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MEMOIRE DE MASTER 2

Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation

Mélanie Dubois
Année universitaire 2022-2023

En quoi le travail en réseau sur un personnage ambivalent


permet aux lecteurs de mobiliser un processus interprétatif
au travers de l’empathie fictionnelle ?

Tuteurs de mémoire : M. Moinard & Mme. Diebolt

Maîtres de conférences à Poitiers

1
SOMMAIRE
Cadre historique
1. Evolution du personnage ambivalent de la sorcière ...................................................... 6
1.1. Un personnage historique ......................................................................................... 6
1.1.1. Origine ............................................................................................................................ 6
1.1.2. Histoire des sorcières ..................................................................................................... 7
1.1.3. Caractéristiques ............................................................................................................. 8
1.1.4. Autres cultures ............................................................................................................... 9
1.2. Un personnage de littérature de jeunesse ................................................................ 9

Cadre théorique
2. La lecture littéraire ......................................................................................................... 10
2.1. Qu’est-ce que la lecture littéraire ? ........................................................................ 10
2.2. L’activité du lecteur ................................................................................................. 11
2.3. L’activité fictionnalisante........................................................................................ 12
3. L’empathie fictionnelle ................................................................................................... 13
3.1. Qu’est-ce que l’empathie fictionnelle ? .................................................................. 13
3.1.1. Définition ...................................................................................................................... 14
3.1.2. Processus d’immersion dans la fiction ....................................................................... 15
3.2. Intérêt de l’empathie fictionnelle dans le processus interprétatif ....................... 17
4. Mobiliser un processus interprétatif ............................................................................. 17
4.1. Qu’est-ce qu’interpréter ? ...................................................................................... 17

Cadre méthodologique
5. Dispositif .......................................................................................................................... 19
5.1 Dispositif d’enseignement ....................................................................................... 19
5.2 Méthodologie de recherche ..................................................................................... 21
6. Analyse des résultats ....................................................................................................... 23
6.1. Questionnaire représentations initiales ................................................................. 23
6.2. Questionnaire « La sorcière aux trois crapauds » ................................................ 26
6.3. Ecrits au « je » fictif ................................................................................................. 30
6.4. Questionnaire « Les maléfices de Maléfa » ........................................................... 32
6.5. Ecrits au « je » fictif ................................................................................................. 35
6.6. Bilan .......................................................................................................................... 37
7. Conclusion générale ........................................................................................................ 38
8. Bibliographie ................................................................................................................... 39
9. Annexes ............................................................................................................................ 42

2
9.1. Annexe 1 : Questionnaire de représentations initiales ............................................... 42
9.2. Annexe 2 : Questionnaire portant sur le roman « La sorcière aux trois crapauds ». . 44
9.3. Annexe 3 : 1er écrit en « je fictif » ............................................................................. 46
9.4. Annexe 4 : Questionnaire portant sur le roman « Les maléfices de Maléfa » ........... 47
9.5. Annexe 5 : 2nd écrit au « je fictif » ........................................................................... 49
9.6. Annexe 6 : Dessins de sorcières archétypales ........................................................... 49
9.7. Annexe 7 : Dessins de Baba Yaga ............................................................................. 51
9.8. Annexe 8 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur Baba Yaga .................................... 53
9.9. Annexe 9 : Dessins de Maléfa ................................................................................... 55
9.10. Annexe 10 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur Maléfa ........................................ 57

3
Résumé

Ce mémoire de recherche en littérature de jeunesse porte sur le processus interprétatif


au travers de l’empathie fictionnelle dans une classe de CE2. Nous nous sommes demandé si
le travail en réseau sur un personnage ambivalent pourrait permettre aux lecteurs de mobiliser
plus facilement un processus interprétatif au travers de l’empathie fictionnelle. Nous avons
fait l’hypothèse que le processus interprétatif et l’empathie fictionnelle seraient plus marqués
lorsqu’un personnage ambivalent, ici la sorcière, a le rôle et le physique que l’on imagine.

Les analyses qualitatives des différents questionnaires et écrits au « je fictif » nous


permettent de montrer que le travail en réseau sur un personnage ambivalent est un outil
efficace pour mobiliser le processus interprétatif du lecteur au travers de l'empathie
fictionnelle. En offrant au lecteur une expérience de lecture riche et nuancée, il contribue à
rendre le processus interprétatif plus dense. A l’inverse de notre hypothèse, c’est quand le
personnage ne correspond pas aux représentations initiales que le processus interprétatif est le
plus marqué.

4
Introduction

Ce mémoire en littérature de jeunesse a pour sujet un personnage ambivalent des


albums de jeunesse : la sorcière. Autrefois chassées les sorcières sont encore présentes dans
nos temps actuels, on peut alors se demander pourquoi nous émerveillent-elles toujours
autant ? En février 2020 au bord de la Garonne, la question « que vous évoque le mot
« sorcière » ? » est posée à plus de 200 personnes. Les réponses sont obscures, on y retrouve
le concept de magie, de bûcher, de phytothérapie, de balais, de sage-femme, de rousseur ou
même encore d’écoféminisme. Tout cela pourrait faire tourner des têtes, un même terme
pourrait donc entraîner deux visions antagonistes ? D’un côté une vieille mégère sournoise et
de l’autre une femme érudite et indépendante. Cette opposition sème le trouble d’autant plus
que dans les albums de jeunesse, la sorcière continue d’être représentée et parfois d’aucune de
ces deux manières. La sorcière est donc bien un personnage plus qu’ambivalent que ce soit
dans la vie de tous les jours ou dans les albums de jeunesse.
D’autre part, les enfants arrivent-ils vraiment à bien comprendre et interpréter un texte
de littérature de jeunesse ? Une enquête PISA datant de 2009 analysée par l’OECD montre
que les élèves français ont plus de difficultés que les élèves d’autres pays pour adopter le
point de vue d’autrui, que ce soit celui des personnages ou de l’auteur. L’analyse des résultats
PISA a montré que les adolescents français s’abstiennent d’environ 50% de plus que la
moyenne de répondre aux questions qui demandent d’imaginer ce que pense un personnage
ou l’auteur. Je me suis donc demandé : En quoi le travail en réseau sur un personnage
ambivalent permet aux lecteurs de mobiliser un processus interprétatif au travers de
l’empathie fictionnelle ?
Pour répondre à cette problématique, la première partie de ce mémoire présentera
l’évolution du personnage ambivalent de la sorcière au fur et à mesure des années. Nous
montrerons que la sorcière est un personnage à la fois historique mais aussi de littérature de
jeunesse cela permettra de mieux appréhender les représentations initiales, stéréotypées des
enfants. Dans la seconde partie nous expliquerons ce qu’est la lecture littéraire et quelle est
l’activité du lecteur dans cette action. Cette partie permettra de mieux comprendre le rôle du
lecteur dans la tâche. Ensuite nous décrirons et expliquerons ce qu’est l’empathie fictionnelle
et le but de son utilisation. Dans une quatrième partie nous expliquerons ce qu’est
l’interprétation. Puis dans une cinquième partie nous décrirons la méthode et le dispositif
nécessaire à la création d’un processus interprétatif au travers de l’empathie fictionnelle. Et

5
enfin, dans une sixième partie nous étudierons le dispositif ainsi que la méthode de recherche
et les résultats.

1. Evolution du personnage ambivalent de la sorcière

1.1. Un personnage historique

1.1.1. Origine

Le mot "sorcier" possède une double étymologie. La première est que le terme sorcier
provient du latin populaire sors, qui désigne un objet de divination et de sortiarius, signifiant
le diseur de sorts. Et la deuxième est la déformation du mot sourcier, signifiant quelqu’un qui
détecte la source d’eau à distance, d’après le site Wikipédia. Cette notion de distance se
retrouve également dans l’expression « jeter un sort ».

Ce terme désignait péjorativement un personnage incarnant la diabolisation de ceux


qui pratiquaient de « vieilles coutumes » comme les sages femmes, les guérisseurs, les
druides, les devins, les sourciers etc.… qui étaient pourchassés depuis l’occupation Romaine.
Cependant, selon le sens chrétien du mot, qui a été le sens général pendant des siècles, le
sorcier désignait "Celui qui, en raison d'un pacte avec le diable, jette des mauvais sorts, et
assiste à l'assemblée nocturne appelée le sabbat". Les significations sont nombreuses, mais
toutes ramènent à un point, celui de la diabolisation de la sorcière. Ainsi, pendant longtemps
les sorcières ont été diabolisées et décrites de manière péjorative.

Auparavant, au Moyen Âge, les termes utilisés pour désigner les sorcières étaient
masca, striga, stria, strix1. Certains historiens pensent que l'origine du mot « Sorcière »
pourrait provenir de Striga, provenant lui-même du latin strix, faisant référence à la chouette
où aux oiseaux nocturnes qui émettent de cris terrifiants. Avant notre époque, les Striga
étaient vu comme des chimères, mi-femme, mi-oiseau, au cri perçant.

La sorcellerie et la magie ont longtemps été confondues, mais c’est au terme de sorcier que
l’on associera le maléfice et les connotations péjoratives du fait du poids historique de ce mot
alors que magie deviendra un terme à connotation méliorative.

1
Melgar Valero, L.-T. (2018) Sorcières, Chamalières : Editions Artémis, p.27

6
1.1.2. Histoire des sorcières

C’est à la préhistoire que la notion d’abstrait apparaît par le biais de rites mortuaires
qui laissaient penser à une croyance en l’au-delà. D’après Luis T. Melgar les hommes ont
essayé d'expliquer des phénomènes qui étaient inexplicables à l'époque, comme les orages, en
les reliant à une force ou à des présences supérieures. Ils cherchaient une raison invisible à des
faits naturels.

Dès l’Antiquité on retrouve des personnes capables de maîtriser ces éléments


surnaturels. Par exemple, les romains interprétaient les phénomènes naturels en présage à
partir d’entrailles d’animaux ou du vol des oiseaux2, les prêtresses celtes soignaient les
malades grâce aux forces de la nature. Mais aussi, les Égyptiens avaient recours à des
invocations et des amulettes pour protéger les sarcophages et les tombes, et l’on pouvait
retrouver des chamanes en Afrique subsaharienne.

Au Moyen-Âge, les sorcières étaient des sage-femmes et des guérisseuses avec des
pouvoirs ancestraux liés aux plantes et à leurs grandes connaissances de la nature. A cette
époque, les carences alimentaires étaient monnaies courantes et la notion d’hygiène était
négligée. Ainsi, les ruraux faisaient appels aux sorcières pour leurs préparer des remèdes (des
« potions » comme nous les appelons aujourd’hui) afin de soigner les maladies, les infections,
les blessures... Toutefois, les plantes utilisées, mal connues, étaient parfois toxiques et
provoquaient des effets secondaires non désirés et non contrôlés. On soupçonnait alors ces
sorcières d’ensorcellement. Celles-ci qui jusqu’alors étaient vues comme des guérisseuses, se
sont retrouvées être vues comme des fascinatrices, des striges (démons mi-femmes, mi-
oiseaux) ou des sortiariae3. Certains allaient même jusqu’à raconter qu’elles essayaient de
jeter des sorts pour tirer profits de certains hommes.

La « chasse aux sorcières » débute à la fin du XIIIème siècle. Cette chasse est d’après
Wikipédia «la poursuite, la persécution et la condamnation systématique de personnes
accusées de pratiquer la sorcellerie. » Bien que les condamnations de la soi-disant sorcellerie
se retrouvent à différentes époques et cultures, on connaît particulièrement les chasses aux

2
Bechtel, G. (1999) La sorcière et l’Occident, Paris : Editions Plon, p.14
3
Arnaud, B. (2015). Quand les sorcières sont-elles apparues en Occident ? Sciences et avenir, [en ligne].
Disponible sur : https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/archeologie/quand-les-sorcieres-sont-elles-
apparues-en-occident_21945

7
sorcières à la fin du Moyen Âge et surtout dans le monde chrétien à la Renaissance.
Aujourd'hui, la pratique de la chasse aux petites sorcières persiste en Afrique.

1.1.3. Caractéristiques

Au Moyen-âge, des sorcières, associées à des crimes, étaient humiliées sur la place
publique, et recevaient des amendes. Ces crimes étaient par exemples : cannibalisme
d’hommes, stérilisation de femmes, sortilèges jetés sur une autre femme, tuer par le biais de
plantes, faire tomber la grêle, faire périr par les plantes, troubler les esprits, et faire des
sacrifices nocturnes. Afin de les reconnaître et de les dénoncer durant leurs chasses, des
caractéristiques étaient définies. Tout d’abord les sorcières seraient généralement des
femmes, car ces êtres devaient être, d’après eux, plus faibles qu’un homme et avec une
intelligence plus limitée pour tomber dans les tourmentes et les manipulations du Diable4.
Elles auraient de longs cheveux noirs et des vêtements de couleurs sombres pour passer
inaperçue. Elles seraient souvent veuves et associées aux couleurs : noir, vert et violet. Dotées
d’une beauté unique, jeunes et charmantes, elles seraient capables de se changer
physiquement à la vue des hommes pour les séduire et les détourner du droit chemin.

Peu après une autre représentation des sorcières est apparue. Elle consistait en de
vieilles femmes, voûtées et laides à cause de l’utilisation de la magie noire. On leurs
attribuaient la capacité à se transformer en animaux et à changer d’apparence la nuit afin
d’entrer dans les maisons et d’empoisonner les bébés. Ces femmes vivraient recluses de la
société. Elles étaient associées au désir de vengeance, et à l’effrayant car elles étaient liées
avec des éléments tels que l’obscurité, l’insécurité et les bêtes sauvages. Elles étaient aussi
beaucoup associées au balai car elles avaient pour habitudes de balayer leurs zones de rituels
afin de purifier le lieu. C’est ainsi qu’on leurs accordent la capacité de voler sur un bâton ou
un animal. Etant sous l’emprise du Diable, les chasseurs devaient contrôler si la supposée
sorcière possédait des marques du démon. Ces marques étaient représentées sous forme d’un
grain de beauté volumineux, d’une verrue, d’une tache de naissance ou d’une dartre.

Ces caractéristiques ancestrales sont restées dans les mœurs des humains, si bien
qu’encore aujourd’hui la sorcière stéréotype possède une verrue, de longs cheveux noirs, et
vole sur un balai tout en étant voûtée. D’autant plus que nous parlons essentiellement d’une
sorcière et non d’un sorcier. Mais il n’est pas rare de voir encore aujourd’hui de belles et

4
Donelli, I. (2018) Les cartes des sorciers, Nîmes : Editions De Vecchi, p.20

8
jeunes sorcières. Ainsi, grâce à ce point historique nous pouvons comprendre que le
personnage de la sorcière est intrinsèquement ambivalent et ce depuis des siècles.

1.1.4. Autres cultures

Ces sorcières sont présentes sur le globe entier, mais ne sont pas vu partout de la même
manière. En Afrique du Sud il est admis que deux types de sorcières co-existent. Il y a les
sorcières diurnes et gentilles, et les sorcières nocturnes et méchantes. Certains peuples ont des
convictions proches des occidentaux mais d’autres en sont éloignés. La tribu des Lovedu
pense que la sorcellerie est un pouvoir transmis de génération en génération par le lait
maternel et l’apprentissage filial. La sorcière est pour elle non pas quelqu’un de mauvais,
mais quelqu’un d’espiègle.

Au Japon l’univers autour de la sorcière change encore. Le shintoïsme, une religion


antérieure au bouddhisme, aurait des racines communes avec les pratiques chamaniques. C’est
pour cela que les sorcières n’ont jamais été dénigrées. Aujourd’hui encore le terme de
« sorcière » pour désigner une femme n’est aucunement péjoratif mais valorise et désigne le
succès.

1.2. Un personnage de littérature de jeunesse

D’après ce point historique nous pouvons donc apercevoir deux visions antagonistes sur le
personnage de la sorcière. L’un étant plus visible dans les albums de jeunesse plus
traditionnels tandis que l’autre se retrouve plus dans les albums de jeunesse contemporains.

En se basant sur l’étude de corpus de Alexia Benech5 en 2019 réalisée sur les
caractéristiques des sorcières traditionnelles et contemporaines nous avons pu tirer quelques
caractéristiques clefs d’une sorcière traditionnelle et d’une sorcière contemporaine.

D’après son étude, dans les contes traditionnels la sorcière est généralement représentée
comme étant une femme âgée qui vit reclus de la société dans la nature. Elle est laide et
accompagnée d’animaux repoussants. Elle utilise des plantes magiques et concocte des
philtres. Elle est cruelle et malveillante et ne se préoccupe pas d’autrui car elle aime faire des
pièges et des ultimatums. Enfin, elle éprouve généralement une attraction envers les êtres sans

5
Benech, A (2019). Les représentations du personnage de la sorcière [Mémoire non publié]. URL

9
défense tel que les enfants, et ne finit que rarement vainqueur. Ces caractéristiques sont
présentes dans des albums comme Hansel et Gretel6 ou Raiponce7 .

Alexia Benech met ensuite en comparaison les sorcières traditionnelles avec les sorcières
contemporaines. Elle explique que le physique est généralement similaire pour permettre une
reconnaissance plus simple du personnage de la sorcière mais c’est le comportement qui
change drastiquement. Ce changement permet une remise en cause des stéréotypes associés à
la sorcière. On lui reconnaît des valeurs morales car elle ne fait plus systématiquement le mal
autour d’elle, et elle partage ses connaissances. Lucie.G8 auteur de l’article « Que deviennent
les sorcières en littérature de jeunesse ? » cite 3 types de sorcières contemporaines : les
sorcières amusantes, les sorcières proches de l’enfant, et les bonnes sorcières. Nous voilà bien
loin des sorcières cannibales. Nous pouvons rencontrer ces types de sorcière dans des albums
tel que Mélusine9, ou Hip hip hip Sorcière!10.

2. La lecture littéraire

L’activité de lecture littéraire est explicitement prévue dans les programmes de


l’Education Nationale. Cependant ce terme n’est pas forcément clair, nous allons donc
commencer par une définition de ce qu’est la lecture littéraire, puis nous clarifierons l’activité
du lecteur littéraire et l’activité fictionnalisante du lecteur littéraire.

2.1. Qu’est-ce que la lecture littéraire ?

Dans l’expression « lecture littéraire », les deux mots sont compréhensibles mais semblent
ne pas « coller » ensemble. En effet, nous pouvons nous demander à quoi revoit l’adjectif
« littéraire », est-ce au texte ? est-ce à la lecture ? Yves Reuter a même dit en 1995 « On peut
lire, littérairement des textes littéraires et non littérairement des textes non littéraires, mais
réciproquement, on peut lire non littérairement des textes littéraires et littérairement des textes
non littéraires ». Bien qu’intéressante cette notion soit plus que complexe, comme le prouve la

6
Grimm Jacob, Grimm Wilhelm, Guerne Armel, Rackham Arthur, Grimm, J., Guerne Armel, & Rackham
Arthur. (2012). Hansel et Gretel : et autres contes. Éditions Corentin.
7
Grimm, J. et Grimm, W. (1812) Raiponce In : (2007) Mille ans de contes * classiques. 2 ème édition. Toulouse :
Editions Milan jeunesse. pp. 216-221
8
Lucie.G. « Que deviennent les sorcières en littérature de jeunesse ? Article commun groupe LJ ». PetitLu
(blog), 7 mars 2014. URL
9
Gilson, F. (1995) Sortilège, Paris : Ecole des Loisirs.
10
Poillevé, S. (2008) Hip hip hip Sorcière! In : Chapouton, A-M., et al. (2010) Les meilleures histoires de
sorcières du père castor. Paris : Editions Flammarion

10
citation précédente. J-L Dufays donne une, ou plutôt des, définitions de la lecture littéraire.
Tout d’abord il nous parle de lecture comme étant le fait de lire des textes littéraires, ensuite
la lecture littéraire comme distanciation, soit le fait d’investir des valeurs littéraires dans sa
lecture. Puis comme participation comme étant l’implication psychoaffective du lecteur, et
enfin la lecture littéraire comme va-et-vient dialectique en expliquant que le lecteur joue un
triple rôle, de lecteur, lisant et lu. Nous allons ici considérer la lecture littéraire dans sa plus
simple définition qui sera « le fait de lire littérairement un texte littéraire. C’est-à-dire en
prenant en compte et le texte et l’action de lecture du lecteur ». Charles dans « Rhétorique de
la lecture » indique le lien existant entre le texte et le lecteur :

« Le texte agit sur le lecteur et le lecteur sur le texte, ou plutôt «dans» le


texte. Cette étrange opération, prise comme telle, pose quelques problèmes
dans la mesure où elle fait intervenir un grand nombre de variables. Une «
rhétorique de l’effet » peut (ne peut que) tenter de déterminer les modalités
de cette opération. Elle ne prétend pas décrire le 'contenu' des lectures
possibles, mais « les procédures textuelles qui rendent ces lectures
possibles », ce qu'on pourrait appeler par métaphore les « ouvertures du
texte. »
Cette citation de Charles nous éclaire sur le lien réciproque entre le lecteur et le texte. Ce lien
réciproque étant vague, un grand nombre de variable rentre en jeu quand on choisit de
l’étudier.

2.2. L’activité du lecteur

Michel Picard et Vincent Jouve sont des auteurs ayants beaucoup travaillé sur la
lecture, ceux-ci, n’ont pas la même perspective tant aux lecteurs. L’un se place dans la
perspective lecteur-texte, tandis que l’autre se focalise plus précisément sur le lien lecteur-
personnage. Nous développerons ici la seconde partie, celle sur la perspective lecteur-
personnage de Vincent Jouve dans « L’effet personnage dans le roman »11. Pour lui la posture
du lecteur est composée de 3 axes.

Tout d’abord, il y a le lectant. C’est le nom donné au lecteur qui appréhende un


personnage par rapport à l’auteur. V. Jouve subdivise cet axe en deux autres. Le lectant jouant
et le lectant interprétant. Le lectant jouant tente de deviner les stratégies narratives du texte,
autrement dit il essaye d’anticiper la manière dont le texte va évoluer. Le lectant interprétant

11
Jouve Vincent. (1992) L’effet-personnage dans le roman. Paris: Presses universitaires de France, Print.

11
lui essaye de chercher le sens que l’auteur a essayé de lui transmettre. Ces deux types de
lectant essayent de lire entre les lignes.

Puis le lisant. C’est le nom donné au lecteur qui appréhende le personnage par rapport
à lui-même. V. Jouve indiquait que « Le lisant c’est cette partie de nous qui peut
successivement pleurer le sort de Werther, partager les angoisses de Raskolnikov, ou se
révolter avec Edmond Dantès contre l’injustice qui lui est faite ». C’est ici que se joue
l’empathie fictionnelle sur laquelle nous nous concentrerons ultérieurement.

Et enfin le lu. C’est le nom donné au lecteur qui considère le personnage dans des
mises en scènes données. Dans des scènes de violences ou d’amour, V. Jouve explique que
« l’intérêt du lecteur réside dans la satisfaction de pulsions inconscientes ». A l’instant où ces
fantasmes sont révélés par la lecture, le lecteur peut être dit comme lu par le texte.

2.3. L’activité fictionnalisante

Dans cette partie nous verrons l’activité fictionnalisante du lecteur. Notre recherche
s’appuie sur l’empathie fictionnelle, et donc l’activité fictionnalisante est inerrante a celle-ci.
C’est pour cela que pour bien interpréter les résultats, il nous faut en amont avoir bien
compris ce que représentait l’activité fictionnalisante.

Gérard Langlade12 dans un article de 2008 explique que le lecteur possède un rôle actif
pendant la lecture d’une œuvre. Cette activité, il la nomme l’activité fictionnalisante. Il
explique que c’est en s’appropriant une œuvre que le lecteur en modifie le contenu et ce, selon
certains axes.

- Cohérence mimétique : le lecteur va mettre en place des scénarios de causes à effets


qu’il a déjà vu auparavant afin d’établir des liens logiques.
- Activation fantasmatique : c’est le texte qui crée des scénarios fantasmatiques dans le
cerveau du lecteur.
- Concrétisation imageante : le lecteur imagine des représentations, des images.
- Réactions axiologiques : le lecteur porte des jugements de valeurs sur les personnages,
et leurs actions.

12
Langlade, Gérard. 2008. « Activité fictionnalisante du lecteur et dispositif de l'imaginaire ». Dans Formation
des lecteurs : Formation de l'imaginaire. Article d’un cahier Figura. En ligne sur le site de l’Observatoire de
l’imaginaire contemporain. URL. Consulté le 26 avril 2022. D’abord paru dans (Roy, Max, Marilyn Brault et
Sylvain Brehm (dir.). 2008. Montréal : Figura, Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire. coll. Figura, vol.
20)

12
Après l’activation de tous ces axes, le lecteur a ainsi produit un nouveau texte que G.
Langlade appelle « le texte du lecteur ».

Jean-Louis Dufays13 dans « Sujet lecteur et lecture littéraire : quelles modélisations pour
quels enjeux ? » explique que pour articuler au mieux l’activité du lecteur et la lecture
littéraire en classe il y a quatre grandes étapes :

La première consiste en la réception des réactions spontanées des élèves à la suite de la


lecture d’un texte. Les élèves répondent aux questions sur leurs sentiments, leurs perceptions.
Ils mobilisent de prime abord leurs propriétés émotionnelles et sensorielles tout en activant,
d’après JL Dufays « une part essentielle de leur subjectivité ».

La seconde étape consiste en la construction commune du sens. Les élèves répondent aux
questions portant sur la compréhension globale du texte. Ils passent d’un plan thématique, en
évoquant les thèmes, à un plan progressif en indiquant la chronologie des faits. Ici, ils se
rationnalisent en mettant de côté la subjectivité énoncée précédemment.

La troisième étape est de conjuguer les deux précédentes. Les élèves sont invités à
l’interprétation du texte en donnent un sens supplémentaire au sens déjà construit.

La quatrième étape est l’évaluation du texte, le but étant de porter un jugement sur le sens
compris et interprété du texte. Les valeurs que les élèves attribueront seront donc subjectives
(jugement de goût) et intersubjectives (jugement de valeur). JL Dufays dit que cette étape est
l’une des plus importante car c’est « un objectif clé de la formation [étant] d’apprendre à
passer des unes aux autres tout en reconnaissant leur importance à toutes deux. »

3. L’empathie fictionnelle

C’est en se projetant à la place des personnages de fiction que le lecteur s’engage dans un
processus nommé empathie fonctionnelle. Nous définirons dans un premier temps ce terme,
puis dans un second temps nous étudierons les mécanismes de ce processus afin de voir son
rôle dans le processus interprétatif.

3.1. Qu’est-ce que l’empathie fictionnelle ?

Dufays, Jean-Louis. « Sujet lecteur et lecture littéraire : quelles modélisations pour quels enjeux ? »
13

Recherches & Travaux, no 83 (31 décembre 2013): 77 88. URL

13
3.1.1. Définition

L’empathie joue un rôle clé dans la compréhension et l’interprétation d’un album. Le


terme empathie est une traduction approximative du mot allemand « Einfülhung » signifiant
« ressentir de l’intérieur ». Ce terme est issu de la langue grecque. Il est composé du préfixe
en et du radical pathos signifiant la souffrance.

Le terme d’empathie, d’abord crée dans le domaine de l’esthétique par Robert Vischer au
début du XXe siècle est passé à la psychologie de l’intersubjectivité avec Théodore Lipps.
L’intersubjectivité désigne différentes réalités, il peut désigner le fait de ressentir les émotions
de l’autre sans savoir pourquoi (comme un bébé qui pleure en entendant un autre bébé
pleurer), mais il peut aussi désigner le partage conscient des émotions. En effet un individu
peut volontairement ressentir les émotions d’autrui en comprenant ce que l’autre ressent,
pense et croit, il peut alors mieux le rassurer par exemple.

L’intérêt pour le fonctionnement de la communication intersubjective empathique est dû à


deux découvertes dans les neurosciences. La première est la mise en évidence du lien entre
cognition et émotion par Antonio Damasio14 dans L’erreur de Descartes en 1995. Cette
découverte montre qu’aucune activité mentale n’est préservée d’interférences émotionnelles
et qu’il n’y a aucune distinction entre corps et pensée. La deuxième concerne le rôle des
neurones miroirs dans la compréhension des relations intersubjectives découverte par les
professeurs Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia en 2006. Grâce à ces neurones qui
peuvent s’activer de la même manière lorsque nous faisons une action que lorsque nous la
regardons il a été prouvé que les humains possèdent un « système de résonance » à la fois
émotionnel et moteur qui leurs permettent de comprendre et ressentir autrui. L’empathie est
donc très proche de l’altruisme comme l’explique le psychanalyste Serge Tisseron (2010).
L’altruisme est défini dans le CNRTL comme étant une « Disposition bienveillante à l'égard
des autres, fondée sur la sympathie ».

La thèse de Martha Nussbaum15 dans « Les émotions démocratique ». « Comment former


le citoyen du XXIe siècle » et la thèse du psychologue Franz de Wall16 dans « l’âge de
l’empathie : leçons de la nature pour une société apaisée » défendent l’idée que ce serait la

14
Arnaud Grandguillaume and Charles Piroux, “A. Damasio. L’erreur de Descartes (1995)
15
Alexis Cukier, « Martha Nussbaum, Les Émotions démocratiques. Comment former le citoyen du xxie siècle ?
», Terrains/Théories [En ligne], 2 | 2015, mis en ligne le 23 octobre 2014. URL
16
Journet, N. (2014). L'âge de l'empathie, Frans de Waal: L'âge de l'empathie. Frans de Waal, Les Liens qui
libèrent, 2010. Sciences Humaines, 255, 58-58. URL

14
capacité de se mettre à la place d’autrui qui pourrait rendre possible l’altruisme d’une part.
Autrement dit, que la compréhension, l’interprétation et le fait de pouvoir se placer
mentalement dans le corps d’autrui provoquerait l’altruisme. D’autre part que le partage
d’émotion entraînerait in fine la compréhension des états mentaux. En d’autres termes la
compréhension des états mentaux passerait par le partage des émotions entres locuteurs.
L’altruisme et l’empathie sont donc très liés.

La définition de l’empathie que nous garderons est celle de l’empathie comme étant la
capacité à comprendre, à intérioriser et interpréter les états mentaux d’autrui (émotions,
ressentis, intentions, pensées, croyances d’autrui) et à se placer mentalement dans le corps
d’autrui. Se placer dans le corps d’autrui mentalement permet de simuler l’expérience que
l’autre a du monde, des objets et ses points de vue, et de ses sentiments. Pour pouvoir réussir à
faire cela il faut donc, comme le disait Martha Nussbaum et Franz de Wall que cette personne
ai compris les émotions d’autrui.

D’après Wikipédia, « le Danemark est le seul pays au monde où des cours d’empathie
sont obligatoires, pour les enfants de 6 à 16 ans ». Selon la psychologue scolaire Michele
Borba, le manque d'empathie résulte d'un narcissisme accru. Cela pourrait expliquer pourquoi
près d'un tiers des étudiants étaient déprimés, le Danemark a donc souhaité s’emparer de ce
problème et le traiter par le biais de l’enseignement.

3.1.2. Processus d’immersion dans la fiction

D’après Véronique Larrivé17, le processus d’empathie fictionnelle comporte 2


phénomènes qui fonctionnent conjointement. Dans un premier temps ce sont les neurones
miroirs qui rentrent en jeu avec une imitation motrice et émotionnelle permettant de
comprendre l’autre comme décrit dans la précédente partie. Frédéric de Vignemont appelle
cette phase « empathie miroir » tandis que Coralie Chevalier la nomme « empathie
émotionnelle ». Et dans un second temps la théorie de l’esprit permet de se représenter ce que
l’autre pense ou ressent. La théorie de l’esprit est la capacité cognitive à attribuer aux autres
des états mentaux différents des siens. Par exemple on peut côtoyer quelqu’un de triste, la
comprendre et la rassurer alors même que nous sommes joyeux. Cette capacité s’acquiert vers
l’âge de 4ans, c’est-à-dire en moyenne section. C’est donc à partir de la moyenne section que
l’empathie fictionnelle peut se développer. Cette deuxième phase nécessitant que la première

17
Véronique Larrivé, « Empathie fictionnelle et écriture en « je » fictif », Repères, 51 | 2015, 157-176.

15
soit effectuée est plus complexe car elle cause un changement de perspective spatiale et
mentale.

L’empathie dans le monde réel comme décrite précédemment est quasi-similaire à


l’empathie dans la fiction. La seule différence se situe dans la réciprocité des sentiments. Le
lecteur peut ressentir les émotions du personnage de fiction, mais le personnage de fiction ne
pourra jamais ressentir les sentiments du lecteur contrairement au monde réel. C’est pourquoi
le terme empathie « fictionnelle » existe.

Pour rentrer en immersion dans une fiction il y a trois conditions : il faut que le lecteur se
simule « dans » le personnage, qu’il se représente la scène et il faut la « feintise ludique ». La
feintise ludique consiste d’après Jean-Marie Schaeffer18, philosophe de la réception
esthétique, en « la production d’amorces mimétiques, de leurres, qui permettent l’immersion
mimétique dans l’univers fictionnel ». En d’autres termes, la feintise ludique correspond au
fait de préparer un terrain favorisant l’immersion dans une fiction grâce à des ruses faisant en
sorte que le fictionnel ressemble au réel. C’est pour cela qu’un récit de fiction imite un récit
de faits ou que la poupée d’un enfant imite le bébé. Cette feintise est très bien comprise par
les enfants quand ils disent que « c’est pour de faux ». La feintise ludique, n’est pas une feinte
pour emmener en erreur mais elle est coopérative et ludique pour faciliter l’adoption de la
capacité mentale du « comme si ».

Jean-Marie Schaeffer décrit les différents critères conditionnant la réussite ou non d’une
fiction : « Pour qu’une fiction “marche“ nous devons voir le paysage (peint), assister au hold-
up (filmé), (re)vivre la scène de ménage (décrite) ». La fiction doit donc réussir à faire
imaginer au lecteur le contexte spatio-temporel, les actions et les caractéristiques des
personnages ainsi que leurs liens. Sans cela, le phénomène d’immersion fictionnelle est vain.
En effet, en cas d’échec le lecteur ne peut pas faire vivre les personnages et ne peut donc pas
faire fonctionner ses neurones miroirs et le processus d’empathie fictionnelle ne peut se
mettre en route.

Pour sélectionner les albums dans lesquelles l’empathie fictionnelle est facile à avoir il
faut donc faire très attention à ces critères. Cependant je marque une nuance dans le fait que
l’empathie fictionnelle s’acquiert et qu’un enfant ou un adulte ayant l’habitude d’effectuer ce
type de processus pourra y arriver sans la totalité de ces critères.

18
Schaeffer, Jean-Marie. « De l’imagination à la fiction ». Consulté le 25 avril 2022. URL

16
3.2. Intérêt de l’empathie fictionnelle dans le processus interprétatif

D’après Véronique Larrivé une des compétences sociales essentielle à la vie en


communauté est la capacité à comprendre les états mentaux des autres. De ce fait la capacité
de comprendre les états mentaux des personnages fictifs apparaît elle aussi comme une
compétence pour les lecteurs. Celle-ci permettrait de mieux comprendre la fiction et de saisir
les émotions et les motivations des personnages. Cette compétence joue pour Véronique
Larrivé « un rôle déterminant dans la compréhension et l’interprétation des récits ».

D’après les résultats de l’enquête PISA de 2009, dernière enquête focalisée sur la
littératie, en d’autres termes, la compréhension des écrits, la France est derrière de nombreux
pays. On remarque que les enfants Français ont beaucoup de mal à se mettre à la place
d’autrui, que ce soit dans les personnages de romans ou de l’auteur. D’après l’OCDE, les
questions les moins répondues dans le test PISA de français portaient sur l’interprétation de ce
que pense tel ou tel personnage. Par exemple au sujet d’un texte de théâtre, les questions
portant sur la compétence « intégrer et interpréter » tel que le fait d’imaginer la réflexion de
tel ou tel personne ont été très peu répondu. Véronique Larrivé indique :

« Sur neuf questions pour lesquelles le taux de non-réponses en France est


supérieur d’environ 50% ou plus à la moyenne de l’OCDE, trois demandent
aux élèves de se mettre à la place de l’auteur ou d’expliquer un de ses
choix, et trois autres de justifier l’opinion d’un personnage fictif ou
d’imaginer un argument en faveur de la thèse d’un tiers »
On comprend alors que l’empathie est une véritable nécessité si l’on veut que les élèves
progressent. Ils n’ont pas l’aptitude à créer et imaginer les sentiments et les pensées des
personnages de fiction. Ce manque pose un problème pour l’assimilation des intentions et des
motivations des acteurs. L’investissement émotionnelle étant trop faible, l’interprétation ne
peut pas suivre et devient donc insuffisante. Il est donc important d’aider les enfants à
mobiliser un processus interprétatif par le biais de l’empathie fictionnelle.

4. Mobiliser un processus interprétatif

4.1. Qu’est-ce qu’interpréter ?

L’interprétation et la compréhension sont deux notions liées, pour comprendre


l’interprétation il faut d’abord comprendre ce qu’est la compréhension.

17
La compréhension est un terme polysémique, qui peut laisser court a de multiple
interprétation. C’est pour cela, que pour définir ce terme nous allons nous baser sur le modèle
théorique de Jocelyne Giasson19. Pour elle la compréhension passe par cinq processus :

Le premier, le plus rudimentaire et élémentaire est le microprocessus. Ce dernier défini la


compréhension d’un mot, son décodage : c’est ce que l’on appelle une compréhension locale.
En second, le processus d’intégration entre en jeu. Celui-ci permet de relier deux
propositions du texte non explicitement jointe par l’auteur.
En troisième, le macroprocessus. Il consiste en la création d’un résumé qui regroupe
plusieurs propositions du texte. J. Giasson juge que ce processus montre la compréhension
globale d’un texte.
En quatrième, le processus d’élaboration. Ce dernier comprend le fait de porter un
jugement et de créer de nouvelle relation par le biais d’inférences, d’images mentales, de
sentiments.
Enfin, en cinquième, le processus métacognitif qui est la capacité à auto évaluer sa
compréhension et de contrôler la perte de compréhension.

La compréhension et l’interprétation sont étroitement liées, c’est au niveau du troisième


processus que l’on peut laisser entrevoir de l’interprétation dans la compréhension.
Le déficit de compréhension d’un texte pour résider dans bien des origines, comme un
manque au niveau du décodage de bas niveau, ou un déficit de compréhension général du
français, ou une insuffisance au niveau du traitement du texte écrit, ou d’après Goigoux dans
une mauvaise utilisation de stratégie de compréhension.

L’interprétation est d’après Catherine Tauveron20 une lecture complète de l’œuvre.


Elle explique que la compréhension peut être le produit d’un processus interprétatif plus ou
moins complexe et qu’elle peut être la source d’un second processus interprétatif. Autrement
dit qu’il existe deux types d’interprétation (INT1, INT2) qui ne se développent pas
nécessairement sur le même type de texte.

19
Giasson-Lachance Jocelyne. La compréhension en lecture. Boucherville (Québec) Bruxelles: G. Morin De
Boeck, 1996. Print.
20
Tauveron Catherine. Comprendre et interpréter le littéraire à l'école : du texte réticent au texte proliférant. In:
Repères, recherches en didactique du français langue maternelle, n°19, 1999. Comprendre et interpréter les
textes à l'école, sous la direction de Francis Grossmann et Catherine Tauveron. pp. 9-38.

18
• « INT1 suite d’élections locales de sens qui concourent à se forger une représentation
globale et cohérente de l’intrigue. »
• « INT2 au-delà de ce que dit le texte qu’est-ce qu’il me dit ? Quelle morale,
enseignement, portée symbolique…puis-je en dégager ? »

Elle ajoute que l'interprétation consiste à "chercher le sens du texte et à le rendre intelligible"
(Tauveron, 2005). Pour Tauveron, l'interprétation est donc un processus qui implique une
interaction entre le texte et le lecteur, ainsi qu'une ouverture à la subjectivité, au jugement et à
la créativité du lecteur. Elle insiste sur l'importance de laisser le texte "parler pour lui-même"
et de ne pas imposer une interprétation préconçue sur le texte.

5. Dispositif

Le dispositif que nous allons décrire est un dispositif ayant pour but de répondre à ma
problématique qui est « En quoi le travail en réseau sur un personnage ambivalent permet au
lecteur de mobiliser un processus interprétatif au travers de l’empathie fictionnelle ?». Le
dispositif est mis en place dans une classe de 21 élèves de CE2 (8ans) dans une RPI aux
alentours de Poitiers. Nous décrirons dans un premier temps le dispositif d’enseignement, puis
dans un second temps la méthodologie de recherche.

5.1 Dispositif d’enseignement

Pour répondre à cette problématique, j’ai choisi de passer uniquement par le canal écrit.
La séquence se décompose en 7 séances d’environ 25 minutes.

Premièrement, j’ai choisi d’expliquer aux enfants que nous allions passer un certain
nombre de séance à travailler en littérature, que leurs travaux allaient m’aider pour un devoir
à rendre à la faculté et que j’allais étudier leurs résultats. J’ai choisi de les informer de
l’importance de ces travaux pour qu’ils aient conscience de l’intérêt que je leurs porte et qu’ils
donnent leurs maximums. Je n’ai pas souhaité leurs dire en quoi consistait mon mémoire afin
de ne pas les faire se questionner et donc chambouler toutes leurs représentations. Après ce
temps d’information, j’ai donné aux enfants un questionnaire portant sur les sorcières
(Annexe 1 : Questionnaire de représentations initiales). Dans ce questionnaire, les enfants
devaient y inscrire et faire paraître leurs représentations initiales sur les sorcières, que ce soit
sur le physique, le caractère de celles qu’ils ont « en tête » ou sur leurs ressentis face à une
sorcière. Ils avaient aussi sur ce questionnaire une case blanche où ils devaient dessiner leur
19
sorcière. C’est donc un endroit de dessin libre, les enfants pouvaient dessiner la maison de la
sorcière ainsi que les objets qui la côtoie. Le but étant d’observer une distorsion entre les
différentes représentations des enfants. D’un côté une sorcière laide maigre et méchante (en
paraître du moins) et de l’autre une sorcière jeune, rondouillarde et belle par exemple. Les
enfants ont d’abord réalisé le dessin avant de répondre aux questions afin que leurs
représentations graphiques ne soient pas biaisées par mes questions dirigées.
J’ai choisi de passer par un questionnaire avec quelques choix multiples afin que le
traitement des données soient plus simple et concis. Après réflexion je remarque que mon
questionnaire est très directif et n’admet que 2 représentations : les miennes. Le dessin est
présent pour rattraper cela, assez difficile à traiter mais lourd d’information, il permet à
l’enfant de montrer l’ampleur de ce qu’est une sorcière pour lui, en l’accompagnant d’objets
ou de son habitat.

Dans une seconde séance, j’ai lu l’œuvre « La sorcière aux trois crapauds » de
Hiawyn Oram et Ruth Brown possédant une sorcière archétypale. J’ai lu ce roman en ne
montrant pas les images et en essayant de contrôler ma lecture afin que celle-ci n’influe pas
sur l’interprétation des enfants. En effet, si le lecteur attribue une voix sépulcrale à la sorcière
ou une voix plus basique, les enfants risquent d’avoir des interprétations différentes. Voici le
synopsis du livre « Pour satisfaire ses deux méchantes sœurs, Toute-Douce doit leur apporter
un fabuleux crapaud paré d'or et de bijoux. Mais il lui faut pour cela affronter la redoutable
sorcière Baba Yaga et s'acquitter, au péril de sa vie, de trois tâches impossibles à
exécuter... ». À la suite de cette lecture, j’ai recueilli les réactions spontanées et fait résumer
aux enfants le roman pour être certaine de leur compréhension fine de la chronologie des
événements, des personnages et de leurs liens.

Dans la séance suivante, nous avons débuté avec un rappel du livre précédemment lu,
afin de réactiver les souvenirs sur le livre. Ce moment avait comme but de faire
« réapparaître » les images mentales crées lors de la lecture du livre. Puis ils ont eu à remplir
un questionnaire (Annexe 2 : Questionnaire portant sur le roman « La sorcière aux trois
crapauds ».) portant sur la sorcière du roman et sur ses caractéristiques physiques et mentales
imaginées par l’enfant. Là encore le questionnaire est très axé et ciblé sur 2 types de
représentations, ce qui est ici encore rattrapé par le dessin qui laisse plus de place pour la
liberté de montrer l’entièreté du personnage. Puis j’ai ramassé leurs questionnaires et j’ai
montré les images du roman afin qu’ils confrontent leurs représentations avec la réelle
sorcière.

20
Dans la 4ème séance, les enfants devaient s’essayer à un écrit au je fictif portant sur la
sorcière du roman. Ce processus est décrit par Véronique Larrivé comme étant un moyen de
solliciter le lecteur et son empathie. Jean-Marie Schaeffer explique lui aussi que c’est le récit
écrit en « je » qui est le plus favorable à l’immersion fictionnelle. Cet écrit au « je » fictif
consistait en l’écriture des pensées de la sorcière dans une bulle à une scène clef du roman
(Annexe 3 : 1er écrit en « je fictif »). J’ai passé quelques minutes à expliquer la différence
entre ce que nous disons et ce que nous pensons afin qu’ils comprennent la nuance. Je n’ai pas
souhaité donner d’exemple afin qu’ils ne recopient pas tous ma phrase. Après cette écriture,
chaque enfant a lu à voix haute son écrit afin de se rendre compte si l’effet souhaité était bel et
bien présent. Les autres quant à eux écoutaient et devaient expliquer si oui ou non nous avions
l’impression d’être dans les pensées de la sorcière et pourquoi.

Les 3 dernières séances seront répétées avec un autre roman où la sorcière est
représentée d’une autre manière. Le roman est « Les maléfices de Maléfa » de Jack Chaboud.
Voici le synopsis du livre « Une sorcière sans âge est contrainte de s'adapter au monde
moderne..., Maléfa est une sorcière complétement démodée, qui habite dans une maison en
ruines, sans eau ni électricité, pleine de chats noirs et de toiles d'araignées ! A l'heure des
baguettes magiques télescopiques, des aspirateurs de voyage et des téléphones portables, elle
fait figure de vieux dinosaure et pourtant elle va devoir s'adapter ! Une terrible explosion
réduit en miettes sa maison ; Maléfa n'a plus qu'à se trouver un nouveau logement... ». Dans
ce roman, la sorcière est représentée comme étant jeune, plutôt mignonne et maladroite. Le
questionnaire est identique au précédent (Annexe 4 : Questionnaire portant sur le roman « Les
maléfices de Maléfa »). L’écrit au je fictif est présenté lui aussi sous la même forme (Annexe
5 : 2nd écrit au « je fictif »).

5.2 Méthodologie de recherche

Nous allons maintenant décrire avec quelle méthode les travaux vont être menées et
surtout sous quelles compétences les résultats vont-ils être étudiés.

Le but de cette étude est de comparer les écrits en « je » fictif par le biais d’un tableur
selon différents critères pour voir si les écrits en « je fictif » parlant d’une sorcière en
adéquation avec les représentations initiales des enfants sont différents de ceux avec des
caractéristiques différentes. L’intérêt n’est pas de comparer la qualité des écrits mais le
respect des compétences cherchées, décrites ultérieurement.

21
Avant tout, nous nuancerons les analyses car ces deux romans ne présentent pas
exactement la même focalisation. En effet dans « La sorcière aux trois crapauds » nous
parlons de la sorcière avec la troisième personne du singulier tout comme dans « Les
maléfices de Maléfa » cependant, dans un livre la sorcière n’est pas le personnage principal
(La sorcière aux trois crapauds) tandis que dans l’autre si (Les maléfices de Maléfa). La
focalisation interne est présente dans les deux livres mais ne vise pas la même personne. Dans
le premier elle repose sur « Toute-Douce » tandis que dans l’autre sur « Maléfa », la sorcière.
Cette caractéristique ayant été remarquée trop tard nous n’avons pas pu changer de roman.

Aussi, les questionnaires, comme énoncé précédemment, sont très axés vers les deux
représentations clivantes de la sorcière. Ayant voulu une facilité de traitement, les réponses
binaires ou à choix multiples étaient intéressantes mais, après réflexions, cela oriente
sûrement trop les enfants vers des représentations clivées qu’ils n’auraient pas forcément eu.

Voici les différentes compétences sur lesquelles nous allons porter notre attention dans les
écrits au « je » fictif :

o La compétence d’empathie fictionnelle


o La compétence d’inventivité narrative

Pour réussir à appréhender la compétence d’empathie fictionnelle, nous allons dans un


premier temps porter notre regard sur la vision que la sorcière a du monde pour l’élève. En
effet, nous voulons voir si les représentations initiales des enfants ont influencé leurs
représentations. Par exemple si pour l’écrit sur Maléfa, l’écrit au « je fictif » la rend méchante
alors qu’elle ne l’est pas, et que les représentations initiales de l’enfant étaient que toutes les
sorcières étaient méchantes, alors nous pourrons penser que les représentations de l’enfants
ont surmonté l’interprétation du texte. Ce critère est assez vague, cela dépend de la façon dont
est amené ce changement de vision, car cela peut aussi être de l’inventivité.

Dans un second temps nous regarderons l’immersion fictionnelle. Ce critère comprend la


capacité des élèves à se mettre à la place du personnage et d’écrire/parler au « je » fictif ainsi
que les erreurs de compréhension du texte.

Puis dans un troisième temps nous attendons à ce que les enfants fassent passer les
sentiments ou les intentions de la sorcière dans leurs écrits. L’écriture et la description des

22
sentiments montreront que les enfants se sont vraiment mis « à la place » de la sorcière, leurs
permettant donc de ressentir ce qu’elle ressent.

Pour appréhender la seconde compétence au sujet de l’inventivité narrative, nous allons


donc regarder l’inventivité des élèves. Ce point est assez subjectif, mais si l’enfant invente des
situations, des intentions, des personnes, des objets qui n’étaient pas présents dans le roman
mais sont cohérents alors cela sera vu comme de l’inventivité. Ici nous verrons si les enfants
ont bien compris le roman, et s’ils se sentent à l’aise pour l’interpréter et le manipuler à leurs
envies.

Pour ces deux compétences nous nous attendons à voir que c’est plus aisé pour les élèves
que ce soit l’empathie fictionnelle ou l’inventivité narrative quand la sorcière correspond à
leurs représentations initiales. Par exemple, un élève qui pense que la sorcière est laide et
méchante devrait mieux se mettre à la place de Baba Yaga dans les écrits au je fictif qu’à la
place de Maléfa. Cependant il est aussi possible que le déplacement des représentations
favorise l’inventivité narrative. De ce fait un enfant ayant des représentations initiales
divergentes avec la sorcière du roman pourrait trouver une liberté d’invention et donc ne pas
rentrer dans les hypothèses énoncées.

6. Analyse des résultats

6.1. Questionnaire représentations initiales


Le questionnaire (Annexe 1 : Questionnaire de représentations initiales) des représentations
initiales porte sur les sorcières que les enfants ont en tête lorsque l’on évoque le terme de sorcière
avec eux. Le questionnaire est composé de 7 questions.

A quoi ressemblent les sorcières pour toi ?


1

17
18
Jolies
Moches
Rondouillardes
Minces
1
Jeunes
Vieilles
6
Propres
Sales 23
16

11
2
D'après toi quel est le caractère d'une sorcière ?

18

16

14

12

10

En majorité les élèves de ma classe de CE2 ont comme sorcière mentale une sorcière qui
possède les traits suivants :

Physique : Mentalité :
- Laide - Méchante
- Sale - Froide
- Vieille - N’aime pas les enfants
- Mince - Solitaire
- Colérique
C’est donc ce type de sorcière que nous allons caractériser comme archétypale. Grâce à ces
deux premières questions nous avons l’aspect physique et mental de la sorcière, la prochaine
question et le dessin nous informeront sur les objets que les enfants lient aux sorcières.

24
Ecris les mots auxquels tu penses quand on te parle de sorcière +
30
dessin.

25

20

15

10

Les réponses ne sont pas unanimes, mais nous voyons que les réponses les plus courantes
sont :

- Nez
- Chapeau
- Balais
Il est important de préciser que la question était ouverte, ainsi que les dessins et qu’il est donc
normal que les récurrences ne soient pas élevées. Et que pour cette représentation des
résultats nous avons additionné les réponses à la question ainsi que les représentations sur les
dessins.

Apprécies-tu le personnage de la sorcière ?

12

Oui Non

25
Enfin, nous nous rendons compte que la majorité des enfants de la classe n’aime pas les
sorcières.

En annexe (Annexe 6 : Dessins de sorcières archétypales), 3 dessins de sorcières


archétypales très parlants. Ces dessins ont été traités et ont été la plus grande source de réponse car
nous pouvons retrouver des objets et les habitudes des sorcières. L’un de ces dessins est réalisée
par un enfant pour qui les sorcières sont belles et gentilles.

Ce questionnaire m’a permis de cerner les représentations globales et initiales de ma classe de


CE2, et d’être certaine d’avoir bien choisi les œuvres sur lesquelles nous allions travailler. C’est
ainsi que la première œuvre sur laquelle nous avons travaillé traite une sorcière qui est laide,
vieille et méchante et avec un chapeau. De plus elle est détestable, et n’est donc pas à contre-sens
des représentations des enfants.

6.2. Questionnaire « La sorcière aux trois crapauds »

Avant d’analyser les données du questionnaire (Annexe 2 : Questionnaire portant sur le


roman « La sorcière aux trois crapauds ».), il m’est important de décrire ce à quoi ressemble la
sorcière du roman. Cette œuvre comporte une sorcière dite archétypale, elle est laide, vieille, ridée,
avec un nez crochu, méchante, elle possède un chapeau, de longs habits noirs… Elle est donc a
priori en parfaite adéquation avec les représentations de la majorité des enfants. Dans ce roman le
personnage principal : « Toute douce », pour satisfaire ses deux méchantes sœurs, doit rapporter
un fabuleux crapaud paré d'or et de bijoux. Pour cela elle devra affronter la redoutable sorcière
Baba Yaga et s'acquitter, au péril de sa vie, de trois tâches impossibles à exécuter. Une poupée
magique que lui a donnée sa mère avant de mourir aidera la fillette à surmonter les épreuves. Une
fois les épreuves surmontées une question redoutable lui est posée « Pourquoi es-tu venu chez
moi ? » ce à quoi l’enfant répondra « Pour avoir peur pardi ! » et gagnera en plus de la joie de la
sorcière, le crapaud tant espéré.

Après la lecture du roman « La sorcière aux trois crapauds », et la création commune d’un
résumé afin de bien comprendre la chronologie de l’histoire et les différents protagonistes, les
enfants se sont confrontés à un questionnaire. Le questionnaire est composé de 8 questions et porte
sur leurs représentations de la sorcière : Baba Yaga.

26
Penses tu que Baba Yaga est jolie ou laide?
1

18

Jolie Laide

Les enfants pensent en majorité que la sorcière Baba Yaga dans le roman est laide.
Lorsque dans la question qui suit il leur est demandé d’expliquer pourquoi il pense cela, les
réponses sont quelque peu confuses. Voici les plus récurrentes parmi celles qui pensent
qu’elle est laide :

Pourquoi ?
12

10

0
Elles sont toutes Physique Habits Hygiène Lien avec histoire
moches

La plupart des réponses portent sur le physique. Ces enfants énoncent des faits comme
« Grand et gros nez » ou « vieille » ou « verrue » … Ces faits sont parfois énoncés dans le
roman mais parfois le fruit de leurs représentations. Elle est décrite comme faisant peur et
étant laide, c’est peut-être pour cela que ces images leurs viennent et qu’ils ajoutent certaines
de leurs connaissances sur les sorcières. Ensuite, 4 enfants pensent que comme les sorcières
sont toutes moches, Baba Yaga l’est aussi. Aussi, certains ont inventé des « habits troués » ou
bien des « habits noirs » afin qu’elle soit considérée comme laide, ou bien même que Baba
Yaga « ne se lavait pas ». Enfin 2 personnes ont repris des moments clefs de l’histoire afin
d’appuyer leurs propos. Par exemple le fait que « sa maison possède des pattes de poulet » ou

27
bien le fait qu’une des protagonistes de l’histoire « soit venu jusqu’à Baba Yaga pour avoir
peur ».

Pour l’enfant pensant que Baba Yaga est jolie, sa réponse a été en cohérence avec son
questionnaire de représentation initiale. Cet élève pense que les sorcières sont toutes jolies,
ainsi Baba Yaga est donc jolie.

Penses tu que Baba Yaga est jeune ou vieille ?


1

18

Jeune Vieille

Les enfants pensent en majorité que la sorcière Baba Yaga dans le roman est vieille.
Lorsque dans la question qui suit il leur est demandé d’expliquer pourquoi il pense cela, les
réponses sont quelque peu confuses. Voici les plus récurrentes parmi celles qui pensent
qu’elle est vieille :

Pourquoi ?
8

0
Elles sont toutes vieilles Physique Lien avec histoire

28
La plupart des enfants inventent des critères physiques comme les « rides » ou bien les
« boutons », bien que dans le roman il n’est pas annoncé qu’elle est vieille ou bien qu’elle
possède des rides. D’autres restent dans leurs représentations initiales en disant qu’elles sont
toutes vieilles donc Baba Yaga l’est forcément. Enfin, certains font des liens et interprètent
l’histoire. Ils expliquent que comme Baba Yaga fait faire toutes ses tâches ménagères a Toute
Douce cela signifie qu’elle est trop vielle pour le faire elle-même.

Pour l’enfant qui pensait qu’elle était jeune (et gentille), il explique qu’il entend sa voix et
donc qu’a sa voix elle est jeune. On peut penser que l’enfant associe ma voix à celle de la
sorcière dans l’histoire.

La dernière question porte sur le caractère gentil ou méchant de la sorcière.

Penses-tu que Baba Yaga est gentille ou méchante?

15

Gentille Méchante

Les enfants pensent en majorité que la sorcière Baba Yaga dans le roman est méchante,
même si les réponses ne sont pas univoques. Lorsque dans la question qui suit il leur est
demandé d’expliquer pourquoi il pense cela, les réponses sont quelque peu variées pour ceux
qui pensent qu’elle est méchante, a l’inverse de ceux qui pensent qu’elle est gentille.

Pourquoi est elle méchante ? Pourquoi est-elle gentille ?


8
7
6
5
4
3
2
1
0
Rapport avec les Elles sont toutes Lien avec histoire
enfants méchantes Donne le crapaud 29
Pour les enfants qui pensent qu’elle est méchante, les réponses qui reviennent portent sur
le rapport de la sorcière avec les enfants : mange les enfants / kidnappe / déteste / fait peur….
Ces informations sont inventées/interprétées. Aussi, certains sont là encore restés dans leurs
représentations initiales en admettant que si toutes les sorcières sont méchantes, Baba Yaga
doit l’être aussi. Enfin, certains ont fait des inférences avec l’histoire comme le fait qu’elle
crie, ou qu’elle donne toutes les corvées…

Quant aux enfants qui pensent qu’elle est gentille, la réponse a été unanime. A la fin de
l’histoire Baba Yaga donne le crapaud tant désiré à Toute Douce, ce dernier acte gentil bien
que précédé par d’autres actes méchants a permis à ces enfants de trouver Baba Yaga gentille.

Dans ce premier questionnaire il est important de remarquer que les représentations


initiales majoritaires des enfants correspondent aux critères imaginés et réels de Baba Yaga.
Ainsi en majorité il n’y a aucune distorsion entre leurs représentations et la représentation de
Baba Yaga.

En annexe (Annexe 7 : Dessins de Baba Yaga) nous pouvons retrouver quelques dessins
parlant où l’on aperçoit que les représentations de Baba Yaga ressemblent beaucoup à celles
des sorcières archétypales du premier questionnaire.

6.3. Ecrits au « je » fictif

Afin d’étudier les écrits au « je fictif » nous sommes passé par un tableur. Les catégories
ont été difficiles à trouver étant donné le caractère non-binaire des réponses. Nous avons
séparé nos catégories selon deux compétences. Comme expliqué plus ultérieurement, la
compétence d’empathie fictionnelle et celle d’inventivité narrative. Celles-ci subdivisées
en plusieurs points. Pour l’empathie fictionnelle et l’immersion fictionnelle, nous allons
regarder si le point de vue interne est présent, plusieurs méthodes ont été utilisées, nous les
déclinerons ultérieurement, mais aussi si la vision de la sorcière est cohérente et avec quelles
représentations. Nous allons regarder si la vision est cohérente avec la vision initiale de
l’enfant sur les sorcières, ou s’il a réussi à la changer pour être en cohérence avec l’album.
Aussi l’ajout de sentiment sera notifié.

Quant à la compétence d’inventivité, nous allons regarder si des ajouts sont présents, que
ce soient des intentions, des objets, des personnes, des surnoms…

Il m’a été impossible de faire des graphiques pour cette partie car les données ne sont pas
classifiables, chaque écrit est unique. Cet écrit était le premier écrit en « je fictif » que les
enfants faisaient, j’avais donc des doutes sur la réalisation du point de vue interne. Cependant

30
tous les élèves sauf deux ont réussi l’exercice de se mettre « à la place de… », que ce soit par
l’utilisation du « je » ou par l’utilisation de divers procédés comme les questions rhétoriques.
Par exemple j’ai pu voir

- Utilisation du « je » : « je vais me faire un gros ragoût de petite fille et je vais lui faire
faire toutes mes corvées » (Annexe 8 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur Baba Yaga)
- Utilisation de la rhétorique : « Qu’est c’est que ça ? Elle va peut-être faire ma
vaisselle ! AHAHAHAH !! » (Annexe 8 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur Baba Yaga)

Cependant certains sont restés dans un point de vue externe, avec par exemple « Je pense
que Baba Yaga se demande que fait cette petite fille dans la forêt ». (Annexe 8 : Exemples
d’écrits au « je fictif » sur Baba Yaga)

Cet album avait comme particularité d’avoir une vision en phase avec la vision de
beaucoup d’élève ; une sorcière laide et méchante. La majorité des visions des élèves sur la
sorcière dans leurs écrits était donc cohérente avec leur vision de la sorcière et celle du livre.
Elle était souvent représentée comme méchante, en voulant « manger » la petite fille, ou en
voulant la « transformer en crapaud ». Les deux enfants qui avaient dit dans le questionnaire
de représentations initiales que les sorcières étaient « gentilles » se sont adaptés afin de faire
en sorte que l’écrit soit en cohérence avec la vision de l’album.

La totalité des enfants ont ajouté des intentions dans les pensées de la sorcière, seul trois
sont restés terre à terre en donnant les vraies raisons de la venue de Toute-Douce ou les vraies
intentions de Baba Yaga. Par exemple certains ont dit « nous allons manger cette petite » ou
« elle veut manger mes pattes de poulet » (Annexe 8 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur
Baba Yaga) mais aussi « je vais me faire un gros ragoût de petite fille ». Les deux enfants qui
n’avaient pas de prima bord une vision cohérente ont très bien réussi, même mieux que
certains autres, en ajoutant des éléments que l’on ne voit pas dans l’image ou dans l’album.
L’un a parlé d’un « ragoût de petite fille » tandis que l’autre nous évoque une « forêt ».

Peu d’objets ont été rajoutés dans les écrits, nous avons pu y trouver « vaisselle »,
« chaudron », « pattes de poulet » par exemple. Et quelques élèves se sont même laissé aller
en donnant des surnoms à Toute-Douce, en disant par exemple « la petite », ou « petite fille »
ou encore « l’intrus ».

Pour conclure, l’écrit en « je fictif » sur l’album « La sorcière aux trois crapauds » a été un
succès sur les deux compétences évaluées. Les compétences d’inventivité et d’empathie
fictionnelle ont été validées pour la grande majorité des élèves. Et les élèves qui avaient des

31
représentations initiales différentes de la représentation de la sorcière dans l’album ont réussi
à changer leurs visions afin d’être en cohérence, et ont été très inventif, plus que certain qui
avaient des visions initiales cohérentes.

6.4. Questionnaire « Les maléfices de Maléfa »

Après la lecture du roman « Les maléfices de Maléfa », et la création commune d’un résumé
afin de bien comprendre la chronologie de l’histoire et les différents protagonistes, les enfants se
sont confrontés à un questionnaire. Ce questionnaire (Annexe 4 : Questionnaire portant sur le
roman « Les maléfices de Maléfa ») est similaire au précédent répondu sur l’autre œuvre. Le
questionnaire est composé de 8 questions et porte sur leurs représentations de la sorcière : Maléfa.
C’est une sorcière sans âge (90 ans en âge sorcière mais environ 30 en âge humain), contrainte de
s'adapter au monde moderne... Maléfa est une sorcière complétement démodée, qui habite dans
une maison en ruines, sans eau ni électricité, pleine de chats noirs et de toiles d'araignées ! A
l'heure des baguettes magiques télescopiques, des aspirateurs de voyage et des téléphones
portables, elle fait figure de vieux dinosaure et pourtant elle va devoir s'adapter ! Une terrible
explosion réduit en miettes sa maison ; Maléfa n'a plus qu'à se trouver un nouveau logement…Elle
fait appel à un syndicat de sorcière, va au super marché et surtout…. rencontre Nicolas. Nicolas va
l’aimer et l’aider à trouver un nouveau métier : star internationale. Elle deviendra alors une
sorcière à la mode, rigolote et aimée de tous.

Penses tu que Maléfa est jolie ou laide ?

12

Jolie Laide

Les enfants pensent en majorité que la sorcière Maléfa dans le roman est jolie. Lorsque dans la
question qui suit il leur est demandé d’expliquer pourquoi il pense cela, les réponses sont quelque
peu confuses. Voici les plus récurrentes pour les deux réponses :

32
Pourquoi est-elle jolie?
7 Pourquoi est-elle laide?
6 6

5 5

4 4

3 3

2 2

1 1

0 0
Elles sont toutes moches Vetements

Pour les 8 enfants qui pensent que la sorcière est laide, certains ont pensé que c’était dû à ses
vêtements décrits comme démodés et troués au début de l’histoire. Tandis que d’autres sont restés
dans leurs représentations initiales en expliquant que toutes les sorcières sont laides ainsi Maléfa
est nécessairement laide.

Pour les enfants pensant que Maléfa est jolie, certains l’explique par le fait qu’à la fin de
l’histoire, une fois relookée, elle est jolie. D’autre par le fait qu’elle se marie et que Nicolas est
amoureux d’elle, elle est donc jolie. Enfin, certains pensent que c’est parce qu’elle est star.

Penses-tu que Maléfa est jeune ou vieille ?

10

Jeune Vieille

C’est avec surprise que les résultats de cette question me sont apparu. Les réponses sont plus
que partagées ! Environ la moitié de la classe pense qu’elle est jeune tandis que l’autre pense
qu’elle est vieille. La question sur la justification va nous aider à en desceller la cause.

33
Pourquoi jeune ? Pourquoi vieille ?
4,5 4,5

4 4

3,5 3,5

3 3

2,5 2,5

2 2

1,5 1,5

1 1

0,5 0,5

0 0
Mariée 30 ans Autre Elles sont 90 ans Physique
souvent vieilles

Parmi les enfants qui ont pensé qu’elle était jeune, certains se sont dit que comme elle venait
de se marier cela voulait dire qu’elle était jeune, aux alentours de 18ans apparemment (bien que la
moyenne d’âge pour le mariage soit de 37 ans d’après l’INSEE…). Certains autres se souvenaient
d’une information présente dans le roman, dans celui-ci il est indiqué que Maléfa a 30ans en âge
humain mais 90 en âge sorcière.

Parmi ceux qui pensaient que Maléfa était vieille nous avons là encore les enfants qui restent
dans leurs représentations initiales, comme ils pensent que toutes les sorcières sont vielles, alors
elle l’est aussi. D’autres ont repris l’information erronée des 90 ans, tandis que d’autre ont rajouté
des caractéristiques physique a Maléfa comme « Bouton » « ride» ….

D’après ces résultats, la majorité des enfants pense que Maléfa est gentille, ce qui est ce que
j’ai cherché au travers de ce roman.

Penses-tu que Maléfa est gentille ou méchante ?

14

Gentille Méchante 34
Pourquoi gentille ? Pourquoi méchante ?
6 6

5 5

4 4

3 3

2 2

1 1

0 0
Relations sociales Actions Jolie Elles sont toutes méchantes Voulu tuer le rat

Parmi les enfants qui pensaient que Maléfa était gentille, les raisons sont multiples. Certains
ont fait des liens entre les actions de Maléfa avec les personnages du roman, comme le fait qu’elle
parle bien à Nicolas ou bien qu’elle n’embête personne. D’autres pensent que c’est grâce à ses
actions, comme le fait qu’elle chante ou qu’elle fait un spectacle. Enfin, une personne assimile la
beauté supposée de Maléfa avec une gentillesse.

Parmi la minorité d’enfants qui pensaient que Maléfa était méchante, il y a deux raisons. Soit
car là encore, les représentations initiales prennent le dessus soit car au tout début du roman elle a
voulu tuer un rat et donc de ce fait elle est méchante.

Dans ce second questionnaire il est important de remarquer que les représentations initiales
majoritaires des enfants ne correspondent généralement pas aux critères imaginés et réels de Baba
Yaga. Ainsi en majorité il y a une distorsion entre leurs représentations initiales et la
représentation de Maléfa.

En annexe (Annexe 9 : Dessins de Maléfa) nous pouvons retrouver quelques dessins


parlant où l’on aperçoit que les représentations de Baba Yaga ressemblent beaucoup à celles
des sorcières archétypales du premier questionnaire.

6.5. Ecrits au « je » fictif

Afin d’étudier les écrits au « je fictif » nous sommes là encore passés par un tableur afin
de traiter tous les écrits de la même manière. Nous avons gardé les mêmes compétences et les
mêmes catégories que pour le précédent écrit. A savoir les compétences d’empathie

35
fictionnelle et d’inventivité. Cet écrit a été plus difficile à traiter que le précédent étant donné
que la sorcière évolue dans le roman et passe de laide à jolie et de reclus de la société à star
internationale.

Nous allons tout d’abord regarder si le point de vue interne et le fait de « se mettre à la
place de » a été réalisé ou si les élèves sont restés dans un point de vue externe. La très grande
majorité à réussit à faire en sorte de se mettre à la place de la sorcière, que ce soit par
l’utilisation du « je » ou l’expression de « sentiments » comme « Je suis triste parce que ma
maison est cassée. Je suis aussi jalouse de Masmédia parce que sa maison n’est pas cassée »
(Annexe 10 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur Maléfa). Cet exemple est très parlant car
l’élève garçon, en plus de dire « je », évoque ses sentiments et genre les adjectifs
correctement.

En ce qui concerne la vision de la sorcière et sa cohérence avec ce que les enfants


pensaient initialement ou celle du livre on remarque que la quasi-totalité des enfants est resté
cohérent avec le livre. Les enfants qui pensaient que les sorcières étaient laides et méchantes
ont généralement fait en sorte que Maléfa soit plutôt mignonne et gentille. Par exemple nous
avons « Elle [masmédia] a des habits stylés mais j’aime mieux mes habits » (Annexe 10 :
Exemples d’écrits au « je fictif » sur Maléfa). A l’inverse, certain qui pensaient aussi que
les sorcières étaient laides et méchantes l’ont laissé ainsi et ont fait marcher leur imagination,
par exemple « Je vais la [masmédia] pousser dans ma salle de bain pleine de microbes, elle
ressemblera plus à moi. » (Annexe 10 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur Maléfa).
Enfin, ceux qui pensaient que les sorcières étaient jolies et gentilles ont fait des écrits assez
vagues ne laissant pas transparaître ces points.

La très grande majorité des élèves, quelles que soient leurs représentations initiales ont
procédé à des ajouts d’intentions, d’objets ou autres. Nous avons pu retrouver quelques ajouts
de sentiments, des jugements de valeurs au sujet de Masmédia et surtout beaucoup
d’intentions. Par exemple « Je veux être comme elle », « elle va être mon amie », « je vais
aller avec elle ».

Quelques enfants ont ajouté des lieux comme la « salle de bain », « Paris » ou le fait de
parler de « maison » qui n’est pas visible dans l’image mais de l’album. Certains ont aussi
donné des surnoms, nous pouvons retrouver « ce machin volant » pour désigner l’aspirateur,
« cette femme » pour Masmédia et « jeune fille » pour Maléfa.

36
Enfin, des enfants ont fait d’autres ajouts inventifs qui n’ont pas de catégorie comme
l’utilisation d’une formule magique « Je pense que je vais faire un petit coup de baguette
aldldldlaii toi tu voles comme les oiseaux dididi vole petit oiseau ramram bile bol raal »
(Annexe 10 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur Maléfa) ou l’ajout du caractère bavard a
Masmédia « Masmedia va pas arrêter de me parler. ».

6.6. Bilan
Après avoir analysé chaque questionnaire et écrit séparément, nous pouvons retenir
quelques points afin de répondre à la problématique qui était « En quoi le travail en réseau sur
un personnage ambivalent permet aux lecteurs de mobiliser un processus interprétatif au
travers de l’empathie fictionnelle ? » et de valider ou d’invalider nos hypothèses.

Pour rappel nous pensions que dans les écrits au « je fictif » sur des sorcières qui
correspondaient aux représentations initiales des élèves, nous retrouverions plus de trace de
l’empathie fictionnelle et de l’inventivité. En clair, nous pensions que le processus
interprétatif et l’empathie fictionnelle seraient plus marqués lorsqu’un personnage à le rôle et
le physique auquel on s’attend qu’il ait.

D’après le 1er questionnaire la plupart des enfants ont expliqué que leur sorcière
archétypale était, entre autres, laide et méchante. Le premier album correspondait exactement
à ce que pensait les enfants. Nous avons rencontré une très bonne compétence d’empathie
fictionnelle, tout en prenant en compte que c’était la première fois qu’ils effectuaient un
exercice de ce type. Et du coté de l’inventivité, c’était correct, les enfants sont restés plutôt
terre à terre. Cependant dès l’analyse de ces résultats, nous avons remarqué que les enfants
qui avaient dû changer leurs représentations étaient plus créatifs.

A l’inverse, dans le second écrit au je fictif où la sorcière n’était pas archétypale, nous
avons eu globalement une bonne empathie fictionnelle. La plupart des enfants ont changé
leurs représentations afin d’être en cohérence avec le texte. Cela a par ailleurs amené à une
meilleure compétence d’inventivité. A noter que cet écrit était le deuxième, le premier avait
donc pu servir d’entraînement.

Ainsi, la séquence menée en classe de CE2 et l’étude des données a montré que les enfants
de nos jours ont en majorité une représentation traditionnelle et archétypale de la sorcière.
Leur vision de celle-ci est celle d’une vieille femme laide, méchante et qui utilise ses pouvoirs
pour faire peur aux enfants. Toutefois, l’idée qu’une sorcière puisse être drôle, à la mode et

37
amicale n’est pas forcément une idée dérangeante. Que ce soit dans le premier album présenté
ou dans le deuxième ils ont réussi à se mettre à la place du protagoniste et ont réussi à être
inventif. Cependant, c’est bien dans le deuxième écrit, que nous pouvons remarquer un plus
grand investissement.

7. Conclusion générale
Enfin, pour conclure ce mémoire, nous pouvons dire que nous avons remarqué que le
travail en réseau sur un personnage ambivalent permettait incontestablement aux lecteurs de
mobiliser un processus interprétatif au travers de l'empathie fictionnelle. Nous avons ainsi pu
le remarquer au travers des différentes données traitées.

En effet, la construction ambivalente d'un personnage, permet au lecteur de ressentir une


proximité émotionnelle avec lui, que ce personnage corresponde ou non aux représentations
initiales celui-ci. Nous avons d’ailleurs conclu qu’un personnage qui ne correspondait pas aux
représentations initiales d’un enfant n’était pas un frein pour la compréhension et
l’interprétation.

Grâce à cette proximité, le lecteur est en mesure de développer une empathie fictionnelle
qui lui permet de mieux comprendre les enjeux du récit et de s'impliquer plus fortement dans
l'histoire. Le travail en réseau, contribue également à renforcer cette empathie en offrant au
lecteur une vision plus globale du personnage. Cela se traduit en l’occurrence par une plus
grande inventivité.

En outre, le processus interprétatif auquel le lecteur est confronté lorsqu'il fait face à un
personnage ambivalent est particulièrement riche et complexe. Il lui permet de questionner
par exemple ses propres représentations, et ses propres visions, et de se confronter à des
situations cohérentes ou non avec ses représentations initiales, ce qui favorise une réflexion
approfondie et une inventivité.

En conclusion, le travail en réseau sur un personnage ambivalent est donc un outil efficace
pour mobiliser le processus interprétatif du lecteur au travers de l'empathie fictionnelle. En
offrant au lecteur une expérience de lecture dense et nuancée, il contribue à rendre le
processus interprétatif plus riche.

38
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41
9. Annexes
9.1. Annexe 1 : Questionnaire de représentations initiales

42
43
9.2. Annexe 2 : Questionnaire portant sur le roman « La sorcière aux trois crapauds ».

44
45
9.3. Annexe 3 : 1er écrit en « je fictif »

46
9.4. Annexe 4 : Questionnaire portant sur le roman « Les maléfices de Maléfa »

47
48
9.5. Annexe 5 : 2nd écrit au « je fictif »

9.6. Annexe 6 : Dessins de sorcières archétypales

Laid(e) et méchant(e)

49
Laide et méchante

Belle et gentille

50
9.7. Annexe 7 : Dessins de Baba Yaga
Baba yaga et son habitat décrit dans l’album

Laide et méchante, traits ressemblants


à la sorcière archétypale.

51
Laide et méchante, traits ressemblants
à la sorcière archétypale.

Belle et gentille

52
9.8. Annexe 8 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur Baba Yaga

53
54
9.9. Annexe 9 : Dessins de Maléfa
Jeune, gentille et belle

Jeune, gentille et belle

55
Laide, vieille et méchante

56
9.10. Annexe 10 : Exemples d’écrits au « je fictif » sur Maléfa

57
58

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