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Approche économique de l’eau agricole : vers un partage

et un prix “ justes ”
Laurie Schneider

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Laurie Schneider. Approche économique de l’eau agricole : vers un partage et un prix “ justes ”.
Environnement et Société. 2019. �dumas-03908253�

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Mémoire

présenté pour l'obtention du Master


Mention : Eau
Parcours : Eau et Société

APPROCHE ECONOMIQUE DE L’EAU AGRICOLE :


VERS UN PARTAGE ET UN PRIX « JUSTES »

par Laurie SCHNEIDER

Des glaneuses, Jean-François Millet, 1857

Année de soutenance : 2019

Organisme d'accueil :
Chambre d’agriculture de l’Aude, pôle Eau et agronomie
Zone d’Activité de Sautès, Trèbes, 11878 Carcassonne, Cedex 9
Rapport de stage

présenté pour l'obtention du Master


Mention : Sciences de l’Eau
Parcours : Eau et Société

APPROCHE ECONOMIQUE DE L’EAU AGRICOLE :


VERS UN PARTAGE ET UN PRIX « JUSTES »

par Laurie SCHNEIDER

Des glaneuses, Jean-François Millet, 1857

Année de soutenance : 2019

Organisme d'accueil : Chambre d’agriculture de l’Aude, pôle Eau et agronomie

Mémoire présenté le : 03/09/2019


RESUME

Une bonne gestion quantitative de la ressource en eau est indispensable pour sécuriser les
usages, notamment agricoles, et garantir la bonne santé des milieux ; c’est un enjeu fort au sein
du bassin versant de l’Aude, qui connait en été des périodes d’étiage sévères. Une meilleure
gestion quantitative de cette ressource implique des efforts techniques (résorption des fuites,
rationalisation des consommations en eau pour l’irrigation) mais aussi des efforts en termes de
gouvernance : instaurer une gestion plus concertée de la ressource.
La mise en place de l’Organisme Unique de Gestion Collective (OUGC) des prélèvements
agricoles, chargé de répartir un volume prélevable entre tous les irrigants, ainsi que la réalisation
de la compensation des prélèvements agricoles (part du soutien d’étiage) grâce à des lâchers
d’eau à partir de retenues permet cela. Pourtant, ces évolutions impliquent des changements
dans la répartition et les coûts associés à l’eau agricole, évolutions qu’il faut appréhender. C’est
l’objet de ce mémoire, qui vise, grâce à la réalisation et l’analyse de deux enquêtes auprès de la
profession agricole, à identifier l’acceptabilité et les conséquences des changements concernant
les modalités et coûts d’accès à la ressource.
La première enquête porte sur les critères de répartition du volume prélevable entre irrigants et
sur le ressenti de ces derniers concernant le coût de l’eau agricole et l’OUGC ; la seconde cible
les coûts et prix de l’eau agricole, afin d’établir un état des lieux de ce que coûte la mobilisation
de la ressource en fonction de ses différents modes de gestion, de distribution et selon le type
de ressource mobilisée au sein des quatre sous bassins versants de l’Aude. A partir de là, des
perspectives d’évolution « acceptables » et « justes » ont été déployées.

Mots clés

Gestion quantitative de l’eau agricole – coûts et tarifications de l’irrigation –


Organisme Unique de Gestion Collective – compensation des prélèvements
– clés de répartition de la ressource – acceptabilité et justice des évolutions
– bassin versant de l’Aude
ABSTRACT

A good quantitative management of water is needed to safeguard the uses – including irrigation
– and to guarantee the health of the aquatic environments; this is challenging the watershed
Aude, in which the low-flow periods in summer are harsh. Technical efforts (preventing leakage,
rationalizing the use of water for irrigation) and a better governance (a more concerted
management) are both needed to achieve a better quantitative management of the resource.
This issue is addressed with the creation of the “Unique Agency for Collective Management” for
agricultural levies (Organisme Unique de Gestion Collective, OUGC in French), which will
distribute a definite volume between all the irrigators, and the compensation for the agricultural
levies (part of the support of low water level through the release of dam water).
Yet, these evolutions provoke changes in the distribution and costs of agricultural water; tackling
these issues is the goal of this paper, which aims at identifying the acceptability and the
consequences of these changes – concerning access and costs of the resource – through the
creation and the analysis of two surveys targeting the irrigators.
The first survey deals with the repartition’s criteria of a definite volume of water between the
irrigators, and with their feelings about cost of water and the OUGC. The second survey discuss
the costs and prices of agricultural water, in order to identify the cost for mobilizing this resource,
regarding the different administration and distribution mode in the 4 sub-watershed of Aude.
From what, we will draw “acceptable” and “fair” outlooks on these issues.

Key words

Quantitative management of irrigation water – costs and pricing of irrigation


– Unique Agency for Collective Management – compensation for the
agricultural levies – allocation keys of the resource – acceptability and
fairness of the management evolutions – watershed Aude
REMERCIEMENTS

A Philippe Vergnes et Marie-Hélène Forest, respectivement président et directrice de la


Chambre d’Agriculture de l’Aude, pour m’avoir accueillie dans cette structure, au sein de laquelle j’ai
beaucoup apprécié travailler.

A Bruno Peyras, chef du service Eau et agronomie, pour ses conseils avisés et sa sympathie.

A Daniel Casteignau, « responsable gestion quantitative de l’eau, Est audois et risques


naturels », pour son suivi attentif et complet, sa pédagogie, sa bienveillance et sa bonne humeur.

A toute l’équipe « gestion quantitative de l’eau », Hélène Olive « chargée de mission projets
d’irrigation eaux souterraines », Pauline Rayssac « conseillère projets d’irrigation » et Mathieu Lopez
« chargé de mission eau – énergies », pour leurs conseils, leur accompagnement et leur accueil
chaleureux.

A toute l’équipe du pôle Eau et agronomie, Sonia Caussé « chargée de mission qualité des
eaux », Stéphanie Rubio « chargée de mission animation MESE et plans d’épandage », Marion Viguier
« chargée de mission captages prioritaires », Gilles Boyer « expert agro-pédologie et responsable du
laboratoire d’analyses », Sébastien Bru « responsable technique du laboratoire d’analyses » pour leur
sympathie, et particulièrement Najet Koudad « assistance du pôle » pour sa sympathie et son appui
organisationnel.

A toute l’équipe de la Chambre d’Agriculture de l’Aude, pour leur accueil chaleureux.

A Marielle Montginoul, pour son aide précieuse et son accompagnement consciencieux.


SIGLES ET ACRONYMES

AEP : Alimentation en Eau Potable


ASA : Association Syndicale Autorisée
BV : Bassin Versant
CA : Chambre d’Agriculture
DDTM : Direction Départementale des Territoires et de la Mer
DOE : Débit d’Objectif d’Etiage
EPTB : Etablissement Public Territorial de Bassin
EVP : Etude des Volumes Prélevables
GIP : Groupement d’Intérêt Public
OUGC : Organisme Unique de Gestion Collective
PGRE : Plan de Gestion de la Ressource en Eau
SAGE : Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux
SDAGE : Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux
SDEB : Schéma Directeur des Eaux Brutes
SMMAR : Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques et Rivières
VNF : Voies Navigables de France
VP : Volume Prélevable
ZRE : Zone de Répartition des Eaux
TABLE DES MATIERES

PARTIE INTRODUCTIVE
I. Introduction générale p.1

II. La Chambre d’Agriculture (CA) de l’Aude, figure incontournable de la gestion de l’eau


agricole au sein du bassin versant p.2
A. Missions de la CA concernant l’Organisme Unique de Gestion Collective p.2
B. Missions de la CA concernant la compensation des prélèvements agricoles p.4

III. Un contexte local riche, faisant naître de nombreux enjeux p.5


A. Un contexte hydrographique complexe p.5
i. Le bassin versant Aude p.5
ii. Les sous bassins versants p.5
iii. La ressource en eau p.6
1. Ressources de surface p.6
a. Cours d’eau p.6
b. Canaux p.6
2. Stockages p.6
3. Eaux souterraines p.7
4. Ressources hors du département de l’Aude p.7
iv. Une ressource abondamment mobilisée p.7
1. Usages agricoles p.7
2. Autres usages p.8
B. Une gestion partagée de la ressource en eau au niveau local p.8
i. A l’échelle départementale p.8
ii. Dans l’Ouest audois p.9
iii. Dans l’Aude amont p.9
iv. Dans l’Aude médiane p.9
v. Dans l’Aude aval-littoral p.10
C. Un retour à l’équilibre quantitatif souhaité et orchestré p.10
i. L’Etude des Volumes Prélevables (EVP) p.10
ii. Le Plan de Gestion de la Ressource en Eau (PGRE) p.11
iii. Le Schéma Directeur de l’Eau Brute (SDEB) p.12

IV. Comment mieux partager la ressource en eau agricole ? p.12

LES ENQUÊTES
I. Les enquêtes et leur réalisation p.16
A. L’enquête sur l’OUGC p.16
i. Contexte et buts de l’enquête p16
ii. Réalisation de l’enquête p.16
iii. Bilan de l’enquête p.17
B. L’enquête sur les prix et coûts de l’eau d’irrigation p.17
i. Contexte et buts de l’enquête p.17
ii. Création de l’enquête p.18
iii. Création de l’échantillon p.19
iv. Validation de l’enquête et de l’échantillon p.20
v. Distribution de l’enquête p.21
vi. Bilan de l’enquête p.21

II. Analyse des données p.21


A. L’enquête sur l’OUGC p.21
i. Traitement des données recueillies p.21
ii. Résultats de l’enquête p.22
1. Les mots et leurs représentations p.23
2. Les clés de répartition du volume prélevable (VP) p.27
3. Conclusions partielles de l’enquête concernant la répartition du VP
p.30
4. Conclusions partielles de l’enquête concernant la création de l’OUGC
p.33
B. L’enquête sur les prix et coûts de l’eau d’irrigation p.34
i. Traitement des données recueillies p.34
ii. Résultats de l’enquête p.34
1. L’irrigation individuelle p.36
a. Caractéristiques techniques des exploitations agricoles p.36
b. Quelle irrigation ? p.37
c. Quels coûts et prix pour l’irrigation individuelle ? p.37
2. L’irrigation au sein des unions d’ASA et de la SICA p.38
3. L’irrigation au sein des ASA p.39
a. Caractéristiques des réseaux collectifs p.39
b. Quelle irrigation ? p.39
c. Quels coûts, prix et tarifications au sein des ASA ? p.40
4. Analyses combinées de l’irrigation individuelle et collective p.44
a. Comparaison entre irrigation individuelle et collective p.44
b. L’irrigation sous pression et gravitaire p.47
c. L’irrigation en fonction de l’origine de la ressource p.48
5. Perspectives p.48
a. Quelle tarification pour l’eau d’irrigation ? p.48
b. La disponibilité de la ressource p.49
c. Evolutions des coûts de l’eau p.50

PARTIE CONCLUSIVE

I. Conclusion p.52

II. Perspectives p.53

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES (les annexes de ce mémoire se trouvent dans un document à part)
TABLE DES ANNEXES

Annexe 1 : Présentation de la structure d’accueil, Chambre d’Agriculture de l’Aude - p.3

Annexe 2 : Schéma hydraulique du bassin versant de l’Aude, Etude des Volumes Prélevables - p.5

Annexe 3 : Domaine réalimentable et volumes disponibles dans les retenues collinaires pour le
système de compensation - p.6

Annexe 4 : Caractéristiques du bassin versant de l’Aude


Annexe 4.1 : Carte topographique du bassin versant de l’Aude - p.7
Annexe 4.2 : Productivité attendue des forages dans le département de l’Aude - p.7
Annexe 4.3 : Importations d’eau sur le bassin versant de l’Aude - p.8

Annexe 5 : La formation OUGC


Annexe 5.1 : Retranscription de la formation - p.9
Annexe 5.2 : Analyse des échanges ayant eu lieu lors de la dernière session de formation -
p.34

Annexe 6 : Entretiens réalisés


Annexe 6.1 : Grille d’entretien - p.37
Annexe 6.2 : Entretien avec Cécile Pascal, SICA d’irrigation de l’Ouest audois - p.37
Annexe 6.3 : Entretien avec Louise Buhé, Union des Associations Syndicales d’Hydraulique de
l’Est audois (AseAude) - p.41
Annexe 6.4 : Entretien avec Emma Pendriez, Prest’ASA, prestataire notamment pour l’union
des ASA de l’Aude médiane - p.45

Annexe 7 : Enquête sur l’OUGC et méthode d’analyse des résultats


Annexe 7.1 : Questionnaire distribué lors de la seconde formation OUGC - p.49
Annexe 7.2 : Comment lire l’analyse des mots évoqués - p.56

Annexe 8 : Enquête sur l’OUGC, tableaux issus de la lemmatisation des mots cités, questionnaires 1 et
2
Annexe 8.1 : la notion « irrigation » - p.57
Annexe8.2 : la notion « partage de l’eau » - p.57
Annexe 8.3 : la notion « organisme unique de gestion collective » - p.58
Annexe 8.4 : la notion « prix de l’eau » - p.59

Annexe 9 : Enquête sur l’OUGC, résultats du vote et de la hiérarchisation des clés dans le questionnaire
2
Annexe 9.1 : Résultats pour une répartition annuelle du VP - p.60
Annexe 9.2 : Résultats pour une répartition du VP en cas de sécheresse - p.61

Annexe 10 : Enquête sur les prix et coûts de l’eau d’irrigation : les questionnaires
Annexe 10.1 : Lettre d’accompagnement du questionnaire - p.62
Annexe 10.2 : Questionnaire à destination des irrigants individuels - p.63
Annexe 10.3 : Questionnaire à destination des ASA - p.69
Annexe 10.4 : Questionnaire à destination des unions d’ASA - p.76
Annexe 10.5 : Questionnaire à destination des irrigants membres de la SICA - p.80

Annexe 11 : Définitions mobilisées dans cette étude


Annexe 11.1 : l’eau agricole - p.85
Annexe 11.2 : l’irrigation sous pression - p.86
Annexe 11.3 : l’irrigation gravitaire - p.86
Annexe 11.4 : les réseaux gravitaires modernisés - p.86
Annexe 11.5 : le coût de l’eau - p.86
Annexe 11.6 : le prix de l’eau - p.86
Annexe 11.7 : la tarification - p.87

Annexe 12 : Les redevances


Annexe 12.1 : Redevances pour prélèvement de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse
- p.88
Annexe 12.2 : Redevance pour occupation du domaine public fluvial, Voies Navigables de
France - p.89

Annexe 13 : Caractéristiques de l’échantillon des irrigants individuels et collectifs


Annexe 13.1 : Nombre d’exploitation individuelle en fonction des surfaces irriguées - p.90
Annexe 13.2 : Nombre d’ASA en fonction des surfaces irrigables (non irriguées) et irriguées -
p.90

Annexe 14 : Dispersion des prix au sein des structures collectives d’irrigation


Annexe 14.1 : Dispersion des prix au m3 - p.91
Annexe 14.2 : Dispersion des prix à l’hectare - p.91

Annexe 15 : Base(s) potentielle(s) de calcul du/des tarif(s)


Annexe 15.1 : Base(s) potentielle(s) de calcul du/des tarif(s) pour les irrigants individuels - p.92
Annexe 15.2 : Base(s) potentielle(s) de calcul du/des tarif(s) au sein des structures collectives -
p.92

Annexe 16 : Lettre du préfet de l’Aude du 6 août 2019 à Monsieur Denis Carretier, président de l’Union
d’Asa de l’Aude médiane – p.93
TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Ressources stockées impactant le bassin versant de l’Aude, PGRE - p.7


Tableau 2 : Echantillon des irrigants individuels - p.19
Tableau 3 : Analyse des questionnaires envoyés et retournés pour les ASA - p.20
Tableau 4 : Analyse des questionnaires envoyés et retournés pour les irrigants individuels - p.21
Tableau 5 : comparaison des questionnaires 1 et 2 - p.27

Tableau 6 : comparaison des questionnaires 1 et 2 - p.28

Tableau 7 : tarifs pratiqués au sein des unions d’ASA et la SICA d’irrigation - p.36
Tableau 8 : tarifs présents au sein des structures interrogées - p.39
Tableau 9 : Tarifs moyens de l’irrigation au sein des réseaux collectifs (gravitaire et sous pression) -
p.40
Tableau 10 : Prix moyens de l’irrigation au sein des structures collectives dans le bassin versant de
l’Aude - p.41
Tableau 11 : Prix moyens de l’irrigation au sein des structures collectives dans le bassin versant de
l’Aude - p.44
Tableau 12 : Prix moyens de l’irrigation dans l’Aude, 2018 - p.44
Tableau 13 : Prix moyens en fonction de l’origine de la ressource au sein des groupements d’irrigants
et des préleveurs individuels - p.46

TABLE DES FIGURES

Figure 1 : Carte des sous bassins versants et du réseau hydrographique du BV Aude, EVP - p.5
Figure 2 : carte du déficit existant avec soutien d’étiage – 36.7Mm3 de déficit cumulé, conclusion de
l’EVP - p.11
Figure 3 : représentation graphique globale des mots évoqués par 16 gestionnaires de réseaux,
interrogés sur 4 notions et connotations associées, sur une échelle de +3 à -3, questionnaire 1 - p.23
Figure 4 : représentation graphique globale des mots évoqués par 11 gestionnaires de réseaux,
interrogés sur 4 notions et connotations associées, sur une échelle de +3 à -3, questionnaire 2 - p.23
PARTIE INTRODUCTIVE

I. Introduction générale
Le 22 mars 2019 avait lieu la 26eme journée mondiale de l’eau, placée cette année sous le thème « Ne
laisser personne de côté », afin de réfléchir à des dispositifs de solidarité. Si cette réflexion prend place
à l’échelle mondiale, l’échelon local n’est pas en reste : comment répartir une ressource qui se fait rare
aux périodes de l’année où on en a le plus besoin, et ne laisser, à l’échelle locale aussi, personne de
côté ? En France, l’eau est « patrimoine commun de la nation » (art L.201-1 du code de
l’environnement). L’Etat doit donc intervenir en tant que régulateur, via une autorisation de
prélèvement octroyée par le préfet. Utiliser l’eau pour irriguer peut donc être un droit historique, mais
peut aussi être perçu comme un besoin : l’irrigation permet de sécuriser la production agricole, et
« peut constituer une condition nécessaire pour une production économiquement soutenable »1. Au-
delà du fait de permettre d’accéder à l’eau, l’enjeu est aussi de protéger les milieux : si l’eau agricole
est une ressource, « l’eau environnementale » est aussi un milieu de vie à protéger en lui-même et
pour lui-même2. Il s’agit aussi d’améliorer l’efficience d’allocation de la ressource, du fait de la
raréfaction de celle-ci : le projet Explore 2070 conclue là-dessus. Lancé en 2010, il avait pour but
d’étudier l’impact du changement climatique sur les systèmes hydriques et de prévoir des stratégies
d’adaptation. Ainsi, une année hydrologique normale en 2070 correspondrait à une année sèche
actuellement ; dans l’Aude par exemple, l’année 2016 fut particulièrement sèche : le cumul des pluies
à Carcassonne pour les mois de juillet, août et septembre est de 30 mm, alors que la moyenne à cet
endroit, à cette période, entre 1975 et 2016 est de 117 mm. Dans ce département, le climat tend donc
à être plus sec, les températures à augmenter et les précipitations se font plus incertaines ; les
inondations d’octobre 2018 en sont un exemple. Le « Plan d’adaptation au changement climatique
dans le domaine de l’eau » du bassin Rhône-Méditerranée-Corse de l’Agence de l’eau, publié en 2014,
conclut que les bassins méditerranéens sont déjà aujourd’hui majoritairement en déficit quantitatif et
vulnérables face au risque climatique ; l’Aude subit par exemple des baisses de débit jusqu’à moins
50% en mai ou juin3. Partager de façon équitable et juste la ressource est donc un enjeu crucial, qui
nécessite au sein du bassin versant de l’Aude une forte solidarité amont-aval. Réalisé à l’échelon local,
ce partage est aussi encadré par des lois européennes et nationales.

La Directive Cadre sur l’Eau (DCE) d’octobre 2000 fait naître l’objectif de « bon état des masses d’eau »,
qui est à la fois un bon état qualitatif et le retour à l’équilibre quantitatif. En 2006, la Loi sur l’Eau et les
Milieux Aquatiques (LEMA) transpose la DCE dans le droit français et introduit l’outil « Organisme
Unique de Gestion Collective (OUGC) afin de gérer les prélèvements agricoles, dont le fonctionnement
sera expliqué ci-dessous. En 2008, une réforme nationale impose d’entreprendre des actions afin de
résorber le déficit quantitatif dans tous les bassins versants qui sont dans cette situation ; il a
notamment été demandé de déterminer un volume prélevable par bassin versant, qui permet de

1
Roy, Laurent. « Gestion quantitative de l’eau et irrigation en France ». Sciences Eaux & Territoires Numéro 11, no 2 (2013):
4-5.
2
Chantal Aspe, Marie Jacqué, 2012, Environnement et société. Une analyse sociologique de la question environnementale,
Éd. MSH, Éd. Quæ, France, 279 p.
3
Plan de gestion de la ressource en eau du bassin versant de l’Aude et de la Berre, Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques et
des Rivières (EPTB Aude), janvier 2017

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garantir le bon état des écosystèmes impactés mais aussi la satisfaction des différents usages de l’eau.
Puis, les autorisations de prélèvements doivent être revues afin que le volume total autorisé soit égal
au volume prélevable à plus ou moins longue échéance (2021 au plus tard) et que les débits de
prélèvement garantissent le respect du DOE. Au niveau local, l’Etude des Volumes Prélevables (EVP)4
vise cela, suivie du Plan de Gestion de la Ressource en eau du bassin versant de l’Aude et de la Berre
(PGRE)5 et enfin du Schéma Directeur de Valorisation de l’Eau Brute (SDVEB)6. La compensation des
prélèvements agricoles est une des mesures du PGRE, permettant de garantir les débits objectifs
d’étiage (DOE) et d’équilibrer le bilan hydrique ; ce mécanisme de compensation sera abordé plus
précisément ci-dessous.

Ainsi, il apparait important de mieux gérer, partager et sécuriser la ressource au sein du bassin versant
de l’Aude, qui est un bassin versant complexe, du fait de la diversité de ses ressources hydriques et de
la diversité des modes de gestion de celles-ci. La compensation des prélèvements agricoles par des
lâchers d’eau à partir de réserves existantes permettrait de lutter contre le déficit quantitatif. La mise
en place de l’Organisme Unique de Gestion Collective (OUGC) des prélèvements agricoles, chargé de
répartir le volume prélevable entre les différents irrigants, a pour but de favoriser une gestion
raisonnée et collective de la ressource et permettrait de sortir de la Zone de Répartition des Eaux (ZRE),
et donc de ne plus être en situation de déficit. Il s’agit donc à la fois d’agir sur l’offre d’eau, à travers la
mobilisation de l’eau stockée, et sur la demande en eau, en optimisant la répartition de la ressource.
Ces deux réformes vont de pair ; entreprises à l’échelon local, elles découlent donc d’une nécessité,
gérer une ressource rare et fluctuante, mais aussi d’évolutions législatives à l’échelle nationale.

II. La Chambre d’Agriculture (CA) de l’Aude,


figure incontournable de la gestion de l’eau
agricole au sein du bassin versant
Ce travail a été réalisé grâce à la Chambre d’Agriculture de l’Aude, qui m’a accueillie au sein du pôle
« Eau et agronomie », équipe « gestion quantitative de l’eau ». Nous allons dans le corps du texte
aborder ses missions et rôles en lien direct avec l’objet de mon stage, le reste étant présenté en annexe
1 de ce document : le montage de l’OUGC et la compensation des prélèvements agricoles.

A. Mission de la CA concernant l’Organisme Unique de Gestion


Collective

Comme évoqué ci-dessus, la loi LEMA du 30 décembre 2006 vise à rationaliser et optimiser la
répartition de la ressource en eau entre irrigants : l’OUGC serait le détenteur exclusif des autorisations
de prélèvements sur un périmètre défini au préalable et pour tous les préleveurs dans ce périmètre

4
Gestion quantitative de la ressource en eau du bassin versant de l’AUDE, étude de détermination des volumes prélevables,
Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques et des Rivières (EPTB Aude), Eucea, janvier 2014
5
Plan de gestion de la ressource en eau du bassin versant de l’Aude et de la Berre, Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques et
des Rivières (EPTB Aude), janvier 2017
6
Schéma directeur de valorisation de l’eau brute et adaptation au changement climatique du département de l’Aude,
département de l’Aude, BRL ingénierie, juin 2017

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(art L.211-3 du code de l’environnement). C’est l’OUGC qui se charge de collecter les demandes en eau
et de répartir le volume prélevable entre irrigants ; les décrets du 24 septembre 2007 (n°2007-1381)
et du 24 janvier 2012 (n°2012-84) précisent ses fonctions, notamment en introduisant la possibilité
pour l’OUGC de demander une participation financière des irrigants à ses dépenses. L’OUGC doit :
- Collecter les demandes en eau d’irrigation (uniquement pour les prélèvements supérieurs à
1000m3/an)
- Déposer une demande d’autorisation unique pluriannuelle pour tous ces prélèvements
- Arrêter chaque année un plan de répartition de la ressource
- Émettre un avis sur les créations d’ouvrages
- Rédiger un rapport annuel au préfet

L’OUGC peut aussi exercer d’autres missions, comme contrôler le respect des autorisations de
prélèvement ou collecter la redevance prélèvement pour ensuite reverser cette somme à l’agence de
l’eau. La circulaire du 30 juin 2008, « relative à la résorption des déficits quantitatifs en matière de
prélèvement d’eau et gestion collective des prélèvements d’irrigation » offre un bon résumé de ce
qu’est l’OUGC et de ses missions :

« Pour traiter les bassins où le déficit est particulièrement lié à l'agriculture, la Loi sur l'Eau et les Milieux
Aquatiques a prévu un dispositif qui a pour objectif de promouvoir et de bâtir une gestion collective structurée,
permettant une meilleure répartition qu'actuellement entre irrigants d'une ressource disponible mais limitée.
Ce dispositif […] vise à favoriser une gestion collective des ressources en eau sur un périmètre hydrologique
et/ou hydrogéologique cohérent. Il s'agit notamment de confier la répartition des volumes d'eau d'irrigation à
un organisme unique (OU), personne morale de droit public ou de droit privé, qui de par sa désignation
représente les irrigants sur un périmètre déterminé adapté.
Seuls sont concernés les prélèvements pour l'irrigation à des fins agricoles […]. Outre que ce mode de gestion
constitue un outil novateur pour les prélèvements d'irrigation, sa mise en œuvre vise à :
- Faire réaliser dans les zones déficitaires des documents d'incidences portant sur l'intégralité des prélèvements
et non plus faire procéder, au coup par coup, à l'étude de l'incidence de chaque prélèvement individuel ;
- Adapter les volumes autorisés pour l'irrigation aux volumes susceptibles d'être prélevés par l'irrigation.
[…] On recherchera des structures à même de répartir équitablement entre les différents irrigants une
autorisation globale délivrée par l'Administration sur un bassin (eaux superficielles et/ou eaux souterraines).
[…] La mission de l'OU peut être conduite par toute organisation fondée à ‘’représenter’’ les irrigants, purement
agricole ou mixte (association avec des collectivités) ou être conduite par des organismes maîtres d'ouvrage ou
gestionnaires d'ouvrage leur permettant de réguler l'offre. »

Outre le fait de renseigner les missions de l’OUGC, cet extrait démontre aussi qu’un flou juridique
existe autour de l’OUGC (il peut être structure de droit privé ou public, émanant d’une structure
représentant les agriculteurs ou non, etc) et que l’enjeu central est de rationaliser les prélèvements à
des fins d’irrigation. Deux principes sont mis en avant : répartir équitablement l’eau et favoriser la
cohérence hydrologique.
Dans le bassin versant de l’Aude, une formation a été organisée par la chambre d’agriculture afin de
présenter ce qu’est un OUGC et d’impliquer la profession agricole dans la construction de cet outil. 4
scénarii de ce que pourrai(en)t être le(s) OUGC sur le bassin versant de l’Aude ont été évoqués : un
OUGC par sous bassin versant, un OUGC unique pris en charge par une institution publique, etc.
Finalement, l’option choisie est celle d’un OUGC qui regroupe tous les acteurs impliqués au sein du
territoire sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) ; les Unions d’ASA et structures de
gestion collective des prélèvements en seront membres et les irrigants non insérés dans un dispositif
collectif d’accès à l’eau seront représentés par la chambre d’agriculture. Le GIP est une personne
morale de droit public, dotée de l’autonomie administrative et financière, solide car constitué par une
convention approuvée par l’Etat, soumise aux règles de la comptabilité publique mais qui conserve

3/53
une certaine liberté d’organisation (permet ici d’associer tous les acteurs impliqués, chambre
d’agriculture et personnes morales de droit privé par exemple). Au sein de ce bassin versant, la mise
en place de l’OUGC est une déclinaison réglementaire du PGRE dont la mise en place est fixée à 2020.
Cet OUGC pourrait assumer d’autres missions, comme l’administration et la gestion hydraulique du
dispositif de compensation (présenté ci-dessous) et la mise en œuvre puis gestion de nouveaux
stockages. Aujourd’hui, les enjeux sont d’en rédiger la convention qui lie ses membres, le règlement
intérieur (procédure interne de prise de décision financement, etc), de déterminer son financement et
de fixer une clé de répartition ; ces deux derniers points vont être abordés dans le corps de ce mémoire
(Les enquêtes, partie II, a).

B. Mission de la CA concernant la compensation des


prélèvements agricoles

La compensation des prélèvements agricoles est aussi une déclinaison réglementaire du PGRE
(chapitre 4.4), dont le but premier est de garantir les débits objectifs d’étiage (atteinte du DOE 8
années sur 10 en moyenne mensuelle) et équilibrer le bilan hydrique du bassin versant. Cela
permettrait aussi de sécuriser les usages agricoles en période sèche en diminuant les risques de
restriction par arrêté préfectoral (arrêtés sécheresse pris lorsque des seuils de débits sont franchis) et
en garantissant les possibilités de prélèvements, ce qui sécurise la production. Conformément au
PGRE, la compensation ne devrait intervenir que dans un second temps, à savoir après la réalisation
des économies d’eau prévues. Elle constitue donc la dernière étape permettant de sortir l’Est du BV
Aude de la ZRE. La compensation s’appliquerait de façon « homogène et solidaire à l’échelle du bassin
versant » (p.71)7 et serait portée par le Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques et des Rivières
(SMMAR), établissement public territorial de bassin (EPTB) du bassin versant de l’Aude qui intégrerait
l’OUGC à ce titre. Pour compenser les prélèvements, différents volumes mobilisables à partir de 6
retenues collinaires ont été identifiés (annexe 3), principalement les retenues Ganguise, Matemale et
Laprade, ce qui fait un volume total de 13.2Mm3 à l’horizon 2021.
Ces trois retenues seront mobilisées en premier lieu à cause de leurs modalités de lâchers et de leur
localisation en tête de bassin. Seule une partie du système hydrique audois est réalimentable : le
Fresquel (qui conflue dans l’Aude au pont rouge de Carcassonne), l’axe Aude (de la Haute Vallée à la
mer), le canal du midi (à partir du seuil de Naurouze jusqu’au grand bief), le canal de la Robine, le canal
de Gailhousty et le canal de Jonction. Pourtant, des incertitudes subsistent quant aux modalités et
coûts de lâcher des eaux : pour déterminer le volume à compenser, doit-on prendre en compte les
prélèvements nets ou bruts ? Qui doit participer financièrement à la compensation (profession agricole
unique ou l’AEP, VNF et l’industrie) ? Comment répercuter les coûts de la compensation sur les
différents acteurs impliqués ? Le SMMAR travaille actuellement là-dessus.

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Plan de gestion de la ressource en eau du bassin versant de l’Aude et de la Berre, Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques et
des Rivières (EPTB Aude), janvier 2017

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III. Un contexte local riche, faisant naître de
nombreux enjeux
A. Un contexte hydrographique complexe
i. Le bassin versant de l’Aude
Le bassin versant de l’Aude et de la Berre recouvre 6000km2 (annexe 4.1) ; ses frontières sont proches
de celles du département de l’Aude mais n’y correspondent pas totalement (figure 3). Il se découpe
en 4 sous bassins versants principaux : le Fresquel, l’Aude Amont, Aude Médiane et affluents, l’Aude
aval. Ce BV est classé pour ses ¾ en déséquilibre quantitatif : l’Aude médiane et affluents est classée
en Zone de Répartition des Eaux (ZRE) en 2010, l’Aude Aval en 2016.

ii. Les sous bassins versants

Figure 1 : Carte des sous bassins versants et réseau hydrographique du BV de l’Aude, EVP

Le bassin versant de l’Aude est composé de 4 principaux sous bassins versants :


- Au nord-ouest, le bassin versant du Fresquel représente 20% de la surface du BV Aude. Le
climat y est océanique et les précipitations plus importantes qu’ailleurs dans le BV Aude ; les
grandes cultures (colza, blé dur, soja) s’y sont développées, majoritairement en amont.
- Au sud-ouest, l’Aude amont regroupe la haute et moyenne vallée de l’Aude ; la haute vallée
de l’Aude a un climat montagnard et est centrée sur l’élevage, tandis que la moyenne vallée
de l’Aude a un climat plus méditerranéen avec une activité plus viticole.
- Le BV Aude médiane et affluents occupe le centre du BV Aude, avec un climat méditerranéen
et une activité viticole forte.
- L’Aude aval et littoral, plus à l’est, a aussi un climat méditerranéen mais plus sec que le reste
du département et la terre y est majoritairement cultivée en vigne.

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iii. La ressource en eau

Le réseau hydrique du BV de l’Aude est complexe ; il comprend des ressources diverses dont la gestion
est assurée par plusieurs opérateurs. Politiquement aussi l’enjeu est grand, et l’équilibre de ce BV
dépend en partie de ressources (stockages d’eau) qui ne sont pas dans le département de l’Aude
(annexe 1, schéma hydraulique du bassin versant de l’Aude, EVP).

1. Ressources de surface
a. Cours d’eau

Les principaux cours d’eau du BV de l’Aude sont (figures 2 et 3) :


- Le fleuve Aude en est le principal cours d’eau ; il a un régime pluvio-nival et ses débits sont
fortement impactés par la production hydroélectrique et les prélèvements réalisés (AEP,
agriculture)
- Le Fresquel est le principal affluent rive gauche de l’Aude ; ses débits sont influencés par les
prélèvements réalisés en montagne noire (son bassin d’alimentation) qui servent à
l’alimentation du canal du midi
- L’Orbiel est un petit affluent rive gauche de l’Aude
- L’Orbieu est le principal affluent rive droite de l’Aude, avec un régime méditerranéen ; ses
débits sont influencés par les prélèvements pour l’AEP et l’irrigation
- L’Argent double est un petit affluent rive gauche de l’Aude, subissant majoritairement des
prélèvements agricoles
- La Cesse est un autre affluent rive gauche de l’Aude
- La Berre, situé en Aude aval, subit des étiages sévères et des assecs réguliers de plusieurs
mois.

b. Canaux

Le bassin versant de l’Aude est traversé d’ouest en est par le canal du Midi et deux canaux rattachés :
le canal de Jonction et le canal de la Robine (figures 2 et 3). Le premier est alimenté par des prises
d’eau sur l’Aude à Villedubert et Moussoulens ainsi que sur la Cesse à Mirepeisset ; initialement
construit pour la navigation, ce canal permet aujourd’hui d’importantes prises d’eau pour l’usage
agricole. Le canal de la Robine est moins fréquenté par la navigation et subit aussi de nombreux
prélèvements agricoles. En 2015, le « contrat de canal de la Robine » est signé : contenant 13 fiches
actions, ses principaux buts sont une économie de 28Mm3 et la modernisation des prises d’eau. Les
prélèvements d’eau sur le canal de Jonction sont, eux, compensés par la retenue du Lampy.

2. Stockages

Le bassin versant de l’Aude dispose d’importantes ressources stockées, notamment sur le


département de l’Aude (ce qui permet une plus grande facilité d’accès) ; pour faire face à une baisse
de la disponibilité en eau aux mois d’étiage, la demande principale de la profession est de créer de
nouveaux stockages. En parallèle, une mission « inventaire des stockages » est réalisée à la CA, afin
d’estimer un volume mobilisable à partie de stockages déjà existants.

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Secteur (bassin versant) Nom de l’ouvrage Volume Destination des volumes
De l’Aude Matemale 20Mm3 Hydroélectricité, irrigation
Puyvalador 10 Mm3 Hydroélectricité, irrigation
Jouarres 4.5 Mm3 Irrigation
Lampy 1.5 Mm3 Navigation
Galaube 8 Mm3 AEP, irrigation, navigation
Laprade 8.8 Mm3 AEP, irrigation, hydroélectricité
De l’Orb Monts d’Orb 30 Mm3 Irrigation, AEP
Du Sor Les Cammazes 18.8 Mm3 AEP, irrigation, navigation, hydroélectricité
St Férreol 6.6 Mm3 Navigation
De l’Hers-Mort Ganguise 44.6 Mm3 Irrigation, navigation
De l’Hers-Vif Montbel 60 Mm3 Irrigation, soutien d’étiages, hydroélectricité
Tableau 1 : Ressources stockées impactant le bassin versant de l’Aude, PGRE 2017

3. Eaux souterraines

Le bassin versant et le département de l’Aude comptent des ressources souterraines en eau, dont
certaines visent à être exploitées par des projets pilotes d’irrigation conduits actuellement. Les
aquifères présents sont très hétérogènes et ont des productivités potentielles diverses (annexe 4.2 :
productivité attendue des forages dans le département de l’Aude) ; on compte sur le département 3
aquifères imperméables avec des capacités en eau réduites et donc des forages peut productifs, 9
aquifères fissurés, dans lesquels les forages sont peu productifs et dont les résurgences ont de faibles
débits d’étiage, 8 aquifères poreux qui seraient facilement captables mais dont les ressources sont très
hétérogènes, 8 entités karstiques et 7 entités mixtes.

4. Ressources hors du département de l’Aude

L’eau est gérée au niveau du bassin versant de l’Aude (périmètre hydrographique pertinent) et à
l’échelle du département (cohérence politique) ; pourtant, la gestion de cette ressource est fortement
dépendante de ressources externes et des « affaires extérieures du bassin versant » (annexe 2.1), au
sein duquel d’importants volumes sont importés chaque année (annexe 4.3 : importations d’eau sur
le département de l’Aude).

iv. Une ressource abondamment mobilisée

D’un point de vue global, l’étude des volumes prélevables (EVP) réalisée en 2014 estime les
prélèvements à 103 Mm3 nets à l’étiage et 325 Mm3 sur l’ensemble de l’année. 75% de ces
prélèvements dans des eaux superficielles ou ayant un lien direct avec elle, comme la nappe
d’accompagnement de l’Aude8.

1. Usages agricoles

En 2010, l’irrigation a prélevé 31.86 Mm3 (net) sur la période d’étiage (juin à octobre) ; c’est l’usage
prélevant le plus d’eau. Selon le PGRE, 65 à 70% des prélèvements nets dans le bassin versant de

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Plan de gestion de la ressource en eau du bassin versant de l’Aude et de la Berre, Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques et
des Rivières (EPTB Aude), janvier 2017

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l’Aude, à l’étiage, sont réalisés pour l’irrigation et « au fil de l’eau » ; l’Aude médiane et l’Aude aval
représentent 86% du déficit global du bassin versant. Beaucoup de pertes sont diagnostiquées,
notamment à cause d’un mauvais équipement des prises. Le recensement général agricole (RGA) de
2010 indique que 15 000 ha sont irrigués dans le département, ce qui représente un faible pourcentage
de la surface cultivée : 7%. C’est majoritairement la vigne qui bénéficie de l’irrigation (56%), et 12%
des surfaces en vignoble sont irriguées. La moitié des grandes cultures sont irriguées, ce qui représente
30% des surfaces irriguées ; les vergers et le maraichage comptent pour 10% des surfaces irriguées. On
remarque donc une forte prédominance du vignoble dans l’Aude, ainsi qu’une tendance à la hausse
des surfaces irriguées depuis les années 2000. Le SDVEB indique que de nouvelles demandes
d’irrigation sont recensées pour 20 500 ha et concernent à 90% la vigne ; on observe donc une hausse
de la demande en eau, une ressource qui est déjà en tension ici. Dans le même temps, on observe
aussi une forte diminution des prélèvements agricoles, fruit des travaux engagés dans le PGRE puis
réalisés mais aussi des arrêtés sécheresse.

2. Autres usages

L’agriculture n’est pas le seul usage consommateur d’eau ; selon le PGRE, l’AEP prélève 40 Mm3 par
an, majoritairement en eau superficielle. Cela représente 5 à 10% des prélèvements nets à l’étiage. La
navigation, qui s’effectue majoritairement dans le canal du midi, représente 15 à 20% des
prélèvements nets à l’étiage. La production hydroélectrique se fait majoritairement dans la Haute
Vallée de l’Aude ; ces prélèvements sont intégralement restitués au milieu, non sans provoquer des
phénomènes d’écluses sur le régime hydraulique du fleuve. De même, c’est dans la Haute Vallée de
l’Aude que les usages sport d’eaux vives sont les plus importants, qui ont par exemple une convention
pour des lâchers d’eau à partir de Matemale.

B. Une gestion partagée de la ressource en eau au niveau


local
i. A l’échelle départementale

La chambre d’agriculture de l’Aude, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM),


l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (RMC) ainsi que le SMMAR, établissement public
territorial de bassin sont des acteurs de la gestion de l’eau à l’échelle départementale ou à l’échelle du
bassin versant. Dans l’Aude, il existe aussi une « longue tradition de gestion collective de l’eau »9,
notamment de l’eau agricole : c’est au XIXe siècle que les premières Associations Syndicales Autorisées
(ASA) sont créées ; aujourd’hui, 75% des prélèvements pour l’AEP et 80% des prélèvements agricoles
sont réalisés par des structures collectives ; pourtant, cela signifie aussi qu’au niveau départemental
20% des prélèvements agricoles sont faits de façon individuelle. La majorité des ASA existe dans l’Aude
Aval et l’Aude médiane ; tous les prélèvements agricoles (hors ouest audois) sont actuellement réalisés
sans compensation. Le Lauragais par exemple a une organisation plus récente ; il y a une grande
diversité dans les modes d’organisation et de gestion de la ressource au sein du département, que
nous allons à présent détailler. Les informations non sourcées mentionnées ci-dessous concernant
l’Ouest audois, l’Aude médiane et l’Aude aval sont issues d’entretiens réalisés avec les gestionnaires
de réseaux d’irrigation de ces territoires (respectivement annexes 3.2, 3.3 et 3.4). Quatre espaces de

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Plan de gestion de la ressource en eau du bassin versant de l’Aude et de la Berre, Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques
et des Rivières (EPTB Aude), janvier 2017

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gestion existent donc au sein du bassin versant, dont les frontières respectives sont parfois l’objet de
tensions ; c’est par exemple le cas entre les deux unions d’ASA, qui, bien que partageant une approche
similaire de gestion de la ressource, ont un mode d’organisation des ASA membres et une approche
en termes de découpage du territoire très différents.

ii. Dans l’Ouest audois

L’Ouest audois correspond au bassin versant du Fresquel, dans lequel l’irrigation s’est développée
tardivement (années 1970) grâce à une politique volontariste du département. Aujourd’hui, 20 000 ha
sont irrigables et 30% sont irrigués ; ce territoire est autonome en eau, dans la mesure où tous les
prélèvements agricoles puisent dans des ressources issues de l’Ouest audois. La SICA d’irrigation
(Société Collective d’Intérêt Agricole), créée en 1968, est une émanation de la profession agricole et
est mandatée par le département pour gérer les prélèvements agricoles en eaux superficielles et
souterraines dans cette zone depuis 2001. La SICA regroupe des communes, des irrigants individuels
et bientôt des ASA. Ses missions premières sont de développer l’irrigation et de conseiller les
agriculteurs. Trois types de prélèvements agricoles existent dans l’ouest audois : un raccordement au
réseau collectif des 20 000 ha équipés, un prélèvement en rivière réalimentée ou un prélèvement à
partir de retenues collinaires ou plans d’eau privés. Le réseau équipé étant la propriété du
département mais géré et entretenu par BRL, les agriculteurs qui y sont raccordés paient donc le prix
de la fourniture de l’eau (tarif BRL) et des frais de dossiers (sur lesquels la SICA se rémunère, au
pourcentage de la facture globale) ; en effet, la SICA a un rôle d’intermédiaire entre BRL et les irrigants.
Les agriculteurs effectuant un prélèvement en rivière réalimentée paient la réalimentation, selon une
convention tarifaire entre BRL et le département, ainsi que leurs coûts privés en électricité. Les
agriculteurs prélevant dans des retenues collinaires privées ne paient que leurs coûts individuels. Dans
l’Ouest audois, les prélèvements sont donc déjà en partie compensés par des lâchers de retenues
collinaires. L’IEMN ou Institution des Eaux de la Montagne Noire est un autre acteur de ce territoire,
mandaté pour effectuer les prélèvements devant alimenter le canal du midi à l’Ouest de Carcassonne.

iii. Dans l’Aude amont

Le CIVAM du Limouxin est la structure représentant les intérêts de la profession agricole dans ce
secteur ; la structuration concernant l’eau d’irrigation y est plus récente, notamment car les
prélèvements y sont faibles. De plus, l’EVP de 2014 a estimé à 0 les prélèvements dans l’Aude amont ;
cette estimation jugée « plus politique que technique » par les professionnels en faisait un territoire
excédentaire au sein du bassin versant de l’Aude.

iv. Dans l’Aude médiane

L’Aude médiane est un territoire qui compte une vingtaine d’ASA et 6000 irrigants, pratiquant une
irrigation gravitaire et sous pression. Selon le RGA de 2010, entre Villedubert et Moussoulens, dans le
département de l’Aude, 7000 ha sont irrigués. Une union d’ASA, l’Union d’ASA de l’Aude médiane a
été créée en 2011 mais toutes les ASA de ce territoire n’y sont pas adhérentes. L’union d’ASA compte
7 membres ; elle anime et coordonne la gestion de l’eau sur son territoire, gère la ressource (suivi
hydrométrique par exemple) en dehors du périmètre des ASA et assure le suivi des actions relatives
aux économies d’eau. La cotisation demandée par l’Union est de 1.34 euros par hectare et par an, en
2018, ce qui est faible en comparaison des cotisations des autres structures collectives du bassin
versant. Ce territoire fonctionne en majorité grâce à un prestataire privé, Prest’ASA, qui facture de

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l’animation et de la gestion d’ASA. Ce prestataire effectue l’intégralité des missions pour l’Union
d’ASA qui ne gère rien en interne ; Prest’ASA a aussi d’autres contrats avec des ASA membres de
l’Union ou non, pour le compte desquelles elle remplit d’autres missions.

v. Dans l’Aude aval-littoral

L’Aude aval littoral est un territoire qui compte une vingtaine d’ASA et une union d’ASA, l’Union des
Associations d’Hydraulique de l’Ouest audois (AseAude). Ces ASA effectuent la majorité de leurs
prélèvements dans le canal de la Robine et du Gailhousty ; le berceau de l’Union est le canal de la
Robine, autour duquel toutes les ASA sont adhérentes afin de permettre une gestion véritablement
concertée. L’Union d’ASA compte 9 ASA adhérentes et 7 ASA « en gestion », pour le compte desquelles
l’Union remplit toutes les missions, à savoir : la gestion administrative, le suivi des emprunts et de la
trésorerie, la relation avec les services administratifs et les entreprises, un appui technique sur le
terrain et le suivi du contrat de canal de la Robine, etc. La cotisation est de 9.50 euros par hectare et
par an, en 2018, ce qui est plus élevé qu’au sein des autres espaces de gestion, et permet une gestion
de l’eau beaucoup plus coordonnée sur ce territoire et une meilleure représentation des enjeux locaux
dans la concertation avec les territoires en amont.

C. Un retour à l’équilibre quantitatif souhaité et orchestré


i. L’Etude des Volumes Prélevables (EVP)

L’Etude de détermination des Volumes Prélevables a été réalisée par le SMMAR et Eaucea, entre 2011
et 2014 ; elle fut présentée en janvier 2014. Le but était d’« établir le bilan des usages, des besoins et
des ressources disponibles sur l’ensemble des bassins versants de l’Aude et de la Berre et des secteurs
limitrophes, concernés par les transferts hydrauliques »10 ainsi que de prévenir le risque de sécheresse.

L’EVP conclut sur un déficit net d’environ 37 Mm3, entre le 1e juin et le 31 octobre ; pourtant, cette
conclusion et la carte ci-après sont jugées plus politiques que scientifiques, du fait notamment de
défaillances dans la méthode utilisée (aucun prélèvement estimé en Aude Amont, par exemple). Le
but était de mobiliser les acteurs de l’eau autour du déficit : en effet, les gestionnaires de réseaux ont
affirmé a posteriori « ça nous a fait avancer ! » (annexe 2.1).

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Plan de gestion de la ressource en eau du bassin versant de l’Aude et de la Berre, Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques
et des Rivières (EPTB Aude), janvier 2017

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Figure 2 : Carte du déficit existant avec soutien d’étiage – 36.7Mm3 de déficit cumulé, conclusion de l’EVP, 2014

ii. Le Plan de Gestion de la Ressource en Eau (PGRE)

Le PGRE, animé par le SMMAR, fait suite à l’EVP ; son but était de « rééquilibrer les usages et la
ressource afin de respecter en moyenne mensuelle les débits objectifs d’étiage (DOE aux points nodaux
SDAGE) et les débits de gestion tout en répondant aux enjeux du territoire en matière d’alimentation
en eau potable, d’économie agricole, de touristique, d’industrie et de bon état des masses d’eau »
(p.5). Cela signifie qu’il ne doit pas y avoir de situation de crise plus de 2 années sur 10 et que le bassin
versant doit retourner à l’équilibre quantitatif, l’échéance étant 2021, avec un objectif global
d’économies d’eau de 33 Mm3 à cette date. Ce rapport met en avant la nécessité d’étudier les
prélèvements réalisés et de construire une gestion plus raisonnée de la ressource, d’une part car les
crises de sécheresse s’intensifient mais aussi car « les volumes dérivés [sont] le plus souvent très
largement supérieurs au besoin réel des cultures » (p.6)11. Le PGRE conclut donc sur une stratégie à
deux vitesses : dans un premier temps, il faut limiter les gaspillages et réaliser des économies d’eau et
dans un second temps, construire une gestion solidaire à l’échelle du BV et généraliser la compensation
des prélèvements.

Plus précisément, cela revient à :


- Mesurer et organiser collectivement les prélèvements
- Valoriser les stockages disponibles
- Sécuriser les usages consommateurs grâce aux substitutions
- Concilier usages consommateurs et non consommateurs.

11Plan de gestion de la ressource en eau du bassin versant de l’Aude et de la Berre, Syndicat Mixte des Milieux Aquatiques
et des Rivières (EPTB Aude), janvier 2017

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Aujourd’hui, sur les 87 actions mentionnées dans le PGRE, 69% sont réalisées ou engagées, permettant
des économies engagées supérieures aux économies prévisionnelles. Grâce à cela, le déficit hydrique
du bassin versant, annoncé en février 2019, est de 17 millions de m3.

iii. Le Schéma Directeur de l’Eau Brute (SDEB)

Le but du Schéma Directeur de Valorisation de l’Eau Brute est d’ « éclairer ce qui est souhaitable ou
pas, faisable ou non, au regard des contraintes techniques, économiques et environnementales », afin
de permettre une « adéquation des usages agricoles de l’eau avec les ressources en eau, locales ou
régionales » et de respecter le SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau) et le
PGRE. Ce document programme les 20 prochaines années du développement hydroagricole local via
trois axes principaux :
- Économiser l’eau
- Adapter les pratiques (cépages, localisation des cultures) au réchauffement climatique
- Développer l’irrigation (en majeure partie pour le vignoble).

IV. Comment mieux partager la ressource en eau


agricole ?
Ce travail concerne l’eau agricole, qui peut se définir comme l’eau destinée au secteur agricole, et
regroupe donc l’eau servant à l’irrigation (annexe 11), au dessalement des terres ou à la submersion
antigel ; l’étude se centre sur l’eau destinée à l’irrigation, au sein du bassin versant et du département
de l’Aude. La gestion quantitative de l’eau se fait actuellement grâce à une gestion volumétrique :
l’OUGC poursuivra cela, via l’attribution de volumes d’eau ou « quotas » aux irrigants. Les volumes
sont donc le premier outil de gestion des prélèvements, choix fait au niveau national car il permet de
fixer un objectif quantitatif clair. Instaurer des quotas permet de plafonner la consommation ; les
quotas peuvent déterminer un volume maximal de prélèvement, un temps de prélèvement maximal
ou un débit maximal de prélèvement. La définition de quotas volumétriques, ce qui est le cas ici,
permet d’assurer une certaine sécurité et stabilité dans la gestion de la ressource mais ne permet pas
de prendre en compte rapidement la variabilité de la ressource12 ; les quotas volumétriques
nécessitent aussi l’utilisation de compteurs, obligatoires depuis 1992. A l’échelle locale, la répartition
de quotas d’eau entre irrigants selon divers critères se traduit par une négociation politique afin de
répartir le volume prélevable déterminé ; en amont, des actions visant à réduire le déficit hydrique ont
été réalisées, le but étant que les irrigants n’aient pas à se « répartir la pénurie » (annexe 5) mais
disposent d’un volume prélevable satisfaisant.
Instaurer un tarif pour l’utilisation d’une ressource est aussi un moyen de réguler l’utilisation de celle-
ci, suivant le tarif fixé. Le tarif est une définition du prix13 entre par exemple une ASA et un irrigant,
selon différents critères ; la tarification est donc un outil économique permettant de réguler la
consommation d’eau, et est aussi un moyen pour une structure gestionnaire d’eau de se rémunérer

12 Terreaux, Jean-Philippe, Olivier Alexandre, Rémi Barbier, Philippe Bontems, Guy Gleyses, Jean-Luc Janel, André Le Bozec,
et al. Economie des équipements pour l’eau et l’environnement. Etudes Cemagref. Irstea, s. d.
13
Fauquert, Guillaume, et Marielle Montginoul. « Composantes du prix de l’eau : quels objectifs pour quels prix ». In Des
tuyaux et des hommes, 101-19. Indisciplines. Versailles: Editions Quæ, 2011.

12/53
en couvrant ses coûts de fonctionnement. Le « prix de l’eau » a donc de multiples objectifs14 : assurer
l’efficience de la répartition de la ressource et maximiser le bien-être qui en découle, permettre
l’équité entre irrigants et minimiser les inégalités sociales, couvrir les coûts de fonctionnement de la
structure gestionnaire, être viable sur le long terme et enfin acceptable socialement. Il existe plusieurs
structures de tarification ; la tarification peut être forfaitaire et donc fixe (un montant par adhérent ou
par point de prélèvement par exemple). Cette tarification permet de sécuriser les recettes du
gestionnaire et est facilement compréhensible15 ; pourtant, elle n’incite pas aux économies d’eau, car
elle ne tient pas compte des volumes consommés, ce qui est un des objectifs de la loi LEMA de 2006.
La structure de la tarification peut aussi être variable, c’est-à-dire proportionnelle à un critère choisi.
Par exemple, une tarification proportionnelle à la consommation incite aux économies d’eau mais est
plus instable pour le gestionnaire et ne tient pas compte de la capacité à payer des usagers16, ce qui
peut être socialement injuste. La troisième structure tarifaire possible est une structure binomiale,
regroupant une part fixe et une part variable ; cette dernière permet d’allier tous les enjeux cités
précédemment, et d’introduire notamment des modalités permettant de garantir l’équité. Cela
permet aussi de s’adapter aux contraintes locales, comme les besoins des cultures17, en instaurant par
exemple des paliers en fonction de la consommation ou du type de culture. Pourtant, cela peut être
moins compréhensible. En plus de la structure tarifaire (forfaitaire, proportionnelle, binomiale), il
convient de prendre en compte le niveau de tarification, c’est-à-dire son montant. Le niveau de la
tarification peut refléter la rareté de la ressource en question : une tarification saisonnière prend en
compte le fait qu’en été, l’eau est plus rare, et donc plus chère. Une telle tarification peut en revanche
poser problème car elle parait difficilement acceptable (l’été est la période d’irrigation principale),
voire inefficace : la demande en eau d’irrigation n’est que peu élastique18, le prix a donc peu
d’influence sur la consommation. Augmenter le prix de l’eau aurait donc pour conséquence principale
d’impacter négativement le revenu des irrigants19. Enfin, au-delà de la question de la structure et du
niveau de la tarification, la question de l’uniformisation de ce que coûte l’eau à l’échelle d’un bassin
versant se pose, avec par exemple la mise en place d’une tarification unique pour tout cet espace.

Actuellement et à l’échelle du bassin versant de l’Aude, le tarif de l’eau d’irrigation n’est pas conçu
comme un outil pour influencer la demande en eau et sa consommation, mais comme un moyen de
couvrir les coûts des structures gestionnaires. De ce fait, les tarifications aujourd’hui en vigueur au sein
des réseaux sont très diverses et ne couvrent pas la totalité des investissements réalisés au sein du
réseau, mais uniquement une partie des coûts d’exploitation et de maintenance20. Il s’agit donc plus
d’une tarification au coût marginal, c’est-à-dire le coût de mobilisation et de distribution de la dernière
unité d’eau, sans prendre en compte l’historique ; cela permet en revanche de maintenir un prix de
l’eau relativement bas au sein des réseaux. Malgré cela, fixer un tarif reste un enjeu politique, social
et économique qui peut permettre de favoriser ou non divers enjeux. Il s’agit par exemple de prendre
à la fois en compte les coûts internes d’accès à la ressource (coûts des réseaux, de la structure
gestionnaire) et les coûts externes (dégradation voire épuisement de la ressource)21. L’eau est en effet

14 Jourdren, Marine, Sébastien Loubier, et Myriam Campardon. « La tarification dans les réseaux collectifs d’irrigation - un
état des lieux en 2016. » Irstea - UMR G-Eau, janvier 2017.
15
Terreaux, Jean-Philippe, Olivier Alexandre, Rémi Barbier, Philippe Bontems, Guy Gleyses, Jean-Luc Janel, André Le Bozec,
et al. Economie des équipements pour l’eau et l’environnement. Etudes Cemagref. Irstea, s. d.
16
Ibid
17
Montginoul, Marielle. « Quelle structure tarifaire pour économiser l’eau ? » Gérer et comprendre, no n°87 (mars 2007).
18
Neverre, N., Rinaudo, J.D., et Montginoul, M. « La tarification incitative : quel impact sur la demande en eau, l\’équilibre
budgétaire et l’équité ? » TSM, no 12 (2010): 37-43.
19
Montginoul, Marielle, Sébastien Loubier, Bernard Barraqué, et Anne-Laure Agenais. « Water pricing in France : toward
more incentives to conserve ». In Water Pricing Experiences and Innovations. Springer International Publishing Switzerland,
2015.
20
Ibid
21
ibid

13/53
un facteur de production pour l’agriculture, mais cette activité génère des externalités négatives sur
cette ressource qui sont à prendre en compte. De même, compenser les prélèvements agricoles et
créer un OUGC impliquent de connaître les prix et coûts actuellement en vigueur au sein du bassin
versant de l’Aude pour l’eau agricole, selon les différents modes de gestion, types de prélèvement et
utilisation de la ressource, afin de construire la tarification la plus équitable et efficace possible pour
financer ces évolutions dans la gestion de l’eau. Classiquement, on différencie les coûts en capital
initiaux, les coûts de maintenance de l’installation d’irrigation et les coûts d’exploitation ; ici, il s’agit
de prendre connaissance des coûts d’accès à la ressource assumés par les structures collectives gérant
l’irrigation et les irrigants individuels (énergie, redevance, etc). Les irrigants peuvent aussi payer un
prix de l’eau pour accéder à cette ressource, qui englobe donc aussi la rémunération pour service
rendu et la valeur de la transaction. Les externalités négatives évoquées ci-dessus se traduisent par la
redevance pour prélèvement de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, même si le montant de
cette redevance est trop faible pour compenser le coût réel des externalités négatives générées22. Fixer
un tarif dépend donc des coûts en présence, mais aussi de l’acceptabilité du prix proposé.

Dans ce cadre, il apparait aussi important d’identifier les attentes de la profession, concernant le coût
de la compensation et de l’OUGC ainsi que sa répercussion sur les préleveurs, tout comme les attentes
de la profession par rapport à la répartition du volume prélevable autorisé. Les problématiques de
compensation des prélèvements agricoles et de l’OUGC sont distinctes mais se rejoignent là ; la gestion
quantitative de l’eau implique en effet de mobiliser les outils que sont les quotas et la tarification, afin
de financer ces évolutions dans la gestion de l’eau. Pour l’OUGC et la compensation, le prix de l’eau et
sa répartition doivent être jugés « justes » et « acceptables » par la profession, deux aspects qui se
construisent en étudiant l’existant. Concernant la notion de justice, il parait important dans un premier
temps de distinguer la justice procédurale et la justice distributive ; la première concerne la justice du
processus décisionnel et d’élaboration de la décision tandis que la seconde se focalise sur les résultats
du processus. Nous allons ici nous focaliser sur la justice distributive. La question de la justice (pour le
montant du prix de l’eau ou la répartition de la ressource) peut renvoyer à diverses notions23 : est
« juste » ce qui est strictement égal pour tous (uniforme), ce qui parait remplir les attentes des acteurs
locaux, ce qui favorise l’égalité des chances, ce qui respecte ce qui se faisait avant, ce qui donne ou fait
payer à chacun selon ses besoins ou capacités, ou encore ce qui favorise le mérite. La notion de justice
est plurivoque ; de même, l’acceptabilité d’une décision répond à la fois à des critères théoriques ou
éthiques, ce qui peut renvoyer à la notion de justice, et à des aspects plus pratiques. Il est possible
d’identifier 4 facteurs d’acceptabilité24 : le premier est le facteur éthique qui renvoie aux valeurs
morales impliquées. Le deuxième est la facilité de mise en œuvre et d’appropriation dans le territoire
en question ; une décision prise peut par exemple apparaitre trop complexe à implémenter. Le
troisième facteur concerne l’efficience de la mesure en question et ses conséquences sur l’organisation
locale ; le quatrième et dernier porte sur les dérives potentielles et la fiabilité de la mesure concernée
(possibilité ou non de détourner la règle par exemple). L’acceptabilité d’une règle est le résultat d’un
compromis, entre l’individu et le collectif mais aussi entre tous les aspects cités ci-dessus.

En outre, les notions de justice et l’acceptabilité varient en fonction du contexte local et ne se


construisent que « en situation » : il est donc important de prendre en compte les enjeux locaux. Cette
dimension situationnelle tient aussi au fait que les positionnements des acteurs sont des stratégies

22
Levy, Jean-Didier, Michel Bertin, Bernard Combes, Josy Mazodier, et Alain Roux. « IRRIGATION DURABLE. MINISTERE DE
L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE Conseil Général du Génie Rural, des Eaux et des
Forêts ». Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité, 9 février 2005.
23
Moreau, Clémence, Jean-Daniel Rinaudo, et Patrice Garin. « La justice sociale dans la construction du jugement
d’acceptabilité. Analyse des réactions d’agriculteurs face à différentes règles de partage de l’eau souterraine. » Economie
rural, no 346 (avril 2015).
24 Ibid

14/53
adoptées, relatives à des intérêts personnels ou de filière par exemple : les discours relèvent à la fois
des « convictions personnelles […] et d’un positionnement stratégique dans le jeu d’acteurs local »25.
Le contexte local est donc important et ne renvoie pas uniquement au présent : la perception de la
justice et de l’acceptabilité est aussi fonction de ce qui se faisait avant et des antécédents historiques,
que l’on peut appeler la « dépendance au sentier »26 tant il est complexe d’en sortir. Enfin, une
dimension affective entre aussi en jeu : la première réaction et le premier avis émis concernant la
justice ou l’acceptabilité d’une mesure est souvent émotionnelle27.

Porter une réflexion concernant la répartition d’un volume défini et la tarification de l’eau d’irrigation
(et donc son prix) implique de remettre en question le paradigme dominant actuel, selon lequel l’eau
est gratuite et illimitée. En effet, le système hydrique audois mobilisé pour l’irrigation est en majeure
partie dépendant de grandes retenues, financées en partie par le ministère de l’agriculture, au sein
desquelles une part est réservée à l’usage agricole. La mise en place de la compensation nécessite donc
une étude à la fois économique et sociologique, tout comme la création de l’OUGC et de la clé de
répartition des volumes prélevables.
Comment déterminer un prix et une répartition « justes » de l’eau d’irrigation dans le BV Aude dans le
cadre de ces deux évolutions de la gestion de l’eau, à savoir compensation des prélèvements et
création de l’OUGC ?
Pour répondre à cet enjeu, deux études et enquêtes ont été réalisées ; la première porte sur l’OUGC
et les clés de répartition du volume prélevable, ce qui a permis de comprendre de d’analyser la
perception de la mise en place d’une nouvelle gestion au sein du BV. La seconde porte sur l’état actuel
et l’évolution des coûts et prix liés à l’eau d’irrigation, et permet de poser la question du tarif de l’eau.
Dans un premier temps, nous allons exposer la méthode de réalisation et de diffusion de ces enquêtes,
avant d’aborder l’analyse des résultats et leur discussion.

25 Ibid
26 Moreau, Clémence, Jean-Daniel Rinaudo, et Patrice Garin. « La justice sociale dans la construction du jugement
d’acceptabilité. Analyse des réactions d’agriculteurs face à différentes règles de partage de l’eau souterraine. » Economie
rural, no 346 (avril 2015).
27 Moreau, Clémence, Jean-Daniel Rinaudo, et Patrice Garin. « La justice sociale dans la construction du jugement

d’acceptabilité. Analyse des réactions d’agriculteurs face à différentes règles de partage de l’eau souterraine. » Economie
rural, no 346 (avril 2015).

15/53
LES ENQUÊTES
I. Les enquêtes et leur réalisation
A. L’enquête sur l’OUGC
i. Contexte et buts de l’enquête

Comme expliqué ci-dessus, la création d’un OUGC est fixée à l’échéance 2021 dans le bassin versant
de l’Aude ; pourtant, cet acte de candidature n’est pas évident car plusieurs structures peuvent se
porter candidates et cette candidature peut prendre plusieurs formes. L’enjeu est de créer un OUGC
qui réponde aux attentes de la profession : cela demande d’expliquer quels sont les rôles futurs de
cette structure et quelle peut en être la forme. C’est pour cela que la chambre d’agriculture de l’Aude
a organisé une formation auprès de gestionnaires de réseaux collectifs d’irrigation et de représentants
de la profession à ce sujet. Les élus et techniciens des deux unions d’ASA du territoire, du CIVAM du
Limouxin et de la SICA d’irrigation de l’Ouest audois ont été invités, ainsi que les élus de la chambre
d’agriculture de l’Aude chargés de représenter les intérêts de la profession. Peu d’élus de la chambre
d’agriculture y ont assistés, ce sont majoritairement les élus et techniciens des structures collectives
d’irrigation qui étaient présents. Cette formation s’est déroulée en 5 sessions, étalées sur l’année 2018
et 2019, et avait pour but de comprendre le rôle d’un OUGC et les enjeux locaux liés à la création de
cet organisme. Cela a permis d’aborder les enjeux futurs de l’irrigation dans l’Aude, l’origine, les rôles
et le fonctionnement d’un OUGC (notamment grâce à un retour d’expérience des OUGC sur le bassin
versant Adour-Garonne et l’exemple de fonctionnement de l’OUGC du Tarn) et enfin ce que pourrait
être l’OUGC dans le contexte audois. C’est dans ce cadre qu’a été réalisée la première enquête, centrée
sur la répartition de l’eau d’irrigation et l’OUGC. Le questionnaire a été distribué lors de la première
session de cette formation et lors de la dernière ; il avait pour but de déterminer les craintes et attentes
de la profession concernant l’irrigation, le partage de l’eau, l’OUGC et le prix de l’eau ainsi que de
réfléchir sur les clés de répartition du volume prélevable, pour une répartition annuelle et en cas de
sécheresse. L’enquête a été menée auprès des participants de la formation, soit 16 personnes pour le
premier questionnaire et 11 pour le second ; le groupe était le même, 5 personnes étaient simplement
absentes ; de ce fait, les résultats des questionnaires sont comparables car la représentativité de
l’échantillon reste la même. Parmi les personnes qui ont rempli le second questionnaire, on compte 4
gestionnaires de réseau d’irrigation (techniciens), 3 présidents d’ASA, 1 président d’union d’ASA, 1 élu
chambre d’agriculture et 2 autres élus de la profession. L’échantillon est donc représentatif des
gestionnaires de l’eau d’irrigation mais non des élus de la profession agricole, qui étaient peu présents.

ii. Réalisation de l’enquête

Le questionnaire réalisé (annexe 4) comporte deux parties ; la première demandait aux participants de
citer trois mots ou expressions que leur évoque chacune de ces 4 notions : « irrigation », « partage de
l’eau », « OUGC » et « prix de l’eau » puis de hiérarchiser et de noter les expressions citées (sur une
échelle de -3, très négatif, à +3, très positif). La seconde portait sur les clés de répartition du volume
prélevable ; pour une répartition annuelle et en cas de sécheresse, il était demandé aux participants si
oui ou non cette clé pourrait s’appliquer dans l’Aude et pourquoi. Ce questionnaire a été distribué et
rempli lors de la première session de formation et lors de la dernière, respectivement le 6 avril 2018
et le 28 février 2019. Lors de la dernière session de formation, le questionnaire a été distribué après

16/53
que les résultats du premier questionnaire aient été présentés et discutés, afin de voir si la formation
avait provoqué une évolution des points de vue. Lors de cette dernière session de formation, un vote
a aussi été réalisé ; il a été demandé aux participants de placer un bulletin « clé de répartition
annuelle » et un bulletin « clé de répartition en cas de sécheresse » dans chaque urne : une urne
« priorité 1 », une urne « priorité 2 », une urne « priorité 3 » et une urne « option à exclure », afin de
prioriser les modalités de répartition du volume prélevable (VP).
Je n’ai pas participé à la création du questionnaire, fait avant le début de mon stage ; cette enquête a
été réalisée par Marielle Montginoul (Irstea Montpellier, UMR Gest’Eau) et Daniel Casteignau
(Chambre d’Agriculture de l’Aude, pôle Eau et agronomie, gestion quantitative de l’eau). J’ai en
revanche analysé les données du premier et second questionnaire.

iii. Bilan de l’enquête

Du fait de la méthode de distribution des questionnaires, on compte un taux de retour de 100% : ils
ont été remplis au cours de la réunion. La représentativité géographique de l’échantillon interrogé
semble bonne, car tous les sous bassins versants de l’Aude sont représentés, par le biais de la structure
de gestion collective majoritaire sur le territoire concerné ; pourtant, le public interrogé est particulier.
Il correspond en effet aux élus de la profession et aux techniciens gérant des réseaux d’irrigation, qui
sont donc a priori déjà investis dans la gestion collective de l’eau et ont une perspective différente des
irrigants individuels ou de groupements d’irrigants moins investis dans la concertation à l’échelle du
bassin versant. En effet, la participation à la formation était basée sur le volontariat, comme la
différence de présence entre la première et la dernière session le montre. Participer à cette formation
démontre donc un intérêt pour la gestion collective de l’eau et ses évolutions, ce qui transparait dans
le questionnaire. Analyser les données recueillies revient en partie à comparer le questionnaire 1 et
2 ; pourtant, les résultats du questionnaire sont dépendants du public en présence. On peut
questionner la présence unique de techniciens de structure d’irrigation et non de professionnels, ce
qui reflète une gestion de la ressource très technique laissant peut-être de côté les aspects sociaux ou
politiques.

B. L’enquête sur les prix et coûts de l’eau agricole


i. Contexte et buts de l’enquête

Cette enquête entre dans le cadre de l’objectif initial de mon stage, à savoir l’« Analyse des systèmes
régissant la gestion de l’eau agricole dans le département de l’Aude comme préalable à la réflexion
autour d’un prix de l’eau juste, universel et équitable et la mise en œuvre du dispositif de
compensation des prélèvements agricoles sur la ressource en eau du BV de l’Aude ». Elle comporte
deux phases : tout d’abord l’étude des différents systèmes de gestion de l’eau au sein du bassin versant
grâce à une rencontre avec les techniciens des principales structures (Union d’ASA de l’Aude médiane,
Union des Associations d’Hydrauliques de l’Est audois, SICA d’irrigation de l’Ouest audois). La seconde
phase est la réalisation d’un questionnaire sur les coûts et prix de l’eau agricole actuelle au sein du
département.
Ce questionnaire porte sur les aspects techniques et économiques de l’irrigation actuelle et vise à
recenser les prix et coûts liés à l’eau d’irrigation, ainsi que les efforts financiers de la profession agricole
permettant de s’assurer la maitrise de la ressource. Le but est d’établir un panorama des coûts et prix
en présence en lien avec les modes de gestion, les caractéristiques techniques et les usages des
réseaux. Cela participe à la réflexion concernant la mise en place de la compensation des prélèvements
agricoles et la création de l’OUGC du BV de l’Aude ; en effet, le questionnaire porte aussi en partie sur
la perception des évolutions de la gestion quantitative de l’eau.

17/53
ii. Création de l’enquête

Quatre versions du questionnaire ont été réalisées : une pour les irrigants non engagés dans une
démarche collective d’accès à l’eau (annexe 8.2), une pour les Associations Syndicales Autorisées (ASA,
aussi distribué aux ASL associations syndicales libres ayant pour objet l’irrigation) (annexe 8.3), une
pour les unions d’ASA (annexe 8.4) et une dernière pour les irrigants de la SICA d’irrigation (annexe
8.5), qui a une organisation particulière. Ces questionnaires sont très similaires et répondent à la même
logique, avec des variations permettant d’être en cohérence avec la réalité des structures interrogées.
Pour les irrigants individuels, les caractéristiques techniques de leur irrigation sont abordées (type
d’irrigation, volumes prélevés, origines et coûts de la ressource), la gestion de leur exploitation (afin
d’appréhender la part de l’irrigation dans les charges globales de l’exploitation) ainsi que leur
perception des évolutions dans la gestion quantitative de l’eau (évolution du prix de l’eau et
répercutions du coût de l’OUGC). Pour les ASA, le questionnaire demande de renseigner des
informations techniques concernant le réseau collectif d’irrigation et son utilisation (caractéristiques
techniques et investissements réalisés), la ou les ressources de ce réseau et les coûts impliqués, les
tarifications et pratiques tarifaires et enfin concernant les évolutions de la gestion quantitative de la
ressource et ses répercussions sur le prix de l’eau. Le questionnaire pour les unions d’ASA est le même
que celui pour les ASA, en dehors des pratiques tarifaires en présence (car les unions d’ASA ne gèrent
pas cet aspect).
Le choix a été fait d’accompagner le questionnaire d’une lettre, expliquant les buts de l’enquête et son
contexte, à savoir « une démarche globale engagée à l’échelle du département visant à restaurer
l’équilibre quantitatif, instaurer une gestion plus concertée, et envisager plus sereinement les épisodes
de sécheresse par la mobilisation de volumes d’eau supplémentaires. Engager une réflexion commune
concernant le coût et prix de l’eau agricole est une étape cruciale pour parvenir à cela. » (annexe 8.1).
Les premières questions permettent de déterminer le type d’irrigant, de structure, de réseau et de
ressource impliqués afin de mettre en perspective les coûts et prix en présence. Les questionnaires se
terminent par des questions ouvertes concernant les pratiques tarifaires, la création de l’OUGC et les
coûts liés à la création de cette structure.
Ce questionnaire a été élaboré en lien avec les structures gestionnaires de l’eau d’irrigation dans le
département, à savoir les deux unions d’ASA et la SICA, via des entretiens réalisés avec un technicien
de chacune de ces structures (respectivement annexe 3.3, 3.4 et 3.2). Ces entretiens avaient pour but
d’analyser les modes de gestion de l’eau et d’organisation des prélèvements dans l’Aude, ainsi que les
perspectives d’évolution de ces structures ; la rencontre avec un technicien de la SICA a eu lieu le
29/03, avec AseAude le 01/04 et l’Union d’ASA de l’Aude médiane le 09/04.
Il a aussi été choisi de distinguer l’irrigation sous pression, gravitaire et gravitaire modernisée28 ;
l’irrigation sous pression repose sur la mise en pression de l’eau dans un réseau enterré de
canalisations. L’irrigation gravitaire utilise la pente naturelle pour distribuer l’eau, grâce à des canaux
pouvant être à l’air libre ; les réseaux gravitaires modernisés résultent de travaux d’importance
variables réalisés, comme le fait d’enterrer les canaux d’irrigation, mais sans aller jusqu’à la mise en
place d’un réseau sous pression.

Cette enquête a été envoyée aux irrigants individuels, aux structures collectives, aux unions d’ASA et
à la SICA. Elle comportait six parties :
1) Informations générales concernant le répondant
2) Utilisation du réseau d’irrigation
3) Caractéristiques et coûts de la ressource

28Jourdren, Marine, Sébastien Loubier, et Myriam Campardon. « La tarification dans les réseaux collectifs d’irrigation - un
état des lieux en 2016. » Irstea - UMR G-Eau, janvier 2017

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4) Gestion de la structure (exploitation agricole, ASA ou union d’ASA)
5) Tarification(s) au sein du réseau (si nécessaire)
6) Perspectives concernant l’évolution de la disponibilité de la ressource, de l’irrigation, du prix
de l’eau et des modes de gestion.
Les cinq premières parties étaient composées de questions fermées à choix multiples, ou de tableau à
remplir concernant les différents coûts en présence par exemple. Le but était d’obtenir les
informations les plus précises possibles, sachant que celles-ci pouvaient être complexes à renseigner.
La possibilité de commenter les réponses était donnée mais n’a pas été saisie. La sixième partie du
questionnaire comportait aussi des questions fermées mais plus de questions ouvertes, afin de donner
aux répondants plus de place pour s’exprimer sur des sujets plus ouverts.

iii. Création de l’échantillon

Les deux unions d’ASA existant dans l’Aude ont été interrogées, tout comme la SICA d’irrigation.
Concernant les ASA membres des unions, il a été convenu avec les techniciens des unions que ces
derniers se chargeraient de remplir pour les ASA la partie technique des questionnaires et de leur
transmettre les questions ouvertes. Le questionnaire a en outre été envoyé à 24 ASA qui ne sont pas
engagées dans une union d’ASA, ce qui correspond à celles qui sont actuellement actives sur le
territoire audois (selon la base de données DDTM des prélèvements, datée de décembre 2018). En
totalité (intégrées ou non à une union), 60 ASA existent actuellement sur le bassin versant mais ne
sont pas forcément actives. La représentation des Unions d’ASA et des ASA actives sur le territoire
audois est donc exhaustive dans l’échantillon. Les irrigants membres de la SICA vont aussi être
interrogés mais par le biais de la SICA, qui souhaite réaliser elle-même un échantillon des préleveurs
(selon les trois types de prélèvement possible, à savoir via le réseau BRL, dans une rivière réalimentée
ou une retenue collinaire privée) et remplir pour les irrigants sélectionnés le questionnaire.
Sur le reste du territoire, pour les irrigants non engagés dans une démarche collective d’accès à l’eau
(ou irrigants individuels), un échantillon a été réalisé à partir de la base de données DDTM des
préleveurs (décembre 2018). Le choix a été fait d’un échantillon de 100 irrigants individuels, ce qui
permet à la fois une bonne représentativité de la diversité des irrigants et un traitement aisé des
questionnaires. L’envoi à un plus grand nombre d’irrigant n’aurait en effet pas permis un traitement
approfondi des questionnaires dans le temps qui m’était donné ; un coefficient de réduction de 4.2 a
été utilisé pour passer du nombre d’irrigants réel à l’échantillon. L’échantillon final regroupe 98
irrigants individuels, à la suite de modifications apportées du fait de l’inexactitude des données
utilisées et d’échanges au sein de la chambre d’agriculture.

L’échantillon a été réalisé en tenant compte de plusieurs critères :


- La répartition géographique des irrigants ; on distingue 5 zones géographiques, correspondant
aux 4 grands sous bassin versant de l’Aude et la zone de Carcassonne en plus, à cheval sur
différents BV.
- Le type d’irrigation (sous pression, gravitaire et gravitaire modernisé).
- Le type de culture (vigne, cultures spéciales, grandes cultures, maraichage, arboriculture et
plantes aromatiques).

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Voici l’échantillon final pour les irrigants individuels :
Zone géographique
Fresquel Aude amont Aude médiane Aude aval littoral Carcassonne
Type d'irrigation

Gravitaire 1 1 2 2 1
Sous pression 5 8 35 36 3
Non renseigné 0 1 2 1 0
Effectif total 6 10 39 39 4
Vigne 1 5 27 29 1
Cultures spéciales 1 1 1 1 1
Type de culture

Grandes cultures 2 1 1 2 0
Maraichage 1 2 4 2 1
Arboriculture 0 1 2 1 1
Plantes aromatiques 0 0 1 0 0
Non renseigné 1 0 3 4 0
Effectif total 6 10 39 39 4
Tableau 2 : Echantillon des irrigants individuels

iv. Validation de l’enquête et de l’échantillon

L’enquête réalisée demande une validation hiérarchique au sein de la chambre d’agriculture ainsi
qu’une validation de la part de la profession agricole. Plusieurs échanges ont permis d’affiner et de
simplifier le questionnaire, notamment avec le souci de le rendre plus compréhensible et plus en lien
avec les habitudes agricoles et la situation actuelle. Par exemple, la possibilité de le remplir en ligne a
été donnée et le vocabulaire a été modifié. Il était initialement souhaité que le questionnaire et
l’échantillon choisi passent en « commission eau » pour être validés ; la « commission eau » est une
instance décisionnaire de la chambre d’agriculture, chargée des questions relatives à la gestion de la
ressource en eau. Cependant, cela aurait retardé l’envoi du questionnaire de plusieurs mois (période
post-élection, qui ont eu lieu en février 2019) : l’aval du bureau de la chambre a suffi pour valider le
questionnaire et l’échantillon (mi-avril).
Au sein du bassin versant, l’Ouest audois se distingue du fait de son organisation particulière ; cette
zone géographique a donc aussi été distinguée lors de l’élaboration et de la distribution du
questionnaire. La SICA d’irrigation gère l’eau agricole sur ce territoire et centralise les demandes en
eau d’irrigation : c’est pour cela que les irrigants adhérents de la SICA n’étaient pas mentionnés
nominativement dans l’échantillon. La SICA souhaitait remplir le questionnaire pour ses adhérents, et
non leur distribuer. Un échange supplémentaire a été souhaité avec les élus de l’Ouest audois (06/05),
en plus de l’échange réalisé avec un technicien de la structure (29/03). Cette rencontre avait pour but
d’expliquer l’utilité et les objectifs de cette enquête, afin de s’assurer de la participation de la SICA.
Elle a aussi été l’occasion de discuter de la pertinence des questions posées et de l’échantillon ; par
exemple, il parait inutile à la SICA de renseigner le coût de l’énergie permettant d’accéder à l’eau, car
cela résulte d’un choix individuel d’équipement. De même, la SICA ne souhaite pas transmettre aux
irrigants les questions ouvertes concernant l’évolution du prix de l’eau ou l’OUGC car cela est jugé trop
éloigné des préoccupations des agriculteurs. Cela limite d’emblée les informations pouvant être
recueillies au sujet de l’ouest audois. Malgré cela, la SICA d’irrigation a souhaité limité sa participation
à cette enquête à l’entretien réalisé précédemment ; aucun questionnaire n’a donc pu être rempli pour
les irrigants de l’Ouest audois.

20/53
v. Distribution de l’enquête

À la suite de cet échange, les questionnaires à destination des irrigants individuels et des ASA ont été
envoyés par courrier postal (07/05) ; un email a aussi été envoyé (lorsque cela était possible) aux
destinataires du courrier papier afin de doubler l’envoi (09/05). Il était possible de remplir les
questionnaires en ligne29, de les renvoyer par email ou par voie postale. Par la suite, deux relances
téléphoniques et une relance par email ont été faites, à destination des irrigants individuels ; à deux
reprises, des permanences ont été réalisées à la mairie de La Redorte, la mairie de Limoux et l’antenne
de la chambre d’agriculture de Narbonne afin de collecter les questionnaires ou de remplir ces derniers
avec les irrigants. Le courrier d’accompagnement mentionnait en effet que « [les irrigants seront]
contactés après réception de ce courrier afin de prendre rendez-vous avec l’enquêtrice pour remplir
ce questionnaire, dans le cadre d’une permanence dans une antenne de la Chambre d’Agriculture ou
dans votre mairie ». La prise de contact fut complexe (numéros erronés, oubli ou refus de répondre)
et seuls 7 agriculteurs, au total, se sont rendus aux permanences. Concernant les structures collectives
d’irrigation, la prise de contact fut plus aisée, à travers notamment une relance téléphonique, par email
ou en passant par les mairies des communes concernées.

vi. Bilan de l’enquête

L’enquête a été lancée après validation du bureau de la chambre et de nombreux aller-retours en


interne ; le sujet des coûts et prix de l’eau d’irrigation parait sensible, comme le montre le cas
particulier de l’ouest audois. Le taux global de retour de l’enquête est de 18%.

II. Analyse des données


Nous allons ici analyser les données recueillies dans ces deux enquêtes, à savoir l’enquête sur l’OUGC
et l’enquête sur les coûts, prix et la tarification de l’eau d’irrigation. Pour chacune de ces enquêtes,
nous aborderont tout d’abord la méthode de traitement des données recueillies puis les résultats de
l’enquête.

A. L’enquête sur l’OUGC


i. Traitement des données recueillies

Ce questionnaire comportait deux parties (annexe 7), comme expliqué ci-dessus ; la première partie
visait à recueillir l’avis des participants à la formation sur des mots relatifs à la gestion quantitative de
l’eau agricole. Elle permet de connaitre et d’analyser les représentations des individus, entendus
comme « l’ensemble des conceptions, attitudes, valeurs, significations, connotations, associations
(éléments cognitifs et affectifs) qui à la fois résultent de l’expérience de cet objet et déterminent la

29
Site internet de la chambre d’agriculture de l’Aude, rubrique « Actualités », https://aude.chambre-
agriculture.fr/actualites/toutes-les-actualites/detail-de-lactualite/actualites/enquete-sur-le-cout-et-la-
tarification-de-leau-dirrigation-dans-le-departement-de-laude/

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relation du sujet à ce dernier »30, en prenant en compte la dimension sociale et individuelle de cette
représentation. Les mots évoqués lors de la première partie du questionnaire, leur connotation et leur
rang d’évocation ont ensuite été traités, après que des catégories de mots aient été réalisées
(lemmatisation) (annexe 7). À la suite de ce traitement, il fut possible de dégager différents « niveaux »
au sein des représentations, qui correspondent au cœur de la représentation (noyau central), aux
éléments contrastés (sous-groupes) ou aux éléments périphériques (annexes 7). A partir de là, des
représentations graphiques ont été réalisées (figure 3 et 4 ci-dessous).
La seconde partie du questionnaire portait sur des clés de répartition du VP, pour une répartition
annuelle et en cas de sécheresse. Pour toutes les options proposées dans ces deux cas, les
pourcentages relatifs de « oui », « non », « ne sais pas » et « non renseignés » ont été analysés, ainsi
que la hiérarchisation des options. En lien avec cela, le vote réalisé à la fin de la dernière session de
formation OUGC a été analysé (priorisation des différentes clés de répartition pour une répartition
annuelle et en cas de sécheresse).
Il parait donc intéressant de comparer les résultats du questionnaire 1 avec ceux du questionnaire 2
(respectivement Q1 et Q2), même si cette comparaison a ses limites dans la mesure où les personnes
interrogées ne sont pas exactement les mêmes (sur les 16 personnes interrogées dans le premier
questionnaire, 5 étaient absentes lors du remplissage du second). Les résultats du vote concernant les
clés de répartition vont aussi être comparées aux résultats du second questionnaire à ce sujet ; il
paraissait aussi intéressant d’inclure dans cette analyse les échanges et débats ayant eu lieu lors de
cette dernière session de formation (annexe 5).

ii. Résultats de l’enquête

Dans cette partie, nous allons présenter et analyser les résultats de l’enquête sur l’OUGC et la
répartition du volume prélevable. Tout d’abord, les représentations des mots « irrigation », « partage
de l’eau », « OUGC » et « coût de l’eau » vont être étudiées, avant d’aborder la question des clés de
répartition du volume prélevable. Enfin, les conclusions partielles de l’enquête concernant cette
répartition du VP et la création de l’OUGC vont être présentées.

30 Sauvé, Lucie, et Louis Machabée. « La représentation : point focal de l’apprentissage ». Education relative à
l’environnement, Vol. 2, 2000

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1. Les mots et leurs représentations

Figure 3 : représentation graphique globale des mots évoqués par 16 gestionnaires de réseaux, interrogés sur 4 notions et
connotations associées, sur une échelle de +3 à -3, questionnaire 1, 6 avril 2018.

Figure 4 : représentation graphique globale des mots évoqués par 11 gestionnaires de réseaux, interrogés sur 4 notions et
connotations associées, sur une échelle de +3 à -3, questionnaire 2, 28 février 2019.

23/53
Les mots évoqués par les participants à la formation traduisent les préoccupations centrales liées à
l’eau et au partage de la ressource, ainsi que l’évolution de ces représentations entre le début et la fin
de la formation sur l’OUGC (respectivement questionnaire 1 et 2). Malgré la forte diversité existant au
sein des réponses apportées, on remarque une évolution dans l’appréhension des problèmes entre le
questionnaire 1 et 2 : l’expression des attentes se fait plus précise et concrète. Cela peut être mis en
parallèle avec le choix du scénario 4 « tous ensemble » : la structure porteuse de l’OUGC serait un
Groupement d’Intérêt Public (GIP) alliant tous les acteurs de la gestion de l’eau agricole à l’échelle
départementale.

o La notion « irrigation » (annexe 6.1, figures 1 et 2)


Dans le premier questionnaire, les notions de « production » et de « besoin » en termes d’eau
ressortent en premier, liées la notion de « richesse » ; on remarque une vision positive de l’irrigation,
qui amène la production agricole et la richesse. Les termes « équilibre », « sécurité », « économie
d’eau », « efficience », dans la seconde périphérie traduisent aussi les inquiétudes et attentes des
participants concernant l’irrigation ; ces termes évoqués sont aussi des notions introduites
récemment, qui traduisent donc les politiques menées actuellement (ciblant les économies d’eau, le
réchauffement climatique). Ces intérêts sont aussi liés au public en présence, à savoir des gestionnaires
de réseaux qui ont donc aussi des préoccupations techniques.
Le second questionnaire révèle toujours une vision globalement positive de l’irrigation mais avec plus
de points négatifs ; la formation fait apparaitre des problèmes relatifs à la gestion de l’irrigation et non
plus simplement au climat, comme « chaleur » (quest. 1) et « sécheresse » (quest. 2, connotation -2).
La gestion collective de l’irrigation est associée négativement aux mots « cher », « tension » et aux
obligations qui en découlent (« déclaration »). Ce dernier terme est aussi lié aux évolutions de la
politique de gestion de l’eau agricole menée à l’échelle du département, qui vise à inciter les
agriculteurs à déclarer leurs prélèvements. Pourtant, ces aspects négatifs sont à relativiser car ils
n’apparaissent qu’en seconde périphérie. La formation introduit aussi l’OUGC qui s’impose peu à peu,
malgré un rang et une fréquence encore faible (respectivement 2 et 3%). Les préoccupations semblent
être plutôt d’ordre économique à présent, mentionnées en périphérie 1 (« plus-value ») et éléments
contrastés (« prix de l’eau »).

o La notion « partage de l’eau » (annexe 6.2, figures 1 et 2)


Dans le questionnaire 1, le mot « équité » apparait en premier, ce qui démontre une préoccupation
forte par rapport à la justice du partage, tout comme pour la conciliation des différences. La
représentation globale du partage de l’eau semble positive, malgré des sous-groupes mettant en avant
des aspects problématiques : on retrouve à la fois des termes notés positivement (« entente »,
« concertation », tous deux +3) et des termes notés négativement (« obligation », « conflit »,
respectivement -3 et -2). Cela traduit la complexité du partage de l’eau. On retrouve aussi des termes
qui traduisent un besoin d’organiser (« nécessité », « organisation », « règles », avec globalement un
rang important mais une faible fréquence) et les principes évoqués dans la seconde périphérie peuvent
donner des idées pour les clés de répartition avec des notions comme « équité », « solidarité »,
« transparence », « historique ». Ce dernier mot laisse entrevoir l’importance de la culture
organisationnelle locale, les ASA notamment, structures anciennes sur ce territoire, et leur influence
sur les outils mobilisés pour penser l’organisation actuelle.
Le second questionnaire montre que l’« équité » reste la préoccupation centrale. On observe une
meilleure acceptation de ce partage qui semble paraitre moins autoritaire : le mot « imposé » (quest.
2) apparait en plus petit (rang 3) et moins rouge (connoté moins négativement, -2) que le mot
« obligation » (quest. 1, rang 2, connotation -3). Le mot « historique » prend de l’importance (rang 1,
fréquence 3%) : le partage de l’eau ne vient pas de nulle part et il apparait important de prendre en

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compte l’histoire de la gestion de l’eau locale (différents systèmes de gestion suivant le sous bassin
versant). Concernant les problèmes identifiés, la conflictualité du partage reste importante mais deux
nouveaux enjeux sont identifiés dans la périphérie 2 de la représentation : le fait que la ressource soit
limitée et la répartition du volume. Ce dernier point est l’objet de l’OUGC et fut abordé au courant de
la formation. Enfin, si ce partage apparait « difficile », on remarque une forte volonté d’y travailler
(« effort », « indispensable » et « OUGC » connotés positivement, respectivement +2, +3 et +2) ;
l’importance de la gestion collective et de l’organisation de la profession agricole sont aussi évoquées
lors de la formation : « Je pense qu'il faut que l’on se prenne en main. Je crois, enfin à mon avis on n’a
pas le choix. » (p.7).

o La notion « Organisme Unique de Gestion Collective (OUGC) »


(annexe 6.3, figures 1 et 2)

Dans le questionnaire 1, beaucoup d’inquiétudes apparaissent (connotation globalement plus négative


que pour les autres mots enquêtés), principalement car la démarche apparait comme « complexe »
(fréquence 15%, rang 2.3) et est « inconnue » (fréquence 3%, rang 1). Une autre inquiétude forte est
celle de la contrainte et de la présence de l’Etat exerçant par cette réforme un contrôle plus étroit ; le
terme « organisation » est noté négativement, par exemple (-0.3). Pourtant, des termes comme
« gouvernance » et « rationalisation » sont notés de façon neutre, mais apparaissent seulement dans
la seconde périphérie de la représentation ; l’OUGC est en partie vu comme pouvant améliorer la
gestion de l’eau, les attentes sont optimistes, avec des attentes telles que la simplicité, l’« équité » et
la participation (« concertation ») apparaissant dans les éléments contrastés.
Le second questionnaire démontre un changement important : l’OUGC, connoté majoritairement
négativement, a à présent une connotation majoritairement positive ; le mot « difficile », qui apparait
à la fréquence (10%) et au rang (1) les plus haut, a une connotation positive (+1.5). Cela parait
paradoxal mais peut signifier que le but de la démarche apparait à présent vertueux pour les
participants à la formation, même si le processus est complexe ; la mise en place de l’OUGC, malgré sa
difficulté, peut aussi apparaitre positive car elle permet d’améliorer les modes de gestion de la
ressource. Les mots « imposé » et « contrôle » sont connotés positivement (+2), ce qui peut traduire
un fort désir d’organisation ; l’OUGC apparait comme un « besoin ». En revanche, on ne retrouve plus
de mots concernant l’utilité de l’OUGC (« gestion des volumes » dans la figure 7 par exemple) ; cela
peut sembler acquis. Des attentes positives concernant l’OUGC sont évoquées, qui pourrait permettre
une gestion plus concertée de la ressource (« entente », « collectif », « gouvernance ») et sécuriser la
production (« sécuriser »). L’OUGC devient, à la marge (car en seconde périphérie), un « bon outil »
alors qu’il était assimilé au « kolkoze » (figure 7) ; le mot « nouveau » est connoté de façon neutre dans
le second questionnaire tandis que l’« inconnu » était vu comme un problème dans le premier
questionnaire. Pourtant, d’importants points négatifs sont évoqués, notamment la « lourdeur
administrative » avec une haute fréquence (10%), c’est-à-dire la crainte que cela rajoute une
importante charge administrative à l’agriculteur ; lors de la formation, ce problème est aussi évoqué :
« ça rajoute surtout des papiers, pour les agriculteurs […], ça rajoute de la complexité » (p.14).
Concernant cette crainte, on remarque pourtant une évolution : ce n’est plus le contrôle exercé par
l’Etat ou sa simple présence qui sont craint, mais son inertie de fonctionnement. Une autre crainte
évoquée, mais moins prégnante, est celle de la charge de travail supplémentaire que représente
l’OUGC (« travail », fréquence 3%, connotation -3), d’où pour certaines structures la volonté
d’embaucher pour faire face à cela, comme évoqué lors de la formation : « Il faudra le gérer tout ça, il
faudra peut-être embaucher une personne » (p.9). Enfin, le dernier et nouveau problème évoqué et
celui du « financement » et du « coût » de l’OUGC, en seconde périphérie, avec une connotation très
négative (-3 pour ce deux mots) ; il n’apparaissait pas dans le premier questionnaire réalisé, les
participants en prennent donc conscience au cours de la formation. Cette dernière, ayant pour
vocation d’expliquer l’OUGC, rassure mais fait aussi émerger de nouveaux questionnements ou précise
les anciens, ce qui permet aussi d’avancer dans la réflexion.

25/53
o La notion « prix de l’eau » (annexe 6.4, figures 1 et 2)
Le questionnaire 1 montre que la notion du prix de l’eau est directement et majoritairement associée
à l’idée de « coût » avec une notation négative : cela apparait comme une contrainte. Pourtant, ce lien
entre le prix et le coût souligne que le prix ne vient pas de nulle part mais est lié au coût réel venant
des installations, des organismes de gestion, etc., ce qui donne au prix un socle logique et une certaine
légitimité ; on retrouve cette idée lors de la formation : « tu paies le stockage, la gestion,
l’électricité… » (p.7). On remarque aussi une inquiétude concernant la hausse de ce prix pour une part
des répondants ; malgré cela, fixer un prix est vu comme une « nécessité » qui permet la « rentabilité »
(notation positive, respectivement +1 et +3), mots que l’on retrouve aussi dans les éléments
contrastés. On remarque donc la présence de deux représentations distinctes du prix. S’il apparait
nécessaire de gérer rationnellement la ressource (« gestion rationnelle », seconde périphérie), cela
reste « difficile » (seconde périphérie). Les termes mentionnés donnent aussi des clés dont il faut tenir
compte pour fixer ce prix : l’« équité », le besoin d’ « investissement » et la prise en compte des
« aménagements antérieurs. Au contraire, le « marché », en tant de moyen de fixer un prix, est
connoté négativement (-2) et apparait dans les éléments contrastés avec un haut rang (1) ; cela rejoint
le rejet massif du fait de répartir le volume prélevable aux enchères (respectivement 10% et 5% de
« oui » dans le premier questionnaire, pour la répartition annuelle et en cas de sécheresse). Le fait de
« vendre » l’eau sur un marché, avec un prix qui serait non équitable ou injuste représente donc une
crainte importante.

Dans le second questionnaire, ce rejet du marché reste présent mais est plus explicite : l’expression
« vendeur d’eau » dans la figure 9 est connotée négativement (-3) car l’eau apparait comme un « bien
commun » (connotation +3, rang 1) ; l’eau appartient à tous et ne doit donc pas être vendue. Les
débats ayant eu lieu lors de la formation permettent de mieux comprendre ce rejet. Les deux notions
centrales sont l’« équité » et « cher » ; la crainte d’un prix de l’eau trop élevé existe toujours mais doit
être relativisée : le mot « hausse » est connoté positivement (+3). En effet, un prix haut peut permettre
à une exploitation d’être rentable s’il est fixé de façon juste et recouvre un service rendu à sa hauteur,
comme évoqué lors de la formation : « c’est paradoxal, on pense que mettre un prix de l’eau haut ça
va faire fuir et puis on s’aperçoit que non, on a l’effet inverse » (p.17). On retrouve aussi des indicateurs
concernant la méthode de fixation de ce prix : il doit être lié au « service rendu », permettre la
« rentabilité » et prendre en compte les antécédents locaux. En effet, le consentement à payer dépend
largement de l’habitude à payer des irrigants : « Le problème des coûts bas, c’est qu’après il est
extrêmement difficile d’aller dans la tendance inverse. Et […] quand t’as rien tu mets les moyens. »
(annexe 2.1). Une nouvelle notion apparait : l’« écologie », connotée positivement (+1) ; malgré son
importance relative, cela montre l’évolution des paradigmes actuels de gestion de l’eau, prenant de
plus en plus en compte la santé des cours d’eau. Enfin, à l’issue de la formation, la fixation de prix de
l’eau apparait comme un travail dans lequel les agriculteurs ont une place et peuvent s’investir, tandis
qu’avant la formation cette question de la responsabilité n’apparaissait pas ; on retrouve les termes
« à définir » (connoté négativement, -3, car représente une charge de travail et « vigilance », neutre).
Ce dernier terme rejoint aussi la méfiance envers les autres acteurs de la gestion de l’eau, évoquée
lors de la formation : « on va se prendre des taxes. […] Ils vont nous faire payer des choses que eux…
ils veulent nous imposer un certain nombre de choses » (annexe 2.1). Enfin, le prix de l’eau doit être
« explicable » (fréquence 4%, rang 3, connotation +1), ce qui rejoint le besoin de pédagogie envers la
profession, évoqué lors de la formation : « Il faudrait montrer à nos adhérents pour leur faire
comprendre tout le travail qui est fait, parce que ils ne sont pas conscients » (annexe 2.1).

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2. Les clés de répartition du volume prélevable (VP)

o Analyse des clés de répartition annuelle (annexe 7.1)

Comparaison des résultats - répartition annuelle du VP


100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2
5 ans 5 ans à Aux Ancienneté Débit Superficie Type de Type de sol Ressources
antérieurs venir enchères déclaré irriguée culture alternatives

Oui Non Ne sais pas Non renseigné

Tableau 5 : comparaison des questionnaires 1 et 2

De façon globale, il y a beaucoup plus de « oui » par rapport aux « non » dans le second questionnaire
que dans le premier, et aucun « non renseigné » dans le second questionnaire ; cela peut démontrer
une meilleure acceptation générale du projet de répartir le volume prélevable suivant différents
critères, ainsi qu’une meilleure acceptation et compréhension de chacun des critères proposés. Les
débats permettent aux participants de mieux appréhender les définitions et implications des
différentes options présentées, et donc de mieux se forger une opinion. On remarque aussi que les
décisions apparaissent plus nettes et tranchées : dans le questionnaire 1, quasiment toutes les options
(7 sur 9) reccueillent entre 60% et 40% de « oui », ce qui ne permet pas de dégager une véritable prise
de décision entre ces critères. Au contraire, dans le questionnaire 2, on observe une forte variabilité
(entre 90% et 0% de « oui ») ce qui permet véritablement de déterminer quelles sont les options
choisies et celles rejetées. Cette différence entre le questionnaire 1 et 2 peut s’expliquer par le fait que
l’appropriation du sujet et des différentes options par les participants à la formation se fait peu à peu ;
les débats ayant eu lieu au cours de la formation permettent une polarisation plus forte entre les
options plébiscitées ou non, mais aussi une uniformisation du groupe, avec des avis exprimés parfois
de façon virulente.

Les clés « 5 ans antérieurs » et « 5 ans à venir » apparaissent comme des options très plébiscitées dans
les questionnaires ; de même lors du vote, les options « 5 ans antérieurs » et « 5 ans à venir » sont les
deux options les plus favorisées. L’option « 5 ans à venir » est la plus uniformémement plébiscitée, elle
permet de garantir le principe d’antériorité d’usage et le principe de besoin, avec l’idée que la
consommation des 5 années passées est représentative des besoins moyens de l’exploitation en
question. L’option « 5 ans antérieurs » est l’option la plus placée en tête, qui permet de garantir le
principe de sctricte égalité d’accès à la ressource. La combinaison de ces deux clés parait intéressante
car elle permet de garantir la satisfaction des besoins en eaux des irrigants installés mais sans fermer
la porte aux nouveaux.

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Répartir le volume prélevable en fonction du débit déclaré apparait comme la troisième option la plus
favorisée (70% de « oui » dans le questionnaire, se situe en 2e position pour les priorités 1 et 2 citées
dans le questionnaire et en 1e position dans les urnes priorité 2 et 3 du vote). Cette option permet
d’articuler le principe de besoin de l’exploitation, devant correspondre à la capacité en débit des
équipements en place et le principe de mérite qui pénalise les irrigants prélevant sans autorisation.
Lors des débats, il parait en effet essentiel de n’écarter personne de la répartition, y compris ceux qui
souhaitent irriguer dans le futur : « il faut pouvoir répondre à la demande » (annexe 2.1).
Le fait de moduler l’allocation du volume prélevable selon des contraintes agronomiques propres à
chaque exploitation, à savoir le type de culture, le type de sol et la présence de ressources alternatives
en eau, apparait dans les priorités moyennes (respectivement à 40%, 50% et 55% de « oui » dans les
questionnaires) et sont donc moyennenement plébiscitées. Du fait des problèmes relevés concernant
ces options, ces dernières ne seraient donc pas à retenir dans un premier temps du moins : ajuster
selon le type de sol apparait comme trop complexe et ajuster selon les cultures est souvent vu comme
injuste, notamment à cause des différences en termes de réseaux : « Enfin on peut pas tous le faire,
on n’a pas tous un tuyau sous pression qui va nous mettre 1 000 m cube sur la vigne et 3 000 sur le
maïs, enfin je ne sais pas, c’est pas possible » (annexe 2.1). On voit donc bien ici l’influence des débats
et des informations apprises sur la prise de décision. La présence de ressources alternatives, étant
l’option la plus favorisée des trois, peut être un critère d’ajustement du volume prélevable.
L’ancienneté apparait comme la clé de répartition la plus controversée, que l’on retrouve à la fois dans
les options à éliminer lors du vote (représente 12% des buletins dans l’urne « à exclure »), dans l’urne
priorité 1 et dans les priorités 1 et 2 du second questionnaire. En effet, la prise en compte de
l’historique apparait importante (comme le soulignent les graphiques ci-dessus) mais il s’agit aussi
d’ouvrir l’allocation de l’eau à tous. De ce fait, cette option n’est peut être pas à retenir car il vaut
mieux choisir des options qui font relativement consensus afin que la règle choisie apparaisse comme
légitime et soit donc appliquée. Les enchères sont l’option la plus rejetée, liée au refus de
« marchandiser l’eau » ; cette option a reccueilli 100% de « non » dans le second questionnaire et
représente 62% des bulletins dans l’urne « à exclure ».
Conclusion de l’allocation annuelle du VP :
1. 5 ans antérieurs
2. 5 ans à venir
3. Débit déclaré
Ajustement : ressources alternatives

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o Analyse des clés de répartition en cas de sécheresse

Tableau 6 : comparaison des questionnaires 1 et 2

On observe moins de changements ont lieu entre le questionnaire 1 et 2 concernant la répartition du


VP en cas de sécheresse, si ce n’est un rejet plus massif ici aussi des enchères (10% de « oui » au 1e
questionnaire, 0% au 2nd). Nous observons aussi un pourcentage constant de « non renseigné » (20%
pour toutes les options) ; certains participants n’ont donc pas complété toute une partie du
questionnaire. De façon plus générale, les pourcentages de « non renseignés » sont plus élevés dans
le questionnaire 2 que dans le 1 ; les questions concernant la sécheresse arrivant en dernière position,
cela peut signifier que ce questionnaire était jugé trop long et complexe, ou une certaine lassitude
quant au fait de devoir remplir un second questionnaire. Cela peut aussi démontrer une forme de
remise en cause de la pertinence de cette partie. Comme évoqué lors de la formation, « Mais il y a
beaucoup là trop papier là, c’est pour faire quoi tout ça ? » (Annexe 2.1). Plus de signes de doute
apparaissent dans le questionnaire 2, et aucune d’adhésion massive pour une option ; par exemple,
dans le 1e questionnaire la clé « zones vulnérables » était deuxième avec 75% de « oui » tandis que
dans le 2nd questionnaire, cette option est deuxième avec 45% de « oui » et 15% de « ne sais pas ». De
même, on observe plus de doutes émis pour les options suivantes dans le questionnaire 2
(« économies d’eau », « ressources alternatives »). Pourtant, cela peut aussi être lié à un biais
méthodologique : l’option « ne sais pas » n’existait pas dans le questionnaire 1. Cette évolution peut
paraitre paradoxale car les doutes augmentent après une formation devant donner de l’information,
mais cela peut s’expliquer car les périodes de crises sont singulières et donc plus difficilement
appréhendables.

L’option « baisse uniforme » du VP est, dans ces deux questionnaires, la plus plébiscitée (80% de
« oui » pour les deux), mais on observe une adhésion plus massive à cette option dans le second
questionnaire (15% de « non » contre la baisse uniforme dans le questionnaire 1, 0% de « non » dans
le 2nd). Les débats mettent aussi en avant cette option : « la baisse uniforme c’est ce qu’on fait déjà
[…], ça a assez bien fonctionné. […] L’uniformité ramène à l’équité » (annexe 2.1).

Deux autres options sont plébiscitées à égalité : le fait de répartir le VP selon les économies d’eau
réalisées (45% de « oui » dans le questionnaire, en 2e position pour les priorités 1 et 2 du questionnaire,
2e position pour les priorités 2 et 3 du vote) et selon la vulnérabilité des zones (45% de « oui » dans le
questionnaire, 2e position pour la priorité 2 du questionnaire, 2e position pour la priorité 2 du vote). La

29/53
clé de répartition « économies d’eau » permet de favoriser une pratique vue comme vertueuse et
nécessaire ; dans les questionnaires 2, la remarque selon laquelle « tous le monde doit tendre vers des
économies d’eau [en substance] » est faite deux fois. Pourtant à ce sujet, les participants affirment
aussi que cela peut être trop complexe à mettre en place et injuste dans un premier temps, car cela
favoriserait ceux qui ont le plus moyens d’investir dans les outils permettant de réaliser des économies
d’eau. Le fait de répartir le VP selon la vulnérabilité locale de la ressource demande de réaliser un
zonage, et pourrait donc aussi intervenir dans un second temps.

La clé de répartition selon la surface irrigable est en première position pour la priorité 2 du vote mais
reccueille seulement 10% de « oui » dans le questionnaire et ne semble donc pas être une option à
retenir. De même, la clé « ressources alternatives » apparait en 2e position dans la priorité 3 du vote
mais représente aussi 10% des votes de l’urnes « A exclure » et ne semble donc pas non plus être une
option à retenir. Enfin, les clés de répartition selon type de sol et le type de culture ne sont pas assez
plébiscités pour être retenues.

Conclusion de l’allocation du VP en cas de sécheresse :


1. Uniforme
2. Zones vulnérables
3. Economies d’eau

3. Conclusions partielles de l’enquête concernant la


répartition du VP

Les options les plus plébiscitées pour une allocation annuelle semblent favoriser une certaine
uniformité sur le territoire audois, c’est-à-dire ne pas faire de différences selon les situations locales.
De même, en cas de sécheresse, la baisse uniforme de l’allocation est soutenue (pourcentage du
volume autorisé) ; c’est ce qui se fait déjà actuellement.
Cette mesure n’apporte donc pas de solutions mais est plébiscitée car l’uniformité apparait comme la
meilleure manière de garantir l’équité ; l’égalité proportionnelle et l’équité sont vus comme
synonymes. Favoriser ce qui existe déjà en période de sécheresse, qui est une période de tension
accrue, permet de garantir l’utilisabilité31 de la règle instaurée c’est-à-dire la faisabilité des
changements. La clé de baisse uniforme des quotas alloués aux agriculteurs est déjà aujourd’hui une
règle appliquée et relativement acceptée ; on remarque ici une forte dépendance au sentier car les
décisions en matière d’allocation en cas de sécheresse semblent conditionnées par la situation
actuelle. Au-delà de cette dépendance au sentier, cela peut aussi permettre de faciliter l’acceptation
de la nouvelle structure qu’est l’OUGC sur ce territoire : « dans un contexte difficile, les […] Organismes
Uniques privilégient une modalité d’allocation proche de la situation actuelle, afin de ne pas perturber
les positions acquises qui caractérisent les historiques de prélèvements et d’asseoir ainsi leur
légitimité » (p.15)32. Pour une répartition annuelle aussi, on remarque qu’il parait important de
prendre en compte et de perpétuer en partie ce qui se fait actuellement, en fixant l’allocation
notamment sur la base des 5 dernières années. Pourtant, en cas de sécheresse, l’option « selon les

31
Moreau, Clémence, Jean-Daniel Rinaudo, et Patrice Garin. « La justice sociale dans la construction du jugement
d’acceptabilité. Analyse des réactions d’agriculteurs face à différentes règles de partage de l’eau souterraine. » Economie
rural, no 346 (avril 2015).
32
Ibid

30/53
zones vulnérables » introduit la prise en compte des spécificités locales ; de plus, la clé de répartition
selon le type de culture ne parait pas pertinente ici car la majorité du territoire cultivé l’est en vigne.
De plus, si au départ il apparait important de choisir des clés de répartition relativement simples, celles-
ci sont vues comme pouvant évoluer (amélioration des connaissances agronomiques, de la précision
des déclarations, valoriser de plus en plus les économies d’eau… Etc). Ici, l’argument de l’utilisabilité
des règles, c’est-à-dire de la facilité avec laquelle elles peuvent s’appliquer ou non à la situation locale
est mobilisé ; par exemple, répartir l’allocation suivant les caractéristiques du sol ou les économies
d’eau réalisées sont vus comme trop complexes à mettre en place dans un premier temps. Certaines
des clés plébiscitées satisfont donc d’emblée le critère de l’utilisabilité tandis que d’autres prennent
place dans une logique à plus long terme.

Deux des clés favorisées pour une répartition annuelle satisfont en premier lieu des critères éthiques :
5 ans antérieurs et 5 ans à venir, et paraissent simple d’application ; cela donne à ces règles une
légitimité cognitive, car la « symbolique véhiculée par [celles-ci] renvoie à une réalité compréhensible
et acceptable » (p.13)33. En outre, les clés choisies ont aussi une légitimité normative, c’est-à-dire que
ces règles choisies sont en cohérence avec les valeurs correspondantes de la société ; par exemple, la
clé « débit déclaré » encourage à déclarer le volume prélevé et met en avant une « bonne pratique »
déclarative, ce qui rejoint les politiques menées à actuellement à ce sujet.

Quatre critères semblent essentiels à respecter pour répartir le volume prélevable :


- N’exclure personne de la répartition, y compris ceux qui ne sont pas encore irrigants mais qui
souhaitent irriguer à l’avenir.
- Conserver une marge d’erreur et une certaine tolérance ; les règles choisies ne doivent pas
être aveugles mais s’appliquer au cas par cas.
- Distinguer les options qui peuvent s’appliquer dans un premier ou dans un second temps,
selon leur simplicité d’application.
- Avoir une répartition étique, solidaire et transparente.

Un travail reste à effectuer pour trouver des mécanismes permettant de respecter concrètement ces
valeurs dans le partage de l’eau et le fonctionnement de l’OUGC. Par exemple, le mot « équité », s’il
renvoie en apparence à l’idée d’un partage qui serait vertueux, juste et équitable entre tous, est en
réalité en partie un signifiant vide qu’il apparait nécessaire de définir avec plus de précision. En effet,
chacun peut lui attribuer un sens individuel souhaité qui peut être différent du sens attribué par
autrui ; l’emploi massif de ce mot donne donc l’impression qu’un consensus règne et masque les
divergences d’opinion et conflits possibles. L’équité peut aussi être définie comme le fait de traiter de
manière égale, et donc juste, des individus lorsqu’ils sont dans une situation identique ; ainsi, des
différences entre irrigants au sein de l’OUGC peuvent exister : « Si l’on est capable d’identifier des
classes ou groupes entre lesquels les situations sont différentes, des traitements différents sont tout
à fait envisageables » (p.22)34. Cela demande donc de définir ces différentes situations. De même, le
principe de solidarité peut par exemple sous-entendre la mise en place de mécanismes d’entraide ou
de gestion collective à l’échelle de petits groupes d’irrigants ; enfin, la transparence repose sur les
statuts de l’OUGC et le rôle qu’y ont les irrigants et les différentes structures membres.

33
Ibid
34Loubier, Sébastien, et Marc Polge. « Etude sur les règlements intérieurs des Organismes Uniques de Gestion Collective et
sur leur critère d’allocation de la ressource en eau », mars 2016.

31/53
Trois nouveaux enjeux sont soulevés :
- Comment prendre en compte la variabilité météorologique interannuelle et intra-annuelle si
l’on alloue des quotas annuellement selon une autorisation unique de prélèvements
pluriannuelle ?
- Comment prévoir et prendre en compte l’augmentation des surfaces irriguées (garder des
volumes non attribués, etc) ?
- Comment prendre en compte les volumes hivernaux dédiés au dessalement des terres
(déduire ces volumes du total des volumes prélevés, etc) ?

Cela demande de conserver une souplesse dans l’attribution du VP ; par exemple, que faire des
volumes d’eau non consommés ? L’idée d’instaurer une pénalité si un volume d’eau « commandé »
n’est pas utilisé est aussi évoquée mais parait mal acceptée, sans raisons expliquées. Il apparait en
effet important de conserver une marge de manœuvre car si en année humide toute l’allocation n’est
pas consommée, elle pourra être dépassée en année sèche. Ainsi, même si tout le volume n’a pas été
consommé l’année n, il est important de le conserver intégralement en année n+1 (malgré la nécessité
pour les OUGC de réduire progressivement les volumes alloués) pour trois raisons. Supprimer
automatiquement de l’allocation ces volumes peut : « accroitre la vulnérabilité des exploitations,
inciter au gaspillage pour éviter une réduction d’allocation l’année suivante et réduire le potentiel
développement de l’exploitation » (p.25)35.

Il peut en outre être nécessaire de conserver un volume non alloué pour faire face aux nouvelles
demandes, accroissement de surface ou dépassement massif en cas de sécheresse importante.
L’OUGC de la nappe de Crau, pour donner à l’allocation plus de souplesse, a développé un système
d’échanges de volumes ; ceux-ci sont possibles dans un cadre strict, à savoir uniquement avant le
début de la saison d’irrigation, entre irrigants d’une même zone et ne valent que pour une seule saison.
Cela permet d’optimiser l’allocation de la ressource. L’enjeu est aussi de ne pas inciter les agriculteurs
à sur-déclarer les surfaces qu’ils irriguent afin d’avoir un volume autorisé plus important. Ce problème
parait surtout se poser pour les irrigants individuels, car au sein des ASA une connaissance plus fine du
périmètre irrigué et irrigable de chacun existe. Indexer en partie le montant de cette cotisation sur les
surfaces déclarées (un plus grand nombre d’hectares correspondant à une cotisation plus élevée), ce
qui n’inciterait pas à sur-déclarer les surfaces. Pourtant, cela est critiqué car défavorable aux grandes
exploitations.

Enfin, quelles peuvent être les conséquences d’un dépassement du volume prélevable par le collectif ?
Il apparait complexe de déterminer une sanction et de désigner qui doit la payer, car en cas de grosse
sécheresse, les agriculteurs affirment n’avoir d’autre choix que celui de dépasser les volumes alloués.
Le règlement intérieur de l’OUGC n’est en outre pas forcément opposable s’il n’y a pas de contrat entre
l’irrigant et l’OUGC ; s’il n’est pas opposable, il ne peut donner suite à des sanctions en cas de non-
respect. Les contrôles se passeront comme aujourd’hui ; selon le code de l’environnement, en cas de
non-respect des volumes individuels alloués, « le préleveur s’expose à des poursuites » ; l’Etat garde
la main là-dessus. L’application de sanctions ou non relève de deux conceptions différentes de ce que
peut être l’OUGC : « pour ceux qui considèrent que la seule mission est de proposer un plan de
répartition », les sanctions sont inutiles ; en revanche, « pour ceux qui considèrent que la mission de
l’OU est d’optimiser l’allocation de la ressource sans compromettre son bon état » (p.35)36, les
sanctions sont alors utiles. Si sanctions il y a, il convient qu’elles soient graduées et progressives, en
prenant en compte une certaine tolérance dans le dépassement du VP ; par exemple, appliquer une

35
Ibid
36
Loubier, Sébastien, et Marc Polge. « Etude sur les règlements intérieurs des Organismes Uniques de Gestion Collective et
sur leur critère d’allocation de la ressource en eau », mars 2016.

32/53
sanction uniquement si le volume attribué est dépassé de plus de 5 ou 10%. Enfin, comme il apparait
complexe de mettre en place des sanctions monétaires (légitimité et pouvoir de l’OU limités ; la
surconsommation n’entraine pas de surcoût pour l’OU et ne peut donc pas être supportée par
l’irrigant), des sanctions volumétriques peuvent être instaurées. Ainsi, en cas de dépassement en
année n, l’allocation de l’année n+1 serait réduite de façon proportionnelle au dépassement de l’année
n.

4. Conclusions partielles de l’enquête concernant la


création de l’OUGC

L’orientation prise par la profession agricole est celle d’un groupement d’intérêt public (GIP), présenté
comme le choix « tous ensemble » car il permet d’associer des personnes de droit public et privé et de
ne créer qu’un seul OUGC sur le BV de l’Aude. Pourtant, D. Casteignau indique aussi que ce scénario
« tous ensemble » est très « agricolo-agricole », on retrouve donc ici encore l’idée que la profession
agricole doit « s’autogérer » et « s’autocontrôler ». Il s’agit de donner à l’OUGC une forme, des statuts
et un objet qui paraissent légitimes aux yeux des acteurs de la gestion de l’eau agricole du territoire
audois : l’acceptabilité de la règle de partage de l’eau dépend de la légitimité perçue de l’institution
qui l’instaure. Cela permet d’éviter le biais de la remise en cause de la légitimité réglementaire37 de
l’OUGC, c’est-à-dire de sa capacité et efficacité à intervenir et remplir son rôle.

L’OUGC doit être représentatif du territoire (représentation exhaustive de la profession agricole) et


doit avoir des pouvoirs étendus. Il s’agirait, dans ses statuts, de lui donner la possibilité de couvrir
plusieurs enjeux, même si dans la réalité toutes ces possibilités ne sont pas effectives dès la première
année. Le rôle effectif de l’OUGC peut être complété petit à petit, mais il semble admis de ne pas le
limiter d’emblée dans ses statuts par peur de manquer de temps ou de moyens. Ces statuts doivent
être modifiables à moyen terme, ce qui permet de garantir à la fois la stabilité de la structure et sa
pérennité grâce à une possible évolution. Il est admis que l’OUGC va : élaborer et appliquer un plan de
répartition de la ressource, collecter la demande en eau, émettre un avis sur les créations d’ouvrages
et fournir un rapport annuel au préfet. La question d’aller plus loin dans les missions de l’OUGC se
pose, à savoir tendre vers l’administration et la gestion hydraulique du dispositif de compensation (rôle
possible du SMMAR au sein de l’OUGC) ainsi que la mise en place et la gestion de nouveaux stockages.
Face à cela, deux remarques sont faites : tout d’abord il parait intéressant que la profession agricole,
via l’OUGC, développe une stratégie de stockage afin de mieux contrôler l’accès à la ressource et
d’« aller dans le sens voulu par la profession ». Pourtant, il apparait aussi que la création de nouveaux
stockages devrait se faire dans un 2nd temps car la gestion des projets actuels d’accès à la ressource
doit être assurée au préalable. Malgré cela, plus globalement, on observe aussi (surtout dans les
questionnaires) une remise en cause de la légitimité cognitive38 des quotas et de la nécessité de
répartir la ressource à travers un volume prélevable limité. Il est affirmé que cela véhicule une image
faussée de la réalité et que le problème est pris à l’envers : [4] « il faut d’abord créer de la ressource
avant de vouloir la partager », à travers la création de nouveaux stockages par exemple.

37
Moreau, Clémence, Jean-Daniel Rinaudo, et Patrice Garin. « La justice sociale dans la construction du jugement
d’acceptabilité. Analyse des réactions d’agriculteurs face à différentes règles de partage de l’eau souterraine. » Economie
rural, no 346 (avril 2015).
38
Moreau, Clémence, Jean-Daniel Rinaudo, et Patrice Garin. « La justice sociale dans la construction du jugement
d’acceptabilité. Analyse des réactions d’agriculteurs face à différentes règles de partage de l’eau souterraine. » Economie
rural, no 346 (avril 2015).

33/53
B. L’enquête sur les prix et coûts de l’eau d’irrigation
i. Traitement des données recueillies

En premier lieu, les caractéristiques de l’échantillon des répondants ont été analysées, pour les
irrigants individuels et structures collectives. Ensuite, une comparaison entre les coûts et prix en
présence en fonction du type d’irrigation, du mode d’organisation choisi et du type de ressource a été
réalisée. La validité de ces secondes analyses est donc relatives aux caractéristiques de l’échantillon
des répondants.

ii. Résultats de l’enquête


Dans l’analyse ci-dessous, les pourcentages sont exprimés par rapport au nombre de répondants.

Voici deux tableaux exposant les retours de questionnaires :


Nombre de questionnaires (ASA Zone
intégrées et non intégrées à une union) : A. amont A. médiane A. aval littoral BV Aude complet
Envoyés (nombre réel) 7 19 12 38
Retournés (% des envoyés) 14% 21% 58% 32%
Exploitables (nombre réel) 1 4 7 12
Exploitables (% des envoyés) 14% 21% 58% 32%
Tableau 3 : Analyse des questionnaires envoyés et retournés pour les ASA

Zone
Nombre de questionnaires :
Fresquel A. amont A. médiane A. aval littoral Carcassonne BV Aude
Envoyés (nombre réel) 6 10 39 39 4 98
Retournés (% des envoyés) 0 50% 28% 8% 50% 21%
Exploitables (nombre réel) 0 3 7 1 1 12
Exploitables (% des envoyés) 0 30% 18% 3% 25% 12%
Non N'irrigue pas NR 20% NR 5% 25 NR
exploitables (% Refus de remplir NR NR 3% 3% NR NR
des envoyés)
Exploit. vendue NR NR 5 NR NR NR
Tableau 4 : Analyse des questionnaires envoyés et retournés pour les irrigants individuels

Concernant les ASA, on remarque une surreprésentation du secteur Aude aval littoral, qui s’explique
par l’existence de l’Union d’ASA de l’Est audois ; cette structure assure en effet la gestion complète
des ASA qui en sont membres. L’Aude amont apparait en revanche sous représentée, ce qui peut aussi
s’expliquer par le fait que c’est un territoire moins organisé concernant l’irrigation. Les données
exploitées traduiront donc majoritairement la situation de l’est audois et de l’Aude médiane.
Concernant les irrigants individuels, on observe une sous-représentation de l’Est audois : seuls 3% des
questionnaires envoyés sont exploitables dans cet espace. Au contraire, on remarque un bon taux de
réponses pour les autres zones dans lesquelles le questionnaire a été envoyé : 30%, 18% et 25% de
questionnaires exploitables pour, respectivement, l’Aude amont, l’Aude médiane et les environs de
Carcassonne. Ainsi, l’analyse des données issues de ces questionnaires ne sera peut-être pas
représentative de la situation dans l’Est audois, contrairement à l’analyse des données issues des
questionnaires envoyés aux ASA.

34/53
On remarque donc un taux de retour de 32% pour les ASA et de 21% pour les irrigants individuels ; le
taux de questionnaires exploitables est de 32% également pour les ASA, mais tombe à 12% pour les
irrigants individuels. La structuration collective des irrigants semble permettre un taux de retour plus
important, même si globalement, le taux de données exploitables reste faible. Les données recueillies
ne permettront donc pas de faire une analyse pas sous bassin versant, seule une analyse globale du
bassin versant Aude sera réalisée.

En tout, seuls 24 questionnaires étaient exploitables (irrigation collective et individuelle) ; les résultats
de cette étude sont donc à manier avec prudence. Outre la sensibilité politique du sujet, la prise de
contact avec les irrigants fut complexe, comme expliqué ci-dessus ; la période de lancement de
l’enquête (début de la saison d’irrigation), la complexité du questionnaire (demande des données
précises concernant l’utilisation et les coûts de la ressource, le fonctionnement des réseaux et des
structures tarifaires, etc) ou sa longueur (5 pages en moyenne, hors annexes) peuvent en partie
expliquer le faible nombre de retour. Pour pallier ces biais, il était mentionné en introduction quelles
étaient les parties les plus importantes à remplir et qu’il n’était pas nécessaire de répondre à toutes
les questions pour passer aux suivantes. Pourtant, cela a causé des « trous » dans les questionnaires
et un manque important de données, notamment sur :
- La gestion des exploitations ou des structures collectives
- Le détail des coûts liés à une ressource
- Le détail des volumes et hectares liés à un tarif au sein de structures collectives.

La sous-représentation de l’Ouest audois dans les résultats s’explique par le fait que ce territoire, déjà
efficacement organisé, ne souhaitait pas remplir le questionnaire, malgré une réunion organisée avec
le président et les techniciens de cette structure afin d’expliquer le sens et les buts de l’enquête. De
même, cette structure ne souhaitait pas faire passer le questionnaire à ces adhérents mais fournir elle-
même une partie des données demandées (par exemple : choix de ne pas mentionner les coûts en
énergie car cela résulte en partie d’un choix d’équipement individuel). La présence et l’efficience
d’organisation de la SICA, qui regroupe quasiment tous les irrigants individuels en son sein, explique
donc le faible nombre d’irrigants individuels ciblés dans l’ouest audois et l’absence d’ASA sur ce
secteur.

Poser la question du prix de l’eau revient aussi à remettre en question le paradigme de « l’eau
gratuite pour l’irrigation », dominant jusqu’à présent, du fait des quotas réservés aux irrigants et « déjà
payés », par le ministère de l’agriculture dans les grandes retenues du BV ; mettre en exergue les coûts
et prix de l’eau revient à affirmer que l’eau ne peut plus être gratuite, ce qui est socialement complexe
à faire accepter. Nombreux ont été les agriculteurs à évoquer cela, lors d’échanges dans le cadre de
cette enquête : faire payer l’eau est perçu comme illégitime car l’eau apparait comme un bien
commun, appartenant à tous et ne pouvant donc pas être vendu. 6% des interrogés ont refusé de
remplir ce questionnaire pour ces raisons, et 20% ont affirmé ne pas irriguer malgré leur présence sur
les listes de préleveur de la DDTM. Au sein de la chambre d’agriculture aussi, la sensibilité politique du
sujet était visible : le questionnaire a été relu, amendé puis validé par le chef du service eau, le
président de la chambre et le bureau de la chambre d’agriculture. Cela peut expliquer le laps de temps
important entre l’élaboration de l’enquête et son lancement (deux mois).

35/53
1. L’irrigation individuelle

Être irrigant individuel signifie, pour au moins une des parcelles de l’exploitation, ne pas être intégré
dans une structure collective ayant pour objet l’irrigation ; cela signifie que l’irrigant « supporte
directement les coûts relatifs [aux fonctions d’irrigation] qu’il assure pour son propre compte »39.

a. Caractéristiques techniques des exploitations


agricoles

Les exploitations enquêtées ont majoritairement entre 10 et 20 ha irrigués (cf annexe 10.1) et 80%
d’entre elles sont équipées d’un compteur, obligation datant de 1992, ce qui est légèrement supérieur
à la moyenne nationale. En France, 71% des exploitations sont équipées d’un compteur, ce qui
représente 85% des surfaces effectivement irriguées40.

La vigne est la culture principalement représentée (64% des exploitations interrogées cultivent en
majorité de la vigne), ce qui est cohérent avec l’usage local de la ressource : la vigne représente, sur le
bassin versant de l’Aude, 56% des surfaces irriguées et 90% des nouvelles demandes en eau
d’irrigation41. Dans l’analyse qui va suivre, c’est donc principalement l’usage de l’eau pour la vigne qui
sera représenté. 18% des exploitations interrogées déclarent faire majoritairement du maraîchage et
18% des grandes cultures. Cela marque fortement l’identité locale : à l’échelle nationale, la vigne
représente 2% des surfaces irriguées en 201342.

L’origine de la ressource en eau est assez diverse, et environ 40% des exploitations mobilisent au moins
deux ressources différentes. Majoritairement, c’est dans des cours d’eau non réalimentés que les
irrigants pompent (50% des ressources déclarées) ; les forages individuels représentent 20% des
ressources déclarées, contre 10% pour un prélèvement en canal. Les ressources stockées (individuelles
et collectives confondues) représentent aussi 20% des ressources déclarées.
Début juillet 2019, la quasi-totalité des cours d’eau du bassin versant de l’Aude affichaient déjà des
débits inférieurs au seuil de vigilance : l’Aude à Carcassonne et Moussoulens, le Fresquel, l’Orbieu, la
Berre et possiblement la Cesse (mesures artificiellement modifiées). Le seuil d’alerte a même été
dépassé ponctuellement ; ces cours d’eau ont donc été placés en « vigilance » par un arrêté
préfectoral, pouvant ensuite provoquer des restrictions de prélèvement si l’étiage devient plus sévère.
Le Fresquel et l’Orbieu ont par la suite été placés en « alerte renforcée » du fait des très faibles débits
observés, et des réductions de prélèvements de 25% ont déjà été appliquées le 16 juillet 2019. Or, les
cours d’eau impactés représentent 50% des ressources déclarées par exploitations irrigants, sans
compter les irrigants de l’Est audois prélevant dans des canaux ; réduire voire interdire les
prélèvements dans ces milieux impacte donc directement 50% des exploitations agricoles au moins.

39
Levy, Jean-Didier, Michel Bertin, Bernard Combes, Josy Mazodier, et Alain Roux. « IRRIGATION DURABLE. MINISTERE DE
L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE Conseil Général du Génie Rural, des Eaux et des
Forêts ». Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité, 9 février 2005.
40
Amigues, Jean-Pierre, Alban Thomas, Sophie Allain, Isabelle Doussan, et Stéphane Ghiotti. « Usages agricoles et
ressource en eau ». In ESCo, Sécheresse et agriculture, s. d.
41
Schéma directeur de valorisation de l’eau brute et adaptation au changement climatique du département de l’Aude,
département de l’Aude, BRL ingénierie, juin 2017
42 Jourdren, Marine, Sébastien Loubier, et Myriam Campardon. « La tarification dans les réseaux collectifs d’irrigation - un

état des lieux en 2016. » Irstea - UMR G-Eau, janvier 2017.

36/53
On voit ici l’intérêt potentiel du dispositif de compensation des prélèvements agricoles, part du soutien
d’étiage, qui permettrait de sécuriser ces ressources.

b. Quelle irrigation ?

L’irrigation sous pression est mobilisée dans 78% des exploitations, le reste étant de l’irrigation
gravitaire ; concernant l’irrigation individuelle, on n’observe pas de cohabitation entre différents types
d’irrigation (sous pression ou gravitaire) au sein d’une même exploitation.
On observe que majoritairement, les volumes utilisés pour l’irrigation sont stables, tout comme les
surfaces irriguées sont stables (64% des répondants déclarent que les surfaces irriguées sont stables,
67% pour les volumes). Si on n’observe pas de baisse de l’irrigation, 1/10 des répondants déclarent
une augmentation des surfaces irriguées accompagnée d’un volume utilisé stable. Cela correspond à
une utilisation réallocation de la ressource, ou à l’usage d’un volume plus faible par parcelle ; cela peut
démontrer un usage plus raisonné de la ressource en eau. Environ 1/3 des exploitations déclarent une
augmentation des surfaces irriguées, accompagnée d’une augmentation du volume utilisé ; l’irrigation
est donc toujours en développement et de nouvelles demandes émergent.
L’irrigation est jugée « indispensable » par 90% des répondants (les 10% restants la jugent « utile ») ;
l’irrigation a, a priori, trois objectifs : assurer de meilleurs rendements, de meilleure qualité et faire
office d’assurance face aux aléas climatiques. Ici, les raisons évoquées faisant de l’irrigation une
pratique nécessaire sont :
- L’irrigation permet de maintenir les rendements (50%)
- L’irrigation permet de compenser le manque de pluie (20%)
- L’irrigation améliore la qualité des plants (10%)
- L’irrigation limite la mortalité des plants (10%)
- L’irrigation est nécessaire dans le cadre d’une transformation des pratiques (reconversion en
agriculture biologique) (10%)

La priorité reste de maintenir les rendements ; le fait d’irriguer découle donc d’un choix individuel des
agriculteurs, mais est aussi une conséquence des exigences de productivité qui pèsent sur les
exploitations et de la nécessité d’être rentable, du fait d’un taux d’endettement fort et de l’importance
du capital immobilisé43. Irriguer est donc un choix, mais aussi une conséquence des contraintes pesant
sur les agriculteurs.

c. Quels coûts et prix pour l’irrigation individuelle ?

En moyenne, sur le bassin versant de l’Aude, le coût total de l’irrigation individuelle est de 285 euros
par hectare irrigué par an ou 0.23 euros par m3 consommé. Ces coûts moyens sont calculés toutes
cultures et types d’irrigation confondus ; ils ne comprennent pas les redevances pour prélèvement
dues à l’Agence de l’eau RMC ni le capital initial investi pour créer le réseau d’irrigation. Ces coûts
correspondent aux frais de fonctionnement (électricité, rénovation, prix d’accès à la ressource, autres
chargées liées à l’irrigation). Je ne disposais pas de données suffisantes pour pouvoir analyser les coûts
en fonction du type de ressource, d’assolement ou d’irrigation spécifiquement pour l’irrigation
individuelle.

43
Amigues, Jean-Pierre, Alban Thomas, Sophie Allain, Isabelle Doussan, et Stéphane Ghiotti. « Usages agricoles et
ressource en eau ». In ESCo, Sécheresse et agriculture, s. d.

37/53
En moyenne, les charges annuelles uniquement liées à l’irrigation représentent 43% des charges
totales annuelles de l’exploitation ; cela comprend à la fois les charges fixes et les charges variables.
Dans les questionnaires, je ne disposais pas des informations nécessaires pour différencier charges
fixes et charges variables. Si on ne compte que les charges fixes, en moyenne en France l’irrigation
représente 20% des charges totales fixes de l’exploitation44.
Le SDEB indique que l’irrigation entraine un surcoût par hectare de 30 euros par an, dû à un désherbage
ou des traitements supplémentaires que l’irrigation rend nécessaires. Dans les questionnaires, la
question suivante a été posée : « Avez-vous remarqué des charges supplémentaires de désherbage,
rognage ou traitement sur vos parcelles irriguées ? » ; 100% des réponses recueillies sont négatives.
On observe donc là une nette divergence entre ce qui est observé par les irrigants et les conséquences
supposées de l’irrigation.

2. L’irrigation au sein des unions d’ASA et de la SICA


Organisation ASEAude Union des ASA de SICA d’irrigation de l’Ouest audois
l’Aude médiane
Nom du tarif Cotisation annuelle Cotisation annuelle Réseau BRL Rivières Retenue
(tarif moyen de réalimentées individuelle
base)
Abonnement 9.50 E / ha / an 1.34 E / ha / an 213.574 E / an / - -
(part fixe) point de
prélèvement

+ coût au m3 - - 0.1089 E 0.07 E -


(part variable)
+ coût individuel - - NR NR
en énergie
+ autre(s) Droit d’entrée à - Rémunération - -
compris dans prix l’union : 9.50 E x de la SICA : 10%
moyen nombre d’ha de l’ASA du montant
en question total de la
facture
= prix moyen 9.50 E / ha / an 1.34 E / ha / an 0.2 E / m3 0.07 E / m3 NR
total consommé (info consommé
SICA)
200 E / ha
irrigué /an
+ autre(s) non Tarif(s) de l’ASA Tarif(s) de l’ASA - - -
compris dans prix membre concernée membre concernée
moyen
Tableau 7 : tarifs pratiqués au sein des unions d’ASA et la SICA d’irrigation
Légende : NR : coût pouvant exister mais non renseigné ; - : coût non existant

D’après les tarifs ci-dessus, le montant prélevé pour financer le travail réalisé par les unions d’ASA
représente en moyenne 0.005% du prix de l’eau au m3 pour les irrigants membres des ASA qui sont
dans ces structures. Cela est apparait faible par rapport au service fourni.

44
Levy, Jean-Didier, Michel Bertin, Bernard Combes, Josy Mazodier, et Alain Roux. « IRRIGATION DURABLE. MINISTERE DE
L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE Conseil Général du Génie Rural, des Eaux et des
Forêts ». Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité, 9 février 2005.

38/53
3. L’irrigation au sein des ASA

La forme juridique des associations d’irrigants dans l’Aude est relativement uniforme : sur les 38
structures collectives d’irrigation en activité, 2 sont des associations syndicales libres (ASL) et 36 sont
des associations syndicales autorisées (ASA). Actuellement, les ASA ont tendance à se regrouper en
fusionnant ou en intégrant des unions d’ASA : la gestion devient peu à peu collective à une plus grande
échelle. Sur les 38 ASA enquêtées, 2 n’ont pas répondu car elles ont fusionné avec une autre ASA et
16 sont membres d’une union d’ASA.
Le taux de retour global de 32% pour les ASA ainsi que le faible nombre de retour pour certains secteurs
(Aude amont) font qu’il n’est pas pertinent de faire une analyse secteur par secteur ; les données ont
donc été traitées de façon globale sur le bassin versant de l’Aude.

a. Caractéristiques des réseaux collectifs

L’irrigation collective s’est développée très tôt dans ce département, qui compte actuellement un
maillage dense de réseaux d’irrigation, pour lesquels l’enjeu est actuellement de bâtir une gestion plus
concertée et de rationnaliser l’usage de la ressource, qui vient à manquer les mois où les besoins sont
les plus hauts. Les premiers réseaux d’irrigation collective ont été créés dans les années 1830 ; ils
comptent actuellement, en moyenne, 242 adhérents. L’Aude est, tout au long du 20e siècle, le
septième département en France en termes de nombre de structure collective d’irrigation45.
Les périmètres irrigués ou irrigables des ASA sont hétérogènes ; pour les 12 ASA ayant répondu au
questionnaire, le périmètre irrigable total est de 24 960 ha et le périmètre irrigué total est de 9 938 ha
(cf annexe 10.2)
Les cultures principales des réseaux collectifs interrogés sont plus diverses que celles des exploitations
individuelles ; la vigne reste majoritaire (52% des réseaux déclarent que la vigne est la culture
principale). On retrouve ensuite les grandes cultures (17%), l’arboriculture et le maraîchage (12%
chacun) et enfin des prairies (4%). Ici encore, l’identité du territoire se remarque fortement, la culture
de la vigne, qui provoque un usage spécifique de la ressource.
L’origine de la ressource est majoritairement les canaux (canal du Midi ou de la Robine, à 47%) ; les
cours d’eau représentent 20% des ressources déclarées, tout comme les stockages. Le raccordement
au réseau BRL représente 13% des ressources déclarées. On remarque ici de fortes divergences avec
les exploitations individuelles : aucune d’entre elle n’est raccordée individuellement au réseau BRL,
par exemple. Les cours d’eau ne sont plus, au niveau collectif, la ressource majoritairement exploitée ;
cette différence peut s’expliquer par la surreprésentation des ASA de l’Est audois, membres de l’Union
des ASA de l’Est audois, regroupées autour du canal de la Robine.

b. Quelle irrigation ?

En moyenne, les surfaces irriguées représentent 40% des surfaces irrigables. Cela signifie qu’il y a 60%
des surfaces qui sont équipées pour être irriguées mais qui ne le sont pas ; les raisons expliquant cela
peuvent être les assolements en présence, la disponibilité ou le coût de la ressource.
L’irrigation n’est pas le seul usage des réseaux collectifs, au contraire des réseaux individuels ; 42% des
réseaux collectifs n’ont que l’irrigation pour objet, 33% d’entre eux ont pour objet l’irrigation et la lutte
antigel tandis que 25% d’entre eux ont pour objet l’irrigation et le dessalement. D’autres objets

45
Amigues, Jean-Pierre, Alban Thomas, Sophie Allain, Isabelle Doussan, et Stéphane Ghiotti. « Usages agricoles et
ressource en eau ». In ESCo, Sécheresse et agriculture, s. d.

39/53
existent, comme l’alimentation en eau potable (ASA membre d’un syndicat mixte à ce titre) ou la
gestion des écoulements, mais sont minoritaires ; même si ce travail se centre sur l’eau agricole, il
parait important de souligner que les ASA ne sont donc pas uniquement centrées autour du monde
agricole et que le multi-usage des réseaux est relativement important46.
Concernant l’irrigation, l’irrigation sous pression est majoritaire (40% des structures collectives
interrogées ont uniquement un réseau sous pression) ; 33% des structures collectives ont un réseau
qui fonctionne uniquement en gravitaire et parmi ces derniers, 6% fonctionnent avec un réseau
gravitaire modernisé (cf définition p.1). 27% des structures collectives ont à la fois un réseau sous
pression et gravitaire.
Au sein de tous ces réseaux, la distribution de l’eau se fait suivant deux modalités : soit à la demande
(70% des structures collectives), soit selon un calendrier établi en début de saison, qui définit des tours
d’eau (30%).
Concernant l’évolution de l’irrigation, les surfaces irriguées et les volumes mobilisés par les structures
collectives sont majoritairement stables (58% des structures collectives déclarent que les volumes
mobilisés et surfaces irriguées sont stables). 17% déclarent une hausse des volumes consommés et
surfaces, tandis que 25% déclarent une baisse des volumes et surfaces ; en termes de nombre de
structures collectives, on observe donc en moyenne une baisse des volumes mobilisés pour l’irrigation
et des surfaces effectivement irriguées.

c. Quels coûts, prix et tarification au sein des


ASA ?

o Tarifs en présence
Une majorité des ASA interrogée fonctionne avec un tarif unique pour tous les adhérents, mais 46%
d’entre elles ont au moins deux tarifs différents : 31% deux tarifs, 15% trois tarifs différents. On
remarque que le fait d’avoir plusieurs tarifs permet d’ajuster le prix selon les critères suivants :
- La taille de la surface irriguée
- Le secteur où se trouvent les parcelles irriguées
- Le type d’irrigation
- Le coût du fonctionnement de la structure collective et le coût de fonctionnement de
l’irrigation

46
Jourdren, Marine, Sébastien Loubier, et Myriam Campardon. « La tarification dans les réseaux collectifs d’irrigation - un
état des lieux en 2016. » Irstea - UMR G-Eau, janvier 2017.

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Tarifs de l'irrigation
Variable Forfaitaire Binomial Trinomial
Surface Surface souscrite + débit
Volume Surface souscrite + Adhérent Surface souscrite +
souscrite (/ souscrit + par adhérent ou au
consommé surface irriguée (/ an) (/ an) volume consommé
an) volume consommé
19 E / ha souscrit + 67 E / ha + 0,14 E / 34 E / ha souscrit + 0,08 / m3 +
0,063 E / m3 165 E / ha 30 E / adh
21,5 E / ha irr m3 193 E / adh
25 E / par + 22 E / ha 100 E / ha + 0,09 E / 36,5 E / ha souscrit + 0,10 E /
159 E / ha 30 E / adh
irr m3 m3 + 14 E/ m3/h
36,5 E / par + 100 E / 100 E / ha + 0,123 E /
56 E / par.
ha irr m3
123 E / ha souscrit + 46
231 E / ha
E / ha irr.
61 E / ha
Tableau 8 : tarifs présents au sein des structures interrogées. Ce tarif ne renseigne pas tous les tarifs de toutes les ASA mais
seulement ceux dont les données étaient exploitables.
Légende : irrigation gravitaire, irrigation sous pression ; par. : parcelle ; ha : hectare ; adh : adhérent ; irr : irrigué

Les bases de calcul des tarifs sont hétérogènes, tout comme les montants de ces tarifs ; les critères les
plus souvent mobilisés sont les surfaces souscrites, les surfaces irriguées et le volume consommé. La
majorité des tarifs combine plusieurs critères, dans le but de répartir les coûts de la façon la plus juste
possible en fonction des usages, par exemple en tenant compte à la fois des surfaces souscrites par les
irrigants et des surfaces effectivement irriguées. Combiner plusieurs critères peut impliquer d’intégrer
une part variable au tarif (par exemple, en fonction du volume consommé), ce qui induit une gestion
plus complexe. Ainsi, 69% des ASA interrogées ont un tarif forfaitaire, par adhérent ou par nombre
d’hectares souscrits. Cette part fixe permet d’assurer l’équilibre budgétaire des réseaux collectifs
d’irrigation, qui ont souvent une « rentabilité économique fragile »47. On retrouve aussi des tarifs fixés
à la parcelle, avec une différence faite pour les parcelles inférieures à un hectare et celles supérieures
à un hectare. Les tarifs fixes par adhérent sont plus rares, on n’en retrouve qu’un seul, regroupant
l’irrigation sous pression et gravitaire du réseau. Si les bases les plus fréquentes prises en compte sont
la surface souscrite et le volume consommé, certaines ASA y ajoutent un prix par adhérent ou la prise
en compte du débit souscrit, mais cela reste rare. On remarque aussi une certaine homogénéité
géographique : les tarifs à la parcelle sont fréquents sur l’Est audois mais n’existent pas ailleurs sur le
territoire ; cela peut s’expliquer par la présence des unions d’ASA, qui peuvent permettre une
coordination de la gestion de l’eau sur un territoire, ou simplement l’histoire locale.

On remarque aussi une tarification distincte selon le type d’irrigation en présence sur le réseau : les
tarifications des réseaux gravitaires sont en majorité fixe à la surface (souscrite et irriguée) et une seule
prend en compte le volume consommé. Seuls les réseaux sous pression ont des tarifications
binomiales, c’est-à-dire avec une part fixe et une part variable ; la majorité des tarifications pour l’eau
sous pression tient compte des volumes consommés.
Concernant la perception des tarifs existants, le tableau peint par les ASA concernées est plutôt positif :
90% de ces dernières estiment que leur/s tarif/s est/sont bien accepté/s par les adhérents concernés.
De même, 60% des ASA estiment que le prix existant sur le réseau est moyen, 40% estiment qu’il est
bas, et cela malgré la grande diversité existante, entre les tarifications observées.
Nous allons à présent nous intéresser aux tarifs en eux-mêmes, en calculant le montant du tarif moyen
en fonction du type de tarif et du type d’irrigation ; le tarif moyen correspond à la moyenne respective

47
Jourdren, Marine, Sébastien Loubier, et Myriam Campardon. « La tarification dans les réseaux collectifs d’irrigation - un
état des lieux en 2016. » Irstea - UMR G-Eau, janvier 2017.

41/53
des charges imputées à chacune des bases choisies pour un tarif (respectivement part fixe et variable,
par exemple).

Tarifs moyens de l’irrigation


Forfaitaire (surface souscrite) Binomial (surface souscrite +
volume consommé)
200448 234 E / ha 96 E / ha + 0.07 E / m3
201749 Irrigation sous pression et gravitaire 183.8 E / ha -
Irrigation sous pression 215.8 E / ha 126.9 E / ha + 0.098 E / m3
Irrigation gravitaire 105.6 E / ha -
2018 Irrigation sous pression et gravitaire 134,4 E / ha -
(Aude) Irrigation sous pression 146 E / ha 89 E / ha + 0,118 E / m3
Irrigation gravitaire 127 E / ha -
Tableau 9 : Tarifs moyens de l’irrigation au sein des réseaux collectifs (gravitaire et sous pression)

Il parait intéressant de comparer l’évolution entre 2004 et 2017/2018, bien que cette comparaison
doive être faite avec prudence car deux des études citées ci-dessus (2004 et 2017) sont réalisées sur
l’ensemble du territoire français et la dernière (2018) uniquement sur le bassin versant de l’Aude. Entre
2004 et 2017, on remarque une augmentation de 40% des tarifs binomiaux et une baisse sensible des
forfaits à la surface, qui concernent majoritairement les réseaux gravitaires. Si l’on isole les différents
facteurs pouvant causer une hausse des tarifs, on remarque que c’est la variation du prix de l’énergie
qui est déterminante50 : la hausse des tarifs n’est pas liée à des variations de consommation d’eau ou
d’assolement.

En moyenne, les tarifs audois sont moins élevés que les tarifs pratiqués à l’échelle nationale : le tarif
moyen forfaitaire pour l’irrigation sous pression et gravitaire audoise représente 73% du tarif moyen
forfaitaire pour ces deux types d’irrigation à l’échelle nationale. De même, le tarif binomial audois,
même s’il ne vaut que pour l’irrigation sous pression, est inférieur aux moyennes nationales en 2004
et 2017 : irriguer en sous pression un hectare de vigne (1 100 m3 en moyenne) coûte 234,7 euros avec
le tarif moyen national, et 218.8 euros avec le tarif moyen audois. L’eau d’irrigation au sein des
structures collectives n’est donc pas « chère » dans ce bassin versant, par rapport aux tarifs moyens
nationaux. Les tarifs binomiaux entraînent un coût de l’irrigation plus élevé que les tarifs forfaitaires,
ce qui peut s’expliquer par le fait que les tarifs binomiaux sont mobilisés principalement par des
réseaux sous pression qui ont des charges plus élevées que les réseaux gravitaires. De ce fait, et aussi
car les tarifs binomiaux sont indexés à la consommation, ces derniers paraissent être ceux favorisant
le plus les économies d’eau, qui sont l’objectif principal de la législation actuelle.
Certains réseaux d’irrigation sont aussi mobilisés pour les usages urbains de la ressource,
majoritairement pour des jardins. Ces usages très consommateurs en eau bénéficient de tarifs
spécifiques, forfaitaires à la surface ou indexés à la consommation en eau ; ils sont en moyenne un
tiers inférieurs aux autres tarifs du réseau dont ils sont membres. Ces usages bénéficient donc de tarifs
favorables.

o Analyse des prix moyens au sein des réseaux


Il apparait maintenant intéressant d’analyser le prix moyen de l’eau d’irrigation au sein des réseaux,
calculé pour un m3 consommé ou pour un hectare irrigué. Au sein des réseaux à plusieurs tarifs, il a

48
Jourdren, Marine, Sébastien Loubier, et Myriam Campardon. « La tarification dans les réseaux collectifs d’irrigation - un
état des lieux en 2016. » Irstea - UMR G-Eau, janvier 2017.
49
Ibid
50
Ibid

42/53
été complexe de reconstituer le prix moyen de l’eau car les consommations d’eau et les hectares
concernés n’étaient pas renseignés indépendamment pour chaque tarif mais globalement sur le
réseau. Les moyennes de consommation d’eau par culture renseignées en introduction ont donc été
mobilisées pour estimer le prix moyen de l’eau sur ces réseaux ; les résultats ci-dessous sont donc
relatifs aux moyennes mobilisées et comprennent les cotisations versées aux unions d’ASA, lorsque
c’est le cas.

Prix moyen total51 (2017, Prix moyen total (2018, Aude, E Prix moyen total (2018, Aude,
France, E / m3 consommé) / m3 consommé) E / ha irrigué / an)
Moyennes 0.1 0.259 158.1
Moyennes (irrigation
0.14 0.374 198.8
sous pression)
Moyennes (irrigation
0.027 0.027 102.9
gravitaire)
Tableau 10 : Prix moyens de l’irrigation au sein des structures collectives dans le bassin versant de l’Aude

Les prix moyens totaux de 2017 et 2018 n’ont pas été calculés avec la même méthode ; les premiers
sont issus d’une étude menée par l’Irstea à l’échelle nationale et les seconds de mon étude, centrée
sur le bassin versant de l’Aude. Ils ont été calculés en divisant les recettes des ventes d’eau du réseau
concerné par les volumes d’eau prélevés par ce réseau, ou par les hectares concernés du réseau ; pour
les prix moyens totaux sur le bassin versant de l’Aude, les recettes prises en compte ont été estimées
sur la base des tarifs indiqués, pour les consommations en eau de 2018. D’après les résultats obtenus,
il apparait que ces recettes prises en compte ont été surestimées, mais je n’ai pas réussi à corriger ce
biais. Ces résultats ne sont pas en tant que tels exploitables, ni comparables aux prix moyens
nationaux ; ils ont malgré cela une validité relative, c’est-à-dire qu’ils peuvent être comparés entre
eux, au sein du bassin versant de l’Aude. Les différences apparaissant entre les prix moyens au m3 et
les prix moyens à l’hectare peuvent s’expliquer par une consommation d’eau moyenne plus ou moins
importante par hectare.
On remarque que les prix moyens audois (m3 consommé) sont en moyenne deux fois supérieurs aux
prix moyens nationaux ; cela entre en contradiction avec les informations données par l’analyse des
tarifs moyens (ci-dessus). En effet, les tarifs moyens audois sont inférieurs aux tarifs moyens nationaux,
ce qui entre en contradiction avec le fait que les prix moyens audois soient supérieurs aux prix moyens
nationaux. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les agriculteurs audois consomment, en moyenne
par hectare, plus d’eau que la moyenne nationale. Les prix de l’eau dans l’Aude sont caractérisés par
une grande diversité et des écarts importants en minimum et maximum, comme le montrent les
analyses ci-dessous.

Les prix de l’eau au m3 varient entre 0.012 euros et 1.212 euros (cf annexe 11.1), avec une moyenne
générale à 0.259 euros (0.374 pour l’irrigation sous pression et 0.027 pour l’irrigation gravitaire).
Quasiment tous les prix au m3 sur les réseaux étudiés se situent entre 0 et 0.2 E/m3 ; deux se situent
entre 0.2 et 0.4 E/m3, deux entre 0.8 et 1.2 E/m3. On remarque que le prix moyen de l’irrigation
gravitaire est similaire aux prix les plus bas sur ces réseaux.
Les prix de l’eau à l’hectare varient entre 28.5 euros et 456.1 euros, avec une moyenne générale à
158.1 euros (198.8 pour l’irrigation sous pression et 102.9 pour l’irrigation gravitaire). La majorité des
prix de l’eau à l’hectare se situe entre 50 et 200 euros par hectare, ce qui reste un écart relativement
large. De même que pour les prix au m3, le prix moyen à l’hectare de l’irrigation gravitaire se rapproche
des prix les plus bas des réseaux étudiés.

51
Jourdren, Marine, Sébastien Loubier, et Myriam Campardon. « La tarification dans les réseaux collectifs d’irrigation - un
état des lieux en 2016. » Irstea - UMR G-Eau, janvier 2017.

43/53
Malgré la faible élasticité de la demande en eau d’irrigation52, les 2/3 des ASA estiment que le prix
influence les consommations en eau. Plus précisément :
- Le « prix de l’eau » influence le moment choisi pour irriguer (plus ou moins tôt dans la saison)
- Donner à la ressource un prix jugé plus élevé permet de lui donner de l’importance, et donc à
la fois d’assurer une meilleure gestion (plus de concertation) et d’économiser la ressource
(moins de gaspillage, usage raisonné).

Le prix que doivent payer les irrigants pour accéder à la ressource n’est donc pas neutre, il influence
l’utilisation de la ressource et la perception qu’ont les irrigants de cette ressource. Le prix de l’eau peut
donc être un outil pour gérer la ressource. L’eau est en effet un facteur de production, auquel il est
donc possible d’attribuer une valeur économique ; son prix peut donc être une traduction économique
de la valeur qui lui est donnée, ou de la valeur que la société attribue à cet usage53. Actuellement, la
législation semble appuyer des tarifications qui favorisent les économies d’eau, l’évolution des
assolements en fonction du climat local et l’amélioration de la qualité de l’eau54.

4. Analyses combinées de l’irrigation individuelle et


collective
a. Comparaison entre irrigation individuelle et
collective

o Intégrer une structure collective ?

25% des irrigants individuels ayant retourné un questionnaire exploitable sont en réalité membres
d’une ASA, mais uniquement pour une partie de leurs parcelles irriguées ; ils sont donc à la fois irrigants
individuels et insérés dans une gestion collective. Cela permet de relativiser le fossé entre irrigation
individuelle et collective, deux formes d’organisation qui coexistent au sein même des exploitations.
Les contraintes techniques (dimensionnement des réseaux) et historiques (périmètre des exploitations
ayant évolué avec le temps) expliquent cela.
Intégrer ou non une structure collective est donc parfois une conséquence de contraintes extérieures,
ou un choix individuel ; 40% des irrigants non-membres de structures collectives interrogés souhaitent
intégrer une structure collective et mentionnent deux raisons à cela. En premier lieu, tout simplement
car une ASA est en cours de création sur leur territoire, mais aussi car cela leur permet d’irriguer de
nouvelles parcelles. En revanche, 60% des irrigants individuels interrogés ne souhaitent pas intégrer
une structure collective ; si l’absence de structure locale est évoquée comme une raison, c’est
majoritairement parce que l’irrigation collective est perçue comme « inutile » et « trop chère » que les
irrigants ne souhaitent pas y entrer. En 2013, le taux de raccordement à une structure collective était
de 50 à 70%, ce qui est supérieur à la moyenne nationale55 ; depuis, un effort a été mené à l’échelle

52
Neverre, N., Rinaudo, J.D., et Montginoul, M. « La tarification incitative : quel impact sur la demande en eau, l\’équilibre
budgétaire et l\’équité ? » TSM, no 12 (2010): 37-43.
53
Levy, Jean-Didier, Michel Bertin, Bernard Combes, Josy Mazodier, et Alain Roux. « IRRIGATION DURABLE. MINISTERE DE
L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE Conseil Général du Génie Rural, des Eaux et des
Forêts ». Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité, 9 février 2005.
54
Jourdren, Marine, Sébastien Loubier, et Myriam Campardon. « La tarification dans les réseaux collectifs d’irrigation - un
état des lieux en 2016. » Irstea - UMR G-Eau, janvier 2017.
55
Garin, P., Loubier, S., & Campardon, M. (2013). Irrigation individuelle - irrigation collective : état des lieux et contraintes.
Sciences Eaux & Territoires, 11, 86–89.

44/53
locale pour regrouper ces ASA et avoir une gestion plus concertée à l’échelle du bassin versant,
notamment grâce à la création des unions d’ASA en 2011.
L’irrigation collective a en effet un prix, qui correspond au service de gestion du réseau, de
modernisation et de sécurisation de la ressource. Les réseaux collectifs permettent en outre un multi-
usage des réseaux, ce que les réseaux individuels au sein du bassin versant de l’Aude n’assurent pas :
utilisation de l’eau agricole pour de la submersion antigel ou pour dessaler les terres. L’irrigation
collective semble permettre de sécuriser la ressource : les irrigants insérés dans une structure
collective semblent moins inquiets que les irrigants individuels quant à la disponibilité de la ressource
dans le futur. 70% des premiers estiment aussi que la disponibilité actuelle en eau est « adéquate »,
contre 51% des seconds.

En effet, les structures collectives engagent des travaux de modernisation ou des études de stockages
potentiels qui ont pour but de sécuriser la ressource à long terme. Par exemple, sur la période 2017-
2019, 47% des structures collectives ont effectués un investissement sur leur réseau (40% des
interrogées n’ont pas renseigné cette information, 13% ont répondu non) et 40% des irrigants
individuels ont réalisé un investissement sur leur réseau sur cette même période. Pour ces derniers,
les investissements ont été à 100% autofinancés, avec un coût moyen par exploitation et par an de
12 225 euros. Ces investissements étaient à 80% de la remise en état et rénovation des réseaux ; 20%
d’entre eux concernaient des travaux de plus grande ampleur, comme le passage de réseaux
gravitaires à des réseaux gravitaires modernisés ou sous pression. Au sein des réseaux collectifs
d’irrigation, 60% des travaux ont été subventionnés (les informations concernant les subventions ne
sont pas renseignées pour les 40% restant) à la hauteur de 80% ; le coût moyen de ces investissements
(hors subventions) était de 86 383 euros par ASA et de 17 277 euros par ASA après subventions, ce qui
fait un coût moyen par exploitation de 71 euros par an. 25% des travaux entrepris au sein des
structures collectives concernaient de la création de réseau. Moderniser les réseaux est aujourd’hui
une nécessité, afin de pérenniser l’irrigation et d’en améliorer le fonctionnement ; intégrer une
structure collective semble donc permettre de diminuer drastiquement le coût individuel de ces
investissements indispensables et d’effectuer des travaux de plus grandes ampleurs. Les structures
collectives semblent donc être un outil permettant de pérenniser l’irrigation56 et de rendre celle-ci
compatible avec d’autres enjeux prenant aujourd’hui de l’importance ; par exemple, les économies
d’eau sont un enjeu pris en compte au sein des réseaux collectifs d’irrigation mais non au sein des
réseaux individuels. En effet, une diminution du volume consommé est présente au sein des structures
collectives, mais non pour les irrigants individuels.

L’irrigation collective peut de plus avoir un poids politique plus fort et donc permettre de faire valoir
les intérêts des irrigants dans la gestion de l’eau à l’échelle locale, comme le montre la participation
des techniciens et élus des unions d’ASA aux comités de gestion de l’eau estivaux, aux côtés de
techniciens de la chambre d’agriculture, où peuvent se négocier les passages en alerte ou non de
certain cours d’eau en fonction des prélèvements des irrigants. Donner plus de poids aux structures
collectives d’irrigation peut donc être un outil pour pérenniser l’existence des espaces irrigués et de la
valeur ajoutée qu’ils apportent57, dont les intérêts sont parfois concurrencés par les intérêts de
l’espace urbain.

56
Garin, P., Loubier, S., & Campardon, M. (2013). Irrigation individuelle - irrigation collective : état des lieux et contraintes.
Sciences Eaux & Territoires, 11, 86–89.
57
Ibid

45/53
o Comparaison des coûts et prix de l’eau entre irrigation collective et
individuelle

Prix moyen (2018, Prix moyen (2018, E Prix moyen total (2018, Prix moyen total (2018,
E / m3 consommé) / ha irrigué / an) E / m3 consommé) E / ha irrigué / an)
Moyennes 0.251 154.1 0.259 158.1
Moyennes (irrigation
0.371 196.2 0.374 198.8
sous pression)
Moyennes (irrigation
0.015 98.1 0.027 102.9
gravitaire)
Tableau 11 : Prix moyens de l’irrigation au sein des structures collectives dans le bassin versant de l’Aude (les prix moyens
totaux correspondent aux prix moyens auxquels les cotisations des unions d’ASA ont été ajoutées)

Même si les données ci-dessus n’ont pas de validité absolue, comme expliqué ci-dessus, elles peuvent
être utilisées pour les comparer entre elles ; on remarque que les unions d’ASA impactent très
faiblement le prix de l’eau sur le bassin versant de l’Aude. Leur prix représente 0.005% du prix moyen
total de l’eau au m3 consommé et 0.02% du prix moyen total par hectare irrigué. Cela souligne que la
quasi-totalité du prix de l’eau est déterminée par des contraintes techniques ; de plus, malgré ce faible
impact économique, les unions d’ASA jouent un rôle déterminant dans la gestion de l’eau et la
concertation politique autour de cette ressource, comme le montrent les comités de gestion de l’eau,
réunis en période d’étiage.
Nous allons à présent comparer ce que coûte l’irrigation pour un agriculteur inséré dans un réseau
collectif ou hors d’un réseau collectif au sein du bassin versant de l’Aude ; ces données ne sont pas
comparées aux données nationales pour les raisons expliquées ci-dessus. Les prix renseignés ci-
dessous pour l’irrigation collective comprennent le coût des unions d’ASA, si nécessaire.

Pour l’irrigation individuelle (euros) Pour l’irrigation collective (euros)


Prix moyen par
Prix moyen par Prix moyen par Prix moyen par hectare irrigué
hectare irrigué
m3 consommé m3 consommé par an
par an
158.1
Irrigation gravitaire et + 135 (coût individuel
0.23 285 0.259 293.1
sous pression au sein des structures
collectives)
Tableau 12 : Prix moyens de l’irrigation dans l’Aude, 2018

Il apparait que les prix au m3 de l’irrigation individuelle et collective sont équivalents, tandis qu’à
l’hectare, l’irrigation individuelle est plus chère de 55% que l’irrigation collective. Cela peut être dû au
fait qu’au sein des structures collectives, il faut aussi ajouter un prix à l’hectare de 135 E / an58, qui
correspond par exemple au coût de raccordement de la borne à la parcelle. Le coût total à l’hectare de
l’irrigation collective est donc de 293.1 E / ha.
L’irrigation collective est donc un peu plus chère que l’irrigation individuelle, mais cette différence
apparait dérisoire au regard des coûts totaux de l’irrigation et des services fournis par un réseau
collectif (investissement, gestion et sécurisation de la ressource, comme évoqué ci-dessus).

58
Schéma directeur de valorisation de l’eau brute et adaptation au changement climatique du département de l’Aude,
département de l’Aude, BRL ingénierie, juin 2017

46/53
b. L’irrigation sous pression et gravitaire
Cette comparaison entre irrigation gravitaire et sous pression est réalisée uniquement à partir des
données issues des structures collectives d’irrigation ; pour l’irrigation gravitaire individuelle, seuls
deux répondants étaient concernés et les données contenues dans ces deux questionnaires n’étaient
pas pertinentes.
En moyenne, les réseaux gravitaires sont 45 ans plus jeunes que les réseaux sous pression ; c’est en
effet le premier type d’irrigation qui a été développé dans ce bassin versant. En 2013 en France, les
réseaux gravitaires comptaient plus d’adhérents et étaient plus étendus que les réseaux sous
pression59 ; aujourd’hui dans le bassin versant de l’Aude, les réseaux sous pression couvrent en
moyenne 2.5 fois plus de surfaces que les réseaux gravitaires, ce qui traduit une forte évolution des
méthodes d’irrigation. Actuellement, les politiques menées tendent à favoriser l’irrigation sous
pression notamment car celle-ci est plus économe en eau. En moyenne sur le bassin versant de l’Aude,
l’irrigation gravitaire consomme trois fois plus d’eau que l’irrigation sous pression (9 071 m3 par ha par
an, contre 3 385 m3 par ha par an).
54% des réseaux collectifs interrogés ont au moins une partie de leur réseau en gravitaire, et 27% ont
la totalité de leur réseau en gravitaire. 20% des interrogés ont un réseau gravitaire modernisé ;
l’irrigation gravitaire fait donc encore largement partie du paysage agricole audois, majoritairement
dans l’Est audois. De plus, le passage à l’irrigation sous pression n’est pas adapté à tous les territoires :
il est parfois nécessaire de conserver l’irrigation gravitaire dans des espaces où les sols sont salés.
Dessaler les sols par submersion est la seule solution pour pouvoir continuer à avoir une activité
agricole dans ces secteurs.
Le tarif moyen de l’irrigation gravitaire dans l’Aude est de 127 E / ha, contre 146 E / ha pour l’irrigation
sous pression ; seuls les tarifs forfaitaires ont pu être analysés pour l’irrigation gravitaire. L’irrigation
gravitaire semble donc bénéficier de tarifs favorables.

Prix moyen total60 (2017, Prix moyen total (2018, Aude, E Prix moyen total (2018, Aude,
France, E / m3 consommé) / m3 consommé) E / ha irrigué / an)
Moyennes 0.1 0.259 158.1
Moyennes (irrigation
0.14 0.374 198.8
sous pression)
Moyennes (irrigation
0.027 0.027 102.9
gravitaire)
Tableau 10 : Prix moyens de l’irrigation au sein des structures collectives dans le bassin versant de l’Aude

Les prix moyens calculés sur le bassin versant de l’Aude peuvent être comparés entre eux, comme
expliqué ci-dessus : s’ils n’ont pas de validité absolue, ils peuvent avoir une validité relative, c’est-à-
dire les uns par rapport aux autres. Le prix de l’eau au m3 est 13.8 fois supérieur au sein de réseaux
sous pression qu’au sein des réseaux gravitaires, du fait des différences de mode d’acheminement de
l’eau. Le prix de l’eau par hectare irrigué est 1.9 fois supérieur au sein des réseaux sous pression qu’au
sein des réseaux gravitaires. L’énergie utilisée pour faire fonctionner un réseau sous pression et les
investissements initiaux nécessaires expliquent cette différence ; en effet, les réseaux gravitaires sont
en moyenne plus anciens et les travaux de modernisation actuels, nécessitant d’importants capitaux,
concernent la création de réseau sous pression. Cependant, cette dernière doit être relativisée car les

59
Garin, P., Loubier, S., & Campardon, M. (2013). Irrigation individuelle - irrigation collective : état des lieux et contraintes.
Sciences Eaux & Territoires, 11, 86–89.
60
Jourdren, Marine, Sébastien Loubier, et Myriam Campardon. « La tarification dans les réseaux collectifs d’irrigation - un
état des lieux en 2016. » Irstea - UMR G-Eau, janvier 2017.

47/53
réseaux sous pression permettent d’utiliser moins d’eau, d’avoir une consommation plus efficace de
la ressource et donc de payer moins d’eau.

c. L’irrigation en fonction de l’origine de la


ressource

Origine de la Prix moyens au m3 Prix moyens à


ressource (E / m3) l'hectare (E / ha)
Cours d'eau 0,101 283,7
Canal 0,121 96,5
Stockage 0,407 303,2
Réseau BRL 1,212 75,8
Forage 0,540 323,0
Tableaux 13 : Prix moyens en fonction de l’origine de la ressource au sein des groupements d’irrigants et des préleveurs
individuels
Certains résultats exposés dans le tableau ci-dessus doivent être maniés avec prudence : aucune ASA
n’utilise de forage comme ressource, la ligne « forage » n’est donc représentative que des irrigants
individuels mobilisant cette ressource. De même, les prix moyens indiqués pour la ressource « BRL »
ne sont issues que d’une seule exploitation, et ne sont donc pas représentatives de la diversité en
présence ; malgré cela, le choix a été fait d’intégrer ces résultats au tableau car les tarifs BRL sont fixés
par l’entreprise et ne dépendent pas des contraintes internes aux exploitations.
Deux types de ressource semblent induire des coûts plus élevés pour les irrigants : les forages et les
retenues collinaires privées (c’est-à-dire mobilisée uniquement par un groupement d’irrigant ou un
irrigant). La ressource via BRL apparait chère au m3 mais non à l’hectare. Les prix moyens de l’eau au
m3 issue d’un cours d’eau ou d’un canal sont relativement équivalents, tandis que le prix moyen à
l’hectare de l’eau issue d’un cours d’eau est beaucoup plus élevé que l’eau issue d’un canal.

5. Perspectives
a. Quelle tarification pour l’eau d’irrigation ?

La question de la tarification de l’eau d’irrigation se pose afin d’évaluer l’efficacité et l’acceptation les
tarifications existantes actuellement, mais aussi afin d’anticiper les évolutions dans la gestion de l’eau
au sein du bassin versant de l’Aude. Par exemple, l’uniformisation des tarifications entre ASA au sein
d’une union, voir à l’échelle de sous bassin versant, est un enjeu qui a été évoqué lors de cette enquête.
De même, la création de l’OUGC implique de faire participer les préleveurs irrigants à ses dépenses,
sur la base de leur consommation en eau (surfaces, volumes, etc), et peu impliquer une nouvelle
tarification de l’eau d’irrigation. Il s’agit donc de comprendre quelles sont les tarifications jugées les
plus efficaces et les plus justes.
L’OUGC peut émettre une redevance, pour faire participer les préleveurs irrigants à ses coûts ; selon
l’article R211-11-2 du code de l’environnement, cette redevance doit comprendre une part forfaitaire
et si souhaité une part variable ; la redevance ne peut donc pas être uniquement fonction de la
consommation par exemple, elle doit comprendre une part fixe (forfaitaire). La partie variable de la
redevance peut être déterminée à partir des superficies irrigables ou irriguées, du nombre de point de
prélèvement, des volumes ou débit demandés ou autorisés. Les OUGC existants ont en majorité, créé

48/53
une redevance binomiale, avec une part fixe par préleveur ou par point de prélèvement et une part
variable par m3 consommé.

On remarque que les deux options les plus plébiscitées par les irrigants individuels pour définir un tarif
pour l’eau d’irrigation sont le volume consommé et la surface irriguée (cf annexe 12.1) ; actuellement
au sein des ASA, ce sont les critères de surface souscrite et volume consommé qui sont les plus utilisés
et les plus plébiscités (cf annexe 12.2), ce qui permet d’instaurer une part fixe (surface souscrite) et
une part variable (volume consommé).

Selon les irrigants individuels interrogés, la tarification de l’eau d’irrigation doit en premier lieu
permettre de garantir l’équité entre les irrigants (40%), et dans un second temps d’économiser l’eau
et d’assurer l’équilibre budgétaire de la structure gestionnaire (respectivement 27%). Pour 6% des
interrogés la tarification doit aussi assurer l’accès à l’eau à tous, ce qui rejoint l’idée d’un partage de
l’eau juste et équitable, qui doit pouvoir profiter à tous ceux qui ont besoin de la ressource.

La création de l’Organisme Unique de Gestion Collective (OUGC) sur le bassin versant de l’Aude aura
une conséquence sur ce que coûte l’accès à l’eau d’irrigation : cette structure a en effet un coût de
fonctionnement qui peut être répercuté sur les irrigants. L’option la plus plébiscitée est que le coût
soit variable en fonction du volume consommé (option choisie par 64% des irrigants individuels et 62%
des structures collectives). La seconde option la plus plébiscitée est d’introduire une part fixe par
préleveur (21% des irrigants individuels et 15% des structures collectives), ou par point de prélèvement
(7% des irrigants individuels et 15% des structures collectives). Une autre option, ajoutée par 7% des
irrigants individuels serait de faire varier la répercussion du coût de l’OUGC sur l’irrigant en fonction
de son chiffre d’affaire : plus le chiffre d’affaire est haut, plus la valorisation économique de l’eau
prélevée est bonne et donc plus l’irrigant en question est en mesure de payer un coût élevé. Cela
permet aussi de distinguer les petites des grosses exploitations.
Ayant pour vocation de définir un plan de répartition de la ressource et de gérer le volume prélevable
déterminé à l’échelle du bassin versant, l’OUGC est toujours vu comme « inutile » par certains irrigants
ou structures collectives.

b. La disponibilité de la ressource

L’arrêté préfectoral du 25 juillet 2019 place, au sein du bassin versant de l’Aude, deux axes de l’Aude
en alerte, les sous bassins versants de l’Agly et du Fresquel en alerte, 7 secteurs du bassin versant de
l’Aude en vigilance et deux autres en alerte renforcée. Cela traduit un manque d’eau critique en saison
estivale : ces seuils de « vigilance », « alerte » ou « alerte renforcée » entrainent des restrictions de
prélèvement (temporelle ou débimétrique), voir des interdictions de prélever.
Malgré cela, la disponibilité de la ressource est jugée « adéquate » par une majorité de préleveurs, à
savoir 51% des irrigants individuels et 70% des structures collectives ; elle est même jugée
« confortable » par 40% des irrigants individuels et 20% des structures collectives. Seuls 10% de ces
dernières jugent la disponibilité en eau insuffisante, tout comme 9% des irrigants individuels. Si la
vision de la disponibilité actuelle en eau est relativement positive, 60% des irrigants individuels et des
structures collectives craignent de devoir réduire leurs prélèvements dans le futur pour plusieurs
raisons : le changement climatique qui impacte négativement la disponibilité en eau, une
réglementation qui devient plus exigeante (respect du DOE obligatoire) mais aussi le mauvais entretien
des installations de prélèvement. Cela souligne l’utilité des structures collectives, qui permettent une
gestion concertée de la ressource et donc plus viable sur le long terme, ainsi que des investissements
plus conséquents sur les réseaux.

49/53
c. Evolutions des coûts de l’eau
L’évolution des redevances pour prélèvements de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse
impacte l’évolution du prix de l’eau (annexe 12.1). Cette redevance est une redevance « pour
prélèvement d’eau » et vise à inciter les usagers à économiser l’eau ainsi qu’à financer le programme
d’action de l’Agence de l’eau. Trois zones, avec trois tarifs spécifiques, sont définis : la zone A pour les
ressources non déficitaires, la zone C pour les ressources en zone déficitaire et la zone D pour les zones
de répartition des eaux (ZRE). 45% du bassin versant de l’Aude est classé en ZRE, dont la quasi-totalité
de la partie aval littoral et Aude médiane, depuis respectivement 2016 et 2010. Au sein de chacune de
ces zones, deux tarifs sont définis : un pour l’irrigation gravitaire et un pour l’irrigation sous pression.
Si le tarif pour l’irrigation gravitaire est moins élevé que celui pour l’irrigation sous pression, le premier
tend à augmenter tandis que le second baisse : l’Agence de l’eau favorise donc, via ses redevances, le
passage à l’irrigation sous pression.
En 2005, ces redevances représentaient en moyenne en France entre 2 et 8% du coût de l’irrigation61,
pour les structures collectives et individuelles. Pour l’irrigation collective au sein du bassin versant de
l’Aude, ces redevances représentent entre 0.3 et 19.6% du coût de l’irrigation pour chaque réseau,
avec une moyenne de 7.5% ; cette moyenne apparait relativement haute comparée à la moyenne
nationale, ce qui peut s’expliquer par le contexte hydrologique local. Ce bassin versant est en effet
placé en ZRE, ce qui induit des taux de redevance plus élevés. La mise en place de l’OUGC permettrait
que le taux des redevances Agence de l’eau appliquée dans le bassin versant de l’Aude soit le taux de
redevance hors ZRE. La part des redevances agences de l’eau dans le coût de l’irrigation tomberait à
5.08% à l’horizon 2024 ; au contraire, sans la mise en place de l’OUGC, ces redevances représenteront
9.24% du prix de l’eau à l’horizon 2024.
Cette analyse ne concernait que l’irrigation collective ; si on prend en compte l’irrigation collective et
individuelle, la part des redevances pour prélèvement dans le coût de l’irrigation monte à 11.6%
aujourd’hui. A l’horizon 2024, avec la création de l’OUGC, la part des redevances chute à 4.9% ; sans
l’OUGC, elle monte à 9.2%.
Ainsi, on remarque que ces redevances semblent plus impacter l’irrigation individuelle que collective,
ce qui peut être dû à la structure des coûts de ces deux types d’irrigation ; les coûts de l’irrigation
individuelle ont en effet moins de composantes diverses que les coûts de l’irrigation collective, qui
incluent par exemple les frais de gestion de la structure collective. En outre, la création de l’OUGC
permettrait donc en moyenne de diviser par deux l’impact qu’ont les redevances pour prélèvement
sur le coût de l’eau d’irrigation, ce qui représente un gain substantiel. De façon plus globale, la création
de l’OUGC permet de faire baisser la redevance concernant l’irrigation sous pression de 60% et celle
concernant l’irrigation gravitaire de 28% ; sans OUGC, la majorité des préleveurs de l’Aude se verrait
toujours appliquer le taux de redevance pour une ZRE, et non hors ZRE. La redevance concernant
l’irrigation sous pression ne baisse alors que de 20% et celle concernant l’irrigation gravitaire augmente
de 34%. L’évolution des redevances pour prélèvement semble donc aussi favoriser l’irrigation sous
pression, tout comme l’Agence de l’eau qui subventionne à 70% des travaux de modernisation des
réseaux, permettant des économies d’eau en passant du gravitaire à l’irrigation sous pression par
exemple.
La création de l’OUGC aurait donc un coût pour les irrigants, mais permettrait donc l’application de
taux de redevances Agence de l’eau hors ZRE ; si l’on se base sur les coûts moyens des autres OUGC
créés dans le sud-ouest (50 euros par préleveur et 0,001 euros par m3 consommé), la mise en place de
cet organisme augmenterait de 1,6% le prix de l’eau. Cette augmentation serait donc largement
compensée par la baisse des redevances détaillées ci-dessus ; malgré son coût, la création de l’OUGC

61
Levy, Jean-Didier, Michel Bertin, Bernard Combes, Josy Mazodier, et Alain Roux. « IRRIGATION DURABLE. MINISTERE DE
L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DE LA RURALITE Conseil Général du Génie Rural, des Eaux et des
Forêts ». Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité, 9 février 2005.

50/53
pourrait donc permettre donc une baisse du prix de l’eau. La mise en place de l’OUGC n’aurait donc
pas de conséquence négative en termes de coûts pour les irrigants.
Outre la création de l’OUGC, la mise en place de la compensation des prélèvements agricoles (part du
soutien d’étiage) et l’évolution des redevances pour prélèvements, d’autres changements sont à
prévoir. En premier lieu, la hausse des coûts de l’énergie va impacter l’irrigation sous pression : « la
hausse du prix de l’énergie semble être le facteur explicatif le plus significatif »62 de la hausse des tarifs.
Pourtant, un autre facteur ne doit pas être négligé mais n’a pas été étudié ici : « le positionnement des
réseaux dans leur cycle de vie »63 et leur âge est le second facteur le plus significatif de l’évolution des
montants et de la structure des tarifs (investissements initiaux rentabilisés, besoin de modernisation,
etc).
Enfin, à l’échelle locale, la révision des conventions des grandes retenues desquelles l’irrigation est en
partie dépendante va provoquer un changement au niveau des coûts de l’irrigation mais aussi un
changement de paradigme : l’eau ne sera plus « gratuite ». Cela concernera la retenue de Matemale
en 2035 et celle de Puyvalador en 2047. En effet actuellement, la participation financière initiale du
ministère de l’agriculture à la création de la retenue garanti un quota d’eau gratuite, car déjà payé,
réservé à l’agriculture. Or, réviser cette convention implique de remettre à plat les droits de chaque
partie prenante et les coûts réels de mise à disposition d’un m3 d’eau ; l’eau ne sera donc plus gratuite.

62
Garin, P., Loubier, S., & Campardon, M. (2013). Irrigation individuelle - irrigation collective : état des lieux et contraintes.
Sciences Eaux & Territoires, 11, 86–89.
63
Ibid

51/53
PARTIE CONCLUSIVE
I. Conclusions
Ces deux enquêtes, sur la mise en place de l’OUGC et l’état des lieux de ce que coûte la mobilisation
de l’eau pour l’irrigation, permettent de cerner le paysage audois et les impacts qu’auront les
évolutions dans la gestion de l’eau agricole au niveau local. Il s’agit en effet de répartir plus
efficacement et équitablement, entre irrigants, un volume prélevable déterminé a priori pour le bassin
versant de l’Aude. Il s’agit aussi de répercuter de la façon la plus juste possible les coûts qu’auront la
création de l’OUGC et la mise en place de la compensation des prélèvements agricoles.
Dans un premier temps, l’étude sur la perception des évolutions dans la gestion de l’eau nous permet
de remarquer que les acteurs locaux s’approprient peu à peu ces changements ; ces derniers prennent
corps dans les esprits des acteurs locaux et sont de moins en moins perçus comme des contraintes.
Ces évolutions, comme la création de l’OUGC, paraissent moins autoritaires car les acteurs locaux
peuvent y jouer un rôle et adapter ces changements aux spécificités et aux volontés locales. Au-delà
de l’analyse de la perception de ces changements, cette étude nous permet aussi de comprendre
comment mettre concrètement en place ces transformations dans le bassin versant de l’Aude. Les
irrigants et structures représentants les irrigants souhaitent par exemple que la répartition annuelle
du volume prélevable soit faite selon la consommation des cinq dernières années et selon le débit
déclaré, tout en conservant un volume non attribué pour permettre à de nouveaux espaces d’être
irrigués. En cas de crise, une baisse uniforme du volume prélevable est souhaitée : l’équité et la
solidarité amont-aval apparaissent essentielles. Enfin, des valeurs centrales sont évoquées :
transformer la gestion locale de l’eau d’irrigation doit se faire de façon « éthique, solidaire et
transparente », sans exclure quiconque de la répartition ; cela rejoint le thème de la 26e journée
mondiale de l’eau, à savoir « ne laisser personne de côté ». Il apparait aussi essentiel de ne pas avoir
une application aveugle de principes décidés à l’échelle nationale, mais de conserver une certaine
tolérance et une marge d’erreur. Il s’agit donc bien d’adapter aux enjeux locaux des évolutions
souhaitées à l’échelle nationale, voire européenne, et non simplement de transposer des principes. La
création de l’OUGC sous la forme d’un GIP qui aura aussi en charge la réalisation de la compensation
des prélèvements agricoles en est un exemple.
Dans un second temps, l’étude portant sur les coûts, prix et la tarification de l’eau d’irrigation dans le
bassin versant de l’Aude a permis de comprendre ce que coutait la mobilisation de la ressource selon
les modalités de cette mobilisation, à savoir modes d’organisation, types d’irrigation et de ressources.
En effet, c’est là-dessus que les évolutions de gestion et les coûts supplémentaires associés vont venir
se greffer : comprendre l’organisation et les coûts locaux est une première étape pour faire évoluer
cette organisation et les coûts qui lui sont associés. Cette étude démontre en premier lieu un très
dense tissus de réseaux collectifs et une très grande diversité dans les coûts et tarifs pratiqués à
l’échelle du bassin versant : les prix moyens au sein des réseaux collectifs et individuels sont très
dispersés. Malgré cela, les tarifs moyens audois sont inférieurs aux tarifs moyens nationaux ;
l’irrigation gravitaire apparait encore moins chère, par rapport à l’irrigation sous pression. Ce paysage
audois est la conséquence de l’histoire locale et de choix politiques locaux : la structuration collective
des réseaux d’irrigation, en premier lieu gravitaires, y est ancienne. Cette étude nous apprend aussi
que l’irrigation collective est un peu plus chère que l’irrigation individuelle, mais que ces coûts
supplémentaires apparaissent peu important comparés aux investissements et modernisations permis
par les réseaux collectifs et aux services fournis par ceux-ci. Cet état des lieux renseigne aussi quelles
sont les ressources mobilisées et à quels prix : elle permet de démontrer l’utilité de la compensation
des prélèvements agricoles dans le domaine réalimentable audois, afin de sécuriser les cours d’eau,
qui sont une ressource massivement utilisée. Concernant l’OUGC, cette étude permet aussi de

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démontrer que malgré son coût, la création de cette structure permettrait de faire baisser le prix de
l’eau du fait de la baisse des redevances Agence de l’eau que cela provoquerait.
Ainsi, ces deux études permettent de situer le bassin versant de l’Aude dans le paysage national et
dans ses transformations, afin non pas de transposer ces évolutions à l’échelle locale, mais d’en
comprendre les conséquences et de les adapter, afin d’anticiper les changements à venir et de
respecter la volonté locale d’une répartition « juste » et « équitable ».

II. Perspectives
Pourtant, ces études demandent à être approfondies et à devenir opérationnelles : le plan réel de
répartition de la ressource doit être élaboré, afin d’être utilisé par l’OUGC. Il s’agit de passer de la
réflexion à un échange concret. S’il pourra respecter les critères et valeurs mises à jour dans cette
étude, ce plan sera aussi le fruit de négociations politiques complexes entre acteurs locaux. Cela
demande à la fois une bonne connaissance des problématiques locales et une vision globale afin de
concilier celles-ci.
L’enquête sur les coûts et prix de l’eau d’irrigation nécessite aussi d’être approfondie et précisée, afin
d’être en mesure de produire une étude représentative de l’ensemble du territoire. Il serait
notamment intéressant d’avoir des données plus précises concernant les différents coûts en présence
(demandés dans le questionnaire mais non rempli), et d’avoir plus d’informations concernant les
investissements réalisés et leur amortissement, afin d’étudier à la fois les coûts relatifs à la vie des
réseaux, au patrimoine en présence et à sa nécessaire modernisation.
Il serait aussi intéressant de proposer diverses tarifications afin d’uniformiser le prix de l’eau à l’échelle
du bassin versant, en mobilisant plusieurs critères ou coefficients afin de s’adapter aux enjeux locaux.
Cette réflexion pourra être menée en parallèle de la création de l’OUGC, qui demandera aussi d’établir
une tarification à l’échelle du bassin versant afin que les irrigants participent au financement de cette
structure. Pourtant, cela met aussi en exergue la nécessité d’avoir une véritable volonté politique à ce
sujet, ce qui ne semble pas être le cas actuellement ; en effet, uniformiser les tarifications n’est pas
encore un projet au sein des unions d’ASA.
Enfin, cette étude pourra être en partie mobilisée pour accompagner les réflexions autour du
financement de l’OUGC et de la compensation des prélèvements, même si son approfondissement
parait a priori nécessaire.
Tout cela augure de grandes évolutions à venir à l’échelle locale : une nouvelle organisation des
prélèvements et la fin de l’eau « gratuite », du fait de la révision des conventions de Matemale et
Puyvalador. Les quotas d’eau réservés à l’agriculture et « gratuits » du fait de la participation initiale
du ministère de l’agriculture aux frais de création des retenues seront revus et l’eau ne sera plus
gratuite. Si cette ressource reste un bien commun, sa mobilisation a un coût.
Ainsi, la gestion de l’eau se transforme et les enjeux locaux évoluent ; si une forte volonté politique et
un travail commun sont nécessaires pour résorber le déficit hydrique et instaurer une gestion plus
concertée, ces efforts paient. En effet, les économies présentées dans la lettre du 6 août 2019 du préfet
de l’Aude à Denis Carretier, président de l’Union d’ASA de l’Aude Médiane, sont assez importantes
pour compenser le déficit de 36,7 Mm3 diagnostiqué en 2014 : 33,4 Mm3 d’économies pour l’eau
agricole et 4 Mm3 d’économie pour l’eau destinée à la navigation. Transformer la gestion d’une
ressource en tenant compte de l’histoire, des problématiques et des volontés locales peut paraitre a
priori complexe, mais se fait grâce à des changements incrémentaux qui impliquent les acteurs locaux,
leurs savoir-faire et leurs connaissances.

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