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c Christophe Bertault - MPSI

Petit manuel de bonne rédaction


« Bien rédiger » peut signifier deux choses :
1) exposer sa pensée clairement, c’est-à-dire avec ordre et rigueur — et si possible avec style ;
Un raisonnement faux peut être bien rédigé : dans un tel cas, si les hypothèses utilisées apparaissent avec
précision, il est généralement facile de trouver l’erreur commise. Au contraire, un raisonnement « correct »
mal rédigé est souvent signe d’arnaque, volontaire ou non.
2) se conformer aux conventions de notation pratiquées par la communauté des personnes auxquelles on
s’adresse.
Par exemple, puisque tout le monde note R l’ensemble des réels, il faudrait avoir l’esprit tordu pour le noter
autrement. On peut toujours contester la notation R et insister sur son caractère arbitraire, il n’en demeure
pas moins qu’il est nécessaire de fixer une notation si l’on veut que les mathématiques soient communicables.

Dans ce document, des exemples de rédaction sont donnés, tantôt corrects, tantôt incorrects. Les rédactions correctes sont
précédées des symboles    et les incorrectes des symboles $ $ $.

1 Les grands principes de la rédaction mathématique


Si vous voulez bien comprendre cette première partie, lisez peut-être d’abord le chapitre de cours « Pour bien commencer
l’année ». On y définit notamment les quantificateurs universel ∀ et existentiel ∃.

Ne négligez sous aucun prétexte les enseignements de cette première partie.


Ils sont à bien des égards parmi les plus importants de toute votre année de MPSI.

1.1 Introduire tout ce dont on parle


La première règle de rédaction en mathématiques, c’est que toute notation quelle qu’elle soit doit être
introduite. En français, si vous dites : « Ils ont travaillé toute la soirée » sans avoir précisé qui sont ces « ils » travailleurs,
vous risquez de n’être pas compris. En maths, c’est pareil : vous devez présenter tout ce dont vous parlez.
Mais comment introduit-on concrètement un objet mathématique ? Cela dépend du statut logique de l’objet à introduire :
cet objet est soit un objet quelconque, une variable décrivant un certain ensemble ; soit un objet précis déjà défini auquel on veut
seulement donner un nom par souci de concision.

1.1.1 Introduire un objet quelconque

• Quand on veut introduire une variable décrivant tout un ensemble, autrement dit un élément x quelconque d’un ensemble
E, on procède ainsi :

   Soit x ∈ E.

Bien sûr, la lettre x pourrait être remplacée par n’importe quel symbole : y, z, , ♥. . . Cette formulation peut souvent être
remplacée par la suivante :

   Pour tout x ∈ E : ...

• Oublier ces petites phrases d’introduction est une faute grave — faute de rédaction et faute logique. Par exemple, imaginez
 π sin x + cos x
qu’on vous demande de montrer que : ∀x ∈ R, sin x + = √ . Première réponse :
4 2
 π π π sin x + cos x
$ $ $ sin x + = sin x cos + cos x sin = √ .
4 4 4 2

Rédaction incorrecte car vous n’introduisez pas votre x. Voici trois réponses correctes :
 π π π sin x + cos x
   Soit x ∈ R. Alors : sin x + = sin x cos + cos x sin = √ .
4 4 4 2
 π π π sin x + cos x
   Pour tout x ∈ R : sin x + = sin x cos + cos x sin = √ .
4 4 4 2

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 π π π sin x + cos x
   ∀x ∈ R, sin x + = sin x cos + cos x sin = √ .
4 4 4 2

Remarquez ceci : comme le suggèrent ces exemples, « Soit x ∈ R » et « ∀x ∈ R » sont synonymes. C’est normal : travailler
avec un x ∈ R fixé mais quelconque revient à travailler avec tous les x éléments de R. Mais on n’a pas le droit d’utiliser « ∀x ∈ R »
dans une phrase en français, pour ne pas mélanger les genres.
• Vous vous demandez sûrement pourquoi les mathématiques exigent autant de maniaquerie. En réalité, ce n’est pas du tout
une question de maniaquerie. Les élèves proposent souvent des raisonnements qui n’ont ni queue ni tête uniquement parce qu’ils
n’ont pas introduit proprement les choses dont ils parlent. Ils croient de bonne foi qu’ils ont fait un vrai raisonnement alors qu’en
réalité ce qu’ils ont proposé n’est ni vrai ni faux mais n’a tout simplement aucun sens. Les « Soit x ∈ E » sont donc une garantie
de rigueur. Mais ils sont en réalité bien plus. Très souvent également, en présence d’un problème, les élèves sèchent et ne savent
pas du tout par quoi commencer. La peur de la page blanche en quelque sorte.
Par exemple, imaginez qu’on vous demande de démontrer le théorème suivant :

« Toute fonction réelle croissante définie sur R possède une limite en ∞ ».

Par où commencer ? Il faut d’abord traduire l’énoncé au moyens de quantificateurs :

« Pour toute fonction f : R −→ R, si f est croissante, alors lim f existe. »


En résumé (la rédaction suivante est incorrecte mais je l’utilise ici tout de même par souci de clarté) :
 
∀f : R −→ R fonction, f croissante =⇒ lim f existe .

En voyant cela, on sait tout de suite ce par quoi la preuve doit commencer :

   Soit f : R −→ R une fonction. On suppose f croissante. Montrons qu’alors lim f existe.


Tout élève mathématicien digne de ce nom doit de lui-même écrire cela sur sa copie, même si la suite de la preuve lui
échappe. Vous avez le droit de ne pas savoir poursuivre la preuve, mais vous n’avez pas le droit de ne pas savoir commencer
ainsi. On vous demande de montrer un résultat de la forme « Pour tout x ∈ E, . . . » ? Commencez par « Soit x ∈ E ». Le
résultat est de la forme « Pour tout x ∈ E, si x a la propriété P, alors. . . » ? Commencez par : « Soit x ∈ E. On suppose que x
vérifie la propriété P. »
Quel intérêt ? Tant que vous ne vous êtes pas donné une fonction f croissante fixée, vous n’êtes pas en mesure de montrer
que toute fonction croissante possède une limite en ∞. Au contraire, maintenant que vous avez commencé votre preuve comme
indiqué ci-dessus, vous avez une fonction f fixée entre les mains et pouvez donc entamer une réflexion à son sujet. De même qu’un
peintre ne peut pas peindre sans peinture ni toile, un mathématicien ne peut pas réfléchir sans un matériau pour sa réflexion.
Si cette méthode vous paraît idiote parce qu’évidente, tant mieux ! Mais sachez que nombre d’élèves sont incapables de penser
mathématiquement parce qu’ils n’ont jamais compris cela.

Etes-vous sûrs d’avoir bien compris ce qui précède ?


Y penserez-vous quand vous serez seuls face à un exercice ?
Sans cela vous êtes perdus (ceci n’est pas du tout une plaisanterie).

1.1.2 Donner un nom à un objet précis

• Quand on veut donner un nom à un objet précis, le « On pose » est de mise. Par exemple, si vous devez employer plusieurs
en0 + 1
fois dans un raisonnement l’expression compliquée ln p (où n0 ∈ N est fixé), nommez K cette quantité et profitez de ce
n20 + 1
en0 + 1
nom pour raccourcir votre raisonnement et le rendre plus lisible. Partout où la quantité ln p doit apparaître, vous noterez
n20 + 1
simplement K. L’introduction de la notation K se fait de la façon suivante :
en0 + 1
   On pose K = ln p .
n20 + 1

Pour être utilisée dans un « On pose »,


la lettre K ne doit pas être en cours d’uti- Voici la quantité à laquelle on souhaite donner le nom K. Cette
lisation dans le raisonnement que vous êtes quantité ne doit faire figurer que des objets mathématiques parfaite-
en train de faire. Il faut qu’elle soit neuve. ment introduits au préalable. Dans cet exemple, on suppose que le n0
Si vous vous appelez Sarah ou Antoine, a été introduit plus haut dans le raisonnement et est donc connu du
vous éviterez sans doute d’appeler vos en- lecteur.
fants Sarah ou Antoine. C’est pareil en
maths : on souhaite éviter toute confusion.
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• Attention, l’exemple suivant est incorrect. On y suppose qu’un certain réel positif y a été introduit plus haut dans le
raisonnement et l’on souhaite maintenant introduire un réel x de carré y.

$ $ $ On pose y = x2 .

Cette formulation sous-entend que c’est y qui est introduit, x étant connu, car y figure à gauche du symbole d’égalité et x à
droite. Or au contraire y est connu par hypothèse et c’est x qu’il faut définir. Voici deux façons correctes d’introduire un réel x
de carré y.

   On pose x = y.


   On pose x = − y.

• Concrètement, à quelle occasion utilise-t-on un « On pose » ? Son premier usage, présenté ci-dessus, vise à éviter les
répétitions d’expressions compliquées : en donnant un petit nom simple à une expression compliquée, on rend plus lisible son
travail. Mais le « On pose » est utilisé dans un autre contexte beaucoup moins anecdotique. Imaginez qu’on vous demande
de montrer qu’il existe des réels x et y dont la somme est un entier mais qui ne sont pas eux-mêmes des entiers. Avec des
quantificateurs :
∃ x, y ∈ R/ x + y ∈ Z et x ∈ / Z et y ∈ / Z.
Ici, vous ne pouvez pas commencer par « Soient x, y ∈ R tels que. . . » car on ne vous demande pas de prouver un résultat
sur des réels quelconques, mais un résultat d’existence. Or pour montrer un résultat d’existence, il faut trouver un exemple. Ici,
vous devez sortir de votre chapeau un x et un y qui vérifient les propriétés demandées. Exemple :

1 1
   On pose x = et y = − . Alors x et y sont deux réels non entiers. Pourtant x + y = 0 est un entier.
2 2

1 1
Bien sûr, et − ne sont pas les seuls exemples possibles, mais puisqu’on nous demande un résultat d’existence, un simple
2 2
exemple suffit : si on peut donner un exemple d’objet vérifiant les propriétés demandées, c’est qu’un tel objet existe.
Vous remarquerez bien que le « On pose » est lié au quantificateur existentiel ∃ — alors que le « Soit. . . » était lié au
quantificateur universel.

1.2 Mettre en évidence les articulations logiques


• Quand on rédige un raisonnement, il est très important de distinguer clairement les hypothèses des conclusions par exemple,
et d’indiquer les rapports d’implication entre les différentes propositions. Cela se fait notamment au moyen de « donc », « alors »,
« par conséquent », « ainsi », « or », « de plus », « en outre », « ensuite », « enfin », « mais », « cependant », « toutefois »,
« puisque », « comme », « car », etc. Cette liste n’est pas exhaustive. Truffez vos raisonnements de ces petits mots qui guideront
votre lecteur et, si possible, variez-les : cela donnera plus de style à votre rédaction.

Par exemple, imaginez qu’on vous demande de montrer que : ∀x ∈ [0, 1], 1 − x2 ∈ [0, 1]. Présentons deux réponses :

$$$ 06x61
0 6 x2 6 1 (t 7−→ t2 est croissante sur R+ )
0 6√1 − x2 6 1 √
0 6 1 − x2 6 1 (t 7−→ t est croissante sur R+ )

   Soit x ∈ [0, 1]. On a donc 0 6 x 6 1.


La croissance de la fonction carrée sur R+ donne aussitôt 0 6 x2 6 1.
Mais du coup : 0 6 1 − x2 6 1, . √
Finalement, par croissance 2
√ de la fonction racine carrée sur R+ : 0 6 1 − x 6 1.
2
Cela montre bien que 1 − x ∈ [0, 1] comme voulu.

• Attention : quand vous faites un raisonnement, ne remplacez pas des mots comme « donc » ou « alors » par le symbole de
l’implication
√ =⇒. Supposons par exemple, que pour un certain x ∈ [0, 1] fixé d’une façon ou d’une autre, on veuille démontrer
que 1 − x2 ∈ [0, 1]. En toute rigueur, il est interdit d’écrire :

$$$ 06x61 =⇒ 0 6 x2 6 1 =⇒ 0 6 1 − x2 6 1 =⇒ 06 1 − x2 6 1.

Mais pourquoi cet interdit ? C’est un peu subtil mais pas inintéressant. Une proposition de la forme « p =⇒ q » n’affirme
pas que q est vraie, et ne part pas du principe que p l’est non plus. Ainsi, quand on affirme que « p =⇒ q », il se peut très bien
que p, voire q, soit fausse. Ce qui est affirmé avec certitude, c’est que si p est vraie, alors q l’est aussi.

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√ √
Il ressort de cette remarque que « 0 6 x 6 1 =⇒ 0 6 √ 1 − x2 6 1 » et « 0 6 1 − x2 6 1 » sont deux propositions
différentes. La première affirme en effet que si x ∈ [0, 1], alors
√ 1 − x2 ∈ [0, 1]. Il se trouve ici qu’il est vrai que x ∈ [0, 1], c’est
2
notre hypothèse de départ. On peut donc en déduire que 1 − x ∈ [0, 1]. La seconde proposition (de la forme « q ») se déduit
donc de la première (de la forme « p =⇒ q ») parce qu’on sait par ailleurs que la proposition « p » est vraie.
En résumé, quand on veut démontrer une proposition « q », on ne peut se contenter de remarquer que « p =⇒ q ». Encore
faut-il que la proposition « p » soit vraie aussi. Le raisonnement effectué a la forme suivante :

La proposition « p » est vraie
donc la proposition « q » est vraie
La proposition « p =⇒ q » est vraie
et le donc ici présent ne doit pas être remplacé par le symbole de l’implication =⇒.

1.3 Annoncer ce que l’on fait


Rédiger correctement une démonstration mathématique, c’est aussi expliquer ce que l’on fait. Annoncez toujours quel rai-
sonnement vous êtes sur le point de faire : « Montrons que. . . », « Nous allons maintenant prouver que. . . », « Il ne nous reste
plus qu’à montrer que. . . », etc. Votre travail n’en sera que plus lisible.

1.4 Citer une définition ou un théorème


Citer une définition ou un théorème exige une précision absolue. Hypothèses, notations et conclusions doivent être énoncées
clairement et sans faute. Un théorème à peu près correct mais pas tout à fait, ou mal rédigé, est un théorème mal appris ; et un
théorème mal appris, c’est une impression très négative du correcteur.
Imaginez qu’on vous demande de définir le nombre dérivé d’une fonction en un point. Première réponse :

f (x) − f (a)
$ $ $ Le nombre dérivé de f en a est f ′ (a) = lim .
x→a x−a

Economique, certes, mais insuffisant. Qui sont f et a ? Pourquoi la limite du taux d’accroissement existe-t-elle ? Correction :

   Soient I un intervalle de R, f : I −→ R une application et a ∈ I.


f (x) − f (a)
On dit que f est dérivable en a si la limite lim existe et est finie. On appelle dans ce cas nombre dérivé
x→a x−a
f (x) − f (a)
de f en a cette limite, que l’on note f ′ (a) : f ′ (a) = lim .
x→a x−a

Connaître une définition, connaître un théorème, c’est être capable de les rédiger ainsi — sans avoir besoin de réfléchir un
quart d’heure.

1.5 Les démonstrations par récurrence


• La rédaction des démonstrations par récurrence est présentée dans le chapitre de cours « Pour bien commencer l’année ».
N’y revenons pas ici.
• Il est tentant souvent de remplacer un raisonnement par récurrence par trois petits points « . . . ». A l’oral cela peut passer,
car s’il le souhaite, l’interrogateur peut demander tout de suite à l’élève une rédaction propre par récurrence. Mais à l’écrit, sur
une copie digne de ce nom, cela ne passe pas du tout.
Par exemple, rappelons qu’une suite géométrique de raison q ∈ C est une suite (un )n∈N telle que : ∀n ∈ N, un+1 = qun .
Un théorème très simple affirme qu’alors : ∀n ∈ N, un = q n u0 . Montrons ce théorème. D’abord avec trois petits points :

z }|
n fois
{
$ $ $ Soit n ∈ N. un = qun−1 = q × qun−2 = q × q × qun−3 = . . . = q × q × . . . × q u0 = q n u0 .

Ensuite par récurrence :

   Initialisation : Comme q 0 = 1, u0 = q 0 u0 .
Hérédité : Soit n ∈ N. On suppose que un = q n u0 . Comme la suite (un )n∈N est géométrique : un+1 = qun . Or
un = q n u0 par hypothèse, donc un+1 = q × q n u0 = q n+1 u0 comme voulu.
Fin de la récurrence.

Il est vrai qu’on comprend souvent mieux la preuve avec trois petits points que la preuve par récurrence. Seulement voilà :
la preuve par récurrence est rigoureuse et l’autre non.

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2 Cas particuliers de rédaction problématique

2.1 Le mélange des genres


Ecrivez français ou mathématique, mais pas les deux à la fois ! Par exemple, n’écrivez pas :

$ $ $ ∀m, n ∈ Z, la somme de m et n est un entier.

mais :

   ∀m, n ∈ Z, m + n ∈ Z.

ou bien, au choix :

   La somme de deux entiers est un entier.

Le mélange autorisé le plus courant concerne le symbole ∈, comme dans « Soit x ∈ E ». On n’est pas obligé d’écrire : « Soit
x un élément de E ». Ce n’est là qu’une question de convention.

2.2 Quelle différence entre f et f (x) ?


ou comment définir une fonction
• Commençons par un exemple bien laid :

$ $ $ La fonction ex sin x est dérivable donc continue.

Le problème dans cet exemple, c’est que ex sin x. . . n’est pas une fonction ! On dit plutôt que ex sin x est une
expression.
• Une fonction est un objet mathématique qui associe à tout élément d’un certain ensemble un élément d’un autre ensemble.
Définir une fonction f revient donc à définir la façon dont un élément x appelé argument est transformé en un élément f (x)
dépendant de x. La fonction f n’est pas l’expression f (x) elle-même, mais l’association du x et du f (x). Le f (x) tout seul n’a
pas de sens car nous avons vu qu’en mathématiques il est essentiel que tout symbole soit introduit : ici, quel est ce x qui flotte
en l’air tout seul ? Pour toujours garder à l’esprit l’association x/f (x), on note x 7−→ f (x) ou tout simplement f la fonction qui
à un objet x associe l’objet f (x).
• En pratique, quand on veut √ faire référence à une fonction précise dans une phrase, soit la fonction a un nom et on peut
employer ce nom (par exemple f , ·, exp, ln, sin, cos. . . ), soit la fonction n’a pas de nom mais est définie par une expression
explicite et on la note alors x 7−→ . . . (par exemple x 7−→ ex sin x). Notez bien que la lettre x peut être remplacée par n’importe
quel symbole. La fonction f peut donc aussi être notée y 7−→ f (y), mais même  7−→ f () ou ♥ 7−→ f (♥).
Voici finalement une version correcte de l’exemple dont nous sommes partis :

   La fonction x 7−→ ex sin x est dérivable donc continue.

• En revanche la version suivante de notre exemple, identique en apparence, est incorrecte :

$ $ $ La fonction x −→ ex sin x est dérivable donc continue.

Qu’est-ce qui a changé ? Seulement la flèche : on a écrit −→ au lieu de 7−→. Attention, donc : dans ce contexte, seule la flèche
7−→ est autorisée.
• Pour finir, tâchons d’apprendre à définir correctement une fonction. Dans l’exemple précédent de la fonction x 7−→ ex sin x,
on n’a pas précisé l’ensemble de définition car cet ensemble est évidemment R tout entier. Mais le plus souvent, il est bon de
préciser l’ensemble de départ et l’ensemble d’arrivée de la fonction considérée.
Supposons par exemple qu’on veuille introduire proprement et appeler h la fonction qui envoie tout entier naturel sur son
carré. On pourra procéder ainsi :

   Soit h la fonction n 7−→ n2 définie sur N.



N −→ N
   Soit h la fonction .
n 7−→ n2

   On note h la fonction définie sur N par : ∀n ∈ N, h(n) = n2 .

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Tous ces exemples sont corrects. Cela dit, le second exemple est le plus complet des trois car on y précise aussi l’ensemble
Z 1
n
d’arrivée, qui est seulement implicite dans les deux autres. La fonction I qui envoie tout entier naturel n sur le réel et dt
0
peut être définie de la façon suivante :
8
< N −→
Z
R
   Soit I l’application 1 n .
: n 7−→ et dt
0

Notez bien que la flèche, en haut, qui relie l’ensemble de départ N à l’ensemble d’arrivée R est −→ et non 7−→. Allez savoir
pourquoi.

2.3 Parler des propriétés d’une fonction


Les deux exemples suivants sont incorrectement rédigés :
x
$ $ $ La fonction x 7−→ est dérivable pour tout x ∈ R.
x2 + 1

x
$ $ $ La fonction x 7−→ ee est croissante pour tout x ∈ R.

Le problème, c’est qu’on ne dit pas qu’une fonction est dérivable/croissante « pour tout x ∈ . . . ». On dit :
x
   La fonction x 7−→ est dérivable sur R.
x2 + 1

x
   La fonction x 7−→ ee est croissante sur R.

2.4 Dériver une fonction


• Dériver une fonction n’est pas difficile, mais bien rédiger le calcul d’une dérivée est parfois un exercice de rédaction périlleux.
2
Par exemple, soit l’exercice consistant à dériver sur R la fonction f : x 7−→ esin(x ) . Voici une réponse :
 2
′ ′ 2 2
$ $ $ ∀x ∈ R, f ′ (x) = esin(x )
= sin(x2 ) esin(x )
= 2x cos(x2 )esin(x ) .

 ′
Cela ne va pas du tout : les notations de la forme f (x) sont absolument interdites. Notez f ′ (x) à la place. Seules les
fonctions tolèrent la dérivation ; or f (x) est une expression, pas une fonction.

• Si l’on veut rédiger bien le calcul précédent, deux possibilités : soit on écrit le bon résultat directement — après tout vous
êtes grands, vous êtes censés ne plus faire d’erreur de calcul quand vous dérivez :
2
   ∀x ∈ R, f ′ (x) = 2x cos(x2 )esin(x ) ,

soit on introduit proprement des fonctions intermédiaires :

   Notons g la fonction x 7−→ sin(x2 ) définie et dérivable sur R. Alors : ∀x ∈ R, g ′ (x) = 2x cos(x2 ).
Puisque f = exp ◦g, on en déduit aussitôt le calcul de f ′ par composition :
2
∀x ∈ R, f ′ (x) = g ′ (x) × exp′ ◦g(x) = 2x cos(x2 )esin(x ) .

• Finissons ce paragraphe
 
avec une précision importante. Si vous voulez dériver la fonction x 7−→ sin(2x), nous venons de

dire que la notation sin(2x) est interdite. Mais ne la remplacez surtout pas par sin′ (2x) !

1) Dériver x 7−→ sin(2x) revient à dériver la composée de x 7−→ 2x suivie de y 7−→ sin y. Le calcul d’une telle
dérivée nous donne donc la fonction x 7−→ 2 cos(2x).
2) Quant à la fonction x 7−→ sin′ (2x), elle n’est autre que la fonction x 7−→ cos(2x), car sin′ = cos.

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2.5 La naïveté des notations classiques

• Pour que leurs élèves retiennent bien les formules, les professeurs de mathématiques utilisent tous les mêmes notations. Par
exemple, dans leurs cours, ils notent unanimement x 7−→ ax2 + bx + c les fonctions polynomiales de degré 2 et ∆ le discriminant
associé quand ils vous présentent la résolution des équations du second degré. Vous connaissez tous la formule « ∆ = b2 − 4ac »
avec les mêmes symboles ∆, a, b et c.
Imaginez un exercice où l’on est obligé de résoudre de sa propre initiative l’équation du second degré x2 + 3x − 2 = 0
d’inconnue x ∈ R. Premier exemple de rédaction :
√ √
−3 + 17 −3 − 17
$ $ $ ∆ = b2 − 4ac = 32 − 4 × 1 × (−2) = 17 > 0, donc x1 = et x2 = .
2 2

Cette rédaction est excessivement maladroite, même si on la comprend parfaitement. Où les quantités ∆, a, b, c, x1 et
x2 sont-elles introduites dans cet exemple ? Nulle part. Comme nous l’avons déjà dit, tout symbole utilisé doit être introduit
proprement. Exemple de rédaction correcte :

   L’équation x2 + 3x − 2 = 0 peut s’écrire ax2 + bx + c = 0 avec a = 1, b = 3 et c = −2. Son


discriminant ∆ vaut alors : ∆ = b2 − 4ac = 32 − 4 × 1 × (−2) = √17 et est strictement positif.
√ Finalement, l’équation
−3 + 17 −3 − 17
étudiée possède deux solutions x1 et x2 distinctes : x1 = et x2 = .
2 2

Cette première rédaction est parfaitement correcte, mais elle est longue. Au fond, est-il nécessaire d’introduire ∆, a, b et c ?
Pas vraiment. La rédaction la plus limpide est ici la plus économique :

   L’équation x2 + 3x − 2 =√ 0 a pour discriminant


√ 32 − 4 × 1 × (−2) = 17, strictement positif. Elle possède
−3 + 17 −3 − 17
donc deux solutions, à savoir et .
2 2

• Peut-être ne comprenez-vous pas bien pourquoi il est maladroit d’écrire « ∆ = b2 − 4ac » même quand ∆, a, b et c n’ont
pas été introduits. Après tout, tout le monde comprend. Certes.
Souvenez-vous : une stalactite est une formation calcaire qui se développe verticalement à partir de la voûte d’une cavité
souterraine, généralement en raison d’un phénomène de ruissellement goutte à goutte ; une stalagmite est une formation calcaire
analogue qui se développe à partir du sol et non de la voûte. Vous connaissez sans doute le moyen mnémotechnique classique
utilisé pour retenir la différence entre ces deux notions : « stalactite/tombe », « stalagmite/monte ».
Imaginez un géologue professionnel qui, dans ses articles de recherche, écrirait entre parenthèses « tombe » à chaque fois
qu’il écrit « stalactite » et « monte » à chaque fois qu’il écrit « stalagmite ». On trouvera cela très maladroit. Il se passe la
même chose avec « ∆ = b2 − 4ac ». Que vous ayez un moyen mnémotechnique pour retenir une formule, pourquoi pas ? Mais
n’en faites pas profiter tout le monde et gardez-le pour vous. On a sinon l’impression que vous n’avez aucun recul sur la formule
en question. Evitez de donner cette impression aux gens qui vous lisent.

 solutions d’une équation si vous n’introduisez pas proprement cette notation.


• Dans la même veine, banissez l’ensemble S des
x+y =1
Supposons qu’on doive résoudre le système d’inconnue (x, y) ∈ R2 . Pour tout (x, y) ∈ R2 , effectuons la
x−y =2
demi-somme et la demi-différence des deux équations en présence :

 8
x+y =1
< x=
1+3
=2
2
x−y =3
⇐⇒
: y=
1−3
= −1
.
2
Voici trois exemples de conclusion. Version laide :
n o
$ $ $ S = (2, −1) .

Qui est S ? Où l’avez-vous introduit ? Version correcte mais inutilement longue :


n o
   L’ensemble S des solutions de ce système est : S = (2, −1) .

Version la meilleure :
n o
   L’ensemble des solutions de ce système est (2, −1) .

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