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La consommation socialement responsable : proposition d'un cadre d'analyse


intégrateur

Article · January 2006

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A. Francois-Lecompte
Université Bretagne Sud
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UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE
Ecole Doctorale de Sciences de Gestion-E.D. 275

THESE POUR L'OBTENTION DU DOCTORAT


EN SCIENCES DE GESTION
Conforme au nouveau régime défini par l'arrêté du 27 avril 2002

LA CONSOMMATION SOCIALEMENT RESPONSABLE :


PROPOSITION ET VALIDATION
D’UN CADRE CONCEPTUEL INTEGRATEUR

présentée et soutenue publiquement le 21 novembre 2005 par

Agnès FRANCOIS-LECOMPTE

JURY
Directeur de recherche M. Pierre VALETTE-FLORENCE
Professeur à l'Université de Grenoble 2-Pierre Mendès France
Rapporteurs Mme Lucie SIRIEIX
Professeur à l’ENSA Montpellier
M. Bernard PRAS
Professeur à l'Université Paris 9- Dauphine
Suffragants M. Pierre-Louis DUBOIS
Professeur à l'Université Paris 2- Panthéon Assas
M. Gilles LAURENT
Professeur à HEC

1
2
L’université n’entend donner aucune approbation ni improbation
aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur.

3
4
Remerciements

Avant de laisser cette thèse suivre son chemin, je souhaite remercier tous ceux qui ont
contribué d'une façon ou d'une autre à ce travail.

Tout d’abord, j’aimerais exprimer ma profonde reconnaissance envers le professeur Pierre


Valette-Florence. Son soutien, sa disponibilité et sa gentillesse tout au long de ces quatre
années m’ont toujours convaincue que j’avais fait le bon choix en entreprenant une thèse sous
sa direction. De plus, j’aimerais le remercier pour son enseignement des statistiques ainsi que
sa confiance et son enthousiasme envers mes travaux.

J'adresse également mes remerciements aux professeurs Lucie Sirieix, Bernard Pras, Pierre-
Louis Dubois et Gilles Laurent qui me font l'honneur d'évaluer ce travail.

Merci à la Fnege qui, à travers le CEFAG, m'a offert de belles rencontres en France et une
aventure sympathique au pays des cow-boys.

Je tiens également à saluer l'ensemble de mes amis doctorants et enseignants grenoblois. Leur
présence constante au cours de ces années a égayé le temps passé au laboratoire. Plus
particulièrement, merci à Sandrine pour ses conseils et son bavardage qui me manque tant, à
Marion pour sa détente et sa bonne humeur, à Cathy pour notre " bike team " et bon courage
à Carolina et Rhassen.

Un grand merci également à mes parents, fidèles supporters, et à ma sœur pour la rigoureuse
relecture de ma prose. Je suis heureuse qu'ils aient participé à ce travail: sur eux, je sais que je
peux toujours compter.

Enfin, mon partenaire de tout instant, c'est Thibaut. Son amour, son calme et son inébranlable
confiance en moi me font avancer avec sérénité. Ensemble, nous avons fait deux thèses et
deux enfants. Petit Clem et Gatoune, c'est à vous que je dédie ces lignes...

5
6
Tables des matières

INTRODUCTION GENERALE...........................................................................................15
1. Montée des valeurs éthiques chez les consommateurs ............................................16
2. Explications de la montée des valeurs éthiques .......................................................20
3. Le concept de Consommation Socialement Responsable........................................23
4 . Présentation des questions de recherche .................................................................25
4.1 1ère question de recherche : quelles sont les préoccupations du consommateur
socialement responsable français ?...............................................................................25
4.2 2ème question de recherche : quel sont les déterminants individuels de la CSR? ...25
4.3 3ème question de recherche : comment peut-on modéliser le comportement du
consommateur en matière de CSR ?.............................................................................26
5. Positionnement épistémologique de la recherche ....................................................27
6. Plan de la recherche ...................................................................................................28

PREMIERE PARTIE:

LA CONSOMMATION SOCIALEMENT RESPONSABLE : UN CONCEPT PEU


EXPLORE...............................................................................................................................33
CHAPITRE 1: QU’EST CE QUE LA CONSOMMATION SOCIALEMENT
RESPONSABLE ?..............................................................................................................37
1. Clarifications conceptuelles .......................................................................................38
1.1 Définitions ..............................................................................................................38
1.1.1 Le concept théorique : une notion globale. .....................................................38
1.1.2 Deux types de préoccupations : sociale et environnementale .........................41
1.1.3 Un comportement souvent assimilé à la réaction du consommateur face aux
pratiques des entreprises...........................................................................................42
1.1.4 Notre définition de travail................................................................................44
1.2 Les comportements inclus dans une vision large de la CSR ..................................44
1.2.1 La forme positive de la CSR : l’achat..............................................................45
1.2.2 La forme négative de la CSR : le non achat ....................................................48
1.3 La consommation socialement responsable : une consommation éthique ? ..........49
1.3.1 L’éthique comme concept philosophique : quelques brefs rappels.................49
1.3.2 L’éthique comme valeur de consommation : l’approche de Holbrook (1994) et
Cooper-Martin et Holbrook (1993) ..........................................................................50
1.3.3 La CSR semble pouvoir être qualifiée d’éthique.............................................52
1.3.4 Deux notions qu’on ne peut pas assimiler pour autant....................................54
2. La CSR : quel sens pour le consommateur ? ...........................................................55
2.1 Un outil pour faire changer les choses....................................................................55
2.2 Un moyen d’expression ..........................................................................................56
2.3 Une façon de s’affirmer..........................................................................................58
2.4 La CSR à la lumière du paradigme post-moderne..................................................58

7
2.4.1 Introduction à la pensée post-moderne ........................................................... 58
2.4.2 L’interprétation de la consommation dans la pensée post-moderne ............... 60
3. La CSR : une tendance de consommation concrète................................................ 67
3.1 Les racines de la CSR ............................................................................................ 68
3.1.1 Utiliser sa consommation à des fins politiques : un phénomène ancien......... 68
3.1.2 L’influence du consumérisme ......................................................................... 70
3.2 La CSR : une pratique bien réelle .......................................................................... 72
3.2.1 Un segment de consommateurs difficile à quantifier...................................... 72
3.2.2 Quelques exemples de boycotts récents.......................................................... 75
CHAPITRE 2: LA CONSOMMATION SOCIALEMENT RESPONSABLE : UN
OUTIL D’ACTION EFFICACE SOUS-UTILISE PAR LE CONSOMMATEUR..... 81
1. Les différentes formes de régulation éthique du marché ....................................... 83
1.1 L’autorégulation des entreprises ............................................................................ 83
1.1.1 Les initiatives des entreprises en matière de RSE........................................... 83
1.1.2 La contrainte de profit..................................................................................... 85
1.1.3 Les problèmes de justice, de compétence et de légitimité .............................. 86
1.2 Le pouvoir de l’état ................................................................................................ 87
1.2.1 L’arme juridique ............................................................................................. 87
1.2.2 Les limites du pouvoir politique ..................................................................... 88
1.3 Le pouvoir des travailleurs..................................................................................... 91
1.4 La souveraineté du consommateur......................................................................... 92
1.4.1 La consommation socialement responsable : outil de régulation naturelle du
marché ...................................................................................................................... 92
1.4.2 La CSR : une force potentielle considérable................................................... 93
1.4.3 Les avantages de la régulation par le consommateur...................................... 94
2. La CSR : ce qui empêche une pratique plus massive ............................................. 96
2.1 Les variables personnelles : pourquoi l’individu ne souhaite-t-il pas inclure des
critères éthiques dans sa consommation ?.................................................................... 96
2.1.1 Le manque de volonté éthique ........................................................................ 96
2.1.2 L’effet marché................................................................................................. 97
2.1.3 Le manque de confiance envers l’entreprise................................................... 98
2.1.4 Le rôle des convictions de contrôle................................................................. 99
2.2 Les freins à la CSR............................................................................................... 100
2.2.1 Le manque d’information.............................................................................. 100
2.2.2 La complexité des achats socialement responsables..................................... 102
2.2.3 Les coûts de la CSR ...................................................................................... 103

CHAPITRE 3: LA NECESSITE D’ECLAIRCIR LE CONCEPT DE CSR.............. 113


1. La CSR : un concept aux contours flous................................................................ 114
1.1 L’opérationnalisation du concept de CSR ........................................................... 115
1.1.1 Les échelles de mesure de la CSR ................................................................ 115
1.1.2 Une consommation souvent assimilée à l’achat selon le comportement des
entreprises .............................................................................................................. 117
1.2 Les travaux suggérant l’existence d’autres comportements et / ou d’un autre
dimensionnement de la CSR ...................................................................................... 118
1.2.1 Le cadre d’analyse de Crane (2001) ............................................................. 118
1.2.2 Les travaux du CREDOC.............................................................................. 120
1.2.3 Les travaux portant sur la simplicité volontaire............................................ 122

8
1.3 Synthèse et présentation de la 1ère question de recherche ....................................123
2. Le profil incertain du consommateur responsable................................................126
2.1 Le profil sociodémographique..............................................................................126
2.1.1 Les recherches académiques..........................................................................126
2.1.2 Les recherches appliquées .............................................................................130
2.2 Les variables de personnalité................................................................................134
2.2.1 Un consommateur engagé dans sa communauté ...........................................134
2.2.2 Un individu ouvert d’esprit............................................................................135
2.2.3 Une envie d’agir pour être efficace ...............................................................135
2.3 Synthèse et présentation de la 2ème question de recherche ...................................136
3. l’abscence de modèle de prise de decision du consommateur en matière de Csr137
3.1 Les travaux portant sur la prise de décision éthique du consommateur ...............137
3.1.1 le modèle de Hunt et Vitell (1986) ................................................................137
3.1.2 Les tests du modèle de Hunt et Vitell (1986) ................................................140
3.2 Synthèse et présentation de la 3ème question de recherche ...................................141

SECONDE PARTIE:

CONSTRUCTION D’UNE ECHELLE DE MESURE DE LA CSR...............................149


CHAPITRE 4: ETUDE EXPLORATOIRE SUR LA CSR ..........................................153
1. Déroulement des entretiens .....................................................................................154
1.1 Présentation du guide d’entretien .........................................................................154
1.2 Une étude en 2 temps............................................................................................156
2. ComportementS de CSR cités dans les entretiens .................................................158
2.1 Analyse thématique ..............................................................................................158
2.2 Analyse de données textuelles : Alceste...............................................................160
2.2.1 Le fonctionnement d’Alceste.........................................................................160
2.2.2 Quatre classes de vocabulaires ......................................................................161
2.2.3 Rôle des variables sociodémographiques ......................................................166
2.2.4 Analyse des correspondances ........................................................................167
3. Freins et motivations à la CSR ................................................................................169
3.1 Les freins à la CSR ...............................................................................................170
3.1.1 Les problèmes d’information.........................................................................170
3.1.2 Les coûts de la CSR.......................................................................................172
3.1.3 La difficulté de savoir quel est le « bon » comportement .............................175
3.2 Les motivations à la CSR .....................................................................................177
3.2.1 L’efficacité perçue de son comportement .....................................................177
3.2.2 L’envie d’être en accord avec ses valeurs .....................................................178
CHAPITRE 5: CONSTRUCTION D’UNE ECHELLE DE CSR A 5 DIMENSIONS
............................................................................................................................................183
1. Positionnement théorique de l’échelle ....................................................................184
1.1 La difficulté de mesurer le comportement de consommation socialement
responsable .................................................................................................................184
1.1.1 L’existence de nombreux freins à la CSR .....................................................184
1.1.2 L’importance de mesurer un comportement associé à une préoccupation....185
1.2 Le choix de la dimension conative de l’attitude ...................................................186
1.2.1 Les travaux sur la préoccupation pour l’environnement ...............................186

9
1.2.2 Minimiser le biais de désirabilité sociale...................................................... 188
2. Construction des items ............................................................................................ 189
2.1 Genèse initiale de 73 items .................................................................................. 189
2.2 Sélection de 55 items .......................................................................................... 190
3. Collectes de données ................................................................................................ 192
3.1 1ère collecte : 507 répondants ............................................................................... 192
3.2 2ème collecte : 714 répondants .............................................................................. 193
3.3 Minimiser le biais de désirabilité sociale ............................................................. 195
4. Présentation de l’echelle de CSR ............................................................................ 197
4.1 Une structure en 5 dimensions ............................................................................. 197
4.2 Discussion sur la structure obtenue...................................................................... 200
4.2.1 Interprétation des 5 facteurs.......................................................................... 200
4.2.2 Mise en perspective....................................................................................... 202
4.3 Analyses confirmatoires et tests de fiabilité et validité........................................ 203
4.3.1 Résultat des analyses factorielles confirmatoires.......................................... 203
4.3.2 Test de la fiabilité et validité de l’échelle de CSR........................................ 205
CHAPITRE 6: TEST DE LA VALIDITE NOMOLOGIQUE DE L’ECHELLE DE
CSR.................................................................................................................................... 211
1. Etude des déterminants sociodémographiques ..................................................... 213
1.1 CSR et genre ........................................................................................................ 213
1.2 CSR et âge............................................................................................................ 214
1.3 CSR et CSP .......................................................................................................... 215
1.4 CSR et situation familiale .................................................................................... 217
1.5 CSR et lieu d’habitation....................................................................................... 218
1.6 Synthèse : profils sociodémographiques des consommateurs en matière de CSR
.................................................................................................................................... 219
2. Etude des déterminants psychologiques ................................................................ 223
2.1 CSR et matérialisme............................................................................................. 224
2.2 CSR et générosité................................................................................................. 225
2.3 CSR et centre de contrôle..................................................................................... 226
2.4 CSR et sensibilité au prix..................................................................................... 228
2.5 CSR et libéralisme ............................................................................................... 229
2.6 CSR et relativisme ............................................................................................... 231
2.7 CSR et désirabilité sociale ................................................................................... 232
3. Etude de la validité prédictive de l’echelle de CSR .............................................. 234
3.1 CSR et boycott ..................................................................................................... 235
3.2 CSR et simplicité volontaire ................................................................................ 235
3.3 CSR et tri des déchets ménagers .......................................................................... 237

TROISIEME PARTIE:

MODELISATION DU COMPORTEMENT DE CSR..................................................... 245


CHAPITRE 7: ELABORATION DU MODELE THEORIQUE ................................ 249
1. Synthèse des travaux portant sur des comportements spécifiques de CSR........ 250
1.1 La consommation verte........................................................................................ 250
1.1.1 La notion de préoccupation pour l’environnement ....................................... 251

10
1.1.2 Le modèle générique des relations testées.....................................................251
1.2 Le boycott .............................................................................................................252
1.2.1 Le modèle de Sen, Gürhan-Canl et, Morwitz (2001) ....................................253
1.2.2 Le modèle de Klein, Smith et John (2004)....................................................254
1.3 Pistes de recherches suggérées .............................................................................256
1.3.1 Intégrer la notion de préoccupation socialement responsable .......................256
1.3.2 Intégrer les facteurs situationnels et les variables de motivations et de freins
................................................................................................................................257
1.3.3 Synthèse : première proposition de formalisation du comportement du
consommateur en matière de CSR .........................................................................258
2. Les modeles de prise de decision éthique du manager ..........................................260
2.1 La séquence de raisonnement éthique de l’individu.............................................261
2.1.1 Quatre étapes de raisonnement : Rest (1986) ................................................261
2.1.2 Deux antécédents au jugement éthique : Hunt et Vitell (1986).....................261
2.2 La notion de dilemme éthique ..............................................................................262
2.3 L’influence des variables personnelles et situationnelles.....................................263
2.3.1 Les variables personnelles .............................................................................263
2.3.2 Les variables situationnelles..........................................................................264
2.4 Synthèse................................................................................................................266
3. Présentation du cadre théorique .............................................................................268
3.1 Présentation du modèle.........................................................................................268
3.1.1 Le modèle de Jones (1991) adapté au cas de la CSR ....................................269
3.1.2 L’impact des « freins et motivations » ..........................................................270
3.2 Le cadre d’application : le dilemme éthique du consommateur...........................272
3.3 Présentation des hypothèses .................................................................................273
3.2.1 Hypothèses concernant l’adaptation du modèle de Jones (1991)..................274
3.2.2 Hypothèses concernant les freins et motivations...........................................275
CHAPITRE 8: MISE EN PLACE DU TEST DU MODELE THEORIQUE .............281
1. Présentation du plan expérimental .........................................................................282
1.1 La manipulation de l’intensité éthique .................................................................282
1.1.1 Pourquoi manipuler le niveau d’intensité éthique ? ......................................282
1.1.2 Le choix des dimensions de l’intensité éthique manipulées..........................283
1.2 Les facettes de la CSR étudiées............................................................................286
2 Construction du questionnaire .................................................................................288
2.1 Création de quatre scénarios.................................................................................288
2.1.1 Les thèmes choisis .........................................................................................289
2.1.2 La matérialisation du coût du choix socialement responsable .....................290
2.1.3 La manipulation de l’intensité éthique ..........................................................291
2.2 Création d’échelles de mesure pour les différentes variables du modèle.............294
2.2.1 Les variables à mesurer .................................................................................294
2.2.2 Les échelles de mesure créées .......................................................................295
3. Collecte des données .................................................................................................297
3.1 Collecte par Internet .............................................................................................297
3.2 Description de l’échantillon (n = 826)..................................................................298
CHAPITRE 9: RESULTATS DU TEST DU MODELE THEORIQUE.....................303
1. Test de l’impact de l’intensité éthique ....................................................................305
1.1 Vérification de la manipulation de l’intensité éthique..........................................305

11
1.2 Test de H’3, H’4 et H’5 par comparaison de moyennes...................................... 306
1.2.1 Impact de la manipulation de l’intensité éthique .......................................... 307
1.2.2 Impact de l’intensité éthique perçue ............................................................. 308
2. Test du modele hors variables moderatrices ......................................................... 310
2.1 Stabilité du modèle entre PIE+/ PIE – ................................................................. 311
2.2 Résultats du test du modèle simplifié .................................................................. 312
2.2.1 Apparition d’un lien non prévu entre la tendance à la CSR et l’IE .............. 312
2.2.2 Présentation des résultats .............................................................................. 314
3. Validation finale du modèle .................................................................................... 319
3.1 Dimension 1 : pratiques des entreprises............................................................... 319
3.1.1 Test des variables modératrices H’8 et H’9 .................................................. 319
3.1.2 Présentation du modèle global ...................................................................... 321
3.2 Dimension 2 : petits commerces .......................................................................... 324
3.2.1 Test des variables modératrices H’8 et H’9 .................................................. 324
3.2.2 Présentation du modèle global ...................................................................... 324

CONCLUSION GENERALE ............................................................................................. 331


1. Apports de la recherche........................................................................................... 332
2. Implications managériales....................................................................................... 337
3. Implications academiques ....................................................................................... 347
4. Limites de la recherche............................................................................................ 350
5. Perspectives .............................................................................................................. 353

BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................... 355

ANNEXES............................................................................................................................. 373

Annexe 1 : Questionnaire 1 (n=507) ........................................................................... 373


Annexe 2 : Résultat d’une analyse factorielle en axes principaux, sur n=507........ 378
Annexe 3 : Description des données de la collecte 2 (N=507).................................. 379
Annexe 4 : Description des données de la collecte 3 (n=714) ................................... 381
Annexe 5 : Test de la validité discriminante de l’échelle de CSR............................ 386
Annexe 6 : Questionnaire 2 (n=714) ........................................................................... 387
Annexe 7 : Détail des résultats de l’analyse canonique généralisée non linéaire
(n=714) .......................................................................................................................... 392
Annexe 8 : Détail des échelles utilisées dans la collecte 3 (n=714) ........................... 393
Annexe 9 : Contrôler le biais de désirabilité sociale (n=714) ................................... 397
Annexe 10 : Modèle de prise de décision éthique du manager ................................ 403
Annexe 11 : Scénarios testés pour le test du modèle de CSR................................... 406
Annexe 12 : 2 versions du questionnaire 3................................................................. 408

12
Annexe 13 : Présentation des échelles ayant servi au test du modèle théorique
(collecte 4, n=826). ........................................................................................................414
Annexe 14 : Description des données de la collecte 4 (n=826)..................................419
Annexe 15 : Exemple de publicité Carrefour (2003).................................................427
Annexe 16 : Exemple de publicité Philips (2005).......................................................428

13
14
INTRODUCTION GENERALE

15
En janvier 2004, Carrefour lançait un campagne de communication nationale sur le thème de
« Mieux consommer, c’est urgent » (voir figure 1). L’adoption et l’affichage d’un
positionnement axé sur la responsabilité sociale et environnementale de la part du groupe
suscitent alors de vives réactions dans l’opinion publique. En effet, pour la première fois, un
géant de la grande distribution mise sur le thème des valeurs responsables pour relancer ses
ventes1. Cet exemple, illustre bien, à nos yeux la montée en puissance des valeurs éthiques à
laquelle notre société assiste actuellement. Cette vague éthique touche aussi bien le sport que
la politique, la médecine, la finance ou la sphère marchande, comme le montre l’exemple de
Carrefour. Intéressons nous de plus près à ce dernier domaine.

Figure 1 : Extrait de la campagne de communication lancée par Carrefour début 2004 sur le thème de
« Mieux consommer, c’est urgent ».

1. MONTEE DES VALEURS ETHIQUES CHEZ LES


CONSOMMATEURS

L’observation des échanges économiques montre que les valeurs éthiques touchent les deux
cotés de la relation producteur/consommateur : d’une part, les entreprises assument de plus en
plus leurs responsabilités sociétales ; d’autre part, les consommateurs semblent de plus en
plus préoccupés par des valeurs éthiques dans leurs choix de consommation. Comme première
définition de l’éthique, nous pouvons adopter celle du sens commun (Petit Larousse), c’est-à-
dire l’ensemble des règles d’action et valeurs admises comme justes et qui fonctionnent
comme normes dans une société2. Traditionnellement, les travaux académiques distinguent

1
"Carrefour vante le "mieux consommer"( La Tribune, 14 /01/ 04)
2
Le mot « éthique » trouve son origine dans le grec êthicos (morale) et êthos (mœurs). Les définitions du Petit
Larousse ne font pas réellement de distinctions entre éthique et morale.

16
deux grandes préoccupations éthiques des consommateurs : les préoccupations liées à la
dégradation de l’environnement physique d’une part, et les préoccupations sociales, c’est-à-
dire portant sur d’autres catégories de personnes, d’autre part (Pontier, Siriex, 2003).
En ce qui concerne les organisations, de nombreux exemples témoignent de cette prise en
compte croissante des valeurs éthiques : adoption de codes de conduite, parrainage
d’associations caritatives, activités philanthropiques, effort de normalisation, communication
croissante sur le thème de l’éthique…Ces activités font référence à la notion de
Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), c’est-à-dire l’idée selon laquelle une entreprise
a des obligations envers la société et plus spécifiquement envers toutes catégories de
personnes affectées par les pratiques de l’entreprise : les parties prenantes (stakeholders)
(Freeman, 1984).

Parallèlement, différentes études ont montré qu’à coté des critères traditionnels économiques,
les individus sont affectés par des critères éthiques dans leurs choix de consommation (Burke,
Milberg et Smith, 1993, Dowell, Goldfarb et Griffith, 1998, Thogersen, 2000). Les preuves
de l’engouement croissant des consommateurs français pour l’éthique sont nombreuses.
L’exemple le plus flagrant est peut être la progression exponentielle de la filière du commerce
équitable3 depuis quelques années. Le commerce équitable est une filière de commerce qui
garantit des conditions de travail acceptables aux petits producteurs, notamment pour des
biens alimentaires tels que café, thé, bananes, miel, jus d’orange etc. Avec un prix supérieur
de 15% à 25% par rapport aux biens traditionnels, les produits équitables permettent aux
petits producteurs des pays du Sud de recevoir une rémunération plus juste, et leur offrent
l’assurance de relations à long terme avec leurs partenaires commerciaux. En France, le label
Max Havelaar a été introduit en 1992, et en 2003, le chiffre d’affaires réalisé sous ce label
dans l’hexagone atteignait 37 millions d’euros. L’épargne solidaire, qui consiste à placer son
argent dans des entreprises sélectionnées sur des critères sociaux et environnementaux, en

3
Le système du commerce équitable a été initié dans les années 1960 aux Pays-Bas et en Grande Bretagne, puis
en 1974 en France avec Artisans du Monde et l’abbé Pierre. Ce n’est qu’en 1988 qu’est mis au point le label
international Max Havelaar. Visant à établir un rapport d'échanges satisfaisants pour tous, le commerce équitable
est fondé sur les principes suivants :
- assurer une juste rémunération du travail des producteurs et artisans les plus défavorisés, leur
permettant de satisfaire leurs besoins élémentaires : santé, éducation, logement, protection
sociale·
- garantir le respect des droits fondamentaux des personnes (refus de l'exploitation des enfants,
de l'esclavage... )
- instaurer des relations durables entre partenaires économiques
- proposer aux consommateurs des produits de qualité.

17
plus des critères financiers de rentabilité, représentait quant à elle, 5,6 milliards d’euros en
mars 20054 et suit une progression constante : les montants investis ont été multipliés par cinq
entre 1999 et 2003. Un autre exemple de la montée des attentes éthiques du consommateur est
le recours de plus en plus fréquent au boycott. Cette tactique est longtemps restée l’apanage
des consommateurs américains et paraissait globalement peu utilisée en France. Cependant, il
semble que les affaires Total en 1999 et Danone-LU en 2000 aient marqué un tournant
(Fourest, 2005). Même s’ils ont été globalement peu suivis, ces deux boycotts ont été très
médiatisés et peu de consommateurs ont échappé aux nombreux débats sur le sujet (voir
figure 2). Ainsi, le boycott de Danone, en étant le mouvement de protestation des
consommateurs qui a eu le plus d’ampleur en France jusqu’à présent, constitue, pour certains,
le premier exemple d’une ligue salariés-consommateurs5. L’acheteur français n’hésite plus à
manifester son mécontentement vis-à-vis d’entreprises dont les pratiques le choquent. Une
enquête IPSOS (avril 2004) révèle à ce titre que 39% des français prennent en compte les
conditions de production du produit dans leurs achats, et que plus de 50 % accepteraient de
payer un supplément de prix de 5% en échange d’engagements citoyens des entreprises
(enquête Credoc, avril 2002). De tels chiffres, s’ils ne sont pas représentatifs des
comportements réels des individus au quotidien, montrent néanmoins la place croissante des
considérations éthiques dans l’esprit des consommateurs.

Quelques cas de boycotts célèbres...

Même si de nombreux boycotts sont pratiqués de façon isolée et individuelle par les
consommateurs, quelques cas de boycotts collectifs ont marqué les esprits. Un des
exemples les plus connus est probablement le boycott de Nestlé dans les pays anglo-saxons
depuis les années 1970. De nombreux mouvements de protestation ont dénoncé les
campagnes de communication agressives de Nestlé en Afrique auprès des jeunes mères les
incitant à préférer le lait en poudre à l’allaitement maternel. Cette politique de Nestlé a
particulièrement choqué l’opinion publique étant donné les problèmes de qualité de l’eau
dans ces pays, et les qualités reconnus à l’allaitement maternel. Un autre exemple célèbre
est la crise majeure qu’a connu Shell en 1995. La compagnie pétrolière avait décidé de

4
« Des investisseurs plus responsables ? » (Le Monde, supplément Argent, 2/05/05)
5
« Le boycott, première ébauche d’un front salariés-consommateurs » (Le Monde, 12/04/2001)

18
couler la plate-forme Brent Spar en mer du Nord. Greenpeace a alors lancé en Allemagne et
en Scandinavie une large campagne de boycott des stations Shell dénonçant l’impact
écologique d’une telle décision. Après deux mois de conflit, une baisse de 20% de ses
ventes, et une image très dégradée, Shell accepte finalement de démonter sa plate-forme
pièce par pièce. Autre exemple d’entreprise montrée du doigt : Nike. Le célèbre fabricant
d’articles de sport a été pointé du doigt à la fin des années 2000 pour la façon dont sont
traités ses employés dans les sweatshops (usines à sueur) localisés dans des pays en voie de
développement. L’entreprise a été accusée de profiter des conditions de vie précaires dans
ces pays pour imposer des conditions de travail abusives. La dernière grande affaire
médiatique autour de ce thème avait été l'affaire des ballons de football de la coupe du
monde 1998 produits par des enfants.
En France, la culture du boycott est moins répandue. Le début des années 2000 a cependant
été marqué par plusieurs mouvements de protestation de grande ampleur de la part des
consommateurs. Par exemple, les groupes Michelin et Danone ont provoqué l’indignation
de milliers de personnes en menant des plans de licenciements qui semblaient non justifiés
aux yeux des salariés et guidés uniquement par une logique financière. Ainsi, en septembre
1999, Michelin annonce la suppression de 7500 postes en Europe en même temps que des
bénéfices records. En mars 2001, Danone annonce la fermeture de deux usines de
production LU, et de ce fait la suppression de 570 emplois en France. Les deux affaires ont
suscité un véritable tollé médiatique, et une dégradation de l’image de l’entreprise,
notamment pour Danone où les salariés se sont fortement mobilisés et ont multiplié les
appels au boycott. Enfin, on ne peut oublier le cas de TotalFinaElf : en décembre 1999, le
naufrage de l’Erika, pétrolier affrété par l’entreprise provoque en même temps qu’une
marée noire une importante campagne de boycott en France. Les militants reprochent à la
firme de ne pas assumer ses responsabilités en plus de la catastrophe écologique en elle-
même. Là encore, les ventes ne chutent pas réellement, mais l’image de l’entreprise se ternit
très sérieusement et ce pour un certain temps…(74% des Français avaient une image
négative de TotalFinaElf selon un baromètre réalisé en janvier 2000 !).

Figure 2: Quelques cas de boycotts célèbres.

19
Nous pouvons également citer la parution récente de plusieurs guides de consommation
éthique6 ou même la sortie en novembre 2004 d’une revue mensuelle7 consacrée à cette
nouvelle façon d’acheter. Toutes ces publications ont pour objet d’aider ceux qui veulent
inclure des critères éthiques dans leurs choix de consommation en fournissant des
informations sur les pratiques des entreprises et sur les différents labels existant sur le sujet.
Au niveau international, la montée des valeurs de solidarité s’exprime régulièrement à travers
le mouvement altermondialiste (Canel-Depitre, 2001). Ce mouvement regroupe des militants
aux motivations variées et pourtant, une même revendication les réunit : la volonté d’une
mondialisation plus équitable et plus humaine. Le mouvement altermondialiste rassemble des
individus de tous horizons et s’est amplifié au fil des rencontres entre chefs d’Etat (Sommet
de l’OMC, Sommet Européen, Réunion du G8). Ce mouvement, né spontanément au sein de
la société civile, exprime une volonté générale d’un monde meilleur, plus juste, et donc une
aspiration à plus de solidarité et d’altruisme dans nos sociétés.

Etudions maintenant les raisons sous-jacentes à cette aspiration croissante des occidentaux
pour un fonctionnement plus juste, plus équitable et plus moral de nos sociétés.

2. EXPLICATIONS DE LA MONTEE DES VALEURS ETHIQUES

Plusieurs raisons majeures peuvent expliquer cette montée des préoccupations éthiques chez
les consommateurs. Tout d’abord, la multiplication des crises sanitaires pendant la dernière
décennie a créé chez l’individu un sentiment d’insécurité et d’inquiétude vis-à-vis des
pratiques de production des filières agro-alimentaires (Canel-Depitre, 2001). L’affaire de la
vache folle, du poulet aux hormones ou même le cas Perrier8 ont montré les dérives des
pratiques de certains groupes industriels et ont fait germer l’idée qu’avant d’acheter un
produit, il faut vérifier les conditions dans lesquelles il a été fabriqué. Même si, dans ces
exemples de crises sanitaires, le consommateur est avant tout préoccupé par sa santé, on peut

6
« Le Guide du Consommateur Responsable » de Milène Leroy (2002), « Le Guide Ethique du Consommateur »
de l’Observatoire de l’Ethique (2001), « La Consommation Citoyenne », hors série d’Alternatives Economiques
(2003)
7
Le Nouveau Consommateur
8
En février 1990, des traces de Benzène sont retrouvées dans des bouteilles de Perrier. Le célèbre fabricant d'eau
est contraint de retirer 160 millions de bouteilles de la vente pour un coût de 400 millions de francs environ.

20
penser que ces affaires ont amplifié les attentes générales en matière d’éthique dans les
pratiques de production.

Un autre élément d’explication à la montée des valeurs éthiques réside probablement dans la
prise de conscience croissante de la vulnérabilité de notre planète (Strong, 1996). La
notion de développement durable, mis en avant à l’occasion de la conférence de Rio en 1992,
désigne « un développement qui permet aux générations présentes de satisfaire leurs besoins
sans empêcher les générations futures de faire de même »9. Cette notion est de plus en plus
médiatisée afin de mettre en garde notre société contre le fait qu’à travers notre mode de vie,
nous sommes en train d’épuiser les ressources naturelles. Elle est résumée par l’impératif
formulé par Jonas en 1979 :

« Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie
authentiquement humaine sur terre. » ( Jonas, 1979)

Les richesses naturelles de la planète ont diminué de 33% entre 1970 et 199910. Depuis
plusieurs années, de nombreuses associations s’attachent à éveiller les consciences sur le sujet
et on peut penser que de plus en plus d’individus commencent à intégrer ces préoccupations.

D’autre part, il est important de souligner le rôle fondamental joué par les médias dans la
montée des valeurs éthiques. Les sujets environnementaux et éthiques attirent de plus en plus
l’intérêt des médias (Strong, 1996). Les nombreux reportages sur le sujet éveillent les
consciences des individus sur les problèmes liés à la consommation. Par exemple, les
enquêtes Ipsos/Plate Forme pour le commerce équitable11 montre que 32% des français
interrogés en 2002 avaient déjà entendu parler de commerce équitable, alors que la proportion
n’était que de 8% en 2000. Les sources d’informations principales évoquées par les
répondants sont la télévision et la presse. Les médias jouent également un rôle d’information
sur les pratiques des entreprises. Pour Smith (2003), les médias permettent d’être au courant
des moindres faits et gestes d’une entreprise située à l’autre bout de la planète. Les entreprises
ne peuvent donc négliger les conditions de travail dans les pays en développement sous peine
d’être dénoncées et sanctionnées par leurs consommateurs habituels. Le fonctionnement des

9
Définition donnée par la commission Brundtland (1987)
10
Source, bilan annuel « Planète vivante », publiée par WWF (World Wild Fund)
11
Résultats d’enquêtes disponibles sur www.ipsos.fr (« Le commerce équitable : méconnu, mais amené à se
développer » 21/12/2000, « Le commerce équitable sort de l’anonymat » 14/11/2002).

21
médias à l’heure actuelle incite donc les entreprises à se comporter de façon responsable y
compris dans leurs filiales lointaines. D’autre part, le développement d’Internet facilite la
mise en place de réseaux de consommateurs (Carrigan et Attalla, 2001). Internet permet une
communication efficace, gratuite et rapide entre personnes éloignées physiquement. Le web
sert de support à la fois aux groupes de protestation organisés comme Greenpeace, Attac12 ou
aux mouvements plus spontanés de boycott. Ainsi, par exemple, lors de l’affaire Danone en
2001, le groupe a tout fait pour détruire le site « officiel » de boycott
www.jeboycottdanone.com, véritablement soutien logistique du mouvement de protestation.

Finalement, la montée des valeurs éthiques du consommateur correspond à une évolution des
valeurs de la société de consommation. Après plusieurs décennies de consommation de
masse, les individus n’envisagent plus l’acquisition de biens matériels uniquement comme
une fin en soi. Les consommateurs souhaitent désormais donner un sens à leurs achats. Dans
une vision post-moderne, la prise en compte de valeurs éthiques dans la consommation est
une façon pour l’individu de rechercher du lien social et/ou un mode d’expression identitaire
(Baudrillard, 1968, Belk, 1988, Cova, 1995, Firat et Venkatesh, 1995). En effet, à travers la
prise en compte de critères altruistes, le consommateur va au-delà de la simple recherche
d’intérêts personnels, et recrée un lien social qui tend, par ailleurs, à disparaître dans nos
sociétés. En même temps, la consommation devient de plus en plus une façon d’exprimer sa
personnalité, de signaler aux autres qui l’on est. A travers ses achats, désormais, l’individu
communique ses valeurs, et de façon plus générale son identité. Lipovetsky (1995) résume
bien le nouveau rôle de la consommation dans nos sociétés :

« Dans une société délestée des grands combats de classe et des grandes odyssées
idéologiques, les individus veulent affirmer leur identité et leurs valeurs notamment au
travers de la consommation. Après la consommation ostentatoire de classe, après les produits
plaisir, le temps est aux produits de sens permettant d’exprimer des choix authentiques, une
vision du monde, une identité choisie. » (Lipovetsky, 1995)

Comme cela a été démontré, la prise en compte des critères sociaux et environnementaux dans
les choix de consommation est un phénomène qui prend de l’ampleur au sein de nos sociétés.

12
Attac: Association pour la Taxation des Transactions pour l’Aide aux Citoyens

22
Cependant, comme nous allons le voir, cette tendance n’a pas fait l’objet d’une recherche
approfondie dans le monde académique.

3. LE CONCEPT DE CONSOMMATION SOCIALEMENT


RESPONSABLE

Jusqu’à présent, les travaux sur l’éthique en marketing se sont davantage intéressés au coté
« entreprise » de la relation consommateur- entreprise (John et Klein, 2003, Vitell, 2003).
C’est, semble-t-il, le champ de recherche sur la prise de décision de manager face à un
dilemme éthique qui a mobilisé le plus de travaux.
En recherche marketing, le fait de prendre en compte des valeurs éthiques dans ses achats
prend le nom de Consommation Socialement Responsable (CSR). Un courant de recherche
sur ce thème est né dans les années 1970 sous l’impulsion des travaux de Webster (1975).
Celui-ci définit le consommateur socialement responsable comme « une personne qui
prend en compte les conséquences publiques de sa consommation privée, et qui essaie
d’utiliser son pouvoir d’achat pour induire des changements dans la société ». C’est donc
un individu qui prend en compte, dans ses achats, les intérêts du « monde » qui l’entoure. Plus
concrètement, cela revient à intégrer dans ses choix de consommation des critères
environnementaux et sociaux.
La notion de CSR a fait l’objet de quelques contributions entre 1972 et 1995, et parmi celles-
ci seuls les travaux de Roberts (1995) ont tenté véritablement de travailler sur le concept de
CSR en lui-même. Le comportement de consommation socialement responsable a donc été
très peu étudié et semble même avoir été abandonné, depuis quelques années, au profit de
sujets plus restreints et peut-être plus concrets. En effet, contrairement au concept de CSR,
des thèmes tels que la consommation verte, le boycott, l’achat de produits-partages13, la
réaction des consommateurs face aux initiatives socialement responsables des entreprises ont
fait l’objet de nombreux travaux de recherche. Cependant, les études portant sur chacun de
ces thèmes ne font presque jamais référence au concept de CSR.

Le champ de recherche global portant sur la prise en compte de valeurs éthiques par le
consommateur n’existe donc pas vraiment en tant que tel. A la place, chacune des facettes

13
Les produits partage correspondent à des produits dont une partie de prix revient à une cause déterminée.

23
désignées plus haut a été étudiée isolément, sans être reliée au concept de CSR. Cette vision
morcelée de la réalité semble dommageable. Elle revient à ignorer les liens existants entre ces
différents comportements. Notre intuition est en effet que ces comportements peuvent être
regroupés sous la notion de CSR et que celle-ci englobe peut-être d’autres facettes inexplorées
à ce jour. Notre volonté, dans ce travail de thèse, est de réhabiliter le concept de
consommation socialement responsable. Deux grandes raisons motivent cette position :

- D’une part, nous pensons qu’il est plus réaliste d’adopter une vision globale de la CSR
plutôt que d’envisager isolément différentes facettes du comportement du consommateur en
matière d’éthique. Nous pensons que les comportements étudiés ne sont que différentes
manifestations des préoccupations éthiques des consommateurs. Ne peut-on pas imaginer que
le boycott et l’achat de produits-partages ont des déterminants communs et une signification
proche pour le consommateur ? Une approche globale permet ainsi d’envisager ces
comportements comme les deux faces d’une même pièce : d’un coté, les valeurs éthiques du
consommateur l’incitent à refuser d’acheter les biens d’une certaine entreprise, dans l’autre,
elles l’amènent à acheter un produit plutôt qu’un autre.

- D’autre part, l’approche globale du concept de CSR permet une analyse plus riche. Inclure
différentes facettes sous le concept de CSR permet d’envisager que ce sont peut-être les
mêmes individus qui pratiquent ces différents comportements. Ainsi, un consommateur
préoccupé par l’éthique serait peut-être à la fois un boycotteur et un acheteur de produits
verts. A l’inverse, peut-être existe-t’il des complémentarités entre ces différents
comportements. Par exemple, une personne préoccupée par l’environnement peut ne pas se
sentir concernée par les critères sociaux, et vice versa. Une vision globale permettrait d’autre
part de considérer qu’il existe des déterminants et des freins communs à ces différents
comportements. L’idée sous-jacente ici est qu’il est probablement possible d’appréhender à
travers un modèle unique le comportement de consommation socialement responsable. Un tel
modèle n’existe cependant pas à l’heure actuelle.

En résumé, le concept de CSR a été peu exploré, et n’a fait l’objet d’aucune étude française.
Notre volonté est donc d’investir ce concept. Plus précisément, la présente recherche a pour
objectif de répondre à trois questions de recherche principales que nous allons détailler
maintenant.

24
4 . PRESENTATION DES QUESTIONS DE RECHERCHE

4.1 1ère question de recherche : quelles sont les préoccupations du


consommateur socialement responsable français ?

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, les travaux portant sur le concept de CSR présentent
certaines faiblesses. Tout d’abord, les contributions traitant réellement de la CSR sont rares et
adoptent différentes approches. Ainsi, dans les études, la CSR est souvent mesurée comme
une consommation écologiquement responsable ou comme la prise en compte du
comportement plus ou moins responsable des entreprises. En réalité, rares sont les chercheurs
à avoir travaillé concrètement sur ce qu’englobe la CSR. De plus, les définitions existantes
sont généralement basées sur la perception du chercheur. Il n’existe, semble-t-il, aucune étude
qui prenne-t-en compte la vision des consommateurs. Pourtant, ces derniers sont les premiers
concernés et il semblerait pertinent d’adopter leur point de vue pour connaître ce que
représente concrètement la consommation socialement responsable. Enfin, aucune étude sur le
concept global de CSR n’a été effectuée dans un contexte français. Les études portent toutes
sur le contexte anglo-saxon. L’ensemble de ces éléments rend la notion de CSR assez floue.

Le premier objectif de ce travail doctoral est donc très simple : nous souhaitons
connaître les préoccupations du consommateur socialement responsable français. S’agit-
il uniquement d’acheter aux entreprises responsables ? Peut-on inclure dans ce concept,
comme notre intuition nous le suggère, différentes facettes, peut-être encore non explorées à
ce jour ?
Cette première question de recherche nous conduira à développer une échelle de mesure du
concept de CSR basée sur les perceptions des consommateurs français.

4.2 2ème question de recherche : quel sont les déterminants individuels de la


CSR?
Les managers souhaitant cibler le segment des consommateurs responsables ont besoin
d’indicateurs sur cette population. A l’évidence, certains individus sont d’avantage
préoccupés que d’autres par les valeurs éthiques. Les quelques études portant sur le concept
de CSR ont tenté d’explorer le rôle de deux grands types de variables : d’une part, les
variables sociodémographiques telles que l’âge, le genre, le niveau d’éducation par exemple,
et d’autre part, les variables de personnalité telles que le libéralisme, le matérialisme,

25
l’efficacité perçue du comportement etc. Les résultats sont souvent contradictoires,
notamment sur la première catégorie de variables. Les faiblesses des outils de mesure utilisés
pour mettre en œuvre la CSR semblent pouvoir expliquer en partie ce phénomène.

Le deuxième objectif de ce travail est donc d’étudier les déterminants individuels de la


CSR. Notamment, nous nous proposons d’évaluer si des critères tels que l’age, la situation
familiale, le genre, le lieu d’habitation (rural/urbain) et la catégorie socioprofessionnelle
permettent de prédire le comportement de CSR. Nous tenterons de décrire à la fois les
consommateurs responsables, et les consommateurs non responsables sur ces descripteurs. En
parallèle de ces caractéristiques sociodémographiques, nous souhaitons également étudier le
rôle d’un certain nombre de variables psychologiques tels que par exemple le centre de
contrôle, le matérialisme, le libéralisme, la sensibilité aux prix etc.
Cette deuxième question de recherche nous conduira à étudier individuellement le rôle de
chaque variable et aussi à synthétiser les résultats sous forme de mapping afin de visualiser les
descripteurs sociodémographiques associés à la pratique de la CSR.

4.3 3ème question de recherche : comment peut-on modéliser le


comportement du consommateur en matière de CSR ?

Alors que la prise de décision du manager face à un dilemme éthique a fait l’objet de
nombreuses contributions académiques, il n’existe pas, semble-t-il, de modélisation du
comportement de consommation socialement responsable. Les recherches portant sur ce
concept se sont concentrées sur l’étude des déterminants individuels de ce comportement. Des
thèmes plus restreints ont, par contre, suscité des travaux de modélisation : le boycott (Sen,
Gürhan-Canli et Morwitz, 2001, Klein, Smith et John, 2004), l’achat de produits partage
(Thiery-Seror, 2000), la réaction du consommateur face aux initiatives socialement
responsables des entreprises (Brown et Dacin, 1997, Creyer et Ross, 1997, Sen et
Bhattacharya, 2001). Cependant, aucun de ces modèles ne semble généralisable au cas global
de la CSR.

Le troisième objectif de ce travail est donc d’élaborer un modèle général de CSR. Plus
précisément, nous souhaitons comprendre les différents déterminants à la décision de
consommer de façon responsable et d’étudier les éventuelles interactions entre eux. Nous

26
déciderons plus particulièrement d’étudier le rôle de deux grands ensembles de variables : les
variables individuelles d’une part, et les éléments contextuels d’autre part.
Ce troisième objectif de recherche nous amènera à élaborer un processus de prise de décision
de l’individu face à une situation de consommation ayant un enjeu éthique. Pour tester le
modèle élaboré, nous adopterons une approche expérimentale.

Etudions maintenant la posture épistémologique choisie pour répondre à ces trois questions de
recherche.

5. POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

Ce présent travail de recherche adoptera une démarche positiviste. Plusieurs critères nous ont
amenés à effectuer ce choix. Tout d’abord, il nous semble que la réalité étudiée ici, la
consommation socialement responsable, existe en soi. Nous faisons le postulat qu’il y a une
indépendance entre l’objet étudié ici et le chercheur. Dans la première partie de ce travail,
l’échelle de CSR est élaborée en partie à partir d’entretiens avec des consommateurs. Même si
l’on pourrait argumenter que cette étape fait aussi appel à l’interprétation de la part du
chercheur, nous privilégions l’hypothèse d’une indépendance entre la réalité et le chercheur.
Ce choix nous permet de nous placer dans l’approche dominante des recherches sur le
comportement du consommateur (Anderson, 1983) : découvrir la structure de la réalité à
partir d’observations de celle-ci. D’autre part, le raisonnement adopté dans ce travail est du
type hypothético-déductif : il s’agit bien d’accepter ou de rejeter un modèle théorique sur la
base des données collectées, comme illustré par la figure 3.

27
Théories Observation
existantes

oui
Convergence Maintien temporaire
de la théorie
non

Nouvelle théorie

falsifiées
Hypothèses falsifiables Réfutation

Acceptation temporaire de la
nouvelle théorie

Figure 3 : Démarche hypothético-déductive dans une logique positiviste, Anderson (1983)

Ayant présenté la réalité marchande sous-jacente à ce travail doctoral, les questions de


recherche et le positionnement épistémologique choisi pour y répondre, nous pouvons
maintenant aborder le plan suivi au cours de ce manuscrit.

6. PLAN DE LA RECHERCHE

La présentation de ce travail doctoral s’articulera en trois parties que nous allons présenter
maintenant.

La première partie sera consacrée à la revue de littérature portant sur la consommation


responsable. Ce domaine étant encore peu connu, il est utile de dresser un panorama des
directions explorées par les chercheurs et des résultats principaux. La première partie se
structure autour de trois chapitres.
• Dans le chapitre 1, nous présenterons le concept en lui-même en évoquant les
différentes visions adoptées par les chercheurs, puis en étudiant le sens que peut avoir

28
une telle consommation pour l’individu et enfin en montrant que la consommation
socialement responsable est une tendance de consommation concrète.
• Dans le chapitre 2, nous replacerons la CSR dans une logique plus large de régulation
éthique du marché. Quatre sources de contrôle des pratiques des entreprises seront
étudiées : les dirigeants des entreprises, les salariés, l’Etat et les consommateurs. Plus
particulièrement, nous montrerons en quoi les consommateurs disposent à travers leurs
achats d’un outil puissant pour influencer le fonctionnement du marché, mais que de
nombreux freins empêchent une pratique plus massive de la CSR.
• Enfin, le chapitre 3 insistera sur les insuffisances de la recherche académique portant
sur le concept de CSR. Nous démontrerons ainsi la nécessité de mieux délimiter la
notion de CSR, de mieux connaître les déterminants de la consommation responsable
et d’élaborer un modèle global de prise de décision du consommateur face à un enjeu
éthique.

La deuxième partie a pour vocation de répondre aux deux premières questions de recherche
portant sur le contenu et les déterminants de la CSR. Nous remplirons cet objectif à travers la
construction d’une échelle de mesure de la consommation socialement responsable et le test
de sa validité nomologique. La démarche adoptée et les résultats obtenus sont exposés en trois
temps :
• Le chapitre 4 s’attachera à présenter les résultats d’une analyse exploratoire menée
sur le concept de CSR. Une analyse de contenu permettra de dégager les principaux
thèmes et déterminants de la CSR évoqués par les personnes interrogées. Cette analyse
traditionnelle sera complétée par une analyse de données textuelles.
• La construction de l’échelle de CSR sera présentée dans le chapitre 5. Nous décrirons
les aspects méthodologiques, puis discuterons de la structure en cinq facteurs obtenue.
Plus particulièrement, chaque dimension sera décrite et mise en relation avec les
éventuels champs de recherche correspondants. Cette étape nous permettra de
répondre à la 1ère question de recherche.
• Le chapitre 6 se concentrera sur le test de la validité nomologique de l’échelle de
CSR. Cette étape consiste à vérifier que les relations entre la mesure de la CSR et
d’autres concepts sont en conformité avec les prédictions issues de la littérature
(Evrard, Pras et Roux, 1997). Deux grandes catégories de variables seront étudiées :
les caractéristiques sociodémographiques et les éléments psychologiques. Nous
étudierons par exemple le rôle de l’âge, du genre, de la CSP pour le premier cas et du

29
matérialisme, de la sensibilité au prix, du libéralisme et du centre de contrôle pour le
second cas. Cette étape nous permettra de répondre à la 2ème question de recherche liée
aux déterminants individuels de la CSR. Ce chapitre 6 testera également la capacité de
l’échelle à prédire différents comportements de consommation concrets : boycott, tri
des déchets et adoption d’un mode de vie détaché des biens de consommation.

La troisième partie a donc pour vocation de répondre à la 3ème question de recherche portant
sur la modélisation du comportement de CSR. Dans cette optique, nous élaborerons et
testerons un modèle théorique décrivant le processus de prise de décision du consommateur
face à un dilemme éthique. Cette 3ème partie s’articulera en trois chapitres.
• Le chapitre 7 sera consacré à l’élaboration du modèle théorique et à la présentation
des hypothèses de recherche. Ne pouvant nous appuyer sur des recherches
académiques portant précisément sur ce thème, nous nous inspirerons des travaux de
modélisation portant sur des thèmes proches : le boycott et la prise de décision éthique
du manager. La formalisation proposée pour la CSR se basera principalement sur le
modèle de Jones (1991) et sur les travaux de John, Smith et Klein (2004).
• Le chapitre 8 s’attachera à décrire la démarche expérimentale adoptée pour tester le
modèle théorique de CSR. Nous décrirons et justifierons les manipulations effectuées.
Ce chapitre détaillera également le questionnaire construit pour tester le modèle ainsi
que l’échantillon utilisé.
• Enfin, les résultats de cette dernière collecte de données sont présentés dans le
chapitre 9. Nous montrerons en quoi la formalisation proposée pour décrire le
processus de prise de décision du consommateur face à un dilemme éthique est
globalement validée malgré certains résultats inattendus.
Enfin, la conclusion abordera différents points successifs : réponse aux trois questions de
recherche, intérêts académiques et managériaux de la recherche, limites de l’étude et enfin
voies de recherche futures.

La démarche suivie au cours de ce manuscrit est résumée dans la figure 4.

30
1ère partie: La CSR: un concept peu exploré

Chapitre 1: Qu’est ce que la CSR?


Chapitre 2: La CSR: un outil d’action efficace sous utilisé par le
consommateur.
Chapitre 3: La nécessité d’éclaircir le concept de CSR.

2ème partie: Construction d’une échelle de mesure de la CSR Questions de recherche:

Chapitre 4: Étude exploratoire sur la CSR 1. Quel est le contenu de la


Chapitre 5: Construction d’une échelle de CSR à 5 dimensions CSR?

Chapitre 6: Test de la validité nomologique de l’échelle de CSR 2. Quels sont les déterminants
individuels de la CSR?

3ème partie: Modélisation du comportement de CSR

Chapitre 7: Élaboration du modèle théorique


3. Comment peut-on
Chapitre 8: Mise en place du test du modèle théorique modéliser la CSR?
Chapitre 9: Résultats du test du modèle théorique

Conclusion générale

Figure 4 : Plan de présentation du travail doctoral

Nous pouvons maintenant entrer dans la première partie de ce document qui présente le cadre
conceptuel de la recherche.

31
32
1ERE PARTIE :

LA CONSOMMATION SOCIALEMENT
RESPONSABLE : UN CONCEPT PEU EXPLORE

33
Cette première partie est destinée à présenter le cadre théorique de cette recherche, c’est-à-
dire le concept de consommation socialement responsable. L’objectif ici est double :
synthétiser les résultats de recherche sur lesquels tout chercheur abordant ce thème peut
s’appuyer, mais aussi mettre en évidence les éléments qui demeurent à explorer.
La revue de littérature sur la notion de consommation socialement responsable présente
certaines particularités. En effet, malgré la place croissante de cette pratique dans nos sociétés
depuis une quinzaine d’années, ce concept a été globalement délaissé par les chercheurs en
marketing. Les recherches se sont plus focalisées sur des thèmes plus restreints et donc peut-
être plus faciles à aborder. Citons par exemple les champs de recherche comme celui de la
consommation verte ou encore celui du boycott ou encore celui de la réaction du
consommateur face aux initiatives socialement responsables des entreprises. Pour la plupart,
ces travaux n’ont pas été reliés au concept de CSR, alors même que cette notion globale
permet de les rassembler sous un concept unique. Dans le même temps, les résultats de ces
recherches spécifiques ne peuvent être généralisés au concept global de CSR. Par exemple, la
modélisation du boycott ne s’adapte pas aux autres formes de CSR.
Travailler sur la notion de CSR présente donc certaines difficultés liées à l’atomisation des
recherches sur ce thème général. L’objectif de cette première partie est donc de « défricher »
le champ de recherche de la CSR afin de faciliter les recherches à venir sur ce sujet. La
littérature sera abordée à un double niveau : nous nous concentrerons sur les recherches ayant
porté strictement sur le concept de CSR, mais présenterons également les pistes suggérées par
les travaux académiques portant sur des thèmes plus spécifiques.

Cette partie est structurée en trois chapitres :


• Dans le chapitre 1, il s’agira d’abord de définir en profondeur le concept de
consommation socialement responsable. Pour cela, nous présenterons les différentes
définitions retenues par les chercheurs et afin de mieux comprendre ce comportement
du consommateur, nous envisagerons les différentes significations qu’il peut avoir aux
yeux du consommateur. Enfin, nous discuterons de l’ampleur de la CSR à l’heure
actuelle.
• Le chapitre 2 propose une mise en perspective de la consommation responsable et
montre le rôle de celle-ci dans la régulation éthique du marché. Il semble en effet que
les individus disposent à travers leur pouvoir d’achat d’un outil puissant, efficace et
démocratique pour imposer leurs idéaux. Cependant, nous verrons que cette régulation

34
naturelle du marché par le marché ne fonctionne pas pleinement en raison de
nombreux freins.
• Finalement, le chapitre 3 met en évidence la nécessité d’explorer davantage le
comportement de consommation socialement responsable. Plus particulièrement, nous
insisterons sur 3 points clés qui nous ont guidés dans la formulation des trois questions
de recherche :
Le concept de CSR possède des frontières floues
Les déterminants individuels du consommateur socialement
responsable demeurent incertains.
Il n’existe pas à l’heure actuelle de modèle global de CSR.

La figure 5 récapitule la progression suivie dans cette première partie.

1ère PARTIE:

Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3

Rôle de la CSR dans la Présentation des 3


Définitions de la CSR + régulation éthique du + problématiques de recherche
marché

Figure 5 : Plan de la 1ère partie

35
36
CHAPITRE 1

QU’EST CE QUE LA CONSOMMATION SOCIALEMENT


RESPONSABLE ?

La consommation socialement responsable est une expression peu utilisée dans le langage
courant. Intuitivement, on devine que cette notion désigne une consommation qui soit
cohérente avec le bien-être de la société, en général. Les médias lui préfèrent généralement un
vocabulaire plus explicite comme consommation éthique, consommation citoyenne,
consommation engagée ou encore alterconsommation14. En recherche marketing, c’est la
notion de consommation socialement responsable qui est majoritairement employée. Cette
prolifération des expressions rend nécessaire une certaine clarification conceptuelle. Que
signifie la CSR? Notamment, une consommation socialement responsable est-elle éthique ?
L’objet de ce premier chapitre est de fournir les éléments préliminaires à une recherche sur la
consommation socialement responsable. Nous adoptons ici une vision large de la CSR,
comme nous l’expliquerons par la suite. Plus précisément, ce premier chapitre s’intéresse à
trois aspects qu’il nous semble important d’aborder en guise d’introduction à cette recherche.
Dans un premier temps, nous évoquerons les différentes définitions académiques de la CSR.
Cette première étape de clarification conceptuelle nous conduira ainsi à aborder les liens entre
consommation socialement responsable et éthique.
Dans la seconde partie de ce chapitre, nous adopterons une autre perspective de la CSR : celle
des consommateurs. En effet, les définitions académiques de la CSR demeurent abstraites et
ne permettent pas forcément de cerner parfaitement cette notion. C’est pourquoi, nous
exposerons les différents sens que l’individu donne à cette forme de consommation.
Autrement dit, il s’agira de comprendre les motivations qui poussent un individu à agir de
cette façon. Dans cette perspective, le paradigme post-moderne offre un cadre d’analyse
particulièrement intéressant. Nous verrons ainsi que les travaux des philosophes post-
modernes permettent d’interpréter la CSR comme un acte social.

14
L’Institut d’études qualitatives Thema a effectué en 2004 une étude quantitative sur les Alterconsommateurs.

37
La troisième partie de ce premier chapitre s’intéresse à la réalité concrète de la consommation
socialement responsable. L’approche théorique adoptée dans le début de ce chapitre ne doit
pas occulter le fait que les consommateurs socialement responsables existent bel et bien. Pour
prouver cette affirmation, nous adopterons une perspective historique de la CSR et
évoquerons quelques exemples récents de CSR.

La figure 6 récapitule la progression suivie au cours de ce premier chapitre.

Chapitre 1:qu’est ce que la CSR ?

1. Clarifications 2. La CSR: quel sens 3. La CSR: une tendance de


conceptuelles + +
pour le consommateur ? consommation concrète

Figure 6 : Plan du chapitre 1

1. CLARIFICATIONS CONCEPTUELLES

En tout premier lieu, il convient de clarifier la notion de consommation socialement


responsable. Pour cela, nous procéderons en trois temps. Tout d’abord, nous développerons
les définitions de travail adoptées par les différents chercheurs, puis nous préciserons les
comportements inclus dans la CSR, et enfin nous tenterons de donner quelques pistes de
réflexion sur les liens entre CSR et éthique.

1.1 Définitions

1.1.1 Le concept théorique : une notion globale.

Les premiers travaux sur la consommation socialement responsable ont été effectués au début
des années 1970 aux Etats-Unis. Les appellations employées alors pour qualifier les

38
consommateurs en question varient selon les auteurs : consommateurs socialement conscients,
socialement concernés ou socialement responsables. Cependant, les auteurs travaillent
globalement sur le même thème, et nous retenons ici l’appellation CSR car c’est elle qui
semble avoir été la plus utilisée.

Webster (1975) fut le premier auteur à véritablement travailler spécifiquement sur le concept
de CSR. Son approche s’inspire de travaux en sociologie portant sur la responsabilité sociale
des individus, notamment l’échelle de Responsabilité Sociale (Social Responsibility Scale) de
Berkowitz et Lutterman (1968). Il définit le consommateur socialement responsable comme :

« Un consommateur qui prend en compte les conséquences publiques de sa consommation


privée et qui essaie d’utiliser son pouvoir d’achat pour induire des changements dans la
société » (Webster, 1975, p.188)

Les travaux de Webster (1975) font figure de pierre fondatrice du champ de recherche sur la
CSR. Cependant, la définition qu’il propose ne précise pas la nature des conséquences
recherchées par les consommateurs socialement responsables et inclut à priori les
comportements visant à nuire à autrui. Par la suite, les auteurs ont adopté des définitions
toujours globales, mais qui précisent davantage l’objectif du consommateur socialement
responsable : il s’agit de contribuer au bien-être social et environnemental des autres (Engel et
Blackwell, 1982). L’ensemble des définitions proposées au sujet de la CSR est synthétisé
dans le tableau 1.

Il semble que la dernière contribution sur la notion de CSR globale soit celle de Roberts
(1995). Celui-ci propose que « le consommateur socialement responsable achète des biens ou
des services qu’il perçoit comme ayant un impact positif (ou moins mauvais) sur son
environnement et qui utilise son pouvoir d’achat pour exprimer ses préoccupations sociales »
(p.98).

39
Auteur Concept utilisé Définition Mesure
(année)
Berkowitz et Individu socialement (Pas de définition)- Personne prête à Echelle SRS, 8 items
Lutterman responsable aider les gens même s’il n’y a rien à (engagement vis à vis
(1968) en retirer. des autres)
Anderson et Consommateur socialement Individu concerné non seulement Echelle SRS, 8
Cunningham conscient (socially par sa satisfaction personnelle mais items
(1972) conscious consumer) aussi par le bien-être sociétal et
(engagement vis à vis
environnemental.
des autres)

Anderson, Consommateur socialement Individu prêt à aider les autres Echelle SRS, 8 items/
Hénion et Cox responsable même s’il n’en retire rien pour lui- pratique du recyclage
(1974) même.
Webster (1975) Consommateur socialement Consommateur qui prend en compte Index de
conscient (socially les conséquences publiques de sa consommation
conscious consumer) consommation privée et qui essaie socialement
d’utiliser son pouvoir d’achat pour consciente, 8 items
induire des changements dans la (écologie)
société
Brooker (1976) Consommateur socialement Individu dont les actions mènent à Achat de lessive
conscient (socially une amélioration de la qualité de vie sans détergent,
conscious consumer) en société d’essence sans
plomb

Belch (1979, Consommateur socialement Individu préoccupé à la fois par son Echelle de 20 items
1982) préoccupé (socially bien-être personnel et le bien-être (écologie)
concerned individual) social.
Engel et Consommateur socialement Individu concerné non seulement
Blackwell conscient par sa satisfaction et son bien-être
(1982) personnel, mais aussi par le bien-
être social et environnemental des
autres.
Antil (1984) Consommateur socialement Individu dont les achats sont liés Echelle à 40 items
responsable aux problèmes environnementaux et (écologie)
qui est motivé non seulement par un
désir de satisfaire ses besoins
personnels, mais aussi préoccupé
par les effets potentiellement
négatifs de ses achats.
Roberts (1995, Comportement de Acheter des biens ou des services Echelle, 25 items (1
1996) consommation socialement perçus comme ayant un impact dimension écologique,
responsable positif (ou moins mauvais) sur son 1 dimension sociale)
environnement et utiliser son
pouvoir d’achat pour exprimer ses
préoccupations sociales.
Mohr, Webb et Consommateur socialement Individu qui évite d’acheter aux Fréquence avec
Harris (2001) responsable entreprises qui nuisent à la société et laquelle l’individu
qui recherche activement des déclare acheter aux
produits d’entreprises qui aident la entreprises
société. socialement
responsables

40
Tableau 1 : Définitions de la Consommation socialement responsable

L’ensemble de ces définitions convergent donc pour assimiler le consommateur socialement


responsable à un individu qui privilégie des choix de consommation ayant des conséquences
positives sur le monde qui l’entoure, et évite ceux ayant des conséquences négatives.
En ce sens, la CSR représente en quelque sorte le symétrique de la notion de Responsabilité
Sociale de l’Entreprise, ou Corporate Social Responsibilty. Celle-ci a fait l’objet de
nombreuses définitions et contributions15. Nous retiendrons ici l’approche de la théorie des
parties prenantes. Selon cette théorie, l’entreprise, en tant que centre de décisions endosse une
responsabilité « envers tous ceux qui de près ou de loin dépendent de son existence, de son
développement et de sa survie » : les stakeholders ou les parties prenantes à son activité
(Freeman, 1984). Dans le cas de l’entreprise, les « stakeholders » désignent habituellement les
salariés, les consommateurs, les pouvoirs publics, les actionnaires, les fournisseurs etc. Les
notions de responsabilité sociale de l’entreprise et de consommation socialement responsable
n’ont semble-t-il jamais été rapprochées, et pourtant il s’agit bien dans les deux cas de la
responsabilité sociale d’un acteur. Pourquoi donc ne pas appliquer la théorie des parties
prenantes au cas du consommateur ? Cela reviendrait à considérer que lorsqu’un individu
pratique une consommation responsable, il prend en compte l’effet de ses actes envers ses
« parties prenantes ». Ceux-ci représentent alors certaines catégories de personnes, qu’il
s’agisse d’autres consommateurs, des salariés ou de l’environnement physique.

1.1.2 Deux types de préoccupations : sociale et environnementale

Dans les premières études portant sur la CSR, les auteurs ont utilisé une mesure du concept
portant exclusivement sur les aspects écologiques (voir tableau 1). Ainsi, jusqu’aux travaux
de Roberts (1995), la consommation socialement responsable était implicitement assimilée à
une consommation respectueuse de l’environnement. Alors que les définitions des auteurs
offraient une vision large, la mesure du concept, elle, réduisait ce concept à une préoccupation
écologique.
Les travaux de Roberts (1995) constituent à ce titre un tournant. Ce chercheur est le seul à
véritablement construire une échelle du comportement de consommation socialement
responsable en suivant un processus rigoureux. Sa définition de la CSR postule deux grandes
facettes : une facette environnementale et une facette sociale. Logiquement, sa théorisation
15
Pour une présentation exhaustive des définitions sur la notion de responsabilité sociale de l’entreprise, voir
Swaen (2004).

41
l’amène à construire une échelle de comportement de consommation socialement
responsable à deux dimensions: une dimension écologique et une dimension sociale. Ainsi,
les individus sont soit préoccupés par les aspects environnementaux, soit par les aspects
sociaux, soit les deux, soit aucun des deux. Notons cependant que, même dans les travaux de
Roberts (1995), la facette environnementale occupe une place prépondérante puisque cette
dimension compte 17 items sur les 25 que compte l’échelle, et restitue 49% de la variance
contre 7% seulement pour la dimension sociale.
Le concept global de CSR inclut donc le thème de la consommation écologique, sans être
réductible à celui-ci.

1.1.3 Un comportement souvent assimilé à la réaction du consommateur face aux pratiques


des entreprises

Les définitions théoriques présentées précédemment demeurent assez abstraites et n’indiquent


pas concrètement en quoi consiste une consommation responsable. A ce titre, l’analyse des
outils de mesure utilisés par les chercheurs montre les différentes formes prises par ce
comportement.
Dans les premières recherches menées, la CSR est mesurée par l’échelle de Responsabilité
Sociale (SRS) de Berkowitz et Lutterman (1968) ; cependant, celle-ci n’est pas adaptée au
comportement de consommation car elle traite du degré de responsabilité sociale de l’individu
en général, à savoir son sens des autres et du travail bien fait (Leigh, Murphy, Enis, 1988).
Dans les recherches suivantes (Webster (1975), Brooker (1976), Belch (1979, 1982), Antil
(1984)), les auteurs mesurent la CSR à travers des indicateurs ad hoc portant sur la
préoccupation écologique uniquement. Ces mesures de la CSR ne sont pas justifiées par les
auteurs et semblent avoir été créées pour les besoins des études.
Au contraire, l’échelle de Roberts (1995) est issue d’un processus rigoureux et l’auteur s’est
assuré des critères de validité et fiabilité. L’échelle de Roberts (1995), contenant 25 items,
décrit différents comportements de consommation socialement responsable. Il s’agit de :
• Acheter des produits selon le comportement de l’entreprise. Dans l’échelle de
Roberts (1995), plusieurs items décrivent le fait de ne pas acheter aux entreprises dont
les pratiques sont condamnables. Les thèmes sont variés : discrimination des
minorités, publicité mensongère, manière dont l’entreprise traite ses employés,
présence de l’entreprise dans certains pays (par exemple en Afrique du sud). A

42
l’inverse, un item décrit le fait d’acheter aux entreprises qui font des dons aux œuvres
de charité.
• Choisir des produits selon leur composition. La dimension écologique de l’échelle
de Roberts contient des items correspondant au fait de choisir les produits selon la
pollution qu’ils génèrent. Ainsi, le consommateur socialement responsable refuse les
produits polluants et choisit des produits non nuisibles pour l’environnement. Il s’agit
par exemple d’éviter les produits contenant des matières premières polluantes, les
aérosols ou au contraire de privilégier les produits recyclés et recyclables, les lessives
sans phosphate. Un item de l’échelle décrit également le fait de refuser les produits
faits à partir de ressources rares.
• Eviter certains comportements de consommation. La dernière catégorie de
comportements évoquée dans l’échelle de Roberts représente la volonté de ne pas
adopter de comportements polluants. Il s’agit de conduire aussi peu que possible afin
de réduire la dépendance du pays en pétrole.

L’analyse de l’échelle de Roberts montre que le comportement de consommation socialement


responsable prend des formes diverses. Il s’agit de prendre en compte le comportement des
entreprises, de choisir des catégories de produits moins nuisibles que d’autres ou encore de
conduire moins. Il faut bien noter que Roberts ne dimensionne pas son échelle selon ces 3
catégories mais selon la distinction écologie/ social.
Les différentes facettes de CSR mises en évidence par Roberts (1995) n’ont cependant pas
toutes été retenues par les travaux ultérieurs dans le domaine. En effet, après les travaux de
Roberts (1995), la CSR a souvent été assimilée à la consommation selon le comportement des
entreprises. Selon cette idée, le consommateur responsable achète aux entreprises
responsables et n’achète pas à celles dont les pratiques sont condamnables (Mohr, Webb et
Harris, 2001). Il semble donc que l’étude du concept global de CSR ait, depuis 1995, laissé sa
place à des travaux de recherche sur la réaction du consommateur face aux comportements
plus ou moins responsables des entreprises.
La façon dont le consommateur réagit face aux comportements plus ou moins responsables
des entreprises a suscité de nombreuses recherches. Ces travaux portent globalement sur trois
grands thèmes :
• l’impact d’initiatives socialement responsables de l’entreprise sur le consommateur:
Brown et Dacin (1997), Murray et Vogel (1997), Handelman et Arnold (1999),

43
Maignan et Swaen (2000), Thiery-Seror (2000), Mohr, Webb et Harris (2001), Sen et
Bhattacharya (2001), Thiery et Jolibert (2003), Swaen, (2004)
• le boycott, avec les travaux de Smith, (1990), Kozinets et Handelman (1998),
Friedman (1985, 1991, 1996), Sen, Gürhan-Canli et Morwitz (2001), John et Klein
(2003), Klein, Smith et John (2004).
• les attentes du consommateur en matière de responsabilité sociale des entreprises
(Creyer et Ross (1996), (1997), Carrigan et Attalla (2001), Boulstridge et Carrigan
(2000), Maignan (2001). Généralement, ces travaux se focalisent uniquement sur un
aspect bien précis et ne font pas référence à la notion de CSR.

1.1.4 Notre définition de travail

Comme nous l’avons vu, les travaux fondateurs définissent la CSR comme un concept global
incluant tous les comportements où le consommateur prend en compte l’impact de ses achats
sur l’environnement ou sur la société. Cette approche globale semble depuis avoir été
abandonnée pour des recherches plus focalisées sur la perception des pratiques plus ou moins
responsables des entreprises par le consommateur.
Pour notre part, nous choisissons une approche globale du comportement du consommateur
en adoptant la notion de CSR. Nous nous plaçons donc dans la lignée des travaux de Webster
(1975) et de Roberts (1995), et définissons la CSR comme suit :

La consommation socialement responsable désigne le fait d’acheter des biens ou des


services perçus comme ayant un impact positif (ou moins mauvais) sur son
environnement et/ou la société et d’utiliser son pouvoir d’achat pour exprimer ses
préoccupations sociales et/ ou environnementales.

1.2 Les comportements inclus dans une vision large de la CSR

La définition adoptée de la CSR permet d’inclure dans notre concept des comportements
divers. Globalement, on peut les classer en deux catégories: l’achat ou le non achat. En effet,
la prise en compte des critères sociaux et environnementaux se traduit, soit par un refus
d’acheter certains produits ou services, soit au contraire par l’achat de certains biens plutôt
que d’autres.

44
Nous profiterons de la présentation de ces deux facettes pour identifier les différents courants
de recherche qui peuvent entrer dans le cadre la CSR. Les courants en question n’ont pas
toujours été rattachés à la CSR, mais notre vision large de ce concept permet de les intégrer
dans notre champ théorique.

1.2.1 La forme positive de la CSR : l’achat

Dans ce premier cas, l’individu achète des produits présentant certaines garanties sociales ou
environnementales. Il s’agit d’acheter des produits fabriqués, vendus ou distribués dans des
conditions respectueuses de l’environnement physique et humain. Dans la littérature, les biens
en question sont parfois appelés « produits éthiques » en raison des garanties qu’ils offrent en
ce sens (Crane, 2001, Canel-Depitre 2003). Plus particulièrement, les « produits verts »
désignent les biens dont la production et consommation ont un impact minimisé sur
l’environnement. Il s’agit par exemple de produits dont la fabrication fait intervenir des
matières premières non polluantes et renouvelables, en quantité raisonnable, qui génèrent des
déchets biodégradables ou recyclables et destinés à une utilisation durable (Boyer et Poisson,
1992).

• L’achat de produits labellisés


Il n’est pas toujours évident pour le consommateur de distinguer les produits offrant des
garanties écologiques ou sociales. C’est la raison de l’existence des labels sociaux. Ce terme
a été défini dans le livre vert de la Commission Européenne en 2001 de la façon suivante : un
label social se matérialise par « des mots ou symboles apposés sur un produit dont le but est
d’influer sur la décision d’achat des consommateurs en apportant une garantie sur l’impact
social ou éthique d’un processus commercial sur les autres parties prenantes concernées ».
Ces labels garantissent que les produits ont été fabriqués dans le respect de la nature ou des
travailleurs et facilitent donc les achats éthiques du consommateur. Il en existe beaucoup au
niveau français et européen. Cependant, les seuls valables sont les labels attribués par un
organisme indépendant (Robert-Demontrond et Basset, 2004). Le tableau 2 récapitule les
principaux labels et normes mis à disposition du consommateur français. Il est à noter que la
Belgique a adopté par la loi du 27 février 2002, la création du premier label social officiel.
Celui-ci a pour vocation de faire respecter les normes définies par l’OIT et pourrait inspirer et
servir de modèle à un label social européen.

45
La norme internationale ISO 14000 garantit que l’entreprise a mis en place un système de
management environnemental pour son organisation interne, avec des objectifs de réduction
d’impacts sur l’environnement. Créée en 1996 par l’Organisation internationale de normalisation,
elle a été attribuées à 1500 entreprises françaises. La certification est renouvelable tous les 3 ans.
Elle est effectuée par des organismes comme l’AFNOR, l’AFAQ ou l’ADEME
ISO 14000
Cette norme internationale est développée depuis 1997 par une ONG américaine, Social
Accountability International. Elle prend principalement en compte le respect du droit des
travailleurs et se fonde sur la déclaration universelle des droits de l’homme, les textes de l’OIT et la
SA8000 convention de l’ONU sur les droits de l’enfant. Les principaux domaines de la SA 8000 : le travail
des enfants, le travail forcé, l’hygiène et la sécurité, les pratiques, la discrimination, le droit de
réunion et de parole (syndicats), le temps de travail, la rémunération, . le système de gestion
En France, seule une demi-douzaine d’entreprises se sont vu délivrer cette norme.
Du coté du commerce équitable, le principal label est celui délivré par FLO (Fairtrade Labelling
Organizations). En France, ce label porte le signe Max-Havelaar et la mention « Garanti commerce
équitable ». Ce label apposé sur un produit, garantit qu’il respecte les critères du commerce
équitable, à toutes les étapes de la filière (juste rémunération, interdiction du travail des enfants,
interdiction du travail forcé, libertés syndicales). 46 structures sont titulaires du label Max-Havelaar
pour leurs produits. L’association, d’origine néerlandaise, est implantée en France depuis 1992.
L’organisme certificateur FLO a été créé pour sa part e, 1997.
Le label AB, qui existe depuis 1991 (sur la base du règlement européen 2092/91), est délivré par le
ministère de l’agriculture après déclaration préalable des agriculteurs, qui attestent n’utiliser ni
engrais chimiques, ni traitements chimiques dans leur productions animales ou végétales. Les
produits qui portent le label AB doivent contenir au moins 95% d’ingrédients d’origine
agrobiologiques. Le contrôle des exploitations est réalisé par des organismes certificateurs
indépendants, agréés par l’état: Ecocert est le plus connu d’entre eux, qui labellise 80% des
produits français.
L’usage des produits de beauté a des implications au niveau écologique et sur le plan de la santé.
C’est pourquoi en 2001, l’association Nature&Progrès a mis en place un cahier des charges
général des cosmétiques et de la savonnerie. Elle labellise des producteurs et des transformateurs
de cosmétiques dont au moins 70% de l’activité répond au cahier des charges. Celui-ci impose
l’usage de substances naturelles obtenues par des procédés mécaniques ou chimiques,au lieu de
l’usage de produits de synthèse. Les matières premières sont issues de l’agriculture biologique. Les
tests sur animaux sont proscrits. La certification est assurée par deux organismes agréés pour le
label AB (dont le laboratoire Gravier)

L’écolabel NF-environnement existe depuis 1991. Il est délivré par l’AFNOR, en fonction de critères
environnementaux qui prennent en compte toutes les étapes du cycle de vie d’un produit et leur
impact négatif moindre sur l’environnement. Parmi les produits labellisés NFEnvironnement, on
trouve: des peintures et vernis, colles, sacs poubelles, cartouches d’impression, colorants, mobilier,
enveloppes, aspirateurs, filtres à café…

Pour la filière bois (meubles, produits dérivés), il existe le label FSC (Forest Stewardship Council),
délivré par l’ONG du même nom. Créé en 1993, FSC certifie la traçabilité du produit labellisé et
garantit que les forêts sont gérées de manière écologique et durable. Le FSC impose notamment
aux exploitants le respect des populations autochtones, la préservation de la biodiversité, la
régénération des forêts ainsi que le contrôle des activités des forestiers par des commissions
composées d’exploitants, de représentants des peuples ou encore d’associations
environnementales. Le label du FSC est apposé à ce jour sur près de 9000 produits (parquets,
étagères, papier, mobilier de jardin…)
L’écolabel européen, fondé en 1992 est délivré par l’AFNOR pour la France. Il certifie le respect de
critères environnementaux, selon les règlementations européennes, à partir d’une synthèse des
différents labels nationaux. 15 catégories de produits peuvent être labellisés: réfrigérateurs,
matelas, détergents, ordinateurs…184 entreprises sont aujourd' hui titulaires de l’écolabel européen.

Tableau 2 : Principaux labels et normes offrant des garanties en matière sociale ou environnementale.

46
• L’achat de produits-partage
Le consommateur qui souhaite encourager les actions sociales et environnementales des
entreprises peut également récompenser ce genre d’initiatives à travers ses achats. Il s’agit
alors d’acheter en priorité aux sociétés ayant des engagements en matière de responsabilité
sociale. Il a été montré que la bonne réputation d’une entreprise influence l’évaluation de ses
produits par les consommateurs et favorise les intentions d’achat (Brown et Dacin, 1997, Sen
et Bhattacharya, 2001). Cependant, le soutien des consommateurs dépend du type d’actions de
l’entreprise et de l’intérêt du consommateur pour celles-ci : les individus sont d’autant plus
réceptifs aux initiatives de l’entreprise quand ils s’identifient à celle-ci (Sen et Bhattacharya,
2001, Lichtenstein, Drumwright et Braig, 2004).
Au sein de toutes les initiatives de l’entreprise en matière de responsabilité sociale, celles qui
ont été le plus étudiées concernent le « marketing des causes sociales » (Cause-Related
Marketing). Ce terme désigne les engagements de l’entreprise en faveur d’une cause, associés
aux achats des consommateurs (Varadarajan-Menon, 1988). Plus précisément, cette
association se manifeste par une contribution financière de l’entreprise à une cause
déterminée pour chaque achat ou pour chaque envoi de preuve d’achat de la part des
consommateurs (Thiery et Jolibert, 2003). Ces opérations sont également appelées produits-
partage, ou promotions-partage. Dans la suite de nos travaux, nous privilégierons ce terme,
car il adopte le point de vue du consommateur, conformément à notre position.
L’exemple le plus célèbre de produits-partage est celui de American Express envers la
rénovation de la statue de la liberté. En 1983, la société américaine promet de donner un
penny à la rénovation pour chaque paiement avec la carte American Express et un dollar pour
chaque ouverture de compte. La fondation pour la statue de la liberté a ainsi reçu 1,7 millions
de dollars tandis que American Express constatait 28% d’augmentation dans l’utilisation de sa
carte et 45% d’augmentation des demandes de nouvelles cartes.
Les opérations de produits-partage sont a priori bénéfiques à la fois pour l’entreprise, pour
l’association caritative concernée et pour le consommateur. L’entreprise gagne en volume de
vente et en image de marque, l’association caritative reçoit des fonds importants et gagne en
visibilité, et quant au consommateur, il peut réaliser facilement des gestes de solidarité au
quotidien. Cependant, ces techniques sont critiquées car elles aident les causes grand public,
et provoquent une baisse des dons en direct de la part de l’entreprise et des consommateurs
(Rochefort, 1996, Smith et Higgins, 2000). De plus, elles induisent souvent une méfiance de
la part de certains consommateurs, qui ne voient que l’intérêt mercantile de l’entreprise dans
ces opérations (Mohr, Webb et Harris, 2001).

47
Malgré ces critiques, les opérations de produits partage sont très développées aux Etats-Unis
et progressent en France. Citons par exemple la gamme « produits-partage » de la Camif, dont
une partie du prix de vente revient à Camif Solidarité, association qui œuvre en faveur du
logement des plus démunis. Un autre exemple est celui du sac à sapin, vendu aux approches
des fêtes de Noël : pour chaque article vendu, 1 euro est reversé à Handicap International, et
les sacs sont assemblés et conditionnés en CAT16 par des personnes handicapées.

• Les campagnes collectives d’achat : le buycott.


Friedman introduit en 1996 la notion de buycott : il s’agit d’une mobilisation collective des
consommateurs en faveur des produits d’une entreprise afin de récompenser celle-ci pour ses
activités. Les motifs qui peuvent déclencher de tels mouvements sont variés : prix bas, qualité
élevée, respect des minorités, actions en faveur de l’environnement ou encore bonnes
pratiques salariales. En réalité, ces campagnes visent souvent une cible bien plus large que
l’entreprise. Friedman cite par exemple les campagnes « Buy American » qui incitent les
américains à acheter des produits domestiques pour soutenir leur économie.
Cependant, ces campagnes de buycott sont relativement rares et constituent pour bon nombre
d’entre elles la mise en œuvre d’un boycott. En 1995, l’état de Nouvelle Zélande a appelé ses
citoyens à consommer des marques nationales mais c’était surtout pour s’opposer aux
différents états impliqués dans la reprise des essais nucléaires au large de son territoire.

1.2.2 La forme négative de la CSR : le non achat

En réalité, il semble que la CSR se manifeste le plus souvent sous la forme du refus d’achat
et que les consommateurs aient plus tendance à exprimer leurs préoccupations sociales ou
environnementales en sanctionnant les entreprises qu’en les récompensant(Creyer et Ross,
1996, Friedman, 1996, Mohr, Webb et Harris, 2001).
Ainsi, la pratique de CSR la plus courante est le boycott. Celui-ci désigne « la tentative par
une ou plusieurs parties d’atteindre certains objectifs en incitant les consommateurs
individuels à s’abstenir de faire certains achats sur le marché », (Friedman, 1991). Il
représente donc un acte collectif de non achat de certains produits afin d’atteindre des
objectifs définis. Dans notre travail, nous nous intéresserons uniquement aux déterminants
individuels du boycott, c’est-à-dire aux motifs qui poussent les consommateurs à rejeter une

16
Les Centres d'Aide par le Travail sont des structures médicosociales, accueillant des personnes handicapées
dont la capacité de travail n'excède pas le tiers de celle d'un travailleur valide. Un CAT donne un statut de
travailleur aux personnes handicapées et un environnement de travail dans un cadre protégé.

48
marque. Cette vision rejoint celle de Kozinets et Handelman (1998) qui appellent à étudier les
boycotts dans la perspective du consommateur isolé. Cette position nous conduit à ne pas
considérer les éventuels effets d’interaction entre consommateurs, ou la manière dont ces
mouvements collectifs agissent sur les entreprises.
Les boycotts poursuivent deux types d’objectifs : économique ou éthique (Friedman, 1991).
Dans le premier cas, il s’agit par exemple de protester et de lutter contre une hausse des prix
de certains produits. Dans le second cas, le consommateur réagit à une pratique condamnable
d’une entreprise. Il semble que de plus en plus le boycott soit assimilé au deuxième aspect. Le
boycott est alors une forme de contrôle social du business et un mécanisme pour promouvoir
la responsabilité sociale de l’entreprise (Smith, 1990). Notre recherche ne correspond qu’à
cette deuxième facette.

1.3 La consommation socialement responsable : une consommation


éthique ?
Dans le monde académique, les notions de consommation socialement responsable et de
consommation éthique se côtoient fréquemment et semblent assimilées l’une à l’autre. Ainsi,
ce que certains auteurs désignent par consommation éthique (Smith, 1990) correspond au
concept de CSR tel que nous l’avons défini. Cependant, nous souhaitons éclairer les liens
entre ces deux notions, afin de comprendre s’il est légitime d’employer les deux expressions
indifféremment. Pour cela, nous procéderons en quatre temps. Nous commencerons par
présenter rapidement l’éthique comme concept philosophique, puis comme valeur de
consommation. Nous montrerons ensuite la correspondance entre éthique et CSR, puis dans
un dernier temps, nous montrerons en quoi les deux notions ne peuvent être totalement
assimilées.

1.3.1 L’éthique comme concept philosophique : quelques brefs rappels.

L’éthique (du grec êthicos : morale et êthos : moeurs), dans le sens commun, est souvent
associée à la morale et toutes deux désignent l’ensemble des règles d’action et des valeurs qui
fonctionnent comme normes dans une société. D’un point de vue philosophique, les auteurs
ne s’entendent pas sur la répartition du sens entre les deux termes d’éthique et de morale.
L’approche de Ricœur semble cependant constituer une référence sur le sujet. D’après cet
auteur, le concept de morale désigne les normes en vigueur dans une société, c’est-à-dire les

49
principes délimitant les frontières entre ce qui est permis et défendu, et entre ce qui est
« bien » et « mal ».
Le concept d’éthique, quant à lui, est double. Selon Ricœur, il existe deux niveaux
d’éthique : d’un coté, une éthique antérieure à la morale, « l’éthique fondamentale »
dont la mission serait de réfléchir aux principes fondateurs des normes, et d’autre part
un niveau appliqué de l’éthique s’attachant à projeter les règles morales dans des
situations concrètes. Il y a donc d’une part l’éthique, fondatrice et énonciatrice de principes
ou de fondements ultimes, et d’autre part les éthiques appliquées comme par exemple la
bioéthique, l’éthique des affaires, l’éthique des médias...Dans le domaine de l’éthique
antérieure, deux grandes traditions philosophiques s’opposent (Hunt et Vitell, 1986, Robin et
Reidenbach, 1987) : la déontologie et l’utilitarisme. L’idée sous-jacente de la déontologie est
qu’il existe des idéaux que nous devons suivre dans nos actions. Ces grands principes doivent
satisfaire à un test d’universalisation (Kant,1964). Ainsi, une conduite sera jugée comme
morale si les acteurs sont prêts à accepter que celle-ci soit appliquée n’importe quand, par
n’importe qui. Rawls (1971) fournit également une approche moderne de la déontologie : ses
travaux concluent à la nécessité d’adopter dans nos sociétés une répartition des ressources qui
maximise les revenus les plus faibles. L’autre grande tradition philosophique, l’utilitarisme,
postule que l’on peut juger de l’éthique d’une situation selon ses conséquences sur la société.
Il faut rechercher « le plus de bien pour le plus grand nombre » (Bentham, 1815), c’est-à-dire
que tout acte d’un individu sera jugé sur les conséquences qu’il induit pour son auteur, mais
aussi pour tous les autres membres de la société. Si la somme de ces conséquences est
positive, l’acte est jugé moral, si elle est négative, il doit être condamné.

1.3.2 L’éthique comme valeur de consommation : l’approche de Holbrook (1994) et


Cooper-Martin et Holbrook (1993)

Plus concrètement, l’éthique a été formalisée comme une valeur de consommation par
Holbrook (1994). Celui-ci propose une typologie des valeurs ressenties dans une expérience
de consommation, reproduite en tableau 3. Les valeurs sont organisées selon trois
dimensions : l’orientation intrinsèque versus extrinsèque, l’orientation vers soi versus vers les
autres, l’orientation active versus réactive de la consommation. L’éthique constitue une des
huit valeurs de consommation. Elle correspond au cas où le consommateur a un
comportement actif « de poursuite de moralité », orienté vers les autres et où l’orientation de
l’individu est intrinsèque, c’est-à-dire que la « vertu est sa propre récompense ».

50
Orientation extrinsèque Orientation intrinsèque
Actif Efficience Jeu
Orientation vers soi
Réactif Excellence Esthétique
Actif Statut social Ethique (justice, vertu,
Orientation vers les
moralité)
autres
Réactif Estime Spiritualité
Tableau 3 : Classification des valeurs de consommation, Holbrook (1994)

Selon les travaux de Holbrook (1994), l’éthique représente donc une recherche de vertu,
totalement désintéressée de la part du consommateur. En ce sens, la consommation éthique
serait un acte purement altruiste (Smith, 1996).
Cooper-Martin et Holbrook (1993) montrent également cette correspondance entre éthique et
altruisme. Après avoir listé les expériences de consommation qui impliquent de fortes
implications morales, ces auteurs ont dégagé un « espace éthique », à deux facteurs, reproduit
en figure 7. Le premier représente le degré d’égoïsme/ altruisme, le second, le degré
d’activité/ passivité. D’après les auteurs, la dimension égoïsme/ altruisme est très dominante
pour distinguer le « bien » du « mal ». Et les expériences de consommation « éthiquement
supérieures », comme par exemple ne pas acheter de produits testés sur les animaux, donner à
manger aux démunis, recycler ses déchets, sont situées dans le cadran altruiste/ actif. Ainsi,
une consommation éthique serait altruiste et plutôt active. A l’inverse, une consommation
« non éthique », serait irresponsable et égoïste.

51
actif

ETHIQUE
Voir film X Produits non testés
sur les animaux

Consommer de la drogues Dons aux œuvres


de charité

Fréquenter des prostitués Produits recyclables

Voler
Produits recyclés

égoïste altruiste

Acheter des produits en ivoire

Acheter des produits en plastique


Boycott Nestlé
Acheter des aérosols

Investir en Afrique du sud Pas acheter de cuir

NON ETHIQUE

passif

Figure 7 : extrait de l’espace éthique des expériences de consommation, Cooper-Martin et Holbrook


(1993)

Ces deux contributions convergent pour montrer qu’une consommation peut-être qualifiée
d’éthique si elle est à la fois active et altruiste, autrement dit si elle correspond à un acte
totalement désintéressé du consommateur.

1.3.3 La CSR semble pouvoir être qualifiée d’éthique.

Maintenant que la notion d’éthique a été éclaircie, nous allons tenter de rapprocher la CSR de
ce thème.
• L’éthique comme concept philosophique
Tout d’abord, l’éthique discutée dans cette recherche est une éthique appliquée. En employant
cette notion, nous ne faisons pas véritablement référence au concept philosophique
fondamental mais davantage à ses manifestations très concrètes dans la consommation. Il
n’est nullement question ici de savoir ce qu’est l’éthique, mais bien de s’intéresser à ce qu’est
une consommation éthique.
Juger de l’éthique d’une consommation socialement responsable dépendra de la tradition
philosophique adoptée : utilitarisme et déontologie. La définition même de la CSR montre la

52
démarche utilitariste du consommateur responsable : il effectue des choix de consommation
qui maximisent le bien-être de la société en général. Lorsqu’un individu refuse d’acheter des
produits polluants ou des produits réalisés à base de ressources rares, c’est bien car il souhaite
minimiser l’impact négatif de sa consommation sur le monde qui l’entoure. De même, l’achat
aux entreprises socialement responsables correspond au choix qui génère le plus de
conséquences positives.
Cependant, certains auteurs montrent que les choix socialement responsables ne sont pas
toujours bénéfiques. Auger, Burke, Devinney et Louvière (2003) montrent ainsi que le fait de
boycotter les produits fabriqués par des enfants entraîne des conséquences qui empirent la
situation : au lieu de retrouver le chemin de l’école, cela conduit souvent les enfants dans la
rue, puis dans des maisons de prostitution. A l’inverse, le fait de commercer avec des pays en
développement aux normes sociales peu exigeantes favorise une amélioration des conditions
de vie et diminue de fait le travail des enfants.
Si certains comportements de boycott peuvent apparaître non éthiques d’un point de vue
utilitariste, ils correspondent cependant davantage à une logique déontologique. Selon cette
vision, le travail des enfants est un tabou, un interdit qu’il ne faut cautionner d’aucune
manière à travers ses achats.

Ces éléments de réflexion nous conduisent à penser que la CSR peut être qualifiée d’éthique.
A travers ce comportement, l’individu opte pour la solution la meilleure en termes de bien-
être collectif, conformément à la logique utilitariste, ou agit selon des grandes valeurs
éthiques, conformément à la logique déontologique.

• L’éthique comme valeur de consommation


La définition que nous avons adoptée du concept de CSR nous indique que ce comportement
se rapproche d’un acte altruiste puisqu’il s’agit d’intégrer dans sa consommation le bien-être
d’autres catégories de personnes ou le respect de l’environnement. Le consommateur
responsable ne s’intéresse pas uniquement à la maximisation de son bien-être personnel dans
sa consommation, mais se préoccupe également des autres parties prenantes. Il peut à priori
être qualifié d’altruiste et donc d’éthique selon la vision de Holbrook (1994) et Cooper-
Martin et Holbrook (1993)

53
1.3.4 Deux notions qu’on ne peut pas assimiler pour autant

Il convient d’apporter quelques nuances au propos précédent, dans la mesure où


consommation socialement responsable et consommation éthique ne sont pas assimilables.

• La CSR : un comportement pas forcément désintéressé


Tout d’abord, un acte éthique suppose une motivation désintéressée. Or un comportement de
consommation socialement responsable peut, en réalité, être motivé par l’intérêt propre du
consommateur, comme le montrent Ziegler Sojka (1986) : « Le terme socialement conscient
suggère l’influence d’une prise de conscience sociale. (...) En outre, même si un
comportement socialement conscient peut apparaître comme étant motivé par des désirs
purement désintéressés, étant donné que la société qui en bénéficie inclut l’individu, alors
l’individu en bénéficie aussi. C’est pourquoi, un comportement socialement conscient peut en
réalité être motivé simultanément par l’intérêt social et l’intérêt personnel ». Smith (1996)
corrobore cette idée en affirmant qu’à travers certains actes socialement responsables, le
consommateur recherche aussi son intérêt propre, comme dans le cas d’un boycott, par
exemple. Ainsi, Smith rejette lui aussi l’idée que la motivation d’un acte socialement
responsable est uniquement et systématiquement altruiste.

• La notion de consommation éthique est très large


D’après la vision de Cooper-Martin et Holbrook (1993), une consommation éthique englobe
des comportements de consommation très variés tels que le fait de ne pas boire d’alcool, de ne
pas fumer, de ne pas se droguer ou encore d’éviter les préservatifs… Les comportements
présents dans l’espace éthique de Cooper-Martin et Holbrook (1993) sont tous les
comportements mettant en jeu des considérations morales, sans forcément que cela ait des
conséquences pour autrui. Il peut s’agir par exemple de comportements contraires à la morale
chrétienne. Ainsi, le domaine recouvert par la notion de consommation éthique semble plus
large que celui de la CSR. Ce dernier n’inclut en effet que les comportements ayant une
portée éthique sur l’environnement au sens large.
Enfin, la notion de « consommation éthique » fait référence à un autre champ de recherche
que le nôtre, introduit par Muncy et Vitell (1992) et désignant « les principes et standards
moraux qui guident le comportement d’individus ou de groupes lorsqu’ils acquièrent, utilisent
et disposent de biens et services ». L’échelle de mesure construite par ces deux auteurs
(Consumer Ethics Scale) décrit tous les actes des individus dans la sphère de consommation

54
susceptibles d’être contraires aux bonnes mœurs comme, par exemple, le fait de copier un
disque au lieu de l’acheter, de consommer un produit dans un supermarché sans le payer, ou
de mentir sur l’âge d’un enfant pour bénéficier d’un tarif réduit. Il s’agit donc avant tout d’un
comportement plus ou moins honnête de l’individu dans ses transactions.

Cette première partie nous a permis de définir la CSR et de montrer les liens entre CSR et
éthique. Plus précisément, il semble que la CSR puisse globalement être qualifiée d’éthique
tout en gardant à l’esprit que la motivation du consommateur responsable n’est pas forcément
désintéressée. D’autre part, la notion de consommation éthique est large et fait référence à un
autre champ de recherche que le nôtre. Pour ces raisons, nous préférons employer la notion de
CSR.

Pour encore mieux cerner le concept, nous souhaitons maintenant envisager la CSR sous
l’angle du consommateur. Nous allons donc étudier les différents sens que l’individu donne à
cette pratique.

2. LA CSR : QUEL SENS POUR LE CONSOMMATEUR ?

Il semble que différentes motivations puissent amener un individu à pratiquer une


consommation responsable. La littérature sur le boycott propose trois pistes que nous
présenterons ici : une motivation instrumentale, expressive et la volonté de s’affirmer. Dans
un dernier temps, nous étudierons les perspectives d’analyse offertes par les travaux sur la
post-modernité.

2.1 Un outil pour faire changer les choses

Un premier objectif poursuivi par un consommateur socialement responsable est la volonté de


« changer les choses ». Dans ce cas de figure, c’est l’envie d’agir efficacement en faveur
d’une cause sociale ou environnementale qui motive l’individu. Cet aspect instrumental de la
CSR n’a, semble-t-il, pas été abordé pour le cas global de la CSR mais uniquement pour le
cas plus précis du boycott.
D’après Friedman (1991), un boycott peut poursuivre des objectifs de type instrumental. Dans
ce cas, les individus tentent, à travers leur boycott, de contraindre l’entreprise ou le pays ciblé

55
à modifier son comportement. La consommation représente alors un outil d’action pour
l’individu dans ses rapports avec les entreprises ou même avec certains pays. Les
modifications demandées sont d’ailleurs souvent exprimées en termes clairs et précis par les
boycotters (Klein, Smith et John, 2002). Cette approche a été testée empiriquement par Klein,
Smith et John (2004) : ils montrent que la volonté d’utiliser sa consommation pour
contraindre une entreprise à modifier son comportement est un déterminant significatif de la
décision de boycott. Autrement dit, plus un individu pense que la consommation peut
efficacement obliger une entreprise à changer de comportement, plus il aura tendance à
pratiquer le boycott.
L’exemple de boycott de Shell en 1995 illustre bien l’approche de la consommation comme
outil pour « faire changer les choses ». Lorsqu’en 1995, Shell décide de couler sa plate-forme
pétrolière Brent Spar en mer du nord, Greenpeace lance en Allemagne et en Scandinavie une
large campagne de boycott pour dénoncer l’impact écologique d’une telle décision. Après
deux mois de conflit, une baisse de 20% de ses ventes, et une image très dégradée, Shell
accepte finalement de démonter sa plate-forme pièce par pièce. Dans ce cas précis, le boycott
a été mené afin de contraindre le groupe Shell à modifier sa décision concernant sa plate-
forme et est parvenu à atteindre cet objectif.

2.2 Un moyen d’expression

• Le cas du boycott
Les objectifs poursuivis à travers le boycott peuvent également être de type expressif
(Friedman, 1991). Dans ce cas, le boycott est un outil de « protestation pour communiquer
son mécontentement avec les actions de la cible » (Klein, Smith et John, 2002). Les individus
ne cherchent donc pas à modifier le comportement de l’entreprise, mais simplement à
exprimer leur opinion. Cette facette du boycott est particulièrement soulignée par la définition
qu’en donne Garrett (1987) : « c’est un refus concerté, mais non obligatoire, par un groupe
d’acteurs de mener des transactions commerciales avec un ou plusieurs autres acheteurs dans
le but de communiquer son mécontentement vis-à-vis de certaines politiques de la cible ».
Le rôle communicatif du boycott a également été largement souligné dans les travaux de
Amirault-Thébault (1999). Cet auteur analyse le boycott comme un mode de communication
ascendant, c’est-à-dire remontant du consommateur vers l’entreprise et propose d’interpréter
celui-ci à travers les principes de l’Analyse Transactionnelle. Cette dernière analyse les
transactions possibles entre deux personnes sur la base des trois éléments qui composent la

56
personnalité : le Parent, l’Adulte et l’Enfant (Berne, 1977). Le Parent est le gardien des
normes, des valeurs parentales traditionnelles, des règles sociales établies. Son mode
d’expression est le plus souvent affirmatif et déclaratif, voire autoritaire. L’Adulte est l’état du
rationnel, de la logique, de l’objectif, de l’analytique. Son mode d’expression le plus fréquent
est interrogatif. Enfin, l’Enfant est l’état de l’émotionnel, des sentiments, des sensations, de la
sensibilité et de la créativité. Il se soumet ou se rebelle. L’expression de l’Enfant naturel est
impulsive, sans préjugé, ni censure. L’analyse transactionnelle va servir à décoder :
- dans quel état (Parent, Adulte ou Enfant) et sous-état du Moi (Parent autoritaire ou
nourricier, Enfant soumis, rebelle ou naturel) se situe le consommateur
- dans quel état et sous-état du moi il place l’organisation à laquelle il s’adresse.
Le boycott de la société Benetton peut, par exemple, être analysé comme une transaction
Parent-Enfant. L’entreprise se présente comme un Enfant turbulent, provocateur, qui
s’exprime sans censure. Elle cherche à interpeller l’Enfant naturel et rebelle du
consommateur. Mais à travers le boycott, c’est le Parent critique du consommateur qui lui
répond. Le consommateur est offusqué par les publicités de la firme, qu’il juge provocatrices
et non éthiques. En boycottant la firme, l’état Parent du consommateur fait la morale,
admoneste l’entreprise et fustige son infantilisme.

• La CSR comme vote sur le marché.


De façon plus globale, la consommation socialement responsable a été envisagée comme un
vote de l’individu sur le marché. En effet, d’après Dickinson et Hollander (1991) et Dunfee
(1998), les individus expriment à travers leur consommation leurs croyances sur ce qui est
bon et ce qui est mauvais, sur ce qui est désirable et sur ce qui ne l’est pas. A chaque achat
guidé par de telles croyances, le consommateur envoie un signal sur le marché et vote ainsi
pour la cause qui lui tient à cœur. Un individu, en achetant à une entreprise engagée pour une
cause particulière, ou en boycottant, exprime par exemple son soutien pour cette cause. La
difficulté réside cependant dans l’interprétation des achats des consommateurs. Toutes nos
acquisitions ne sont pas toujours guidées par une motivation socialement responsable. Dans
ce contexte, il est donc particulièrement délicat de savoir si, à travers un achat particulier, le
consommateur a réellement voté pour une cause ou n’a pas été guidé par d’autres critères
d’achat. Cette approche, un peu abstraite de la CSR, souligne néanmoins le rôle d’expression
joué par celle-ci.

57
2.3 Une façon de s’affirmer

En dehors des motivations instrumentales et expressives, il semble que la CSR soit parfois
également employée comme une façon de s’affirmer, de se valoriser personnellement. Dans
ce cas, le consommateur responsable agit pour lui sans forcément chercher un destinataire à
ses actes. Brooker (1976) montre ainsi que les individus ayant un score élevé sur une échelle
de valorisation personnelle (self actualization) pratiquent davantage une consommation
responsable. La notion de valorisation personnelle fait ici référence aux travaux de Maslow
(1970) et désigne la tendance des individus à satisfaire des besoins d’ordre supérieur dans une
logique d’accomplissement personnel.
Les travaux sur le boycott confirment également l’existence d’un troisième jeu de motivations
à la CSR. Plusieurs chercheurs ont en effet étudié le comportement de boycott comme une
façon de se réaliser, d’exister. Kozinets et Handelman (1998), par exemple, montrent que
certains consommateurs envisagent cette pratique comme un moyen de se différencier des
autres, de se placer au dessus : le boycott est alors une fin en soi. Dans la lignée de Smith
(1990), Klein, Smith et John (2002) identifient une motivation « main propre » (« clean
hands ») : le boycott permet au consommateur de se sentir bien avec lui-même au sujet de ses
actes et d’éviter de ressentir de la culpabilité. Il ne s’agit pas uniquement de se sentir bien face
aux regards extérieurs, mais également d’être en accord avec soi même.
Les travaux de Cissé-Depardon (2004), menés dans un contexte français, suggèrent également
que le boycott sert à se réaliser personnellement, à affirmer sa cohérence. Le consommateur
ne recherche alors pas l’efficacité dans l’action, mais désire simplement que ses actes soient
en accord avec ce qu’il est ou ce qu’il pense être.

2.4 La CSR à la lumière du paradigme post-moderne

2.4.1 Introduction à la pensée post-moderne

La postmodernité désigne la condition sociale qui a émergé dans les pays riches d’Europe et
d’Amérique du nord au cours du 20ème siècle et qui s’est réellement mise en place dans la
seconde moitié du siècle. Ce terme met l’accent sur la continuité et la discontinuité entre cette
période et celle qui l’a précédée, la modernité (Cova, 1995). La modernité, condition sociale
ayant régi nos sociétés entre la fin du 18ème et le début du 20éme siècle, est caractérisée par une
foi dans le progrès technique, dans l’innovation, jugés capables de libérer l’homme de
l’ignorance et de lui permettre de le dégager de l’entrave des liens traditionnels (village,

58
quartier..). La post-modernité intervient donc après cette phase du « mythe du progrès
scientifique », et de la montée de l’individualisme qu’il a généré. Les auteurs en marketing
présentent généralement la culture post-moderne à travers 5 caractéristiques (Firat, 1991, Firat
et Venkatesh, 1995, Rumbo, 2002) :

• L’hyperréalité : ce concept désigne le pouvoir de la simulation pour se représenter le


réel. Le réel est reproduit, embelli et souvent préféré à la réalité. La société de consommation
se crée ainsi une propre réalité, souvent à l’aide des nouvelles technologies. Comme l’exprime
Cova (1996), « nous souhaitons secrètement ne plus être confrontés à l’original et à sa dure
réalité, pour lui préférer des artefacts plus édulcorés ». Par exemple, la publicité met en scène
des situations « plus réelles que réelles » (Firat et Venkatesh, 1995) ; de même les parcs de
loisirs et d’attraction attirent grâce à l’univers merveilleux qu’ils créent. Ainsi, la simulation
est souvent préférée à la réalité de l’individu (Firat, 1991).

• La fragmentation : cela désigne la déconnexion, la disjonction entre les choses et leur


contexte, leur histoire et leur origine (Firat, 1991). Dorénavant, chaque produit a une image
propre, et même plusieurs images en fonction des contextes d’utilisation. La vie du
consommateur est segmentée, fragmentée entre des moments disjoints. Les structures sociales
modernes, comme les classes sociales, par exemple, n’ont plus de sens.

• Le renversement de la production et de la consommation : pendant la modernité,


l’accent est mis sur la production, considérée comme une activité essentielle et utile. La
culture post-moderne renverse l’ordre des choses en plaçant la consommation au centre des
attentions. La consommation est considérée avant tout comme une activité productrice : elle
génère du lien social, des symboles, des codes sociaux. Ce n’est plus une activité profane
mais au contraire un moment de création de sens. A travers elle, l’individu se réalise, construit
son image.

• La décentralisation du sujet : alors que dans la période moderne, l’homme et ses


besoins sont au cœur des préoccupations, la pensée post-moderne met l’emphase sur l’objet.
L’homme n’est plus celui qui contrôle son univers. A l’inverse, les êtres humains sont soumis
aux objets. Ils ne sont eux-mêmes que des objets du processus de consommation. Celui-ci
impose les gestes de l’homme.

59
• Juxtaposition des contradictions : la pensée post-moderne est caractérisée par une
juxtaposition d’éléments totalement contradictoires. Nos émotions sont souvent mêlées, les
émissions de télévision mélangent les genres et les invités sans complexe, les publicités
adoptent des tons parfois totalement opposés (Firat, 1991). La postmodernité ne privilégie
jamais une perspective et au contraire valorise les différences, les incohérences.

2.4.2 L’interprétation de la consommation dans la pensée post-moderne

La pensée post-moderne nous intéresse particulièrement pour le cadre d’analyse de la


consommation qu’elle offre. Ce courant de pensée met en évidence le rôle fondamental de
cette activité au sein de nos sociétés et lui reconnaît différentes fonctions que nous allons
mettre en relation avec la CSR.

• La consommation comme moyen d’expression identitaire.


Baudrillard en 1970 fut probablement le premier à souligner le rôle social de la
consommation. Dans son ouvrage « Société de consommation, ses mythes, ses structures », il
remet en question la vision naïve de l’homo oeconomicus, uniquement centrée sur la théorie
des besoins et de la satisfaction. Au contraire, il propose une autre logique d’interprétation de
la consommation, centrée sur la valeur « signe » des objets. Dans cette vision, les objets ne
sont plus liés uniquement à une finalité fonctionnelle mais remplissent aussi un rôle
d’expression. Ils communiquent un code social et véhiculent donc de l’information sur le
possesseur. Ainsi, comme le résume Baudrillard (1970) :

« La circulation, l’achat, la vente, l’appropriation de biens et d’objets/signes différenciés


constituent aujourd’hui notre langage, notre code, celui par où la société entière communique
et se parle ».

Ainsi, selon Baudrillard (1972), pour comprendre le comportement d’achat, il ne faut pas se
contenter uniquement d’une logique basée sur la valeur d’échange ou la valeur d’usage du
bien. Une analyse globale des comportements exige, selon cet auteur, l’intégration des
dimensions symboliques et signifiantes (Filser, 1994). Notamment, il faut garder à l’esprit que
l’acquisition de certains biens confère un statut social à l’acheteur, ce qui met en évidence
l’existence d’une « valeur signe » à certains actes de consommation.

60
Par la suite, les auteurs post-modernes ont largement approfondi cette vision de la
consommation comme outil d’expression. Plus particulièrement, le rôle de communication
des valeurs personnelles a été étudié par Belk (1988). Cet auteur envisage nos possessions
comme constitutives de notre identité. Les objets que nous possédons font partie de ce que
Belk appelle le « moi étendu », c’est-à-dire « le corps, les processus internes, les idées, les
expériences et les personnes, places et objets à qui on se sent attachés ». Dans cette approche,
les objets sont une partie de nous-mêmes. Entre autres conséquences, cela signifie que nos
possessions reflètent qui nous sommes, notre personnalité, nos valeurs.
Cette vision place la consommation au cœur du processus identitaire. L’individu se dévoile
aux autres à travers ses possessions. Il exprime à la fois sa personnalité et ses liens aux autres
dans ses choix de consommation (Firat, 1991).
Comme nous l’avons montré précédemment, la CSR s’inscrit pleinement dans ce cadre
d’analyse. Elle a souvent été interprétée comme un vote sur le marché, ce qui prouve sa valeur
communicative. La CSR permet d’envoyer un message à un destinataire précis, comme une
entreprise par exemple (Garrett (1987), Amirault-Thébault (1999)). C’est aussi une façon
d’exprimer ses idéaux, d’être en accord avec soi-même sans viser de destinataire particulier
(Kozinets et Handelman (1998), Klein, Smith et John (2002), Cissé-Depardon (2004)). La
CSR fournit donc au consommateur un moyen de se réaliser, d’exprimer ses valeurs
conformément à la vision post-moderne.

• La consommation comme outil de lien social.


La modernité, en prônant la libération de l’individu par le progrès social, s’est accompagnée
d’une forte montée de l’individualisme dans nos sociétés. En effet, comme l’explique Cova
(1995), les produits et services issus de l’innovation technologique ont progressivement
dégagé l’individu de toutes les tâches créatrices de contact humain. L’achat, la lessive peuvent
désormais être effectués du domicile sans aucun rapport physique avec quiconque. La
modernité a donc créé un isolement important des individus. Face à cela, la post-modernité
marque, pour certains auteurs (Mafessoli (1988), Cova (1995) le retour du communautarisme.
Lassés de vivre isolés, les individus seraient à la recherche éperdue de lien social. Et la
consommation serait au cœur de cette tendance. Ainsi, d’après Cova (1995), les produits et
services générateurs d’interaction sociale sont activement recherchés, contrairement à ceux
qui isolent. Dorénavant, « pour satisfaire leur désir de communauté, les individus post-
modernes recherchent des produits et services moins pour leur valeur d’usage que pour leur
valeur de lien », (Cova, 1995).

61
La CSR peut, semble-t-il, s’analyser comme une manifestation de ce désir communautaire.
Par exemple, le boycott en tant que mouvement collectif, est complètement représentatif de
cette analyse. Les travaux de Cissé-Depardon (2004) révèlent en effet que la décision de
participer dépend de facteurs collectifs tels que la volonté de faire comme ses proches. De
même, Sen, Gürhan-Canli et Morwitz (2001) démontrent le rôle de la participation attendue
dans la décision de participer ou non à un boycott. Ces résultats montrent la dynamique
sociale du boycott et nous incitent à penser que les autres comportements de consommation
responsable peuvent aussi être des manifestations de cette recherche d’interaction sociale.
Envisager le consommateur responsable comme un individu à la recherche de lien
communautaire revient à penser que l’individu se crée, à travers ses achats, une appartenance
à un groupe qu’il se définit lui-même : appartenance à la communauté des « verts », des
« boycotters », du groupe des défenseurs des conditions de travail, etc. Sans aller si loin, le
simple fait que le consommateur responsable exprime ses idéaux à travers ses achats montre
l’aspect social de la CSR. L’individu en exprimant ses valeurs, ses préoccupations à travers sa
consommation, créé implicitement un destinataire à ses actes d’achat. Ainsi, la CSR est aussi
une façon pour l’individu de rentrer en contact avec autrui, de briser son isolement et
l’anonymat de ses achats. Ces considérations nous laissent donc supposer que la CSR peut
être interprétée comme une recherche d’interaction sociale.

• La consommation comme outil de résistance du consommateur.


La société de consommation a été envisagée par certains auteurs comme une structure de
domination. De Certeau (1980) a initié, semble-t-il, ce courant de pensée dans son ouvrage
intitulé « L’invention du quotidien ». Le point de départ de cet ouvrage est que le système
productif cherche à soumettre et à dominer le consommateur. On tente de lui imposer de
nouveaux besoins, de contrôler son mode de vie à travers des objets toujours plus élaborés et
plus nombreux. La société de consommation pousse à une conformité des modes de vies. Elle
est décrite comme « un monde dégradé sans espoir ou signification, une région si corrompue
et malfaisante au point d’être virtuellement inintelligible » (Poster, 1992). De façon plus
concrète, certains auteurs contemporains ont explicité pourquoi et comment le système
productif actuel tente de nous dominer. Au départ de cette vision se trouve l’idée que le
marketing oppresse le consommateur en le manipulant et en le forçant à consommer. Les
publicités, par exemple, envahissent nos esprits et le contrôlent inévitablement malgré les
tentatives d’évitement publicitaire de certains consommateurs. Les publicités cachées dans
certains films ou encore les parodies publicitaires en sont quelques exemples (Rumbo, 2002).

62
De même, la société de consommation est à l’origine d’une pollution inutile et est accusée de
favoriser la montée du matérialisme ou encore de générer des maladies comme l’obésité. Le
marketing est considéré comme trompeur et provoquant une consommation inutile (Dobscha,
1998).
Dans cette vision du marketing et du marché comme une structure de domination, l’individu
adopte un comportement de résistance, c’est-à-dire une « stratégie d’appropriation en réponse
à la structure de domination », (Poster, 1992). Les outils à disposition du consommateur pour
« résister » sont nombreux (Penazola et Price, 1993). Les principales façons dont un
consommateur peut résister sont récapitulées en tableau 4. De Certeau (1980) propose que la
résistance des consommateurs consiste à utiliser les objets dans un sens non prévu
initialement. Ainsi, les consommateurs auraient dans leur quotidien de multiples tactiques de
résistance, passant le plus souvent inaperçues. Ces stratégies de réappropriation des objets
font devenir les consommateurs des « immigrants », des étrangers dans leur propre pays : les
individus n’appartiennent plus à l’espace qu’ils occupent et sous domination du système
productif. La consommation est tout sauf un moment de destruction passive : c’est une
activité de création, d’action, de « poiësis » (Poster, 1992). Les travaux de Holt (2002)
s’inscrivent également dans cette lignée. D’après cet auteur, les individus se libèrent d’un
marketing dominateur en créant leur propre style de consommation. Le fait de ne pas se plier
aux diktats du marketing et de la mode mais au contraire de se créer ses propres pratiques de
consommation réduit la menace de domination. La libération des consommateurs vient donc
de pratiques de consommation différenciatrices.
Pour plusieurs auteurs, la véritable résistance du consommateur doit passer par un retrait du
marché. En effet, la seule façon d’échapper véritablement à la domination du marché est de
sortir de celui-ci. Les actes de rébellion du consommateur sur le marché contribuent en final à
cautionner le système (Ritson et Dobscha, 1999 et Rumbo, 2002). Les personnes résistant au
marketing vivent par exemple à la marge du marché : elles tentent de consommer le moins
possible en se contentant des produits indispensables, en achetant les produits non
transformés, ou encore en recyclant des vieux produits pour un nouvel usage (Dobscha, 1998,
Rumbo, 2002). Ce style de vie correspond à la pratique d’une « simplicité volontaire », c’est-
à-dire aux actions conformes à l’idée que « la satisfaction personnelle, l’accomplissement de
soi et le bonheur résultent d’un engagement avec les aspects non matériels de la vie »
(Zavestoski, 2002). Plus simplement dit, cela revient à consommer le moins possible pour
consacrer son existence à des choses moins matérielles.

63
Les tactiques de résistance sous forme de sorties du marché peuvent prendre des formes
moins extrêmes. Le boycott en est un exemple (Penaloza et Price, 1993, Hermann, 1993) :
dans ce cas, les consommateurs sortent du marché de l’entreprise pour obliger celle-ci à
modifier son comportement. La création d’organisations de substitution chargées de
« remplacer le marché » est un autre exemple (Hermann, 1993). Il s’agit par exemple des
coopératives d’achat créées pour obtenir des prix moins élevés pour les consommateurs,
d’unions de consommateurs chargées de fournir une information fiable sur les produits ou
encore d’unions de crédit destinées à offrir des crédits aux plus modestes.
Une autre forme de résistance possible du consommateur consiste à lutter contre la publicité.
Initialement, cette réaction provient de l’omniprésence des publicités dans nos sociétés et plus
globalement des excès du « branding ». Klein (2000) se fait le porte-parole du mouvement
anti-marques dans son célèbre ouvrage « No logo ». C’est souvent vers les grosses
multinationales que se dirigent les actions des groupuscules anti-pub (Holt, 2002). Celles-ci
sont en effet le symbole d’une logique marketing poussée à l’extrême et responsable de
conséquences très néfastes : uniformisation des cultures, pollution visuelle des panneaux
d’affichage, pollution environnementale, non respect du droit des travailleurs, manipulation
des désirs du consommateur, montée du matérialisme…L’action des mouvements anti-
marques se traduit souvent par des pratiques de « résistance culturelle » ou « détournement
culturel » ( culture jamming ) (Ritson et Dobscha, 1999, Klein, 2000, Rumbo, 2002). Il s’agit
essentiellement de parodier les publicités des grandes marques en créant un contre-message à
celui prévu initialement. Ces actes portent majoritairement sur les panneaux d’affichage, ceci
afin de montrer que la rue est un espace public et que l’on ne doit pas supporter passivement
cette invasion publicitaire. Les messages véhiculés sont divers mais tous critiquent les
pratiques ou valeurs de la firme attaquée. La figure 8 donne un exemple de détournement
publicitaire. Peretti (2004) donne un autre exemple de résistance culturelle qu’il a lui-même
pratiquée. En 2000, Nike propose à ses consommateurs de personnaliser leurs baskets en
offrant la possibilité d’y inscrire un mot de leur choix. Peretti a passé commande, sur le site
Internet prévu à cet effet, d’une paire de chaussures avec le mot « sweatshop » (usines à
sueurs en français) gravé dessus. Bien évidemment, Nike a refusé cette demande, mais cela ne
veut pas dire qu’un tel geste n’ait eu aucun impact. Peretti estime que plus de 11 millions
d’individus de toute nationalité ont eu connaissance de cette histoire par emails.

64
Auteurs (année) Forme de résistance Définition
étudiée
De Certeau Résistance du Ce sont toutes les tactiques adoptées au
(1980) consommateur : la poiétique quotidien pour détourner les objets de
leur fonction initialement prévue
Hermann (1993) Sortir du marché : boycott ou Résister consiste soit à boycotter, soit à
création de substituts développer des mécanismes de
substitution au marché : les unions de
consommateur pour avoir une
information juste, les coopératives
d’achat ou de crédit
Penazola et La résistance Nombreuses formes : boycott, achat de
Price (1993) produits plutôt que d’autres (achat de
poupées noires aux USA), bouche à
oreille, plainte, détournement du sens des
objets (décorer un réfrigérateur, acheter
des jeans déchirés..), parodier la publicité
Dobscha (1998) Résistance : consommer le Vivre à la marge du marché : refus
moins possible d’acheter des produits inutiles,
consommer moins que les doses
prescrites, acheter d’occasion,
coopératives de consommateurs…
Ritson et Résistance Revient à détourner les logos de marque,
Dobscha (1999) les slogans pour donner un autre message
Holt (2002) Résistance C’est une libération qui vient des
multiples modes de consommation. En
devenant plus créatif, singulier, le
consommateur se différencie et se libère
Rumbo (2002) Anti-consommation C’est le fait de sortir du marché pour
véritablement échapper à la manipulation
publicitaire : exemple, action de
Adbusters aux Canada (journées sans
consommation), culture jamming
Peretti (2004) Résistance culturelle Promouvoir un changement en faisant
(Culture jamming) prendre conscience aux consommateurs
des pratiques des entreprises ou de l’état,
à travers l’humour. Cela consiste souvent
donc à détourner les logos, slogans du
marketing pour parodier une marque.
Peretti (2004) demande à Nike de faire
inscrire sur ses baskets le mot
« sweatshop » (usine à sueur)
Tableau 4: Principales recherches sur la résistance du consommateur

La résistance du consommateur prend donc des formes multiples (Penazola et Price, 1993)
qu’il s’agisse de lutter en sein du marché ou de sortir de celui-ci. Le boycott est une des
manifestations possibles de cette résistance. Cela montre donc que certains actes de CSR
peuvent correspondre à des actes de résistance. Si on ne peut pas assimiler CSR et résistance

65
du consommateur, il semble que ces deux concepts soient théoriquement proches. La CSR ne
part pas du principe que le marketing est une structure de domination, mais il semble que ces
deux concepts se manifestent parfois par des comportements semblables.

Figure 8 : Exemple de détournement publicitaire d’auteur inconnu (à droite), s’appuyant sur une
campagne d’affichage menée par Leclerc en 2004 (à gauche)

• La consommation comme recherche d’émotions


Dans le paradigme post-moderne, les individus de nos sociétés sont à la recherche d’émotions.
Cette quête d’inattendu, de sensations se retrouve dans la consommation (Hetzel, 1996). Le
consommateur n’est pas réductible à un « homo economicus » mu uniquement par une
rationalité économique. Il est aussi un être sensible, à la recherche d’offres intégrant cette
dimension. Cette vision du consommateur post-moderne peut être rapportée à la notion de
consommation expérientielle (Firat, 1991). En effet, pour décrire les achats, les modèles
classiques insistent trop sur le processus d’information du consommateur et pas suffisamment
sur la composante affective (Holbrook et Hirschman, 1982). La notion d’expérience de
consommation met l’emphase sur la recherche de plaisir et d’émotions à travers l’acte

66
d’achat. De plus, elle reconnaît le rôle primordial de l’individu dans la production de la
satisfaction. Les caractéristiques intrinsèques de l’objet ne suffisent plus pour prédire l’utilité
qu’il procurera au consommateur ; il faut également prendre en compte des facteurs
situationnels et propres à l’individu (Filser, 1994).
Le lien entre CSR et consommation expérientielle n’est pas direct. On peut cependant penser
que la CSR traduit dans certains cas la recherche d’émotions du consommateur. Lorsque
celui-ci intègre, dans ses achats, des thèmes tels que le travail des enfants ou le respect de
l’environnement, il introduit une dimension émotionnelle à sa consommation. En effet, les
sujets de préoccupation du consommateur responsable sont souvent des thèmes sensibles et
peuvent provoquer des sentiments divers: culpabilité, compassion, colère, honte, pitié, fierté
d’avoir bien agi…Les comportements de CSR ne sont, sans aucun doute, pas uniquement
motivés par la recherche d’émotions. Cependant, il est probable que cette dimension joue un
rôle, qu’il conviendrait d’explorer.

Cette deuxième partie avait pour objet de mettre en évidence toutes les significations de la
CSR pour le consommateur. Trois grandes voies ont été explorées par la littérature : l’aspect
instrumental, l’aspect expressif et l’aspect personnel. D’autre part, le paradigme post-moderne
offre un cadre d’analyse particulièrement adapté à la CSR. Plus particulièrement, les auteurs
post-modernes ont montré le rôle primordial de la consommation dans nos sociétés : elle sert
entre autres à exprimer ses valeurs, à recréer un lien social, à résister et à se procurer des
émotions. La CSR, à travers ses différentes facettes, remplit chacune de ces fonctions.
Maintenant que le concept de CSR a été défini académiquement et décodé sous l’angle du
consommateur, nous souhaitons aborder une perspective plus concrète. Ainsi, la troisième
partie de premier chapitre sera consacrée à la réalité de ce mouvement de consommation dans
notre société

3. LA CSR : UNE TENDANCE DE CONSOMMATION CONCRETE

Dans cette troisième partie, nous répondons à la question « qu’est-ce que la consommation
socialement responsable ? » sous un angle très pragmatique. Nous allons présenter les
manifestations concrètes de cette tendance de consommation en deux temps. Tout d’abord,
nous présenterons les racines de la CSR, puis nous tenterons de quantifier cette forme de
consommation dans les sociétés contemporaines.

67
3.1 Les racines de la CSR

3.1.1 Utiliser sa consommation à des fins politiques : un phénomène ancien

La consommation socialement responsable a été conceptualisée par la recherche en marketing


au milieu des années 1970 et prend de l’ampleur dans nos sociétés actuelles. Cependant, le
fait d’utiliser sa consommation pour militer en faveur d’une cause déterminée n’est pas un
phénomène nouveau. Une perspective historique montre que par le passé les consommateurs
ont souvent utilisé leur pouvoir d’achat pour atteindre une fin précise. Même s’il ne s’agissait
pas toujours de défendre des objectifs altruistes, nous pouvons penser que ces mouvements de
consommateurs constituent une des origines de la CSR. Citons quelques cas célèbres où les
individus ont utilisé leur consommation comme arme politique.
Un premier cas historique de boycott a eu lieu pendant la période coloniale au 18ème siècle
(Witkowski, 1989). La Grande Bretagne possédait 13 colonies sur le territoire américain en
1764. Ces colonies, composées à l’origine de puritains, vivaient en relation étroite avec la
nation mère : l’essentiel des produits importés provenaient des autres colonies britanniques. Il
s’agissait alors essentiellement de matières premières telles que vin, sel, laine, coton, sucre,
lin. Cependant, entre 1764 et 1776, les colonies ont suivi une stratégie de non importation vis-
à-vis de la nation mère afin de protester contre les politiques d’imposition de celle-ci. Plus
précisément, les colonies refusaient l’application du Stamp Act adopté en 1765 et du
Townshend Act en 1767, actes législatifs imposant respectivement des taxes sur les livres,
cartes, journaux, publicité et sur le verre, cuir, papier et thé. Le mouvement de non
importation a été très suivi puisque dans les années 1768-1770, les importations ont chuté de
moitié et ont été presque divisées par 4 entre 1774 et 1775. L’idée des colons était d’infliger
des pertes économiques importantes aux marchants et fabricants anglais afin que ceux-ci
fassent pression en retour sur le parlement. Très vite, le pouvoir royal considère les
Américains comme des rebelles et expédie en Amérique d'importantes troupes anglaises. En
1776, le mouvement patriote déclare que tout lien est rompu avec la couronne et s’affirmera
au point de fonder un état indépendant.

Un autre cas célèbre de boycott est celui-là même qui a donné naissance au terme « boycott »
(Amirault-Thébault, 1999). En 1880, le capitaine Charles Cunningham Boycott, intendant de
domaines agricoles à l’ouest de l’Irlande, est mis à l’index par la Ligue agraire. A la suite de
très mauvaises récoltes, la ligue demanda à M. Boycott de réduire les loyers de fermage de

68
25%, ce qu’il refusa de faire. Défense fut alors faite à tout irlandais, sous peine de mort, de
fournir à cet intendant non seulement du travail, mais des vivres, en raison de sa dureté
inhumaine envers les petits fermiers. Ce dernier ne trouva plus ni serviteurs, ni ouvriers, ni
laboureurs, ne pouvant rien acheter même à prix d’or.

Le mouvement des ligues sociales d’acheteurs, né au début 20ème constitue également un cas
particulièrement intéressant. Ces ligues sont nées aux Etats-Unis en 1891 avant de s’étendre
en Europe. Elles étaient composées essentiellement de femmes, dont l’objectif premier était
de défendre le droit des travailleurs à travers leur consommation. Concrètement, ces ligues
élaboraient des listes de magasins respectant ses travailleurs, appelés « listes blanches ». Les
membres de la ligue incitaient les consommateurs à n’acheter qu’auprès de ces magasins. Ils
recommandaient également de ne pas faire ses achats le samedi après-midi et le dimanche, de
ne pas faire ses courses aux heures de pointe pour ne pas surcharger les vendeuses, de ne pas
chercher les prix les plus bas (Chessel, 2004). Ces ligues considéraient la consommation
comme une véritable arme politique et tentaient d’éveiller les consciences des individus à cet
égard. Le raisonnement était que « puisque chaque acte de consommation est indissociable
d’un acte de production, les consommateurs étaient de facto des employeurs, indirectement
responsables du bien-être des producteurs », (Glickman, 2004). Les ligues ne se faisaient
cependant pas d’illusion sur le comportement non éthique des consommateurs. L’influence
des ligues est restée mineure, mais leur ambition était véritablement d’instaurer une
consommation socialement responsable.

Dans certains cas, des individus ont utilisé et uni leur pouvoir d’achat à des fins moins
glorieuses. Citons, par exemple, le cas du boycott des magasins juifs décrétés en Allemagne
par les nazis le 1er avril 1933. La consommation a aussi joué par le passé un rôle dans certains
conflits entre états. Par exemple, le boycott des entreprises ayant un lien avec Israël par les
pays de la ligue arabe fut de grande ampleur. Dès 1933, des groupes palestiniens organisent le
boycott d’un marché juif de la banlieue de Jaffa pour protester contre l’immigration juive.
L’année suivante, en octobre 1934, la Fédération arabe du travail bloque l’entrée d’entreprises
juives et lance l’appel général au boycott. C’est en 1949 que la Ligue arabe établit « une liste
noire » des entreprises commerçant avec Israël. Elle a été régulièrement mise à jour. En 1976,
cette liste comprenait plus de 6000 entreprises, dont 2000 aux Etats-Unis et 350 en France.

69
3.1.2 L’influence du consumérisme

Une autre racine de la CSR réside, semble-t-il, dans le mouvement consumériste. Si les deux
termes désignent des phénomènes bien distincts, on peut penser que le consumérisme a
contribué à l’essor actuel de la CSR (Puig, 2001).
Le consumérisme désigne toutes les actions visant à « augmenter le droit et le pouvoir des
acheteurs en relation avec les vendeurs » (Kotler, 1972). Ce mouvement, né après la seconde
guerre mondiale, est marqué dans les années 60 par les actions de l’avocat Ralph Nader
dénonçant le caractère dangereux des automobiles de General Motors. Le président américain
Kennedy a ensuite défini en 1972 les droits fondamentaux du consommateur : droit à la
sécurité, droit à l’information, droit de choisir et droit d’être entendu. En France, l’Etat a
donné une double impulsion à ce mouvement en créant en 1951, l’Union Fédérale des
Consommateurs née du regroupement des associations familiales d’origine chrétienne, des
syndicats et des coopératives et par la suite, en 1966, l’Institut National de la Consommation.
Entre 1960 et 1980, le mouvement consumériste se consolide, notamment grâce aux revues
« Que choisir ? », publiées par l’UFC et « 50 millions de consommateurs »17 édité par l’INC.
Le mouvement consumériste est né en réaction aux abus de la production et de la distribution
dans un contexte de consommation massive (Graby, 1997). Les consommateurs, ne pouvant
plus se défendre de façon isolée, se sont regroupés et ont fait appel à l’Etat pour assurer leur
protection. Le consumérisme intervient principalement dans 3 domaines d’action (Gilardi,
Koehl et Koehl, 1995):
- l’information du consommateur, qui s’applique au prix, aux conditions de vente et aux
limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle.
- la protection du consommateur contre la publicité mensongère ou contre certaines formes
de vente
- la sécurité du consommateur par le contrôle des produits vendus, notamment par la
Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des
Fraudes (D.G.C.C.R.F)
Avant tout, le consumérisme a donc pour vocation de défendre les intérêts des consommateurs
et en cela, se distingue clairement de la CSR. Rappelons que celle-ci représente un
comportement du consommateur destiné à prendre en compte les intérêts de l’environnement
social ou physique. Les objectifs poursuivis sont donc réellement différents : le consumérisme
vise la défense des intérêts des consommateurs, alors que la CSR est pratiquée par les

17
Aujourd’hui, la revue s’appelle « 60 millions de consommateurs ».

70
consommateurs pour défendre les intérêts d’autres catégories d’individus. La logique n’est
donc pas du tout identique entre les deux phénomènes. Ces deux mouvements sont pourtant
liés. En effet, de plus en plus, le mouvement consumériste intègre des préoccupations
éthiques. Avec le temps, les militants consuméristes ont élargi leur domaine d’action vers des
thèmes tels que l’écologie, les conditions de fabrication des produits, la défense des droits de
l’homme. Les mouvements consuméristes ont, par exemple, adhéré au collectif d’associations
menés par Artisans du monde « De l’éthique sur l’étiquette », qui milite contre l’exploitation
des enfants et des prisonniers par les fournisseurs des grandes marques d’habillement (Thiery-
Seror, 2000). Le consumérisme s’est également positionné en faveur du commerce équitable,
avec notamment un dossier spécial sur ce thème dans la revue « 60 millions de
consommateurs » en mai 2005. Les consuméristes oeuvrent aussi en faveur de la défense de
l’environnement physique (Kotler, 1972, Day et Aaker, 1997, Nicholls, 2002). Ainsi, peu à
peu, les thèmes défendus par les organisations consuméristes et les consommateurs
socialement responsables s’entrecroisent, à tel point que de nombreux auteurs emploient
l’expression de « consumérisme éthique » ou « consumérisme politique » ( Strong, 1996,
Nicholls, 2002, Auger et al., 2003, Carrigan, Szmigin et Wright, 2003, Stolle et Hooghe,
2004). Ce terme renvoie globalement à notre définition de la CSR.

Les travaux de Kotler (1972) fournissent indirectement une explication au rapprochement des
causes consuméristes avec celles des consommateurs responsables. Les deux mouvements
sont en fait reliés par la notion de « marketing sociétal ». Pour Kotler (1972), la montée du
consumérisme doit, en effet, conduire les entreprises à adopter une nouvelle logique d’action
favorisant « la satisfaction du consommateur et son bien-être à long terme pour atteindre la
profitabilité à long terme ». Pour l’entreprise, cet objectif de bien-être à long terme du
consommateur passe par la « prise en considération de critères sociaux et écologiques dans le
produit et la planification marketing » (Kotler, 1972). Or, cette démarche de l’entreprise
correspond exactement aux attentes du consommateur responsable. Ainsi, consuméristes et
consommateurs responsables visent tous deux un comportement responsable de la part des
entreprises. La fabrication de produits peu polluants à emballage recyclable répond donc à la
fois aux aspirations du CSR et des mouvements consuméristes. Il en est de même pour des
produits présentant des garanties sociales.
Un autre point commun entre consumérisme et CSR réside dans le fait d’utiliser sa
consommation comme levier d’action. Les organisations consuméristes appellent
régulièrement au boycott de certaines marques ou de certaines catégories de produits et

71
services (Graby, 1997): boycott du paiement des factures d’eau en 1967, celui du vin à
l’amiante et des colorants en 1976, des aérosols en 1977 et plus récemment le boycott des
mini-messages sur les téléphones portables ou SMS le 9 mai 2004 en raison de leur coût jugé
excessif.

Ces considérations nous amènent à penser que CSR et consumérisme ne sont donc pas des
concepts si éloignés l'un de l’autre, malgré des logiques d’action à priori bien distinctes. En
réalité, il semble que le mouvement consumériste a abouti à une législation importante de
défense du consommateur. Il s’ouvre donc de plus en plus à des considérations plus éthiques,
chèress aux consommateurs responsables comme par exemple, l’écologie et les conditions de
fabrication. Cette piste de réflexion envisage donc la CSR comme une tendance de
consommation ayant puisé ses racines dans le consumérisme.

3.2 La CSR : une pratique bien réelle

3.2.1 Un segment de consommateurs difficile à quantifier

• Les résultats d’instituts de recherches et d’enquêtes

L’ampleur de la CSR dans nos sociétés est difficile à cerner pour une raison bien simple:
lorsqu’ils sont interrogés sur ce sujet, les individus ont tendance à se déclarer bien plus
socialement responsables qu’ils ne le sont vraiment. L’existence d’un biais de désirabilité
sociale sur le thème de la CSR est largement reconnu et rend difficile la quantification du
segment des consommateurs réellement socialement responsables (Roberts, 1996, Auger,
Burke, Devinney et Louvière, 2003, Carrigan et Attalla, 2001, Boulstridge et Carrigan, 2000,
Mohr, Webb et Harris, 2001, Robert-Demontrond et Basset, 2004). De nombreuses enquêtes
ont été menées sur le thème de la consommation éthique au cours des 10 dernières années par
des organismes tels que IPSOS, le CREDOC (Centre de Recherche pour l’Etude et
l’Observation des Conditions de Vie) ou le CRC-Consommation. Les résultats obtenus
montrent que les consommateurs français se déclarent très préoccupés par l’éthique dans leurs
achats. Il faut bien sûr interpréter les chiffres obtenus avec précaution car ils représentent des
déclarations des individus et non leurs comportements réels. En 1992, les résultats d’une
étude du CREDOC indiquent que 39.7% des personnes interrogées sont incités à acheter un
produit lorsque le fabricant soutient une cause humanitaire, 46.2% lorsqu’il soutient une cause
écologique.

72
Les enquêtes plus récentes aboutissent à des chiffres comparables. En 2001, une autre étude
du CREDOC révèle que 62.4% des personnes interrogées seraient prêtes à éviter d’acheter les
produits d’une entreprise ayant manqué à ses obligations sociales ou environnementales. Une
enquête de IPSOS sur les consomm’acteurs européens, menée en avril 2004, indique que 39%
des français prennent en compte les conditions de fabrication du produit dans leurs achats, et
que 38% font attention au pays d’origine du produit. Plus globalement, 38% des français
déclarent prendre en considération les engagements de « citoyenneté » 18 des entreprises dans
leurs achats industriels selon une étude du CREDOC réalisée début 2002. L’institut IPSOS/
Fleishman-Hillard aboutit au chiffre voisin de 41% (enquête menée en juillet 1999).
En janvier 1998, le CRC-Consommation s’est intéressé au pourcentage de prix que les
consommateurs français sont prêts à payer en plus en échange de la garantie que le produit n’a
pas été fabriqué par des enfants. Pour une paire de baskets à 200 francs, ils sont 16% à
accepter un supplément de prix de 5%, 12% pour un supplément de 12% et 43 % pour un
supplément de 20%.
Récemment, le cabinet de conseil spécialisé en marketing éthique, Ethicity, a réalisé une
typologie des consommateurs en matière de CSR, à partir d’une enquête réalisée sur 4500
français. 8 groupes de consommateurs sont mis en évidence, parmi lesquels 3 sont qualifiés de
« responsables ». Les résultats disponibles sur le site Internet19 du groupe ne dévoilent pas les
critères retenus pour distinguer les consommateurs responsables. Il est donc difficile
d’interpréter avec précision les résultats obtenus. Cette étude sera présentée plus amplement
en chapitre 3. Retenons seulement pour l’instant que, d’après ces travaux, les consommateurs
« engagés » représenteraient 40% de la population.
L’ensemble de ces résultats d’enquête converge pour montrer qu’au moins 40% de la
population déclare pratiquer une consommation responsable, sous une forme ou sous une
autre. Cependant, dans quelle mesure ces chiffres reflètent-ils réellement les pratiques
quotidiennes des français ? Peut-on faire confiance aux déclarations des individus sur un tel
sujet ? Robert-Demontrond et Basset (2004) montrent l’existence de différents biais dans les
enquêtes menées sur ce domaine : biais d’échantillonnage, lié au fait que les répondants sont
en général les personnes les plus intéressées par le sujet concerné, et biais de désirabilité

18
Les engagements de citoyenneté définis par le CREDOC étaient les suivants : ne pas avoir recours au travail
des enfants, produit fabriqué en France, respect des conditions de travail des salariés, fabrication non polluante,
aide à la recherche médicale, aide aux personnes en difficulté, aide au tiers monde, fabrication européenne, ne
pas faire souffrir les animaux, aide aux activités culturelles et sportives.
19
http://www.ethicity.net/comprendre.php

73
sociale. On comprend en effet la gêne éprouvée et la difficulté à répondre négativement face à
des questions du type : « êtes-vous sensibles dans vos achats au travail des enfants ? ».

• Les résultats académiques

Certains chercheurs ayant travaillé sur le thème de la CSR ont tenté d’évaluer la proportion
représentée par les consommateurs responsables au sein de nos sociétés. Les résultats
semblent plus conformes à la réalité.
La typologie de Roberts (1995), réalisée sur un échantillon américain, distingue quatre classes
de consommateurs: les « socialement responsables », représentant 32% de la population,
pratiquent à la fois une consommation écologiquement et socialement responsable. Les 6 %
de « verts » pratiquent le premier type de consommation et pas la seconde ; les « américains
moyens », soit 45 % de la population, sont modérés pour les deux formes de CSR, et les
« bruns » ne s’adonnent ni à l’une, ni à l’autre.
Bouquet et Hénault (1998), quant à eux, segmentent les français sur leur degré de
responsabilité sociale en général et estiment la proportion de chaque segment obtenu. Le
consommateur polycentrique, qui représenterait entre 5% et 15% de la population, est un
leader d’opinion ; son sens des responsabilités sociales le conduit à aider d’autres personnes
sans espérance de gains en retour. Le consommateur type « ethnocentrique », soit environ
30% des individus, est sensibilisé aux causes sociales uniquement lorsque celles-ci le
concernent directement. Et le consommateur égocentrique, largement majoritaire dans nos
sociétés, ne répercute pas ses préoccupations sociales dans ses achats.
L’étude de Mohr, Webb et Harris (2001) suggère que 21% des acheteurs américains intègrent
fréquemment le comportement de l’entreprise dans leurs achats. Cette estimation est basée sur
un échantillon de seulement 44 personnes et présente donc une faible validité. Harrisson
(2003) propose le chiffre de 23% dans son évaluation des britanniques « politiquement actifs
sur le marché ».
Citons enfin les travaux récents de Fouquier (2004) au sein du cabinet d’études Théma :
l’étude réalisée sur 10.000 français met en évidence l’existence d’un segment
d’ « alterconsommateurs », représentant 15% des personnes interrogées. Ces personnes sont
décrites comme « des consommateurs-citoyens qui, dans leurs achats, regardent au delà de
leur intérêt personnel, vers le sens et les conséquences sociétales de ce qu’ils font » (Fouquier,
2005). Elles se détournent des grandes marques, du système marchand et aspirent à une

74
société plus solidaire et fraternelle. Environnement, idéalisme et sens du collectif sont les
grands thèmes qui orientent leur consommation.

Les études ayant tenté d’évaluer le segment de consommateurs responsables indiquent donc
que ces derniers représenteraient entre 15% et 30% de la population des sociétés occidentales.
Les travaux de Fouquier (2004) réalisés en France sur 10.000 personnes nous semblent
particulièrement fiables : ils indiquent que le « noyau » de consommateurs responsables
représente 15% de notre population.

La preuve de l’existence du segment de consommateurs responsables est également apportée


par le taux de participation lors des boycotts récents.

3.2.2 Quelques exemples de boycotts récents

Même si de nombreux boycotts sont pratiqués de façon isolée et individuelle par les
consommateurs, quelques cas de boycotts collectifs ont marqué les esprits. Un des exemples
les plus connus est probablement le boycott de Nestlé dans les pays anglo-saxons depuis les
années 1970. De nombreux mouvements de protestation ont dénoncé les campagnes de
communication agressives de Nestlé en Afrique auprès des jeunes mères les incitant à préférer
le lait en poudre à l’allaitement maternel. Des associations comme Baby Milk, de loin la plus
mobilisée, reprochent à Nestlé une telle stratégie étant donné le manque d’eau potable, de
moyens pour stériliser les biberons et d’argent dans les régions concernées. Le lait est parfois
si dilué ou si contaminé qu’il entraîne la malnutrition et la mort.

Un autre exemple célèbre est la crise majeure qu’a connue Shell en 1995. La compagnie
pétrolière avait décidé de couler la plate-forme Brent Spar contenant 5000 tonnes de pétrole
en mer du Nord. Greenpeace a alors lancé en Allemagne et en Scandinavie une large
campagne de boycott des stations Shell dénonçant l’impact écologique d’une telle décision.
Le boycott a été particulièrement bien suivi puisque l’entreprise a annoncé des pertes allant de
20% à 50% du chiffre d’affaire en moyenne (Fourest, 2005). Au plus fort de la crise, Shell-
Allemagne perdait 5,4 millions d’euros par jour. Finalement, Shell a gagné son procès face à
Greenpeace, après qu’il eut été prouvé que le démantèlement à terre aurait été pire d’un point
de vue écologique que la solution initialement retenue. Autre exemple d’entreprise montrée
du doigt : Nike. Le célèbre fabricant d’articles de sport a été le premier touché lorsque

75
l’opinion publique des pays industrialisés a commencé à s’intéresser aux conditions de travail
dans lesquelles étaient fabriqués les vêtements des grandes marques. Comme la plupart de ses
concurrents, Nike n’a aucune usine propre mais délègue sa fabrication à une quarantaine
d’usines réparties dans les pays où la main d’œuvre est moins chère et souvent très jeune,
notamment en Asie. Ces usines sont souvent appelées sweatshops (usines à sueurs) en
référence aux cadences et aux conditions infernales pratiquées là-bas. Les premiers appels au
boycott ont été lancés aux Etats-Unis en 1995 et ont été relayés par de nombreuses
associations américaines. La dernière grande affaire médiatique autour de ce thème avait été
l'affaire des ballons de football de la coupe du monde 1998 produits par des enfants.

En France, la culture du boycott est moins répandue qu’outre atlantique mais tend cependant à
se développer. Le début des années 2000 a notamment été marqué par plusieurs mouvements
de protestation de grande ampleur de la part des consommateurs. Par exemple, Michelin et
Danone ont toutes deux été accusées de mener des plans de licenciements non justifiés aux
yeux des salariés et guidés uniquement par une logique financière. Ainsi, en septembre 1999,
Michelin annonce la suppression de 7500 postes en Europe en même temps que des bénéfices
records. En mars 2001, Danone annonce la fermeture de deux usines de production LU, et de
ce fait la suppression de 570 emplois en France. Les deux affaires ont suscité un véritable
tollé médiatique, et une dégradation de l’image de l’entreprise, notamment pour Danone où
les salariés se sont fortement mobilisés et ont multiplié les appels au boycott. Les ventes ont
plongé de 12% en un mois et demi20. Enfin, on ne peut oublier le cas de TotalFinaElf : en
décembre 1999, le naufrage de l’Erika, pétrolier affrété par l’entreprise provoque en même
temps qu’une marée noire une importante campagne de boycott en France. Les militants
reprochent à la firme le fait de ne pas assumer ses responsabilités en plus de la catastrophe
écologique en elle-même. Là encore, les ventes ne chutent pas réellement, mais l’image de
l’entreprise se ternit très sérieusement et ce pour un certain temps : Total enregistre la plus
forte chute au baromètre sur l’image des entreprises depuis sa création en 1999 : -72 points
entre octobre 1999 et janvier 2000.

Enfin, régulièrement, des associations de consommateurs appellent au boycott de certains


pays en réponse à ses actions politiques. Les appels au boycott sont fréquents mais pas
toujours suivis. Citons le boycott des produits français en 1995 par les australiens lorsque la

20
« Dire non sans merci », Libération (8/07/2003)

76
France décide la reprise des essais nucléaires. En 2003 également, les américains ont boudé
les produits représentant la France comme le vin afin de sanctionner nos chefs d’Etat pour
leur opposition à la guerre en Irak. A l’inverse, les marques américaines ont nettement
souffert des appels au boycott lancés contre elles au Proche et au Moyen Orient depuis 2002.
Coca-Cola, dont l’enseigne est présente dans presque tous les pays de la région a enregistré
une baisse de 5 points dans certains points de vente. MacDonald’s a subi la même sanction,
avec une baisse de 10% de son chiffre d’affaires sur l’ensemble de ses 200 restaurants
implantés au Moyen Orient.

77
Synthèse du chapitre 1
Ce premier chapitre nous a permis d’éclairer la notion de consommation socialement
responsable selon trois perspectives différentes. Nous avons d’abord présenté la vision
académique de notre sujet. Parmi les différentes définitions adoptées de la CSR, nous avons
choisi une vue globale du concept dans la lignée des travaux de Webster (1975) et Roberts
(1995). Nous envisageons la CSR comme le symétrique de la notion de responsabilité sociale
de l’entreprise : il s’agit pour le consommateur de prendre en compte l’impact de sa
consommation sur ses « parties prenantes », que celles-ci soient des catégories de
l’environnement physique ou social. Cette position nous permet d’englober des
comportements de consommation tels que le boycott ou encore l’achat de produits-partage.
Dans un second temps, nous avons souhaité mieux comprendre cette forme de comportement
en étudiant le sens que lui donne le consommateur. Globalement, l’individu pratique la CSR
pour l’un des trois motifs suivants : la volonté de faire changer les choses, la volonté de
s’exprimer ou encore de s’affirmer personnellement à travers sa consommation. De plus, la
pensée post-moderne offre un cadre d’analyse pertinent, semble-t-il, pour comprendre le
phénomène de CSR. Celle-ci remplit les nouveaux rôles assignés à la consommation dans nos
sociétés contemporaines : rôle d’expression identitaire, de lien social, de résistance et de
recherche émotionnelle.

Enfin, dans un dernier temps, la CSR a été abordée sous un angle très concret. S’intéresser à
la notion de CSR ne se justifie que si elle représente une pratique de consommation
significative. Nous nous sommes donc penchés sur la réalité concrète de la CSR. Une
approche historique nous montre que l’utilisation de la consommation comme moyen d’action
existe depuis longtemps et que la CSR représente en quelque sorte la branche éthique du
consumérisme. Le poids représenté actuellement par les consommateurs responsables est
difficile à établir, notamment à cause du biais de désirabilité sociale sur le sujet. Le segment
de consommation correspondant représente, selon les études, entre 15% et 30% de la
population des sociétés industrialisées.

Maintenant que nous avons délimité les frontières de la consommation socialement


responsable, il nous faut développer l’intérêt d’étudier un tel comportement du
consommateur. La raison pour laquelle nous avons choisi de focaliser nos travaux sur le
concept de CSR est l’objet du chapitre 2. Celui-ci porte sur l’analyse des différents outils de
régulation éthique du marché et montre les bénéfices d’une régulation par les consommateurs.

78
79
80
CHAPITRE 2

LA CONSOMMATION SOCIALEMENT RESPONSABLE : UN


OUTIL D’ACTION EFFICACE SOUS-UTILISE PAR LE
CONSOMMATEUR

Friedman écrit en 1971 que l’entreprise n’a qu’une responsabilité, celle de faire du profit, et
c’est comme cela qu’elle remplit le mieux son rôle au sein de la société: « Il n’y a qu’une
responsabilité sociale du business, c’est celle d’utiliser ses ressources et de s’engager dans des
activités dans le but d’augmenter ses profits tant que cela reste dans les règles du jeu, c’est-à-
dire sans tricherie, ni fraude ». Cette vision est maintenant largement contredite par les
défenseurs de l’idée que l’entreprise a une responsabilité sociale. Depuis les années 1980,
cette notion s’est développée et, pour certains auteurs, la question importante n’est désormais
plus de savoir si l’entreprise doit assumer ses responsabilités mais comment elle doit le faire
(Smith, 2002).
La notion de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) correspond à l’idée d’exercer ses
activités dans un sens désirable pour la société (Smith, 2002). Selon Caroll (1979), cette
responsabilité sociale prend quatre formes : économique, légale, éthique et philanthropique.
La responsabilité économique désigne l’obligation pour les sociétés d’être productives et
profitables. Les responsabilités légales impliquent que les entreprises remplissent leurs
devoirs économiques dans le respect des lois en vigueur. Les responsabilités éthiques
requièrent de celles-ci qu’elles se soumettent aux normes de la société, qu’elles se conduisent
conformément à ce qui est considéré comme un comportement « approprié ». Enfin, les
responsabilités philanthropiques reflètent le désir des consommateurs de voir les entreprises
s’impliquer activement dans l’amélioration du bien-être de la société.
De manière générale, les populations occidentales revendiquent de plus en plus le fait que les
entreprises assument leur responsabilité à l’égard de la société. Un sondage
IPSOS/Fleishman-Hillard réalisé en 1999 révèle, par exemple, que l’affirmation suivante « De
manière générale, les grandes entreprises devraient utiliser une partie de leurs ressources pour

81
aider à résoudre les problèmes de société, comme le chômage, la pauvreté, les problèmes de
santé publique ou d’environnement » recueille l’accord de 88% des européens interrogés21.
La question cruciale est donc de savoir comment inciter les entreprises à assumer leurs
responsabilités sociétales. Puisque nos sociétés ont des attentes éthiques envers les
entreprises, et plus généralement envers le fonctionnement du marché, il faut donc
s’interroger sur les moyens possibles de satisfaire cette demande. Comment peut-on
contraindre le marché à respecter des critères éthiques ? Ceci est la question à laquelle nous
tenterons de répondre dans ce deuxième chapitre.
Peut-on compter sur le bon vouloir des entreprises et penser que celles-ci adopteront
spontanément les comportements attendus par la société civile? Est-ce à l’Etat de légiférer
pour imposer le respect de certains principes ? Quel est enfin le rôle des salariés et des
consommateurs ?
Ce questionnement nous conduira à organiser notre réflexion en deux temps. La première
partie s’attachera à décrire les différentes formes possibles de contrôle éthique du marché.
Quatre sources seront successivement étudiées : les entreprises, l’état, les salariés et les
consommateurs. Nous montrerons en quoi les consommateurs disposent d’un pouvoir de
contrôle puissant et les avantages d’une régulation naturelle du marché en matière d’éthique.
Dans une deuxième section, nous étudierons tout ce qui empêche les consommateurs de
consommer de façon socialement responsable. Deux grands ensembles de variables seront
abordés : les facteurs liés à l’individu, d’une part, et les éléments situationnels, comme le prix
ou le manque d’information d’autre part.

La figure 9 récapitule la progression suivie dans ce chapitre.

21
L’enquête a été effectuée sur 4030 personnes (1006 français, 1024 allemands, 1000 italiens, 1000
britanniques). 83% des français, 91% des allemands, 88% des italiens et 89% des britanniques sont d’accord
avec l’affirmation.

82
Chapitre 2 : La CSR: un outil d’action efficace sous-utilisé par le
consommateur

1. Les différentes formes de 2. La CSR: ce qui empêche


régulation éthique du marché
+ une pratique plus massive

Figure 9 : Plan du chapitre 2

1. LES DIFFERENTES FORMES DE REGULATION ETHIQUE DU


MARCHE

Quatre grandes sources de contrôle des pratiques des entreprises peuvent être identifiées
(Smith, 1990, Viseur, 1997): le pouvoir politique, l’entreprise elle même, les salariés, ou les
consommateurs. Cette première partie étudiera successivement le pouvoir de chacune de ces
sources de contrôle et détaillera plus particulièrement celui des consommateurs.

1.1 L’autorégulation des entreprises


1.1.1 Les initiatives des entreprises en matière de RSE

La première source possible de contrôle des pratiques de l’entreprise est l’entreprise elle-
même. En effet, si un besoin d’éthique émane de notre société, pourquoi se limiterait-il aux
consommateurs ? Les dirigeants et managers sont des citoyens à part entière, et à ce titre, on
peut se demander pourquoi ils ne s’imposeraient pas spontanément la prise en compte de
critères éthiques dans leurs décisions. L’exemple de certaines entreprises prouve bien que la
régulation éthique vient parfois de « l’intérieur ». Prenons par exemple le cas de Patagonia.

Créé en 1973 par un jeune grimpeur d’origine québécoise, Patagonia est l’exemple parfait
d’une entreprise engagée. Si l’activité officielle de l’entreprise est celle de fabriquer et de
vendre des articles de sport, la véritable raison d’être de la société est ailleurs : « to use
business to inspire and implement solutions to the environnemental crisis ». Yvon Chouinard,

83
le fondateur, s’est toujours senti très concerné par la protection de l’environnement et toute
l’entreprise est imprégnée de cet esprit. Depuis une vingtaine d’année, l’entreprise consacre
1% de son chiffre d’affaires à des projets de protection de l’environnement. Elle pratique un
éco-bilan permanent pour limiter à tout prix l’impact de son activité sur les ressources
naturelles et n’hésite pas à modifier ses méthodes de production ou ses approvisionnements
pour satisfaire cet impératif. Ainsi, l’entreprise n’utilise plus que du coton biologique, c’est-à-
dire ayant poussé sans pesticides, ni produits chimiques. Patagonia est également connue pour
avoir initié en 1993 la fabrication des polaires à partir de bouteilles plastiques. En matière
d’emballage également, l’entreprise n’utilise plus de matières plastiques. De nombreuses
autres initiatives témoignent de cet engagement environnemental : l’association Patagonia
Land Trust, dont le but est de racheter des terres en Argentine, afin de préserver les réserves
naturelles de Pantagonie et de créer un parc national, la possibilité pour les employés de
quitter leur poste jusqu’à deux mois pour participer à un projet environnemental de leur choix
tout en continuant à être payés par l’entreprise... Enfin, c’est tout le fonctionnement de
l’entreprise qui est imprégné d’écologie : tri des déchets dans les cuisines de l’entreprise,
recyclage du papier dans les bureaux, catalogues imprimés sur du papier recyclé... Il existe
bien d’autres cas d’entreprises éthiques. Citons le cas de Ben&Jerry’s dans le domaine
alimentaire, soutenant de multiples causes sociales et environnementales ou encore The
Body Shop dans le domaine cosmétique, entreprise qui a toujours revendiqué un militantisme
dans le domaine écologique.

Les entreprises semblent être de plus en plus nombreuses à prendre des initiatives socialement
responsables. Les domaines d’actions possibles sont multiples. L’entreprise peut par exemple
intégrer des valeurs éthiques dans ses achats, son marketing, sa production, ses ressources
humaines, sa communication (Laville, 2004). Souvent, l’entreprise formalise ses engagements
sous la forme d’un code de conduite ou d’une charte. La fondation est aussi une façon pour
l’entreprise de financer indirectement les causes déterminées : la biodiversité de la mer pour
Total, la lutte contre l’exclusion sociale pour la RATP, l’intégration des personnes
handicapées ou âgées pour C&A, éducation et formation des plus démunis pour Air France …

Les multiples initiatives éthiques des entreprises montrent que certaines entreprises adoptent
spontanément un comportement responsable, sans contrainte extérieure.

Le fait que l’entreprise cherche à œuvrer en faveur de causes sociales et environnementales à


travers son activité correspond à la notion de citoyenneté d’entreprise. Depuis les années
1970, les obligations de l’entreprise envers la société ont été largement mises en évidence

84
grâce aux travaux des chercheurs sur l’éthique des affaires. Le courant de recherche sur la
responsabilité sociale de l’entreprise postule par exemple que l’entreprise a des obligations
morales envers la société qui vont au delà de la simple maximisation du profit. Une entreprise
assumant ses responsabilités sociales adoptera des activités non contraintes, assumées par
l’entreprise au-delà de ses obligations légales et conventionnelles (Jones, 1980, Menon et
Menon, 1997). La théorie des parties prenantes précise envers qui les firmes sont
responsables : il s’agit des stakeholders ou parties prenantes, c’est-à-dire « tous ceux qui de
près ou de loin, directement ou indirectement, contribuent à sa vie ou dépendent de son
existence, de son développement et de sa survie » (Freeman, 1984).

L’idée que les entreprises adoptent spontanément un comportement éthique, en vertu de leurs
obligations morales à l’égard de la société est donc largement plébiscitée depuis une trentaine
d’année. Cette auto-régulation des entreprises en matière d’éthique pose cependant certains
problèmes.

1.1.2 La contrainte de profit

Notre société ne peut se contenter uniquement d’une autorégulation des entreprises en matière
d’éthique. En effet, il semble que le respect de critères éthiques rentre souvent en
contradiction avec le but premier d’une entreprise, à savoir la recherche de profit (Friedman,
1971). Les pratiques dénoncées comme non éthiques constituent souvent des moyens de
réduire les coûts ou d’augmenter les ventes (Titus et Bradford, 1996). C’est le cas par
exemple du travail des enfants, moins bien payé que celui des adultes, de la publicité
mensongère, de la pression abusive exercée sur les fournisseurs etc. Smith (1990) relate, par
exemple, la décision de la direction de Chevrolet en 1929 de ne pas équiper les voitures de
vitres de sécurité en raison du surcoût associé. Malgré les avantages reconnus de la
responsabilité sociale de l’entreprise en termes d’image de marque auprès du public et des
consommateurs (Smith, 2002), il semble que globalement ce type de comportement soit plus
contraignant et plus coûteux que des pratiques dictées uniquement par la recherche de profit.
Toute action qui ne serait pas guidée uniquement par la recherche de profit engendrerait donc,
selon Friedman (1971), une inefficience économique supportée au final par les propriétaires
de l’entreprise, les salariés et les consommateurs. Selon les partisans de cette vision, c’est en
maximisant son profit que l’entreprise servirait au mieux la société. Cette approche a souvent
été contredite (Smith, 1990). On ne peut cependant pas totalement réfuter l’idée que la RSE

85
présente un coût, et que celui-ci rend improbable l’adoption volontaire systématique de ce
comportement par l’entreprise. Laisser les producteurs s’engager librement en matière
d’éthique aboutirait en effet à un niveau sub-optimal de « bien public » (Bagnoli et watts,
2003).

1.1.3 Les problèmes de justice, de compétence et de légitimité

Smith (1990) identifie d’autres éléments plus abstraits qui rendent cette régulation de
« l’intérieur » non souhaitable. Tout d’abord, cela entraînerait une concentration de pouvoir
dans les mains de l’entreprise. Si les firmes décident elles-mêmes des normes à respecter,
c’est toute une partie du pouvoir politique qui leur revient, et échappe à l’état. Cette toute
puissance des entreprises constituerait un danger, au même titre que n’importe quelle
concentration excessive de pouvoir. Friedman (1971) pose donc la question de la justice de la
RSE. Selon lui, la pratique de la RSE conduit à une suprématie injuste et non méritée de
l’entreprise sur les autres acteurs de la société.

Un autre argument habituellement invoqué contre la RSE est celui de la légitimité. En effet,
pour beaucoup, la régulation éthique du marché incombe au gouvernement. Cette instance
issue d’un processus démocratique est la plus apte à représenter les envies de la société. Les
entrepreneurs n’ont pas la légitimité nécessaire pour émettre des règles de fonctionnement en
matière d’éthique. Si cette tâche leur était confiée, les dirigeants d’entreprises adopteraient
leur propre vision de l’éthique et celle-ci serait probablement au service des actionnaires, sans
se soucier forcément des autres catégories d’intéressés. Ne compter que sur les entrepreneurs
pour édicter les règles éthiques serait donc anti-démocratique, car non représentatif de la
vision majoritaire de la société.

Enfin, les entreprises ont-elles réellement les compétences requises pour assumer ce rôle ?
L’édiction de normes éthiques est une tâche complexe, nécessitant la prise en compte des
grands principes universels, mais également des conséquences en termes de bien-être
collectif. Le fait de savoir, par exemple, s’il faut imposer le respect de clauses sociales aux
pays en voie de développement reste très controversé. Les gouvernements sont composés
d’experts en matière de problèmes de société, capables d’intégrer les différents points de vue
sur le sujet. Ils sont donc a priori plus aptes à réguler le niveau d’éthique sur le marché,
contrairement aux managers d’entreprise spécialisés dans des domaines éloignés: gestion
d’équipe, stratégie, GRH etc…

86
Nous avons soulevé un certain nombre de limites quant à l’autorégulation éthique des
entreprises. Certains arguments, comme les problèmes de légitimité et de compétence,
demeurent assez théoriques et peuvent être facilement contrecarrés (Smith, 1990). Cependant,
laisser les entreprises libres de leurs actions responsables aboutirait à un niveau d’éthique
largement insuffisant sur le marché. En réalité, on ne peut pas s’attendre à ce que les
entreprises se comportent de façon éthique sauf si on les incite fortement à se comporter ainsi.
Ainsi, les partisans de la « réceptivité sociale » de l’entreprise (ou corporate social
responsiveness) défendent l’idée que les entreprises ont avant tout le devoir de répondre aux
attentes éthiques exprimées à leur égard (Frederick, 1978, Bowie et Dunfee, 2002). L’action
d’acteurs tels que l’état, les salariés, les consommateurs semble en ce sens incontournable.

1.2 Le pouvoir de l’état

1.2.1 L’arme juridique

L’intervention de l’état pour imposer le respect de certains principes éthiques sur le marché
est indispensable. L’état doit fixer les règles du jeu de l’activité économique à travers la
législation. Sans cadre réglementaire, le marché serait régi par la loi du plus fort, ce qui serait
au détriment des salariés et des consommateurs. Le monde des affaires doit être organisé par
des lois et des réglementations, ceci afin d’imposer le respect d’une certaine éthique dans les
pratiques des entreprises. Pour instaurer un fonctionnement juste du marché, l’état intervient
dans tous les domaines. En ce qui concerne les activités en relation avec les consommateurs,
la loi interdit par exemple la publicité mensongère, impose le respect de normes de sécurité
sur les produits vendus ou encore impose un délai de réflexion de 7 jours dans la vente par
correspondance. Les pratiques internes de l’entreprise font également l’objet de fortes
réglementations afin de protéger le droit des salariés. L’entreprise doit par exemple respecter
l’égalité des chances entre hommes et femmes, ne peut payer ses salariés en dessous du
SMIC, ne peut pratiquer la discrimination raciale…La loi encadre également les relations
inter-entreprises, avec par exemple la loi Galland du 1er juillet 1996 pour les relations avec les
distributeurs. A travers l’appareil juridique, l’état réglemente le fonctionnement du marché et
impose le respect de règles éthiques élémentaires : défense des plus vulnérables, interdiction
de discrimination, obligation de respecter un contrat...Les lois citées plus haut constituent des

87
garde-fous contre des comportements condamnables des entreprises. Cependant, récemment,
les réglementations adoptées témoignent d’une logique proactive visant à promouvoir des
initiatives éthiques des entreprises. Depuis le 15 mai 2001, la loi sur les Nouvelles
Régulations Economiques oblige les entreprises cotées en bourse à fournir un rapport social et
environnemental. Les 700 entreprises concernées doivent donc désormais informer dans un
document public sur trois sujets principaux : les pratiques sociales internes (effectifs,
formation, hygiène, sécurité, parité, handicapés etc.), l’impact territorial de l’activité (filiale,
sous-traitants, lien au territoire) et le respect de l’environnement. Cette loi n’oblige pas
directement les entreprises à modifier leurs pratiques, mais simplement à rendre compte de
leurs activités sur les parties prenantes. Elle procure donc une plus grande transparence aux
investisseurs et consommateurs et devrait donc conduire les entreprises à modifier leurs
pratiques en matière de responsabilité sociale.

L’état français s’est également engagé en tant qu’acteur économique. La loi Le Texier du 9
juin 1999 s’attache, en effet, à lutter contre le travail des enfants dans l’achat des fournitures
scolaires. Plus particulièrement, l’ordonnance du 15 juin 2000 oblige « les collectivités
publiques et établissements scolaires à veiller à ce que la fabrication des produits achetés n'ait
pas requis l'emploi d'une main-d'œuvre enfantine dans des conditions contraires aux
conventions internationalement reconnues. »

L’ensemble de ces exemples démontre le rôle incontournable pour réglementer le marché et


imposer ainsi le respect de règles éthiques.

1.2.2 Les limites du pouvoir politique

Il existe cependant plusieurs limites au pouvoir étatique. Nous étudierons plus précisément
trois d’entre elles : l’affaiblissement de ce pouvoir, son coût et le contrôle à minima qu’il
instaure.

• L’affaiblissement du pouvoir politique


La mondialisation de l’économie rend les gouvernements partiellement impuissants pour
contrôler les pratiques des entreprises (Viseur, 1997). Les différents états ne sont capables de
réglementer les pratiques sociales et environnementales des entreprises qu’à l’échelle de leur
pays. Or ce fonctionnement présente un risque de dumping social et environnemental des
entreprises. En effet, les grandes multinationales ont intérêt à éviter les pays qui imposent une
forte réglementation et à s’installer dans des pays émergents. La facilité avec laquelle les

88
entreprises peuvent délocaliser leurs usines les incite à s’implanter dans les pays où la
réglementation est la moins contraignante. Pour prendre un exemple récent, l’entreprise
américaine Nike a été accusée, il y a quelques années, de faire travailler des enfants dans ses
usines en Asie du Sud Est. Dans ce cas précis, le gouvernement américain peut imposer le
respect de droit du travail sur le sol américain, mais demeure sans autorité en ce qui concerne
les pratiques des fournisseurs de l’entreprise situés à l’étranger. Etant donné le poids de
certaines multinationales, on comprend la pression qu’elles peuvent exercer sur les politiques
étatiques. Le poids économique de certains groupes dépasse désormais celui des Etats. Ainsi
Wal Mart réalise un chiffre d’affaires annuel (219.8 milliards de dollars) supérieur au PIB de
la Suède (210.1 milliards de dollars), et les 10 plus grosses firmes multinationales ont à elles
toutes un chiffre d’affaires supérieur au PIB de la France ou de la Grande Bretagne (Fourest,
2005).

En France, le cas Michelin a bien illustré cette relative impuissance du gouvernement : en


septembre 1999, Michelin enregistre une hausse du bénéfice semestriel de 20% et annonce en
même temps un plan prévoyant la suppression de 7500 emplois en 3 ans sur toute l'Europe,
soit 10% de l'effectif européen. L’opinion publique en appelle au gouvernement pour
empêcher cette mesure. On se souvient de la célèbre déclaration faite par Lionel Jospin, alors
premier ministre : « Il ne faut pas tout attendre de l’état. Je ne crois pas que l’on puisse
administrer, désormais, l’économie ».

Face à cette impuissance partielle des états, la solution ne peut venir que d’instances
supranationales telles que l’Organisation Mondiale du Commerce (Viseur, 1997). Cependant,
à l’heure actuelle, cet organisme n’est pas investi d’un pouvoir suffisant pour jouer ce rôle. La
règle de l’unanimité au sein de l’OMC rend improbable l’adoption de réglementation sociale
et environnementale. De plus, l’instauration d’un « pouvoir planétaire » fort pose certains
problèmes concrets (Viseur, 1997). Entre autres, les institutions et mécanismes à mettre en
place pour assurer un fonctionnement démocratique seraient d’une complexité ingérable.

• Le coût du fonctionnement étatique


Les défenseurs du libéralisme critiquent le coût engendré par la régulation étatique.
Weidenbaum (1979) montre ainsi que l’intervention de l’état sur le marché provoque une
baisse de la performance des entreprises. Il montre plus précisément que la régulation
gouvernementale du marché engendre différents coûts. Tout d’abord, il faut payer pour le

89
fonctionnement des institutions de régulation gouvernementales, et ce coût est supporté par
les contribuables. De plus, l’intervention de l’état induit différents coûts au sein des
entreprises qui se traduisent par une moindre embauche, une réduction du budget
d’innovation et par une hausse du prix des produits.

Ces arguments s’inscrivent dans une vision très libérale du marché. Sans adopter un tel point
de vue, ces éléments rappellent, tout de même, le coût de la régulation du marché par le
« haut ».

• Le rôle de l’état : empêcher les pratiques inacceptables


Une autre limite du contrôle éthique du marché par le haut réside dans le rôle de l’état.
Comme nous l’avons déjà remarqué, l’esprit général du droit des affaires et du droit du travail
est de définir et d’interdire des comportements inacceptables. Implicitement, tout ce qui n’est
pas interdit par la loi est acceptable (Smith, 1990). L’appareil juridique a donc pour vocation
de fournir un socle minimal en matière d’éthique. Cependant, certaines pratiques légales
d’entreprises sont parfois jugées condamnables. Citons, encore une fois, le cas Michelin en
1999 lorsque l’entreprise décide de licencier malgré de bons résultats financiers. Dans
l’opinion publique, une entreprise comme MacDonalds est souvent critiquée à cause des
conditions de travail précaires des salariés. Et pourtant, le groupe respecte les réglementations
du droit du travail. Dans d’autres cas, les sanctions prévues par la loi peuvent sembler
insuffisantes au regard des fautes commises par l’entreprise. Dans le cas du naufrage de
l’Erika, l’ampleur des dégâts causés n’était pas chiffrable et en proportion, n’importe quelle
sanction financière paraissait dérisoire.

Dans le même ordre d'idée, la réglementation interdit les comportements non éthiques mais
n’oblige pas les entreprises à adopter des initiatives socialement responsables. Les dons des
entreprises aux différentes causes caritatives sont des actes bénévoles.

Ainsi, la régulation éthique du marché par l’état semble insuffisante. Elle conduit certes les
entreprises à respecter certains principes, mais elle n’interdit pas toujours certaines pratiques
jugées condamnables par l’opinion publique. Si toutes les entreprises se contentaient
d’appliquer les réglementations au pied de la lettre, le niveau d’éthique du marché serait
globalement jugé insuffisant par l’opinion publique. La loi n’oblige pas les entreprises du
marché à des démarches proactives en matière sociale ou environnementale. Ceci souligne le
besoin de sources de contrôle non étatiques pour réguler l’éthique du marché.

90
1.3 Le pouvoir des travailleurs

Globalement, il semble que la classe des salariés constitue un contre-pouvoir partiel et peu
puissant du pouvoir économique.

Viseur (1997) montre que la solidarité des travailleurs a longtemps été le contre-pouvoir de la
force économique des entreprises. La grève, arme traditionnelle des syndicats, constituait
autrefois une force parfois suffisante pour faire plier la direction sur des décisions sociales.
Mais, aujourd’hui, le monde du travail est affaibli par la mondialisation de l’économie et par
des taux de chômage importants. Les salariés des entreprises ne sont donc pas en position de
force pour imposer, à eux seuls, leurs vues à la direction.

D’autre part, l’exercice du pouvoir des salariés exige l’union de tous les employés. Cela
suppose parfois une concertation nationale ou internationale, ce qui demeure rare. Un
mouvement européen de mobilisation des salariés a vu le jour, pour la première fois en février
1997. Lorsque le PDG de Renault, Louis Schweitzer, annonce 3100 licenciements suite à la
fermeture de l’usine belge de Villevorde, les salariés français et espagnols du groupe se sont
montrés solidaires de leurs homologues belges. Ce mouvement européen s’explique par la
proximité géographique et culturelle entre les pays concernés. La solidarité internationale des
travailleurs est cependant exceptionnelle.

Cependant, si les salariés ne peuvent pas à eux seuls contrôler les pratiques sociales d’une
entreprise, ils sont parfois aidés par un allié important: l’opinion publique. Lorsque les
salariés parviennent à alerter les médias sur les actes condamnables de leur direction, c’est
toute la société qui s’empare de l’affaire et va exprimer son opinion sur le sujet. Dans le cas
de l’affaire Danone, par exemple, les salariés du groupe se sont fortement mobilisés pour
convaincre l’opinion publique de l’injustice de la décision de licenciement prise par le groupe.
Les salariés de LU en région parisienne ont été très actifs pour lancer le boycott des produits
de l’entreprise : distribution de tracts, manifestation devant l’usine, prise de parole sur les
lieux publics...Sans les actions des salariés de LU, on peut se demander si le boycott de
Danone aurait eu lieu.

Les salariés peuvent donc à leur manière contrôler les pratiques des entreprises. Leur pouvoir
d’action est cependant limité aux cas où les médias et les consommateurs s’associent à la
cause défendue. D’autre part, il faut préciser que ce contrôle des salariés ne s’exerce

91
potentiellement que dans certains cas : ceux où leurs intérêts sont directement menacés. Plus
particulièrement, les causes qui sont susceptibles de mobiliser les travailleurs sont liés aux
pratiques sociales de l’entreprise : traitement des minorités, conditions de travail, plan de
licenciements... Cependant, lorsque l’entreprise a des pratiques non éthiques sans impact pour
les salariés, généralement, cette force de pression ne se manifeste pas. Dans ce cas, le relais
doit venir des consommateurs.

1.4 La souveraineté du consommateur

1.4.1 La consommation socialement responsable : outil de régulation naturelle du marché

La dernière forme possible de contrôle du comportement des entreprises vient des


consommateurs. A travers leur pouvoir d’achat, les consommateurs disposent de la possibilité
de voter en faveur des causes éthiques qui leur tiennent à cœur. Par exemple, ils peuvent
récompenser les entreprises éthiques en achetant leurs produits, et sanctionner les entreprises
au comportement peu éthique en refusant d’acheter leurs biens. Plus globalement, les
consommateurs peuvent exprimer des préoccupations éthiques qui ne sont pas liées au
comportement d’une entreprise en particulier. Certains consommateurs pourront par
exemple refuser d’acheter certains types de produits ou au contraire privilégier des produits
considérés comme éthiques, comme les produits issus de l’Agriculture Biologique. Comme le
suggère l’échelle de CSR de Roberts (1995), les préoccupations éthiques poussent également
les individus à pratiquer ou à ne pas pratiquer certains comportements de consommation.
Dans l’échelle en question, il s’agit par exemple d’éviter d’utiliser sa voiture pour ne pas trop
consommer d’essence. Il existe probablement d’autres comportements de consommation
ayant des enjeux éthiques pour le consommateur, mais ce n’est pas l’objet de ce chapitre de
s’attarder sur cette question. Globalement, les consommateurs disposent à travers leurs achats
d’un moyen d’exprimer leurs préoccupations éthiques, et ceci correspond en partie au fait
d’adopter une consommation socialement responsable.

La consommation socialement responsable permet une régulation automatique du marché


en matière d’éthique. En théorie, les désirs éthiques des consommateurs se traduiront
spontanément sur le marché. Si, par exemple, les consommateurs souhaitent un fort niveau
d’éthique, alors celui-ci est atteint naturellement par les forces du marché. En effet, par leurs
achats, les consommateurs récompensent les firmes responsables et sanctionnent les
entreprises au comportement condamnable. Pour les firmes, il y a donc une incitation

92
monétaire à se comporter de façon éthique. Ainsi, du point de vue de l’entreprise, l’éthique
rejoint l’économique, et tous deux se confondent en un même objectif : séduire le
consommateur. Quand les consommateurs prennent en compte des critères éthiques dans leurs
achats, les entreprises se conforment donc spontanément aux exigences des acheteurs.
La régulation éthique du marché « par le bas » est donc naturelle : elle ne nécessite aucune
intervention extérieure et s’obtient par le libre jeu du marché. Elle découle de la structure
compétitive des marchés, c’est-à-dire que, dans leurs achats, les consommateurs ont le choix
entre plusieurs offres concurrentes. Dans un système compétitif, un individu mécontent de
l’offre d’une entreprise peut donc se tourner facilement vers un concurrent. Ce pouvoir de
« défection » du consommateur en cas d’insatisfaction est l’élément qui garantit le
fonctionnement concurrentiel du marché (Hirshman, 1970). Ainsi, dans un contexte de
concurrence même imparfait, les consommateurs décident librement des biens qu’ils
souhaitent acheter et les entreprises se conforment aux besoins et aux envies identifiées. Cette
adaptation des entreprises aux souhaits des acheteurs correspond à la notion de « souveraineté
du consommateur » (Smith, 1987, 1990).

1.4.2 La CSR : une force potentielle considérable

Dans les pays industrialisés, la consommation représente plus de 60% du Produit Intérieur
Brut, la consommation publique moins de 20% : ces chiffres montrent bien le poids virtuel
que représenterait l’ensemble des consommateurs s’ils se décidaient à faire de leur pouvoir
d’achat un pouvoir politique (Viseur, 1997).
Lorsque les consommateurs se mobilisent tous ensemble en faveur d’une cause, les
entreprises sont contraintes de se conformer aux souhaits exprimés. Le boycott, représentant
un refus concerté d’acheter certains biens ou services (Friedman, 1991), paraît ainsi être
l’arme potentiellement la plus puissante pour contrôler le comportement des entreprises. Le
boycott représente une « défection » momentanée des consommateurs à l’égard d’une firme
ayant eu un comportement condamnable, avec la promesse de ré-achat si le changement
réclamé a été effectué (Hirschman, 1970). En théorie, lorsque les consommateurs décident de
boycotter les produits d’une entreprise donnée, celle-ci est contrainte d’accéder aux
revendications sous peine de disparaître. Elle sait qu’en modifiant son comportement, elle
retrouvera ses consommateurs habituels. La version opposée, appelée buycott (Friedman,
1996) ou boycott négatif (Smith, 1990), correspondant à l'achat concerté de produits
considérés comme justes, existe aussi. En théorie, cette action collective incite également les

93
entreprises à adopter des comportements responsables. La notion de buycott demeure
toutefois assez théorique, et il est difficile de trouver des cas concrets de cette forme de
comportement.
Les cas de Danone ou de TotalFinaElf montrent que même en cas de mobilisation
relativement faible, les consommateurs en s’exprimant d’une même voix à travers leurs
achats, peuvent exercer une pression importante sur les dirigeants d’une entreprise. Les
entreprises victimes de boycott ont tendance à cacher et à diminuer l’impact de tels
mouvements collectifs On sait cependant que, au plus fort de la crise, les ventes de Danone,
ont chuté de 12% en un mois et demi, celles de Shell de 20% à 50%. Une mobilisation même
partielle des consommateurs est donc parfois suffisante pour faire changer les choses. La perte
de quelques points de parts de marché et la baisse du cours boursier oblige les managers de
l’entreprise à respecter les exigences exprimées par les consommateurs (Davidson, Worell et
El-Jelly, 1995). En plus de cette pression économique exercée sur l’entreprise, le boycott
donne une mauvaise image globale de la firme auprès de son public (Garett, 1987). Cette
pression en termes d’image peut nuire aux ventes de l’entreprise sur le long terme. C’est
pourquoi il arrive que l’annonce même du boycott suffise à faire plier l’entreprise aux
exigences des consommateurs. Par crainte de voir leur image de marque se ternir, les
entreprises n’attendent pas le boycott en lui-même pour accepter les revendications exprimées
à leur encontre. D’autre part, un boycott agit aussi sur les concurrents de l’entreprise visée et
les amène à prendre en compte les revendications exprimées, ceci afin d’éviter d’être à leur
tour victimes de telles sanctions.

Ainsi, les consommateurs disposent grâce à leur pouvoir d’achat d’un fort potentiel de
contrôle des entreprises. De plus, si cette régulation « par le bas » semble la plus efficace, elle
présente également un nombre important d’avantages.

1.4.3 Les avantages de la régulation par le consommateur

Réguler les pratiques des entreprises en matière d’éthique grâce aux votes des consommateurs
présente de réels avantages. Tout d’abord, ce fonctionnement est démocratique (Dunfee,
1998). Selon cet auteur, lorsque les individus agissent sous l’influence de leurs impulsions
morales, ils envoient des inputs sur ce qu’il appelle le « marché de la moralité » (Market Of
Morality, MOM). Sur certains sujets, les consommateurs auront des opinions différentes sur
ce qui est bon ou mauvais. La question de savoir si l’on peut utiliser des cobayes animaliers

94
dans les hôpitaux est un exemple de sujet qui divise l’opinion publique. Les pour et les contre
s’expriment sur le « marché de la moralité » correspondant. L’agrégat des opinions sur une
telle question morale permet alors de dégager « l’output », c’est-à-dire la règle d’action à
suivre. La règle de la majorité amènerait par exemple à suivre l’opinion la plus partagée au
sein de la société. De manière générale, plus le consensus est important sur le MOM, plus la
justification doit être grande pour ceux qui veulent rejeter l’output. Ce fonctionnement où
chacun « vote » sur une question morale est démocratique : la décision finale sera prise en
fonction de l’ensemble des suffrages exprimés. Toute la question est de savoir comment
mesurer les inputs sur les MOM. Faut-il uniquement se baser sur les achats des individus ?
Intégrer le temps et l’argent que l’on est prêt à dépenser pour affirmer ses opinions ?
Dickinson et Hollander (1991) identifient d’autres avantages à la pratique de la consommation
socialement responsable. Tout d’abord, cela permet de développer un grand sens de la
communauté chez les individus. Puisque chaque achat représente un vote, les consommateurs
ont l’occasion d’exprimer tous les jours leur vision de la société idéale. La recherche de ce qui
est bon pour la communauté devient un réel critère de décision. En intégrant les effets publics
de leurs actes privés, les individus exercent leur citoyenneté quotidiennement. Cela permet
d’instaurer un débat citoyen sur les problèmes de société importants. De plus, cela renforce
l’estime personnelle des consommateurs, car leurs actes d’achat prennent une dimension bien
supérieure à la simple maximisation de l’intérêt personnel : la consommation devient un outil
de communication et de changement. Un autre avantage de ce fonctionnement est qu’il alloue
une réelle responsabilité aux consommateurs, et ce d’autant plus qu’ils ont un grand
pouvoir d’achat. Les plus gros consommateurs sont donc plus responsables des problèmes de
société que les plus démunis. A tous ces avantages s’ajoute le fait que la régulation du marché
par les consommateurs est facile à réaliser, peu coûteuse et flexible, en comparaison avec le
contrôle de l’état. Elle ne nécessite aucune réglementation, ni infrastructure particulière.

Ainsi, nous avons montré que, d’un point de vue théorique et macroéconomique, les
consommateurs sont bien placés pour exercer un contrôle des pratiques des entreprises. La
réglementation de l’état pour instaurer le respect des principes éthiques de base est
indispensable. Elle interdit les comportements les plus condamnables mais n’aboutit pas à un
niveau d’éthique toujours suffisant sur le marché. En parallèle à l’action juridique de l’état,
l’intervention des consommateurs semble souhaitable. En effet, la régulation éthique des
entreprises par le libre jeu du marché semble la plus efficace, la plus flexible, la plus naturelle
et la plus démocratique. Cependant, cela suppose que les consommateurs, dans leur majorité,

95
acceptent de jouer ce rôle, à savoir d’inclure des critères éthiques dans leur choix de
consommation. Or, la réalité parait bien éloignée du fonctionnement décrit : il semble que nos
décisions d’achats soient fondées essentiellement sur des critères économiques. (Carrigan et
Attalla, 2001).
Puisque nous avons montré que cette régulation « par le bas » était a priori la plus légitime et
la plus efficace, il convient maintenant de s’interroger sur les raisons pour lesquelles elle n’a
pas lieu, afin d’identifier les leviers sur lesquels agir pour la renforcer.

2. LA CSR : CE QUI EMPECHE UNE PRATIQUE PLUS MASSIVE

Les différentes typologies de consommateurs en matière de CSR (présentées en chapitre 1)


montrent que le segment des consommateurs responsables représente entre 15% et 30% de
notre population. De nombreux éléments peuvent expliquer le fait que les consommateurs ne
pratiquent pas plus massivement une consommation socialement responsable. Nous pouvons
les classifier en deux grandes catégories : les variables personnelles d’une part et les variables
situationnelles d’autre part. La première catégorie regroupe tous les facteurs personnels qui
expliquent pourquoi l’individu ne souhaite pas inclure des critères éthiques dans sa
consommation. La deuxième catégorie correspond aux freins à la CSR, c’est-à-dire les
éléments qui empêchent la concrétisation de la CSR, malgré les préoccupations socialement
responsables des individus.
Nous aborderons successivement ces deux catégories de variables.

2.1 Les variables personnelles : pourquoi l’individu ne souhaite-t-il pas


inclure des critères éthiques dans sa consommation ?

2.1.1 Le manque de volonté éthique

La raison la plus évidente de la faiblesse de la CSR réside vraisemblablement dans le manque


de volonté éthique des individus. On ne peut nier le fait que la plupart des consommateurs ne
se préoccupent pas des aspects sociaux ou environnementaux dans leurs achats. Avant tout,
les critères les plus importants pour le consommateur sont la qualité, le prix, la marque, la
praticité des achats, le plaisir (Roberts, 1996, Carrigan et Attalla, 2001, Carrigan, Szmigin et
Wright, 2003). Cela ne signifie pas pour autant que les individus ne s’intéressent pas du tout
aux aspects socialement responsables, mais en tout cas qu’ils ne s’en préoccupent pas

96
suffisamment pour les intégrer dans leurs achats (Boulstridge et Carrigan, 2000). Adopter une
CSR ne semble pas compatible avec la recherche de l’intérêt personnel. Or, dans leur grande
majorité, les consommateurs de nos sociétés consomment dans une logique utilitaire ou
hédoniste.
Les travaux de Bouquet et Hénault (1998) montrent que les individus s’impliquent davantage
dans un dilemme moral lorsque cela les touche directement et que la grande majorité des
individus sont de type « égocentrique », c’est-à-dire qu’ils ne répercutent pas leurs
préoccupations sociales dans leurs achats. Selon cette vision, les individus n’auraient pas une
volonté éthique très développée. Cette hypothèse paraît tout à fait plausible mais est difficile à
vérifier étant donnée la forte désidérabilité sociale liée à ce thème.

2.1.2 L’effet marché

Une autre piste possible pour expliquer la faiblesse de la CSR tient au cadre du marché en lui-
même. En effet, en se basant sur les travaux d’économie expérimentale de Bowles (1998),
Ruffieux (2004) affirme que la sensibilité des individus à autrui tend à se réduire dans un
univers de marché. Tous les travaux effectués en laboratoire montrent que l’individu est
intrinsèquement soucieux des autres. L’altruisme serait même un aspect saillant de l’homme
d’aujourd’hui. Notre fonction d’utilité intègre une dimension sociale importante. Cependant,
cette bienveillance à l’égard d’autrui tend à se dissiper en univers de marché. Plusieurs
grandes raisons sont avancées pour expliquer ce phénomène.
Tout d’abord, le fait que le marché soit un lieu anonyme sans communication entre les parties
prenantes engendre une forte distance sociale entre les acteurs. C’est un lieu qui réduit
presque à néant le rôle de la réputation par rapport à des institutions de taille plus restreinte
comme le village, l’entreprise... Ainsi, une action opportuniste restera confidentielle et donc
sans conséquence pour son auteur. De plus, il a été mis en évidence que le marché crée un
effet de contexte : un même problème posé dans un contexte de marché et dans un contexte
hors marché n’induira pas les mêmes comportements :

« Ainsi, un citoyen considérant la question du paiement de l’impôt pour couvrir un service


public ne réagira pas de la même façon que face au même service offert de façon privée sur le
marché. Face à l’impôt, le citoyen aura le sentiment d’avoir droit au service indépendamment
de l’impôt payé, mais il ne comparera pas la valeur du service reçu avec le montant de l’impôt
ou avec d’autres services concurrents. Dans le second cas, la valeur du service sera

97
immédiatement mise en balance avec son prix et des produits concurrents. Ainsi le marché
pousse à l’exploration des substituts et à la comparaison systématique des coûts et
avantages. » (Ruffieux, 2004).

Le contexte de marché engendre donc des comportements opportunistes où l’individu


recherche son intérêt personnel sans considérer le sort d’autrui et cette réduction de l’attention
portée à l’autre est de connaissance commune. De manière générale, les consommateurs
adoptent un comportement de type égoïste et savent que les autres en feront autant. C’est
comme si le marché faisait oublier toutes les considérations non liées à l’offre en elle-même,
faisant écran par exemple sur les activités et les hommes qui se cachent derrière l’échange de
produits.

2.1.3 Le manque de confiance envers l’entreprise

Les travaux de Webb et Mohr (1998) et Mohr, Webb et Harris (2001) portant sur les
perceptions des initiatives socialement responsables par les consommateurs offrent une piste
de réflexion intéressante. Les entretiens menés sur 44 personnes les amènent à créer
différentes catégories de consommateurs selon qu’ils prennent plus ou moins en compte les
campagnes des entreprises en matière de responsabilité sociale. Les plus sceptiques et les
mitigés portent peu d’attention à ces activités de l’entreprise. Ils jugent ces campagnes comme
des comportements opportunistes de l’entreprise motivés par la recherche de profit plus que
par un souci d’autrui. En conséquence, ils ont une attitude plutôt négative à l’égard de ces
entreprises et envers le monde des affaires en général. A l’inverse, les consommateurs
s’intéressant aux campagnes socialement responsables sont plus confiants sur les motivations
de l’entreprise et ont une attitude positive envers le monde des affaires. Ces résultats
suggèrent que l’attitude globale envers l’entreprise est probablement une variable significative
pour expliquer le comportement des individus en matière de CSR. Il semble que certains
individus aient une mauvaise opinion sur le monde de l’entreprise et ne fassent pas confiance
à ces élans éthiques. Ils doutent à la fois des pratiques des firmes en matière de RSE, de
l’information fournie et des motivations de l’entreprise. Dans leur vision, une entreprise est
avant tout centrée sur la recherche de profit : il faut donc se méfier de ses prétendues
initiatives éthiques. Dans cette approche, la CSR n’a donc pas de sens puisqu’il n’y a pas
vraiment d’entreprises dignes de récompenses ou du moins, on ne peut les connaître. A
l’inverse, pourquoi boycotter une entreprise ayant commis une faute si on considère que les

98
concurrents adoptent probablement les mêmes pratiques ? L’attitude globale envers le monde
des affaires détermine donc probablement la disposition du consommateur à consommer de
façon socialement responsable et ce d’autant plus que les sceptiques représenteraient 28% de
la population (Mohr, Webb et Harris, 2001).

2.1.4 Le rôle des convictions de contrôle

Les convictions de contrôle d’un individu sont souvent jugées déterminantes en matière de
CSR. Elles représentent le degré avec lequel une personne pense pouvoir contrôler elle-même
les évènements de sa vie (Gierl et Stumpp, 1999). Une personne est contrôlée de manière
interne si elle pense que ses propres actions peuvent influencer le cours des choses, à l’inverse
de manière externe si elle explique sa propre situation par d’autres facteurs non contrôlables
par elle-même : hasard, groupe d’influence…Les résultats des travaux ayant étudié le rôle du
centre de contrôle en matière de CSR sont contradictoires. Par le passé, certains auteurs ont
conclu à l’impact négatif du sentiment de compétence personnelle sur la CSR (Anderson et
Cunningham, 1972, Anderson, Hénion et Cox, 1974). La majorité des études démontre
cependant le rôle positif joué par l’efficacité perçue de son comportement dans la décision de
consommer de façon socialement responsable (Webster, 1975, Roberts, 1995, Canel-Depitre,
2001). Les travaux portant sur les thème plus précis de la consommation verte ou du boycott
aboutissent à cette même conclusion (Gierl et Stumpp, 1999, Sen, Gürhan-Canli, Morwitz,
2001, John et Klein, 2003).
Les résultats semblent donc plutôt indiquer que les individus ayant des convictions de
contrôle internes adopteront davantage un comportement de consommation socialement
responsable par rapport aux individus peu confiants dans l’efficacité de leur action
personnelle. Cette proposition est conforme à l’idée que la CSR représente un vote sur le
marché. Tout comme pour les élections politiques, la participation au vote dépend de l’utilité
que l’on donne à sa participation. L’abstention grandissante en politique laisse imaginer des
convictions de contrôle plus externes qu’internes.

Nous avons évoqué quelques traits de personnalité pouvant expliquer pourquoi les individus
donnent la primauté aux critères économiques dans leur consommation : le manque de volonté
éthique, l’absence de conscience des enjeux éthiques de la consommation, l’effet « marché »,
le scepticisme à l’égard du monde des affaires ou encore le fait de ne pas croire en l’efficacité
de son action personnelle pour faire changer les choses. A coté de ces variables personnelles,

99
la faible pratique de la CSR s’explique également par la difficulté d’adopter un tel
comportement. Nous allons donc aborder maintenant les freins de la CSR, c’est-à-dire les
paramètres venant faire obstacle à la traduction des préoccupations responsables des individus
en actes d’achat.

2.2 Les freins à la CSR

2.2.1 Le manque d’information

Une des raisons majeures qui semble expliquer la faiblesse de la consommation éthique est le
manque d’information disponible. En effet, il faut connaître les pratiques des entreprises avant
de pouvoir prendre en compte celles-ci dans ses achats. Le rôle fondamental de l’information
dans la consommation socialement responsable est cité dans de nombreuses études (Carrigan
et Attalla, 2001, Viseur, 1997, Mohr, Webb et Harris, 2001). Et globalement, le niveau
d’information à disposition du consommateur est insuffisant (Smith, 2000, Boulstridge et
Carrigan, 2000, Mohr, Webb et Harris, 2001, Auger, Burke, Devinney et Louvière, 2003).
Quand les médias grand public s’intéressent aux pratiques des entreprises, il s’agit souvent de
grands scandales, comme par exemple, les affaires sur TotalFinaElf, Danone, Michelin,
Marks&Spencer. Or, pour effectuer un choix juste entre différentes organisations, il faudrait
disposer d’informations sur chacune d’entre elles. Est-ce bien légitime de boycotter Nike,
accusé de faire travailler les enfants dans ses usines en Asie du sud-est, si les concurrents
comme Adidas et Reebock font la même chose ?
L’information sur les activités des entreprises est largement plus complète depuis l’essor
d’Internet. Ce média permet de faire circuler l’information gratuitement, rapidement et à
l’échelle mondiale et apparaît également comme un support crucial aux mouvements
collectifs de boycott. En tant que source d’information et de communication, Internet rend
plus facile la pratique de la CSR (Carrigan et Attalla, 2001, Nicholls, 2002, Smith, 2002,
Stolle et Hooghe, 2003, Peretti, 2004).
Pourtant, avant tout, les consommateurs ont besoin d’une information disponible sur le lieu de
vente (Carrigan et Attalla, 2001, Carrigan, Szmigin et Wright, 2003). Il est illusoire de croire
que les individus vont tous aller chercher des renseignements sur les pratiques des entreprises

100
dans les guides de consommation22. La plupart des consommateurs sont passifs et n’ont pas le
temps ni la volonté de collecter une information secondaire comme celle portant sur les
pratiques des entreprises. La clé du développement de la CSR réside dans la mise à
disposition d’une information simple et fiable sur le lieu même de ses achats. La solution
pourrait passer par exemple par la création d’un label social.
Finalement, le fait que les consommateurs ne connaissent pas les pratiques des entreprises
incite celles-ci à se comporter de façon non éthique. Titus et Bradford (1996) modélisent un
dilemme éthique à l’aide de la théorie des jeux : imaginons deux concurrents se partageant le
marché du saumon. Deux stratégies s’offrent à eux : la stratégie éthique, à savoir la vente de
saumon, et la stratégie non éthique, à savoir remplacer le saumon par un poisson moins
coûteux sans en avertir le consommateur. La stratégie non éthique permet de baisser les prix,
donc de s’approprier une plus grande part de marché. Ainsi, ce cas de figure se ramène à un
cas du type « dilemme du prisonnier », et l’équilibre du jeu correspond à une situation où les
deux concurrents trichent sur la marchandise vendue. La matrice de jeu est reproduite en
figure 10. La répartition des gains implique qu’en fin de compte, les deux concurrents
choisissent tous deux de tricher sur la marchandise. En conclusion, le manque d’information
sur les pratiques des organisations, en plus d’empêcher la consommation éthique, incite les
entreprises à « mal » se comporter.

22
Aux Etats-Unis, le célèbre guide de consommation « Shopping for a better world », vendu à plus d'un million
d'exemplaires, passe au crible près de 2 500 marques. Il appelle à boycotter les marques les plus critiquables en
matière d’éthique. En France, plusieurs guides de consommation responsable sont également parus ces dernières
années: « Le guide éthique du consommateur » de l’ODE en 2001, « Le guide du consommateur responsable »
de Milène Leroy en 2002, « Le guide du consomm(a)teur » de Stéphanie Mariacca en 2003, « La consommation
citoyenne » d’Alternatives Economiques en 2003…

101
Vendeur B

Pratique éthique Pratique non éthique


(tricherie sur
(vente de saumon) marchandise)
Pdm(A) : 50% Pdm(A) : 20%
Pratique CA : 50 M$ CA : 30 M$
éthique
(vente de Pdm (B) : 50% Pdm (B) :80%
Vendeur A saumon) CA : 50 M$ CA : 120M$

Pdm (A) : 80% Pdm : 50%


Pratique non CA : 120 M$ CA : 80 M$
éthique
(tricherie sur
marchandise) Pdm(B) :20% Pdm (B) : 50%
CA : 30M$ CA : 80M$

Figure 10 : Dilemme du prisonnier sur le marché de la vente de saumon, Titus et Bradford (1996), Pdm :
part de marché, CA : chiffre d’affaires en milliers de dollars

2.2.2 La complexité des achats socialement responsables

Un autre frein à la CSR réside dans le fait que cette forme de consommation augmente la
complexité des achats (Carrigan et Attalla, 2001). La prise en compte des pratiques des
entreprises amène à alourdir la liste déjà importante des critères d’achat habituels : prix,
qualité, disponibilité, marque etc. Or, Titus et Bradford (1996) montrent que les
consommateurs ne sont pas suffisamment « sophistiqués » pour prendre des décisions d’achat
efficientes, c’est-à-dire qui tiendraient compte de toutes les informations disponibles sur le
marché. La notion de sophistication du consommateur désigne « les niveaux de
connaissances, d’expériences d’achat et de compétences requis pour prendre des décisions
efficientes » (Sproles, Geistfeld et Badenshop, 1978). Alors que la théorie économique fait
l’hypothèse d’un consommateur sophistiqué, différents éléments montrent que ce postulat est
erroné. L’offre toujours renouvelée de produits nouveaux, les avancées technologiques
rendent l’expérience des consommateurs rapidement désuète. De plus, les contraintes de

102
temps, l’augmentation du volume de consommation, le harcèlement de la publicité réduisent
le temps et les efforts consacrés à chaque achat. Pour l’ensemble de ces raisons, les individus
ne sont pas rationnels dans leurs prises de décision sur le marché. C’est pourquoi, même si les
informations concernant les pratiques des entreprises en matière d’éthique étaient disponibles,
les consommateurs ne les prendraient peut-être pas en compte. Cela supposerait de consacrer
trop de temps et d’énergie à l’activité d’achat alors que les individus recherchent avant tout le
plaisir ou la facilité dans leur consommation (Carrigan et Attalla, 2001).

2.2.3 Les coûts de la CSR

Un élément majeur expliquant pourquoi la CSR n’est pas plus répandue est le coût engendré
par une telle forme de consommation. En effet, chacune des deux formes de la CSR, l’achat et
le non achat, nécessite certains efforts que le consommateur n’est pas toujours prêt à faire.
Etudions d’abord les coûts de la forme négative, le non achat, puis ceux de la forme positive,
c’est-à-dire l’achat de produits éthiques. Les coûts sont ici entendus au sens large et
représentent tous les efforts requis par la CSR.

• Les coûts du boycott

Les travaux sur le boycott convergent pour indiquer l’existence d’un coût à cette pratique. Ce
coût influe directement sur la décision d’un individu de participer ou de ne pas participer à un
boycott (Klein, Smith, John, 2003, Cissé-Depardon, 2004). Ce coût varie en fonction des
individus et des situations (John et Klein, 2003). Plus précisément, les travaux de Sen,
Gürhan-Canli et Morwitz, (2001) montrent que ce coût correspond à la fois à la préférence
pour le produit boycotté et l’existence de produits de substitution. Cela signifie :
- d’une part que plus un individu est attaché à un produit, moins il aura envie de le
boycotter
- d’autre part, moins il existe d’alternatives équivalentes au produit boycotté sur le marché,
moins l’individu sera susceptible de participer au boycott.
Ces deux facteurs représentent le coût de changement requis par le boycott. Plus grands sont
les sacrifices requis de la part du consommateur pour boycotter une marque, moins ce dernier
sera prêt à le faire.

103
• Des produits éthiques relativement chers et pas toujours facilement accessibles

Les produits éthiques correspondent aux biens dont la fabrication a respecté des critères
écologiques ou sociaux, comme par exemple les produis issus de l’Agriculture biologique, les
produits « verts », ou encore issus du commerce équitable.

o Des produits relativement chers


En moyenne, ces catégories de produits sont entre 15% et 30% plus chers que leurs
équivalents non éthiques, avec parfois des écarts de 50%. Ce supplément de prix n’est pas
négligeable et freine les motivations socialement responsables d’un nombre important de
consommateurs (Roberts, 1996, Bouquet et Hénault, 1998). La grande majorité des individus
n’est pas prête à dépenser un tel supplément de prix au quotidien. L’étude réalisée par Duong
et Robert-Demontrond (2004) s’est attachée à calculer le consentement à payer des individus
pour un produit disposant d’un label social. Les résultats, présentés dans le tableau 5 montrent
qu’en majorité les consommateurs sont prêts à accepter un supplément de prix de 10% en
échange de garanties éthiques. Les produits plus chers de 20% ne recueilleront pas un large
succès. L’existence d’un biais de désirabilité sociale sur ce thème de recherche incite à penser
que ces chiffres sont plutôt une estimation haute du consentement réel à payer des individus
en matière d’éthique.

% de non
Supplément de prix % d’acheteurs
acheteurs
5% 72,5% 27.5%
10% 50,8% 49,2%
15% 31,7% 68,30%
20% 20% 80%
37% 4,2% 95,8%

Tableau 5 : Consentement à payer des individus pour un produit disposant d’un label social, Duong et
Robert-Demontrond, 2004

Les solutions d’épargne éthique proposent également des rémunérations financières


légèrement moins élevées que les placements classiques. Le fait de privilégier des critères
éthiques dans ses choix de placement suppose donc un léger sacrifice en termes de rentabilité.

104
Cela contribue certainement à expliquer que l’investissement socialement responsable ne
représente à ce jour qu’1% des investissements en cours en France.23
Une explication possible de la faible disposition du consommateur à payer un supplément de
prix en contrepartie de garanties éthiques réside dans le niveau d’attente des individus (Creyer
et Ross, 1996). En effet, nos sociétés auraient des attentes en matière d’éthique et cela nous
conduit à trouver normal qu’une entreprise se comporte bien. Cela ne mérite donc pas de
récompense particulière. A l’inverse, les consommateurs exigent de payer des prix moins
élevés aux entreprises ayant des pratiques condamnables. D’après cette façon de penser, on
comprend pourquoi il ne paraît pas légitime de consentir des sacrifices financiers pour des
garanties sociales ou environnementales. Pour développer massivement une consommation
responsable, l’aspect éthique des produits doit donc apparaître comme un « bonus » aux yeux
du consommateur, un critère qui ne rentre pas en conflit avec le rapport qualité/prix (Carrigan,
Szmigin et Wright, 2003)

o Une offre éthique peu accessible


Un autre frein mis en évidence dans les études sur la CSR est le manque de disponibilité des
produits éthiques. Il semble que l’offre d’alternatives éthiques soit encore insuffisante dans
certains domaines (Roberts, 1996, Smith, 2000, Carrigan, Szmigin et Wright, 2003). Il
n’existe pas encore d’équivalents éthiques à chaque catégorie de produits, ou du moins, telle
est la perception du consommateur.
Les produits équitables et Bio se répandent de plus en plus en grande surface, mais un
consommateur souhaitant acheter tous les produits de sa liste de course dans un esprit éthique
doit se rendre dans des magasins spécialisés, de type Artisans du Monde ou Biocoop. Or la
plupart des consommateurs ne semblent pas prêts à se déplacer pour des critères non
économiques. L’éthique n’est généralement pas un critère d’achat suffisamment important
pour provoquer de tels efforts, à part pour une minorité pour qui les causes sociales et
environnementales méritent ces petits sacrifices. L’accessibilité des produits éthiques semble
conditionner la généralisation de la CSR au grand public. La présence croissante de ce type de
produits dans les rayons des grandes surfaces ne pourra donc que donner plus d’ampleur à la
pratique de la CSR.

23
Données Novethic, disponible sur http://www.novethic.fr

105
La grande distribution démarre lentement le référencement des produits labellisés mais se
cantonne souvent à quelques produits : café, thé pour le commerce équitable, fruits et légumes
pour le commerce Bio.

106
Synthèse du chapitre 2 :
Ce deuxième chapitre a été consacré à une réflexion théorique sur les différentes façons
d’imposer un comportement responsable aux entreprises. La première partie nous a permis
d’explorer succinctement quatre grandes sources de contrôle de pratiques des entreprises : les
dirigeants de l’entreprise, l’état, les salariés et les consommateurs. Le poids exercé par les
salariés sur la direction de l’entreprise est relativement faible, et on ne peut pas attendre que
les employés d’une firme se mobilisent sur des aspects sociaux et environnementaux ne les
touchant pas directement. De plus en plus d’entreprises prennent conscience de leurs
responsabilités à l’égard de la société et prennent des initiatives en ce sens. Cependant, ces
pratiques socialement responsables demeurent l’apanage des grosses entreprises en bonne
santé financière. En effet, l’exercice de la citoyenneté d’entreprise rentre souvent en
contradiction avec l’impératif économique. On ne peut donc globalement pas attendre du
monde des affaires l’adoption systématique et volontaire de comportements éthiques. De plus,
faut-il laisser aux entreprises le soin de définir elles-mêmes ce qu’est un comportement
citoyen ? Cela ne va-t-il pas les conduire à adopter une éthique qui les arrange ? De plus, ont-
elles les compétences requises pour agir dans le domaine complexe qu’est l’éthique ?
Ces considérations amènent à penser que l’intervention de l’état est nécessaire. Son rôle est
d’instaurer un cadre réglementaire afin d’empêcher les entreprises d’adopter des pratiques
condamnables. Ces réglementations, sans imposer des initiatives en matière de RSE, rendent
illégales les pratiques non éthiques. Même si l’intervention de l’état pour contrôler le marché
est indispensable, la mondialisation des échanges limite de plus en plus ce pouvoir. Les
grosses multinationales peuvent contourner les réglementations nationales grâce aux
délocalisations.
Face à ce constat, il nous semble que les consommateurs ont un rôle à jouer. A travers leurs
achats, les individus peuvent exercer une pression efficace sur les entreprises, en complément
de l’intervention de l’état. En récompensant les initiatives éthiques des entreprises et en
punissant les firmes au comportement condamnable, les consommateurs régulent
naturellement les pratiques du marché. Ce fonctionnement est démocratique et permet à tous
d’exercer quotidiennement sa citoyenneté. Cette régulation du marché « par le bas » est donc
peu coûteuse, flexible et démocratique.
Tous ces avantages nous ont amené à étudier les leviers sur lesquels agir pour rendre la CSR
plus massive :
- Il faudrait par exemple faire prendre conscience aux consommateurs des enjeux de leur
consommation. En effet, nombreux sont les individus qui n’ont jamais réfléchi au fait qu’ils

107
peuvent influencer les pratiques des entreprises à travers leurs achats (Carrigan et Attalla,
2001). Nombreux sont également ceux qui y ont déjà réfléchi mais considèrent que leur
comportement individuel n’aura pas d’impact sur les actions des entreprises. L’éveil des
consommateurs sur leur « pouvoir d’achat » devrait donc provoquer une responsabilisation
croissante de ceux-ci.
- L’effet marché mis en évidence par les travaux réalisés en économie expérimentale montre
que les consommateurs n’exercent pas leur altruisme dans le cadre du marché. Celui-ci
engendre en effet trop d’anonymat et de distances sociales pour que les individus y expriment
leur générosité. Ce constat incite donc à recréer des relations sociales dans les achats. Ceci
peut par exemple passer par des associations d’acheteurs responsables ou encore par des
relations plus personnalisées avec les labels sociaux existants (Agriculture Biologique, Max
Havelaar…)
- Certains consommateurs sont très sceptiques sur les capacités d’une entreprise à adopter des
comportements non mercantiles. Cette attitude négative à l’égard du monde des affaires freine
l’envie de récompenser ou de punir les entreprises pour leur comportement en matière
d’éthique. Une solution possible pour améliorer l’image des entreprises réside dans le
développement du travail de labellisation. En effet, les labels attribués par des organismes
externes aux entreprises offrent davantage de garanties aux consommateurs que les simples
déclarations des entreprises. Ils peuvent donc potentiellement redonner confiance aux plus
sceptiques.
- Il existe enfin un certain nombre de freins qui rendent difficile la pratique de la CSR : le
manque d’information sur les pratiques des entreprises, la complexité et le coût des achats
éthiques. Ici encore, le développement de labels permettant aux consommateurs de distinguer
rapidement les marques responsables de celles condamnables est probablement la clé du
développement de la CSR. C’est la raison pour laquelle le collectif « De l’éthique sur
l’étiquette » milite depuis 1995 pour la création d’un label social qui dévoilerait au grand
public les pratiques des entreprises sur des critères sociaux et environnementaux. De tels
outils semblent insuffisamment développés en France à l’heure actuelle et sont trop peu
visibles du grand public. En 2003, la norme SA 800024 n’avait par exemple été délivrée qu’à 4
entreprises françaises25. Les produits du commerce équitable et de l’agriculture biologique
gagnent de nombreuses parts de marché, ce qui montre que lorsqu’une alternative authentifiée
éthique existe, les consommateurs sont prêts à s’engager. Il faut donc développer une offre

24
Pour des informations sur la norme SA 8000, voir le tableau 2, chapitre 1, section 1.2.1
25
Source novethic : www.novethic.fr

108
labellisée éthique visible et accessible du grand public. L’écart de prix avec les produits non
éthiques doit de plus être justifié par une qualité supplémentaire : en effet, il semble que les
consommateurs ne soient pas prêts à faire de réels sacrifices financiers pour acheter éthique.
Ce critère doit donc apparaître comme un bonus, n’entrant pas en conflit avec le rapport
qualité/prix.

Le raisonnement suivi au cours de ce chapitre, résumé en figure 11, nous a conduit à montrer
les avantages de la CSR. Principalement, cette forme de consommation permet une régulation
naturelle et efficace du marché, et qui constitue un bon complément à la réglementation de
l’état. Les arguments développés en faveur de la CSR montrent qu’il faut donc encourager
cette pratique. C’est dans cet esprit général qu’a été entrepris ce travail de recherche.
Cependant, comme va le montrer le chapitre 3, la CSR est un concept peu étudié en recherche.
Nous allons donc explorer les principales lacunes de la littérature sur ce thème.

109
Les entreprises:
Notion de RSE mais
-Contrainte de profit
-Problèmes de justice,
confiance et légit imité

L’état:
Les salariés:
Arme ju rid ique mais
Arme de la grève mais:
-mondialisation
-Mondialisation Régulation
-Coût du fonctionnement
-Limité au x cas concernant éthique du étatique
les salariés marché
-Un rôle de protection
minimale

Les
consommateurs:
Régulation naturelle, puissante,
démocratique, peu coûteuse et flexible
mais:
-manque de volonté éthique, effet
marché, manque de confiance
-Problèmes d’in formation, co mp lexité
des achats éthiques, coûts de la CSR

Figure 11 : Résumé du chapitre 2

110
111
112
CHAPITRE 3

LA NECESSITE D’ECLAIRCIR LE CONCEPT DE CSR

Les deux premiers chapitres avaient pour objectif de définir le concept de CSR et de montrer
les avantages associés à un telle pratique. A plusieurs reprises, nous avons senti certaines
difficultés à réfléchir sur ce thème pour la simple raison que le contenu de la CSR demeure
relativement flou. Comment se manifeste réellement un comportement de CSR ? Comme
nous l’avons déjà mentionné en introduction générale, il existe relativement peu de
contributions académiques sur le thème global de la CSR. Les auteurs ont davantage
concentré leurs efforts sur des sujets plus restreints tels que la consommation verte, le boycott,
la réaction du consommateur face aux initiatives socialement responsables des entreprises.
L’objet du chapitre 3 est de compléter la revue de littérature entamée lors des deux premiers
chapitres. Le positionnement adopté lors de ce chapitre est la mise en évidence des
insuffisances ou des limites des travaux actuels. En effet, les recherches existantes sur le
thème global de la CSR sont relativement peu nombreuses et il est difficile de présenter
réellement un bilan des connaissances acquises sur la CSR pour différentes raisons :
- le contenu de la CSR demeure flou. La plupart des définitions montrent que c’est un
concept global, mais les formes concrètes prises par ce comportement sont mal connues :
achat selon le comportement des entreprises ? Achat selon des caractéristiques du
produit ? Adoption de certains comportements de consommation plutôt que d’autres ?
- Les outils de mesures de la CSR utilisés dans les premiers travaux portant sur ce thème
sont largement critiquables. Dans ce cas, que conclure quant à la validité des résultats
obtenus ?
- De nombreux travaux portent sur des thèmes plus restreints, mais néanmoins proches de la
CSR : le boycott, l’achat de produits partage…De même, peut-on appliquer les résultats
de ces recherches au thème global qu’est la CSR ?

Nous soulignerons principalement trois aspects majeurs qui restent en suspens sur le thème de
la CSR. Le premier concerne le contenu concret du concept : quels sont les comportements
que l’on peut inclure dans la définition ?

113
Le deuxième point abordé correspond aux déterminants individuels du comportement de
CSR. Nous montrerons que les travaux actuels ne s’accordent pas toujours sur le rôle de
certaines variables. Le profil en termes de variables sociodémographiques et de personnalité
du consommateur responsable est donc incertain.
Enfin, dans une troisième section, nous nous intéresserons à la façon dont on peut modéliser
le comportement du consommateur en matière de CSR. La littérature offre quelques pistes à
explorer. Cependant, il n’existe pas réellement de modèle complet permettant de synthétiser
les différentes variables agissant sur la décision du consommateur responsable.

La figure 12 récapitule la progression suivie au cours de ce chapitre.

Chapitre 3: La nécessité d’éclaircir le concept


de CSR

+ 3. L’absence de modèle de
1. La CSR: un 2. Le profil incertain du prise de décision du
concept aux + consommateur consommateur en matière
contours flous responsable de CSR

Figure 12 : Plan du chapitre 3

1. LA CSR : UN CONCEPT AUX CONTOURS FLOUS

Comme nous l’avons vu en chapitre 1, l’étude des travaux portant sur le concept de CSR
montre qu’il existe un relatif consensus sur la définition du concept. Il s’agit globalement de
la prise en compte des effets publics de sa consommation privée. Cependant, comme nous le
verrons dans une première sous partie, peu de chercheurs ont travaillé sur les pratiques
concrètes d’un consommateur responsable. La mise en œuvre du concept de CSR réduit
souvent cette notion à l’achat selon le comportement plus ou moins responsable des
entreprises. Cependant, différents travaux portants sur la consommation éthique ou engagée
suggèrent l’inclusion d’autres comportements de consommation. Nous étudierons l’ensemble
de ces pistes dans une seconde sous partie.

114
1.1 L’opérationnalisation du concept de CSR
1.1.1 Les échelles de mesure de la CSR

Les outils de mesure utilisés par les chercheurs pour mettre en œuvre le concept de CSR
renseignent sur les comportements de consommation concrets correspondant à cette notion.
En effet, les définitions conceptuelles données demeurent souvent abstraites et ne renseignent
pas sur les manifestations réelles de la CSR.
Dans les premières études (Anderson et Cunningham, 1972, Anderson, Hénion et Cox, 1974),
la CSR a été mesurée par l’échelle de Responsabilité sociale (Social Responsibility Scale) de
Berkowitz et Lutterman (1968). Cette échelle à 8 items est issue de la sociologie et mesure le
degré de responsabilité sociale des individus dans leur vie de tous les jours. Cela correspond
plus ou moins au degré d’implication d’un individu dans sa communauté et son sens des
autres avec des items tels que : « Laisser tomber ses amis n’est pas si grave parce qu’on ne
peut pas être bon avec tout le monde tout le temps », ou encore « Il ne sert à rien de
s’inquiéter des affaires publiques ; je ne peux rien y faire de toute façon ». Cette échelle ne
porte pas sur la consommation et elle n’est donc pas adaptée au contexte de l’étude du
comportement du consommateur (Leigh, Murphy et Enis, 1988).

Par la suite, le comportement du consommateur socialement responsable a été mesuré par des
échelles décrivant un comportement de consommation respectueux de l’environnement. Par
exemple, l’index à 8 items de « Consommation socialement consciente » utilisé par Webster
(1975) est constitué uniquement de comportement de consommation lié à une préoccupation
pour l’environnement : achat de produits non polluants, pratique du recyclage, boycott des
entreprises polluantes. Dans la même veine, Brooker (1976), Belch (1979, 1982) et Antil
(1984) assimilent la CSR à une consommation écologique. Les mesures qu’ils développent
portent sur l’attitude face aux problèmes environnementaux.

Les travaux de Roberts (1995, 1996) représentent un tournant car pour la première fois,
l’aspect social apparaît clairement dans la mesure de la CSR. L’échelle de CSR de Roberts
(1995, 1996) a été créée en respectant un processus rigoureux, contrairement, semble-t-il, aux
mesures précédemment utilisées. Le comportement de consommation socialement
responsable comprend d’après cet auteur une dimension sociale et une dimension
environnementale ; c’est pourquoi l’échelle correspondante est constituée de deux
dimensions : la dimension écologique comprend 17 items et représente 49 % de la variance

115
totale de l’échelle, et la dimension sociale est constituée de 8 items et n’explique que 7 % de
la variance. Cette échelle présente une bonne fiabilité avec des coefficients alpha de 0.95 et
0.86.
L’échelle de Roberts, étant la seule à intégrer une dimension sociale, est donc la seule mesure
réellement valide de la CSR. Elle décrit différents comportements de consommation
socialement responsable. Il s’agit de :
• Acheter des produits selon le comportement de l’entreprise : de ne pas acheter aux
entreprises dont les pratiques sont condamnables et acheter aux entreprises qui font
des dons aux œuvres de charité.
• Choisir des produits selon leur composition : refuser les produits polluants et choisir
des produits non nuisibles pour l’environnement : emballages recyclables, lessives
sans phosphate.
• Eviter certains comportements de consommation : conduire aussi peu que possible
afin de réduire la dépendance du pays en pétrole.

Le tableau 6 récapitule la façon dont la CSR a été mesurée par les différents auteurs ayant
travaillé sur ce thème.

Auteur Mise en œuvre


Concept étudié
(année) (thèmes sur lesquels portent les items)

Berkowitz et Individus socialement Echelle SRS, 8 items (engagement vis à vis


Lutterman, responsables des autres)
(1968)

Anderson et Consommateur Echelle SRS, 8 items


Cunningham, socialement conscient (engagement vis à vis des autres)
(1972)

Anderson, Consommateur Echelle SRS, 8 items/ pratique du recyclage


Hénion et Cox, socialement
(1974) responsable

116
Webster, Consommateur Index de consommation socialement
(1975) socialement conscient consciente, 8 items :
- Comportement de consommation :
pratique du recyclage, réutilisation des
sacs de caisse, réduire utilisation d’énergie
- choix des produits : achat de boisson en
bouteilles recyclables, de détergents sans
phosphates, de carburant sans plomb
- boycott de produits mêlés à des disputes
sociales
Brooker, Consommateur Achat de lessive sans détergent, d’essence
(1976) socialement conscient sans plomb

Belch,( 1979, Consommateur Echelle de 20 items (écologie).


1982) socialement concerné - Préoccupation du consommateur sur les
problèmes énergétiques, la pollution
sonore, atmosphérique, maritime
- Attitude envers les additifs
- Pratique de sport

Antil, (1984) Consommateur Echelle à 40 items (écologie) :


socialement
- opinions sur les problèmes écologiques
responsable
- efforts que le consommateur est prêt à
faire en matière d’écologie.

Roberts, Comportement de Echelle, 25 items (1 dimension écologique,


(1995, 1996) consommation 1 dimension sociale) :
socialement - acheter selon le comportement de
responsable l’entreprise
- ne pas acheter de produits polluants
- ne pas trop conduire

Tableau 6 : Mesures du concept de CSR

1.1.2 Une consommation souvent assimilée à l’achat selon le comportement des entreprises

Comme nous l’avons déjà mentionné dans le chapitre 1, il semble que depuis les travaux de
Roberts en 1995, la notion de CSR soit de moins en moins employée par les chercheurs. Les
travaux récents portent majoritairement sur la réaction du consommateur face au

117
comportement des entreprises et implicitement la consommation socialement responsable est
assimilée à ce comportement. Dans cette idée, le consommateur responsable :
achète aux entreprises responsables, c’est-à-dire aux entreprises ayant des initiatives en
matière de responsabilité sociale.
et n’achète pas à celles dont les pratiques sont condamnables. La décision individuelle de
participer à un boycott rentre dans cette catégorie.

Etudions maintenant les comportements de consommation suggérés par les travaux portant
sur la consommation éthique ou engagée.

1.2 Les travaux suggérant l’existence d’autres comportements et / ou d’un


autre dimensionnement de la CSR

Différentes contributions sur la consommation éthique ou engagée suggèrent d’inclure dans


ces notions des facettes non identifiées dans les travaux sur la CSR. Certes, ces contributions
ne portent pas directement sur le concept que nous étudions : la CSR. Cependant, nous avons
déjà montré les liens très forts existants entre consommation éthique et CSR, au point que ces
deux notions sont souvent confondues dans la littérature. Le concept de consommation
engagée, davantage employé dans le langage courant, semble aussi désigner une
consommation dédiée à une cause sociale ou environnementale, comme la CSR.

1.2.1 Le cadre d’analyse de Crane (2001)

Crane (2001) propose un cadre d’analyse sur les différentes façons dont l’éthique peut affecter
la décision du consommateur. Même si cette étude ne porte pas directement sur le thème de la
consommation socialement responsable, elle peut être facilement transposée à celui-ci comme
nous l’avons montré précédemment. A partir des travaux de Smith (1990), Crane (2001)
fonde son analyse sur la théorie du produit augmenté de Levitt (1980). Celle-ci postule qu’il
existe différents niveaux d’analyse d’un produit : le produit attendu par le consommateur, le
produit en lui-même, correspondant à un panier d’attributs tangibles et enfin, le produit
augmenté incluant, en plus du produit, l’ensemble des services et bénéfices proposés aux
consommateurs. En reprenant cette approche, les considérations éthiques sont des
augmentations éthiques du produit, des bénéfices supplémentaires par rapport à la valeur
intrinsèque du produit. Cependant, ces augmentations peuvent également être négatives et

118
non souhaitées par le producteur. Crane propose que ces « augmentations » éthiques peuvent
affecter le produit à quatre différents niveaux :

• Le niveau du produit.
Une augmentation éthique au niveau du produit correspond au potentiel du produit à faire le
« bien » ou le « mal » sur le consommateur ou sur son entourage. Ces augmentations
concernent à la fois les caractéristiques du produit en lui-même, les matières premières ayant
servi à sa production, le processus de fabrication, l’usage du produit. Les produits respectueux
de l’environnement constituent par exemple une augmentation positive au niveau du produit,
alors que les produits faits à partir de ressources naturelles rares, ou ayant utilisé une main
d’œuvre enfantine sont des exemples d’augmentations négatives.

• Le niveau du marketing.
Une augmentation éthique au niveau du marketing correspond aux considérations éthiques
sur la façon dont est commercialisé le produit. La pratique de la publicité mensongère vient
immédiatement à l’esprit car elle va à l’encontre des standards moraux de notre société. A
l’inverse, le marketing des causes sociales est un exemple d’augmentation positive au niveau
du marketing, puisque cela amène à reverser de l’argent à des bonnes causes.

• Le niveau de l’organisation.
La troisième façon dont l’éthique peut affecter une offre concerne le comportement de
l’entreprise vendant le produit. Il s’agit des pratiques plus ou moins éthiques de l’entreprise
qui n’ont pas de rapport direct avec un produit. Ces augmentations peuvent prendre des
formes extrêmement variées : façon dont l’entreprise considère ses employés, impact de la
production sur l’environnement physique, attitude de l’entreprise envers ses partenaires
stratégiques, politiques bienfaitrices de l’entreprise…

• Le niveau du pays d’origine.


Enfin, le quatrième niveau d’augmentation éthique pour un produit concerne le pays
d’origine, élément qui échappe au contrôle du producteur. Le consommateur citoyen préfère
acheter un produit fabriqué dans son pays ; à l’inverse, il évite d’acheter des biens fabriqués
dans les pays dont la politique est condamnable. Crane donne l’exemple du boycott des
produits sud-africains par les américains, ou encore du boycott des produits français à cause

119
de la reprise des essais nucléaires en 1995 et du refus des produits chiliens à cause de la
dictature.

Le cadre d’analyse de Crane (2001), représenté en figure 13, propose donc que l’éthique
influence potentiellement le jugement d’un produit de quatre façons différentes. Cette
approche est facilement transposable au cas de la consommation socialement responsable : à
chaque niveau, il suffit de ne garder que les caractéristiques du produit qui ont un impact sur
l’entourage du consommateur, et ne pas prendre en compte les considérations éthiques
affectant uniquement le consommateur. Ainsi, ces résultats suggèrent que l’aspect
« socialement responsable » influence un produit de quatre façons : les considérations à
propos du produit en lui-même, la façon dont il est vendu, le comportement de l’entreprise le
fabriquant et enfin son pays d’origine. Le cadre d’analyse proposé par Crane (2001) n’a pas
été testé empiriquement et ne peut donc être considéré comme totalement valide. Pourtant, ce
découpage en quatre dimensions semble particulièrement intéressant. Il offre une alternative à
la structure de l’échelle de Roberts (1995), composée d’une dimension sociale et d’une
dimension environnementale.
Il suggère aussi d’intégrer des dimensions qui n’ont jamais été évoquées dans la littérature sur
la consommation socialement responsable : les considérations liées à l’origine géographique
des produits et la façon dont ils sont vendus.

Direction de l’augmentation éthique


Négative Neutre Positive
Produit A B C
Contenu de Marketing D E F
l’augmentati
Organisation G H I
on éthique
Pays
J K L
d’origine

Figure 13 : Matrice du produit éthique, Crane, 2001

1.2.2 Les travaux du CREDOC

Le Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC) a


pour mission d’analyser le comportement des individus dans les différentes facettes de leur
vie : consommateurs, salariés d’une l'entreprise ou citoyens. Cet organisme de recherche

120
mène régulièrement des études sur les nouvelles tendances de consommation des français.
Plusieurs enquêtes26 ont ainsi été menées sur le thème de la « consommation engagée » depuis
une dizaine d’années.
Celle-ci est définie par Rochefort (1996) de la façon suivante : «Soutien à une cause
humanitaire ou sociale, écologie, préférence pour la production nationale ou pour les produits
du terroir, tels sont les principaux thèmes de ce que l’on peut appeler la consommation
engagée ». Cette vision incite à penser que la consommation engagée est une notion très
proche de la CSR, et qu’en conséquence, nous pouvons nous inspirer des travaux du
CREDOC.
Dans l’étude menée en décembre 1995 par le CREDOC, la consommation engagée
correspond à l’achat de produits présentant l’une des 5 garanties suivantes :
- produit fabriqué en France
- respect des employés de la part de l’entreprise
- garanties écologiques
- produit fabriqué dans sa région
- produit soutenant une cause humanitaire
La figure 14 reproduit les résultats de cette enquête.

90
80
70
24
60 23
50 29 25 Assez incités
40 26 Beaucoup incités
30 53 46
20 36 37
28
10
0
Fabriqué en Respect des Garanties Fabriqué Soutient une
France employés écologiques dans votre cause
région humanitaire

Figure 14 : Part des consommateurs qui se déclarent personnellement incités à l’achat de produits qui
présentent une garantie citoyenne (en %), CREDOC, lettre n°106, 26 mars 1996.

26
« Vers une consommation engagée », n°75, mars 1933, « La consommation engagée progresse », n°106, 26
mars 1996, « Femmes : une consommation plus prudente et plus citoyenne », n°137, septembre 1999, « La
consommation engagée : mode passagère ou nouvelle tendance de consommation ? », SESSI, n°170, décembre
2002

121
La consommation engagée se traduit donc par une préférence pour les produits domestiques et
régionaux, offrant des garanties écologiques et fabriqués par une entreprise responsable.

Lors d’une étude menée en 2002 sur le même thème, le CREDOC interroge les
consommateurs sur l’importance accordée aux engagements « citoyens » des entreprises.
Voici comment les consommateurs classent, par ordre d’importance décroissant, les 10
formes d’engagements proposées :
- ne pas avoir recours au travail des enfants
- produit fabriqué en France
- respect des conditions de travail des salariés
- fabrication non polluante
- aide à la recherche médicale
- aide aux personnes en difficulté
- aide au tiers monde
- fabrication européenne
- l’entreprise s’engage à ne pas faire souffrir les animaux
- aide aux activités culturelles et sportives
Ici, encore, la consommation engagée correspond à une préférence pour les produits
domestiques et européens et fabriqués par une entreprise citoyenne.

Les travaux du CREDOC, portant sur la notion de consommation engagée, montrent donc que
celle-ci ne se résume pas uniquement à l’achat selon le comportement des entreprises, mais se
traduit également par une attention portée à l’origine géographique des produits.

1.2.3 Les travaux portant sur la simplicité volontaire

Plusieurs chercheurs travaillant sur l’éthique de la consommation suggèrent d’inclure dans


cette notion le comportement de « simplicité volontaire » (Holbrook, 1994, Shaw et
Newholm, 2002, Carrigan, Szmigin et Wright, 2003). Cette expression s’est diffusée, semble-
t-il, suite aux travaux de Leonard-Barton (1981), pour laquelle la simplicité volontaire est
définie comme « le degré auquel un individu sélectionne un mode de vie destinée à maximiser
son contrôle direct sur les activités quotidiennes et à minimiser sa consommation et
dépendance ». Autrement dit, cela représente un comportement volontaire de réduction de sa
consommation afin de se détacher des choses matérielles et se consacrer davantage à des

122
activités non mercantiles. Il existe différents degrés de « simplicité volontaire » : les plus
modérés refuseront par exemple l’achat de produits futiles, alors que les plus engagés
mèneront une vie totalement détachée des biens matériels (Etzioni, 1998). Dans tous les cas,
cependant, il s’agit d’un choix délibéré de l’individu, à ne pas confondre avec un dénuement
causé par la pauvreté. Les consommateurs pratiquant la simplicité volontaire adoptent des
comportements basée sur la non consommation : usage du vélo plutôt que de la voiture,
culture de ses propres fruits et légumes, pratique du recyclage, achat de produits d’occasion,
fabrication soi-même de certains objets, refus d’achat de produits non indispensables, etc
(Etzioni, 1998, Dobscha, 1998). L’objectif de ce mode de vie est de se détacher du monde
matériel pour mieux se consacrer aux choses essentielles : famille, amis, nature, culture,
sport…
Cette notion a été relativement peu étudiée en marketing, mais récemment, plusieurs auteurs
ont indiqué que ce comportement d’anticonsommation pouvait être rattaché à la notion de
consommation éthique. Holbrook (1994) et Carrigan, Szmigin et Wright (2003) regroupent
ainsi les comportements de boycotts, de simplicité volontaire et d’achats de produits verts et
équitables dans la notion globale d’éthique du consommateur.
Shaw et Newholm (2002) se sont attachés à expliquer pourquoi la simplicité volontaire est en
réalité une expression des motivations éthiques du consommateur. Pour ces auteurs, les
préoccupations sociales et environnementales d’un consommateur peuvent amener celui-ci à
deux grands types de comportements :
- soit modifier ses choix de consommation, tout en maintenant son niveau global de
consommation : achat de produits verts, équitables, ou achat aux entreprises locales.
- soit réduire son niveau de consommation en adoptant un comportement de « simplicité
volontaire » : achat de produits seconde main, usage des transports en commun…
Les travaux portant sur la simplicité volontaire suggèrent donc que ce comportement est une
manifestation des préoccupations éthiques du consommateur. Or, jusqu’à présent, les travaux
portant sur la CSR n’ont pas considéré ce comportement.

1.3 Synthèse et présentation de la 1ère question de recherche

En conclusion de cette première partie, il semble que les contours et la structuration du


concept de CSR demeurent encore incertains.
L’échelle de Roberts (1995) est probablement l’outil le plus fiable qui ait été construit pour
mesurer la CSR : elle est constituée de deux dimensions : un facteur environnemental et un

123
facteur social. Cette structure ne coïncide pas avec le cadre d’analyse de Crane (2001). Celui-
ci semble offrir une vision particulièrement intéressante et pertinente des différentes façons
dont l’éthique peut affecter la valeur d’un produit. Ce constat nous amène à nous interroger
sur le dimensionnement réel du concept de CSR. Les individus ont-ils des préoccupations
générales d’ordre social et environnemental, comme le postulent les travaux de Roberts
(1995) ? Ou bien, au contraire, leurs préoccupations sont-elles centrées sur des aspects plus
précis comme le pays d’origine, le comportement de l’entreprise, comme le suggère l’article
de Crane (2001) ?
De plus, l’échelle de Roberts (1995) adopte, semble-t-il, une vision restrictive de la CSR au
regard des travaux portant sur des thèmes proches tels que consommation engagée et éthique
de la consommation. L’échelle n’englobe pas le comportement de simplicité volontaire et les
considérations liées à l’origine géographique des produits. Des travaux récents ont pourtant
considéré que ces comportements étaient du ressort de la consommation éthique. La figure 15
récapitule l’ensemble de ces considérations.

Cette réflexion montre que l’échelle de CSR présente certaines limites. Différentes
contributions nous amènent à nous interroger sur le dimensionnement réel et les
comportements inclus dans la notion de CSR. Cette interrogation constitue notre
première question de recherche.

124
validés (en haut)
Figure 15 : Les frontières de la CSR : les comportements reconnus (en bas) et ceux suggérés mais non
Opérationnalisation actuelle de la CSR Comportements et/ou structuration de la CSR suggérés par la littérature

Holbrook (1994)
Shaw et Newholm,
Courant majoritaire Roberts (1995) Crane (2001) CREDOC (2002), Carrigan,
Szmigin et Wright,
(2003)

Echelle à 2 4 considérations Consommation La simplicité volontaire


Achat selon le dimensions : sociale et éthiques du produit: engagée : est une forme de
comportement de environnementale. consommation éthique:
l’entreprise : • le produit • achat de produits
Comportements inclus : • marketing régionaux, • réduire sa
• achat aux • achat de produits • organisation français, consommation
entreprises selon le • pays d’origine européens
responsables comportement de • achat aux
• refus d’achat aux l’entreprise entreprises
entreprises • achat de produits responsables :
condamnables non polluants fabrication non
• éviter certains polluante, aide au
comportements tiers monde,
de consommation respect des
employés
125
2. LE PROFIL INCERTAIN DU CONSOMMATEUR RESPONSABLE

Le deuxième thème que nous souhaitons développer dans ce chapitre concerne le manque de
connaissances sur les déterminants individuels de la CSR. La question des déterminants de la
pratique de la CSR paraît fondamentale. S’il existe réellement un segment de consommateurs
responsables, il est important de pouvoir définir un profil concret et opérationnel de celui-ci.
Les managers souhaitant se positionner en matière de responsabilité sociale ont besoin de
connaître les caractéristiques de leur cible. Dans un objectif managérial, il paraît donc
fondamental d’identifier le plus précisément possible les déterminants individuels de la CSR.
La littérature a étudié le rôle de deux grandes catégories de variables : les variables
sociodémographiques et les variables de personnalité. Dans cette seconde partie, nous
montrerons que pour chacune de ces deux catégories, les résultats des travaux empiriques sont
peu concluants et appellent à des recherches supplémentaires.

2.1 Le profil sociodémographique

Dans cette sous-partie consacrée au rôle des variables sociodémographiques en matière de


CSR, nous étudierons dans un premier temps les résultats des travaux académiques. Sur ce
thème, ces travaux sont globalement peu concluants, comme nous le verrons. C’est pourquoi,
nous nous tournerons dans un second temps vers les résultats de recherches plus appliquées.
Nous présenterons les pistes proposées par ces études en ce qui concerne le profil
sociodémographique des consommateurs en matière de CSR.

2.1.1 Les recherches académiques

Les travaux ayant étudié le rôle des déterminants individuels en matière de CSR ont été
effectués dans un contexte anglo-saxon entre 1975 et 1996. Les résultats obtenus sont
récapitulés en tableau 7.

126
Mise en œuvre Variables indépendantes
Taille
Variable (thèmes sur de
Auteur lesquels Variables socio- Variables de Variables non
dépendante l’échan
portent les démographiques personnalité corrélées
tillon
items) significatives
significatives

Berkowitz et Individus Echelle SRS, 8 766 Classe sociale +, Aliénation -,


Lutterman, socialement items niveau sentiment
1968 responsables (engagement d’éducation +, âge d’isolement -,
vis à vis des -, genre (fem.) engagement dans la
autres) communauté +,
religiosité +,
intérêts politiques
+

Anderson et Consommateur Echelle SRS, 8 412 Occupation +, Aliénation -, Revenu, niveau


Cunningham, socialement items statut socio- dogmatisme -, d’éducation,
1972 conscient économique +, conservatisme - étape dans le
(engagement âge - préoccupation pour cycle de vie
vis à vis des l’estime sociale -, familiale
autres) sentiment de
compétence
personnelle -,
cosmopolitisme +

Anderson, Consommateur Echelle SRS, 8 200/1 Age +, niveau Aliénation +, Revenu


Hénion et socialement items/ pratique 49 d’éducation -, conservatisme –
Cox, 1974 responsable par du recyclage profession -, statut cosmopolitisme +,
rapport au économique -, dogmatisme -,
consommateur étape du cycle de sentiment de
écologiquement vie + compétence
responsable personnelle +,
conscience du
statut, -

Webster, Consommateur Index de 227 Genre (fem.), Efficacité perçue Age,


1975 socialement consommation revenu +, nombre du consommateur sociabilité,
conscient socialement de voitures +, domination +, activités
consciente, 8 possédées+ tolérance +, sociales, niveau
items pouvoir perçu des d’éducation,
(écologie) entreprises + profession

Brooker, Consommateur Achat de 99 Nombre d’enfants Accomplissement Age, genre,


1976 socialement lessive sans + de soi + statut marital,
conscient détergent, statut socio-
d’essence sans économique
plomb

Belch, 1979 Consommateur Echelle de 20 125 Les consommateurs concernés :


socialement et items
écologiquement (écologie) pratiquent des activités d’extérieures
concerné sont philanthropiques, libéraux, ouverts
achètent de façon rationnelle

127
Belch, 1982 Consommateur Echelle de 20 267 Les consommateurs concernés :
socialement items
concerné (écologie) sont actifs, aiment activités d’extérieur
sont libéraux, philanthropiques, confiants, respectueux
des lois, fidèles
achètent selon critères rationnels, et non l’apparence

Antil, 1984 Consommateur Echelle à 40 690 Degré Efficacité perçue du Age, genre,
socialement items d’urbanisation consommateur +, revenu, taille
responsable (écologie) connaissance +, SRS du foyer,
+, conservatisme -, éducation,
préoccupation pour profession,
l’env. + statut socio-
économique

Roberts, 1995 Comportement Echelle de 605 Revenu -, Libéralisme +, Statut marital,


de CSR, 25 items affiliation au parti efficacité perçue du profession,
consommation (1 dimension démocrate (+) consommateur +, niveau
socialement écologique, 1 préoccupation pour d’éducation,
responsable dimension l’env. + genre, âge,
sociale) aliénation

Roberts, 1996 Comportement Echelle de 605 Genre (fem.), Niveau


de CSR, 25 items revenu -, âge +, d’éducation,
consommation (1 dimension profession
socialement écologique, 1
responsable dimension
sociale)

Tableau 7 : Principales recherches sur l’identification du consommateur socialement responsable

En ce qui concerne le rôle joué par les variables sociodémographiques en matière de CSR, les
résultats se contredisent selon les études. Quatre variables ont été particulièrement étudiées :
l’âge, le genre, le statut économique, et dans une moindre mesure la taille du foyer.

• L’âge
Au regard des travaux présentés en tableau 7, le rôle de l’âge comme variable explicative du
comportement de CSR est incertain. Les différentes études aboutissent à des résultats
contradictoires. Pour certains auteurs, les consommateurs socialement responsables seraient
plus âgés que la moyenne (Anderson, Hénion et Cox, 1974, Roberts, 1996). A l’inverse,
Berkowitz et Lutterman (1968) et Anderson et Cunningham (1972) démontrent que les foyers
les plus socialement responsables sont plus jeunes par rapport au groupe des non socialement
responsables. Enfin, les travaux de Webster (1975), Brooker (1976), Antil (1984) et Roberts
(1995) concluent que l’âge n’est pas une variable significative pour expliquer la pratique de la
CSR.

128
• Le genre
Le genre est probablement la variable sociodémographique explicative de la CSR la plus
clairement identifiée. Il est généralement reconnu que les consommateurs socialement
responsables sont plus souvent des femmes que des hommes (Berkowitz et Lutterman 1968,
Webster, 1975, Roberts, 1996). Cependant, certaines recherches concluent à la non
significativité de cette variable pour distinguer les consommateurs en matière de CSR
(Brooker, 1976, Antil, 1984, Roberts, 1995).

• Le statut socioéconomique
Au regard des travaux sur le consommateur responsable, il est difficile de conclure quant au
rôle du statut socioéconomique. Pour certains, le consommateur responsable est d’une classe
sociale plus élevée que la moyenne (Berkowitz et Lutterman 1968, Anderson et Cunningham,
1972), et dispose d’un revenu globalement élevé (Webster, 1975). A l’inverse, d’autres
auteurs concluent à une influence négative de ces mêmes variables (Anderson, Hénion et Cox,
1974, Roberts, 1995, 1996) ou à une absence de significativité (Brooker, 1976). Ainsi, le rôle
du revenu, du statut socioéconomique ou de la profession demeurent très confus.

• La taille du foyer
Brooker (1976) montre que le fait d’avoir des enfants et le nombre d’enfants influencent
positivement la pratique de la CSR. En parallèle, Anderson et Cunningham (1972) et Antil
(1984) concluent à la non significativité de ces mêmes variables.

• Synthèse des recherches académiques


Le rôle des variables sociodémographiques en matière de CSR demeure donc largement
incertain. Les études ayant tenté d’établir le profil du consommateur responsable aboutissent à
des résultats divergents. La seule variable conduisant à un relative consensus est le genre : les
consommateurs sont donc plus fréquemment des femmes que des hommes.
Face à ce constat, plusieurs types d’explication peuvent être proposés. Un premier élément
réside dans le fait que les variables sociodémographiques sont globalement peu efficaces pour
identifier le consommateur responsable (Webster, 1975, Roberts, 1996). Les variables de
personnalité semblent être de meilleurs prédicteurs du comportement socialement
responsable. Les travaux de Roberts (1996), dont nous avons plusieurs fois souligné qu’ils
constituent une référence sur notre sujet, illustrent ce constat. L’auteur conclut que les 5

129
variables sociodémographiques étudiées, l’âge, le genre, l’activité, le revenu et le niveau
d’éducation, ne parviennent à expliquer que 8% de la variance du comportement de
consommation socialement responsable.
Une deuxième explication de la confusion des résultats réside dans l’utilisation d’outils de
mesure totalement différents entre les auteurs. Les premières recherches sur la CSR ont
mesuré cette notion à travers une échelle de responsabilité sociale de l’individu (Social
Responsibility Scale), issue des travaux de sociologie et ne portant pas sur la consommation.
Par la suite, les auteurs ont mesuré la CSR à travers des échelles ad hoc, représentant
globalement des comportements de consommation écologique. Seul Roberts (1995, 1996) a
construit une échelle de mesure appliquée à la consommation et incluant une dimension
sociale. Face à cette diversité des outils de mise en œuvre de la CSR, les divergences de
résultats mises en évidence précédemment semblent moins surprenantes. Stricto sensu, seuls
les travaux de Roberts portent réellement sur la notion de CSR telle que nous l’avons définie.
Enfin, on peut s’interroger sur les modalités des liens entre variables sociodémographiques et
CSR. Les travaux de Roberts (1995) et notre discussion en première partie de ce chapitre
laissent à penser que la CSR est un concept multidimensionnel. Dans ce cas, on peut
s’interroger sur la pertinence d’étudier le profil du consommateur responsable par des
régressions avec la CSR comme variable indépendante et les éléments sociodémographiques
comme variables indépendantes. La multidimensionnalité de la CSR incite plutôt à
s’interroger sur le rôle des déterminants sociodémographiques pour chaque facette de la CSR.
En effet, s’il existe plusieurs dimensions de CSR, il existe aussi probablement plusieurs types
de consommateurs responsables, certains étant sensibles à certains aspects et pas à d’autres.
Dans ce cas, ne faudrait-il pas mieux établir les profils sociodémographiques des différents
groupes de consommateur en matière de CSR, plutôt que de rechercher des relations
linéaires ?
Les recherches menées par les organismes d’études ou de conseil privilégient cette approche,
comme nous allons l’étudier dans la prochaine section.

2.1.2 Les recherches appliquées

Le thème de la consommation socialement responsable, globalement délaissé par les


chercheurs, est au contraire l’objet d’études récentes de la part d’organismes d’études. Nous
citerons ici les travaux du CREDOC et du cabinet Ethicity, filiale du groupe Carat. Ces études
nous intéressent particulièrement car elles ont établi les liens entre variables

130
sociodémographiques et sensibilité éthique du consommateur. Ces travaux ne portent pas
exactement sur le concept de consommation socialement responsable, mais sur des thèmes
proches, ce qui incite à considérer avec attention les résultats obtenus.

• CREDOC, 2002
L’étude réalisée par le CREDOC en 2002 porte sur la notion de consommation engagée, qui
comme nous l’avons déjà souligné semble proche de notre sujet. Elle avait pour objectif
d’établir le profil sociodémographique des consommateurs français sensibles aux
engagements citoyens des entreprises. Ces travaux sont basés sur une enquête réalisée en face
à face entre décembre 2001 et janvier 2002, auprès d’un échantillon représentatif de 2002
personnes, âgées de 18 ans et plus, sélectionnées selon la méthode des quotas27. Les résultats
présentés sous forme de mapping, en figure 16, montrent les caractéristiques en terme d’âge,
de catégories socioprofessionnelles, de niveau d’études et de lieu d’habitation des
consommateurs sensibles aux différents thèmes proposés.

27
Les quotas portaient sur la région, la taille de l’agglomération, l’âge, le sexe et la catégorie
socioprofessionnelle.

131
Figure 16 : Caractérisation sociodémographique des consommateurs engagés, CREDOC, 2002

• Ethicity, 2004
L’étude réalisée par Ethicity porte sur la sensibilité des français au développement durable.
Elle a également pour objectif d’établir une typologie des consommateurs en la matière et de
décrire le plus précisément possible les groupes obtenus. Les travaux se basent sur une
enquête auto-administrée menée en novembre 2003, auprès de 4500 individus, âgés de 15 à
70 ans et représentatifs de la population française. Le site Internet d’Ethicity28 communique
quelques résultats de l’étude. Le mapping, reproduit en figure 17, met en évidence 8 groupes
de consommateurs. L’axe horizontal représente la sensibilité au développement durable et
l’axe vertical indique le degré de passage à l’acte du consommateur. Les consommateurs
responsables se situent donc dans la partie basse du graphique. Ils sont constitués du groupe

28
http://www.ethicity.net/comprendre.php

132
des « engagés » et de celui de « la relève ». Ces individus sont actifs, habitent en région
parisienne, et ont suivi des études longues. Le troisième groupe actif est celui des
« vertueux », composés majoritairement de retraités.

Consommateur non
impliqué
Les matérialistes:13%
15-34 ans
Actifs CSPJeunes
enfants Les family:17.4% Les indifférents:5.4%
Diplôme technique court 35-49 ans Homme 15-24 ans
Actifs Prof Intermédiaires, Étudiants
employés Foyers nombreux et modestes
Foyers nombreux Diplôme technique court
Ptt agglo, Bac ou Bac pro
Les démunis:15.3%
Les villageoises:9.6% 50 ans et +
Sensibilité au Femmes 35-49 ans Ouvriers et retraités
développement Artisans,employés Diplôme technique court
durable Moy. Agglo
Bac ou Bac pro
Les vertueux:10.1%
La relève:19.1% 65 ans et+
25-34 ans Retraités
Actifs CSP+ étudiants
Paris, région parisienne Diplôme secondaire
Diplôme 3ème cycle
Les engagés: 10.1%
35-64 ans
actifs/retraités CSP+
Paris, région parisienne
Diplôme 3ème cycle

Passage à l’acte

Figure 17 : Typologie des consommateurs en matière de sensibilité au développement durable, Ethicity,


2004

Les résultats actuellement communiqués par Ethicity ne permettent pas de savoir exactement
les comportements de consommation adoptés par ces trois groupes de consommateurs. On sait
uniquement qu’ils sont sensibles aux aspects écologiques et sociaux dans leur quotidien et
qu’ils sont prêts à s’engager en faveur de ces causes. Ceci limite l’apport de cette étude pour
notre recherche.

• Synthèses des recherches appliquées


Les deux études présentées se sont intéressées au profil sociodémographique des
consommateurs sensibles à la citoyenneté d’entreprise et au développement durable. Les deux
typologies de consommateurs diffèrent largement car elles ne se focalisent pas sur les mêmes

133
thèmes. Il est donc difficile de comparer les résultats obtenus, tout comme il est délicat de
transposer tels quels ces travaux au thème de la CSR. Cependant, il est important de noter que
contrairement aux conclusions des chercheurs, les variables sociodémographiques comme
l’âge, le genre, la catégorie socioprofessionnelle, la taille du foyer, le lieu d’habitation et le
niveau de revenu jouent un rôle déterminant pour distinguer les consommateurs en matière
d’éthique. Dans les deux études, chaque groupe de consommateur est décrit sur ces aspects.
Ce constat confirme donc que les recherches académiques ne doivent pas forcément attendre
de relations linéaires entre la pratique de CSR et les variables sociodémographiques, mais
qu’il faut d’avantage raisonner en termes de profil des différents groupes de consommateurs
en matière de CSR. Les travaux appliqués montrent que cette méthode conduit à des résultats
plus concluants.

2.2 Les variables de personnalité

Les recherches académiques ont montré le rôle significatif de plusieurs variables de


personnalité en matière de CSR. Les études aboutissent globalement à des conclusions
convergentes, contrairement au cas des variables sociodémographiques. Nous allons donc
maintenant étudier le profil psychologique du consommateur responsable, en nous basant sur
les travaux présentés en tableau 7.

2.2.1 Un consommateur engagé dans sa communauté

Les différentes recherches sur l’identification du consommateur responsable ont montré que
celui-ci était un individu bien intégré dans sa communauté. Il se sent moins aliéné et moins
isolé que la moyenne de la population (Berkowitz et Lutterman, 1968, Anderson et
Cunningham, 1972). D’autre part, le consommateur responsable semble aussi caractérisé par
un caractère dominateur, au sens où il entreprend fréquemment des initiatives et assume
volontiers le rôle de leader dans sa communauté (Webster, 1975). Il est globalement actif dans
les différents domaines de sa vie en collectivité, que ce soit en politique ou en religion
(Berkowitz et Lutterman, 1968). En résumé, c’est donc un individu actif et engagé dans sa
communauté, prêt à assumer des responsabilités.

134
2.2.2 Un individu ouvert d’esprit
Un autre trait caractéristique du consommateur responsable est qu’il est ouvert d’esprit. Il
obtient en effet des scores relativement faibles sur des échelles de dogmatisme ou de
conservatisme (Anderson et Cunningham, 1972, Anderson, Hénion et Cox, 1974). Il est
également plus tolérant que la moyenne de la population (Webster, 1975). Enfin, il semble
plutôt en accord avec des idées libérales ( Belch, 1979, 1982, Roberts, 1995).
Pour Brooker (1976), cette ouverture vers les autres est une façon de s’accomplir
personnellement (self-actualizing) : en réalité, ces consommateurs, loin de se sacrifier pour
leur communauté, s’épanouissent lorsqu’ils se préoccupent des autres.

2.2.3 Une envie d’agir pour être efficace


Un dernier élément qui semble déterminant dans la personnalité du consommateur
responsable est qu’il croit en son efficacité personnelle. Le sentiment de compétence
personnelle a été étudié par presque tous les chercheurs. Tous concluent que cette variable
influence positivement et fortement la tendance à la CSR, à l’exception de Anderson et
Cunningham (1972). Pour Roberts (1995), l’efficacité perçue du consommateur est même la
variable la plus significative pour prédire le comportement de CSR. Ainsi, un consommateur
qui pense pouvoir agir sur les problèmes sociaux ou environnementaux à travers son action
sera susceptible de pratiquer la CSR, alors qu’à l’inverse, un individu qui ne se sent pas
efficace pour faire changer les choses n’aura pas tendance à entreprendre cette forme de
consommation. Le consommateur responsable utilise donc ses achats pour induire des
changements positifs dans la société. Cette logique d’efficacité prime dans son action et réduit
l’attention qu’il porte au regard et au jugement des autres (Anderson et Cunningham, 1972).

Les recherches portant sur le rôle des variables de personnalité sont globalement
convergentes. Elles montrent que le consommateur responsable est actif et engagé dans sa
communauté, qu’il est ouvert d’esprit et enfin qu’il croit en son efficacité personnelle pour
faire changer les choses. Cependant, les remarques formulées précédemment concernant les
outils de mesure de la CSR utilisés demeurent valables. Rappelons que celle-ci a souvent été
mise en œuvre par des échelles ne portant pas sur le domaine de la consommation, ou axées
uniquement sur la préoccupation de l’environnement. On peut donc en effet s’interroger sur la
validité des résultats obtenus. De plus, les études effectuées n’ont exploré qu’un nombre
réduit de variables. On ne connaît donc pas réellement le rôle joué par les valeurs de
l’individu dans la pratique de la CSR. Il serait intéressant d’étudier le pouvoir prédictif de

135
traits de personnalité associés à la capacité d’un individu à se soucier d’autrui, comme par
exemple la générosité ou le matérialisme. Enfin, le rôle de l’efficacité perçue du
consommateur doit faire l’objet de recherches supplémentaires, afin de vérifier le sens de
l’impact de cette variable sur la CSR. Les résultats suggèrent globalement une influence
positive, mais certaines études obtiennent des résultats contraires.

2.3 Synthèse et présentation de la 2ème question de recherche

Les travaux portant sur le concept global de CSR se sont focalisés sur le rôle des variables
personnelles dans la pratique de la CSR. Deux grands types de variables ont été étudiés : les
aspects sociodémographiques et la personnalité de l’individu. Concernant le premier point, les
recherches n’aboutissent pas à des résultats cohérents. Le rôle joué par l’âge, le genre, le
statut socioéconomique, la taille du foyer, et le lieu d’habitation est donc difficile à cerner. En
ce qui concerne le second point, les résultats s’accordent davantage pour montrer que le
consommateur responsable est actif dans sa communauté et ouvert d’esprit. Le rôle joué par le
centre de contrôle de l’individu semble également significatif, mais le sens du lien n’est pas
certain. Les recherches n’ont globalement pas étudié les valeurs du consommateur
responsable.
Les travaux présentés dans cette section montrent donc que les déterminants individuels de la
CSR sont encore mal connus. Nous avons proposé deux éléments susceptibles d’expliquer la
faiblesse des résultats obtenus. Tout d’abord, les études utilisent des échelles de mesures de la
CSR hétéroclites et semble-t-il peu valides. Cela permet de mieux comprendre les
contradictions des résultats, mais conduit également à s’interroger sur la fiabilité des résultats
obtenus. De plus, les chercheurs ont étudié les liens entre variables personnelles et CSR par
des régressions linéaires. Cependant, tout laisse à penser que la CSR est un concept
multidimensionnel, et qu’il existe plusieurs types de consommateurs responsables. Dans ce
cas, ne vaut-il pas mieux étudier le rôle des déterminants individuels pour chaque dimension
de la CSR ? Ou encore décrire à l’aide des variables en question les différents groupes de
consommateurs existants en matière de CSR ?
Cette deuxième partie a montré la nécessité d’approfondir les déterminants personnels de la
CSR. Plus particulièrement, il semblerait intéressant d’étudier le rôle joué par les variables
sociodémographiques et par les valeurs.
Notre deuxième question de recherche est donc la suivante : quels sont les déterminants
sociodémographiques et psychologiques en matière de CSR ?

136
3. L’ABSCENCE DE MODELE DE PRISE DE DECISION DU
CONSOMMATEUR EN MATIERE DE CSR

Le troisième point que nous souhaitons approfondir dans ce chapitre concerne les
insuffisances des travaux de modélisation de la CSR. On ne connaît pas vraiment le processus
de décision menant un individu à pratiquer une consommation responsable. Les travaux les
plus proches de notre champ de recherche sont ceux portant sur les déterminants du jugement
éthique du consommateur de Marks et Mayo (1991) et de Vitell, Shinghapakdi et Thomas
(2001). Ces deux études ont testé le modèle de Hunt et Vitell (1986), transposé au cadre de la
consommation. Cependant, la conceptualisation proposée par ces auteurs est assez restrictive
et n’aborde pas, semble-t-il, des variables importantes an matière de CSR. Ces insuffisances
montrent la nécessité d’élaborer un modèle plus complet de la prise de décision du
consommateur en matière de CSR.

3.1 Les travaux portant sur la prise de décision éthique du consommateur

Les seuls travaux portant sur la modélisation de la prise de décision du consommateur en


matière d’éthique sont ceux de Marks et Mayo (1991) et de Vitell, Shinghapakdi et Thomas
(2001). Ces auteurs ont cherché à tester la validité du modèle de Hunt et Vitell (1986) dans un
contexte de consommation.

3.1.1 le modèle de Hunt et Vitell (1986)


Les travaux de Hunt et Vitell (1986) constituent une référence dans le domaine du marketing
éthique. Ces auteurs ont élaboré un modèle décrivant la façon dont un acteur de l’entreprise
raisonne face à un enjeu éthique. Le modèle proposé souhaite avant tout refléter le processus
de réflexion d’un individu en matière d’éthique sans donner de règles normatives. Le schéma
adopté est composé de 5 grandes séquences. D’abord l’individu perçoit un enjeu éthique dans
une situation (1), puis il envisage les différentes solutions possibles (2). Dans un troisième
temps, il formule un jugement éthique sur la situation, fonction des évaluations
déontologiques et téléologiques (3). Enfin, il définit la conduite qu’il souhaite adopter (4) et
agit (5). Le modèle, proposé en figure 18, introduit des variables supplémentaires. Cependant,
on peut résumer l’apport du modèle de Hunt et Vitell (1986) en deux points principaux:

- la séquence de raisonnement du consommateur:


Perception d’un Jugement intention comportement
enjeu éthique éthique
137
- et les deux antécédents au jugement éthique : les évaluations déontologiques et
téléologiques. En effet, comme nous l’avons déjà mentionné en chapitre 1, on distingue
traditionnellement deux grandes philosophies éthiques. La déontologie désigne le fait de juger
l’éthique d’une situation à partir de grandes règles universelles, par exemple en appliquant la
« règle d’or » : « agis envers les autres comme tu voudrais qu’ils agissent envers toi ». Cette
logique conduit à respecter des valeurs telles que fidélité, justice, bienveillance à l’égard
d’autrui, gratitude etc. (Hunt et Vitell, 1986). La téléologie, quant à elle, correspond au fait de
juger l’éthique d’un acte en fonction de ses conséquences. Généralement, face à plusieurs
solutions, cela amène à choisir celle qui maximise le plus grand bien pour le plus grand
nombre (Bentham, 1875).

138
Figure 18 : Modèle de Hunt et Vitell (1986)
Environnement
culturel

Problème
éthique perçu
Normes
déontologiques
Environnement Évaluations
Alternatives déontologiques
industriel Contraintes
perçues
situationnelles

Jugement
Intentions Co mportement
éthique

Probabilités des
Environnement
conséquences
organisationnel
Conséquences
actuelles
Conséquences Désirabilité des
Évaluations
perçues conséquences
téléologiques

Importances des
Expérience
parties prenantes
personnelle
139
3.1.2 Les tests du modèle de Hunt et Vitell (1986)

Marks et Mayo (1991) et Vitell, Shinghapakdi et Thomas (2001) ont cherché à tester le
modèle de Hunt et Vitell (1986) pour le cas du consommateur. Ils postulent en effet que les
managers et consommateurs utilisent le même schéma de raisonnement face à un enjeu
éthique, et qu’il est donc possible de transposer le modèle de Hunt et Vitell au cadre de la
consommation. Les deux recherches n’ont pas testé le modèle dans son intégralité, mais se
sont focalisées sur le cœur de celui-ci, à savoir l’impact des évaluations déontologiques et
téléologiques sur le jugement du consommateur. Pour cela, un scénario présentant un enjeu
éthique est proposé au consommateur (Vitell, Shinghapakdi et Thomas, 2001) ou bien on lui
demande de se remémorer un dilemme éthique qu’il a vécu par le passé (Marks et Mayo,
1991).
Les résultats montrent que le modèle de Hunt et Vitell est globalement adapté pour expliquer
le jugement éthique du consommateur : celui-ci fonde effectivement son jugement à la fois à
partir des conséquences d’une action et également à partir de grandes valeurs universelles.
Ces deux variables expliquent entre 10% et 15% de la variance du jugement éthique (Marks et
Mayo, 1991).
Les deux recherches ne s’accordent pas en ce qui concerne l’importance relative de ces deux
évaluations. Marks et Mayo (1991) concluent que ce sont les évaluations téléologiques qui
priment dans l’esprit du consommateur. Ils proposent que celles-ci se décomposent en 2 sous-
ensembles : évaluation des conséquences d’une action sur le preneur de décision et sur son
entourage. Parmi ces deux éléments, c’est l’impact d’une action sur soi-même qui a le plus
d’influence sur le jugement éthique du consommateur (voir figure 19).

140
Évaluations
téléologiques:

-Impact d’une
action sur soi
0.42
-Impact d’une
action sur son
entourage Jugement éthique du
0.04 consommateur

0.14
Évaluations
déontologiques

Figure 19 : Modélisation de la prise de décision du consommateur face à un enjeu éthique, avec valeur des
coefficients de régression, Marks et Mayo, 1991.

Vitell, Shinghapakdi et Thomas (2001) n’opèrent pas une telle distinction sur la composante
téléologique. Ils concluent pour leur part, que les consommateurs s’appuient davantage sur les
évaluations déontologiques dans leur jugement éthique.

3.2 Synthèse et présentation de la 3ème question de recherche

Il n’existe pas de contribution portant réellement sur la modélisation de la CSR : les travaux
sur les déterminants du jugement éthique du consommateur sont les références disponibles les
plus proches de notre champ de recherche. Sans critiquer la valeur de ces recherches, il
semble qu’elles offrent une compréhension limitée de la prise de décision du consommateur
en matière de CSR.

• La séquence : jugement éthique intention comportement ?

Tout d’abord, ces travaux ne se focalisent que sur le jugement du consommateur. Le reste de
la séquence du modèle de Hunt et Vitell (1986) n’a pas été testé : quels sont les liens du
jugement éthique avec l’intention et le comportement ? Le jugement éthique n’est pas un

141
indicateur fiable pour les managers souhaitant prévoir et anticiper le comportement du
consommateur. En effet, il est fréquent que le consommateur agisse d’une certaine façon, tout
en pensant qu’il faudrait mieux agir d’une autre façon. La seconde partie du chapitre 2 s’est
attachée à recenser tous les éléments qui viennent empêcher une pratique plus massive de la
CSR. Parmi eux, on peut identifier ceux qui interviennent après le jugement éthique dans le
processus de décision du consommateur: effet marché, manque de confiance envers les
entreprises, convictions de contrôle externe, coûts de la CSR. Toutes ces variables ont été
étudiées de façon isolée et la plupart du temps, les chercheurs affirment l’existence de ces
freins sans vérification empirique. Ce constat souligne le besoin de travaux appliqués vérifiant
l’existence et l’impact supposé des freins proposés par la littérature et précisant la place qu’ils
occupent dans le processus de décision du consommateur.

• Rôle des variables contextuelles ?


Les travaux de Marks et Mayo (1991) et de Vitell, Shinghapakdi et Thomas (2001)
internalisent tous les éléments situationnels et personnels dans le jugement du consommateur.
On sait ainsi que les variables contextuelles sont prises en compte par le consommateur à
travers son évaluation téléologique, mais on ne sait pas quelles variables liées au contexte sont
importantes aux yeux du consommateur, ni comment elles agissent. On peut se douter que
certains contextes induiront un jugement plus sévère des consommateurs que d’autres. On
ignore cependant les éléments ayant une influence en ce sens. Il parait donc nécessaire de
détailler davantage ce point.

• Rôle des variables individuelles ?


De même, les variables individuelles ne sont pas réellement étudiées dans le modèle de Hunt
et Vitell (1986). Or, il semble évident que certains individus auront un jugement plus sévère
que d’autres face à une même situation. Les travaux de Burke, Milberg et Smith (1993)
s’intéressent aux réactions des consommateurs face aux pratiques non éthique des entreprises.
Dans leur modèle, ils montrent que le degré de préoccupation éthique du consommateur
explique l’attitude vis-à-vis d’une marque ou d’une organisation ayant commis une faute
éthique. De même, les travaux de Creyer et Ross (1997) concluent que la tendance des
individus à récompenser les pratiques éthiques des entreprises et à punir les comportements
condamnables dépend fortement de l’importance accordée à l’éthique par les consommateurs.
De plus, tous les travaux présentés en section 2 de ce chapitre montrent bien qu’il existe des
déterminants individuels à la CSR. Chaque individu possède une sensibilité à l’éthique plus

142
ou moins développée, et cette sensibilité doit être prise en compte pour expliquer le processus
de décision du consommateur en matière de CSR.

Conformément à la proposition de Marks et Mayo (1991), il convient donc de chercher à la


fois les facteurs personnels et situationnels intervenant dans le choix d’une alternative éthique
de la part du consommateur. De plus, il faudrait explorer l’existence probable de freins
intervenant entre le jugement éthique du consommateur et ses actes. La figure 20 récapitule
l’ensemble des interrogations formulées.
Cette troisième section a montré la nécessité de construire un modèle intégrateur de la
prise de décision du consommateur en matière de CSR. Ceci constitue notre troisième
question de recherche.

Variables situationnelles

évaluations
téléologiques

jugement éthique intention comportement

évaluations ? ?
déontologiques

Variables personnelles

Figure 20: Modéliser la prise de décision du consommateur en matière de CSR : schéma récapitulatif des
pistes à explorer. Les points d’interrogation représentent les sujets à investiguer.

143
Synthèse du chapitre 3 :
Ce troisième chapitre s’est attaché à démontrer les insuffisances de la recherche portant sur la
CSR, en abordant 3 points successifs.
Tout d’abord, nous avons montré que les frontières du concept de CSR sont mal connues. Les
mesures adoptées de la CSR ont souvent réduit cette notion à une préoccupation
environnementale. A l’heure actuelle, le courant de recherche portant sur les réactions du
consommateur aux pratiques des entreprises concentre tous les efforts, incitant à penser que la
CSR se résume à cet aspect. Pourtant divers travaux portant sur la consommation éthique ou
sur la consommation engagée incluent davantage de comportements, tels que la préférence
pour les produits domestiques, régionaux ou européens, et la pratique d’une simplicité
volontaire. Etant donné notre position en faveur d’une vue globale de la CSR, on peut se
demander si de telles préoccupations du consommateur ne rentrent pas dans notre champ de
recherche. De plus, les travaux de Crane (2001) proposent un cadre d’analyse sur les
différentes façons dont l’éthique affecte la valeur d’un produit. Même si ces travaux n’ont pas
fait l’objet de validation empirique, la proposition théorique sous-jacente nous semble digne
d’intérêt. Elle suggère d’analyser le comportement de CSR selon 4 facettes : considérations
sur le produit, l’organisation, la façon dont est vendu le produit et son origine géographique.
Cette vision contredit l’approche de Roberts (1995), selon qui le comportement de CSR se
structure en une dimension environnementale et une dimension sociale. L’ensemble de ces
réflexions met en évidence les incertitudes concernant le contenu et le dimensionnement du
concept de CSR.
Dans un second temps, nous nous sommes intéressés aux déterminants individuels de la CSR.
Les travaux de notre champ de recherche se sont majoritairement focalisés sur ce point. Les
différentes études ne s’accordent pas quant au rôle des variables sociodémographiques, à
l’exception du genre. Le profil du consommateur responsable en termes d’age, de statut
socioéconomique, ou encore de lieu d’habitation demeure donc incertain. Les traits de
personnalité d’un individu semblent de meilleurs prédicteurs de la CSR. Cependant, un petit
nombre de variables a été exploré, et le rôle des valeurs n’est pas déterminé. Ce constat nous
conduit à penser qu’il faut davantage explorer les déterminants individuels de la CSR, tout en
gardant à l’esprit les deux avertissements méthodologiques que nous avons formulés :
travailler avec une mesure valide de la CSR, d’une part, et déterminer le rôle des variables
personnelles pour chaque dimension de la CSR, d’autre part.
Enfin, dans un dernier temps, ce chapitre s’est attaché à souligner l’inexistence de modèle de
prise de décision du consommateur en matière de CSR. Les travaux les plus proches de notre

144
champ de recherche sont ceux portant sur la prise de décision du consommateur en matière
d’éthique. Cependant, les études en question se sont basées sur le modèle de Hunt et Vitell
(1986) et semblent insuffisantes pour comprendre et expliquer le comportement de CSR. En
effet, elles se concentrent uniquement sur le mode de raisonnement du consommateur en
matière d’éthique, et n’envisagent pas réellement les déterminants de la CSR. Un modèle
global de prise de décision en matière de CSR se doit de prendre en compte à la fois des
variables contextuelles et individuelles, et notamment pour cette seconde catégorie, la
sensibilité personnelle aux problèmes sociaux et environnementaux. Enfin, il existe un certain
nombre de freins modérant la traduction du jugement éthique en action. Ces freins ont été
abordés de façon isolée, et souvent sans démarche empirique.
Les travaux actuels ne permettent donc pas d’appréhender de façon globale le comportement
du consommateur en matière de CSR, ce qui souligne la nécessité de contributions sur ce
point.

La figure 21 synthétise les trois questions de recherche présentées dans ce chapitre.

Quel est le contenu et la structuration de la CSR?

3 questions de recherche: Quels sont les déterminants individuels de la CSR?

Comment peut-on modéliser la prise de décision du


consommateur en matière de CSR?

Figure 21 : Présentation des 3 questions de recherche du travail doctoral

145
146
CONCLUSION DE LA 1ère PARTIE

La revue de la littérature effectuée dans cette première partie s’est structurée en 3 chapitres :
(1) définitions de la CSR, (2) mise en évidence du rôle de la CSR dans la régulation éthique
du marché et (3) synthèse des principales insuffisances des travaux sur le CSR, avec
présentation des 3 questions de recherche. La figure 22 résume les principaux apports de
chacun de ces 3 chapitres

Chapitre 2: Chapitre 3:
Chapitre 1:
Rôle de la CSR dans la Présentation des 3
Définitions de la CSR régulation éthique du marché questions de recherche
- La CSR est un concept global -Notre société exprime un désir -La littérature sur la CSR présente
désignant le fait d’utiliser son d’éthique, y compris concernant le
de nombreuses insuffisances.
pouvoir d’achat pour exprimer ses fonctionnement du marché.
préoccupations sociales et/ ou -On peut classer celles-ci en 3
-La question importante est donc
environnementales. points qui constituent le point de
de savoir comment aboutir à ce
départ de nos 3 questions de
- Il inclut le boycott, l’achat de niveau d’éthique.
recherche:
produits-partage, de produits -On peut distinguer 4 formes de
labellisés. -1. Incertitude concernant le
contrôle éthique du marché: les
contenu et la structure de la CSR
- Pour le consommateur, la CSR est entreprises elles- mêmes, l’état, les
utilisée pour faire changer les travailleurs, les consommateurs. -2. Rôle des déterminants
choses, pour s’exprimer et/ ou pour individuels mal connu.
-Les consommateurs semblent en
être en accord avec soi- même théorie les mieux placés: avec leurs -3. Inexistence de modèle
- La CSR s’inscrit pleinement dans achats, ils permettent une intégrateur concernant la prise de
la pensée post- moderne: rôle régulation naturelle, démocratique, décision du consommateur en
d’expression identitaire, de lien flexible et sans coûts. matière de CSR.
social, outil de résistance et -On ne peut donc qu’encourager la
d’émotions CSR
- La CSR correspond à une réalité -Cependant de nombreux éléments
tangible. C’est un phénomène limitent la pratique de la CSR:
ancien. Aujourd’hui, on estime la manque de volonté éthique,
proportion de consommateurs manque d’information, complexité
responsables à 15%-30% des achats, coût…

Figure 22 : Résumé des apports de la première partie

La suite de notre recherche doctorale va donc s’attacher à répondre aux trois questions de
recherche formulées.
La première question de recherche concerne le contenu et la structure de la CSR. La
volonté d’éclaircir ce point nous a conduit à construire une échelle de mesure de la CSR.
Pour cela, nous avons mené une étude qualitative exploratoire (collecte 1), puis administré
successivement deux questionnaires (collectes 2 et 3). L’ensemble du processus suivi sera
présenté dans la deuxième partie de ce manuscrit.

147
La deuxième question de recherche porte sur les déterminants individuels de la CSR.
Pour répondre à cette question, nous avons mené diverses analyses, s’intéressant à la fois au
rôle des variables sociodémographiques et des variables de personnalité. Ces études ont été
conduites à partir de la collecte de données 3, et seront également présentées dans la
deuxième partie de la thèse.
La troisième question de recherche est relative à la modélisation de la prise de décision
du consommateur en matière de CSR. Elle nous a conduit à construire un modèle de
décision du consommateur face à un dilemme éthique. La validation du modèle s’est faite par
la méthode des scénarios, lors de la dernière collecte de données (collecte 4). L’ensemble des
travaux portant sur la modélisation de la CSR sera présenté dans la troisième partie du
manuscrit.

La figure 23 récapitule le plan et les objectifs assignés à la suite du manuscrit.

Questions de recherche Partie 2

Collecte 1: phase exploratoire


1. Quel est le contenu et la structuration
de la CSR? Collecte 2: questionnaire auto-
administré (N= 507)

2. Quels sont les déterminants individuels de Collecte 3 : questionnaire auto-


la CSR? administré (N= 714)

Partie 3

3. Comment peut-on modéliser la prise de


décision du consommateur en matière Collecte 4: questionnaire
de CSR? auto-administré (N= 826)

Figure 23 : Organisation des parties 2 et 3.

148
2 EME PARTIE :

CONSTRUCTION D’UNE ECHELLE DE MESURE DE


LA CSR

149
L’objectif de cette deuxième partie est de répondre à nos deux premières questions de
recherche : (1) définir le contenu et la structure de la CSR dans une vision globale de ce
concept et (2) explorer le rôle des déterminants individuels, sociodémographiques et
psychologiques, de la CSR.
La volonté de répondre à ces interrogations nous a conduit à construire une échelle de mesure
de la CSR. Plusieurs raisons ont guidé ce choix. Tout d’abord, cette méthode permet de
définir les différentes facettes d’un concept. Comme nous l’avons montré dans la première
section du chapitre 3, la seule échelle valide de CSR est celle de Roberts (1995) et celle-ci
n’inclut pas certains aspects du comportement du consommateur qui nous semblent rentrer
dans le cadre de notre concept. Notre posture théorique en faveur d’une vision large de la
CSR nous invite donc à explorer les contours de cette notion. On peut d’autre part s’interroger
sur la structure d’une échelle construite sur cette base. Les individus ont-ils des
préoccupations générales d’ordre social et environnemental, comme le postulent les travaux
de Roberts (1995) ? Ou bien, au contraire, leurs préoccupations sont-elles centrées sur des
aspects plus précis comme le pays d’origine, le comportement de l’entreprise, comme le
suggère l’article de Crane (2001) ?
Une autre raison importante en faveur de la construction d’échelle est que cette recherche a
pour ambition de favoriser les recherches futures sur le thème de le CSR. Pour ce faire, nous
pensons qu’il est important de mettre en place un outil de mesure de ce concept, ceci afin de
faciliter d’éventuelles études sur le sujet.
Enfin, une dernière raison tient à l’utilisation qui sera faite de cette échelle dans cette thèse.
La dernière partie de cette recherche sera consacrée à la construction d’un modèle de prise de
décision du consommateur en matière de CSR. A cette occasion, nous aurons besoin d’une
mesure de la prédisposition du consommateur à consommer de façon responsable. Cela
représentera une première occasion de tester la validité prédictive de notre échelle.

Pour construire l’échelle de mesure de la CSR, nous avons suivi la démarche méthodologique
préconisée par Churchill (1979), réactualisée par Gerbing et Anderson (1988) et
habituellement désignée sous les termes de « paradigme de Churchill ». Les huit étapes
prévues par le processus sont décrites en figure 24.

150
Spécifier le domaine
de construit

Générer des items

Collecter des données

Purifier la mesure

Collecter des données

Tester la fiabilité

Tester la validité

Développer des
normes

Figure 24 : Les étapes de la construction d’échelles, Churchill (1979)

Conformément à ce processus, nous avons, dans un premier temps, mené une série
d’entretiens exploratoires individuels et collectifs. Cette phase qualitative nous a permis à la
fois d’explorer le contenu de la CSR, mais aussi de comprendre ce qui motive et ce qui
empêche les individus de pratiquer cette forme de consommation.
Par la suite, nous avons mené une collecte de données par questionnaire auto-administré
auprès d’un échantillon de convenance de 507 individus. Ce premier questionnaire nous a
permis de dégager une première structure de la CSR en 5 dimensions. Cette structure a été
confirmée sur un deuxième échantillon de 714 consommateurs, représentatif de la population
française. Conformément au paradigme de Churchill (1979), la fiabilité et validité de l’échelle
ont été testées à l’occasion de cette deuxième collecte. Le test de la validité nomologique de
l’échelle nous a notamment conduit à étudier les liens de la CSR avec les déterminants
sociodémographiques et psychologiques.

151
Cette seconde partie, consacrée à la présentation de la construction de l’échelle de CSR, est
structurée en 3 chapitres :
• Le chapitre 4 est consacré à l’analyse qualitative exploratoire menée au début du
processus de construction de l’échelle de CSR. Nous décrirons le déroulement des
entretiens, et les résultats de l’analyse de contenu menée sur le verbatim. Cette
analyse, menée à la fois de façon traditionnelle et avec l’aide du logiciel ALCESTE,
mettra en évidence les thèmes ainsi que les freins et motivations abordés par les
répondants.
• Le chapitre 5 s’attachera à présenter l’échelle de CSR obtenue, suite aux analyses
factorielles exploratoires et confirmatoires effectuées sur deux collectes de données
(n=507 et n=714). Nous aborderons l’étape de construction des items, puis décrirons la
structure en 5 dimensions obtenue, ainsi que ses performances en matière de fiabilité,
validité convergente et discriminante.
• Le chapitre 6 est consacré au test de validité nomologique de l’échelle. Cette étape
nous conduira à étudier les liens de cette échelle avec un certain nombre de
déterminants sociodémographiques et psychologiques et permettra de dégager le profil
du consommateur responsable. Nous présenterons enfin quelques éléments concernant
la validité prédictive de l’échelle.

La figure 25 récapitule la progression suivie au cours de cette deuxième partie.

2ème PARTIE:

Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6

Analyse qualitative Présentation de l’échelle Test de la validité


+ à 5 dimensions + nomologique
exploratoire

Figure 25 : Plan de la seconde partie

152
CHAPITRE 4

ETUDE EXPLORATOIRE SUR LA CSR

La première étape de la construction d’une échelle de mesure consiste à générer un ensemble


d’items. Deux sources principales sont habituellement utilisées pour cela : la revue de la
littérature et l’analyse exploratoire.
Ayant déjà effectué la revue de littérature et montré ses insuffisances, il nous faut maintenant
réaliser une analyse exploratoire sur le thème de la CSR. Celle-ci sera réalisée sur un
échantillon de consommateurs. En effet, nous pensons qu’il est intéressant d’aborder le point
de vue des consommateurs, en complément de la vision des chercheurs présentée dans notre
première partie.
Cette analyse exploratoire s’inscrit principalement dans le processus de construction d’échelle
et, à ce titre, devra servir de support à la création d’items de notre échelle. Cependant, nous
avons mené cette étude exploratoire dans l’objectif plus large de comprendre le comportement
du consommateur en matière de CSR. Ainsi, nous voulions savoir ce que signifie consommer
de façon responsable, mais aussi évaluer les pratiques réelles des consommateurs et les
éléments qui les motivent ou les freinent en ce sens.
L’analyse exploratoire a donc pour objectif global de mieux comprendre ce qu’est la CSR
pour les consommateurs. En ce sens, elle pourra suggérer des pistes de réflexion pour la
dernière partie du travail doctoral, consacrée à la modélisation de la prise de décision du
consommateur en matière de CSR

Ce chapitre est structuré en trois sections. Dans un premier temps, nous décrirons la façon
dont se sont déroulés les entretiens exploratoires.
Dans la suite du chapitre, nous exposerons les résultats de l’analyse de contenu réalisée sur
cette base. Plus précisément, la seconde section s’attachera à décrire les comportements de
CSR évoqués dans les entretiens. Nous présenterons notamment les résultats d’une analyse
exploratoire des données, réalisée à l’aide du logiciel ALCESTE.
La troisième partie de ce chapitre sera consacrée à une analyse des déterminants à la pratique
de la CSR, et plus particulièrement aux freins et motivations cités par les répondants pour
expliquer leur comportement an matière de CSR.

153
La figure 26 récapitule la progression suivie au cours de ce chapitre.

Chapitre 4: Étude exploratoire sur la CSR

1. Déroulement 2. Comportements de 3. Les freins et motivations


des entretiens + CSR cités dans les + à la CSR
entretiens

Figure 26 : Plan du chapitre 4

1. DEROULEMENT DES ENTRETIENS

Dans le cadre de l’analyse exploratoire, nous avons réalisé une série de 17 entretiens
exploratoires semi-directifs et deux focus groupes. Dans cette première section, nous
présenterons d’abord la façon dont ont été menés les entretiens, puis nous présenterons
l’échantillon interrogé.

1.1 Présentation du guide d’entretien

Les entretiens individuels et collectifs démarraient tous par la question suivante : « Pour
vous, qu’est ce que cela signifie d’être un consommateur socialement responsable ? ». Le
terme de consommation éthique était également cité, afin de permettre aux personnes
interrogées de mieux cerner le sujet. Pour la plupart des répondants, l’évocation de ces deux
termes suffisait pour comprendre de quoi il s’agissait, mais il a été quelquefois nécessaire de
donner une brève définition de ces deux expressions. Il était simplement indiqué que cela
désigne le fait de prendre en compte les conséquences de sa consommation sur son
environnement au sens large, mais l’enquêteur ne donnait pas d’exemples précis. Les
répondants étaient donc totalement libres d’aborder les thèmes qui leur venaient à l’esprit.

Pour chaque entretien, l’enquêteur s’assurait que le répondant abordait les 3 thèmes du guide
d’entretien : définition de la CSR, pratiques et raisons de la pratique/ non pratique.

154
Concernant le premier point, il s’agissait pour le répondant d’indiquer en quoi consiste la
CSR. Plusieurs relances étaient effectuées sur ce sujet pour inciter le répondant à bien
réfléchir aux différentes formes de CSR qu’il pouvait imaginer. Cependant, répétons qu’aucun
thème en particulier n’était suggéré aux répondants.

Le deuxième point du guide d’entretien concerne les formes de CSR pratiquées par le
répondant au quotidien. Si le répondant n’abordait pas ce sujet de lui-même, il lui était donc
demandé d’indiquer si lui-même consommait de façon responsable. Enfin, le dernier thème du
guide d’entretien portait sur les raisons qui motivent ou freinent la CSR.
Afin de pallier le manque d’inspiration potentiel des répondants sur un tel sujet, et d’inciter
les personnes interrogées à répondre de façon très concrète, une liste d’occasions de
consommation était proposée. Cette liste recensait la plupart des domaines de consommation :
alimentaire, vêtements, chaussures, bijoux, cadeaux etc. Ce support fut utile pour « lancer »
les répondants les moins inspirés par le sujet, et de manière générale, a servi à élargir le
champ de réflexion des répondants, qui souvent limitaient leur discours aux achats
alimentaires.

Au total, les entretiens duraient entre 45 minutes et 1h30, selon l’inspiration du répondant.
Tous les entretiens ont été enregistrés de façon à être retranscrits intégralement. L’anonymat
des répondants était garanti.
Le tableau 8 présente les différentes rubriques du guide d’entretien et de la liste « support ».

155
Guide d’entretien Liste d’occasions de consommation

- Définitions de la CSR : « Pour vous, - alimentaire


qu’est ce que cela signifie d’être un - vêtements, chaussures
consommateur socialement - bijoux
responsable ? » - cadeaux
- décoration intérieure, mobilier
- Formes de CSR pratiquées - banque, bourse
- santé : médecin, pharmacie, lunettes
- musique, hifi
- Raisons de la pratique/ non pratique - voyage, tourisme
- beauté, cosmétique
- transports
- sport
- loisir : jardinage…
- immobilier
- assurance
- lecture
- papeterie
- électricité, chauffage, énergie

Tableau 8 : Détails du guide d’entretien et de la liste d’occasions de consommation, fournie en support aux
répondants.

1.2 Une étude en 2 temps

L’étude exploratoire a été réalisée sous forme de 17 entretiens exploratoires semi-directifs et


de 2 focus groupes de 7 et 13 personnes.
Les entretiens individuels ont été menés dans un premier temps et constituent le cœur de notre
analyse. La technique de l’entretien semi directif a été initialement privilégiée car nous
souhaitions aborder un certain nombre de thèmes au cours des entretiens. D’autre part, nous
avons globalement privilégié les entretiens individuels par rapport aux entretiens de groupes
parce que nous pensons que le concept étudié soulève des sujets sensibles, et induit
potentiellement un biais de désirabilité sociale. De plus, les entretiens individuels permettent
une analyse plus en profondeur que les tables rondes et semblent générer globalement plus
d’idées ( Evrard, Pras et Roux, 1997).
L’échantillon interrogé en entretien individuel est composé de 9 femmes et 8 hommes,
répartis de façon équilibrée selon l’âge et selon la profession (voir tableau 9). Après 17
entretiens individuels, l’impression d’avoir atteint un seuil de redondance a été ressentie.

156
Cependant, afin de s’assurer qu’aucun thème n’avait été oublié, nous avons conduit, dans un
second temps, deux entretiens de groupe sur un échantillon de convenance de doctorants et
d’enseignants. Ces deux focus groupes menés sur 7 et 13 personnes n’ont pas permis de
mettre en évidence de nouveaux thèmes, ce qui nous a incité à clore cette phase exploratoire.

Genre Age Profession


Femme 56 ans Ingénieur d’études
Homme 28 ans Chercheur
Homme 31 ans Enseignant
Femme 25 ans Etudiante
Homme 45 ans Technicien
Femme 45 ans Secrétaire
17 entretiens Homme 57 ans Agriculteur
Homme 24 ans Etudiant
individuels Homme 26 ans Ingénieur
Femme 28 ans Enseignante
Homme 52 ans Chef d’entreprise
Femme 52 ans Femme au foyer
Homme 48 ans Chômeur
Femme 52 ans Employée
Femme 56 ans Retraitée
Femme 33 ans Profession libérale
Femme 53 ans Employée

2 entretiens de 7 et 13 personnes
groupes : Echantillon de convenance (doctorants et
enseignants, âgés de 24 à 50 ans)

Tableau 9 : Description de l’échantillon interrogé, en termes de genre, âge et profession.

Maintenant que nous avons décrit la façon dont se sont déroulés les entretiens, nous allons
procéder à l’analyse de contenu. Celle-ci a été réalisée principalement sur le verbatim des
entretiens individuels. Comme nous l’avons expliqué, les focus groupes ont été menés pour
s’assurer, de façon rapide, qu’aucun nouveau thème n’avait été oublié dans les entretiens
individuels. Les entretiens de groupe, réalisés sur deux échantillons de 7 et 13 personnes, soit
20 personnes au total, n’ont pas permis de recueillir une information aussi riche que les
entretiens individuels. De plus, ils ont été effectués sur une population de convenance.
L’ensemble de ces raisons nous a donc incité à donner la primeur aux entretiens individuels
dans notre analyse.

157
2. COMPORTEMENTS DE CSR CITES DANS LES ENTRETIENS
Le premier objectif de cette étude exploratoire est d’identifier tous les comportements inclus
dans la notion de CSR. Nous allons donc présenter ici les différents thèmes abordés par les
répondants au cours des entretiens. Pour cela, nous procéderons en deux temps : nous
présenterons d’abord les résultats d’une analyse thématique, puis l’analyse produite par un
logiciel d’analyse de données textuelles, ALCESTE.

2.1 Analyse thématique

L’analyse thématique avait pour objectif de mettre en évidence tous les thèmes abordés par
les personnes interrogées dans leurs réponses à la question : « Pour vous, qu’est ce que cela
signifie d’être un consommateur socialement responsable ? ».
Cette analyse a été faite de façon manuelle, à partir de la retranscription des entretiens.
L’ensemble des thèmes abordés est présenté dans le tableau 10.

Principales réponses à la question : « Pour vous, qu’est ce que cela signifie


d’être un consommateur socialement responsable ? »
- Ne pas acheter systématiquement en supermarchés/ hypermarchés
- Acheter aux petits commerces
- Ne pas acheter de produits utilisant une publicité mensongère
- Ne pas acheter de produits utilisant une publicité choquante/ violente
- Acheter des produits issus du commerce équitable
- Acheter des produits dont une partie du prix va à une bonne cause/ aux pays en
voie de développement
- Ne pas hésiter à dépenser beaucoup lors de voyages dans des pays pauvres.
- Ne pas acheter aux entreprises qui sont liées avec des partis politiques
extrémistes, ou avec la mafia
- Ne pas acheter de produits aux entreprises qui font travailler les enfants
- Ne pas acheter aux entreprises qui licencient leurs employés alors qu’elles font
encore du profit
- Ne pas acheter aux entreprises irrespectueuses de l’environnement
- Ne pas acheter de produits fabriqués dans des pays ne respectant pas les droits
de l’homme/ dont la politique est condamnable
- Ne pas voyager dans les pays qui ne respectent pas les droits de l’homme/ dont
l’action politique est inacceptable.
- Limiter sa consommation de produits ménagers nocifs pour l’environnement
- Acheter des produits français/ investir dans des entreprises françaises
- Acheter des produits européens / investir dans des entreprises européennes
- Acheter des produits de sa région
- Acheter du papier recyclé/ autres produits similaires qui respectent
l’environnement
- Investir dans des fonds éthiques
- Ne pas jouer en bourse

158
- Ne pas acheter de viande/ d’œufs/ de poisson quand les animaux n’ont pas été
traités dans de bonnes conditions
- Ne pas acheter de produits de beauté quand il y a expérimentation animale
- Acheter des médicaments génériques
- Réduire son volume de consommation
- Ne pas acheter de produits qui ont un gros volume d’emballage
- Ne pas acheter de produits fabriqués à partir de ressources rares (fourrure,
ivoire…)
- Ne pas tout acheter dans les grandes chaînes de magasin
- Ne pas chercher à obtenir des prix très bas face à un vendeur moins favorisé que
soi (lors de voyage à l’étranger)

Tableau 10 : Thèmes abordés en réponse à la question : « Pour vous, qu’est ce que cela signifie d’être un
consommateur socialement responsable ? »

Les résultats montrent que les thèmes abordés par les répondants sont très variés. Ils
représentent les préoccupations des consommateurs pour divers sujets: conditions de travail,
préférence pour les produits français, régionaux ou européens, refus des produits fabriqués
dans certains pays, bien-être des animaux, volume d’emballage, souci du petit commerce,
placement éthique de son argent, limitation du volume de consommation etc. Cela confirme
donc que la CSR est un concept global, et qu’elle ne se limite pas aux achats selon le
comportement des entreprises. Comme nous l’avions suggéré en chapitre 3, les
consommateurs incluent dans la notion de CSR la préoccupation pour l’origine géographique
des produits, et la limitation du volume de consommation. Ces résultats confirment donc la
nécessité de construire une nouvelle échelle de mesure de la CSR, englobant toutes les
facettes de cette notion.

Il est intéressant de noter que les répondants ont globalement évoqué des thèmes très
différents. Ainsi, par exemple, une personne n’a abordé que le thème des conditions de
travail, une autre a concentré son discours sur le pays d’origine du produit, une autre sur le
rôle de la bourse, sur les licenciements et la situation de plus en plus précaire des salariés...
Ainsi, les personnes interrogées ne pensent pas aux mêmes choses lorsqu’on leur parle de
consommation socialement responsable. Il semble que chacun se focalise souvent sur une
cause sans penser aux autres formes possibles de CSR.

159
2.2 Analyse de données textuelles : Alceste
2.2.1 Le fonctionnement d’Alceste

Alceste est un logiciel d’Analyse de Données Textuelles (ADT), crée en 1986 par Max
Reinert et distribué par la société Image. Comme les autres logiciels d’ADT (Sphinx Lexica,
Tropes et Spad T), Alceste sert à explorer les représentations mentales des consommateurs.
Les méthodes d’ADT sont utilisables pour tout corpus de texte homogène, et permettent
de dégager différents univers lexicaux, appelés « classes ». Ils représentent donc un outil
recommandé pour explorer un sujet d’étude (Mathieu, 2004).
Nous avons choisi la méthode de l’ADT car elle permet de décomposer le discours des
répondants en grandes familles de vocabulaire. Cette démarche nous a semblé utile pour
synthétiser les différents thèmes abordés dans les 130 pages de verbatim. De plus, Helme-
Guizon et Gavard-Perret (2004) montrent qu’en comparaison à Sphinx Lexica ou Spad T,
Alceste ne nécessite aucun codage du texte et convient bien pour un pré-traitement de
l’information, car il fournit une analyse réellement exploratoire, effectuée sans a priori du
chercheur.

Les méthodes ADT empruntent 3 approches complémentaires : (1) l’analyse lexicale,


procédant par dénombrement des formes graphiques et calcul des co-occurrences, (2)
l’analyse de contenu, approche qui découpe le texte en unités de contexte, et (3) l’analyse de
données, technique de classification basée sur l’analyse factorielle des correspondances visant
à extraire la structure des données.

Sans rentrer dans le détail du fonctionnement d’Alceste, retenons la démarche globale du


logiciel29. La première étape consiste à réduire le vocabulaire en identifiant les mots ayant la
même racine. Ainsi, tous les mots commençant par la même séquence de lettres seront
regroupés et identifiés par une même forme réduite. L’étape suivante consiste à transformer le
texte en un tableau à double entrée auquel on applique différentes méthodes d’analyse.
L’enjeu est d’obtenir un classement des phrases du corpus étudié en fonction de la répartition
des mots dans ces phrases. L’idée est que 2 phrases se ressemblent d’autant plus que leur
vocabulaire est semblable. C’est sur cette base qu’est opérée la classification descendante
hiérarchique. Initialement, tous les groupes de mots du corpus, appelés « unités de contexte »

29
Pour plus d’informations sur la méthode d’Alceste, voir Mathieu, (2004), ou Helme-Guizon et Gavard-Perret
(2004), ou le manuel d’utilisation d’Alceste

160
appartiennent à la même classe. Ensuite, les énoncés sont scindés en 2 classes selon la
distribution du vocabulaire, puis en 3 classes, puis en 4 etc. Lorsque le calcul est terminé, les
résultats indiquent le nombre de classes retenues, et le vocabulaire associé à chacune d’elles.
C’est à l’aide de calcul de Khi-deux que l’on définit les formes réduites les plus
représentatives d’une classe. Enfin, Alceste, fournit une Analyse Factorielle des
Correspondances, croisant les classes obtenues et le vocabulaire, représenté sous forme de
mapping. Le sens des axes n’est pas précisé par Alceste, et doit être déduit par le chercheur en
fonction du positionnement des classes sur le graphique.

Alceste permet également de connaître le rôle de certaines informations « hors


corpus » comme, par exemple, les caractéristiques du répondant en terme d’âge, de genre, ou
de milieu social. Pour cela, il convient d’insérer au début de chaque nouvel entretien les
caractéristiques du répondant dont on souhaite connaître l’impact sur le discours. Ces
variables, appelées « variables étoiles » ou « mots étoiles » sont intégrées à l’analyse, et les
résultats donnés par Alceste indiquent les modalités de chaque variable associées à chaque
classe.

2.2.2 Quatre classes de vocabulaires

Pour notre analyse, nous avons appliqué Alceste, version 4.5, sur le verbatim des entretiens
individuels, en ayant au préalable retiré les interventions de l’enquêteur.
Comme indiqué précédemment, la première étape de l’analyse effectuée par Alceste consiste
à découper le verbatim en groupes de mots appelés unités de contexte élémentaire (UCE). Les
résultats indiquent que 64,47 % des unités de contexte élémentaire identifiées ont été prises en
compte dans l’analyse et réparties de façon équilibrée en quatre grandes classes.
L’interprétation de celles-ci a été effectuée facilement grâce au vocabulaire et aux UCE
spécifiques à chaque classe (voir tableaux 11 à 14).

161
La première classe, représentant 27.71 % des UCE traitées, contient un vocabulaire
concernant la façon dont les répondants effectuent leur course au quotidien, essentiellement
dans le domaine alimentaire. Plus particulièrement, elle décrit le discours lié aux différents
circuits de distribution. Les consommateurs semblent privilégier les petits commerces par
rapport aux grandes surfaces. Ce choix traduit souvent une volonté de faire vivre les
commerçants spécialisés, afin que « chacun ait sa place », mais reflète aussi une recherche de
qualité des produits. Les consommateurs semblent se méfier des pratiques associées à la
grande distribution, comme par exemple la pression exercée sur les fournisseurs, la
production de masse, la mauvaise qualité des produits alimentaires.

Mots représentatifs Supermarché (74), manger (60), viande (96), acheter (67), bio (49)
de la classe 1 course (48), restaurant (32), je (31), librairie (34), Carrefour (31), livre
(30), boutique (28), poisson (27), meilleur (25), bouquin (23), temps
(avec valeur du Khi-deux (22), Fnac (19)
d’association entre le
mot et la classe)
« Moi, le bœuf a été tué le dimanche, et le mardi, j’avais la viande, et
je la mets au congélateur. Les œufs, c’est pareil, c’est des amis qui ont
une ferme, et qui me donnent des œufs une fois par semaine, même si
c’est vrai que ça peut m’arriver d’acheter des œufs et du fromage dans
le commerce » (31)
Unités de contexte
représentatifs de la « Quand je cherche un truc bien pointu, je vais soit à Chantilly, soit à
classe 1 Paris, mais bon, j’achète mes bouquins dans une librairie, parce que je
trouve que c’est normal, c’est leur boulot » (21)
(avec valeur du Khi-deux
d’association entre l’ uc « Si j’ai du temps, j’aime bien aller faire mon petit tour au marché, le
et la classe)
marché alimentaire. Je trouve que c’est une bonne ambiance le
marché, par exemple, le dimanche matin » (21)

« Je ne mange que de la viande que j’achète et où je connais le


producteur » (17)

Tableau 11 : Discours représentatif de la classe 1

162
La deuxième classe, représentant 27.39 % des UCE, se caractérise par un vocabulaire lié à
l’origine géographique des produits et aux conditions de fabrication associées. Cela
correspond aux propos des répondants sur la préférence pour les produits français ou
européens et sur les mauvaises conditions de travail des salariés des pays plus pauvres.

Mots représentatifs Pays (110), Nike (85), France (52), Afrique (64), travail (61), main-
de la classe 2 d’œuvre (52), Chine (48), enfant (44), prix (38), sud (37) condition
(32), droit (32), payer (31), français (30), gens (30), niveau (29),
(avec valeur du Khi-deux produire (26) fabrique (26), exploiter (26), réglementer (24), Adidas
d’association entre le (22), Taiwan (21)
mot et la classe)
« …s’il est fait à Taiwan, il coûtera moins cher que s’il est fait en
France, tant pis. J’achèterai français quand même, parce que je me
dirais que, après tout, on fait quand même travailler la main d’œuvre
française, la main d’œuvre à Taiwan, elle est très mal rémunérée. »
Unités de contexte (31)
représentatifs de la
classe 2 « Ariane, elle n’est pas fabriquée qu’en France, mais Ariane, c’est un
produit français. Je crois que les réservoirs d’Ariane étaient fabriqués
(avec valeur du Khi-deux à Sassenage, chez Air Liquide. Je connais des gens qui ont travaillé là
d’association entre l’ uc dessus. C’est formidable. C’est formidable de penser à des choses
et la classe)
comme ça. » (26)

« Si on demande à un voyagiste en France (combien ils sont payés là-


bas), c’est sûr qu’ils vont te dire qu’ils sont bien payés, parce qu’au
pire ils n’ont pas l’information, donc ils n’en savent rien, donc ils
disent oui, et au pire, ils le savent et ils ne vont pas te le dire. » (23)

« …surtout pour les produits qui viennent d’Afrique et d’Amérique du


sud, café, cacao. C’est que les gens là-bas puissent vivre à peu près
dignement de la vente de leurs produits. » (19)

Tableau 12 : Discours représentatif de la classe 2

163
La troisième classe, représentant 18.80 % des UCE, correspond au champ lexical de l’argent.
Elle reflète le discours des répondants concernant les licenciements ou rachats des entreprises,
motivés par la logique de profit. Des noms de grandes entreprises comme Danone, Michelin,
ou des grandes marques de distributeur comme Carrefour sont fréquemment cités. C’est
également dans cette classe qu’apparait le mot « boycott ». Contrairement à la deuxième
classe, il s’agit davantage ici d’un discours centré sur la France.

Mots représentatifs Entreprise (105), Danone (81), actionnaire (78), profit (68), salarié
de la classe 3 (62), boite (59) argent (55), banque (54), politique (54), boycott (41),
fabricant (39), action (34), problème (34), licencier (33), augmenter
(avec valeur du Khi-deux (29), société (29), gagner (28), consommation (25), mondial (24),
d’association entre le attitude (24)
mot et la classe)

« La politique de Danone, c’était l’année dernière ou il y a 2 ans. Là,


c’est plus un problème de la bourse, qui va jouer sur les licenciements,
pour financer les retraites » (35)

« Quand je parlais des politiques de l’entreprise, c’est l’exemple de


Unités de contexte Michelin, avec les problèmes de profit, et de contenter les marges de
représentatifs de la profit, plus que de faire en sorte qua la société, la boite vive » (28)
classe 3
« C’est vraiment le profit qui guide, et c’est pour les actionnaires.
(avec valeur du Khi-deux Donc, ça, ça me gêne, ça me gêne beaucoup. Quand tu le vis de
d’association entre l’ uc l’intérieur, on te raconte que c’est pour avoir une meilleure
et la classe)
compétitivité par rapport à la mondialisation, par rapport aux autres
entreprises » (26)

« Le monopole de la grande surface qui bouffe tout, oui, on a été


contre Carrefour aussi. On a boycotté Carrefour pendant pas mal de
temps. C’est parce qu’ils avaient racheté Continent, et qu’ils avaient le
monopole, et que ça ne nous plaisait pas » (23)

Tableau 13 : Discours représentatif de la classe 3

164
La quatrième classe, représentant 26.10% des UCE traitées, contient un vocabulaire lié à
l’effet de la consommation sur l’environnement physique. Plusieurs comportements rentrent
dans cette catégorie : l’achat de produits non polluants, le tri des déchets, l’effet du volume de
consommation sur l’environnement. L’idée que nos achats peuvent faire vivre une zone rurale
se retrouve également dans cette classe.

Mots représentatifs Voiture (67), poubelle (60), ma (52), tri (54), papier (50), pollution
de la classe 4 (44), conscience (43), polluer (42), transport (40), trier (37), eau (37) ,
déchet (37), recycler (34), verre (31), environnement (29), polluer
(avec valeur du Khi-deux (28), vélo (28) campagne (22), on (22)
d’association entre le
mot et la classe)
« Moi, je ne suis pas une fille avec des ambitions internationales, il y
en a d’autres qui sont nommés pour ça. Moi, je suis à mon niveau, je
fais ce que je peux (…) le milieu de ma région, pas simplement
agricole. Parce que si tu as des agriculteurs, ils font vivre les industries
de la région aussi » (29)

Unités de contexte « ce n’est pas parce qu’il y a 3 containers à poubelle que les gens vont
représentatifs de la aller foutre leur piles dedans. Si les gens ne prennent pas conscience
classe 4 qu’il faut le faire pour une raison x ou y, tu peux mettre des containers
à piles, à verre, etc… » (29)
(avec valeur du Khi-deux
d’association entre l’ uc « …ça m’éviterait de prendre ma voiture. La pollution, c’est quand
et la classe)
même un problème. Moi, j’ai une petite maison en ville, on met le
linge dehors, il est propre, on le ramasse, il est sale » (29)

« …il y a cette prise de conscience que ça pollue en plus, mais pour


tout, tous les objets matériels. Par exemple les voitures : à l’heure
actuelle, les voitures, c’est un produit qui a une durée de vie de plus en
plus courte. On va essayer d’inciter le consommateur à en changer le
plus souvent possible. » (23)

Tableau 14 : Discours représentatif de la classe 4

L’analyse descendante hiérarchique, représentée en figure 27, indique que les classes 2 et 3
sont fortement liées entre elles d’un point de vue statistique. Cela semble cohérent,
puisqu’elles traitent toutes deux des conditions dans lesquelles a été fabriqué le produit, que
ce soit les conditions de travail à l’étranger (classe 2) ou le comportement de l’entreprise lié à
la recherche de profit (classe 3). De même, les classes 1 et 4 sont liées, ce qui met en relief
l’aspect très concret et pragmatique du discours des répondants en ce qui concerne le choix
d’un point de vente (classe 1) et la protection de l’environnement physique (classe 4). A

165
l’inverse, les propos relatifs aux classes 2 et 3 sont davantage abstraits, moins reliés à un
comportement de consommation.

Classe 1 ( 345uce) |--------------------------------------------------+


|--------------------------------------------+
Classe 4 ( 325uce) |--------------------------------------------------+ |
+
Classe 2 ( 341uce) |-------------------------------------------+ |
|---------------------------------------------------+
Classe 3( 234uce) |-------------------------------------------+

Figure 27 : Résultat de la Classification Descendante Hiérarchique

2.2.3 Rôle des variables sociodémographiques


Deux descripteurs avaient été introduits dans l’analyse en tant que « variables étoiles »: l’âge
et le genre du répondant. Alceste indique les variables les plus liées avec chacune des 4
grandes classes de vocabulaire, en précisant à chaque fois la force du Khi-deux d’association.
Ces résultats sont reproduits en tableau 15. L’analyse montre que l’âge n’a pas un effet très
marqué sur le discours du répondant. On peut noter tout de même que le thème de
l’environnement physique (classe 4) est davantage évoqué par les personnes les plus âgées, et
que les plus jeunes sont à l’inverse plus inspirés par le thème des conditions de fabrication
(classe 2 et 3).

Le genre semble avoir une influence assez nette. Les femmes sont en effet plus sensibles au
thème du choix du point de vente au quotidien (classe 1), et les hommes abordent davantage
dans leurs propos le sujet des effets de la logique capitaliste de l’entreprise (classe 3). Ces
résultats ne sont pas surprenants. Ils correspondent au fait que les femmes font, en général,
plus les courses que les hommes, et que les hommes sont peut-être davantage attirés par les
considérations plus politiques sur l’entreprise.

166
Variables étoiles (avec valeur du
Classe
Khi-deux d’association entre le
mot et la classe)

Age_25 (33)
1
Age_ 28 (3)
(discours lié aux
Age_ 52 (24)
circuits de distribution)
Sexe_féminin (54)

2 Age_26 (50)
(discours lié à l’origine Age_31 (7)
géographique des Age_57 (15)
produits) Sexe_masculin (3)

Age_26 (33)
3
Age_28 (31)
(discours lié aux dérives
Age_48 (20)
de la recherche de
Age_52 (4)
profit)
Sexe_masculin (88)

4
(discours lié à l’impact Age_45 (102)
de la consommation sur Age_56 (105)
l’environnement Sexe_féminin (8)
physique)

Tableau 15 : Association des variables étoiles avec les 4 classes (liens forts en gras)

2.2.4 Analyse des correspondances


La figure 28 représente le résultat de l’analyse factorielle des correspondances. Les deux
facteurs retenus représentent respectivement 37.78 % et 33.41% de l’inertie, soit un total de
71.19%. Ce chiffre paraît plutôt satisfaisant par rapport aux critères indiqués par Helme-
Guizon et Gavard-Perret (2004). La position des classes sur le graphique permet leur
interprétation. L’axe horizontal oppose les classes 2 et 3 aux classes 1 et 4, ce qui met en
évidence la différence dans le niveau d’abstraction du discours. En effet, le coté gauche de
l’axe horizontal semble correspondre à un discours abstrait sur les conditions de fabrication
du produit, sur les dérives de la recherche de profit, à savoir les licenciements en France, les
délocalisations dans des pays pauvres. A l’opposé, le coté droit de l’axe 1 reflète des
comportements concrets comme le choix d’un circuit de distribution plutôt qu’un autre ou
encore la prise en compte des effets de la consommation sur l’environnement.

167
L’axe vertical est plus difficile à interpréter. Il semble cependant qu’il représente la proximité
du consommateur avec la cause qu’il défend à travers son comportement. En haut du
graphique, les classes 3 et 4 correspondent à des thèmes qui concernent de près le
consommateur. En effet, l’environnement physique (classe 4) a une influence directe sur les
conditions de vie actuelle et future de l’individu. Dans le cas de la classe 3, le consommateur
se soucie des effets du capitalisme, à savoir les licenciements, les rachats et fusions. Les
conséquences en termes de chômage et de manque de choix de ces deux pratiques affectent de
près le bien-être du consommateur. A l’inverse, en bas de cet axe vertical, les classes 1 et 2
reflètent des préoccupations plus éloignées des intérêts du consommateur. En effet, la classe 2
représente le souci pour les conditions de travail dans les pays en développement. Quant à la
classe 1, elle regroupe différentes raisons qui guident le choix d’achat des produits en petit
commerce plutôt qu’en grande surface, comme par exemple la volonté de contrebalancer le
pouvoir des hypermarchés.

+-----|---------|---------|---------+---------|---------|---------|-----+
15 | | # Classe4 |
14 | | |
13 | | |
12 | | *Age_56 |
11 | | *Age_45 |
10 | | |
9 | # Classe3 | |
8 | *Sexe_m | |
7 | | |
6 | *Age_48 | |
5 | | |
4 | | |
3 | | |
2 | | |
1 | | |
0 +-----------------------------------+-----------------------------------+
1 | | |
2 | | |
3 | *Age_28 | |
4 | *Age_26 | |
5 | | |
6 | *Age_57 | |
7 | | *Age_52 |
8 | | *Sexe_f
9 | # Classe2 | |
10 | | |
11 | | |
12 | | |
13 | | *Age_31 # Classe1 *Age_25|
+-----|---------|---------|---------+---------|---------|---------|-----+

Figure 28 : Analyse factorielle des correspondances

168
Pour résumer, Alceste indique donc 4 grandes classes de vocabulaire bien distinctes : le
circuit de distribution, l’origine géographique des produits et les conditions de travail
associées, la recherche de profit et ses conséquences sur les salariés, et enfin la protection de
l’environnement physique. L’analyse a permis de classer 64 % du corpus, ce qui semble
correct au regard du fonctionnement du logiciel (Helme-Guizon et Gavard-Perret, 2004). Les
résultats semblent offrir une bonne compréhension de la CSR, avec 4 classes de vocabulaires
équilibrées, complémentaires et faciles à interpréter. De plus, les thèmes identifiés
correspondent à des comportements de consommation que nous avions mis en évidence par
l’analyse thématique traditionnelle. Il y a donc une certaine cohérence entre les deux modes
d’analyses menées : « manuel » et automatisé.
L’analyse fournie par Alceste constitue une première piste concernant le dimensionnement de
la consommation socialement responsable, et l’impact des variables sociodémographiques sur
le discours du répondant. Avant de savoir si nos études quantitatives confirment ces résultats,
présentons d’abord les autres résultats de l’analyse exploratoire.

3. FREINS ET MOTIVATIONS A LA CSR

L’analyse qualitative exploratoire avait pour objectif de générer des items pour construire
l’échelle de CSR, mais aussi, de façon plus générale, de comprendre le comportement des
consommateurs à l’égard de la CSR. Nous souhaitions plus précisément connaître les formes
de CSR pratiquées par les répondants, ainsi que les éléments qui empêchent un consommateur
de pratiquer la CSR, ou au contraire ceux qui l'y incitent en ce sens.
En ce qui concerne la pratique, il semble que celle-ci soit variable selon les individus. Un
individu a déclaré ne jamais prendre en compte ce genre de critères, mais la majorité des
répondants semblent pratiquer certains comportements de CSR de façon occasionnelle, ou
même régulière pour quelques personnes.
Nous avons choisi de centrer notre analyse sur les éléments abordés par les répondants pour
justifier la pratique ou la non pratique de la CSR. Pour cela, nous avons procédé à une analyse
thématique sur les différents freins ou motivations expliquant le degré de traduction des
préoccupations socialement responsable en comportement d’achat. Autrement dit, nous avons
cherché à savoir ce qui empêche ou ce qui motive les individus à se comporter en
consommateur responsable.

169
3.1 Les freins à la CSR

Globalement, les freins à la CSR évoqués dans les entretiens individuels peuvent être
catégorisés en 3 ensembles. Le premier représente tout ce qui concerne l’information. Le
deuxième correspond aux efforts requis par la CSR. Enfin, le troisième, d’importance
moindre, est relatif à la difficulté de savoir quel est le bon comportement à avoir en matière de
CSR. Nous présenterons successivement ces trois catégories de freins, en nous appuyant sur
les citations des répondants.

3.1.1 Les problèmes d’information

Les répondants semblent freinés dans leur envie de pratiquer une consommation responsable
par le fait qu’ils manquent de connaissances sur le comportement des entreprises et qu’ils
n’ont pas toujours confiance dans l’information qui leur est offerte.

• Manque d’information sur le comportement des entreprises


Plusieurs personnes interrogées ont déclaré qu’elles ne disposaient pas suffisamment
d’informations sur le comportement des entreprises. Elles ne savent donc globalement pas
quelles sont les conditions de fabrication des produits qu’elles achètent. Même si certaines
affaires sont bien relayées par les médias, cela ne fournit qu’une information partielle et
conduit parfois à punir des entreprises, sans savoir si leurs concurrents ont les mêmes
pratiques. De plus, les personnes interrogées se déclarent passives sur ce point, et ne sont pas
prêtes à aller chercher l’information, là où elle serait peut-être disponible.

« Parce que souvent, on n’est pas au courant. Tu ne sais pas si telle ou telle société fabrique
ses produits en Indonésie, en faisant travailler des gosses de 14 ans, tu ne sais pas si telle ou
telle société est polluante. C’est sûr que si on avait l’information, peut-être que j’appliquerais
davantage ces principes là » Homme, 31 ans

« Tu es toujours lié à des zooms qui sont fait à un moment donné sur certains problèmes, et
donc, c’est ça qui va te faire réagir, parce que tu es au courant. Mais tu ne peux pas être au
courant de tout ce qui se passe, parce que à priori, que tu achètes du Nike ou du Adidas, si ça
se trouve Adidas fait la même chose, ou le fait différemment, mais mieux caché, donc on ne le
sait pas.(..). Après les sources d’information sont multiples. On peut toujours se renseigner.
Mais on ne passe pas non plus son temps à regarder ». Homme, 28.

170
« Oui, quand ça me revient aux oreilles par les médias. Je ne vais pas non plus aller fouiner
pour savoir où c’est fait, comment c’est fait et tout. Il faut être honnête, je suis passive devant
ce truc pas, je ne suis pas militante en quoi que ce soit, je ne vais pas chercher l’information,
voilà, c’est quand elle me revient naturellement, là, je réagis. », Femme, 28

Verbatim 1 : manque d’information sur le comportement des entreprises

• Confiance dans l’information


Un autre problème soulevé plusieurs fois concerne la confiance envers l’information donnée.
La confiance envers les labels ou les discours éthiques des entreprises semble déterminante
dans le comportement du consommateur. Elle joue aussi bien un rôle incitatif que dissuasif.

« Je ne mange pas Bio, ça c’est clair. Je ne mange pas Bio du tout, parce que je n’ai pas très
confiance, en fait, dans les producteurs Bio. C’est un manque de confiance. Je trouve déjà que
c’est un petit peu cher, et je ne suis pas sûr qu’on paie cher, ce soit vraiment, véritablement du
Bio. Même avec tous les labels qu’on trouve, je n’ai pas l’impression que ce soit très, très
bien fait. »Homme, 31 ans

« Pour le label Agriculture Biologique, je ne vérifie rien du tout moi-même, mais j’avais vu
plusieurs trucs là dessus comme quoi c’était un des labels au niveau nourriture d’Europe qui
était stricte et qui était réellement bien contrôlé. C’est un truc auquel je fais confiance, où je
contrôle rien du tout mais je sais, enfin, je me dis que c’est ça.», Femme, 25 ans

« Il y a des histoires comme ça, donc, les grands supermarchés, ils arrivent un petit peu à te
faire croire à une consommation éthique. Donc, ça ça [m’emmerde], parce que ça m’arrive
des fois dans ces supermarchés là d’acheter Bio et tout et tu ne sais jamais très bien en fait ce
qu’il y a derrière. En fait, le supermarché, il y a les deux problèmes. C’est que acheter des
trucs qui vont te sembler éthiques au supermarché, tu ne sais jamais trop si c’est vrai, je
préférerais une boutique Bio. », Homme, 24 ans

« Alors, après, je ne sais pas, tu vas prendre une assurance comme la Maif, où ils se
définissent comme assureur militant, je ne sais plus trop ce qu’ils mettent derrière, mais tu as
l’impression qu’il y a un respect de la personne un peu plus grand. Mais, je n’en sais
strictement rien, peut-être que ce n’est pas vrai, c’est peut-être juste une impression. »
Homme 24 ans

Verbatim 2 : confiance dans l’information

171
3.1.2 Les coûts de la CSR

L’ensemble des répondants a évoqué les efforts requis par la pratique de la CSR. Les
arguments soulevés sont divers et tous convergent avec l’idée que la consommation
responsable suppose certains sacrifices de la part des consommateurs.

• Le coût financier de la CSR


Un des freins importants à la CSR réside dans l’effort financier qu’elle requiert. Deux thèmes
ont été particulièrement évoqués par les répondants. Le premier concerne le fait qu’acheter de
façon socialement responsable suppose d’accepter un surcoût financier. Les répondants ont
par exemple cité le cas des produits bio, du papier recyclé, ou encore le fait de privilégier les
achats français ou les petits commerces. Souvent, le supplément de prix est jugé trop
important pour être assumé quotidiennement.

« J’ai une voiture, c’est une Ford, pas une voiture qui pourrait être une voiture de la région de
Sochaux, qui est en crise en ce moment, par exemple (…) Mais je pense que si j’avais
vraiment beaucoup de moyens, je ferais attention à ça. Si j’avais eu plus d’argent, j’aurais
sans doute réfléchi à prendre une voiture française, et j’aurais fait attention. » Femme, 56 ans

« Sur le marché, il y a des gens qui font du pain bio, c’est très bien, le problème, c’est que dès
qu’on achète du bio, on paie du bio. Les produits sont excessivement chers. Et je trouve ça
dommage, et dans les produits bio, c’est nécessairement des produits complexes. On va
acheter du pain bio sur le marché, c’est nécessairement du pain avec 12 céréales, 40 farines
(…). Voilà, on veut acheter du pain normal, on ne veut pas sortir 40 francs pour une baguette,
on ne peut plus. Alors, c’est nécessairement réservé à des gens qui ont les moyens de payer 40
balles pour une baguette. (…) Haavelar, c’est plus cher qu’autre chose, mais, ce n’est pas non
plus 40 fois plus cher. (…) ce n’est pas prohibitif, c’est 1.5f ou 2 francs de plus, c’est pas 10
francs de plus le paquet. », Homme, 28 ans

« Je suis prête à dépenser plus cher pour certains trucs, mais il ne faut quand même pas
délirer, surtout avec les moyens qu’on a là. (…) Par exemple, tout ce qui est enveloppe. Moi,
j’avais toujours des enveloppes en papier recyclé. L’autre jour, je voulais en racheter, c’était
quand même réellement deux fois plus cher que les enveloppes blanches. Je n’avais
réellement pas envie de mettre 2 fois plus cher pour les mêmes enveloppes. », Femme, 25 ans

Verbatim 3 : coût élevé de la consommation responsable

Le second point correspond à l’idée générale que la recherche de prix bas est « anti
socialement responsable ». Cela provoque de la part des entreprises une recherche des

172
pratiques les moins coûteuses, souvent contradictoires avec le respect des critères
environnementaux et sociaux.

«Il y a plein d’autres fois où je vais avoir une consommation qui n’est pas éthique je pense.
Par exemple, quand tu cherches des prix toujours moins chers sur des compagnies d’avion,
par exemple, tu peux te dire que chercher toujours les charters à moins cher, ça te donne des
faillites comme Suiss’air, ou celle d’AOL, Air Liberté qui faisait des prix vraiment pas chers.
Alors là, tu peux te dire que tu fais une consommation, alors là pour le coup, à l’inverse de
l’éthique. (…) Après, il y a plein d’autres fois où tu ne dois pas consommer très éthique, en
fait, c’est quand tu vas au supermarché, où tu cherches à acheter le produit le moins cher. »
Homme, 24 ans

Verbatim 4 : contradiction entre recherche de prix bas et CSR

• Renoncer à la commodité de ses achats

Consommer de façon socialement responsable n’est pas facile : cela requiert de la part des
individus certains efforts matériels. Il faut par exemple être prêt à se déplacer, que ce soit pour
trouver des produits équitables ou pour acheter aux petits commerces, tolérer de consacrer
plus de temps à ses trajets ou encore accepter les efforts requis par le tri des déchets. Il semble
que la CSR ne soit pas pratique, et nécessite donc que les consommateurs soient prêts à
renoncer à la commodité de leurs achats. Cela n’est bien sûr pas le cas de la majorité des
individus.

« Si le train, ça te prend 4 heures alors que la voiture, ça te prend une demi-heure pour le
même trajet, tu ne peux pas demander aux gens de prendre le train s’ils ont une voiture.... »,
Femme, 25 ans

« Non, ce n’est pas facile, parce que, là je parle de mon appartement, je pense que les
appartements ne sont pas équipés pour faire le tri. Parce qu’à l’heure actuelle, les pièces ne
sont pas suffisamment grandes dans les appartements, et si tu veux faire le tri, tu es obligé
d’avoir plusieurs récipients. Tu as un récipient pour les déchets ménagers, tu as un récipient
pour tout ce qui est papier, tu as un récipient pour tout ce qui est emballage, aussi bien
emballage plastique, conserves, etc. (…) Et tu es obligé d’avoir de la place. Ce n’est pas
toujours évident, et c’est vrai que ça demande des efforts. », Femme, 45 ans

« Après, il y a le problème du temps, si on veut acheter des produits Max Haavelar, soit
Artisans du Monde, s’il faut aller en plus dans un magasin particulier, il y a un problème de
temps aussi. Toute la semaine, je suis quasiment occupé, je fais des loisirs le soir, ça bouffe
du temps, des loisirs ou autre, ça peut être faire du sport, des associations. Donc, après, s’il

173
faut aller chercher dans chaque magasin les produits, c’est un peu plus difficile. Donc, il ne
reste plus que le samedi », Homme, 26 ans

« Ah, oui, on aime bien acheter les produits régionaux aussi. Mais, bon, par exemple, ils sont
durs à trouver, donc si il n’y en a pas dans le magasin, tu n’achètes pas. », Femme, 28 ans

Verbatim 5 : l’aspect praticité de la CSR

• Renoncer au plaisir
Deux personnes ont évoqué pendant les entretiens le fait que parfois, les produits offrant
certaines garanties environnementales ne leur plaisaient pas, et que dans ce cas, elles ne les
achetaient pas. Autrement dit, les consommateurs ne souhaitent pas renoncer à se faire plaisir
à travers leurs achats. Le critère socialement responsable ne doit donc pas venir en
contradiction avec cet aspect là.

« Pour le papier recyclé, je le trouve tellement pas beau, que j’achète jamais du papier recyclé.
Evidemment, s’ils avaient du papier toilette recyclé, du papier hygiénique, ou.., euh, ça,
j’achèterais. Si j’étais sûr que ce soit recyclé, je prendrais du recyclé. Et pour tout ce qui est
papier à lettres, par exemple, si ça ne me plaît pas, je prendrais jamais du recyclé, parce que je
trouve que c’est pas beau, c’est pas un joli papier. J’ai pas envie d’écrire dessus. » Femme, 56
ans

« Mais des fois, aussi au niveau vêtement, soit ça me plaît, soit ça ne me plaît pas. Donc,
après tu te limiterais. Enfin, ils font des fringues écolo, mais ça ne me plaît pas, enfin,
certaines ne me plaisent pas ou pas pour toutes les occasions. Donc, ça dépend si tu arrives à
avoir le même produit. », Femme, 25 ans

Verbatim 6 : l’aspect « plaisir » dans la consommation

• Une consommation globalement trop contraignante

Enfin, de façon globale, les consommateurs jugent qu’il est impossible d’adopter une
consommation entièrement responsable car cela demanderait trop d’effort et trop d’attention.
Plusieurs personnes interrogées déclarent que la pratique de la CSR au quotidien est trop
contraignante. C’est ainsi que le mot « vie » a souvent été employé et opposé à la notion de
CSR.

174
« C’est vrai que ça me touche, mais c’est le problème, ça te touche, tu le fais, mais ça reste,
c’est limité dans le temps, parce que tu es rattrapé par la vie, t’es rattrapé par le fait de
t’arrêter sur l’autoroute quand tu n’as plus d’essence, il faut bien s’arrêter. Parce qu’on ne
peut pas non plus être jusqu’au-boutiste. Tu ne peux pas, tu ne peux pas en étant jusqu’au-
boutiste, parce qu’à ce moment là, tu ne vis plus.» Homme, 28 ans

« Mais, bon, tu ne peux pas tout non plus consommer en fonction de ça, sinon tu vis en
ermite. » Homme, 31 ans

« Souvent tu sors de la vie réelle aussi, tu ne peux plus rien t’acheter de normal. Si tu te
posais la question pour toute chose que tu achètes, tu n’achèterais plus grand chose, si tu te
poses réellement la question. Mais, je n’en suis pas là, du tout. », Femme, 25 ans

« Ca, c’est quelque chose que j’ai essayé de faire, mais en fait, je n’y arrivais pas. Parce que
ça m’ennuyait un peu, je sais que j’avais du mal à respecter ce truc là. Parce que ça demande
trop d’attention quand tu fais tes courses. En fait, ça me stressait, j’ai un peu arrêté. Ce qui est
un peu [chiant] , c’est qu’il y a une sorte de culpabilité qui monte quand tu es au supermarché,
de se dire « je sais qu’il faudrait acheter ça, et puis pas ça. », mais en même temps, c’est
[chiant] de faire attention à tous les produits.
Donc, c’est ça qui est gênant, c’est que d’une part tu peux dénoncer l’attitude de grands
groupes, ou d’équipes de production, mais d’un autre coté, tu vas peut-être consommer leurs
produits. Et beaucoup de gens sont comme ça. Bon, parce que de toute façon, sinon, tu peux
difficilement vivre. Tu peux toujours trouver un rapport entre un produit et un groupe dont tu
pourrais dénoncer les activités, je pense. » Homme, 24 ans

Verbatim 7 : la CSR, jugée globalement trop contraignante

3.1.3 La difficulté de savoir quel est le « bon » comportement

La dernière catégorie de freins que nous avons identifiée dans les entretiens concerne la
difficulté des répondants pour savoir quel est le bon comportement à adopter en matière de
CSR. La CSR intègre souvent des notions d’éthique, et à ce titre, les situations que rencontre
le consommateur sont souvent complexes. L’existence d’arguments contradictoires fait douter
le consommateur sur ce qu’il convient de faire et celui-ci ne sait pas toujours s’il faut
boycotter une entreprise, ou s’il vaut mieux acheter français. Ce qui apparaît socialement
responsable à priori ne l’est pas toujours après réflexion. Pris dans certains dilemmes, le
consommateur ne sait pas toujours quel comportement adopter en termes de CSR.

175
« Et que si je n’achète pas du Danone, moi consommateur, je pénalise aussi les salariés de
Danone. Parce que si sur 10000 salariés, il y en a 2000 qui peuvent être mis à la porte, pour
faire plaisir au marché et à la bourse, c’est vrai que ça ne me fait pas plaisir, c’est vrai que je
suis tenté de dire, je boycotte, mais d’un autre coté, les 8000 autres, je les pénalise. Voilà,
alors, je finis pas bouffer du Danone », Homme, 52 ans

« Mais, d’un autre coté, si on prive les taïwanais, les coréens, les argentins, si on les prive de
ce travail, de cette manne, on les prive aussi de [bouffer] à leur faim. Déjà qu’ils ne bouffent
pas bien à leur faim. Voilà, pour moi, c’est compliqué, pour moi, c’est un sujet très
compliqué. Et je n’ai certainement pas la bonne réponse, et je n’ai certainement pas
l’embryon d’une réponse. », Homme 52 ans

« Mais, les gens, ils envoient au boycott sans vraiment réfléchir...tout le monde veut
boycotter. Les gens boycottent facilement les choses. A mon avis, ils ne savent sûrement pas
pourquoi ça a été fait comme ça. Parce qu’il y a tellement de…, avant qu’un produit soit fini,
il y a toute une chaîne. Il y a sûrement un endroit qu’on a loupé quelque chose, nous. On ne
connaît pas... Je ne vois pas pourquoi on voudrait boycotter, parce que je pense qu’on ne
connaît sûrement pas le pourquoi du comment, le fond de la chose. », Femme, 52 ans

« La question sur les caisses à Carrefour, dans les grandes surfaces, c’est là qu’on perd du
temps en fait dans la grande surface. Ca va vite, et puis on bouchonne à ce truc qui n’a aucune
valeur ajoutée où les nanas font un truc qui n’est pas très intéressant pour elles. Et, je me dis,
qu’il y a peut-être un jour un portique de pré-paiement, tu passeras avec ton caddie, tu auras ta
facture à la fin sans passer par la caisse, tu feras sauter les boulots des caissières. En même
temps, tu te dis, que c’est tellement un boulot qui n’est pas marrant que c’est pas une avancée,
c’est pas un objectif social que de maintenir des boulots comme ça non plus. C’est pas très
évident de trancher sur ces questions là. », Femme, 33 ans

Verbatim 8 : la difficulté de savoir quel est le bon comportement

L’analyse thématique des entretiens individuels met donc en évidence de nombreux freins à la
CSR, liés essentiellement aux problèmes d’information, aux efforts requis par cette forme de
consommation, et aux difficultés d’avoir des opinions tranchées sur un tel domaine.
Cependant, cette analyse ne doit pas faire oublier que malgré cela, les individus pratiquent la
CSR dans une certaine mesure. Etudions les éléments qui motivent les consommateurs en ce
sens.

176
3.2 Les motivations à la CSR

Nous avons pu identifier deux grandes catégories de motivations à pratiquer une


consommation responsable. La première correspond à la volonté d’être efficace à travers son
comportement, la seconde à l’envie d’être en accord avec ses valeurs.

3.2.1 L’efficacité perçue de son comportement

Les personnes déclarant pratiquer la CSR sont motivées par le fait qu’elles ont l’impression
que leur comportement va permettre d’agir en faveur de la cause qui leur tient à cœur. A
travers leurs achats, elles aident à faire changer les choses. Ces personnes savent bien sûr que
l’action individuelle ne suffit pas, mais elles considèrent que leur contribution personnelle est
utile. Cet aspect a été évoqué à de nombreuses reprises dans les entretiens et semble
déterminant dans la pratique de la CSR.

« Oui, je ne suis pas tout seul, donc oui. Ca permet aussi de se dire peut-être que ce n’est pas
complètement débile ce qu’on fait. De se dire que les petites rivières font les grands fleuves.
Oui, ça justifie un peu son acte, parce que si on se dit que ce qu’on fait, ça n’a aucun intérêt, à
ce moment là, on ne le fait pas. » Homme, 28 ans

« Moi, je pense, enfin, c’est mon point de vue, il y a plein de gens qui ne sont pas d’accord
avec moi, que si tu avances un tout petit peu dans ce sens là, quand tu n’achètes pas certaines
choses, tu es déjà une personne en moins à ne pas les acheter. C’est quand même la somme de
toutes les personnes, ce qui aura lieu donc, c’est sûr qu’au niveau statistique, c’est ridicule, si
tu le fais, mais si tu ne le fais pas, comment veux-tu attendre que les autres le fassent ? »
Femme, 25 ans

« Ca s’appelle un Cat, mais je ne sais pas exactement ce que ça veut dire les lettres. C’est un
centre de travail, et ils font des fromages, des choses comme ça, et de temps en temps, j’en
achète là bas. Mais, c’est toujours pareil, si tu veux, dans l’optique de dire, ça les aide un peu,
ça les fait vivre. Mais, en fait, dans le sens, c’est pareil que quand je vais dans la petite
boutique du coin à Villers, parce que je me dis, il faut qu’elle vive, et si personne ne va rien
lui acheter, elle va capoter. » Femme, 56 ans

« Ce qui me plaît, c’est que quand tu achètes une voiture française, tu vas faire travailler des
français. Par exemple, tu prends une Peugeot, une Renault, une Citroën, tu vas faire travailler
de la main d’œuvre française, faire vivre des gens. Même si les salaires sont bas, tu vas quand
même leur permettre, toi, à partir de ton petit achat, ça va quand même leur permettre de vivre
correctement. En fait, c’est ça. J’apporte ma petite contribution, j’ai l’impression. Ce n’est pas
pour me détaxer de quoi que ce soit, mais j’ai l’impression. » Femme, 45 ans

Verbatim 9 : l’envie de faire changer les choses à travers son comportement

177
3.2.2 L’envie d’être en accord avec ses valeurs

Une autre motivation à pratiquer la CSR réside dans la volonté d’agir en accord avec ses
valeurs. Dans ce cas, le consommateur se place dans une logique individuelle plus
qu’instrumentale. Il agit conformément à ce qu’il croit être juste, sans forcément penser que
son comportement aura un quelconque impact. Il agit selon ses valeurs, avant tout pour se
satisfaire individuellement.

« Mais, au moins, je me dis que je ne vais pas aller soutenir des régimes qui sont contre ma
façon de penser. Moi, je me sens bien de ne pas y aller, je me sens en accord avec ma morale.
Mais, à mon avis, ça ne sert à rien, ça ne fera pas avancer les choses. Mon action personnelle
n’a que pour but d’être en cohérence avec ma façon de pensée générale. » Homme, 31 ans

« Même si tu n’es qu’une personne, mais tu es déjà une personne en moins à acheter certaines
choses. Déjà, tu ne cautionnes pas individuellement. Tu peux te dire que tu ne cautionnes pas,
même si dans le volume, c’est minime, c’est déjà ça quand même. (…) Oui, c’est une
question de principe de dire, que moi, même si ça ne marche pas, au moins, ce n’est pas moi
qui ai consommé. » Femme, 25 ans

« Tant qu’à dépenser de l’argent, autant bien le dépenser. Je préfère, je suis plus contente de
moi si j’ai acheté un truc à la petite quincaillerie, plutôt qu’à Casto. » Femme, 56 ans

Verbatim 10 : l’envie d’être en accord avec ses principes

La figure 29 offre une synthèse des freins et motivations à la CSR mis en évidence dans les
entretiens exploratoires.

178
FREINS
-Manque d’information sur le comportement des entreprises
-Confiance dans l’information
-Coût financier de la CSR
-Critère de praticité des achats
-Critère de plaisir des achats
-CSR globalement trop contraignante
-Difficulté de savoir quel est le « bon » comportement

CSR

MOTIVATIONS
-Efficacité perçue de son comportement
-Envie d’être en accord avec ses valeurs

Figure 29 : Synthèse des freins et motivations à la CSR mis en évidence par notre analyse qualitative
exploratoire

179
Synthèse du chapitre 4 :
L’étude exploratoire menée avait pour objectif de répertorier les représentations des
consommateurs sur le sujet de la CSR. Elle s’est basée sur 17 entretiens individuels semi
directifs et 2 focus-groupes. Plus particulièrement, ces entretiens nous ont permis d’identifier
comment les consommateurs définissent la CSR et ce qui les motive ou les freine pour
consommer de façon responsable.

Concernant le premier point, l’analyse montre que les comportements de CSR cités par les
répondants sont très variés. Ils sont le reflet de préoccupations diverses : pratiques salariales,
protection de l’environnement, traitement des animaux, sort des petits commerces, actions
politiques des états, santé de l’économie française, régionale, européenne etc.

Cette étude thématique a été complétée par une analyse automatisée, avec le logiciel Alceste.
Celui-ci permet de dégager différentes classes de vocabulaire et dans notre cas, il offre une
première vision de la façon dont se structure la CSR. Les résultats montrent l’existence de 4
classes. La première tient aux considérations sur le circuit de distribution choisi par le
consommateur dans ses achats quotidiens. La deuxième correspond aux propos sur l’origine
géographique des produits et aux conditions de travail liées à cet aspect. La troisième
représente les propos des répondants sur certaines pratiques condamnables des entreprises, en
conséquence de la recherche abusive de profit. Enfin, la dernière classe rend compte des
préoccupations des consommateurs pour leur environnement physique.
Cette structure en 4 classes est satisfaisante au regard du fonctionnement d'Alceste, et semble
offrir une analyse claire et pertinente.

La troisième partie de ce chapitre a été consacrée à l’étude des freins et motivations


intervenant dans le processus de CSR. Les éléments s’opposant à une pratique systématique
de la CSR sont nombreux, conformément à la littérature. Notre analyse met en évidence les
mêmes freins que ceux identifiés par les recherches portant sur la CSR : problèmes
d’information, coûts financiers, commodité des achats, existence de critères plus importants
aux yeux du consommateur et disponibilité des produits. Notre analyse met également en
évidence le fait que les consommateurs doutent parfois de la conduite à tenir dans certaines
situations, et que le choix le plus socialement responsable n’est pas toujours facile à identifier,
notamment sur le thème du boycott.

180
En parallèle à ces freins, les répondants semblent motivés à pratiquer la CSR pour pouvoir
agir efficacement en faveur de certaines causes, mais aussi pour se sentir en accord avec leurs
valeurs personnelles.

Ce chapitre offre donc plusieurs pistes de réflexion concernant le contenu et la structure de la


CSR, d’une part, et les variables intervenant dans la décision du consommateur responsable
d’autre part. Ces pistes nous seront très utiles à la fois pour construire l’échelle de CSR, et
pour modéliser le comportement du consommateur en matière de CSR. Concentrons-nous
maintenant sur le premier point.

181
182
CHAPITRE 5

CONSTRUCTION D’UNE ECHELLE DE CSR A 5


DIMENSIONS

Ce chapitre est consacré à la présentation du processus de construction de l’échelle de CSR.


L’analyse qualitative décrite au chapitre précédent nous permet en effet de passer au second
stade du processus décrit par Churchill (1979), c’est-à-dire de bâtir l’échelle. Plus
précisément, il convient dans un premier temps de dégager la structure de l’échelle, à partir
d’une première collecte de données, puis dans un second temps, de confirmer la structure
obtenue sur un deuxième échantillon. Cette deuxième collecte doit également servir de
support aux tests de fiabilité et validité.
Ce chapitre a pour objectif de présenter les résultats obtenus au cours de ces deux phases,
c’est-à-dire de décrire à la fois l’échelle de CSR obtenue et les qualités psychométriques de
celle-ci. Concernant le premier point, les résultats ont été obtenus à partir d’analyses en
composantes principales et d’analyses factorielles confirmatoires. Concernant le second point,
les différentes validités seront étudiées, à l’exception de la validité nomologique. Celle-ci
nous a, en effet, conduit à mener de multiples analyses ; c’est pourquoi avons choisi de lui
consacrer un chapitre entier (le chapitre 6).

Ce chapitre est structuré en 4 sections.


Dans un premier temps, nous présenterons le positionnement de l’échelle construite. Nous
exposerons les raisons qui nous ont conduis à opter pour la mesure de la dimension conative
de l’attitude.
Dans un second temps, nous décrirons l’étape de construction des items.
La troisième section sera consacrée à la présentation des deux échantillons utilisés pour
construire et valider l’échelle de CSR. Nous aborderons également les précautions prises dans
le questionnaire pour minimiser le biais de désirabilité sociale.
Enfin, dans la dernière partie, nous présenterons l’échelle de CSR obtenue suite aux analyses
factorielles. Nous interprèterons les 5 facteurs et présenterons les résultats des tests de fiabilité
et de validités de contenu, convergente et discriminante.

183
La figure 30 récapitule la progression suivie au cours de ce chapitre.

Chapitre 5: Construction d’une échelle de CSR à 5 dimensions

1. Positionnement + 2. Construction des 3. Collecte des 4. Présentation de


théorique de l’échelle items + + l’échelle de CSR
données

Figure 30 : Plan du chapitre 5

1. POSITIONNEMENT THEORIQUE DE L’ECHELLE

Avant de réellement construire les items de l’échelle de CSR, il convient de réfléchir sur le
positionnement conceptuel de celle-ci. Autrement dit, la première étape consiste à définir ce
que l’échelle mesure exactement. A priori, notre échelle avait pour vocation de mesurer le
comportement de consommation socialement responsable. Cependant, nous avons finalement
choisi de mesurer une attitude plutôt qu’un comportement.
Dans cette première section, nous justifierons le choix de positionnement de notre échelle en
deux temps. Nous montrerons d’abord l’existence de nombreuses difficultés à mesurer le
comportement de consommation responsable. Dans un second temps, nous avancerons les
arguments qui nous ont conduis à opter pour la mesure de la dimension conative de l’attitude.

1.1 La difficulté de mesurer le comportement de consommation socialement


responsable

1.1.1 L’existence de nombreux freins à la CSR

Dans la littérature, la consommation socialement responsable est envisagée comme un


comportement : il s’agit d’acheter ou de refuser d’acheter un produit dans le but de défendre
une cause sociale ou environnementale. Les études portant sur ce thème s’intéressent aux
pratiques du consommateur sur ce domaine. L’échelle de Roberts (1995), par exemple,
mesure le comportement de consommation socialement responsable.

184
Cependant, la littérature montre également qu’il existe des freins importants à la CSR, venant
entraver la traduction des préoccupations des consommateurs dans leur comportement. Notre
étude exploratoire a confirmé l’importance des freins sur un tel sujet. Il s’agit principalement
des problèmes d’information, des efforts requis par la CSR et de la complexité de la CSR. Ces
éléments rendent la pratique de la CSR difficile, mais cela ne veut pas dire pour autant que les
consommateurs ne sont pas préoccupés par les critères sociaux et environnementaux.
Ainsi, un prétest montre que face à des items mesurant le degré de pratique de CSR, les
consommateurs ont du mal à répondre. Afin de clarifier notre propos, prenons l’exemple de 2
affirmations, issues de l’échelle de Roberts (1995) et avec lesquelles le consommateur doit
donner son degré d’accord: « Je n’achète pas de produits de compagnies impliquées dans des
conflits avec ses employés », « Je n’achète pas de produits des compagnies qui discriminent
les minorités ».
Le prétest montre que globalement, les individus ne connaissant pas les pratiques des
entreprises auxquelles ils achètent. Face à ce manque d’information, les consommateurs ne
répondent pas tous de la même façon :
- soit le consommateur répond à la question : « si je savais qu’une compagnie est impliquée
dans un conflit avec ses salariés, je n’achèterais pas ses produits». Il exprime donc son
attitude à l’égard du comportement de CSR. Sa réponse reflète plutôt l’importance qu’il
accorde aux thèmes du respect des minorités, et des salariés en général.
- soit le consommateur cherche à répondre le plus sincèrement possible, et comme il ne sait
pas si les entreprises, de manière générale, se comportent correctement avec les employés, il
répond par la négative, en exprimant par là que ce ne sont pas ses critères de choix habituels.
Ainsi, pour cet exemple, le manque d’information gêne les personnes interrogées et les
conduit à réinterpréter le sens de la question. Ainsi, face à une même question, les
consommateurs répondent en réalité dans deux plans différents : le comportement réel ou
l’attitude.
La mesure du comportement, en faisant abstraction des freins sur le sujet, présente donc
certaines ambiguïtés : mesure-t-on les préoccupations socialement responsable du
consommateur ou son comportement réel ?

1.1.2 L’importance de mesurer un comportement associé à une préoccupation

La mesure de comportements de consommation socialement responsable ne permet pas de


considérer les critères d’achat ou de non achat. Pour n’importe quel exemple, comment savoir

185
si le comportement résulte d’une préoccupation sociale ou environnementale ou de critères
totalement indépendants ? Acheter son pain en boulangerie, ou acheter une voiture française
peut être guidé par l’habitude ou par des motifs de qualité. Comment être sûr que les
personnes qui consomment Bio ne pensent pas davantage à leur santé qu’à l’environnement ?
De même, comment différencier, parmi les personnes qui n’achètent pas la marque Danone ou
Total, celles qui expriment une protestation à l’égard de l’entreprise de celles qui, de toute
façon, n’achètent pas ces marques ? Dans ce dernier exemple, seules les premières agissent de
façon responsable. En effet, d’après la définition de Webster (1975), la CSR est bien la
traduction d’une préoccupation publique dans le comportement.

Cela montre la nécessité de mesurer la préoccupation socialement responsable en même


temps que le comportement avec des questions du type « j’achète mon pain en boulangerie
pour soutenir les petits commerces ». Certains items de l’échelle de Roberts (1995) adoptent
ce schéma : par exemple « Je n’achète pas de raisins de table à cause des conditions dans
lesquelles travaillent ceux qui les cueillent ». Une telle formulation est cependant critiquable
car elle manque de simplicité et de clarté pour le répondant. Seuls ceux qui n’achètent pas de
raisins de table à cause des conditions de travail des salariés de la filière doivent répondent
par l’affirmative. Tous les autres devraient en théorie répondre par la négative. On peut douter
cependant de la fiabilité des réponses obtenues face ce genre d’items.

Construire une échelle de comportement de consommation socialement responsable pose


donc d’importants problèmes de mesure. C’est pourquoi, nous avons décidé de mesurer une
attitude, comme nous allons maintenant l'expliquer.

1.2 Le choix de la dimension conative de l’attitude

1.2.1 Les travaux sur la préoccupation pour l’environnement

La réflexion menée nous amène à rejeter la mesure unique du comportement de CSR. Nous
pensons qu’il est nécessaire d’inclure la mesure de l’attitude des répondants à l’égard des
aspects sociaux et environnementaux de la consommation. Ce choix s’est inspiré des travaux
portant sur un champ de recherche proche de la CSR, celui de la consommation verte. Dans ce

186
domaine, le concept étudié est celui de « préoccupation pour l’environnement » (PPE)30. Il
semble que selon les études, la PPE représente soit une attitude, soit un comportement, soit les
deux (Giannelloni, 1998). Il apparaît cependant que la préoccupation environnementale doit
avoir à la fois une composante attitudinale et comportementale, et que toutes deux sont liées
(Dunlap et Van Liere, 1978, Kinnear, Taylor et Ahmed, 1974, Maloney et Ward, 1973).
Deux grandes catégories d’attitude ont été étudiées par les chercheurs (Robert-Kreziak,
1998) : (1) l’attitude à l’égard de la protection de l’environnement et (2) l’attitude à l’égard
des comportements de protection de l’environnement. La première reflète la tendance à se
sentir concerné ou préoccupé par les problèmes d’environnement actuel, et à réagir
favorablement ou défavorablement à l’évocation de la protection de l’environnement. Elle
correspond aux composantes cognitives et affectives de l’attitude. La seconde mesure
l’attitude à l’égard de comportements précis et correspond à la dimension conative de
l’attitude.

Un consensus semble se dégager de la littérature : la dimension conative de l’attitude, à savoir


la prédisposition à consommer de façon écologiquement responsable, est fortement liée au
comportement, alors que les dimensions cognitives et affectives ont un pouvoir de prédiction
très limité31.
Autrement dit, plus une mesure est appliquée et focalisée sur un comportement, plus elle est
capable de prédire le comportement réel du consommateur, comme l’avaient avancé Van
Liere et Dunlap (1980).

Etant donné la proximité conceptuelle entre la CSR et la consommation verte, il paraît


possible de s’inspirer de ces résultats. La littérature sur la consommation verte invite donc à
centrer notre analyse sur la dimension conative de l’attitude, c’est-à-dire l’intention de
consommer de façon socialement responsable.

30
La définition de la PPE par Stones et al. (1995) semble constituer une référence : « La responsabilité
environnementale est un état dans lequel une personne exprime une intention d’agir dans le but de remédier aux
problèmes environnementaux, en agissant non pas comme un individu préoccupé par son propre intérêt
économique, mais comme un consommateur citoyen à travers un concept de bien-être environnemental et
sociétal. De plus, cette action sera caractérisée par une conscience des problèmes environnementaux, la
connaissance des possibilités les mieux adaptées à réduire ces problèmes, la capacité de mettre en œuvre l’action
décidée et un réel désir d’agir, après avoir évalué son propre contrôle sur les événements et déterminé que ces
actes contribuent à réduire le problème».
31
Pour une revue de littérature complète sur le sujet, voir Robert-Kreziak (1998) et Giannelloni (1998)

187
1.2.2 Minimiser le biais de désirabilité sociale

L’existence d’un biais important de désirabilité sociale sur notre thème de recherche est
largement reconnue. Cet état de fait invite à réfléchir aux moyens de limiter l’ampleur de ce
biais dès la construction du questionnaire (Robert-Demontrond et Basset, 2004).
La meilleure façon d’éliminer le biais de désirabilité sociale serait de travailler directement
sur des panels de consommateurs, ou à défaut d’utiliser la méthode des scénarios. Cependant,
notre objectif est ici de construire une échelle de CSR afin de préciser son contenu et son
dimensionnement. Il nous paraît donc difficile de ne pas employer la technique du
questionnaire auto administré, où la réponse aux questions se fait à l’aide d’échelles.

Nous sommes conscients que cette méthodologie ne permet pas d’éliminer totalement
l’influence de la désirabilité sociale. Nous avons néanmoins tenté de minimiser ce biais. Il
semble qu’à ce sujet, la mesure de la dimension conative de l’attitude soit recommandée. En
effet, un prétest réalisé lors de la construction du questionnaire montre que la mesure des
attitudes cognitives ou affectives vis-à-vis des aspects sociaux et environnementaux de la
consommation induit un biais de désirabilité sociale très important. On comprend bien la gêne
des répondants à répondre négativement à des questions du type « êtes vous sensibles au
travail des enfants ? ».
En comparaison, la mesure de l’intention de se comporter permet, nous semble-t-il, de
minimiser le biais de désirabilité sociale. En effet, lorsque les personnes sont interrogées sur
la façon dont elles envisagent de se comporter, leurs déclarations paraissent davantage liées à
leurs actes qu’à leurs opinions.

Pour notre questionnaire, nous avons donc choisi de mesurer l’intention de CSR. Une liste de
comportements était proposée au répondant et pour chacun d’eux, celui-ci devait donner son
degré d’accord avec la question suivante : « essayez-vous de … »32. Notre échelle mesure
donc la force avec laquelle le consommateur essaie de pratiquer une consommation
responsable, et à ce titre reflète les préoccupations socialement responsables du
consommateur.

32
Précisons que notre premier questionnaire contenait quelques items de comportement. Dans certains cas, la
formulation en « essaie de » paraissait en effet peu adapté. Par la suite, nous avons adopté systématiquement
cette formulation, pour une plus grande homogénéité de l’échelle.

188
De plus, cette mesure devrait théoriquement fournir un bon indicateur du comportement réel.
Ainsi, même si notre échelle mesure une attitude, nous continuerons de l’appeler « échelle de
CSR ». Enfin, notre choix théorique permet de limiter le biais de désirabilité sociale.

Maintenant que nous avons justifié les choix concernant le positionnement théorique de
l’échelle, nous pouvons décrire l’étape de construction des items.

2. CONSTRUCTION DES ITEMS

Cette deuxième section s’attachera à décrire le processus suivi pour générer les items de notre
échelle de mesure. La construction du questionnaire s’est faite en deux temps. Nous avons
d’abord généré 73 items pour ne garder finalement que 55 questions. Nous aborderons
successivement ces deux étapes.

2.1 Genèse initiale de 73 items

Pour générer des items, nous nous sommes appuyés principalement sur notre étude
exploratoire. Deux raisons ont justifié ce choix.
Tout d’abord, la littérature académique portant sur le champ de la CSR, marquée
essentiellement par les travaux de Roberts (1995), offre une conception relativement restreinte
de la CSR, et l’assimile globalement aux achats selon le comportement des entreprises. Nous
adoptons pour notre part une vision large de la CSR. Conformément à cette posture théorique,
les entretiens individuels ont mis en évidence des comportements variés, recouvrant des
préoccupations diverses du consommateur. Cela nous a ainsi conduit à inclure des items
correspondant à des comportements qui n’avaient jamais été rattachés à la CSR, mais qui sont
néanmoins suggérés par la littérature sur la consommation éthique ou engagée. La volonté de
nous démarquer des travaux existants sur la CSR nous a donc amenés à privilégier l’étape
exploratoire pour générer les items de l’échelle.
La seconde raison réside dans le fait que nous souhaitions privilégier la vision des
consommateurs. Notre ambition est de construire une échelle de mesure de la CSR, réellement
représentative des préoccupations des consommateurs. Les entretiens individuels ont ainsi mis
en évidence de nombreux thèmes que nous n’avions pas initialement envisagés. Cette idée
nous a confirmé qu’il fallait mieux se baser sur les déclarations des répondants, plutôt que sur
la vision des rares chercheurs ayant travaillé sur ce thème.

189
Cette première étape nous a conduit à créer 73 items, en nous basant sur notre définition de la
CSR :
« La consommation socialement responsable désigne le fait d’acheter des biens ou des
services perçus comme ayant un impact positif (ou moins mauvais) sur son environnement
et/ou la société et d’utiliser son pouvoir d’achat pour exprimer ses préoccupations sociales et/
ou environnementales. »
Cette première batterie d’items a été prétestée sur une dizaine de personnes33, afin de s’assurer
de la clarté des questions posées et de la bonne compréhension des répondants. Les items ont
été retravaillés jusqu’à ce que chaque question soit validée par les « prétesteurs ».
Les 73 items sont présentés en annexe 1.

2.2 Sélection de 55 items

Dans un second temps, nous avons souhaité vérifier la bonne correspondance entre les items
créés et la définition conceptuelle adoptée. S’assurer de cette adéquation revient à tester la
validité faciale (Evrard, Pras et Roux, 1997), encore appelée validité de contenu (Carmines et
Zeller, 1990). Cette tâche ne peut être effectuée par un seul chercheur. En effet, la validité
faciale requiert de se fonder sur le jugement de plusieurs chercheurs de sa communauté
scientifique, et rejoint ainsi la notion d’intersubjectivité (Evrard, Pras et Roux, 1997).
Nous avons donc demandé à 3 chercheurs de juger de la correspondance entre la définition
adoptée de la CSR et les 73 items créés. Parmi les 3 juges, 2 étaient chercheurs en marketing,
et le troisième était spécialisé en sciences fondamentales.

Suite à ces évaluations, il a été décidé de retirer 18 items de l’analyse. 5 items ont été
supprimés car ils ne correspondaient pas au sens strict à des comportements de
consommation. 10 autres items ont été retirés car, d’après les 3 juges, ils ne sont pas
forcément guidés par une motivation socialement responsable. Le comportement en question
est par exemple le reflet des préférences du consommateur ou de ses convictions
idéologiques. Enfin, 3 items ont été jugés peu clairs, peu compréhensibles ou trop abstraits.
Le tableau 16 présente les 18 items retirés de l’analyse.

33
Il s’agissait principalement d’enseignants et de doctorants.

190
6 « Je ne cherche pas toujours les prix les plus bas »
24 « Je refuse de voyager dans un pays dont je désapprouve
fortement le régime politique »
41 « Je trie mes ordures ménagères »
Items ne correspondant pas à des 48 « Je refuse de voyager dans les pays qui ne respectent pas
comportements de consommation les droits de l’homme »
60 « Je refuse de jouer en bourse »

5 « Lorsque je vais au restaurant, je choisis de préférence un


restaurant de cuisine française »
12 « Quand je vais au restaurant, j’évite les grandes chaînes
présentes partout en France. »
16 « J’évite d’acheter les marques de distributeurs (produits
Carrefour, Géant, Repère, Auchan, Décathlon...) car cela nuit
Comportements de consommation fortement aux autres marques »
qui ne sont pas forcément guidés 28 « Lorsque je vais au cinéma, si j’ai le choix, j’évite les
grandes chaînes présentes partout en France »
par une motivation socialement 31 « J’évite de consommer les produits symbolisant la
responsable mondialisation (produits alimentaires, films...) »
44 « Je vais voir de préférence des films à petit budget »
49 « Je refuse d’acheter à une entreprise qui licencie alors
qu’elle fait encore du profit
69 « Je refuse d’acheter des magazines « people » qui relatent
la vie privée des célébrités »
71 « J’achète des médicaments génériques plutôt que des
médicaments de marque »
73 «J’évite d’acheter des contrefaçons (produits qui copient à
l’identique les grandes marques) »
18 « J’évite d’acheter à des prix qui paraissent vraiment bas »
Items jugés peu clairs, peu 52 « Je ne cherche pas à obtenir les prix les plus bas face à
quelqu’un de moins favorisé que moi. »
compréhensibles ou trop abstraits. 62 « Souvent, je préfère acheter plus cher, mais être sûr que le
produit a été fabriqué dans de bonnes conditions »

Tableau 16 : 18 d’items retirés, suite au travail des 3 juges.

Le test de la validité de contenu nous a donc amené à ne conserver que 55 items sur les 73
créés initialement34.
Le questionnaire, disponible en annexe 1, se présentait sous forme d’affirmations, pour
lesquelles le répondant devait donner son degré d’accord sur une échelle de 1 à 6, allant de
« pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ». En dernière partie, il était demandé
d’indiquer son genre, son âge, sa situation familiale, son lieu d’habitation, et sa profession.

Abordons maintenant l’étape de collecte des données

34
Cependant, la collecte de données s’est effectuée sur l’ensemble des 73 items. En effet, le travail des 3 juges a
démarré le 15 juin 2003, et nous ne voulions pas attendre la rentrée de septembre pour collecter les données.
Afin de gagner du temps, nous avons donc présenté la version initiale du questionnaire lors de la première
collecte de données. Mais, les 18 variables correspondent aux items supprimés ont été retirées en amont des
analyses.

191
3. COLLECTES DE DONNEES

L’échelle de CSR a été construite et validée sur deux échantillons différents, comme prévu
par le paradigme de Churchill (1979).
Cette troisième section présentera les deux échantillons utilisés pour les analyses factorielles.
Puis, nous indiquerons les précautions prises afin de limiter le biais de désirabilité sociale.

3.1 1ère collecte : 507 répondants

La première collecte de données a été réalisée en juin 2003. Le questionnaire a été administré
de 2 façons différentes : format électronique et format papier. Le questionnaire a été mis en
ligne à l’aide du logiciel FRONTPAGE et a été envoyé aux connaissances du chercheur, en
demandant aux répondants de bien vouloir faire suivre le questionnaire à leur entourage. De
cette façon, nous avons collecté 400 réponses.
En complément, 133 questionnaires « papier » ont été remplis de façon auto-administrée,
principalement par les passagers d’un train. Un nombre plus large de questionnaires a été
récolté, mais nous n’avons gardé que ceux présentant moins de 3 réponses manquantes. Les
valeurs manquantes restantes ont été estimées par la méthode du maximum de vraisemblance.

L’échantillon total de 533 personnes n’est pas représentatif de la population française en


termes d’âge, de genre et de catégories socioprofessionnelles. Il est constitué en large majorité
de jeunes citadins, occupant une profession intellectuelle supérieure. Sur ces critères,
l’échantillon présente un biais, très probablement dû à l’administration du questionnaire par
Internet. Ce média offre en effet une couverture partielle de la population (Ganassali et
Moscarola, 2004).
Comme recommandé par Hair et al. (1998), nous avons retiré de l’analyse tous les individus
aberrants (outliers) en utilisant le logiciel Amos. Le critère retenu est assez restrictif, comme
le conseillent ces auteurs : toutes les réponses ayant une signification de moins de 0.001 sur le
test de Mahalanobis ont été retirées de l’analyse. Cette démarche nous a conduit à supprimer
26 individus, et à ne garder donc que 507 réponses pour les analyses.

192
Le tableau 17 présente les caractéristiques sociodémographiques des 507 répondants
constituant notre échantillon final.

Descripteur Modalités %
(n=507)
Homme 48,6
Genre Femme 53,2
< 20 ans 2,2
20-30 ans 57,8
31-40 ans 15,8
Age 41-50 ans 11,6
51-60 ans 8,5
61-70 ans 3,6
> 70 ans 0,6
Sans enfants 70
Situation familiale
Avec enfants 30
Ville de + de 10.000 hab. 72
Lieu d’habitation Ville de – de 10.000 hab. 14,6
Campagne 13,4
Agriculteur 0,2
Commerçants, artisans, chef 1
d’entreprise
Cadre, prof. intellectuelle > 55,1
Prof. intermédiaire 7,1
CSP
Employé 12,0
Ouvrier 0,8
Retraité 3,7
Inactif 1,4
Autres (étudiants) 18,7

Tableau 17 : Description de l’échantillon 1, n = 507

3.2 2ème collecte : 714 répondants

La deuxième collecte de données a été réalisée dans le but de confirmer la structure de CSR
obtenue suite à la première enquête, et de tester la fiabilité et validité de l’échelle obtenue. Ce
dernier point sera présenté dans le chapitre suivant.
Afin de s’assurer de la validité externe de nos résultats, nous avons administré cette enquête
sur un échantillon représentatif de la population française. Pour éviter de retrouver les biais
d’échantillonnage de la première collecte, nous n’avons administré le questionnaire que sous
format papier.

193
La collecte de données s’est faite de 2 façons différentes. D’une part, il a été demandé à des
élèves ingénieurs, en 5ème année d’étude de l'Université de Technologie de Belfort-
Montbéliard (UTBM) d’administrer le questionnaire à leur entourage. Il était demandé à
chacun d’eux de faire remplir 10 questionnaires en respectant 3 quotas : la CSP, l’âge et le
genre. Les proportions à respecter concernant ces 3 critères correspondaient aux statistiques
de l’INSEE sur la structure de la population française. Les élèves devaient indiquer les
initiales du répondant, ainsi que ses coordonnées. Il était précisé aux élèves que des
vérifications seraient effectuées aléatoirement, afin de s’assurer de la validité des réponses.35
Le nom du laboratoire ainsi que son affiliation au CNRS était précisé aux élèves, également
dans le but de les inciter au plus grand sérieux.
En parallèle, des questionnaires ont été distribués dans le cercle professionnel, familial et
associatif.

En final, nous avons récolté 345 questionnaires par connaissances personnelles et 427 par
l’intermédiaire des élèves de l’UTBM, soit 772 réponses au total. Tous les questionnaires
présentant plus de 3 réponses manquantes ont été supprimées, ce qui réduit le nombre de
réponses exploitables à 735 répondants. Les valeurs manquantes restantes ont été estimées par
la méthode du maximum de vraisemblance.
Comme pour la première collecte, nous avons retiré, en amont des analyses, les individus
aberrants, c’est-à-dire ayant une signification de moins de 0.001 sur le test de Mahalanobis.
Cette démarche nous a conduit à rejeter 21 réponses, portant l’échantillon final à 714
individus.

Le tableau 18 décrit l’échantillon final de 714 individus, en termes d’âge, de genre, de


situation socioprofessionnelle, de lieu d’habitation, et de situation familiale. Par rapport à la
population française, notre échantillon comporte trop de 20-30 ans, pas assez de seniors, trop
de cadres, pas assez d’employés ni d’ouvriers. Notre deuxième échantillon offre cependant
une représentativité correcte de la population française.

35
Par manque de temps, ces contrôles n’ont finalement pas été réalisés.

194
Descripteur Modalités Notre échantillon, Population
N=714 française*
Homme 45,5 % 47,72 %
Genre Femme 54,5 % 52,28 %
< 20 ans 2,2 % -
20 – 30 ans 24,2 % 17.28%
31 – 40 ans 14,3 % 19.29%
Age 41 – 50 ans 18,9 % 18.9%
51 – 60 ans 23,9 % 16.97%
61 – 70 ans 11,1 % 11.62%
> 70 ans 5,2 % 15.93%
Agriculteur 1,4% 1.46 %
Commerçants, artisans, chef 4,6% 3.76 %
d’entreprise
Cadre, prof. intellectuelle > 19,9% 7.17 %

Prof. intermédiaire 12,8% 13.05 %


CSP Employé 22,3% 17.69 %
Ouvrier 7,0% 16 %
Retraité 17,4% 24.1 %
Inactif 3,9%
16.76 %
Etudiant 10,7%
Situation Sans enfants 33,3%
familiale Avec enfants 66,7%
Lieu Centre ville ou proximité 67%
d’habitation Loin centre ville 33%
* statistique Insee sur le recensement de 1999 sur la population des plus de 20 ans (soit n=44.132.260 pour
le calcul du genre, n= 44.647.282 pour le calcul de l’age, et n= 44.132.26. pour le calcul des CSP)

Tableau 18 : Description de l’échantillon 2, n=714, et comparaison avec la population française, en termes


d’age, genre et CSP.

3.3 Minimiser le biais de désirabilité sociale

Le thème de la CSR est soumis à un fort biais de désirabilité sociale. Dans le domaine
académique, cette notion a été abordée de deux façons différentes (Amine et Forgues, 1993).
Le premier courant, né sous les travaux de Edwards (1970), envisage la désirabilité sociale
comme un biais induit par la formulation même des items. Ainsi, c’est le sujet abordé dans
l’enquête et la manière dont celle-ci est menée qui incitent les répondants à se présenter sous
un aspect favorable. Le deuxième courant de recherche s’intéresse à la désirabilité sociale
comme un trait de personnalité. Dans cette vision, certains individus sont plus vulnérables
que d’autres au regard d’autrui et ont tendance à se montrer sous un aspect favorable. Ce

195
deuxième courant fut marqué par les travaux de Crowne et Marlowe (1964) et a concentré
l’essentiel des attentions.
Le biais de désirabilité sociale semble donc s’exercer dans une enquête quand deux conditions
sont réunies : le questionnaire aborde un sujet soumis à influence sociale, et le répondant a
intrinsèquement tendance à se présenter sous un aspect favorable dans ses rapports avec
autrui.
Le chercheur a peu de contrôle sur le deuxième point : il ne peut empêcher le fait que
certaines personnes cherchent à se présenter sous un aspect favorable. Il est cependant
possible d’inclure une mesure de cette désirabilité sociale dans les questionnaires et de
contrôler à posteriori l’impact de ce trait de personnalité sur les résultats.

Concernant le premier point, le chercheur a une marge de manœuvre et peut faire en sorte de
construire un questionnaire minimisant l’expression de la désirabilité sociale.
Sur ce point, nous avons suivi les recommandations habituelles. Tout d’abord, les
questionnaires étaient auto administrés et anonymes36, ce qui incitait le répondant à être plus
sincère dans ses réponses (Robinson, Shaver, et Wrightman, 1991). En ce sens, les collectes
de données par Internet offrent au répondant une bonne garantie d’anonymat (Fox, Murray et
Warm, 2003) et donc permettent de réduire l’expression de la désirabilité sociale. Ceci
constitue un point positif pour notre première collecte de données, réalisées essentiellement
par Internet.
De plus, en tête du questionnaire figurait une phrase incitant les répondants à s’exprimer en
toute liberté : « Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises réponses, vous pouvez répondre en toute
sincérité ».
Enfin, nous avons montré, dans la première section de ce chapitre, que le choix du
positionnement théorique de l’échelle fut en partie guidé par le souci de minimiser le biais de
désirabilité sociale.

Maintenant que nous avons décrit les choix théoriques concernant l’échelle, la construction du
questionnaire et les deux collectes de données, nous pouvons enfin présenter l’échelle de CSR
obtenue.

36
Lors de la 2ème collecte, certains répondants ont du indiquer leurs coordonnées, en cas de contrôle éventuel
(téléphone, mail adresse personnelle ou professionnelle). Il n’était, par contre, pas demandé de donner son nom
et prénom. Pour ces répondants, l’anonymat n’était donc pas total.

196
4. PRESENTATION DE L’ECHELLE DE CSR

Dans cette dernière section, nous présenterons d’abord la structure obtenue et décrirons les 5
dimensions de l’échelle avant d’aborder les questions de fiabilité et validité.

4.1 Une structure en 5 dimensions

L’échelle de CSR a été construite en effectuant d’abord des Analyses en Composantes


Principales37 sous SPSS, puis des Analyses Factorielles Confirmatoires sous Amos et
Statistica.
Les premières analyses ont été conduites sur les 55 variables retenues lors de la première
collecte (n=507)38.
Les analyses en composantes principales furent conduites en rotation promax. Il est en effet
impossible de postuler l’indépendance des dimensions de l’échelle. Les critères d’élimination
d’une variable étaient les suivants :
- rejet des variables dont le score factoriel le plus élevé est <0,5
- rejet des variables de communauté <0,45
- rejet des variables isolées

La règle de Kaiser conduit à retenir 5 facteurs. De même, le graphique des valeurs propres,
reproduit en figure 31, montre un tassement de la courbe après le 6ème facteur, ce qui plaide
également pour une solution à 5 dimensions.

37
Les analyses ont également été effectuées en utilisant l’analyse en axes principaux, comme recommandé par
Roussel (1995). Les résultats présentés en annexe 2 sont globalement identiques à ceux obtenus avec l’analyse
en composantes principales.
38
Avant de procéder aux analyses, nous nous sommes assurés que les variables étaient factorisables :
-pour n=507, indice KMO=0,94 et test de Bartlett significatif,
-pour n=714, indice KMO=0,89 et test de Bartlett significatif.

197
Graphique des valeurs propres
7

2
Valeur propre

0
1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21

Component Number

Figure 31 : Graphiques des valeurs propres de l’analyse en composantes principales, sur l’échantillon 1
(n=507)

La volonté d’obtenir une échelle de taille raisonnable nous a conduit à ne garder que les
variables les plus représentatives de chacun des 5 facteurs.
La solution finale inclut 20 items et permet de restituer 65% de la variance totale.
Les items conservés, ainsi que leur poids factoriel, sont présentés dans le tableau 19.

198
Questions : Poids
Variance
expliquée
Facteurs Vous essayez de : factoriels par le
facteur
Ne pas acheter à des entreprises ou à des commerçants qui ont des 0,87
liens étroits avec des organisations comme la mafia, les sectes.

Ne pas acheter aux entreprises qui ont des pratiques 0,84


irrespectueuses vis-à-vis de leurs salariés
Facteur1 :
Ne pas acheter aux entreprises qui polluent fortement. 0,81
Comportement 34,1%
de l’entreprise Ne pas acheter des produits fabriqués par des entreprises qui font
travailler des enfants 0,80

Ne pas acheter à des entreprises ou à des commerçants qui ont des


liens étroits avec des partis politiques que je condamne 0,76

Acheter des produits dont une partie du prix revient à une cause 0,96
humanitaire

Acheter des produits dont l’argent revient aux pays en voie de 0,91
Facteur 2 : développement
Produits- 9,6%
Acheter des produits dont une partie du prix est reversée à une 0,71
partage
bonne cause.

Acheter des produits issus du commerce équitable (filière qui 0,64


garantit un niveau de vie décent aux petits producteurs des pays du
sud).

Eviter de faire tous mes achats en grandes surfaces 0,84

Acheter aux petits commerces (boulangerie, boucherie, librairie...) 0,82


Facteur 3 : le plus souvent possible
Petits 7,9%
commerces Faire vivre les commerçants de mon quartier à travers mes achats. 0,79

Aller au marché pour soutenir les petits producteurs de fruits et


légumes 0,60

Quand j’ai le choix entre un produit européen et un produit 0,85


fabriqué ailleurs dans le monde, choisir le produit européen.
Facteur 4 :

Origine Acheter de préférence des voitures françaises 0,80 7,7%


géographique
des produits Acheter des fruits et légumes produits en France 0,72

Acheter des produits fabriqués dans ma région. 0,58


0,88
Limiter ma consommation à ce dont j’ai vraiment besoin
Facteur 5 :
0,84
Volume de De manière générale, ne pas trop consommer. 5,6%
consommation
0,67
Ne pas acheter les produits que je peux faire moi-même.

Tableau 19 : Résultats de l’analyse en composante principale, rotation promax, menée sur le premier
échantillon, n=507

199
4.2 Discussion sur la structure obtenue

Dans cette section, nous présenterons les 5 facteurs obtenus et rapprocherons chacune des
dimensions de la littérature portant sur la CSR et des résultats de notre étude exploratoire.

4.2.1 Interprétation des 5 facteurs

Le premier facteur est nommé « comportement de l’entreprise » : il correspond à l’idée de


refuser d’acheter aux entreprises dont le comportement est jugé « irresponsable ». Les thèmes
évoqués touchent des domaines multiples : attitude irrespectueuse vis-à-vis des employés, non
respect de l’environnement, lien avec des organisations condamnables, travail des enfants etc.
Ce premier facteur capte la part la plus importante de la variance, 34,1%, soit plus de la
moitié de la variance totale. La préoccupation sur le comportement des entreprises est donc la
principale dimension de la CSR. Ce résultat converge tout à fait avec la littérature, puisque
souvent les chercheurs assimilent CSR et achat selon les pratiques des entreprises. Il est
intéressant de noter que ce facteur ne contient que des items correspondant à des
comportements de sanction des entreprises. Ainsi, la facette principale de la CSR consiste à
boycotter de façon individuelle les entreprises dont on condamne les pratiques. Cette première
facette correspond à la deuxième classe de vocabulaire liée à l’argent mise en évidence par
Alceste, lors de notre analyse exploratoire. Cette classe représentait le discours des répondants
concernant les pratiques condamnables des entreprises, guidées par la logique de profit. Les
items de cette première dimension rentrent bien dans ce cadre : travail des enfants, politique
non sociale ou pollution…

Le deuxième facteur représente des comportements d’achat où le consommateur sait qu’une


partie du prix reviendra à une bonne cause : développement des pays défavorisés, cause
humanitaire, ou encore soutien des petits producteurs des pays de Sud (cas du commerce
équitable). L’achat de produits issus du commerce équitable rentre aussi dans cette deuxième
facette de la CSR. Ce facteur restitue 9,6% de la variance totale. Il correspond en réalité au
« symétrique » de la première dimension, puisqu’il s’agit pour le consommateur de
récompenser les initiatives responsables des entreprises. Cependant, ici, l’individu ne favorise
pas le respect des salariés ou de l’environnement, mais répond à des actes plus visibles de
l’entreprise. Le consommateur achète éthique lorsqu’il a le sentiment que son achat

200
bénéficiera directement à une cause déterminée. Nous nommons ce facteur « produits
partage », car il correspond pleinement cette notion.

Le facteur 3 représente la volonté d’aider les petits commerces. Il s’agit globalement de ne


pas tout acheter en grandes surfaces et de faire vivre les petits commerçants. Ce facteur
resitue 7,9% de la variance totale et représente la 3ème facette la plus importante de CSR. Nous
la nommons « Petits commerces ». Ce souci de garder une place aux petits magasins avait
déjà émergé de l’analyse réalisée par Alceste, et correspondait à la première classe de
vocabulaire. Sur ce point, notre échelle confirme les résultats de notre analyse qualitative.
Cependant, cette facette de la CSR n’avait jamais été mise en évidence dans la littérature
académique.

Le facteur 4 reflète une préoccupation du consommateur concernant l’origine géographique


des produits. Plus précisément, cette dimension représente la volonté de privilégier les
produits de sa communauté. Celle-ci est définie aussi bien dans les frontières du territoire
régional, national ou européen. La deuxième classe de vocabulaire mis en évidence par
Alceste correspondait également au discours sur l’origine géographique, mais incluait autant
la préférence pour les produits domestiques que les préoccupations liées aux conditions de
fabrication dans les pays défavorisés. Notre échelle ne retient que la première facette. Les
considérations éthiques liées à l’origine géographique des produits avaient déjà été identifiées
dans la littérature académique, avec les travaux de Crane (2001). Nous nommons cette
dimension « origine géographique ».

Enfin, le facteur 5, nommé « volume de consommation », correspond à l’idée de réduire son


volume de consommation à ce qui est réellement nécessaire. Pour cela, le consommateur évite
de « trop » consommer et tente au maximum de faire les choses lui-même. Cette dimension ne
restitue que 5,6 % de la variance totale, et représente donc la facette la moins importante de
notre échelle. Elle peut être rattachée aux travaux portant sur la simplicité volontaire, évoqués
en chapitre 3. Il s’agit bien ici de limiter volontairement sa consommation à ce qui est
réellement important, et de ne pas se laisser emporter dans une consommation effrénée ou
futile. Cette facette peut se rattacher à la dernière classe de vocabulaire mise en évidence par
Alceste. Celle-ci incluait le discours des répondants lié à l’impact de la consommation sur
l’environnement physique. Les thèmes abordés étaient variés et comprenait la notion de
volume de consommation.

201
4.2.2 Mise en perspective

La structure à 5 dimensions obtenues par l’analyse exploratoire semble offrir une bonne
compréhension du concept de CSR. L’échelle inclut des préoccupations variées du
consommateur responsable, conformément à notre posture théorique. Même si la dimension
« comportement de l’entreprise » occupe une place majeure dans notre échelle, elle ne
représente qu’une facette sur les 5 retenues.

L’échelle de CSR obtenue n’adopte pas le dimensionnement social/ environnemental de


l’échelle de Roberts (1995). Par exemple, notre première dimension inclut à la fois des
pratiques des entreprises néfastes d’un point de vue social et environnemental. Pour répondre
à une des questions formulées en chapitre 3, les consommateurs n’ont donc pas des
préoccupations générales d’ordre social et environnemental, comme le postule Roberts
(1995). Au contraire, leurs préoccupations sont centrées sur des aspects plus précis, comme le
suggère Crane (2001). Notre échelle n’adopte pas la même structure que celle proposée par
cet auteur, mais peut s’en rapprocher. Rappelons que pour Crane (2001), les considérations
éthiques sur un produit s’organisent en 4 dimensions : le produit en lui-même, l’organisation,
le marketing et l’origine géographique des produits.
En réalité, notre premier facteur correspond à l’aspect « organisation » et notre quatrième
facteur porte sur les aspects géographiques. Enfin, dans une vue globale, on peut considérer
que notre troisième facteur lié à la défense des petits commerces se rattache à la dimension
« marketing » de Crane (2001). Il s’agit bien de considérations liées à la façon dont le produit
en vendu.

D’autre part, comme nous l’avons vu, la structure de l’échelle de CSR correspond
partiellement aux résultats fournis par Alceste. On retrouve globalement les 4 classes issues
de l’analyse de données textuelles : circuit de distribution, origine géographique des produits,
pratiques des entreprises liées à la recherche de profit, et respect de l’environnement.

Le tableau 20 récapitule cette réflexion.

202
5 facteurs de CSR Travaux académiques Résultats de l’analyse
Alceste
- courant de recherche classe de vocabulaire 3 de
Comportement de principal sur la CSR Alceste, sur les pratiques
l’entreprise - facteur « organisation » de des entreprises liées à la
Crane (2001) recherche de profit

- courant de recherche sur le


marketing des causes
Produits-partage sociales

- facteur « marketing » de classe de vocabulaire 1 de


Petits commerce Crane (2001) Alceste, sur le choix du
circuit de distribution
- facteur « origine classe de vocabulaire 2 de
géographique » de Crane Alceste, sur l’origine
Origine géographique (2001) géographique des produits
et conditions de fabrication
associées
- champ de recherche sur la classe de vocabulaire 4 de
Volume de « simplicité volontaire » Alceste, sur l’impact de la
consommation consommation sur
l’environnement physique

Tableau 20 : Correspondance entre les 5 facteurs obtenus et les travaux académiques existants et l’analyse
Alceste

4.3 Analyses confirmatoires et tests de fiabilité et validité


4.3.1 Résultat des analyses factorielles confirmatoires

Pour s’assurer de la bonne adéquation entre nos données et notre modèle théorique à 5
dimensions, nous avons mené des analyses factorielles confirmatoires sous Statistica. Ces
analyses ont été menées sur les deux échantillons : n=507 et n=71439. Afin de s’affranchir de
la contrainte de mutlinormalité des données requise par les modèles d’équations structurelles,
le modèle a été testé selon une procédure de bootstrap40 (200 réplications). Les poids
factoriels sont présentés en tableau 21: ils sont significatifs (T > 2), ce qui démontre une
bonne stabilité des résultats.

39
Les données relatives aux deux questionnaires (n=507 et n=714) sont décrites en annexes 3 et 4
40
Les deux échantillons violent l’hypothèse de multinormalité. Les coefficients de Mardia sont en effet
supérieurs à 4 en valeur absolue : coefficient de mardia = 56 pour n=507 et coefficient de mardia = 44 pour
n=714

203
Poids Poids
t de
factoriels factoriels t de rho de
Ques Student, vc
Facteur bootstrap, bootstrap Student Joreskog
échant. 1 (n=714)
tions échant. 1 échant. 2 échant. 2, (n=714)
(n=507)
(n=507) (n=714) (n=714)
Q42 0,72 24,2 0,72 21,8
Q53 0,73 24,1 0,67 16,9
Facteur 1 :
Comportement Q55 0,87 57 0,78 29 0,86 0,51
de l’entreprise Q72 0,66 19,1 0,68 20,5
Q63 0,79 33,9 0,71 18
Q9 0,75 26,6 0,84 39,4
Facteur 2 : Q21 0,80 29,4 0,84 39,7
Produits- 0,88 0,65
partage Q47 0,81 32,2 0,76 30,3
Q51 0,77 28 0,78 31,5
Q1 0,61 14,9 0,53 16,2
Facteur 3 : Q3 0,79 26,6 0,82 38,4
Petits 0,80 0,51
commerces Q7 0,69 16 0,81 38,7
Q34 0,64 15,5 0,67 24,7
Q37 0,70 19,7 0,71 22,1
Facteur 4 : Q25 0,46 10 0,45 11,5
Origine 0,79 0,43
géographique Q61 0,75 20,1 0,68 19,3
Q22 0,68 19,3 0,75 24,9
Q30 0,81 20,3 0,72 18,7
Facteur 5 :
Volume de Q17 0,73 21,3 0,67 16,4 0,65 0,40
consommation Q11 0,51 10,4 0,45 9,9

Tableau 21 : Présentation des poids factoriels, validité convergente et fiabilité de l’échelle issus
des analyses confirmatoires

Les résultats globaux, présentés dans le tableau 22, montrent un bon ajustement du modèle:
GFI, AGFI, CFI et NNFI sont supérieurs ou proches de 0,9 et les RMSEA et RMSR sont
compris entre 0,05 et 0,08. Ces résultats confirment donc la structure de la CSR, issue des
analyses en composantes principales.

204
Indices Collecte 1 Collecte 2
N=507 N=714
RMSEA 0,052 0,076
RMSR 0,053 0,053
GFI 0,95 0,89
AGFI 0,931 0,87
CFI 0,91 0,90
NNFI 0,94 0,88

Tableau 22 : Résultat des analyses factorielles confirmatoires, estimation par la méthode croisant
maximum de vraisemblance et moindres carrés généralisés, sous Statistica.

L’échelle obtenue doit maintenant être évaluée sur les critères de validité et de fiabilité. Ces
tests ont été effectués sur les résultats sur la deuxième collecte de données (n=714).

4.3.2 Test de la fiabilité et validité de l’échelle de CSR

La fiabilité de l’échelle a été mesurée à l’aide du coefficient rhô de cohérence interne de


Jöreskog, moins dépendant du nombre d’items par facteurs que le coefficient alpha de
Cronbach (Peterson, 1994). Plus le rhô est proche de 1, plus l’échelle est cohérente et donc
fiable. A l’inverse, plus il est proche de 0, mois l’échelle est fiable. Les coefficients rhô de
chaque dimension de notre échelle de CSR sont présentés dans le tableau 22. Ils sont tous
supérieurs ou proches de 0,70, ce qui permet de conclure à une fiabilité correcte de l’échelle.
Nous pouvons par conséquent passer à l’évaluation de sa validité.

La validité de contenu consiste à s’assurer que l’instrument de mesure mis en œuvre


correspond bien au construit mesuré. Plusieurs précautions ont été prises afin de garantir une
bonne performance de l’échelle sur ce critère. Les items ont été créés à partir de travaux déjà
existants sur le thème de la CSR et surtout à partir des réponses obtenues en entretien à la
question « Qu’est ce que la consommation socialement responsable ? ». De plus, le travail
des trois juges garantit une bonne concordance entre la définition adoptée de la CSR et les
items mesurant ce concept. Enfin, tous les thèmes de l’échelle ont déjà été évoqués dans des
recherches théoriques sur la CSR ou sur des thèmes proches tels que consommation éthique
ou engagée, comme l’indique le tableau 20. Nous concluons donc que la validité de contenu
de notre échelle est vérifiée.

205
Concernant la validité convergente, l’approche « multi-traits / multi-méthode » est souvent
adoptée par les chercheurs. Elle repose sur différents outils de mesure d’un phénomène et
utilise la corrélation entre les résultats obtenus avec ces différents outils comme indicateur de
validité convergente. Cette approche suppose donc l’existence de différents outils de mesure.
Or, la seule échelle de CSR disponible, celle de Roberts (1995), a été développée dans un
contexte américain. De plus, nous adoptons une vision nettement plus large de la CSR que
celle de Roberts (1995). Pour ces raisons, nous avons privilégié l’approche recommandée par
Fornell et Larcker (1981). L’analyse factorielle confirmatoire permet de déterminer la
variance que chaque dimension de l’échelle partage avec ses variables de mesure ( vc). Il est
généralement recommandé d’avoir des variances extraites supérieures ou égales à 0,5. Les
pourcentages de variance partagée entre chaque facteur et ses indicateurs ont été calculés à
partir des poids factoriels issus du bootstrap. Les résultats présentés en tableau 21, montrent
une bonne validité convergente pour les facteurs 1, 2 et 3, et une validité un peu faible, mais
acceptable pour les facteurs 4 et 5 (validités convergentes à 0,43 et 0,40).
Un autre indicateur de validité convergente est fourni par la valeur des t de Student. Dans
notre cas, tous les poids factoriels ont un test t de Student supérieur à 2, ce qui confirme que
l’échelle possède une bonne validité convergente.

La validité discriminante a été testée en suivant la méthode proposée par Bagozzi et Yi


(1991), c’est-à-dire en comparant le khi-deux du modèle dit « libre » (où les corrélations entre
facteurs sont libres) avec le khi-deux d’un modèle dit « contraint » (où la corrélation entre
deux facteurs est imposée à 1). Si la différence des ² est statistiquement significative, les
corrélations entre les construits sont significativement différentes de 1. On peut conclure dans
ce cas que la validité discriminante est vérifiée. Les résultats complets sont présentés en
annexe 5. Les khi-deux des 10 modèles contraints testés s’échelonnent entre 803,6 et 889,1
pour 161 ddl. Le khi-deux du modèle libre étant égal à 770,5 pour 160 ddl, la différence des
khi-deux entre modèle contraint et modèle libre est toujours supérieure au khi-deux théorique
(15,13 pour 1 ddl et p=0.0001). Ceci nous amène à conclure à une bonne validité
discriminante de notre échelle.

206
Le tableau 23 présente les coefficients de corrélation entre les 5 dimensions de l’échelle, ainsi
que les vc de chaque facteur. Comme attendu, chaque variable latente partage davantage de
variance avec ses mesures qu’avec les autres variables latentes41.

Pratique ent. Produits Petits com. Origine géo. Volume vc


part.
Pratique ent. x 0,51
Produits part. 0,58 (0,34) x 0,65
Petits com. 0,51 (0,26) 0,51 (0,26) x 0,51
Origine géo. 0,53 (0,28) 0,52 (0,27) 0,66 (0,44) x 0,43
Volume 0,41 (0,17) 0,38 (0,14) 0,44 (0,19) 0,49 (0,24) x 0,40

Tableau 23 : Corrélations entre les 5 dimensions de l’échelle de CSR (avec la valeur au carré), et rappel
des vc ( n=714)

La dernière forme de validité, la validité nomologique consiste à vérifier que les relations
entre les mesures de différents concepts sont conformes aux prédictions issues de la théorie.
Elle sera traitée au chapitre suivant.

41
En effet, pour chaque combinaison, la variance entre 2 facteurs (égal au carré de la corrélation entre facteurs)
est toujours inférieure à la vc du facteur ( c’est-à-dire au % de variance partagée entre une variable latente et
ses variables de mesure)

207
Synthèse du chapitre 5 :
Ce chapitre a été consacré à la présentation de la construction de l’échelle de CSR.
Dans un premier temps, nous nous sommes interrogés sur le statut théorique de notre échelle.
La littérature se focalise sur les comportements de CSR et invite donc à créer une mesure
comportementale de la CSR. Cependant, comme nous l’avons montré, il existe différents
problèmes liés à ce choix. Nous en avons souligné deux : l’existence de freins à la pratique de
la CSR, et la nécessité de s’assurer que le comportement de l’individu est réellement guidé
par une motivation socialement responsable. Face à ces aspects, nous avons privilégié la
mesure de l’attitude des individus en matière de CSR. Plus particulièrement, la littérature
portant sur la consommation verte plaide pour la mesure de la dimension conative de
l’attitude sur notre sujet. De plus, ce positionnement permet de limiter l’ampleur du biais de
désirabilité sociale, même si nous sommes conscients que notre méthodologie ne permet
probablement pas d’en supprimer totalement l’impact.
Une fois ce choix méthodologique effectué, nous avons généré des items de l’échelle de CSR.
Dans un premier temps, 73 items ont été créés. Cependant, le travail de 3 juges nous a indiqué
qu’un certain nombre d’entre eux n’étaient pas en parfaite adéquation avec la définition
conceptuelle retenue, ou bien n’étaient pas clairs. Ce test de la validité de contenu nous a donc
conduit à ne garder que 53 items pour les analyses.
Une première collecte de données (n=503) effectuée sur un échantillon de convenance
suggère une structure en 5 dimensions. Ce dimensionnement a été gardé car il offre une bonne
compréhension de la CSR. La volonté de créer une échelle de taille raisonnable nous a amené
à ne conserver que 20 items. Ceux-ci permettent de restituer 65% de la variance totale. Les 5
dimensions représentent le refus d’acheter aux entreprises dont les pratiques sont jugées
condamnables, l’achat de produits-partage, la défense du petit commerce, la préférence pour
les produits domestiques ou régionaux, et enfin le souci de limiter son volume de
consommation.

L’échelle de CSR obtenue ne se scinde pas en préoccupations sociales et environnementales,


comme le suggèrent les travaux de Roberts (1995). Elle s’apparente plus au cadre d’analyse
de Crane (2001) sur la notion de produit éthique. De plus, on retrouve globalement les
structures de vocabulaire, mises en évidence par le logiciel Alceste, et présentées au chapitre
précédent.

208
La structure obtenue a ensuite été testée sur un deuxième échantillon (n=714), plus
représentatif de la population française. Les analyses factorielles confirmatoires donnent des
résultats satisfaisants.
Enfin, la dernière partie de ce chapitre s’est concentrée sur les aspects de fiabilité et de
validité. Les résultats indiquent une bonne fiabilité, une validité convergente correcte et une
validité discriminante satisfaisante.

La dernière forme de validité à tester est la validité nomologique. Elle consiste à vérifier
empiriquement les liens prédits par la littérature. Cet aspect sera l’objet du chapitre suivant.

209
210
CHAPITRE 6

TEST DE LA VALIDITE NOMOLOGIQUE DE L’ECHELLE


DE CSR

La dernière section du chapitre 5 nous a permis de conclure à la bonne fiabilité et validité de


l’échelle de CSR construite dans cette recherche doctorale. Ces résultats indiquent que
l’échelle développée mesure effectivement ce que l’on cherchait à mesurer, à savoir
l’intention de consommer de façon socialement responsable. Cependant, nous n’avons pas
encore exploré toutes les formes de validité. Le processus complet de construction d’une
échelle de mesure prévoit en effet de tester la validité nomologique. Celle-ci consiste à
vérifier que les relations entre les mesures d’un concept et celles d’autres concepts sont en
conformité avec les prédictions issues de la littérature (Evrard, Pras et Roux, 1997). Le test de
la validité nomologique est souvent négligé dans le processus de construction d’échelle. Cette
étape est pourtant indispensable pour asseoir la validité d’un instrument de mesure (Peter,
1981).

L’objet de ce chapitre est donc de mesurer la validité nomologique de l’échelle de CSR


obtenue. Pour cela, nous allons étudier un certain nombre de liens prédits par la théorie, et
observer si les résultats sont conformes à ces prédictions. Nous étudierons à la fois les
déterminants de la CSR et les comportements supposés être en relation avec ce concept. Ce
dernier cas correspond plus précisément au test de la validité prédictive de l’échelle. Les
analyses seront menées à partir des résultats de notre deuxième collecte de données (n=714).
Celle-ci, rappelons-le, est constituée d’un échantillon représentatif de la population française.
Le questionnaire correspondant est disponible en annexe 6.

Il est important de rappeler, en préliminaire de ce chapitre, les faiblesses de la littérature sur le


thème de la CSR. Notre chapitre 3 s’est attaché à démonter que les déterminants de la CSR
sont relativement mal connus. Les recherches existantes ne s’accordent pas toujours sur le
rôle de certaines variables personnelles, particulièrement pour les variables
sociodémographiques. De plus, peu de variables de personnalité ont été explorées à ce jour.

211
Ainsi, dans ce chapitre, nous testerons certaines variables, dont l’impact sur la CSR n’est pas
toujours clairement identifié. Dans ces cas, nous élargirons le spectre de la littérature à des
domaines proches du nôtre. Ainsi, les analyses menées auront parfois un caractère
exploratoire, plus que confirmatoire.

Ce chapitre sera organisé en trois sections.


Tout d’abord, nous étudierons les déterminants sociodémographiques de la CSR. Cinq
variables seront plus particulièrement étudiées : l’âge, le genre, la catégorie
socioprofessionnelle, la situation familiale et le lieu d’habitation.
Dans un second temps, nous nous pencherons sur les déterminants psychologiques de la CSR.
Sept variables ont été intégrées à l’analyse : le centre de contrôle, le matérialisme, la
générosité, la sensibilité aux prix, la désirabilité sociale, le libéralisme, et la façon de
raisonner en matière d’éthique (degré de relativisme).
Enfin, la dernière section étudiera la validité prédictive de l’échelle. Nous montrerons les liens
avec trois comportements : pratique du boycott, recyclage des déchets et pratique de la
« simplicité volontaire ».

La figure 32 récapitule la progression suivie au cours de ce chapitre.

Chapitre 6: Test de la validité nomologique de l’échelle


de CSR

1. Étude des déterminants 2. Étude des déterminants 3. Test de la validité


+ + prédictive de l’échelle
sociodémographiques psychologiques

Figure 32 : Plan du chapitre 6

212
1. ETUDE DES DETERMINANTS SOCIODEMOGRAPHIQUES

Dans cette première section, nous étudierons successivement le rôle de cinq variables socio-
démographiques sur la CSR : l’âge, le genre, la catégorie socioprofessionnelle, le fait d’avoir
des enfants et le lieu d’habitation (voire figure 33). Ces cinq éléments sont les variables
sociodémographiques qui ont concentré le plus d’attention dans la littérature sur la CSR.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de les étudier.
Pour chaque variable, nous rappellerons brièvement les résultats de la littérature concernant
son rôle sur la CSR, avant d’exposer les résultats. Finalement, nous présenterons un mapping
récapitulatif, permettant de synthétiser les profils sociodémographiques des consommateurs
en matière de CSR.

Age

Genre

CSP
CSR

Avoir des
enfants

Lieu
d’habitation

Figure 33 : Synthèse des variables sociodémographiques étudiées en section 1

1.1 CSR et genre

Le genre est probablement la variable démographique explicative de la CSR la plus


clairement identifiée. Il est généralement reconnu que les consommateurs responsables sont
plus souvent des femmes que des hommes (Berkowitz et Lutterman, 1968, Webster, 1975,
Roberts, 1996). Nous attendons donc que les femmes obtiennent en moyenne un score plus
élevé sur l’échelle de CSR, et ceci pour toutes les facettes de la CSR.

213
Nous formulons donc l’hypothèse suivante :

H1 : Les femmes ont une plus forte intention de CSR que les hommes.

Les résultats valident cette hypothèse. Comme prévu, les femmes obtiennent, en moyenne,
des scores plus élevés sur l’échelle de CSR que les hommes. Ce constat est valable pour les 5
dimensions de la CSR, comme le montre le tableau 24.

Var.
expliquées
Compt Produits Petit Origine Volume
Répartition
de l’ent. partage commerce géo.
Var.
explicatives
45,5 % Homme -,166 -,204 -,215 -,124 -,168
Genre 54,5 % Femme ,147 ,179 ,182 ,105 ,143
Test F 17,70 26,99 28,94 9,41 17,42
significativité ,000 ,000 ,000 ,000 ,000
Tableau 24 : Test de l’impact du genre sur les 5 dimensions de l’échelle de CSR, par comparaison de
moyennes (n=714)

1.2 CSR et âge

Le rôle de l’âge en matière de CSR est incertain. Les différentes études aboutissent à des
résultats contradictoires. Pour certains auteurs, les consommateurs responsables seraient plus
âgés que la moyenne (Anderson, Hénion et Cox, 1974, Roberts, 1996). Pour d’autres, ils sont
plus jeunes (Berkowitz et Lutterman, 1968, Anderson et Cunningham, 1972). Enfin, d’après
certains auteurs, cette variable n’est pas discriminante en matière de CSR (Webster, 1975,
Brooker, 1976, Antil, 1984 et Roberts, 1995).
Face à ces conclusions divergentes, il semble utile d’étudier les résultats obtenus sur des
thèmes proches du nôtre. Sur le thème de l’éthique du consommateur42, il a été identifié que
l’âge joue favorablement : les consommateurs les plus âgés sont plus éthiques dans leur
comportement de consommation que les plus jeunes (Vitell et al, 1991, Rawwas et
Singhapakdi, 1998). Dans le domaine de la consommation écologique également, le rôle

42
Le champ de l’éthique du consommateur est basé sur les travaux de Muncy et Vitell (1992). Leur échelle
(Consumer Ethics Scale) mesure le degré d’honnêteté du consommateur dans ses relations avec les vendeurs.
Voir chapitre 1, section 1.3.4.

214
positif de l’âge sur la préoccupation pour l’environnement a été démontré (Samdahl et
Robertson, 1989, Schahn et Holzer, 1990).
Pour ces raisons, nous postulons que les consommateurs les plus âgés pratiqueront davantage
une consommation responsable que les plus jeunes. Cette hypothèse correspond au fait
qu’avec l’âge, les individus assument de plus en plus leur responsabilité à l’égard des autres.

H2 : L’âge influence positivement l’intention de CSR

Les résultats confirment cette hypothèse. Pour chacune des 5 dimensions de l’échelle de CSR,
les plus de 40 ans obtiennent en moyenne des scores plus élevés que les moins de 40 ans. Au
regard des valeurs présentées en tableau 25, les moins socialement responsables sont les 20-
30 ans, et les plus socialement responsables sont les plus de 60 ans, sauf sur la dimension
« comportement de l’entreprise ». L’âge joue donc un rôle positif en matière de CSR.

Var.
expliquées
Compt de Produits Petit Origine Volume
Répartition
l’ent. partage commerce géo.
Var.
explicatives
Age 2,2 % < 20 ans -,210 ab -,532 a -,456 a
-1,057 a -,612 a
24,2 % 20 – 30 ans -,428 a -,227 ab -,4 a
-,472 b -,338 ab
14,3 % 31 – 40 ans -,079 abc -,182 ab -,204 ab
-,156 bc -,233 ab
18,9 % 41 – 50 ans ,229 c ,0449 bc ,112 bc
,153 cd -,015 bc
23,9 % 51 – 60 ans ,245 c ,151 bc ,224 cd
,254 de ,241 cd
11,1 % 61 – 70 ans ,157 bc ,414 c ,286 cd
,357 de ,428 d
5,2 % > 70 ans ,051 bc ,068 bc ,553 d
,592 e ,523 d
Test F 9,39 6,03 11,48 18,37 11,97
Significat. ,000 ,000 ,000 ,000 ,000

Tableau 25 : Test de l’impact de l’âge sur les 5 dimensions de l’échelle de CSR, par comparaison de
moyennes (n=714). Les lettres a, b, c, d, e correspondent aux résultats du test de Duncan à 0,05 % et
permettent d’identifier les sous-groupes ayant des valeurs moyennes différentes, avec moyenne a <
moyenne b < moyenne c < moyenne d < moyenne e

1.3 CSR et CSP


Les travaux sur le consommateur socialement responsable ne s’accordent pas sur le rôle du
statut socio-économique de l’individu. Pour certains auteurs, le consommateur responsable
occupe une catégorie socioprofessionnelle plus élevée que la moyenne (Berkowitz et

215
Lutterman, 1968, Anderson et Cunningham, 1972, Webster, 1975). D’autres recherches
concluent à un résultat inverse (Anderson, Hénion et Cox, 1974, Roberts, 1995). Ces
recherches suggèrent donc un rôle significatif de la CSP dans la CSR, mais le sens de
l’influence demeure incertain.
Les recherches appliquées menées par Ethicity (2004) et le Crédoc (2002) montrent que le
raisonnement en terme de CSP « basse » ou « élevée » n’est pas forcément le plus adapté à la
CSR. Ces études montrent que chaque CSP se caractérise par une sensibilité à une cause
particulière, avec certaines catégories de personnes globalement plus concernées que d’autres.
Ces résultats confirment l’existence d’une influence de la CSP sur le degré et l’objet de
préoccupation socialement responsable des individus.
Nous formulons donc une proposition de recherche concernant l’impact global de la CSP sur
la CSR, dans l’idée d’explorer la liaison entre ces 2 concepts.

P1 : La CSP influe sur l’intention de CSR

Les résultats, présentés en tableau 26 confirment que la CSP a une influence sur la pratique de
la CSR et comme attendu, chaque CSP présente une certaine sensibilité selon les facteurs. Les
agriculteurs sont sensibles à la défense du petit commerce, à l’origine géographique des
produits et à la limitation du volume de consommation. Les commerçants et chefs d’entreprise
sont préoccupés par l’origine géographique des produits et dans une moindre mesure par les
pratiques des entreprises et la défense des petits commerces. Les professions intermédiaires et
employés semblent globalement peu sensibles aux causes socialement responsable. Les cadres
s’intéressent aux pratiques des entreprises, et les ouvriers au volume de consommation.
Toutes CSP confondues, les retraités sont les plus socialement responsables. A l’inverse, les
étudiants obtiennent les scores les plus faibles sur l’échelle de CSR.

216
Var.
expliquées
Compt de Produits Petit Origine Volume
Répartition
l’ent. partage commerce géo.
Var.
explicatives
ab ab d c c
CSP 1,4% Agriculteur -,206 -,143 ,497 ,410 ,519
ab ab bcd bc ab
4,6% Commerçants, ,113 ,081 ,180 ,318 -,133
artisan, chef
d’entreprise
ab ab bcd bc ab
19,9% Cadre, ,115 -,035 ,023 -,065 -,075
profession
intellectuelle
sup.
ab ab abc b ab
12,8% Profession -,059 -,175 -,104 -,093 -,084
intermédiaire
22,3% Employé ,028 ab ,008 ab -,026 abc -,027 bc -,084 ab
7,0% Ouvrier -,238 ab -,087 ab -,256 ab -,113 b ,130 bc
17,4% Retraité ,136 b ,258 ab ,367 cd ,422 c ,464 c
3,9% Inactif ,192 b ,297 b ,067 bcd
,169 bc ,105 bc
10,7% Etudiant -,383 a -,243 a -,475 a
-,589 a
-,456 a
Test F 2,61 2,41 5,51 7,57 6,58
Significat. 0,008 0,014 0,000 0,000 0,000

Tableau 26 : Test de l’impact de la CSP sur les 5 dimensions de l’échelle de CSR, par comparaison de
moyennes (n=714). Les lettres a, b, c et d correspondent aux résultats du test de Duncan à 0,05 % et
permettent d’identifier les sous-groupes ayant des valeurs moyennes différentes, avec moyenne a <
moyenne b < moyenne c < moyenne d.

1.4 CSR et situation familiale

Anderson, Hénion et Cox (1974) ont montré que plus les individus sont avancés dans le cycle
de vie, plus ils sont susceptibles de pratiquer une consommation responsable. De même,
Brooker (1976) conclut que la pratique de la CSR est positivement liée au nombre d’enfants
des consommateurs.
Ces résultats nous amènent à postuler une influence de la situation familiale dans le pratique
de la CSR. Plus particulièrement, nous faisons l’hypothèse que les individus ayant des enfants
seront plus susceptibles d’adopter une consommation responsable

H3 : Le fait d’avoir des enfants influence positivement l’intention de CSR.

Les résultats, présentés en tableau 27, confirment largement cette hypothèse. Les personnes
ayant des enfants obtiennent des scores plus élevés sur les cinq dimensions de l’échelle de

217
CSR par rapport aux personnes n’ayant pas d’enfants. Ce résultat est tout à fait cohérent avec
le fait que l’âge influe positivement sur la sensibilité socialement responsable des individus.

Var.
expliquées
Compt Produits Petit Origine Volume
Répartition
de l’ent. partage commerce géo.
Var.
explicatives
Avoir des 66,6% Oui ,157 ,099 ,159 ,205 ,141
enfants 33,3% Non -,316 -,199 -,318 -,411 -,283
Test F 37,37 14,55 37,93 65,77 29,76
significativité 0.000 0,000 0,000 0,000 0,000

Tableau 27 : Test de l’impact de la situation familiale sur les 5 dimensions de l’échelle de CSR, par
comparaison de moyennes (n=714)

1.5 CSR et lieu d’habitation

Les recherches antérieures ne s’accordent pas sur le rôle du lieu d’habitation des individus
dans la CSR. Antil (1984) montre que les consommateurs responsables sont plus urbanisés
que la moyenne de la population. A l’inverse, dans une étude sur le style de vie des
consommateurs responsables, Belch (1979, 1982) conclut que ces derniers aiment les activités
d’extérieur et les sports de plein air. Cela suggère donc un lien négatif entre le degré
d’urbanisation des individus et la CSR.
Il est donc difficile de faire une hypothèse concernant le sens de l’influence du lieu
d’habitation sur la CSR. Nous formulons donc une proposition de recherche sur cette liaison,
dans l’idée d’explorer le sens de la relation.

P2 : Le fait d’habiter en ville influence l’intention de CSR

Les résultats, présentés en tableau 28, montrent que le fait d’habiter en ville influence
partiellement l’intention de CSR. Le test de Fisher n’est pas significatif pour les dimensions
« pratiques de l’entreprise », « achat de produits partage » et « défense du petit commerce ».
Par contre, le fait d’habiter en ville influence négativement la sensibilité à l’origine
géographique des produits et au volume de consommation. Nos résultats convergent donc

218
avec les travaux de Belch (1979, 1982), et montrent que les consommateurs responsables
habitent en moyenne davantage à la campagne qu’en centre ville.

Var.
expliquées
Compt Produits Petit Origine Volume
Répartition
de l’ent. partage commerce géo.
Var.
explicatives
Habite en 33% Oui -,000 -,017 -,029 -,054 -,055
centre 67% Non ,005 ,035 ,059 ,109 ,111
ville Test F 0,004 0,423 1,235 4,18 4,39
significativité ns ns ns 0,041 0,036

Tableau 28 : Test de l’impact du lieu d’habitation sur les 5 dimensions de l’échelle de CSR, par
comparaison de moyennes (n=714)

1.6 Synthèse : profils sociodémographiques des consommateurs en matière


de CSR

Cette première section s’est attachée à étudier le rôle de 5 variables sociodémographiques


dans l’intention de CSR. Les tests ont été menés individuellement pour chacune des 5
variables étudiées. Dans une seconde étape, nous avons souhaité adopter une approche plus
globale afin d’identifier les profils sociodémographiques des consommateurs en matière de
CSR, c’est-à-dire décrire à la fois le(s) groupe(s) des consommateurs responsables et le(s)
groupe(s) de consommateurs non responsables Cette démarche a été guidée par le souci de
fournir un outil de segmentation pour les entreprises souhaitant se positionner sur ce thème.
Pour cela, nous avons mené une analyse canonique généralisée non linéaire. Cette technique
consiste à associer différents groupes de variables et de représenter les associations sur un
plan.
Dans notre cas, nous avons défini deux groupes de variables. Le premier était constitué des 5
facteurs de l’échelle de CSR : pratiques des entreprises, produits-partage, petit commerce,
origine géographique et volume de consommation. Le second groupe était composé d’un
ensemble de huit variables sociodémographiques. Parmi celles-ci, il y avait les cinq
descripteurs étudiés précédemment : âge, genre, CSP, lieu d’habitation (habiter en ville/ ne
pas habiter en ville), situation familiale (avoir des enfants/ ne pas avoir d’enfant). En plus de
cela, nous avons ajouté trois variables qui nous ont semblées intéressantes pour notre sujet :

219
- les intérêts supposés d’une entreprise lorsqu’elle agit en faveur de l’environnement ou de
la société (motivation égoïste/ avant tout égoïste mais aussi altruiste/ avant tout altruiste
mais aussi égoïste). Cette question a été incluse dans le questionnaire afin de fournir une
piste d’explication éventuelle aux réponses des consommateurs sur les deux premières
dimensions de l’échelle (refus d’achat aux entreprises irresponsables et achat de produits-
partage).
- la fréquence avec laquelle on suit les actualités (très rarement/rarement/souvent/de temps
en temps). Cette information permet de connaître à quel point le consommateur est
connecté avec les médias. Or, le degré d’information concernant les pratiques des
entreprises a été identifié comme l’un des éléments déterminants pour pouvoir
récompenser ou sanctionner les entreprises. On peut donc faire l’hypothèse que plus un
individu suit les actualités en général, plus il est au courant des affaires concernant les
entreprises, et plus il sera susceptible de pratiquer une CSR.
- la fréquence avec laquelle on vote (rarement/ souvent). A notre sens, cette variable
représente le degré d’engagement d’un individu dans sa communauté. On peut supposer
que plus un individu vote, plus il s’intéresse aux affaires publiques. Or, la CSR
correspond aussi à une forme d’intérêt pour le bien-être d’autrui. On peut donc s’attendre
à un lien significatif entre la fréquence de vote d’un individu et sa pratique de la CSR.
Ces trois variables ont été ajoutées à l’analyse afin d’obtenir des informations permettant de
mieux comprendre et d’identifier les consommateurs en matière de CSR.
L’analyse a été effectuée sur notre deuxième échantillon (n=673)43.
Les résultats sont présentés sous forme de mapping, en figure 34. Les 2 axes permettent de
restituer 68,1% de la variance, ce qui paraît satisfaisant : 36,8% pour l’axe horizontal et
31,3% pour l’axe vertical.
Le mapping permet d’identifier les variables sociodémographiques associées à la pratique
active (notées ++ sur le graphique) ou à la non pratique (notée --) des différentes facettes de la
CSR : sensibilité au comportement de l’organisation, achat de produits-partages, soutien aux
petits commerçants, sensibilité à l’origine géographique des produits, limitation de son
volume de consommation.

43
Nous n’avons pas utilisé l’échantillon entier de 714 individus. Pour la qualité de l’analyse, nous avons en effet
supprimé certaines observations marginales : agriculteurs, les moins de 20 ans, les personnes ayant totalement
confiance dans les motivations altruistes des entreprises engagées. De plus, nous avons supprimé les
observations dont ils manquaient des réponses sur les questions d’âge, de genre, de CSP, de lieu d’habitation et
de situation familiale. Ceci nous a mené à un échantillon réduit de 673 observations.

220
actua--
pdts.part--

actua-

origine.géo++
vote-
homme
51-60ans
41-50ans
enfants
petit.com-- rural
prof.inter 61-70ans
volume++
int.ent-
étudiant actua++
ouvrier
employé int.ent-+ pratiq.ent++
commerçants
pratiq.ent-- cadre
vote++
citadin
retraité
volume--
31-40ans
petit.com++
femme
actua+ inactif

origine.géo--

pasenfant

int.ent+
20-30ans

pdts.part++

Légende
Les 5 dimensions de l’échelle de CSR Les autres variables

pratiq.ent : refus d’achat aux entreprises prof.inter : profession intermédiaire


irresponsables
pdts-part : achat de produit partage int.ent : intérêt supposé de l’entreprise lorsqu’elle agit en
petit.com : défense du petit commerce faveur de l’environnement ou de la société
origine.géo : origine géographique des produits -- : son intérêt propre uniquement,
volume : limiter son volume de consommation -+ : son intérêt propre essentiellement mais aussi celui des
autres,
++ : très sensibles +: intérêt des autres essentiellement mais aussi son intérêt
-- : pas du tout sensibles propre

actua : fréquence avec laquelle on suit les actualités


(--/-/+/++)

vote : fréquence avec laquelle on vote (-/++)

Figure 34 : Profil sociodémographique des consommateurs en matière de CSR, par analyse canonique
généralisée non linéaire (n=673)

221
Pour chaque dimension de l’échelle, les consommateurs les moins sensibles se trouvent à
gauche, les plus sensibles à droite. L’axe horizontal représente donc le degré de sensibilité
socialement responsable des consommateurs. L’axe vertical, quant à lui, semble opposer les
personnes âgées, situés en haut du graphique, aux jeunes consommateurs, situés plutôt en
partie basse.
En associant les scores factoriels des individus sur les 5 dimensions de la CSR aux
« descripteurs » situés à proximité sur le mapping, nous pouvons identifier 4 groupes de
consommateurs :
- un premier ensemble de variables montre que les individus qui n’achètent pas de
produits-partage et qui ne sont pas sensibles à la cause des petits commerces forment
un ensemble homogène. Ce sont plutôt des hommes, occupant une CSP de type
profession intermédiaire. Ils ne suivent pas les actualités, et ne votent pas. Ils ont une
vision assez pessimiste du monde des affaires, car ils considèrent que les actions
sociales ou environnementales des entreprises sont motivées avant tout par des intérêts
mercantiles, tels que l’augmentation du chiffre d’affaire ou la recherche d’une image
positive.
- Un deuxième ensemble de variables décrit les individus non sensibles aux pratiques
des entreprises, à l’origine géographique des produits ou au volume de consommation.
Ce sont essentiellement de jeunes adultes sans enfant.
- A l’inverse, les personnes les plus sensibles à l’origine géographique des produits, au
volume de consommation et aux pratiques des entreprises sont des individus d’âge
mûr. Assez logiquement, ils ont des enfants. Ils suivent assidûment les actualités et
habitent davantage en milieu rural qu’en ville.
- Enfin, un dernier ensemble représente les personnes sensibles à la cause des petits
commerces et achetant des produits dont une partie du prix est reversée à une bonne
cause. Ce groupe est composé essentiellement de retraités ou d’inactifs, et correspond
plutôt à une population féminine. Ces individus voient l’entreprise comme une
institution capable d’œuvrer pour la société ou l’environnement avec sincérité et un
certain désintéressement. De plus, ils suivent les actualités quotidiennement et votent à
toutes les élections.

Cette analyse permet d’adopter une vue globale sur les différents types de consommateurs en
matière de CSR. La contribution de chacune des 13 variables sur chacun des 2 axes est

222
présentée en annexe 7. D’après les résultats, il semble que l’âge et le genre soient les variables
les plus discriminantes en matière de CSR. La CSP intervient dans une moindre mesure. Cela
est souligné par le fait que plusieurs CSP sont situées au centre du graphique et ne sont donc
pas fortement associées aux dimensions de l’échelle de CSR. Comme attendu, le lieu
d’habitation ne joue pas un rôle très significatif dans l’analyse.
Les résultats confirment également que la pratique du vote et le suivi des actualités sont
fortement liés à la pratique de la CSR. Ces deux variables forment donc de bons indicateurs
de la sensibilité socialement responsable des individus.

L’analyse canonique menée confirme donc globalement les résultats obtenus précédemment
dans cette section sur le rôle des variables sociodémographiques. Etudions maintenant les
déterminants psychologiques de la CSR.

2. ETUDE DES DETERMINANTS PSYCHOLOGIQUES

Cette deuxième section est consacrée à l’étude des déterminants psychologiques de la CSR.
Rappelons que d’après Webster (1975) et Roberts (1995), les variables de personnalité
forment de meilleurs déterminants à la CSR que les variables sociodémographiques.
Nous étudierons successivement le rôle de sept variables psychologiques sur la CSR : le
matérialisme, la générosité, la sensibilité au prix, le centre de contrôle, le libéralisme, le
relativisme et la désirabilité sociale (voir figure 35). Ces valeurs et traits de personnalité ont
été sélectionnés en raison du fait qu’ils représentent les variables psychologiques les plus
étudiés dans la littérature portant sur les antécédents de la CSR. Logiquement, nous avons
choisi de les intégrer à nos analyses. Nous rappellerons à chaque fois brièvement les résultats
de la littérature concernant le rôle de la variable en question, avant d’exposer les résultats.
Afin de faciliter la lecture de cette section, le détail des échelles utilisées sera présenté en
annexe 844.

44
Les données de la collecte 3 (n=714) sont décrites en annexe 4.

223
Centre de contrôle
Générosité

Désirabilité
sociale

Relativisme CSR

Libéralisme

Matérialisme
Sensibilité au
prix

Figure 35 : Synthèse des variables psychologiques étudiées en section 2.

2.1 CSR et matérialisme

Les travaux de Belch (1979, 1982) ont montré que les consommateurs « socialement
concernés » accordent moins d’importance aux choses matérielles par rapport à la moyenne
des consommateurs. Ils fondent leurs achats sur les aspects fonctionnels des produits plutôt
que sur le style, l’esthétique, l’apparence. De même, ils ne sont pas sensibles au luxe. Les
individus responsables n’envisagent pas l’acquisition de biens comme une fin en soi, mais
plutôt comme un moyen de donner leur soutien à une cause. Une relation négative est donc
attendue entre matérialisme et consommation socialement responsable. En effet, pour une
personne matérialiste, les possessions occupent une place centrale dans la vie et vont être
source de bonheur (Richins et Dawson, 1992). Ces valeurs semblent donc tout à fait
contradictoires avec la description du consommateur socialement responsable. Nous
formulons donc l’hypothèse suivante :

H4 : Le matérialisme influence négativement l’intention de CSR.

224
Pour mesurer le matérialisme, nous avons utilisé l’échelle de Richins et Dawson (1992) à 18
items. En effet, il a été montré que cette échelle est plus fiable que celle de Belk (1983) (Cole
et al., 1992, Othman, 1988). De plus, l’échelle de Richins et Dawson semble très
fréquemment utilisée en comportement du consommateur et a été validée dans un contexte
français par les travaux de Ferrandi, Louis et Valette-Florence (2003). Nous avons repris la
traduction effectuée par ces derniers auteurs. Les résultats présentés dans le tableau 29
montrent que l’hypothèse est confirmée : le matérialisme influence négativement l’intention
de CSR et ce résultat est valable pour toutes les facettes de notre échelle. De plus, les indices
d’ajustement valident fortement le modèle testé.

Coefficients t de
t de Coefficients
Variable exogène Variables endogènes de student du
student du bootstrap
dépendance bootstrap
Pratiques de l’entreprise -,709 -24,20 -,707 -17,52
Produits partage -,688 -23,76 -,687 -17,77
Matérialisme
(3 dimensions)
Petit commerce -,751 -26,92 -,749 -24,73
Origine géographique -,765 -26,07 -,765 -18,33
Volume de consommation -,629 -16,36 -,630 -11,39
RMSEA= 0,070 GFI=0,8474 AGFI=0,822 CFI=0,834 NNFI=0,819

Tableau 29 : Test de l’impact du matérialisme sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles,
(n=714)

2.2 CSR et générosité

Différentes contributions laissent à penser que les consommateurs responsables sont plus
généreux que les autres. En effet, Berkowitz et Lutterman (1968) montrent que les individus
responsables sont impliqués dans leur communauté et contribuent financièrement aux
organisations religieuses. Ils pratiquent régulièrement le bénévolat. De même, les travaux de
Belch (1979, 1982) concluent que leurs activités sociales sont souvent philanthropiques ou
altruistes. De plus, plusieurs auteurs ont montré que le consommateur responsable était à la
fois motivé par son intérêt personnel et l’intérêt général (Smith ,1987, 1996, Ziegler Sojka
1986) : cela concorde donc avec l’idée d’un consommateur globalement moins tourné vers la
satisfaction de son intérêt propre qu’un acheteur non responsable. Une relation positive est
donc attendue entre générosité et CSR :

H5 : La générosité influence positivement l’intention de CSR.

225
La générosité a été mesurée par l’échelle de Belk (1984) en sept items. En effet, l’échelle de
matérialisme de Belk (1984) comprend trois facettes : la possessivité, la non-générosité et
l’envie. Nous avons donc utilisé les items correspondant à la deuxième dimension,
représentant la tendance d’un individu à ne pas partager ses possessions avec autrui. L’échelle
de générosité de Belk ayant déjà été utilisée dans des travaux de référence (Richins et
Dawson, 1992), le choix de cette outil de mesure nous a semblé justifié. L’échelle a fait
l’objet d’une première traduction par deux personnes maîtrisant bien l’anglais, puis les items
français ont été retravaillés et validés par une professeur d’anglais. Les résultats, présentés en
tableau 30, permettent de valider l’hypothèse formulée : toutes les dimensions de la CSR sont
corrélées positivement avec la générosité. Ici encore, les indices d’ajustement confirment la
validité du modèle testé.
Coefficients Coefficients t de
t de
Variable exogène Variables endogènes de du student du
student
dépendance bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise ,715 24,73 0,712 18,53
Produits partage ,735 27,23 0,734 21,87
Générosité
(1 dimension)
Petit commerce ,743 26,46 0,742 22,28
Origine géographique ,724 23,54 0,720 14,33
Volume de consommation ,559 13,73 0,559 10,12
RMSEA= 0,083 GFI=0,855 AGFI=0,824 CFI=0,839 NNFI=0,820

Tableau 30 : Test de l’impact de la générosité sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles,
(n=714)

2.3 CSR et centre de contrôle

La plupart des études portant sur la consommation responsable ont identifié que les
consommateurs engagés se distinguaient des autres par le fait qu’ils croient en l’efficacité de
leur comportement individuel pour faire changer les choses. Berkowitz et Lutterman (1968)
démontrent par exemple que les individus responsables comptent davantage sur eux-mêmes
que sur l’intervention du gouvernement. Webster (1975) et Roberts (1995) montrent que les
consommateurs responsables voient la consommation individuelle comme efficace pour
résoudre les problèmes environnementaux. Mohr, Webb et Harris (2001) identifient que
l’efficacité perçue du comportement est un déterminant important de l’achat de produit-
partage. Enfin, Sen, Gürhan-Canli et Morwitz (2001) montrent que l’efficacité perçue de la
participation individuelle à un boycott influe directement sur la probabilité d’y participer.

226
Tous ces résultats laissent donc à penser que le centre de contrôle joue un rôle significatif sur
la décision de consommer de façon responsable. Nous formulons donc l’hypothèse que les
individus ayant un centre de contrôle interne pratiquent en moyenne davantage la CSR que
ceux ayant un centre de contrôle externe.

H6 : Avoir un centre de contrôle externe influence négativement l’intention de CSR.

Le centre de contrôle a été mesuré par une version réduite de l’échelle de James (1957). Cette
version réduite de 11 items a été créée par Mac Donald et Tseng (1971) et réutilisée dans
différentes études (Cherry et Fraedrich, 1971, Srinivasan et Tikoo, 1992). Ce choix a été
guidé par le fait qu’elle a été validée dans un contexte français (Emin, 2003, Capelli-Hillairet,
2004) et qu’elle présente un petit nombre d’items.
Les résultats, présentés en tableau 31, ne valident pas cette hypothèse. L’échelle que nous
avons utilisée mesure en effet la tendance à croire à un centre de contrôle extérieur à soi.
Nous attendions donc des influences négatives sur la CSR.

Coefficients Coefficients t de
t de
Variable exogène Variables endogènes de du student du
student
dépendance bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise 0,079 ns 0,087 Ns
Centre de Produits partage ,111 2,58 0,116 Ns
contrôle Petit commerce ,15 3,44 0,159 2,71
(1 dimension) Origine géographique ,212 4,76 0,218 3,73
Volume de consommation ,17 3,55 0,174 2,60
RMSEA= 0,095 GFI=0,808 AGFI=0,771 CFI=0,798 NNFI=0,777

Tableau 31 : Test de l’impact du centre de contrôle sur les 5 dimensions de CSR, par équations
structurelles, (n=714)

Plusieurs explications peuvent être proposées pour justifier ce résultat. Tout d’abord, on peut
se poser la question de l’adaptabilité de l’instrument de mesure utilisé. L’échelle de
MacDonald et Tseng (1971) adopte une perspective très générale avec des items tels que « je
pense souvent qu’il vaut mieux prendre des décisions au hasard », « la réussite est une
question de chance ». On peut penser que cette échelle mesure la croyance très générale au
destin et semble sans rapport immédiat avec l’efficacité perçue de la consommation
individuelle. Une autre possibilité réside dans le fait que notre échelle mesure une intention de
consommer de façon socialement responsable, et qu’à ce titre le centre de contrôle de

227
l’individu n’intervient peut-être que dans le lien entre attitude et comportement. En effet, les
travaux de Gierl et Stumpp (1999) dans le domaine de la consommation verte ont montré que
le centre de contrôle intervient comme modérateur du lien entre l’attitude environnementale et
le comportement d’achat écologique, et agit également directement sur le comportement (voir
figure 36). Etant donné la proximité du champ de la consommation verte avec notre champ de
recherche, on peut imaginer que le comportement du consommateur suit le même schéma
pour le cas de la CSR. Dans ce cas, cela expliquerait les résultats obtenus.
Ces propositions doivent cependant être validées. Il serait donc nécessaire de tester différentes
hypothèses concernant la place occupée par le centre de contrôle de l’individu dans son
processus de décision, en utilisant un autre outil de mesure du centre de contrôle plus adapté
au contexte de consommation.

Attitude globale envers Comportement sensible à


l’environnement l’environnement

Conviction de contrôle

Figure 36 : Rôle du centre de contrôle dans la préoccupation pour l’environnement, Gierl et Stumpp
(1999)

2.4 CSR et sensibilité au prix

Différentes contributions montrent qu’il y a une opposition entre les critères traditionnels
d’achat, fondés majoritairement sur les aspects fonctionnels des produits, le rapport
qualité/prix, la valeur symbolique ou le bénéfice perçu d’une part et les critères sociaux ou
environnementaux d’autre part (Whalen, Pitts et Wong, 1991, Mohr, Webb et Harris, 1998).
Plus concrètement, Roberts (1996) affirme que le prix joue un rôle moins important pour les
consommateurs responsables que pour la moyenne des consommateurs. En effet, on peut
s’attendre à ce que le consommateur responsable, lorsqu’il prend en compte l’impact de ses
achats sur la société, laisse un peu au second plan le critère financier. Nous attendons donc
une relation négative entre sensibilité aux prix et CSR :

H7 : La sensibilité aux prix influence négativement l’intention de CSR.

228
La sensibilité aux prix a été mesurée par l’échelle en 5 items de Lichtenstein, Ridgway et
Netemeyer (1993). Ces auteurs ont mené une étude sur la façon dont les consommateurs
perçoivent et utilisent les prix. Sur les 7 échelles développées, celle de sensibilité aux prix
(price consciousness) mesure « le degré avec lequel le consommateur est attaché à payer des
prix bas ». Les travaux de Lichtenstein, Ridgway et Netemeyer (1993) semblent constituer
une référence dans leur domaine. Cela nous a donc incité à utiliser leur échelle. Les 7 items
ont fait l’objet d’une première traduction par 2 personnes maîtrisant bien l’anglais, puis ont
été retravaillés et validés par une professeur d’anglais.
Les résultats, présentés en tableau 32, valident partiellement l’hypothèse formulée. En effet, le
lien, bien que faible, est significatif avec l’achat selon le comportement des organisations, la
préférence pour le petit commerce et l’importance accordée aux origines du produit. Par
contre, aucun lien n’apparaît avec l’achat de produits-partage et avec la réduction du volume
de consommation. Ces résultats montrent donc que la sensibilité aux prix intervient peu sur
l’intention de CSR. Cependant, avant de porter des conclusions définitives sur le rôle de la
sensibilité aux prix en matière de CSR, nous suggérons d’effectuer des analyses
supplémentaires. Il se peut en effet que la sensibilité aux prix affecte le comportement de CSR
par un lien direct ou de modération. Tout comme pour le centre de contrôle, cette variable
intervient peut-être dans le processus de décision, à un stade ultérieur à l’attitude.

Coefficients Coefficients t de
t de
Variable exogène Variables endogènes de du student du
student
dépendance bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise - ,101 - 2,36 - ,108 - 1,98
Sensibilité aux Produits partage 0,030 ns 0,039 Ns
prix Petit commerce - ,234 - 5,68 - ,245 - 4,75
(1 dimension) Origine géographique - ,156 - 3,56 - ,163 - 2,66
Volume de consommation 0,01 ns 0,02 ns
RMSEA= 0,107 GFI=0,798 AGFI=0,752 CFI=0,794 NNFI=0,769

Tableau 32 : Test de l’impact de la sensibilité au prix sur les 5 dimensions de CSR, par équations
structurelles, (n=714)

2.5 CSR et libéralisme

Le rôle du libéralisme sur la CSR a été testé par Roberts (1995) : son étude montre que les
consommateurs responsables sont plus libéraux que les autres. Cependant, les travaux de
Webster (1975) aboutissent à une conclusion différente : le consommateur socialement

229
conscient pense que le monde des affaires a trop de pouvoir dans le pays (il s’agit ici des
Etats-Unis). Ces deux résultats contradictoires mettent en évidence un lien entre libéralisme
et CSR, mais le sens de la corrélation semble incertain. Pour notre part, nous proposons que
ce lien est négatif, c’est-à-dire que les consommateurs responsables souhaitent davantage de
régulation du marché et des entreprises par le gouvernement. En effet, notre étude qualitative
exploratoire a montré que les répondants sensibles à la CSR dénoncent les dérives liées au
« laissez-faire » capitaliste. Certains faits comme le travail des enfants et les licenciements
collectifs sont interprétés comme des conséquences directes de la logique de profit adoptée
par les entreprises. La consommation est envisagée comme un moyen de réguler le pouvoir
des grosses entreprises. Pour cette raison, nous pensons donc que le consommateur
responsable souhaite globalement un certain contrôle du comportement des entreprises et se
positionne contre un libéralisme à outrance. Nous formulons donc l’hypothèse suivante :

H8 : Le libéralisme influence négativement l’intention de CSR.

En nous inspirant des travaux de Roberts (1995), le libéralisme a été mesuré par l’échelle en
six items de Buttel et Flinn (1978) réadaptée à un contexte français. L’échelle a été traduite en
suivant toujours le même processus décrit précédemment. Les résultats, présentés en tableau
33 valident largement notre proposition : toutes les dimensions de la CSR influencent
négativement le libéralisme. Les consommateurs responsables souhaitent donc un plus grand
encadrement des pratiques des entreprises.

Coefficients Coefficients t de
t de
Variable exogène Variables endogènes de du student du
student
dépendance bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise - ,755 - 27,28 - ,668 - 4,65
Produits partage - ,711 - 25,23 - ,621 - 4,18
Libéralisme
(1 dimension)
Petit commerce - ,687 - 22,51 - ,574 - 3,06
Origine géographique - ,718 - 22,93 - ,596 - 2,86
Volume de consommation - ,553 - 13,45 - ,472 - 3,36
RMSEA= 0,093 GFI=0,822 AGFI=0,786 CFI=0,807 NNFI=0,786

Tableau 33 : Test de l’impact du libéralisme sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles,
(n=714)

230
2.6 CSR et relativisme

La littérature oppose deux modes de pensée dans le domaine du jugement éthique (Hunt et
Vitell (1986)) : la déontologie et l’utilitarisme. Rappelons que le premier correspond au fait de
juger la moralité d’un acte à partir de grands idéaux universels, alors que le second mode de
raisonnement conduit à juger de la moralité d’un acte sur les conséquences de celui-ci45. Le
modèle de Hunt et Vitell (1986) postule que les deux systèmes de pensée affectent le
jugement éthique du répondant. Cependant, certains individus utilisent plus un raisonnement
que l’autre. Plusieurs travaux ont ainsi montré que l’utilisation d’un raisonnement de type
déontologique conduisait à des actions plus éthiques par rapport au raisonnement utilitariste
(Al-Khatib, Dobie et Vitell, 1995, Erffmeyer, Keillor et Thorne, 1999, Vitell, Singhapakdi et
Thomas, 2001). Il semble en effet que les consommateurs les plus « relativistes » acceptent
davantage des comportements douteux surtout si ces comportements peuvent mener à des
conséquences positives pour eux-mêmes. Nous formulons donc l’hypothèse que les
consommateurs les plus idéalistes adoptent une consommation plus éthique que les
« relativistes ». Nous pensons particulièrement au cas du boycott, car il a été montré que le
boycott induit parfois plus de conséquences négatives que positives. Il prive en effet
l’entreprise ou le pays concerné de revenus, et de cette façon nuit à des individus qui ne
méritaient pas d’être sanctionnés. Ainsi, un consommateur qui juge la moralité d’un acte sur
ses conséquences aura des difficultés à identifier s’il faut ou non participer au boycott d’une
entreprise. Ce raisonnement du consommateur a été identifié à plusieurs reprises dans les
entretiens exploratoires (chapitre 4, section 3.1.).
Nous formulons l’hypothèse suivante :

H9 : Le mode de raisonnement « relativiste » influence négativement l’intention de CSR.

Le relativisme a été mesuré par l’unique échelle existant sur ce thème : celle de Forsyth
(1980). Cet auteur a créé une échelle de relativisme à 10 items et une d’idéalisme à 10 items.
Afin de ne pas trop alourdir le questionnaire, nous n’avons utilisé que la première dimension.
La traduction de cette échelle a posé de gros problèmes, les formulations anglaises étant peu
claires et compliquées. Une certaine liberté a donc été prise pour plusieurs items, afin de
rendre les questions compréhensibles en français.

45
Pour plus de détails, voir chapitre 1, section 1.3.1

231
Les résultats, présentés en tableau 34, ne valident globalement pas notre hypothèse. A priori,
le degré de relativisme n’influence donc pas l’intention de CSR. Ce résultat va donc à
l’encontre de la littérature anglo-saxonne. On peut cependant s’interroger sur la validité de ces
résultats, étant donné les problèmes rencontrés avec l’échelle de relativisme. Il semble que les
items étaient encore difficiles à comprendre pour une majorité d’individus, et demeuraient
tout à fait abstraits. De plus, nous avons dû rejeter la moitié des items pour obtenir une
structure tout juste satisfaisante. Ces doutes sur la mesure du relativisme appellent donc à une
certaine précaution dans l’interprétation des résultats obtenus.

Coefficients Coefficients t de
t de
Variable exogène Variables endogènes de du student du
student
dépendance bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise -,095 -2,055 -0,08 ns
Produits partage -0,075 ns -0,06 ns
Relativisme
(1 dimension)
Petit commerce -0,03 ns -0,008 ns
Origine géographique -0,016 ns -0,001 ns
Volume de consommation 0,088 ns 0,097 ns
RMSEA= 0,105 GFI=0,798 AGFI=0,754 CFI=0,776 NNFI=0,749

Tableau 34 : Test de l’impact du relativisme sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles,
(n=714)

2.7 CSR et désirabilité sociale

Il semble que le thème de la CSR soit particulièrement sensible au biais de désirabilité


sociale. En effet, de nombreux auteurs ont souligné l’écart important entre les déclarations
d’intention de CSR et les comportements effectifs (Mohr, Webb et Harris, 2001, Boolstridge
et Carrigan, 2000, Carrigan et Attalla, 2001). Dans les enquêtes, les consommateurs déclarent
souvent être sensibilisés par les enjeux sociaux et environnementaux, mais semblent assez peu
tenir compte de ces aspects dans leur consommation courante. Cet écart semble pouvoir se
justifier en grande partie par la désirabilité sociale des comportements de CSR : comment en
effet affirmer que l’on n’est pas touché par des thèmes tels que le travail des enfants, la
pauvreté dans le monde etc. ? D’après ces raisons, nous attendons donc une relation positive
entre désirabilité sociale d’un individu et CSR. Dans cette perspective, la désirabilité sociale
est envisagée comme un trait de personnalité.
Nous formulons donc l’hypothèse suivante :

232
H10 : Le fait de vouloir paraître socialement désirable influence positivement l’intention de
CSR.

La désirabilité sociale a été mesurée par une version réduite de l’échelle de Crowne et
Marlowe (1960). Cette échelle a longtemps fait référence sur le thème de la désirabilité
sociale. L’échelle de Paulhus (1984) est actuellement souvent utilisée, mais nous ne l’avons
pas choisie en raison de sa taille importante (40 items). Nous avons suivi la démarche de
Richins et Dawson, en sélectionnant 11 items de l’échelle de Crowne et Marlowe (1960), sur
les 33 que celle-ci compte initialement. L’échelle a été traduite en suivant le processus déjà
décrit précédemment. Les résultats, présentés en tableau 35, confirment très largement
l’hypothèse formulée : les individus ayant tendance à se présenter sous un aspect socialement
désirable ont des scores plus importants que les autres sur toutes les dimensions de l’échelle.
Cette analyse confirme donc que le thème de la CSR est fortement soumis à la désirabilité
sociale.

Coefficients Coefficients t de
t de
Variable exogène Variables endogènes de du student du
student
dépendance bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise ,704 23,92 ,699 15,52
Désirabilité Produits partage ,702 24,76 ,694 19,65
sociale
(2 dimensions)
Petit commerce ,754 27,25 ,753 25,92
Origine géographique ,795 28,16 ,799 21,61
Volume de consommation ,599 15,21 ,596 10,89
RMSEA= 0,062 GFI=0,894 AGFI=0,872 CFI=0,884 NNFI=0,871

Tableau 35 : Test de l’impact de la désirabilité sociale de l’individu sur les 5 dimensions de CSR, par
équations structurelles, (n=714).

Cette deuxième section s’est attachée à étudier les déterminants psychologiques de la CSR.
Les résultats, synthétisés dans le tableau 36, sont mitigés : nos analyses confirment le rôle
significatifs du matérialisme, de la générosité, du libéralisme et de la désirabilité sociale sur
l’intention de CSR. Par contre, les hypothèses concernant 3 variables ne sont que
partiellement ou pas validées du tout : le centre de contrôle de l’individu, le mode de
raisonnement éthique et la sensibilité au prix. Ces résultats nous ont conduit à nous interroger
sur le stade où interviennent certaines variables, comme le centre de contrôle et la sensibilité
au prix, dans le processus de décision du consommateur. D’autre part, les problèmes

233
rencontrés avec l’échelle de mesure du relativisme amènent à s’interroger sur les résultats
obtenus concernant l’hypothèse 8.

H4 : matérialisme CSR Validée


H5 : générosité CSR Validée
H6 : centre de contrôle CSR Invalidée
H7 : sensibilité au prix CSR Partiellement validée
H8 : libéralisme CSR Validée
H9 : relativisme CSR Invalidée
H10 : désirabilité sociale CSR Validée

Tableau 36 : Récapitulatif des résultats de la section 2

Etudions maintenant la validité prédictive de notre échelle de CSR

3. ETUDE DE LA VALIDITE PREDICTIVE DE L’ECHELLE DE CSR

Dans cette dernière section, nous allons tester les liens entre notre échelle de CSR et différents
comportements liés à la consommation. Notre échelle mesure la dimension conative de
l’attitude, et la théorie stipule que cette dimension est un bon prédicteur des comportements. Il
existe cependant de nombreux freins à la pratique de la CSR. Nous avons donc souhaité
étudier les liens entre l’intention de CSR et les pratiques réelles du consommateur. Plus
particulièrement, nous étudierons trois comportements : le boycott, la simplicité volontaire et
le tri des déchets ménagers (voir figure 37). Ces comportements ont été choisis car ils
semblent en adéquation directe avec les dimensions de notre échelle de CSR.

Boycott

CSR Simplicité volontaire

Tri des déchets

Figure 37 : Synthèse des liens testés en section 3

234
3.1 CSR et boycott

Le boycott est probablement le comportement le plus représentatif de la CSR. Il s’agit de


punir certaines entreprises ou éventuellement certains pays pour marquer son désaccord avec
leurs pratiques. Si le boycott est l’exemple le plus évident de la CSR, nous attendons donc des
liens étroits entre notre échelle et la fréquence avec laquelle on pratique le boycott. Plus
particulièrement, c’est la première dimension de notre échelle représentant le degré avec
lequel le consommateur sanctionne les entreprises aux comportements condamnables qui
devrait prédire la fréquence avec laquelle il pratique le boycott.
Nous formulons donc l’hypothèse suivante :

H11 : La dimension de l’échelle de CSR liée aux pratiques des entreprises influence
positivement la pratique du boycott.

Le questionnaire (n=714) incluait une question relative à la pratique du boycott. Il était


demandé au répondant d’indiquer la fréquence avec laquelle il boycottait les entreprises :
jamais/rarement/de temps en temps/souvent/tout le temps.

L’hypothèse 11 a été testée à l’aide d’une régression linéaire. Les résultats sont présentés dans
le tableau 37. Ils valident l’hypothèse formulée. Notre première dimension de l’échelle permet
de prédire correctement la pratique du boycott. Notons cependant que seuls 10% de la
variance sont expliqués, ce qui confirme l’existence d’un décalage important entre les
déclarations d’intention des individus et leur comportement réel.

Variable dépendante : Bêta t Signif. Test F R² adj


Pratiques des entreprises ,316 8,863 ,000 78,56 0,1

Tableau 37 : test de l’impact de la dimension de l’échelle de CSR liées aux pratiques des entreprises sur le
boycott, par régression linéaire (n=714)

3.2 CSR et simplicité volontaire

La simplicité volontaire désigne un mode de vie « destiné à maximiser son contrôle direct sur
les activités quotidiennes et à minimiser sa consommation et sa dépendance » (Leonard-
Barton, 1981). Il s’agit de réduire sa consommation à ce qui est essentiel afin de se détacher

235
du monde matériel. Lorsque nous avons interprété les cinq dimensions de l’échelle de CSR
obtenue, dans le chapitre 4, nous avons montré que la dernière dimension représente la
volonté de réduire son volume de consommation, et qu’à ce titre, elle se rattachait à la notion
de simplicité volontaire. Cependant, il nous faut valider cette proposition. Nous avons donc
étudié les liens entre la dernière dimension de l’échelle de CSR et la simplicité volontaire.
Nous formulons l’hypothèse suivante :

H12 : La dimension de l’échelle de CSR liée au volume de consommation influence


positivement la pratique de la simplicité volontaire.

La simplicité volontaire a été mesurée par la seule échelle existante sur le sujet, celle de
Leonard-Barton (1981). Cet auteur a développé une échelle de simplicité volontaire à dix-huit
items. Par la suite Cowles et Crosby (1986) ont mené des analyses confirmatoires sur cette
échelle et ont dégagé une structure à trois dimensions : (1) la conscience environnementale,
représentant des comportements écologiques, (2) la simplicité matérielle et (3) la
détermination à faire les choses soi-même (self-determination). Nous n’avons sélectionné que
les deux dernières dimensions, à nos yeux les deux seules réellement représentatives des
comportements de simplicité volontaire. Ce choix a aussi été guidé par le souci de ne pas trop
alourdir le questionnaire. L’échelle a été traduite selon le processus habituel. Elle est
présentée en annexe 8.

Les résultats, présentés en tableau 38, valident l’hypothèse 12. Comme attendu, la dimension
de l’échelle liée au volume de consommation est corrélée à la pratique de la simplicité
volontaire, et plus particulièrement à la détermination à faire les choses soi-même.

Poids t de
Poids t de
Variable exogène Variables endogènes factoriels student
factoriels student
bootstrap bootstrap

Volume de Simplicité matérielle ,242 4,16 ,244 3,99


conso.
(1 dimension de Détermination à faire les
l’échelle de CSR) ,432 8,09 ,439 7,62
choses soi-même
RMSEA= 0,088 GFI=0,972 AGFI=0,928 CFI=0,905 NNFI=0,8

Tableau 38 : test de l’impact de la dimension de l’échelle de CSR liée au volume de consommation sur la
simplicité volontaire, par équations structurelles (n=714)

236
3.3 CSR et tri des déchets ménagers

Le dernier comportement que nous avons souhaité mettre en relation avec notre échelle de
CSR est celui du tri des déchets ménagers. La pratique du recyclage a été largement étudiée
dans le domaine de la consommation verte et le thème plus global de la gestion des déchets
semble avoir concentré l’essentiel des attentions de ce champ de recherche pendant les années
quatre-vingt et quatre-vingt dix (Giannelloni, 1998). Ainsi, le tri des déchets semble
représentatif de la préoccupation écologique des individus, tout comme le boycott dans le cas
des préoccupations d’ordre social.
Nous avons donc exploré à quel point l’échelle de CSR permettait de prédire le tri des
déchets. Contrairement aux deux hypothèses précédentes, nous ne pensons pas qu’une
dimension de l’échelle de CSR soit particulièrement prédictive d’un tri. Nous testons donc la
relation entre le concept global de CSR et le tri des déchets.
Nous formulons donc l’hypothèse suivante :

H13 : L’intention de CSR influence positivement la pratique du tri des déchets.

Le questionnaire (n=714) incluait une question relative au tri des déchets. Il était demandé au
répondant d’indiquer s’il triait ses ordures ménagères : oui/non.
L’hypothèse 12 a été testée à l’aide d’une analyse discriminante. Avant de procéder au test de
l’hypothèse en elle-même, nous nous sommes assurés que le groupe des trieurs (n=562)
obtenait bien des scores différents sur les cinq dimensions de l’échelle par rapport au groupe
des non trieurs (n=150). Le test de comparaison de moyennes et la représentation graphique
associée sont présentés en figure 38 et tableau 39. Ils montrent bien le profil différent des
deux groupes sur les cinq dimensions de l’échelle.

Var.
expliquées
Répartitio Compt de Produits Petit Origine Volume
n l’ent. partage commerce géo.
Var.
explicatives
78,9% Oui ,133 ,116 ,12 ,115 ,101
Tri des 21,1% Non -,494 -,435 -,458 -,441 -,388
ordures Test F 50,12 37,83 41,76 38,64 29,48
ménagères significativité ,000 ,000 ,000 ,000 ,000

Tableau 39 : Test de comparaison de moyennes entre le groupe des trieurs et celui des non
trieurs, (n=714)

237
0,4

0,3

0,2 Compt de l’ent. Produits partage Petit commerce Origine géo. Volume
0,1

-0,1

-0,2

-0,3

-0,4

-0,5

-0,6
tri
non tri

Figure 38 : Représentation graphique du groupe des trieurs et non trieurs sur les 5 dimensions de
l’échelle, (n=714)

Concernant l’analyse discriminante, les résultats indiquent que la fonction d’affectation est
composée uniquement de 3 facteurs de l’échelle de CSR : les pratiques des entreprises, la
défense du petit commerce et le volume de consommation. En comparaison avec ces 3
dimensions, les deux facteurs liés à l’achat de produits partage et à l’origine géographique des
produits ne sont pas discriminants. Les résultats indiquent que la fonction d’affectation créée
permet de classer correctement 65,6% des observations et 65,2% par la procédure du
jackknife46. Ces résultats valident donc l’hypothèse 13, même si le pourcentage d’affectation
correcte demeure relativement faible en comparaison avec un classement au hasard.

Cette troisième section nous a conduit à étudier la capacité de l’échelle de CSR à prédire 3
comportements types : le boycott, le tri des déchets et la pratique de la simplicité volontaire.
Les résultats valident les 3 hypothèses correspondantes, même si le décalage entre les
déclarations d’intention des répondants et les comportements semble important.

46
La procédure jackknife consiste à retirer de l’échantillon l’observation que l’on cherche à prédire.

238
Synthèse du chapitre 6 :
L’étude de la validité nomologique de l’échelle de CSR nous a conduit à formuler dix
hypothèses de recherche et deux propositions concernant les antécédents de l’intention de
CSR. Les analyses effectuées ont globalement confirmé le profil du consommateur
socialement responsable prédit par la littérature. Ainsi, d’un point de vue
sociodémographique, le consommateur responsable type est de sexe féminin, d’âge mûr, a des
enfants, habite en milieu rural et appartient à une CSP de type retraité ou inactif. D’un point
de vue psychologique, il est moins matérialiste, plus généreux et moins libéral que la
moyenne de la population.
Trois hypothèses concernant les antécédents psychologiques n’ont pas été totalement validées
par nos analyses : la sensibilité au prix, le centre de contrôle et le relativisme. Plusieurs
explications peuvent aider à comprendre ces résultats. Le premier tient aux problèmes de
mesure rencontrés avec l’échelle de relativisme et à la mesure très abstraite du centre de
contrôle. Cette piste suggère de mener de nouvelles analyses en utilisant des mesures plus
appliquées pour ces deux concepts.
Un deuxième élément d’explication réside dans le fait que notre échelle mesure l’intention de
CSR, et que les hypothèses issues de la littérature sont basées sur le comportement de CSR.
Le décalage entre les mesures de CSR utilisées jusqu’à présent et notre échelle de CSR
explique peut-être la non validation de certains liens. Plus précisément, il est possible que le
centre de contrôle et la sensibilité au prix du répondant interviennent en aval de l’attitude dans
le processus de décision du consommateur. Pour être confirmée, cette proposition
nécessiterait de nouvelles analyses portant sur les liens entre attitude et comportement.
Enfin, il faut souligner à nouveau la rareté des recherches existantes sur la CSR et les
insuffisances des outils de mesure utilisés dans ce champ de recherche. Les hypothèses ont
donc été formulées à partir de recherches sujettes à caution. Face à ces faiblesses théoriques,
nos résultats en désaccord avec la littérature doivent être considérés comme des contributions
à part entière sur le champ de la CSR.
Enfin, les analyses présentées dans la seconde section ont souligné l’impact de la désirabilité
sociale des répondants dans les réponses à l’échelle de CSR. Ce lien était prédit par la
littérature et à ce titre ne doit pas être considéré comme problématique (Zerbe et Paulhus,
1987). En effet, d’après ces auteurs, l’impact de la désirabilité sociale sur un construit ne doit
pas être envisagé comme une « contamination » si le concept étudié est théoriquement lié à la
désirabilité sociale. Dans ce cas, les résultats sont le signe de la validité convergente du
construit en question. Malgré cette vision, nous avons souhaité savoir si nos résultats ont été

239
affectés par un biais de désirabilité sociale. Pour cela, nous avons mené une seconde fois
l’ensemble des analyses présentées dans ce chapitre sur un échantillon réduit aux individus
ayant des scores faibles sur l’échelle de désirabilité sociale. Les résultats, présentés en annexe
9, sont globalement identiques à ceux obtenus sur l’échantillon total. Ceci suggère donc que la
désirabilité sociale n’a pas perturbé les analyses présentées dans les 3 sections de ce chapitre.

Concernant la validité prédictive de l’échelle, les résultats ont validé les liens avec trois
comportements de CSR : le boycott, le tri des déchets et la simplicité volontaire. Nos analyses
confirment cependant l’existence d’un décalage important entre les déclarations d’intention
des consommateurs et leur comportement.

La figure 39 récapitule l’ensemble des résultats de ce chapitre.

Age
Genre
Situation familiale
Lieu d’
d’habitation
(part.validé
part.validée)
CSP

Maté
Matérialisme
Générosité
rosité Boycott

Libé
Libéralisme CSR Tri des dé
déchets

Désirabilité
sirabilité sociale Simplicité
Simplicité volontaire

Sensibilité
Sensibilité aux prix
(part. validé
validée)

Centre de contrôle
Relativisme

Figure 39 : Récapitulatif des résultats du chapitre 6

240
Ce chapitre suggère une relativement bonne validité nomologique de notre échelle de CSR, la
plupart des hypothèses ayant été validées. Cependant, nous avons souligné la nécessité de
mener de nouvelles analyses concernant certaines variables, afin de mieux comprendre le sens
de certains des résultats obtenus.

241
242
CONCLUSION DE LA 2ème PARTIE

Cette seconde partie, consacrée à la construction d’une échelle de CSR, était structurée en
trois chapitres : (1) réalisation d’une étude qualitative exploratoire auprès des consommateurs,
(2) construction de l’échelle à l’aide de deux collectes de données successives (n=507 et
n=714) et (3) test de la validité nomologique de l’échelle de CSR obtenue. La figure 40
résume les principaux apports de chacun de ces trois chapitres.

Chapitre 6:
Chapitre 4: Chapitre 5:
Test de la validité
Étude exploratoire Construction d’une échelle de nomologique de l’échelle
sur la CSR CSR à 5 dimensions de CSR
- Réalisation de 17 entretiens -Confirmation des antécédents
individuels semi-directifs et 2 focus -Choix de la mesure de l’intention
de CSR pour mesurer les sociodémographique à la CSR: âge,
groupes genre, CSP et situation familiale.
préoccupations socialement
- 3 thèmes abordés pendant les responsables des consommateurs. -Représentation des profils des
entretiens: définitions de la CSR,
-Génération de 73 items, réduits à consommateurs sur la CSR par
forme de CSR pratiquées et raisons analyse canonique généralisée non
de la pratique/ non pratique. 55 après test de la validité de
contenu. linéaire
- Réalisation d’une analyse -Confirmation des antécédents
thématique sur les comportements -2 collectes de données
successives: n=507 et n=714 psychologiques à la CSR:
de CSR cités matérialisme, libéralisme,
-Réalisation d’une analyse de -Obtention d’une structure en 5 générosité et désirabilité sociale.
données textuelles Alceste, avec 4 facteurs: achat selon les pratiques
des entreprises, achat de produits -Validation de la capacité de
classes de vocabulaire (circuit de l’échelle de CSR à prédire 3
distribution, origine géographique, partage, défense des petits
commerces, achat de produits comportements: le boycott, la
argent et environnement physique) simplicité volontaire et le tri des
domestiques ou régionaux et
-Mise en évidence des freins à la déchets.
limitation du volume de
CSR: problème d’informations, consommation - La désirabilité sociale n’a pas
coûts de la CSR et difficulté de contaminé les analyses.
savoir quel est le bon -Test de la fiabilité, validités de
comportement. contenu, convergente et
discriminante
- Mise en évidence des motivations
à la CSR: envie d’être efficace et
d’être en accord avec ses valeurs

Figure 40 : Résumé des apports de la seconde partie

Cette seconde partie nous a permis de répondre à nos deux premières questions de
recherche. La première concernait le contenu et la structuration de la CSR. La
construction de l’échelle de CSR met en évidence une structure en cinq dimensions,
représentant les différentes préoccupations du consommateur responsable : pratiques des
entreprises, achat de produits partage, défense du petit commerce, achat de produits
domestiques et limitation du volume de consommation. Ce dimensionnement ne s’apparente

243
pas à la distinction sociale/environnementale suggérée par les travaux de Roberts (1995), mais
se rapproche davantage du cadre d’analyse de Crane (2001). De plus, les cinq facteurs
obtenus traduisent bien notre posture théorique en faveur d’une vision large de la CSR.

La seconde question de recherche portait sur les déterminants de la CSR. A travers le test
de la validité nomologique de notre échelle, nous avons étudié le rôle d’un certain nombre de
variables sociodémographiques et psychologiques sur la CSR. A l’issu de ces analyses, nous
pouvons donc confirmer l’influence de l’age, du genre, de la CSP, de la situation familiale, du
matérialisme, de la générosité et du libéralisme sur l’intention de CSR. Nos résultats n’ont pas
validé les liens entre notre échelle et le lieu d’habitation, le centre de contrôle, le
raisonnement relativiste et la sensibilité aux prix. Cependant, les analyses menées ne
permettent pas de conclure que ces variables ne jouent aucun rôle en matière de CSR. Des
recherches complémentaires seraient nécessaires à ce sujet.

La troisième question de recherche est relative à la modélisation de la prise de décision


du consommateur en matière de CSR. L’ensemble des travaux consacrés à ce thème sera
l’objet de la troisième partie.

244
3 EME PARTIE :

MODELISATION DU COMPORTEMENT DE CSR

245
L’objet de cette troisième partie est de répondre à notre question de recherche portant sur la
modélisation de la prise de décision du consommateur en matière de CSR.
En effet, la revue de littérature effectuée en première partie, a souligné le manque de
contributions académiques en ce qui concerne le processus de décision du consommateur en
matière de CSR. Les travaux les plus proches de notre champ de recherche sont ceux de
Marks et Mayo (1991), et Vitell, Shinghapakdi et Thomas (2001) et qui ont cherché à tester le
modèle de Hunt et Vitell (1986), adapté au contexte de la consommation. Ces recherches
indiquent que le consommateur formule son jugement à la fois à partir d’évaluations
déontologiques et téléologiques. Le modèle obtenu ne permet d’expliquer qu’entre 10% et
15% du jugement éthique du consommateur. Cette proportion nous semble faible, d’autant
plus que le jugement éthique n’est pas représentatif du comportement final (Klein, Smith et
John, 2004).
Ces travaux offrent donc une compréhension limitée de la prise de décision du consommateur
en matière de CSR.

Notre volonté, dans cette dernière partie, est de bâtir un modèle intégrateur permettant de
décrire le comportement du consommateur sur le thème de la CSR. En conclusion de leur
article, Marks et Mayo (1991) appellent à prendre en compte à la fois les facteurs personnels
et situationnels pour décrire la prise de décision éthique du consommateur :
« Further investigation should be done to determine the personal and situational factors
which influence the consumers’ selection of an ethical or unethical alternative », Marks et
Mayo (1991).
La proposition de recherche de ces auteurs nous servira de référence dans la construction de
notre modèle théorique. Celui-ci aura donc pour vocation d’intégrer les différentes sources
d’influence intervenant dans le comportement du consommateur en matière de CSR. Notre
échelle de CSR, représentant le degré de préoccupation socialement responsable du
consommateur, sera ainsi intégrée à ce modèle.

Cette partie est structurée en trois chapitres :


• Le chapitre 7 sera consacré à l’élaboration du modèle théorique. Pour cela, nous
étudierons les pistes suggérées par la littérature sur le boycott et la consommation
verte. L’existence de nombreux modèles portant sur la modélisation de la prise de
décision éthique du manager nous a également incités à étudier cette littérature. Parmi

246
ces travaux, nous montrerons en quoi le modèle de Jones (1991) semble le plus adapté
au contexte de la CSR et développerons le modèle retenu.
• Le chapitre 8 s’attachera à décrire la procédure suivie pour tester le modèle théorique
élaboré. Notre choix se portera sur la méthode des scénarios. Nous décrirons donc en
détail le plan expérimental suivi, la mise en oeuvre des différentes variables ainsi que
les éléments ayant trait à la collecte de données (n= 826)
• Enfin, nous présenterons l’ensemble des résultats dans le chapitre 9. Nous montrerons
que les analyses valident globalement le modèle mais conduisent néanmoins à rejeter
certaines hypothèses de recherche et à prendre en compte des relations que nous
n’avions pas prévues.

La figure 41 récapitule la progression suivie au cours de cette troisième partie.

3ème PARTIE:

Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9

Élaboration du modèle Mise en œuvre de l’étude + Présentation des résultats


+
théorique expérimentale

Figure 41 : Plan de la 3ème partie

247
248
CHAPITRE 7

ELABORATION DU MODELE THEORIQUE

Ce chapitre est consacré à la construction d’un modèle permettant de décrire le comportement


du consommateur en matière de CSR. Actuellement, il n’existe aucun modèle traitant
précisément de ce thème.
Le modèle que nous allons construire ne sera donc pas un raffinement de travaux déjà
existants, mais constituera une première proposition théorique sur la façon dont on peut
décrire le comportement du consommateur en matière de CSR. Etant donné la rareté des
contributions académiques portant sur la CSR, nous élaborerons ce modèle en nous inspirant
des travaux portant sur des thèmes proches de notre champ de recherche.
Comme nous l’avons déjà mentionné plusieurs fois dans ce manuscrit, les chercheurs ont
davantage concentré leurs attentions sur des comportements de consommation précis comme
le boycott et la consommation verte, plutôt que sur la notion assez abstraite de CSR. Ce
constat nous a donc incité à étudier la littérature portant sur ces domaines de recherche et à
envisager les résultats pouvant s’appliquer au cas plus général de la CSR.
D’autre part, nous nous sommes également basés sur un champ de recherche proche du nôtre
et ayant suscité de nombreuses contributions: la prise de décision éthique du manager.
Plusieurs modèles ont été proposés pour décrire la façon dont les individus réagissent face à
des enjeux éthiques dans leur cadre de travail. Ces recherches ne sont pas appliquées au cas
du consommateur, mais les processus décrits semblent pouvoir s’adapter facilement à notre
cadre de travail.
Nous construirons notre modèle théorique en nous appuyant de façon complémentaire sur ces
différents champs de littérature.

Ce chapitre s’organisera en trois sections.


Dans un premier temps, nous décrirons les pistes suggérées par la littérature portant sur des
comportements spécifiques de CSR, à savoir le boycott et la consommation verte.
Dans un second temps, nous présenterons succinctement les modèles de prise de décision
éthique du manager et dégagerons un schéma récapitulatif du comportement d’un individu
faisant face à un enjeu éthique dans son cadre de travail.

249
Enfin, dans une dernière section, nous décrirons le modèle retenu, ainsi que les hypothèses
correspondantes. Nous justifierons pourquoi nous avons choisi d’adapter les travaux de Jones
(1991) au cadre de la consommation.

La figure 42 récapitule la progression suivie au cours de ce chapitre.

Chapitre 7 : élaboration du modèle théorique

1. Synthèse des travaux 2. Les modèles de prise


portant sur des + 3. Présentation du cadre
+ de décision éthique du théorique
comportements manager
spécifiques de CSR

Figure 42 : Plan du chapitre 7

1. SYNTHESE DES TRAVAUX PORTANT SUR DES


COMPORTEMENTS SPECIFIQUES DE CSR

Cette première section sera consacrée à l’étude des travaux portant sur des comportements de
consommation inclus dans la notion de CSR. Plus particulièrement, nous nous intéresserons
aux deux champs de recherche ayant concentré le plus d’attention : la consommation verte et
le boycott. Nous développerons donc successivement les travaux de modélisation portant sur
ces deux thèmes, avant de présenter une synthèse des pistes de recherches suggérées.

1.1 La consommation verte


Le domaine de la consommation verte, ou écologique, a fait l’objet de contributions assez
nombreuses et variées, en comparaison avec le champ de la CSR. L’objectif ici n’est pas de
recenser l’ensemble des travaux ayant porté sur ce thème, mais d’étudier l’approche globale
des chercheurs.

250
1.1.1 La notion de préoccupation pour l’environnement

Le concept étudié est celui de préoccupation pour l’environnement ou PPE (Environmental


Concern). Globalement cette notion représente les dispositions d’un individu à agir en faveur
de l’environnement47. Cette PPE se traduit dans les différentes composantes de l’attitude. On
décrit ainsi la dimension cognitive comme l’ensemble des connaissances relatives aux
conséquences de ses propres actions sur l’environnement, la dimension affective comme les
réponses émotionnelles liées aux problèmes perçus d’environnement et la dimension conative
comme une tendance à apporter une contribution personnelle à l’amélioration de
l’environnement (Dembkowski et Hammer-Lloyd, 1994).

1.1.2 Le modèle générique des relations testées

Giannelloni (1998) dresse un bilan des recherches sur les comportements de consommation
liés à la protection de l’environnement. Son état de l’art met en évidence que la plupart des
études menées testent les liens entre la préoccupation environnementale et les comportements
écologiques et cherchent à identifier les variables individuelles déterminantes de la PPE. Le
modèle générique des relations testées dans la littérature est présenté en figure 43.
En ce qui concerne les déterminants individuels étudiés, les valeurs, l’efficacité perçue du
consommateur et l’aliénation ont un impact significatif sur la PPE. En revanche, les variables
sociodémographiques ont, de manière générale, un faible pouvoir explicatif.
Le lien entre PPE et comportement écologique a toujours été validé, bien que l’intensité de la
relation demeure faible (Giannelloni, 1998). Les liens semblent plus forts dès lors que l’on
étudie la relation entre une attitude à l’égard d’un objet spécifique (comme le recyclage, par
exemple) et son comportement associé (Goldenhar et Connell, 1993). Cette relation a été
testée pour des comportements variés : économie d’énergie, pratique du recyclage, choix de
conditionnements recyclables, militantisme écologique

47
La définition de la PPE par Stones et al. (1995) semble constituer une référence : « La responsabilité
environnementale est un état dans lequel une personne exprime une intention d’agir dans le but de remédier aux
problèmes environnementaux, en agissant non pas comme un individu préoccupé par son propre intérêt
économique, mais comme un consommateur citoyen à travers un concept de bien-être environnemental et
sociétal. De plus, cette action sera caractérisée par une conscience des problèmes environnementaux, la
connaissance des possibilités les mieux adaptées à réduire ces problèmes, la capacité de mettre en œuvre l’action
décidée et un réel désir d’agir, après avoir évalué son propre contrôle sur les événements et déterminé que ses
actes contribuent à réduire le problème».

251
Variables
sociodémographiques (âge,
genre, revenu…)

Préoccupation pour Comportements


l’environnement (Attitude) écologiques

Variables
psychosociologique (valeurs
sociales et personnelles,
personnalité)

Figure 43 : modèle générique des relations testées dans la littérature sur la consommation verte,
Giannelloni, 1998.

Les travaux récents sur les comportements de consommation associés à l’environnement


semblent également pouvoir se rattacher au modèle générique présentés par Giannelloni
(1998) (Manieri et al., 1997, Roberts et Bacon, 1997, Minton et Rose, 1997, Gierl et Stumpp,
1999, Thogersen, 2000, Kates, 2001, Iversen et Rundmo, 2002, Keesling et Kaynama, 2003)

Etudions maintenant les pistes de réflexion suggérées par les travaux sur le boycott.

1.2 Le boycott
Jusqu’à récemment, le thème du boycott était relativement peu exploité, et marqué
essentiellement par les travaux de Friedman sur la classification des boycotts (1985, 1991,
1993, 2004), de Garett (1987) sur les facteurs d’efficacité du boycott, ou encore de Smith sur
le rôle des boycotts dans la régulation éthique des marchés (1987, 1990, 1996, 2002). En
quelques années, ce champ de recherche a pris de l’ampleur suite à deux contributions
majeures: celles de Sen, Gürhan-Canli et Morwitz (2001) et de Klein, Smith et John (2004).

252
1.2.1 Le modèle de Sen, Gürhan-Canl et, Morwitz (2001)

Sen, Gürhan-Canli et Morwitz (2001) adoptent une vision fondamentalement collective du


boycott, dans la mouvance des travaux de Friedman. Dans cette logique, ils modélisent le
boycott comme un dilemme social, c’est-à-dire une situation où les individus d’un groupe
sont partagés entre la maximisation de leur bien-être personnel et la maximisation de l’utilité
collective. Ils ont le choix entre deux stratégies : la coopération et la non coopération. Une
stratégie de non coopération procure plus d’utilité à un agent individuel mais diminue l’utilité
collective. A l’inverse, la coopération maximise l’utilité collective au détriment des intérêts de
l’individu. Une situation de dilemme social implique en outre que l’utilité individuelle retirée
de la non coopération est inférieure au gain collectif de la coopération d’un agent.
Sen, Gürhan-Canli et Morwitz (2001) ne testent pas ces hypothèses de travail, mais
démontrent cependant le rôle important de la pression sociale dans la décision de participer à
un boycott. Ils élaborent un modèle intégrant plusieurs variables explicatives de la décision de
participer à un boycott :
- le type de communication : l’appel au boycott insiste-t-il sur l’impact positif d’une
réussite du boycott ou sur les conséquences négatives d’un échec ?
- la participation attendue au boycott : quelle est l’ampleur de la mobilisation anticipée par
le consommateur individuel ?
- l’efficacité perçue de l’action individuelle : quelle est l’efficacité marginale attendue par
la décision de participer au boycott ?
- la sensibilité aux normes sociales : à quel degré est-on influencé par les normes de sa
communauté ?
- le coût du boycott : existe-t-il des produits de substitution au produit boycotté ? Quelle est
la préférence du consommateur pour celui-ci ?

Le modèle, reproduit en figure 44, est testé par la méthode des scénarios, à la fois pour les
boycotts de type économiques et éthiques. Dans le premier cas, il s’agit d’un appel au boycott
d’un théâtre à cause de la hausse drastique de ses tarifs et dans le second cas, un prospectus
dénonce la présence d’une marque de dentifrice en Birmanie ou révèle la pratique de
l’expérimentation animale au sein des usines de l’entreprise.

253
Influençabilité aux
normes

Type de message
incitatif au
boycott

Participation Probabilité Comportement


attendue au de boycott de boycott
boycott Probabilité
attendu de succès

Efficacité perçue
de la •Substituabilité
participation
•Préférence pour le
personnelle
produit boycotté

Figure 44 : Modèle de prise de décision du consommateur concernant la participation à un boycott, Sen,


Gürhan-Canli et Morwitz (2001)

Les résultats valident globalement le modèle : cela confirme bien la dimension sociale d’un
boycott, ainsi que l’importance du coût dans la décision d’y participer.

1.2.2 Le modèle de Klein, Smith et John (2004)

Klein, Smith et John (2004) s’intéressent aux motivations d’un individu à participer à un
boycott. Ce qui déclenche le processus de décision, c’est qu’une entreprise commet une faute.
Le consommateur juge alors cette action, et plus elle lui paraît grave, plus il sera susceptible
de boycotter l’entreprise en question. Cependant, quatre variables affectent également la
décision de boycott, comme indiqué sur la figure 45 :
- La variable « faire changer les choses » désigne l’efficacité perçue du boycott pour
contraindre l’entreprise à changer de comportement.
- La variable « valorisation personnelle » (self-enhancement) représente le sentiment de
culpabilité du consommateur à ne pas participer au boycott ou au contraire le bien-être
ressenti lorsqu’il y participe. Cette dimension reflète donc l’importance accordée par le
consommateur au regard extérieur, sa sensibilité aux normes sociales.

254
- La variable « contre arguments » englobe les différentes motivations possibles du
consommateur à ne pas participer au boycott : la participation individuelle au boycott n’a
pas d’impact sur la réussite de celui-ci, boycotter une entreprise nuit à ses salariés et
profite aux concurrents étrangers.
- La variable « coût du boycott » mesure la fréquence avec laquelle le consommateur
achetait jusqu’à présent le produit visé par le boycott. Cet ensemble mesure donc le degré
de préférence du consommateur pour le produit boycotté et représente le coût de la
participation individuelle au boycott.
Ces variables représentent les différents freins et motivations du consommateur qui
interviennent dans sa décision de boycotter une entreprise. Ces paramètres sont supposés agir
sur le consommateur par deux chemins différents : (1) en agissant directement sur la décision
de boycott et (2) en modérant le lien entre le jugement du consommateur et sa décision.

Action de Gravité perçue Décision de boycott Image de la


l’entreprise marque

Motivations et freins
Faire changer les
choses
Valorisation
personnelle (être
conforme à la
pression sociale)

Contre arguments
(boycott fait plus de
mal que de bien)
Coût du boycott

Figure 45 : Modèle des motivations à participer à un boycott, Klein, Smith et John (2004)

Au final, le boycott affecte l’image de marque des produits de l’entreprise boycottée. Le


modèle est testé sur un échantillon de consommateurs anglais à l’occasion d’un boycott en
cours dans le pays. Cette étude s’est donc basée sur un cas réel et non sur une manipulation
expérimentale. L’entreprise en question est une multinationale spécialisée dans le domaine
alimentaire, ayant décidé de fermer deux usines sur le territoire britannique.

255
Les résultats confirment globalement les hypothèses. Les motivations les plus fortes sont
« faire changer les choses » et « contre arguments » en effet direct et « coût du boycott » et
« valorisation personnelle » en effet modérateur

Cette étude montre l’intérêt de s’intéresser aux variables individuelles intervenant dans la
décision de participer un boycott. Les auteurs montrent en effet que sur l’échantillon de 1213
personnes, 96% étaient au courant de la fermeture des usines, 81% ont condamné cet acte,
mais que 16% seulement ont participé au boycott (voir figure 46). Le jugement du
consommateur est donc un mauvais indicateur de sa décision de boycotter. Il faut
impérativement prendre en compte les freins et motivations des individus pour pouvoir
prédire leur comportement sur ce sujet.

Connaissance de l’acte Désapprobation, Participation au


condamnable de gravité perçue boycott
l’entreprise

96% 81% 16%

Figure 46 : Mise en évidence de l’écart entre le jugement éthique du consommateur et son comportement
individuel, Klein, Smith et John (2004)

1.3 Pistes de recherches suggérées

Dans cette section, nous dégagerons les pistes de recherche suggérées par la littérature sur la
consommation verte et le boycott. Nous commencerons par identifier de façon globale les
variables qu’il semble pertinent de prendre en compte dans la modélisation de la CSR. Enfin,
nous proposerons une première formalisation très générale de la CSR à partir des pistes de
recherches identifiées précédemment.

1.3.1 Intégrer la notion de préoccupation socialement responsable

Les travaux sur la consommation verte sont basés sur la notion de préoccupation pour
l’environnement. Ce concept, représentant les attitudes d’un individu à l’égard de la
protection de l’environnement, est considéré comme un déterminant important du

256
comportement du consommateur en la matière. De nombreuses recherches ont adopté le
schéma générique décrit par Giannelloni (1998). Etant donné les proximités conceptuelles
entre la notion de consommation verte et notre champ de recherche, nous pensons qu’il est
probable que le comportement du consommateur suive des fonctionnements voisins dans les
deux cas.
Ce raisonnement nous incite à penser que le comportement du consommateur socialement
responsable est probablement lui aussi influencé par la préoccupation globale du
consommateur sur les aspects sociaux et environnementaux. En référence aux travaux sur la
PPE, nous proposons donc d’introduire la notion de préoccupation socialement responsable
(PSR). Cette variable permettrait ainsi de représenter le degré avec lequel le consommateur se
sent concerné par les aspects socialement responsables de sa consommation et semble prêt à
agir selon ces critères…Il paraît en effet évident que certains consommateurs soutiennent
davantage les causes sociales et environnementales que d’autres. Tous les travaux cherchant à
identifier les déterminants sociodémographiques et psychologiques de la CSR soutiennent
cette logique. La littérature sur la consommation verte invite donc à créer une variable
mesurant le degré de préoccupation socialement responsable du consommateur et à considérer
l’impact de cette variable sur le comportement du consommateur.

1.3.2 Intégrer les facteurs situationnels et les variables de motivations et de freins

Les travaux sur le boycott adoptent une optique globale. Ils prennent en compte à la fois les
paramètres situationnels influençant la décision de participer au boycott, mais aussi les
motivations et freins personnels intervenant dans le processus.

Nous pensons que cette vision globale peut s’adapter au cas plus général de la CSR. En effet,
il semble réaliste d’intégrer des variables situationnelles dans le processus de décision du
consommateur en matière de CSR. On peut en effet se douter que certains contextes de
consommation induiront des réactions plus marquées des consommateurs et que ce
phénomène fonctionne pour chacune des dimensions de la CSR. Pour prendre quelques
exemples, il paraît probable que certaines pratiques d’entreprises seront jugées plus
condamnables que d’autres et donc davantage sanctionnées ou encore que certaines opérations
de produits partage toucheront plus d’autres et seront suivies avec plus d’ampleur. Nous
pensons donc qu’il est pertinent de retenir cet aspect.

257
Concernant la deuxième catégorie de variables, les travaux de Klein, Smith et John (2004)
appliqués au boycott montrent à quel point il est nécessaire de prendre en compte les variables
personnelles ou situationnelles jouant le rôle de motivateurs ou de freins. Dans leur étude,
81% des personnes interrogées condamnent l’entreprise ayant commis une faute mais
seulement 16% d’entre elles décident de participer au boycott.
L’écart entre le jugement du consommateur et son comportement semble tout aussi important
sur le domaine global de la CSR. La littérature sur ce sujet et notre étude exploratoire
montrent l’existence de nombreux freins à la CSR : coût de la CSR, problèmes d’information,
difficulté de savoir quel est le bon comportement à adopter, centre de contrôle externe… De
même, trois grandes motivations ont été identifiées pour expliquer le comportement de CSR :
exprimer ses valeurs, agir en accord avec soi-même et l’envie de faire changer les choses. Il
paraît donc tout à fait justifié d’intégrer les freins et motivations rencontrés par le
consommateur dans le cas de la CSR.

1.3.3 Synthèse : première proposition de formalisation du comportement du consommateur


en matière de CSR

Les travaux de modélisation portant sur la consommation verte et le boycott suggèrent donc
d’intégrer à la fois les paramètres situationnels et les freins et motivations rencontrés par le
consommateur. Ils incitent de plus à envisager la notion de préoccupation socialement
responsable.
De façon plus précise, les travaux nous ont conduits à proposer une première ébauche de
modèle théorique. Celle-ci est présentée en figure 47.

Le fonctionnement proposé s’inspire directement des travaux de Sen, Gürhan-Canli et


Morwitz (2001) et de Klein, Smith et John (2004) sur le boycott. Il reprend l’idée de l’impact
de variables situationnelles en amont du processus de décision du consommateur et
l’intervention à posteriori de freins et motivations.

Concernant les variables situationnelles, nous retenons la notion de gravité perçue proposée
par Klein, John et Smith (2004). En effet, il semble logique de penser que plus une situation
de consommation paraît critique au regard des aspects sociaux et environnementaux, plus elle
incite le consommateur à s’engager. Par contre, les deux autres variables situationnelles

258
proposées par Sen, Gürhan-Canli et Morwitz (2001) ne semblent pas transposables au cas de
la CSR. En effet, le type de message appelant au boycott, ainsi que la participation attendue
sont spécifiques à la dimension collective du boycott et donc inadaptées pour le cadre plus
général de la CSR.

Concernant le bloc des « freins et motivations », les variables identifiées dans les travaux sur
le boycott semblent transposables au cas plus global de la CSR. Sen, Gürhan-Canli et
Morwitz (2001) et Klein, Smith et John (2004) intègrent dans leur modèle le coût du boycott,
l’efficacité de l’action individuelle et l’influençabilité aux normes sociales. La littérature sur
la CSR et notre étude exploratoire montrent à quel point le coût est décisif dans la décision du
consommateur responsable. De plus, le rôle déterminant de la sensibilité aux normes sociales
et du sentiment de compétence personnelle sur la CSR a été plusieurs fois démontré
(Anderson et Cunningham, 1972 et Anderson, Hénion et Cox, 1974, Webster, 1975, Antil,
1984, Roberts, 1995).
Klein, John et Smith (2004) introduisent dans leur modèle un frein supplémentaire : l’idée que
l’individu perçoit parfois le boycott comme un acte faisant plus de mal que de bien. Cet
élément semble applicable au cas de la CSR. En effet, notre étude exploratoire a mis en
évidence le fait que certains individus doutent parfois de la meilleure conduite en matière de
CSR. Les effets négatifs de certains actes d’achats, paraissant à priori socialement
responsables les freinent à adopter les comportements en question.
Dans le bloc des « freins et motivations », nous ajoutons la notion de préoccupation
socialement responsable des individus. La littérature sur la consommation verte suggère de
considérer son impact sur le comportement de CSR. Cette variable reflète la disposition à agir
du consommateur en faveur des causes sociales et environnementales et représente ainsi son
degré de motivation à consommer de façon socialement responsable. En ce sens, elle rentre
tout à fait dans la catégorie des « freins et motivations ».
Comme le suggère le modèle de Klein, Smith et John (2004), nous faisons intervenir les
variables de freins et de motivations à la fois comme déterminants directs du comportement
du consommateur et comme modérateurs du lien entre son jugement et son comportement.

259
VARIABLES SITUATIONELLES
-(Type de message) Achat
socialement
-(Participation attendue)
responsable
-Gravité perçue
-…

MOTIVATIONS ET FREINS
-Coût de l’achat socialement
responsable
-Sensibilité aux normes sociales
-Efficacité perçue de l’action
individuelle
-Contre arguments: achat SR fait
plus de mal que de bien.
-Préoccupation socialement
responsable
-…

Figure 47 : Première formalisation de la CSR issue des travaux portant sur la consommation verte et le
boycott.
( ) : variables non pertinentes dans le contexte de consommation

Etudions maintenant les modèles établis pour la prise de décision du manager face à un
dilemme éthique et les enseignements que nous pouvons en tirer.

2. LES MODELES DE PRISE DE DECISION ETHIQUE DU MANAGER

Dans cette seconde section, nous allons présenter les différents modèles représentant la
réaction d’un individu face à une situation professionnelle ayant un enjeu éthique. Nous
évoquerons ainsi les modèles de Trevino (1986), Dubinski et Loken (1989), Ferell et Gresham
(1985), Hunt et Vitell (1986) et Jones (1991). Nous étudierons également le modèle de Rest
(1986), conçu pour toute situation éthique rencontrée par un individu. Plutôt que de décrire
successivement ces différentes contributions, nous préférons adopter une approche globale et
dégager les idées principales développées par les auteurs. Nous aborderons trois points

260
majeurs : la séquence de raisonnement de l’individu, la notion de dilemme éthique et
l’influence des variables personnelles et situationnelles. Concernant le dernier thème, nous
développerons plus particulièrement les travaux de Jones (1991) puisqu’ils serviront de
référence à notre modélisation de la CSR. Comme pour la première section, nous
synthétiserons les pistes suggérées dans un dernier temps. Le descriptif complet des 6
modèles traités est présenté en annexe 10.

2.1 La séquence de raisonnement éthique de l’individu

2.1.1 Quatre étapes de raisonnement : Rest (1986)

Rest (1986) propose un modèle en quatre séquences pour décrire la prise de décision éthique
d’un individu et son comportement. Tout d’abord, l’individu doit reconnaître que la situation
dans laquelle il se trouve présente un enjeu éthique. Cette étape fondamentale est
incontournable pour s’engager dans le processus de décision éthique. Dans un second temps,
l’agent moral formule un jugement, puis établit son intention d’action et enfin agit. Rest
(1986) présente ces quatre composants du raisonnement comme des éléments bien distincts et
insiste sur le fait qu’un niveau d’éthique élevé en début du processus ne préjuge pas d’un
comportement éthique en final. Dans les travaux empiriques, le jugement éthique a souvent
été assimilé à l’étape de développement cognitif et moral de l’individu, notion développée par
Kohlberg (1976), et Rest (1979, 1986)48.
Ces quatre séquences de raisonnement ont été reprises dans différents modèles de décision
éthique du manager, notamment ceux de Hunt et Vitell (1986) et Jones (1991). Dubinski et
Loken (1989) et Ferrell et Gresham (1985) n’envisagent que les dernières étapes du
processus.

2.1.2 Deux antécédents au jugement éthique : Hunt et Vitell (1986)

Dans la description du raisonnement éthique des individus, les travaux de Hunt et Vitell
(1986) font également figure de référence. Ce modèle49 identifie deux grandes influences au
jugement éthique de l’individu : les évaluations déontologiques et téléologiques. De plus, ce

48
Le développement cognitif et moral (CMD) des individus représente le processus par lequel les individus
acquièrent avec le temps une compréhension de plus en plus fine des obligations morales de la société.
S’appuyant sur les travaux de Piaget (1965, 1970) sur la socialisation des enfants, Kohlberg (1969) modélise le
CMD par une progression en trois étapes : préconventionnelle, conventionnelle, postconventionnelle.
49
Ce modèle a déjà été présenté au chapitre 3, en section 3.1.1

261
fonctionnement a été validé pour le cas du consommateur par Marks et Mayo (1991) et
Vitell, Shinghapkdi et Thomas (2001).

La figure 48 représente la séquence de raisonnement éthique du manager faisant face à un


enjeu éthique.

Évaluations Évaluations
déontologiques téléologiques

Reconnaissance d’un Jugement moral Intention morale Action


enjeu moral

Figure 48 : Séquence du raisonnement éthique d’un individu, Rest (1986) et Hunt et Vitell (1986)

2.2 La notion de dilemme éthique

Plusieurs modèles de décision éthique ont été construits pour décrire la réaction du manager
face à un dilemme éthique (Ferrell et Gresham, 1985, Trevino, 1986, Hunt et Vitell, 1986).
Les auteurs concernés ne précisent pas réellement ce qu’ils entendent par cette notion. Leurs
travaux se focalisent essentiellement sur le processus de décision du manager sans détailler
plus en avant dans quelles circonstances ce processus se met en place. Ce point nous semble
néanmoins important.
Nous avons donc cherché à mieux comprendre ce qui signifiait cette notion. Le petit Robert
définit la notion de dilemme comme « une alternative concernant deux propositions contraires
ou contradictoires et entre lesquelles on est mis en demeure de choisir ». L’utilisation de ce
terme par les auteurs cités plus haut renvoie donc à une situation ayant un enjeu éthique et
face à laquelle le manager a le choix entre deux actions.
Les travaux de Marks et Mayo (1991) éclairent la notion de dilemme éthique en fournissant
une définition plus précise de ce terme. Il s’agit d’une situation où l’individu fait face à deux
actions qui rentrent en conflit l’une avec l’autre : l’une permet de satisfaire ses propres désirs
mais va à l’encontre des intérêts d’autrui, et l’autre engendre des conséquences positives pour
les différentes parties prenantes mais se fait au dépend de l’intérêt personnel. Pour résumer,
« la décision de satisfaire ses propres désirs va à l’encontre des intérêts des autres, et vice
versa », Marks et Mayo (1991).

262
La notion de dilemme éthique renvoie donc à une situation où le critère éthique suppose de
renoncer à la solution que l’on aurait spontanément envie de choisir. Dans cette logique,
l’éthique va donc à l’encontre des intérêts personnels.

Cette façon de penser semble particulièrement réaliste. En effet, si la solution qui permet de
maximiser le bien-être personnel est aussi la plus éthique, alors il n’y a pas d’intérêts
particuliers à étudier le processus de décision de l’individu concerné. En effet, le choix est
automatique et on ne peut pas isoler l’impact des aspects éthiques. A l’inverse, les situations
de type « dilemme » semblent beaucoup plus courantes et donnent lieu à un choix impliquant
de l’individu concerné. C’est donc pour ce genre de situation que les modèles de prise de
décision éthique du manager prennent tout leur sens. L’intérêt est alors de comprendre ce
qui pousse les individus à agir dans un sens plutôt qu’un autre.

2.3 L’influence des variables personnelles et situationnelles

Les modèles de prise de décision éthique du manager englobent l’impact de paramètres


personnels et situationnels. Etudions les différentes variables étudiées par les auteurs

2.3.1 Les variables personnelles

Les modèles de Hunt et Vitell (1986), Ferrell et Gresham (1985) et Trevino (1986) intègrent
l’influence des variables personnelles dans le processus de prise de décision éthique du
manager. Pour Ferrell et Gresham (1985), la décision est influencée par les connaissances,
valeurs, attitudes et intentions de l’individu. Cependant, l’auteur ne détaille pas le contenu de
chacune de ces variables.
Hunt et Vitell (1986) modélisent l’influence de « l’expérience personnelle » en amont du
jugement éthique du manager. Cependant, ici encore, le modèle ne précise pas ce que sous-
tend précisément cette variable.
Trevino (1986) fait intervenir les variables individuelles comme modérateur du lien entre
jugement éthique et comportement. Plus précisément, le fait d’avoir un fort caractère, une
autonomie par rapport au travail et un centre de contrôle interne provoquent un lien plus direct
entre le jugement éthique et le comportement.

263
2.3.2 Les variables situationnelles

• le contexte culturel et organisationnel


La plupart des modèles de prise de décision éthique du manager postule un effet significatif
du contexte d’action sur l’individu.
Hunt et Vitell (1986) distinguent trois sphères d’influence : l’environnement culturel,
industriel et organisationnel. Pour Ferrell et Gresham (1985), les facteurs organisationnels
regroupent l’influence des pairs (significant others) et les codes de conduite instaurés par
l’entreprise. En plus de ces deux facteurs, Trevino (1986) suggère également de considérer
l’influence des caractéristiques du travail en lui-même.
Jones (1991) évoque, lui aussi, l’importance des facteurs organisationnels, mais focalise son
attention sur un autre type de variables situationnelles que nous allons maintenant présenter.

• La notion d’intensité éthique : le modèle de Jones (1991)

Le grand apport du modèle de Jones (1991), c’est qu’il introduit la notion d’intensité éthique
de la situation. En effet, selon cet auteur, la prise de décision d’un individu face à un enjeu
moral dépend en grande partie de la caractéristique de la situation en elle-même. Il développe
donc un modèle contingent de la prise de décision éthique du manager où les caractéristiques
de la situation jouent un rôle déterminant. La notion clé est celle d’intensité éthique et
désigne « l’impératif moral d’une situation » (Jones, 1991).
L’intensité éthique permet, en quelque sorte, de décrire le niveau d’éthique de la situation.
Cette notion est donc totalement indépendante de l’individu prenant la décision.

Jones (1991) postule que l’intensité éthique inclut les six dimensions suivantes :
- l’ampleur des conséquences : c’est la somme des maux ou des bénéfices qu’un acte moral
ou qu’une situation génère sur des tiers.
- le consensus social : c’est le degré d’accord de la société sur le fait qu’un acte est bon ou
mauvais.
- la probabilité des effets : c’est la probabilité pour que l’acte en question ait lieu et que cet
acte génère les maux (ou bénéfices) prédits.
- la proximité temporelle (temporal immediacy) : c’est la période s’écoulant entre le présent
et le moment où les conséquences d’un acte « moral » se manifesteront. Plus cette période de
temps est petite, plus la proximité temporelle est élevée.

264
- la proximité : c’est le sentiment de proximité sociale, culturelle, psychologique ou physique
que l’agent moral ressent vis-à-vis des victimes (ou des bénéficiaires) de l’acte en question.
- la concentration des effets : c’est le degré avec lequel un acte touche un petit nombre
d’individus. Plus les personnes affectées par un acte sont nombreuses, plus la concentration
est faible.

Chacune de ces dimensions est liée positivement au degré d’intensité éthique d’une situation.
Toute augmentation d’un composant est le signe d’une hausse du niveau d’éthique global.
Ainsi, une intensité maximale correspond à une situation ayant des conséquences
importantes, que la société s’accorde à condamner, que ces conséquences soient immédiates
ou aient de fortes probabilités d’arriver, ces conséquences touchant un petit nombre de
personnes dont on se sent proche (voir figure 49).

Ampleur des conséquences


+
Consensus social
+
Probabilité des effets
+
Intensité éthique
+
Proximité temporelle

+
Proximité

+
Concentration des effets

Figure 49 : Dimensions de l’intensité éthique, Jones (1991)

Jones (1991) place la notion d’intensité éthique au cœur de son modèle. Le processus décrit
est relativement simple : il reprend les quatre séquences du raisonnement éthique et postule
l’influence de l’intensité éthique sur chaque étape. Ainsi, plus une situation à un degré
d’éthique élevé, plus il y a de chance pour que l’individu reconnaisse un enjeu éthique, et plus
son jugement, son intention et son comportement seront moraux.
En résumé, pour Jones (1991), la clé du processus de décision éthique du manager réside
avant tout dans les caractéristiques de la situation.

265
La figure 50 représente le modèle final50.

Intensité éthique

Reconnaître un Comportement
Jugement moral Intention morale
enjeu moral moral

Facteurs
organisationnels

Figure 50 : Modèle de Jones (1991)

Le modèle de Jones (1991) a eu un impact considérable dans la littérature de l’éthique des


affaires. Il a inspiré de nombreux travaux empiriques et semble aujourd’hui constituer une
référence pour modéliser la prise de décision éthique du manager.

Etudions maintenant les pistes de réflexion suggérées par les modèles de prise de décision
éthique.

2.4 Synthèse

Cette section s’est attachée à décrire le schéma global de raisonnement du manager face à un
dilemme éthique. Les modèles de prise de décision éthique du manager ne sont pas appliqués
au domaine de la consommation. Il semble néanmoins possible de transposer certains
mécanismes au cas de la CSR. En effet, cette démarche a déjà été effectuée par Marks et
Mayo (1991) et Vitell, Singhapakdi et Thomas (2001). Ces auteurs ont testé une partie du
modèle de Hunt et Vitell (1986) dans un contexte de consommation et cette adaptation leur
semble naturelle :
« Il semble possible que les managers et les consommateurs résolvent les dilemmes éthiques
en utilisant des processus similaires” (Marks et Mayo, 1991).

50
Jones (1991) inclut dans son modèle l’influence des facteurs organisationnels, mais développe très peu cet
aspect en comparaison avec l’intensité éthique.

266
Les points principaux dégagés dans cette deuxième section conduisent donc à suggérer que le
comportement du consommateur en matière de CSR suit le schéma, reproduit en figure 51.

Jugement
éthique
Reconnaissance Comportement
Intensité éthique (évaluations Intention
d’un enjeu éthique éthique
déontologiques
éthique et téléologiques)

(Facteurs Facteurs
organisationnels) personnels

Figure 51 : Synthèse des modèles de prise de décision éthique du manager, appliquée à la CSR.
( ) : variables non pertinentes dans le contexte de consommation

Le fonctionnement proposé est assez proche de celui de Jones (1991) et reprend l’idée de
l’impact de l’intensité éthique de la situation de consommation sur les quatre étapes de
raisonnement proposé par Rest (1986).
Ce modèle de synthèse présente plusieurs similarités avec notre première ébauche théorique.
Tout d’abord, il reconnaît l’influence des variables situationnelles en amont du processus de
décision du consommateur. La notion de gravité perçue est ici remplacée par le concept plus
élaboré d’intensité éthique. Notons que cette notion paraît tout à fait adaptée au contexte de
consommation. Les six dimensions identifiées par Jones (1991) semblent en effet
transposables à n’importe quelle situation éthique.
Le modèle de la figure 51 reprend également l’idée de l’impact des paramètres personnels en
aval du processus de décision. Sur ce point, les variables proposées par les modèles de
décision éthique du manager sont peu détaillées et peu adaptées au cas de la consommation.

L’apport original de la synthèse proposée dans cette section par rapport à la première ébauche
théorique réside essentiellement dans la prise en compte des quatre étapes de raisonnement de
l’individu : reconnaissance d’un enjeu éthique, jugement éthique, intention éthique et
comportement. Cette séquence fut modélisée par Rest (1986) pour n’importe quelle situation
éthique. Elle est donc de fait applicable au contexte du consommateur.

267
En première section de ce chapitre, l’étude de la littérature sur la consommation verte et le
boycott nous a permis de dégager quelques propositions de recherche générales sur le
fonctionnement de la CSR. En seconde section, l’analyse des modèles de décision éthique du
manager nous ont aussi conduits à élaborer un schéma de fonctionnement possible pour
décrire le processus de décision du consommateur en matière de CSR.
Il convient maintenant de faire une synthèse de toutes ces pistes de recherche pour élaborer le
modèle théorique final.

3. PRESENTATION DU CADRE THEORIQUE

Dans cette section, nous proposons un modèle permettant de décrire le comportement du


consommateur en matière de CSR.
Le cadre théorique retenu sera présenté en trois temps. D’abord, nous présenterons et
justifierons le modèle théorique. Dans un second temps, nous préciserons le cadre
d’application de ce modèle. Les hypothèses de recherche seront développées dans un dernier
temps.

3.1 Présentation du modèle

L’association des pistes de recherche issues de la littérature de la consommation verte et du


boycott d’une part et des modèles de prise de décision éthique du manager d’autre part nous à
conduits à élaborer le modèle de prise de décision du consommateur en matière de CSR
présenté en figure 52.

268
Intensité éthique de la Intention de consommer
Reconnaissance Jugement éthique de façon socialement
situation de d’un enjeu éthique
consommation responsable

Freins et motivations:
-Coût de l’achat SR
-Tendance à la CSR

Figure 52 : Proposition d’un modèle de prise de décision du consommateur en matière de CSR.

3.1.1 Le modèle de Jones (1991) adapté au cas de la CSR

Les deux champs de littérature présentés dans ce chapitre suggèrent de prendre en compte
l’impact des variables situationnelles en amont du processus de décision du consommateur.
Le modèle retenu applique donc ce fonctionnement. Plus précisément, nous adoptons la
notion d’intensité éthique développée par Jones (1991). En effet, cette variable composite
permet de décrire de façon générale le niveau d’éthique de la situation rencontrée par le
consommateur. Cette notion a été largement validée pour le cas du manager et semble pouvoir
s’adapter facilement au cas de la consommation. Appliqué au cas particulier du boycott, cette
notion correspond à la gravité de la faute commise par l’entreprise victime du boycott. En ce
sens, notre modèle permet de généraliser le fonctionnement décrit par Klein, Smith et John
(2004) au cas global de la CSR.

Le modèle retenu propose que le raisonnement du consommateur suit les séquences décrites
par Rest (1986). En effet, ce processus a été intégré dans différents modèles majeurs de prise
de décision éthique du manager, dont ceux de Hunt et Vitell (1986) et Jones (1991). Le
fonctionnement décrit par Rest (1986) semble donc faire l’objet d’un relatif consensus. Nous
postulons ici qu’il peut s’appliquer au cadre de la consommation. Cependant, nous
n’intégrons pas la dernière des quatre étapes prévues par ce processus. En effet, la mesure du

269
comportement réel du consommateur nécessitant des moyens dont nous ne disposons pas51,
nous choisissons donc de retenir la séquence suivante : reconnaissance d’un enjeu éthique/
jugement éthique / intention de CSR.

La modélisation de l’impact de l’intensité éthique sur les différentes séquences de


raisonnement de l’individu correspond au modèle de Jones (1991). Le fonctionnement que
nous proposons pour décrire le comportement du consommateur en matière de CSR s’inspire
donc très largement de ce modèle. Ce choix fut guidé en grande partie par le fait que le
fonctionnement décrit semble adapté au cas de la CSR. De plus, ce modèle fait désormais
figure de référence dans le champ de la prise de décision éthique du manager.

3.1.2 L’impact des « freins et motivations »

La revue de la littérature effectuée en première partie de ce travail doctoral a montré qu’il


existe des freins importants dans le domaine de la CSR : manque de volonté éthique, l’effet
marché, le manque de confiance envers l’entreprise, le rôle des convictions de contrôle, le
manque d’information, les coûts de la CSR etc. De même, trois catégories de motivations sont
généralement proposées pour expliquer la CSR : agir pour faire changer les choses, exprimer
ses valeurs et être en accord avec soi-même. La plupart de ces freins et motivations ont été
retrouvés dans notre étude qualitative exploratoire.
La volonté de construire un modèle intégrateur de la prise de décision du consommateur en
matière de CSR nous a donc conduit à ajouter ces freins et motivations au modèle de Jones
(1991).

Sur ce point précis, nous nous sommes inspirés des travaux sur le boycott, et plus
particulièrement de la modélisation proposée par Klein, Smith et John (2004). En effet, ces
auteurs font intervenir les variables représentant les freins et motivations dans leur modèle de
boycott. Ces paramètres influencent le consommateur par deux chemins différents : (1) en
agissant directement sur la décision de boycott et (2) en modérant le lien entre le jugement du
consommateur et sa décision finale.

51
La mesure du comportement réel du consommateur nécessiterait de travailler sur des panels ou bien de
disposer d’un laboratoire d’expérimentation.

270
Ne pouvant faire intervenir l’ensemble des freins et des motivations à la CSR sous peine
d’obtenir un modèle non testable, nous avons retenu deux paramètres offrant une bonne
représentativité de toutes ces variables: le coût de l’achat socialement responsable et la
tendance à la CSR.

Concernant le premier paramètre, il nous semblait en effet indispensable de faire intervenir le


coût du choix socialement responsable sur la décision du consommateur. Ici, le coût est
entendu au sens global et représente tous les sacrifices que le consommateur doit consentir
pour consommer de façon responsable. Cette notion englobe donc les aspects financiers, le
manque de disponibilité des produits éthiques, le fait de devoir renoncer aux produits que l’on
préfère…. La littérature montre bien l’importance de ces éléments dans la décision du
consommateur : de nombreuses personnes ne pratiquent pas une CSR à cause des sacrifices
qu’elle requiert. De même, les travaux spécifiques au boycott intègrent systématiquement
cette variable.
Dans notre modèle, le coût de la CSR représente en quelques sortes les freins situationnels à
l’achat socialement responsable. Autrement dit, il reflète la facilité de l’achat socialement
responsable pour le contexte de consommation étudié.

Nous avons également souhaité intégrer à notre modèle l’ensemble des freins et motivations à
la CSR liés à la personnalité de l’individu. En effet, un certain nombre de variables qui
incitent ou dissuadent le consommateur à s’engager dans ses achats semble lié au caractère de
celui-ci. Citons par exemple le cas des convictions de contrôle, de la confiance accordée aux
initiatives éthiques des entreprises, du besoin de s’exprimer à travers sa consommation, ou
encore de la volonté de s’affirmer à travers celle-ci.

Nous avons montré que la littérature sur la consommation verte intègre l’ensemble de ces
paramètres personnels dans la notion de préoccupation pour l’environnement. Cette variable
représente la disposition des individus à s’engager dans leur consommation, et reflète
l’attitude à l’égard de la CSR. En ce sens, elle offre un indice résumant l’importance relative
des freins et des motivations du consommateur à l’égard de la consommation écologique.
En ce sens, nous suggérons d’introduire la notion de préoccupation socialement responsable
(PSR) , symétrique de la PPE pour le cas de la CSR. Ce concept permettrait de synthétiser les
freins et motivations individuels à la CSR dans un indicateur global.

271
Dans notre modèle, nous proposons d’utiliser notre échelle de CSR comme mesure de la PSR
des individus. En effet, celle-ci correspond à la tendance générale de l’individu à consommer
de façon socialement responsable. Plus précisément, elle mesure la force avec laquelle
l’individu essaie de pratiquer une CSR. En ce sens, elle représente les préoccupations
socialement responsables du consommateur et son attitude globale à l’égard de la CSR.

Les deux variables ajoutées au modèle de Jones (1991) sont donc des variables composites.
Le coût mesure pour chaque situation de consommation la facilité de l’achat socialement
responsable et résume les freins situationnels à la CSR. La tendance à la CSR, quant à elle,
mesure les habitudes des individus en matière de CSR et résume, à nos yeux, les freins et
motivations personnels à la CSR. En suivant la modélisation de Klein, Smith et John (2004),
nous postulons que ces deux variables agissent à la fois de façon directe et indirecte sur la
décision finale du consommateur

Il convient maintenant de préciser le cadre d’application de ce modèle.

3.2 Le cadre d’application : le dilemme éthique du consommateur

Le modèle théorique élaboré cherche à représenter le processus de décision du consommateur


en matière de CSR. Plus précisément, le fonctionnement proposé s’applique au
consommateur faisant face à un dilemme éthique. Ceci signifie que l’individu doit choisir
entre deux stratégies d’achats différentes. Le choix non socialement responsable lui permet de
maximiser son bien-être personnel mais néglige les aspects éthiques. A l’inverse, le choix
socialement responsable présente un coût et demande donc certains sacrifices de la part de
l’acheteur.
Le modèle décrit donc une situation où le consommateur est placé devant un dilemme : il doit
choisir entre son intérêt personnel et les critères éthiques.

Nous avons choisi d’appliquer notre modèle au cadre du dilemme éthique pour différentes
raisons :
- Tout d’abord, comme nous l’avons déjà expliqué précédemment, il n’y a pas d’intérêt à
étudier une situation où la maximisation de la satisfaction personnelle converge avec le
respect de l’éthique. Dans ce cas, le choix de l’individu est évident, et il est impossible de

272
cerner l’impact des aspects éthiques dans la décision du consommateur. Le choix final du
consommateur n’est donc pas un choix que l’on peut qualifier d’éthique.
- De plus, les situations de type dilemme semblent les plus représentatives de la réalité. La
littérature et notre étude qualitative exploratoire montrent que la CSR demande certains
sacrifices de la part du consommateur: surcoût financier, nécessité de se déplacer dans
certains magasins, de renoncer à un certain plaisir à l’achat…Le concept même de CSR
renvoie directement à la notion d’efforts.
- Enfin, en retenant la notion de dilemme, nous retenons la conceptualisation de Sen,
Gürhan-Canli et Morwitz (2001). Ces auteurs modélisent le boycott comme un dilemme
social où le consommateur doit arbitrer entre son bien-être personnel et l’intérêt collectif.
Ces travaux suggèrent donc de travailler sur la notion de dilemme éthique pour le cas plus
global de la CSR. De plus, en faisant ce choix, nous nous plaçons dans la lignée des
modèles de prise de décision éthique du manager.

Maintenant que nous avons présenté le modèle théorique choisi pour représenter la prise de
décision du consommateur en matière de CSR, ainsi que son cadre d’application, nous
pouvons développer les hypothèses correspondant à ce modèle.

3.3 Présentation des hypothèses

Le modèle que nous proposons pour décrire le raisonnement du consommateur en matière de


CSR et que nous souhaitons tester est présenté en figure 53. Il se décompose en neuf
hypothèses de recherche que nous allons maintenant développer.

273
Coût perçu de
l’achat SR

H’ 9 H’ 7

H’ 5

H’ 4

Intensité éthique Reconnaissance Jugement éthique Intention de


d’un enjeu éthique H’ 2 CSR
H’ 3 H’ 1

H’ 8 H’ 6

Tendance à la CSR

Figure 53 : Modèle de prise de décision du consommateur en matière de CSR et hypothèses


correspondantes

3.2.1 Hypothèses concernant l’adaptation du modèle de Jones (1991)

Les cinq premières hypothèses correspondent à l’adaptation du modèle de Jones (1991) au


cadre de la consommation. D’après cet auteur, face à une situation ayant un enjeu éthique, le
raisonnement de l’individu suit les différentes étapes modélisées par Rest (1986) et chacune
de ces étapes est influencée par l’intensité éthique de la situation. Nous avons montré que ce
raisonnement nous semblait adapté au cas de la CSR.

Dans notre modélisation, l’individu est placé dans une situation où il a le choix entre deux
alternatives: le choix de consommation socialement responsable et le choix de consommation
non socialement responsable. Le jugement éthique représente le degré avec lequel le
consommateur émet un jugement éthique positif sur le choix de consommation socialement
responsable.

Conformément aux travaux de Rest (1986), nous postulons que plus un individu identifie un
enjeu éthique lourd dans une situation de consommation, plus le choix de CSR lui paraît

274
éthique en comparaison avec le choix non socialement responsable. De même, plus l’individu
émet un jugement éthique positif sur une action, plus il est susceptible de choisir cette action.
Ce raisonnement se traduit dans les deux hypothèses suivantes :

H’1: La reconnaissance d’un enjeu éthique dans une situation de consommation influence
positivement le jugement éthique du choix de consommation socialement responsable.

H’2: Le jugement éthique influence positivement l’intention de consommation socialement


responsable

Concernant l’impact de l’intensité éthique, nous reprenons la modélisation proposée par Jones
(1991). Nous postulons donc que plus l’intensité éthique d’une situation est élevée :
- plus l’individu reconnaît un enjeu éthique
- plus le choix de consommation socialement responsable lui paraît éthique (et plus le choix
de consommation non socialement responsable lui paraît non éthique)
- plus il a l’intention d’adopter le choix de consommation socialement responsable.

Cela nous amène à formuler les trois hypothèses de recherche suivantes :

H’3 : L’intensité éthique d’une situation influence positivement la reconnaissance d’un enjeu
éthique

H’4 : L’intensité éthique d’une situation de consommation influence positivement le


jugement éthique du choix de consommation socialement responsable

H’5: L’intensité éthique d’une situation de consommation influence positivement l’intention


de consommer de façon socialement responsable.

3.2.2 Hypothèses concernant les freins et motivations

Les hypothèses H’6, H’7, H’8 et H’9 correspondent à l’impact des freins et motivations dans
le processus de décision du consommateur. Comme le suggèrent les travaux de Klein, Smith
et John (2004), nous postulons que ces variables interviennent directement sur la décision

275
finale du consommateur et agissent aussi comme modérateurs du lien entre le jugement
éthique du consommateur et l’intention de CSR.

Concernant les liens directs, il semble évident de penser que dans un dilemme éthique, la
tendance globale de l’individu à la CSR agit positivement sur son intention de CSR.
Autrement dit, une personne fortement préoccupée par les causes sociales et
environnementales sera plus susceptible d’opter pour le choix de CSR en comparaison avec
les individus non préoccupés par ces mêmes aspects.
Nous formulons donc l’hypothèse H’6 :

H’6: La tendance à la CSR influence positivement l’intention de consommer de façon


socialement responsable.

Concernant le coût, nous postulons que plus les sacrifices demandés par l’achat socialement
responsable sont élevés, moins le consommateur est prêt à opter pour ce choix de
consommation. Ce mécanisme a été mis en évidence à de multiples reprises dans la littérature
sur la CSR. Nous formulons donc l’hypothèse H’7 :

H’7 : Le coût perçu de l’achat socialement responsable influence négativement l’intention de


consommer de façon socialement responsable.

Concernant les liens indirects, la formalisation proposée par Klein, Smith et John (2004) nous
semble pertinente. Elle revient à penser que les freins et motivations de l’individu modèrent la
force du lien entre jugement éthique et décision du consommateur. Dans cette vision, le
jugement éthique de l’individu est influencé uniquement par l’intensité de la situation, et ce
jugement se traduit plus ou moins dans les actes de l’individu selon le coût de l’achat SR et
son attitude à l’égard de la CSR.

Ainsi, plus l’individu a tendance à pratiquer la CSR, moins il a de freins personnels envers
cette forme de consommation, et donc plus son jugement éthique se répercute sur son
comportement final. Cette idée correspond à l’hypothèse H’8 :

276
H’8 : L’influence du jugement éthique d’une situation de consommation sur l’intention de
consommer de façon socialement responsable est plus forte pour les individus ayant une forte
tendance à la CSR que pour les individus ayant une faible tendance à la CSR.

De même, plus le coût de l’achat socialement responsable est élevé, moins le jugement
éthique du consommateur ne se répercute sur son comportement. Cette idée correspond à
l’hypothèse H’9 :

H’9 : L’influence du jugement éthique d’une situation de consommation sur l’intention de


consommer de façon socialement responsable est plus forte pour les individus percevant un
faible coût à l’achat socialement responsable que pour les individus percevant un fort coût à
l’achat socialement responsable.

277
Synthèse du chapitre 7 :

Ce chapitre a été consacré à l’élaboration d’un modèle de prise de décision du consommateur


en matière de CSR. Ne pouvant nous inspirer de travaux existants sur ce thème précis, nous
nous nous sommes appuyés de façon complémentaire sur deux champs de littérature : les
travaux portant sur les comportements spécifiques de CSR et les modèles de prise de décision
éthique du manager.

Dans un premier temps, l’étude des travaux de modélisation de la consommation verte et du


boycott nous a amenés à formuler une première ébauche de cadre théorique. Le schéma
proposé postule l’impact de deux grands blocs de variables : les variables situationnelles
intervenant en amont du processus de décision du consommateur d’une part, et les freins et
motivations personnelles agissant dans la suite du processus d’autre part. Plus précisément,
les travaux sur la consommation verte suggèrent de prendre en compte les préoccupations
socialement responsables du consommateur au sein de cette deuxième catégorie de variables.

Dans un second temps, nous avons effectué une synthèse des pistes de réflexion proposées par
les modèles de prise de décision éthique du manager. Les travaux de ce champ de recherche
incitent à envisager le raisonnement de l’individu comme une séquence en quatre étapes :
reconnaissance d’un enjeu éthique/ jugement moral/ intention morale/ action. Les modèles
proposés suggèrent également de prendre en compte à la fois les variables personnelles et
situationnelles. Sur ce deuxième point, les travaux de Jones (1991) introduisant la notion
d’intensité éthique font figure de référence. Enfin, les recherches menées s’appliquent au
cadre du dilemme éthique et ce choix nous paraît fondamental.

Le croisement des pistes de réflexion suggérées par ces deux champs de littérature nous ont
conduits à élaborer un modèle de prise de décision du consommateur face à un dilemme
éthique. Le fonctionnement proposé s’inspire largement des travaux de Jones (1991), mais
intègre également les freins et motivations intervenant dans le processus de décision. A cette
occasion, nous pensons que l’échelle de CSR que nous avons créée offre un bon indicateur
des paramètres personnels. De plus, il nous paraît incontournable d’inclure à notre modèle les
freins situationnels à la CSR. Puisque nous modélisons la réaction du consommateur face à un
dilemme éthique, le choix de CSR présente un coût qu’il convient de mesurer.

278
Le modèle ainsi obtenu intègre à la fois des facteurs personnels et situationnels et permet ainsi
de respecter la recommandation formulée par Marks et Mayo (1991). Le fonctionnement
proposé se décline en neuf hypothèses de recherche.

Les deux derniers chapitres de ce travail doctoral seront consacrés au test du modèle théorique
élaboré. Plus précisément, le chapitre 8 décrira les choix opérationnels concernant la mise en
œuvre du modèle et le chapitre 9 présentera les résultats obtenus.

279
280
CHAPITRE 8

MISE EN PLACE DU TEST DU MODELE THEORIQUE

Ce chapitre est consacré à la description des aspects méthodologiques concernant le test du


modèle de CSR élaboré. Pour tester les hypothèses formulées, nous avons utilisé une
méthodologie expérimentale. En effet, le modèle de Jones (1991) postule l’impact de
l’intensité éthique en amont du processus de décision du consommateur. Cette variable n’étant
pas liée aux caractéristiques du répondant, il nous a paru nécessaire de la manipuler au
préalable en créant plusieurs scénarios. Les différents questionnaires créés correspondaient à
différents niveaux d’intensité éthique.
Les contributions académiques ayant mis en œuvre l’intensité éthique utilisent toutes la
méthode des scénarios (Weber, 1993, Morris et MacDonald, 1995, Singer, 1996, Vitell et
Kraft, 1996, Harrington, 1997, Singer et Singer, 1997, Davis, Johnson et Ohmer, 1998,
Singer, Mitchell et Turner, 1998, Chia et Mee, 2000, Shinghapakdi, Frey, 2000, Tsalikis,
Seaton et Shepherd, 2001, May et Pauli, 2002, Paolillo et Vitell, 2002, Carlson, Kacmar et
Wadsworth, 2002, Tan, 2002, Shaw, 2003). Cette technique semble donc incontournable pour
le test du modèle de Jones (1991). En comparaison avec une situation librement imaginée par
l’individu, elle offre l’avantage de standardiser le stimulus envoyé aux répondants et de
rendre la prise de décision plus réelle (Alexander et Becker, 1978). De plus, Hunt et Vitell
(1986) jugent que l’utilisation de scénarios est souhaitable pour les recherches portant sur le
marketing éthique.

Ce chapitre a pour vocation de décrire dans le détail les choix méthodologiques effectués
concernant la dernière collecte de données (n=826) de cette recherche doctorale.
Elle se structure en trois parties.
Dans une première section, nous présenterons le plan expérimental retenu. Nous
expliquerons les choix concernant la manipulation de l’intensité éthique ainsi que la décision
de tester ce modèle sur deux facettes de la CSR : la préoccupation pour les pratiques des
entreprises et la défense du petit commerce.

281
Dans un second temps, nous décrirons les différentes étapes de la construction du
questionnaire. Ceci nous amènera à détailler l’élaboration des scénarios et le choix des
différents outils de mesure.
Enfin, la troisième partie portera sur la phase de collecte des données et précisera à la fois le
mode d’administration choisi et les caractéristiques de l’échantillon utilisé (n=826).

La figure 54 récapitule la progression suivie au cours de ce chapitre.

Chapitre 8: Mise en place du test du modèle théorique

1. Présentation du 2. Construction du
plan expérimental + + 3. Collecte des données
questionnaire

Figure 54 : Plan du chapitre 8

1. PRESENTATION DU PLAN EXPERIMENTAL

Dans cette partie, nous présenterons d’abord la manipulation de l’intensité éthique effectuée,
puis nous exposerons les dimensions de la CSR choisies pour le test du modèle théorique.

1.1 La manipulation de l’intensité éthique

1.1.1 Pourquoi manipuler le niveau d’intensité éthique ?

L’intensité éthique représente globalement le niveau d’éthique de la situation. Elle constitue


une variable cruciale du modèle théorique élaboré pour décrire la prise de décision du
consommateur en matière de CSR. En prévision des analyses statistiques menées
ultérieurement pour tester les hypothèses H1’ à H9’, nous avons jugé préférable de créer
plusieurs scénarios représentant différents niveaux d’éthique. En effet, l’administration d’un

282
scénario unique engendrait le risque d’obtenir peu de variété dans le jugement de l’intensité
éthique de la part des répondants. Ainsi, afin d’assurer une certaine variance dans la
perception du niveau éthique dans les réponses collectées, nous avons manipulé le niveau
d’intensité éthique.
La littérature ne suggère pas d’effet non linéaire de l’intensité éthique sur la prise de décision
de l’individu. Dans un souci de simplicité, il nous a donc paru suffisant pour cette première
étude de ne créer que deux traitements : une version du scénario traduisait un niveau
d’intensité éthique fort et une autre version du même scénario décrivait un niveau
d’intensité éthique faible. Ces deux versions sont respectivement appelées IE + et IE -.

1.1.2 Le choix des dimensions de l’intensité éthique manipulées

L’intensité éthique est un construit global représentant « l’impératif moral d’une situation »
(Jones, 1991). Elle est composée de six dimensions : l’ampleur des conséquences, le degré de
consensus social, la probabilité des effets, la proximité temporelle, la proximité vis-à-vis des
parties prenantes et la concentration des effets.
Jones (1991) place à priori toutes ces dimensions au même niveau, et chaque variation d’une
des composantes affecte directement l’intensité éthique globale. La création de scénarios
traduisant cette notion d’intensité éthique devrait idéalement utiliser l’ensemble des six
dimensions. Ainsi, pour notre cas, la version forte du scénario devrait décrire une situation
présentant des conséquences importantes ayant de fortes probabilités d’arriver, proches dans
le temps, affectant un petit nombre de personnes dont on se sent proche et dont l’aspect
condamnable (ou louable) est unanimement reconnu. A l’inverse, la version faible devrait
correspondre à un niveau faible de chacune de ces six composantes.
Cependant, dans cette recherche, nous n’avons choisi de ne manipuler que deux dimensions
de l’intensité éthique. Ce choix fut guidé par les travaux ayant testé le modèle de Jones (1991)
pour le cas du manager, et corroboré par une réflexion sur l’adaptation des dimensions de
l’intensité éthique au cadre de la consommation.

• Les dimensions mises en avant par la littérature sur la prise de décision du


manager
La plupart des recherches ayant mis en œuvre le concept d’intensité éthique ne font varier que
deux ou trois dimensions, comme le montre le tableau 40. Dans ce cas, les scénarios créés se

283
distinguent sur certains aspects de l’intensité éthique, et sont neutres sur d’autres. Dans cette
idée, les travaux montrent que certaines dimensions sont plus déterminantes que d’autres sur
le jugement de l’intensité éthique globale et sur les autres variables du modèle de Jones
(1991), à savoir la reconnaissance d’un enjeu éthique, le jugement éthique, et l’intention de
l’individu. Ainsi, un consensus semble émerger en faveur de l’ampleur des conséquences, du
consensus social et de la proximité avec les parties prenantes.

Auteurs (année) Dimensions de l’IE Dimensions de l’IE les +


Variables dépendantes
testée significatives

Morris et McDonald Toutes -Jugement éthique - Ampleur des


(1995) conséquences
-Consensus social
Singer (1996) -Ampleur des - Jugement éthique -Ampleur des
conséquences conséquences
-Consensus social
-Probabilité des effets
Singhapakdi, Vitell Toutes -Reconnaissance d’un enjeu - Ampleur des
et Kraft (1996) éthique conséquences
-Intention - Consensus social
- Proximité temporelle
- Probabilité des effets
- Concentration des effets

Harrington (1997) -Consensus social - Jugement éthique -Consensus social


- Intention
Singer et singer - Ampleur des - Jugement de l’intensité éthique - Ampleur des
(1997) conséquences conséquences
-Consensus social -Consensus social
-Probabilité des effets
-Proximité temporelle
Davis, Johnson et - Ampleur des - Jugement de l’intensité éthique - Consensus social
Ohmer (1998) conséquences - Jugement éthique
- Consensus social
-Proximité avec les
parties prenantes

Singer, Mitchell et - Ampleur des - Jugement de l’intensité éthique - Ampleur des


Turner (1998) conséquences conséquences
-Consensus social - Consensus social
-Probabilité des effets
-Proximité temporelle
Chia et Mee (2000) Toutes -Reconnaissance d’un enjeu -Ampleur des
éthique conséquences
-Consensus social

Frey (2000) Toutes -Reconnaissance d’un enjeu - Ampleur des


éthique conséquences
-Jugement éthique - Consensus social
-Intention

284
Carlson, Kacmar et - Probabilité des effets - Jugement éthique -Proximité avec les parties
Wadsworth (2002) -Concentration des prenantes
effets
-Proximité avec les
parties prenantes
May et Pauli (2002) Toutes -Reconnaissance d’un enjeu -Ampleur des
éthique conséquences
-Jugement éthique -Probabilité des effets
-Intention -Proximité avec les parties
prenantes
-Proximité temporelle
-Consensus social
Paolillo et Vitell Toutes -Intention Non précisé
(2002)
Tarn (2002) -Ampleur des -Intention - Ampleur des
conséquences conséquences
-Consensus social -Consensus social
-Probabilité des effets
-Proximité temporelle

Shaw (2003) -Ampleur des - Jugement éthique -Ampleur des


conséquences conséquences
-Consensus social -Consensus social
-Proximité avec les -Proximité avec les parties
parties prenantes prenantes

Tableau 40 : Synthèse des résultats des tests empiriques du modèle de Jones (1991) pour la prise de
décision du manager

De façon générale, c’est l’ampleur des conséquences qui semble la plus fortement reliée à
l’intensité éthique. Les trois autres dimensions de l’intensité éthique, la proximité temporelle,
la concentration et la probabilité des effets ont en général des influences moins significatives
dans les analyses.

• L’adaptation au cas du consommateur


Les trois dimensions mises en avant par la littérature sur le manager semblent bien adaptées
au cadre d’analyse de la consommation.
En effet, l’ampleur des conséquences semble être un élément majeur dans la prise de décision
du consommateur : plus une situation engendre d’externalités négatives (positives) sur la
société, plus elle sera sanctionnée (encouragée) par les consommateurs. Le consensus social
joue lui aussi un rôle primordial. Dans le cas des derniers boycotts comme dans celui de
Danone (2002), certains consommateurs ont jugé que le boycott de l’entreprise était injuste
car les dirigeants de l’entreprise n’avaient pas d’autres choix que de licencier. A l’inverse,
dans le cas du boycott de TotalFinaElf, il est plus difficile de prendre la défense des dirigeants
et de douter de leur responsabilité dans le naufrage de l’Erika. Nous pensons donc que le
consensus social est une dimension importante dans le contexte de la CSR.

285
La proximité temporelle et la proximité avec la cible nous semblent également pertinentes
pour le cadre des enjeux éthiques de la consommation. La plupart du temps, le consommateur
réagit plus vivement lorsque la situation a des conséquences sur la société ou sur
l’environnement à court terme, et lorsqu’il se sent proche de la cible affectée (personnes,
organisation, environnement physique) par le dilemme éthique.

En suivant ces conclusions, nous avons décidé de manipuler l’intensité éthique à l’aide de
deux composantes: l’ampleur des conséquences et la proximité avec les parties prenantes. La
version forte de l’intensité éthique décrira une situation ayant des retombées importantes et
qui touchent le consommateur de près. A l’inverse, la version faible présentera un dilemme
éthique ayant un impact moindre et sans conséquences personnelles pour l’individu.
Il est important de noter que notre objectif était de manipuler le niveau d’intensité éthique
global. Ce raisonnement nous a donc conduits à faire varier les différentes dimensions de
l’intensité éthique dans le même sens. Cette démarche se distingue en cela des recherches
s’intéressant à la contribution des différentes composantes de l’intensité éthique sur le
jugement éthique du consommateur.
La figure 55 résume notre choix concernant la manipulation de l’intensité éthique.

Ampleur des conséquences Proximité avec les parties


prenantes
Version IE+ Forte Forte
Version IE- Faible Faible

Figure 55 : Manipulation de l’intensité éthique

Etudions maintenant les facettes de la CSR sur lesquelles nous allons tester le modèle.

1.2 Les facettes de la CSR étudiées

Le modèle élaboré a pour ambition de décrire de façon générale la prise de décision du


consommateur en matière de CSR. Il est valable pour n’importe quel type de dilemme éthique
rencontré par l’individu dans ses achats. En ce sens, le modèle que nous avons bâti s’applique
à toutes les facettes de la CSR. L’échelle de CSR construite au cours de ce travail doctoral a

286
mis en évidence cinq facteurs : le refus d’acheter aux entreprises irresponsables, l’achat de
produits partage, la défense des petits commerces, la préférence pour les produits domestiques
ou régionaux et la volonté de limiter son volume de consommation.

Un plan factoriel complet nécessiterait de tester les deux niveaux d’intensité éthique pour les
cinq dimensions de la CSR, soit 2x5=10 traitements. Afin de limiter la taille du plan
expérimental, seules deux dimensions de l’échelle de CSR ont été retenues. En effet, il nous a
paru préférable de tester rigoureusement le modèle pour deux applications, plutôt que
d’étudier les cinq dimensions de la CSR, au risque de disposer d’échantillons très réduits pour
chaque cas d’analyse.

Plusieurs critères ont été retenus pour choisir les deux dimensions de la CSR étudiées. Tout
d’abord, il nous a semblé nécessaire d’inclure la première dimension de notre échelle
représentant le refus d’acheter à des entreprises irresponsables. En effet, une grande partie des
travaux sur lesquels nous nous appuyons portent sur la modélisation du boycott (Sen, Gürhan-
Canli, Morwitz, 2001, Klein, Smith et John, 2002). Il nous paraît important de pouvoir
comparer nos résultats avec ces travaux. D’autre part, le refus d’acheter à des entreprises
irresponsables représente la dimension la plus importante de notre échelle (32% de variance
restituée sur 63,7%), et bien souvent la consommation socialement responsable est assimilée à
cette facette. Il semblait donc primordial de tester le modèle pour cette dimension de la CSR.
Concernant le choix de la deuxième dimension, nous avons pensé qu’il fallait choisir une
dimension de l’échelle de CSR ayant une faible corrélation avec le premier facteur. Afin de
pouvoir généraliser le modèle testé et puisque nous choisissons de ne pas tester l’ensemble
des dimensions, il convient de choisir une dimension bien différente de la préoccupation pour
les pratiques des entreprises. Cet argument nous a ainsi conduit à rejeter le deuxième facteur
de l’échelle représentant l’achat de produits partage. Il était également nécessaire de
considérer le pourcentage de variance restituée par les facteurs de l’échelle, puisque ce chiffre
représente en quelque sorte l’importance relative de chaque facette.
D’autre part, nous avons pris en compte la facilité avec laquelle il était possible de faire
varier l’intensité éthique du scénario et le fait que cela soit plausible pour le consommateur.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous avons décidé de sélectionner le 3ème facteur de notre
échelle, correspondant à la préférence pour le petit commerce.

287
Au final, le plan expérimental retenu est de type 2 x 2, correspondant à deux niveaux
d’intensité éthique (fort/ faible) appliqué à 2 facettes de la CSR (refus d’acheter aux
entreprises irresponsables / défense du petit commerce). En tout, 4 scénarios ont donc été
créés, comme le représente la figure 56.

Intensit é éthi que

Fort Fai ble

Refus d ’acheter
aux entreprises
irresponsables X
Facettes de la X
CSR étudiées

Défense des X X
petits commerce

Figure 56 : Plan expérimental retenu

Maintenant que nous avons présenté le plan expérimental retenu pour le test du modèle
théorique, nous allons décrire plus en détail les mesures adoptées pour mettre en oeuvre les
différentes variables intervenant dans le processus de décision du consommateur responsable.

2 CONSTRUCTION DU QUESTIONNAIRE

Dans cette partie, nous présenterons d’abord la façon dont nous avons élaboré et validé les
scénarios. Ensuite, nous décrirons les outils de mesure développés pour chacune des variables
du modèle théorique.

2.1 Création de quatre scénarios

Nous avons retenu deux facettes de la CSR pour le test empirique du modèle théorique: la
sensibilité aux pratiques des entreprises et la volonté de défendre le petit commerce. Le plan
expérimental retenu nous a conduits à créer deux scénarios pour chaque cas, un correspondant

288
à une intensité éthique forte et l’autre à une intensité éthique faible. Rappelons que les
scénarios devaient décrire une situation de dilemme éthique où le consommateur doit arbitrer
entre un achat répondant aux critères de responsabilité sociale mais requerrant certains
sacrifices, et un achat non socialement responsable plus avantageux d’un point de vue
personnel.
Les questionnaires devaient présenter des situations simples, tangibles et évocatrices pour les
répondants.

2.1.1 Les thèmes choisis

• Scénario pour la facette de la CSR liée aux pratiques des entreprises


Pour la première facette de la CSR, il s’agissait de créer un scénario mettant en scène une
entreprise ayant commis une faute. Plusieurs raisons nous ont incités à construire un scénario
portant sur une entreprise pétrolière distribuant du carburant en stations services :
- Tout d’abord, le carburant est un produit de consommation très commun. La grande
majorité des français dispose d’une voiture. Ainsi, la situation décrite permettait de rendre
la prise de décision très réelle pour la quasi-totalité des répondants.
- D’autre part, les groupes pétroliers sont régulièrement montrés du doigt pour leurs
pratiques condamnables : dégradation de l’environnement, présence dans des pays
politiquement critiquables (ex.: Birmanie), liens étroits avec les partis politiques…La mise
en scène d’une entreprise pétrolière ayant commis une faute semble donc tout à fait
plausible.
- Enfin, le scénario reproduit volontairement un boycott ayant déjà eu lieu en France, celui
de TotalFinaElf en 2000. La faute commise par l’entreprise, et le nom du groupe seront
bien évidemment différents. Nous pensons qu’ainsi, le scénario évoquera des souvenirs
concrets pour certains consommateurs et provoquera des réactions très proches de celles
obtenues si la situation de consommation était réelle.

Ainsi, pour cette facette de la CSR liée aux pratiques des entreprises, le scénario présentait le
cas d’une station service ayant commis un acte condamnable. Afin de choisir l’acte
condamnable en question, nous avons créé plusieurs situations différentes. Trois scénarios
représentant différents comportements peu responsables de la part de l’entreprise de station
service ont ainsi été élaborés. Il s’agissait respectivement :
- de licenciements sociaux alors que l’entreprise est leader sur son secteur,

289
- de rejets de déchets toxiques et polluants dans le milieu naturel,
- de présence de gaz toxiques dans la raffinerie principale mettant en danger la santé des
salariés exposés.
Les trois scénarios, présentés en annexe 11, ont été pré-testés auprès de 21 doctorants. Les
évaluations montrent que la situation décrivant le rejet de déchets toxiques dans le milieu
naturel est en moyenne celle qui semble la plus réaliste et la plus illustrative du comportement
socialement irresponsable des entreprises. Nous avons donc choisi ce scénario.

• Scénario pour la facette de la CSR liée à la défense du petit commerce


Pour la seconde facette de la CSR étudiée, il fallait créer un scénario illustrant le déclin des
petits commerces traditionnels face à l’arrivée des grandes surfaces. Nous avons opté pour un
bien de consommation très commun : le pain. Comme pour le premier scénario, ce choix a été
guidé par le souci de créer une situation paraissant réelle pour un maximum de répondants.
Les boulangeries traditionnelles représentent une part importante des petits commerces en
France et sont globalement présentes dans toutes les zones commerciales. Ainsi, en
comparaison avec les autres biens distribués en commerces traditionnels, le pain nous a
semblé le plus « universel ». Le questionnaire présentait donc le cas d’un conflit commercial
entre un hypermarché et les boulangeries traditionnelles.

Les arguments évoqués précédemment nous ont conduits à n’élaborer qu’un seul scénario. Le
pré-test auprès de 21 répondants montre cependant que la situation décrite est réaliste et tout à
fait illustrative du déclin des commerces traditionnels. De plus, l’ensemble des personnes
interrogées à ce stade ont déclaré consommer du pain, ce qui a conforté notre choix
concernant le sujet du scénario.

2.1.2 La matérialisation du coût du choix socialement responsable

Plusieurs choix étaient possibles pour matérialiser le coût de l’achat socialement responsable.
En effet, dans le modèle élaboré, cette variable représente de façon générale l’ensemble des
efforts requis par la CSR. Pour les scénarios, nous avons préféré ne pas utiliser l’aspect
financier de la CSR. En effet, si nous avions choisi d’exploiter cette perspective, le surcoût
qui aurait été requis par l’achat socialement responsable aurait été de 15% à 30% et aurait
représenter un écart de quelques dizaines de centimes d’euros pour les biens concernés, pain
et carburant. Bien que fondamental dans le quotidien des consommateurs, nous avons pensé

290
que ce différentiel de prix était insuffisamment impliquant pour des questionnaires auto
administrés. En effet, le biais de désirabilité sociale est important sur le sujet de l’étude et
nous avons pensé que les répondants déclareraient probablement trop fréquemment consentir
à payer le surcoût requis.
Pour cette raison, nous avons privilégié un aspect nous semblant plus impliquant pour les
répondants : la disponibilité des produits. La littérature et l’étude exploratoire menée montrent
que le fait de devoir se déplacer pour consommer de façon socialement responsable est un
frein important pour le consommateur.
Les scénarios décrivent donc une situation où le consommateur avait le choix entre un achat
non socialement responsable ne nécessitant pas d’effort particulier, et un achat socialement
responsable exigeant un déplacement physique de 5 km. Ainsi, pour la facette de la CSR liée
aux pratiques des entreprises, le questionnaire présente une situation où le consommateur
avait le choix entre une station service polluant l’environnement, située à proximité de son
domicile et une station service à priori non polluante localisée à 5 km du domicile sur un axe
routier qu’il n’emprunte jamais.
Pour la facette de la CSR liée à la défense du petit commerce, le scénario décrit une situation
où, pour acheter son pain, le consommateur a le choix entre un hypermarché situé à proximité
de son domicile, et une boulangerie traditionnelle localisée à 5 km du domicile sur un axe
routier qu’il n’emprunte jamais.
Dans les deux cas, il est précisé au répondant que le rapport qualité/prix est identique entre les
deux alternatives. Les pré-tests effectués nous ont incités à fixer une distance de 5 km,
déplacement qui semble à la fois important pour certains et négligeables pour les individus
socialement concernés.

2.1.3 La manipulation de l’intensité éthique

Pour chaque facette de la CSR, le scénario créé a été décliné en deux versions correspondant à
deux niveaux d’intensité éthique : forte et faible. La manipulation a été effectuée en utilisant
deux dimensions de l’IE: l’ampleur des conséquences et la proximité avec les parties
prenantes.
Ainsi, les scénarios correspondant à la version IE- décrivaient une situation présentant des
conséquences moindres par rapport à la version IE+. Dans la version faible, la situation est à
peine problématique, alors que dans la version forte, elle est plutôt grave. La manipulation a
été effectuée en jouant à la fois sur des données chiffrées et sur le vocabulaire employé. De

291
plus, dans la version IE +, il était précisé que la situation touchait personnellement deux amis
du consommateur mis en scène. Les versions faibles et fortes pour chacune des deux facettes
de la CSR sont reproduites en figures 57 et 58.
Les pré tests, bien qu’effectués sur un faible échantillon (n=21), ont indiqué que la version
forte des scénarios était bien jugée plus grave et touchant de plus près le lecteur que la version
faible.

292
Imaginez la situation suivante :

Vous possédez une voiture dont vous vous servez tous les jours pour aller au travail. Pour
faire le plein, vous avez le choix entre deux stations service situées à proximité de votre
domicile: Essence + et Petroltec. Les deux stations offrent des prix et une qualité de service
identiques. La station Essence + est la plus proche de votre domicile, et se trouve sur la route
que vous empruntez tous les jours pour vous rendre à votre travail. Faire le plein à la station
Essence + est le plus pratique pour vous. La station Petroltec se trouve à une distance de 5 km
de votre domicile et est située sur un axe routier que vous n'empruntez presque jamais. Pour
cette raison, vous faites habituellement le plein de carburants à Essence +, en vous rendant à
votre travail.

Version IE -

Le mois dernier, un scandale a éclaté au sujet de l'entreprise Essence +. Il apparaît que la


raffinerie principale de l'entreprise rejette occasionnellement une partie de ses déchets (eaux
de refroidissement, matières en suspension…) dans le milieu naturel. Ces déchets issus de la
raffinerie de produits hydrocarbures sont polluants et peuvent être toxiques s'ils sont émis en
grande quantité. Les mesures effectuées montrent que l'eau de la région concernée (ce n'est
pas la vôtre) a une teneur en hydrocarbures légèrement supérieure à la limite recommandée
par l'Organisation Mondiale de la Santé (0.35 mg/litre au lieu de 0.28 mg/l). Les études
montrent que les usagers sont exposés à des risques sanitaires au-delà de 0.45 mg/l.

Version IE +

Le mois dernier, un scandale a éclaté au sujet de l'entreprise Essence +. Il apparaît que la


raffinerie principale de l'entreprise rejette régulièrement ses déchets (eaux de refroidissement,
matières en suspension…) dans le milieu naturel. Ces déchets issus de la raffinerie de produits
hydrocarbures sont toxiques et très polluants. Les mesures effectuées montrent que l'eau de la
région concernée a une teneur en hydrocarbures très largement supérieure à la limite
recommandée par l'Organisation Mondiale de la Santé (0.55 mg/litre au lieu de 0.28 mg/l).
Les études montrent que les usagers sont exposés à des risques sanitaires au-delà de 0.45
mg/l. Cette information vous touche personnellement car deux amis à vous habitent tout près
de la raffinerie en question.

Figure 57 : Scénarios version IE+ et IE- pour la facette de la CSR liée aux pratiques des entreprises

293
Imaginez la situation suivante :

Vous habitez à 5 kilomètres d’une ville de taille moyenne (30.000 habitants). Le centre ville
compte une centaine de commerçants, dont 5 boulangeries. Voilà 2 ans qu’une nouvelle
grande surface, du groupe Hyper+, s’est implantée juste à coté de chez vous. Comme dans
n’importe quel hypermarché, on y trouve à peu près tout (alimentation, loisirs, bricolage,
fleurs, bijoux…). Pour faire vos courses, vous vous rendez dorénavant chaque semaine à
Hyper+. C’est de loin le plus pratique pour vous : Hyper+ est sur l’axe routier que vous
empruntez quotidiennement pour aller au travail, alors que le centre ville est dans la direction
opposée. Le pain vendu à Hyper+ étant au même prix et de même qualité qu’en boulangeries
traditionnelles, vous avez par exemple pris l’habitude d’acheter votre pain en grande surface
et de le congeler.

Version IE –

Le mois dernier, vous apprenez que depuis l’implantation d’Hyper+, les commerçants du
centre ville (que vous ne connaissez pas particulièrement) ont vu leur chiffre d’affaires global
baisser de 15%. Cette baisse concerne surtout les petits commerces spécialisés dans
l’alimentaire (poissonnerie, boucherie, fromagerie…). Pour l’instant, aucun magasin n’est
menacé de fermeture. Cependant, si le chiffre d’affaires global baissait de plus de 25%,
plusieurs commerçants (dont une boulangerie) seraient amenés à disparaître.

Version IE +

Le mois dernier, vous apprenez que depuis l'implantation d'Hyper+, les commerçants du
centre ville ont vu leur chiffre d'affaires global baisser de 30%. Cette baisse concerne surtout
les petits commerces spécialisés dans l'alimentaire (poissonnerie, boucherie, fromagerie…).
En tout, 6 commerçants (dont une boulangerie) sont menacés de fermeture à très court terme.
Ces nouvelles vous touchent particulièrement car deux de vos amis travaillent dans des
commerces de ce centre ville.

Figure 58 : Scénarios version IE+ et IE- pour la facette de la CSR liée aux petits commerces

2.2 Création d’échelles de mesure pour les différentes variables du modèle


2.2.1 Les variables à mesurer

En parallèle à l’élaboration des scénarios, nous avons construit des outils de mesure
correspondant aux différentes variables présentes dans le modèle. Dans le questionnaire, il
était nécessaire d’inclure des mesures des paramètres suivants :
- reconnaissance d’un enjeu éthique
- intention de CSR
- jugement éthique

294
- coût perçu de l’achat socialement responsable
- tendance à la CSR
- intensité éthique

La notion d’intensité éthique n’a pas été mesurée en tant que telle. Pour estimer ce construit
global, nous avons utilisé des mesures spécifiques de différentes composantes. Plus
particulièrement, nous avons intégré au questionnaire une mesure de l’ampleur des
conséquences et de la proximité avec la cause, puisque la manipulation portait sur ces deux
aspects. A titre exploratoire, nous avons également inclus une mesure du consensus social.
Celui-ci constitue une dimension majeure de l’intensité éthique (voir synthèse des recherches
en tableau 39). Nous avons pensé qu’il était possible d’obtenir une certaine variation dans
l’évaluation de ce construit de la part des répondants sans effectuer de manipulation. L’idée
était de disposer d’une mesure supplémentaire de l’intensité éthique globale de la situation,
afin de s’assurer d’une forte représentativité de ce concept.
La figure 59 représente les variables composant le modèle de CSR qui sera testé.

Coût perçu de
l’achat SR

Intensité éthique
Ampleur des Reconnaissance
conséquences Jugement éthique Intention de CSR
d’un enjeu éthique
Proximité avec la
cause
Consensus social

Tendance à la CSR

Figure 59 : Modèle opérationnel de prise de décision du consommateur en matière de CSR.

2.2.2 Les échelles de mesure créées

Pour mesurer la tendance à la CSR, nous avons déjà proposé d’utiliser l’échelle de CSR créée
précédemment. Celle-ci évalue l’intention de CSR et reflète l’attitude conative face à la CSR.

295
Elle paraît donc tout à fait adaptée pour estimer la propension générale du répondant à
consommer de façon responsable.
Pour les autres variables du modèle de CSR, nous avons étudié les travaux empiriques portant
sur le modèle de Jones (1991) afin de recenser les mesures utilisées par les chercheurs. La
revue de littérature montre qu’il n’existe pas d’instruments de mesure reconnus pour le test du
modèle (Carlson, Kacmar et Wadsworth, 2002). Les études adoptent des mesures ad hoc des
différents construits et il ne semble pas se dégager de travaux de référence à ce sujet.
En reproduisant cette démarche, nous avons donc créé des échelles adaptées à notre étude.
Cependant, nous nous sommes largement inspirés des outils de mesure développés dans les
travaux ayant testé le modèle de Jones (1991) listés dans le tableau 39. Les questions ont été
pré-testées auprès d’une dizaine de personnes. Cette étape nous a conduit à retravailler les
items jusqu’à obtenir un questionnaire simple, synthétique et permettant une bonne
compréhension pour le lecteur.
Le tableau 41 présente les échelles de mesure créées pour les différentes variables du modèle
de CSR.

Variable Echelle de mesure

Le scénario incite à se poser des questions sur l'endroit où acheter son carburant.
Reconnaissance Choisir entre Pétroltec et Essence + soulève des questions morales
Le choix entre Pétroltec et Essence + est un choix difficile car plusieurs critères
rentrent en compte.

D’un point de vue éthique, il vaudrait mieux ne pas acheter son carburant à Essence +.
Jugement Il est plus éthique d’acheter son carburant à Pétroltec qu’à Essence +.
Acheter son carburant à Essence + est moralement condamnable
D’un point de vue éthique, il vaudrait mieux acheter son carburant à Petroltec.

Quelle est la probabilité que vous achetiez votre carburant à Essence + lors de vos
Intention
prochains achats ?
A votre avis, où achèterez vous votre carburant à l’avenir?

Dans le scénario décrit, acheter son carburant à la station Pétroltec est coûteux en temps
Coût : Dans le scénario, il n’est pas pratique d’acheter son carburant à la station Pétroltec.
Dans le scénario présenté, je trouve qu’acheter son carburant à la station Pétroltec
demande beaucoup d’efforts

Ampleur des L’acte de Essence + est lourd de conséquences


conséquences L’acte de Essence + entraîne des conséquences graves
Quelle est l’ampleur des dommages causés par Essence + sur une échelle allant de 1 à
6?

296
En France, les gens pensent majoritairement que rejeter des déchets à base
d’hydrocarbures dans le milieu naturel est condamnable.
Consensus Tout le monde s’accorde à dire qu’il ne faut pas rejeter des déchets à base
social d’hydrocarbures dans le milieu naturel.
Face au scénario, la plupart des gens seraient d’accord avec l’idée qu’il faut dénoncer
les conséquences de l’acte de Essence +.

D’après le scénario, l’action de Essence + a des conséquences sur mes proches


Proximité avec les
(famille, amis..).
parties prenantes
Dans le scénario décrit précédemment, les conséquences de l’action de Essence + me
touchent de près.
Dans le scénario, je suis proche des personnes concernées par l’acte de Essence +.

Tableau 41 : Outils de mesure développés pour tester le modèle de CSR, pour la facette de la CSR liée aux
pratiques des entreprises.

Dans cette deuxième section, nous avons décrit la mise en œuvre du modèle théorique. En
tout, cette étape nous a conduits à créer quatre versions du questionnaire. Dans chaque cas, il
était demandé au répondant de lire le scénario, puis de répondre aux questions le plus
sincèrement possible. L’échelle de CSR était présentée de façon indépendante à la fin du
questionnaire. Le répondant devait donner son degré d’accord à chaque question sur une
échelle allant de 1 « pas du tout d’accord » à 6 « tout à fait d’accord ».
Deux versions du questionnaire sont présentées à tire illustratif en annexe 12.
Il convient maintenant d’aborder le thème de la collecte des données.

3. COLLECTE DES DONNEES

Dans cette section, nous présenterons d’abord le mode de collecte adopté, puis nous décrirons
l’échantillon obtenu.

3.1 Collecte par Internet

Cette dernière collecte de données, menée entre février et avril 2005, a été réalisée sous
format électronique. Ce choix fut guidé par la rapidité, la facilité et la relative fiabilité
qu’assurent les enquêtes sur Internet (Fox, Murray et Warm, 2003, Ganassali et Moscarola,
2004).
Les quatre versions du questionnaire ont été mises en ligne à l’aide du module Sphinxonline,
version 4.5. Chacune d’elles était hébergée sur le site du Sphinx mais disposait d’une adresse

297
Internet propre. Un mail présentant les 4 liens et invitant à répondre de façon aléatoire à une
seule des 4 versions a été envoyé à un cercle de connaissances élargi. Il invitait les répondants
à faire suivre les questionnaires auprès de leur entourage. De cette façon, nous avons collecté
853 réponses.
La répartition de l’échantillon sur les quatre versions du questionnaire est présentée dans le
tableau 42.

Niveau d’intensité
éthique Total
IE - IE+
Facette de CSR
Dimension 1 : Pratiques des
166 197 363
entreprises
Dimension 2 : Petits commerces 280 210 490

Tableau 42 : Répartition de l’échantillon total (n=853) sur les 4 versions du questionnaire

Pour une raison que nous ignorons, les réponses se sont orientées plus massivement sur les
versions portant sur les petits commerces (n=490) que sur celles traitant des pratiques des
entreprises (n=363). Par souci de simplicité, nous nommons respectivement les questionnaires
correspondant aux deux facettes de la CSR ‘dimension 1’ et ‘dimension 2’.

3.2 Description de l’échantillon (n = 826)

Comme recommandé par Hair et al. (1998), nous avons retiré de l’analyse tous les individus
aberrants : toutes les observations ayant une signification de moins de 0.001 sur le test de
Mahalanobis ont été supprimées. Cette démarche nous a conduits à rejeter 26 individus,
portant l’échantillon final à 826 réponses : 349 pour la dimension 1 et 477 pour la dimension
2.
Les caractéristiques des personnes interrogées en termes d’âge, de genre et de CSR sont
présentées dans le tableau 43. Sur ces critères, l’échantillon n’est pas représentatif de la
population française. Il est constitué en large majorité de jeunes personnes, occupant une
profession de type cadre. Les biais sont similaires à ceux de la première collecte de données
(n=507) également effectuée par Internet (voir tableau 17, section 3.1) et sont donc très
certainement liés au mode de collecte des données.

298
Descripteur Modalités
n=826
Homme 46,9 %
Genre Femme 53,1 %
< 20 ans 0,8 %
20 – 30 ans 52,3 %
31 – 40 ans 25,1 %
Age 41 – 50 ans 8,5 %
51 – 60 ans 9,6 %
61 – 70 ans 2,9 %
> 70 ans 0,8 %
Agriculteur 0,1 %
Commerçants, artisans, chef 2,7 %
d’entreprise
Cadre, prof. intellectuelle > 59,9 %
Prof. intermédiaire 6,8 %
Employé 11,5 %
CSP
Ouvrier 0,2 %
Retraité 4%
Inactif 2,5 %
Etudiant 12,2 %

Tableau 43 : Description de l’échantillon (n =826), en terme de genre, d’âge et de CSP.

299
Synthèse du chapitre 8 :

Ce chapitre fut consacré à la présentation de la méthodologie adoptée pour tester le modèle


théorique de prise de décision du consommateur en matière de CSR.
La première section traitait du plan expérimental retenu. L’intensité éthique étant liée aux
caractéristiques de la situation, il nous a semblé utile de manipuler cette variable afin de
garantir une variance importante au niveau des réponses obtenues. Nous avons donc décidé de
créer deux traitements à ce niveau : IE + et IE -. Les travaux empiriques ayant testé le modèle
de Jones (1991) montrent que certaines dimensions de l’intensité éthique sont plus
importantes que d’autres. En suivant les conclusions de ces recherches, et en s’interrogeant
sur les dimensions les plus pertinentes pour le cadre d’analyse du consommateur, nous avons
décidé de manipuler l’ampleur des conséquences et la proximité avec les parties prenantes. De
plus, si le modèle théorique élaboré est censé décrire le comportement du consommateur pour
toutes les facettes de la CSR, le test empirique ne portera que sur 2 dimensions de l’échelle de
CSR : la préoccupation pour les pratiques des entreprises et la défense des petits commerces.
Le plan expérimental adopté pour cette dernière collecte de données est donc de type 2 x 2.

L’étape méthodologique suivante consistait à créer les scénarios correspondant aux quatre
conditions étudiées et à développer des outils de mesure pour les différentes variables incluses
dans le modèle. Les scénarios retenus portent sur des biens de consommation communs afin
de rendre la mise en situation plus facile pour les répondants : le carburant et le pain. Des
dilemmes éthiques fort et faible ont été créés pour chacune des deux facettes de la CSR
étudiée. Un effort particulier a été porté sur l’homogénéité des scénarios entre la dimension 1
et la dimension 2, notamment dans la concrétisation du coût de l’achat socialement
responsable. Des échelles de mesure ont été créées pour les différentes variables incluses dans
l’analyse, en s’inspirant fortement des outils développés par les chercheurs ayant déjà travaillé
sur ce thème. Un pré-test effectué auprès de 21 personnes a confirmé à la fois la clarté du
questionnaire et la capacité des scénarios à représenter différents niveaux d’intensité éthique.

Finalement, les quatre versions du questionnaire ont été administrées par Internet auprès d’un
échantillon de convenance de 826 individus. La base de données finale comportait 349
observations pour le modèle lié aux pratiques des entreprises et 477 observations pour celui
lié aux petits commerces.

300
Ces précisions méthodologiques nous amènent naturellement à la dernière étape de ce travail
doctoral : le test du modèle. Les résultats obtenus seront présentés dans le chapitre 9.

301
302
CHAPITRE 9

RESULTATS DU TEST DU MODELE THEORIQUE

Les chapitres 7 et 8 nous ont conduits à élaborer un modèle théorique représentant le


comportement du consommateur en matière de CSR et à mettre au point les aspects
méthodologiques concernant le test empirique des hypothèses. Ce chapitre s’inscrit dans le
prolongement de ces deux séquences et sera consacré à la présentation des résultats du test du
modèle.
Le modèle théorique, rappelé en figure 60, est composé de neuf hypothèses, dont deux
hypothèses de modération (H’8 et H’9).
Coût perçu de
l’achat SR

H’ 9 H’ 7

H’ 5

H’ 4

Intensité éthique Reconnaissance Intention de


Jugement éthique
d’un enjeu éthique H’ 2 CSR
H’ 3 H’ 1

H’ 8 H’ 6

Tendance à la CSR

Figure 60 : Modèle théorique de prise de décision du consommateur en matière de CSR

Le modèle théorique sera testé de façon progressive: les analyses porteront d’abord sur des
sous-ensembles du modèle, puis sur le processus complet. La gradation suivie peut se résumer
en trois étapes :
-Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l’influence directe de l’intensité sur le
processus de décision du consommateur, ce qui correspond aux hypothèses H’3, H’4 et H’5.
- Par la suite, nous testerons une version partielle du modèle ne comprenant pas les deux liens
modérateurs, soit les hypothèses H’1 à H’7.

303
- Enfin, dans un dernier temps, nous étudierons les deux hypothèses de modérations H’8 et
H’9. Cette étape nous permettra finalement d’évaluer le modèle dans son ensemble.

Il est nécessaire de rappeler que le modèle doit être testé pour deux facettes de la CSR : la
préoccupation concernant les pratiques des entreprises et le soutien aux petits commerces. Les
trois séquences d’analyse seront donc menées simultanément pour ces deux applications,
respectivement nommées ‘dimension 1’ (n=349) et ‘dimension 2’ (n=477).

La structure de ce chapitre reproduira la progression suivie dans les analyses. Dans une
première section, nous évaluerons l’impact de l’intensité éthique sur le consommateur à
l’aide de tests de comparaison de moyennes. Dans un second temps, nous présenterons les
résultats du test du modèle partiel par la technique des équations structurelles. Cette méthode
sera également utilisée pour la dernière étape concernant le test des variables modératrices et
du modèle complet.
Les caractéristiques psychométriques des échelles ayant servi pour les analyses sont
présentées en annexe 13. De plus, les données de cette dernière collecte sont décrites en
annexe 14.

La figure 61 récapitule la progression suivie au cours de ce chapitre.

Chapitre 9 : Résultats du test du modèle théorique

1. Test de l’impact de 2. Test du modèle hors 3. Validation finale du


+ +
l’intensité éthique variables modératrices modèle

Figure 61 : Plan du chapitre 9

304
1. TEST DE L’IMPACT DE L’INTENSITE ETHIQUE

Cette partie sera consacrée au test des hypothèses H’3, H’4 et H’5 liées à l’impact de
l’intensité éthique sur la reconnaissance d’un enjeu éthique, sur le jugement éthique et
l’intention de CSR du répondant. Pour cela, nous effectuerons des tests de comparaison de
moyennes entre les individus ayant reçu la version IE+ et ceux ayant reçu la version IE-. Au
préalable, il convient de s’assurer que la manipulation de l’intensité éthique a bien fonctionné.

1.1 Vérification de la manipulation de l’intensité éthique

L’intensité éthique a été manipulée à travers deux dimensions : l’ampleur des conséquences et
la proximité avec les parties prenantes. La version IE – décrivait une situation ayant à priori
des conséquences moins graves et touchant de moins près le consommateur par rapport à la
version IE +. Il est cependant nécessaire de vérifier que les répondants ayant lu la version IE –
ont bien jugé la situation moins problématique d’un point de vue éthique que les lecteurs de la
version IE +. Pour cela, nous avons effectué des tests de comparaison de moyennes, dont les
résultats sont présentés dans les tableaux 44 et 45.

Dimension 1 : Pratiques des entreprises


Var.
expliquées
Ampleur des Intensité
Répartition Proximité
conséquences éthique*
Var.
explicatives
157 (45%) IE - -,181 -,525 -,409
Version IE - 192 (55%) IE + ,148 ,429 ,334
/ IE + Test F 9,58 101,33 55,26
significativité 0,002 0,000 0,000

Tableau 44 : Test de comparaison de moyennes de l’ampleur des conséquences et de la proximité selon la


version du scénario reçu pour la dimension 1 (n= 349).
* : l’intensité éthique correspond ici au score obtenu par une analyse en composantes principales effectuée
sur l’ampleur des conséquences et la proximité (le consensus social, 3ème dimension de l’IE mesurée dans
les questionnaires, n’avait pas été manipulé et n’est donc pas intégré à ces analyses)

305
Dimension 2 : Petits commerces
Var.
expliquées
Ampleur des Intensité
Répartition Proximité
conséquences éthique*
Var.
explicatives
273 (57,2 %) IE - -,084 -,42 -,292
Version IE - 204 (42,8 %) IE + ,095 ,55 ,391
/ IE + Test F 3,81 140,21 61,31
significativité 0,052 0,000

Tableau 45 : Test de comparaison de moyennes de l’ampleur des conséquences et de la proximité selon la


version du scénario reçu pour la dimension 2 (n=477)
* : l’intensité éthique correspond ici au score obtenu par une analyse en composante principale effectuée
sur l’ampleur des conséquences et la proximité (le consensus social, 3ème dimension de l’IE mesurée dans
les questionnaires, n’avait pas été manipulé et n’est donc pas intégré à ces analyses)

Les résultats des tests de Fisher sont identiques pour la dimension 1 et la dimension 2. Ils
indiquent que la manipulation a très bien fonctionné en ce qui concerne la proximité avec les
parties prenantes. Par contre, pour ce qui est de l’ampleur des conséquences, l’écart de
jugement entre ceux ayant lu la version IE+ et ceux ayant lu la version IE- est significatif
mais relativement faible. Ainsi, le jugement de la gravité de la situation est faiblement
influencé par la version du scénario reçu.
Au global, il y a bien un écart significatif de la perception du niveau d’intensité éthique
globale entre les répondants de la version IE- et ceux de la version IE-

1.2 Test de H’3, H’4 et H’5 par comparaison de moyennes

Dans cette section, nous testons les hypothèses concernant l’impact de l’intensité éthique sur
la reconnaissance d’un enjeu éthique, sur le jugement éthique et l’intention de CSR du
répondant, comme le représente la figure 62. Pour cela, nous utiliserons des tests de
comparaison de moyennes.

306
H’ 5

H’ 4

Intensité éthique Reconnaissance Jugement éthique Intention de


d’un enjeu éthique CSR
H’ 3

Figure 62 : Hypothèses testées dans la section 1.2 par comparaison de moyennes :


Hypothèses non testées dans cette section

1.2.1 Impact de la manipulation de l’intensité éthique

Les hypothèses H’3, H’4 et H’5 postulent que le niveau d’intensité éthique d’une situation
influence positivement la reconnaissance d’un enjeu éthique, le jugement éthique et
l’intention éthique. Nous nous attendons donc à ce que le groupe ayant reçu la version IE+
(n1= 157 et n2=273) ait en moyenne un score plus élevé sur ces trois variables par rapport à
celui ayant reçu la version IE- (n1=192, n2=204). Les résultats des analyses ANOVA sont
présentés dans les tableaux 46 et 47.

Dimension 1 : Pratiques des entreprises


H’3 H’4 H’5
Var.
expliquées Reconnaissance
Jugement Intention de
Répartition d’un enjeu
éthique CSR
Var. éthique
explicatives
157 (45%) IE - -,113 -,023 -,116
Version IE - 192 (55%) IE + ,093 ,019 ,095
/ IE + Test F 3,68 ns 3,88
significativité 0,056 0,05

Tableau 46 : Test de comparaison de moyennes de la reconnaissance d’un enjeu éthique, du jugement


éthique et de l’intention de CSR selon la version du scénario reçu pour la dimension 1( n=349)

307
Dimension 2 : Petits commerces
H’3 H’4 H’5
Var.
expliquées Reconnaissance
Jugement Intention de
Répartition d’un enjeu
éthique CSR
Var. éthique
explicatives
273 (57,2 %) IE - -,142 -,037 -,068
Version IE - 204 (42,8 %) IE + ,186 ,044 ,114
/ IE + Test F 12,78 ns 3,9
significativité 0,000 0,049

Tableau 47: Test de comparaison de moyennes de la reconnaissance d’un enjeu éthique, du jugement
éthique et de l’intention de CSR selon la version du scénario reçu pour la dimension 1( n=477)

Les résultats sont globalement identiques pour les dimensions 1 et 2. Ils indiquent que les
moyennes du groupe IE+ sont bien supérieures pour les variables « reconnaissance » et
« intention ». Les tests de Fisher sont cependant relativement faibles. D’autre part, il n’y a pas
de différence statistiquement significative en ce qui concerne le jugement éthique. Ces
premières analyses valident faiblement les hypothèses H’3 et H’5, et invalident H’4.
Cependant, avant d’adopter définitivement ces conclusions, nous pensons qu’il convient de
s’interroger sur les résultats obtenus.

Les vérifications de manipulation, présentées dans les tableaux 43 et 44, montrent que le
jugement de l’ampleur des conséquences est faiblement différent selon les répondants de la
version IE + et ceux de la version IE- (test F= 9,58 pour dimension 1 et 3,81 pour dimension
2). Ceci montre que, sur ce point, la perception des répondants est peu influencée par la
version du scénario reçu. Ainsi, il se peut que certains individus ayant lu la version IE- jugent
la situation grave et qu’à l’inverse certains répondants de la version IE+ ne considèrent pas le
cas comme sérieux. Autrement dit, même si la manipulation de l’intensité éthique a
globalement fonctionné, il semble que la perception de la situation par le répondant ne
corresponde pas forcément au niveau de gravité objectif, mais dépende également de
paramètres personnels.

1.2.2 Impact de l’intensité éthique perçue

Ceci incite à explorer un autre angle d’analyse. Il se peut en effet que les analyses basées sur
la perception de l’intensité éthique des répondants aboutissent à des résultats différents par

308
rapport à celles basées sur la manipulation de cette variable. Ainsi, au lieu de tester l’impact
de l’intensité éthique telle qu’elle est manipulée, nous souhaitons étudier l’impact de l’IE telle
qu’elle est perçue par les répondants. Pour cela, pour chaque dimension, nous rassemblons
l’ensemble des observations dans un échantillon global (n1=349 et n2=477), et scindons
celui-ci en deux groupes de tailles égales selon la perception de l’intensité éthique : l’un,
nommé PIE – (Perception de l’Intensité Ethique), comprend les individus ayant jugé le
scénario faiblement impliquant d’un point de vue éthique (quelle que soit la version reçue),
l’autre, appelé PIE+, correspond aux répondants ayant formulé les évaluations éthiques les
plus fortes (quelle que soit la version reçue). Le critère de regroupement adopté est ici basé
sur l’ampleur des conséquences, la proximité avec les parties prenantes et le consensus social.
Les résultats des tests de comparaison de moyennes basée sur les perceptions des répondants
sont présentés dans les tableaux 48 et 49.

Dimension 1 : Pratiques des entreprises


H’3 H’4 H’5
Var.
expliquées Reconnaissance
Jugement Intention de
Répartition d’un enjeu
éthique CSR
Var. éthique
explicatives
174 (49,9%) PIE - -,387 -,458 -,377
Perception 175 (50,1%) PIE + ,385 ,455 ,375
IE - / IE + Test F 61,12 91,82 57,34
significativité 0,000 0,000 0,000

Tableau 48: Test de comparaison de moyennes de la reconnaissance d’un enjeu éthique, du jugement
éthique et de l’intention de CSR selon la perception de l’intensité éthique pour la dimension 1 (n=349)

Dimension 2 : Petits commerces


H’3 H’4 H’5
Var.
expliquées Reconnaissance
Jugement Intention de
Répartition d’un enjeu
éthique CSR
Var. éthique
explicatives
238 (49,9%) PIE - -,390 -,345 -,229
Perception 239 (50,1%) PIE + ,384 ,339 ,248
IE - / IE + Test F 83,32 63,65 28,68
significativité 0,000 0,000 0,000

Tableau 49 : Test de comparaison de moyennes de la reconnaissance d’un enjeu éthique, du jugement


éthique et de l’intention de CSR selon la perception de l’intensité éthique pour la dimension 2 (n=477)

309
Les résultats montrent que la perception de l’intensité éthique influence fortement la
reconnaissance d’un enjeu éthique, le jugement et l’intention du répondant. De plus, les tests
de Fisher sont nettement plus significatifs si l’on distingue les individus selon leur évaluation
de l’intensité éthique, plutôt que sur la manipulation effectuée. Ce constat confirme l’idée
qu’il existe un décalage entre le niveau d’éthique objectif d’une situation et celui ressenti par
les personnes. Ce phénomène a déjà été mis en évidence dans des recherches portant sur le
modèle de Jones (1991) (Morris et McDonald, 1995).
Les résultats de cette seconde vague d’analyse permettent de valider fortement les hypothèses
H’3, H’4 et H’5. De plus, elles suggèrent de travailler sur les perceptions des répondants
plutôt que sur la manipulation de l’IE. Nous décidons donc d’adopter cette perspective pour
les prochaines étapes de tests du modèle théorique. Celle que nous allons aborder maintenant
porte sur une version réduite du modèle.

2. TEST DU MODELE HORS VARIABLES MODERATRICES

Dans cette section, nous testons les hypothèses H’1 à H’7, représentant le processus de
décision du consommateur sans les liens de modération. La version simplifiée du modèle
étudiée ici est représentée en figure 63.

Coût perçu de
l’achat SR

H’ 7

H’ 5

H’ 4

Intensité éthique Reconnaissance Intention de


Jugement éthique
d’un enjeu éthique H’ 2 CSR
H’ 3 H’ 1

H’ 6

Tendance à la CSR

Figure 63 : Version réduite du modèle testé dans la section 2


: Hypothèses non testées dans cette section

310
Pour la suite des analyses (section 2 et 3), nous choisissons d’utiliser la technique des
équations structurelles. Plusieurs raisons ont guidé ce choix :
- cette méthodologie offre la possibilité de tester un modèle de façon globale. Les analyses
permettent de considérer l’ensemble des hypothèses, plutôt que de les évaluer une à une.
- la modélisation structurelle permet de tester des séquences de relations du type A B C,
et donc implicitement de prouver l’existence de variables médiatrices.
- elle permet aussi de tester l’existence de variables modératrices en procédant à des analyses
multi-groupes
- elle nous permet de créer un facteur de second ordre, nommé ‘intensité éthique’, se reflétant
dans différentes dimensions : ampleur des conséquences, proximité avec la cible et consensus
social. En effet, l’intensité éthique n’est pas mesurée en tant que telle, et n’est estimée qu’à
travers les trois facteurs mentionnés précédemment.
- enfin, elle offre la possibilité de bootstrapper les analyses, c’est-à-dire de générer une
multitude d’échantillons à partir des observations initiales et de tester ainsi la stabilité des
résultats.

Dans cette section, nous montrerons d’abord la stabilité du modèle entre les répondants ayant
perçu un fort degré d’éthique et ceux ayant évalué une faible intensité (PIE+ / PIE -). Ce
constat nous conduira donc à tester, pour chaque dimension, la version simplifiée du modèle
sur l’échantillon entier (n1=349 et n2=477)

2.1 Stabilité du modèle entre PIE+/ PIE –

Dans la première section de ce chapitre, nous avons montré qu’il était plus réaliste de
distinguer les individus selon leur perception de l’intensité éthique plutôt que sur la
manipulation effectuée. Cependant, les analyses montrent que les coefficients de dépendance
du modèle sont stables entre les groupes PIE- et PIE +.
En effet, nous avons comparé le Khi-deux d’un modèle dit ‘totalement contraint’ où tous les
paramètres sont supposés égaux entre les groupes PIE+ et PIE- avec celui d’un modèle dit
‘partiellement contraint’ dans lequel les coefficients entre construits latents sont supposés
différents d'un groupe à l'autre. Les résultats, présentés dans le tableau 50, montrent que, pour
la dimension 2, le premier modèle est le meilleur d’un point de vue statistique et que, pour la

311
dimension 1, les deux modèles sont équivalents. Le modèle ‘partiellement contraint’, étant
plus parcimonieux, est préférable.
Nous considérons donc qu’il n’est pas utile d’opérer de distinction entre les groupes PIE+ et
PIE- : la force des liens entre les variables du modèle est globalement identique dans les deux
cas.

Modèle Modèle
totalement partiellement ² théorique
contraint (1) contraint (2)
²=(1) – (2)
à 0,0152 Conclusion

² =726,15 ² =705,83 ² = 20,32


Dimension 1
564 ddl 556 ddl pour 8 ddl
20,1 pour 8 ²< ²théo.
ddl
² = 700,78 ² =685,01 ²=15,77
Dimension 2
517 ddl 509 ddl pour 8 ddl

Tableau 50 : Comparaison entre le modèle totalement contraint et le modèle partiellement contraint entre
les groupes PIE+/PIE-, pour les dimensions 1 et 2 (n1=349 et n2=477).

Pour la suite des analyses, nous décidons d’adopter une approche globale : nous testerons le
modèle sur un échantillon composé de tous les répondants d’une même dimension (pour la
dimension 1, n=349 et pour la dimension 2, n=477) sans distinguer différents niveaux
d’intensité éthique. Remarquons, de plus, que la formulation de nos hypothèses n’invite pas à
une telle distinction. En effet, celles-ci postulent de façon générale des liens de signe positif
ou négatif entre les variables du modèle mais ne prévoient pas de coefficients de régression
différents selon les valeurs prises par les variables.

2.2 Résultats du test du modèle simplifié

2.2.1 Apparition d’un lien non prévu entre la tendance à la CSR et l’IE

Le test du modèle simplifié a été réalisé à la fois sur Amos 4 et Statistica 6. Les résultats
fournis par le premier logiciel comprennent un module intitulé ‘indices de modification’,
proposant des changements de modélisation permettant d’améliorer la qualité d’ajustement
des données. Cette rubrique met en évidence qu’il existe un lien important mais non modélisé
entre la tendance à la CSR et l’intensité éthique, et ceci pour les deux dimensions de la CSR.

52
Un critère volontairement strict de 0,01% a été adopté pour assurer un maximum de fiabilité à nos
conclusions.

312
Ceci signifie que le jugement de l’intensité éthique est fortement influencé par la sensibilité
socialement responsable des individus.
Cette relation offre une explication logique à l’écart constaté précédemment entre le niveau
d’intensité éthique réel et la perception qu’en ont les répondants. Ainsi, selon cette idée, la
gravité perçue serait fonction de la situation mais également de la sensibilité de l’individu à la
cause socialement responsable en jeu. Par exemple, un consommateur très préoccupé par le
sort des petits commerces évaluera plus gravement une situation ayant des conséquences
mêmes minimes pour cette catégorie d’intéressés par rapport aux individus non sensibles à ce
thème. Ce constat montre que l’intensité éthique est une notion subjective et qu’elle dépend
des paramètres personnels du consommateur.
L’impact de la sensibilité socialement responsable des consommateurs sur leur perception de
l’intensité éthique nous semble tout à fait réaliste et fournit une explication cohérente aux
résultats présentés dans la première section de ce chapitre. C’est pourquoi, conformément aux
recommandations de Sörbom (1989), nous décidons d’intégrer ce lien au modèle théorique,
comme cela est représenté sur la figure 64.

Coût perçu de
l’achat SR

H’ 9 H’ 7

H’ 5

H’ 4

Intensité éthique Reconnaissance Intention de


Jugement éthique
d’un enjeu éthique H’ 2 CSR
H’ 3 H’ 1

H’ 8 H’ 6
Nouveau lien
intégré au modèle
Tendance à la CSR

Figure 64 : Modèle théorique incluant le lien entre la tendance à la CSR et l’intensité éthique

Etudions maintenant les résultats du test du modèle intégrant ce lien.

313
2.2.2 Présentation des résultats

Les valeurs des coefficients de dépendance sont présentées dans les tableaux 51 et 52. Afin de
s’affranchir de la contrainte de multinormalité des données requise par les modèles
d’équations structurelles, le modèle a été testé selon une procédure de bootstrap (200
réplications).

• Dimension 1 : pratiques des entreprises

Coefficients Coefficients
Hyp. Liens de t issus du t
dépendance bootstrap
H’1 Recon. Jugement 0,51 5,22 0,52 3,70
Jugement
H’2 0,11 Ns 0,11 Ns
intention
H’3 IE recon. 0,72 13,94 0,73 12,85
H’4 IE jugement 0,34 3,55 0,33 2,53
H’5 IE intention 0,42 4,56 0,44 4,29
H’6 Csr intention 0,26 4,53 0,25 3,89
H’7 Coût intention -0,39 -8,61 -0,39 -7,31
Non
Csr IE 0,54 11,04 0,53 8,67
prévu
IE ampleur 0,91 27,60 0,91 21,54
Ordre
IE consensus 0,42 6,86 0,42 5,37
2
IE proximité 0,67 15,40 0,66 11,55
RMSEA=0,067 GFI=0,865 AGFI=0,833 CFI=0,913 NNFI=0,901

Tableau 51: Résultats du test du modèle simplifié pour la dimension 1 ( n=349)

Pour la dimension 1, les résultats valident globalement le modèle théorique simplifié. Les
liens proposés par le modèle sont tous significatifs et dans le sens prévu par les hypothèses.
Seul le lien entre le jugement et l’intention, correspondant à l’hypothèse H’2, n’est pas
significatif. Ainsi, de façon globale le jugement éthique d’un individu n’a pas d’impact sur
son comportement. Ce dernier est déterminé directement par l’intensité éthique de la situation,

314
par le coût de l’achat socialement responsable et par la tendance à la CSR. L’écart entre
l’évaluation de la gravité d’une situation et la décision du consommateur avait déjà été mis en
évidence par les travaux de Klein, Smith et John (2004) pour le cas du boycott. Nos résultats
confirment donc ce phénomène.
Concernant la modélisation de second ordre de l’intensité éthique, nous mettons bien en
exergue des liens significatifs avec les trois dimensions mesurées. Les deux dimensions
retenues pour la manipulation, l’ampleur des conséquences et la proximité avec les parties
prenantes, présentent les coefficients les plus forts.
De façon globale, les indices d’ajustement démontrent une bonne qualité d’analyse
(RMSEA=0,067). De plus, les résultats du bootstrap montrent la grande stabilité du modèle.
Les résultats du test de la version simplifiée du modèle sont représentés en figure 65.

Coût perçu de
l’achat SR

-0,39

0,44
Ampleur 0,91 0,33

0,42 Reconnaissance Intention de


Consensus Intensité éthique Jugement éthique
0,73 d’un enjeu éthique 0,52 ? CSR

0,66

Proximité
0,25
0,53

Tendance à la CSR

Figure 65 : Résultats du test du modèle simplifié pour la dimension 1 (n=349). Les coefficients indiqués
sont ceux issus du bootstrap
: Hypothèses non testées ici

315
• Dimension 2 : petits commerces

Coefficients Coefficients
Hyp. Liens de t issus du t
dépendance bootstrap
H’1 Recon. Jugement 0,37 4,81 0,36 3,66
H’2 Jugement intention 0,21 3,53 0,20 3,18
H’3 IE recon. 0,64 11,72 0,63 9,06
H’4 IE jugement 0,42 5,51 0,41 3,59
H’5 IE intention 0,13 Ns 0,14 Ns
H’6 Csr intention 0,36 7,20 0,36 6,57
H’7 Coût intention -0,54 -14,83 -0,54 -13,08
Non prévu Csr IE 0,53 11,72 0,54 8,97
IE ampleur 0,83 22,07 0,83 15,51
Ordre 2 IE consensus 0,59 10,05 0,58 8,83
IE proximité 0,58 12,16 0,57 7,29
RMSEA=0,054 GFI=0,909 AGFI=0,887 CFI=0,942 NNFI=0,934

Tableau 52 : Résultats du test du modèle simplifié pour la dimension 2 ( n=477)

Concernant la deuxième facette de la CSR, les coefficients de dépendance sont tous


significatifs et du signe prédit par les hypothèses, à l’exception du lien entre l’intensité
éthique et l’intention. Celui-ci est non significatif : pour la dimension 2, l’hypothèse H’5 n’est
donc pas validée. Ceci montre donc que l’influence de l’intensité éthique sur la décision du
consommateur est entièrement médiatisée par les deux variables intermédiaires du processus
de décision : la reconnaissance d’un enjeu éthique et le jugement53. Ce fonctionnement est
diffèrent de celui mis en évidence pour la préoccupation pour les pratiques des entreprises
(dimension 1).
Le lien entre le jugement et l’intention est positif, ce qui valide H’2. Il est cependant
nécessaire de tester l’impact des variables modératrices, tendance à la CSR et coût de l’achat
socialement responsable, avant de comprendre les modalités d’influence entre ces deux
variables.

53
Ce résultat n’est dont pas contradictoire avec les conclusions de la section 1 de ce chapitre : l’intensité éthique
influence bien l’intention de CSR (comme démontré par les tests de comparaison de moyennes), mais de façon
indirecte uniquement.

316
Les trois dimensions de l’intensité éthique mesurées sont reliées positivement au méta-
facteur. L’ampleur des conséquences présente le coefficient le plus fort.
Les résultats globaux montrent un très bon ajustement du modèle (RMSEA=0,054). De plus,
le bootstrap des analyses indique une forte stabilité.

Les résultats du test de la version simplifiée du modèle sont représentés en figure 66.

Coût perçu de
l’achat SR

-0,54

ns
Ampleur 0,83 0,41

0,58
Intensité éthique Reconnaissance Intention de
Consensus d’un enjeu éthique
Jugement éthique
CSR
0,63 0,36 0,20

0,57

Proximité
0,36
0,54

Tendance à la CSR

Figure 66 : Résultats du test du modèle simplifié pour la dimension 2 (n=477). Les coefficients indiqués
sont ceux issus du bootstrap.
: Hypothèses non testées ici

• Synthèse : deux modes d’influence de l’intensité éthique sur la décision du


consommateur.

Les résultats obtenus pour les dimensions 1 et 2 valident globalement le modèle simplifié. Il
semble cependant que l’impact de l’intensité éthique de la situation sur le consommateur soit
différent entre les deux facettes de la CSR. Ainsi, lorsque le dilemme éthique porte sur les
pratiques des entreprises, le jugement éthique n’intervient pas sur la prise de décision des
individus : l’intention est déterminée directement par l’intensité éthique du scénario. A
contrario, face à une situation de consommation mettant en jeu les petits commerces, les
consommateurs établissent leur intention à partir de leur jugement : dans ce cas, l’intensité

317
éthique n’intervient sur le comportement que par l’intermédiaire du jugement de la situation.
Ainsi, l’intensité éthique influence directement ou indirectement la décision du
consommateur, mais n’intervient pas simultanément par les deux chemins. Autrement
dit, les hypothèses H’2 et H’5 sont complémentaires : si l’une est validée, l’autre ne l’est
pas.
La figure 67 résume les deux modes d’influence possibles de l’intensité éthique sur la
décision du consommateur.

Dimension 1: pratiques des entreprises

OU

Intensité éthique Reconnaissance Intention de


Jugement éthique
d’un enjeu éthique CSR
Dimension 2: petits
commerces

Figure 67 : Les deux modes d’influence de l’intensité éthique sur la décision du consommateur

La différence de fonctionnement mise en évidence semblerait indiquer que, pour la facette de


la CSR liée aux pratiques des entreprises, le raisonnement du consommateur est davantage
basé sur l’émotion ressentie face à la situation. En comparaison, pour la dimension de la CSR
liée aux petits commerces, le processus de décision du consommateur semble plus
analytique et rationnel: le comportement est fonction de l’évaluation éthique de la situation.
Il convient de rappeler que ces considérations s’appliquent au lien global entre le jugement
éthique et l’intention de CSR, mais ne prennent pas en compte les éventuels liens de
modération existants entre ces deux variables. Le modèle théorique prédit l’existence de deux
variables affectant la force du lien entre jugement et intention : le coût de l’achat socialement
responsable et la tendance à la CSR. Les analyses menées ultérieurement mettront peut-être
en évidence des processus différents selon la valeur des variables modératrices. La synthèse
effectuée ici ne porte donc que sur l’influence de l’intensité éthique sur l’intention pour le cas
général.

318
Cette deuxième section a souligné qu’il n’était pas nécessaire de distinguer les individus selon
le niveau d’intensité éthique perçu dans les analyses. Les résultats ont mis en évidence un lien
entre la tendance à la CSR et la perception de l’intensité éthique et ont globalement validé le
modèle. Certaines différences quant à l’influence de l’intensité éthique sur l’intention du
consommateur existent cependant entre les deux facettes de la CSR étudiées.
Nous pouvons passer maintenant à la dernière étape de test du modèle : l’évaluation du
modèle global.

3. VALIDATION FINALE DU MODELE

Dans cette troisième section, nous étudierons successivement les deux facettes de la CSR :
pratiques des entreprises et petits commerces. Dans chaque cas, nous commencerons par
tester les hypothèses de modération H’7 et H’8 concernant l’impact de la tendance à la CSR et
du coût perçu de l’achat socialement responsable sur le lien entre le jugement éthique et
l’intention de CS (voir figure 68). Dans un second temps, nous présenterons les résultats
globaux du test du modèle théorique.

Coût perçu de
l’achat SR

H’9

Jugement éthique Intention de


CSR

H’8

Tendance à la CSR

Figure 68 : Hypothèses testées pour chaque dimension dans la section 3

3.1 Dimension 1 : pratiques des entreprises

3.1.1 Test des variables modératrices H’8 et H’9

Afin de tester les hypothèses de modération H’8 et H’9, représentées en figure 66, nous avons
procédé à des analyses multigroupes dans le cadre du modèle d’équations structurelles. Cette
technique consiste à créer deux groupes d’observations de tailles égales selon la valeur prise

319
par la variable modératrice et à étudier si le coefficient de dépendance entre le jugement
éthique et l’intention de CSR est identique entre les deux groupes.
Ainsi, pour tester H’8, nous avons comparé le Khi-deux d’un modèle dit ‘totalement
contraint’ où tous les paramètres sont supposés égaux entre les individus ayant une forte
tendance à la CSR et ceux ayant une faible tendance à la CSR avec le Khi-deux d’un modèle
dit ‘partiellement contraint’ dans lequel le coefficient de dépendance entre le jugement
éthique et l’intention de CSR est supposé différent entre les deux groupes.
La démarche fut identique pour tester H’9. Dans ce cas, les deux groupes correspondaient
respectivement aux individus percevant un coût élevé à l’achat socialement responsable et
ceux percevant un coût faible.

Les résultats des analyses multigroupes pour la dimension 1 sont présentés dans le tableau 53.

Modèle tot. Modèle part.


² Effet
contraint contraint ²= (1)-
théorique à
(1) (2) (2) modérateur
0,0154
Tendance à ² = 983,29 ² = 966,67
²=16,62 6,63 pour 1
la CSR 564 ddl 563 ddl
Pour 1ddl ddl OUI
(H’8)
Coût ² = 1000,99 ² = 996,64 ² = 4,35 6,63 pour 1
(H’9) 564 ddl 563 ddl Pour 1 ddl ddl NON

Tableau 53 : Test des hypothèses H’8 et H’9 concernant l’impact modérateur du coût et de la tendance à
la CSR sur le lien entre le jugement éthique et l’intention de CSR pour la dimension 1 (n=349)

La différence de Khi-deux entre le modèle contraint et le modèle partiellement libre n’est pas
statistiquement significative pour l’analyse multigroupe sur le coût. Ceci montre donc que le
coût perçu de l’achat socialement responsable n’affecte pas la force du lien entre le jugement
éthique et l’intention de CSR. Ce constat invalide l’hypothèse H’9.
Par contre, la différence de Khi-deux entre les deux modèles est statistiquement significative
pour l’analyse multigroupe sur la tendance à la CSR. Cela indique que le coefficient de
dépendance entre le jugement éthique et l’intention de CSR varie entre les personnes ayant
une forte propension à la CSR et ceux n’étant pas réactifs à ce thème. L’hypothèse H’8

54
Un critère volontairement strict de 0,01% a été adopté pour assurer un maximum de fiabilité à nos
conclusions. En effet, le critère de 5% aurait conduit à accepter à tort l’effet modérateur du coût (dans ce cas, les
liens entre jugement et intention sont quand même non significatifs pour les 2 niveaux de coût).

320
postule que le lien entre les deux variables sera plus fort pour le premier groupe que pour le
second.
Il convient donc maintenant de présenter les résultats du modèle global pour voir si H’8 est
validé.

3.1.2 Présentation du modèle global

Les résultats du test du modèle incluant la tendance à la CSR en variable modératrice sont
présentés dans le tableau 54.

Coefficients
Coefficients de
Hyp. Liens t issus du t
dépendance
bootstrap
H’1 Recon. Jugement 0,52 0,52 5,04
5,03

H’2 Jugement intention 0 ns 0 ns

H’8 Tendance CSR- 0,24 2,84 0,23 3,32


Tendance CSR+ -0,07 ns -0,06 ns
H’3 IE recon. 0.72 12,71 0,72 15,39
H’4 IE jugement 0,32 3,02 0,32 3,15
H’5 IE intention 0,44 4,78 0,44 5,34
H’6 Csr intention 0.22 3,83 0,22 4,54
H’7 Coût intention -0,41 -8,99 -0,41 -9,53
Non
Csr IE 0,46 7,90 0,45 8,11
prévu
IE ampleur 0,90 23,73 0,91 24,69
Ordre 2 IE consensus 0,41 6,42 0,41 6,33
IE proximité 0,61 12,58 0,61 12,05
RMSEA=0,067 GFI=0,865 AGFI=0,833 CFI=0,913 NNFI=0,901

Tableau 54 : Résultats du modèle final avec la tendance à la CSR comme variable modératrice pour la
dimension 1 (n=349)

Les résultats obtenus indiquent que le lien entre le jugement et l’intention est significatif pour
les individus ayant une faible tendance à la CSR, et qu’il est nul pour ceux pratiquant la CSR.
Ceci est contraire à l’hypothèse H’8 qui est donc invalidée : celle-ci postulait que les

321
individus ayant une forte pratique de CSR traduiraient davantage leur jugement dans leur
intention de comportement par rapport aux autres consommateurs.

Ainsi, face à un dilemme éthique, les individus peu adeptes de la CSR fonderont leur décision
sur l’intensité éthique de la situation et sur leur jugement de la situation. A l’inverse, les
consommateurs socialement responsables se décideront uniquement sur la base de l’IE. La
figure 69 résume cette différence de fonctionnement.

Coût perçu de
l’achat SR

Tendance CSR -
Intensité éthique Reconnaissance Jugement éthique Intention de
d’un enjeu éthique CSR

Tendance à la CSR

Figure 69 : Existence d’un lien entre jugement et intention pour les individus ayant une faible tendance à
la CSR, pour la dimension 1 (n=349)

Ce résultat est contraire à l’hypothèse formulée. Nous pouvons cependant proposer une
explication. Il semblerait que les individus qui pratiquent davantage la CSR prennent leur
décision de façon rapide en se basant sur les variables contextuelles : coût et intensité éthique.
En comparaison, ceux qui pratiquent peu la CSR ont un processus de décision plus complexe
car moins habituel : pour ces individus, la décision de consommer de façon socialement
responsable sera plus analytique et englobera le jugement de la situation.

La figure 70 résume le modèle final qui correspond au processus de prise de décision du


consommateur face à un dilemme éthique portant sur les pratiques des entreprises.

322
Figure 70 : Modèle final pour la dimension 1 (n=349)
Coût perçu de
l’achat SR

-0,41

0,44
Ampleur 0,91 0,32

0,41 Reconnaissance 0,23/0 Intention de


Consensus Intensité éthique Jugement éthique
0,72 d’un enjeu éthique 0,52 CSR

0,61

Proximité
0,22
0,45

Tendance à la CSR
323
3.2 Dimension 2 : petits commerces

3.2.1 Test des variables modératrices H’8 et H’9

La démarche menée pour tester les variables modératrices entre le jugement et l’intention est
identique à celle adoptée pour la dimension 1. Les résultats des analyses multigroupes sont
présentés dans le tableau 55.

Modèle
Modèle tot.
part. ² Effet
contraint
contraint ²= (1) - (2) théorique
(1) modérateur
(2) à 0,0155

Tendance ² = 816,9 ² = 816,89


²=0,01 6,63 pour
à la CSR 517 ddl 516 ddl
Pour 1ddl 1 ddl NON
(H’8)

Coût ² = 925,15 ² = 924,77 ² =0,38 6,63 pour


(H’9) 517 ddl 516 ddl Pour 1 ddl 1 ddl NON

Tableau 55 : Test des hypothèses H’8 et H’9 concernant l’impact modérateur du coût et de la tendance à
la CSR sur le lien entre le jugement éthique et l’intention de CSR pour la dimension 2 (n=477)

Les différences de Khi-deux entre le modèle ‘totalement contraint’ et le modèle ‘partiellement


libre’ ne sont pas statistiquement significatives. Ceci montre que globalement la force du lien
entre jugement et intention est identique pour les individus ayant perçu un coût faible ou un
coût fort, d’une part et identique aussi pour les individus socialement responsables et ceux qui
ne le sont pas, d’autre part. Ces résultats conduisent donc à rejeter les hypothèses H’8 et H’9
concernant les effets modérateurs du coût et de la tendance à la CSR. Contrairement à ce qui
était prévu dans le modèle, le jugement se traduit dans l’intention de CSR de façon égale pour
tous les individus.

3.2.2 Présentation du modèle global

Le modèle final de prise de décision du consommateur pour la facette de la CSR portant sur
les petits commerces n’inclut donc pas de variables modératrices entre le jugement et

55
Un critère volontairement strict de 0,01% a été adopté pour assurer un maximum de fiabilité à nos conclusions

324
l’intention. Il correspond donc au modèle simplifié testé en section 2. Les valeurs des
coefficients de dépendance sont présentées dans le tableau 56. Le modèle final retenu pour la
dimension 2 est reproduit dans la figure 71.

Coefficients Coefficients
Hyp. Liens de t issus du t
dépendance bootstrap
H’1 Recon. Jugement 0,37 4,81 0,36 3,66
H’2 Jugement intention 0,21 3,53 0,20 3,18
H’3 IE recon. 0,64 11,72 0,63 9,06
H’4 IE jugement 0,42 5,51 0,41 3,59
H’5 IE intention 0,13 Ns 0,14 Ns
H’6 Csr intention 0,36 7,20 0,36 6,57
H’7 Coût intention -0,54 -14,83 -0,54 -13,08
Non prévu Csr IE 0,53 11,72 0,54 8,97
IE ampleur 0,83 22,07 0,83 15,51
Ordre 2 IE consensus 0,59 10,05 0,58 8,83
IE proximité 0,58 12,16 0,57 7,29
RMSEA=0,054 GFI=0,909 AGFI=0,887 CFI=0,942 NNFI=0,934

Tableau 56 : Résultats du modèle final sans variable modératrice pour la dimension 2 (n=477)

325
Figure 71 : Modèle final pour la dimension 2 (n=477)
Coût perçu de
l’achat SR

-0,54

ns
Ampleur 0,83 0,41

0,58 Intention de
Reconnaissance
Consensus Intensité éthique
d’un enjeu éthique
Jugement éthique
CSR
0,63 0,36 0,20

0,57

Proximité
0,36
0,54

Tendance à la CSR
326
Synthèse du chapitre 9 :

Les analyses menées pour tester le modèle théorique ont suivi une progression en trois étapes.
La première consistait à étudier l’impact de l’intensité éthique sur la reconnaissance d’un
jugement éthique, le jugement éthique et l’intention de CSR. Les tests de comparaison de
moyennes indiquent que ces liens sont faiblement validés si l’on se base sur la manipulation
effectuée IE -/ IE +. Au contraire, les analyses fondées sur la perception de l’intensité éthique
conduisent à des résultats nettement plus significatifs. Cette première séquence d’analyse
montre donc un écart entre l’intensité éthique objective de la situation et celle ressentie par les
répondants. Ce constat invite donc à adopter la perspective des consommateurs pour la suite
des analyses.

La deuxième section fut consacrée au test d’une version simplifiée du modèle théorique ne
comprenant pas les liens de modérations. Les analyses menées valident globalement le
modèle, et les indices d’ajustement indiquent une bonne qualité d’analyse. Cependant, nous
avons noté plusieurs résultats inattendus. Tout d’abord, les analyses ont mis en évidence un
lien non prévu entre la tendance à la CSR et l’intensité éthique. Cette relation confirme que la
perception de l’intensité éthique dépend largement des paramètres personnels de l’individu,
notamment sa sensibilité au thème socialement responsable manipulé dans le scénario. Nous
avons donc décidé d’intégrer ce lien au modèle théorique final.
D’autre part, le processus de décision du consommateur n’est pas identique entre les deux
facettes de CSR étudiées. Ainsi, pour la facette liée aux pratiques des entreprises, l’intensité
éthique influence directement l’intention du répondant, et n’intervient pas de façon indirecte
par l’intermédiaire du jugement éthique. Klein, Smith et John (2004) ont montré l’existence
d’un écart considérable entre le jugement de gravité et la décision de boycott des individus.
Notre étude portant que cette facette de la CSR vient donc confirmer ce résultat. Pour la
facette de la CSR liée aux petits commerces, le processus de décision du consommateur est
plus complexe : l’intensité éthique n’influence qu’indirectement l’intention de CSR. Ainsi, en
ce qui concerne les pratiques des entreprises, le jugement ne fournit pas un indicateur fiable
du comportement du consommateur contrairement aux situations de consommation portant
sur les petits commerces.

Enfin, la dernière section de ce chapitre s’est attachée à tester les variables modératrices
intervenant entre le jugement et l’intention. Les analyses multigroupes menées dans le cadre

327
des équations structurelles ne valident globalement pas les hypothèses H’8 et H’9. Le seul
effet modérateur mis en évidence concerne la tendance à la CSR pour la dimension 1. Il
indique, contrairement à que ce prévoyait H’8, que le lien entre jugement éthique et intention
de CSR est plus fort pour les individus ayant une faible tendance à la CSR. Ces derniers
semblent donc adopter un processus de raisonnement plus complexe et plus analytique que les
consommateurs habitués à consommer de façon socialement responsable. Ceux-ci étant
connaisseurs, la prise de décision est plus rapide.

Au final, la figure 72 résume les résultats du test du modèle théorique établis dans ce chapitre.

Coût perçu de
l’achat SR

H’7
Dimension 1 uniquement H’5

H’4

Dimension 2
H’3 Reconnaissance uniquement Intention de
Intensité éthique Jugement éthique
d’un enjeu éthique H’2 CSR

H’1 H’8
Dimension 1 H’6
uniquement
Lien non prévu

Tendance à la CSR

Figure 72 : Résultats des tests du modèle théorique


: Liens valables pour les dimensions 1 et 2
: Liens valables uniquement pour la dimension 1
: Liens valables uniquement pour la dimension 2

Les résultats présentés dans ce chapitre appellent à des conclusions plus générales concernant
le processus de décision du consommateur en matière de CSR. Cet aspect sera l’objet de la
conclusion de la 3ème partie et de la conclusion générale.

328
CONCLUSION DE LA 3ème PARTIE

Cette troisième partie, consacrée à la modélisation du comportement de consommation


socialement responsable était structurée en trois chapitres : (1) élaboration du modèle à partir
de la littérature portant sur la consommation verte, le boycott et la prise de décision éthique du
manager, (2) choix méthodologiques pour tester le modèle élaboré et (3) présentation des
résultats du test du modèle. La figure 73 résume les principaux apports de chacun de ces trois
chapitres.

Chapitre 7 Chapitre 8 Ch apitre 9


Élaboration du modèle Mise en place du test du Résultats du test du modèle
théorique mod èle théorique théorique

- Il n ’existe au cun m od èle décrivant - Manipulation d e l ’IE en 2 niveaux : - Test prog ressif du modèle
le comp ortement de CSR fort et faible sur 2 dimensions
- La manip ulation de l ’intensité
majeu res: l ’amp leur des co ns équen ces
- Nécessité de s’ap pu yer sur des éthique a fo nctionné mais les tests de
et la p roximi té avec les parties
champs de littérat ure pro ches com paraison de moyennes sont
prenantes
moyen nemen t significat ifs
- Les travaux s ur le consommation
- 2 facettes de la CSR étudiées: refus
verte sug gèren t de prendre en comp te - En réalité, l ’IE perçue ne
d ’acheter aux entreprises
la no tion de préoccupation s ocialement correspond p as forcémen t au niveau
irresponsables et défense du petit
respons able d ’éthique objectif nécessi té de
commerce
raisonner sur le niveau d ’IE perçue.
- La littérature su r le b oy cott suggère
de pren dre en comp te les variables - Création de 4 s cénarios portant sur - Apparition d’un lien non prév u entre
des biens de con sommation très
s ituation ell es et les freins et la tendance à la CSR et la perception
cou rants : le carburant automobile et le
m otivations de l ’int ensité éthique.
pain.
- Parmi les mo dèles de prise d e - Modèle g lobalement val idé po ur les
-Le coût d e l ’achat soci alemen t
décision éthique du m anager, celui de deu x facettes de la CSR.
resp on sable est matérialisé par une
J on es (1991) co nstitue désormais la
di st ance de 5 km à p arcourir. - Po ur la dimen sion 1, le lien en tre
référence
jugement et intention n ’est significatif
- Création d ’échelles de mesure pour
- Décisio n d ’app liquer l e m od èle de que pour les indiv idus ay ant un e
les v ariab les d u modèle.
J on es au cad re de la conso mmation. tend ance peu élevée à la CSR.
- Collecte de données p ar In ternet.
- 3 variables so nt supposées - Po ur la dimen sion 2, au cun li en d e
déterminer l’intention de CSR: - n=82 6, soit n =349 pour la facette de modération entre e jugement et
(1) l ’intensité éthique de la situation, la CSR liée aux pratiques des l ’in tentio n de CSR. L ’IE
(2) la ten dance de l ’i nd ividu à la CSR entreprises et n=477 pour celle liée n ’intervient qu’i ndirectement sur
(3) le coût de l ’achat socialement aux petits comm erces. l’intention de CSR
respons able

Figure 73 : Résumé des apports de la 3ème partie

Cette troisième partie nous a permis de répondre à la troisième question de recherche de ce


travail doctoral. Le champ de la CSR n’ayant suscité aucune modélisation, notre objectif était
d’élaborer une première formalisation du processus de décision du consommateur en matière
de CSR. Pour cela, nous avons suivi les recommandations de Marks et Mayo (1991) en
veillant à intégrer à la fois les paramètres personnels et situationnels. Le modèle élaboré puis

329
testé a mis en évidence l’impact de trois grandes variables dans la décision du consommateur :
le niveau d’intensité éthique de la situation perçue, le coût de l’achat socialement responsable
et la tendance de l’individu à consommer de façon socialement responsable. Ensemble, ces
variables permettent d’expliquer 41,01 % de la variance pour la facette de la CSR liée aux
pratiques des entreprises et 46,12% pour celle liée aux petits commerces.
Les résultats démontrent que le processus de réflexion du consommateur est légèrement
différent selon la cause engagée : pour la dimension 1, l’intensité éthique intervient
essentiellement de façon directe sur la décision de l’individu, alors que pour la dimension 2,
elle agit uniquement par l’intermédiaire de la reconnaissance d’un enjeu éthique et par le
jugement éthique. Ce constat amène à penser que le modèle que nous avons proposé
surévaluait probablement les modalités d’influence de l’intensité éthique sur la décision du
consommateur. En réalité, il ne paraît pas nécessaire de modéliser à la fois un effet direct de
cette variable sur l’intention de CSR et un effet indirect via la reconnaissance d’un enjeu
éthique et le jugement : un seul « chemin » semble suffisant.
D’autre part, la tendance à la CSR intervient comme modérateur sur le lien entre le jugement
éthique et l’intention de CSR uniquement pour la dimension 1 : l’effet est plus important pour
les individus qui ne sont pas habitués à pratiquer cette forme de consommation. Malgré ce
constat, de façon générale, le jugement éthique influe faiblement la décision du
consommateur. Nous pensons que ce phénomène peut s’expliquer par la formulation des
items correspondant au jugement éthique. En nous inspirant des outils de mesure utilisés dans
d’autres recherches portant sur le modèle de Jones (1991), cette variable était mesurée à
travers des énoncés concernant l’éthique de la situation. Les items en questions incluaient
donc soit le terme « éthique », soit le terme « moral » et se présentaient sous forme de
sentence ayant un moral absolu : « Acheter son X à …est moralement condamnable », « Il est
plus éthique de .. que de … ». On peut penser, que si le consommateur juge personnellement
qu’il est préférable de choisir la solution de consommation responsable, il n’est pas pour
autant enclin à émettre un jugement si catégorique sur la situation. Les items du jugement
éthique sont formulés comme des sentences universelles, et paraissant peut-être excessives
aux yeux des répondants, même les plus acquis à la cause engagée.

De façon globale, le modèle proposé pour décrire le comportement du consommateur en


matière de CSR est globalement validé. Les implications académiques et managériales de ces
résultats seront traités en conclusion générale.

330
CONCLUSION GENERALE

331
Cette thèse avait pour ambition de réhabiliter le concept de consommation socialement
responsable. En effet, les chercheurs en marketing ont globalement délaissé cette notion un
peu abstraite et se sont plutôt concentrés sur des thèmes d'études plus restreints et plus
concrets comme la consommation verte, le boycott ou la réaction du consommateur face aux
initiatives éthiques des entreprises. Ce travail doctoral fut inspiré par l'idée qu'il était possible
de réunir l'ensemble de ces comportements sous un même concept et d'étudier de façon
globale la prise en compte des critères sociaux et environnementaux par les consommateurs.
C'est en suivant cette logique que nous avons proposé un cadre conceptuel intégrateur de la
CSR.
Ayant mené à bien la recherche doctorale, il convient maintenant d’adopter un certain recul
afin d’en tirer les enseignements et d’en évaluer les faiblesses. Dans cette optique, nous
aborderons successivement différents points. De façon traditionnelle, nous commencerons par
dégager les principaux apports de la recherche, puis nous tenterons de cerner les implications
managériales et académiques. Enfin, dans un dernier temps, il sera nécessaire de souligner les
limites des choix à la fois conceptuels et statistiques. Nous conclurons définitivement ce
travail doctoral en abordant les perspectives de recherche sur le thème de la CSR.

1. APPORTS DE LA RECHERCHE.

Cette recherche doctorale avait pour vocation de mieux cerner et de mieux comprendre le
comportement de consommation socialement responsable. Ce domaine de recherche ayant été
peu exploré, notre attention s’est portée sur trois questions de recherche principales:
1. Quel est le contenu de la CSR ?
2. Quels sont les déterminants individuels de la CSR ?
3. Comment peut-on modéliser la prise de décision du consommateur en matière de CSR ?

Tout d’abord, la 1ère question de recherche nous a conduit à construire une échelle de mesure
de la CSR. Celle-ci fut basée essentiellement sur une série d’entretiens individuels
exploratoires ayant pour but de cerner les préoccupations socialement responsables des
consommateurs français. Deux collectes de données successives (n=533 et n=714), dont une
menée sur un échantillon relativement représentatif de la population française, ont fait
émerger une structure en cinq dimensions : vigilance envers les pratiques des entreprises,
achat de produits partage, défense des petits commerces, préférence pour les produits

332
domestiques et réduction du volume de consommation. L’échelle présente des performances
satisfaisantes sur les critères de pourcentage de variance restituée (63%), de validité et de
fiabilité. Les résultats sont présentés dans la figure 74.

A travers le test de la validité nomologique de l’échelle, nous avons analysé l’impact d’un
certain nombre de variables sociodémographiques et psychologiques sur la CSR. Les résultats
ont confirmé le rôle déterminant de l’âge, du genre, de la situation familiale, de la CSP, du
matérialisme, de la générosité, du libéralisme et de la tendance à se montrer sous un aspect
favorable du répondant. En revanche, les analyses n’ont pas confirmé le rôle du centre de
contrôle, du mode de raisonnement éthique du répondant et ont partiellement validé l’effet du
lieu d’habitation et de la sensibilité au prix. Au global, les variables les plus significatives
pour prédire le comportement de CSR sont l'âge, le genre, le matérialisme et la générosité
(voir figure 75).

Enfin, afin de répondre à la 3ème question de recherche, nous avons étudié les pistes de
réflexion suggérées par la littérature portant sur des champs de recherche proches du nôtre :
consommation verte, boycott et prise de décision éthique du manager. Cette étape nous a
conduits à proposer un processus de prise de décision du consommateur face à un dilemme
éthique largement inspiré du modèle de Jones (1991). Les analyses ont été menées pour deux
facettes de la CSR : le non achat aux entreprises irresponsables (n=349) et la défense du petit
commerce (n=477). Celles-ci ont globalement validé le modèle proposé et confirment donc le
rôle déterminant de trois paramètres à la fois personnels et situationnels : le niveau d’intensité
éthique, la sensibilité du consommateur envers la cause engagée et le coût de l’achat
socialement responsable. La formalisation proposée permet d'expliquer 41,01 % de la
variance pour la facette de la CSR liée aux pratiques des entreprises et 46,12% pour celle liée
aux petits commerces. Ces résultats sont largement au delà des travaux de Marks et Mayo
(1991), restituant pour leur part entre 10% et 15% du jugement éthique du consommateur.
La figure 76 présente les valeurs des coefficients de dépendance des deux modèles testés.

333
1. QUEL EST LE CONTENU DE LA CSR ?

Construction d’une échelle de mesure de CSR:

- phase qualitative : 17 entretiens individuels + 2 Analyse de contenu


focus groupes
(7 et 13 personnes)

Méthode
- collecte 2 : n=533 (échantillon de convenance)
Analyse en composantes
principales + analyses
factorielles confirmatoires

- collecte 3 : n=714 (échantillon


approximativement
représentatif de la population française)

Validité Fiabilité (rho de


Dimension de l'échelle de CSR convergente Jöreskog)

Refus d’achat aux entreprises dont les


0,51 0,86
pratiques sont condamnables

Achat de produits partage 0,65 0,88

Défense du petit commerce 0,51 0,80

Résultats Achat de produits domestiques / régionaux


0,43 0,79
/ européens
Réduction du volume de consommation 0,40 0,65

Indices d'ajustement:
RMSEA=0.076 RMSR=0, 053 GFI=0,89 AGFI=0,87 CFI=0,90

Figure 74: Démarche suivie et réponse apportée à la première question de recherche

334
2. QUELS SONT LES DETERMINANTS INDIVIDUELS DE LA CSR ?

Test de la validité nomologique de l’échelle de CSR :

Test de comparaisons de
Méthode - collecte 3 : n=714 (échantillon moyennes, analyse
approximativement représentatif de la canonique généralisée non
population française) linéaire, modélisation
structurelle

Age (test F∈ [6; 18,4])


Genre ( test F∈ [9,4; 26,9])
Situation familiale ( test F∈ [14,6; 65,8])
Lieu d’habitation ( test F∈ [0; 4,4])
CSP ( test F∈ [2,4; 7,6])

Résultats

Matérialisme (Student ∈ [11,4; 24,7])


Générosité (Student. ∈ [10,1; 22,3])
Libéralisme (Student. ∈ [2,9; 4,7]) CSR
Désirabilité sociale (Student. ∈ [10,9; 25,9])
Sensibilité aux prix (Student. ∈ [0; 2,66])

Centre de contrôle
Relativisme

Légende
test F= valeur du test de Fisher Les [ ] indiquent la fourchette des valeurs
Student= valeur du test de Student prises par les 5 tests (1 test pour chaque
dim. de la CSR)
variable: variable fortement liée à la CSR
variable: variable faiblement liée à la CSR
variable: variable très faiblement liée ou non liée à la CSR

Figure 75: Démarche suivie et réponse apportée à la deuxième question de recherche

335
3. COMMENT PEUT-ON MODELISER LA PRISE DE DECISION DU
CONSOMMATEUR EN MATIERE DE CSR ?
Elaboration d’un modèle décrivant la prise de décision du consommateur face à un
dilemme éthique.

Méthode - collecte 4 : n=826 test de comparaison de moyennes,


(échantillon de convenance) modélisation structurelle avec analyses
multigroupes

Dimension 1: Non achat aux entreprises irresponsables

Coût perçu de
l’achat SR

0,44 - 0,41

0,32

0,72 0,52 0,23/0


Intensité Reconnaissance Jugement Intention de
éthique d’un enjeu éthique éthique CSR

0,22
Résultats 0,45
Tendance à la
CSR

RMSEA=0,067 GFI=0,87 AGFI=0,83 CFI=0,91 NNFI=0,9


Dimension 2: Défense des petits commerces

Coût perçu de
l’achat SR
-0,54

0,41

Intensité 0,63 Reconnaissance 0,36 Jugement 0,20 Intention de


éthique d’un enjeu éthique éthique CSR

0,36
0,54

Tendance à la
CSR

RMSEA=0,054 GFI=0,91 AGFI=0,89 CFI=0,94 NNFI=0,93

Figure 76: Démarche suivie et réponse apportée à la troisième question de recherche

336
2. IMPLICATIONS MANAGERIALES

Cette recherche doctorale se positionnant dans le champ du marketing, il est important de


dégager les implications de nos résultats pour les acteurs de l'entreprise. Etudions, tout
d'abord, les recommandations que l'on pourrait adresser à une entreprise souhaitant intervenir
dans le domaine de la responsabilité sociale. La première partie de notre recherche, consacrée
à la définition de la CSR, a mis en évidence cinq préoccupations du consommateur
responsable. La dimension la plus importante de l'échelle de CSR correspond au refus
d'acheter aux sociétés ayant commis certains actes critiquables: travail des enfants, pollution
de l'environnement, liens avec des partis politiques extrémistes...La seconde facette est celle
nommée "Produits partage" et représente l'achat de produits dont une partie du prix revient à
une bonne cause. Deux autres dimensions, d'importance moindre dans l'échelle, représentent
également des comportements d'achats "positifs"56: l'achat aux petits commerçants et la
préférence pour les produits domestiques. La 5ème dimension de l'échelle, représentant la
volonté de réduire son volume de consommation tient, quant à elle, une place à part: elle
reflète une sensibilité générale du consommateur envers la consommation et n'est pas liée aux
pratiques des entreprises. La mise en évidence de ces cinq facettes de consommation
socialement responsable appelle plusieurs commentaires:

- Tout d'abord, l'échelle de CSR met en évidence que les consommateurs ont plutôt tendance à
sanctionner les pratiques condamnables des entreprises qu'à récompenser leurs initiatives
éthiques. En effet, alors que la dimension principale de l'échelle représente un comportement
de sanctions envers les entreprises irresponsables, l'échelle n'inclut pas la dimension
symétrique à celle-ci, c'est-à-dire qui correspondrait à l'achat aux entreprises socialement
responsables. Celle qui s'en rapproche le plus est l'achat de produits partage. Or, cette
dimension concerne des initiatives très précises des entreprises et n'englobe pas une grande
variété de comportements de l'entreprise, comme le fait la première dimension de l'échelle. De
même, les trois autres facettes de la CSR ne correspondent pas, à proprement parler, à une
réponse aux pratiques des entreprises. En effet, les thèmes des petits commerces, de l’origine
géographique des produits ou du volume de consommation ne peuvent être contrôlés par

56
Le comportement d’achat positif désigne le fait d’acheter un produit plutôt qu’un autre à partir des critères
socialement responsables. Il s’oppose au comportement d’achat négatif, consistant à refuser d’acheter un produit
pour les mêmes raisons.

337
l’entreprise. Cela montre que le langage des consommateurs responsables envers les
entreprises utilise d'avantage la sanction que la récompense. Ce phénomène a déjà été
identifié à de nombreuses reprises dans la littérature. Il correspond probablement au fait que
retirer une marque de l'éventail de choix est moins contraignant et donc plus facile que de
réduire celui-ci à la marque la plus éthique. En effet, dans le premier cas, le consommateur
dispose encore de la possibilité de choisir le produit correspondant le plus à ses envies, alors
que dans le second cas, il s'oblige à adopter un produit pour ses aspects éthiques, ce qui
l'amène à renoncer à la satisfaction d'autres critères. Autrement dit, dans le premier cas, il peut
exercer son choix entre n-1 produits sur un marché à n produits, alors que dans le second cas,
il renonce à un choix autre qu'éthique. Creyer et Ross (1996) proposent que cet aspect non
symétrique du comportement des consommateurs s'explique par le fait que ces derniers ont un
niveau d'exigence éthique élevé. Ainsi, les engagements citoyens des entreprises seraient
considérés comme « normaux » et donc n'appelant pas de récompenses particulières. A
l'inverse, dans ce raisonnement, les pratiques socialement irresponsables des entreprises sont à
punir.

- Le deuxième enseignement que l'on peut tirer de l'analyse de l'échelle de CSR est
particulièrement important pour les entreprises souhaitant s’engager dans le domaine de la
responsabilité sociale. Nos travaux indiquent en effet que les seules initiatives socialement
responsables des entreprises récompensées par les consommateurs sont les opérations de
promotions partage. Celles-ci représentent des engagements ponctuels de la firme en faveur
d'une cause déterminée, où l'aide reversée à l’organisme en question est proportionnelle au
volume d'achat des produits concernés par l'opération. Parmi l'éventail des possibilités
offertes aux entreprises pour oeuvrer en faveur de la société ou de l'environnement, les
opérations de promotions partage semblent donc les plus visibles par le consommateur et les
plus susceptibles de déclencher des achats éthiques de type "récompenses". Ce constat montre
que les entreprises ne doivent pas attendre de reconnaissance pour des actions socialement
responsables n'associant pas directement le consommateur. Si celui-ci n'est pas impliqué dans
la démarche de l'entreprise, il ne faut pas attendre d'encouragements particuliers de sa part.
Cette conclusion n'est bien sûr valable que pour le cas général et n'exclut pas que certains
individus agissent différemment. L'entreprise doit donc avoir conscience que la plupart de ses
démarches socialement responsables demeureront anonymes et sans effet majeur sur son
chiffre d'affaires à court terme. Il est donc recommandé aux entreprises d’avoir des
motivations propres pour s'engager dans le domaine social ou environnemental et de ne pas

338
attendre que ces actions induisent une meilleure rentabilité. Ce résultat de notre recherche
rend donc caduque la plupart des accusations sur les motivations supposées intéressées des
entreprises socialement responsables. Il semblerait en effet plus juste de considérer que les
firmes engagées ont une démarche non dirigée directement à des fins commerciales.

- Enfin, le contenu de l'échelle de CSR construite dans cette recherche met en évidence que
certains critères socialement responsables des consommateurs ne sont pas contrôlables par les
entreprises. Les dimensions correspondant à la défense du petit commerce, à la préférence
pour les produits domestiques et au volume de consommation ne peuvent être maîtrisées par
les managers. En effet, ces derniers n'ont pas la possibilité de changer la nationalité d'origine
du produit, et peuvent difficilement tirer profit de la préférence des consommateurs pour les
petits commerçants et encore moins de leur envie de moins consommer. Il serait cependant
erroné de conclure que les producteurs n'ont aucune marge de manœuvre en ce qui concerne
ces trois éléments.
En effet, en ce qui concerne le premier point, nos résultats montrent que les entreprises
françaises ont tout intérêt à afficher leur nationalité sur leurs produits. De même, les
entreprises régionales séduiront les consommateurs responsables en indiquant l'origine des
produits sur les emballages. Sur ce point, il semble que les producteurs alimentaires intègrent
de plus en plus cet argument pour vendre les produits. Citons par exemple le cas de la viande
étiquetée "viandes de nos régions", la marque de Leclerc intitulée "Nos régions ont du talent"
ou encore les catalogues publicitaires distribués par Carrefour, vantant l'ancrage et
l'approvisionnement régional de l'enseigne (voir annexe 15). La mise en avant de l'origine
locale des produits est donc une tendance actuelle, ce qui confirme les préoccupations des
consommateurs pour cet aspect.
Il semble aussi possible pour certaines entreprises de tirer profit de la préférence des
consommateurs pour le petit commerce. Sur ce point encore, la grande distribution a su
trouver les moyens d'exploiter cette sensibilité des consommateurs. En effet, la création de
stands "fromagerie", "boucherie", "poissonnerie", "traiteur" avec la présence d'un vendeur
spécialiste recrée l'atmosphère des petits commerces. Ces différents rayons permettent, grâce
aux conseils et à la disponibilité des vendeurs, de simuler les commerces traditionnels. La
création de ces différents espaces spécialisés est une tendance forte de la grande distribution
et semble représentative d’un retour vers des magasins plus humains et plus proches du
consommateur. En ce sens, elle s’inscrit dans la montée des aspirations socialement
responsables des consommateurs.

339
Enfin, la dernière facette de l'échelle représente la préoccupation des individus pour le
volume de consommation. Ainsi, une part de la population serait désireuse de limiter ses
achats à ce qui est réellement utile. En allant plus loin, on peut penser que cette facette reflète
une prise de recul vis-à-vis de la consommation à outrance de nos sociétés. Certains
consommateurs rejettent les produits jugés inutiles et dont la consommation provoque des
déchets non justifiés : produits jetables, fausses innovations, produits non indispensables
comme, par exemple, les plats cuisinés. Ces préoccupations ont rarement été évoquées dans
les études portant sur la responsabilité sociale des entreprises. Si, au premier abord, cette
tendance semble « anti-consommation », elle offre pourtant une réelle marge de manœuvre
pour les managers, d’autant plus intéressante qu’elle a été peu exploitée. Par exemple, les
producteurs pourraient vanter l’aspect non transformé de leurs produits, proposer des
emballages légers et d’allure simple ou encore privilégier une composition naturelle des
produits. Toute démarche visant à simplifier les produits pour ne garder que les
caractéristiques élémentaires séduira vraisemblablement certains consommateurs
responsables. Différentes marques de produits de grande consommation se positionnent sur ce
créneau et s’attachent à vendre des produits basiques, non dotés de caractéristiques superflues.
On peut citer comme exemple le cas de la campagne de communication de Philips, menée à
l’échelle mondiale en 2005 et axée sur la notion « de sens et de la simplicité ». Le slogan doit
faire oublier au consommateur toute la technologie qui se cache derrière les produits, tout en
soulignant leur facilité d'utilisation. Les affiches rappellent ainsi les fonctions essentielles des
produits vendus et mettent en avant des objets au design épuré et sobre (voir annexe 16).
Cette campagne de communication avait donc pour cible les individus en quête de simplicité
et de sens : nous pensons que, dans un certaine mesure, elle a permis de séduire une certaine
frange des consommateurs responsables. Cet exemple récent illustre à nos yeux comment
l’entreprise peut exploiter la facette de la CSR liée au volume de consommation. Ce thème
semble avoir été peu exploité jusqu’à présent par les managers. Nous pensons qu’il représente
pourtant des opportunités de communication réelles.

La deuxième partie de cette recherche doctorale s’est attachée à mettre en évidence les
déterminants individuels de la CSR. Les résultats, présentés dans le chapitre 6, montrent le
rôle significatif des variables à la fois sociodémographiques et psychologiques. Il est donc
possible de segmenter les consommateurs sur le thème de la CSR. Cette démarche constitue
en effet une étape indispensable pour toute entreprise souhaitant se positionner sur ce thème.
Une analyse canonique généralisée non linéaire menée sur un échantillon représentatif de la

340
population française (n=714) nous a permis de mettre en évidence différents groupes de
consommateurs socialement responsables. Les résultats de cette étude sont reproduits en
figure 77. Il apparaît que les femmes et les personnes de plus de 40 ans sont globalement plus
sensibles aux aspects socialement responsables que la moyenne. Les catégories
socioprofessionnelles les plus engagées sont les commerçants et les cadres ; à l’inverse les
moins attachés à ces aspects ont une profession de type ouvrier, employé ou profession
intermédiaire. De plus, nous avons trouvé deux indicateurs permettant d’identifier les
consommateurs les plus responsables : ces personnes suivent régulièrement les actualités et
participent aux votes politiques.

341
actua--
pdts.part--

actua-

origine.géo++
vote-
homme
51-60ans
41-50ans
enfants
petit.com-- rural
prof.inter 61-70ans
volume++
int.ent-
étudiant actua++
ouvrier
employé int.ent-+ pratiq.ent++
commerçants
pratiq.ent-- cadre
vote++
citadin
retraité
volume--
31-40ans
petit.com++
femme
actua+ inactif

origine.géo--

pasenfant

int.ent+
20-30ans

pdts.part++

Légende
Les 5 dimensions de l’échelle de CSR Les autres variables

pratiq.ent : refus d’achat aux entreprises prof.inter : profession intermédiaire


irresponsables
pdts-part : achat de produit partage int.ent : intérêt supposé de l’entreprise lorsqu’elle agit en
petit.com : défense du petit commerce faveur de l’environnement ou de la société
origine.géo : origine géographique des produits -- : son intérêt propre uniquement,
volume : limiter son volume de consommation -+ : son intérêt propre essentiellement mais aussi celui des
autres,
++ : très sensibles +: intérêt des autres essentiellement mais aussi son intérêt
-- : pas du tout sensibles propre

actua : fréquence avec laquelle on suit les actualités


(--/-/+/++)

vote : fréquence avec laquelle on vote (-/++)


Figure 77 : Profil sociodémographique des consommateurs en matière de CSR, par analyse canonique
généralisée non linéaire (n=673)

342
La troisième partie de la recherche doctorale a été consacrée à la modélisation du
comportement d’achat socialement responsable. La formalisation proposée a été globalement
validée par les analyses statistiques malgré certains résultats inattendus. Le processus de
décision du consommateur obtenu permet de dégager différentes conclusions à l’égard des
entreprises impliquées dans des dilemmes éthiques.
Tout d’abord, les analyses montrent que face à une situation de consommation ayant des
enjeux socialement responsables, la réaction du consommateur est essentiellement fondée sur
des paramètres personnels. A l’origine, le modèle postulait le rôle déterminant de trois
grandes variables sur le comportement du consommateur : l’intensité éthique de la situation,
le coût de l’achat socialement responsable et la sensibilité envers la cause engagée. En réalité,
il apparaît que les deux premiers éléments, à priori liés au contexte, sont en réalité l’objet
d’une évaluation très personnelle du consommateur. En effet, nous avons mis en évidence le
caractère très subjectif de l’intensité éthique et il est irréaliste de vouloir quantifier celle-ci de
façon objective : les répondants évaluent différemment la gravité d’une même situation. Dans
le modèle, ce phénomène se concrétise à travers l’influence de la sensibilité personnelle de
l’individu envers la cause engagée sur l’évaluation de l’intensité éthique. De même,
l’évaluation du coût de l’achat socialement responsable semble très subjective : même si les
scénarios proposés aux répondants décrivaient tous un niveau de coût identique (distance de 5
km), la variance obtenue sur cette variable est très importante (voir annexe 14). Ainsi, les
éléments situationnels n’interviennent pas directement sur la prise de décision du
consommateur : ce qui compte avant tout, c’est la perception qu’en a l’individu. Ce constat
montre donc qu’il est très difficile de prévoir la réaction des consommateurs en matière de
responsabilité sociale. Leur comportement sera fonction de leur sensibilité propre et ne pourra
pas être appréhendé par les caractéristiques de la situation. Cette conclusion vient globalement
en contradiction avec les travaux de Jones (1991), postulant que face à un enjeu éthique, le
comportement des individus peut être prédit par les paramètres situationnels. Ainsi, nos
résultats incitent à une vision alternative du modèle de Jones (1991) et soulignent la nécessité
de raisonner sur la perception des variables situationnelles par les consommateurs.
Les implications de ces résultats pour les managers sont plutôt encourageantes. En effet, ils
indiquent qu’une entreprise condamnée publiquement pour ses pratiques irresponsables ne
sera pas forcément victime d’un boycott massif. La réaction des consommateurs, malgré
l’influence des médias, sera l’objet de processus de décision individuels faisant intervenir des
paramètres avant tout personnels.

343
De plus, l’achat socialement responsable présente toujours un coût par rapport à l’achat
traditionnel et cet élément est déterminant dans le comportement du consommateur. Ainsi, la
nécessité de se déplacer, de devoir payer plus cher ou de renoncer à ses habitudes d’achat
pour satisfaire des critères socialement responsables est un frein majeur pour l’individu. Un
boycott supposant des sacrifices de la part des consommateurs aura donc peu de chances
d’être suivi avec beaucoup d’ampleur. Les entreprises ayant une offre bien distincte de leurs
concurrents semblent donc à l’abri de telles sanctions collectives.

Abordons maintenant les implications opérationnelles que l’on peut tirer des différentes
étapes de raisonnement du consommateur en matière de CSR. Sur ce point, le modèle proposé
valide les trois premières étapes de la séquence de Rest (1986) : reconnaissance d’un enjeu
éthique jugement éthique intention. Ainsi, toute réflexion de l’individu en matière
d’éthique est totalement conditionnée par le fait de reconnaître un enjeu éthique à la situation,
conformément aux prédictions de Hunt et Vitell (1986). Si ce résultat peut sembler évident, il
ne faut pas pour autant négliger les répercussions qu’il peut avoir. En effet, Carrigan et Attalla
(2001) montrent qu’une partie importante de la population ne mesure pas les enjeux éthiques
de la consommation, et en conséquence ne pratique jamais la CSR. Dans notre dernier
questionnaire (n=826), la mesure de la reconnaissance d’un enjeu éthique présente une
distribution assez étalée (voir annexe 14) : une part importante des répondants ne perçoit donc
pas réellement d’enjeu éthique dans le scénario proposé. Il semble évident que ces
consommateurs, non sensibilisés à l’éthique, n’adopteront pas une consommation
responsable. Ceci montre que malgré une médiatisation croissante des thèmes socialement
responsables auprès du grand public, une partie importante de la population n’est toujours pas
sensibilisée à ces enjeux de la consommation. Si les pouvoirs publics souhaitent donner une
plus grande part aux consommateurs dans la régulation éthique du marché, il est donc
nécessaire de communiquer davantage sur ce sujet. On peut cependant penser que la
conscience des enjeux éthiques de la consommation prend de plus en plus d’ampleur au sein
de nos sociétés.

Enfin, le dernier point que nous souhaitons aborder dans cette partie consacrée aux
implications managériales concerne l’impact du jugement éthique du consommateur sur son
comportement. Les tests empiriques du modèle de CSR proposé mettent en évidence un lien
très faible entre ces deux variables : ainsi, le jugement éthique du consommateur est un
mauvais indicateur de son comportement. En réalité, dans un dilemme éthique, la décision du

344
consommateur est fonction de sa sensibilité à la cause socialement responsable engagée, du
coût de l’achat socialement responsable et éventuellement de l’intensité éthique. Cette
dernière variable n’est en effet significative que pour la facette de la CSR liée aux petits
commerces. Ce constat montre que les entreprises montrées du doigt dans les médias pour
leur comportement irresponsable ne doivent pas se fier aux sondages d’opinion sur le
jugement de l’acte en question. Même si un grand nombre d’individus condamne les pratiques
de l’entreprise, cela ne prédit en rien un boycott massif de la firme. En cela, nos résultats
rejoignent les conclusions de Klein, Smith et John (2004).
Ces résultats montrent également que dans une situation ayant un enjeu éthique, le
consommateur se comporte de façon spontanée : il agit directement en se basant sur sa
sensibilité envers la cause engagée et sa perception de la situation. Sa réaction n’est donc pas
issue d’un processus de raisonnement élaboré faisant intervenir le jugement éthique, mais au
contraire, semble plutôt impulsive. Ce constat n’est guère surprenant : les enjeux socialement
responsables étant des critères d’achat très secondaires, ils ne sont traités que très rapidement
par les individus.

La figure 78 récapitule l'ensemble des implications managériales de la recherche doctorale.

345
- Le consommateur a davantage un comportement de sanction
que de récompense en ce qui concerne la responsabilité des
entreprises.

- Les seules initiatives responsables des entreprises


récompensées par les consommateurs sont les opérations de
promotion-partage, où le consommateur est associé étroitement
à l'opération
Implications pour les
entreprises souhaitant
- Mettre en avant l'origine française ou régionale des produits
intervenir dans le domaine
de la responsabilité sociale :
- Créer des magasins plus humains et plus proches du
consommateur

- Vanter l'aspect simple, non transformé et non futile des


produits vendus.

- Cibler les femmes, les personnes de + de 40 ans, occupant une


CSP de type cadres ou commerçants

- La réaction des consommateurs n'est pas prévisible par les


caractéristiques objectives de la situation mais dépend de leur
perception personnelle.

- Si le boycott demande de sacrifices de la part des


Implications pour les consommateurs, il aura peu de chance d'être suivi massivement.
entreprises ayant commis
une faute éthique - Le jugement éthique des consommateurs est un très mauvais
indicateur de leur comportement réel.

- Le consommateur réagit de façon spontanée selon les


caractéristiques de la situation et ses habitudes de
consommation.
- Pour inciter les consommateurs à pratiquer une CSR, il faut
Implications pour les sensibiliser l'opinion publique sur les enjeux éthiques de la
pouvoirs publics consommation

Figure 78: Synthèse des implications managériales de la recherche doctorale.

Cette partie s'est attachée à identifier les implications de nos résultats pour les acteurs de
l'entreprise. Nous avons également l’espoir que ce travail pourra servir à d’autres chercheurs
s’attelant au thème de la consommation socialement responsable. Dans ce but, nous avons
identifié les différents enseignements que l'on peut tirer de cette thèse au niveau académique.

346
3. IMPLICATIONS ACADEMIQUES

Tout d’abord, nous souhaitons souligner qu’il paraît possible d’adopter une vue globale du
concept de CSR. Comme nous l’avons déjà fait remarquer plusieurs fois dans ce manuscrit, ce
concept a fait l’objet de peu d’études, et dans la littérature, il est souvent assimilé à la réaction
des consommateurs face aux pratiques des entreprises. Dans cette recherche, nous avons pris
le parti d’élargir la notion de CSR et d’y englober différentes préoccupations du
consommateur. En nous appuyant sur des entretiens menés auprès d’un échantillon de
consommateurs français, nous avons mis en évidence cinq facettes de la CSR : refus d’acheter
aux entreprises irresponsables, achat de produits partage, défense des petits commerces,
préférence pour les produits domestiques et réduction du volume de consommation. Ces
résultats confirment donc que la notion de CSR représente des sensibilités diverses des
consommateurs, et ne se limite pas forcément au boycott des entreprises. La vision retenue ici
permet de regrouper différentes facettes de comportements du consommateur, et ainsi,
d’envisager de façon globale les déterminants ou motivations de celui-ci. Sans vouloir
imposer notre vision de la CSR, nous souhaitons néanmoins souligner la possibilité d’adopter
un angle d’analyse plus large, et probablement plus riche, que celui retenu jusqu’à présent
dans la littérature.

Un des apports académiques de cette thèse réside, à nos yeux, dans l’élaboration d’un outil de
mesure de la CSR. L’échelle a été construite et validée sur deux échantillons de 533 et 714
répondants, dont l’un est relativement représentatif de la population française. Les tests de
validité et fiabilité sont satisfaisants et le pourcentage de variance restituée avoisine les 65%.
De plus, les analyses effectuées au moyen des modèles d'équations structurelles montrent que
la structure présente de bons indices d’ajustement et que les résultats sont stables lorsque l’on
simule de nouveaux échantillons (procédure de bootstrap). Au niveau de la validité
nomologique, les analyses montrent également des résultats cohérents malgré certaines
interrogations concernant le rôle du centre de contrôle et du mode de raisonnement éthique.
Toutes ces conclusions incitent à penser que l’échelle construite dans cette recherche
constitue un outil de mesure satisfaisant de la CSR dans un contexte français. Nous espérons
qu’elle sera utilisée à l’avenir dans d’éventuelles recherches menées sur ce thème, et que, le
cas échéant, elle donnera satisfaction sur un plan méthodologique.

347
La faiblesse des contributions académiques portant sur le thème de la CSR nous a incité, dans
la première partie de cette recherche doctorale, à explorer un cadre théorique non directement
lié au marketing : celui de la post-modernité. Nous avons montré en quoi les idées post-
modernes permettent de bien comprendre le sens que peut avoir la CSR pour les individus
dans nos sociétés : rôle de lien social, de communication, d’expression des valeurs
identitaires. Le domaine du marketing semble s’intéresser de plus en plus à la notion de post-
modernité et aux valeurs qu’elle véhicule dans nos sociétés : pour preuve, citons les parutions
récentes d’articles portant sur ce thème (Lipovetsky, 1995, Cova, 1995, Hetzel, 1996, Gabriel,
1996). Il nous semble que cette démarche offre des perspectives d’analyse à la fois pertinentes
et riches pour mieux comprendre le comportement du consommateur. En ce sens, nous
souhaitons souligner ici combien le recours au cadre théorique de la post-modernité paraît
adapté à l’étude du comportement de l’acheteur socialement responsable.
Nous allons maintenant dégager les implications académiques de la partie de cette recherche
doctorale liée à la modélisation du comportement du consommateur responsable. Trois points
nous semblent importants à souligner.
Le premier concerne la démarche adoptée pour élaborer le modèle théorique. L’absence de
contributions académiques portant directement sur la CSR nous a conduits à nous appuyer à la
fois sur les travaux effectués dans des domaines spécifiques de CSR (consommation verte et
boycott) et sur les modèles décrivant le comportement éthique du manager dans l’entreprise.
Plus précisément, sur ce dernier point, la formalisation proposée s’inspirait largement du
modèle de Jones (1991). La transposition d’un modèle d’éthique conçu pour le cadre de
l’entreprise au contexte de la consommation avait déjà été réalisée avec succès par Marks et
Mayo (1991). Il nous a donc semblé possible de suivre cette démarche partant de l’idée que le
comportement d’un individu face à un problème éthique suivait un processus similaire qu’il
s’agisse d’un contexte organisationnel ou marchand. Les tests ont globalement validé le
modèle élaboré : ceci confirme donc que la transposition d’un modèle conçu pour le manager
au cadre de la consommation est réalisable. Notons cependant que le choix du modèle de
Jones (1991) a été guidé par les pistes de réflexion suggérées par les travaux portant sur le
contexte de la consommation, qu’il s’agisse du boycott ou de la consommation verte. Nous
souhaitons donc souligner qu’il est a priori possible de transposer, sous certaines conditions,
un modèle traitant de l’éthique dans le domaine managérial vers celui de la consommation.
Le manque de contributions académiques sur l’éthique du consommateur rend cette
conclusion particulièrement intéressante.

348
Le second point que nous souhaitons aborder tient également à la conceptualisation proposée
du comportement de CSR. Suite à l’étude des travaux portant sur la prise de décision éthique
du manager, nous avons choisi de modéliser la notion de dilemme éthique du consommateur.
Ceci revient à penser qu’un consommateur a toujours le choix entre deux stratégies d’achat
différentes :
- l’achat non socialement responsable, permettant de maximiser le bien-être personnel
- l’achat socialement responsable, respectant des critères éthiques mais exigeant certains
sacrifices de la part du consommateur.
L’individu est donc placé dans une situation de dilemme puisqu’il doit choisir entre son
intérêt personnel et les critères éthiques. Cette modélisation a été retenue car elle nous semble
très représentative de la réalité : la prise en compte de critères éthiques présente toujours des
contre-parties : surcoût financier, nécessité de se déplacer dans certains magasins spécialisés,
d’accepter une moindre qualité, un moindre choix etc. De plus, en retenant cette
conceptualisation, nous nous plaçons à la fois dans la lignée des modèles sur la prise de
décision éthique du manager ( Ferrell et Gresham, 1985, Trevino, 1986, Hunt et Vitell, 1986)
et dans les travaux de Sen, Gürhan-Canli et Morwitz (2001) sur le boycott : ces derniers
proposent en effet de modéliser ce type d’action comme un dilemme social où le
consommateur doit choisir entre son bien-être personnel et l’intérêt collectif.
Il nous semble particulièrement réaliste de modéliser la CSR comme la résultante d’un
dilemme éthique. Cet angle d’approche permet d’envisager les différents sacrifices requis par
la CSR et ainsi de mieux comprendre le comportement du consommateur.

Enfin, le dernier point qui nous paraît important sur un plan académique réside dans la mise
en place du test du modèle théorique. Afin de tester l’impact de l’intensité éthique dans le
processus de prise de décision du consommateur, nous avons choisi de créer différents
scénarios : une version faible et une version forte, décrivant respectivement un niveau de
gravité faible et fort. En effet, à cette étape de la recherche, nous pensions que
l’administration d’un scénario unique engendrait le risque d’obtenir une forte homogénéité
dans l’évaluation de l’intensité éthique de la part des répondants, et que ceci pourrait perturber
les analyses statistiques. Cependant, avec recul, il semble que cette précaution était inutile : un
même scénario conduit en effet à des perceptions individuelles très différentes. Les résultats
ont en effet montré que l’intensité éthique est en réalité très subjective, et demeure fonction de
la sensibilité du consommateur envers la cause engagée. Ainsi, une même situation pourra
paraître grave pour des individus très préoccupés par l’aspect socialement responsable mis en

349
cause, et peu grave pour les autres. Ce constat amène à penser qu’il n’est donc pas nécessaire
de faire varier le niveau d’intensité éthique dans le test du modèle de Jones (1991) : la
création d’un scénario unique permettra d’obtenir des évaluations très différentes quant au
degré d’éthique de la situation présentée.

La figure 79 récapitule l'ensemble des implications académiques de la recherche doctorale.

- Possibilité d'adopter une vision large de la CSR, allant au


delà de la réaction du consommateur face au comportement
des entreprises.

- Possibilité d'utiliser l'échelle de CSR à 5 dimensions.

- Possibilité d'utiliser le cadre conceptuel de la post-modernité.


Implications pour les
- Possibilité de transposer un modèle d'éthique conçu pour le
chercheurs s'intéressant au
manager au cadre de la consommation.
thème de la CSR
- Nécessité d'envisager les coûts inhérents à la CSR: notion de
dilemme éthique

- Lors de la mise en oeuvre du modèle de Jones (1991), inutile


de créer différents niveaux d'intensité éthique: même face à un
scénario unique, les perceptions des consommateurs seront
hétérogènes.

Figure 79: Synthèse des implications académiques de la recherche doctorale.

4. LIMITES DE LA RECHERCHE

Maintenant que nous avons étudié les apports et enseignements de la recherche doctorale, il
convient de mettre en évidence les limites de nos travaux. Nous sommes conscients que ce
travail présente différentes faiblesses que nous allons détailler ci-après.
Tout d’abord, il demeure certaines incertitudes quant à ce que l’échelle de CSR créée mesure
réellement. Les problèmes liés à la quantification du comportement de CSR nous ont incités
à opter pour la mesure de l’attitude. Afin de minimiser le biais de désirabilité sociale et de se
rapprocher le plus possible du comportement, nous avons, dans un second temps, choisi la
dimension conative de l’attitude. Autrement dit, l’échelle créée représente l’intention de
consommer de façon responsable. Nous en avons déduit que les items mesuraient, de façon

350
indirecte, le degré de préoccupation du consommateur. Dans la troisième partie de cette
recherche doctorale, nous avons également supposé que l’échelle reflétait les habitudes de
consommation du répondant sur le thème de la CSR : ainsi, par exemple, un score élevé était
censé révéler une forte tendance à la prise en compte des critères éthiques dans la
consommation. Ces hypothèses de travail relevaient, cependant, plus de l’intuition et de
l’approximation que d’une vérification empirique. On peut même voir une certaine
contradiction entre le fait que notre échelle fut parfois assimilée à une attitude et parfois à un
comportement. En réalité, nous ignorons si les réponses indiquées par les répondants tiennent
compte ou non des nombreux freins à la CSR. Si oui, l’échelle s’apparente donc effectivement
à une tendance à l’action ; si non, elle s’assimile plus à une préoccupation. Cette interrogation
nous a, par exemple, gêné dans l’interprétation de certains résultats concernant le test de la
validité nomologique de l’échelle. La non significativité du lien entre le centre de contrôle et
l’échelle de CSR incite plutôt à penser que celle-ci mesure une préoccupation plus qu’une
intention de comportement. Rien ne permet cependant de garantir cette lecture des résultats.
L’incertitude quant à ce qui est mesuré exactement par l’échelle affaiblit assurément la valeur
de ce travail. Cela n’enlève cependant pas un apport important tiré de la construction de cette
outil : la mise en évidence des différentes facettes de CSR.

Une autre critique que l’on peut adresser à ce travail doctoral réside dans la relative faiblesse
du cadre théorique. Le concept de CSR a été largement délaissé par les chercheurs au profit
soit du champ de l’éthique des affaires, soit de comportements de consommation plus précis,
tels que le boycott, la consommation verte, l’achat de produits partage. Cet état de fait nous a
donc amené à choisir notre propre vision de la CSR, et à y englober de nouvelles facettes.
Pour cela, nous nous sommes basés essentiellement sur des entretiens qualitatifs auprès de
consommateurs français. Notre démarche fut donc largement exploratoire, basée sur notre
propre interprétation des données obtenues. Cette approche est, en un sens, critiquable
puisqu’elle dépend largement de notre travail : ainsi, un autre chercheur aurait peut-être
conduit et analysé différemment les entretiens qualitatifs. Le fait que cette recherche ne
s’inscrive pas dans un cadre théorique précis et bien établi rend donc ce travail assez subjectif.
Nos résultats peuvent ainsi prêter le flanc à la critique plus facilement.

Un autre point important à souligner tient à la méthodologie adoptée pour collecter les
données. Le manque de temps et de moyens nous a conduit à opter pour des questionnaires
auto-administrés. Les réponses indiquées sont donc basées sur les déclarations des

351
répondants. Or, il est largement reconnu que ce type de données n’est pas très représentatif du
comportement concret des individus au quotidien. L’écart entre le comportement déclaré et
les pratiques réelles est particulièrement important dans notre domaine de recherche. La
méthode des scénarios, adoptée pour la dernière collecte de données, est censée favoriser la
mise en situation du répondant et donc augmenter l’aspect réaliste des réponses. Malgré cela,
il est évident que les données sur lesquelles nous avons travaillé ne sont pas complètement
révélatrices du comportement véritable des consommateurs. Il est très probable qu’une
majorité d’individus a eu tendance à surestimer son intention de consommer de façon
responsable. Sur ce point, le recours à des panels serait le moyen le plus sûr pour s’affranchir
du biais de désirabilité sociale. A défaut, l’expérimentation en laboratoire avec mise en
situation d’achat réelle offrirait une bonne alternative pour garantir la validité des réponses de
l’échantillon.

Enfin, toujours à propos des aspects méthodologiques, notons que l’administration des
questionnaires par Internet a induit de forts biais dans les échantillons obtenus. Ce mode de
collectes de données, adopté pour le premier questionnaire sur l’échelle de CSR (collecte 2,
n=533) et pour le test du modèle théorique (collecte 4, n=826), a été choisi principalement
pour des raisons de facilité, de fiabilité et de rapidité. Dans les deux cas, le questionnaire était
envoyé à un cercle élargi de connaissances en demandant aux répondants de faire suivre le
lien Internet à leur entourage. Les deux échantillons obtenus ne sont pas représentatifs de la
population française en termes d’âge et de catégorie socioprofessionnelle. Ils sont constitués
en large majorité de jeunes citadins, occupant une profession intellectuelle supérieure, ce qui
correspond bien au profil type actuel des internautes. Le fait d’avoir mené les analyses sur de
tels échantillons de convenance est critiquable, d’autant plus que l’âge et la CSP sont
déterminants sur le thème de la CSR. Remarquons cependant l’effort mené au cours de la
troisième collecte de données (n=714) pour obtenir un échantillon offrant une certaine
représentativité sur les critères d’âge, de genre et de CSP. Par ce moyen, nous avons vérifié la
bonne stabilité de la structure de l’échelle de CSR.

352
5. PERSPECTIVES

En conclusion, cette recherche doctorale avait pour objectif de réhabiliter la notion de


consommation socialement responsable. Notre idée initiale était en effet qu’il était plus riche
et plus réaliste de raisonner de façon globale plutôt que d’aborder de façon isolée différents
comportements de consommation théoriquement proches. Cette démarche nous a conduit à
construire une échelle de mesure de la CSR et à modéliser le processus de prise de décision du
consommateur sur ce thème. Nous espérons que ces travaux pourront servir à d’autres
chercheurs s’attelant à ce domaine de recherche, tant au niveau des résultats que de la
synthèse de la littérature et qu'à l'avenir, ce thème bénéficiera de toute l’attention qu’il mérite.

De nombreux travaux sont encore nécessaires pour bien comprendre cet aspect du
comportement du consommateur. Il serait intéressant, par exemple, d’étudier les motivations
sous-jacentes du consommateur à intégrer de tels critères dans ses décisions d’achat. Les buts
poursuivis sont-ils d’ordre altruiste ? De même, on peut s’interroger sur l’influence culturelle
de ce mode de consommation. La dimension de l’échelle ayant trait aux petits commerces
semble liée à l’histoire propre de notre pays, et n’apparaîtrait probablement pas dans une
étude menée dans un contexte américain. A l’inverse, d’autres cultures présentent peut-être
d’autres préoccupations que celles identifiées dans cette étude. Dans le même ordre d’idée, la
notion de CSR est probablement contingente à une époque. Les facettes de la CSR mises en
évidence ici ne seront peut-être plus valables dans quelques années. On peut donc s’interroger
sur les évolutions probables de cette tendance de consommation. Des études longitudinales et
interculturelles sur le thème de la CSR mériteraient ainsi d’être entreprises.
Un autre thème qu'il serait intéressant d'étudier réside dans le rôle de l'information. Les
consommateurs déclarent souvent ne pas pratiquer de consommation responsable faute de
connaître les pratiques des entreprises. Si cela est vrai, la diffusion d'informations sur le sujet
devrait provoquer une forte hausse de la consommation engagée. Ceci demeure cependant une
supposition qui mériterait confirmation. De plus, il faudrait étudier le meilleur moyen de
diffuser cette information. Le recours à une norme sociale semble la meilleure solution et est
souvent plébiscité par le collectif de "De l'éthique sur l'étiquette". Cependant, il reste à savoir
quel devrait être le cahier des charges de cette éventuelle norme: garanties sociales ?
Environnementales? Les deux ? Si oui, lesquelles? Avec quel contrôle ?

353
Enfin, chacune des facettes de l'échelle de CSR créée mériterait des travaux plus approfondis.
Le volume d'affaire du commerce équitable croît à un rythme important mais demeure
largement plus faible en France que chez nos voisins européens57. Quel sont les raisons de cet
écart? Est-ce un problème de notoriété, de distribution, d'offre ou tout simplement de
mentalités ? Il serait également intéressant d'explorer la préoccupation des consommateurs
pour le petit commerce. Quels sont les fondements de cette attitude? Peur de la globalisation?
Besoin d'un sentiment de communauté ? De même, la préférence pour les produits
domestiques renvoie probablement à la notion d'identification avec la nation ou la région. Cet
attitude des consommateurs est-elle en déclin? Si oui, pourquoi ? Enfin, nous aimerions
approfondir le thème du volume de consommation: la volonté de certains individus de ne pas
surconsommer et d'essayer de faire les choses soi-même nous semble particulièrement digne
d'intérêt. En effet, paradoxalement, cette préoccupation, reflétant une prise de recul des
individus par rapport à la société de consommation, semble s'accroître, malgré la hausse
continuelle de la consommation. De plus, à nos yeux, cette facette représente véritablement ce
que pourrait être une consommation responsable à tout égard.

Quelles que soient les problématiques adoptées à l’avenir par les chercheurs, espérons que ces
travaux aideront à mieux comprendre ce comportement et in fine à encourager les
consommateurs à prendre conscience du pouvoir qu’ils détiennent à travers leurs achats.

57
Le Monde, le 3 mai 2005

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372
ANNEXES

Annexe 1 : Questionnaire 1 (n=507)............................................................................373


Annexe 2 : Résultat d’une analyse factorielle en axes principaux, sur n=507 ........378
Annexe 3 : Description des données de la collecte 2 (N=507) ..................................379
Annexe 4 : Description des données de la collecte 3 (n=714)....................................381
Annexe 5 : Test de la validité discriminante de l’échelle de CSR ............................386
Annexe 6 : Questionnaire 2 (n=714)............................................................................387
Annexe 7 : Détail des résultats de l’analyse canonique généralisée non linéaire
(n=714) ...........................................................................................................................392
Annexe 8 : Détail des échelles utilisées dans la collecte 3 (n=714)............................393
Annexe 9 : Contrôler le biais de désirabilité sociale (n=714)....................................397
Annexe 10 : Modèle de prise de décision éthique du manager.................................403
Annexe 11 : Scénarios testés pour le test du modèle de CSR ...................................406
Annexe 12 : 2 versions du questionnaire 3 .................................................................408
Annexe 13 : Présentation des échelles ayant servi au test du modèle théorique
(collecte 4, n=826). ........................................................................................................414
Annexe 14 : Description des données de la collecte 4 (n=826)..................................419
Annexe 15 : Exemple de publicité Carrefour (2003).................................................427
Annexe 16 : Exemple de publicité Philips (2005).......................................................428

373
Annexe 1 : Questionnaire 1 (n=507)

Bonjour,

Ceci est une étude anonyme à but universitaire. Il s’agit d’indiquer pour chacune des
propositions la réponse qui reflète le mieux votre position.

Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, vous pouvez répondre en toute sincérité.
Pour la qualité de l’étude, il est important que vous répondiez à toutes les questions et cela en prenant
le temps de la réflexion.

Merci d’avance !
Tout à
Pas du tout Pas Plutôt pas Plutôt
D’accord fait
d’accord d’accord d’accord d’accord
d’accord

1. J’évite de faire tous mes achats en grandes surfaces

2. Avant de racheter un objet, je fais tout pour le réparer.

3. J’achète aux petits commerces ( boulangerie, boucherie,


librairie...) le plus souvent possible.
4. Je refuse de payer au « noir » car cela échappe à la TVA donc
à la redistribution de l’état
5. Lorsque je vais au restaurant, je choisis de préférence un
restaurant de cuisine française
6. Je ne cherche pas toujours les prix les plus bas

7. Je fais vivre les commerçants de mon quartier à travers mes


achats.
8. J’évite d’acheter des produits fabriqués dans des pays dont je
désapprouve le régime politique.
9. J’achète des produits dont une partie du prix revient à une
cause humanitaire
10. Je n’achète pas de produits dont la publicité met en scène les
femmes d’une façon péjorative
11. Je n’achète pas les produits que je peux faire moi-même

12. Quand je vais au restaurant, j’évite les grandes chaînes


présentes partout en France.
13. Je donne mon soutien à travers mes achats aux entreprises
ou aux commerçants qui sont connus pour leur engagement vis-
à-vis de la société
14. J’évite d’acheter des livres ou de fleurs en grande surface

15. Je n’achète pas de vêtements ou de bijoux qui ont nécessité


de tuer des animaux rares
16. J’évite d’acheter les marques de distributeurs (produits
Carrefour, Géant, Repère, Auchan, Décathlon...) car cela nuit
fortement aux autres marques.

374
17. De manière générale, j’essaie de ne pas trop consommer.

Tout à
Pas du tout Pas Plutôt pas Plutôt
D’accord fait
d’accord d’accord d’accord d’accord
d’accord

18. J’évite d’acheter à des prix qui paraissent vraiment bas

19. J’évite d’aller faire des courses le dimanche car personne ne


devrait travailler le dimanche
20. J’évite d’acheter des produits qui ont un gros volume
d’emballage
21. J’achète des produits dont l’argent revient aux pays en voie
de développement
22. Quand j’ai le choix, j’essaie d’acheter des produits fabriqués
dans ma région.
23. J’évite d’acheter à des entreprises qui ont commis des actes
immoraux
24. Je refuse de voyager dans un pays dont je désapprouve
fortement le régime politique
25. J’achète de préférence des voitures françaises

26. J’investis (investirais) dans des entreprises françaises, plutôt


que dans des entreprises étrangères
27. J’achète des produits issus de l’agriculture biologique (label
Bio)

28. Lorsque je vais au cinéma, si j’ai le choix, j’évite les grandes


chaînes présentes partout en France
29. Dans mes achats, je privilégie les produits fabriqués en
Europe.
30. J’essaie de limiter ma consommation à ce dont j’ai vraiment
besoin
31. J’évite de consommer les produits symbolisant la
mondialisation (produits alimentaires, films...)
32. J’évite d’acheter aux entreprises qui sont guidées
uniquement par une logique de profit
33. Je fais attention à ne pas acheter de produits comportant des
organismes génétiquement modifiés (produit OGM)
34. Je vais au marché pour soutenir les petits producteurs de
fruits et légumes
35. Je limite ma consommation de produits ménagers qui sont
mauvais pour l’environnement (détergents, eau de javel...).
36. J’évite d’acheter des produits fabriqués dans des pays ne
respectant pas les droits de l’homme.
37. Quand j’ai le choix entre un produit européen et un produit
fabriqué ailleurs dans le monde, je choisis le produit européen.
38. J’achète le moins possible de produits jetables, à usage
unique.

39. Quand je peux, j’achète des produits fabriqués par des petits
artisans.
40. J’achète les produits vendus par des organismes qui
contribuent à la réinsertion des plus démunis (chômeurs, SDF…).
41. Je trie mes ordures ménagères

42. Je fais attention à ne pas acheter à des entreprises ou à des


commerçants qui ont des liens étroits avec des organisations
comme la mafia, les sectes.
43. Je soutiens à travers mes achats les entreprises françaises
menacées de fermeture.

375
44. Je vais voir de préférence des films à petit budget

45. Je n’achète pas de produits dont les publicités cherchent à


choquer l’opinion publique

Tout à
Pas du tout Pas Plutôt pas Plutôt
D’accord fait
d’accord d’accord d’accord d’accord
d’accord

46. Je choisis des produits avec des emballages recyclables ou


réutilisables
47. J’achète des produits dont une partie du prix est reversée à
une bonne cause.
48. Je refuse de voyager dans les pays qui ne respectent pas les
droits de l’homme
49. Je refuse d’acheter à une entreprise qui licencie alors qu’elle
fait encore du profit
50. Quand j’en ai la possibilité, j’utilise les transports en commun
plutôt que la voiture
51. J’achète des produits issus du commerce équitable (filière qui
garantit un niveau de vie décent aux petits producteurs des pays
du sud).
52. Je ne cherche pas à obtenir les prix les plus bas face à
quelqu’un de moins favorisé que moi.
53. J’essaie de ne pas acheter des produits fabriqués par des
entreprises qui font travailler des enfants
54. J’achète des cartes de vœux Unicef ou autres produits qui
aident les personnes en difficulté
55. J’essaie de ne pas acheter aux entreprises qui ont des
pratiques irrespectueuses vis-à-vis de leurs salariés
56. J’évite d’acheter aux entreprises qui délocalisent dans les
pays pauvres pour pouvoir payer moins cher leur main d’œuvre.
57. Je donne mon soutien à travers mes achats aux entreprises
ou aux commerçants qui sont connus pour leur engagement
écologique
58. Je fais vivre les entreprises de ma région à travers mes
achats.

59. Je n’achète pas de viande quand les animaux n’ont pas été
traités dans des bonnes conditions
60. Je refuse de jouer en bourse

61. J’achète des fruits et légumes produits en France

62. Souvent, je préfère acheter plus cher, mais être sûr que le
produit a été fabriqué dans de bonnes conditions
63. J’essaie de ne pas acheter aux entreprises qui polluent
fortement .
64. J’achète du papier recyclé

65. J’investis (investirais) dans des entreprises européennes,


plutôt que dans des entreprises situées ailleurs dans le monde.
66. Quand j’ai le choix entre payer à la caisse ou payer par carte
bleue à un automate (péage d’autoroute, station service..), je
choisis la caisse.
67. J’essaie de faire un effort pour limiter ma consommation de
produits faits à partir de ressources rares.
68. Je n’achète pas d’œufs de poules élevées en batterie (pas
élevées en plein air)
69. Je refuse d’acheter des magazines « people » qui relatent la
vie privée des célébrités
70. J’investis dans des « fonds éthiques » plutôt que dans
d’autres valeurs boursières (les fonds éthiques offrent la garantie
de placer son argent dans des entreprises responsables à l’égard

376
de leurs salariés, de la société civile, ou de l’environnement).

71. J’achète des médicaments génériques plutôt que des


médicaments de marque.
72. J’essaie de ne pas acheter à des entreprises ou à des
commerçants qui ont des liens étroits avec des partis politiques
que je condamne.
73. J’évite d’acheter des contrefaçons (produits qui copient à
l’identique les grandes marques)

Vous êtes :

un homme
une femme

Votre âge :

< 20 ans
20-30 ans
31-40 ans
41-50 ans
51-60 ans
61-70 ans
> 70 ans

Vous êtes :

Célibataire, veuf, divorcé


En couple sans enfant
En couple avec enfants

Vous habitez :

Dans une ville de plus de 10.000 habitants


Dans une ville de moins de 10.000 habitants
A la campagne

Votre activité :

Agriculteur
Commerçant, artisan, chef d’entreprise
Cadre, Profession intellectuelle supérieure
Profession intermédiaire
Employé
Ouvrier
Retraité
Inactif
Autre (précisez)
Merci de votre participation !

377
Annexe 2 : Résultat d’une analyse factorielle en axes principaux, sur n=507

% de variance restituée = 54%

Matrice des types(a)

Facteur
1 2 3 4 5
Q55 ,911
Q63 ,787
Q42 ,776
Q53 ,720
Q72 ,645
Q9 ,865
Q21 ,864
Q47 ,635
Q51 ,532
Q3 ,803
Q1 ,701
Q7 ,690
Q34 ,515
Q37 ,841
Q61 ,681
Q25 ,563
Q22 ,503
Q30 ,876
Q17 ,704
Q11 ,453
Factorisation en axes principaux. Méthode de rotation : Promax avec normalisation de
Kaiser.

Matrice de corrélation factorielle

Facteur 1 2 3 4 5
1 1,000 ,691 ,449 ,514 ,377
2 ,691 1,000 ,435 ,420 ,338
3 ,449 ,435 1,000 ,433 ,327
4 ,514 ,420 ,433 1,000 ,304
5 ,377 ,338 ,327 ,304 1,000
Factorisation en axes principaux. Méthode de rotation : Promax avec normalisation de
Kaiser.

378
Annexe 3 : Description des données de la collecte 2 (N=507)

Echelle de CSR: refus d'achat aux entreprise irresponsables

140

N 507 120

Minimum 1
100
Maximum 6
Moyenne 4,4 80

Médiane 4,4 60

Variance 0,94 40

Ecart-type 0,97

Fréquence
20

0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

ORGAMOY

Echelle de CSR: achat de produits-partage


140

120
N 507
Minimum 1,3 100

Maximum 6 80

Moyenne 3,82 60

Médiane 4
Variance 0,87 40
Fréquence

Ecart-type 0,93 20

0
1,50 2,00 2,50 3,00 3,50 4,00 4,50 5,00 5,50 6,00

pdtparmoy

Echelle de CSR: défense du petit commerce


120

100
N 507
Minimum 1 80

Maximum 6
60
Moyenne 3,91
Médiane 4 40

Variance 1,07
Fréquence

20
Ecart-type 1,04
0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

pttcommoy

379
Echelle de CSR: origine géographique
120

N 507 100

Minimum 1 80
Maximum 6
Moyenne 3,83 60

Médiane 4
40
Variance 1,05
Ecart-type 1,03

Fréquence
20

0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

ORIMOY

Echelle de CSR: réduction du volume de consommation

N 507
Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 3,85
Médiane 4
Variance 1,05
Ecart-type 1,02

380
Annexe 4 : Description des données de la collecte 3 (n=714)

Echelle de CSR: refus d'achat aux entreprise irresponsables


140
N 714
Minimum 1 120

Maximum 6 100

Moyenne 4,16 80

Médiane 4,20 60
Variance 1,33
Ecart-type 1,16 40

Fréquence
20

0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00

Echelle de CSR: achat de produits-partage 1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

ORGAMOY
200

N 714
Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 3,83 100

Médiane 4
Variance 0,88
Fréquence

Ecart-type 0,94
0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

COEQIMOY

Echelle de CSR: défense du petit commerce


200

N 714
Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 4,08 100

Médiane 4,25
Variance 1,03
Fréquence

Ecart-type 1,01
0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

PTCOMMOY

Echelle de CSR: origine géographique 200

N 714
Minimum 1
Maximum 6 100

Moyenne 4,34
Médiane 4,5
Fréquence

Variance 0,93
Ecart-type 0,97 0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

ORIMOY

381
Echelle de CSR: réduction du volume de consommation

N 714 300

Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 4,21 200

Médiane 4,33
Variance 0,86
Ecart-type 0,93 100

Fréquence
0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00

Echelle de désirabilité sociale 200


1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

VOLMOY

N 714
Minimum 1,83
Maximum 5,33
Moyenne 3,54 100

Médiane 3,5
Variance 0,28
Fréquence

Ecart-type 0,53
0
1,75 2,25 2,75 3,25 3,75 4,25 4,75 5,25
2,00 2,50 3,00 3,50 4,00 4,50 5,00

DSMOY

Echelle de relativisme 200

N 714
Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 3,78 100

Médiane 4
Variance 0,92
Fréquence

Ecart-type 0,96
0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

ETHIMOY

Echelle générosité 300

N 714
Minimum 1,5 200

Maximum 5,75
Moyenne 4,13
Médiane 4,25 100

Variance 0,35
Fréquence

Ecart-type 0,59 0
1,50 2,00 2,50 3,00 3,50 4,00 4,50 5,00 5,50 6,00

GENEMOY

382
Echelle de libéralisme
200

N 714
Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 2,9 100

Médiane 3
Variance 0,89

Fréquence
Ecart-type 0,95
0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

LIBEMOY
Echelle de centre de contrôle (externe)
200

N 714
Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 2,8
Médiane 2,67 100

Variance 0,76
Ecart-type 0,87
Fréquence

0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

200
LOCMOY
Echelle de matérialisme

N 714
Minimum 1,33
Maximum 4,75 100

Moyenne 3,38
Médiane 3,42
Fréquence

Variance 0,19
Ecart-type 0,44 0
1,25 1,75 2,25 2,75 3,25 3,75 4,25 4,75
1,50 2,00 2,50 3,00 3,50 4,00 4,50

MATMOY
Echelle de sensibilité au prix 160

140

N 714 120

Minimum 1 100

Maximum 6 80

Moyenne 3,57 60

Médiane 3,67 40
Fréquence

Variance 1,44 20

Ecart-type 1,20 0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

SENMOY

383
Echelle de simplicité volontaire 300

N 714 200

Minimum 1
Maximum 4,5
Moyenne 2,14 100

Médiane 2

Fréquence
Variance 0,55
Ecart-type 0,74 0
1,00 1,50 2,00 2,50 3,00 3,50 4,00 4,50

VSMOY

Boycott
300

N 714
Minimum 1 200

Maximum 5
Moyenne 2,32
Médiane 2 100

Variance 0,86
Fréquence

Ecart-type 0,93 0
1,0 2,0 3,0 4,0 5,0

V100

Tri des déchets


600

N 712 500

Minimum 1 400

Maximum 2
Moyenne 1,21 300

Médiane 1 200

Variance 0,17
Fréquence

100
Ecart-type 0,41
0
1,00 1,50 2,00

V103

Vote
600

N 711 500

Minimum 1
Maximum 5 400

Moyenne 4,42 300

Médiane 5
Variance 1,05 200

Ecart-type 1,02
Fréquence

100

0
1,0 2,0 3,0 4,0 5,0

V101

384
Suivi des actualités
400

N 714 300

Minimum 1
Maximum 5 200

Moyenne 4,11
Médiane 4 100

Variance 0,97

Fréquence
Ecart-type 0,98 0
1,0 2,0 3,0 4,0 5,0

V99

Intérêts supposés de l'entreprise lorsqu'elle agit en faveur de l'environnement ou de la


société
500

N 710
Minimum 1 400

Maximum 4 300

Moyenne 1,78
Médiane 2 200

Variance 0,4
Fréquence

Ecart-type 0,63
100

0
1,0 2,0 3,0 4,0

V98

385
Annexe 5 : Test de la validité discriminante de l’échelle de CSR
Méthode de Bagozzi et Yi (1991), (n=714)

Modèle contraint : ²
lien entre 2 variables latentes =1 ² (161 ddl) ( ² modèle contraint - ²
modèle libre)
Comport. de l’ent.- produits-partage 803,6 33,1
Comport.
Comport. de
de l’ent.- produits-partage
l’ent.- petit commerce 807,9 37,4
Comport. de l’ent.- origine géograph. 833,5 63
Comport. de l’ent.- volume de conso. 841,6 71,1
produits-partage - petit commerce 841,9 71,4
produits-partage - origine géograph. 875,9 105,4
produits-partage - volume 889,1 118,6
petit commerce - origine géograph. 831,1 60,6
petit commerce - volume 859,5 89
origine géograph. - volume 886,1 115,6

386
Annexe 6 : Questionnaire 2 (n=714)

Bonjour,
Ceci est une étude anonyme à but universitaire. Il s’agit d’indiquer pour chacune des
propositions la réponse qui reflète le mieux votre position.
Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, vous pouvez répondre en toute sincérité.
Pour la qualité de l’étude, il est important que vous répondiez à toutes les questions et cela en prenant
le temps de la réflexion.

Merci d’avance !

Indiquez la fréquence avec laquelle vous pratiquez les activités suivantes sur une
échelle allant de « jamais » à « tout le temps »:
De temps Tout le
Jamais Rarement Souvent
en temps temps

1. Acheter le mobilier dont j’ai besoin dans un vide grenier ou dans


un dépôt vente.
2. Aller au travail à vélo ou à pied
3. Acheter les vêtements dont j’ai besoin dans un dépôt vente ou
dans un vide grenier .
4. Faire les courses d’appoint à pied ou à vélo .

5. Fabriquer les cadeaux au lieu de les acheter.

6. Fabriquer les vêtements ou le mobilier pour la famille


7. Essayer de faire vous même les réparations à la maison plutôt
que d’embaucher quelqu’un.
8. Cultiver les légumes que la famille consomme pendant la saison
d’été.
9. Un membre de la famille ou un ami fait la vidange de la voiture
familiale quand c’est nécessaire

Sur une échelle allant de 1 ( non, pas du tout ) à 6 (oui, tout à fait ), veuillez
indiquer si vous essayez de vous conduire de la façon suivante :

Non, Pas Oui,


pas du Non vraimen Un peu Oui tout à
tout t fait
10. Avant de racheter un objet, faire tout mon possible pour le
réparer.
11. Eviter de faire tous mes achats en grandes surfaces
12. Acheter des produits dont une partie du prix est reversée à une
bonne cause.
13. Ne pas acheter des produits fabriqués par des entreprises qui
font travailler des enfants
14. Ne pas acheter aux entreprises qui polluent fortement
15. Quand j’ai le choix entre un produit européen et un produit
fabriqué ailleurs dans le monde, choisir le produit européen.
16.Acheter des produits fabriqués dans ma région
17. Acheter aux petits commerces ( boulangerie, boucherie,
librairie...) le plus souvent possible.
18. Acheter des voitures françaises

387
19. Ne pas acheter les produits que je peux faire moi-même
20. Faire vivre les commerçants de mon quartier à travers mes
achats.
21. Acheter des produits dont une partie du prix revient à une cause
humanitaire
Non, Pas Oui,
pas du Non vraimen Un peu Oui tout à
tout t fait
22. Acheter des produits dont l’argent revient aux pays en voie de
développement
23. Acheter des produits issus du commerce équitable ( filière qui
garantit une rémunération juste pour les petits producteurs des pays
du Sud)
24. Acheter des fruits et légumes produits en France

25. De manière générale, ne pas trop consommer


26. Ne pas acheter à des entreprises ou à des commerçants qui ont
des liens étroits avec des partis politiques que je condamne.
27. Limiter ma consommation à ce dont j’ai vraiment besoin
28. Ne pas acheter à des entreprises ou à des commerçants qui ont
des liens étroits avec des organisations comme la mafia, les sectes.
29. Aller au marché pour soutenir les petits producteurs de fruits et
légumes
30. Ne pas acheter aux entreprises qui ont des pratiques
irrespectueuses vis-à-vis de leurs salariés

Indiquez votre degré d’accord avec les propositions suivantes :

Pas du Plutôt Tout à


Pas Plutôt
tout pas D’accord fait
d’accord d’accord
d’accord d’accord d’accord
31. Je ne suis pas prêt(e) à faire un effort supplémentaire pour trouver des
prix plus bas.
32. Pour la nourriture, je fais mes courses dans plusieurs magasins pour
profiter de tous les prix bas.
33. L’argent économisé en trouvant des prix bas n’en vaut habituellement
pas le temps ni la peine.
34. Je ne ferais jamais mes courses dans plus d’un magasin pour trouver
des prix bas.
35. Le temps qu’on prend pour trouver des prix bas n’en vaut
généralement pas la peine.
36. J’aime héberger des invités chez moi.
37. J’aime partager ce que j’ai.

38. Je n’aime pas prêter mes affaires, même à de bons amis.


39. C’est une bonne idée d’acheter une tondeuse à gazon avec un voisin et
de se la partager
40. Cela ne me gêne pas d’emmener dans ma voiture ceux qui n’en ont
pas .
41. Je n’aime pas que quelqu’un loge chez moi quand je ne suis pas là.

42. J’aime faire des dons aux œuvres de charité.

43. Je pense souvent qu’il vaudrait mieux prendre les décisions au hasard

44. Trouver un emploi me parait être une question de chance (être au bon
moment au bon endroit)
45. Il est difficile pour les gens ordinaires de contrôler ce que les hommes
politiques font
46. Cela ne sert à rien de faire des prévisions sur le futur, car tout est une
question de chance
47. Quand tout va bien, je considère que cela est le fait du hasard
48. Je pense souvent que ce qui doit arriver arrivera quelque que soient
mes actes

388
49. La réussite est une question de chance

50. Cela ne sert à rien de s’inquiéter dans la vie, ce qui sera sera
51. La réussite dans les relations avec les gens dépend de l’humeur et des
sentiments de ceux-ci plutôt que de nos propres actions
52. Je pense que la vie est un jeu de hasard

53. J’ai souvent l’impression d’avoir peu d’influence sur ce qui m’arrive
54. Cela m’arrive d’être rancunier quand je n’obtiens pas ce que je veux.

55. Je fais toujours attention à la façon dont je m’habille


56. Mes manières à table sont aussi bonnes à la maison que quand je
mange au restaurant
Pas du Plutôt Tout à
Pas Plutôt
tout pas D’accord fait
d’accord d’accord
d’accord d’accord d’accord
57. Il m’est déjà arrivé d’avoir envie de me rebeller contre les personnes
détenant l’autorité même si je savais qu’elles avaient raison.
58. Quand j’ai fait une erreur, je suis toujours disposé à l’admettre

59. J’essaie quelquefois de me venger plutôt que de pardonner et d’oublier.

60. Je suis toujours courtois, même envers les personnes désagréables.


61. Cela ne m’a jamais contrarié que des gens expriment des idées très
différentes des miennes.
62. Je suis parfois irrité par les gens qui me demandent des faveurs.
63. Je n’ai jamais délibérément dit quelque chose qui puisse être blessant
pour quelqu’un.
64. Je ne pense pas que posséder beaucoup de biens soit un signe de
réussite.
65. D’un point de vue matériel, j’essaie de vivre simplement.

66. Ma vie serait meilleure si je possédais certaines choses que je n'


ai pas.
67. Je n’accorde pas beaucoup d' attention aux biens ou objets que
possèdent les autres.
68. Parfois cela m’ennuie un peu de ne pas avoir les moyens de m’acheter
tout ce que je voudrais
69. Faire des achats me procure beaucoup de plaisir.
70. J'
admire les personnes qui possèdent des maisons, des voitures et des
vêtements de valeur.
71. Un des buts les plus importants dans la vie est d’acquérir des biens.
72. J’accorde moins d’importance aux choses matérielles que la plupart des
gens que je connais.
73. Je possède tout ce dont j’ai vraiment besoin pour profiter de la vie.
74. Les choses que je possède ne sont pas forcément importantes pour
moi.
75. Ce que je possède en dit long sur la manière dont je réussis ma vie.

76. Je ne serais pas plus heureux si je possédais des choses plus belles.

77. J'
aime le luxe.
78. Je serais plus heureux si j’avais les moyens de m’offrir davantage de
choses.
79. J'
aime posséder des choses qui impressionnent les autres.

80. En général, j'


achète uniquement ce dont j’ai besoin.

81. J'
aime dépenser de l'
argent pour des choses superflues.

82. Qu’un mensonge soit jugé moral ou immoral dépend des circonstances

83. Ce qui est éthique varie d’une situation à l’autre.

389
84. Les valeurs morales sont propres à l'
individu; ce qu’une personne
considère comme moral peut sembler immoral à une autre.

85. Aucune moralité ne peut prétendre être plus « juste » qu’une autre.

86. On ne pourra jamais définir ce qui est éthique pour l’ensemble des
gens puisque la perception de ce qui est moral ou immoral dépend de
chacun
87. Les principes moraux ne sont que des règles personnelles qui
indiquent comment chacun devrait se comporter, et ne devraient pas être
utilisés pour porter des jugements sur les autres.
88. Les considérations éthiques dans les relations entre individus sont si
complexes que les individus devraient avoir la possibilité de formuler leur
morale personnelle.
89. L’établissement rigide d’une règle éthique empêchant certains types
d’actions va à l’encontre de meilleures relations humaines.
90. Aucune règle concernant le mensonge ne peut être formulée. Qu’un
mensonge soit acceptable ou non dépend totalement de la situation
91. Il n’existe pas de principes moraux assez importants pour faire partie
d’un Code éthique
92. Les profits des grandes entreprises devraient être contrôlés par le
gouvernement
Pas du Plutôt Tout à
Pas Plutôt
tout pas D’accord fait
d’accord d’accord
d’accord d’accord d’accord
93. Une entreprise ne devrait avoir le droit de licencier qu’en tout dernier
recours
94. Si le chômage est élevé, le gouvernement doit dépenser de l’argent
pour créer des emplois
95. Je suis en faveur d’une moins grande réglementation gouvernementale
du monde des affaires.
96. Je suis en faveur d’une réforme fiscale afin de taxer plus fortement les
entreprises et les personnes à gros revenu
97. C’est à l’Etat de gérer nos retraites et non pas à chacun d’entre nous,
de façon individuelle.

Pour les questions suivantes, entourez (ou cochez) la réponse qui correspond à votre choix :

98. Pensez-vous que lorsqu’une entreprise agit en faveur de la société ou de l’environnement, elle
est motivée :
1. Par son intérêt propre uniquement ( augmenter les ventes, se faire de la publicité)
2. Par son intérêt propre essentiellement mais aussi dans l’intérêt des autres ( communauté,
société, environnement)
3. Par l’intérêt des autres essentiellement mais aussi dans son intérêt propre
4. Par l’intérêt des autres uniquement

99. Je suis les actualités : 100. Cela vous arrive-t-il de boycotter une
1. Très rarement entreprise ?
2. Peu souvent 1. Jamais
3. De temps en temps 2. Rarement
4. Régulièrement 3. De temps en temps
5. Tous les jours ou presque 4. Souvent
5. Tout le temps

101. Avec quelle fréquence votez vous aux élections : 102. Recyclez vous le verre : Oui
1. Jamais Non
2. Rarement
3. De temps en temps
4. Souvent 103. Triez-vous vos ordures ménagères (
5. Tout le temps à l’exception du verre) :
Oui
Non

390
104. Vous êtes : un homme 105. Votre âge :
une femme
< 20 ans
20-30 ans
31-40 ans
41-50 ans
51-60 ans
61-70 ans
> 70 ans

106. Vous avez des enfants :


Oui
Non

107. Vous habitez en centre ville ou à proximité:


Oui
Non

108. Votre activité :

Agriculteur
Commerçant, artisan, chef d’entreprise
Cadre, Profession intellectuelle supérieure
Profession intermédiaire
Employé
Ouvrier
Retraité
Inactif
Autre (précisez)

Merci de votre participation !

391
Annexe 7 : Détail des résultats de l’analyse canonique généralisée non
linéaire (n=714)

Poids des variables sur chacun des deux axes

Poids

Groupe Dimension
1 2
1 Comportement de l’ent. ,167 ,165
Produits-partage ,112 -,782
Petits commerces ,359 -,184
Origine géo. ,302 ,488
Volume de conso. ,267 ,212
2 Intérêts ent. ,195 -,190
Actualités ,224 -,352
Vote ,159 -,187
Genre ,349 -,368
Age ,394 ,638
Avoir des enfants -,146 -,061
Lieu d’habitation ,094 ,084
CSP ,149 -,238

392
Annexe 8 : Détail des échelles utilisées dans la collecte 3 (n=714)
1. Echelle de matérialisme : Richins et Dawson (1992)

% de variance restituée = 56,8%


Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Ma vie serait meilleure si je possédais certaines choses que
0,737 33,170
je n'ai pas.
Parfois cela m’ennuie un peu de ne pas avoir les moyens de
0,714 30,761
m’acheter tout ce que je voudrais
Je possède tout ce dont j’ai vraiment besoin pour profiter de
-0,571 -19,472
la vie. 0,80 0,45
Je ne serais pas plus heureux si je possédais des choses plus
-0,518 -16,542
belles.
Je serais plus heureux si j’avais les moyens de m’offrir
0,761 35,863
davantage de choses.
Faire des achats me procure beaucoup de plaisir. 0,483 12,973
J'aime le luxe. 0,540 15,090
0,68 0,35
En général, j'achète uniquement ce dont j’ai besoin. -0,628 -18,576
J'aime dépenser de l'argent pour des choses superflues. 0,682 20,685
Je ne pense pas que posséder beaucoup de biens soit un
-0,498 -14,498
signe de réussite.
J'admire les personnes qui possèdent des maisons, des
0,739 27,101 0,69 0,44
voitures et des vêtements de valeur.
Un des buts les plus importants dans la vie est d’acquérir des
0,721 26,111
biens.

Items retirés des analyses (poids factoriel < 0,3)

D’un point de vue matériel, j’essaie de vivre simplement


Je n’accorde pas beaucoup d'attention aux biens ou objets que possèdent les autres
J’accorde moins d’importance aux choses matérielles que la plupart des gens que je connais
Les choses que je possède ne sont pas forcément importantes pour moi.
Ce que je possède en dit long sur la manière dont je réussis ma vie.
J'aime posséder des choses qui impressionnent les autres.

2. Echelle de générosité : Belk (1984)

% de variance restituée = 50%


Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
J’aime héberger des invités chez moi. 0,696 20,545
J’aime partager ce que j’ai. 0,746 22,012
Je n’aime pas prêter mes affaires, même à de bons amis. -0,433 -11,435 0,68 0,36
Cela ne me gêne pas d’emmener dans ma voiture ceux qui
0,460 12,399
n’en ont pas.

Items retirés des analyses (poids factoriel < 0,3)


C’est une bonne idée d’acheter une tondeuse à gazon avec un voisin et de se la partager
Je n’aime pas que quelqu’un loge chez moi quand je ne suis pas là.
J’aime faire des dons aux œuvres de charité.

393
3. Echelle de centre de contrôle : version réduite de l’échelle de James (1957), créée par
Mac Donald et Tseng (1971)

% de variance restituée = 55,4%


Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Cela ne sert à rien de faire des prévisions sur le futur, car
0,732 33,199
tout est une question de chance
Quand tout va bien, je considère que cela est le fait du
0,721 32,031
hasard
Je pense souvent que ce qui doit arriver arrivera quelque que
0,669 26,923
0,84 0,46
soient mes actes
La réussite est une question de chance 0,688 28,619
Cela ne sert à rien de s’inquiéter dans la vie, ce qui sera sera 0,548 18,283
Je pense que la vie est un jeu de hasard 0,699 29,725

Items retirés des analyses (poids factoriel < 0,3)

Je pense souvent qu’il vaudrait mieux prendre les décisions au hasard


Trouver un emploi me parait être une question de chance (être au bon moment au bon endroit)
Il est difficile pour les gens ordinaires de contrôler ce que les hommes politiques font
La réussite dans les relations avec les gens dépend de l’humeur et des sentiments de ceux-ci plutôt que de nos
propres actions
J’ai souvent l’impression d’avoir peu d’influence sur ce qui m’arrive

4. Echelle de sensibilité au prix : Lichtenstein, Rigdway et Netemeyer (1993)

% de variance restituée = 76,2%


Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
L’argent économisé en trouvant des prix bas n’en vaut
0,779 39,101
habituellement pas le temps ni la peine.
Je ne ferais jamais mes courses dans plus d’un magasin pour
0,719 32,792 0,85 0,66
trouver des prix bas.
Le temps qu’on prend pour trouver des prix bas n’en vaut
0,933 55,699
généralement pas la peine.

Items retirés des analyses (poids factoriel < 0,3)

Je ne suis pas prêt(e) à faire un effort supplémentaire pour trouver des prix plus bas.
Pour la nourriture, je fais mes courses dans plusieurs magasins pour profiter de tous les prix bas.

394
5. Echelle de libéralisme : Buttel et Flinn (1978)

% de variance restituée = 55,4%


Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Les profits des grandes entreprises devraient être contrôlés
0,613 19,674
par le gouvernement
Une entreprise ne devrait avoir le droit de licencier qu’en
0,563 17,169
tout dernier recours
Si le chômage est élevé, le gouvernement doit dépenser de
0,620 20,051 0,75 0,37
l’argent pour créer des emplois
Je suis en faveur d’une réforme fiscale afin de taxer plus
0,689 23,884
fortement les entreprises et les personnes à gros revenu
C’est à l’Etat de gérer nos retraites et non pas à chacun
0,558 16,927
d’entre nous, de façon individuelle.

Item retiré des analyses (poids factoriel < 0,3)

Je suis en faveur d’une moins grande réglementation gouvernementale du monde des affaires.

6. Echelle de relativisme : Forsyth (1980)

% de variance restituée = 56,6%


Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Ce qui est éthique varie d’une situation à l’autre. 0,606 19,565
Les valeurs morales sont propres à l'individu; ce qu’une
personne considère comme moral peut sembler immoral à 0,698 24,476
une autre.
On ne pourra jamais définir ce qui est éthique pour
l’ensemble des gens puisque la perception de ce qui est 0,750 27,279 0,75 0,43
moral ou immoral dépend de chacun
Les principes moraux ne sont que des règles personnelles
qui indiquent comment chacun devrait se comporter, et ne
0,544 16,483
devraient pas être utilisés pour porter des jugements sur les
autres.

Item retiré des analyses (poids factoriel < 0,3)

Qu’un mensonge soit jugé moral ou immoral dépend des circonstances


Aucune moralité ne peut prétendre être plus « juste » qu’une autre.
Les considérations éthiques dans les relations entre individus sont si complexes que les individus devraient
avoir la possibilité de formuler leur morale personnelle.
L’établissement rigide d’une règle éthique empêchant certains types d’actions va à l’encontre de meilleures
relations humaines.
Aucune règle concernant le mensonge ne peut être formulée. Qu’un mensonge soit acceptable ou non dépend
totalement de la situation
Il n’existe pas de principes moraux assez importants pour faire partie d’un Code éthique

395
7. Echelle de désirabilité sociale : version réduite de l’échelle de Marlowe et Crowne
(1960), créée par Richins et Dawson (1992)

% de variance restituée = 54,3%


Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Quand j’ai fait une erreur, je suis toujours disposé à
0,472 11,142
l’admettre
Je suis toujours courtois, même envers les personnes
0,584 14,098
désagréables.
0,58 0,26
Cela ne m’a jamais contrarié que des gens expriment des
0,472 11,156
idées très différentes des miennes.
Je n’ai jamais délibérément dit quelque chose qui puisse être
0,492 11,705
blessant pour quelqu’un
Cela m’arrive d’être rancunier quand je n’obtiens pas ce que
0,606 12,170
je veux.
0,64 0,47
J’essaie quelquefois de me venger plutôt que de pardonner et
0,758 13,289
d’oublier

Items retirés des analyses (poids factoriel < 0,3)

Je fais toujours attention à la façon dont je m’habille


Mes manières à table sont aussi bonnes à la maison que quand je mange au restaurant.
Il m’est déjà arrivé d’avoir envie de me rebeller contre les personnes détenant l’autorité même si je savais
qu’elles avaient raison.
Je suis parfois irrité par les gens qui me demandent des faveurs.

8. Echelle de simplicité volontaire : version réduite de l’échelle de Leonard-Barton


(1981), créée par Cowles et Cosby (1986)

% de variance restituée = 70%


Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Simplicité Aller au travail à vélo ou à pied 0,541 8,10
0,56 0,39
matérielle Faire les courses d’appoint à pied ou à vélo. 0,7 8,58
Détermina Fabriquer les cadeaux au lieu de les acheter. 0,98 5,80
tion à faire 0,69 0,56
les choses Fabriquer les vêtements ou le mobilier pour la
0,41 5,31
soi-même famille

Items retirés des analyses (poids factoriel < 0,3)


Acheter le mobilier dont j’ai besoin dans un vide grenier ou dans un dépôt vente.
Acheter les vêtements dont j’ai besoin dans un dépôt vente ou dans un vide grenier.
Essayer de faire vous même les réparations à la maison plutôt que d’embaucher quelqu’un
Cultiver les légumes que la famille consomme pendant la saison d’été
Un membre de la famille ou un ami fait la vidange de la voiture familiale quand c’est nécessaire

396
Annexe 9 : Contrôler le biais de désirabilité sociale (n=714)

Les résultats montrent que l’échelle de CSR est corrélée à la désirabilité sociale. Ce résultat
rend nécessaire l’exploration d’une éventuelle contamination des données.
Gangster, Hennessey et Luthans (1983) prévoient 3 effets de contamination de la désirabilité
sociale (DS):
- effet spurious : la DS créé artificiellement des liens entre deux concepts, alors qu’il
n’en existe pas.
- effet suppression : la DS supprime artificiellement les liens entre deux variables
alors qu’il en existe un
- effet modérateur : la DS vient modérer le lien entre deux concepts.

S’ils existent, il faut donc essayer de révéler ces biais. Pour cela, nous avons pensé à deux
solutions principales:
- (1) : travailler sur les résidus de la DS. On régresse CSR = f(DS), on enregistre les
résidus et on travaille dessus. Ces derniers représentent alors le score de l’individu
sur le construit en question corrigé de l’effet de DS (Paulhus, 1991)
- (2) : travailler sur un sous échantillon : ceux dont la DS est faible, et voire si le
résultats sont stables par rapport à l’autre sous échantillon (DS+), ou par rapport à
l’échantillon total (Nederhof, 1985)

Le problème de la première méthode est que nos régressions sont peu significatives sur les
deux dimensions de la désirabilité sociale. Nous abandonnons donc cette solution, et
privilégions la seconde approche.
Pour pouvoir couper notre échantillon de 714 individus en deux sous-groupes selon leur
niveau de DS, on procède à une typologie. Quand on demande deux groupes, les résultats sont
les suivants :

Classe 1 Classe 2
Moyenne (n=352) (n= 362)

DS1 -0.549 0.534


DS2 -0.741 0.720
Résultats de l’analyse typologique : moyenne des 2 groupes d’individus sur les 2 dimensions
de l’échelle de DS.

397
On obtient donc bien un groupe d’individus (n= 352) ayant les scores les plus faibles sur les 2
dimensions de l’échelle de DS, et un groupe (n=362) ayant les scores les plus élevés sur les 2
dimensions de l’échelle de DS.
Nous allons tester à nouveau l’ensemble des liens étudiés dans le chapitre 6 sur le sous
échantillon (n=352) débarrassé des individus ayant un score élevé sur l’échelle de DS. Si les
résultats sont identiques, cela signifiera que la DS n’a pas « contaminé » les analyses. Si les
résultats sont différents, alors il faudra investiguer le sens de la contamination, parmi les 3
effets mis en évidence par Gangster, Hennessey et Luthans (1983).

1. Etude des antécédents sociodémographiques de la CSR, sur n=352

Var.
expliquées
Répartiti Organisa Produits Petit Volume
Origine
Var. on tion partage commerce
explicatives
51 % Homme -0.258 -0.288 -0.329 -0.283 -0.36
1.1 Gen 49 % Femme 0.045 0.134 0.114 0.023 0.000
re F/ 14.54/ 10.664/ 17.89/0. 8.689/0. 11.896/
significativité 0.000 0.001 000 000 0.001
2,3 % < 20 ans 0.193 -0.516 0.229 -.0889 -0.299
28,9 % 20 – 30 ans -0.543 -0.406 -0.533 -0.513 -0.526
16.6 % 31 – 40 ans -0.134 -0.282 -0.223 -0.208 -0.293
17.7 % 41 – 50 ans 0.316 -0.003 0.020 0.0819 -0.232
Age 22.0 % 51 – 60 ans 0.146 -0.005 0.21 0.07 0.076
10.6 % 61 – 70 ans 0.289 0.439 0.111 0.251 0.403
2% > 70 ans -0.410 -0.122 0.695 0.65 0.288
F/ 8.187/ 5.047/ 6.321/ 6.701/ 5.926/
significativité 0.000 0.000 0.000 0.000 0.000
1,1 % Agriculteur -0.624 -0.508 -0.047 -0.426 -0.106
4,9 % Commerçant, artisan, -0.012 0.0539 0.037 0.062 -0.421
chef d’entreprise
20.3 % Cadre, profession 0.081 -0.124 -0.107 -0.082 -0.177
intellectuelle
supérieure
12,9 % Profession -0.171 -0.429 -0.302 -0.189 -0.43
CSP intermédiaire
22,3 % Employé 0.027 -0.121 -0.0283 -0.061 -0.245
6.6 % Ouvrier -0.561 -0.114 -0.413 -0.62 0.007
12.9 % Retraité 0.21 0.28 0.327 0.26 0.362
4.6 % Inactif 0.085 0.191 0.123 0.199 -0.079
14.6 % Etudiant -0.414 -0.371 -0.448 -0.559 -0.483
F/ 2.664/ 2.405/ 2.57/ 3.489/ 2.807/
significativité 0.008 0.016 0.010 0.001 0.005

398
62,7% Oui ,094 -,026 ,065 ,039 -,050
37,3% Non -,343 -,290 -,396 -,422 -,410
Avoir des
enfants F/ 17,03 6,20 18,15 19,09 11,05
significativité ,000 ,000 ,000 ,000 ,001
67,6% Oui -,064 -,133 -,080 -,155 -,206
Habite en 32,4% Non -,071 -,105 -,162 -,088 -,144
centre F/ ns ns ns ns ns
ville significativité

Test de l’impact du genre, de l’âge, de la CSP, de la situation familiale et du lieu d’habitation


sur l’intention de CSR, par comparaison de moyennes (n=352).

Les résultats valident l’impact du genre, de l’âge, de la CSP, de la situation familiale sur
l’intention de CSR, mais montre le rôle non significatif du lieu d’habitation. Les analyses sont
donc globalement stables si l’on retire de l’échantillon les individus ayant un score élevé sur
la DS. La DS ne semble donc pas affecter nos résultats concernant le rôle des des variables
sociodémographiques sur l’intention de CSR.

2. Etude des antécédents psychologiques de la CSR, sur n=352

Poids t de
Poids t de
Variable exogène Variables endogènes factoriels student
factoriels student
bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise -0.758 -20.23 -,752 12,75
Produits partage -0.672 -16.32 ,669 10,95
Matérialisme
(3 dimensions)
Petit commerce -0.767 -20.35 ,763 14,64
Origine géographique -0.795 -19.87 ,80 13,21
Volume de consommation -0.613 -10.96 ,608 7,23
RMSEA=0,069 GFI= 0,82 AGFI=0,79 CFI=0,84 NNFI=0,83

Test de l’impact du matérialisme sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles, (n=352)

Poids t de
Poids t de
Variable exogène Variables endogènes factoriels student
factoriels student
bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise 0.771 20.902 ,682 3,40
Produits partage 0.708 18.107 ,645 4,00
Générosité
(1 dimension)
Petit commerce 0.775 20.723 ,703 3,97
Origine géographique 0.772 18.671 ,674 2,67
Volume de consommation 0.535 8.97 ,466 2,66
RMSEA=0,084 GFI=0,931 AGFI=0,795 CFI=0,832 NNFI=0,812

Test de l’impact de la générosité sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles, (n=352)

399
Poids t de
Poids t de
Variable exogène Variables endogènes factoriels student
factoriels student
bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise Ns Ns
Centre de Produits partage 0.126 2.106 Ns
contrôle Petit commerce 0.180 2.965 0,19 2,65
(1 dimension) Origine géographique 0.237 3.759 Ns
Volume de consommation 0.238 3.594 ns
RMSEA=0,095 GFI=0,786 AGFI=0,744 CFI=0,799 NNFI=0,777

Test de l’impact du centre de contrôle sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles, (n=352)

Poids t de
Poids t de
Variable exogène Variables endogènes factoriels student
factoriels student
bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise Ns Ns
Sensibilité aux Produits partage Ns Ns
prix Petit commerce 0.197 3,33 0,215 2,41
(1 dimension) Origine géographique 0.163 2,57 Ns
Volume de consommation ns ns
RMSEA=0,108 GFI=0,779 AGFI=0,729 CFI=0,791 NNFI=0,765

Test de l’impact de la sensibilité au prix sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles, (n=352)

Poids t de
Poids t de
Variable exogène Variables endogènes factoriels student
factoriels student
bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise 0.808 23.039 ,702 3,38
Produits partage 0.699 17.546 ,597 3,20
Libéralisme
(1 dimension)
Petit commerce 0.728 18.124 ,592 2,32
Origine géographique 0.782 19.069 ,629 2,30
Volume de consommation 0.550 9.313 ,473 2,72
RMSEA=0,087 GFI=0,816 AGFI=0,778 CFI=0,818 NNFI=0,798

Test de l’impact du libéralisme sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles, (n=352)

Poids t de
Poids t de
Variable exogène Variables endogènes factoriels student
factoriels student
bootstrap bootstrap
Pratiques de l’entreprise Ns Ns
Produits partage Ns Ns
Relativisme
(1 dimension)
Petit commerce Ns Ns
Origine géographique Ns Ns
Volume de consommation Ns ns
RMSEA=0,101 GFI=0,798 AGFI= 0,737 CFI=0,779 NNFI=0,754

Test de l’impact du relativisme sur les 5 dimensions de CSR, par équations structurelles, (n=352)

400
Les résultats obtenus sur le sous échantillon composé des individus ayant un score faible sur
la DS (n=352) sont globalement identiques à ceux obtenus sur obtenus sur l’échantillon total
(n=714). Le matérialisme, la générosité et le libéralisme sont des antécédents de l’intention de
CSR, alors que le centre de contrôle, la sensibilité aux prix et le degré de relativisme
n’influencent pas notre échelle. Cette stabilité des résultats indique donc que la DS n’a pas
affecté nos analyses.

3. Etude de la validité prédictive de la CSR, sur n=352


- le boycott :
Variable dépendante : Bêta t Signif. Test F R² adj
Pratiques des entreprises 0,304 5,97 ,000 35,61 0.09
Test de l’impact de la dimension de l’échelle de CSR liées aux pratiques des entreprises sur le boycott, par
régression linéaire (n=352)

- la simplicité volontaire :
Poids t de
Poids t de
Variable exogène Variables endogènes factoriels student
factoriels student
bootstrap bootstrap

Volume de Simplicité matérielle ,277 3,34 ,265 3,18


conso.
(1 dimension de
Détermination à faire
l’échelle de CSR) ,449 6,01 ,446 4,96
les choses soi-même
RMSEA= 0,082 GFI=0,971 AGFI=0,926 CFI=0,92 NNFI=0,896

Test de l’impact de la dimension de l’échelle de CSR liée au volume de consommation sur la simplicité
volontaire, par équations structurelles (n=352)

- le tri des déchets :


Var.
expliquées
Répartiti Compt Produits Petit Origine Volume
on de l’ent. partage commerce géo.
Var.
explicatives
74,8% Oui ,109 ,034 ,008 -,000 -,099
Tri des 25,2% Non -,584 -,596 -,464 -,545 -,455
ordures F 36,54 29,99 15,09 21,45 8,66
ménagères significativité ,000 ,000 ,000 ,000 ,000

Test de comparaison de moyennes entre le groupe des trieurs et celui des non trieurs, (n=352)

401
Ici encore, les résultats sont stables pour l’échantillon réduit de n=352. Notre échelle
permet bien de prédire les 3 comportements étudiés : le boycott, la simplicité volontaire et
le tri des déchets. La DS n’a donc pas affecté les résultats de nos analyses concernant le
test de la validité prédictive.

Conclusion :
Les analyses menées sur un sous échantillon (n=352) d’individus ayant des scores peu
élevés sur la DS confirment les résultats obtenus sur l’échantillon total (n=714) en ce qui
concerne les antécédents sociodémographiques et psychologiques et sur la validité
prédictive de l’échelle de CSR. Les hypothèses portant sur le lieu d’habitation et la
sensibilité aux prix ne sont pas validées alors qu’elles l’étaient partiellement sur n=714.
Globalement, il semble donc que la DS n’ait pas contaminé nos résultats. Cette conclusion
va dans le sens des travaux de Zerbe et Paulhus (1987) : si la théorie prédit un lien entre
un concept et la DS, alors l’existence de liens entre les 2 construits ne doit être interprété
comme un signe de contamination des analyses, mais comme une preuve de validité
convergente.

402
Annexe 10 : Modèle de prise de décision éthique du manager
Modèle de Dubinski et Loken (1989) : ils présentent la prise de décision éthique dans
un contexte organisationnel, à partir de la théorie de l’action raisonnée (Fishbein et
Azjen, 1975)

Croyances sur les


comportements Attitude vis-à-vis du
comportement éthique

Évaluation des résultats

Intention de se comporter de Comportement


façon éthique éthique/ non éthique

Croyances sur les normes

Normes subjectives
Motivations à se
conformer aux normes

Modèle de Hunt et Vitell (1986) : le modèle se veut être non normatif mais avant tout
positif : il cherche à décrire la réalité sans dicter ce que devrait être la décision éthique.
Le modèle décrit une série d’étapes: voir figure 18, chapitre 3, section 3.1.1

403
Modèle de Trevino (1986) : modélise la prise de décision du manager face à un
dilemme éthique. Il reconnaît à la fois le rôle de variables individuelles et de variables
situationnelles : il se veut donc un modèle interactionniste. Le déterminant principal de
comportement éthique est l’étape de « développement cognitif et moral » (Kohlberg,
1969) ( montre que le processus suivi pour une décision d’ordre moral devient plus
complexe et plus sophistiqué selon le développement)

Modérateurs individuels:
ego stregnth, field dependence,
centre de contrôle

Etape de
Dilemme développement Comportement
éthique moral éthique/ non
éthique

Modérateurs situationnels :
- contexte de travail
immédiat
- culture
organisationnelle
- caractéristiques du
travail

Modèle de Ferrell et Gresham (1985) : ils proposent un modèle contingent de la


prise de décision éthique des marketers. La prise de décision du marketer est
influencée par les facteurs individuels d’une part et par des facteurs organisationnels
d’autre part, et ces facteurs interagissent entre eux. Une fois sa décision prise, le
manager évalue son comportement, et cette évaluation influence à son tour les facteurs
individuels et organisationnels.

404
Facteurs individuels

Prise de décision
Enjeu éthique ou dilemme
individuelle Évaluation du
Comportement
comportement

Les autres
Opportunité
« significatifs

Modèle de Jones (1991) :


Le grand apport du modèle de Jones, c’est qu’il introduit la notion d’ « intensité éthique ».
D’après lui, la prise de décision d’un individu face à un enjeu moral dépend en grande
partie de la caractéristique de la situation en elle-même. Il développe donc un modèle
« issue-contingent » de la prise de décision d’un individu en matière d’éthique dans un
contexte organisationnel, qui inclut les caractéristiques de l’enjeu moral comme
déterminant important de la prise de décision et du comportement.
Le modèle reprend les quatre étapes du modèle de Rest (1986) et y ajoute une variable
essentielle : l’intensité éthique.

Intensité morale

Reconnaître un enjeu
Jugement moral Intention morale Comportement moral
moral

Facteurs
organisationnels

405
Annexe 11 : Scénarios testés pour le test du modèle de CSR
3 scénarios pour la facette de la CSR liée aux pratiques des entreprises

Proposition 1 :

Vous possédez une voiture dont vous vous servez tous les jours pour aller au travail. Pour
faire le plein, vous avez le choix entre deux stations service situés à proximité de votre
domicile: Essence + et Petroltec. Les deux stations offrent des prix et une qualité de service
identiques. La station Essence + est la plus proche de votre domicile, et se trouve sur la route
que vous empruntez tous les jours pour vous rendre à votre travail. Faire le plein à la station
Essence + est le plus pratique pour vous. La station Petroltec se trouve à une distance de 5
km de votre domicile et se trouve sur un axe routier que vous n’empruntez presque jamais.
Pour cette raison, vous faites habituellement le plein de carburants à Essence +, en vous
rendant à votre travail.
Le mois dernier, un scandale a éclaté au sujet de l’entreprise Essence +. Ses dirigeants
viennent d’annoncer le licenciement de 1000 personnes (/ 100 personnes) (sur les 11500
qu’elle emploie) alors que l’entreprise est leader sur son secteur en France. En 2004, Essence
+ a présenté un résultat net de 5476 millions d’euro, soit 3% de plus que l’année passée. Cette
annonce de licenciement a fait immédiatement augmenté le cours de l’action de 10 %, et
permet au groupe d’atteindre une rentabilité à deux chiffres. (Cette décision vous touche
personnellement car deux amis à vous sont employés par Essence + et sont potentiellement
concernés par ce plan de licenciement.) En vous rappelant qu’aller à la station Essence + est
de loin plus pratique pour vous que d’aller à la station Pétroltec, veuillez répondre aux
questions suivantes.

Proposition 2 :

Vous possédez une voiture dont vous vous servez tous les jours pour aller au travail. Pour
faire le plein, vous avez le choix entre deux stations service situés à proximité de votre
domicile: Essence + et Petroltec. Les deux stations offrent des prix et une qualité de service
identiques. La station Essence + est la plus proche de votre domicile, et se trouve sur la route
que vous empruntez tous les jours pour vous rendre à votre travail. Faire le plein à la station
Essence + est le plus pratique pour vous. La station Petroltec se trouve à une distance de 5
km de votre domicile et se trouve sur un axe routier que vous n’empruntez presque jamais.
Pour cette raison, vous faites habituellement le plein de carburants à Essence +, en vous
rendant à votre travail
Le mois dernier, un scandale a éclaté au sujet de l’entreprise Essence +. Il apparaît que la
raffinerie principale de l’entreprise rejette régulièrement les déchets (eaux de refroidissement,
matières en suspension…) dans le milieu naturel. Ces déchets issus de la raffinerie de produits
hydrocarbures sont toxiques et très polluants. Ils détruisent l’écosystème local et avec le
temps s’infiltrent dans les nappes phréatiques. Ainsi, les mesures effectuées montrent que
l’eau de la région concernée (ce n’est pas la vôtre) a une teneur anormalement élevée en
hydrocarbures, 0.35 mg/ l soit 50 % (0.25 mg/ l soit 20 %) de plus que la limite
recommandée par l’Organisation Mondiale de la santé. (Cette information vous touche
personnellement car deux amis à vous habitent tout près de la raffinerie en question.). En vous
rappelant qu’aller à la station Essence + est de loin plus pratique pour vous que d’aller à la
station Pétroltec, veuillez répondre aux questions suivantes.

406
Proposition 3 :

Vous possédez une voiture dont vous vous servez tous les jours pour aller au travail. Pour
faire le plein, vous avez le choix entre deux stations service situés à proximité de votre
domicile: Essence + et Petroltec. Les deux stations offrent des prix et une qualité de service
identiques. La station Essence + est la plus proche de votre domicile, et se trouve sur la route
que vous empruntez tous les jours pour vous rendre à votre travail. Faire le plein à la station
Essence + est le plus pratique pour vous. La station Petroltec se trouve à une distance de 5 km
de votre domicile et se trouve sur un axe routier que vous n’empruntez presque jamais. Pour
cette raison, vous faites habituellement le plein de carburants à Essence +, en vous rendant à
votre travail
Le mois dernier, un scandale a éclaté au sujet de l’entreprise Essence +. Il apparaît qu’une
partie des employés de la raffinerie principale de l’entreprise est soumis de façon régulière à
des gaz toxiques. Il s’agit principalement des ouvriers et techniciens présents dans les
bâtiments de la raffinerie. L’entreprise Essence + ne respecte pas à ce sujet les normes
prescrites par le code du travail français : certains de ses salariés inhalent, semblent-il, un taux
de dioxyde de d’azote et de dioxyde de soufre supérieur de plus de 50% (20%) à la limite
préconisée par l’Institut National de Recherche et de Sécurité. Les personnes concernées
présentent un risque cancérogène largement (légèrement) supérieur à la moyenne et d’autres
problèmes de santé mineurs. Cette affaire vous touche particulièrement car deux amis à vous
sont employés par Essence + et sont potentiellement concernés par cette affaire. En vous
rappelant qu’aller à la station Essence + est de loin plus pratique pour vous que d’aller à la
station Pétroltec, veuillez répondre aux questions suivantes.

407
Annexe 12 : 2 versions du questionnaire 3

version IE - , facette de la CSR liée aux pratiques des entreprises

Bonjour,

Ceci est une étude anonyme, destinée à un usage universitaire. Il s’agit d’abord de répondre à
quelques questions à partir du scénario décrit ci-après, puis de répondre à quelques questions plus
générales.

Pour la qualité de l’étude, il est important que vous répondiez à toutes les questions et cela en
prenant le temps de la réflexion.
Merci d’avance !

Imaginez la situation suivante :


Vous possédez une voiture dont vous vous servez tous les jours pour aller au travail.
Pour faire le plein, vous avez le choix entre deux stations service situées à proximité de votre
domicile: Essence + et Petroltec. Les deux stations offrent des prix et une qualité de service
identiques. La station Essence + est la plus proche de votre domicile, et se trouve sur la route
que vous empruntez tous les jours pour vous rendre à votre travail. Faire le plein à la station
Essence + est le plus pratique pour vous. La station Petroltec se trouve à une distance de 5 km
de votre domicile et est située sur un axe routier que vous n'empruntez presque jamais. Pour
cette raison, vous faites habituellement le plein de carburants à Essence +, en vous rendant à
votre travail.

Le mois dernier, un scandale a éclaté au sujet de l'entreprise Essence +. Il apparaît


que la raffinerie principale de l'entreprise rejette occasionnellement une partie de ses déchets
(eaux de refroidissement, matières en suspension…) dans le milieu naturel. Ces déchets issus
de la raffinerie de produits hydrocarbures sont polluants et peuvent être toxiques s'ils sont
émis en grande quantité. Les mesures effectuées montrent que l'eau de la région concernée (ce
n'est pas la vôtre) a une teneur en hydrocarbures légèrement supérieure à la limite
recommandée par l'Organisation Mondiale de la Santé (0.35 mg/litre au lieu de 0.28 mg/l).
Les études montrent que les usagers sont exposés à des risques sanitaires au-delà de 0.45
mg/l.

Merci de répondre aux questions ci-après en vous plaçant autant que possible dans
la situation décrite dans le scénario et en essayant d’imaginer comment vous réagiriez
vraiment dans votre quotidien.

408
Indiquez votre degré d’accord avec les propositions suivantes :
Pas du Plutôt Tout à
Pas Plutôt
tout pas D’accord fait
d’accord d’accord
d’accord d’accord d’accord

Dans le scénario décrit, acheter son carburant à la station Pétroltec est


coûteux en temps.
En France, les gens pensent majoritairement que rejeter des déchets à
base d’hydrocarbures dans le milieu naturel est condamnable.
Le scénario incite à se poser des questions sur l'endroit où acheter son
carburant.

Pas du Plutôt Tout à


Pas Plutôt
tout pas D’accord fait
d’accord d’accord
d’accord d’accord d’accord

Tout le monde s’accorde à dire qu’il ne faut pas rejeter des déchets à
base d’hydrocarbures dans le milieu naturel.
Choisir entre Pétroltec et Essence + soulève des questions morales

D’après le scénario, l’action de Essence + a des conséquences sur mes


proches (famille, amis..).
L’acte de Essence + est lourd de conséquences
D’un point de vue éthique*, il vaudrait mieux ne pas acheter son
carburant à Essence +.
Le choix entre Pétroltec et Essence + est un choix difficile car
plusieurs critères rentrent en compte.
Dans le scénario, il n’est pas pratique d’acheter son carburant à la
station Pétroltec.
Dans le scénario décrit précédemment, les conséquences de l’action de
Essence + me touchent de près.
Il est plus éthique d’acheter son carburant à Pétroltec qu’à Essence
+.
Dans le scénario, je suis proche des personnes concernées par l’acte de
Essence +.
Acheter son carburant à Essence + est moralement condamnable

L’acte de Essence + entraîne des conséquences graves

D’un point de vue éthique, il vaudrait mieux acheter son carburant à


Petroltec.
Face au scénario, la plupart des gens seraient d’accord avec l’idée
qu’il faut dénoncer les conséquences de l’acte de Essence +.
Dans le scénario présenté, je trouve qu’acheter son carburant à la
station Pétroltec demande beaucoup d’efforts
* l’éthique: synonyme de morale, et désigne la pensée qui distingue ce qui est « bien » de ce qui est
« mal » dans l’absolu.

Quelle est l’ampleur des dommages causés par Essence + sur une échelle allant de 1 à 6 ? (1= Peu
importante, 6= extrêmement importante) ?

1 2 3 4 5 6

409
25. Quelle est la probabilité que vous achetiez votre carburant à Essence + lors de vos prochains
achats ?

Pas du tout probable Pas probable Plutôt pas probable Plutôt probable Probable Tout à fait probable

26. A votre avis, où achèterez vous votre carburant à l’avenir?

Exclusivement à Majoritairement à Plutôt à Essence + Plutôt à Essence + Majoritairement à Exclusivement à


Essence + Essence + mais aussi à du centre ville mais Pétroltec Pétroltec
Pétroltec aussi à Pétroltec

27. Vous êtes :


un homme
une femme

28. Votre âge :


< 20 ans
20-30 ans
31-40 ans
41-50 ans
51-60 ans
61-70 ans
> 70 ans

29. Votre activité :


Agriculteur
Commerçant, artisan, chef d’entreprise
Cadre, Profession intellectuelle supérieure
Profession intermédiaire
Employé
Ouvrier
Retraité
Inactif
Autre (précisez)

De manière générale, vous essayez de


Pas du Tout à
Pas Plutôt pas Plutôt
tout D’accord fait
d’accord d’accord d’accord
d’accord d’accord

30. ne pas acheter à des entreprises ou à des commerçants qui ont des
liens étroits avec des organisations comme la mafia, les sectes
31. ne pas acheter à des entreprises ou à des commerçants qui ont des
liens étroits avec des partis politiques que je condamne
32. ne pas acheter aux entreprises qui polluent fortement
33. ne pas acheter aux entreprises qui ont des pratiques irrespectueuses
vis-à-vis de leurs salariés
34. ne pas acheter de produits fabriqués par des enfants

Merci de votre participation !

410
Version IE +, facette de la CSR liée aux petits commerces

Bonjour,

Ceci est une étude anonyme, destinée à un usage universitaire. Il s’agit d’abord de répondre à
quelques questions à partir du scénario décrit ci-après, puis de répondre à quelques questions plus
générales.

Pour la qualité de l’étude, il est important que vous répondiez à toutes les questions et cela en
prenant le temps de la réflexion.
Merci d’avance !

Imaginez la situation suivante :


Vous habitez à 5 kilomètres d'une ville de taille moyenne (30.000 habitants). Le centre
ville compte une centaine de commerçants, dont 5 boulangeries. Voilà 2 ans qu'une nouvelle
grande surface, du groupe Hyper+, s'est implantée juste à coté de chez vous. Comme dans
n'importe quel hypermarché, on y trouve à peu près tout (alimentation, loisirs, bricolage,
fleurs, bijoux…). Pour faire vos courses, vous vous rendez dorénavant chaque semaine à
Hyper+. C'est de loin le plus pratique pour vous : Hyper+ est sur l'axe routier que vous
empruntez quotidiennement pour aller au travail, alors que le centre ville est dans la direction
opposée. Le pain vendu à Hyper+ étant au même prix et de même qualité qu'en boulangeries
traditionnelles, vous avez par exemple pris l'habitude d'acheter votre pain en grande surface et
de le congeler.

Le mois dernier, vous apprenez que depuis l'implantation d'Hyper+, les commerçants
du centre ville ont vu leur chiffre d'affaires global baisser de 30%. Cette baisse concerne
surtout les petits commerces spécialisés dans l'alimentaire (poissonnerie, boucherie,
fromagerie…). En tout, 6 commerçants (dont une boulangerie) sont menacés de fermeture à
très court terme. Ces nouvelles vous touchent particulièrement car deux de vos amis
travaillent dans des commerces de ce centre ville.

Merci de répondre aux questions ci-après en vous plaçant autant que possible dans
la situation décrite dans le scénario et en essayant d’imaginer comment vous réagiriez
vraiment dans votre quotidien.

Indiquez votre degré d’accord avec les propositions suivantes :

Pas du Plutôt Tout à


Pas Plutôt
tout pas D’accord fait
d’accord d’accord
d’accord d’accord d’accord

Dans le scénario décrit, acheter son pain aux boulangeries du centre


ville est coûteux en temps.
En France, les gens pensent majoritairement que les conséquences de
l'arrivée des grandes surfaces sur les commerçants des centres villes
sont condamnables.

411
Pas du Plutôt Tout à
Pas Plutôt
tout pas D’accord fait
d’accord d’accord
d’accord d’accord d’accord

Le scénario incite à se poser des questions sur l'endroit où acheter son


pain.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il ne faut pas que les petits
commerces des centres villes disparaissent.
Choisir entre Hyper+ et les commerçants du centre ville soulève des
questions morales
D’après le scénario, l’arrivée de Hyper + a des conséquences sur mes
proches (famille, amis..).
L’arrivée de Hyper + est lourde de conséquences
D’un point de vue éthique*, il vaudrait mieux ne pas acheter son pain
à Hyper +.
Le choix entre Hyper+ et les commerçants du centre ville est un choix
difficile car plusieurs critères rentrent en compte.
Dans le scénario, il n’est pas pratique d’acheter son pain aux
boulangeries du centre ville.
Dans le scénario décrit précédemment, les conséquences de l’arrivée
de Hyper + me touchent de près.
Il est plus éthique d’acheter son pain aux boulangeries du centre ville
qu’à Hyper +.
Dans le scénario, je suis proche des personnes concernées par l’arrivée
de Hyper +.
Acheter son pain à Hyper + est moralement condamnable

L’acte de Hyper+ entraîne des conséquences graves

D’un point de vue éthique, il vaudrait mieux acheter son pain aux
boulangeries du centre ville.
Face au scénario, la plupart des gens seraient d’accord avec l’idée
qu’il faut dénoncer les conséquences de l’arrivée de Hyper + sur les
petits commerces.
Dans le scénario présenté, je trouve qu’acheter son pain aux
boulangeries du centre ville demande beaucoup d’efforts.
* l’éthique: synonyme de morale, et désigne la pensée qui distingue ce qui est « bien » de ce qui est
« mal » dans l’absolu.

24. Quelle est l’ampleur des dommages causés par l’arrivée de Hyper+ sur une échelle allant de 1 à 6
(1=peu importante, 6= extrêmement importante) ?

1 2 3 4 5 6

25. Quelle est la probabilité que vous achetiez votre pain à Hyper+ lors de vos prochains achats ?

Pas du tout probable Pas probable Plutôt pas probable Plutôt probable Probable Tout à fait probable

412
26. A votre avis, où achèterez vous votre pain à l’avenir ?

Exclusivement à Majoritairement à Plutôt à Hyper+ Plutôt aux Majoritairement aux Exclusivement aux
Hyper+ Hyper+ mais aussi aux boulangeries du boulangeries du boulangeries du
boulangeries du centre ville mais centre ville centre ville
centre ville aussi à Hyper+

27. Vous êtes :


un homme
une femme

28. Votre âge :


< 20 ans
20-30 ans
31-40 ans
41-50 ans
51-60 ans
61-70 ans
> 70 ans

29. Votre activité :


Agriculteur
Commerçant, artisan, chef d’entreprise
Cadre, Profession intellectuelle supérieure
Profession intermédiaire
Employé
Ouvrier
Retraité
Inactif
Autre (précisez)

De manière générale, vous essayez de :


Pas du Tout à
Pas Plutôt pas Plutôt
tout D’accord fait
d’accord d’accord d’accord
d’accord d’accord

30. éviter de faire tous vos achats en grande surface


31. acheter aux petits commerces (boulangerie, boucherie, librairie) le
plus souvent possible
32. faire vivre les commerçants de votre quartier à travers vos achats
33. aller au marché pour soutenir les petits producteurs de fruits et
légumes

Merci de votre participation !

413
Annexe 13 : Présentation des échelles ayant servi au test du modèle
théorique (collecte 4, n=826).
Les poids factoriels indiqués sont issus d’un bootstrap à 200 réplications.

Echelle d’ampleur des conséquences :

Dimension 1
% de variance restituée =71,6 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
L’acte de Essence + est lourd de conséquences 0,80 35,2
L’acte de Essence + entraîne des conséquences graves 0,82 37,7
0,80 0,57
Quelle est l’ampleur des dommages causés par Essence
0,64 19,28
+ sur une échelle allant de 1 à 6 ?

Dimension 2
% de variance restituée = 69,3 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
L’arrivée de Hyper + est lourde de conséquences 0,72 18,47
L’acte de Hyper+ entraîne des conséquences graves 0,82 25,44
0,78 0,55
Quelle est l’ampleur des dommages causés par
0,67 18,37
l’arrivée de Hyper+ sur une échelle allant de 1 à 6 ?

Echelle de proximité :

Dimension 1 :
% de variance restituée = 73,3%
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
D’après le scénario, l’action de Essence + a des
0,76 22,57
conséquences sur mes proches (famille, amis..).
Dans le scénario décrit précédemment, les
conséquences de l’action de Essence + me touchent de 0,80 19,66 0,80 0,58
près.
Dans le scénario, je suis proche des personnes
0,72 18,74
concernées par l’acte de Essence +.

Dimension 2
% de variance restituée = 66,8 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
D’après le scénario, l’arrivée de Hyper + a des 0,75 0,50
0,70 17,34
conséquences sur mes proches (famille, amis..).
Dans le scénario décrit précédemment, les
conséquences de l’arrivée de Hyper + me touchent de 0,69 17,20
près.

414
Dans le scénario, je suis proche des personnes
0,73 18,14
concernées par l’arrivée de Hyper +.

Echelle de consensus social :

Dimension 1 :
% de variance restituée = 63 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
En France, les gens pensent majoritairement que rejeter
des déchets à base d’hydrocarbures dans le milieu 0,66 11,39
naturel est condamnable.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il ne faut pas rejeter
des déchets à base d’hydrocarbures dans le milieu 0,55 9,53 0,68 0,42
naturel.
Face au scénario, la plupart des gens seraient d’accord
avec l’idée qu’il faut dénoncer les conséquences de 0,72 11,52
l’acte de Essence +.

Dimension 2
% de variance restituée = 51,56%
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
En France, les gens pensent majoritairement que les
conséquences de l'arrivée des grandes surfaces sur les 0,43 7,70
commerçants des centres villes sont condamnables.

Tout le monde s’accorde à dire qu’il ne faut pas que les 0,57 0,33
petits commerces des centres villes disparaissent. 0,40 6,35

Face au scénario, la plupart des gens seraient d’accord


avec l’idée qu’il faut dénoncer les conséquences de 0,81 13,90
l’arrivée de Hyper + sur les petits commerces

Echelle de reconnaissance d’un enjeu éthique :

Dimension 1 :
% de variance restituée = 74,6 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Le scénario incite à se poser des questions sur l'endroit
0,77 16,35
où acheter son carburant.
0,64 0,48
Choisir entre Pétroltec et Essence + soulève des
0,60 10,64
questions morales.
Item retiré des analyses

Le choix entre Pétroltec et Essence + est un choix difficile car plusieurs critères rentrent en compte

415
Dimension 2
% de variance restituée = 71,8 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Le scénario incite à se poser des questions sur l'endroit
0,85 14,23
où acheter son pain.
0,65 0,49
Choisir entre Hyper+ et les commerçants du centre
0,51 11,09
ville soulève des questions morales
Item retiré des analyses

Le choix entre Hyper+ et les commerçants du centre ville est un choix difficile car plusieurs critères
rentrent en compte

Echelle de jugement éthique :

Dimension 1
% de variance restituée =70,8 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
D’un point de vue éthique*, il vaudrait mieux ne pas
0,72 22,70
acheter son carburant à Essence +.
Il est plus éthique d’acheter son carburant à Pétroltec
0,92 66,72
qu’à Essence +.
0,87 0,64
Acheter son carburant à Essence + est moralement
0,57 14,94
condamnable.
D’un point de vue éthique, il vaudrait mieux acheter
0,93 99,1
son carburant à Petroltec.

Dimension 2
% de variance restituée = 76,4 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
D’un point de vue éthique*, il vaudrait mieux ne pas
0,86 37,47
acheter son pain à Hyper +.
Il est plus éthique d’acheter son pain aux boulangeries
0,90 59,75
du centre ville qu’à Hyper +.
0,90 0,69
Acheter son pain à Hyper + est moralement
0,62 20,62
condamnable
D’un point de vue éthique, il vaudrait mieux acheter
0,91 63,99
son pain aux boulangeries du centre ville.

416
Echelle de coût perçu :

Dimension 1
% de variance restituée = 70,2 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Dans le scénario décrit, acheter son carburant à la
0,71 23,22
station Pétroltec est coûteux en temps
Dans le scénario, il n’est pas pratique d’acheter son
0,88 36,88
carburant à la station Pétroltec. 0,81 0,58
Dans le scénario présenté, je trouve qu’acheter son
carburant à la station Pétroltec demande beaucoup 0,69 19,85
d’efforts.

Dimension 2
% de variance restituée =73,5 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Dans le scénario décrit, acheter son pain aux
boulangeries du centre ville est coûteux en temps. 0,72 22,70

Dans le scénario, il n’est pas pratique d’acheter son


pain aux boulangeries du centre ville. 0,82 28,92 0,81 0,59

Dans le scénario présenté, je trouve qu’acheter son


pain aux boulangeries du centre ville demande 0,77 24,55
beaucoup d’efforts.

Echelle d’intention de CSR

Dimension 1
% de variance restituée = 89,8 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Quelle est la probabilité que vous achetiez votre
0,87 51,2
carburant à Essence + lors de vos prochains achats ?
0,89 0,80
A votre avis, où achèterez vous votre carburant à
0,92 51,78
l’avenir?

Dimension 2
% de variance restituée = 87,8 %
Poids t de Rho vc
Items factoriel Student joreskog
Quelle est la probabilité que vous achetiez votre pain à
0,84 37,41
Hyper+ lors de vos prochains achats ? 0,86 0,75
A votre avis, où achèterez vous votre pain à l’avenir ? 0,89 34,88

417
Echelle de CSR

Dimension 1

% de variance restituée = 66 %
Poids t de Rho vc
De manière générale, vous essayez de : factoriel Student joreskog
ne pas acheter de produits fabriqués par des enfants 0,73 20,73
ne pas acheter aux entreprises qui polluent fortement 0,86 37,67
ne pas acheter à des entreprises ou à des commerçants
qui ont des liens étroits avec des partis politiques que 0,60 10,43
je condamne 0,88 0,58
ne pas acheter à des entreprises ou à des commerçants
qui ont des liens étroits avec des organisations comme 0,71 15,70
la mafia, les sectes.
ne pas acheter aux entreprises qui ont des pratiques
0,86 38,79
irrespectueuses vis-à-vis de leurs salariés

Dimension 2

% de variance restituée = 66,6 %


Poids t de Rho vc
De manière générale, vous essayez de: factoriel Student joreskog
éviter de faire tous mes achats en grande surface 0,71 21,88
acheter aux petits commerces (boulangerie, boucherie,
0,88 43,92
librairie) le plus souvent possible
faire vivre les commerçants de mon quartier à travers 0,84 0,57
0,82 23,21
mes achats
aller au marché pour soutenir les petits producteurs de
0,57 12,74
fruits et légumes

418
Annexe 14 : Description des données de la collecte 4 (n=826)

CONSEMOY
Consensus 30

Dimension 1, version IE faible


20

N 157
Minimum 1,33 10

Maximum 6

Fréquence
Moyenne 4,87
Médiane 5 0
1,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67

Variance 0,71 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00

Ecart-type 0,85 CONSEMOY

50

Dimension 1, version IE forte 40

N 192 30

Minimum 2,67
Maximum 6 20

Moyenne 4,87
Fréquence

10

Médiane 5
Variance 0,55 0
2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00
Ecart-type 0,74 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67

CONSEMOY

60

Dimension 2, version IE faible 50

N 273 40

Minimum 1 30

Maximum 6 20
Moyenne 4,2
Fréquence

Médiane 4,33 10

Variance 0,7 0
1,00 2,00 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00
Ecart-type 0,84 1,67 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67

CONSEMOY

50

Dimension 2, version IE forte


40

N 204
Minimum 1,67 30

Maximum 5,67
20
Moyenne 4,32
Médiane 4,33
Fréquence

10

Variance 0,54
Ecart-type 0,73 0
1,67 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33
2,00 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67

CONSEMOY

419
Proximité avec la cause PROXIMOY
30

Dimension 1, version IE faible

N 157 20

Minimum 1,33
Maximum 6
Moyenne 4,02 10

Fréquence
Médiane 4
Variance 1,11 0
Ecart-type 1,05 1,33 2,00 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00
1,67 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67

PROXIMOY

50

Dimension 1, version IE forte


40

N 192 30
Minimum 2,33
Maximum 6 20

Moyenne 5,01
Médiane 5
Fréquence

10

Variance 0,6
0
Ecart-type 0,77 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67
2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00

PROXIMOY

50

Dimension 2, version IE faible


40

N 273
30
Minimum 1
Maximum 6 20

Moyenne 3,44
Médiane 3,33
Fréquence

10

Variance 1,19
0
Ecart-type 1,09 1,00 1,67 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67
1,33 2,00 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00

PROXIMOY

Dimension 2, version IE forte


40

N 204 30

Minimum 1,67
Maximum 6 20

Moyenne 4,58
Médiane 4,67 10
Fréquence

Variance 0,83
Ecart-type 0,91 0
1,67 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67
2,00 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00

PROXIMOY

420
Ampleur des conséquences AMPLEMOY
30

Dimension 1, version IE faible

N 157 20

Minimum 2,67
Maximum 6
Moyenne 4,86 10

Fréquence
Médiane 5
Variance 0,7 0

Ecart-type 0,84 2,67


3,00
3,33
3,67
4,00
4,33
4,67
5,00
5,33
5,67
6,00

AMPLEMOY

Dimension 1, version IE forte 50

N 192 40

Minimum 2,33 30

Maximum 6
Moyenne 5,12 20

Médiane 5,33
Fréquence

Variance 0,57
10

Ecart-type 0,76 0
2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67
2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00

AMPLEMOY
60

Dimension 2, version IE faible


50

N 273 40

Minimum 1
Maximum 6 30

Moyenne 3,99 20

Médiane 4
Fréquence

10
Variance 0,82
Ecart-type 0,91 0
1,00 1,67 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00
1,33 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67

AMPLEMOY
40

Dimension 2, version IE forte


30

N 204
Minimum 1 20

Maximum 6
Moyenne 4,16 10
Médiane 4
Fréquence

Variance 0,8 0

Ecart-type 0,89 1,00


1,67
2,00 2,67
2,33 3,00
3,33 4,00
3,67 4,33
4,67 5,33
5,00 5,67
6,00

AMPLEMOY

421
RECOMOY
Reconnaissance d’un enjeu éthique 50

40
Dimension 1, version IE faible
30

N 157
Minimum 1,5 20

Maximum 6

Fréquence
Moyenne 4,89 10

Médiane 5 0
Variance 0,91 1,50 2,50 3,50 4,50 5,50
2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
Ecart-type 0,95
RECOMOY

70
Dimension 1, version IE forte
60

N 192 50

Minimum 1 40
Maximum 6
Moyenne 5,09 30

Médiane 5 20
Fréquence

Variance 0,97 10

Ecart-type 0,99 0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

RECOMOY

60

Dimension 2, version IE faible


50

N 273 40

Minimum 1
Maximum 6 30

Moyenne 3,93 20

Médiane 4
Fréquence

10
Variance 1,54
Ecart-type 1,24 0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

40
RECOMOY

Dimension 2, version IE forte


30

N 204
Minimum 1 20

Maximum 6
Moyenne 4,33 10
Fréquence

Médiane 4,5
Variance 1,27 0
Ecart-type 1,13 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

RECOMOY

422
Jugement éthique JUGEMOY
30

Dimension 1, version IE faible

N 157 20

Minimum 2,25
Maximum 6
Moyenne 4,76 10

Fréquence
Médiane 4,75
Variance 0,8 0
Ecart-type 0,90 2,25 3,00 3,50 4,00 4,50 5,00 5,50 6,00
2,75 3,25 3,75 4,25 4,75 5,25 5,75

JUGEMOY

30

Dimension 1, version IE forte

N 192 20

Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 4,8 10

Médiane 5
Fréquence

Variance 0,85
Ecart-type 0,92 0
1,00 2,50 3,00 3,50 4,00 4,50 5,00 5,50 6,00
1,25 2,75 3,25 3,75 4,25 4,75 5,25 5,75

JUGEMOY

Dimension 2, version IE faible 40

N 273 30

Minimum 1
Maximum 6 20

Moyenne 3,47
Médiane 3,5 10
Fréquence

Variance 1,37
Ecart-type 1,17 0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

JUGEMOY

30

Dimension 2, version IE forte

N 204 20

Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 3,57 10

Médiane 3,75
Fréquence

Variance 1,43
Ecart-type 1,2 0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

JUGEMOY

423
Coût
COUTMOY
30
Dimension 1, version IE faible

N 157 20

Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 4,41 10

Médiane 4,33

Fréquence
Variance 0,97
0
Ecart-type 0,97 1,00 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67
2,00 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00

COUTMOY

40

Dimension 1, version IE forte


30
N 192
Minimum 1
Maximum 6 20

Moyenne 4,35
Médiane 4,33 10
Fréquence

Variance 1,14
Ecart-type 1,07 0
1,00 2,00 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00
1,67 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67

COUTMOY

40

Dimension 2, version IE faible


30
N 273
Minimum 1
20
Maximum 6
Moyenne 3,94
Médiane 4 10
Fréquence

Variance 1,43
Ecart-type 1,19 0
1,00 1,67 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67
1,33 2,00 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00

COUTMOY
40

Dimension 2, version IE forte


30

N 204
Minimum 1 20
Maximum 6
Moyenne 4,11
10
Médiane 4,33
Fréquence

Variance 1,24 0
Ecart-type 1,11 1,00 1,67 2,33 3,00 3,67 4,33 5,00 5,67
1,33 2,00 2,67 3,33 4,00 4,67 5,33 6,00

COUTMOY

424
CSRMOY
Tendance à la CSR 30

Dimension 1, version IE faible


20
N 157
Minimum 2
Maximum 6 10

Moyenne 4,86

Fréquence
Médiane 4,8
Variance 0,65 0
2,00 2,80 3,20 3,60 4,00 4,40 4,80 5,20 5,60 6,00
Ecart-type 0,80 2,20 3,00 3,40 3,80 4,20 4,60 5,00 5,40 5,80

CSRMOY

30

Dimension 1, version IE forte

N 192 20
Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 4,8 10
Médiane 5
Fréquence

Variance 0,88
Ecart-type 0,94 0
1,00 2,00 3,60 4,40 5,20 6,00
1,60 3,00 4,00 4,80 5,60

CSRMOY
Dimension 2, version IE faible 40

N 273 30

Minimum 1
Maximum 6 20

Moyenne 3,81
Médiane 3,75 10
Fréquence

Variance 1,19
Ecart-type 1,09 0
1,00 2,00 2,50 3,00 3,50 4,00 4,50 5,00 5,50 6,00
1,75 2,25 2,75 3,25 3,75 4,25 4,75 5,25 5,75

CSRMOY

Dimension 2, version IE forte 40

N 204 30
Minimum 1
Maximum 6
Moyenne 4,02 20

Médiane 4
Variance 1,1 10
Fréquence

Ecart-type 1,05
0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

CSRMOY

425
Intention d’achat socialement responsable
inten
Dimension 1, version IE faible 40

N 157 30

Minimum 1
Maximum 6 20

Moyenne 4,09
Médiane 4,5

Fréquence
10

Variance 1,39
Ecart-type 1,18 0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

inten

Dimension 1, version IE forte 50

N 192 40

Minimum 1 30
Maximum 6
Moyenne 4,35 20

Médiane 4,5
Variance 1,53
Fréquence

10

Ecart-type 1,24
0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

inten

Dimension 2, version IE faible 60

50

N 273
Minimum 1 40

Maximum 6 30

Moyenne 3,44
Médiane 3,5 20
Fréquence

Variance 1,53 10

Ecart-type 1,23 0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

inten
Dimension 2, version IE forte 50

N 204 40

Minimum 1
Maximum 6 30

Moyenne 3,65
Médiane 3,5
20

Variance 1,18
Fréquence

10

Ecart-type 1,09
0
1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00
1,50 2,50 3,50 4,50 5,50

inten
426
Annexe 15 : Exemple de publicité Carrefour (2003)

427
Annexe 16 : Exemple de publicité Philips (2005)

428
429
430

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