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LES REQUINS

Source de peur mythique et de fantasmes, le requin a depuis le


film ''Les Dents de la Mer'', réalisé par Steven Spielberg en 1975, et les événements
dramatiques survenus depuis dix ans à la Réunion, la réputation d'animal dangereux,
et cruel, amateur de chair humaine, ne laissant au nageur, au surfeur ou au plongeur,
qu'il attaque sans prévenir, que peu de chance de réchapper de ses dents acérées. De
nombreux récits de naufragés évoquaient déjà, sa probable participation, lors de la
dernière guerre du Pacifique, à des hécatombes commises sur les pilotes de chasse
abattus en mer et les marins des bateaux torpillés, expliquant ainsi le faible nombre
de rescapés. Réalité ou fiction ? Quelles sont les particularités de ces animaux ? Sont-
ils tous dangereux ? Comment sont-ils arrivés à la 3ème place du palmarès des
espèces marines responsables de morts d'hommes ? Comment s'en protéger ? Voici
quelques questions auxquelles nous allons essayer d'apporter des réponses.

A- Principales particularités des requins

Il n'y a pas un requin type mais 529 espèces répertoriées en 2014,


de forme et de taille variable, de quelques centimètres à plusieurs mètres. Ils sont
regroupés en 35 familles, toutes parfaitement adaptées au milieu environnant. On les
rencontre d'ailleurs dans toutes les mers du monde, à toutes les profondeurs, au large
ou près des rivages et même dans les eaux douces des fleuves, parfois à plusieurs
centaines de kilomètres de leur embouchure.
Les requins sont des poissons cartilagineux comme les raies, sans
os, donc particulièrement souples. Ils n'ont pas de vessie natatoire, à la différence des
autres poissons, aussi pour stabiliser leur flottabilité sont-ils obligés de nager en
permanence pour compenser leur tendance naturelle à couler. Le foie en contrepartie
est énorme. Il remplit près de 90 % du volume de l'abdomen et pèse près de 25 % de
leur masse totale. Il est gorgé d'huile, la squalène, bien évidemment plus légère que
l'eau, qui procure au requin sa flottabilité positive.
La peau très rugueuse, longtemps utilisée comme papier de verre,
est composée d'une multitude de denticules microscopiques implantés dans le derme,
résultat de l'évolution des écailles au cours des millénaires. Ils sont recourbés vers
l'arrière et délimitent de fines rainures dans lesquelles se forment des minuscules
tourbillons d'eau. L'eau est ainsi plaquée contre le corps de l'animal, ce qui diminue la
résistance du fluide, favorise l'hydrodynamique et la vélocité du poisson.
Des applications industrielles imitant la peau de requin ont été
développées dans des domaines très variés, de la construction navale à l'aéronautique,
et même dans le sport de haut niveau ! Le nageur américain Michael Phelps, l'homme
aux 8 médailles d'or et aux 6 records mondiaux, aux J.O. de Pékin en 2008, portait
une combinaison, dont la texture imitait la peau du requin. Depuis les vêtements
biomimétiques sont interdits car ils fausseraient trop les résultats des compétitions...

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Denticules cutanés de requin-citron vus au microscope électronique

La respiration du requin se fait, comme chez les autres poissons,


grâce à des branchies richement vascularisées, où l'oxygène est extrait de l'eau avant
d'être transporté par le sang ; mais de nombreuses variantes existent selon les espèces.
Les espèces benthiques, peu mobiles, vivant sur le fond, comme le
Requin-tapis ou le Requin-ange, avalent l'eau par la bouche, la compriment par des
mouvements du pharynx, la dirigent sous pression vers les branchies et aussitôt
l'oxygène prélevé, vers les fentes branchiales, d'où elle ressort.

Requin-ange Requin-tapis

Chez certains, comme les Requins-chiens de mer, un orifice situé


en arrière des yeux permet à l'eau, bouche fermée, d'entrer et d'oxygéner directement
les ouïes. Chez d'autres, comme les Requins-dormeurs, un système de commande
régule volontairement l'ouverture et la fermeture des cinq paires de fentes branchiales
dont les requins sont dotés, ce qui permet à l'eau de circuler des branchies antérieures
vers les postérieures. Dans ces deux derniers cas, l'eau ne passe jamais par la bouche.
Chez les requins pélagiques, comme le Grand Requin Blanc et le
Requin mako, l'eau ne peut pénétrer dans les fentes branchiales que s'ils sont en
déplacement, ce qui les oblige à se mouvoir en permanence, même en dormant, pour
assurer le bon fonctionnement de la respiration et des fonctions vitales. C'est pour
cela qu'un requin pélagique meurt rapidement par asphyxie, s'il est pris dans un filet.
Le Requin-taureau est un privilégié car il peut respirer et alterner
les deux modes précédents, soit en nageant soit en aspirant l'eau par la bouche.

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Requin-chien de mer Requin-dormeur

Grand Requin Blanc Requin mako

Requin-taureau
La longévité des requins est en moyenne de 20 à 30 ans, parfois
près de 60 ans chez le Requin-baleine et plus de 70 ans chez l'Aiguillat, qui détient la
plus longue espérance de vie. La croissance du requin est particulièrement lente et les
requins n'atteignent leur maturité sexuelle qu'au bout d'une quinzaine d'années.
Les requins sont de sexe distinct et se reproduisent toujours par
fécondation interne, le mâle introduisant dans l'orifice cloacal féminin l'un de ses
deux hémipénis de forme tubulaire, pour y libérer sa semence. Appelés ptérygopodes,
ils sont situés au niveau de la nageoire pelvienne. Le coït est souvent brutal, le mâle
mordant sa partenaire pour la retourner, l'immobiliser et la maintenir sous lui.

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Ptérygopodes de jeune mâle

Le devenir de l'ovule fécondé est par la suite différent selon


les espèces et évolue selon trois modes possibles.
* mode ovipare : la femelle pond dans l'eau des œufs de forme curieuse,
se fixant par la suite à un support. A l'intérieur, entouré d'une coque solide, l'embryon
se développe à partir du sac vitellin jusqu'à l'éclosion. C'est le cas des Requins-tapis,
des Requins-dormeurs, des Roussettes et des Requins-chiens de mer.

Œuf de Roussette et son embryon


* mode ovovivipare : C'est le mode le plus courant. Les œufs fécondés se
développent comme dans le mode précédent jusqu'à maturation complète des bébés
requins, mais dans un utérus sans placenta. Après éclosion des œufs les petits requins,
parfois jusqu'à dix chez l'Aiguillat, sont déjà autonomes et aussitôt libérés dans l'eau.
Chez certains requins : Requin-taureau, Requin-taupe, Requin-pèlerin, Requin Grand

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Blanc, le premier embryon éclos dévore ceux non éclos, pour pouvoir parachever son
développement. Dans les situations extrêmes, on assiste parfois à de véritables scènes
de cannibalisme intra-utérin entre embryons, quand les œufs éclosent tous en même
temps. Seuls survivent un ou deux individus, les autres étant dévorés avant d'avoir vu
le jour. C'est le cas chez le Requin-taupe et le Requin-renard.
* mode vivipare : L'utérus est cloisonné, avec dans chaque compartiment
un embryon alimenté par un cordon ombilical et un placenta..L'accouchement des
petits requins a lieu après une gestation d'environ un an. C'est le mode habituel chez
les requins pélagiques, sauf chez le Requin-tigre ovovivipare.
Les requins possèdent en plus des cinq sens de l'Homme, trois
autres systèmes particulièrement élaborés, leur octroyant des aptitudes redoutables à
la prédation. Examinons à présent, l'un après l'autre, les différents appareils sensoriels
de ces animaux, pour mieux apprécier et comprendre leur comportement.
- La vue
L'œil des squales est équipé comme chez l'Homme d'une rétine
avec des bâtonnets pour la vision crépusculaire. Il dispose en plus, comme le chat et
les animaux nocturnes, d'une membrane claire : le tapetum lucidum, tapissant l'arrière
de la rétine, destinée à réfléchir et amplifier la lumière dans l'obscurité.
La vision reste cependant médiocre, car la morphologie arrondie de l'œil et sa rigidité
rendent l'accommodation difficile, ce qui fait que le requin est myope et voit flou.
Ainsi ne sont vus nets, que les objets proches à moins de 20 mètres, et flous tous ceux
situés au-delà, par ailleurs souvent perçus uniquement s'ils sont en mouvement. Les
requins pélagiques, naviguant en pleine eau, ont une vision meilleure que ceux vivant
par grand fond presque aveugles, ou que les requins benthiques à peine mieux lotis.
Une étude australienne récente de 2011 a montré que dans les rétines de 17 espèces
différentes de squales, les bâtonnets étaient nombreux et les cônes absents ou d'un
seul type, ce qui signifie que les requins observés ne percevaient pas les couleurs ou
avaient au mieux une vision monochromatique. Les requins seraient donc uniquement
sensibles au contraste entre l'objet et le fond visuel. Ceci corrobore l'impression déjà
ancienne de certains plongeurs, de l'attirance des requins pour les couleurs chaudes :
orange, jaune, rouge, et par tout ce qui brille, donc chaque fois que le contraste est net
entre un objet ou un individu et le milieu ambiant.
Le grand requin blanc a en plus la particularité de sortir la tête de l'eau pour s'orienter,
repérer un phoque sur un rocher ou le rivage ; ce qui prouve chez lui sa capacité à
voir hors de l'eau et l'aptitude de ses yeux à s'adapter à l'indice de réfraction de l'air.
- L'audition
Elle est particulièrement performante malgré l'absence d'oreilles !
L'appareil auditif, exclusivement interne, est placé de chaque côté de la tête, derrière
les yeux. Il communique avec le milieu marin extérieur par de fins canaux, dont les
orifices situés sur le dessus de la tête sont à peine visibles, et avec les lignes latérales
sur chaque flanc, autre organe sensoriel essentiel, que nous allons détailler.
La gamme des fréquences perçues par les requins s'étend de 10 à

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1000 Hertz, celle de l'homme par comparaison étant de 25 à 16000 Hertz. Les requins
sont donc peu sensibles aux sons aigus, mais particulièrement aptes à capter des sons
de basse fréquence. C'est dans cette gamme notamment, que se situent tous les bruits
produits par les poissons, les mammifères marins, les moteurs des bateaux, les bulles
des plongeurs, les planches de surf... Dans l'eau la propagation des sons est d'environ
1500 mètres par seconde, ce qui permet au requin de capter des sons, dont la source
d'émission est parfois à plus de 20 km de distance !
- La sensibilité aux vibrations et les lignes latérales
C'est l'appareil sensoriel spécifique des poissons. Il joue le rôle
d'un sonar et permet au poisson de détecter des proies ou un prédateur, dans un rayon
d'une centaine de mètres. Il est matérialisé par une fine bande ponctuée de petits trous
minuscules, à peine visibles, sur les flancs du poisson, allant de la tête à la queue avec
des ramifications vers les yeux et le museau.

Positionnement de la ligne latérale sur un squale

La ligne latérale est constituée par un canal rempli de gel semi-conducteur courant
sous la peau et par un réseau de fins canalicules le reliant avec l'extérieur par une
multitude de petits pores, permettant à l'eau de pénétrer.

Schéma de la ligne latérale d'un requin

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Au fond de chaque pore, bordant le canal, se trouve un récepteur,
le neuromaste, composé d'un amas de cellules sensorielles ciliées : les stéréocils, et
connecté directement au centre acoustico-vestibulaire dans le cerveau par un nerf.
En pratique, l'arrivée d'un objet mobile non identifié dans la zone
de détection du requin provoque des petites ondes vibratoires, des minimes variations
de pression, transmises par l'eau, engendrant un discret mouvement des stéréocils, un
peu comme le vent ondulant les épis d'un champ de blé. Instantanément transformées
en messages électriques, les informations sont transmises au cerveau et analysées.
Une réponse est aussitôt renvoyée sous forme d'influx nerveux, afin de déclencher
une réaction réfléchie ou un déplacement adapté du poisson à la situation nouvelle.
Grâce à ces deux lignes latérales, le requin et les poissons,
peuvent déterminer l'arrivée d'un intrus dans leur champ d'action, le localiser, préciser
sa taille, sa direction, sa vitesse, sa nature, s'il s'agit d'un animal blessé ou d'un banal
objet, d'une proie potentielle, d'un prédateur et peut être même deviner ses intentions.
Les lignes latérales assurent également l'acheminement des ondes acoustiques vers le
centre de l'audition, et des données provenant des cryptes sensorielles.
- La sensibilité tactile et les cryptes sensorielles
Des récepteurs, disséminés sur l'ensemble du corps, permettent
au requin d'apprécier son déplacement dans le milieu marin ambiant, la température
de l'eau, l'effet et le sens du courant, la profondeur à laquelle il évolue. Leur nombre
et leur répartition varie selon les espèces. Rares chez l'Aiguillat commun, le Requin-
marteau en est truffé ! Les récepteurs sensoriels, logés au fond de cryptes cutanées,
envoient au cerveau, également sous forme d'influx nerveux, des informations d'ordre
tactile obtenues par contact direct. Ceci explique la raison pour laquelle les requins
heurtent ou bousculent parfois une proie avant d'attaquer ou s'en éloignent sans avoir
mordu. Par simple contact cutané le requin est capable de ''goûter'' sa proie et de
savoir si elle lui convient ou non, sans nécessairement la prendre dans la gueule.
- L'odorat
L'appareil olfactif est ici extrêmement efficace. Il est composé de
deux narines indépendantes de la bouche, qui analysent en permanence l'eau de mer
qui y circule. Elles sont tapissées d'une multitude de cellules olfactives et reliées à un
centre olfactif situé dans le cerveau, dont la taille est tout à fait considérable et
représente près des deux tiers de son volume ! C'est grâce à cela que les requins
arrivent à identifier, à des dilutions même infinitésimales, toutes sortes de molécules,
acides aminés, sang, protéines ou hormones. En comparant toutes les informations
transmises à chaque instant par chaque narine, à savoir la différence de concentration
de molécule odoriférante dans l'eau, le requin est capable de suivre une odeur à la
trace et de remonter jusqu'à son origine, à la manière d'un chien flairant une piste. Il
est en particulier très sensible à l'odeur du sang et peut retrouver un poisson blessé à
plusieurs kilomètres de distance, si le sens du courant lui est favorable !
Un requin arrive également à déterminer le sexe d'un congénère
par ses phéromones, son degré de maturité sexuelle et sa disposition éventuelle à un
accouplement. Ses performances olfactives lui permettent enfin de détecter de petites

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différences de salinité de l'eau, informations utiles pour s'orienter lors des migrations,
pour retrouver sa zone de reproduction habituelle ou ses terrains de chasse préférés.
En utilisant cette capacité olfactive, les scientifiques cherchent à
mettre au point une substance répulsive efficace et non polluante, pour éloigner les
requins des plages des sites touristiques. Après quelques essais décevants, plusieurs
substances efficaces seraient actuellement en cours d'expérimentation...
- La sensibilité électromagnétique
Les requins possèdent en outre la faculté de détecter le champ
électrique produit par toute créature vivante, d'enregistrer et d'étudier ses variations.
Cette aptitude est possible grâce à des récepteurs électromagnétiques présents dans la
tête du requin, appelés ampoules de Lorenzini, du nom de leur découvreur, à la fin du
XVIIe siècle. Schématiquement chaque récepteur électromagnétique se compose d'un
pore cutané, d'un canal rempli d'un gel conducteur et d'une ampoule contenant une
multitude de cellules, capables d'enregistrer des différences de potentiels électriques
très faibles, de l'ordre du cent millionième de volt par centimètre et de transmettre ces
informations au cerveau, où les données sont analysées et interprétées.
La détection électromagnétique ne peut s'exercer que sur une courte distance, évaluée
au maximum entre 10 et 20 cm. Elle est suffisante au requin pour dépister la présence
d'un organisme vivant, de s'orienter dans sa direction et de le débusquer, même s'il est
enterré. C'est la technique de chasse des raies et des requins benthiques pour capturer
les crustacés et les poissons enfouis.

Pores des ampoules de Lorenzini sous un museau de Requin-tigre

Schéma des ampoules de Lorenzini

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Les grands courants marins océaniques, en déplaçant des masses
d'eau phénoménales, produisent des champs électriques que les requins sont capables
de détecter et d'analyser, grâce à ces mêmes ampoules de Lorenzini. Actuellement, on
pense que c'est en les comparant aux données du champ magnétique terrestre que les
requins arrivent, du moins en partie, à s'orienter au cours de leur migrations.
Les ampoules de Lorenzini permettraient également de détecter des modifications de
la température de l'eau de l'ordre de 0,2° et de légères variations de salinité.
Des procédés utilisant la répulsion électromagnétique ont été mis
au point pour protéger certaines zones balnéaires touristiques, en particulier où des
attaques ont déjà été recensées. Plusieurs systèmes sont actuellement sur le marché et
demandent à faire la preuve de leur efficacité avant leur utilisation à grande échelle.
- Le goût
Le goût est assuré par des récepteurs situés dans la gueule et le
pharynx. C'est à ce niveau, en dernier ressort, que le requin détermine si la victime
qu'il a choisie et happée, vaut ou non la peine d'être mangée ou rejetée.
Les sens toujours en éveil et dotés d'équipements sensoriels aussi
performants, il est certain que les requins sont des prédateurs hautement efficaces, ne
laissant à la proie sur laquelle ils ont jeté leur dévolu, aucune chance d'en réchapper.
Voyons encore quelques particularités anatomiques intéressantes
à connaître et qui permettent aux requins carnivores d'avoir une bonne préhension de
la proie avant de la dévorer.
Tout d'abord, les mâchoires. Elles ne sont pas soudées au crâne,
mais mobiles et indépendantes, ce qui permet au requin d'ouvrir largement sa gueule
et d'attraper des proies volumineuses. A titre de comparaison, un homme peut ouvrir
sa bouche d'un angle de 45°, un requin d'un angle de 150°.
Les dents, plusieurs centaines par gencive, ne sont pas fixées aux
mâchoires ni ancrées dans des alvéoles dentaires, mais plantées dans du tissu gingival
et réparties sur plusieurs rangées. Le Grand Requin Blanc en possède entre 300 et 400
par mâchoire, disposées en 5 à 7 rangées. Les plus externes sont orientées vers l'avant
et sont en pratique les seules opérationnelles. Disposées dans la gueule du requin,
comme sur un tapis roulant, se déplaçant de l'intérieur vers l'extérieur, elles tombent
régulièrement et sont remplacées, entre deux mois ou huit jours chez le Grand-Blanc.

Implantation des dents chez le Requin Mako

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Et ce, pendant toute la durée de vie de l'animal. La forme et la taille des dents sont
différentes selon l'espèce, l'age, mais parfaitement adaptées à son régime alimentaire
Les requins se nourrissant surtout de plancton, comme les requins pèlerins, ont des
dents toutes petites et insignifiantes. Celles des requins consommant des crustacés et
des coquillages sont aplaties pour le concassage ; celles des requins se nourrissant
exclusivement de poissons sont pointues et effilées pour couper, scier et déchiqueter ;
enfin celles des grands requins, les prédateurs de gros poissons et de mammifères
marins, sont impressionnantes, triangulaires, aux bords dentelés, souvent crantés et
coupants comme des couteaux bien aiguisés, pour une efficacité optimale. Mesurant
près de 6 cm de long, elles sont faites pour le cisaillement et l'arrachement de la chair.
Ces grands carnivores, les seuls potentiellement dangereux pour
l'homme, abordent presque toujours leur victime de la même façon. Du fond de l'eau,
ils fondent sur elle à pleine vitesse et se présentent de biais, la gueule grande ouverte,
le museau relevé. Ils plantent d'abord les dents pointues de leur mâchoire inférieure,
puis aussitôt projettent leur mâchoire supérieure, enfoncent leurs dents tranchantes du
haut et puis serrent vigoureusement. Une fois que la proie est maintenue, ils cisaillent
les chairs par des mouvements latéraux et souvent frénétiques de la tête, ce qui leur
permet d'arracher de gros lambeaux de viande.

La gueule très impressionnante du Grand requin blanc

B- Les espèces inoffensives pour l'homme

Parmi toutes les espèces actuelles recensées, très peu de requins


sont susceptibles d'attaquer l'homme. Si on compare le nombre d'attaques de requins
et celui des accidents dus à d'autres animaux sauvages, on constate qu'il est beaucoup
plus faible, mais à chaque fois qu'un requin est en cause, l'événement est toujours à la
une des journaux et largement médiatisé. Mortalité et blessures provoquées par des
charges d'éléphants sont beaucoup plus fréquentes, mais on en parle peu. Rappelons
enfin que la première cause animale de mortalité chez l'Homme est... le moustique,

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vecteur de paludisme, dengue, chikungunya etc, sans oublier les guêpes et les frelons,
dont les piqûres peuvent parfois provoquer des chocs allergiques mortels.
Même si une centaine d'attaques sont responsables, chaque année de par le monde,
d'une petite dizaine de décès, chiffre à la fois modeste par rapport aux nombre de tués
sur les routes et en même temps considérable par l'horreur dramatique provoquée par
chaque agression, l'image du requin mangeur d'homme et avide de chair humaine est
une légende qu'il faut démystifier.
La majorité des requins mesurent moins d'un mètre et moins d'un
tiers dépassent les deux mètres, limite à partir de laquelle les spécialistes considèrent
les espèces carnivores comme potentiellement dangereuses. La plupart sont en réalité
inoffensifs. Ils sont filtreurs de plancton, se nourrissent de coquillages, de crustacés,
de petits poissons ou de poulpes. Parmi eux on trouve :
- Le Requin-pèlerin ou Cetorhinus maximus
Impressionnant par sa taille, il nage lentement, gueule ouverte, à
la surface de l'eau, dans les mers tempérées du monde, là où s'épanouit le zooplancton
et plus particulièrement les copépodes, dont il se nourrit presque exclusivement. Il ne
rechigne pas cependant à avaler crevettes et petits poissons grégaires : sardines et
éperlans. Le plus gros exemplaire connu dépasse les 12m de long.

Plongeurs et requin pèlerin


On le rencontre fréquemment, à la fin du printemps et en été, le
long des côtes bretonnes et des plateaux côtiers américains, mais il est présent aussi
au large, dans l'Atlantique et le Pacifique. En hiver, il gagne des eaux plus chaudes.
Dans la zone équatoriale, il séjourne toujours en profondeur et jamais en surface. En
Finistère, une association basée à Brest, l'APECS, vouée à l'étude et à la conservation
des Sélaciens, mène des campagnes assidues pour percer le secret de la migration des
requins pèlerins de la zone Atlantique Nord, en implantant des balises satellitaires sur
le dos des animaux signalés par les pêcheurs et les plaisanciers.
Totalement inoffensif, le requin pèlerin n'est finalement qu'un bon ''gros pépère''...
Un plongeur peut nager de long moments à ses côtés, sans le perturber ni le craindre.

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- Le Requin-baleine ou Rhincodon typus
C'est le plus gros poisson existant. Il peut mesurer près de 20 m
de long et peser 34 tonnes. Il vit dans les eaux tropicales chaudes et se nourrit de krill
sorte de petites crevettes assimilées au zooplancton, de petits poissons et de crustacés,
jusqu'à une tonne par jour. Parfaitement identifiable par sa peau bleutée, ponctuée de
points blancs et de stries en damier, il se déplace lentement avec flegme, très souvent
près de la surface. Totalement inoffensif, il provoque, chez les plongeurs qui ont la
chance de le croiser, le respect et un sentiment de plaisir extrême, que ce soit au large
de Djibouti ou dans certains atolls des Maldives, par exemple. Les seuls risques, en
côtoyant en plongée ce géant des mers de trop près, sont de se râper contre sa peau
rugueuse ou d'être blessé par un coup de queue, si on est positionné trop en arrière de
l'animal et qu'il se sente effarouché par des attentions trop rapprochées.

Requin-baleine
- Les requins benthiques
Cette catégorie englobe les Requins-dormeurs, le Requin-zèbre,
les Requins-nourrices, les Anges de mer, le Requin-tapis et tous les requins à corps
plat. La famille des Requins-dormeurs nous est déjà familière. Ils possèdent tous des
crêtes osseuses latérales au-dessus des yeux et certains, parmi lesquels Hétérodontus,
possèdent une épine venimeuse devant la première nageoire pour se protéger de leurs
prédateurs. Leur taille oscille entre 0,60 m et 1,70 m. Le Requin-zèbre, appelé encore
Requin-léopard en Australie, a une peau couleur fauve tapissée de points blancs et de
rayures qui n'apparaissent qu'à sa maturité. Les Requins-nourrices ont quant à eux
deux petits barbillons facilement identifiables au-dessus de la bouche. Certains à l'age
adulte atteignent la taille non négligeable de 3 à 4 mètres de long. Les Anges de mer
ressemblent à des raies, mais à la différence de celles-ci, leurs nageoires pectorales ne
sont pas soudées à la tête. Malgré leur nom, ce sont des prédateurs voraces chassant à
l'affût, peu visibles sur le fond et toujours bien camouflés. Ils mesurent jusqu'à deux
mètres de long. A titre anecdotique, la fameuse Baie des Anges de Nice doit son nom
à ces poissons, qui pullulaient jadis dans la baie, et non à des messagers divins !

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Requin-dormeur cornu ou Heterodontus Requin-zèbre ou léopard

Requin-nourrice Squatina ou Ange de mer

C- Les Requins dangereux

Dans 75 % des cas, les attaques sont le fait d'un animal solitaire
et consistent en une seule morsure, rarement deux, et aussitôt l'acte commis, le requin
abandonne sa victime. L'acharnement du requin sur un blessé est exceptionnel.
Malheureusement son énorme mâchoire occasionne des délabrements très importants,
souvent responsables d'hémorragies abondantes, échappant hélas à tout contrôle et
rapidement mortelles. Les observations réalisées à ce jour permettent d'affirmer que
la chair humaine n'est pas du tout au goût de l'animal, sinon un gros requin, à la taille
imposante, n'aurait aucune difficulté par sa puissance, à mutiler une victime et à la
dévorer en entier. La deuxième constatation est que les victimes sont le plus souvent
des surfeurs, des nageurs ou des chasseurs sous-marins et hormis des circonstances
très particulières, les nombreuses plongées effectuées par des plongeurs confirmés, au
milieu de requins réputés dangereux, ne révèlent aucun comportement agressif des
squales, tout au plus une simple approche motivée par une curiosité bien légitime.
Y aurait-il lors d'une attaque un acte inapproprié, volontaire ou
non, commis par la victime, ou des causes extérieures indépendantes ou provoquées
pouvant expliquer cette agression ?
Avant d'aborder tous les facteurs pouvant être en cause et de
lister les moyens préventifs pour réduire les risques, voyons quels sont les requins
réputés les plus dangereux, responsables de 95 % des accidents déclarés.
Ils sont au nombre de cinq: le Requin-tigre, le Grand-Blanc, le
Requin océanique, le Grand requin-marteau et le Requin-bouledogue.

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. - Le Requin-tigre ou Galeocerdo cuvier
C'est très certainement le plus dangereux de tous. Il peut mesurer
jusqu'à 6 mètres de long et peser une tonne. Son corps présente des rayures et des
marbrures gris-noirâtres caractéristiques, à l'origine de son nom. Volontiers hauturier,
il préfère marauder dans les eaux côtières et il se nourrit de tout ce qui se présente :
poissons, tortues, serpents, dauphins, charognes et débris plastiques divers traînant
dans l'eau. Il a la fâcheuse réputation de se jeter sur tous ceux qui pénètrent dans le
territoire de chasse qu'il s'est attribué, hommes et bateaux compris.

Requin-tigre
Ce prédateur redoutable, rapide et féroce est à même de parcourir
plus de 60 kilomètres par jour. Il entreprend en hiver des migrations saisonnières sur
de longues distances pour gagner des eaux plus chaudes. Le Requin-tigre est présent
dans toutes les mers tropicales et tempérées du monde, mais il n'a jamais été observé
en Méditerranée.

Répartition géographique du Requin-tigre

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Ses dents, asymétriques, sont identiques sur les deux mâchoires, avec la pointe
inclinée vers l'arrière, une encoche sur le bord externe assez typique de l'espèce et des
bords crénelés. Pour se nourrir, il a l'habitude de fondre sur sa proie sans prévenir.

Fragment de mâchoire de Requin-tigre


Le Requin-tigre joue un rôle non négligeable dans le bon équilibre de l'écosystème
océanique, en éliminant les éléments malades ou fragilisés des populations animales,
en particulier des lamantins et des dauphins en Australie.
Si on rencontre cet animal en plongée, il est préférable de s'en éloigner prudemment,
car il est toujours dangereux et son comportement est imprévisible, même s'il paraît
placide et indifférent.
- Le Grand requin blanc ou Carcharodon carcharias
Immortalisé comme prédateur démoniaque, mangeur d'hommes,
le Grand requin blanc vedette du film de Steven Spielberg, n'est pas aussi dangereux
qu'on a pu le faire croire. Malgré sa gueule énorme, sa réputation est très largement
surfaite, car ce grand carnivore attaque uniquement quand il a faim et jamais pour le
plaisir. Appelé aussi ''Grand blanc'', sa taille à l'age adulte varie entre 4 et 6 mètres de
long et il atteint déjà 1,50 mètre à sa naissance. Il doit son nom à son ventre blanc
contrastant avec un dos plutôt gris, voire marron clair dans les eaux européennes.

Grand requin blanc

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Cosmopolite, le Grand requin blanc est présent dans les mers
tempérées du monde entier, y compris dans les eaux de la Méditerranée.

Répartition géographique du Grand requin blanc


Contrairement à une idée reçue, cet animal n'aime pas la chair
humaine. Quand une attaque a lieu, l'homme est relâché presque aussitôt après avoir
été mordu. Des expériences ont montré qu'une planche de surf tractée à la surface de
l'eau pouvait attirer le Grand requin blanc, jusqu'à déclencher une attaque. Mais ici
aussi, aussitôt happée, la planche était abandonnée. Des attaques exceptionnelles de
bateaux de pêche ou de semi-rigides ont également été relatées. Ces observations, de
toute évidence, montrent que le requin fait à chaque fois une erreur d'identification,
prenant pour une proie ce qui ne l'est pas, ce qui tend à prouver que l'Homme ne fait
pas partie du menu habituel du Grand Blanc.
Son régime alimentaire est très diversifié. Il comprend toutes
sortes d'animaux marins, des poissons, des requins de taille plus petite, des carcasses
de cachalots, mais son plat préféré reste le phoque qu'il chasse avec une technique
très particulière. A l'affût dans les laminaires, il commence par en repérer un près de
la surface, puis fonce sur lui en arrivant par en dessous, le heurte violemment et le
projette dans les airs sans le mordre, en bondissant lui-même hors de l'eau. Et c'est au
moment où le phoque à moitié assommé retombe dans l'eau, que le ''Grand blanc'' le
saisit dans la gueule, le secoue vigoureusement avec des mouvements latéraux de la
tête pour le cisailler et en détacher de gros morceaux, avant de les avaler goulûment...
Proche de la disparition, après des campagnes massives d'extermination pendant de
nombreuses années, le Grand blanc est dorénavant protégé, mais cette espèce, pas très
prolifique et à la maturité sexuelle tardive, reste encore actuellement menacée.

Taille du Grand requin blanc rapportée à l'échelle humaine

273
- Le Requin océanique ou Carcharhinus longimanus
De taille plus modeste que les requins précédents, il peut malgré
tout atteindre 3,5 mètres de long. Il est relativement facile à identifier, grâce à sa
grande nageoire dorsale au bout arrondi et aux longues nageoires pectorales profilées
en forme d'aile, toutes les trois colorées en blanc à leur extrémité.

Requin océanique
Appelé communément ''Longimanus'', il serait assez sédentaire, solitaire et curieux,
selon les dires de certains responsables de clubs de plongée, observant tout au long de
l'année, sur le même spot, les mêmes individus tournant autour des palanquées de
plongeurs. C'est le cas en particulier près des îles Brothers en Mer Rouge ; cependant
il semblerait qu'à cet endroit, le ''shark feeding'' ou nourrissage y ait été pratiqué...

Répartition géographique du Requin océanique


Les Requins océaniques, très voraces, se rassemblent en présence d'une nourriture
abondante. La compétition alimentaire peut alors les rendre frénétiques et parfois très
dangereux. Leur présence au large, dans les eaux chaudes de la zone intertropicale,

274
ferait du requin océanique un des responsables de la disparition des naufragés lors des
catastrophes maritimes ou aériennes.
- Le Grand requin-marteau ou Sphyrna mokarran
Parmi les sept espèces de Requins-marteaux existantes, seule
une, l'espèce Sphyrna mokarran, est potentiellement dangereuse pour l'être humain.

Grand requin-marteau
L'aspect tout à fait original de sa tête, avec des yeux et des narines en position latérale
sur son extrémité céphalique, le rend facilement identifiable. Sa longueur atteint près
de 6 mètres. Il vit le plus souvent en solitaire, sauf à certaines périodes de l'année, où
pour des raisons encore inconnues, probablement avant de se reproduire ou d'entamer
une migration, il se rassemble en bancs gigantesques. Pélagique la plupart du temps,
le Grand requin-marteau peut parfois se rapprocher près des côtes. Il est présent en
Mer Rouge et dans toutes les mers chaudes tropicales, et depuis quelques années en
Méditerranée, via le canal de Suez.

Répartition géographique du Grand requin-marteau


Sa nourriture se compose de poissons, de calmars, de petits requins, mais il apprécie
tout particulièrement les raies. Les accidents avec les plongeurs sont rarissimes.

275
- Le Requin-bouledogue ou Carcharhinus leucas
Ce requin vivipare, omnivore, nommé Bull shark, c'est à dire
Requin-taureau par les anglo-saxons ou requin du Zambèze, vit en général sur le fond
le long des côtes océaniques tropicales et subtropicales, dans les eaux à forte turbidité
après les pluies, ainsi que dans les eaux boueuses des estuaires des grands fleuves.

Le Requin-bouledogue responsable des attaques à La Réunion


Son museau court et aplati lui a valu son surnom. Son ventre est
blanchâtre et son dos gris ou brun-olive avec l'extrémité des ailerons plus foncée. Il
est physiologiquement capable de s'adapter à l'eau douce des grands fleuves, comme
le Mississippi, le Tigre, le Gange, le Zambèze ou le Mékong et il peut remonter leur
cours très en amont. Au Pérou, un individu a été observé dans l'Amazone à près de
3700 km de son embouchure !

Répartition du Requin-bouledogue dans le monde


Le Requin-bouledogue a la fâcheuse habitude de se jeter sur tout ce qui passe devant

276
lui, raison pour laquelle il est particulièrement redouté des surfeurs. Il est responsable
de nombreuses attaques, même dans des eaux très peu profondes, à quelques mètres à
peine du rivage. C'est le grand responsable des accidents survenus à la Réunion.
Les cinq espèces de requins que nous venons d'évoquer sont
responsables de la majorité des attaques répertoriées à ce jour. Certains autres sont
incriminés de façon sporadique. Passons en revue ceux, dont il faut aussi se méfier.

D- Autres requins potentiellement dangereux

Les requins peuvent mordre, lorsqu'ils sont en groupe, en phase


d'excitation alimentaire, ou par simple curiosité pour ''goûter'' la personne positionnée
devant eux, mais hélas souvent aussi en cas d'imprudence humaine.
- Le Requin mako ou Requin-taupe bleu ou Isurus oxyrinchus
Ses nageoires sont fines et sa caudale a une forme de croissant.
C'est un requin vivant au large, dont la taille est environ de 3 à 4 mètres à l'age adulte.
Il est prisé par les pêcheurs à la ligne pour sa combativité car il est capable de faire
des bonds impressionnants hors de l'eau pour se défendre. Vivant le plus souvent en
profondeur dans toutes les eaux chaudes et tempérées du monde entier, c'est le requin,
et peut être le poisson, le plus rapide. Il est soupçonné de plusieurs attaques humaines
dont une mortelle, devant un hôtel à Sharm El Cheikh en Égypte en 2010.

Requin mako ou Requin-taupe bleu


- Le Requin peau-bleue ou Prionace glauca
Mesurant jusqu'à 4 mètres de long, ce requin pélagique vit dans
les eaux tempérées et tropicales et peut se rapprocher des côtes quand il est jeune.
Il est fréquent en Atlantique nord ouest et en Méditerranée. Treize attaques ont été
recensées avec des requins peau-bleue au large des côtes, dont quatre fatales.

277
Requin peau-bleue
- Le Requin-cuivre ou Carcharhinus brachyurus

Requin-cuivre victime de son attrait pour les zones peu profondes


Reconnaissable à sa coloration typique, bronze à gris olive aux
reflets métallisés, à son museau long et pointu et à des nageoires latérales longues et
incurvées vers l'arrière en forme de faucille, il est surtout observé dans les zones
côtières tempérées peu profondes, dans les eaux saumâtres des estuaires, les ports et
dans les eaux subtropicales plus chaudes qu'il gagne en hiver. Ce grand requin à la
taille un peu plus modeste que celle des requins précédents a une croissance parmi les
plus lentes. Solitaire ou en petit groupe, le Requin-cuivre se rassemble en meute pour
chasser les bancs de poissons, particulièrement la sardine sa proie préférée, qu'il suit
pendant toutes ses migrations. Il n'attaque jamais les mammifères marins. Il est peu
agressif, sauf en présence de nourriture, mais a déjà été impliqué dans des attaques de

278
chasseurs sous marins et de bateaux. Une trentaine de cas ont été signalés, surtout en
Australie, dont une attaque mortelle en 2011.
- Le Requin-citron ou Negaprion brevirostris

Requin-citron accompagné de ses rémoras

Ce requin de plus de 3 mètres de long, à la couleur jaunâtre, vit


au ras des fonds sableux, le long des côtes atlantiques et pacifiques subtropicales sud
et nord américaines mais également atlantiques de l'ouest africain. Une espèce très
proche, le Requin-citron faucille, s'observe dans le Pacifique et l'Océan Indien. Il est
en général timide et placide, sauf si on le provoque et il a déjà été incriminé dans des
attaques aux USA et aux Caraïbes.
- Le Requin à pointes noires ou Carcharhinus melanopterus

Requin à pointes noires

279
Sociable et peu agressif, ce petit requin de lagon mesure environ
1,60 mètre. Il est très présent dans le Pacifique, dans l'Océan Indien et en Mer Rouge,
mais a il aussi depuis quelques temps colonisé la Méditerranée orientale. Il vit surtout
en groupe, à proximité de la surface. Dans les atolls polynésiens, il lui arrive de nager
dans une hauteur d'eau de 30 cm à peine et de mordre par inadvertance la jambe d'un
baigneur imprudent, qu'il aura confondu avec une proie.
- Le Requin à pointes blanches ou Carcharhinus albimarginatus
Appelé encore Requin-Houareau, il vit près des récifs coralliens
dans l'Océan Indien et le Pacifique tropical jusqu'à des profondeurs estimées à 800 m.

Requin à pointes blanches


Sa taille peut atteindre trois mètres. On le reconnaît facilement à la coloration blanche
de l'extrémité et de la bordure des nageoires et à une mince bande blanche visible sur
ses flancs. Très agressif avec ses congénères, surtout lors de compétition alimentaire,
il peut être dangereux car il ne craint pas la présence humaine. Il a tendance à tourner
autour des plongeurs et des baigneurs et à s'approcher jusqu'au contact.
- Le Requin gris de récif ou Carcharhinus amblyrhynchos
Appelé aussi Requin dagsit ou Requin à queue noire, ce requin
très présent dans l'Océan Indien, le Pacifique et la Mer Rouge, vit le plus souvent en
groupe comptant jusqu'à une cinquantaine d'individus. Sa taille est un peu plus petite
que celle du requin à pointes blanches, en moyenne 1,90 mètre. Il est assez facilement
identifiable par son museau large et arrondi et surtout par la coloration blanchâtre de
la première nageoire dorsale ou simplement de son bord postérieur, alors que celle de
l'extrémité des autres nageoires pectorales et caudales est noire. Vivipare, ce requin
est plutôt prolifique. La femelle met bas chaque année entre 1 et 6 jeunes par portée.
Son alimentation variée se compose surtout de poissons, de poulpes et de calmars, ou
de congénères plus petits. Malheureusement pour lui, il lui arrive aussi de terminer sa
vie dans l'estomac de requins plus imposants et tout aussi voraces que lui.

280
Requin gris de récif
En présence de nourriture facile, les Requins gris, comme beaucoup d'autres requins
de récifs, peuvent montrer un comportement de frénésie alimentaire, véritable curée,
hystérie collective, d'où il est plus prudent de s'éloigner si on plonge ou si on chasse à
proximité.
Si un Requin gris de récif se sent menacé ou agressé ou s'il est
dérangé il n'hésitera pas à attaquer, mais préalablement, comme le Requin à pointes
blanches vu précédemment, il tentera d'impressionner son adversaire potentiel ou les
plongeurs, par des postures d'intimidation originales.

Postures d'intimidation du requin gris de récif

281
Simulant tout d'abord la fuite, il revient aussitôt à grande vitesse
droit sur son ennemi et s'arrête brusquement à quelques mètres devant lui. Inclinant
ses nageoires pectorales vers le bas, il pointe alors son museau vers le haut et ouvre
sa gueule en montrant les dents. Juste histoire de faire peur ! Puis il baisse les deux
tiers postérieurs de son corps et lui imprime des mouvements anguleux et saccadés
d'excitation pendant quelques secondes, avant la charge finale si l'ennemi ne s'est pas
éloigné, terrorisé... ! Cette chorégraphie rituelle menacante, n'est pas sans rappeler le
fameux ''haka'' maori et des ''All Black'' au rugby !

E- Les attaques de requins dans le monde

Le risque d'être attaqué par un requin, répétons le, est infime, si


on considère le nombre d'attaques et celui des millions de personnes allant dans l'eau
chaque jour, pour le loisir ou le travail. La mortalité due aux requins est d'une dizaine
de cas environ par an, faible, comparée à celle provoquée par certains autres animaux
terrestres. Avec leur charge imprévisible, leur morsure ou leur piqûre, ils entraînent
une mortalité beaucoup plus importante. Citons quelques exemples de mortalité
cumulée : l'hippopotame : 200 morts, l'éléphant : 600 morts, sans compter la mortalité
due au buffle, au lion, au serpent, au scorpion et au moustique. Ce dernier, à lui seul,
comptabilise près de 2 millions de morts par an, par paludisme et autres maladies
confondues. Et ce chiffre, d'une petite dizaine par an, est sans commune mesure avec
celui des victimes d'accidents de la route, de guerre ou de famine dans le monde.
Alors pourquoi chaque accident avec un requin est-il toujours
aussi largement médiatisé ? Les psychanalystes l'expliquent facilement. Ils font appel
au souvenir, inconsciemment gravé en nous, de la symbolique ancestrale de la mer.
La mer, source de vie, mère nourricière originelle, qui a engendré l'homme, évoque le
milieu vitellin qui nous a baigné pendant neuf mois jusqu'à notre premier cri !
La mer attire, sa vue apporte du bonheur, emplit d'un sentiment de béatitude et donne
envie de s'y baigner. Mais elle nous effraie à la fois, car elle peut se mettre en colère,
se déchaîner et dans ses profondeurs abyssales méconnues certains l'imaginent encore
peuplée de créatures inquiétantes, voire malfaisantes, mi-dieux, mi-démons... Et les
requins, ces super prédateurs, font partie du mythe.
Pour appréhender au mieux le problème des attaques de requins
dans le monde, il est préférable de se baser sur les données et les chiffres de l'ISAF :
International Shark Attack File, délivrés par le Département d'Ichtyologie du Florida
Museum of Natural History, basé à Gainesville aux USA, et qui fait référence en la
matière. Ce centre de recherche, dépendant de l'Université de Floride, répertorie en
temps réel toutes les attaques de requins dans le monde et collecte le maximum de
renseignements concernant la victime, l'endroit exact où l'attaque a eu lieu, l'heure,
l'espèce du requin en cause, les conditions de survenue, etc. L'analyse de toutes ces
informations permet ainsi, au fil des années, de mieux cerner les facteurs favorisants
et les causes des agressions.

282
Le nombre global des attaques est inférieur à une centaine par an
et c'est bien sûr dans les pays où les sports aquatiques sont rois et dans les zones où se
rencontrent les requins réputés dangereux que les attaques sont les plus fréquentes :
USA (Floride, Caroline, Californie, Hawaï), Afrique du Sud, Australie, Réunion.
L'Australie était en tête de peloton il y a quelques années, mais grâce aux politiques
de prévention mises en œuvre : filets de protection, guetteurs sur les plages, etc... leur
nombre a été considérablement réduit.

Nombre cumulé d'attaques de requins dans le monde jusqu'en 2014 (ISAF)

Sites des attaques Attaques en 2014 Décès en 2014 Attaques en 2015 Décès en 2015
Monde entier 72 3 98 6
USA 52 0 59 2
Floride 23 0 30 0
Hawaï 7 0 7 1
Australie 11 2 18 1
Afrique du sud 2 1 8 0

La Réunion 1 0 4 2

Statistiques 2014-2015 des attaques de requins dans les pays les plus exposés (ISAF)

L'année 2014 a vu une légère baisse du nombre des attaques au


niveau mondial : 72 au total dont 3 mortelles ; alors qu'en 2013 on en dénombrait 76
dont 10 fatales et en 2012 : 83 dont 7 décès. Il faut cependant rester très circonspect
devant ces chiffres et ne pas tirer de conclusion hâtive, et penser que leur nombre va
poursuivre sa diminution. Les experts s'attendent au contraire à une hausse notable et
inéluctable dans les années à venir. Ils expliquent leurs prévisions par la plus grande
fréquentation des plages et la vogue croissante des nouveaux sports aquatiques, et ce,
malgré une population de requins de plus en plus réduite, où près de 70 millions
d'individus sont tués chaque année. Les attaques mortelles devraient rester à des taux

283
réduits du fait d'une surveillance accrue des zones à risques, d'une prévention plus
efficace et surtout d'une intervention plus précoce des secours. C'est ce que tend à
démontrer le diagramme suivant, à partir des résultats des études épidémiologiques
publiées par le Muséum d'Histoire Naturelle de Floride.

Tous les requins non planctophages, dont la taille dépasse celle


d'un homme, et principalement ceux que nous avons évoqués, sont potentiellement
dangereux, mais il est tout à fait envisageable que d'autres requins d'espèces non
citées soient susceptibles de mordre occasionnellement dans des circonstances
particulières. Les plus dangereux, responsables de plaies étendues, hémorragiques,
hélas souvent mortelles, restent sans conteste : le Requin-tigre, qui attaque ''tout ce
qui bouge'', le Grand requin blanc, responsable du plus grand nombre d'attaques
mortelles de jour et le Requin-bouledogue, qui peut marauder dans de faibles
hauteurs d'eau et remonter les fleuves d'eau douce très en amont de leur embouchure.
Apportons ici une précision : le nom ''bull shark'' donné au Requin-bouledogue par
les anglophones, littéralement requin taureau en français, peut prêter à confusion avec
Carcharias taurus, le Requin-taureau des francophones, qui est un requin massif très
impressionnant par sa taille de près de 3 m, ses dents effilées et recourbées, mais pas
du tout agressif, et totalement inoffensif pour l'Homme.
Les requins responsables des attaques diffèrent selon les pays.
Par ordre de fréquence on rencontre :
- en Australie : le Grand requin blanc, puis le Requin-tigre, le Requin-cuivre, le
Requin-bouledogue, le Requin peau-bleue et le Requin mako .
- aux USA : le Requin-tigre, le Requin-bouledogue, le Grand requin blanc et le
Requin-citron.

284
- en Afrique du Sud : le Requin océanique, le Grand blanc, le Requin mako.
- dans les fleuves, particulièrement au Bengale et dans l'Amazone, le Requin-
bouledogue.
- à la Réunion : le Requin-bouledogue et plus rarement le Requin-tigre.
Les victimes sont principalement des surfeurs, des baigneurs ou
des nageurs avec P.M.T. (Palmes, masque et tuba), des bodyboardeurs ou encore des
véliplanchistes (75% des cas), des plongeurs autonomes avec bouteilles (5 à 10%), ou
des pêcheurs en apnée (10 à 20%). Les statistiques de l'ISAF montrent que la distance
moyenne d'une attaque par rapport à la côte est de 35 mètres à la Réunion et à moins
de 100 mètres en Afrique du Sud, et le plus souvent à des profondeurs faibles !
L'heure des attaques est variable et fonction de la période d'activité de chasse du
requin : diurne pour le Grand requin blanc, plutôt en fin de journée ou à la tombée de
la nuit pour les requins de récifs.
Quelles sont les facteurs favorisant l'approche des requins ?
Les requins sont, comme beaucoup d'êtres vivants, des animaux
paisibles, parfois curieux, souvent craintifs. Ils sont dotés, comme nous l'avons vu,
d'organes sensoriels divers et perfectionnés, leur permettant de se situer dans l'espace
aquatique, de dépister et de localiser une présence étrangère et la plupart du temps de
reconnaître un Homme dans l'eau. Mais pas toujours !

Audition
odorat
vibrations
vision
perception
Toucher + Goût électro-magnétique

contact
<50cm
<20m
100 m
1 à 2km
1 km à 20km

Rappel des distances de perception sensorielle des requins

285
Tout individu immergé en mouvement provoque sans le savoir de
minimes vibrations transmises par l'eau et enregistrables par le requin dans un rayon
de 100 mètres. Le bruit insolite d'une planche de surf glissant à la surface de l'océan,
ou celui d'un moteur de bateau, créent des ondes perceptibles à plusieurs kilomètres
de distance. L'odorat très fin du requin lui permet de repérer de très loin le sang d'un
poisson, accroché à la ceinture d'un chasseur en apnée ou traîné dans une nasse.
Toutes ces informations sensorielles captées par le requin vont l'attirer vers la source
d'émission et l'Homme.
L'étripage des poissons par les pêcheurs et le déversement des
viscères dans l'eau des ports joue un effet attractif non négligeable. Il en est de même
des fermes aquacoles, des abattoirs en bord de mer et de toutes les activités humaines,
où des déchets alimentaires sont rejetés en mer. Cet apport alimentaire représente un
pôle d'intérêt capital pour les poissons, les fidélisant à une zone, avec tous les risques
que cela comporte quand il s'agit de requins. Les réserves marines, véritables viviers
naturels, pourraient également jouer un rôle attractif pour les gros prédateurs, mais
des études récentes à la Réunion semblent prouver le contraire... .
Un facteur météorologique permet aussi d'expliquer la présence
des requins à proximité des rivages. Les pluies tropicales intenses à certaines saisons,
en ravinant et en lavant les sols, drainent vers la mer engrais et nutriments telluriques,
favorisant les efflorescences planctoniques, l'arrivée du poisson fourrage, des gros
poissons et en bout de chaîne des gros prédateurs : les requins.

Mais que se passe t-il en pratique chez un requin qui a faim ?

En phase d'appétence alimentaire, le requin s'approche des côtes


et patrouille à proximité du rivage, dans des zones où il sait qu'il peut trouver de la
nourriture. Informé de la présence d'une proie potentielle par réception d'informations
auditives, olfactives et vibratoires, il va alors entamer lentement mais sûrement une
approche, comme le fait un navigateur avec un traceur GPS sur un bateau et corriger
son cap jusqu'à ce que la source alimentaire détectée entre dans son champ visuel.
Comme sa vue de loin est assez médiocre et n'apporte qu'une vision floutée, le requin
doit se rapprocher très près pour voir nettement et identifier formellement sa victime.
Et encore, dans certains cas ce n'est pas évident, surtout si l'eau est trouble et chargée
de sédiments ou quand la proie est cachée. Il utilise alors les ampoules de Lorenzini,
son détecteur d'ondes électromagnétiques. Si un doute persiste, juste avant d'attaquer
sa proie, il la percute sèchement. Ce contact corporel lui permet d'analyser, grâce aux
cryptes sensorielles réparties sur sa peau, si elle vaut ou non la peine d'être croquée.
Quand une décision urgente s'impose pour ne pas la laisser s'échapper, en particulier
si elle se déplace avec vélocité devant lui, le requin attaque d'emblée et mord. Et c'est
avec les papilles gustatives, présentes sur ses lèvres et dans sa gueule, qu'il décide en
dernier recours si la proie convoitée est à son goût ou pas. Après cette appréciation
ultime, il va la relâcher et la recracher si elle ne lui plaît pas, ou la dilacérer entre ses
mâchoires et l'engloutir si elle lui convient.
A la Réunion, 18 attaques dont 6 mortelles ont eu lieu entre 2004

286
et 2015, et surtout ces dernières années, où elles ont été particulièrement dramatiques.
La plupart ont été attribuées au Requin-bouledogue et quelques unes au Requin-tigre.
Les requins n'étant plus pêchés depuis plusieurs années à cause de la ciguatera qui les
rendaient non comestibles, ont vu leur population proliférer, mais était-ce vraiment la
cause ? Pour en savoir plus, un programme scientifique baptisé CHARC a vu le jour,
avec pour objectif de mieux connaître l'écologie, l'habitat des deux espèces de requins
côtiers incriminés et de mieux gérer le risque requin sur la côte ouest de l'île. Pour se
faire, 40 Requins-tigres et 39 Requins-bouledogues ont été capturés, équipés d'une
balise acoustique intra-abdominale et relâchés. Grâce à des récepteurs immergés à
vingt mètres de profondeur, formant un véritable réseau autour de la zone touristique
de l'île, détectant et identifiant les requins marqués, précisant leur position exacte en
profondeur et dosant la salinité de l'eau, de nombreuses données ont été enregistrées
pendant deux ans et ont pu être confrontées entre elles. Ces observations ont permis
d'affirmer que les requins sont présents toute l'année à la Réunion et nomades pour la
plupart. Ils sont plus nombreux entre février et août, période où se situent la majorité
des attaques. Le Requin-tigre reste en général au large et ne s'approche pas du bord.
Le Requin-bouledogue, quant à lui, évolue dans des profondeurs comprises entre 50
et 150 m quand le poisson est en abondance, mais il se rapproche près du rivage si la
ressource vient à manquer. Son déplacement est rythmé par l'alternance jour et nuit. Il
aborde la côte en début d'après midi vers 14 H, maraude à la recherche de nourriture
dans toute la colonne d'eau et migre vers la surface au crépuscule, où son activité de
chasse est maximale, puis il s'éloigne de la côte en fin de nuit et retourne au large.
Le Requin-bouledogue est encore plus présent à la côte, quand la turbidité de l'eau est
grande, quand la salinité est basse après des pluies importantes et quand la houle est
forte. Il est rarement solitaire mais vadrouille souvent en compagnie d'un congénère
mâle ou femelle.
Des balises Argos implantées sur le dos de quelques Requins-bouledogues ont prouvé
par des enregistrements satellitaires en continu, pendant les six mois de durée de vie
moyenne des batteries, qu'ils ne sont pas inféodés aux zones littorales, même si elles
représentent un de leurs habitats préférentiels. Ce sont des navigateurs infatigables
capables de faire le tour de l'île en quatre jours et de partir au large à plus de 300 km.
Toujours dans le cadre de l'étude CHARC, des analyses génétiques, réalisées sur des
biopsies musculaires et des prises de sang de Requin-bouledogue de la Réunion, ont
mis en évidence la présence de matériel génétique commun dans des prélèvements
sur des congénères du Mozambique et d'Afrique du sud, preuve de l'aptitude de ce
requin a traverser l'Océan Indien et à se reproduire avec ceux des côtes africaines. On
a découvert par ailleurs au cours cette étude que les femelles sont polyandres, à savoir
qu'elles s'accouplent habituellement avec plusieurs mâles différents.
Plusieurs questions restent en suspens. Pourquoi les Bouledogues
quittent-ils l'île ? Migration saisonnière transocéanique pour trouver un partenaire ?
Pourquoi se rapprochent-ils très près des côtes, juste avant et pendant l'hiver austral ?
On estime avoir actuellement la solution en affirmant que les Requins-bouledogues
choisissent la côte ouest de l'île, spécialement entre Saint Gilles et Étang Salé, entre
mars et juin, pour sa richesse alimentaire, pour se retrouver au calme chaque année

287
dans de bonnes conditions, pour s'accoupler et se reproduire.
Pourquoi les requins attaquent-ils les Humains ?
Plusieurs explications ont été proposées mais il est fort probable
que la réponse soit plurielle.

Surfeur Phoque ?
Causes de confusion chez le Grand requin blanc
1- Confusion alimentaire
Cette hypothèse est certainement la principale cause des attaques
de requins dans le monde, et notamment pour les Grands requins blancs. Quand un
requin est affamé et voit passer rapidement au-dessus de lui un animal ressemblant à
une otarie, un phoque, une tortue, un baleineau ou un animal blessé à l'agonie..., pour
compenser sa vue loin d'être parfaite, il lui faut réagir vite pour ne pas laisser filer la
proie, et sans hésitation il va attaquer !
Hélas il peut s'agir, d'un surfeur s'adonnant à son sport favori,
d'un véliplanchiste, d'un kitesurfeur ou d'un banal canot pneumatique. Ici, pas de
doute, la confusion alimentaire est une évidence. Le requin va mordre sa victime une
ou deux fois au maximum, puis se rendant rapidement compte de son erreur, il la
relâche. Malheureusement les plaies aux bras, aux jambes, à la cuisse ou au thorax
sont souvent très délabrées d'emblée, provoquent des hémorragies cataclysmiques et
la mort en quelques minutes, avant même que le blessé ne soit ramené sur le rivage...
La turbidité élevée de l'eau favorise ce type d'attaques, car elle
réduit la netteté et diminue d'autant la vision des requins déjà limitée à une vingtaine
de mètres. Les études épidémiologiques montrent que les attaques sont plus présentes
quand l'eau est trouble, après brassage des fonds sablo-vaseux par une forte houle ou
la tempête, après de fortes pluies et l'apport d'alluvions terrestres ou après pollution.
A la différence du phoque, mets de choix du Grand requin blanc,
l'Homme ne fait pas partie du menu traditionnel du requin. Si c'était le cas, la victime
ne serait pas relâchée immédiatement après la morsure, mais le squale s'acharnerait

288
sur elle et prendrait le temps de la dévorer. De plus avec la fréquentation des plages
en perpétuelle hausse, l'engouement croissant pour les sports de glisse et la plongée
sous-marine, les attaques par les requins devraient être beaucoup plus nombreuses...

Presque 50 % des attaques concernent les surfeurs

2- Auto-défense
Un requin qui se sent menacé ou dérangé peut fuir, mais aussi
attaquer. C'est ce qui se passe quand des plongeurs veulent en approcher un de trop
près, le gênent dans son déplacement ou lui coupent la route. Le requin change alors
brusquement de comportement, devient nerveux et entame avant l'assaut, un ballet
d'intimidation, dont nous avons déjà décrit la gestuelle. C'est le cas pour une grande
majorité des requins de récifs. Dans ce type d'attaque, la responsabilité humaine est
habituellement en cause. Il est donc impératif pour les plongeurs de bien connaître les
règles élémentaires pour ne pas effaroucher les requins, dans toutes les zones où ils
sont susceptibles d'être croisés.
3- Défense et dominance territoriale
Certains requins peuvent s'approprier un territoire de chasse ou
un espace de vie déterminé. C'est le cas du Requin-tigre, du Requin océanique, du
Requin mako, du Requin soyeux, des requins de récif et probablement aussi celui du
Requin-bouledogue à la Réunion, qui semble y avoir choisi un domaine bien précis
pour s'alimenter et se reproduire. Si un animal étranger, parfois un requin d'une autre
espèce, ou un homme, tente de pénétrer ou de séjourner dans la zone en question, le
requin peut attaquer, avec ou sans sommation d'usage, pour défendre son territoire. Il
peut s'agir d'une seule morsure d'intimidation ou d'un acharnement féroce, impossible
à confondre avec une attaque par confusion alimentaire. Ces situations difficilement
prévisibles sont particulièrement dangereuses. Le requin veut montrer en attaquant,
qu'il est chez lui, sur son territoire, qu'il a l'intention de le défendre, qu'il ne veut pas
être dérangé et qu'il ne tolère pas de concurrence étrangère. C'est sa façon de prouver
son rôle de chef et sa dominance !
4- Morsure par simple curiosité ou à but d'identification
Le requin dans ce type d'attaque se sert des papilles gustatives
localisées dans sa gueule, pour identifier ce qui se présente devant lui. Il mordille

289
puis relâche aussitôt. C'est le cas par exemple des morsures dues aux petits requins de
lagon, en général superficielles et sans gravité, survenant en déambulant le long des
plages, dans quelques dizaines de centimètres d'eau. L'identification par morsure est
l'hypothèse de plus en plus souvent évoquée, pour expliquer les attaques des grands
requins, au détriment de celle plus ancienne de la confusion alimentaire, mais le sujet
fait toujours débat et à ce jour aucune conclusion définitive n'a encore été établie.

Parlons un peu du ''shark feeding'', ce moyen très efficace pour


drainer requins et touristes dans un petit coin souvent paradisiaque des Tropiques et
donner des sensations fortes aux vacanciers et plongeurs de tout poil. Mais hélas dans
un but purement commercial ! Cela consiste à apporter de la nourriture, tous les jours,
à heure régulière, dans un endroit bien précis, pour attirer les requins. Cette pratique
est à mon avis une hérésie. Elle déclenche au bout de quelques minutes une véritable
curée alimentaire, une frénésie au cours de laquelle les squales perdent tout contrôle
d'eux mêmes et peuvent mordre tout ce qui traîne à proximité, pied, jambe et main de
plongeur compris. Aux Bahamas en 2008 un plongeur chargé de nourrir et de filmer
des requins en est mort ! Le risque à moyen terme, c'est que alléchés par la nourriture
facile, les requins modifient progressivement leurs habitudes de vie, se fixent autour
de la zone de nourrissage, jusqu'à atteindre un taux de surpopulation préjudiciable
aux autres espèces de la faune marine. Cette pratique peut entraîner une désinhibition
progressive des squales et les rendre moins craintifs vis à vis de l'Homme. Même si,
sur les spots de shark feeding, le nombre des attaques ne paraît pas avoir augmenté, le
risque est bien réel. Il l'est surtout lorsque la politique de nourrissage est brutalement
interrompue, pour une raison ou une autre. Les besoins en nourriture deviennent alors
supérieurs à ce que peut offrir le milieu où l'homme les a artificiellement sédentarisés
et la faim les rend rapidement agressifs et encore plus dangereux. Cela s'est vérifié à
plusieurs reprises sur certains spots de plongée, en particulier en Mer Rouge.
Le shark feeding représente pour beaucoup de spécialistes en éthologie, une pratique
dangereuse et condamnable. Cette activité est d'ailleurs officiellement interdite en
Polynésie française depuis l'arrêté n° 396 CM du 28 avril 2006.

F- Mesures pour diminuer le risque d'attaque

Les requins sont présents partout dans le monde mais c'est


surtout dans les océans et les mers chaudes et tempérées que leur présence est
endémique, à proximité justement des rivages où les habitants et les vacanciers
privilégiés viennent profiter des plaisirs de la mer. Il n'est pas inutile de rappeler que
le milieu marin est en premier lieu le domaine naturel des animaux et des requins en
particulier, mais pas celui de l'Homme. L'oublier peut être lourd de conséquence, car
pénétrer en territoire étranger implique un certain nombre de risques, même si
statistiquement il est infime. Dans les régions du monde où des requins sont signalés,
spécialement dans les pays où des accidents ont déjà eu lieu, il est nécessaire pour
prévenir toute mésaventure de respecter les mesures de précaution suivantes :

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Quelques panneaux signalant la présence de requins

1- Principes de base
- Respecter les panneaux d'interdiction de baignade ou signalant un danger et
préférer les zones protégées par des filets ou les plages surveillées.
- Ne pas se mettre à l'eau si des requins ont été signalés récemment et sortir de
l'eau si on pense qu'ils sont là.
- Ne pas se baigner près des embouchures des rivières et des zones d'activités
humaines : ports, fermes marines, aux eaux souvent troubles et sales, où des déchets
alimentaires sont susceptibles d'attirer poissons et requins. Idem pour les endroits où
des actions de poissons en chasse ont été notées : mouvements anormaux à la surface,
bonds hors de l'eau d'un banc de poissons fourrage, plongeons d'oiseaux de mer...
- Redoubler de prudence si l'eau est trouble, particulièrement après de fortes
pluies côtières lessivant les sols et drainant des nutriments vers la mer.
- Prudence avant de s'immerger près des tombants, des surplombs et entre les
bancs de sable, postes d'affût préférés des requins.
- Ne pas faire de clapotis, ne pas barboter dans l'eau et ne pas se baigner avec
son chien. Les sons et les vibrations de basse fréquence produits sont perçus par les
requins et peuvent simuler la présence d'un poisson, d'une tortue ou d'un autre animal.
- Ne pas fréquenter, lorsqu'elles sont connues ou suspectées, les aires de repos
ou de reproduction des requins et les nurseries où les petits se développent.
- Toujours rester en groupe, car les requins attaquent en général les individus
isolés. La présence d'un groupe est plus facilement identifiable et va les intimider
davantage.
- Rester à proximité du bord, pour ne pas se trouver rapidement seul et pour
bénéficier d'une aide rapide si nécessaire.
- Ne pas entrer dans l'eau à la tombée du jour ou la nuit, quand les requins sont
en pleine période de chasse et la visibilité réduite.
- Ne pas porter de bijoux ou d'objet brillant. Ils attirent les requins, en simulant
les écailles rutilantes des poissons argentés sous le soleil.
- Ne pas porter un vêtement de bain ou une combinaison aux couleurs vives et
au contraste trop marqué par rapport à l'eau, le jaune tout spécialement. La vision du
requin est très sensible au contraste des couleurs.

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- Ne pas aller dans l'eau avec une plaie ouverte ou un saignement quelconque.
Les requins sentent le sang à plusieurs kilomètres à la ronde. Cette mesure s'applique
aussi aux femmes en période de règles. Même si aucune étude scientifique n'a prouvé
le contraire, c'est totalement déconseillé.

2- Conseils spécifiques aux plongeurs

Croiser un ou plusieurs requins au cours d'une plongée, dans des


eaux où leur présence est connue, n'est pas un événement exceptionnel en-soi et en
général sans aucun danger. Le plus souvent le requin passe indifférent ou s'approche
des plongeurs et tourne autour par simple curiosité, tout en gardant ses distances.
Si le requin manifeste un peu trop d'intérêt, s'il fait partie de ceux
réputés dangereux ou s'ils sont manifestement nombreux, l'attitude à prendre dépend
de son expérience personnelle et de celle des membres de la palanquée, mais le plus
prudent est de quitter les lieux le plus calmement possible, en gardant son sang-froid,
sans mouvement de fuite intempestif qui pourrait inquiéter le requin et déclencher
une attaque. Voici quelques recommandations utiles en cette circonstance.
- Rester groupé, reculer doucement en ne perdant pas le requin des yeux, sans
jamais lui tourner le dos. Garder bras et jambes collés au corps, car ce sont ses cibles
préférées en cas d'attaque.
- Rester immobile, accroupi près du fond, des rochers, des coraux, ou de tout
obstacle contre lequel le requin risque de se blesser en attaquant. Attendre quelques
minutes, s'il part ou pas, avant de poursuivre la retraite. Se déplacer le plus possible
au ras du fond, est toujours préférable à la nage en pleine eau ou en surface.
- Si on est en pleine eau, reculer lentement, collé dos à dos avec son binôme,
pour ne pas perdre de vue le requin.
- Sous le bateau, remonter calmement en respectant les règles de sécurité en
plongée, un œil en permanence fixé sur ses jambes, toujours à portée de mâchoires.
- En surface nager rapidement, mais sans panique, vers l'échelle perroquet du
bateau, tout en poursuivant la surveillance attentive du fond de l'eau.
- Si une attaque a lieu, se défendre avec son tuba, son appareil photo ou tout
objet, en tapant avec force sur le nez du requin. La zone est sensible et en général cela
le fait fuir. Sinon faire fuser l'air de l'octopus, le détendeur de secours, en direction du
requin, pour perturber ses perceptions sensorielles et l'apeurer.
- Si on est pris entre les mâchoires du requin, l'immobilité ne sert à rien. Il faut
au contraire le frapper avec ses palmes et ses poings, sur le museau, les branchies, lui
enfoncer le pouce dans les yeux. Il n'apprécie pas du tout. Dès que le requin relâche
sa prise, en général après une ou deux morsures, il est vital de juguler l'hémorragie,
principale cause de décès et de faire un point de compression ou de poser un garrot,
dès la sortie de l'eau ou avant si possible.
3- Autres conseils aux sportifs en mer
- Les surfeurs, principales victimes des requins, voient rarement leur agresseur.
Pour eux la seule précaution est d'aller en mer uniquement sur des plages surveillées
et protégées par des filets anti-requins et de respecter les principes de base.

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- Les chasseurs sous-marins en apnée, ne doivent pas accrocher le poisson tiré,
mort ou blessé, à leur ceinture mais dans un filet traîné à bonne distance, car le sang
et les spasmes des poissons à l'agonie attirent les requins et provoquent souvent une
attaque immédiate. En présence de requin, il est conseillé d'abandonner aussitôt ses
prises et de quitter tranquillement la zone, comme indiqué précédemment.

Planches de surf après une attaque de requin

G- Comment se protéger efficacement des requins

Que faut-il faire lorsque des attaques de requins ont lieu toujours
le long des mêmes rivages, comme c'est le cas à la Réunion, pour assurer à tous les
habitants et aux touristes une protection réellement efficace ? Tuer et exterminer tous
les requins patrouillant dans la zone, comme certains l'ont proposé ? Non, ce n'est pas
la solution et les études le prouvent. L'étude Charc a montré que les squales pour la
plupart, ne sont pas sédentaires. Ils se déplacent en permanence. Cette option radicale
ne ferait que prélever des victimes innocentes et décimer davantage une population
déjà fortement affectée. Mieux connaître le mode de vie des requins, leurs migrations,
les zones maritimes qu'ils fréquentent, réduire les sources alimentaires qui les attirent
près des côtes et des plages, là où se concentrent la plupart des ressources humaines
et touristiques, paraît être une politique à moyen et long terme beaucoup plus logique
et efficace. Tout en sauvegardant la population de requins, elle devrait permettre aux
îliens et à tous les vacanciers de profiter plus librement des loisirs aquatiques, limités
actuellement par arrêté préfectoral aux zones protégées et surveillées, aux bassins
aménagés et à l'espace intérieur des lagons. L'accès à un espace marin plus étendu et
la sécurisation de nouveaux sites devrait logiquement effacer dans un futur proche les
répercussions économiques et touristiques désastreuses que le danger requin a généré.
Faisons maintenant le point de tous les moyens de sécurisation et
de protection collectifs et individuels à disposition. Certains procédés déjà anciens et
bien connus sont largement utilisés, d'autres plus récents utilisent des technologies
originales et efficaces à visée répulsive et à action sensorielle.

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1- Surveillance des plages
Classiquement elle est visuelle et assurée par des vigies, placées
de part et d'autre de la zone de baignade ou du spot de surf à surveiller, du haut de
chaises hautes, de miradors ou d'aplombs rocheux si le relief de la côte le permet, afin
de bénéficier de la meilleure visibilité possible. Hélicoptère, ULM, drone volant ou
aquatique équipés de capteurs, ballon captif gonflé à l'hélium ou canots semi-rigides
munis d'une caméra peuvent parfois compléter le dispositif de surveillance. Parfois
elle est réduite à un simple guetteur debout sur une planche de ''stand up paddle'' et à
un plongeur apnéiste, évoluant juste en-dessous, pour contrôler le fond de l'eau...
La technologie est de plus à l'honneur pour la surveillance des
sites exposés aux requins. Une méthode semble-t-il performante et pleine d'avenir est
actuellement en cours d'expérimentation en Australie. Baptisé Optus Clever buoy, ce
procédé permet de repérer l'approche d'un requin, parmi les gros poissons et les autres
animaux marins. Il se compose d'un sonar immergé, stabilisé sur le fond, relié à une
bouée en surface contenant un émetteur radio et une batterie rechargeable. Grâce à un
logiciel spécial, l'information est transmise instantanément par voie satellitaire aux
gardes côtes responsables du déclenchement de l'alarme. La portée du détecteur est
pour l'instant limitée 60 mètres.

Procédé Optus Clever buoy

2- Protection des sites


- Filets maillants fixes
Cette technique, mise au point en Australie est largement utilisée
depuis 1952 en Afrique du Sud. Elle consiste à mettre à l'eau, au-delà des premières
déferlantes de la plage à protéger, des filets à disposer en quinconce, en deux rangées
séparées d'une vingtaine de mètres. Chaque filet a une longueur de 320 mètres, une
hauteur de 6 mètres et des mailles de 40 cm. Elle a permis de réduire le nombre des
attaques de façon très significative, par la capture des requins venant du large ou de la
plage, mais son efficacité n'est pas absolue. L'inconvénient majeur de ce procédé est
d'être un engin de pêche performant et non sélectif. Il décime la population de squales
mais pas uniquement, car dans les mailles de ces filets se noient souvent des animaux
innocents, tels que tortues, dauphins, petits cétacés et autres mammifères marins.

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Façon de positionner des filets anti-requins
Sur le plan pratique, il faut relever les filets tous les jours, retirer les animaux morts
piégés dans les mailles, les algues et les débris de toutes sortes qui les encombrent,
réparer les déchirures... Tout cela représente un coût d'exploitation assez élevé.
- Palangres de surface ou ''drumlines''
Ce sont des engins peu onéreux et très efficaces, utilisés pour la
pêche aux requins. On estime qu'une dizaine de ''drumlines'' positionnées en série le
long de la côte serait suffisante pour protéger 1 km de plage. Toutes les associations
pour la protection et la sauvegarde des Sélaciens se sont insurgées à juste titre contre
ces engins qui tuent, non seulement les espèces supposées attaquer l'Homme, mais
aussi des espèces inoffensives, des raies et des baleineaux. Pour réduire la mortalité et
améliorer la sélectivité des prises, a été mis au point un nouveau procédé de palangre
dite ''intelligente''. La ligne de pêche est couplée à une balise GPS et à un système
électronique de transmission d'information en temps réel qui permet, dès la capture
d'un poisson, une intervention rapide de personnels, pour le prélever ou le marquer et
le relâcher. Cette technique de protection des côtes a été expérimentée en 2014 puis
en 2015 à la Réunion, dans le cadre des projets Cap Requin 1 et 2.

Palangre ''intelligente'' ou ''smart drumline''


La technique permet d'attraper de nombreux requins, mais l'utilisation des palangres
est contestée, car elle pourrait à la longue, avec les appâts accrochés aux hameçons,
attirer les squales et avoir des conséquences opposées à l'objectif recherché.

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- Filets et barrières fixes
Métalliques ou synthétiques, ils constituent de véritables enclos
infranchissables pour les animaux d'une certaine taille. Malgré un coût d'installation
et d'entretien élevé, ils sont relativement fragiles et sujets à des risques de destruction
partielle ou totale lors des tempêtes. Des filets métalliques d'un nouveau genre, plus
résistants à la corrosion et nécessitant moins de maintenance, ont été imaginés pour
pallier à ces problèmes. Ils ont l'avantage de sécuriser à la fois le surf et la baignade.
Deux d'entre eux viennent d'être installés à la Réunion, devant les plages de Boucan
Canot et des Roches Noires.
- Filets électromagnétiques
Ces procédés technologiques innovants et inoffensifs sont basés
sur la sensibilité des requins aux ondes électriques de basse fréquence. Ils utilisent un
champ électromagnétique pour faire office de barrière et refouler les squales vers le
large, en provoquant chez l'animal un choc électrique et des spasmes musculaires très
désagréables et dissuasifs. Plusieurs dispositifs sont actuellement proposés.
Le premier est belge et nommé SRS ou Shark Repelling System.
Il est constitué d'une série de portiques sous marins, plus ou moins nombreux selon la
longueur de la zone à protéger, créant un champ électromagnétique, dont la puissance
et la fréquence des ondes sont préalablement réglées. Tous les éléments du portique
sont fixés dans le sol ou sur un corps mort et reliés entre eux, sur le fond par un filin
et en surface par des bouées. Alimenté en électricité à partir de la plage ou autonome
au moyen de batteries, le dispositif est équipé de plusieurs systèmes d'alarmes pour
détecter l'approche des requins et signaler un éventuel dysfonctionnement.

Projet SRS à la Réunion Barrière high-tech près du Cap

Le deuxième modèle est développé en Afrique du sud par une


filiale de la société Armscor spécialisée en armement et consiste en un filin fixé sur le
fond marin, hérissé d'antennes semi-rigides pulsant des ondes à base fréquence ayant
un effet répulsif sur les squales.
Ces matériels écologiques, au coût encore onéreux, permettent
d'envisager dans les années à venir une meilleure cohabitation entre l'Homme et les
requins et constituent un excellent compromis pour réconcilier partisans de la sécurité
des plages avant tout et protecteurs des animaux. Grâce à leur fiabilité, en interdisant
certains espaces maritimes aux requins, ils rendent possible la pratique des activités

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nautiques, à priori sans risque, et permettent la sauvegarde des requins dans le milieu
océanique originel, qui finalement leur appartient plus qu'à l'Homme !

3- Protections individuelles

Elles ont pour but de rendre le nageur, le surfeur et le plongeur


invisibles ou peu attractifs et de se défendre si un requin devient menaçant.
- Combinaisons et planches de surf anti-requins
Elles sont colorées de différentes nuances de bleu pour rendre le
baigneur peu visible dans l'eau, ou striées de rayures noires et blanches pour simuler
le Tricot-Rayé, serpent particulièrement venimeux et redouté par les requins.

Combinaisons anti-requin Baquet de Johnson

- Baquet de Johnson ou ''Shark screen''


Ce matériel de survie a été testé par l'US Navy. Il est composé
d'un sac plastique étanche opaque, surmonté de plusieurs rangées de bouées assurant
la flottaison. Il est sensé protéger le naufragé de la vue et de l'odorat des requins et
devrait être obligatoire à bord des navires fréquentant les mers infestées de requins.
- Débordoir ou ''Shark Billy''
Imaginé par le Commandant Cousteau, cet ustensile simple et
efficace est constitué d'un bâton ou d'un tube métallique et porte à une extrémité une
dragonne, pour assurer une bonne prise et à l'autre un bout caoutchouté dur, hérissé
de pointes métalliques arrondies, servant à refouler les requins trop curieux.
- Dispositifs répulsifs
Ils fonctionnent sur le même principe que les filets répulsifs et
délivrent aux requins menaçants ou qui s'approchent de trop près, des ondes pulsées
électromagnétiques désagréables, non perçues par les autres espèces marines. Leur
utilisation est aisée et leur port peu encombrant.

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* ''Shark Shield''
Ce système se compose d'un boîtier relié à une antenne. Il se fixe selon les
modèles, sur une planche de surf, sur une bouteille de plongée ou à une cheville et a
pour but de créer autour de son porteur une sorte de bouclier protecteur.
* ''Shark Schocker''
Bracelet en néoprène, porté au poignet ou à la cheville, il contient un aimant
puissant et produit un champ magnétique censé incommoder et faire fuir le requin.
* ''Dearteck''
Ce pistolet à main envoie un faisceau d'ondes électromagnétiques refoulant
toutes les espèces de requins jusqu'à une distance de 50 mètres.

Shark shield Dearteck Shark shocker

Lupara Zone de protection avec Shark Shield


- Lupara
C'est un dispositif détonnant, fatal pour le requin, une sorte de
cartouche qui se fixe à l'extrémité d'une flèche de fusil sous marin ou d'un débordoir
et qui se déclenche uniquement ''à bout touchant'', au contact de l'animal.
- Fusil et flèche anti-requin au CO2
Dès que le coup est tiré et que la pointe de la flèche traverse la
peau, la capsule de gaz se vide dans l'animal. La volumineuse bulle exerce alors une
poussée hydrostatique positive, qui envoie le requin inéluctablement vers la surface
où il meurt rapidement.
Tous les moyens que nous venons de décrire ont fait leur preuve
dans le domaine expérimental, mais leur efficacité in vivo n'est pas garantie à 100 %.
Les technologies récentes sont certes innovantes, mais le recul est encore insuffisant

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pour apprécier leur réelle fiabilité. Dans ce domaine beaucoup d'innovations restent
encore à découvrir. Les chercheurs sont toujours en quête d'un moyen de protection
efficace, inoffensif, répulsif, d'utilisation aisée et si possible peu onéreux, agissant sur
les aptitudes sensorielles du requin. Des tests avec certaines fréquences sonores et
certaines substances odorantes sont à l'étude, mais la route est encore longue...
Avant de clore ce chapitre il me paraît important de bien situer
une dernière fois le problème posé par les attaques de requins.
Chaque année, ils tuent et blessent des victimes innocentes. C'est hélas, une réalité
dramatique incontestable ! Les derniers bilans mondiaux, publiés par les américains
de l'ISAF, font état pour 2015 de 98 attaques dont 6 cas mortels, et ces chiffres sont
très probablement sous évalués, car dans certains pays les accidents ne sont peut être
pas toujours déclarés.
Par comparaison, en France, les accidents d'alpinisme tuent et blessent, rien que dans
le Massif du Mont Blanc, selon les chiffres publiés par la Préfecture de Haute-Savoie,
plus que les requins dans le monde entier : 19 morts en 2011, 25 en 2012, 14 en 2013,
18 en 2014... Sans minimiser le risque ni la responsabilité des squales, il faut rappeler
qu'un tiers de toutes les espèces de requins sont en voie de disparition, malgré la
politique de protection internationale mise en œuvre. On continue à tuer dans le
monde, chaque année, plus de requins qu'il n'en naît.
Tant que le commerce des ailerons, vendus à prix d'or en Asie, ne sera pas interdit au
niveau mondial et puni sévèrement, l'avenir des requins restera incertain.
Le rôle régulateur de ce super prédateur, au sommet de la chaîne
alimentaire, est pourtant indispensable dans l'écosystème marin. Prenons, pour mieux
comprendre, un exemple simple parmi tant d'autres. Aux USA sur la Côte-Est, des
pêcheries de coquilles Saint-Jacques avaient été contraintes de fermer, par disparition
pratiquement totale de la ressource. Des biologistes montrèrent que ce phénomène
était en rapport avec une pullulation des raies, grandes consommatrices de coquilles.
Or, l'unique prédateur de ces raies n'était autre que le requin, qui faisait l'objet d'une
surpêche dans cette région de l'Atlantique Ouest depuis des décennies. La pêche au
requin a donc été interdite. Il a pu se reproduire et progressivement sa population s'est
reconstituée. On a alors constaté une lente et progressive diminution du nombre des
raies et les coquilles Saint-Jacques sont réapparues...
Les requins jouent indéniablement un rôle capital dans l'équilibre des espèces. Il faut
les protéger et faire appliquer la réglementation internationale par tous !
De nombreuses équipes d'océanographes, de biologistes marins,
de plongeurs et de cinéastes expérimentés ont côtoyé des requins réputés dangereux
lors de plongées d'exploration, sans déclencher la moindre réaction de leur part. Ceci
tend à prouver que l'homme n'est pas considéré comme un ennemi, dans la mesure où
le requin se sent respecté et n'est pas menacé. Pour cela il faut éviter de le côtoyer de
trop près, de gêner sa route ou de l'effaroucher par des mouvements brusques et des
gestes inconsidérés. Certains spécialistes affirment que les attaques de requins sont
dues principalement à l'inconscience de l'Homme, envahisseur et colonisateur d'un
territoire qui ne lui appartient pas, et qui ignore souvent tout, des particularités et du
caractère de ses habitants. Ont-ils réellement tort ?

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