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Quantificateurs logiques

Au programme :

Le langage courant (français) est facilement ambigu : la phrase "tous les guichets sont
fermés certains jours" , qui est grammaticalement irréprochable, signifie-t-elle "certains
jours, tous les guichets sont fermés" , ou bien signifie-t-elle "chaque guichet est fermé
certains jours" , ce qui est tout différent ?
Les mathématiques, qui ont la prétention de pouvoir affirmer avec certitude que telle
propriété est vraie, que telle autre est fausse, ne peuvent s'accommoder d'un tel risque de
flou, même s'il doit être artistique. C'est la raison de la nécessité d'un langage précis
spécifique aux mathématiques.
L'objet de ce cours est de présenter les signes qui dans le langage mathématique expriment
la quantification, c'est à dire la quantité d'objets (aucun, certains, tous) pour lesquels une
propriété est vraie, signes que l'on appelle des quantificateurs.
La phrase que nous écrivons « Tout homme est mortel » pourra ainsi s’écrire plus
formellement :
∀𝑥 ∈ 𝐻, 𝑥 ∈ 𝑀
« Quel que soit 𝑥 appartenant à 𝐻 (l’ensemble des hommes), 𝑥 appartient à 𝑀 (l’ensemble
des mortels). »
(1) « Quel que soit »
Pour exprimer qu’un énoncé mathématique est vrai quel que soit la valeur de la variable,
on utilise le quantificateur universel ∀, qui se lit “pour tout” ou “quel que soit”.

∀𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)
« Quel que soit 𝑥 appartenant à 𝐴, la propriété 𝒫(𝑥) est vraie. »

La commutativité de l’addition dans ℝ s’écrit :


∀𝑥 ∈ ℝ, ∀𝑦 ∈ ℝ, 𝑥 + 𝑦 = 𝑦 + 𝑥 ou plus court ∀(𝑥, 𝑦) ∈ ℝ2 , 𝑥 + 𝑦 = 𝑦 + 𝑥
La distributivité de la multiplication par rapport à l’addition sur ℝ s’écrit :
∀(𝑥, 𝑦, 𝑧), 𝑥(𝑦 + 𝑧) = 𝑥𝑦 + 𝑥𝑧

Il est recommandé, lorsque l’on s’exprime en français, d’essayer de traduire de manière


claire une phrase mathématique.
Nous allons voir à l’aide d’un exemple, comment exprimer de manière un peu plus
française une proposition écrite en langage purement mathématique :
∀𝑥 ∈ ℝ, 𝑥 2 ≥ 0
Si nous la lisons mathématiquement :
« Quel que soit 𝑥 appartenant à ℝ, 𝑥 au carré est supérieur ou égal à 0. »
Il est préférable de dire :
« Le carré d’un réel est toujours positif ou nul. »
Dans l’expression
∀𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)
on dit que 𝑥 est une lettre muette
On aurait pu écrire :
∀𝑦 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑦)
∀𝑧 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑧)…
(2) « Il existe »

Pour exprimer qu’un énoncé mathématique est vrai pour au moins une valeur de la
variable, on utilise le quantificateur existentiel ∃, qui se lit “il existe”.

∃𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)
« Il existe un élément de A pour lequel (ou tel que) la proposition 𝒫(𝑥) est vraie. »
Plusieurs syntaxes sont possibles :
∃𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)
∃𝑥 ∈ 𝐴; 𝒫(𝑥)
∃𝑥 ∈ 𝐴| 𝒫(𝑥)
(On peut utiliser la virgule, le point-virgule ou la barre verticale)
Dans tous les cas, ce symbole se lira : « tel que ».

Tout nombre réel positif peut s’écrire comme le carré d’un nombre, ce qui s’écrit en
langage mathématique :
∀𝑥 ∈ ℝ+ , ∃𝑦 ∈ ℝ ; 𝑥 = 𝑦 2
Pour exprimer qu’une fonction 𝑓: ℝ → ℝ s’annule sur ℝ :
∃𝑥 ∈ ℝ ; 𝑓(𝑥) = 0

Pseudo-quantificateur ∃! :

Pour exprimer qu’un énoncé mathématique est vrai pour une unique valeur de la variable,
on utilise le pseudo quantificateur existentiel ∃!.

∃! 𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)
« Il existe un unique élément 𝑥 de 𝐴 pour lequel la proposition 𝒫(𝑥) est vraie. »
Voyons quelques exemples :
∀𝑦 ∈ ℝ, ∃! 𝑥 ∈ 𝐴, 𝑦 = 𝑓(𝑥)
« Quel que soit 𝑦 appartenant à ℝ, il existe un unique 𝑥 appartenant à 𝐴 tel que 𝑦 =
𝑓(𝑥). »
Pour exprimer qu’une fonction 𝑓: ℝ → ℝ s’annule une et une seule fois sur ℝ, on écrit :
∃! 𝑥 ∈ ℝ, 𝑓(𝑥) = 0

En pratique :
On peut inverser deux quantificateurs universels ou deux quantificateurs existentiels :
Exemples :
• Les phrases mathématiques « ∀𝑥 ∈ ℝ, ∀𝑦 ∈ ℝ, 𝑥 + 𝑦 = 𝑦 + 𝑥 » et
« ∀𝑦 ∈ ℝ, ∀𝑥 ∈ ℝ, 𝑥 + 𝑦 = 𝑦 + 𝑥 » ont le même sens.
• Les phrases mathématiques « ∃𝑥 ∈ ℝ, ∃𝑦 ∈ ℝ, 𝑥𝑦 = 1 » et « ∃𝑦 ∈ ℝ, ∃𝑥 ∈ ℝ, 𝑥𝑦 = 1 »
ont le même sens.
(3) « Négation avec quantificateur »
Que se passe-t-il lorsque l’on énonce la négation de la proposition ?
∀𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)
C’est-à-dire :
¬[∀𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)]
Comme on affirme qu'une propriété "P" est universelle sur 𝐴, pour nier cette propriété, il
suffit de trouver un contre-exemple.
Cela donne :
∃𝑥 ∈ 𝐴, ¬𝒫(𝑥)
L’effet de la négation est double : le quantificateur universel (quel que soit) devient le quantificateur
existentiel (il existe) et la proposition 𝒫(𝑥) est remplacée par non 𝒫(𝑥).
Cela marche dans l’autre sens :
¬[∃𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)]
Négation :
∀𝑥 ∈ 𝐴, ¬ 𝒫(𝑥)

Voyons un exemple :
Suite majorée :
∃𝑀 ∈ ℝ|∀𝑛 ∈ ℕ, 𝑢𝑛 ≤ 𝑀
« Il existe un 𝑀 appartenant à ℝ tel que quel que soit 𝑛 appartenant à ℕ, 𝑢𝑛 est inférieur
ou égal à 𝑀. »
Remarquons que l’on pourrait lire cette expression de manière un peu plus française :
« Il existe un réel 𝑀 tel que pour tout entier naturel 𝑛, 𝑢𝑛 est inférieur ou égal à 𝑀. »
Suite non majorée :
∀𝑀 ∈ ℝ, ∃𝑛 ∈ ℕ|𝑢𝑛 > 𝑀
« Quel que soit 𝑀 appartenant à ℝ, il existe 𝑛 appartenant à ℕ tel que 𝑢𝑛 est strictement
plus grand que 𝑀. »
Traduction :
« Pour tout réel 𝑀, on trouvera toujours un rang 𝑛 à partir duquel 𝑢𝑛 sera strictement
plus grand que 𝑀. »
Attention : on ne peut a priori pas inverser un quantificateur existentiel avec un
quantificateur universel. Par exemple, si 𝑓: ℝ → ℝ est une fonction, les phrases
mathématiques suivantes :
∃𝑀 ∈ ℝ, ∀𝑥 ∈ ℝ, 𝑓(𝑥) ≤ 𝑀 et ∀𝑥 ∈ ℝ, ∃𝑀 ∈ ℝ, 𝑓(𝑥) ≤ 𝑀
n’ont pas le même sens. La première exprime que 𝑀 est un majorant de 𝑓.
La deuxième est une évidence.

Récapitulation :
Pour nier une phrase formelle commençant par plusieurs quantificateurs, on conserve
l’ordre d’écriture des variables, on change les « ∀ » en « ∃ » et les « ∃ » en « ∀ », puis on
remplace la propriété « 𝒫 » par sa négation, « non 𝒫 » ou « ¬𝒫 ».
(4) « Règles de bonne rédaction »
Il est vivement recommandé de ne pas placer les quantificateurs dans des phrases écrites
en français !
Commentaire d’un professeur : « Il ne faut jamais mélanger (je ne veux jamais voir ça !)
des quantificateurs avec du texte en français. »
Par exemple, la phrase « ∀𝑥 ∈ ℝ, cos 𝑥 est compris entre −1 et 1 » est à bannir !
Ou bien on écrit des phrases complètes en français, ou bien on écrit des phrases
formelles.
Les quantificateurs ne doivent pas être utilisés comme abréviation ! (dans un devoir
maison ou DS)
Tu peux cependant le faire dans tes prises de notes (même si cela peut conduire à des
erreurs).

Rappel sur l’ordre d’écriture :


L’ordre d’écriture des quantificateurs est fondamental pour le sens d’une phrase
formelle.
• Quand deux quantificateurs existentiels se suivent, on peut les échanger sans changer
le sens.
• Quand deux quantificateurs universels se suivent, on peut les échanger sans changer le
sens.
• Quand on inverse l’ordre de deux quantificateurs différents, le sens change

Pour démontrer une proposition de la forme :


∀𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)
On commence la rédaction par :
« Soit 𝑥 un élément (quelconque) de 𝐴… »

Exemple, soit à démontrer :


∀𝑥 ∈ ℝ, 𝒫(𝑥)
« Soit 𝑥 un réel (quelconque)… »
Pour démontrer une proposition de la forme :
∀𝑥 ∈ 𝐴, 𝒫(𝑥)
On écrira (dans certaines situations) :
« Posons 𝑥 = ⋯ »
Puis, on démontre que 𝒫(𝑥) est vraie pour cette valeur de 𝑥.
C’est le cas où l’on connaît a priori la valeur de 𝑥.
Il y a des situations où l’on fera simplement une démonstration d’existence, sans donner
la valeur de 𝑥 en utilisant un théorème qui assure cette existence.
C’est l’exemple très fréquent en terminale où l’on utilise très souvent le théorème des
valeurs intermédiaires.
« D’après les TVI, l’équation 𝑓(𝑥) = 0 admet une unique solution…
(5) « Cas avec deux quantificateurs »
Lorsque nous avons affaire à une expression du type :
∀𝑥 ∈ 𝐴, ∃𝑦 ∈ 𝐵|𝒫(𝑥, 𝑦)
Lorsque 𝑦 dépend de 𝑥, il est préférable d’écrire :
∀𝑥 ∈ 𝐴, ∃𝑦𝑥 ∈ 𝐵|𝒫(𝑥, 𝑦)

C’est l’exemple classique de la limite d’une suite :


∀𝜀 > 0, ∃𝑁 ∈ ℕ; ∀𝑛 ∈ ℕ, 𝑛 ≥ 𝑁 ⇒ |𝑢𝑛 − ℓ| ≤ 𝜀
En indiquant que 𝑁 dépend de 𝜀 :
∀𝜀 > 0, ∃𝑁𝜀 ∈ ℕ; ∀𝑛 ∈ ℕ, 𝑛 ≥ 𝑁𝜀 ⇒ |𝑢𝑛 − ℓ| ≤ 𝜀

Négation avec deux quantificateurs :


∀𝑥 ∈ 𝐴, ∃𝑦 ∈ 𝐵|𝒫(𝑥, 𝑦)
devient :
∃𝑥 ∈ 𝐴, ∀𝑦 ∈ 𝐵, ¬𝒫(𝑥, 𝑦)

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