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Cycle de préparation à l’agrégation /Marrakech

Février 2024
Agrégation de français.
Œuvre au programme : Cinna ou la Clémence d’Auguste, Pierre Corneille, 1641
Commentaire composé : La scène cinq
Par Boulfassa Hicham

Introduction
Toutes les insurrections et les soulèvements qui ont marqué le règne d’Octave ont été réprimé
dans un bain de sang. Des guerres civiles qui allaient tragiquement laisser des plaies ouvertes qui
animent les passions vindicatives de certains. Alors Le sang des victimes n'est pas encore refroidi,
un nouvel appel à la révolte émerge. Au cœur de cette nouvelle conjuration se trouve un trio de
jeunes ‘’adolescens’’ en grec, de très jeunes gens embarqués par la passion, des personnages
motivés par des aspirations entrelacées. C’est un combat générationnel qui se profile : Emilie, Cinna
et Maxime d’un côté et le souverain de l’autre.
Corneille a subtilement œuvré afin de ressortir cette tension dramatique entre les deux camps. Le
dramaturge a fait en sorte que tout doit concourir à sublimer l’acte final d’Auguste. La clémence
devrait nécessairement se profiler comme une théophanie renforçant donc toute la grandeur
attribuée au monarque et la bassesse des conjurés. D’autant plus qu’Auguste se montrait vertueux
tout au long de la pièce, c’est un homme lassé de pouvoir et qui cherche le moyen de se retirer. La
scène allait devenir plus émouvante quand l’empereur a demandé conseille à ceux qui considérait
ses amis fidèles, les mêmes qui conspirent dans son dos.
La conjuration est déjouée suite à des conflits internes entre les trois. Maxime qui se sent perdant
dans cette affaire décide alors de dénoncer le projet d’attentat contre Auguste par le biais
d’Euphorbe. Livie tente vainement de dissuader son mari des conséquences dévastatrices d’une
éventuelle vengeance à l’égard des conjurés.
Maintenant tout a été dévoilé devant le chef de l’Etat. Ceux qui considèrent comme ses enfants
voire ses amis s’avèrent ses pires ennemis. Lorsqu’il apprendra la trahison de Cinna, sa réaction
sera à la mesure de sa déception : « Quoi ? mes plus chers amis ! » (v. 1081). L’acte 4 prépare déjà
le dénouement, du moment où les tentatives de Livie de dissuader son mari aux risques d’une
éventuelle punition sanguine des jeunes. La mort des trois serait à l’origine de plusieurs vendettas
qui allaient se mettre autour du coup de l’empereur.
La réaction du public est, à ce moment-là, est sans doute prévisible, du moment où le dramaturge
a réussi à ressortir toute la noirceur et la lâcheté des comploteurs. La salle doit retenir son souffle,
le lecteur est tenté sans doute d’un épilogue tragique connaissant le passé sanguinaire d’Octave. Il
a le droit de punir ceux qui conspirent à l’assassiner. Coup de théâtre ou faux coup de théâtre,
comment garantir alors le succès d’une scène que le spectateur connait antérieurement les
aboutissants. La Clémence d’Auguste au moment où se joue la pièce est devenue presque un motif
philosophique et littéraire de référence ? Le défi pour Corneille est de rendre le prévisible encore
captivant et c’est là où se profilera le talent du dramaturge.
Il fallait que la beauté des vers fût à la hauteur de la sublimation du geste, que la grandeur du geste
d’Auguste, la sédition des traitres, leur impulsivité trouvât écho dans les répliques de corneille et
des comédiens talentueux à pour les incarner.
Il sera judicieux de se demander alors comment cette scène finale constitue non seulement un
dénouement formel et esthétique d’une tragédie classique mais aussi elle explore des
dimensions spirituelle et mystique ?
Pour ce faire notre plan revêtira un aspect liturgique pendant lequel les personnages devraient
faire leur initiation aux mystères, en vivant une expérience profonde et spirituel qui allait les
sublimer. Ainsi nous allons voir dans un premier moment la dimension purgative et purifiante des
scènes de confrontation, ensuite nous serons tentés d’éclairer la dimension divine dans la
Clémence d’Auguste et finalement nous

1. Une scène de purgatoire

1.1. Cinna en face de ses crimes, une mise en cause


1.2. Trahison d’Emilie ou le coup fatal.
1.3. Maxime la triple trahison

2. La Clémence une voix insufflée par Dieu

2.1. Auguste qui vainc Octave


2.2. Livie une figure mariale
2.3. La clémence entre charité et gloire

3. Auguste maître de l’univers

3.1. La raison d’Etat et les crimes des hommes


3.2. Le gouvernement des âmes passe par le gouvernement de soi.
3.3. Cinna une comédie chrétienne.
1. Une scène de purgatoire
Avant d'atteindre le salut, les trois conspirateurs doivent d’abord rendre des comptes et expier
leurs méfaits devant Auguste. Selon la croyance catholique, le purgatoire est un lieu temporaire
de purification où les âmes, ayant commis des péchés pardonnés mais non expiés durant leur
vie terrestre, subissent un processus de purification. La scène cinq de la pièce évoque fortement
cet état de transition vers le paradis et la prise de conscience de la fausseté de leurs actions.
1.1. Cinna en face de ses crimes, une mise en cause
D’emblée Auguste interpelle le jeune homme dans une sorte de discours judiciaire virulent.
D’ailleurs, la scène première de l’acte cinq, au niveau formelle est révélatrice du déséquilibre
flagrant entre les deux personnages. Auguste déploie toute sa domination physique, morale et
surtout rhétorique. Sur les 136 répliques globales de la scène, le souverain s’empare de 117.
Une privation de la parole qui condamne Cinna à entendre les accusations d’Auguste mais sans
se défendre.
1425 Prends un siège, Cinna, prends, et sur toute chose
Observe exactement la loi que je t'impose :
L’usage de l’impératif dans les verbes ‘’prends’’, ‘’observe’’ installe une logique univoque et
impositive. Cinna est obligé de se mettre dans un siège, ce qui lui rend plus inférieur à Auguste.
Une sorte d’humiliation d’autant plus que le siège, en plus d’être un meuble pour s’asseoir force
le jeune homme à s’immobiliser littéralement. La scène se poursuit tout en revêtant un aspect
de jugement divine. Derrière la figure d’Auguste se profile celle d’Octave, l’arrogant, le
méprisant, le dominateur, il n’hésite pas à écraser la dignité de Cinna.
1524Ose me démentir, dis-moi ce que tu vaux,
Conte-moi tes vertus, tes glorieux travaux,
En fait, l’honneur dépend de celui de l’empereur. Cinna est un jeune homme sans valeur, sans
caractère et qui n’a jamais passé à l’action. Après lui avoir toute une éthopée négative, Octave
défi Auguste de raconter ses qualités remettant en cause tous le discours épique adressé
auparavant à Emilie dans la scène 4 de l’acte premier. Le jeune homme se réduit selon Auguste
à un vaurien motivé par des passions basses.
A ce stade, rien ne laisse présager une palinodie dans l’attitude du souverain, loin de là sa
décision de tuer Cinna serait cruelle et à la hauteur de son crime : Fais ton arrêt toi-même, et
choisis tes supplices. 1561 cependant sa rencontre avec Emilie aura un effet brutal sur lui.

1.2. Trahison d’Emilie ou le coup fatal.


Quand la trahison d’Emilie se dévoile devant les yeux du monarque, sa réaction est
particulièrement paternelle. Celle d’un père déshonorer par sa fille.
1593L’une m’ôtait l’honneur, l’autre a soif de mon sang ;
Et prenant toutes deux leur passion pour guide,
L’une fut impudique, et l’autre est parricide.
O ma fille ! est-ce là le prix de mes bienfaits ?
La tonalité pathétique dans les répliques du monarque le montre en posture d’un homme abattu
méritant toute la compassion du public. Le changement du ton la scène 1 à la scène 2 marque
l’évolution même du personnage. Ici la comparaison de Julie avec Emilie dévoile toute la tendresse
de l’homme qui cherche une raison justifiant leur acte LA première est indécente tandis que l’autre
est aveuglés par ses ardeurs amoureux. Auguste cherche vainement une réponse : C’est un
mélange d'émotions, notamment la surprise, le désarroi, la déception. Puis il lui rappelle le passé :
1597 Songe avec quel amour j’élevai ta jeunesse
C’est plutôt un homme faible qui prend le devant dans cette confrontation. Un homme incapable
de concevoir les actes de celle qui considère comme sa propre fille et qui implore
Les Dieux comme geste d’impuissance et de désarroi : C'est elle-même, ô dieux ! 1563
Du point de vue de force, Emilie se montre plus puissante qu’Auguste. Même au niveau du
discours, elle s’accapare la deuxième scène au point de proférer des menaces à l’égard du
souverain.
1623Et je suis plus à craindre, et vous plus en danger,
Si j'ai l'amour ensemble et le sang à venger.
La jeune demoiselle est animé d’amour envers Cinna et d’esprit vindicatif à l’égard d’Auguste ; ces
deux éléments constituent un moteur pour ses agissements. Emilie vit toujours dans le passé et
reste otage de ses passions. D’ailleurs c’est seulement grâce à l’intervention de Livie qu’elle mettra
fin à ses attaques.
Bien qu’il soit fatalement touché par la trahison d’Emilie, Auguste ne perd pas de sa violence pour
condamner les deux amants : Oui, je vous unirai, couple ingrat et perfide1658 et C’est encore là un
jugement digne d’Octave. Alors une autre trahison allait se mettre sous ses yeux celle de Maxime.
1.3 Maxime la triple trahison
Auguste sombre dans une sorte de profonde mélancolie ce qui explique son mutisme du vers 1597
jusqu’à 1657 ; des moments de réflexion et de recueillement, incapable de digérer la nouvelle
trahison d’Emilie. D’ailleurs dans le théâtre il est question de l’attitude des interlocuteurs plutôt
que ceux qui prenne la parole. Corneille dans la succession des trahisons a voulu accentué le
pathétique envers Auguste afin de préparer le geste final du pardon. Le mise en scène de la
trahison de maxime laisse entendre qu’il s’agit de l’ultime salut pour Auguste.
Approche, seul ami que j’éprouve fidèle1665 à ce moment-là Auguste atteint le summum de la
solitude. Le verbe approche connote le besoin de soutien et de compassion. Il suggère ce qui
viendra plus tard. Approcher pour que je te prenne dans mes bras ! Un geste de dernier refuge. De
tous vos ennemis connaissez mieux le pire 1670. Maxime qui se présentait auparavant comme une
homme sincère, droit et bon conseiller finit par être contaminé par Cinna en s’appropriant son
langage sophiste.1689 J'ai trahi mon ami, ma maîtresse, mon maître, 1690 Ma gloire, mon pays,
par l'avis de ce traître ; Maxime reste fidèle à sa logique victimaire ; il n’a jamais assumé les
responsabilités de ses actes même dans cette scène de confession il rejette en filigrane la
responsabilité de ses actes sur Euphorbe, d’ailleurs Corneille accentue ses traits dévalorisants en
concentrant une triple trahison sur sa personne.
Jusque-là on a assisté au jugement des trois comploteurs. Auguste reçoit trois coup de trahison
dans son cœur et semble accablé par le cours des circonstances comme le montre sa réplique : En
est-ce assez, ô ciel ! 1693 les événements ont pris injustement tragique pour être supporté. Tuer
ou gracier ? Ce qui est sûr que le personnage n’est certainement pas le même.
2. La Clémence une voix insufflée par Dieu
Que serait la pièce de Cinna sans la Clémence d’Auguste. Elle est l’apothéose de l’histoire ; un pardon qui
sonne le glas de la série infernale des guerres civiles et prépare le monde où l’avènement du fils du Dieu
Jésus. Cette clémence. Corneille la voulu ainsi et il la présente sous forme de décision inspirée par Dieu.

2.1 Auguste qui vainc Octave


Avant de pardonner, Auguste doit aussi faire son mea culpa. Il doit dompter ce tigre qui se cache en
lui afin de retrouver son humanité. Auguste est l’homme providentiel capable de mettre terme au
Mal. Il répond à la trahison et à la haine par le pardon et par le don. Rien ne justifie cette clémence
que les appels récurrents au ciel d’intervenir et de l’aider à prendre une décision. Auguste ne cesse
d’évoquer les dieux pour qu’ils l’assistent.
Je suis maître de moi comme de l'univers 1696. La réplique d’Auguste ne peut qu’être le résultat
d’une théophanie. Une apparition qui arrive au dernier stade de son ascension mystique. Le
premier hémistiche explicite le sommet de la sagesse et de la retenue dont être capable une
minorité de personne comme les prophètes ou les saints. Auguste, à ce moment crucial, se place
dans la lignée de ces êtres exceptionnels qui ont été choisis pour recevoir des révélations divines.
Ainsi, la déclaration d'Auguste devient le symbole d'une révélation mystique, d'une compréhension
supérieure, et de la responsabilité qui découle de cette illumination. Sa parole, empreinte de
transcendance, annonce une nouvelle ère où la sagesse et la maîtrise de soi sont les piliers d'une
vision éclairée du monde. Le second hémistiche relie cette maitrise de soi à la domination sur le
monde instaurant ainsi sa légitimité de monarque absolu.
Ce désir de conserver sa suprématie allait se dégager dans les vers qui suivent.1697 Je le suis, je
veux l'être. Ô siècles, ô mémoire ! Conservez à jamais ma dernière victoire ! il revendique sa
position de pouvoir et affirme son désir de maintenir cette supériorité. Cela montre la confiance en
soi d'Auguste et sa détermination à conserver sa victoire. S’adresser au siècle dans une sorte de
prosopopée en leur de se rappeler son geste donne à sa clémence une dimension ontologique qui
aura des implications sur la cour de l’existence.
Emilie la plus inopinée finit par être subjuguée par la voix d’Auguste marquant ainsi sa conversion.
Oui car il s’agit d’une transformation profonde inattendue de ses croyances antérieures. N’oubliant
pas le rôle de Livie dans cette intrigue.
2.1. Livie une figure mariale
Livie est l'épouse d'Auguste. Son rôle est complexe, car elle agit comme conseillère d'Auguste et intervient
dans la tentative de dissuasion contre la vengeance envers les conspirateurs. Livie met en garde contre les
conséquences dévastatrices de la vengeance et tente d'influencer Auguste en faveur de la clémence.
Cependant, bien que l’empereur refuse les conseille de sa femme dans l’acte 4 finit par gracier les
conspirateurs et donne à l’acte de l’impératrice toute sa grandeur.

1605C'en est trop, Émilie ; arrête, et considère, Qu'il t'a trop bien payé les bienfaits de ton père :

Il intervient au moment où Emilie attaque son père adoptif pour la raisonner. Elle incarne la voix de la
sagesse, presque une voix initiatrice à la sagesse. Elle demande à la jeune adolescente d’arrêter sa frénésie
incontrôlable afin de méditer sur le bien fait de ses actes. D’ailleurs le verbe considérer dénote le fait de
regarder attentivement et examiner. La vision ne peut se faire que vers l’intérieur. Un regard spirituel qui
mène vers la reconnaissance de soi et la sagesse. La haine et le désir de la vengeance bloque le temps et
empêche la jeune demoiselle de vivre.

1753Ce n'est pas tout, seigneur ; une céleste flamme D'un rayon prophétique illumine mon âme.
1755 Oyez ce que les dieux vous font savoir par moi ; De votre heureux destin c'est l'immuable loi. L ivie se
présente comme étant porteuse d’un message divin ; une sorte de prophétesse capable de communiquer
avec l’au-delà. D’ailleurs la flamme symbolise une manifestation de la guidance ce qui fait d’elle une initiée
capable de d’intervenir entre les dieux et les hommes. La prophétie annonce l’avenir glorieux qui consacrera
le règne d’Auguste dans la postérité.
Les raisons qui ont poussé Auguste à amnistier l’ensemble des coupables restent multiples. De même les
spéculations sur les motivations participent à la création d’une aura autour d’un tel acte. Les interprétations
de l’attitude du souverain sont multiples : du pur machiavélisme selon les uns, des raisons morales ou
personnelles selon certains ou bien une conversion spirituelle pensent d’autres.

2.3 La clémence entre charité et gloire


A l’aune de notre analyse, nous nous bornerons sur les raisons qui pussent éclairer la clémence d’Auguste
d’un point de vue personnel et mystique. D’autant plus les prophéties de l’impératrice et la conversion
inattendue d’Emilie appuient cette perspective. Des considérations plus profondes, peut-être liées à une
quête personnelle de rédemption, à une influence mystique ou à une compréhension spirituelle des
événements.
Dans la théologie chrétienne, la charité renvoie à l’amour de Dieu et du prochain comme créature de Dieu.
De là on pourrait mesurer l’aspect vertueux de la clémence d’Auguste. Ce qui Constat le personnage Cinna
dans la pièce :1731 Ô vertu sans exemple ! Ô clémence, qui rend Votre pouvoir plus juste, et mon crime
plus grand ! Dans cet extrait élogieux et reconnaissant, Cinna est touché de l’attitude charitable de son
monarque grossissant même son caractère d’une manière hyperbolique. C’est un pardon qui transcende la
justice ordinaire comme le montre l’expression ‘’plus juste’’. Symétriquement, le pardon participe à la prise
de conscience de l’ampleur de la faute de Cinna la rendant plus odieuse.

D’une autre part, la clémence ne peut venir que d’une personne dont les qualités et les actions sont estimés
de tous. C’est précisément le cas d’Auguste, qui arrive finalement à vaincre toutes les insurrections qui
avaient perturbé son règne mais surtout à se sublimer en tant qu’être humain. Un homme d’état qui a
réconcilier devoir politique et surtout un humaniste éclairé qui met en avant les valeurs morales avant
l’application de la loi.

3. Auguste maître de l’univers


Auguste représente la civilisation romaine arrivée à un point sublime de son apogée. Il inaugure
une nouvelle aire et signe l’épilogue de la tragédie où le Temps s’arrête avec lui se fige l’Histoire. Le
geste du monarque nous présente la monarchie comme la fin de l’histoire. Il n y a plus de passé, ni
d’avenir, tout s’immobilise dans un tableau de peinture.
3.1. La raison d’Etat et les crimes des hommes
La question de juger les hommes au noms des crimes commises au nom de l’Etat est l’une des
problématiques exposés dans la pièce. En effet, La raison d'Etat est un principe d'action politique
selon lequel l'intérêt ou la sauvegarde de l'Etat prime toutes les autres considérations. De cela peut-
on pardonner à Octave tous ses crimes entre autre l’assassinat de Toranuis le père d’Emilie.
1607Sa mort, dont la mémoire allume ta fureur, Fut un crime d'Octave et non de l'empereur. Tous ces
crimes d'État qu'on fait pour la couronne, 1610 Le ciel nous en absout alors qu'il nous la donne, Et dans le
sacré rang où sa faveur l'a mis, Le passé devient juste et l'avenir permis.

C’est dans le plaidoyer de Livie quand découvre les fondements de cette thèse. Le monarque bénéficie d’une
immunité divine contre toute poursuite judiciaire, au nom de la raison d’Etat. Il est sacré non par choix mais
par volonté de dieu. Cette prérogative est incontestable du fait de son origine. Le monarque agit en accord
avec le ciel. C’est une monarchie de droit divin dans laquelle le roi exerce un pouvoir personnel sans partage.
Un pouvoir accordé par Dieu. Auguste est le représentant de Dieu sur Terre.

La découverte de la conjuration provoque chez le souverain un profond dégoût du pouvoir. Sa réaction


aurait pu être brutale et aurait davantage contribué à la logique sanguinaire.

2.1. Le gouvernement des âmes passe par le gouvernement de soi.


Le pardon seul permet de libérer Auguste de son passé, de lui ouvrir les voies du pouvoir absolue et sans
partage. C’est aussi une guérison efficace contre le mal qui ronge les trois jeunes et les empêche de goûter
les douceurs de la vie. La clémence instaure la paix sociale à Rome et rassemble les citoyens autours du
monarque dans une sorte d’unité nationale.

1763Jamais plus d’assassins ni de conspirateurs : Vous avez trouvé l’art d’être maître des cœurs.
1765Rome, avec une joie et sensible et profonde, Se démet en vos mains de l'empire du monde

Le pardon a bouleversé complétement l’état du pays. Les citoyens sont littéralement bénis par la clémence
de leur Souverain, le monde, converti bouscule de la guerre à la paix. En effet, non seulement la menace est
éradiquée mais Auguste a pu conquérir la loyauté et l’affection de ses sujets.

On se souvient qu'Auguste était autrefois tourmenté par un vide affectif insupportable ; désormais, ce vide
est rempli alors qu'il gagne l'amour de la totalité de Rome.

Cinna est une œuvre classique du 17ème, une période marquée par le règne de Louis 14. Dès lors comment
ne pas être tenté d’inscrire cette œuvre dans une logique d’apologie du système de la monarchie chrétienne
de droit divin ?

1.1. Cinna une comédie chrétienne.


Les analogies entre les événements relatés dans la pièce et les préceptes du christianisme, en particulier la
vertu du pardon, semblent évidentes. Dans l'Évangile selon Matthieu (5,43,44), Jésus exhorte ses disciples en
disant : "Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je
vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent." Cette référence évoque la loi de
Talion qui motive les conspirateurs, guidés par la haine et la vengeance. Cependant, Auguste, à travers ses
actions, se présente comme l'archétype du chrétien, s'inscrivant dans une démarche de pardon et de
clémence, défiant ainsi la logique de la vengeance.

L’apparition des coupables devant Auguste leur a donné l’occasion de confesser leur péché, surtout après le
pardon proclamé. C’est une confession publique qui leur permettent de faire un examen de conscience, de
manifester leur regret. Et cela fait partie des quatre étapes du sacrement de pénitence et de réconciliation :

1. Examen de conscience, accompagné de repentir


2. Confession des péchés
3. Absolution par le prêtre
4. Satisfaction (ou pénitence) pénitence , profond regret, remords d'avoir offensé Dieu, accompagné de
l'intention de réparer ses fautes.
EMILIE : Je sens naître en mon âme un repentir puissant,
Cinna : Je sais ce que j'ai fait, et ce qu'il vous faut faire
Maxime : Honorez moins, seigneur, une âme criminelle

Conclusion :

In fine, la scène finale de "Cinna" se révèle être bien plus qu'un simple dénouement formel et esthétique au
sein d'une tragédie classique. Certes, elle permet la résolution des conflits et le retour à l’équilibre mais elle
opère comme une véritable apothéose théâtrale où les dimensions spirituelle et mystique prennent toute
leur ampleur. En choisissant la clémence au lieu de la vengeance, Auguste transcende les limites du drame
classique pour atteindre une sphère plus élevée, empreinte de significations spirituelles profondes.

Au-delà de son aspect esthétique, la tragédie classique Cinna de Pierre corneille soulève des questions plus
profonde : Comment peut-on vivre après une guerre civile, construire une vie après une guerre ? Pourquoi
des tueurs décident d’adopter les enfants de leurs victimes ? Le cas d’Emilie. Quelle place occupe la religion
dans nos vies et son lien avec le pouvoir ?

Ainsi, la scène finale devient le reflet d'une exploration métaphysique et morale, interrogeant la capacité de
l'humanité à transcender la violence et à trouver la rédemption. Corneille, à travers son œuvre, souligne que
le théâtre peut être un moyen puissant non seulement de divertir, mais aussi de susciter une réflexion
profonde sur des aspects fondamentaux de la nature humaine et de la société.

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