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Séquence 1 : La poésie du XVIème au XXIème siècle

Œuvre intégrale : Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857


Parcours associé : Alchimie poétique : la boue & l’or

T 1 : Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Au lecteur »

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine1, Mais parmi les chacals, les panthères, les lices5,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps, Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Et nous alimentons nos aimables remords, Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine. Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ; Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Nous nous faisons payer grassement nos aveux, Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux, Il ferait volontiers de la terre un débris
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches. Et dans un bâillement avalerait le monde ;

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste2 C'est l'Ennui ! - l’œil chargé d'un pleur involontaire,
Qui berce longuement notre esprit enchanté, Il rêve d'échafauds en fumant son houka6.
Et le riche métal de notre volonté Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
Est tout vaporisé par ce savant chimiste. - Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !


Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange


Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes3,


Dans nos cerveaux ribote4 un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,


N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas ! n'est pas assez hardie. ↑ Gustav Klimt, « Les Forces du mal et les trois Gorgones »

1 Avarice mesquine
2 Trois fois grand (adjectif issu du grec et traditionnellement appliqué à Hermès, divinité mythologique fondatrice des
sciences occultes et de la magie)
3 Vers parasites qui infectent les intestins
4 Boire et manger avec excès
5 Femelles de chiens de chasse
6 Pipe orientale dotée d’un réservoir à eau parfumée

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