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François DE M ARÇAY
Département de Mathématiques d’Orsay
Université Paris-Sud, France
Soit donc maintenant f ∈ O(U ) une fonction holomorphe non identiquement nulle
définie dans un domaine U 3 0 contenant l’origine de Cn , avec n > 1. Elle se développe
comme une série entière convergente centrée en 0 :
X∞
f (z) = f (k) (z),
k=0
dans laquelle, pour les besoins qui suivront, on peut regrouper ensemble tous les termes
homogènes qui sont de degrés égaux à un entier k > 0 quelconque fixé :
X 1 ∂ a1 +···+an f
(k)
f (z) := (0) (z1 )a1 · · · (zn )an .
a +···+a = k
a1 ! · · · an ! ∂z1 · · · ∂zn
a1 a n
1 n
il suffit de trouver un vecteur v satisfaisant f (k0 ) (v) 6= 0, ce qui est possible sur un ou-
vert dense de Cn \{0} — sinon, si f (k0 ) (v) s’annulait sur un ouvert non vide, le principe
d’unicité pour les polynômes holomorphes entraînerait f (k0 ) (v) ≡ 0.
Définition 1.5. L’ordre en 0 d’une fonction holomorphe f 6≡ 0 définie dans un voisinage
de l’origine est :
ord0 (f ) := min k ∈ N : f (k) (z) 6≡ 0 .
Lorsque f ≡ 0, on convient que f est d’ordre ∞.
L’ordre en un point quelconque z0 ∈ U d’une fonction holomorphe définie dans un
ouvert U ⊂ C se détermine en utilisant les coordonnées recentrées z − z0 .
Ainsi, l’ordre est > 1 lorsque, et seulement lorsque, la fonction s’annule au point consi-
déré, situation qui focalisera notre intérêt, puisque nous visons à décrire et à étudier l’en-
semble des zéros :
Zf := z ∈ U : f (z) = 0 ,
localement au voisinage de 0 ∈ Zf . En tout cas, avec :
k0 := ord0 (f ),
le développement commence par :
X
f (z) = f (k) (z).
k>k0
Pour la plupart des vecteurs v ∈ Cn \{0}, on a alors grâce au lemme qui précède f k0 (v) 6=
0, mais il est possible que pour certains v, on ait f (k0 ) (v) = 0 tandis que pour un entier
minimal k1 > k0 :
f (k1 ) (v) 6= 0.
1. Théorème de préparation de Weierstrass 3
Le Vorbereitungssatz figure pour la première fois dans le recueil publié en 1866 par
Weierstraß sous le titre « Abhandlungen aus der Functionenlehre ».
Théorème 1.6. [de préparation de Weierstrass] Soit f ∈ O(U ) une fonction holomorphe
dans un voisinage ouvert U de 0 ∈ Cn , avec n > 1, telle que :
f (0, . . . , 0, zn ) 6≡ 0,
et soit :
d := ord0 zn 7−→ f (0, . . . , 0, zn ) > 1.
Alors il existe un sous-voisinage ouvert 0 ∈ ∆ ⊂ U avec 2 ∆ ⊂ U de la forme polydisque-
produit :
∆ = |z 0 | < r0 × |zn | < rn (0 < r 0 , 0 < rn ),
il existe une unique fonction holomorphe u ∈ O(∆) ne s’annulant u(z) 6= 0 en aucun point
z ∈ ∆, et il existe des fonctions-coefficients uniques a1 (z 0 ), . . . , ad (z 0 ) holomorphes pour
|z 0 | < r0 avec a1 (00 ) = · · · = ad (00 ) = 0 telles que :
f (z) = u(z) · znd + a1 (z 0 ) znd−1 + · · · + ad (z 0 ) (∀ z ∈ ∆).
Démonstration du Théorème 1.6. Il existe rn > 0 assez petit tel que f (0, . . . , 0, zn ) 6= 0
pour 0 < |zn | 6 rn . Par continuité de f et par compacité du cercle contenu dans l’axe des
zn :
{z 0 = 00 } × |zn | = rn ,
il existe r0 > 0 et 0 < ε rn assez petits pour que :
(1.9) f (z 0 , zn ) 6= 0 pour tous |z 0 | 6 r0 , rn − ε 6 |zn | 6 rn + ε.
|zn |
rn + ε
rn
rn − ε
r0 z0
peuvent être exprimées, au moyen des Formules de Waring inverses, comme polynômes à
coefficients rationnels en les sommes de Newton N1 (z 0 ), . . . , Nd (z 0 ).
Par conséquent, puisque nous savons que les dépendances z 0 7−→ Nk (z 0 ) sont holo-
morphes, bien que chaque racine wi,z0 ne dépende en général pas holomorphiquement de
z 0 , nous obtenons le point-clé qui fait marcher toute la démonstration :
Lemme 1.11. Les fonctions symétriques élémentaires σ1 (z 0 ), . . . , σd (z 0 ) des racines
w1,z0 , . . . , wd,z0 dépendent holomorphiquement de z 0 dans un voisinage ouvert de
{|z 0 | 6 r0 }.
Grâce à cela, nous pouvons introduire le pseudo-polynôme :
P (z 0 ; zn ) := znd − σ1 (z 0 ) znd−1 + · · · + (−1)d σd (z 0 )
= zn − w1,z0 · · · zn − wd,z0 ,
qui est donc polynomial en zn , et dont les coefficients ne sont en général pas des polynômes
en z 0 , mais sont quand même des fonctions holomorphes de z 0 .
0 0 0 0
Pour |z | 6 r fixé, zn 7−→ f (z , zn ) et zn 7−→ P (z ; zn ) ne s’annulent jamais dans l’an-
neau rn − ε 6 |zn | 6 rn +ε , et possèdent exactement les mêmes racines comptées avec
multiplicité dans le disque |zn | < rn . Grâce au théorème d’élimination des singularités,
les deux fonctions de la variable zn :
f (z 0 , zn ) P (z 0 ; zn )
uz0 (zn ) := et vz0 (zn ) :=
P (z 0 ; zn ) f (z 0 , zn )
sont alors holomorphes pour |zn | 6 rn + ε. Cependant, lorsque (z 0 , zn ) varie librement, il
n’est pas clair a priori que ces deux quotients soient continus.
Heureusement, toujours à z 0 fixé, la formule de Cauchy à une variable les exprime
comme deux intégrales :
Z Z
1 f (z 0 , ζn ) dζn 1 P (z 0 ; ζn ) dζn
uz (zn ) =
0 et vz (zn ) =
0 .
2iπ |ζn |=rn +ε P (z 0 ; zn ) ζn − zn 2iπ |ζn |=rn +ε f (z 0 , zn ) ζn − zn
| {z } | {z }
=: u(z 0 ,zn ) =: v(z 0 ,zn )
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De plus : Z
0 1 1 ∂f 0
ϕ(z ) = 0
(z , ζn ) ζn dζn .
2iπ |ζn |=rn f (z , ζn ) ∂zn
Démonstration. Il s’agit du cas d = 1 du Théorème 1.6, qui donne :
zn + a1 (z 0 ) = 0,
d’où ϕ(z 0 ) := − a1 (z 0 ), et la formule intégrale apparaît dans la démonstration.
2. Théorème de division de Stickelberger
Définition 2.1. On appelle polynôme de Weierstrass en zn tout polynôme unitaire :
zne + b1 (z 0 ) zne−1 + · · · + be (z 0 ),
à coefficients holomorphes dans un voisinage ouvert 00 ∈ V 0 ⊂ Cn−1 3 z 0 = (z1 , . . . , zn−1 )
dont les coefficients s’annulent à l’origine :
0 = b1 (00 ) = · · · = be (00 ).
Dans un article de Stickelberger, on trouve une formulation plus générale (voir l’Exer-
cice 6) du théorème de préparation de Weierstrass sous une forme très analogue à la division
euclidienne dans l’algèbre de polynômes C[x1 , . . . , xn ].
Théorème 2.2. [Théorème de division de Stickelberger] Soit f ∈ O(U ) une fonction
holomorphe dans un voisinage ouvert U de 0 ∈ Cn , avec n > 1, telle que :
f (00 , zn ) 6≡ 0,
et soit :
d := ord0 zn 7−→ f (00 , zn ) .
Alors il existe un sous-voisinage ouvert 0 ∈ ∆ ⊂ U avec 2 ∆ ⊂ U de la forme polydisque-
produit :
∆ = ∆0 × ∆n = |z 0 | < r0 × |zn | < rn (0 < r 0 , 0 < rn ),
tel que toute fonction holomorphe g ∈ O(U ) est divisible par f dans ∆ au sens où :
g(z) = q(z) f (z) + R(z) (∀ z ∈ ∆),
3. Exercices
Exercice 1. Démontrer le Corollaire 1 directement à partir du Théorème 1.1 de Rouché, ou bien à partir du
Théorème 1.3 comme suit. Pour 0 6 t 6 1, soit le nombre de zéros de ft dans ∆ :
Z
1 ft0 (ζ)
Nt := dζ.
2iπ ∂∆ ft (ζ)
On introduit le sous-ensemble de [0, 1] :
J := t ∈ [0, 1] : Ns = N0 , ∀ s 6 t .
(a) Vérifier que J 6= ∅ et montrer que J est ouvert.
(b) Montrer que J est fermé, puis conclure.
Exercice 2. (a) Soit un domaine 0 ⊂ U ⊂ Cn contenant l’origine, avec n > 1, et soit une famille dénom-
brable (fk )∞
k=1 de fonctions holomorphes fk ∈ O(U ) toutes non identiquement nulles. Montrer qu’il existe
un ensemble dense de vecteurs v ∈ Cn \{0} tels que les fonctions d’une variable complexe ζ 7−→ fk (ζ v)
sont toutes non identiquement nulles dans un voisinage de 0 ∈ C.
(b) Montrer qu’il peut y avoir des vecteurs exceptionnels v ∈ Cn \{0} pour lesquels certaines (voire toutes)
restrictions fk (ζ v) ≡ 0 sont identiquement nulles.
Exercice 3. [Formules de Waring] Sur le corps de base Q, soient n > 1 indéterminées x1 , . . . , xn , soit X
une autre indéterminée et soit le développement du polynôme-produit :
X − x1 · · · X − xn = X n − σ1 (x) X n−1 + · · · + (−1)n σn (x),
dans lequel les fonctions symétriques élémentaires σ1 , . . . , σn de x = (x1 , . . . , xn ) valent :
X
σ` (x) := xi1 · · · xi` (1 6 ` 6 n).
1 6i1 <···<i` 6n
Par ailleurs, pour tout k > 0 entier, la k-ème somme de Newton est définie par :
Nk (x) := xk1 + · · · + xkn .
L’objectif de cet exercice est d’obtenir les formules closes, dues à Waring :
X (−1)i2 +2i3 +···+(n−1)in (i1 + i2 + · · · + in )! i1 i2 in
Nk = k · σ1 σ2 · · · σ n .
i +2 i +···+n in = k
i1 + i2 + · · · + in i !
1 2i ! · · · i n !
1 2
i1 >0, i2 >0, ..., in >0
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On commence par produire des formules inductives ouvertes, insuffisantes, puis on introduit des développe-
ments en séries formelles pour fermer directement les récurrences sous-jacentes.
(a) Vérifier directement que l’on a :
N 1 = σ1 ,
N2 = (σ1 )2 − 2 σ2 ,
N3 = (σ1 )3 − 3 σ1 σ2 + 3 σ3 ,
N4 = (σ1 )4 − 4 (σ1 )2 σ2 + 4 σ1 σ3 + 2 (σ2 )2 − 4 σ4 .
(b) Lorsque k 6 n, montrer que :
Nk = σ1 Nk−1 − σ2 Nk−2 + · · · + (−1)k−2 σk−1 N1 + (−1)k−1 σk k,
en notant bien que le dernier terme est k, et non pas N0 = n comme on aurait pu le supputer.
(c) En supposant n > 4, écrire ces formules et en déduire une démonstration des formules de la question (a).
(d) Lorsque k > n, montrer que :
Nk = σ1 Nk−1 − σ2 Nk−2 + · · · + (−1)n−2 σn−1 Nk−n+1 + (−1)n−1 σn Nk−n .
1
(e) En posant Y := X , vérifier que :
1 − x1 Y 1 − x2 Y · · · 1 − xn Y = 1 − σ1 Y + · · · + (−1)n−1 σn−1 Y n−1 + (−1)n σn Y n .
P k
(f) En utilisant le développement en série formelle de log 1 − T = − k>1 Tk , vérifier que :
X 1
log 1 − x1 Y + · · · + log 1 − xn Y = − Nk Y k .
k
k>1
établir que :
X X (−1)i2 +2i3 +···+(n−1)in (i1 + i2 + · · · + in )! i1 i2 in
log 1−σ1 Y +· · ·+(−1)n σn Y n = − Yk σ1 σ2 · · · σn .
i1 + i2 + · · · + in i1 ! i2 ! · · · in !
k>1 i1 +2i2 +···+nin = k
(h) Conclure en obtenant les formules de Waring annoncées, et tenter de les ré-obtenir en partant seulement
des formules de récurrence vues plus haut.
Exercice 4. [Formules de Waring inverses] En utilisant seulement la question (b) de l’Exercice 3, montrer
qu’il existe pour ` = 1, . . . , n des polynômes à coefficients rationnels P` ∈ Q[T1 , . . . , T` ] tels que :
σ` = P` N1 , . . . , N` (1 6 ` 6 n).
Exercice 5. Dans C2 muni des coordonnées (z, w), soit la fonction f (z, w) := sin w + z 2 .
(a) Vérifier que ord0 f = 1.
(b) Déterminer la décomposition de Weierstrass f = u · P .
(c) Faire de même pour f (z, w) := w + sin w + z 2 .
Exercice 6. Montrer que le Théorème 1.6 de préparation de Weierstrass se déduit comme corollaire du
Théorème 2.2 de division de Stickelberger.
Exercice 7. [Théorème de Hensel analytique] Soit z = (z 0 , zn ) ∈ Cn−1 × C avec n > 2, et soit un
polynôme de degré d > 1 :
P (z 0 ; zn ) = znd + a1 (z 0 ) znd−1 + · · · + ad (z 0 ),
à coefficients a1 , . . . , ad holomorphes dans un voisinage de 00 ∈ Cn−1 , tel que :
P (00 ; zn ) = (zn − α1 )d1 · · · (zn − αK )d , K
3. Exercices 11
avec K > 1, avec des racines α1 , . . . , αK ∈ C deux à deux distinctes, avec d1 , . . . , dK > 1, et avec d1 + · · · +
dK = d.
Montrer qu’il existe des polynômes unitaires uniques de degrés respectifs d1 , . . . , dK :
Pk (z 0 ; zn ) = zndk + ak,1 (z 0 ) zndk −1 + · · · + ak,dk (z 0 ) (1 6 k 6 K),
0 0
à coefficients holomorphes en z près de 0 ∈ C n−1
avec :
0
Pk (0 ; zn ) = (zn − αk )dk ,
tels que : Y
P (z 0 ; zn ) = Pk (z 0 ; zn ).
16k6K
Exercice 8. EE
R ÉFÉRENCES
[1] Cartan, H. : Sur le théorème de préparation de Weierstrass, Festschrift Weierstraß, Arbeitsgemeinschaft für For-
schung des Landes Nordrhein-Westfalen, Wissenschaftliche Abhandlung, Band 33, 155–168 (1966).
[2] Siegel, C.L. : Zu den Beweisen des Vorbereitungssatzes von Weierstraß, Abhandlungen aus Zahlentheorie und
Analysis zur Erinnerung an Edmund Landau (1877–1938), 299–306. VEB Deutscher Verlag der Wissenschaften,
Berlin, 1968.