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L e m u s é e
d e s
s u p p l i c e s
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Roland1;Villeneuve
L E M U S É E
DES
SUPPLICES
DU MEME AUTEUR
En collaboration :
BIBLIOGRAPHIE DEMONIAQUE. Satan, Revue des Etudes Carmélitaines
DICTIONNAIRE DE SEXOLOGIE. J.J. Pauvert
HISTOIRE DE LAMAGIE EN FRANCE, de GARINET. Réimpression au Livre Club du Libraire
Travaux divers :
LES PROCES DE BESTIALITE. Crapouillot, Les grands Procès, 2e série
INCUBAT ET SUCCUBAT. Crapouillot, L'Eglise et la Sexualité
LE COCUAGE DIABOLIQUE. Crapouillot, Les Cocus célèbres
L'AFFAIRE MARIE BESNARD. Crapouillot, Les Erreurs judiciaires
PANORAMA DE L'AMOUR AU MOYEN-AGE. Crapouillot, Histoire de l'Amour en France
L'ONGUENT DES SORCIERES. La Tour Saint-Jacques, N° sur La Drogue.
HUYSMANS ET GILLES DE RAYS. La Tour Saint-Jacques, N' sur Huysmans
LES ENFERS. N° spécial d'Æsculape, mai 1957
LES POSSESSIONS DIABOLIQUES. /Esculape, N° de novembre 1961
L'ANGOISSE DIABOLIQUE. N° spécial d'Æsculape, décembre 1962
LANDRU. N° spécial d'Æsculape, septembre 1963
EROS ET THANATOS. Histoire de la Médecine, Noi de janvier et avril 1963
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Avant Propos
«Les peuples
les plus civilisés sont
aussi voisins
de la barbarie
que le fer le plus poli
l'est de la rouille.
Les peuples,
comme les métaux,
n ont de brillant
que les surfaces; »
Rivarol
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GeorgesBecker:
cRaedspavharesdédfeensdeasntfils.
les
tains amateurs. Qu'est-ce-que la curée, sinon l'expression d'un sadisme mondain qui permet
à des hobereaux prétentieux defaire déchirer unpauvre cerfpar une meute de chiensféroces ?
A défaut d'un spectacle aussi distingué, la foule se rue aux matches de boxe, aux courses de
taureaux et, quand elle le peut, aux exécutions capitales. Elle ressent le besoin des dégra-
dations que lui procurent les monstres des baraques foraines, des tribunaux et des salles
obscures où l'on exhalte la vie trépidante des filles fatales et des bandits d'honneur. Rares
sont les films où n apparaissent pas les bagarres, les gifles et les torsions de membres; en
un mot : la violence bestiale armée du fouet et du révolver. Le cinéma d'épouvante offre
également un exutoire à la cruauté populaire qui, par transposition, approuve des supplices et
des horreurs que le spectateur n'oserait lui mêmeaccomplir. Lecrimefascine le voyeur, ébranle
ses nerfs, l'entraîne à rêver à d'impossibles meurtres. Il se voit dans la peau deBuffalo Bill et,
sûr de l'impunité, joue les Frankenstein ou les éventreurs. Il était jadis plus courageux
lorsqu'il se rendait au Cirque, à l'Hippodrome ou sur la place de Grève. Il participait alors
au spectacle, suivant avec passion l'écartèlement des régicides et trouvant exquis les cada-
vres des incestueux et des hérétiques.
Les foules ont toujours apprécié les sacrifices humains en l'honneur des dieux,
des rois ou des principes. A-Carthage et à Mexico, elles accompagnaient d'un long cri funè-
bre l'hécatombe des victimes ; à Rome, elles exigèrent l'égalité entre le pain et lesjeux ; puis
vinrent les autodafés et la visite enfamille des charniers de Montfaucon et de Tyburn. A la
rigueur, la passion vengeresse peut expliquer le supplice accompli en commun : le lynchage du
satyre ou du criminel, la mise à mort de Vitellius, d'Héliogabale et d'Andronic Comnène. Elle
nejustifie guère les applaudissements adressés au bourreau qui décolle d'un seul coup, ou sait
rouer avec art. Le peuple battit des mains pendant l'exécution de Lally, rapporte Madame du
Deffand, et si l'on en croit Casanova, les belles dames vinrent s'exciter à voir mourir Damiens.
La cruauté se teinte desensualité, chez lesfemmes, toujours prêtes à exiger la mort du coupable
et l'application immédiate du talion. Nefaut-il pas protéger le criminel reconnu ougrâcié con-
tre la foule hurlante, déchaînée, «ovarienne », incapable de refréner sa passion haineuse ?
Dans sa «Philosophie pénale » (pp.552-554), Tarde relève les inconséquences de la foule qui,
d'une part réclame l'abolition de la peine de mort et, d'autre part, n'hésite pas, à l'occasion,
à faire ce qu'elle appelle justice. De deux choses l'une, écrit-il, «ou le public continuera à
applaudir l'homme et lafemme qui, dans des circonstances intéressantes sefont bourreaux, et
alors il devra trouver bon que le bourreau légal fasse son office; ou bien il sera favorable
à la suppression de cet effrayant fonctionnaire, et, dans ce cas, il devra se montrer sévère
envers les simples citoyens qui usurpent son emploi. » Gavés de faits divers et de crimes
politiques où le supplice intervient souvent, les hommes en arrivent à excuser les horreurs
commises au nom d'une idée, tout en criant «A mort untel » ou « Untel au poteau ». Il est
à souhaiter qu'ils puissent défouler leurs instincts cruels dans les tirs forains et les jeux de
massacre !
Les esthètes et les amateurs d'âmes qui plaçent l'assassinat dans le domaine des
Beaux-Arts, regrettent les trépas sanguinaires et l'appareil magnifique des supplices d'antan.
Leur cœur se serre à l'idée qu'on ne fait plus souffrir; que le métier de bourreau se perd;
qu'ils n'ont plus que le secours de l'imagination pour évoquer les exploits d'Assourbanipal et
de Torquemada. Il leur reste pourtant les écrits de Sade, de Mirbeau, de Bataille et, mieux
encore, toute l'œuvre des peintres et des graveurs qui, sous prétexte de religion, ont défoulé
leurs tendances perverses et inventé des postures à faire pâlir les théologiens les plus hardis.
C'est dans cette optique très particulière qu'il faut contempler le châtiment de la sodomie
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par Michel-Ange; les enfers, d'Orèagna et de Taddeo di Bartolo, avec leurs incubes au
membre trifide; certaines images de la flagellation du Christ. Celle peinte par le Catalan
Luis Borrassa indique fortement la ressemblance existant entre lefouet du bourreau et une
virilité turgescente ( Musée de Castres). La situation même de l'instrument, lafaçon dont il
est tenu, la crispation voluptueuse des traits des tortionnaires démontrent clairement' la
volonté de l'artiste, de figurer une scène d'onanisme. Est-ce pour son plaisir ou celui d'un
acheteur ? Qui donc le pourra dire ? Toujours est-il que le spectacle incroyablement oséa pu
servir de modèle ou d'excitant à des amateurs de manuélisation. — Contemplonsàprésent la
flagellation, de Holbein, aujourd'hui au Musée de Bâle. Elle s'offre à nous comme un
microcosme, un compendium, une exposition d'aberrations érotiques. Le Chris,,, très andro-
gyne, croisant lesjambes ainsi qu'unejeune vierge effarouchée, est entoure par un bourreau
sadique à la braguette équivoque et unspectateur masochistequivoudrait bienqu'on lefouette
aussi. Le voyeur ne manque pas qui, dans un coin, épie la scène. Ici encore, l'artiste a
sciemment cherché à susciter de troubles sentiments chez l'amateur, incroyant ou dévot.
Aujourd'hui, l'amateur, le touriste,. l'on préfère, va au devant, des sensations. Il court
à Bénarès, à Rio et à Madrid contempler les dernières processions desflagellants. Eh Cette"
année 1967, le carême madrilène a revêtu unfaste particulier. Quinze tonnes de chaînes
huit mille croix de bois ont parcouru la ville, brandies par unefoule de mystiquesportant
des cilices confectionnés par des religieuses qui utilisent «non seulement le' crin, màiài
également des fils de fer qu'elles cornent dans les vêtements, pour les rendre plus durs et
plus rèches. Elles ne cousent pas à l'aide d'aiguilles mais avec des tenailles et des pinces j
d'ouvriers menuisiers.» (Combat, du 20 février 1967).
En lisant, si l'on peut dire, entre les lignes du graphisme sacré, on trouverait
bien d'autres figurations propres à soulever l'élan sensuel' et la curiosité morbide. L'art
nègre et l'art indien antique font une allusion constante aux sacrifices de virginité ou
de vie, rendus aux divinités telluriques. Lapose alanguie du Saint-Sébastien, de Sodoma; ;
les angelots de Caravage, couronnant les martyrs ; les innocents tant défais étripés, empalés,
châtrés et profanés, de la peinture allemande du Moyen-Age, sont bel et bien vo' I Leur
présence obéit aux canons d'un art pieusement ambigu, dont le secret dessein vise àfaciliter
le voyeurisme et à provoquer l'orgasme. Que de moines ont choisi la vie mystique, e n de
contempler le voile étroit du Christ, au sein des disciplines, des cilices et. desjeûnes 1Quede
filles affolées et fiévreuses ont voulu ressentir les extases de Thèrèse d'Avila, cellé-là' même
que le Bernin a sculptée, accueillant la rosée des flèches de l'amour. divin !
La composition des ouvrages érotiques recourt à des procédés analogues. Elle
décrit les flagellations, les morsures et les piquages — succédanés des viols et des déflo-
rations, que les énervés de la débauche sont incapables d'accomplir. Sade par exemple,
considère le supplice comme un indispensable piment d'amour, comme l'essence même Je
l'érotisme :
«Voilà ce qui explique la manie de cettefoule de libertins qui, comme nous, neparviennent
à l'érection et à l'émission de la semence, qu'en commettant les actes de la cruauté la plus
atroce, qu'en se gorgeant du sang des victimes. Il en est qui n'éprouveraient pas même
l'érection la plus légère, s'ils ne considéraient, dans les angoisses de la douleur la plus
violente, le triste objet vendu à leur hibriquefureur, s'ils n'étaientpas euxmêmeslespremières
causes de ces angoisses. On veutfaire éprouver à ses nerfs une commotion violente; on serit
bien que celle de la douleur sera plus forte que celle du plaisir on l'emploie, et l'on s'en
trouve bien» (Juliette). -
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S ' . ■
|g^ Il n'y a pas de partie du corps sur laquelle l'homme n'ait exercé sa
jjerve malicieuse. Au, temps des guerres de conquête, les pharaons d'Egypte et les rois d'Israël
Ifaisaient trancher les mains et le pénis a leurs prisonniers. Ainsi pouvaient-ils effectuer un
recensement et mesurer l'ardeur combative des troupes victorieuses. Plus tard idée naquit de
Supplices, prolongés : on rendit des personnes aveugles, d'autres pourrirent sur un pal; les
virent la terreur chez les asserv,is. Les supplices pour l'exemple eurent des origines
ïî:es : les déserteurs, les espions et les pillards firent les premiers frais des -,décaptt
is noyades et des ensevelissements. Lajustice reprit à son compte de si belles méthodes
à la torture aux plus hauts sommets de l'art. Le chevalet, l'estrapade, la roue, le bûcher-
pisté théorie de clous, de tenailles, de coins de tranchets et de cordesfont honneur à
^inventif des magistrats et des prêtres. Un même amour de l'ordre les rassemblait
I ' e s deséparpillés
échafauds : les
aux. premiers
quatre coinsles
desfaisaient
villes, l'a'dffreux
resser,rictus
les autres bénissaient
des têtes fichéesles
surcondamnés
une pique,
â mprt. Les ministres des religions n'hésitèrentjamais à jouer aux bourreaux ; au Mexique, ils
'incisaient les poitrines avec un couteau d'obsidienne; jetaient, aux Indes, les victimes sous
|%char de Kâli, ou apaisaient les morts du. Congo en étranglant desfilles impubères. Tous les
W^s.r'de fertilité réclamaient des viols 'et des meurtres : plus on pleurait, plus la pluie s'an-
Pçiïçait abondante. Méprisant ces coutumes de sauvages et ne songeant qu'au salut des âmes,
fiés inquisiteurs espagnols inventèrent le «quemadero » auprès duquel la chambre à gazfait
assez piètre tgure. Ayant horreur du sang, ils ne faisaient procéder à la torture qu'une
l seulefois - enplusieurs épisodes... On leur doit d'avoir perfectionné la délation et la traîtrise,
fle supplice, de l'e*au. l'emmurement, l'artach age des ongles et la brûlure des extrémités.
}Voluptueux exacerb"es, les inquisiteurs exigeaient que les patients leur fussent livrés dans le
[plus mple, appareil et qu'ils se pliassent aux fantaisies de leur imagination déréglée. Ils
1apparaissent cofnme lesparfaits modèles des vieillards des «Cent vingtJournées », dont lessens
•émoussés réclament sans cesse des plaisirs nouveaux. Ces hommes comme l'a dit Féréal
tdans ses «Mystères -de- l'Inquisition» (p. 37) avaient un si grand besoin d'émotions
dévorantes, qu'ils ne trouvaient que dans le sang et les bûchers un apaisement à leur insatiable
désir de sensations. Le démon s'était fait chair en eux, et on serait tenté de croire qu'après
l'incarnation d'un Dieu sous la figure du Christ, est venue l'incarnation de tous les esprits
infernaux dans la personne des inquisiteurs » \
Les juges laïques : qui le voudrait croire ? leur rendirent des points, dans la
l'poursuite des sorcières, notamment. Chargé au début du XVIIe siècle, d'une enquête sur la
tenue d'assemblées- diaboliques dans le Pays Basque, de Lancre, seplaint du nombre insigni-
f i a n t des autodafés, accomplis de l'autre côté de la frontière. Il s'étonne de la froideur des
moines espagnols et exalte son propre zèle, a créer le désert. E n bon hypocrite, il s u r v e i l l e
que leurs gestes lascifs leurs sont dictés par le démon. Les grands Juges, ses collègues n'ont
rien à envier à sa férocité. Ils se délectent à décrire les turpitudes du sabbat et à recher-
cher la marque satanique, le «sigillum diaboli » entre les cuisses des stryges et des magi-
ciens. Louis Gauffridy et Urbain Grandier connurent les affres de ces piqûres profondes,
de cette question obscène et sadique. Peut-être a-t-onfait mieux depuis grâce aux électrodes
et aux bains d'eau glacée ?
Force est hélas ! de constater que la p'ratique des supplices raffinés s9est dévelop-
pée chez les peuples les plus évolués. «Dès que la civilisation fait une trouée quelquepart,
dit Arago, on est toujours sûr -devoir couler autour d'elle des larmes et du 'sang'. »LaFrance
et la Chine se- disputèrent longtemps le premier rang, la palme oscillant entre le pilori et
les carcans. -AParis on rouait les voleurs, on les coupait en morceaux à Pékin; mais-il'^é^
certain quepersonne n'en réchappait. Sans vouloirêtre chauvin, ilfaut reconnaître quela ques-
tion préalable assurait la supériorité à nosjuges : grâce à elle, les coupables ne manquaient
pas puisqu'il suffisait de les inventer. Et Dieu sait que tous lespretextes étaient bons : depuis
le sacrilège (dont les Chinois se, moquaient bien)jwqu'aux affaires de mœurs(que les Chinçis,
toléraient). Sous l'Ancien Régime, la torture était tellement ancrée dàns les esprits qu'on
l'appliquait pour un oui, pour un non. Nefallait-il pas peupler les galères et occuper des
magistrats qui achetaient leur charge ?Autemps duBienAimé, un coup de canifvous valait,
d'être écartelé et le bûcher vous attendait pour une atteinte ,à la divine majesté. De telles
pratiques expliquent, si elles ne les justifient, les massacres de septembre et les noyades dé:~
Nantes. «Les nations étrangères, écrit Voltaire,jugent de la Francepar les spectacles,par les
romans, par lesjolis vers, par lesfilles d'Opéra, qui ont les mœursfort douces, per nos dan-
seurs d'Opéra, qui ont de la grâce, par Mademoiselle Clairon qui déclame des vers à ravit. "
Elles ne savent pas qu'il n'y a point au fond de Nation-'plus cruelle que la française.
(Dictionnaire Philosophique.)
Vue sous l'angle dufanatisme et de la torture, notre Histoire, na rien de très"
enviable. A nos monstres sacrés: Frédégonde, Dagobert et Charles IX, nos magistrats
font pendant. Non contents de bouter le feu aux bûchers ils ont eux aussi masqué leur
cruauté sous des dehors de piété et d'amour de la paix. Ce sont de véritables légions dé
bourreaux qu'ils ont suscitées ; d'individus largement stipendiés, et capables d'assurer: un
emploi à leurs fils.
Qu'on ne viennepas nous dire qu'en vertu d'une résistancephysique supérieure à ■ "
la nôtre nos aïeux se pliaient volontiers à des supplices qui leur paraissaient bénins.. Cet
argument ne nous paraît guère convaincant. A la rigueur on peut admettre que certains
criminelsfaisaient preuve le moment venu, d'une tranquillité d'ârriè et d'un sangfroid éton-'
nants. Cette attitude est exceptionnelle. En vérité les procès de sorcellerie, la plupart. des
affaires jugées et l'iconographie infligent un singulier démenti à cette interprétation opti-
miste. Elle, est aussi peu défendable que la négation pure et simple de l'application de
tortures pendant la Résistance ou les guerres coloniales. Rien, enfait, ne saurait justifier
des turpitudes que Voltaire croyait reléguées dans les ténèbres médiévales. Surtout pas le
racisme qui, tend à remplacer aujourd'hui le paternalisme et faction prétendument civilisar
trice des missionnaires.
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exigeait le châtiment exemplaire des conspirateurs : «Pour arrêter leurs trames criminelles,
il faut des fers, des bourreaux, des supplices. La mort, la mort seule peut effrayer leurs
complices et mettre fin à leurs complots... Défenseurs de l'humanité, sachez répandre quel-
ques gouttes de sang pour en épargner des torrents. »
Plus près de nous, Henri Alleg qui, avec un magnifique courage, s'était élevé
contre les tortures en Afrique du Nord, est obligé de reconnaître avec amertume que les
victimes de jadis sont devenues des bourreaux fratricides.
« Tant de sang versé durant sept années, tant de souffrances endurées par des millions
d'Algériens, tant d'espoir soulevé, tant de batailles livrées là-bas et ici pour en arriver à ce
retour en arrière où les conquêtes de la révolution sont remises en question et où les tortion-
naires peuvent de nouveau s'en donner à cœur joie... »
Auxforcénés qui regrettent le bon temps du bagne ; aux nostalgiques des carcans
et du pilori, l'abolition de la torture. apparaît comme une erreur, voire une aberration.
Ce sont à les entendre, les nations énervées et agonisantes, qui renoncent aux traditions
de leurs mâles ancêtres. Les ennemis politiques, les intellectuels décadents, les pacifistes
à tout crin, sont-ils dignes de la moindre pitié ? La vengeance attirant la vengeance, l'ap-
plication de la peine en arrive à relever de la morale et «l'œil pour œil, dent pour dent », se
maintient dans les moeurs, indéfiniment. Simplistes en apparence, ces raisonnements impré-
gnent les esprits grâce auxjournaux cocardiers et auxfilms de gangsters. Les massesfinissent
par admettre que la violence est normale et qu'elle fait recette. Les assassins ne trouvent-
ils pas defervents admirateurs ? Ne vànte-t-on pas les gens qui ontfait « une belle guerre » ?
A beaucoup l'image des camps de concentration, des potences et des crématoires ne cause
aucune surprise. Entendez les rires gras des visiteurs des cachots et des oubliettes; les propos
égrillards que suggèrent les ceintures de chasteté et les colliers à clous. Ils ont des yeux
et ne voient pas, se refusant à rapprocher les horreurs d'un passé récent de celles des siècles
révolus. La méchanceté de l'homme pourtant demeure dans la traite des blanches, les trafics
d'esclaves, la vivisection.
Le Musée
des Supplices
1
Les chauffeurs d'Orgères,
ou les moyens
d'obtenir les aveux.
Supplément illustré
du Petit Journal.
2
«Les chauffeurs »,
ou l'obtention des aveux
au XVIe siècle.
Gravure populaire
extraite de
La Jeunesse du Roi Henri
(fin XIXe siècle)
3
La poire d'angoisse.
Gravure extraite de
l'Histoire des Bagnes
(tome 11, p. 313)
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Il semble bien, à en croire Voltaire des mimes, des jongleurs, des parasites, des
et les exemples tirés de la Mythologie, que histrions et des flatteurs, vrais chiens de cour,
les voleurs de grands chemins furent les pre- qu'ils dépouillent et torturent ces malheureux. »
miers à pratiquer la torture sur les marchands Parfois, les champions de la Morale
et les voyageurs égarés. «J'ai toujours présumé et du Bien, allaient dénicher les méchants
écrit Voltaire dans son Dictionnaire Philo- dans leurs profonds repaires. Thésée, jaloux
sophique, que la question, la torture, avait été des travaux d'Héraklès, voulut mettre un terme
inventée par des voleurs qui, étant entrés chez aux œuvres criminelles. On le vit tuer Co-
un avare, et ne trouvant point son trésor, lui rynète, qui assommait les passants ; Sinio,
firent souffrir mille tourments jusqu'à ce qu'il le qui les écartelait entre deux pins; Sciron qui
découvrît. » En brûlant la plante des pieds aux les jetait du haut d'un précipice; Procuste,
fermiers, les brigands obtenaient la révélation enfin, qui «contraignait les voyageurs de
d'un trésor caché. Ils les empêchaient égale- se jeter sur un lit, leur coupait les membres
ment d'appeler au secours en leur plaçant une trop grands et qui dépassaient du lit, et
poire d'angoisse dans la bouche. D'autres étirait les pieds de ceux qui étaient trop petits ».
procédés restaient à leur disposition : le garrot, (Diodore IV, 59).
le serrage du front, le tisonnier, la pendaison Seules, des exécutions sommaires et
momentanée, les coups de poignard et les spontanées étaient capables de répondre à de
mutilations corporelles les plus diverses, dont la tels forfaits. Expéditive chez les peuples
section des jarrets ou celle des tendons. En primitifs la peine du talion fit place cependant
recourant à ces mesures intimidatoires, les à tous les raffinements de la méchanceté. En
brigands, non seulement s'enrichissaient, développant leurs connaissances, les peuples
mais formaient encore des disciples, mis à la inventèrent la justice, en répandirent l'idée,
rude épreuve. Les «routiers » déclare Damhou- découvrirent le recours aux aveux, impliquant
dère dans sa Praxis, cherchaient à s'endur- la torture. Assez vite, la question remplaça
cir par tous les moyens et entretenaient l'ordalie, et elle continue de sévir parmi nous,
leur forme physique par de fréquents combats. puisque, suivant le mot de Nietzsche, presque
Certains éprouvaient un plaisir franchement tout ce que nous appelons la culture supérieure
sadique à supplicier les malheureux tombés vise à spiritualiser et à intensifier la cruauté.
entre leurs mains : leurs cris, leurs larmes, Confondant le civil et le criminel,
leurs contorsions, les réjouissaient sans fin. l'ancien Code Chinois ne renfermait que des lois
Ces brigands parfois étaient de noble race; pénales, punissant les fautes dans le plus grand
Thomas de Coucy, pour ne citer que lui détail. La question tenue fort à l'honneur par
n'hésitait pas à brancher la virilité des pélerins un peuple supérieurement intelligent, s'ac-
aux arbres des forêts : «testiculis appendebat compagnait de mutilations et de tortures
propria aliquotiens manu », écrit Guibert de variées à l'infini. On peut soutenir sans grand
Nogent. Et Jacques de Vitry qui fut légat du risque d'erreur que les Célestes cultivaient un
Pape en France, au XIIIe siècle, rapporte immense jardin où tous les supplices fleuris-
de bien étranges choses : saient. L'Occident médiéval, l'Inquisition, les
«Les nobles sont semblables aux chiens juges de Sorcellerie marquèrent des préfé-
immondes qui, toujours affamés, disputent aux rences à l'égard de certains supplices, limités
corbeaux voraces la chair des cadavres. dans le temps ou propres à une région déter-
Par le ministère de leurs prévôts et de leurs minée. Untel choix ne pouvait exister en Chine
satellites, ils persécutent les pauvres, dépouil- puisqu'à chaque délit était attachée une peine
lent les veuves et leurs orphelins, leur tendent bien précise. D'où un tableau d'horreurs,
des pièges, leur suscitent des querelles, allant de la torsion des cartilages pour une faute
leur supposent des crimes imaginaires afin vénielle, jusqu'au dépeçage et à l'écorchement.
de leur extorquer de l'argent. Ils font ordinai- La réduction des os en bouillie, l'aveuglement
rement mettre en prison et charger de chaînes à la chaux vive, la décapitation, l'écrasement
des hommes qui n'ont commis aucun délit et font sous un poids énorme, la précipitation dans une
endurer à ces innocents de cruelles tortures chaudière, la transfixion, le piétinement, la
pour en tirer quelque somme d'argent. C'est lacération par des bêtes sauvages, se trouvaient
pour payer leurs usuriers, pour entretenir on ne peut plus courants. Et la populace l'avait
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belle de donner libre cours à ses instincts en palités firent construire de petites tourelles
regardant défiler les condamnés liés au carcan à un étage où paraissait la tête des coupables
et à la cangue, ou périssant d'inanition dans comme à une sorte de lucarne. Aux halles de
une cage transparente aux bâtons de bambou. Paris, par exemple, on exposait pendant trois
En France aussi, à la fin de l'Ancien Régime, les jours, à raison de deux heures par jour, les
juristes avaient, comme nous le verrons, valets insolents, les soldats indisciplinés, les
effectué une subtile classification des peines. mendiants, les voleurs et les bigames. Lepeuple
Cependant, par leur variété, leur imprévu et les venait insulter ou réconforter, quand ils
surtout, leur durée, les supplices chinois les étaient victimes d'une conspiration ou de
dépassaient de cent coudées. Eurent-ils le l'arbitraire d'un ministre. Le pilori, nous
monopole de la douleur; furent-ils les maîtres apprend un ouvrage anonyme du XVIII< siècle
uniques des souffrances atroces ? Absolument «est un petit bâtiment carré, muré jusqu'à
pas. Chaque peuple ajouta sa pierre à l'édifice la moitié de sa hauteur; le surplus est à jour
commun de l'épouvante et s'efforça d'améliorer au moyen de piliers de charpente qui soutien-
l'invention du voisin. Les uns raffinèrent sur le nent le toit. Au centre du bâtiment est à Paris
fouet, les autres sur le bûcher, au point de les une poutrelle debout qui tourne sur son pivot,
transformer en oeuvre d'art ou en concert laquelle soutient un plancher rond entouré
mélodieux. Tour à.tour redouté, admiré ou haï le d'une espèce de balcon auquel il y a trois
bourreau devint l'indispensable instrument de trous ronds, celui du milieu où on fait passer
l'Ordre. Dans l'univers tout entier il satisfit la tête et un de chaque côté pour les mains.
des besoins de justice et de vengeance, et ses On fait tourner de temps en temps le pivot et le
exécutions attirèrent des foules toujours plus patient pris par la tête et les mains, tourne
avides de larmes et de sang. On se rendit au avec et présente la face de tous côtés ».
supplice comme au spectacle, et on finit par ne En France, les exécutions n'avaient
plus savoir ce qu'il fallait admirer davantage : pour ainsi dire, presque jamais lieu au
de l'adresse du tortionnaire ou du courage pied du pilori : la décapitation de Jacques
des condamnés. Même dans le domaine des d'Armagnac, duc de Nemours, le 4 Août 1477,
peines infamantes : exposition des coupables est une exception à cette règle, tout comme les
au pilori, recours au marquage et aux muti- supplices de Jean Desmarets et de Jean de
lations, la sauvagerie humaine apparut dans Montaigu. LaRévolution entraîna la suppression
toute sa noirceur. Elle apparaît toujours, du pilori et l'exposition publique ne fut plus
hélas ! dans les tortures, qui n'ont point déserté réservée qu'aux forçats. Ce qui ne l'empêcha
la terre : leur nombre a regressé, mais non point pas d'être pénible, à en juger par cet extrait des
leur ampleur. Le Musée ou, si l'on préfère, le Mémoires de Poulmann :
panorama qui s'offre à nos yeux, donne une «A midi sonnant, nous fûmes amenés sur la
piètre idée des us et coutumes de l'animal petite place qui se trouvait devant le Palais
supérieur. de Justice.
L'exposition des coupables au pilori, le Elle était pleine de monde.
port du carcan, la séquestratiom-dans une cage Les hommes, les femmes, les enfants formaient
appartiennent au domaine des supplices une masse compacte qui donnait à cet espace
mineurs, qui font davantage appel à la moquerie l'aspect d'une fourmilière humaine.
ou à l'infamie, qu'à la souffrance exagérément Toutes les croisées des maisons avoisinant la
prolongée. Le Pilori a existé sous toutes les place étaient également garnies de spectateurs. -
latitudes et sous diverses formes. En Chine, les Au milieu de la place s'élevait une estrade
individus mal famés ou irrespectueux à l'égard en planches, soutenue par des poteaux plantés
des riches et des nobles étaient cloués par dans le sol, et sur cette estrade, ou, pour
l'oreille à un poteau. C'est en l'air qu'on mieux dire, sur cet échafaud, se dressaient
suspendait les commerçants fripons dans une neuf poteaux placés à des distances égales, un
sorte de nasse dénommée brandillotte. En pour chacun de nous. Onnous attacha à ces po-
Europe, dès l'époque féodale, les seigneurs exer- teaux avec de grosses cordes qui s'enroulaient au-
çant la haute justice faisaient attacher les tour du corps, depuis les genouxjusqu'aux épau-
manants à des pieux ou à des piliers garnis les. Latête était maintenue droite contre lepoteau
d'anneaux de métal. Par la suite des munici- à l'aide d'un collier en fer passé autour du cou.
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Le pilori des Halles de Paris, d'après une estampe populaire du XVIIIe siècle représentant l'exposition de l'exacteur Gruet. (Cliché Bulloz).
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1
Masques disciplinaires pourles calomniatrices et les diffamatrices.
Gravure extraite des Hexenprozesse, de E. Konig (Berlin 1928).
2
Muselière et carcan portés par un esclave, au Brésil, au XIXe
siècle. Gravure extraite du Voyage autour du Monde, de
Jacques Arago (Paris, tome 1, p. 76).
3
Lacangue des voleurs, des noctambules et des ivrognes. Gravure
extraite des Hexenprozesse, de E. Konig (Berlin 1928).
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Jan Luyken : Le carcan et la brûlure. Série des Persécutions religieuses (XVIIe siècle).
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Carcan double.
Gravure extraite des
Hexenprozesse,
de E. Konig
(Berlin, 1928).
Divers carcans,
extraits du
De Cruce,
de Juste Lipse.
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La Marque qui, à l'origine ornait le front des récidive) une fleur de lys, une queue d'hermine,
esclaves et la paume des soldats fut, sous les lettres V, D ou GAL, signifiant : voleur
l'Ancien Régime, réservée aux voleurs et aux déserteur et galérien. La marque en forme de V
récidivistes. Elle ne disparut pas dans les était la plus fréquente, d'autant qu'elle
Colonies où l'article 38 du Code Noir, de s'appliquait aux voleurs débutants. «Ceux ou
Colbert (1685) prévoyait son application celles qui, n'ayant point été repris de Justice
à l'égard des serviteurs de couleur : « L'esclave déclare l'Ordonnance du 4 mars 1724, se
fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à trouveront, pour la première fois, convaincus
compter du jour que son maître l'aura dénoncé d'autres vols que ceux commis dans les églises,
en justice, aura les oreilles coupées et sera ou vols domestiques, ne pourront être con-
marqué d'une fleur de lys sur une épaule; s'il damnés à moindre peine que celle du fouet, et
récidive, un autre mois à compter pareillement d'être flétris d'une marque en forme de lettre
du jour de la dénonciation, il aura le jarret V, sans préjudice de plus grandes peines, s'il
coupé et il sera marqué d'une fleur de lys sur y échoit ». C'est en laissant pousser leurs
l'autre épaule; et la troisième fois, il sera puni cheveux et une barbe hirsute que les bandits
de mort. » Flétrissure indélébile, la marque cachaient le mieux cette infamie. Les mineurs
servait de véritable casier judiciaire (Margue- délinquants n'échappaient pas à la redoutable
rite Rateau), à une époque où ce système n'était brûlure. A Dinan, en 1780, un certain Pierre-
pas inventé. A l'aide d'un fer brûlant retiré de Jacques Pinson, domestique de ferme âgé de
la braise, le bourreau appliquait sur l'épaule treize ans, fut fustigé pendant trois jours,
droite, (ou sur les deux épaules, en cas de puis marqué, pour avoir volé de la menue
Jan Luyken. Marque, mutilation et décollation des hérétiques Peine de la marque appliquée à la veuve et complice
aux Pays-Bas, Série des Persécutions religieuses (XVIIe siècle). de l'empoisonneur Desrues, en 1779. (Cliché Roger Viollet).
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LeDuMuséemêmeauteur.delaBestialité"
aux Editions Henri '
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