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Pierre CHeVeNArD (1888-1960)

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François DUFFAUT

bien au-delà des espérances d’Henri FAYOL.

Dès le départ son action vise à satisfaire de


manière fiable et reproductible les besoins des
industriels clients en identifiant les mécanismes
structuraux qui gouvernent les propriétés pertinentes
à chaque application.

La microscopie de l’époque étant impuissante


à décrire la structure fine des aciers et alliages
austénitiques, il conçoit et construit des appareils
pour mesurer finement des grandeurs (dilatation,
susceptibilité magnétique, frottement intérieur, etc.…)
qui lui permettent, par des raisonnements subtils,
d’identifier les modifications structurales. C’est ainsi
qu’il détecte la déchromisation intergranulaire associée
à la précipitation des carbures et qu’il identifie la
précipitation durcissante des nickelures d’aluminium.

Pour mettre au point les alliages aptes aux


applications visées, il met en œuvre, très tôt dans sa
carrière, une méthode qu’il ne définit explicitement
qu’en 1938, la « Métallurgie de précision ». Il s’agit
de la « Préparation d’alliages dotés d’un ensemble
donné a priori de propriétés, dont l’élaboration doit
être très précise en raison du domaine étroit dans
lequel chacune des propriétés atteint le degré voulu ».

Pierre CHEVENARD commence par l’analyse


Pierre CHEVENARD (1888 – 1960) sorti du service attendu pour identifier l’ensemble
major de l’Ecole des Mines de Saint Etienne, des propriétés que doit présenter le matériau
a fait toute sa carrière aux Aciéries d’Imphy recherché et poursuit par la délimitation, grâce à
(Société Commentry Fourchambault Decazeville, l’ensemble capitalisé des connaissances antérieures
devenue en 1954 Société Métallurgique d’Imphy). (il parle de « doctrine »), du champ réduit qui
devra être exploré pour trouver la solution.
Quand Pierre CHEVENARD entre dans cette
société, Charles Edouard GUILLAUME (Prix Nobel Parmi les nombreuses innovations faites
1920) en est ingénieur conseil depuis sa découverte par Pierre CHEVENARD en appliquant cette
de l’INVAR en 1896 et Henri FAYOL est convaincu méthode, on peut citer les alliages résistant à la
de la nécessité d’intensifier les recherches en corrosion fissurante pour l’industrie chimique et à la
développant des moyens propres. Remarquant les cavitation pour les turbines à vapeur, ainsi que ceux
qualités de Pierre CHEVENARD, il le nomme en durcis, d’abord par carbures puis par nickelures,
1911 responsable des « Etudes métallurgiques » pour les réacteurs chimiques puis les turbines à
et lui définit peu après sa mission : « scruter les gaz et bien d’autres emplois à haute température.
alliages sidérurgiques spéciaux afin d’en découvrir
et d’en exploiter les propriétés exceptionnelles ». C’est donc une véritable méthode pour innover
que Pierre CHEVENARD a créée et illustrée, alliant
Cette mission, qui lie clairement connaissances de base et satisfaction parfaite de
science et industrie, Pierre CHEVENARD l’application, et qui lui vaut d’être en 1948 élu par
va l’aborder en bénéficiant des conseils de ses pairs Membre de l’Institut. Lors de la remise
Charles Edouard GUILLAUME et la remplir de son épée d’académicien Louis de BROGLIE

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lui déclare : « Vous rendant ainsi de plus en plus Guérigny.
maître de déterminer les conditions qui permettent
d’obtenir des alliages ayant les propriétés désirées, - Une conférence organisée à Imphy le 5 juin
vous avez pu en améliorer sans cesse les qualités ». qui évoquera l’œuvre de Pierre Chevenard
et montrera sur des exemples actuels que
L’impact de ses travaux sur les progrès de sa méthode pour innover est toujours
l’industrie avait été, dès 1932, reconnu par l’attribution fructueuse.
de la médaille spéciale de la Société d’Encouragement
de l’Industrie Nationale.

Professeur à l’Ecole des Mines de Saint - Une séance du séminaire d’histoire des
Etienne, puis à l’Ecole des Mines de Paris, Pierre techniques « Energies et Matériaux » (Paris
CHEVENARD a beaucoup fait pour promouvoir I, Panthéon Sorbonne) sera consacrée à la
la culture scientifique, à la fois dans l’usine par la métallurgie fine et à Pierre Chevenard.
formation permanente de l’ensemble du personnel de
l’usine d’Imphy et dans les nombreuses associations - Une conférence organisée en octobre à l’ISAT
scientifiques et techniques qu’il a animées, souvent en pour les étudiants du cycle ingénieurs.
les présidant1.
en 2011 :
Pierre Chevenard était commandeur de la - L’Ecole des Mines de Saint Etienne prévoit
Légion d’honneur. d’organiser une journée scientifique consacrée
aux Apports des outils de caractérisation
fine en science des matériaux.
De nombreux organismes tels que les Académies
- Des représentants des organismes cités ci-
des Sciences et des Technologies, la Société pour
dessus souhaitent organiser une journée
l’Encouragement de l’Industrie Nationale, la Société
centrée sur le thème de l’innovation, ses
Française de Métallurgie et des Matériaux, le
méthodes et son histoire qui se tiendrait
Cercle d’Etude des Métaux, l’Ecole des Mines de
à l’ISAT à Nevers. Les textes des exposés
Saint Etienne, le séminaire « Energies et Matériaux
seraient publiés dans le n° du Marteau Pilon
de l’Université Paris I, l’ISAT (Institut Supérieur
de 2012.
de l’Automobile et des Transports, Université de
Bourgogne), la Municipalité d’Imphy, la Municipalité
de Sauvigny les Bois, les Archives Départementales
de la Nièvre, le Centre d’Etudes de la Métallurgie
Nivernaise, ont manifesté l’intention de participer
ou de soutenir la célébration de l’œuvre de Pierre
CHEVENARD à l’occasion du cinquantenaire de sa
mort.

en 2010,
outre le présent hommage complété par la
reproduction (ci-après) de quatre textes illustrant sa
pensée et son action et témoignant de l’estime de ses
collègues du Creusot, il est prévu :

- La présence de Pierre Chevenard inventeur de


l’ATV (Alliage pour les Turbines à Vapeur)
sur l’affiche de l’exposition 2010 « Les
Energies en Nivernais » des Amis du Vieux

1
Société Française de Physique, Société des Ingénieurs
Civils, Association Technique de Fonderie, Société Française
de Métallurgie, Conseil scientifique de l’ONERA, Société
Française de Minéralogie, Société Astronomique de France,
Société de l’Industrie Minérale (VP).

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TexTes CHoisis PréseNTANT lA DémArCHe sCieNTiFiqUe
De Pierre CHeVeNArD
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Jean-Philippe PAssAqUi & François DUFFAUT

Introduction : maîtrise, celle du lien entre comportement en service


et propriétés mesurables, et celle des moyens (analyse,
Les textes qui suivent, reproduits en intégralité ou traitements thermiques entre autres) permettant
en partie, sont pour trois d’entre eux rédigés par Pierre d’obtenir ces propriétés. Cette double maîtrise est
Chevenard. Le quatrième (troisième dans l’ordre acquise par l’organisation en doctrine des résultats
chronologique) est un rapport de visite d’ingénieurs de mesures obtenues grâce à un outil expérimental de
du Creusot remarqué et transcrit par Jean-Philippe qualité.
Passaqui.
Pierre Chevenard résumera lui-même cette
Dès le premier texte, paru en 1923, Pierre dialectique entre fabrication d’alliages apportant une
Chevenard expose clairement sa démarche combinant réponse fine au besoin et qualité de l’outil expérimental
science et industrie en écrivant : « Dans la préparation dans sa conférence du 5 janvier 1951 devant la
d’un nouvel alliage, on peut distinguer quatre étapes : Société des Ingénieurs Civils de France intitulée :
les recherches, les travaux de synthèse et de mise au « La précision en métallurgie et la métallurgie de
point, l’organisation de la fabrication courante et le précision ».
contrôle du produit fini ».
Texte 1.
Dans le deuxième texte, paru neuf ans plus tard
et se référant au premier, Pierre Chevenard décrit Pierre CHeVeNArD, « méthodes de
en détail le laboratoire qu’il a conçu et organisé recherche et de contrôle dans la métallurgie
pour remplir tous les aspects de la démarche définie de précision, » Mémoire et comptes rendus des
en 1923. On remarquera qu’après avoir décrit les travaux de la Société des Ingénieurs civils de
appareils, il insiste sur la qualité des manipulateurs et France, 1923, pp. 932 à 972.
l’importance de leur formation.
En 1896, M. Ch.-Ed. Guillaume remarquait avec
Dans leur rapport de visite de l’année suivante, surprise, parmi une série d’aciers spéciaux préparés aux
MM. Stroh et Sauvageot, ingénieurs du Creusot, Aciéries d’Imphy (Société Commentry-Fourchambault
concluent : « les laboratoires d’Imphy sont spécialement et Decazeville), un alliage fer-nickel moins dilatable
et remarquablement outillés pour l’étude scientifique que les métaux composants. Soupçonnant la portée
et méthodique des propriétés des alliages qui exige des scientifique de cette exception à la règle des mélanges,
essais très longs et très précis, ne laissant échapper il étudiait d’autres ferronickels, découvrait l’anomalie
aucune particularité des diagrammes enregistrés ». réversible de ces alliages et prévoyait les conséquences
Entre les lignes, on peut comprendre qu’ils calment industrielles de cette singulière propriété.
une certaine jalousie en estimant normal que les
laboratoires du Creusot, entreprise impliquée dans Cette découverte marque le point de départ de
des domaines industriels plus variés qu’Imphy, ne recherches étendues poursuivies, depuis près de vingt-
puisse pas mener des études aussi approfondies. cinq ans, par M. Guillaume et par l’usine d’Imphy
travaillant en complète collaboration : la création
Dans le dernier texte, publié en 1938, Pierre d’alliages remarquables tels que l’Invar et l’Elinvar en
Chevenard expose que le terme « métallurgie de fut la sanction industrielle.
précision » ne lui appartient pas mais donne le sens
précis qu’il a pour lui : « j’appellerai métallurgie Une autre conséquence, non moins heureuse,
de précision, la préparation des alliages dotés d’un fut d’orienter Imphy vers la métallurgie de précision,
ensemble donné a priori de propriétés physiques, de familiariser le personnel avec les techniques
mécaniques ou chimiques, et dont l’élaboration doit minutieuses, de créer dans l’usine une ambiance
être très précise, en raison du nombre des conditions à scientifique. Aussi, quand M. L. Guillet aborda ses
satisfaire et de l’étroitesse du domaine où chacune des travaux bien connus sur les aciers spéciaux, chargea-
propriétés atteint le degré voulu ». La suite du texte t-il les Aciéries d’Imphy d’élaborer ses alliages
montre que pour lui un alliage nouveau apportant une d’étude.
réponse à un problème est le résultat d’une double

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L’étude théorique des alliages, principalement exactes et nombreuses sur les principales propriétés
des ferronickels, entreprise à Imphy par M. L. Dumas physiques et chimiques des alliages binaires
vers 1896, s’est poursuivie depuis sans interruption. ou complexes, à préciser les variations de ces
En 1912, M. H. Fayol, alors Directeur général de la propriétés avec les facteurs physiques : température,
Société Commentry-Fourchambault, soucieux de pression, à déterminer les modifications apportées
réaliser plus complètement encore cette union de la par les traitements thermiques ou mécaniques ;
science et de l’industrie, créait à Imphy un service elles se proposent aussi d’interpréter les résultats
spécial pour l’étude et la préparation des alliages expérimentaux et de les traduire en lois.
de précision. Les recherches de M. Guillaume et les
travaux de ce nouveau service ont conduit à créer Quant l’industrie réclame un alliage présentant
une série d’alliages, utilisés dans les sciences ou un ensemble donné de qualités, on se base, pour le
dans l’industrie, pour leurs propriétés physiques ou réaliser, sur les résultats de ces recherches. Chaque
chimiques exceptionnelles. propriété étant réalisée au degré voulu dans un certain
domaine de composition, la solution ne peut exister
L’invar, dilatabilité négligeable, la platinite, hors des points communs aux différents domaines.
soudable au verre, l’alliage pour balanciers, dont
la dilatabilité anormale affranchit les chronomètres Dans le champ ainsi limité, il faut découvrir
de l’erreur secondaire, l’élinvar à coefficient ensuite, par des essais méthodiques, l’alliage le plus
thermoélastique nul, sont parmi les principaux résultats aisé à fondre, à forger, à usiner, le moins sensible
des études poursuivies par M. Guillaume. Imphy aux petits écarts de composition, le moins affecté par
prépare, en outre, des alliages à haute résistivité et à les impuretés inévitables, en un mot, celui dont la
faible coefficient thermique pour rhéostats, appareils préparation est la plus sûre et la moins coûteuse.
de chauffage et résistances étalonnées ; d’autres
à thermorésistivité rapidement croissante pour Enfin, le contrôle des produits finis signale les
régulateurs d’intensité ; des couples thermoélectriques déviations de la fabrication, sépare et classe les alliages
industriels ; des aimants stables ; un alliage à haute marchands. On utilise parfois, pour ce contrôle,
perméabilité initiale et à faible hystérésis, utilisé dans les les méthodes de mesures délicates employées pour
alternateurs de TSF et les multiplicateurs de fréquence les recherches ; le plus souvent, on se contente de
créés par M. Marius Latour ; des alliages résistant à vérifier, par un procédé sûr mais rapide, que l’alliage
la plupart des liqueurs corrosives industrielles ; des industriel s’identifie suffisamment à un type dont
ferronickels inaltérables dans la vapeur, des alliages l’expérimentation a sanctionné la valeur technique.
non fragiles aux très basses températures et d’autres
Le programme tracé par les recherches est vaste :
rigides aux températures élevées, etc.
le champ à explorer est étendu, les propriétés à étudier,
Cette métallurgie de précision exige des nombreuses, et les phénomènes, complexes. D’où la
recherches étendues et précises et requiert un contrôle nécessité d’un laboratoire largement outillé et d’un
sévère. C’est pourquoi le laboratoire d’Imphy travail bien organisé.
comprend, non seulement l’installation normale
Les méthodes expérimentales employées pour
des aciéries qui travaillent suivant les méthodes
les recherches doivent être précises, mais surtout
scientifiques : machines de traction et de choc,
sensibles et fidèles. Certains phénomènes, importants
microscopes métallographiques, appareils d’analyse
par leur signification, se traduisent, en effet, par des
thermique, etc., mais encore une série d’instruments,
manifestations peu intenses. On doit aussi pouvoir
presque tous construits au laboratoire même, pour
considérer comme certaine une petite différence entre
explorer les propriétés physiques ou chimiques des
deux résultats, même si ces derniers ont été obtenus à
alliages spéciaux.
plusieurs années d’intervalle.
Je me propose de décrire brièvement cette
Enfin, les expériences doivent être rapides et aussi
organisation, mais auparavant, il paraît utile de
– considération très importante – relativement peu
caractériser le rôle du laboratoire considéré comme
coûteuses. C’est pour concilier toutes ces exigences
guide des fabrications.
que nous avons recours, le plus souvent possible, à
Dans la préparation d’un nouvel alliage, on peut l’enregistrement photographique des phénomènes
distinguer quatre étapes : les recherches, les travaux et aux appareils automatiques faciles à surveiller et
de synthèse et de mise au point, l’organisation de la qui éliminent l’action personnelle des opérateurs.
fabrication courante et le contrôle du produit fini. Pour la même raison, nous avons substitué, dans nos
enregistreurs thermiques, un pyromètre à dilatation au
Les recherches visent à rassembler des données pyromètre thermoélectrique, car l’expérience a montré
la fidélité du premier dispositif.

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… répartit entre les recherches, la mise au point à
l’atelier des procédés nouveaux, le contrôle de la
La découverte de nouveaux alliages est attendue, fabrication et de la qualité des produits marchands,
non d’un hasard heureux couronnant des essais et les travaux d’expertise, c’est-à-dire l’étude des
empiriques, mais d’une étude méthodique, approfondie difficultés et des échecs.
et précise des propriétés des complexes métalliques.
Les recherches récoltent des données précises
Il y a juste deux siècles, Réaumur, exposant le sur les propriétés mécaniques, physiques, chimiques
projet d’un soufflet pour four à cémenter, écrivait dans des alliages, précisent les lois de leur formation, de
son traité De l’art de convertir en acier : « Prenons pour leurs changements d’état polymorphiques, et de
exemple une des petites forges qui est à Imphy dans leurs traitements…, en un mot, rassemblent une
le Nivernois, Gens, sur l’exactitude de qui je me suis documentation qui sera la base des fabrications
fier. » Je me suis efforcé de montrer comment, par le nouvelles. Elles exigent le calme et la continuité2. Les
souci constant d’une précision croissante, nous visons travaux de mise au point, de contrôle et d’expertise,
à mériter l’éloge décerné par Réaumur à l’habileté et à au contraire, doivent être conduits rapidement. Dès
la conscience de nos devanciers. qu’une application nouvelle est entrevue, à la lumière
des résultats de recherches, il importe d’en vérifier au
Texte 2. plus tôt la valeur pratique et de l’exploiter. Le contrôle
doit évidemment accompagner les fabrications. En
Pierre CHeVeNArD, « l’installation et face d’une difficulté sérieuse, parfois angoissante,
l’organisation d’un laboratoire sidérurgique quel directeur hésitera à mobiliser toute l’activité du
moderne, » Mémoire et comptes rendus des laboratoire ?
travaux de la Société des Ingénieurs civils de
France, 1932, pp. 1109 à 1158 Si, donc, les recherches d’une part, les travaux
de mise au point, de contrôle et d’expertise de l’autre,
En 1923, pour répondre à une invitation flatteuse relèvent d’un même service, la marche des premières
de M. Léon Guillet, nous avons décrit à la Société sera lente et cahoteuse, car la préparation d’un lointain
des Ingénieurs Civils les méthodes de recherches et avenir semblera presque toujours moins urgente que la
de contrôle en usage aux Aciéries d’Imphy, usine mise en route d’un procédé ou la solution rapide d’une
spécialisée dans la métallurgie de précision1. difficulté. Or, imposer à une recherche une marche
discontinue, c’est la vouer à l’échec.
Depuis bientôt dix ans, l’organisation
scientifique des usines de la Société de Commentry- Il est donc logique de séparer l’organisme
Fourchambault et Decazeville a été mise au point : un de recherches afin que les à-coups des services de
nouveau laboratoire a été construit spécialement pour fabrication lui parviennent atténués. Mais un rare
les travaux de recherches ; les anciennes techniques écueil est à éviter, la paroi amortissante ne doit pas
d’essai ont été simplifiées ou rendues plus précises, devenir une cloison étanche. Sinon, le laboratoire
et de nouvelles ont été instituées ou rendues plus de recherches perd le contact de la pratique, les
précises, et de nouvelles ont été instituées : enfin, de laboratoires de contrôle sont tentés d’entreprendre des
nombreux résultats d’ordre théorique et pratique ont recherches sans guide suffisant, et l’unité de direction
été obtenus. et de doctrine se trouve rompue.
M. Portevin a bien voulu nous prier d’exposer À la Société de Commentry-Fourchambault
brièvement ces progrès : nous ressentons vivement et Decazeville, le Service des recherches est un
l’honneur d’une telle demande et nous nous faisons un organisme central qui relève de la Direction générale.
agréable devoir de remercier notre cher Président. Son chef a reçu mission de diriger et de contrôler, au
point de vue scientifique, l’activité des usines :
Chapitre premier
En résumé, le Service des recherches :
Organisation scientifique
- étudie les problèmes posés par la clientèle et
Comme nous l’avons déjà dit en 1923, l’activité
les services de fabrication ;
des services scientifiques d’un établissement se
- guide la mise au point des produits et des
1
P. CHEVENARD, Méthodes de recherches et de
contrôle dans la métallurgie de précision, Mémoires et
2
compte rendu des travaux de la Société des Ingénieurs Les termes en italique sont le fait de Pierre
Civils de France, juillet-septembre 1923. Chevenard

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procédés nouveaux dans les usines ; Chapitre ii
- institue et surveille les techniques en les laboratoires d’imphy
usage dans les laboratoires de contrôle des usines et
coordonne les recherches d’ordre pratique que ces Pour épargner la patience du lecteur, nous ne
laboratoires peuvent entreprendre ; consacrerons qu’une brève mention aux laboratoires
de contrôle des aciéries d’Imphy. Seules, en raison de
- rassemble une documentation sur les divers leur caractère particulier justifié par les fabrications
alliages marchands d’Imphy et des autres usines, leur très spéciales de l’usine, les installations de recherches
mode de fabrication, leurs propriétés et leur emploi. seront décrites, d’ailleurs en peu de mots.
En d’autres termes, il recueille et conserve la doctrine
métallurgique de la Société.

Appareil Breveté Chevenard (Cliché F. Duffaut)

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1) Le laboratoire de contrôle d’Imphy électriques, des tôles magnétiques, etc.

La plupart des machines d’usage courant pour 2) Le laboratoire de recherches


l’étude de la déformation des métaux se rencontrent
au laboratoire d’essais mécaniques : quatre machines Ce laboratoire est installé depuis 1929 dans un
de traction Amsler de 5 à 50 t, dont l’une très précise, spacieux bâtiment de deux étages aux fondations
de 20 t, équipée avec un extensomètre enregistreur, est solides, aux murs épais, aux planchers rigides.
réservée aux essais de recherche et de documentation ;
une presse Amsler de 70 t ; deux moutons Charpy Une salle souterraine aux parois calorifugées,
(300 et 30 kg), un mouton Frémont, deux moutons appelée caveau isotherme, abrite deux instruments
Guillery ; un appareil Guillery pour l’essai des tôles délicats : le microdilatomètre et le thermomagnétomètre.
à l’emboutissage, un scléromètre Alpha à pointe Ces appareils (…) reposent sur des tables de béton
de diamant, une machine Alkan à trois tourets pour massives : ils sont soustraits ainsi aux trépidations,
l’épreuve des métaux aux flexions rotatives, une aux fluctuations de température et aux variations
machine Cambridge à chocs répétés, une machine à accidentelles de calage qui nuiraient à la précision des
poids pour essais à traction à chaud. Quatre autres de résultats.
ces dernières machines, d’un modèle amélioré, vont
Au sous-sol, sont installés des batteries
être installées sous peu.
d’accumulateurs et des groupes convertisseurs, des
Les éprouvettes, usinées dans un atelier annexe alambics à chauffe électrique, un appareil à purifier le
au laboratoire, sont traitées dans une série de fours à mercure par distillation dans le vide. On y trouve aussi
chauffe électrique : deux fours de 30 kW, prévus pour des fours pour le traitement des plus gros échantillons
atteindre 1000°, un four à bain de plomb, un four à et des fours de fusion à tubes ou à granules de charbon.
bain de sel, une étuve à bain d’huile. Ces derniers servent à préparer de petits lingots
d’essai, à étudier l’action des laitiers, l’influence de la
La température de tous ces appareils de chauffe est surchauffe à l’état liquide sur les propriétés des aciers
maintenue constante et mesurée ou même enregistrée et des fontes, etc. (…)
par des pyromètres-régulateurs à dilatation (…)
Une fraction importante de la surface du sous-sol
Un deuxième contrôle de température est assuré est occupée par des casiers où sont méthodiquement
par des couples Le Chatelier reliés à des galvanomètres classés les lingots, les billettes, les barres et les tôles
muraux. La comparaison des deux types de pyromètres, des alliages destinés aux recherches.
exposés à des causes d’erreurs très différentes, donne
une grande sécurité. Le rez-de-chaussée est entièrement occupé par
un atelier de précision. Dix-huit machines-outils :
Le laboratoire de chimie dose les éléments usuels tours de différentes tailles, fraiseuses, étaux-limeurs,
ou spéciaux, même peu courants, des matières premières perceuses, machines à meuler, à rectifier et à polir sont
et des alliages marchands : carbone, manganèse…, groupées dans une salle principale, largement éclairée ;
aluminium, titane, glucinium. Quelques-unes de ces deux salles plus petites sont réservées au montage et
méthodes de dosage ont été mises au point à Imphy au réglage des appareils, une quatrième sert de bureau
même. Tel est le procédé institué par le chef de service et de magasin.
du laboratoire de chimie pour doser l’aluminium et le
glucinium dans les ferronickels chromés complexes : Une équipe de mécaniciens usine les échantillons
ces éléments sont préalablement isolés par électrolyse nécessaires aux essais physiques. Une autre, plus
avec cathode de mesure. importante, construit les appareils de précision,
c’est-à-dire les dispositifs originaux destinés aux
Le même laboratoire est outillé pour essayer recherches et les appareils d’un type ancien mis dans
les alliages à la corrosion, selon des différentes le commerce : dilatomètres, galvanopyromètres,
techniques : mesure de la perte de poids après un régulateurs de température, etc.
temps de séjour donné dans la liqueur d’attaque, à
température bien déterminée ; essai par immersions et Au premier et au second étage se trouvent les
émersions alternées, essai au brouillard salin, etc. bureaux des ingénieurs, les cabinets de photographie
et les salles de manipulations.
Une salle d’essais physiques, exclusivement
réservée aux travaux de contrôle et d’expertise, est La grande salle de physique du premier étage
annexée au laboratoire de chimie : classement des aciers rassemble les appareils enregistreurs destinés à
spéciaux par l’analyse dilatométrique, micrographie et l’étude physicothermique et thermomécanique des
macrographie, contrôle des alliages pour résistances alliages. Son installation, désormais achevée, permet

71
un travail à haut rendement : aussi sera-t-elle décrite 3) Distribution d’eau et d’énergie électrique.
avec quelques détails dans le chapitre suivant, afin Installations annexes.
d’illustrer les principes qui ont dirigé l’organisation
des travaux de recherches. Certains appareils, où interviennent des
températures élevées, comportent des boîtes de
Une autre salle de physique aménagée selon refroidissement à courant d’eau. Pour éviter toute
les mêmes principes, mais plus petite, un cabinet de interruption accidentelle de la circulation, le
micrographie et de photocopie et une salle d’essais laboratoire a été doté d’une installation hydraulique
physicochimiques occupent la majeure partie du qui lui est propre. Une pompe centrifuge aspire l’eau
deuxième étage. d’un puits et la refoule dans un réservoir placé tout
en haut du bâtiment ; la pompe se meut ou s’arrête
La petite salle de physique est réservée en principe automatiquement selon la variation du niveau dans
aux appareils de mesures électriques et magnétiques : le réservoir. La pression est ainsi maintenue entre
pont de Wheatstone et de L. Kelvin, perméamètres pour d’étroites limites.
champs très intenses ou très faibles, hystérésimètres,
etc. Un gros électro-aimant de Weiss permet de Le laboratoire est relié aux réseaux électriques de
soumettre un échantillon de quelques grammes à l’usine : 250 V continu, 250 V alternatif monophasé.
un champ de 30 000 gauss. Un enregistreur spécial Une batterie d’accumulateurs de 24 V fournit la
trace, entre – 30° et +70°, la courbe « aimantation- tension constante nécessaire à certaines expériences
température » des alliages à point de Curie voisin magnétiques. L’éclairage des enregistreurs est assuré
de la température ambiante, alliages utilisés pour la par une autre batterie de 6 V.
compensation thermique des aimants permanents.
Par mesure de sécurité, les circuits de 250 V et
Tous les échantillons de faible masse, fils fins même de 24 V sont interrompus lors du départ des
ou tôles minces, formés d’alliages altérables à chaud, manipulateurs. Cette règle de prudence ne soufre
sont recuits dans un vide élevé obtenu au moyen d’une d’aucune exception : une surveillance est instituée
trompe Dunoyer à vapeur de mercure. quand une expérience déborde l’horaire normal,
même si l’intervention manuelle d’un opérateur n’est
Un microscope Zeiss, d’un modèle récent, précis pas nécessaire.
et commode, fournit la photographie nette d’une
plage agrandie 1 000 fois ; un dispositif spécial pour Mais la tension de 6 V n’offrant aucun danger,
macrographie, adapté au même appareil, permet les la connexion du laboratoire avec la batterie est
grossissements de 6 à 36 fois. Pour prendre des vues maintenue en permanence. L’enregistrement des
avec une amplification plus faible, on utilise un appareil courbes de refroidissement, dans les essais physico-
photographique ordinaire avec illuminateur à glace thermiques, peut donc se poursuivre pendant la nuit. Il
sans tain. Un appareil de photocopie sert à reproduire s’interrompt à une heure fixée d’avance par le jeu d’un
les diagrammes et autres documents qui doivent être contacteur-extincteur.
communiqués aux services de fabrication.
Les travaux qui exigent le maintien très prolongé
Les manipulations faisant intervenir des liquides d’une température élevée sont entrepris dans le
corrosifs ou des gaz sous pression sont cantonnées laboratoire des chauffes continues, petit bâtiment isolé
dans la salle d’essais physico-chimiques, au sol carrelé surveillé avec soin : tels sont les recuits des fontes
en grès et aux murs revêtus de faïence. On y met au malléables, les essais de cémentation et de nitruration,
point des méthodes de dosage nouvelles, on y mesure les recuits de coalescence des aciers, certaines
les forces électromotrices de dissolution, on y poursuit expériences sur la corrosion par les vapeurs, les sels
des essais de corrosion spéciaux, des recherches sur fondus, etc.
la cémentation ou l’altération des alliages par les gaz,
etc. Pour l’étude de la corrosion fissurante dans la Enfin, pour préparer les coulées d’essai d’un poids
vapeur plus ou moins chargée d’impuretés, on dispose supérieur à 5 Kg, le laboratoire dispose, dans l’usine,
d’un autoclave à chauffage électrique. d’un creuset électrique à haute fréquence capable de
fondre 50 Kg d’acier, d’un four à arc de 25 Kg et d’un
Tous les carnets de manipulations, les clichés four à creuset de 40 Kg chauffé à l’huile lourde.
photographiques, les diagrammes, les échantillons,
en un mot tous les documents expérimentaux sont
conservés, catalogués avec soin, dans une vaste salle
d’archives, qui occupe les combles et règne sur toute
la superficie du bâtiment.

72
Chapitre III Or, certaines recherches, telles que l’étude des
phénomènes de revenu et des traitements structuraux,
Description de la grande salle de d’après la technique des chauffes isothermes, exigent
de longs et très nombreux essais.
physique.
Outre le prototype du dilatomètre différentiel
photographique, dont la fidélité est demeurée
Pour économiser la main-d’œuvre et simplifier
parfaite depuis 1916, l’installation comprend deux
les manipulations, on a rassemblé dans cette salle
autres appareils, semblables au premier quant aux
la plupart des appareils qui servent à étudier ou à
dispositions d’ensemble, mais perfectionnés quant
enregistrer les propriétés des alliages en fonction de
aux détails. La photographie de la figure 5 (non
la température.
reproduite dans l’article du Marteau Pilon n°XXII)
montre deux dilatomètres installés sur une table avec
La grande salle de physique, d’une superficie
leurs accessoires : ampèremètres, sources froides des
de 95 m2, est largement aérée et éclairée par quatre
couples de contrôle thermique, rhéostats à curseurs
grandes fenêtres. Le plancher de béton armé, calculé
mus par un mouvement d’horlogerie, qui assurent une
pour une charge de 500 kg/m2 et supporté en son
chauffe et un refroidissement parfaitement réguliers ;
milieu par une colonne massive, est d’une forme très
contacteurs-extincteurs, dont le rôle est de jalonner
rigide. Le parquet de chêne ciré est posé sur bitume,
la courbe par des repères isochrones et d’éteindre la
support plastique, amortisseur des vibrations et très
lampe de l’enregistreur à une heure fixée d’avance
bon isolant. Les murs enduits de peinture laquée sont
(…)
d’un entretien très facile.
2) Appareils pour l’essai thermomécanique
De lourdes et robustes tables de chêne supportent
des métaux.
les appareils ; celles qui avoisinent les parois sont
réservées aux instruments les plus délicats et sont
Deux oscillomètres de torsion ne sont autres que
scellées aux murs.
des pendules de Coulomb dont le fil de suspension
peut être chauffé ou refroidi. Le premier, destiné
À proximité de chaque table se trouve un
aux températures élevées, a été décrit dans ma
équipement pour la distribution de l’énergie électrique.
communication de 1923.
Il comporte, groupés sur un panneau de marbre, les
interrupteurs, les fusibles et les bornes pour les quatre
Dans l’autre appareil, construit pour les basses
types de courant utilisés : continu 250 V, alternatif
températures, le fil-échantillon est disposé au-dessous
250 V, continu 24 V et continu 6 V. Les fortes sections
du volant, dans l’axe d’une moufle métallique plongée
des conducteurs, prévues pour 50 A, suppriment
dans un liquide réfrigérant. Le volant est suspendu par
non seulement tout danger, mais toute élévation de
un fil extrêmement fin de tungstène qui joue le rôle
température gênante pour les appareils voisins.
de pivot parfait, sans frottement ni couple de rappel
sensible.
Ces tableaux sont au nombre de douze. Cinq
d’entre eux sont scellés aux murs. Les autres sont portés
On détermine, à l’aide des oscillomètres, la
par des coffrets de chêne disposés sous les tables. Le
variation thermique du module de torsion et celle
courant leur parvient par des câbles dissimulés dans
du frottement interne. Cette dernière grandeur est
des caniveaux d’accès facile.
très importante à connaître, surtout aux températures
élevées, car elle caractérise l’écart qui existe entre le
L’eau est distribuée par deux postes d’angle.
métal étudié et un solide parfaitement élastique, corps
hypothétique dont les solides réels se rapprochent
1) Dilatomètres.
plus ou moins entre certaines limites de charges et de
températures.
L’installation de dilatométrie ne compte pas moins
de neuf appareils. Pour justifier ce chiffre, il suffit de
Une petite machine Amsler, d’une force de 200
rappeler la nécessité de mesurer avec précision la
kg, est utilisée pour l’essai des fils et des très petites
dilatabilité de l’invar et de nombreux autres alliages,
éprouvettes à la température ordinaire.
et le rôle essentiel de l’analyse dilatométrique,
(…)
considérée à Imphy comme la méthode de base pour
caractériser les transformations des alliages.

81
Chapitre IV et pratique de la métallographie quantitative, basée
sur des travaux métrologiques d’une haute rigueur.
Principes qui ont dirigé l’installation du Le laboratoire d’Imphy s’est engagé dans la voie ainsi
laboratoire de recherches. Organisation du travail brillamment ouverte, en inscrivant à son programme la
expérimental. mesure des propriétés physiques et physicochimiques
des alliages, dans un large domaine de températures et
Dès 1911, H. Fayol invitait le laboratoire d’Imphy de compositions.
à entreprendre une étude systématique des aciers et
alliages spéciaux et assignait deux buts à ce travail : 1) Construction des appareils.
éclairer la théorie de ces produits, afin d’en faciliter
et d’en féconder l’étude pratique ; découvrir leurs A chaque mesure est affecté un appareil spécial,
propriétés exceptionnelles en vue des applications. le plus souvent construit à Imphy même ; c’est ainsi
qu’il existe des dilatomètres distincts pour l’analyse
À cette époque, l’attention des métallurgistes était thermique des alliages, pour l’étude des produits
orientée surtout vers la métallographie microscopique réfractaires, pour le contrôle de l’invar et des alliages
et l’analyse thermique. Mais les belles découvertes de à dilatation déterminée, etc.
M. Guillaume avaient prouvé la fécondité scientifique

82
Contrairement aux apparences, cette solution l’étude thermomagnétique des alliages.
est plus rapide, plus sûre et moins coûteuse que
l’utilisation d’un appareil prévu pour de multiples L’automatisme est poussé très loin, afin
usages, c’est-à-dire médiocrement adapté à chacun d’économiser la main d’œuvre et de réduire l’action
d’eux ; les résultats sont surtout plus précis. personnelle des manipulateurs. Dans les opérations
thermiques, l’allure de la chauffe ou du refroidissement
Un problème expérimental nettement posé est, est imposée par des rhéostats à mouvement d’horlogerie
en effet, presque toujours facile à résoudre, tellement et des régulateurs sont utilisés dès qu’il faut maintenir
sont abondantes les ressources actuelles de la une température constante. Les enregistreurs
métrologie. Pour évaluer une petite longueur, on a le photographiques ou mécaniques sont largement
choix entre maints dispositifs : amplificateur à leviers, utilisés au lieu des appareils à lecture directe, etc.
vis microscopique, levier optique, appareils à franges
d’interférence, ultramicromètre électromagnétique. Le même souci d’assurer la fidélité conduit à
Une variation de température se mesure avec un simplifier les manipulations et à proscrire tout organe
thermomètre à mercure, un pyromètre optique. On de réglage susceptible d’être manœuvré d’une façon
peut donc concevoir plus de trente dilatomètres ; mais intempestive.
pour chaque application particulière, l’un d’eux est
certainement meilleur que tous les autres. En résumé, grâce au choix du principe, à l’étude
scrupuleuse des moindres détails, aux soins de la
Le principe choisi, la construction de l’appareil construction, à l’emploi d’alliages spéciaux : invar,
à l’atelier de précision demande, en général, peu élinvar, permax, au réglage initial minutieux et
de temps. Le premier exemplaire du dilatomètre durable, les appareils sont sensibles et fidèles, robustes
différentiel fut établi, en moins d’un mois, par un et simples.
mécanicien assisté d’un modeleur et d’un apprenti.
Avec les ressources actuelles de l’atelier, le délai serait Ainsi, les enregistreurs donnent des courbes
réduit à dix jours à peine. Souvent, on réalise d’abord vigoureuses qui, malgré leurs dimensions généralement
un modèle simplifié de l’appareil, afin de vérifier la faibles, sont susceptibles de pointés précis ; leur
valeur de la conception. Ce « brouillard » construit à direction en tout point est assez sûre pour permettre la
peu de frais, est retouché autant qu’il est nécessaire détermination graphique de la dérivée, base du calcul
pour corriger tous les défauts. des coefficients thermiques. De telles courbes ont un
grand pouvoir de résolution, qualité plus importante
2) Qualités des appareils de laboratoire qu’un grand pouvoir d’amplification (Bouasse) ;
il importe peu, en effet, d’accroître l’échelle d’un
L’analyse des transformations physicochimiques diagramme si les sinularités caractéristiques du
les plus compliquées, la récolte d’une documentation phénomène étudié sont en partie masquées par les
précise exigent des appareils sensibles et fidèles ; la sinuosités dues aux chocs ou les anomalies causées
simplicité, la robustesse, la commodité d’emploi sont par un mauvais réglage, de même qu’il est inutile
aussi des qualités indispensables dans un laboratoire d’agrandir par un oculaire puissant l’image sans
industriel. détails donnée par un objectif médiocre.

En choisissant le principe de l’appareil, on 3) Installation des appareils.


cherche à isoler, le mieux possible, le phénomène
étudié des phénomènes accessoires, but souvent atteint Les appareils sont installés à demeure et
par l’emploi d’une méthode différentielle. maintenus toujours prêts à servir. Ceux dont les
trépidations affectent peu la marche sont portés par
On s’efforce également d’éliminer l’action des de robustes tables de chêne, leurs vis calantes posées
causes perturbatrices, si nombreuses et parfois si sur des pastilles de bronze ou de silice fondue, à
intenses dans une grande usine : changements de la crapaudines et à rainures, incrustées dans le bois. Pour
température ambiante, dénivellation périodique ou les plus délicats, on utilise des supports a-vibrateurs
progressive des planchers, fluctuations du champ à suspension trifilaire, avec amortisseur à palettes et
magnétique terrestre, instabilité de la tension des à bain d’huile ; l’emploi de fils d’invar assure à la
réseaux électriques, chocs et vibrations, etc. Ainsi, plateforme du support un calage constant.
le pyromètre à dilatation, insensible aux trépidations
et aux influences magnétiques, remplace souvent le Ces antivibrateurs ne sont efficaces qu’au prix
pyromètre thermoélectrique plus délicat ; la méthode d’un réglage précis de l’amortissement : on y parvient
de Faraday-Curie, où n’intervient pas le champ en mélangeant des huiles de fluidités différentes.
terrestre, est préférée à celle du magnétomètre pour Mais, comme cette fluidité dépend beaucoup de la

83
température, elle doit être ajustée pour les plus chaudes En même temps qu’on leur apprend à manipuler,
journées de l’été. En toute autre saison, la température on cherche à combler les lacunes de leur formation
du bain d’huile est relevée au degré voulu au moyen générale. On leur donne de véritables leçons de
d’un petit réchauffeur électrique. mathématiques, de mécanique, de physique, de
chimie ; on leur procure des livres et on guide leurs
En instituant le montage, c’est-à-dire en groupant lectures ; on les encourage à suivre des cours par
les accessoires de l’appareil principal, on cherche à correspondance. Chacune des nouvelles techniques
réaliser un ensemble simple et clair. Des repères ou des d’essai est l’occasion d’explications détaillées : but
butées précisent l’emplacement de chaque objet. Les de la mesure, principe de la méthode, mécanisme de
conducteurs électriques à fort isolement, de couleurs l’appareil, causes d’erreur et précautions, conduite des
différentes suivant la tension du courant, suivent un calculs, construction des diagrammes, etc.…
trajet apparent jalonné par des supports isolants. Les
interrupteurs, à puits de mercure, sont isolés de la table Les manipulations sont organisées selon les
par des cales de silice fondue. Les divers tronçons principes de Taylor : épargner les gestes inutiles,
d’un même circuit électrique sont, autant que possible, utiliser au mieux le temps du personnel sans le
soudés et les écrous des bornes sont bloqués par des surmener. Les essais ont des horaires imbriqués de telle
contre-écrous ; ces précautions épargnent toute rupture sorte qu’un même opérateur parvient à en conduire
du circuit ou toute variation sensible des résistances plusieurs de front. Dans la grande salle de physique,
de contact. Bref, les modifications accidentelles du deux manipulateurs surveillent la marche de trois et
montage sont peu probables et ne peuvent demeurer parfois quatre enregistreurs.
inaperçues. Toutes les simplifications possibles ont
été réalisées. Les fours à résistance, les rhéostats, (…)
les régulateurs de température, les ampèremètres, Voilà, brièvement résumées, les mesures qui ont
les supports, etc. sont d’un petit nombre de types assuré un haut rendement au travail de laboratoire :
normalisés. Comme il a été dit, les couples Le Chatelier adaptation des appareils aux conditions particulières
et les galvanomètres muraux sont interchangeables : de chaque mesure, recherche de l’automatisme,
le contrôle des pyromètres l’un par l’autre est facile construction et installation soignées, réglage précis,
et les risques de confusion sont évités, car il n’existe entretien attentif, sélection et formation du personnel,
qu’une table de tarage. organisation du travail. Leur résultat a été la récolte
rapide d’une documentation abondante, précise et
Un ordre et une propreté impeccables règnent parfaitement homogène.
dans tout le laboratoire. Ainsi, les apprentis-opérateurs,
dont l’attention est constamment tenue en éveil, Chapitre V
prennent des habitudes de minutie et de précision,
qui deviendront instinctives dans leurs expériences.
Le fini des appareils, la netteté des montages, Progrès dans les techniques d’essais.
l’harmonie et même l’élégance des salles de mesures,
loin d’être un luxe inutile et coûteux, créent une 1° Dilatométrie
ambiance favorable de calme laborieux, d’ordre et de
méthode, éminemment favorable à la qualité du travail Depuis notre étude de 1923, la dilatométrie
expérimental. est devenue une véritable méthode d’analyse
physicothermique des alliages, qualititative et
4) Recrutement et formation des manipulateurs. quantitative. Les transformations, fidèlement traduites
Organisation du travail. par les singularités des courbes de dilatation, sont
d’abord saisies pendant qu’elles s’opèrent ; puis les
Le directeur des recherches est secondé par deux constituants issus de ces réactions sont identifiés
ingénieurs, une secrétaire-archiviste, des manipulateurs et même approximativement dosés d’après leurs
et des mécaniciens. À leur entrée au laboratoire, les caractères dilatométriques : dilatabilité et anomalies
manipulateurs ne possèdent, pour la plupart, qu’une spécifiques.
instruction primaire. La sélection est basée sur la
valeur morale, l’intelligence, les succès scolaires, Les avantages de l’analyse dilatométrique sur
l’attrait pour le travail précis ; quelques-uns ont même les autres méthodes ont été bien des fois signalés.
une véritable vocation expérimentale. Leur formation Elle s’applique à tous les corps solides, magnétiques
est un problème d’une importance capitale : Herschell ou non, conducteurs ou isolants : métaux et alliages,
ne disait-il pas que la partie la plus essentielle d’une roches et minéraux, émaux et briques réfractaires,
lunette est l’œil placée derrière l’oculaire ? etc. Elle met en œuvre des appareils très sensibles et
cependant simples, fidèles et robustes. La sensibilité,

84
enfin, ne dépend pas des vitesses de chauffe ou de Texte 3.
refroidissement, comme celle des méthodes thermiques
proprement dites. D’où l’aptitude de la dilatométrie à SAUVAGEOT, « Rapport de visite de MM.
dégager des lois quantitatives de la trempe, à étudier Stroh et Sauvageot au laboratoire des aciéries
les transformations très lentes et même isothermes, d’Imphy (16 septembre 1933), » Laboratoire,
telles que la décomposition d’un constituant instable, Usine du Creusot, le 22 septembre 1933.
à suivre dans tous leurs détails des réactions étendues
sur un large intervalle de température, telles que la Cette visite a pour but de répondre à l’invitation de
transformation, monovariante biphasée des alliages M. Chevenard et de nous documenter particulièrement
du type duralumin. sur le nouvel extensomètre à enregistrement mécanique
qui peut nous être utile pour la poursuite de nos essais
La technique a été perfectionnée suivant deux à chaud.
directions : plus grande simplicité, plus grande
sensibilité. Les laboratoires d’Imphy comprenant laboratoires
de contrôle et laboratoire des recherches ont été très
(…) bien décrits par M. Chevenard dans une conférence
faite à la Société des Ingénieurs Civils de France et
Conclusions parue dans le Bulletin de septembre octobre 1932 de
cette société.
Ce rapide exposé du programmé général des
recherches, de l’installation et de l’organisation La plupart des appareils enregistreurs utilisés au
des laboratoires, des méthodes d’essai, de quelques laboratoire de recherches ont fait en outre l’objet de
résultats et perspectives d’avenir, suffit, semble-t-il, descriptions détaillées dans la Revue de Métallurgie.
à caractériser l’œuvre scientifique accomplie à Imphy Nous nous bornerons donc à donner une vue d’ensemble
en 22 années. de ces laboratoires en insistant seulement sur quelques
points qui nous ont particulièrement intéressé.
Il nous reste l’agréable devoir de remercier
ceux qui ont permis de la réaliser : la Société de Laboratoire de recherches
Commentry-Fourchambault et Decazeville, dont tout
ce qui vient d’être dit atteste de l’esprit scientifique, la Ce laboratoire, construit en 1929, est un bâtiment
largeur de vues et la libéralité ; la direction de l’usine à 2 étages d’environ 11m sur 15, situé à l’entrée de
d’Imphy, qui a su créer l’ambiance la plus favorable à l’usine, tout près de la Direction.
l’exécution rapide et précise des travaux de recherches, Il comprend :
nos collaborateurs enfin, dont nous tenons à louer la - Une petite salle souterraine, dite salle
valeur morale, l’habileté et le dévouement. isotherme, pour les appareils particulièrement
délicats.
Mais nous tenons surtout à dire ce que nous - Au sous-sol, les batteries d’accumulateurs et
devons aux deux hommes, dont nous nous sommes groupes convertisseurs, la salle des fours de fusion et
efforcés de réaliser la pensée, et qui nous ont fait de traitement et un magasin de lingots, barres et tôles
largement bénéficier de leur enseignement, de leur des alliages destinés aux recherches
appui, de leurs encouragements et de leurs conseils : - Au rez-de-chaussée, un atelier de précision
H. Fayol, l’éminent fondateur de la doctrine pour l’usinage des échantillons et surtout pour la
administrative, créateur du service des recherches ; construction des nouveaux appareils inventés par M.
M. Ch.-Ed. Guillaume, créateur, lui aussi, de ce qu’on Chevenard ou de ceux d’un type ancien mis dans le
peut appeler la « métallographie quantitative ». commerce.
- Au premier étage, des bureaux (donc celui de
Le bon grain semé par M. Guillaume dans le M. Chevenard) et la grande salle de physique.
terrain préparé par H. Fayol a germé, et nous avons eu - Au second étage, une autre salle de physique,
l’heureuse fortune d’être les ouvriers de la moisson : une salle de micrographie et une salle d’essais
qu’il soit permis de leur offrir l’hommage de notre physico-chimiques (essais de corrosion, recherches
gratitude. sur la cémentation, l’action des gaz, etc.…)
- Enfin, les combles sont occupés par une salle
d’archives.

La surface disponible est donc d’environ 850


m2.

85
La salle de physique du premier étage renferme enregistrés photographiquement par l’intermédiaire
la plupart des appareils enregistreurs destinés à l’étude d’un levier optique.
méthodique des propriétés des alliages en fonction de
la température. Cet appareil a servi, pendant la guerre, pour le
réglage de la trempe des masques en acier Ni-Cr,
Le fini et la disposition parfaite des appareils légèrement autotrempants qui n’étaient pas assez durs
montés sur de robustes tables de chêne, l’ordre par trempe complète à l’air ou à l’huile et qui donnaient
et la propreté impeccables qui règnent dans cette des déformations inadmissibles par trempe à l’eau. Le
salle donnent, dès l’abord, une impression des plus traitement adopté a consisté en un chauffage à 950°,
favorables. suivi de refroidissement à l’air pendant un temps
déterminé correspondant à une chute de la température
Plusieurs dilatomètres différentiels à 350°.
photographiques enregistrent la dilatation des alliages
soit en fonction de la température, soit en fonction du Le galvanopyromètre, placé sur une table spéciale,
temps à température constante (méthode des revenus enregistre en fonction de la température, soit la
isothermes). variation de la force électromotrice d’un couple formé
par la platine et l’alliage à étudier, soit la variation de la
Tous ces dilatomètres sont munis de leurs résistance électrique de cet alliage. Comme dans tous
accessoires : régulateur d’intensité à fil dilatable, les appareils Chevenard, la température est mesurée
rhéostat automatique, contacteur-extincteur jalonnant par la dilatation d’un barreau de pyros.
la courbe par des repères isochrones (toutes les
15 minutes par exemple) et éteignant la lampe de Cet appareil, étant particulièrement sensible
l’enregistreur au bout d’un temps déterminé. aux vibrations, est muni d’un support antivibrateur
à suspension trifilaire avec amortisseur à palettes
On peut ainsi décrire un cycle de température plongeant dans un bain d’huile ; celui-ci est placé au-
fixé d’avance et maintenir la température à une valeur dessous de la table et est réglé pour les plus chaudes
déterminée. journées d’été et chauffée pendant l’hiver au moyen
d’un petit radiateur électrique.
Pour la méthode des revenus isothermes, la plaque
photographique subit un mouvement de translation Lorsque les échantillons ont subi un cycle
uniforme au moyen d’un fil mu par un mouvement thermique, enregistré par un des appareils précédents
d’horlogerie. (dilatomètre ou galvanopyromètre), et ayant mis en jeu
certaines transformations, les variations des propriétés
Pour suivre la température du four pendant qui en résultent sont mesurées par d’autres appareils.
l’essai, un couple thermoélectrique est en outre relié La dureté est appréciée par un scléromètre POMEY
à un galvanomètre mural à 6 directions. Il y a 3 de ces à pointe de diamant (charge de 10 k.) ; l’aimantation
galvanomètres (desservant donc 18 couples), construits rémanente et la force coercitive sont mesurées aux
spécialement par Imphy, et comprenant un seul fil de magnétomètres etc.…
suspension en élinvar, de manière à supprimer tout
déplacement du zéro. Une table est réservée pour le traitement préalable
des échantillons et une autre pour le montage et le
M. Chevenard étudie actuellement un dilatomètre réglage des fours. Ces fours, à enroulement de platine
à très faible force de rappel pour l’étude des substances ou de RNC3, sont munis de pyromètres enregistreurs
peu rigides aux températures d’essai (alliages légers, à dilatation et leur température est réglée, soit par
bronzes, etc.…) Mais en réduisant la pression un régulateur du même type (barreau de pyros, à
des ressorts sur les échantillons, on tombe dans l’intérieur d’un tube de silice placé dans le four), soit
l’inconvénient d’avoir des courbes qui enregistrent les par le nouveau régulateur à fil de pyros, beaucoup
vibrations, et la solution n’est encore pas parfaite. plus sensible. Dans ce dernier perfectionnement, le
fil régulateur est tendu très près de la paroi du four,
Un autre dilatomètre a été conçu spécialement de sorte qu’il réagit immédiatement aux moindres
pour l’étude des phénomènes de trempe. Le barreau fluctuations du courant de chauffe : la température de
vertical, dont la position est fixe, peut être soit l’éprouvette chauffée ne subit que des variations de
chauffé, soit refroidi brusquement par un four ou une l’ordre de 0,1 degré. Les courbes obtenues ne montrent
petite cuve placés sur un support tournant et mobile aucune oscillation.
verticalement.
Avec ces régulateurs, on peut réaliser aussi une
Les changements de longueur du barreau sont allure de chauffe déterminée en faisant suivre par

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l’aiguille de l’appareil le bord d’une bande mince plus pures, des appareils plus délicats, des techniques
d’argent découpée suivant le cycle à décrire et fixée plus exactes, une surveillance plus attentive que la
sur un tambour de chronographe. fabrication des aciers proprement dits. Entendue dans
ce sens restreint, cette expression paraît avoir obtenu
La salle de physique contient encore d’autres droit de cité dans le vocabulaire industriel. Peut-être
appareils qui servent à mesurer les propriétés serait-elle moins facilement admise aujourd’hui,
mécaniques à froid ou à chaud des alliages mis sous depuis que de nouvelles méthodes d’affinage, en
forme de fils. assurant la régularité des réactions entre métal et
laitier, ont amélioré les techniques de la métallurgie ;
Dans le viscosimètre isotherme à températures cette allusion, on le devine, concerne les procédés de
croissantes, le fil chargé d’un poids est chauffé à vitesse M. René Perrin.
constante et on enregistre son écoulement visqueux
en fonction de la température. Deux oscillomètres Quoi qu’il en soit, J’appellerai métallurgie de
de torsion servent, l’un pour les hautes, l’autre pour précision, la préparation des alliages dotés d’un
les basses températures. Ils permettent de mesurer la ensemble donné a priori de propriétés physiques,
variation thermique du module de torsion, d’après la mécaniques ou chimiques, et dont l’élaboration doit
durée des oscillations et celle du frottement interne. être très précise, en raison du nombre des conditions
à satisfaire et de l’étroitesse du domaine où chacune
(…) des propriétés atteint le degré voulu.
Comme impression d’ensemble, les laboratoires
d’Imphy sont spécialement et remarquablement Comment sont créés de tels alliages ? Il serait
outillés pour l’étude scientifique et méthodique des vain de méconnaître le rôle du hasard, ce « grand
propriétés des alliages qui exige des essais très longs pourvoyeur des inventions ». A l’origine de l’invar
et très précis, ne laissant échapper aucune particularité se trouve la constatation inattendue d’un alliage fer-
des diagrammes enregistrés. nickel moins dilatable que les métaux composants.
En 1896, un hasard heureux pouvait seul révéler cette
On y fait donc des recherches de longue haleine « anomalie », car rien ne permettait de mettre en doute
mais beaucoup moins de travaux variés, semble-t- la généralité de la loi énoncée par Boerhaave : la chaleur
il qu’au laboratoire du Creusot. Les particularités dilate tous les corps. Mais la chance ne sert que ceux
de ces laboratoires : emploi généralisé de l’analyse qui en sont dignes ; pour faire surgir une découverte
dilatométrique à l’exclusion de l’analyse thermique, d’une trouvaille, il faut un esprit assez subtil et assez
mesure dilatométrique des températures, abondance averti pour observer le fait imprévu, assez profond
d’appareils originaux de plus en plus perfectionnés, pour en trouver les causes, assez ingénieux et assez
reflètent les idées et les aptitudes particulières de M. réalisateur pour en tirer parti. C’est pourquoi, sans
Chevenard, pour qui la conception et la réalisation de doute, remarque M. Guillaume, « ce sont toujours les
nouveaux appareils sont presque un jeu tandis que mêmes qui ont de la chance ».
l’interprétation et l’exposition des résultats d’essais
constituent, à son avis, le travail le plus long et le plus Mais, plus une science se développe, plus une
difficile. technique industrielle se perfectionne, plus le rôle
du hasard tend à diminuer. « Le temps vient, dit M.
Signé M. Sauvageot. Portevin, où, de même que l’architecte ou l’ingénieur
établissent le projet d’un ouvrage d’art ou d’une
machine ayant un but et des qualités déterminés, le
Texte 4. métallographe projettera la construction d’un alliage
ayant des propriétés déterminées. Il choisira des
Pierre CHEVENARD, Directeur atomes dans le tableau périodique des éléments pour
Scientifique de la Société de Commentry en constituer des phases de propriétés particulières,
– Fourchambault et Decazeville : « La qu’il assemblera ensuite en proportions définies, pour
Métallurgie de Précision », La Technique enfin, par des traitements mécaniques et thermiques
Moderne, Tome XXX, n° 7 (1er avril 1938). judicieux, les organiser en édifices de particules
ou de grains de forme, grosseur et répartition
Aux Aciéries d’ Imphy, on appelle depuis appropriées ». L’ère annoncée par mon savant ami
longtemps « métallurgie de précision » la préparation appartient encore à l’avenir. La mise au point des
des alliages pourvus de propriétés exceptionnelles, tels alliages de précision demeure un art, et l’imagination
que l’invar et l’élinvar de M. Ch.-Ed. Guillaume. La et le sens réalisateur n’y ont pas moins de part que
fusion, la coulée, le forgeage, le travail à froid de ces la science métallographique. Cette science, toutefois,
produits requièrent, en effet, des matières premières constitue pour les recherches et les essais pratiques un

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guide de plus en plus sûr ; des études systématiques,
orientées surtout vers les propriétés exceptionnelles
des alliages, ont rassemblé, en vue des applications,
des documents de plus en plus nombreux et précis ; la
fabrication, guidée par une doctrine scientifiquement
établie et soumise à un contrôle rigoureux, comporte
de moins en moins d’aléas.

Je vais m’efforcer de montrer les progrès


accomplis dans ce domaine ; dans ce but, j’examinerai
successivement : la conception des alliages de précision
basée sur les données de la métallographie, la récolte
de la documentation, la mise au point des fabrications
et le contrôle des alliages de précision. Pour terminer,
je décrirai, à titre d’exemple, la création de nouveaux
alliages du type élinvar…

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