la
rétribution « par équivalent ». La fameuse Loi du Talion, qu'on rattache en particulier
mais sans exclusive au Code d'Hammourabi vers 1730 av. J.-C., en est l'exemple
classique. C'est toutefois à l'Exode que l'on doit l'expression : « œil pour œil, dent pour
dent »,

◦ Plus tard la rétribution prendra la forme d'une compensation pécuniaire « le prix de


l’offense » que l'on pourrait rapprocher de l'amende : en France l'exemple le plus
marquant est celui de la loi Salique qui, dans sa version de 798 par Charlemagne,
détaillait par le menu les compensations prévues pour la commission de chaque
infraction : la lecture des titres de la loi Salique en matière pénale est très évocatrices des
valeurs protégés à l'époque d'un société très rurale (vol de bestiaux, crainte des
incendies, enlèvement d'esclave, subtilisation ou destructions des moyens de travail
[moulins ; barques])

◦ Mais il faut faire preuve de discernement : on utilise souvent comme exemple des
époques ou la justice était plus collective qu'individuelle. Le groupe auquel appartenait
l’agresseur versait alors une compensation pécuniaire au groupe auquel appartenait la
victime. La comparaison avec l'amende n'est donc pas correcte puisqu'elle est versée à
l’État et pas à la victime ou à son groupe,

◦ Toutefois : ces dernières années on sent un retour de l'idée que la peine aurait pour but
de se rapprocher d'une compensation entendue comme une réparation :
▪ il existe désormais une peine de « sanction réparation » au sein du Code pénal (art.
131-8-1 CP) depuis une loi de 2007. Il s'agit d'une peine tout à fait originale qui
consiste pour l'auteur des faits à .. « réparer » le préjudice causé à la victime,
▪ le code de procédure pénale promeut la mise en place d'une « justice-restaurative »
(art. 10-1 CPP) ainsi décrite : « toute mesure permettant à une victime ainsi qu'à
l'auteur d'une infraction de participer activement à la résolution des difficultés
résultant de l'infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature
résultant de sa commission »,

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• pour d'autres encore, la peine vise à la sécurisation du groupe social : il s'agit d'éviter que
l'individu dangereux ne nuise de nouveau. Plusieurs mesures sont alors envisageables :

◦ la neutralisation définitive (peine de mort),


▪ la peine de mort elle-même sera abolie par une loi du 18 septembre 1981 et la
prohibition de la peine de mort sera même élevée au niveau constitutionnel par une
loi constitutionnelle du 23 février 2007 instaurant un article 66-1 au sein du Titre
VIII consacré à l'autorité judiciaire de la constitution selon lequel : « Nul ne peut être
condamné à mort ».
▪ la réintroduction de sanctions de cette nature est hautement improbable puisque,
outre les dispositions nationales, il faut compter avec un certain nombre de textes
internationaux dont la CEDH qui prohibe : la torture et les traitement inhumains ou
dégradant (art. 3), et la peine de mort (pas au sein de l'art. 2 qui considère que la
mort peut être infligée « en exécution d'une sentence capitale prononcée par un
tribunal au cas ou le délit est puni de cette peine » par la loi, mais par l'art. 1 du
protocole 13 à la Convention selon lequel « La peine de mort est abolie. Nul ne peut
être condamné à une telle peine ni exécuté. », protocole ratifié par la France en
2008),
◦ la neutralisation peut être également simplement temporaire :
▪ le 19ème siècle est célèbre pour certaines méthodes d'éloignement de l'individu : la
déportation/la relégation/la transportation qui consistent toutes dans un éloignement
de l'individu hors de la métropole (Colonies / Guyane / Nouvelle-Calédonie /
Louisiane), il faut survivre au transport et à la vie sur place quand le déplacement
n'est pas définitif. Alfred Dreyfus est condamné à la déportation en 1894 et il passera
plusieurs années sur l'Ile du Diable en Guyane avant d'être gracié en 1899. Ces
mesures disparaissent définitivement au milieu du 20ème siècle,
▪ mais il existait déjà des mécanismes de mise à l'écart des individus bien avant (l'ord.
1670 prévoyait déjà les galères ou le bannissement ; qui seront plus tard remplacés
par le bagne quand l'usage des galères aura perdu de son intérêt et qui sont un
précurseur de la prison mâtiné de travaux forcés souvent dans des villes portuaires
Brest/Toulon/Rochefort),
▪ l'emprisonnement se développe surtout à compter du 19ème siècle et de la
Révolution française.

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• le fait que la neutralisation puisse n'être que temporaire montre que la peine peut poursuivre
un autre but, celui d'amender le condamné : littéralement « amender une personne » c'est la
rendre meilleure, la corriger. Ce but de la peine ne peut être atteint qu'à la condition que l'on
considère que l'individu est « récupérable » :

◦ il s'agit donc d'un objectif inatteignable si l'on considère l'individu comme un criminel
né (V. Lombroso),

◦ il s'agit en revanche d'un objectif envisageable si l'on considère que l'individu est doué
de libre arbitre ou si l'on considère que l'individu a été influencé par son environnement :
il est possible de « l'éduquer » de l'orienter vers les bons choix ou de l'extraire d'un
milieu ou d'une situation criminogène (l'Ecole de la Défense Sociale Nouvelle, mI. 20e.
S., préconise l'application de « mesures de sûreté » plutôt que de peines aux « individus
dangereux »),

◦ ici encore, le 19ème siècle et le 20ème siècle n'ont pas inventé grand chose :
l'amendement était l'un des objectifs principal des punitions infligées au titre du droit
canonique. Il fallait amener le pécheur à admettre son comportement et à s'améliorer.

◦ d’où l'objectif de réinsertion que l'on retrouve et qui est mis en œuvre par les SPIP :
Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation.

On le voit donc, il y a beaucoup de choses à dire sur le droit pénal et sur le droit criminel :
on sent bien que d'une époque à l'autre l'objet de notre étude est largement amené à varié mais les
interrogations en ce qui concerne le droit pénal peuvent parfois aller plus loin. Nous allons en
envisager certains autres qui correspondent à des mouvements récurrent de la matière.

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Les tendances du droit pénal :

Nous allons maintenant envisager ces dernières tendances en essayant de nous orienter vers
l'essentiel à l'orée d'un cours de DPG et alors que beaucoup seront étudiées par ailleurs :

• Le mouvement de victimologie : orienté autour du crime, du criminel et de la peine subie


par le criminel il semble bien que la victime est la « grande oubliée » du droit pénal. Cette
affirmation doit toutefois être précisée :
◦ il est vrai que le droit pénal n'a pas besoin de victime pour fonctionner : sa
préoccupation essentielle n'est pas de protéger les victimes, qui ont déjà subit un
préjudice, ni de réparer leur préjudice, ce rôle est dévolu au juge civil,
◦ son fonctionnement n'est d'ailleurs pas conditionné, contrairement à ce qu'en dit l'idée
commune, par une plainte de la victime : la plainte n'est obligatoire que pour la poursuite
de certaines infractions très limitée, notamment en matière de droit pénal de la presse,
◦ la victime a toutefois toujours eu le droit de joindre son action civile à l'action publique
pour obtenir la réparation des dommages causés par l'infraction,
◦ ce silence sur la victime, parfois peut être également une attitude inadapté dans l'accueil
des victimes par le système judiciaire, à amené un mouvement de prise en compte accrue
des droits des victimes :
▪ mise en place de droit équivalent ou quasi équivalent à ceux du suspect dans la
procédure,
▪ obligation d'information quasi systématique sur ses droits en cours de procédure,
▪ et existence d'un véritable « droit à la vengeance » garanti par le Code de procédure
pénale à l'article 418 du Code de procédure civile (« La partie civile peut, à l'appui
de sa constitution, demander des dommages-intérêts correspondant au préjudice qui
lui a été causé. »). A défaut de formuler une demande de dommage intérêt, on estime
que la victime vient simplement soutenir l'action publique menée par le Ministère
Public : on parle d'une action civile « vindicative » de sa part.

• L'auxiliarisation du droit pénal : Il s'agit plus d'un constat que d'un mouvement mais il est
révélateur. S'il est indéniable qu'à une époque ancienne, le droit pénal était un ensemble
strictement borné à des infractions clairement identifiées, limitées en nombre et ne visant
que des comportements relativement grave, ce temps est révolu :

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◦ le Code pénal actuel n'a plus grand chose à voir avec son ancêtre de 1810 ou même de
1994. Le nombre de comportements incriminés n'est même plus connu des initiés et des
comportements allant des sévices sur animaux, aux atteintes aux système de traitement
automatisés des données voisinent avec l'incrimination du Happy-Slapping et celle des
appels téléphoniques malveillants réitérés, tout cela à quelques articles des crimes de
guerre et des crimes contre l'humanité,
◦ mais plus que le Code pénal, il faut bien comprendre, aujourd'hui que le Droit pénal s'est
diffusé dans toutes les branches du droit. Il est présent dans tous les codes (de la
consommation, du travail, de commerce, de la sécurité sociale, rural et de la peche
maritime, de l'environnement, des douanes),
◦ la plupart des lois votées à l'heure actuelle sont accompagnées de dispositions pénales
destinées à en assurer l'efficacité et le respect,
◦ on estime ainsi que le droit pénal est l'« ultima ratio », le dernier recours, qui permet par
la menace d'une sanction sévère d'assurer le respect de certaines obligations légales,
◦ en réalité, l'utilisation systématique du droit pénal amène plusieurs problèmes :
▪ la masse actuelle d'incrimination existantes fait que dans certains secteur d'activité la
commission d'infractions est quasi systématiques : les auteurs d'infractions prévoient
à l'avance des sommes pour couvrir leur condamnations et comptent sur l’inattention
des autorités de poursuites,
▪ certaines infractions sont tellement spécifiques qu'il est nécessaire de créer des
services dédiés à leur recherche (inspection du travail ; DGCCRF ; douanes ; service
des impots) qui n'ont pas toujours les moyens de contrôler l'activité illicite dans leur
domaine de compétence,
▪ au final cette utilisation massive dans les textes sans que des moyens suffisants
soient mis en œuvre pose le problème de la crédibilité du droit pénal qui est même
concurrencé dans certains domaines par les autres branches du droit.

• La concurrence d'autres branches du droit :

◦ cette concurrence repose sur l'idée que le droit pénal ne serait pas assez efficace pour
encadrer certaines branches d'activités (trop lent dans sa mise en œuvre, trop
contraignant, empêchant de négocier pour se mettre d'accord sur les sanctions avec
l'auteur des faits). Tout un droit dit « para-pénal » s'est développé et est mis en œuvre par

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des autorités administratives indépendantes telles que l'AMF, la CNIL, le CSA, ou des
institutions disciplinaires, qui réglementent des secteurs spécifiques d'activité et peuvent
prononcer des sanctions pécuniaires parfois forte contre des opérateurs ne respectant pas
leurs obligations. Il y a là une forte concurrence du droit pénal mais également une
source de critique contres les AAI qui n'assumerait pas un rôle si efficace de sanction. Ce
mouvement a créé deux séries de problèmes :
▪ le respect des garanties procédurales,
▪ le respect du principe non bis in idem,

◦ Cette concurrence repose également sur l'idée que le droit pénal ne prends pas assez en
compte la protection de la société : une école en particulier est restée célèbre sur cette
question, celle de la défense sociale dont les principes ont été posé par Filippo
Gramatica dans son ouvrage « Principes de la défense sociale ». Ce mouvement n'a
jamais pris complètement en droit français, il a simplement amené un dédoublement des
notions classiques du droit pénal sous d'autres intitulés qui se caractérisent par leurs
imprécision : Gramatica proposait en effet un droit pénal sans infraction, sans
délinquant, sans responsabilité et, donc, sans peine.

Il ne s'agit évidemment pas de paralyser la réaction sociale face aux comportements


nuisibles mais Gramatica estime que le droit pénal est dépassé parce qu'il regarde du mauvais côté :
• le droit pénal regarde un « fait prohibé par la loi », c'est à dire une infraction,
• commise par un délinquant,
• qui sera déclaré responsable pénalement de ce « fait »,
• et auquel on appliquera une peine déterminée en proportion de la gravité « de ce fait ».

Pour Gramatica, le prisme est erroné, il faut s'intéresser à l'individu :

• sa première proposition consiste donc dans l'adoption d'un « droit pénal subjectif » qui ne
soit plus tourné vers le « fait », l'acte criminel, mais vers le « sujet », celui qui commet l'acte
criminel. Il s'agit de mettre au centre de gravité du système « la personnalité socio-bio-
psychologique » de l'individu : on écarte donc l'infraction et le délinquant,

• il ne s'agit alors plus de juger l'individu en fonction de la gravité de l'infraction qu'il a

16
commise : on abolit donc la responsabilité pénale classique et l'on y substitue une « notion
beaucoup plus large et plus proche de la réalité humaine et sociale, celle de la socialité ou
de l’anti-socialité du 'sujet' » : on abolit donc la responsabilité pénale → anti-socialité,
• et pour parachever ce nouveau système il faut s'attaquer au dernier concept du droit pénal
classique : la peine. Celle-ci doit être écartée car liée à l'infraction. Pour Gramatica, la
défense de la société « doit … plus rationnellement tendre … à l'amélioration, à la
récupération du sujet et surtout à la prévention des 'causes' qui ont rendu l'individu anti-
social ». Le slogan est alors : « non plus une peine pour chaque infraction, mais une mesure
adaptée à chaque individu. » et il liste :
◦ le malade doit être soigné,
◦ l'ignorant ou inadapté doit être rééduqué afin d'apprendre à vivre en société,
◦ celui qui est dans le besoin doit être aidé afin d'éviter que ses tendances égoïstes ne
l'emportent pas sur les contraintes sociales imposées par la loi,
◦ le pervers doit être retranché de la société dans un but de défense de la société et de
récupération sociale, et non de pure souffrance.
Plus de peine donc, mais des mesures sociales préventives, curatives et éducatives :
◦ indéterminées notamment dans leur durée,
◦ exécutées dans des maisons de prévention et de rééducation …

Ce qu'il y a de paradoxal dans cette école de la défense sociale c'est qu'elle se construit au
lendemain de la seconde guerre mondiale en opposition aux horreurs qui ont pu être commise par
les régimes totalitaires qui s'affrontaient mais qu'elle détricote complètement le droit pénal pour
aboutir à un système qui :
• conserve la même structure générale que le droit pénal (élément matériel de l'antisocialité /
élément psychologique de l'antisocialité / élément juridique de l'antisocialité)
• tout en brouillant les concepts classiques.
C'est à dire qu'elle permet la renaissance de l'arbitraire dans le traitement de la délinquance. André
Decocq, Professeur de droit pénal, expliquait que les bons sentiments des pères de cette doctrine ne
pouvait dissiper toute inquiétude quant à son application par des disciples trop zélés …

Aujourd'hui, le système de la défense sociale n'existe plus en tant que tel : il a été supplanté
par une nouvelle théorie « le droit pénal de l'ennemi » qui n'a de droit que le nom puisqu'il repose
entièrement sur l'idée d'une opposition entre les citoyens normaux qui méritent protection et celui

17
qui peut être identifié comme un ennemi et qui ne mérite plus la protection de la société et dont la
liberté, voire la vie, peuvent être sacrifiées. En France, réception partielle : pour le terrorisme et la
contestation politique (L.10 avril 2019 renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des
manifestations).
Le Droit pénal est un droit très évolutif, souvent caricaturé à l’extrême, sur-employé par le
pouvoir politique pour une sous exploitation pratique relativement marquée.

Pour lutter contre ces travers et surtout s'y retrouver en qualité d'étudiant et de juriste,
comprendre l'évolution de notre législation et l'apprécier à sa juste valeur il faut donc l'étudier par
un prisme technique en mobilisant certains notions fondamentales telles que :

• l'infraction : qui sera le concept clé de la matière (Partie I),


• son auteur : qui sera le protagoniste clé de la matière (Partie II),
• et la neutralisation de l'infraction : qui vient adapter l'application de la loi pénale dans
certains cas ou la répression ne se justifie plus (Partie III).

18
Partie I : L'infraction

L'infraction, nous l'avons dit, est ce comportement qui suscite de la part de la société cette
réaction particulière qu'est la peine » . L'objet de notre étude ne sera plus ici de nous demander
pourquoi un comportement est incriminé, il s'agit d'une question politique que les juristes ne sont
pas mieux placé pour résoudre que n'importe quel membre de la société, mais plutôt comment ce
comportement est incriminé.

La réponse évidente à cette interrogation est simple dans une société démocratique : une
décision est prise par l'organe politique démocratiquement désigné afin d'ériger en infraction un
certain comportement jugé nuisible. En bref, on incrimine, en France, en votant une loi pour
réprimer un certain comportement : l'infraction commence donc par un texte.

Ce texte, cette base légale, est couramment considérée comme l'élément légal de l'infraction
(Chapitre I) mais ce texte vise essentiellement à décrire le comportement que l'on souhaite réprimer,
on parle à son égard de « l'élément constituant de l'infraction ». Traditionnellement, le législateur
décrit ce comportement sous deux aspects : son aspect extérieur, à quoi ce comportement se
reconnaît et son aspect subjectif, l'état d'esprit de l'individu qui l'adopte. Il s'agit là des « éléments
constitutifs » de l'infraction : l'élément matériel (Chapitre II) et l'élément moral (Chapitre III).

19
Chapitre I : L'élément légal de l'infraction

Constituant de l'infraction, l'élément légal, entendu comme un texte décrivant l'infraction est
le préalable à toute action contre un délinquant : cette exigence est rattachée à un principe
contemporain du droit pénal le principe de la légalité criminelle que nous devons examiner dans un
premier temps (Section I). Nous envisagerons dans un second temps le domaine d'application de la
loi pénal dans le temps (Section II) et dans l'espace (Section III).

Section I : Le principe de la légalité criminelle

Ce principe est le fondement du droit pénal contemporain depuis la Révolution française, il


convient tout d'abord d'en envisager l'origine (Paragraphe 1) avant d'en envisager les implications
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'origine du principe de la légalité criminelle

La nécessité d'un texte exposant le comportement pour permettre sa répression peut paraître
évident dans une société comme la notre de droit écrit dans laquelle la loi a la prééminence mais il
faut bien comprendre que dans l'histoire du droit pénal le principe de la légalité criminelle est
relativement jeune, en tous cas en France. Il faut envisager la situation préalable au principe (I)
avant d'envisager son affirmation (II).

I : La situation préalable au principe

Sous l'ancien Régime un dicton voulait que « les peines sont arbitraires dans le Royaume de
France » : l'arbitraire étant le contraire de la justice on pourrait presque avoir l'impression qu'à cette
époque il n'existait pas de texte définissant les infraction, pas de texte définissant les peines et que
la répression confinait donc, peut être, à la seule volonté du souverain. Ce n'est pas tout à fait exact
sans être complètement faux.

Il faut tout d'abord bien comprendre qu'à une époque reculée de l'histoire française qu'on
qualifie souvent de « moyen-age », sans que cela soit trop précis, la justice n'avait pas la même
signification que de nos jours : elle n'était pas rendue au nom du souverain (ajdh le peuple français)
mais beaucoup plus au nom des seigneurs locaux qui disposait d'un « droit de justice » dont ils

20
étaient propriétaires.

Rendre la justice était ainsi une mission que les seigneurs s'octroyaient, parfois au nom du
roi, mais dont ils tiraient profits et ce « droit de justice » se transférait de manière successorale, il
pouvait même être démembré, le cas échéant entre plusieurs héritiers. La justice n'était pas un
service public, elle était une source de richesse pour son propriétaire qui monnayait ses services. On
comprend évidemment sous cet angle les abus et l'arbitraire qui pouvait se manifester
quotidiennement dans son rendu.

Le droit pénal/criminel n'existait pas alors en tant que tel : les comportements interdit était
essentiellement défini par la Coutume, parfois écrite, ou par les usages locaux. La loi salique posait
des règles, nous l'avons dit, mais d'autre règles pouvaient entrer en ligne de compte pour la
définition des comportements interdits : en France on trouve notamment la coutume de Bretagne qui
était le fruit de plusieurs siècle de pratique devant les cours de justice de Bretagne.

L'un des enjeux de l'affirmation progressive du pouvoir royal a donc été de concentrer
progressivement entre les mains du souverain le pouvoir de rendre justice : il s'agissait d’ôter aux
seigneurs une prérogative dont ils avaient pu abuser mais dont le Roi lui même comptait tirer profit.

Ce travail s'est fait progressivement :


• par la mise à l'écrit des coutumes préexistantes : la Coutume de Bretagne est ainsi
« rédigée » sous l'autorité du Roi à partir de 1580. Il ne s'agit toutefois pas de donner une
loi à tous les français mais simplement de rapporter dans un ouvrage unique la pratique
quotidienne du droit pénal. L'ouvrage à toutefois une certaine autorité mais des
dérogations sont toujours possible : il n'en reste pas moins que cette rédaction sous le
parrainage du Roi de France lui donne un surcroît d'autorité dans un domaine qui lui
échappait jusque là,
• par la prise de contrôle sur l'élaboration de la Procédure pénale : en France l'un des
premiers textes fondateur de la procédure pénale est la grande ordonnance criminelle de
1670. Le texte ne définit pas du tout les infractions et prévoit simplement la procédure à
respecter pour mener les investigations et juger les auteurs.
• par la prise de contrôle sur les acteurs de la Procédure pénale : le Roi confie la justice à ses
agent et elle sera progressivement rendue en son nom.

21
Il en reste qu'à la fin de l'ancien régime :
• il n'existe pas d'ordonnance royale compilant les infractions,
• il n'existe pas non plus de règle autre que coutumières quand à la détermination des peines,

Cette « insécurité juridique » est notamment un des éléments qui servit à la fin de l'Ancien
Régime pour asseoir l'idée d'un pouvoir despotique : pas de définition fixe des infractions et pas de
possibilité de prévoir les peines encourues. Les révolutionnaires tacheront de lutter contre cet
arbitraire par l'affirmation du principe de la légalité criminelle.

II : l'affirmation du principe

Le principe de la légalité criminelle trouve son affirmation concrète au travers de deux


instruments mis en place au tournant du 18ème et du 19ème siècle :
– premier instrument : La déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui, entre
autres dispositions pénales (son article 9 prévoit ainsi le droit à la présomption d'innocence
qui est la charpente même de la procédure pénale), prévoit dans son article 8 que : « La Loi
ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni
qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement
appliquée. » . Aujourd'hui, l'article 8 de la DDHC constitue le fondement constitutionnel du
principe de la légalité des délits et des peines, il est régulièrement mobilisé dans le cadre de
QPC.
– second instrument : le Code pénal de 1810, un des derniers codes adopté dans la période
Napoléonienne (après le Code civil de 1804 et le Code d'instruction criminelle de 1808 ; il
était toutefois précédé du « Code pénal de 1791 »). Le Code restera en vigueur malgré de
multiples modifications, parfois en profondeur, jusqu'en 1994. Il est, en lui même une
manifestations du principe de la légalité criminelle : pour la première fois, il existe un texte
unique définissant pour l'ensemble du territoire français les comportements pénalement
réprimés (auparavant coutume, jurisprudence et législations ponctuelles formaient un
ensemble à l'application disparate sur le territoire). Par ailleurs, le code tache de lutter contre
l'arbitraire des peines d'ancien régime : les peines sont désormais prévue à l'avance et pour
chaque infraction. Le juge doit désormais se tenir aux peines prévues par la loi. Toujours
afin de lutter contre l'arbitraire qui permettait aux juges de l'Ancien régime de choisir la
peine qu'ils appliquerait à l'individu, le Code fait le choix de l'égalité face à la peine (art. 12 :

22
« Tout condamné à mort aura la tête tranchée »). Le pouvoir des juges de moduler la peine
est limité par des peines fixes, non modifiables, ou par un système de fourchette.

On le voit le principe de la légalité criminelle existe en quelque sortes par sa propre


affirmation : ses implications plus pratiques doivent toutefois être précisées.

Paragraphe 2 : Les implications du principe de la légalité criminelle

Le principe de la légalité criminelle trouve essentiellement deux terrains de mise en œuvre


correspondant tant à la fonction de création de la norme pénale qu'à la fonction de mise en œuvre de
cette norme : dans les deux cas il s'agit de protéger la loi en tant qu'instrument de la volonté du
peuple et qui seule peut interdire et punir.
Le principe de la légalité criminelle oblige donc tant le législateur (I) que le juge (II).

I : Les implications à l'égard du législateur

Le principe de la légalité criminelle se traduit de plusieurs manière à l'égard du législateur


dont l'office est de créer la loi pénale. Cette loi doit exister, c'est le principe même de la légalité
mais elle doit également atteindre à une certaine qualité dans son élaboration. Ceci étant dit,
certaines limites sont constatable dans le travail du législateur.

A – Clarté du texte

Le principe de la légalité se présente essentiellement comme une exigence de clarté et de


précision pour le législateur qui doit définir sans discussion possible les comportements exposant
les individus à la répression : aucun doute ne doit exister quant à ce qui est autorisé et interdit, à ce
qu'il est possible de faire et à ce qui est puni. Le législateur doit donc prendre soin de définir avec
précision les éléments constitutifs de l'infraction dans le texte incriminateur. Or on ne peut que
constater qu'il n'a pas toujours été très rigoureux dans cette description. Deux affaires récentes,
ayant donné lieu à des décisions du Conseil constitutionnel sont représentative des malfaçons dans
le travail du législateur :
– une première affaire est relative aux infractions sexuelles incestueuses telles qu'elles ont pu
être définie par une loi du 8 février 2010 en ces termes (art. 222-31-1 du Code pénal) : « Les
viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de

23
la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre
personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime
une autorité de droit ou de fait. ». Cet article posait un problème singulier puisque
l'infraction pouvait s'appliquer « à toute personne » à condition d'être commise « au sein de
la famille ». Des requérants ont alors saisi le Conseil constitutionnel qui a considéré dans
une décision QPC du 16 septembre 2011 que : « s'il était loisible au législateur d'instituer
une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux , il ne
pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de
désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification,
comme membres de la famille ». En conséquence, il déclarait l'article 222-31 du Code pénal
contraire à la Constitution et au principe de la légalité des délits et des peines et procédait à
son abrogation immédiate. Comme souvent le législateur a alors revu sa copie pour établir
une qualification de l'infraction sexuelle incestueuse qui respecte les exigences du principe
de la légalité des délits et des peines. Le nouvel article 222-31-1 du Code pénal prévoit
désormais des qualifications claires qui ne renvoient pas à des concepts trop flous :
Article 222-31-1
• Modifié par LOI n°2016-297 du 14 mars 2016 - art. 44 (V)
Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont
commis sur la personne d'un mineur par :
1° Un ascendant ;
2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;
3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le
partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées
aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait.

– Une seconde affaire est également représentative des imprécisions du législateurs dans la
rédaction des incriminations, elle concerne l'infraction de harcèlement sexuel qui était ainsi
définie jusqu'au 5 mai 2012 : « Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de
nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. ». Pour le
Conseil constitutionnel, saisi par QPC, « l'article 222-33 du code pénal permet que le délit
de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient
suffisamment définis » : il abroge donc la disposition au 5 mai 2012. Dans ce cas également,
le législateur a du créer de nouveau une infraction de harcèlement sexuel :

Article 222-33

24
I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des
propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte
à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son
encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute
forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature
sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un
tiers.

B – Nécessité de la peine

Le principe de la légalité se double également d'une exigence quant au choix opéré par le
législateur sur la peine encourue : si l'on en suit l'article 8 de la DDHC la peine doit être
« strictement et évidemment nécessaire ». Cette exigence a les apparence de l'évidence, mais elle en
a également les limites et, ce, pour plusieurs raisons :

• 1ère raison : le texte en question est objectivement abscons (obscur et inintelligible) ! Il se


contente de dire que la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires.
◦ On comprend donc, « strictement et évidemment », qu'il y a une volonté d'encadrer très
fortement les peines prévues par le législateur qui doivent être nécessaire mais : on n'a
aucune idée de ce à quoi ces peines sont sensée être nécessaire.
◦ C'est d'autant plus confus que l'on sait que le peine peuvent être nécessaire pour des
raisons très différentes voire contradictoires : réinsertion, neutralisation amendement …
etc. …
• 2nde raison : le contrôle opéré par le Conseil constitutionnel sur la base de ce principe est
assez souple et il a eu l'occasion, depuis longtemps, d'indiquer qu'il ne se considérait pas le
mieux placé pour contrôler le respect de la nécessité des peines établies par le législateur.
◦ Selon lui : « en l'absence de disproportion manifeste entre les infractions et les
sanctions concernées, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer sa
propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la nécessité des peines
sanctionnant les infractions définies par celui-ci » (DC 20 janvier 1993 : Loi relative à
la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des
procédures publiques).

25
Évaluer ce principe de proportionnalité des peines est donc particulièrement délicat :
• le Conseil constitutionnel ne se livre donc qu'à un contrôle de la « disproportion manifeste »
entre l'infraction et la peine prévue par le législateur. Il n'a donc vocation à sanctionner que
les hypothèses ou les peines prévues seraient sans commune mesure avec l'infraction,
• le Conseil n'utilise pas, et c'est plus gênant, « le principe de nécessité des peines » en tant
que tel : il utilise un principe de proportionnalité des peines à l'infraction commise. Principe
qu'il créé de toute pièce sur la base d'un texte ne le mentionnant pas,
• enfin, lorsque le Conseil vient encadrer le pouvoir du législateur d'incriminer certains
comportement (c'est à dire de les sanctionner par une peine) il ne le fait pas sur la base du
principe de nécessité des peines : QPC 10 février 2017 (consultation habituelle de site
internet terroriste) il utilise l'art. 11 de la DDHC sur la liberté de communication. Il constate
que l'atteinte n'est pas nécessaire, proportionnée ni adaptée : pas de réf. à l'art. 8.

Enfin, il faut le dire, le principe de la légalité criminelle s'entendait à l'origine comme


impliquant nécessairement l'intervention du législateur pour créer les infractions pénales, lui seul
ayant, par définition, la disposition du pouvoir législatif. Sans être complètement démentie, cette
vision du principe de la légalité criminelle est franchement datée :

• premièrement et sans discussion possible : la loi a vocation expresse à créer les crimes et les
délits si l'on en croit l'article 34 de la constitution mais les contraventions ne sont pas
mentionnées dans l'énumération des compétences législative. C'est donc tout naturellement
au pouvoir réglementaire qu'incombe l'élaboration des infractions les moins graves mais
également les plus importantes en terme numérique,
• deuxièmement, il n'est plus possible de croire qu'aujourd'hui les infractions pénales sont
uniquement créées par le législateur français. D'une manière générale et relativement a de
nombreux type de criminalité le législateur français s'inspire de textes internationaux ou de
Convention signées et ratifiées par la France. La situation est fréquente, la France est très
souvent partie à des conventions internationale visant à lutter contre certains types de
comportements perçus comme nuisible au plan international : le blanchiment d'argent par
exemple a été intégré en droit français après la signature de multiple conventions
internationales (not. Convention de Vienne des Nations Unies du 20 décembre 1988 contre
le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes). Le législateur signe et ratifie la
convention et ensuite créée une loi intégrant l'infraction dans son code pénal,

26
• enfin, depuis le traité de Lisbonne de 2009, l'Union Européenne a la capacité de forcer les
États membres de l'Union à créer des infractions pénale par le biais de directives :

Article 83(ex-article 31 TUE)

1. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de directives


conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent établir des règles
minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des
domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension
transfrontière résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d'un
besoin particulier de les combattre sur des bases communes.
Ces domaines de criminalité sont les suivants: le terrorisme, la traite des êtres
humains et l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de
drogues, le trafic illicite d'armes, le blanchiment d'argent, la corruption, la
contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité
organisée.
En fonction des développements de la criminalité, le Conseil peut adopter une
décision identifiant d'autres domaines de criminalité qui remplissent les critères
visés au présent paragraphe. Il statue à l'unanimité, après approbation du Parlement
européen.

Le principe de la légalité criminelle a également des incidences quant au travail du juge qui,
d'une certaine manière se rapprochent de celles imposées au législateur.

II : Les implications à l'égard du juge

Nous scinderons ici les implications du principe de la légalité criminelle à l'égard du juge en
deux sous ensemble : elle se manifeste dans l'opération de qualification mais également dans le
choix de la peine opéré par le juge qui doit être motivé.

A – L'opération de qualification

La qualification juridique est une opération de vérification à laquelle se prêtent tous les
juges pénaux. L'idée est simple, confronté à un individu qui est soupçonné d'avoir commis une
infraction le juge pénal doit vérifier si le comportement constaté correspond à une infraction
pénale : pour cela il va vérifier que toutes les conditions posées par le texte incriminateur sont
réunies. Si c'est le cas, l'individu a commis l'infraction. Si ce n'est pas le cas, il n'y a pas d'infraction.
Ce travail de qualification se retrouve dans la motivation adoptée par les juges qui doit expliciter et
convaincre du choix de l'infraction qui a été retenue. Cette approche semble relever de l'évidence

27
mais il faut noter que jusqu'à très récemment les Cours d'assises n'avaient pas a motiver les
décisions de condamnation : on estimait que les réponses du jury aux questions posées par le
président de cours « L'accusé est il coupable de … ? » « Oui/non » suffisait à motiver la décision de
part le caractère souverain du jury. Depuis une loi du 10 aout 2011, et par crainte d'une
condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme, un des juges professionnels de la Cour
doit rédiger « une feuille de motivation » (art. 365-1 du CPP). Désormais, toutes les juridictions
pénales sont tenues de se justifier de l'opération de qualification.

Dans ce rôle de comparaison entre les faits et le droit, tout particulièrement en matière
pénale, le juge n'est pas sensé avoir d'initiative particulière ou de pouvoir d'interprétation de la loi :
il doit l'appliquer telle qu'elle est, sans y ajouter de condition, sans en retrancher. La Cour de
cassation a ainsi eu récemment l'opportunité de rappeler à des juges du fond que le délit de
harcèlement moral n'impliquer pas que le harcèlement ait porté atteinte à la santé physique et
mentale de l'individu ciblé : il suffit que l'auteur du harcèlement ait eu l'intention de porter atteinte à
sa santé physique ou morale par son comportement (Cass. Crim. 23 janvier 2018, n°16-87709) :

Article 222-33-2 En savoir plus sur cet article...


Modifié par LOI n°2014-873 du 4 août 2014 - art. 40

Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour
objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter
atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de
compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et
de 30 000 € d'amende.

Il faut toutefois être lucide également ici, le travail des juges et leur marge de manœuvre est
étroitement dépendant de la qualité du travail du législateur : plus le texte est précis moins le juge a
de marge, moins il est précis plus le juge a de marge. Le cas du recel de choses permet d'illustrer
cette situation de manière relativement parlante. Initialement, le recel de chose était incriminé par
l'article 460 de l'ancien code pénal :

Ceux qui, sciemment, auront recelé en tout ou en partie, des choses enlevées,
détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit, seront punis d’un
emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une amende de 10.000 F à 2.500.000
F ou de l’une de ces deux peines.

Bien maigrement défini, l'infraction trouva à s'appliquer à des individu qui pourtant ne donnez pas

28
l'impression d'être receleur au sens premier du terme comme un individu qui, sans avoir volé un
véhicule, avait été transporté comme passager par l'auteur du vol du véhicule dans lequel il avait
pris place. Selon la Cour de cassation :

Cass. Crim. 24 aout 1981, n°80-91768


L'article 460 du code pénal, qui est conçu en termes généraux, atteint tous ceux qui, en
connaissance de cause, ont par un moyen quelconque, bénéficie du produit d'un crime ou d'un
délit ; En l’espèce, en se faisant transporter dans une voiture automobile qu'ils savaient volee, les
demandeurs ont bénéficie personnellement du produit du vol.

Les auteurs de l'époque on considéré avec beaucoup de sévérité cette solution, à l'exception d'un
d'entre eux qui fit remarquer qu'on ne pouvait pas vraiment violer une loi aussi imprécise que celle
incriminant le recel. Le législateur saisit plus tard l'occasion de redéfinir l'infraction de recel
lorsqu'il créa le Nouveau Code pénal. Désormais, le recel est ainsi défini :

Article 321-1
Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire
office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un
crime ou d'un délit.
Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout
moyen, du produit d'un crime ou d'un délit.
Le recel est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.

On remarquera simplement que la nouvelle définition du recel profit n'est pas des plus précise
lorsqu'elle emploie l'expression de « bénéficier, par tout moyen ». Pour autant l'incrimination n'a
pas fait l'objet de contestation fructueuse et bien d'autres infractions ont recours à cette expression
de nos jours.

B – La motivation de la peine

La seconde obligation incombant au juge en vertu du principe de la légalité criminelle tient


au choix de la peine qu'il prononce contre le délinquant : cette peine également se doit d'être
conforme aux possibilité que lui confère le législateur. Aujourd'hui, il n'existe plus de système de
fourchette : le législateur fixe un maximum que le juge peut atteindre mais qu'il ne saurait dépasser.
Toutefois, pour choisir la peine dans la limite fixée il n'y a pas de guide : le juge doit individualiser
la peine en fonction des caractéristiques du délinquant mais il doit surtout s'expliquer sur son

29
choix : le motiver. Cette évidence, n'est toutefois pas toujours tombé sous le sens et une évolution
est notable ces dernières années :
• initialement et selon les textes seule la peine d'emprisonnement ferme devait faire l'objet
d'une « motivation spéciale » selon l'alinéa 3 de l'article 132-19 du CP : « Lorsque le
tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement sans sursis et ne faisant pas
l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux mêmes sous-sections 1 et 2, il doit
spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de
leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. »,
• la jurisprudence estimait donc a contrario que les autres peines n'étaient pas soumise à cette
exigence de motivation particulière et considérait, par exemple, en matière d'amende que si
la loi impose (art. 132-24) de tenir compte des ressources et charges de l'auteur de
l'infraction elle n'impose pas de motiver la décision. Dès lors, même lorsqu'ils prononcent le
maximum encouru les juges « ne font qu'user d'une faculté qu'ils tiennent de la loi » : (Crim.
22 octobre 2008),
• par ailleurs en matière criminelle : la peine n'avait pas à être motivée plus que la décision de
condamnation y compris après la loi de 2011 imposant la motivation de la condamnation.
Il en résultait une large liberté dans le prononcé des peines autres que l'emprisonnement ferme et
une impossibilité de contester les montant et les durées retenues pour les peines par les juges.

Cette liberté a été largement entamée au cours des dernières années par un changement de
jurisprudence de la Cour de cassation qui est subitement devenue plus exigeante :
• une première décision (Crim. 1er février 2017) : « en matière correctionnelle, le juge qui
prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction,
de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses
ressources et de ses charges »,
• une autre (Crim. 15 mars 2017) : « en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée
en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation
personnelle »,

Puis le mouvement s'est amplifié en matière criminelle et contraventionnelle :


• en matière criminelle : QPC n°2017-694 du 2 mars 2018 – (Motivation de la peine dans les
arrêts de cour d'assises). Les requérant estimaient que les exigences de motivation de l'arrêt
d'assise (art. 365-1 du CPP) consistant « dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui,

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pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises » en ce qu'elles ne
prévoient rien en ce qui concerne la peine retenue violent les principes de nécessité et de
légalité des peines, d'individualisation des peines, le droit à un procès juste et équitable, les
droits de la défense et le principe d'égalité devant la loi et la justice. Le Conseil considère
alors :
◦ que le législateur doit s'assurer de fixer des règles qui excluent l'arbitraire notamment
dans le prononcé et l'exécution des peines,
◦ que la motivation des jugements et arrêt, en application du principe d'individualisation
des peines, s'applique tant à la déclaration de culpabilité qu'à la peine elle même,
◦ l'article 365-1 du CPP, en n'exigeant pas la motivation de la peine en assise est donc
contraire à la constitution,
◦ son abrogation est toutefois reportée au 1er mars 2019 et, dans l'attente, il doit être
interprété comme imposant également au juge d'énoncer les principaux éléments l'ayant
convaincu dans le choix de la peine,
◦ le texte de l'article a été modifié par la loi du 23 mars 2019 et impose désormais
l'indication dans la décision de condamnation des « des principaux éléments ayant
convaincu la cour d'assises dans le choix de la peine »,

• En matière contraventionnelle : Crim. 30 mai 2018 (16-85777) la Chambre criminelle


revient sur cette position en des termes très intéressants :
« Attendu qu'en application des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, 485, 543 et 593 du
code de procédure pénale et des principes constitutionnels tels que dégagés dans la décision
n°2017-694 QPC du 2 mars 2018, la juridiction qui prononce une peine d'amende doit
motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la
situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ;
Que cette obligation de motivation s'applique en matière contraventionnelle ;
Attendu, toutefois, que, s'agissant de textes de procédure, l'objectif, reconnu par le Conseil
constitutionnel, d'une bonne administration de la justice, commande que la nouvelle
interprétation qui en est donnée n'ait pas d'effet rétroactif, de sorte qu'elle ne s'appliquera
qu'aux décisions prononcées à compter du présent arrêt ; »

Il faut évidemment se réjouir de l'exigence ici posée, il faut toutefois être lucide : la Cour de
cassation n'a pas réellement imposé une nécessité d'identifier la peine parfaitement adaptée à

31
l'individu. Une telle exigence serait impossible à satisfaire. Elle demande simplement aux juges
d'être explicite quant aux éléments qu'ils prennent en compte pour prononcer la peine :
• c'est gênant parce que la plupart des peines ne procèdent pas d'une individualisation à
l'audience mais de barèmes officieux employés par les juridictions,
• les juges vont donc devoir être plus précis en ce qui concerne la motivation de la peine mais
l'on ne sait pas encore si de simples précautions d'écriture ne permettront pas de satisfaire
l'exigence posée sans que les peines soit plus adaptées qu'elles ne l'étaient auparavant.

Ces éléments posés nous allons nous attacher aux deux corollaires du principe de la légalité
criminelle : son application dans le temps et dans l'espace.

32
Section II : L'application de la loi pénale dans le temps

Le principe de la légalité criminelle, outre ses implications à l'égard du législateur et du juge,


implique comme l'indique l'article 8 de la DDHC que « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi
établie et promulguée antérieurement au délit ». Cette règle est connue sous le nom de principe de
non rétroactivité de la loi pénale, nous l'envisagerons (Paragraphe 1) avant d'évoquer les multiples
exceptions qui l'affectent (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale

Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale correspond à l'idée relativement simple


selon laquelle on ne saurait punir un individu pour un comportement qui n'était pas, au moment ou
il a été adopté, une infraction.

Le principe trouve son assise textuelle dans plusieurs dispositions :


• à l'article 8 de la DDHC : « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée
antérieurement au délit »,
• à l'article 112-1 du Code pénal : « Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une
infraction à la date à laquelle ils ont été commis. »
• à l'article 7§1 de la CEDH : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission
qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit
national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était
applicable au moment où l’infraction a été commise ».

Le principe fonctionne ainsi assez simplement : la loi pénale ne dispose que pour l'avenir. Si
le législateur crée à un moment donné une nouvelle incrimination, celle-ci n'a pas vocation à venir
régir des situations antérieures quand bien même elles correspondrait parfaitement au
comportement que l'on entend désormais punir. Elle ne pourra jouer que pour l'avenir.

L'article 112-1 du Code pénal précise encore un peu plus le périmètre du principe : il
s'applique également aux peines encourues puisque selon lui « Peuvent seules être prononcées les
peines légalement applicables à la même date ». Il en résulte que le législateur si le législateur
modifie une incrimination en lui adjoignant une peine qui n'était pas encourue jusque là, cette peine

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ne pourra s'appliquer qu'aux individus qui commettrait l'infraction postérieurement à l'entrée en
vigueur de la loi nouvelle.

Deux situations sont toutefois à remarquer ici :


– celle des infractions qui ont commencé à se réaliser sous l'empire de la loi ancienne et qui
s'achèvent sous l'empire de la loi nouvelle,
– certaines infractions très particulières que personne ne pouvait réellement ignorer même si
aucun texte ne les prévoyait : il a ainsi été possible de juger des personnes comme Maurice
Papon et Paul Touvier pour complicité de crime contre l'humanité alors même que cette
infraction n'existait pas à l'époque ou ils ont commis les faits qui leurs étaient reprochés.

Schéma :

- crimes commis durant la seconde guerre mondiale (le crime contre l'humanité n'existe pas à
l'époque mais le meurtre, la séquestration et les violences oui),
- victoire des alliés qui passent les accord de londres du 8 aout 1945 instaurant le Tribunal militaire
international de Nuremberg pour juger les criminels nazis suivant des qualifications qui
n'existaient pas à l'époque et qui sont considéré comme imprescriptible,
- décisions contre Touvier (fonctionnaire responsable de la milice à Lyon et impliqué dans
plusieurs assassinats de juifs) Cass. Crim. 1er Juin 1995 n°94-82590 94-82610 94-82614. Il se
plaint de l'application rétroactive de la loi pénale mais la Cour de cassation lui rétorque que :
• la répression des crimes de droit commun, constitutifs de crimes contre l'humanité au sens
du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg annexé à l'accord de Londres du
8 août 1945, relève selon ce texte de la loi nationale,
• la peine prononcée contre Paul X... entrait dans les prévisions des articles 296 (meurtre),
297 (assassinat) et 302 du Code pénal applicables au moment des faits,
• ainsi n'a pas été méconnu le principe de la non-rétroactivité de la loi pénal.
- la CEDH est en accord avec cette position en son article 7§2 : « Le présent article ne portera pas
atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui,
au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus
par les nations civilisées. »

34
Ce principe n'a rien de surprenant, il pourrait même paraître inutile en droit pénal dans la
mesure ou c'est également un principe connu du code civil qui prévoit en son article 2 que : « La loi
ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. ». On se tromperait lourdement
toutefois en retenant une telle approche. Le Droit pénal est particulier au regard du principe de non
rétroactivité dans la mesure ou dans son cas particulier la non-rétroactivité est garantie au niveau
constitutionnel par l'article 8 de la DDHC. La non-rétroactivité civile n'est garantie qu'au niveau
légal : il en résulte que le législateur civil peut adopter des lois expressément rétroactive quand il le
souhaite.
En pénal, une telle possibilité est radicalement à écarter même si des exceptions existent.

Paragraphe 2 : Les exceptions à la non-rétroactivité de la loi pénale

A priori un principe fondamental du droit pénal, il n'en reste pas moins que la non-
rétroactivité de la loi pénal trouve plusieurs exceptions expressément mentionnées par le Code
pénal. La justification de ces exceptions n'est pas la même selon que l'on envisage la rétroactivité de
la loi pénale plus douce (I) ou l'application immédiate des lois nouvelles de forme (II).

I : La rétroactivité de la loi pénale plus douce

Le droit pénal est évolutif et si dans certains cas le législateur crée de nouvelles
incriminations auxquelles le principe de non-rétroactivité de la loi pénale s'applique, il peut
également arriver au législateur de « dépénaliser » certains comportements.

Dans cette situations deux situations peuvent se présenter :


– l'individu commet l'infraction avant la loi abrogeant l'incrimination : il devrait être
pénalement responsable dans la mesure ou il a commis l'infraction à une époque ou elle
donnait lieu à répression. Il pourrait même être jugé en application de la loi ancienne
applicable au moment des faits.
– l'individu à l'inverse commet l'infraction postérieurement à la loi abrogeant l'infraction : il
n'est pas pénalement responsable puisque son comportement a cessé d'être une infraction.
On voit bien le problème qui se pose ici : pour un même comportement qui selon la société ne
mérite plus la répression, une poursuite serait quand même encore possible.

35
Le législateur a bien perçu ce problème lorsqu'il a prévu à l'article 112-1 al. 3 du Code pénal
que : « Toutefois, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée
en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles
sont moins sévères que les dispositions anciennes. » On parle pour décrire ce phénomène de la
rétroactivité in mitius de la loi pénale. Lorsque la loi nouvelle est plus douce que la loi ancienne,
c'est elle qui prime.

Toutefois, on perçoit une limite ici : le texte précise bien que la loi nouvelle ne s'applique
aux infractions commises avant son entrée en vigueur qu'à la condition qu'elle n'ait pas encore
donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée (ie expiration des voies de recours).
Il en résulte que si un individu est jugé définitivement coupable d'une infraction quelques jours
seulement avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle l'abrogeant, alors il reste pénalement
responsable et devrait purger la peine éventuellement prononcée. Ici encore la situation peut paraître
choquante. Le législateur a donc envisagé une autre possibilité pour limiter cette injustice. Il a
disposé à l'article 112-4 alinéa 2 du Code pénal que : « la peine cesse de recevoir exécution quand
elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d'une loi postérieure au jugement, n'a plus le caractère
d'une infraction pénale. ». Il en résulte que si un individu est en train de purger une peine à temps au
moment ou la loi nouvelle entre en vigueur, cette peine cesse de recevoir exécution. En revanche, si
c'est une amende qui a été prononcée et qu'elle a d'ores et déjà été recouvrée, elle ne donne pas lieu
à restitution.

Le mécanisme est favorable aux individus, indéniablement mais il peut avoir quelques
défaut que l'actualité récente a permis d'illustrer. En effet, l'abrogation d'une loi est souvent un choix
politique, parfois mûrement réfléchi, elle ne surprendra donc pas et ses conséquences sont souvent
évaluer à l'avance. Toutefois, une telle abrogation peut résulter, par exemple, d'une décision QPC du
Conseil constitutionnel qui décide qu'une incrimination viole, d'une manière ou d'une autre une
disposition à valeur constitutionnelle. C'est le cas du harcèlement sexuel qui a été le plus marquant
ces dernières années :
• en abrogeant par sa décision du 4 mai 2012 le harcèlement sexuel au 5 mai 2012 le Conseil a
rendu radicalement impossible la répression des actes antérieurs et postérieur de
harcèlement,
• le législateur lorsqu'il est intervenu pour réincriminer le harcèlement par la loi d'aout 2012
n'a alors pas completement réglé le problème des harceleurs, puisque cette nouvelle loi ne
pouvait s'appliquer aux harcèlements antérieur du fait de sa non-rétroactivité.

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La solution pour éviter les ruptures trop brusque dans la législation et de garder impuni des
comportements que l'on perçoit comme néfaste consiste donc à chercher des « qualifications de
repli » qui permettrait de réprimer les actes anciennement qualifiable de harcèlement sous une autre
qualification applicable à l'époque des faits mais qui n'a pas été abrogée : dans certaines affaires, les
juges du fond ont donc persisté à poursuivre les harceleurs sexuels mais sous la qualification de
harcèlement moral (ex. : Cass. Crim. 23 janvier 2018 (n°16-87709)).

Il faut donc évaluer les lois nouvelles plus douce avec circonspection : elles peuvent générer
certains problèmes plus politiques que juridique et puis elle peuvent n'être que plus douce en
apparence dans la mesure ou, vu le niveau de pénalisation actuel de la société française, il est
quasiment toujours possible de trouver une qualification de repli.

Nous allons maintenant voir que le législateur vient encore limité l'application rétroactive
des lois nouvelles dans un intérêt bien particulier.

II : L'application immédiate des lois nouvelles de forme

Ce sont les articles 112-2 et suivant du Code pénal qui fixent le régime de l'exception à la
non rétroactivité des lois de forme en matière pénale. L'idée est alors qu'une loi de forme (presque
synonyme de « loi de procédure » est immédiatement applicable à la répression des infractions
commises avant son entrée en vigueur. Le législateur s'arrange ainsi pour que la même procédure
soit appliquée devant les juridictions françaises indépendamment de la date de commission de
l'infraction. Si cette précaution n'était pas prise, cela voudrait dire que :
• les infractions commise avant la loi nouvelle seraient jugées selon l'ancienne procédure,
• les infractions commise après la loi nouvelles seraient jugées selon la nouvelle procédure.
Une telle situation serait trop compliquées à gérer pour les juridictions mais également pour les
services d'enquête et d'instruction qui devraient constamment jongler entre l'ancien et le nouveau
droit. Les lois de procédure ou de forme sont entendues au sens large par le législateur qui vise : les
lois de compétence et d'organisation judiciaire, les loi fixant les modalités des poursuites et les
formes de la procédure, les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines, les lois
relatives à la prescription de l'action publique et les lois relatives aux voies de recours.

37
Sans rentrer dans les détails, puisque ces questions concernent essentiellement le second
semestre et la procédure pénale, il faut toutefois faire quelques remarques :
• lorsqu'il est question de loi relative à l'exécution et à l'application des peines : le législateur
sait bien qu'une loi qui viendrait modifier le régime carcéral, le rendant plus dur, se
rapproche en pratique d'une loi pénale plus sévère. Si c'est le cas, cette loi n'est pas
appliquée aux infractions commises antérieurement à son entrée en vigueur,
• pour les lois de prescription la règle posée est que si le la prescription d'une infraction n'est
pas encore acquise au moment de l'entrée en vigueur de la loi, alors la loi nouvelle modifiant
le nouveau délai s'appliquera :
◦ si la loi nouvelle pose un délai plus long, alors le délai de prescription est allongé,
◦ si la loi nouvelle pose un délai plus court, alors il est possible que l'infraction soit
instantanément prescrite,
◦ enfin, cette loi peut même prévoir qu'elle qu'elle n'aura pas pour effet de permettre la
prescription des infractions commises avant son entrée en vigueur
La loi sur la prescription de l'action publique du 27 février 2017 allongeait ainsi la
plupart des délai de prescription mais sur certains point venait limiter la durée pendant
laquelle certaines infractions pouvaient être poursuivies. Pour éviter un procés en
laxisme, son article 4 prévoyait ainsi : « La présente loi ne peut avoir pour effet de
prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement
donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à
laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur
interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise. »

• Enfin, la question des actes de procédure réalisé sous l'empire de la loi ancienne mais qui ne
serai plus conforme à la loi nouvelle plus récente est réglée à l'article 112-4 du Code pénal
en ces termes : « L'application immédiate de la loi nouvelle est sans effet sur la validité des
actes accomplis conformément à la loi ancienne. ». Il en va d'une question de stabilité des
procédures : longtemps les nouvelles dispositions de procédure rendait les actes plus
protecteur des droits des parties et des actes d'enquête pourtant parfaitement conforme à
l'ancienne législation n'était plus conforme à la nouvelle. Pour éviter que des annulations
systématiques d'actes soient demandée le législateur a fait le choix de la stabilité des actes
anciennement réalisé.

On le voit, le refus de l'application rétroactive de la loi nouvelle peut également avoir un intérêt
pour les autorités de poursuites. Nous allons maintenant envisager la question de l'application de la
loi dans l'espace.

38
Section III : L'application de la loi pénale dans l'espace

Le droit pénal est un droit très national dont l'application a longtemps été limitée aux
frontière des États : on parle pour cela d'un principe de territorialité du droit pénal. Il s'ensuit qu'une
infraction relève traditionnellement de la compétence des juridictions et de la loi de l’État dans
lequel elle a été commise. Ce principe se déduisait de l'article 3 du Code civil selon lequel : « Les
lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire. ». Il comporte initialement
peu d'entorses : par exemple le code d'instruction criminelle de 1808 ne permet de poursuivre des
infractions commises en dehors du territoire de la République que dans deux hypothèses (art. 5 à
7) :
• si un français a commis en dehors du territoire de la république un crime attentatoire aux
intérêt fondamentaux de la nation. Elle est également compétente pour juger les complices et
co-auteurs étrangers de ces infractions qui viendraient à se trouver sur le territoire de la
République,
• si un français a commis un crime en dehors du territoire de la République contre un français,
Ce principe est toutefois mis à l'épreuve par le développement des échanges entre Etats et
l'avènement d'une criminalité transnationale qui a induit une diversification des titres de
compétence ouvert aux États.

La loi pénale française, si elle reste largement applicable aux infractions commise sur le
territoire de la République (Paragraphe I) s'étend donc désormais bien au delà au moyen de titres de
compétence extra-territoriaux (Paragraphe II).

Paragraphe I : La compétence territoriale

La compétence territoriale est principalement fondée sur l'article 113-2 du Code pénal qui
dispose : « La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la
République. » et qui précise immédiatement en son second alinéa que : « L'infraction est réputée
commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce
territoire. ». Pour prendre la dimension réelle de ce principe, il est donc nécessaire de préciser ce
que l'on entend par territoire national (I) et, une fois ce territoire délimité, comment s'opère la
localisation d'une infraction en son sein (II).

I : La délimitation du territoire national

39
La définition du territoire de la République implique de distinguer entre le territoire au sens
propre (A) et les espaces assimilés au territoire national (B).

A : Le territoire au sens propre

Sont compris au sens du territoire de la république les territoires sur lesquels s'exercent la
souveraineté française selon la jurisprudence (Crim. 23 février 1884 : Bull. Crim. 1884 n°52). Ce
qui inclut :
1. le territoire de la France métropolitaine et la Corse,
2. le territoire des départements et régions d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique,
Réunion et Mayotte),
3. le territoire des collectivités d'outre-mer (Polynésie française, Saint-Pierre et Miquelon,
Wallis et Futuna, Saint Barthélémy et Saint Martin),
4. le territoire de la Nouvelle-Calédonie,
5. les terres australes et antarctique françaises,
6. l'ile Clipperton,
Ni le code pénal, ni le code de procédure pénale ne contiennent cette liste, elle se déduit en réalité
de l'article 72-3 de la Constitution de 1958 selon lequel la République partage avec les populations
d'outre-mer « un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité » et qui contient cette
énumération

Le territoire de la république ne se limite toutefois pas à sa dimension terrestre et l'article


113-1 dispose ainsi que : « le territoire de la République inclut les espaces maritime et aérien qui lui
sont liés. ». S'ajoute donc à ce territoire terrestre un territoire maritime et un territoire aérien dont la
définition est posée par des conventions internationales.
En ce qui concerne le territoire maritime, c'est la Convention des nations unies sur le droit de
la mer, dite de Montego Bay, du 10 décembre 1982 qui dispose en son article 2 que : « La
souveraineté de l’État côtier s'étend, au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures (...) à une
zone de mer adjacente désignée sous le nom de mer territoriale ».
Plusieurs précisions s'imposent toutefois :
• l'article 3 de cette convention laisse les État libres de définir l'étendue de cette zone de mer
adjacente en limitant toutefois cette zone à la bande de mer d'une largeur de 12 miles
marins (22,25 km) jouxtant la limite terrestre,

40
◦ la France à utilisé la zone maximale de 12 miles marins,
• l'article 2 al. 2 de cette convention dispose quant à lui que : « Cette souveraineté s'étend à
l'espace aérien au-dessus de la mer territoriale, ainsi qu'au fond de cette mer et à son sous
sol.»
• l'article 33 de cette convention prévoit l'existence d'une autre zone s'étendant jusqu'à 24
miles marins du rivage dénommée « zone contiguë » sur laquelle l'état peut effectuer des
contrôles et réprimer les infractions « à ses lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires
ou d'immigration sur son territoire »,
En ce qui concerne le territoire aérien, c'est à la convention de Chicago sur l'aviation civile
internationale qu'il faut se référer et selon laquelle : art. 1 « chaque État a la souveraineté complète
et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire ». Ce territoire inclut selon l'article 2 «
les régions terrestres et les eaux territoriales y adjacentes qui se trouvent sous la souveraineté, la
suzeraineté, la protection ou le mandat dudit État. ».
En revanche, cette compétence est limitée à l'espace atmosphérique. L'espace extra
atmosphérique pour sa part, relève de convention internationales spécifiques qui renvoient à la
compétence de l'état de lancement de l'objet spatial dans lequel l'infraction aurait été commise. En
cas de changement de souveraineté sur un territoire, la jurisprudence estime que la France reste
compétente pour les infractions commise sur un territoire au moment ou sa souveraineté s’exerçait
sur celui-ci (Crim. 26 janvier 1966, n°65-91.605 : cassation des poursuites exercées sur un
fondement extra-territorial pour des faits commis en Algérie alors sous domination française).
Il ne semble pas qu'il y ait de décision allant en sens inverse mais on peut estimer que si un
territoire venait à devenir français, la loi française ne s'appliquerait pas aux infractions commises
avant le changement de souveraineté.

B : Les espaces assimilés au territoire national

La section consacrée aux infractions commises ou réputées commises sur le territoire de la


République comprend plusieurs autres dispositions qu'il faut maintenant développer :
• la question, notamment, des infractions commises sur les navires et aéronefs français qui
obéit à des règles communes posées par les articles 113-3 et 4 du Code pénal :
◦ quant aux infractions : la loi pénale française s'applique dans les mêmes situation aux
infractions commise :
▪ à bord des navires battant pavillon et des aéronefs immatriculés en France,

41
▪ à l'encontre de ces navires ou aéronefs,
▪ à l'encontre des personnes à bord de ces navires ou aéronefs,
◦ quant à la localisation du navire ou de l'aéronef : elle est indifférente,
▪ précision : pour les navires ou aéronefs militaire français : « seule » la loi française
est applicable selon le Code. Cela implique qu'aucune autre loi ne pourrait l'être à
raison d'un autre type de compétence (peu efficace puisque les Etat étrangers
pourraient dire le contraire dans leur propre loi) (il s'agit plus d'une manière
d'affirmer que ne bis in idem ne s’appliquera pas),
▪ dans le cas d'un navire ou d'un aéronef classique il existe potentiellement une
compétence concurrente (avec des aménagements prévus par des conventions),
▪ dans le cas d'un navire ou d'un aéronef militaire étranger : la France ne saurait
réciproquement être compétente quand bien même l'infraction aurait été commise sur
son territoire,

II : La localisation de l'infraction sur le territoire national

La localisation de l'infraction sur le territoire de la République est la seule et unique


condition d'application du principe de territorialité. Sont donc indifférents :
1. la nationalité de l'auteur,
2. la nationalité de la victime,
3. le lieu d'arrestation de l'auteur,
4. la nature de l'infraction commise,
Ces circonstances serviront, en revanche, dans le cadre des titres de compétence dit
extraterritoriaux.

Pour l'heure, seule compte la localisation de l'infraction sur le territoire de la république qui
se caractérise par la commission sur le territoire de la république d'un élément constitutif de
l'infraction selon l'article 113-2 du Code pénal (A) ou par l'existence d'un lien permettant de
rattacher au territoire de la République des comportements commis en dehors de ce territoire (B).

A : Les infractions commises sur le territoire de la république

La règle est simple : il suffit qu'un élément constitutif de l'infraction ait été commis sur le

42
territoire de la république pour que la loi française soit applicable à l'infraction. Peu importe donc
que l'infraction ait été entièrement commise, seul un de ses éléments est nécessaire. Le champ est
donc large :
• pour les infractions d'habitude : n'importe quel acte commis sur le territoire français permet
d'octroyer compétence aux juridictions françaises,
• pour les infractions complexes : n'importe quel élément commis sur le territoire français
permet de donner compétence aux juridictions françaises,
• pour les infractions continues : si la commission de l'infraction se prolonge sur le territoire
français elle rentre dans la compétence des juridictions françaises,
• pour les infractions de résultat : la localisation de l'infraction se fera indifféremment au lieu
de réalisation du comportement de l'individu ou au lieu de concrétisation de son résultat en
vertu de la « théorie de l'ubiquité »,
◦ la jurisprudence va même parfois loin dans ce sens puisque la contrefaçon est localisable
en France alors même qu'elle serait réalisée à l'étranger car elle peut porter atteinte à des
droits « localisés » en France : Crim. 2 février 1977, bull crim 41,
◦ on peut y rattacher les infractions en matière environnementale dont le résultat se fait
sentir sur le territoire de la république : V. l'affaire de l'Erika qui avait sombré en dehors
des eaux territoriales mais dont les rejets polluant avaient causés de graves dommage
aux cotes françaises Cass. Crim. 25 septembre 2012 (n°10-82938),
• pour les infractions d'omission : ces infractions posent problème dans la mesure ou elles
sanctionnent une inaction qui pourrait paraître difficilement localisable. Elles se trouvent
alors localisées au lieu ou l'action attendue auraient du être réalisée :
◦ la non-représentation d'enfant est localisée au lieu ou doit être accomplie la remise du
mineur (crim. 16 juillet 1969, bull crim n°228),
• pour les infractions commises sur internet : Il s'agit souvent d'infractions de presse qui
étaient localisable en France dès lors que le message était accessible sur le territoire
Français, peu importe l'origine du site internet le diffusant. Une évolution semble se faire
toutefois :
◦ certaines jurisprudences exigent ainsi que le site internet sur lequel l'infraction est
réalisée soit spécifiquement orienté vers le public français : crim 14 décembre 2010,
n°10-80.088,
◦ d'autres estiment que si des menaces proférées à l'étranger sont simplement rapportées
par d'autre médias, y compris français, elles ne sont pas localisable en France : crim 8

43
décembre 2009, n°09-82.120,
◦ la loi a désormais évolué pour donner une règle plus nette quant à la compétence des
juridictions françaises en matière d'infraction commise par le biais de l'outil
informatique. L'article 113-2-1 du Code pénal dispose ainsi que : « Tout crime ou tout
délit réalisé au moyen d'un réseau de communication électronique, lorsqu'il est tenté ou
commis au préjudice d'une personne physique résidant sur le territoire de la République
ou d'une personne morale dont le siège se situe sur le territoire de la République, est
réputé commis sur le territoire de la République. »,
• pour la tentative : un commencement d'exécution sur le sol français est suffisant mais pas un
simple acte préparatoire qui ne serait pas suffisant pour caractériser une tentative.

Le champ est d'autant plus large que la cour de cassation n'est pas très exigeante quant à la
localisation d'un élément constitutif de l'infraction en France : elle a pu juger qu'un recéleur à
l'étranger pouvait être appréhendé à travers la territorialité alors qu'il s'était contenté de passer des
coups de fils en France depuis l'Italie pour commander des pièces de camion volées (Cass. Crim.
1er octobre 1986).

Une question est toutefois débattue en doctrine, celle de la définition même des « faits
constitutifs » d'une infraction : on l'assimile généralement à « l'acte constitutif » c'est à dire aux
comportement de l'auteur de l'infraction. En revanche, beaucoup d'auteurs soutiennent que les
conditions préalables de l'infraction, des éléments qui sont nécessaires pour que l'infraction soit
commises mais qui ne relèvent pas nécessaire du comportement de l'auteur (l'existence d'un bien
approprié nécessaire au vol, l'existence d'une personne vivante pour l'homicide, la remise d'une
chose qui sera ensuite détournée pour l'abus de confiance) ne doivent pas être considéré comme des
éléments constitutifs de l'infraction. Ces conditions préalables ne seraient que des préalables
extérieurs à l'infraction, neutres pénalement et soumises au régime juridique propre à leur branche
d'origine. Elle n'aurait donc pas la faculté de localiser l'infraction. La position de la jurisprudence
sur cette question est toutefois loi d'être aussi nette que la doctrine le voudrait :
• la jurisprudence a ainsi pu considérer que l'abus de confiance pouvait être localisé au lieu de
remise de la chose quand bien même l'élément constitutif de l'abus de confiance, le
détournement, aurait lieu à l'étranger : Cass. Crim. 2 décembre 2009, pourvoi n°09-83271,
Dt Pénal 2010, Comm. 42, Obs. Véron,
• elle a également pu considérer que l'infraction principale était un élément constitutif du recel

44
et permettait de le localiser en France : elle a ainsi donné compétence aux juridictions
française pour un recel commis en Belgique d'objets volés dans des églises du nord de la
France, Cass. Crim. 26 septembre 2007, Bull. Crim. 224.

B : Les infractions rattachées au territoire de la république

Plusieurs mécanismes doivent être envisagés ici qui permettent d'établir un lien entre
certains comportement répréhensible et le territoire français :

• Le système propre à la complicité : qui doit être envisagé sous ses deux aspects :
◦ dans le premier cas, un acte de complicité va être commis en France pour une infraction
principale commise à l'étranger : la situation est régie par l'article 113-5 du Code Pénal
qui pose plusieurs conditions pour l'appréhension de l'acte de complicité par les
juridictions françaises,
▪ le mécanisme est limité à la complicité de crime ou de délit, pas à la complicité de
contraventions,
▪ la loi impose l'existence d'une « double incrimination » ou d'une « réciprocité
d'incrimination » ce qui signifie que l'infraction principale à laquelle se rapporte
l'acte de complicité doit être punissable tant au regard de la loi française que de la loi
étrangère. Toutefois, cela n'implique pas nécessairement que le comportement soit
incriminé de la même manière : il peut s'agir d'une incrimination plus large, il peut
s'agir d'un autre type d'infraction, la seule chose qui doit être prise en compte étant le
fait que ce comportement est également passible de sanction pénale à l'étranger,
▪ l'infraction principale doit avoir été constatée par une décision définitive rendue par
la loi étrangère,
◦ la seconde situation sera celle dans laquelle un acte de complicité est commis à l'étranger
pour une infraction principale commise en France : le code se désintéresse totalement de
cette hypothèse qui est généralement réglée en jurisprudence par l'assimilation de l'acte
de complicité à l'infraction principale au travers de la théorie de l'emprunt de criminalité,
▪ si l'infraction principale est commise en France alors tous les complices y compris
ceux qui ont agis depuis l'étranger peuvent être jugés par les juridictions françaises,
▪ la jurisprudence est venue préciser une autre hypothèse : celle dans laquelle un
individu est complice en France d'une infraction commise à l'étranger mais relevant

45
de la compétence des juridictions françaises sur un autre fondement que la
territorialité,
• on pourrait croire qu'il faille appliquer l'art. 113-5,
• en réalité le complice est directement appréhendé puisqu'il participe à une
infraction qui relève déjà de la compétence des juridictions françaises : crim. 20
février 1990, n°89.86.610,

• le système d'extension de compétence du à l'indivisibilité est le second système qui permet


de rattacher à la compétence française des infractions commises en dehors du territoire
national : en droit français indivisibilité et connexité permettent d'étendre la compétence
d'une juridiction aux infractions qui seraient indivisibles ou connexes avec des infractions
qui entreraient déjà dans sa compétence :
◦ la connexité rend cette extension facultative lorsque, art. 203 : « Les infractions sont
connexes soit lorsqu'elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes
réunies, soit lorsqu'elles ont été commises par différentes personnes, même en différents
temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles, soit
lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les
autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité,
soit lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit
ont été, en tout ou partie, recelées. »,
◦ l'indivisibilité, quant à elle, impose la jonction de procédure mais elle ne fait pas l'objet
de définition textuelle ce qui peut parfois poser de délicats problèmes de distinction avec
la connexité. Le législateur désigne ainsi le mécanisme de l'indivisibilité à l'art. 382 du
CPP mais n'en donne aucune définition : il faut donc se fier à la jurisprudence afférente à
cette disposition pour tacher d'approcher le sens de la connexité mais les définitions
retenues ne permettent pas réellement de faire la différence avec la connexité.
◦ à l'échelle internationale, il est pourtant couramment admis que l'indivisibilité autorise
une extension de compétence des juridictions françaises alors que la connexité est
généralement considérée comme insuffisante à produire un tel effet. Par ex. : le recel de
chose commis à l'étranger a pu être considéré comme relevant de la compétence des
juridictions françaises puisque étant indivisible de l'infraction principale commise en
France (crim. 23 avril 1981, bull. Crim. 116),
◦ la solution doit toutefois être envisagée avec circonspection puisque les problème de

46
définition de l'indivisibilité et de la connexité rendent très difficile de les distinguer et
d'autant plus que les cas de connexité de l'art. 203 sont considérés comme non exhaustif
par la jurisprudence. Par ailleurs, il est à remarquer que les textes eux mêmes ne font
jamais réellement mention des capacité internationales de l'indivisibilité. La
jurisprudence a donc la haute main sur ces questions.

Dernière précision à apporter pour bien comprendre le caractère radical de ce titre de


compétence territorial : son rapport au principe ne bis in idem (principe qui veux qu'un même
individu ne puisse pas faire l'objet de deux condamnation pour un même fait). On considère
traditionnellement que ce principe n'a pas de prise sur la compétence territoriale : la France est
souveraine sur son territoire et il lui est indifférent qu'un autre État ait déjà jugé voir condamné un
individu pour le fait commis sur le sol français. Techniquement cette solution se déduit du fait que
lorsque le législateur entend appliquer le principe ne bis in idem il le dit expressément, or ici :
silence. La rigueur du système s'atténue tout de même :
• la jurisprudence prend en compte la peine déjà purgée à l'étranger pour ce même fait qui sera
déduite de la peine prononcée par le juge français: Crim. 23 octobre 2013, n°13-83.499,
Crim. 15 avril 2015, n°15-90.001,
• les accords internationaux tendent à limiter ce rejet surtout dans l'espace Schengen mais la
France émet régulièrement des réserves pour conserver la faculté de poursuivre.

Nous allons maintenant envisager les titres de compétence extra-territoriaux.

Paragraphe II : Les compétences extra-territoriales

Les compétences extra-territoriales se sont développées progressivement afin de permettre


aux États d'appréhender des infractions commises hors leur territoire. Ces titres de compétences
sont a priori subsidiaires et ne joueront que dans l'hypothèse ou le principe de territorialité ne
joueraient pas. Comme ils sont également moins justifiés du point de vue d'une approche classique
du droit pénal, leur mise en œuvre est beaucoup plus contraignante que le système de la
territorialité. On peut distinguer les systèmes de compétence personnelle (I), du système de
compétence « réel » (II) et, enfin, du système de compétence dit « universel » (III).

I : Les systèmes de compétences personnelles

47
Ces systèmes de compétence permettent d'étendre la compétence d'un État à des infractions
commises hors de son territoire sur la base du critère de la nationalité de l'individu ayant commis ou
ayant subi l'infraction. Nous délimiterons ces compétence (A) avant d'envisager leurs conditions de
mise en œuvre (B).

A : délimitation des compétences :

Première hypothèse régie par l'article 113-6 du Code pénal : elle vise la situation ou l'auteur
d'une infraction commise à l'étranger est de nationalité française (on parle du système de
compétence dit de la « personnalité active » puisque c'est à raison de la nationalité de l'auteur que
les juridictions françaises se voient décerner compétence). La loi française sera applicable au
jugement de son comportement sous les conditions suivantes tenant à la nature de l'infraction :
• le système est toujours applicable si l'infraction commise est un crime,
• il est applicable aux délits sous réserve d'une réciprocité d'incrimination dans l’État de
réalisation de l'infraction,
Le texte précise que le texte sera également applicable à ceux qui aurait acquis la nationalité
française postérieurement à la commission de l'infraction.

Seconde hypothèse régie par l'article 113-7 du Code pénal : vise la situation ou la victime
d'une infraction commise à l'étranger (personnalité passive donc) est de nationalité française. La loi
française sera alors applicable sous réserve que l'infraction commise soit :
• un crime,
• un délit punit d'une peine d'emprisonnement,
Précision est ici faite que la victime doit être de nationalité française au moment des faits.

B : Mise en œuvre des compétences :

Pour la poursuite de ces infractions plusieurs conditions doivent être remplies :


• seul le ministère public peut engager de telles poursuites, ce qui exclut donc la citation
directe par la victime,
• une plainte de la victime ou une dénonciation des faits par l'Etat au sein duquel l'infraction a
été commise est nécessaire,
En pratique, ces deux conditions rendent très rare l'engagement des poursuites pour les

48
infractions en question.

Le principe ne bis in idem s'applique ici et la poursuite sera impossible si un individu :


• a été jugé définitivement à l'étranger pour ces faits,
• en cas de condamnation si la peine a été purgée ou prescrite.

Dans certains cas, ces conditions peuvent paraître trop restrictives, elles sont donc parfois
écartées notamment en matière d'agression sexuelles notamment sur mineur. Le législateur écarte
(art. 222-22 et 222-27-1) : l'exigence de réciprocité d'incrimination (s'agissant de délit le plus
souvent) et l'exigence d'une plainte ou d'une dénonciation. Ces conditions sont écartées afin de
faciliter la poursuite des infractions liées au « tourisme sexuel » qui sont rarement dénoncées y
compris par les parents des enfants subissant ces pratiques.

II : La compétence réelle

La compétence réelle n'a pas égard à la nationalité de la victime ou de l'auteur mais plutôt à
la nature du comportement réalisé. Elle permet à la loi française d'appréhender des comportements
réalisés en dehors du territoire national mais qui portent une atteinte toute particulière aux intérêts
de l'état français (art. 113-10 CP). Deux situations doivent être bien distinguées ici :
• sont visées des infractions spécifiques : les crimes et délits considérés comme des atteintes
aux intérêts fondamentaux de la nation et réprimés par le titre premier du IV du code pénal,
la falsification et la contrefaçon du sceau de l'Etat, de monnaie ou de billet,
• mais également tout crime ou délit, les infractions de droit commun donc, qui seraient
commise à l'encontre des agents ou locaux, diplomatique ou consulaire français,
Ce système est plus souple à mettre en œuvre puisque aucune condition n'est mise à l'exécution des
poursuites et que le principe ne bis in idem ne joue pas ici.

III : La compétence universelle

La compétence Universelle des juridictions françaises permet de poursuivre devant les


juridiction françaises un individu ayant commis une infraction à l'étranger mais qui n'entretiendrai
pourtant aucun lien avec la France : l'auteur est étranger, sa victime est étrangère, l'infraction
commise ne touche pas aux intérêt fondamentaux de la France et elle n'entretient aucun lien avec

49
une infraction qui relèverait de la compétence française à un autre titre. Il s'agit donc d'un titre de
compétence à mettre à part des autres titres de compétence extra-territoriaux, et ce, pour plusieurs
raisons.

Des raisons formelles tout d'abord :


• ce titre de compétence n'est pas prévu par le code pénal comme les autres mais par le code
de procédure pénale aux articles 689 et suivants,
• le législateur a rédigés les textes d'une manière différente :
◦ il ne dit ainsi pas comme dans le code pénal « que la loi française est applicable »
◦ il indique que les individus concernés par ce titre de compétence pourront être «
poursuivis et jugés par les juridictions françaises »,

Des raisons tenant à la mise en œuvre du mécanisme ensuite, puisque ce titre de compétence
ne trouve pas sa légitimité dans la seule volonté du législateur français d'appréhender des
comportements réalisés en dehors des frontières nationales : la légitimité de ce système provient de
conventions internationales qui donnent compétence à l’État français pour connaître de ces
comportements.

Il est donc nécessaire pour mettre en œuvre ce système :


• qu'une convention internationale donne compétence au juge français : ces conventions sont
listées dans le CPP et elles visent des infractions très spécifiques telles que la piraterie ou la
torture. Seules ces infractions peuvent donner lieu à poursuite au titre de ce chef de
compétence,
• que l'individu ayant participé à cette infraction se trouve sur le territoire français : les
poursuites ne peuvent être ainsi engagé qu'à la condition que l'individu soit en quelque sorte
à la disposition des autorités françaises.

Ces précisions étant posées, le législateur français a apporté sa touche personnelle au


mécanisme :
• sont aussi bien visé les auteurs que les complices de ces infractions,
• sont également visé les individus ayant tenté de les commettre,

Le code ménage néanmoins l'application du principe ne bis in idem comme en matière de

50
compétence personnelle.

Ce titre de compétence a posé un dernier problème quant à la loi applicable au jugement des
infractions en question. Certains auteurs se sont en effet demandé s'il n'était pas possible, dans la
mesure ou l'infraction commise n'a aucun lien avec la France, de faire juger l'infraction en
application de la loi du pays dans lequel elle a eu lieu. La question revenait donc à se demander si le
juge français a la possibilité d'appliquer la loi étrangère : le législateur ne dit en effet pas que « la loi
française est applicable » dans le cas de la compétence universelle. En réalité, deux arguments
permettent d'écarter cette idée et de donner application à la seule loi française :
• le principe classique de solidarité des compétence législative et judiciaire : qui veut que
lorsque une juridiction pénale est saisie d'une affaire pénale elle applique son propre droit
national,
• la rédaction des textes qui, bien que fondée sur des conventions internationales, renvoie à
aux articles du Code pénal français.

Ce titre de compétence a été utilisé notamment dans le cas d'un prêtre rwandais impliqué
dans le génocide rwandais et réfugié sur le sol français : l'infraction de torture qu'on lui reprochait
n'avait pas été commise sur le sol français, il n'était pas français, ses victimes n'était pas françaises
mais il avait pris la fuite pour se réfugier en France et une convention internationale donnait
compétence à la France pour connaître des infractions de torture commise à l'étranger (Cass. crim.,
6 janv. 1998 : Bull. crim., n° 2 ; D 2000 somm p 25 Y Mayaud).

51
Chapitre II : L'élément matériel de l'infraction

L'élément matériel de l'infraction (actus reus dans la littérature juridique anglo-saxonne)


correspond d'une manière générale à l'aspect extérieur, en quelque sorte visible-perceptible de
l'infraction : c'est essentiellement à lui que l'on va reconnaître le comportement infractionnel. On
estime parfois qu'il s'agit d'un déplacement du corps de l'individu auteur de l'infraction et plusieurs
exemple généralement pris pour illustrer :
– art. 311-1 du CP : le vol consiste à « soustraire », la jurisprudence parle même plus
précisément de « prendre, ravir, dérober » (Cass. Crim. 18 novembre 1837),
– art. 321-1 du CP : le recel consiste, entre autres, à « dissimuler » ou « transmettre » la chose
dérobée.
L'élément matériel pourrait donc s'entendre d'un mouvement corporel suffisant à caractériser
l'aspect matériel de l'infraction. Cette approche est tout à la fois trop étroite puisque l'élément
matériel de l'infraction ne se résume pas au comportement de l'individu et que ce comportement est
parfois plus complexe qu'un simple déplacement corporel. Nous envisagerons donc successivement
les trois composantes classique de l'élément matériel : la condition préalable à l'infraction (Section
I), le comportement infractionnel lui même (Section II) et, enfin, le résultat de l'infraction (Section
III).

Section I : La condition préalable à l'infraction

La condition préalable à l'infraction comme son nom l'indique est une situation préexistante
à l'infraction qui ne peut pas exister sans elle. Elle sert de toile de fond au développement du
comportement de l'auteur de l'infraction qui ne pourrait pas exister en son absence. Sans la
condition préalable, les faits constitutifs de l'infraction n'en sont pas :
– un vol ne pourrait exister sans l'existence d'une chose à soustraire appartenant à autrui,
– un homicide sans l'existence d'une personne à tuer,
– un recel en l'absence d'une infraction préalable ayant généré un produit
L'existence de cet instrument est toutefois largement discuté et nous allons voir ses limites tant en
terme de notion (Paragraphe 1) que de régime (Paragraphe 2).

Paragraphe I : La notion de condition préalable

52
Toute la doctrine ne soutient pas l'existence, ou à tout le moins l'intérêt de la condition
préalable. Ceci étant dit, la condition préalable en tant que notion est pourvue de plusieurs
caractéristiques.

Tout d'abord la condition préalable est présentée comme une circonstance extérieure à
l'infraction : elle ne serait pas constitutive de celle-ci seul le comportement infractionnel de
l'individu et son résultat, le cas échéant, serait des éléments de l'infraction. Il y aurait donc une
extériorité de la condition préalable à l'infraction.

Ensuite, cette condition préalable serait neutre pénalement, c'est à dire qu'elle ne susciterait
pas la répression pénale à elle seule. Elle serait même la plupart du temps, issue d'une autre branche
du droit : droit des personnes, droit des biens et droit des contrats. On parle alors de la neutralité
pénale de la condition préalable.

Enfin, la condition préalable représenterait la valeur protégée par l'incrimination (le bien
juridique protégé) :
– la condition préalable du vol est l'existence d'une chose appropriée par autrui, c'est donc la
propriété qui est protégée,
– la condition préalable du meurtre est l'existence « d'autrui »', c'est donc la vie qui est
protégée.

Tous ces caractères de la condition préalable sont pourtant critiquables et permettent de


douter de l'utilité de la condition préalable comme composante de l'infraction :
– tout d'abord il paraît difficile de considérer que la condition préalable est extérieure à
l'infraction puisque la condition préalable est précisément intégrée aux textes incriminateurs
qui n'ont d'autre rôle de définir l'infraction : il n'est donc pas possible de considérer que la
condition préalable est extérieure à l'infraction,
– ensuite il n'est pas non plus correct (ou spécifique) de dire que la condition préalable est
neutre pénalement : en réalité le comportement visé par le texte incriminateur est également
neutre pénalement (soustraire / donner la mort / détenir une chose). C'est précisément la
conjonction de la condition préalable et du comportement infractionnel qui forme
l'infraction. Il arrive également à d'être pénalement répréhensible dans le cas du recel.
– enfin, s'il est vrai que généralement la condition préalable révèle l'intérêt protégé par

53
l'incrimination, ce n'est pas le cas en ce qui concerne le recel dont la condition préalable est
une infraction qui n'est certainement pas l'intérêt protégé par l'incrimination.

Paragraphe II : Le régime de la condition préalable

Si la notion de condition préalable n'est pas très claire est peine à se distinguer des actes
constitutifs de l'infraction (du comportement infractionnel), il faut également dire que le régime de
cette condition préalable n'est pas beaucoup plus spécifique.

Du point de vue des règles de preuves tout d'abord, la condition préalable est un élément
comme un autre de l'infraction : son existence doit être prouvée par l'autorité de poursuite à laquelle
il appartient de dire s'il existait un objet approprié par autrui, un individu vivant au moment ou les
coups mortels sont portés, etc..

Toutefois la condition préalable présenterai une spécificité à deux niveaux :


– étant issue d'une autre branche du droit (droit des personnes, droit des biens) elle devrait être
appréciée au regard des règles de droit applicable dans sa branche d'origine,
– n'étant pas un « fait constitutif » de l'infraction elle ne devrait pas permettre de la localiser
géographiquement.

Le problème de cette présentation réside dans le fait qu'elle n'est pas corroborée par la
jurisprudence relative à l'infraction d'abus de confiance prévu par l'article 314-1 du Code pénal :
L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs
ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou
d'en faire un usage déterminé.
L'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.
On considère généralement que cette infraction implique une condition préalable tenant à la remise
par un contrat au sens civil du terme du bien quelconque qui sera ultérieurement détourné par son
détenteur. Or, la jurisprudence a eu l'occasion de considérer que, notamment, la remise du bien,
pourtant condition préalable, pouvait localiser l'infraction : Cass. Crim. 2 décembre 2009, n°09-
83271.

Tous ces éléments permettent donc de douter de la spécificité de la condition préalable au


regard des faits constitutifs de l'infraction mais ne doivent toutefois pas faire douter de la nécessité
d'établir cette condition.

54
Section II : Le comportement infractionnel

Le comportement infractionnel est ce fameux « mouvement du corps » rendant l'infraction


reconnaissable. Il est difficile de le décrire de manière uniforme tant les infractions visent des
comportements matériellement très distincts.

La doctrine propose donc généralement d'opérer des classifications d'infractions basées sur
la structure de leur éléments matériels, nous les envisagerons dans un premier temps (Paragraphe 1).
Il faut également relever que, si l'incrimination décrit un comportement suffisant à lui seul pour
engendrer la répression, certaines circonstances accompagnant la commission du comportement
peuvent faire varier l'appréhension pénale du comportement, on parle alors de circonstances
qualifiantes de ce comportement ou spécifiantes, nous les verrons dans un second temps
(Paragraphe 2).

Paragraphe I : Les classifications du comportement infractionnel

Nous allons envisager ici, une série de variante constatable dans le comportement
infractionnel. Toutes ces classifications sont purement intellectuelle, elles n'ont pas d'assises dans
les textes pénaux, elles aident à mieux comprendre les comportements en les rattachant à des
schéma de pensée. Il faut toutefois remarquer que les structure des infractions en cause peuvent
engendrer des conséquences quant à leur régime juridique.

Infractions simples/complexes :

La structure d'une incrimination peut être plus ou moins complexe en ce qu'il peut lui arriver
d'intégrer une pluralité d'actions devant être individuellement prouvées afin d'entrer en voie de
condamnation contre l'auteur de l'infraction. Plusieurs exemples permettent de s'en rendre compte :
– le vol (art. 311-1 du Code pénal) est constitué par une seule action, la soustraction
frauduleuse de la chose d'autrui, qui suffit à le caractériser,
– l'escroquerie (art. 313-1 du Code pénal) implique une succession d'action pour être
caractérisée : il faut tout d'abord constater l'existence de manœuvres frauduleuse, première
action, déterminant la remise d'une chose par la victime, seconde action,
– la non-justification de ressources (art. 321-6 du Code pénal) implique pour sa part une

55
multiplicité d'action devant être individuellement prouvées : tout d'abord un individu doit
avoir un train de vie supérieur à ce que ses revenus lui permettent, ensuite il doit être
incapable de justifier l'origine de ses revenus, encore il doit être en relation habituelle avec
des individus qui se livrent à la commission d'infractions punies d'au moins 5 ans
d'emprisonnement, enfin ces individus doivent tirer un bénéfice direct ou indirect de ces
infractions.

L'intérêt de cette distinction est limité. Il s'agit simplement d'attirer l'attention sur le degré de
complexité variable des infractions qui induit des difficultés probatoires croissantes. Toutefois, la
classification n'est pas dénuée d'intérêt dans la mesure ou, composée de plusieurs faits constitutifs,
l'infraction sera localisable en l'un quelconque des lieux ou ces faits ont été réalisés. D'un autre
point de vue, on relèvera que tous les faits constitutifs de l'infraction n'ont pas à être réalisé par
l'auteur de l'infraction : certains sont réalisés par la victime, d'autres par une tierce personne.

Infractions continues/instantanées :

Certaines infractions sont remarquables dans leurs rapport au temps qui peut être plus ou
moins long :
– constitué d'une soustraction, le vol est considéré comme une infraction instantanée : l'acte de
soustraction consomme l'infraction en « un trait de temps » selon l'expression consacrée. Il
en est de même pour l'homicide volontaire (art. 221-1 du CP) qui consiste à « donner la
mort à autrui » : l'infraction est consommé par le résultat, la mort qui arrive à un moment
déterminé.
– D'autres infractions sont considérées comme continues : le comportement qui les caractérise
à vocation à se prolonger dans le temps. Ainsi du recel de choses, article 321-1 du CP, qui
consiste à « détenir » ou « dissimuler » la chose issue de l'infraction. Dans ce cas,
l'infraction est caractérisée pendant toute la durée de la détention ou de la dissimulation.
L'incidence de cette catégorisation se fait essentiellement ressentir quand à la détermination du
point de départ du délai de prescription : pour les infractions instantanées c'est la survenance de
l'acte infractionnel qui détermine le début de l'écoulement du délai, pour les infractions continues
c'est à la cessation du comportement qu'il commence à courir. De la même manière, si une loi
nouvelle intervient pendant la réalisation d'une infraction instantanée, elle aura vocation à
s'appliquer à celle-ci.

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Infraction d'habitude :

Les infractions d'habitude sont moins courantes dans notre système pénal, elles consistent
dans des comportements qui doivent être répétés pour susciter la répression :
– l'exercice illégal de la médecine (art. L4161-1 du Code de la santé publique) qui doit être
habituel pour susciter la répression : deux actes médicaux suffise pour encourir cette
qualification,
– dans d'autres circonstances, le législateur n'impose pas plusieurs actes mais impose une
action ou une inaction qui s'étale sur une certaines durée comme dans le cas de l'abandon de
famille prévu par l'article 227-3 du Code pénal qui réprime le fait de s'abstenir pendant deux
mois de s'acquitter de son obligation familiale.
Ces infractions ne sont consommées qu'à la première répétition du comportement ou à l'échéance du
terme fixé par le législateur ce qui peut avoir une incidence à plusieurs niveaux : des actes répétés
en des endroits distincts ; un point de départ de la prescription fixé au moment de la survenance de
la première répétition.

Infraction de commission ou d'omission :

Cette distinction est plus délicate que les précédentes : traditionnellement le droit pénal
répugne à prendre en compte l'omission, il préfère appréhender l'action positive qui est moins
équivoque quant à l'intention coupable de l'individu. Il n'en reste pas moins que bien l'omission est
devenue, au même titre que l'action, une source de responsabilité pénale :
– l'exemple le plus caractéristique d'une prise en considération de l'omission consiste dans
l'incrimination de la « non-assistance à personne en danger » qui réprime le défaut de
secours apporté à un individu menacé par un péril (223-6 al. 2 du CP),
– plus largement a été incriminé le fait de ne pas faire obstacle à la commission d'un crime ou
d'une atteinte à l'intégrité physique d'une personne (223-6 al. 1 du CP),
– plus largement encore les article 434-1 à 3 du Code pénal viennent réprimer le fait de ne pas
révéler l'existence de certaines infractions, particulièrement graves, dont on aurait
connaissance : notamment les infractions sexuelles commises sur mineurs,
L'omission est donc prise en compte par des infractions spéciales mais la question se pose
régulièrement de savoir si une infraction imposant une action ne pourrait pas être réalisée par une
omission. On parle alors de « commission par omission » de l'infraction, le sujet est débatu en

57
jurisprudence :
– pour les violences une ancienne décision (aff. de la séquestrée de Poitiers 20 nov. 1901)
refuse d'appréhender de mauvais traitement par omission,
– pour la complicité il a été reconnu que l'on pouvait se rendre complice par omission mais à
plusieurs conditions : ne rien faire en conscience que l'inaction favorise l'infraction, être tenu
d'agir par un devoir légal et s'être mis d'accord avec les auteurs de l'infraction (affaire du
douanier qui laisse passer des cargaisons sorties de l’entrepôt des douanes en connaissance
de cause – Cass. Crim. 27 octobre 1971).
L'intérêt de ces classifications est également limité à la localisation de l'infraction qui sera réputé
commise à l'endroit ou l'aide aurait du être apportée.

Nous allons maintenant voir que la structure de l'infraction peut être rendue plus complexe
encore par l'adjonction de circonstances qualifiantes du comportement infractionnel.

Paragraphe 2 : Les circonstances qualifiantes du comportement

Ce sont des circonstances qui vont s'ajouter au comportement afin d'en préciser, en général,
la répression. Les qualificatifs ici utilisés (proposés par Cl. Lombois) sont doctrinaux mais se
rapportent encore à des textes biens précis :

Circonstances aggravantes : Les circonstances aggravantes reposent sur une opposition


entre :
– la circonstance aggravante spéciale de récidive : fondée sur la réitération d'infraction après
la commission d'une première infraction définitivement jugée. Elle implique un doublement
de la peine encourue pour la seconde infraction commise, peine qui s'ajoute sans limite de
plafond aux peines éventuellement déjà appliquées. Toutefois, la récidive n'a pas le
périmètre qu'on veut croire, elle est strictement encadrée par des conditions temporelles
fixées aux articles 132-8 et suivants du CP. Si une infraction est réitérée alors que l'individu
n'a pas encore été jugé pour une infraction précédente, il n'y a pas de récidive mais un
concours réel d'infraction (art. 132-2 du CP) et l'individu ne peut pas encourir plus que le
maximum prévu pour l'infraction la plus sévèrement punie en concours,
– les circonstances aggravantes spéciales qui sont énumérées infraction par infraction comme
car exemple dans le cas du vol à l'article 311-4 du CP. Elle peuvent être matérielles (usage

58
d'une arme, localisation d'en un établissement d'enseignement), tenir à la personne de
l'auteur (dépositaire de l'autorité publique), de la victime (souvent sa minorité), être
caractérisée par une autre infraction (violences ou dégradations). Ces circonstances
entraînent un relèvement de la peine prévue pour l'infraction principale.

Circonstances minorantes : sont extrêmement rare dans notre système mais


paradoxalement mise en œuvre pour les infractions les plus graves telles que le terrorisme (v. art.
422-1 du Code pénal). Elle consiste à proposer des exemptions de peine ou des diminutions de
peines pour ceux qui dénoncent les projets infractionnels à l'avance ou qui permettent d'en limiter
les conséquences ou d'en identifier les auteurs et complices.

59
Section III : Le résultat de l'infraction

Le résultat de l'infraction est généralement conçu comme l'atteinte à la valeur sociale


protégée par l'infraction : l'atteinte à la vie, l'atteinte à la propriété ou encore l'atteinte aux intérêts
fondamentaux de la nation.
Dans une approche classique, la survenance du résultat est nécessaire pour déclencher la
répression pénale (Paragraphe 1). Le résultat est alors le marqueur de l'infraction, il permet de la
reconnaître. Cette approche est toutefois datée, le législateur n'hésitant pas dans une large mesure à
être indifférent à la survenance du résultat dans la répression (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le résultat nécessaire

Beaucoup d'infraction imposent ou induisent nécessairement la survenance d'un résultat


dommageable afin que la répression puisse s'appliquer. Le résultat est alors implicitement ou
explicitement prévu par le texte incriminateur :
– le vol n'explicite pas le résultat dommageable mais il se déduit nécessairement de la
soustraction frauduleuse : il y a une atteinte au patrimoine de la victime.
– l'homicide volontaire, pour sa part, est explicite quant au résultat : la mort d'autrui est
survenue.
Dans bien des cas, le résultat infractionnel se confond avec le comportement infractionnel mais il
arrive toutefois que ce résultat puisse varier à comportement infractionnel constant selon des
circonstances indépendantes de la volonté de l'individu. L'exemple le plus typique est celui des
violences volontaires qui sont incriminées par plusieurs textes étant entendu, selon l'article 222-14-
3, qu'il peut s'agir de violences psychologiques, qui se distingue simplement par le degré d'ITT
infligé à la victime :
– sans ITT : violence contraventionnelle (R625-1)
– avec une ITT inférieure ou égale à 8j ou pas d'ITT (art. 222-13)
– avec une ITT de plus de 8j (art. 222-11) ,
– avec une mutilation ou une infirmité permanente (art. 222-9),
– entraînant la mort alors que seules des violences étaient voulues (art. 222-7).
Le taux d'ITT permets dans ce cas pour un même comportement de choisir la qualification
adéquate. C'est donc bien le résultat du comportement infractionnel qui détermine la qualification à
appliquer.

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Passé ces quelques éléments il faut bien dire que le résultat présente un intérêt à la fois
essentiel pour la répression mais pratiquement limité. Tout au plus peut on dire :
– qu'il permet de localiser l'infraction (il est à la fois résultat et faits constitutif de celle-ci),
– qu'il est généralement le dernier élément constitutifs de l'infraction à survenir et que sa
survenance déclenche l'écoulement du délai de prescription.

Nous allons, voir que les situations dans lesquelles le résultat est absent sont bien plus
intéressantes techniquement que celles ou il apparaît nécessaire.

Paragraphe 2 : Le résultat indifférent

Par principe, le droit pénal repousse son intervention au jours un résultat dommageable, une
atteinte à une valeur sociale, est constatable. Il n'en demeure pas moins que, par exception, le
législateur se montre parfois indifférent au résultat dont il n'hésite pas à écarter la survenance
comme condition de la répression. La logique du législateur sur cette question est simple : il s'agit
d'une logique préventive qui consiste à remonter l'iter criminis et à incriminer des comportements
en amont de la survenance du résultat pour permettre au droit pénal d'appréhender des individus qui
se proposent de commettre une infraction mais qui ne l'ont pas encore fait. Toute la question
consiste alors à savoir jusque ou le législateur s'autorise à remonter, le risque étant de réprimer des
individus n'ayant qu'un très vague projet infractionnel.
Deux mécanismes sont utilisés pour cela, la répression de la tentative d'infraction d'une part
(I), les infractions obstacles d'autre part (II).

I : La tentative

La tentative d'infraction est prévue et réprimée par les articles 121-4 et 121-5 du Code pénal
qui explicitent tant le domaine que les conditions de la récidive.

Quant au domaine, le législateur a fait le choix de ne punir la tentative que de certaines


infractions :
– la tentative des crimes est ainsi toujours punissable,
– la tentative des délits doit faire l'objet d'un texte précis (ajouté à l'incrimination),
– la tentative de contravention n'est pas réprimée.

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Quant aux conditions : l'article 121-5 du Code pénal pose deux exigences :
– la tentative est caractérisée par un commencement d'exécution de l'infraction : ce
commencement n'est pas défini par la loi mais par la jurisprudence qui exige « un acte ayant
pour conséquence directe et immédiate » de consommer l'infraction. On comprend par la
que lancé dans la phase d'exécution de l'infraction l'acte de l'individu ne manque son objectif
que parce qu'il a été interrompu. Le commencement d'exécution est donc théoriquement très
proche de la survenance du résultat de celle-ci. La jurisprudence, toutefois, adopte parfois
des positions qui laissent douter de cette proximité immédiate : ainsi d'individus porteurs
d'armes et de cagoules sur les lieux d'une livraison de fond (Crim. 19 juin 1979).
– le commencement d'exécution doit avoir été interrompu par une circonstances indépendante
de la volonté de l'agent : l'idée sous-jacente à cette condition vise à protéger la liberté de
l'individu qui reste libre à tout moment de renoncer à son projet infractionnel. S'il se désiste
finalement de sa propre volonté, il n'y a pas de raison de le punir. S'il manque son objectif
pour une raison indépendante de sa volonté, alors il mérite la répression. Cette personne
reste donc punissable, si le résultat n'est pas survenu du fait de son incompétence ou de son
amateurisme (infraction manquée) ou, encore, si une tierce personne l'a empêché de
commettre l'infraction. Plus délicate, est la question de la « tentative impossible » qu'on
illustre essentiellement avec l'arrêt Perdereau (Crim. 16 janvier 1986) dans lequel un
individu est condamné pour homicide volontaire pour avoir porté des coups mortels à un
cadavre : la Cour de cassation retient cette circonstance comme étant indépendante de la
volonté de l'individu et la tentative apparaît comme caractérisée. On aurait pu soutenir
toutefois, non seulement que l'infraction était impossible faute de condition préalable
existante mais également que la tentative ne pouvait pas être considérée puisque l'individu
avait dépassé le stade du commencement d'exécution. Ici s'oppose une approche subjective
de la tentative, centrée sur la psychologie de l'agent, et une approche objective, centrée sur
l'existence ou non d'une possibilité d'infraction au regard de la situation matérielle.

Si ces deux conditions sont réunies alors l'individu s'expose exactement aux même peines
que celui qui aurait poursuivi son projet infractionnel jusqu'à son terme. Le droit pénal
contemporain ne fait ainsi pas de différence entre l'infraction et sa tentative en termes répressifs.

Nous allons maintenant voir qu'il peut également remonter plus loin sur l'Iter criminis.

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II : Les infractions obstacles

Les infractions obstacle sont des infractions qui, comme leur nom l'indique, visent à faire
obstacle à la survenance d'un résultat dommageable. On les qualifie parfois d'infractions « de
prévention » ou d'infractions « formelles ». Ces infractions s'opposent aux infraction « de résultat »
en ce qu'elles n'imposent pas la survenance du résultat redouté pour que la répression survienne.

Sensées être purement exceptionnelles, ces infractions se sont multipliées ces dernières
années afin de permettre aux autorités de police d'intervenir bien en amont de la survenance d'un
dommage dans des domaines de criminalité très variables :
– la mise en danger délibéré d'autrui de l'article 223-1 du Code pénal réprime celui qui
« exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à
entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement
délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le
règlement »,,
– l'article 450-1 du Code pénal prévoie que : « Constitue une association de malfaiteurs tout
groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou
plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis d'au
moins cinq ans d'emprisonnement. »,
– l'article 421-2-6 du Code pénal prévoie que : « Constitue un acte de terrorisme le fait de
préparer la commission d'une des infractions (...), dès lors que la préparation de ladite
infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but
de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».

Toutes ces infractions permettent de réprimer des individus qui se sont contenté de générer
un risque non réalisé pour d'autre ou qui n'en sont qu'aux actes préparatoire de l'infraction visée. Il y
a là un instrument très efficace de répression mais qui à bien des égards peut être considéré comme
un risque pour les libertés publiques.

Nous en arrivons maintenant à la question de l'élément moral de l'infraction.

63
Chapitre III : L'élément moral de l'infraction

L'élément moral de l'infraction porte plusieurs noms : on parle de manière quasi-alternative


d'élément psychologique ou intentionnel mais également, en langue latine, du mens rea. La
nécessité de doubler l'élément matériel d'un élément psychologique repose sur le libre arbitre des
individus et l'idée selon laquelle ne devrait être puni que celui qui a voulu faire le mal. L'infraction
n'est donc pas qu'un comportement infractionnel, elle est aussi un état d'esprit infractionnel. Une
autre présentation consiste à considérer que l'infraction n'est pas qu'un acte, elle est un acte
coupable, c'est à dire un acte fautif.

Le droit pénal contemporain opère des distinctions dans la psychologie de l'agent qui
permettent de réprimer plusieurs attitudes distinctes, plusieurs degré de culpabilité, telles que la
faute intentionnelle (Section I), la mise en danger délibéré d'autrui (Section II) et la faute non-
intentionnelle (Section III).

Section I : La faute intentionnelle

La faute intentionnelle correspond au plus haut degré de culpabilité possible de l'individu


qui avait non seulement conscience de son comportement mais également la volonté de l'adopter et
la liberté de l'adopter. Il a donc librement et en conscience fait le choix de commettre une infraction.
Ce niveau d'intention est le niveau classique de culpabilité requis par le législateur pour reprocher à
un individu son comportement. Il est exprimé à l'alinéa 1 de l'article 121-3 du Code pénal qui
dispose : « Il n'y a point de crime ou délit sans l'intention de le commettre ». C'est à dire sans
l'intention de réaliser l'élément matériel de l'infraction.

La détermination de l'intention pose toutefois plusieurs problèmes liés aux difficultés de


preuve qu'elle peut engendrer mais également quant à certaines infractions ou situations
particulière. La doctrine a donc été amené à classifier l'intention sous plusieurs vocables :
– le dol général : est presque synonyme de l'intention criminelle : conscience, liberté et
volonté de réaliser l'infraction. On ne réprimera le voleur que s'il savait que l'objet qu'il a
manipulé était approprié par autrui. On ne réprimera un tireur que s'il a délibérément visé
une victime avec une arme apte à donner la mort : tirer avec une arme chargée à blanc sur un
individu et provoquer sa mort par crise cardiaque n'est pas nécessairement un meurtre faute
de volonté de tuer. De même, le chasseur qui fait feu en direction d'un animal et qui, par

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inadvertance touche un individu posté à proximité qui décède. Celui qui achète un objet au
marché au puce dans des conditions normale de prix et d'usure ne sera pas retenu pour recel
faute de connaissance de l'origine illicite de l'objet. Cette intention peut être factuellement
difficile à démontrer, surtout quand l'individu la nie, mais elle doit correspondre à une
volonté d'adopter le comportement décrit par le texte incriminateur. En revanche, il faut être
clair, la question des mobiles de l'agent ne rentre pas en ligne de compte dans l'intention :
peu importe la raison qui pousse l'individu à commettre l'infraction, les mobiles sont jugés
indifférents par principe en droit pénal.
– le dol spécial : le dol spécial est une adjonction au dol général dont l'existence est contestée
en doctrine. Il correspondrait à la situation dans laquelle le législateur précise que l'agent,
outre le dol général, doit avoir poursuivi un objectif particulier à travers la commission de
l'infraction. Il s'agit donc d'une manière de prendre en compte les mobiles de l'auteur de
l'infraction. Ce type d'infraction se retrouve notamment pour les infractions tels que les
crimes contre l'humanité ou le terrorisme qui sont des infractions de droit commun (meurtre
notamment) mais commis dans un objectif particulier, (art. 211-1 : « en exécution d'un plan
concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire » ; art. 421-1 :
« « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour
but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur »). Pour démontrer
ces infractions il faut démontrer le mobile particulier de l'individu à défaut de quoi seule
l'infraction de droit commun peut être établie.
– le dol indéterminé : ne correspond pas à une classification légale de l'intention mais plutôt à
une attitude particulière de l'individu qui est assimilée à l'intention. L'individu va avoir
l'intention d'adopter un comportement dont il ne peut toutefois pas prévoir à l'avance le
résultat effectif. Les violences servent généralement à illustrer cet exemple. L'individu qui
porte des coups ne peut pas, en général, en prévoir les conséquences (cas d'une victime
fragile ou qui fait une mauvaise chute après des coups légers). Dès lors, la jurisprudence
considère qu'il doit assumer les conséquences prévisibles de son acte. Peu importe ainsi qu'il
ait frappé sans vouloir blesser (violences sans ITT), il assumera l'infraction correspondant au
degré d'ITT causé à la victime.
– le dol praeter intentionnel : ou dol dépassé est employé pour illustrer une des applications
plus extrême du dol indéterminé. En cas de coup provoquant la mort sans l'intention de la
donner, l'individu ne sera pas poursuivi pour meurtre ses actes ayant, en quelque sorte,

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dépassé sa volonté.

Nous allons maintenant voir, rapidement, le degré intermédiaire d'intention : la mise en


danger délibérée d'autrui.

Section II : La mise en danger délibérée

Ce degré d'intention est présenté en second à l'alinéa 2 de l'article 121-3 du Code pénal selon
lequel il y a « également délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui ».

Ce degré d'intention correspond essentiellement à l'infraction déjà rencontrée de mise en


danger délibéré de la vie d'autrui de l'article 223-1 du Code pénal. Dans laquelle l'individu ne
cherche pas à causer un dommage particulier à qui que ce soit, il n'a pas d'intention infractionnelle
au sens classique, mais il adopte un comportement qui objectivement créée un risque pour autrui.
Risque qui, par chance, ne s'est pas réalisé.

Cette infraction permet de réprimer les comportements grossièrement imprudent y compris


quand ils n'ont pas eu de conséquences effectivement dommageables.

Section III : La faute non-intentionnelle

Correspond à la prise en compte par le droit pénal de la faute d'imprudence au sens large,
elle n'a pas toujours eu les faveurs de la doctrine qui considère souvent qu'elle ne devrait être qu'une
faute civile puisque ne procédant pas d'une intention de nuire. Certains auteurs soutiennent toutefois
que le droit pénal n'est pas mis en place uniquement pour les gens malhonnêtes mais également
pour les imbéciles (Ph. Conte et P. Maistre du Chambon, Droit pénal général, Armand Colin). Cette
forme de culpabilité est sans aucun doute la plus délicate à manier pour le juriste dans la mesure ou
elle fait appel à une technique de démonstration qui laisse une grande part d'interprétation au juge.
Elle s'applique essentiellement à trois catégories d'infractions :
• art. 221-6 du CP en matière d'homicide involontaire,
• art. 222-19 et 222-20 du CP en matière de blessures involontaires,
• R622-1 et R625-1 pour des blessures moins graves en matière contraventionnelle.

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Tous ces textes ont une structure commune :
• ils prévoient chacun un résultat : mort / blessure,
• causé par une « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une
obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement »,
• en précisant que ce comportement s'apprécie au regard des conditions posées par l'article
121-3 du CP,

Tout l'intérêt de ces atteintes involontaire à la vie ou à l'intégrité physique d'autrui réside
donc dans les conditions posées par l'article 121-3 du CP et notamment ses alinéas 2 et 3 :
al. 3 « Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de
négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le
règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte
tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi
que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
al. 4 « Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas
causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la
réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables
pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation
particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute
caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient
ignorer. »

Cet article est unanimement critiqué pour l'incertitude des conditions de responsabilité qu'il
met en place, que ce soit sur la question de la causalité (A) ou de la faute commise (B).

A : Appréciation de la causalité :

L'article 121-3 du Code pénal distingue deux catégories d'individu en ce qui concerne la
responsabilité pénale pour faute d'imprudence :
• les individus visés par l'al. 3. l'individu imprudent, négligent, manquant à une obligation...
• les individus visés par l'al. 4 « ceux qui n'ont pas directement causé le dommage, mais qui
ont créé ou contribuer à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui
n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter »,

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Pourquoi cette distinction ?

Elle résulte d'une volonté politique se développant à l'orée des années 2000 tendant à limiter
au maximum la mise en cause de la responsabilité pénale des élus et des chefs d'entreprise : loi du
10 juillet 2000 « Fauchon » que certains auteurs ont qualifié de « scélérate ».
Il est ainsi fait une distinction entre celui qui cause directement le dommage, ouvrier ou chef
d'équipe, et celui qui y est impliqué de manière indirecte, chef d'entreprise ou délégataire.
Et la déresponsabilisation se traduit dans l'intensité de la faute exigée pour l'un comme pour
l'autre.

B : Appréciation de la faute :

Pour ceux qui ont directement participé au dommage, c'est une faute simple qui est
exigée, « ne pas accomplir les diligences normales », et l'appréciation de l'accomplissement de ces
diligences normales se fait in concreto, « compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions
ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ».

En revanche, pour ceux qui n'ont contribué que de manière indirecte au dommage, c'est
une faute plus grave qui est exigée (supposément plus dure à établir), on parle d'une « faute
qualifiée » qui peut prendre deux formes bien distinctes :
• le fait de violer de manière manifestement délibérée une obligation particulière de prudence
ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, Faute délibérée.
• le de commettre une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière
gravité qu'elles ne pouvaient ignorer, Faute Caractérisée.
La tentative de déresponsabilisation passait donc par l'exigence d'une faute plus grave à la charge du
dirigeant : plus grave donc, supposément, plus dure à prouver.

Il n'est pas sur que la loi ait réellement atteint son objectif, les tribunaux ne sont pas
forcément dupe des manœuvres du législateur, en revanche il est certains que le dispositif proposé
est particulièrement délicat à mettre en œuvre au vu de l'obscurité des termes employés :
• Qu'est ce qu'un défaut de diligence normale ?
• Qu'est ce que contribuer à créer la situation qui a permis la réalisation de ?
• Qu'est ce qu'une faute d'une particulière gravité dont on ne pouvait ignorer la gravité ?

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La jurisprudence a tout de même essayé d'établir des distinctions dans les fautes en
question :

• faute simple/causalité directe : « les juges retiennent que le prévenu avait ordonné au
grutier, pour faciliter la manoeuvre, de détacher l'une des élingues retenant la dalle et qu'il
avait tenté de l'ajuster en utilisant des barres à mine ; que les juges ajoutent que Fulvio X...,
au lieu d'avoir recours à un échafaudage, avait choisi une telle méthode par économie de
temps et d'argent et n'avait pas interdit à son salarié, qui ne portait pas de harnais de
sécurité, de venir le rejoindre sur la dalle » (Crim. 16 septembre 2008),
◦ on retient une présence sur les lieux et des violations personnelles et directes de la
législation,

• faute délibérée : les auteurs disent que cette faute peut se déduire de la violation réitérée
d'une obligation, de la violation de plusieurs obligations de prudence dans le même temps ou
encore d'une violation postérieure à une mise en demeure spécifique,
◦ par ex. l'agent qui manque à son obligation de désigner un « coordonnateur sécurité »
alors que la nécessité d'en désigner un lui avait été signalée par un maître d’œuvre. Pour
les juges, « cette omission est l'une des fautes qui ont concouru à la réalisation du
dommage subi par Tristan X..., dès lors que l'accident aurait pu être évité si les travaux
de gros œuvre et d'électricité avaient été coordonnés de telle sorte que l'activité des
maçons ne puisse mettre en danger les électriciens » : le dommage résultant de la chute
d'une poutre manœuvrée par un maçon (Crim. 25 novembre 2008).

• faute caractérisée : les auteurs envisagent ici l'accumulation de plusieurs fautes simples de
l'individu (imprudence/négligence) ou la violation d'une obligation pénalement sanctionnée
(permets de montrer la gravité de l'obligation en question),
◦ l'agent qui n'adresse aucune consigne de sécurité, se dispense d'avertir les salariés des
risques inhérents à leurs postes de travail et qui n'a pris aucune précaution en vue de
pallier une fausse manœuvre d'un conducteur de poids lourds (Crim. 27 novembre
2001) : aboutissement à l’écrasement d'un salarié sous le poids lourd ayant basculé dans
une fosse ou il travaillait,

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Au final on voit bien que les fautes en question sont difficilement discernable. Et la Cour
de cassation appuie encore un peu cette confusion lorsqu'elle admet que des juges puissent changer
la qualification appliquée à un individu de faute « délibérée » à « caractérisée » sans solliciter de sa
part d'explication (Crim. 26 mars 2008).

Par ailleurs, la faute n'a pas à être exclusive :


• elle est très souvent partagée entre salarié ou entre salarié et employeur, et surtout avec la
victime elle-même,
• elle peut toutefois l'être parfois : un salarié qui néglige de remettre en place un boulon de
butée bloquant le mouvement d'un bloc de béton et qui décède des suites de la chute du bloc
(Crim. 19 février 2002). La décision est toutefois circonstanciée et il ne faut pas oublier que
pèse sur le chef d'entreprise une obligation générale et constante de sécurité.

S'agissant d'infraction par imprudence l'intention n'a pas spécialement a être développée.

S'agissant des pénalités :


• elles varient selon la gravité du dommage : contraventionnel à délictuel avec des variations,
• en fonction de l'intensité de la faute également : par ex. pour l'homicide involontaire
◦ 3 ans et 45000 euros de base,
◦ En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou
de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq
ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.

70
Partie II : L'auteur de l'infraction

La responsabilité pénale est fondée sur le principe de personnalité que l'on retrouve énoncé à
l'article 121-1 du CP selon lequel : « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait. ». Il
en résulte que par principe nulle responsabilité pénale du fait d'autrui ne saurait exister et qu'un
individu ne saurait voir sa responsabilité engagée que sur la base d'un comportement personnel.
Surtout, seul un individu doté de la personnalité juridique pourrait voir sa responsabilité engagée.
Sur cette base, notre droit pénal fait essentiellement deux grandes catégories d'auteurs
d'infraction, l'auteur personne physique, l'acteur principal du droit pénal (Chapitre I) et l'auteur
personne morale, nouvel acteur apparu avec le Nouveau code pénal (Chapitre II).

Chapitre I : L'auteur personne physique

Traditionnellement, il convient de distinguer parmi les auteurs personne physique celui que
l'on qualifie d'auteur principal (Section I) et le complice (Section II).

Section 1 : L'auteur principal et ses avatars

L'auteur principal de l'infraction est le principal protagoniste du procès pénal et sa situation


est prévue par l'article 121-4 du Code pénal :

Article 121-4 En savoir plus sur cet article...


Est auteur de l'infraction la personne qui :
1° Commet les faits incriminés ;
2° Tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit.

Il résulte de ce texte que l'auteur principal est facile à identifier et d'autant plus que nous
l'avons déjà plus ou moins étudier à travers nos développement précédents :
– l'auteur principal est celui qui réalise les faits incriminés : c'est à dire qu'il réalise l'élément
matériel et moral de l'infraction tels que nous les avons décrit précédemment,
– l'auteur principal est celui qui tente de commettre l'infraction : c'est à dire qu'il réalise un
commencement d'exécution lorsque celui-ci est punissable.

71
Il existe toutefois une troisième catégorie d'auteur principal, créée par la doctrine et par la
jurisprudence : le Coauteur. Il n'est défini par aucune disposition légale particulière mais est utilisé
parfois pour résoudre certains problèmes pratiques lorsque plusieurs personnes sont impliquées
dans une même affaire et qu'il n'est pas possible de faire la distinction dans leur participation. Par
exemple pour une hypothèse d'agression par plusieurs individus sans qu'il soit possible de faire la
part des choses entre ceux qui ont porté des coups et ceux qui ne l'ont pas fait et qui seront donc
tous traité comme coauteur plutôt que comme complice ou auteur. On parle de la théorie de la scène
unique de violence.

Il existe encore une autre subdivision parmi les différents auteurs de l'infraction qui elle
aussi a été créé par la jurisprudence à propos du « chef d'entreprise » auteur d'une infraction.
L'originalité de sa responsabilité réside dans un mécanisme très tôt mis en place par la jurisprudence
pour imputer au chef d'entreprise la responsabilité des infractions commise au sein de son entreprise
sans pour autant qu'il y ait participé directement. Cette responsabilité existe essentiellement dans le
domaine du respect des règles d'hygiène et de sécurité applicable dans l'entreprise que l'individu
dirige. C'est la jurisprudence qui a posé le principe de cette responsabilité dans un attendu de
principe célèbre qui n'a pas été démenti depuis : « Si, en principe, nul n'est passible de peines qu'à
raison de son fait personnel, la responsabilité pénale peut cependant naître du fait d'autrui dans les
cas exceptionnels ou certaines obligations légales imposent le devoir d'exercer une action directe
sur les faits d'un auxiliaire ou d'un préposé ; il en est ainsi notamment, dans les industries ou
commerces réglementés, ou la responsabilité remonte aux chefs d'entreprises, à qui sont
personnellement imposés les conditions et le mode d'exploitation de leur industrie ou commerce » :
Crim. 30 décembre 1892, S. 1894. 1. 201.

Dans le cas du chef d'entreprise, la jurisprudence a toujours été critiquée car instaurant une
responsabilité pénale du fait d'autrui incompatible avec l'article 121-1 du Code pénal selon lequel
nul n'est responsable que de son propre fait. La justification de cette responsabilité s'appuie sur
quatre fondement traditionnels, potentiellement critiquables :
• la théorie du profit : il tire les bénéfice de l'activité et doit donc assumer la responsabilité.
Toutefois, selon la forme sociale, le bénéfice n'est pas forcément dirigé réellement vers
l'employeur.
• la théorie du risque : il s'agit d'un emprunt à la théorie civiliste. L'employeur se soumettant
volontairement aux charges de l'entreprise et tirant profit de son activité doit assumer les
risque de l'exploitation, y compris l'éventuelle responsabilité pénale qui en découlerait.

72
• la théorie de la faute : si une infraction survient au sein de l'entreprise c'est qu'il n'a pas
assuré son devoir légal de surveillance de son personnel et qu'il a donc commis une faute,
• la théorie de l'autorité : le chef d'entreprise serait le seul, au sein de l'entreprise, a bénéficier
de l'autorité pour faire respecter la réglementation applicable et ainsi empêcher la
survenance de l'infraction.

Une limite a également été instaurée afin de limiter les excès de cette responsabilité pour les
fautes commises par les préposés : la responsabilité du chef d'entreprise ne peut être engagée si la
faute du préposé est une faute intentionnelle. On considère ainsi que si le chef d'entreprise peut
prendre toutes les mesures de précaution et de surveillance pour empêcher ou prévenir la
survenance d'un accident du travail (par ex.), il lui est en revanche beaucoup plus difficile de
prévenir la survenance d'une infraction intentionnelle qu'un de ses salariés déciderait de commettre
par sa propre volonté.

On voit donc que la responsabilité pénale du chef d'entreprise pour « défaut de


surveillance » reste une responsabilité très large et pouvant être facilement actionnée.

Il faut maintenant envisager le second protagoniste de l'infraction : le complice.

73
Section II : Le complice

Le complice est souvent considéré comme un participant « secondaire » à l'infraction qui ne


réalise pas cette infraction mais apporte une forme de participation à sa réalisation. Cette
participation peut varier (Paragraphe 2) mais elle implique une condition commune liée à l'existence
de l'infraction principale (Paragraphe 1).

Article 121-6
Sera puni comme auteur le complice de l'infraction, au sens de l'article 121-7.
Article 121-7
Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a
facilité la préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de
pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre.

Paragraphe I : La nécessité d'une infraction principale

La première exigence posée par la loi pour réprimer un complice réside dans la nécessité
d'établir l'existence d'une infraction principale dans tous ses éléments constitutifs. En effet, la
complicité n'existe pas dans l'absolu, elle est une notion relative : on est complice d'une infraction
qu'un autre individu commet. Il est donc nécessaire pour le juge d'établir qu'un individu à bien
réalisé une infraction principale c'est à dire son élément matériel et son élément moral.
L'existence de l'élément matériel de l'infraction ne pose pas de problème particulier. Si si
l'auteur principal n'a rien fait, il n'y aura pas de complicité possible. Si l'auteur principal a tenté de
commettre l'infraction la complicité sera punissable si la tentative l'est elle même au sens de l'article
121-4 du Code pénal : il est donc possible d'être complice d'une tentative d'infraction.
De la même manière la neutralisation de l'élément légal de l'infraction principale emporte
l'impossibilité de réprimer le complice. Si l'infraction principale est frappée d'un fait justificatif, il
bénéficiera au complice. On peut ainsi envisager un individu aidant un autre à se défendre contre
une agression injuste. Si la légitime défense est retenue pour celui qui se défend alors le complice
qui lui apporte une aide ne pourra pas non plus être poursuivi. La solution est la même si un
individu en aide un autre à commettre une infraction qui est ultérieurement abrogée, il ne pourra
plus être poursuivi car le comportement qu'il a aidé a cessé d'être punissable.

74
La situation de l'élément moral est nettement moins certaine en jurisprudence. En principe
on devrait admettre que si l'on est complice d'une infraction encore faut il que cette infraction soit
parfaitement constituée, y compris son élément moral. Or, il a pu être décidé que son existence était
indifférente à la répression du complice : « Attendu qu'après avoir relaxé Yannick Y... pour défaut
d'intention coupable, les juges ont retenu Ali X... dans les liens de la prévention en estimant,
notamment, qu'il avait une parfaite connaissance de la véritable nature des substances
transportées » crim 8 janvier 2003, bull crim n°5. Dans ce cas, le complice est puni parce qu'il avait
conscience de participer à l'infraction alors que l'auteur principal l'ignorait. Dans d'autre cas, la
jurisprudence a, au contraire, exigeait l'existence de l'élément moral chez l'auteur principal pour
punir le complice : « Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef
d'empoisonnement, l'arrêt retient que seuls les médecins qui ont prescrit l'administration des
produits sanguins auraient pu être les auteurs principaux de ce crime, mais que la preuve n'est pas
rapportée qu'ils aient eu connaissance du caractère nécessairement mortifère des lots du CNTS,
l'information n'ayant été communiquée par Michel XR..., de façon partielle et confidentielle, que
dans le cadre du CNTS et de la direction générale de la Santé, et des incertitudes régnant encore, à
l'époque, dans les milieux médicaux, quant aux conséquences mortelles du sida ; que les juges en
déduisent que la complicité d'empoisonnement ne peut être retenue contre quiconque » crim 18 juin
2003, bull crim 127. Dans cette dernière affaire les juges ont estimé que s'il n'y avait pas d'élément
moral chez les auteurs principaux, il ne pouvait y avoir de complice.

L'existence de l'infraction principale est donc la condition même de la complicité mais il est
indifférent que cette infraction ait été effectivement punie. Par ailleurs, si l'infraction principale doit
exister, il est en revanche indifférent qu'elle ait fait l'objet d'une poursuite effective. Peu importe
donc que son auteur soit en fuite, décédé, qu'il ait bénéficié d'un classement sans suite ou d'une
alternative aux poursuites, voire d'une relaxe ou encore d'une amnistie personnelle.

Paragraphe II : L'acte de complicité

Comme la plupart des comportements délictueux la complicité implique un aspect matériel


et un aspect intentionnel.

L'aspect matériel de la participation du complice repose sur une opposition entre la


complicité par aide ou assistance et la complicité par provocation à l'infraction.

75
La première forme de complicité décrite à l'art. 121-7 du Code pénal est la complicité par
« aide ou assistance » dont on oublie souvent de préciser qu'elle est sensée avoir, selon le texte,
« facilité la préparation ou la consommation » de l'infraction. On remarquera que la construction de
l'article avec une accumulation de synonyme n'est pas de nature à venir en préciser la portée.
Certains auteurs essaient de faire une distinction entre aide et assistance mais rien de cela n'est
vraiment convaincant. De la même manière, le fait d'affirmer que cette aide ou assistance aura
« facilité » ne donne pas d'autre impression que celle d'une redondance lourde des termes employés.
Ceci étant dit, certains termes employés sont particulièrement intéressant en ce qu'ils permettent de
circonscrire le domaine de la complicité punissable par aide ou assistance et notamment le fait que
cette aide ou assistance doit intervenir au stade de le préparation ou de la consommation de
l'infraction. On en déduit assez classiquement que l'aide ou l'assistance postérieure à l'infraction
ne peut faire l'objet d'une appréhension au titre de la complicité. Il existe pour autant quelques
exceptions à cette limite. :
• la première est une exception historique puisque, le recel de choses, a été un cas de
complicité du code pénal de 1810 à une loi du 22 mai 1915 qui l'incriminait dans les termes
suivants : « Ceux qui sciemment auront recélé, en tout ou en partie, des choses enlevées,
détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, seront aussi punis comme
complices de ce crime ou délit. » : aujourd'hui, toutefois, le recel est une infraction
« autonome » incriminée à l'article 321-1 du Code pénal,
• une autre exception fut plus durable : celle du recel de malfaiteur habituel qui persista à être
réprimé en tant qu'acte de complicité jusqu'au Nouveau code pénal de 1994,
• la dernière exception est toujours d'actualité mais d'origine jurisprudentielle : en effet, la
jurisprudence a eu l'occasion d'établir que l'aide apporté à l'auteur d'une infraction après la
commission de celle-ci tombait dans le champ de la complicité à la condition qu'elle ait fait
l'objet d'un accord antérieur à la commission de l'infraction (Crim. 30 avril 1963, bull. Crim.
157),
Une autre des limites classiquement accolée à la complicité réside dans l'exigence d'un
comportement positif de la part du complice. Une simple abstention serait ainsi insuffisante à
caractériser une participation punissable. La doctrine et la jurisprudence admettent toutefois assez
largement qu'il soit possible de devenir complice par abstention mais dans trois situations :
• lorsque l'abstention forme une assistance morale,
• lorsque l'abstention est convenue à l'avance,
• lorsque l'abstention à lieu en violation d'une obligation agir : des décisions ont ainsi été

76
rendue contre des fonctionnaires des douanes qui fermaient les yeux sur des infractions dont
ils avaient connaissance.

La seconde forme de complicité est la complicité par provocation à l'infraction. Elle pose
bien moins de difficulté que l'aide ou assistance dans la mesure ou elle énumère de manière
limitative les formes de provocation punissable : par don, par promesse, par menace, par ordre, par
abus d'autorité ou de pouvoir ou, enfin, par instructions.
Quant à cette modalité particulière de complicité il y a peu de doute sur le caractère antérieur
ou concomitant et positif de l'acte dans la mesure ou l'on imagine mal une provocation postérieure à
l'acte et l'un des adminicules comme résultant d'une abstention. Il ne peut a priori s'agir d'un simple
conseil, la provocation doit être déterminante du passage à l'acte.
Cette complicité a essentiellement posé problème dans des affaires ou un individu en avait
provoqué un autre à commettre une infraction et que ce dernier n'était jamais passé à l'acte. La
situation a pu paraître problématique car il n'était pas possible de poursuivre le provocateur tant que
l'auteur principal n'avait rien fait (une ancienne affaire était relative au cas d'un médecin qui avait
payé un homme de main pour tuer sa femme, l'homme de main n'ayant rien fait il n'était pas
possible de punir le médecin : Cass. crim., 25 octobre 1962, Lacour). Le législateur a donc
incriminé le « mandat criminel », nouvelle infraction permettant de réprimer celui qui donne pour
mission à un autre de commettre un homicide volontaire (221-5-1 du Code pénal, créé par une loi
du 9 mars 2004).

La complicité implique également, comme tout comportement répréhensible un élément


psychologique : dans tous les cas le complice doit avoir eu l'intention d'aider ou d'assister ou de
provoquer.
Il est traditionnellement admis que le complice doit avoir connaissance de l'infraction
projetée par l'auteur principal et l'intention d'y prendre part. Toutefois, l'acte de complicité étant
antérieur ou concomitant à l'infraction principale, il est tout à fait possible que l'auteur principal
change d'opinion au moment du passage à l'acte. Plusieurs possibilités se présentent alors :
• il se désiste volontairement : le complice ne sera pas punissable,
• il commet une infraction radicalement différente de celle envisagée par le complice, au
besoin, en utilisant les moyens fournis par ce même complice : la jurisprudence a ici retenu
que celui qui fournit des armes en vue d'une extorsion ne saurait être poursuivi pour le
meurtre effectivement réalisé, arrêt Nicolaï (crim. 13 janvier 1955),
• si l'auteur principal réalise une infraction envisagée par le complice lors de la préparation,

77
celui-ci peut être tenu pour responsable : Crim 23 mai 1973, cas d'un plan d'évasion
impliquant l'assassinat des gardiens comme une possibilité,
• si l'auteur principal réalise des circonstances aggravantes non-prévues par le complice :
◦ la jurisprudence estime « que le complice encourt la responsabilité de toutes les
circonstances qui qualifient l'acte poursuivi, sans qu'il soit nécessaire que celles-ci aient
été connue de lui » : crim. 21 mai 1996, bull. Crim. n°206,
◦ la solution a été réaffirmée encore récemment : « il suffit, en cas de pluralité d'auteurs
principaux d'un même crime, que l'un d'entre eux ait eu connaissance de la particulière
vulnérabilité de la victime pour que cette circonstance aggravante produise ses effets à
l'égard du complice » crim. 6 novembre 2013,
On le voit la jurisprudence est particulièrement sévère à l'égard du complice.

Enfin, la répression du complice est relativement simple puisque le Code pénal en son article
121-6 prévoit que « Sera puni comme auteur le complice de l'infraction, au sens de l'article 121-
7. ».
Il faut toutefois être prudent avec cette affirmation qui n'implique pas que le complice subisse
exactement la même peine que l'auteur principal de l'infraction simplement que le complice encourt
la même peine. Il est donc tout a fait possible que les peines prononcées contre l'un et l'autre soit
différentes, tant qu'elles restent dans les limites fixées par la loi, voire même qu'un complice soit
puni plus sévèrement que l'auteur principal si la juridiction l'estime nécessaire. On notera également
que si le complice et l'auteur principal encourent les même peines la question de leur éventuelle
récidive, qui modifie les peines encourues, s'appréciera individuellement. Si l'auteur principal est en
récidive mais que le complice est primo-délinquant il n'encourra pas l'accroissement de pénalité du
à la récidive de l'auteur principal et vice-versa.

78
Chapitre II : L'auteur personne morale

Tout le régime juridique applicable à la responsabilité pénale des personnes morales est
prévu par l'article 121-2 du Code pénal.

Section I : La détermination des personnes morales responsables

Il faut tout d'abord préciser quelles personnes morales peuvent être responsables (Paragraphe
1) avant d'envisager l'existence de la personnalité morale même (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Les types de personnes morales concernées :

Le législateur Français a fait le choix de limiter le champ des personnes morales


responsables. Il pose pour cela un principe de responsabilité des personnes morales (société
commerciales, civiles, associations) et des exclusions.
L'Etat, qui ne sera jamais responsable pénalement. Il existe d'autres système de
responsabilité dans son cas et la sanction pénale serait sans objet à son égard. On voit mal l’État se
verser une amende à lui même tandis que les peines d'interdiction d'exercer ou de dissolution sont
difficilement envisageable (V. E. Dreyer pour une opinion différente).
Les collectivité territoriales et leurs groupements sont exclues de la responsabilité pénale
lorsqu'elle exercent des activités non susceptibles de délégation de service public. A l'inverse, toute
activité susceptible d'être déléguée quoique non déléguée permet d'engager leur responsabilité
pénale. Il s'agit en général des activités n'imposant pas l'exercice de prérogative de puissance
publique. Les auteurs estiment en réalité que la plupart des activités des collectivité territoriales
peuvent être déléguées comme : « la distribution d'énergie, d'eau, de gaz et d'électricité,
l'assainissement, les pompes funèbres, la collecte et le traitement des résidus urbains ». Il n'y a pas
beaucoup de jurisprudence sur ce point et quand il y en a, elle aboutit à des distinctions parfois
subtiles (Crim 6 avril 2004, bull. Crim. n°89) : l'exploitation de transport scolaire peut faire l'objet
de délégation mais l'organisation des transports scolaires, elle, relève des départements et n'est pas
susceptible de délégation.
Toute autre personne morale de droit public, qu'il s'agisse des établissements administratifs,
des groupements d'intérêt public, des établissements publics industriels et commerciaux ou des
entreprises nationalisées, encourt la même responsabilité pénale que les personnes privées. Par.
Ex. : la SNCF, EDF, La Poste, les musées nationaux, les universités, les chambres de commerce ou

79
d'agriculture ou encore des établissements publics de santé …

Paragraphe 2 : L'existence de la personnalité morale :

L'existence d'une personnalité morale exclu de fait tout les groupements dont la personnalité
morale ne serait pas reconnue par la loi ce qui inclus les groupements de faits sont donc exclus :
• par ex. les sociétés en participation qui n'ont pas de personnalité autonome selon l'article
1871 du Code civil selon lequel « Les associés peuvent convenir que la société ne sera point
immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle n'est pas une
personne morale et n'est pas soumise à publicité. », dans ces sociétés les parties conservent
une certaine autonomie dans leur responsabilité,
• les sociétés créées de fait qui n'ont pas validé les conditions pour naître à la vie juridique,
Pour tous ces groupements le droit pénal appréhendera les individu personne physique et les
personne morales impliquées dans la commission des infractions de manière individuelle.

L'existence de personnalité morale exclu également la responsabilité des groupements qui


perdent la personnalité morale :
• notamment lorsqu'une société dont la responsabilité pourrait être engagée est absorbée par
une autre, la solution est alors radicale : Crim. 20 juin 2000 : l’absorption de la société à lieu
en cours d'instance et mets obstacle à la responsabilité de la société absorbante,
• a raison de la dissolution de la personne morale : dans toutes ces hypothèses la
responsabilité est possible pour les infractions commises jusqu'à la clôture des opérations de
liquidation puisque selon l'article 1844-8 du Code civil : « La personnalité morale de la
société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de
celle-ci. ».
◦ il faudra que la condamnation de la personne morale interviennent toutefois avant la
clôture des opérations de liquidation puisque à ce moment elle perdra la personnalité
morale ce qui induit l'extinction de l'action publique,
◦ en ce qui concerne les peines pécuniaires, elles peuvent être recouvrée jusqu'à la clôture
des opérations de liquidation en application de l'article 133-1 du CP,
◦ les infractions commise postérieurement à la clôture des opérations de liquidation relève
de la responsabilité individuelle de leurs auteurs,

80
En revanche la transformation de la société est sans incidence sur sa responsabilité en vertu
de l'article 1844-3 du Code civil selon lequel : « La transformation régulière d'une société en une
société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de
même de la prorogation ou de toute autre modification statutaire. »

Pour ce qui est des infractions commise avant l'acquisition de la PM : le principe est que ces
infractions ayant été commise avant l'acquisition de la personne morale il n'est pas possible
d'engager sa responsabilité y compris si elles ont été commise par des individus qui sont devenu
ultérieurement ses organes ou représentants :
• infraction complexes : on imagine alors qu'une infraction a commencé à être réalisée avant
l'acquisition de la personnalité morale et qu'au moins un de ses éléments a été réalisé après
cette acquisition,
• infraction continues : il s'agit des infractions dont la consommation s'étale dans le temps, si
la commission d'une telle infraction perdure après l'acquisition de la personnalité morale
alors celle-ci peut être déclarée responsable,
• recel et blanchiment : peuvent être reprochée à la personne morale si elle est, par exemple,
constituée avec des fonds provenant d'une infraction,
• dans ces trois hypothèses il faut toutefois respecter les termes de l'article 121-2 du Code
pénal pour engager la responsabilité de la personne morale et notamment pouvoir reprocher
cette infraction à un organe ou représentant,
• reprise d'actes : une société peut « reprendre » des actes effectués pour son compte avant son
entrée en vigueur par toute personne agissant en son nom. Dans ce cas, ces actes seront
réputés avoir été effectué dès l'origine par la société (L210-6 du CdCom),
◦ On pourrait alors imaginer l'utilisation de faux document dans la constitution de la
société qui lui seront reprochable,

Section II : L'établissement de la responsabilité de la personne morale

Il faut une infraction (Paragraphe 1) commise par un organe ou représentant (Paragraphe 2)


au nom et pour le compte de la personne morale.

81
Paragraphe 1 : L'existence d'une infraction

La responsabilité de la personne morale était initialement soumise à un principe de spécialité


qui conduisait à une limitation du champ de sa responsabilité à certaines infractions spécialement
désignées par la loi.
Le législateur avait inscrit cette limitation dans l'article 121-2 lui même en précisant que la
responsabilité des personnes morales pouvait être engagée uniquement « dans les cas prévus par la
loi ». Les infractions susceptibles d'engager la responsabilité pénale de la personne morale étaient
donc spécifiquement désignées par un texte particulier prévoyant cette responsabilité. Le
mécanisme était alors assez proche de celui utilisé pour la tentative des délits : le législateur pose
une précision au cas par cas. Il fallait même une mention expresse puisque la cour de cassation a pu
juger que l'emploi des termes « toute personne » n'était pas suffisant (Crim. 18 avril 2000, bull.
153).
Ce principe a été supprimé par une loi du 9 mars 2004 qui conduit à l'adoption d'une
référence générale à toute infraction ce qui permet d'envisager l'infraction elle-même, sa tentative et
les actes de complicité.

Paragraphe 2 : Commise par un organe ou un représentant

L'article 121-2 du Code pénal est clair, les personnes morales sont responsables « des
infractions … commises … par leurs organes ou représentants ».

I : Notion d'organe ou de représentant

La notion d'organe renvoie aux organes statutaires de la personne morale qui peuvent varier
selon les formes qu'elle prendra.
La notion de représentant vise d'une manière générale toute personne investie d'un pouvoir
de représentation de la personne morale. Cette investiture peut résulter de la loi, d'une décision de
justice (administrateur, mandataire, ou d'une convention :
• comme dans un salarié disposant « d'un poste élevé » dans la société, sans délégation de
pouvoir, et mettant en place une campagne de recrutement discriminatoire : Crim. 23 juin
2009, bull. Crim. n°126,
• l'agent commercial lié par un contrat de mandat avec la société : Crim. 23 février 2010,
inédit, n° de pourvoi 09-81819,

82
La question a pu se poser de la possibilité pour un organe ou un représentant de fait
d'engager la responsabilité pénale de la personne morale. La cour de cassation a adopté une position
très nette sur ce point (Crim. 17 décembre 2003, n°00-87872) en estimant qu'un individu « qui
agissait en tant que dirigeant de fait de la société, et la représentait, notamment, dans ses relations
avec la société Peugeot, a engagé la responsabilité de la personne morale ».

La jurisprudence dans le silence de la loi est venu assimiler le délégataire de pouvoir à un


représentant de la personne morale :
• le « primo » délégataire (Crim. 14 décembre 1999, bull. Crim. n°306) : « le délégataire de
pouvoirs représente la personne morale, au sens de l'article 121-2 du Code pénal, en
matière d'hygiène et de sécurité »,
• le « sub » délégataire (Crim. 26 juin 2001, bull. Crim. n°161) : « ont la qualité de
représentants, au sens de ce texte, les personnes pourvues de la compétence, de l'autorité et
des moyens nécessaires, ayant reçu une délégation de pouvoirs de la part des organes de la
personne morale ou une subdélégation des pouvoirs d'une personne ainsi déléguée »

Il faut toutefois rester prudent sur cette question puisque :


• il n'y a là qu'une solution jurisprudentielle induisant une approche au cas par cas, les juges
vérifieront donc la réalité de la délégation dans chaque espèce,
◦ dans l'arrêt du 14 décembre 1999 la cour vérifie que la délégation de pouvoir a été
octroyé par le représentant des sociétés intervenant sur le chantier : « à un préposé de
l'une d'entre elles qui disposait effectivement des pouvoirs, de la compétence et des
moyens nécessaires à l'exécution de sa mission »,
• si la délégation tombe, cela ne veux pas dire pour autant qu'il n'y aura pas de responsabilité
pénale de la personne morale puisque la responsabilité sera alors basée sur l'infraction
reprochée au délégant,

II : Identification de l'organe ou représentant

La jurisprudence a évolué sur cette question.

Dans un premier temps : la cour de cassation a pu se montrer sévère quant à l'identification


de l'organe ou représentant ayant commis l'infraction (Crim. 18 janvier 2000, bull. crim. n°28) en

83
censurant des décisions dans lesquelles les juges avaient considérés que l'infraction n'avait pu être
commise que par un organe ou représentant.

Elle a ensuite assoupli sa position (Crim. 20 juin 2006, bull. Crim. n°188) en considérant
que l'entreprise poursuivie « ne saurait se faire un grief de ce que les juges du fond l'aient déclarée
coupable du délit d'homicide involontaire sans préciser l'identité de l'auteur des manquements
constitutifs du délit, dès lors que cette infraction n'a pu être commise, pour le compte de la société,
que par ses organes ou représentants »,

A l'heure actuelle, on parle d'un retour à l'orthodoxie (Crim. 11 octobre 2011, bull. Crim.
n°202). La Chambre criminelle vient ainsi reprocher à une cour d'appel de ne pas s'être mieux
expliquer sur « le statut et les attributions des agents mis en cause propres à en faire des
représentants de la personne morale, au sens de l'article 121-2 du code » et notamment sur
l'existence d'une délégation de pouvoir.

Paragraphe 3 : Pour le compte de la personne morale

Le professeur Saint-Pau estime que cette condition doit s'entendre comme : « une infraction
commise dans son intérêt, c'est à dire à son profit, soit dans le cadre d'une activité relevant de son
objet social, de son organisation ou de son fonctionnement »

En réalité, cette condition est le parent pauvre des conditions de la mise en œuvre de la
responsabilité pénale des personnes morales : elle est tellement large qu'il est virtuellement possible
d'y intégrer nombre des infractions commise au sein de l'entreprise. La jurisprudence ne s'y est
d'ailleurs pas particulièrement intéressée et il n'y a même pas de rubrique spécifique à cette
condition de la responsabilité dans les rappels de jurisprudence.

Le TGI de Bastia a pu énoncer (3 juin 1997) qu'il s'agit de l'hypothèse dans laquelle l'organe
ou le représentant « agit dans le cadre de ses fonctions, au nom de la personne morale, lors de
mission de direction ou d'administration et lorsque l'infraction s'intègre dans la vie sociale générale
de l'entreprise ».

84
Section III : La concrétisation de la responsabilité de la personne morale

Les sanctions applicables aux personnes morales sont énumérées aux articles 131-37 et
suivant du Code pénal. Il est toutefois assez inutile de revenir sur l'ensemble des peines applicables
aux personnes qui reprennent dans une large mesure les classifications applicables aux personnes
physiques :
• l'emprisonnement est exclu,
• l'amende (dont le taux et multiplié par 5 ou fixé à 1 000 000 d'euros si l'infraction commise
est un crime ne prévoyant pas de peine d'amende),
• la sanction-réparation en matière correctionnelle,

On trouve toutefois, en remplacement des peines prévues pour les personnes physique, des
peines spécifiques à la personne morale :
• dissolution : dans des cas restreints si la PM a été créée pour commettre l'infraction ou si elle
a été détournée pour commettre des faits punis d'une peine supérieure ou égale à trois ans
d'emprisonnement (exclu toutefois pour certaines PM : de droit public, parti politique ou
syndicats professionnels),
• des fermetures d'établissement,
• des interdictions en tout genre particulièrement gênantes lorsque la PM a une activité
économique : chèque / exclusion des marchés publics / interdiction de percevoir des aides
publiques,

D'une manière générale : les personnes morales se voient appliquer des mécanismes qui
existence pour les personnes physiques :

• la récidive leur est applicable : avec des système presque aussi subtil que pour les personnes
physique et un doublement de l'amende encourue notamment,
• le sursis, la dispense ou l'ajournement de peine sont également envisageable parfois avec des
conditions particulières : par ex. un sursis avec mise à l'épreuve n'est pas possible, mais il
peut s'accompagner d'une injonction,
• elles ont également un casier judiciaire comme les personnes physique régit à l'article 768-1
du CPP.

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Nous allons maintenant envisager les situations dans lesquelles l'infraction, et donc la
répression, se trouve neutralisée.

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Partie III : La neutralisation de l'infraction

L'infraction commise il est encore possible à un individu d'échapper à la mise en cause de sa


responsabilité pénale et donc à la pénalité qu'il encourrait pourtant à raison de son action ou de son
omission. Le Code pénal prévoit plusieurs hypothèses qu'il qualifie de « causes-d'irresponsabilité »
pénales en ses articles 122-1 et suivant. La doctrine et la jurisprudence préfèrent, pour leur part,
opérer une distinction au sein des différents mécanismes visés par le législateur entre ce qu'elles
qualifient de « faits justificatifs » (Chapitre I) et de « causes de non-imputabilité » (Chapitre II).

Chapitre I : Les faits justificatifs

Lorsque un individu a commis une infraction en tout ses éléments constitutifs il s'expose à
une sanction pénale, c'est à dire à l'application d'une peine. Cette situation est classique mais il peut
arriver dans certains cas que la commission d'une infraction ne donne pas lieu à répression pour des
raisons diverses. L'infraction commise sera parfois jugée utile, souhaitable ou dans certains cas
nécessaire et son auteur se trouvera « justifié ». Il a, en quelque sorte, eu raison de commettre
l'infraction qu'on lui reproche.

Cette justification des infractions se traduit en droit pénal à travers la notion de « fait
justificatifs » dont nous allons examiner maintenant le mécanisme (Section I) avant d'étudier
plusieurs exemples de faits justificatifs (Section II).

Section I : le mécanisme de la justification

Le mécanisme de la justification doit être décrit pour être bien compris, tant dans son
fonctionnement que dans ses enjeux.

Le mécanisme de justification implique qu'une infraction apparaît a posteriori comme


justifiée pour diverses raisons. Pour qu'une infraction soit justifiée, toutefois, encore faut il qu'elle
ait été commise, à défaut il n'y a rien à justifier. Il faut donc que l'infraction ait été commise par son
auteur dans tous ses éléments constitutifs : l'élément matériel (actus reus) et l'élément
psychologique (mens rea). L'infraction est donc parfaitement réalisée, l'individu a adopté le
comportement interdit et avait l'intention de le réaliser.

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Parfaitement réalisée, cette infraction a pourtant été réalisée dans des conditions qui font
qu'elle va être considérée comme justifiée : elle est socialement acceptable. Par exemple : un
individu subit une agression injuste et se défend en portant des coups à son agresseur. L'agressé,
lorsqu'il riposte et porte des coups, commets bien l'infraction de violences volontaires, mais son
comportement sera justifié par la légitime défense et il ne sera pas puni pour avoir porté des coups.

D'un point de vue technique, l'explication à la neutralisation de l'infraction réside dans


l'autorisation qui est donnée par la loi à l'agressé de se défendre. L'article 122-5 du Code pénal
autorise ainsi la riposte en cas d'agression. Il existe donc un texte ayant valeur légale qui interdit les
violences volontaires (par exemple l'article 222-13 du Code pénal) et un autre texte ayant également
valeur légale qui autorise à commettre de telles violences en cas de légitime défense (l'article 122-5
du Code pénal). Dans cette situation, les deux textes se neutralisent réciproquement et le
comportement visé, les violences volontaires, deviennent neutres du point de vue du droit : elle ne
suscitent ni répression, ni approbation, elles sont simplement indifférentes.
Il faut donc être très clair, lorsqu'une infraction est justifiée ce n'est pas parce que l'élément
matériel ou l'élément psychologique n'ont pas été commis, c'est parce que l'élément légal de cette
infraction, le texte la proscrivant, est neutralisé par un autre texte qui l'autorise.
Cette neutralisation du texte incriminateur de l'infraction ne peut être réalisée par principe
que par un texte de valeur équivalente dans la hiérarchie des normes : une loi peut neutraliser une
loi en matière de crime et de délit qui sont créés par la loi, un règlement peut neutraliser un
règlement en matière de contraventions qui sont créées par le règlement.
Toutefois, il arrive que la jurisprudence créée de sa propre autorité des causes de
justifications que le législateur n'avait pas envisagées. Nous verrons plusieurs exemples de cette
situation lorsque nous examinerons les faits justificatifs existants. Il faut garder à l'esprit que si la
jurisprudence s'autorise a créer des faits justificatifs, elle n'a normalement pas cette possibilité dans
un système légaliste comme le système français. Cette création est donc régulièrement critiquée par
la doctrine qui ne l'estime pas légitime dans bien des cas.

La neutralisation de l'élément légal de l'infraction par le fait justificatif n'est pas sans
conséquence sur les effets des faits justificatifs. En effet, en neutralisant l'élément légal de
l'infraction le fait justificatif fait disparaître l'infraction commise de l'univers juridique. Certes, cette
infraction a matériellement été commise mais elle n'existe plus juridiquement. Il en résulte que
toutes les infractions ou tous les comportements qui seraient dépendant de cette infraction pour
exister perdent également leur existence légale.

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S'il y avait un complice de l'infraction principale, celui ci ne peut plus être réprimé. En effet,
la complicité ne peut exister sans un fait principal punissable. Si l'infraction principale est donc
justifiée, elle n'existe plus et il ne peut pas y avoir de complice de celle-ci. Par exemple : celui qui
aide une personne agressée ne pourra pas être poursuivi pour complicité de violence volontaires.
Si un individu recele le produit de l'infraction justifiée il ne peut pas non plus être réprimé.
Car le recel n'existe que lorsque un individu manipule le produit d'une infraction précédemment
commise. Or ici, l'infraction précédemment commise a disparu juridiquement, son produit peut
donc être utilisé de manière licite. Par exemple : si une mère de famille vole de la nourriture pour
alimenter ses enfants qui sont en état de malnutrition avancée, elle sera justifiée par l'état de
nécessité, et ses enfant ne pourront pas être poursuivi pour recel de vol pour avoir consommé les
biens volés.

Nous allons maintenant envisager plusieurs exemple de faits justificatifs.

Section II : les exemples de faits justificatifs

Nous distinguerons ici les faits justificatifs légaux (Paragraphe 1) des faits justificatifs
prétorien (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les faits justificatifs légaux

Comme leur nom l'indique, les faits justificatifs légaux trouvent leur origine dans la loi
pénale qui prévoir un certain nombre de situation dans lesquelles il est possible de justifier une
infraction commise par un individu. On retrouve la plupart du temps ces faits justificatifs aux
articles 122-1 et suivant du Code pénal. Nous n'en examinerons ici que quelques-uns :

Le fait justificatif le plus emblématique et le plus connu est celui posé par l'article 122-5 du
Code pénal : la légitime défense. La légitime défense autorise un individu qui subit une agression
injuste à riposter à cette agression y compris par la commission d'infractions telles que des
violences volontaires. Elle autorise aussi à défendre une tierce personne qui subirait une agression
ou à protéger des biens qui feraient l'objet d'une infractions (ex : s'interposer pour éviter un vol de
voiture ou une dégradation de bien). Il faut toutefois être prudent avec un tel fait justificatif qui
n'autorise pas n'importe quelle action et qui est sévèrement apprécié par les tribunaux qui ont
toujours la liberté d'estimer que l'individu qui invoque la légitime défense n'en remplissait pas les

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conditions et sera donc pénalement responsable. Plusieurs conditions existent donc pour justifier
une infraction par la légitime défense :
• tout d'abord l'agression subie par l'individu doit être « injuste » : il ne doit exister aucune
explication légitime à l'agression que l'individu subit pour que celui ci puisse se défendre
légitimement. A l'inverse, si l'individu fait l'objet d'une arrestation par les forces de l'ordre
qui veulent le placer en garde à vue parce qu'il serait soupçonné d'avoir commis une
infraction alors celui-ci ne peut se défendre violemment contre cette arrestation qui est
légitime,
• ensuite la riposte de l'individu doit être proportionnée à l'agression subie : l'individu doit
mesurer soigneusement l'intensité de la riposte qu'il apporte à l'agression qu'il subit afin de
ne pas dépasser ce qui est nécessaire pour faire cesser cette agression. On estime ainsi qu'il
n'est pas possible de répondre par des coups à des insultes purement verbales. Ceci étant dit,
il ne faut pas déduire de cette exigence de proportionnalité une parfaite concordance entre
l'agression et la riposte (agression avec arme – riposte avec arme ; agression verbale –
riposte verbale). La riposte doit être proportionnée à l'agression et il peut arriver, dans
certains cas, qu'un individu n'ait pas d'autre choix pour se protéger de devoir donner la mort
à son agresseur. La légitime défense n'interdit donc pas, par principe, de commettre un acte
homicide. L'acte homicide ne saurait toutefois être justifié lorsque l'individu défend non pas
sa personne ou la personne d'autrui, mais simplement des biens (art. 122-5 al. 2),
• il doit enfin exister une concomitance entre l'agression subie et la riposte apportée : la
défense ne sera considérée comme légitime qu'à la condition que l'individu agisse dans le
même temps que l'agression qu'il subit. La jurisprudence refuse par conséquent de
considérer comme légitime une riposte qui précéderait l'agression, on parle dans ce cas de
légitime défense préventive, ou une riposte qui serait postérieure à l'agression, la situation
ressemble alors plus à de la vengeance qu'à une véritable riposte. Les exemples les plus
classiques concernent des situations de femmes ayant subit pendant plusieurs années des
violences conjugale et qui, pour éviter leur renouvellement, tuent leur conjoint à un moment
ou il n'exercerait pas de violences à leur encontre : il y a là une forme de légitime défense
préventive qui n'est pas admise par le droit français (le droit anglo-saxon semble plus souple
sur ce point à travers la notion de « syndrome de la femme battue »). Un autre cas typique
est celui de l'individu qui vient de subir un cambriolage et abat d'un coup de fusil les
cambrioleurs qui étaient en train de prendre la fuite. Tirer dans le dos d'un individu implique
bien souvent que l'agression est terminée et la jurisprudence refuse la légitimité de la
défense dans ces cas.

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Si toutes ces conditions sont remplies, la défense de l'individu sera considérée comme légitime et il
ne sera pas pénalement responsable de son comportement.

Le second fait justificatif qu'il est nécessaire d'évoqué est l'état de nécessité de l'article 122-7
du Code pénal selon lequel « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger
actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la
sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la
gravité de la menace. ». Ce fait justificatif a été créé par la jurisprudence avant de recevoir une
consécration dans la loi avec le Nouveau Code Pénal. Il est très proche de la légitime défense mais
n'implique pas l'existence d'une agression commise par autrui. L'état de nécessité implique
l'existence d'un danger actuel ou imminent pour la personne ou autrui qui justifie qu'une infraction
soit commise pour éviter que ce danger ne se réalise. Nécessité de voler des denrées alimentaires
pour nourrir des enfants en situation de malnutrition. Nécessité de pénétrer par effraction dans le
domicile d'autrui pour se mettre à l'abri d'une tempête qui arrive. Récemment, même si c'est
juridiquement discutable, un tribunal a pu reconnaître l'état de nécessité écologique pour justifier le
vol des portraits du Président de la République dans certaines Mairie afin de protester contre
« l'inaction gouvernementale en matière écologique » (cette décision est toutefois isolée et peu
compatible avec les exigences du texte incriminateur).

L'article 122-4 du Code pénal prévoit également deux faits justificatifs qu'il convient
d'évoquer même rapidement : l'autorisation de la loi ou du règlement et l'ordre de l'autorité légitime.
L'autorisation de la loi ou du règlement est relativement simple à comprendre : si certains textes
interdisent certains comportements il peut arriver que ponctuellement d'autres textes les autorisent.
Dans ce cas, l'individu qui adoptera le comportement ne pourra pas voir sa responsabilité pénale
engagée. L'ordre de l'autorité légitime permet de justifier l'infraction commise par un subordonné
sur ordre de son supérieur mais mérite d'être précisé à deux égards. L'autorité légitime est
nécessairement une autorité publique, il ne peut s'agir d'une personne privée comme un chef
d'entreprise qui donnerait l'ordre à son salarié de commettre une infraction. Enfin, il peut paraître
surprenant qu'une autorité publique donne l'ordre à un de ses subordonnés de commettre une
infraction mais cela n'est pas totalement impossible par exemple lorsque des supérieurs
hiérarchiques donne l'ordre à des officiers de police de faire usage de la force pour disperser un
attroupement illicite. Les subordonnés doivent alors obéir sauf à ce que l'ordre soit manifestement
illégal, auquel cas ils peuvent refuser d'agir.

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Plus récemment, le législateur a créé un fait justificatif dit des « lanceurs d'alerte » à l'article
122-9 du Code pénal qui permets à des personnes astreinte à un secret protégé par la loi de rompre
leur obligation de respecter ce secret pour révéler, par exemple, la commission d'infraction grave.
Le mécanisme est encore récent (créé par une loi du 9 décembre 2016) et n'a pas encore donné lieu
à une application concrète.

Nous allons maintenant examiner les faits justificatifs jurisprudentiels.

Paragraphe 2 : Les faits justificatifs jurisprudentiels

Les faits justificatifs jurisprudentiels ont cette particularité que dans un système légaliste
comme le système français ils ne devraient pas exister. Seule la loi, et le règlement dans une
moindre mesure, ont la possibilité d'autoriser la commission d'un acte qui normalement serait de
nature infractionnelle.

Ceci étant dit, il faut reconnaître que la jurisprudence a parfois précédé la loi dans ce
domaine. L'état de nécessité que nous avons vu précédemment est typiquement l'exemple d'un fait
justificatif créé de toute pièce par la jurisprudence et que le législateur a fini par intégrer dans le
Code pénal.

Dans d'autres hypothèses, il faut reconnaître que la jurisprudence a tout simplement créé des
faits justificatifs qui n'existaient pas, généralement pour répondre à un besoin social, mais que le
législateur ne les a jamais intégré dans la loi. Certains de ces faits justificatifs sont parfaitement
accepté par le système juridique et couramment employé devant les juridictions pénales d'autres
sont contestés et le législateur essaie, avec plus ou moins de succès, de les remettre en cause. Nous
allons ici examiner deux exemples bien précis : le cas du faits justificatifs « des droits de la
défense » et celui du « droit de correction des mineurs ».

Le contentieux en droit du travail a tout d'abord fait émerger un nouveau « fait justificatif »
d'origine jurisprudentielle au sein du droit pénal. Le fait justificatifs dit « des droits de la défense ».
A l'origine c'est la chambre sociale de la Cour de cassation qui a admit « que le salarié peut
produire en justice, pour assurer sa défense dans le procès qui l'oppose à son employeur, les
documents de l'entreprise dont il a connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions » (Soc. 2
décembre 1998, n°9644258). Il arrivait ainsi que des salariés dérobent des documents dans leur

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entreprise pour pouvoir prouver les fautes de leur employeurs à leur égard dans le cadre d'un
licenciement. Souvent les employeurs portaient plainte contre ces salariés pour vol alors même que
les documents n'avaient aucune valeur. Comme le vol était constitué, puisqu'il y avait eu
soustraction frauduleuse de la chose d'autrui les salariés qui ne cherchaient qu'à se défendre contre
des employeurs étaient condamnés et les documents irrecevable devant les juridictions du travail.
Pour protéger les salariés, la chambre sociale de la Cour de cassation a donc admis qu'ils puissent
produire devant les juridictions du travail des documents même volés.
La Chambre criminelle a finit par reprendre à son compte ce raisonnement en refusant de
sanctionner une salariée qui avait pourtant dérobé des documents à son employeur au motif que ces
documents étaient : « strictement nécessaire à l'exercice des droit de sa défense dans le litige
l'opposant à son employeur » (deux arrêts : Cass. Crim. 11 mai 2004, Bull. 113 et 117).
Depuis lors, il est largement admis qu'un salarié peut dérober à son employeur des
documents si ce vol est réalisé dans le but d'assurer sa défense devant une juridiction du travail. En
revanche si les documents sont dérobés dans un autre but, s'enrichir par exemple, le salarié n'est pas
protégé par le fait justificatif des droits de la défense.
Ce fait justificatif, alors même qu'il est d'origine jurisprudentielle n'a jamais été remis en
cause par le législateur.

La situation du « droit » ou du « pouvoir » de correction est sensiblement différente. Il s'agit


d'un fait justificatif créé par la jurisprudence au 19ème siècle qui a fait l'objet de nombreuses
critiques ces dernières années et que le législateur tente de remettre en cause. Cette jurisprudence
consiste à justifier (au sens pénal du terme) les infractions de violences qui pourraient être
commises sur des mineurs par des parents ou éducateurs dans le but de les « corriger ». On a pu
qualifier ce droit ainsi : « une concession silencieuse de la loi aux besoins supérieurs de
l'éducation » (Y. Mayaud).
Ce droit de correction trouve son origine dans des décisions de la fin du 19ème siècle :
• Cass. crim., 18 janv. 1889 : S. 1889, 1, p. 234 : pour un enseignant qui attache un élève
turbulent à sa chaise avec son foulard et un mouchoir,
• Cass. crim., 4 déc. 1908 : Bull. crim. 1908, n° 482 : pour un enseignant qui force un enfant à
essuyer un excrément de poule qu'il avait lancé au tableau,
Depuis lors, l'existence du droit de correction est largement débattue parce qu'à la différence
de beaucoup d'autres faits justificatifs il pose le problème de sa base légale :
• pour le Professeur Ph. Conte : il serait possible de trouver son existence dans les articles
L.121-1 et L.122-1-1 du Code de l'éducation. Ces articles ne font toutefois aucune référence

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à un tel droit,
• pour ce qui est du droit de correction octroyé aux parents : celui-ci reposerait sur la notion
d'autorité parentale. Il n'est toutefois pas réellement possible de trouver un article du Code
civil autorisant le recours à la force envers ses enfants.

Au contraire, plusieurs textes semblent clairement prohiber toute forme de violences envers
les enfants :
• une circulaire 91-124 du 6 juin 1991 fixant les « directives générales pour l'établissement du
règlement type départemental des écoles maternelles et élémentaires » prévoyant que :
« Tout châtiment corporel est strictement interdit. »,
• une circulaire du 11 juillet 2000 relative aux procédure disciplinaire en collège et lycée
affirmant que : « sont proscrite en conséquence toutes les formes de violences physiques et
verbales, toute attitude humiliante, vexatoire ou dégradante à l'égard des élèves »,
• la jurisprudence elle-même a pu affirmer que si le droit existait il devait être mis en œuvre
de « manière inoffensive » : Crim. 31 janvier 1995, n°95-85711,

On trouve toutefois plusieurs exemples de décisions retenant le droit de correction dans des
termes parfois douteux par ex. CA Toulouse 18 février 1999 pour un responsable d'internat :
• Doit être relaxé du délit de violences volontaires sur un mineur de 15 ans le prévenu,
responsable d'un internat, lorsque les violences alléguées se rattachent à l'exercice du droit
de correction qui appartient aux parents et dans une moindre mesure aux maîtres. Le
prévenu qui a donné des gifles, des coups de poing, des coups de pied ou coups de classeur à
des élèves qui perturbaient le bon déroulement des études ne leur a pas infligé de sanctions
excédant les limites du droit de correction, les gestes accomplis étant toujours une réponse
au comportement anormal des enfants,
• Est coupable du délit de violences volontaires sur un mineur de 15 ans le prévenu,
responsable d'un internat, qui a projeté un élève sur le sol et lui a donné des coups de pied
dans le dos. Le prévenu a en l'occurrence manifestement abusé de son droit de correction en
infligeant à la victime des coups dont le caractère excessif résulte notamment des
constatations du médecin consulté.

La solution est évidemment très critiquée, notamment à l'échelle internationale, la CEDH


ayant eu à plusieurs reprise à connaître du cas du royaume unis relatif aux violences faites aux

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mineurs :
• affaire Costello-Costello Roberts du 25 mars 1993 pour des coups de savates à semelle de
caoutchouc sur les fesses,
• affaire A. du 23 septembre 1998 pour des coups de canne en bois.

En France, ce problème que tardivement fait l'objet d'une réaction du législateur mais la
jurisprudence dans son dernier état semble faire désormais très largement table rase du droit de
correction, en tous cas en ce qui concerne les corrections apportées par des enseignants. Elle estime
notamment qu'un enseignant qui s'exprime « avec une voix remplie de haine et d'agressivité »
contre un élève va déjà au dela de ce qui est acceptable au regard de son pouvoir disciplinaire (v.
not. Cass. Crim. 7 novembre 2017 n°16-84329).

Une intervention législative attendue à fini par arriver mais dans une mesure qui implique
quelques précisions :
− par une loi du 10 juillet 2019, le législateur a modifié l'article 371 du Code civil relatif à
l'autorité parentale en ce sens que désormais : « L'autorité parentale s'exerce sans violences
physiques ou psychologiques »,
− il n'en demeure pas moins que ce texte, à l'utilité discutable au demeurant, ne règle qu'une
partie du problème dans la mesure ou il reste taisant sur la question du pouvoir disciplinaire
des enseignants.

Nous allons maintenant envisager la situation des causes de non imputabilité.

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Chapitre II : Les causes de non imputabilité

Lorsqu'un individu commet une infraction, il arrive encore dans certains cas qu'il ne puisse
pas voir sa responsabilité engagée pour des raisons qui lui sont personnelles. Parce que l'individu
est affecté d'un trouble neuropsychique qui a abolit son discernement ou parce qu'il est trop jeune
pour comprendre le sens de ses actes on estimera qu'il n'est pas possible de lui imputer son
comportement. Imputer signifie « mettre au compte de ... » et dans les hypothèses qui nous
occupent on estime qu'il n'est pas possible de mettre au compte de l'individu le comportement,
pourtant infractionnel qu'il a pu adopter. Il ne sera donc pas pénalement sanctionné. Ces causes de
non-imputabilités sont parfois difficile à distinguer des « faits justificatifs » que nous venons
d'étudier mais elle s'en distinguent tant dans leurs effets que dans leurs causes.

Nous reprendrons ici le plan adopté pour l'étude des faits justificatifs en distinguant d'une
part le mécanisme à l’œuvre derrière les causes de non-imputabilité (Section I) et d'autre part
quelques exemples de causes de non imputabilité (Section II).

Section I : Le mécanisme des causes de non-imputabilité

A première vue, les causes de non-imputabilité fonctionnement de la même manière que les
faits justificatifs : si un individu est affecté d'une cause de non-imputabilité sa responsabilité pénale
ne pourra pas être engagée quand bien même il aurait commis une infraction en tous ses éléments
constitutifs. Aucune peine ne pourra lui être appliquée. Un regard plus attentif au mode de
fonctionnement de ces causes de non-imputabilité laisse toutefois entrevoir des différences
techniques avec les faits justificatifs qui méritent d'être exposées car elles ne sont pas totalement
sans conséquence.
Nous le dissions précédemment, les faits justificatifs s'appliquent dans le cas ou un individu
à commis une infraction dans tous ses éléments constitutifs et qu'il peut expliquer cette infraction
par une autorisation donnée, généralement par la loi, à son comportement. Dans ce cas là, l'élément
légal de l'infraction est neutralisé et celle-ci disparaît radicalement. Il n'y a tout simplement pas
d'infraction commise.
La situation des causes de non-imputabilité est légèrement différente en ce sens que,
lorsqu'elles sont présentes, elles ne font pas disparaître l'infraction qui a été commise. Si un individu
commet une infraction alors qu'il est sous le coup d'une cause de non-imputabilité, l'infraction reste
établie mais ne peut pas lui être imputée. La doctrine présente les causes de non-imputabilité

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comme « brisant le lien d'imputation entre l'auteur de l'infraction et l'infraction ».
Un tel mécanisme est sensiblement différent de celui à l’œuvre dans le cas des faits
justificatifs. Du point de vue de l'auteur de l'infraction les effets sont les mêmes, il n'est pas
pénalement responsable. Toutefois, dans la mesure ou l'infraction commise ne disparaît pas, il est
possible, éventuellement, de poursuivre un complice qui ne bénéficierais pas de la cause de non-
imputabilité. L'exemple classiquement repris est celui de l'individu qui manipulerait un autre
individu affecté d'un trouble neuropsychique ayant abolit son discernement pour le pousser à
commettre un meurtre. Si le meurtre est commis, l'auteur principal, affecté d'un trouble
neuropsychique ne sera pas pénalement responsable. Celui qui l'aura manipulé, en revanche, n'ayant
pas de trouble neuropsychique, pourra être poursuivi pour complicité de meurtre.
On résume cette situation particulière en présentant les causes de non-imputabilité comme
des « causes personnelles d'irresponsabilité » en ce sens qu'elles n'affectent que les personnes qui
les subissent. Les faits justificatifs, au contraire, ont un effet « erga omnes » c'est à dire à l'égard de
tous les participants dès lors que l'auteur principal est affecté.
Ceci étant dit, il faut toutefois préciser que cette présentation est essentiellement doctrinale
et que si la jurisprudence reprends parfois à son compte ce mode de raisonnement il lui arrive de
s'en écarter au cas par cas.

Nous allons maintenant envisager plusieurs exemples de causes de non-imputabilité.

Section II : Les exemples de causes de non-imputabilité

Nous allons ici examiner successivement plusieurs causes de non-imputabilités. Ces causes
sont prévues par la loi et nous ne ferons pas ici la distinction que nous avons fait précédemment à
propos des faits justificatifs entre ceux qui sont d'origine légale et jurisprudentielle.

La première cause de non-imputabilité que nous allons examiner est l'abolition du


discernement due à un trouble psychique ou neuro-psychique. Cette cause de non-imputabilité est
prévue par l'article 122-1 du Code pénal en ces termes : « N'est pas pénalement responsable la
personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant
aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. ». On caricature souvent cette cause de non-
imputabilité en l'illustrant par l'exemple de l'individu atteint d'une « folie » passagère ou non. Le
Code pénal ne se réfère en réalité pas à la notion de folie. Il lui préfère celle de trouble psychique ou
neuro-psychique dont les effets sont précisés : soit le discernement de l'individu est aboli, il n'a alors

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plus conscience de ce qu'il fait, soit il perd le contrôle de ses actes, son corps agit par automatisme
sans qu'il ne puisse rien y faire. Dans les deux cas, on estime que l'individu ne mérite pas la
répression pénale puisque soit il n'a pas voulu commettre l'infraction, soit il n'a pas eu la capacité de
l’empêcher.
La difficulté posée par l'article 122-1 du Code pénal provient du fait qu'il ne prévoit pas que
la situation de l'individu dont le discernement ou le contrôle sur ses actes est « aboli » mais
également une situation moins radicale dans laquelle le discernement est simplement « altéré » et le
contrôle des actes « entravé ». Dans ce cas, là le législateur prévoit à l'article 122-1 al. 2 que
l'individu demeure punissable mais : « la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle
détermine la peine et en fixe le régime ». C'est à dire que l'individu, lorsque son discernement est
simplement altéré ou le contrôle de ses actes entravé, reste pénalement répréhensible. Il subira
simplement une sanction amoindrie, dans les conditions fixées par l'article 122-1 al. 2, par rapport à
celle qu'il encourrait normalement.
La plus grande difficulté résultant de la cause de non-imputabilité liée à l'abolition du
discernement réside donc dans sa distinction de la simple altération :
• les exemples jurisprudentiels sont rares et peu éclairant : une décision (Crim. 25 septembre
1995) parle d'une altération par « complexion psychique » alors que certains spécialistes
expliquent que cette notion ne correspond à aucune nomenclature admise par les psychiatres
et psychologues,
• en pratique, il est fréquent que la question de l'abolition ou de l'altération du discernement
donne lieu à des batailles d'expert devant les tribunaux. Certains concluant que le
discernement est aboli, d'autre qu'il est simplement altéré quand d'autres encore diront du
même individu qu'il avait tout son discernement au moment des faits.
• l'appréciation du trouble n'est, par ailleurs, pas toujours objective : la prise d'alcool ou de
stupéfiants pose ainsi problème dans la mesure ou l'on sait que ces produits peuvent altérer
ou abolir le discernement. Toutefois, cette consommation est également considérée comme
fautive moralement et on ne saurait excuser la commission d'une infraction sous l'emprise de
l'alcool ou d'une drogue. Dans ces cas, la question n'est plus de savoir si l'individu voyait
son discernement altéré au moment des faits mais s'il n'a pas commis une faute en se plaçant
volontairement dans une situation d'altération de son discernement. Du point de vue du droit
pénal, l'individu qui commet une infraction sous l'emprise de l'alcool ou d'une drogue ne
peux pas bénéficier de la cause de non-imputabilité lié à l'abolition de son discernement. Au
contraire même, la consommation d'alcool et de stupéfiants est souvent considérée comme
une circonstance aggravante de l'infraction commise.

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Il faut également noter que si l'individu est déclaré pénalement irresponsable faute de
discernement cela n'emporte pas nécessairement l'absence de toute conséquence à son égard. Il est
ainsi possible de relaxer ou d'acquitter l'individu mais de lui imposer des mesures de sûreté afin
qu'il ne nuise pas à autrui de nouveau. Ces mesures, prévues par le Code de procédure pénale, ne
sont pas des peines au sens strict mais s'en rapprochent parfois puisqu'il est possible de procéder à
l'internement de l'individu en centre de soins psychiatriques (art. 706-135 du Code de procédure
pénale).

La seconde cause de non-imputabilité que nous allons examiner ici est celle applicable au
mineur qui commet une infraction et qui se rapproche, dans une certaine mesure de l'abolition du
discernement que nous venons d'examiner.
Le législateur est depuis longtemps attentif à la situation pénale des mineurs et ces derniers
font l'objet de mesure largement dérogatoire au droit commun. Le Code pénal de 1810 prévoyait
ainsi des règles spéciales, plus clémentes, à l'égard des mineurs et ces règles ont évolué avec une loi
du 12 avril 1906, une loi du 22 juillet 1912 et, enfin, l'ordonnance du 2 février 1945 selon laquelle :
« La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en
faire des êtres saints ». Le conseil constitutionnel en concevait donc un principe fondamental
reconnu par les lois de la République dans une décision DC du 29 aout 2002 : « l'atténuation de la
responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le
relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur
personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été
constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle » mais
cette législation « ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les
sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ».

La responsabilité pénale du mineur n'est pas soumise à un age particulier. Le seul critère
déterminant réside dans l'existence du discernement du mineur qui sera établi au cas par cas. Dès
lors que le mineur est discernant, c'est à dire qu'il a conscience de la portée de ses actes, sa
responsabilité pénale peut être engagée. A l'inverse, l'absence de discernement chez le mineur est
une cause de non-imputabilité. Le législateur n'a toutefois jamais précisé ce qu'il entendait par
mineur discernant ou non discernant. C'est la jurisprudence dans une affaire dite « Laboube »
(Crim. 13 décembre 1956, n°55-05772) qui énonce que : « la responsabilité pénale d'un tout jeune
enfant permettant de qualifier ses actes crimes ou délits ne peut être retenue s'il ne ressort pas des
faits de la cause et de l'examen de sa personnalité que cet enfant possédait le minimum de raison

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nécessaire pour comprendre la nature et la portée de l'acte qu'on lui reproche ».
Si toutefois le mineur dispose de son discernement il s'expose à diverses sanctions :
• pour tous les mineurs : « les mesures de protection, d'assistance, de surveillance ou
d'éducation », art. 15 et 16 (remise aux parents, placement … mesure d'activité de jour « la
participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire »)
• pour les mineurs de 10 à 18 ans : « lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs
l'exigent (…) une sanction éducative », art. 15-1 (confiscation, interdiction de paraître, stage
de formation civique, exécution de travaux scolaires),
• pour les mineurs de 13 à 18 ans : « une peine, en tenant compte de l'atténuation de leur
responsabilité pénale », art. 20-2 et 20-3.

Nota bene : la situation du mineur délinquant a été modifiée par l'ordonnance du 11


septembre 2019 créant à la place de l'ordonnance de 1945 un Code de la justice pénale des mineurs
devant entrer en vigueur au 1er octobre 2020. Toutefois, confronté à la crise sanitaire et, surtout, à
de fortes critiques des professionnels ayant vocation à appliquer ce nouveau texte, la loi du 17 juin
2020 « portant diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au
retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne » (!) a préférer reporter l'entrée en vigueur de ce
code controversé au 31 mars 2021. Il existe à l'heure actuelle de réels doutes sur l'entrée en vigueur
de ce texte qui pourrait être purement et simplement abandonné avant même d'entrer en vigueur.
Pour l'heure ce sont donc toujours les dispositions de l'ordonnance de 1945 qui s'appliquent.

La troisième cause de non-imputabilité envisageable est la contrainte de l'article 122-2 du


Code pénal prévue en ces termes : « N'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous
l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister ».
Le mécanisme est assez peu utilisé en pratique à raison de la rigueur de ses conditions de
mise en œuvre : notamment l'exigence d’irrésistibilité de la contrainte qui la rapproche de la force
majeure. Il faut ainsi que l'individu ait commis une infraction sous une contrainte à laquelle il n'a pu
résister. La contrainte a toutefois fait l'objet d'application dans plusieurs cas. Elle peut être invoqué
par celui qui cause un accident de la circulation en perdant le contrôle de son véhicule à cause d'un
malaise qu'il n'avait pu prévoir. Elle pourrait aussi s'appliquer à celui qui subit des menaces
destinées à lui faire commettre une infraction. La contrainte est souvent invoquée par les
employeurs qui ne respectent pas leurs obligations d'hygiène et de sécurité. Il invoquent notamment
la contrainte économique et organisationnelle que ces obligations font peser sur leur activité. Se

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conformer à la législation serait trop coûteux pour eux. L'argument n'est pas reçu par les juges d'une
manière générale : précisément car il n'y a dans ces cas aucune contrainte irrésistible. Les juges ont
pu néanmoins admettre que le défaut d'enregistrement d'un contrat de travail ne pouvait être
reproché à l'employeur lorsque c'est l'administration elle-même qui se refuse à exécuter la formalité
(Crim. 8 novembre 1951).
Si l'individu a agi sous l'empire de la contrainte, il n'est pas pénalement responsable.

La quatrième et dernière cause de non-imputabilité que nous allons examiner est l'erreur
inévitable sur le droit. Elle trouve son fondement à l'art. 122-3 du Code pénal qui énonce que :
« n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit
qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ».
Ici encore, il suffit de prendre connaissance des conditions de mise en œuvre du mécanisme
pour comprendre qu'il n'aura qu'une incidence limitée en droit pénal. Il est en effet très difficile
d'articuler l'idée d'une erreur sur le droit « que la personne n'était pas en mesure d'éviter » avec la
maxime selon laquelle « nul n'est sensé ignorer la loi ». Il y aurait ici un certain paradoxe. Si l'on en
croit la circulaire qui accompagnait l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, l'erreur sur le droit
devait concerner les situations dans lesquelles l'individu avait consulté l'administration pour obtenir
une information sur l'application de la législation et s'était vu fournir un renseignement erroné : s'il
commettait alors une infraction celle-ci était justifiée par l'erreur.
La jurisprudence (de la Cour de cassation, les Cours d'Appel étant généralement plus
souples) semble s'être tenue à cette approche stricte dont il faut remarquer qu'elle n'est pas tout à
fait représentative de ce que la loi laisse entrevoir.
Dans une décision Crim. 11 octobre 1995, la Cour de cassation rejette l'erreur fondée sur le
renseignement erroné fourni par un avoué. Dans une décision Crim. 19 mars 1997, la Cour de
cassation rejette l'erreur fondée sur une mauvaise interprétation d'un avis donné par l'administration
au motif que cette erreur aurait pu être évitée par le recours à un juriste spécialisé.
On voit donc une situation assez paradoxale. D'une part, il existe une certaine méfiance à
l'égard du juriste « privé » dont l'avis ne saurait justifier l'erreur faite. Et cela peut se comprendre, le
juriste privé étant souvent consulté pour donner un point de vue conforme aux attentes de celui qui
le rémunère. D'autre part, il existe un encouragement à recourir à ces mêmes juristes « privés »
lorsque l'administration donne un conseil ambigu.
Au final, la Chambre criminelle retiendra l'erreur sur le droit lorsqu'elle est fondée sur un
avis clairement illégal donné par l'administration elle-même ou un tiers assimilé : Crim. 24
novembre 1998 pour le texte élaboré par un médiateur désigné par le gouvernement pour aider à

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rédiger un accord professionnel.

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