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La gouvernance actionnariale : contributions à une

approche synthétique et contingente


Christophe Bonnet

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Christophe Bonnet. La gouvernance actionnariale : contributions à une approche synthétique et con-
tingente. Gestion et management. Université Jean Moulin - Lyon 3, 2020. �tel-02886096�

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Université Jean Moulin Lyon 3

La gouvernance actionnariale : contributions à une


approche synthétique et contingente

Mémoire présenté en vue de l’obtention de l’Habilitation à Diriger des Recherches

Christophe Bonnet
Professeur Senior à Grenoble Ecole de Management

19 juin 2020

Coordinateur :

Peter WIRTZ, Professeur des Universités, Université Jean Moulin Lyon 3.

Rapporteurs :

Véronique BESSIERE, Professeure des Universités, Université de Montpellier.

Emmanuelle DUBOCAGE, Professeure des Universités, Université Paris-Est Créteil.

Jean-François GAJEWSKI, Professeur des Universités, Université Jean Moulin Lyon 3.

Suffragant :

Michel ALBOUY, Professeur Emérite, Université Grenoble-Alpes.


2
Remerciements

Je tiens à remercier avant tout le Professeur Peter Wirtz pour son encadrement et ses
précieux conseils durant l’élaboration de cette notice, ainsi que pour nos nombreuses
collaborations dans le domaine de la finance entrepreneuriale. Ces travaux communs, menés
dans une atmosphère aussi stimulante intellectuellement qu’amicale, comptent parmi mes
meilleurs souvenirs de chercheur.

Je remercie également très chaleureusement le Professeur Michel Albouy pour son


soutien et son amitié constants depuis notre rencontre à Grenoble Ecole de Management, son
esprit critique, nos nombreuses collaborations scientifiques et pédagogiques, ainsi que pour sa
participation au jury en tant que suffragant.

Je remercie l’ensemble des co-auteurs avec qui j’ai mené mes travaux de recherche.

Mon parcours d’enseignant-chercheur n’aurait pas été le même sans l’appui de mes
collègues de Grenoble Ecole de Management. Je remercie également mes étudiants pour leur
enthousiasme et leurs questions et commentaires stimulants.

Je remercie les Professeur(e)s Véronique Bessière, Emmanuelle Dubocage et Jean-


François Gajewski qui ont accepté de rapporter mon travail.

Enfin, je remercie mon épouse Sylvie pour le soutien sans faille qu’elle m’a apporté depuis
que j’ai décidé d’entreprendre une carrière d’enseignant-chercheur.

3
Sommaire
Remerciements ........................................................................................................................................ 3
Note de synthèse des travaux ................................................................................................................ 5
La gouvernance actionnariale : contributions à une approche synthétique et contingente ...................... 5
Préambule .............................................................................................................................................. 5
Introduction ........................................................................................................................................... 7
1. Gouvernance et politique financière des entreprises cotées ................................................ 15
1.1. Albouy M. et Bonnet C. (2009), Etude comparée des gouvernances de Boeing et d’EADS
et de leurs impacts sur les stratégies et performances financières, Revue Française de
Gouvernance d'Entreprise, vol. 6, 2ème semestre 2009, p. 27-62. ............................................... 15
1.2. Albouy M., Bah R., Bonnet C. et Thevenin D. (2012), The Perception of Dividends by
Managers: Do French CFOs Differ from their North-American Peers? Bankers, Markets and
Investors, no. 116, p. 52-75. .......................................................................................................... 20
1.3. Dupuy P., Albouy M., Bonnet C. et Mchawrab S., Cash holdings and the selection effect
in the Eurozone, Finance (accepté, à paraître). ............................................................................. 22
2. Gouvernance des entreprises sous LBO ................................................................................ 27
2.1. Bonnet C. (2005), La confiance entre capital-investisseurs et dirigeants: conséquences
comportementales et influence sur la performance financière, Finance Contrôle Stratégie, vol. 8,
n°. 2, p. 99-132. ............................................................................................................................. 30
3. Gouvernance des firmes entrepreneuriales........................................................................... 35
3.1. Gouvernance naissante des firmes entrepreneuriales ........................................................ 37
3.1.1. Bonnet C., Séville M. et Wirtz P. (2017), Genèse et fonctionnement du conseil
d'administration d'une firme entrepreneuriale: le rôle des identifications sociales des
administrateurs, Finance Contrôle Stratégie, vol. 20, n°. 3. ..................................................... 38
3.2. Co-investissement entre business angels et sociétés de capital-risque : influence sur la
gouvernance et la croissance des firmes financées ........................................................................ 41
3.2.1. Bonnet C., Wirtz P. (2011), Investor Type, Cognitive Governance and Performance
in Young Entrepreneurial Ventures: a Conceptual Framework, Advances in Behavioral
Finance and Economics, vol. 1(1), p. 42-62. ............................................................................ 41
3.2.2. Bonnet C. et Wirtz P. (2012), Raising Capital for Rapid Growth in Young
Technology Ventures: When Business Angels and Venture Capitalists Coinvest, Venture
Capital, vol. 14, n°. 2-3, p. 91-110. ........................................................................................... 44
3.2.3. Bonnet C., Wirtz P. et Haon C. (2013), Liftoff: When Strong Growth is Predicted by
Angels and Fuelled by Professional Venture Funds, Revue de l'Entrepreneuriat, vol. 12, n°. 4,
p. 59-78 49
3.3. Les groupes de business angels: fonctionnement et facteurs de performance .................. 52
3.3.1. Wirtz P., Bonnet C., Cohen L., Haon C., Investing Human Capital: Angel Cognition
and Active Involvement in Business Angel Groups, Revue de l’Entrepreneuriat (accepté, à
paraître) 54
Conclusion générale et programme de recherche .................................................................................. 60
Références ............................................................................................................................................. 65

4
Note de synthèse des travaux
La gouvernance actionnariale : contributions à une approche
synthétique et contingente

Préambule

Je suis devenu enseignant-chercheur en sciences de gestion à 43 ans, après une carrière de 17 ans
en finance, d’abord en entreprise puis dans un fonds de capital-investissement. Aussi je tiens à souligner,
en préambule à cette note de synthèse, l’influence que mon expérience professionnelle a exercée sur
mes travaux de recherche. Dès mon premier poste de financier d’entreprise, j’ai été confronté à la
complexité et aux facettes parfois contradictoires de la relation entre actionnaires et dirigeants, alors que
je représentais l’actionnaire, une grande société pharmaceutique, lors d’opérations de croissance externe
puis en tant que contrôleur de gestion de filiales. J’ai ensuite rejoint une société de capital-investissement
pour réaliser des opérations de capital-développement et de LBO (leveraged buyout) aboutissant à des
prises de participations souvent majoritaires dans des entreprises de taille moyenne, dont je rejoignais
ensuite le conseil d’administration (CA) en tant que représentant du fonds qui m’employait.

Les questions principales auxquelles j’ai été confronté dans ma pratique de financier relevaient
ainsi de la gouvernance des entreprises: jusqu’à quel point un actionnaire (ou son représentant) doit-il
contrôler les actions d’un dirigeant et vérifier ce qu’il affirme ? Comment se protéger de l’opportunisme,
parfois du manque d’éthique, de certains dirigeants ? Sous quelles conditions se créée, et parfois se
détruit, la confiance entre actionnaires et dirigeants ? Comment établir des processus de travail et un
langage communs entre des interlocuteurs, dirigeants ou coactionnaires, dont la formation, l’expérience
et les connaissances sont différentes ? Comment établir avec les dirigeants une relation qui concilie
distance, exigence, écoute et soutien ?

Sujet à ces questionnements, j’ai choisi, lors de la préparation de ma thèse de doctorat, d’étudier
l’influence des relations interpersonnelles (confiance et liens sociaux) entre actionnaires et dirigeants
sur la gouvernance et la performance des firmes sous LBO. Peu convaincu de la pertinence d’une
approche exclusivement disciplinaire des relations entre actionnaires et dirigeants, je proposais et testais
diverses hypothèses issues des théories disciplinaires, comportementales et cognitives de la
gouvernance. Mon intérêt pour la relation actionnaire-dirigeant et, plus généralement, pour la
gouvernance exercée par les actionnaires, s’est poursuivi jusqu’à ce jour, tout en s’élargissant à d’autres

5
contextes, et sous-tend la plupart de mes travaux. La raison première est que le dirigeant (ou
l’entrepreneur) et l’actionnaire (plus généralement le financier) sont, dans une vision à la Schumpeter
(1942), le couple central du capitalisme et du processus de destruction créatrice. Les contrats qu’ils
passent entre eux et la façon dont ils interagissent dans le cadre du système de gouvernance de
l’entreprise influencent de manière déterminante la stratégie et la trajectoire de celle-ci et, au final, la
valeur créée (Charreaux, 1997). De plus, la relation entre actionnaires et dirigeants est complexe et
contingente, donc passionnante pour le chercheur. Elle peut prendre des configurations multiples car
elle est influencée par l’environnement institutionnel (Bruton, Fried et Manigart, 2005 ; La Porta. et al.,
1999, 2000), la structure de l’actionnariat (Charreaux, 1997), et elle évolue cours du cycle de vie de
l’entreprise (Lynall, Golden et Hillman, 2003 ; Wirtz 2011). Elle peut également être analysée par le
biais de différents cadres conceptuels. Cette complexité a stimulé très vite ma curiosité de chercheur
d’autant plus que je l’avais expérimentée personnellement1 et que j’en avais vécu le caractère parfois
très gratifiant (contribuer, avec d’autres, à la naissance ou à la croissance d’une entreprise) mais aussi
et les tensions et les risques.

Outre son influence sur le choix de mes sujets de recherche, l’expérience de financier qui a précédé
ma carrière académique a eu un impact sur mon approche de la recherche. Mes travaux s’inscrivent dans
la perspective de l’efficience et ont un fort ancrage managérial, dans la mesure ils ont pour point de
départ des situations ou des questions vécues par les acteurs économiques et sont, pour la plupart, de
nature empirique, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’aient pas de contributions théoriques. Ainsi j’étudie,
avec mes co-auteurs, les comportements et les perceptions des acteurs avec pour objectifs de mettre à
jour les facteurs qui permettent de maximiser l’efficience de la firme et de fournir, si possible, des
recommandations managériales. Par ailleurs, mon expérience concrète des enjeux et de la complexité
de la relation entre actionnaires et dirigeants m’a incité à diversifier les cadres d’analyse mobilisés et à
me situer dans une perspective synthétique de la gouvernance des organisations, qui dépasse le seul
cadre disciplinaire. L’un des aspects les plus intéressants de la relation actionnaire-dirigeant est, à mon
avis, la tension entre contrôle et coopération (Westphal, 1999 ; Zhang, Baden-Fuller et Pool, 2011).
D’une part, cette relation est porteuse de conflits d’intérêts, ce qui explique que les actionnaires
instaurent une discipline financière et exercent un contrôle sur les actions des dirigeants, notamment via
le CA (Fama et Jensen, 1983); d’autre part, actionnaires et dirigeants ont en général intérêt à coopérer
pour maximiser la performance de la firme, puisque les actionnaires (et/ou leurs représentants au CA)
apportent, en plus du capital financier, des ressources cognitives et relationnelles qui peuvent aider le
dirigeant à faire face à la complexité de l’élaboration et du déploiement de la stratégie (Cable and Shane,
1997 ; Garg et Eisenhardt, 2017 ; Kroll, Walters et Le, 2007 ; Shepherd et Zacharakis, 2001 ; Zhang,
Baden-Fuller et Pool, 2011). Or le contrôle peut nuire à la coopération, et la coopération peut nuire au
contrôle. Un contexte fortement marqué par la surveillance peut être défavorable au niveau d’effort

1
J’y suis confronté encore aujourd’hui comme membre du comité stratégique de plusieurs jeunes entreprises.

6
déployés par les agents et à leur volonté de chercher conseil et assistance et de coopérer (Ashford et
Northcraft, 1992 ; Barkema, 1995). Par ailleurs, la coopération est souvent associée à un niveau élevé
de confiance interpersonnelle qui est susceptible de réduire le niveau de contrôle exercé sur les
partenaires (Charreaux, 1998 ; Westphal, 1999 ; Wicks, Berman et Jones, 1999). Il y a donc deux
logiques potentiellement antagonistes à l’œuvre dans la relation actionnaire-dirigeant. Cette tension
justifie le recours à une approche synthétique qui dépasse le seul cadre disciplinaire. Par ailleurs,
l’ambition de rendre compte de la complexité des phénomènes étudiés explique que j’ai souvent recours
dans mes travaux à des méthodes empiriques de nature qualitative (études de cas, enquêtes par
questionnaire), qui permettent d’observer et d’analyser de façon fine les comportements des acteurs.

Introduction

La gouvernance des organisations permet d’analyser les règles du jeu (le système institutionnel et
les mécanismes qui le constituent) qui encadrent les décisions des dirigeants et qui délimitent leur liberté
d’action (Charreaux, 1997). La gouvernance actionnariale concerne plus spécifiquement la gouvernance
exercée par les actionnaires dans les firmes caractérisées par une séparation, au moins partielle, entre la
propriété des actions, donc l’assomption des risques et des gains financiers, et le pouvoir décisionnel
exercé par les dirigeants opérationnels (Fama et Jensen, 1983). Les conflits d’intérêts, les contrats et
l’ensemble des interactions entre actionnaires et dirigeants qui sont à l’œuvre dans ces organisations ont
suscité un intérêt académique considérable depuis l’analyse pionnière de Berle et Means (1932) et,
surtout, le travail fondateur de Jensen et Meckling (1976). Initialement consacrées essentiellement aux
grandes firmes managériales anglo-saxonnes cotées en bourse, et se situant quasi-exclusivement dans
une perspective disciplinaire (Shleifer et Vishny, 1997 ; Daily, Dalton et Cannella, 2003 ; Charreaux,
2004 ; Uhlaner, Wright et Huse, 2007), les recherches en gouvernance actionnariale ont ensuite été
appliquées à d’autres contextes (jeunes entreprises innovantes, entreprises familiales, entreprises
contrôlées par des fonds de capital-investissement, firmes européennes ou asiatiques...) et se sont
affranchies, en partie, du cadre dominant de la théorie positive de l’agence. En effet, si le critère
d’efficience considéré dans le champ de la gouvernance actionnariale est en général celui de la
maximisation de la valeur actionnariale, cet objectif peut être atteint en mobilisant des leviers autres que
les seuls leviers disciplinaires, en particulier des leviers cognitifs (Zahra et Filatotchev, 2004 ; Wirtz,
2006 ; Charreaux, 2008 ; Garg, 2013).

Mes travaux portent pour l’essentiel sur les mécanismes de gouvernance intentionnels et
spécifiques à la firme, pour reprendre la typologie de Charreaux (1997, p. 427), et qui impliquent des
interactions directes entre les actionnaires, ou leurs représentants, et les dirigeants opérationnels :
contrôle direct par les actionnaires, CA et rémunération et intéressement des dirigeants. Le CA est
probablement le mécanisme le plus étudié par les chercheurs en gouvernance de par son rôle déterminant
dans l’élaboration et la mise en œuvre des décisions stratégiques (Daily, Dalton et Cannella, 2003).

7
Ainsi, sa composition, son fonctionnement et, plus généralement, son efficience dans les fonctions de
contrôle des dirigeants (monitoring) et d’apport de ressources, notamment cognitives, constituent des
questions managériales essentielles dans une optique de création de valeur. Les recommandations
concernant le CA occupent d’ailleurs la place principale dans les codes de « meilleures pratiques » de
gouvernance qui ont été élaborés dans différents pays à partir des années 1990 (Wirtz, 2005). Il est
cependant à noter que les interactions entre actionnaires et dirigeants ont aussi lieu en dehors du CA et
des assemblées générales. Plusieurs travaux soulignent ainsi l’importance, en termes de contrôle et
d’apport de ressources, des contacts informels2 entre les dirigeants et certains actionnaires influents,
qu’ils soient membres du CA ou pas, notamment dans les firmes entrepreneuriales (Politis, 2008 ;
Bonnet, Séville et Wirtz, 2017 ; Collewaert, Filatotchev et Khoury, 2018).

Le conseil d’administration : perspectives disciplinaire et cognitive

Les recherches académiques sur le CA s’inscrivent dans les deux courants théoriques principaux de
la recherche en gouvernance des organisations: les courants disciplinaire et cognitif. Le courant
disciplinaire privilégie les aspects liés au contrôle des dirigeants. Sa perspective est issue de la théorie
positive de l’agence (Jensen et Meckling, 1976). Ici, le rôle principal des mécanismes de gouvernance
est d’assurer une discipline financière par l’incitation et le contrôle des dirigeants, afin de limiter
l’impact des coûts d’agence issus des conflits d’intérêts dans un contexte d’asymétrie d’information
entre actionnaires et dirigeants. Le CA est donc considéré comme « un mécanisme de protection des
actionnaires de l’intérêt personnel des dirigeants » (Daily, Dalton et Cannella, 2003, p. 379) et son rôle
principal est de contrôler l’action et la performance des dirigeants. D’où l’importance accordée (1) à sa
composition, car la présence de membres externes à l’entreprise et indépendants des dirigeants est
supposée favoriser l’implication des administrateurs dans leur rôle de contrôle et éviter d’éventuels
rapports de dépendance ou collusions d’intérêts qui pourraient nuire à un contrôle efficace (Fama et
Jensen, 1983) et (2) aux processus internes au CA qui visent à réduire l’asymétrie d’information entre
dirigeants opérationnels et administrateurs externes et à permettre à ces derniers de jouer pleinement
leur rôle de contrôle (Pearce et Zahra, 1991): fréquence des réunions et assiduité, qualité de
l’information des administrateurs et des délibérations, organisation du CA en comités spécialisés,
séparation des fonctions de management et de surveillance (Wirtz, 2005).

Dans la perspective cognitive (Forbes et Milliken, 1999 ; Zahra et Filatotchev, 2004 ; Charreaux et
Wirtz, 2006 ; Wirtz, 2011), la fonction des mécanismes de gouvernance est analysée selon leur
contribution à la création et à l’accumulation de connaissance par l’entreprise. Cette approche s’inscrit
dans la théorie de la firme basée sur les ressources (resource based view) (Penrose, 1959 ; Barney, 1991).
Dans cette perspective, le CA a un rôle de création et d’apport de ressources cognitives. En effet, face

2
Au sens où ils ont lieu en dehors des réunions du CA ou des assemblées générales d’actionnaires, voire
préalablement à l’entrée au capital (Bonnet, Séville et Wirtz, 2017).

8
aux problèmes complexes liés à l’élaboration et au déploiement de la stratégie, il est susceptible de
contribuer à accroître les connaissances et les compétences à disposition du dirigeant, dont les capacités
cognitives sont forcément limitées. Les échanges d’information et de points de vue entre administrateurs
et dirigeants, les apports de connaissances et de compétences différentes, de par la diversité des
administrateurs et de leurs expériences antérieures, contribuent ainsi à élargir les ressources cognitives
collectives disponibles pour élaborer et mettre en œuvre la stratégie de l’entreprise. Ainsi, alors que la
perspective disciplinaire s’intéresse à la répartition de la rente organisationnelle entre dirigeants et
actionnaires, et plus généralement entre partenaires de la firme, la perspective cognitive s’intéresse aux
conditions d’accroissement de la rente par l’identification, la création ou l’exploitation d’opportunités
qui n’auraient pas été accessibles au dirigeant sans l’apport de ressources externes. Selon cette
perspective, l’efficacité du CA dans l’élaboration et l’implémentation de la stratégie est favorisée par la
diversité de sa composition (Brunninge, Nordqvist et Wiklund, 2007), afin que des connaissances et
compétences complémentaires soient apportées, voire créées collectivement, par des normes de travail
commun favorisant la mobilisation desdites connaissances et compétences (Sapienza et Koorsgard,
1996 ; Forbes et Milliken, 1999) et par des liens sociaux et un degré de confiance interpersonnelle
favorisant la coopération entre les membres (Westphal 1999 ; Bonnet 2005). Contrairement aux conflits
d’agence, dont l’impact en termes de création de valeur est toujours considéré comme négatif, les
conflits cognitifs issus, par exemple, de points de vue divergents concernant une opportunité ou une
décision stratégique, entraînent certes des coûts (afin de réduire la distance cognitive entre les membres)
mais peuvent être favorables à la création de valeur, tant qu’ils ne nuisent pas à la cohésion du CA
(Forbes et Milliken, 1999). En effet, l’hétérogénéité cognitive entre membres du CA peut permettre
d’étudier collectivement les conséquences des divers choix stratégiques possibles et, ainsi, accroître les
connaissances et les compétences à disposition du dirigeant et aboutir à de meilleures décisions. Dans
une vision large, la perspective cognitive sur le CA inclut des apports de la théorie de la dépendance des
ressources (apports par les administrateurs de légitimité, de réseaux de contact, aide à l’obtention de
ressources externes) (Pfeffer et Salancik, 1978 ; Hillman, Cannella et Paetzold, 2000 ; Garg et
Eisenhardt, 2017) et des aspects comportementaux: influence des caractéristiques psychologiques et de
l’expérience des acteurs, des biais comportementaux et des processus sociaux et relationnels sur les
actions des administrateurs et des dirigeants et sur les décisions du CA (Westphal, 1999 ; Westphal et
Zajac, 2013 ; Zhu et Chen, 2015).

Une approche synthétique et contingente

Au cours des quinze dernières années, des contributions importantes ont été faites, en particulier
par des chercheurs français (Charreaux et Wirtz, 2006 ; Charreaux 2008), à la construction d’une
approche synthétique de la gouvernance. Cette approche est en lien avec les tentatives de construction
d’une théorie synthétique de la firme (Conner et Prahalad 1996 ; Cohendet et Llerena, 2005 ; Foss et
Weber, 2016). Bien que certains de mes travaux se réfèrent exclusivement à un cadre disciplinaire de la

9
gouvernance, la plupart s’inscrivent dans cette approche synthétique, selon laquelle les perspectives
disciplinaire et cognitive (au sens large) sont complémentaires pour analyser les phénomènes
organisationnels et, en particulier, la gouvernance des entreprises. Certes, ces perspectives diffèrent
profondément quant à leur regard sur la nature des relations entre actionnaires (ou administrateurs) et
dirigeants : incitation et contrôle pour la première, apport de ressources et coopération pour la seconde.
Elles diffèrent également quant aux effets attendus de la latitude managériale (Charreaux, 2008). Cette
dernière serait négative, en termes de création de valeur actionnariale, selon la perspective disciplinaire,
la latitude encourageant le dirigeant à privilégier ses intérêts au détriment de ceux des autres partenaires
de la firme, mais positive selon la perspective cognitive, puisque cette dernière s’intéresse aux conditions
dans lesquelles le système de gouvernance permet d’élargir les ressources à disposition du dirigeant afin
de l’aider à détecter ou à créer des opportunités et à déployer la stratégie (Wirtz, 2011). Il semble
cependant peu productif d’opposer ces perspectives car on ne peut que constater qu’elles rendent compte
toutes deux de la réalité de la gouvernance des entreprises, comme toute personne assistant aux débats
d’un conseil d’administration pourrait en témoigner. Il fait donc sens de les mobiliser ensemble pour
analyser les phénomènes organisationnels et, en particulier, les systèmes de gouvernance (Wirtz, 2006).
Plusieurs de mes travaux ont adopté cette approche synthétique et ont montré que les logiques
disciplinaire et cognitive sont toutes deux à l’œuvre dans les relations entre actionnaires et dirigeants,
mais que leur importance respective est susceptible de changer selon le contexte organisationnel
rencontré par l’entreprise (Bonnet, 2005 ; Bonnet et Wirtz, 2012 ; Bonnet, Wirtz et Haon 2013)

La recherche académique nous montre que les systèmes de gouvernance ne sont ni uniques, ni figés
mais divers et contingents. Ils sont amenés à évoluer de façon adaptative en fonction des circonstances
et des contextes institutionnels (Charreaux, 2018). Ainsi les mécanismes de gouvernance, en particulier
le CA (ses rôles, son organisation, son fonctionnement), sont-ils contingents, notamment, au stade du
cycle de vie de l’entreprise et à la structure de propriété (Pearce et Zahra, 1992 ; Lynall, Golden et
Hillman, 2003 ; Zahra et Filatotchev, 2004 ; Huse, 2005 ; Wirtz 2006 ; Uhlaner, Wright et Huse, 2007).
Le CA nait, puis se transforme au cours du temps, avec la croissance et la maturation de l’entreprise, en
fonction des défis et opportunités auxquels elle fait face (Hillman, Cannella et Paetzold, 2000) et suite
aux modifications éventuelles de son actionnariat : entrée d’actionnaires externes aux cotés des
fondateurs (Lynall, Golden et Hillman, 2003 ; Bonnet, Séville et Wirtz, 2017), prise de contrôle par une
autre entreprise ou par un fonds d’investissement (Jensen, 1989), introduction en bourse, modification
des équilibres entre grands actionnaires (Albouy et Bonnet, 2009). Dans cette perspective, mes travaux
ne se limitent pas aux grandes entreprises cotées mais portent aussi sur des entreprises caractérisées par
des tailles et des structures de propriété différentes: PME non cotées et jeunes entreprises innovantes.

La gouvernance des firmes entrepreneuriales

10
La gouvernance des jeunes firmes entrepreneuriales en forte croissance présente des enjeux
spécifiques et la mobilisation du levier cognitif y est particulièrement importante, vu les défis auxquels
elles sont confrontées : incertitude, complexité de l’environnement, handicaps liés à la taille et à la
jeunesse, manque de ressources internes et difficulté d’accès à certaines ressources externes (Penrose,
1959 ; Zahra et Filatotchev, 2004 ; Kroll, Walters et Le, 2007 ; Wiltbank, Read, Dew et Sarasvathy,
2009 ; Wirtz, 2011). Son étude constitue un champ de recherche qui progresse en importance
académique (Burkhardt, 2018). A la suite de Wirtz (2011) et avec lui, une partie importante de mes
travaux porte sur la gouvernance de ces entreprises dans une perspective synthétique. Le financement
en fonds propres de ces firmes est largement assuré par des investisseurs spécialisés qui sont susceptibles
d’intervenir aux côtés des fondateurs à divers stades du cycle de vie et dont les caractéristiques et les
objectifs ne sont pas identiques : business angels (ci-dessous BA), plateformes de financement
participatif, sociétés ou fonds de capital-risque (ci-dessous SCR) indépendantes, fonds de corporate
venture (Harrison et Mason, 2000 ; Bonnet, 2012). Ces investisseurs présentent également des
différences en termes d’attentes vis-à-vis du système de gouvernance et de contributions à celui-ci (Van
Osnabrugge, 2000 ; Madill, Haines et Riding, 2005 ; Wallmeroth, Wirtz et Groh, 2018). Par conséquent,
au-delà de la relation générique entre actionnaires et dirigeants, il apparait nécessaire d’introduire dans
le cadre d’analyse de la gouvernance entrepreneuriale la variable de la catégorie d’investisseur et
d’étudier les conséquences des différences et des complémentarités entre types d’investisseurs sur les
mécanismes de gouvernance et sur la performance de l’entreprise. Ainsi plusieurs de mes travaux portent
sur la gouvernance des firmes financées en co-investissement simultané ou séquentiel par des BA et des
SCR (Bonnet et Wirtz, 2011 ; Bonnet et Wirtz, 2012 ; Bonnet, Wirtz et Haon, 2013 ; Bonnet, Séville et
Wirtz, 2017).

Je me suis récemment intéressé aux organisations de BA (Wirtz, Bonnet, Cohen et Haon, à paraître).
Au cours du temps, les BA se sont d’abord regroupés en réseaux qui visaient principalement à leur
donner une visibilité et à faciliter leur mise en contact avec les entrepreneurs (Mason et Harrison, 1999;
Aernoudt, San José et Roure, 2007). Puis des groupes ou syndicats plus structurés ont été formés, dans
lesquels les diverses activités du cycle d’investissement, de la détection des opportunités à la sortie, sont
menées de façon collective, alors qu’elles pourraient plus difficilement être réalisées par des BA
indépendants. Ces groupes acquièrent une importance croissante dans l’offre de capitaux aux firmes
entrepreneuriales et ils contribuent à professionnaliser l’activité des BA, notamment en structurant et en
formalisant les procédures d’investissement et de suivi des participations, (Mason, Botelho et Harrison,
2016 ; Bonini, Capizzi, Valletta et Zocchi, 2018). Le fonctionnement et l’organisation interne des
groupes de BA ont cependant été, pour l’instant, l’objet d’un nombre limité de recherches académiques
(Paul et Whittam, 2010 ; Carpentier et Suret, 2015) et leur étude constitue un champ prometteur. Ils
présentent notamment des enjeux de nature cognitive et comportementale. En effet, l’efficience et la
pérennité de ces groupes dépendent de l’implication volontaire des membres dans les diverses activités

11
mises en œuvre (activités liées au cycle d’investissement et au management du groupe) (Zu
Knyphausen-Aufsess et Westphal, 2008) ainsi que des conditions dans lesquelles un apprentissage
collectif peut être obtenu au moyen de la formalisation des pratiques et de la transmission de
connaissances par les membres plus expérimentés aux investisseurs novices (San José, Roure et
Aernoudt, 2005).

Structure de cette note

Cette note présente une synthèse de mes travaux sur la gouvernance actionnariale, mes
contributions à ce champ de recherche et leurs prolongements dans le cadre d’un programme de
recherche en cours. Mes recherches ont pour problématique générale le lien entre la gouvernance
exercée par les actionnaires (ses acteurs, leurs caractéristiques, leur fonctionnement, leur évolution, et
ses mécanismes) et les décisions et les performances financières des entreprises. Dans mon parcours de
chercheur, j’ai décliné cette problématique pour différents types d’entreprises selon leur stade de
maturité. La présente note est, en conséquence, structurée en trois parties qui concernent,
respectivement, les grandes entreprises cotées, les entreprises moyennes ayant fait l’objet d’un LBO, et
les jeunes firmes entrepreneuriales à fort potentiel de croissance.

Si j’ai choisi de structurer cette note en fonction du stade de maturité des entreprises étudiées, je
suis conscient des limites d’une approche déterministe du cycle de vie qui voudrait que toutes les firmes
passent nécessairement par des stades prédéfinis au cours de leur existence. Cette approche a d’ailleurs
fait l’objet de fortes critiques (Levie et Lichtenstein, 2010). La recherche sur le financement des firmes
entrepreneuriales, notamment, montre que beaucoup d’entre elles ne grandissent pas faute d’un accès
insuffisant aux financements qui leur permettraient d’investir, tant pour des raisons liées à l’offre de
capitaux qu’à la demande de la part des entrepreneurs (pas de volonté de croître, désir de conserver un
contrôle total sur leur firme) (Cressy et Olofsson, 1997 ; Berggren, Olofsson et Silver, 2000 ; Tornikoski,
Mei et Bonnet, 2018).

La première partie de cette note présente mes travaux sur la gouvernance et la politique financière
des entreprises cotées. Elle s’appuie, pour l’essentiel, sur les théories classiques de la finance
d’entreprise et sur la perspective disciplinaire de la gouvernance. Elle est divisée en trois sections. Tout
d’abord (1.1) une étude de cas comparative de deux grandes sociétés cotées opérant sur le même marché,
Airbus et Boeing, mais caractérisées par des environnements institutionnels et des structures de propriété
différentes, nous permet de mettre en évidence l’influence du contexte institutionnel et de la structure
de propriété sur le système de gouvernance et sur les politiques financières adoptées (Albouy et Bonnet,
2009). La seconde section (1.2) aborde une question classique de finance d’entreprise, la politique de
dividendes. Une enquête par questionnaire auprès des directeurs financiers des sociétés de l’indice SBF
250 sur leur perception des déterminants et des conséquences de la politique de dividendes permet de
montrer que cette perception diffère peu de celle de leurs pairs nord-américains (Etats-Unis et Canada),

12
ceci bien qu’ils évoluent dans un environnement institutionnel différent (Albouy, Bah, Bonnet et
Thevenin, 2012). La troisième section (1.3) traite de la question de l’accumulation de liquidités par les
entreprises cotées au cours des récentes décennies qui été mise en évidence par de nombreuses études
empiriques nord-américaines et internationales. Nous réalisons la première étude systématique des
facteurs d’évolution des liquidités détenues par les sociétés cotées des pays de la zone euro au cours des
trente dernières années (Dupuy, Albouy, Bonnet et Mchawrab, à paraître). Nous mettons en évidence
que la principale explication de l’augmentation du niveau moyen des liquidités constatée dans ces
entreprises est un effet de sélection : la modification soudaine de la composition de la population suite
à la cotation depuis la fin des années 1990 de nombreuses entreprises technologiques à fort potentiel de
croissance et caractérisées par des niveaux de liquidité très élevés.

La seconde partie concerne la gouvernance des entreprises sous LBO, qui sont caractérisées à la
fois par un actionnariat concentré et un endettement élevé. Elle présente une étude, issue de ma thèse de
doctorat, de l’influence du niveau de confiance interpersonnelle entre capital-investisseurs (CI) et
dirigeants sur les processus de travail commun, les rôles adoptés par les CI et la performance des
investissements (Bonnet, 2005). Des hypothèses issues des perspectives disciplinaire et cognitive de la
gouvernance sont développées et testées. La méthode empirique utilisée est une enquête par
questionnaire auprès de CI opérant en France. Cette recherche montre que la confiance influe sur
l’ensemble des processus, ainsi que sur une partie des rôles adoptés par les CI, dont certains ont un
impact favorable sur la performance. Cependant les résultats ne mettent pas en évidence de relation
directe entre confiance et performance.

La troisième partie concerne la gouvernance des jeunes firmes entrepreneuriales dont les fondateurs
ouvrent le capital à des actionnaires externes. Elle s’inscrit dans une perspective synthétique de la
gouvernance, dans le sens ou les approches disciplinaire et cognitive sont mobilisées pour expliquer les
caractéristiques et les évolutions du système de gouvernance et la performance de l’entreprise. Elle
comporte trois sections.

La première section (3.1) présente une recherche sur la gouvernance naissante des firmes
entrepreneuriales (Bonnet, Séville et Wirtz, 2017). Nous montrons comment, malgré les obstacles
propres aux jeunes firmes entrepreneuriales, le CA de ces firmes parvient à se former et à fonctionner
grâce aux processus d’identification sociale qui sont à l’œuvre entre ses membres. Le cas d’une startup
est analysé de façon longitudinale suite à des entretiens avec les acteurs de sa première levée de fonds.
Nous étudions les processus d’identifications sociales et les interactions de huit administrateurs et
proposons un modèle de la genèse du conseil des firmes entrepreneuriales ancré dans une théorie
comportementale et sociale de la gouvernance. Cette recherche montre également que les actionnaires
externes utilisent à la fois les leviers disciplinaire et cognitif lors de la formation du CA naissant.

13
La seconde section (3.2) présente trois contributions relatives aux complémentarités entre BA et
capital-risqueurs (CR), qui sont les principaux acteurs du financement en fonds propres des jeunes
firmes entrepreneuriales à fort potentiel de croissance. Les actionnaires qui investissent en capital,
simultanément ou de façon séquentielle, dans ces firmes sont divers (entrepreneurs et leurs proches, BA,
SCR, plateformes de financement participatif, grandes entreprises…). Ces acteurs ont des
caractéristiques cognitives et comportementales différentes et leurs objectifs et intérêts ne sont pas
totalement alignés. Par conséquent, les questions des conséquences de ces différences sur la décision de
co-investir, sur les mécanismes de gouvernance mis en place, sur la mobilisation des leviers disciplinaire
et/ou cognitifs et sur les performances des entreprises financées sont posées. Les trois articles présentés
ici visent à répondre à ces questions. Le premier (3.2.1) propose un cadre théorique de la gouvernance
des entreprises en forte croissance qui ouvrent leur capital à des investisseurs externes (Bonnet et Wirtz,
2011). Sa principale contribution est d’aller au-delà de la seule concentration de la propriété du capital
en considérant l’impact spécifique de diverses catégories d’actionnaires sur la performance. Les
différences entre BA et CR expliquent qu’ils interagissent de façon différente avec les entrepreneurs et
contribuent de façon différente, parfois complémentaire, aux mécanismes de gouvernance et à la
performance. Le second article (Bonnet et Wirtz, 2012) (3.2.2) permet d’appliquer le cadre théorique
défini ci-dessus au cas des jeunes entreprises qui lèvent des fonds simultanément auprès de BA et de
SCR. En effet, vu les complémentarités entre ces deux catégories d’investisseurs, le co-investissement
simultané est susceptible d’être un facteur de forte croissance. L’objectif de l’article est de mettre en
évidence quelle perspective théorique de la gouvernance, disciplinaire ou cognitive, permet d’expliquer
le mieux les interactions entre investisseurs et entrepreneurs durant le processus de levée de fonds. Une
étude de cas prospective nous permet de monter que les deux leviers entrent en jeu, mais que leur
importance relative dépend à la fois du stade du processus de levée de fonds et de la catégorie
d’investisseurs concernés. Le troisième article (Bonnet, Wirtz et Haon., 2013) (3.2.3) a pour objectif de
tester dans quelle mesure certaines caractéristiques cognitives et comportementales des BA favorisent
le co-investissement simultané avec les SCR et la croissance des firmes financées. Nous proposons un
modèle explicatif de la croissance des entreprises financées par les BA qui mobilise à la fois des aspects
classiques de la littérature en finance entrepreneuriale (complémentarités entre types d’investisseurs,
apport de ressources) et les dimensions cognitives de la décision d’investissement (Wiltbank, Read, Dew
et Sarasvathy, 2009). La méthode employée est une enquête par questionnaire auprès des membres de
plusieurs réseaux français de BA. Nous montrons que le co-investissement entre différentes catégories
d’investisseurs est favorisé par la proximité cognitive qui existe entre eux, et que la croissance des firmes
financées par les BA est supérieure en cas de co-investissement simultané avec des SCR.

La troisième section (3.3) porte sur le fonctionnement des groupes de BA, dont la contribution au
financement des jeunes firmes innovantes et l’impact en tant qu’acteurs de la gouvernance
entrepreneuriale ont une importance croissante (Mason, Botelho et Harrison, 2016 ; Bonini, Capizzi,

14
Valetta et Zocchi, 2018). Ces organisations reposent largement sur l’implication de membres bénévoles.
La recherche présentée cherche à mieux comprendre les déterminants de cette implication (Wirtz,
Bonnet, Cohen et Haon, à paraître). Nous développons un cadre conceptuel selon lequel les
caractéristiques cognitives (style de décision) des BA et leur capital humain spécifique (expérience
professionnelle) permettent d’expliquer le degré et la nature de leur implication dans les diverses
fonctions remplies par leurs organisations. Les propositions sont testées au moyen d’une enquête par
questionnaire auprès des membres d’un groupe de BA.

1. Gouvernance et politique financière des entreprises cotées

Les systèmes nationaux de gouvernance (SNG) et la gouvernance des entreprises cotées en bourse
ont fait l’objet de très nombreux travaux qui se réfèrent à des cadres théoriques divers (voir Charreaux,
2004, pour une revue de la littérature). Nous nous sommes intéressé à trois questions qui sont à la
confluence de la gouvernance et de la finance d’entreprise et constituent toujours, après des années de
recherche, des sujets de controverses académiques: l’influence de la structure de propriété sur la
performance de la firme, les facteurs qui déterminent la politique de dividende de l’entreprise et les
facteurs qui déterminent le niveau des liquidités détenues par les entreprises. Ces travaux ont donné lieu
à trois articles. Ils sont de nature empirique et s’appuient, pour l’essentiel, sur les cadres théoriques
classiques de la finance d’entreprise et sur celui de la gouvernance disciplinaire. Ils adoptent également
une perspective institutionnelle (Scott, 1995) puisqu’ils ont pour objectif, notamment, de mettre en
évidence dans quelle mesure les pratiques de gouvernance et de politique financière sont influencées par
le cadre institutionnel dans lequel les entreprises opèrent. En conséquence, les approches empiriques
employées permettent de comparer les systèmes de gouvernance et/ou la politique financière
d’entreprises qui opèrent dans des environnements nationaux différents.

1.1. Albouy M. et Bonnet C. (2009), Etude comparée des gouvernances de Boeing et d’EADS et
de leurs impacts sur les stratégies et performances financières, Revue Française de
Gouvernance d'Entreprise, vol. 6, 2ème semestre 2009, p. 27-62.

Cet article est né de l’observation du système de gouvernance qu’avait adopté EADS (qui a pris le
nom d’Airbus en 2013) depuis sa création sous l’égide de grands Etats européens en 2000 et de la crise
industrielle et financière importante qu’a connue la société en 2006 et 2007, malgré ses indéniables
succès industriels et commerciaux. Il visait à répondre à la question suivante : dans quelle mesure les
structures de propriété et de direction du groupe EADS, caractérisées par la coexistence d’intérêts
publics et privés, le maintien d’un strict équilibre des pouvoirs entre les Etats à l’origine de sa création,
et notamment par une complexe direction bicéphale franco-allemande, pouvaient-elles expliquer la
faiblesse récurrente des résultats financiers d’EADS (comparés à ceux de son concurrent Boeing) et

15
l’apparente difficulté de la société à mettre en œuvre les restructurations nécessaires à son
redressement suite à la crise de 2006. Plus généralement, cette recherche permet d’illustrer le caractère
contingent du système de gouvernance (Charreaux, 2004) et de contribuer à une meilleure
compréhension, dans un cas spécifique, de l’influence du système de gouvernance sur la performance
financière, question sur laquelle les tests empiriques donnent des résultats contrastés (Barkema et
Gomez-Mejia, 1998 ; Daily, Dalton et Canella, 2003). La méthode employée est celle d’une étude de
cas comparative menée sur la base des informations publiques disponibles à fin 2007 (rapports annuels,
cours de bourse, articles de la presse économique et financière), les sociétés étudiées étant cotées.

En 2007, Boeing et EADS sont des entreprises de taille et d’activité similaires. Elles opèrent sur
les marchés de l’aéronautique civile et militaire dont elles comptent parmi les acteurs mondiaux les plus
importants. Elles sont co-leaders du marché des moyens et longs courriers pour l’aviation civile. La
comparaison des structures de propriété et les systèmes de gouvernance respectifs des deux entreprises
met en évidence des différences importantes. Nous menons une analyse comparative des mécanismes
suivants : structure de propriété, conseil d’administration (composition, direction et organisation en
comités), rémunération des dirigeants, actions en termes de responsabilité sociale de l’entreprise.

Boeing est une société de type managérial. Son actionnariat est dispersé et principalement financier.
La structure de direction est moniste, le dirigeant principal, James McNerney, cumulant les postes de
président du CA (chairman) et de directeur général (CEO). Les autres membres du CA sont qualifiés
par la société d’indépendants et sont des dirigeants ou anciens dirigeants d’entreprises industrielles et
financières (toutes américaines sauf une), un général à la retraite et une ancienne secrétaire d’état
adjointe de l’Etat américain. La présence de ces deux derniers membres reflète les liens de Boeing avec
l’armée et l’Etat américains. A part ce point particulier, la composition du conseil et son organisation
en comités spécialisés sont typiques de celle des grandes entreprises managériales cotées. La
rémunération du président pour 2007 se monte à 18 millions d’USD dont 4,3 millions de bonus liés à
des indicateurs financiers et 12 millions de rémunération différée, constituée essentiellement de plans
de participation au capital. Elle est donc très fortement liée à la performance financière de la société.

EADS a une structure de propriété très différente puisqu’elle mêle actionnaires publics et privés et
est contrôlée par trois partenaires liés par un pacte. Sogeade, principal actionnaire d’EADS (27,5 %) est
détenue par l’Etat français (54,6 %) et le groupe Lagardère (45,4 %). Dasa (22,5 %) est contrôlée par
Daimler (66,7 %) et par divers investisseurs allemands privés et publics (33,3 %), notamment les Länder
où sont implantées les usines du groupe. Sepi (5,49 %) est détenue par l’Etat espagnol. Les trois
principaux actionnaires d’EADS exercent un contrôle conjoint au moyen d’un pacte contenant
notamment des dispositions relatives à la composition du CA, aux transferts d’actions et aux droits de
sortie conjointe, à la défense vis à vis de prises de participation hostiles, et à des droits spécifiques de

16
l’Etat français concernant les missiles balistiques développés par la société. EADS est donc placée sous
le contrôle étroit de ses principaux actionnaires. Le reste du capital est flottant.

La composition du CA d’EADS traduit le contrôle exercé par les deux principaux actionnaires,
allemand et français. La structure de direction est duale. Jusqu’en 2006, elle comptait deux coprésidents
non exécutifs et deux coprésidents exécutifs, chaque niveau devant être occupé par un allemand et un
français. Cette structure ayant été jugée trop lourde, la direction compte depuis 2007 un président non
exécutif et un président exécutif qui doivent être l’un de nationalité allemande, l’autre française (ou
l’inverse), et sont nommés sur proposition conjointe de Sogeade et Dasa. Les autres membres du CA
représentent Sogeade (2 membres), Dasa (2), Sepi (1), et quatre sont indépendants. La proportion
d’indépendants est inférieure à 50 % et ne respecte donc pas la préconisation du rapport Bouton (2002)
sur la gouvernance des entreprises. La structure du CA d’EADS semble ainsi être le fruit d’un
compromis entre la volonté de préserver un pouvoir fort des grands actionnaires et un équilibre entre
nationalités, tout en se conformant, partiellement, aux préconisations des codes de gouvernance
(direction duale, administrateurs indépendants, comités spécialisés). La rémunération du président
exécutif, Louis Gallois, est à la fois beaucoup plus faible et moins dépendante de la performance
financière de celle du dirigeant de Boeing. Elle se monte à 2,8 millions d’euros en 2007 dont 1,0 de
bonus (basé pour 50 % sur des critères non financiers) et 0,7 de stocks options.

La structure de contrôle binationale d’EADS a une influence sur les décisions stratégiques et la
gestion. Chez Airbus, principale filiale d’EADS, l’implication des Etats est liée à son histoire. Au départ,
en 1970, chaque pays s’est vu attribuer au sein du consortium un quota de fabrication relatif à son poids
chez Airbus. C’est ainsi que les Français et les Allemands ont obtenu 35 % de la fabrication, les Anglais
20 % et les Espagnols 10 %. Ce modèle a bien fonctionné jusqu’à la crise de 2006 puisque Airbus est
devenu un véritable challenger de Boeing, puis son alter ego en terme de production vendue. Cependant,
la presse économique fait régulièrement écho de négociations entre les gouvernements relatifs aux
répartitions d’implantations industrielles et d’effectifs entre pays, et également de difficultés de
communication entre équipes nationales. Par exemple, la crise de 2006 a mis en évidence des doublons
et des incompatibilités entre les différents sites de production (France et Allemagne en particulier, avec
l’usage d’outils informatiques différents). Le plan de redressement Power 8 proposé en 2007 par la
nouvelle direction comporte une restructuration avec la constitution de « sites d’excellence » spécialisés
qui a été largement négociée entre les Etats, et certaines des cessions de sites proposées ont été bloquées
par ces derniers afin de préserver les équilibres d’emploi salarié entre nations3. Plus récemment, il
semble également que les Etats aient été les principaux responsables de l’échec de la fusion entre EADS
et la société britannique de défense BAE Systems, opération initiée en 2012 par le CEO Tom Enders,
qui aurait permis au groupe de devenir le leader mondial de l’aéronautique et de la défense. La fusion

3
Le Monde, 20/12/2007, « Les considérations nationales pèsent sur les choix d’Airbus »

17
n’aurait pas abouti faute d’accord entre les gouvernements allemand, anglais et français sur leurs droits
respectifs au capital et sur la localisation du siège social de la nouvelle entité4 .

Boeing a une gouvernance de type actionnarial, ou financier, avec comme principal objectif la
création de valeur pour les actionnaires. La situation d’EADS est spécifique et plus complexe. S’agit-il
à proprement parler d’une gouvernance de type partenarial, dans laquelle des parties prenantes autres
qu’actionnaires (salariés, fournisseurs…) auraient un statut de créancier résiduel et se verraient accorder
des droits décisionnels et d’appropriation de la rente organisationnelle (Blair, 1995 ; Charreaux et
Desbrières, 1998 ; Zingales, 1998) ? Il ne semble pas que ce soit le cas, au moins sur un plan formel. On
note, notamment, que les salariés ne sont pas représentés au CA d’EADS. Par contre, EADS est sous le
contrôle de grands actionnaires, en partie étatiques, qui souhaitent conserver une stricte parité et
défendent des intérêts nationaux que la direction de la société doit prendre en compte. La préservation
de l’équilibre franco-allemand est le point marquant de la gouvernance d’EADS et est parfois source de
difficultés et de lourdeurs. Les intérêts des salariés et des fournisseurs nationaux sont régulièrement
relayés par les pouvoirs publics et toute restructuration doit passer le crible des intérêts des Etats. Ainsi,
son système de gouvernance apparait plutôt comme un compromis entre une logique actionnariale, liée
au fait que la société compte des actionnaires industriels privés et est cotée en bourse (45 % du capital
est flottant à fin 2007), et une logique partenariale, liée à l’influence d’Etats soucieux de défendre leur
souveraineté et leurs économies nationales. Un tel système présente des avantages et des risques. Le
risque principal nous paraît être celui de la complexité de la prise de décision, liée à la structure de
direction et aux contraintes de politique économique imposées par les Etats. Ceci semble rendre
l’entreprise plus difficile à diriger, moins apte à s’adapter rapidement aux changements de son
environnement, et risque de peser sur ses performances financières

La seconde partie de l’article vise à comparer les politiques et les performances financières des
deux entreprises sur la période 2000 à 2007. Les principales conclusions en sont les suivantes :

- Les ventes d’EADS ont crû beaucoup plus fortement sur la période que celles de Boeing (140 %
contre 29 % en cumul, à taux de change USD/euro constant)
- EADS est en moyenne beaucoup moins rentable que Boeing, à la fois en termes de rentabilité
économique (6,1 % contre 17,1 %) et de rentabilité des capitaux propres (2,4 % contre 24,1 %)
- La performance de l’action Boeing est sensiblement supérieure à celle d’EADS sur la période
considérée (hausse du cours de 49 % en cumul contre une baisse de 9 %)
- En termes de politique financière on constate deux différences importantes. Les investissements
cumulés d’EADS sur la période 2003-2007 sont quasiment deux fois supérieurs à ceux de Boeing
(11,8 milliards d’euros contre 6,5). Par contre EADS distribue beaucoup moins de cash à ses

4
L’Usine Nouvelle, 10/10/2012, « EADS-BAE : échec des négociations en vue de la fusion »
(http://www.usinenouvelle.com/article/eads-bae-echec-des-negociations-en-vue-de-la-fusion.N183763)

18
actionnaires sous la forme de dividendes et de rachats d’action (2,0 milliards sur la période contre
9,5). De plus, alors que les dividendes annuels de Boeing sont en progression régulière, la politique
de dividendes d’EADS est erratique et semble faire l’objet de pressions politiques plutôt qu’être
simplement liée à ses fondamentaux financiers. En 2006, par exemple, l’opportunité de verser un
dividende alors que l’entreprise était en perte a fait l’objet de controverses entre actionnaires
allemands et français, la partie allemande étant favorable au paiement d’un dividende contre l’avis
des actionnaires français, et certains acteurs politiques et syndicaux français (notamment le Parti
Socialiste et le syndicat Force Ouvrière) fermement opposés au dividende se sont fait entendre5. La
partie française a finalement décidé de renoncer à percevoir le dividende dont la distribution avait
été votée en assemblée générale d’actionnaires.

Cette étude de cas comparative concerne deux firmes étudiées sur une période de sept ans. Elle
permet, malgré ses limites, d’illustrer l’influence de la structure de propriété et du système de
gouvernance sur la politique et la performance financières. Boeing, caractérisée par un système de
gouvernance de type actionnarial, réalise des performances financières en termes de rentabilité, de
croissance du cours de bourse et de rémunération des actionnaires sensiblement supérieures à celles
d’EADS sur la période considérée. EADS affiche une rentabilité plus faible mais des investissements et
une croissance des ventes bien supérieurs à celles de Boeing.

Il faudrait cependant se garder de tirer de ces observations la conclusion d’une relation mécanique
et strictement causale entre structure de propriété et politique et performance financières, qui ignorerait
le caractère contingent du système de gouvernance et l’influence des facteurs institutionnels (Charreaux,
2004), ainsi que du cycle de vie (Fama et French, 2001). D’une part, les deux firmes étudiées opèrent
dans des environnements institutionnels différents. Les Etats-Unis sont caractérisés historiquement par
une régulation essentiellement basée sur le marché. L’Europe continentale regroupe principalement
deux traditions de régulation, l’une par l’intervention de l’Etat dans l’économie (France), l’autre
(Allemagne, pays scandinaves) tendant à mettre plus en avant le rôle des partenaires sociaux (Boyer,
1992). Ainsi, les différences de montant et de structure de rémunération entre les deux dirigeants peuvent
probablement s’expliquer, en partie, par des facteurs institutionnels plutôt que par la seule structure de
propriété (Fernandes et al., 2013), de même que les différences tenant à la politique de dividende (La
Porta et al., 2000). De plus, les objectifs stratégiques des deux firmes étaient différents sur la période
considérée, ce qui a pu influencer leurs politiques et leurs performances financières. Boeing occupait la
place de leader mondial sur les marchés de l’aéronautique au début de la période étudiée (2000) et
réalisait des ventes deux fois supérieures à celles d’EADS. Cette dernière, de création plus récente, était,
malgré ses succès, en position de challenger et ses dirigeants avaient pour objectif de rattraper Boeing
pour devenir co-leader du marché. En particulier, Airbus, la principale filiale d’EADS, détenait 39 %

5
Le Monde, 05/07/2007, « EADS : les dividendes de la honte ».

19
du marché des avions commerciaux de plus de 100 places en 2000 et avait pour « objectif stratégique
premier [de capturer] 50 % du marché mondial du transport aérien commercial sur le long terme »6.
Cette stratégie peut expliquer, au moins en partie, qu’EADS ait privilégié durant cette période, plus que
Boeing, l’investissement et la croissance des ventes au détriment de la rentabilité et de la rémunération
des actionnaires.

1.2. Albouy M., Bah R., Bonnet C. et Thevenin D. (2012), The Perception of Dividends by
Managers: Do French CFOs Differ from their North-American Peers? Bankers, Markets and
Investors, no. 116, p. 52-75.

Après des années de recherche en finance, les déterminants de la politique de dividende des
entreprises et son influence sur la valeur demeurent des sujets de controverse. Suite au travail séminal
de Modigliani et Miller (1961) sur la neutralité des dividendes dans un marché des capitaux parfait,
différentes théories ont été développées et testées pour expliquer la politique de dividende et son impact
sur la valeur de l’entreprise. Trois courants coexistent: celui d’un impact favorable sur la valeur (théorie
de l’agence, théorie du signal), d’un impact défavorable (lié en particulier aux différences de taxation
entre dividendes et plus-value et aux coûts de transaction) et celui de la neutralité (théorie de la clientèle,
théorie du cycle de vie). Dans ce contexte, l’objectif de cet article est d’étudier les perceptions des
directeurs financiers des sociétés françaises cotées en bourse sur la politique de dividende et de les
comparer à celles de leurs homologues nord-américains.

La théorie institutionnelle nous indique que la façon dont les firmes sont organisées, gérées et
financées est influencée par les cadres institutionnels nationaux (voir notamment Scott 1995 ; La Porta
et al., 1997 ; La Porta et al., 2000). Pourtant, les recherches empiriques sur la politique de dividende
concernent majoritairement les firmes anglo-saxonnes et les travaux permettant des comparaisons
nationales demeurent rares. Un certain nombre d’études anciennes se sont intéressées aux relations entre
investissement et politique de dividende dans les entreprises françaises (McDonald, Jacquillat et
Nussembaum, 1975 ; Albouy, 1981). La motivation de cette recherche est double. D’une part, nous
inscrivant dans le prolongement de recherches antérieures (Lintner, 1956 ; Baker et Powell, 1999), nous
nous intéressons aux perceptions des déterminants et de l’impact de la politique de dividendes par les
dirigeants des entreprises, ce qui n’a pas été fait à ce jour, à notre connaissance, pour les dirigeants
d’entreprises françaises ; d’autre part cette étude a un objectif comparatif et vise à tester si les
perceptions des dirigeants français diffèrent de celle des leurs homologues nord-américains.

Le cadre institutionnel et culturel français présente des spécificités susceptibles d’influencer la


politique de dividende et sa perception par les dirigeants. D’une part, les entreprises françaises opèrent
dans un cadre juridique et fiscal différent de celui des pays anglo-saxons. La structure de propriété des

6
EADS N.V., Document de référence, exercice 2000 (p. 35).

20
firmes cotées en bourse y est plus concentrée qu’aux Etats-Unis et l’actionnariat financier (fonds
d’investissement) y est moins développé (La Porta et al., 1999). La rémunération des dirigeants tend à
être, en moyenne, plus faible et moins liée à la valeur boursière de l’entreprise que celle de leurs
homologues des Etats-Unis (Fernandes et al, 2013). De plus, la politique de dividende des entreprises
est l’objet en France de fréquents débats médiatiques et politiques qui questionnent la légitimité des
distributions de dividendes aux actionnaires et mettent en avant leurs possibles effets négatifs sur les
investissements et la rémunération des salariés. En témoignent, par exemple, par exemple, les récents
débats provoqués par la publication du rapport d’Oxfam France (2018) sur la politique de dividende des
entreprises du CAC 407. La France est probablement le seul grand pays démocratique où un chef d’Etat,
Nicolas Sarkozy, ait donné des préconisations précises sur la politique de dividende des entreprises, en
indiquant que les profits devaient être répartis en trois tiers, un pour les dividendes, l’autre pour les
salariés, le troisième pour l’investissement8.

Pour répondre à nos questions de recherche, nous menons une enquête par questionnaire auprès des
directeurs financiers des sociétés de l’indice SBF 250 au 1er juin 2009. Le questionnaire a été diffusé par
courrier électronique en juin 2009, avec une relance en septembre 2009, à l’issue de laquelle nous avons
recueilli 76 réponses exploitables. Afin de permettre des comparaisons internationales, le questionnaire
est dérivé de celui utilisé par Baker et Powell (1999) et Baker et al. (2001, 2007) pour les sociétés cotées,
respectivement, au New York Stock Exchange, au Nasdaq et au Toronto Stock Exchange. Le
questionnaire comporte deux parties principales. La première vise à recueillir la perception par les
répondants de l’importance des différents facteurs susceptibles d’influencer la politique de dividende de
leur firme ; la seconde a pour objectif de tester leur adhésion aux différentes théories sur les déterminants
et les effets de la politique de dividende en général. Le questionnaire comprend au total 50 propositions
et les perceptions sont recueillies au moyen d’échelles. Les informations financières sur les entreprises
sont obtenues via la base de données Corporate Focus Premium (Infinancials) et les coordonnées des
dirigeants interrogés auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), qui a soutenu cette étude. Le
taux de réponse (30,8 %) est similaire à celui obtenu pour les enquêtes internationales précédentes
menées sur le même sujet. Un possible biais des enquêtes par questionnaire est la non représentativité
de l’échantillon par rapport à la population étudiée. Sur la base de huit variables financières (ventes,
capitalisation boursière, rendement en dividende…), les caractéristiques des sociétés répondantes ne
diffèrent pas de façon significative des celles des non répondantes, à l’exception de la concentration de
l’actionnariat, les firmes non répondantes ayant un actionnariat plus concentré.

7
Le Point, 17/05/2018, « Polémique sur les dividendes du CAC 40 : tout ce qu’Oxfam passe sous silence »,
https://www.lepoint.fr/economie/polemique-sur-les-dividendes-du-cac-40-tout-ce-qu-oxfam-passe-sous-
silence-17-05-2018-2219078_28.php (accédé le 11/09/2019).
8
Libération, 13/02/2009, « La règle de trois selon Sarkozy », https://www.liberation.fr/futurs/2009/02/13/la-
regle-de-trois-selon-sarkozy_309801 (accédé le 11/09/2019).

21
Les principaux résultats sont les suivants :

- Les facteurs jugés les plus importants par les répondants dans la détermination de la politique de
dividende de leur firme sont le niveau actuel et attendu des résultats, le désir de maintenir un taux
de distribution (dividende / bénéfice par action) stable et le niveau et l’évolution des dividendes
passés. Ce résultat confirme les observations de Lintner (1956) et des études plus récentes,
essentiellement menées dans des pays anglo-saxons (Baker et Powell, 1999 ; Baker et al., 2001,
2007).
- Les opinions concernant l’impact de la politique de dividende sur la valeur des entreprises sont
contrastées. Les théories qui reçoivent un support en tant qu’explications de la politique de
dividende des entreprises sont la théorie du cycle de vie et la théorie du signal.
- Les perceptions des dirigeants français sur la politique de dividende sont globalement proches de
celles de leurs homologues du Canada et des Etats-Unis. Il ne semble pas que les différences
d’environnements institutionnels entre la France et ces deux pays, notamment une concentration du
capital supérieure à celle qui prévaut aux Etats Unis, aient une influence sur les perceptions des
dividendes par les dirigeants. Nous mettons cependant en évidence quelques différences. Les
dirigeants français ont des vues moins consensuelles et plus contrastées concernant les explications
et les conséquences de la politique de dividende, et ils accordent, dans leurs décisions, une moindre
importance à l’impact des dividendes sur le cours de bourse.

Les principales contributions de cette recherche sont les suivantes. Pour la première fois, à notre
connaissance, nous étudions, au moyen d’une enquête par questionnaire, les perceptions de la politique
de dividende par les dirigeants des entreprises françaises. Nos résultats apportent un support aux théories
du cycle de vie et du signal et sont globalement similaires à ceux mis en évidence par les études menées
au Canada et aux Etats-Unis. Il nous est difficile de conclure quant à l’origine des quelques différences
constatées. Des travaux supplémentaires seraient nécessaires pour comprendre si la moindre importance
qu’accordent les dirigeants français à l’impact du dividende sur le cours de bourse de l’entreprise est
due à des différences de structure de propriété, de mode de rémunération des dirigeants, ou à d’autres
facteurs tenant à la culture nationale ou à l’éducation des dirigeants.

1.3. Dupuy P., Albouy M., Bonnet C. et Mchawrab S., Cash holdings and the selection effect in
the Eurozone, Finance (accepté, à paraître).

L’objectif de cet article est de mettre en évidence les facteurs qui expliquent l’évolution des
liquidités détenues par les entreprises cotées des pays de la zone euro de 1986 à 2015. Une augmentation
des liquidités moyennes des entreprises au cours des récentes décennies a été mise en évidence dans de
nombreux pays, en particulier aux U.S.A. (Bates et al., 2009 ; Graham et Leary, 2018). Par une étude
empirique systématique sur l’ensemble des sociétés cotées de l’Eurozone, la première à ce jour qui
intègre l’ensemble des pays de cette zone et l’impact de la crise financière de 2008, nous montrons que

22
les liquidités détenues par les firmes européennes ont fortement augmenté, bien que moins qu’aux
U.S.A., sur la période 1986-2015. Le ratio « trésorerie et équivalents / actif total » moyen passe de 10
% à 17 % sur cette période (de 12 % à 25 % aux U.S.A). Cette augmentation s’explique principalement
par un effet de sélection, c’est-à-dire une évolution de la composition de la population des sociétés
cotées, observé à la fin des années 1990 et dû à l’arrivée d’entreprises intensives en R&D et à fort
potentiel de croissance.

Selon la littérature en finance, la détention de liquidités par les entreprises peut s’expliquer par
quatre motifs principaux. Le premier est relatif aux coûts de transaction susceptibles d’intervenir lorsque
l’entreprise doit se procurer des liquidités (Miller et Orr, 1966). Selon cette théorie, les entreprises plus
petites seraient pénalisées par des coûts de transaction proportionnellement plus élevés et détiendraient
donc plus de liquidités que les grandes entreprises. Il semble cependant que cette explication ait perdu
de sa validité au cours du temps suite à la réduction des coûts de transaction consécutive aux évolutions
des technologies de l’information (Bates et al., 2009). Le second est le motif de précaution. Les
entreprises détiennent des liquidités pour être en mesure à faire face à des chocs adverses, en particulier
lorsqu’elles ont un accès difficile ou coûteux aux marchés financiers. Par conséquent, trois facteurs
principaux expliquent la détention de liquidités (Froot et al., 1993): (1) les contraintes financières liées,
par exemple, aux difficultés d’accès aux marchés financiers, à une rentabilité faible ou négative, à la
petite taille ou à la jeunesse ; (2) le risque idiosyncratique, les firmes les plus risquées étant plus sensibles
aux chocs adverses et donc plus susceptibles de se retrouver à court de liquidités ; et (3) les opportunités
de croissance, car les chocs adverses et les difficultés financières sont plus coûteuses pour les firmes
ayant de fortes opportunités de croissance. Le motif fiscal serait lié au fait que les firmes multinationales
conservent des liquidités à l’étranger à cause des coûts fiscaux inhérents à leur rapatriement dans leur
pays d’origine (Foley et al., 2007). Ce motif est souvent invoqué concernant l’accumulation de trésorerie
par certaines grandes firmes américaines, notamment les GAFA (Pinkowitz et al., 2016). Enfin, des
motifs relatifs aux conflits d’agence sont évoqués, les dirigeants accumulant de la trésorerie afin
d’acquérir plus de latitude managériale, notamment concernant les décisions d’investissement, ou pour
échapper à la discipline des marchés d’actions, en cas d’OPA hostile par exemple (Oppler et al., 1999).

Les nombreuses études empiriques visant à expliquer la forte augmentation des liquidités détenues
par les sociétés américaines depuis les années 1980 apportent principalement un support au motif de
précaution. Selon ces études, les entreprises qui accumulent de la trésorerie font partie des catégories
suivantes: entreprises de petite taille, non bénéficiaires, ayant un niveau élevé de risque idiosyncratique,
des dépenses de R&D élevées ou ayant de fortes perspectives de croissance (voir notamment Oppler et
al., 1999 ; Fereira et Vilela, 2004 ; Bates et al., 2009 ; Begenau et Palazzo, 2017 ; Graham et Leary,
2018). Certaines études internationales mettent en évidence que le contexte institutionnel est susceptible
d’interférer avec les motifs présentés ci-dessus. Ainsi, des travaux empiriques ont montré que l’une des

23
explications de l’accumulation de liquidités pouvait être, dans une perspective d‘agence, le contexte
juridique national, les firmes tendant à payer moins de dividendes et à accumuler plus de liquidités dans
le pays ou la protection des droits des actionnaires est plus faible (La Porta et al., 1997 ; Dittmar et al.,
2003 ; Pinkowitz, 2006). Le motif de précaution pourrait être également dépendant de facteurs culturels,
par exemple de l’attitude vis-à-vis du risque (Chen et al., 2015).

Nous étudions sur la période 1986-2015 l’ensemble des firmes cotées des pays ayant rejoint la
zone euro lors de sa constitution9. Après élimination des sociétés des secteurs financiers et de services
publics (utilities) et de certaines données manquantes, nous construisons à partir de la base Datastream
un échantillon de 44 238 observations (société/année) pour un échantillon de 3 942 entreprises. Nous
menons ensuite de nombreuses analyses économétriques: comparaisons de l’évolution de la trésorerie
pour différents sous-échantillons en fonction des variables identifiées dans la littérature (dépenses de
R&D, taille, politique de dividendes, profitabilité, date d’introduction en bourse…), régressions
linéaires permettant d’identifier la fonction explicative du niveau de trésorerie, tests de robustesse,
vérification de la stabilité dans le temps de la fonction explicative du niveau de trésorerie, régressions
sur des sous-échantillons (pays, date d’introduction en bourse, secteur d’activité…).

Schéma 1 – Evolution du ratio « trésorerie et équivalents / actif total » de 1986 à 2015 pour
les sociétés de la zone euro selon la date d’introduction en bourse (Dupuy et al., à paraître)

9
11 pays ont formé la zone euro en 1999 et la Grèce y est entrée en 2011. Les pays ayant rejoint la zone euro
postérieurement ne sont pas inclus dans l’étude.

24
Notre principale contribution est de mettre en évidence que l’augmentation du ratio de liquidité
moyen des sociétés de l’Eurozone s’explique principalement par un effet de sélection, observé surtout
au cours de la période 1995-2000, dû à l’arrivée dans la population des sociétés cotées d’entreprises
intensives en R&D et à fort potentiel de croissance des secteurs de la technologie et des sciences de la
vie (schéma 1). Ces nouveaux entrants ne diffèrent pas significativement des entreprises plus anciennes
des mêmes secteurs par leurs caractéristiques ou leur politique financière, mais entrent en bourse avec
des liquidités supérieures. Les firmes présentes dans l’échantillon présentent des ratios de liquidité
relativement stables au cours de la période identifiée (pas d’effet intra-population). Il semble que les
entreprises entrantes aient bénéficié de facteurs de marché favorables leur ayant permis de lever des
liquidités importantes avant ou lors de leur cotation en bourse. Un tel effet de sélection a été mis en
évidence aux U.S.A. (Begenau et Palazzo, 2017) mais il est lissé dans le temps et moins concentré sur
une période spécifique. De plus, la forte hausse des liquidités détenues par les firmes américaines
s’explique également par la présence de très grandes entreprises à forte intensité en R&D (Pinkowitz et
al., 2016), ce qui est moins le cas en Europe.

Nous mettons également en évidence la relative homogénéité de l’Eurozone en ce qui concerne les
niveaux de trésorerie et leurs facteurs explicatifs. Les fonctions explicatives de la trésorerie sont proches
dans les différents pays, et les différences nationales constatées sont mieux expliquées par les différences
de proportion des firmes des secteurs de la technologie et des sciences de la vie que par d’autres facteurs.
Alors que les études concernant les firmes européennes étaient soit anciennes (Fereira et Vilela, 2004),
ne considéraient qu’une partie des pays européens (Iskandar-Datta et Jia, 2012) ou ne permettaient pas
de comparaisons entre l’Eurozone et les U.S.A. (Fernandes et Gonenc, 2016 ; Pinkowitz et al., 2016),
nous contribuons à la littérature internationale sur les liquidités détenues par les entreprises en montrant
l’homogénéité de l’Eurozone et l’existence d’un effet de sélection.

Conclusion de la première partie

Les articles présentés dans cette première partie mobilisent les cadres théoriques classiques de la
finance et de la gouvernance d’entreprise et présentent des contributions essentiellement empiriques.
L’article sur les perceptions des dividendes par les dirigeants des entreprises françaises (Albouy, Bah,
Bonnet et Thevenin, 2012) tend à confirmer les observations faites précédemment en Amérique du Nord
et apporte un support empirique aux théories du cycle de vie et du signal. La recherche sur les liquidités
des pays de la zone euro (Dupuy, Albouy, Bonnet et Mchawrab, à paraître) montre, au moyen d’analyses
économétriques sur un large échantillon, la relative homogénéité des pratiques des pays de la zone euro
quant aux facteurs qui déterminent le niveau des liquidités et l’existence d’un effet de sélection qui a été
également mis en évidence aux U.S.A. L’étude de cas Boeing-EADS (Albouy et Bonnet, 2009) permet
de mettre en perspective le mode de gouvernance disciplinaire actionnariale, qui tend à prévaloir dans
les firmes cotées occidentales à capital dispersé, et dont l’objectif affiché est la création de valeur

25
actionnariale, avec un autre type de gouvernance. Chez EADS, parce que cette entreprise est née de la
volonté d’Etats et d’industriels européens qui en sont les actionnaires de contrôle, des objectifs
économiques et sociaux (emploi, aménagement du territoire), stratégiques (préservation de
l’indépendance nationale) et de politique industrielle (construction d’un champion européen) coexistent
avec l’objectif de création de valeur actionnariale. Cet article pose ainsi la question de l’universalité du
modèle de gouvernance disciplinaire actionnariale, ou gouvernance « financière », qui n’est qu’un cas
particulier parmi les nombreux systèmes de gouvernance possibles (Charreaux, 2004). Il met aussi en
évidence certaines limites d’un mode de gouvernance de type partenarial déjà mentionnées dans la
littérature (Tirole, 2001 ; Jensen, 2002): processus de décision complexes, difficulté pour les dirigeants
de prendre en compte des objectifs contradictoires. L’évolution récente de l’actionnariat et de la
structure de direction d’EADS (maintenant Airbus Group) illustre également le caractère contingent du
système de gouvernance en fonction des stades du cycle de vie (Lynall, Golden et Hillman, 2003).
Postérieurement à notre étude, la part des actionnaires de contrôle s’est réduite à 26 % du capital, le
pacte qui les lie a été assoupli et la structure de direction a été « normalisée et simplifiée »10 (Albouy et
Bonnet, 2018), se rapprochant des pratiques des groupes cotés internationaux (Boissin, Guieu et Wirtz,
2001). Ainsi le mode de gouvernance d’EADS dans les années ayant suivi sa constitution (2000-2013)
était-il peut-être adapté aux enjeux de l’époque (rôle prépondérant des actionnaires fondateurs,
conciliation d’objectifs potentiellement contradictoires et de cultures d’entreprises différentes, stratégie
basée sur l’investissement et la croissance visant à faire d’EADS un co-leader mondial) mais pas à ceux
de la phase de maturité atteinte dans les années 2010 (pilotage d’un groupe intégré, recherche de la
satisfaction d’un actionnariat à dominante financière, respect des « normes » internationales de
gouvernance).

En parallèle à mes travaux sur les sociétés cotées, j’ai souhaité élargir mon champ de recherche aux
firmes non cotées ayant ouvert leur capital à des investisseurs externes, à la fois pour des raisons d’ordre
empirique et théorique. D’une part, alors que les firmes petites et moyennes, pour la plupart non cotées
en bourse, concentrent une part majoritaire de l’emploi salarié dans les pays développés (OCDE, 2004)
et que la proportion d’entreprises cotées décline fortement depuis la fin des années 1990 (Govindarajan
et al., 2018), les recherches en finance et en gouvernance d’entreprise portent essentiellement sur ces
dernières. Elles étudient le plus souvent de grands échantillons, majoritairement de sociétés
étasuniennes, à l’aide de méthodes quantitatives. J’ai souhaité m’affranchir de ce modèle dominant qui
m’apparait trop restreint car il rend insuffisamment compte de la diversité des entreprises et des
contextes institutionnels et ne permet pas une approche fine et contextualisée des relations
interpersonnelles et des processus d’interaction entre acteurs. D’autre part, j’ai voulu élargir la
perspective théorique de mes travaux au-delà des théories classiques de la finance d’entreprise et de la
perspective disciplinaire sur la gouvernance. Cette dernière, comme je l’ai indiqué en introduction, ne

10
Termes employés dans le document de référence 2018 d’Airbus Group (p. 118).

26
rend compte que d’une partie de la réalité des relations entre actionnaires et dirigeants, certes essentielle,
relative à la gestion des conflits d’intérêts et à la répartition de la rente organisationnelle (Eisenhardt,
1989). Elle ignore, notamment, les composantes cognitives et d’apport de ressources de la gouvernance
qui peuvent permettre d’augmenter la rente organisationnelle via une coopération entre acteurs (Forbes
et Milliken, 1999 ; Westphal, 1999 ; Brunninge, Nordqvist et Wiklund, 2007 ; Zhang, Baden-Fuller et
Pool, 2011).

Dans le cadre d’un projet de recherche visant à contribuer à une approche synthétique de la
gouvernance, l’étude des firmes non cotées ayant ouvert leur capital à des investisseurs externes offre
un champ d’investigation prometteur au moins pour deux raisons. Tout d’abord, l’importance des
mécanismes d’incitation et de contrôle y est moindre que dans les firmes cotées, de par une structure de
propriété caractérisée par un actionnariat concentré et un fort niveau de détention par les dirigeants-
entrepreneurs (Wright et al., 2009 ; Wirtz, 2011). De plus, les actionnaires qui investissent dans les
firmes non cotées (fonds de capital-investissement et business angels en particulier) sont décrits par la
littérature comme des investisseurs actifs qui « apportent de la valeur » aux sociétés qu’ils soutiennent
(Politis, 2008 ; Chemmanur et al., 2011). Leur action se traduit par la mise en place de mécanismes
disciplinaires (Kaplan et Strömberg, 2003, 2004) mais également par l’apport de ressources cognitives
susceptibles de favoriser la croissance des firmes financées (Wright et al. 2001 ; Hellmann et Puri, 2002 ;
Zahra et Filatotchev, 2004 ; Zahra, Neubaum et Naldi, 2007).

2. Gouvernance des entreprises sous LBO

La recherche sur la gouvernance des LBO a constitué une première tentative, dans mon parcours
de chercheur, d’élargir ma perspective au-delà des grandes sociétés cotées et du seul cadre disciplinaire
de la gouvernance. Le LBO (leveraged buyout), ou acquisition à effet de levier, consiste en l’acquisition
d’une entreprise par un ou plusieurs fonds de capital-investissement (CI) alliés généralement aux
dirigeants de la société cible et utilisant un recours important au financement par dette (Albouy et
Bonnet, 2008, chapitre 7). La dette d’acquisition est remboursée grâce aux flux de trésorerie générés par
la société acquise. Les fonds de CI apportent une partie, souvent majoritaire, du financement en capitaux
propres et leur objectif est de maximiser le retour sur investissement dans un délai de l’ordre de 3 à 5
ans, à l’issue duquel la société est revendue. Depuis les premiers LBO opérés sur de grandes sociétés
cotées aux U.S.A. dans les années 1980, cette technique s’est largement diffusée en Europe, puis en
Asie, et concerne des entreprises de types et de tailles très divers (sociétés cotées, sociétés familiales,
filiales ou divisions de groupes…). Les sociétés de capital-investissement (SCI) qui gèrent les fonds de
CI sont devenues dans la dernière décennie des acteurs d’une grande importance économique pour
l’industrie de la gestion d’actifs et le marché des fusions-acquisitions. Selon Bain & Company (2019),

27
près de 3000 opérations de LBO ont été réalisées dans le monde en 2018, soit environ 10 % de
l’ensemble des transactions de fusion-acquisition, et les nouveaux fonds levés par les SCI ont atteint
714 milliards d’USD en 2018, un montant en très forte croissance depuis 10 ans.

Les LBO ont suscité un intérêt académique important qui peut s’expliquer à la fois par la diffusion
rapide de cette technique au cours des trois dernières décennies et par les structures de propriété et de
financement spécifiques de ces opérations. Une des questions les plus souvent abordées dans la
littérature est celle de l’efficacité du mode de gouvernance des LBO par rapport à celle d’autres
structures de propriété, en particulier par rapport aux entreprises cotées en bourse (Wright et al., 2009).
Les recherches dans ce domaine mobilisent deux courants théoriques principaux : l’approche
disciplinaire (dominante) et l’approche entrepreneuriale. Selon Jensen (1986, 1989) les LBO seraient
des structures plus efficaces que les firmes cotées à actionnariat dispersé en termes de réduction des
coûts d’agence, pour trois raisons principales. L’endettement élevé réduirait les risques de gaspillage du
cash-flow libre par les dirigeants (effet disciplinaire de la dette), les fonds de CI seraient à même de
surveiller étroitement les actions des dirigeants puisqu’ils sont, en général, actionnaires de contrôle, et
l’alignement des intérêts entre actionnaires et dirigeants serait favorisé par le fait que ces derniers
détiennent souvent une part significative du capital, complétée par des mécanismes d’intéressement
financier. Le second courant de recherche propose d’expliquer l’efficacité des LBO par l’augmentation
de l’orientation entrepreneuriale des firmes suite à de telles opérations, leur structure de propriété étant
propice à la prise de risque et à l’exploitation d’opportunités précédemment négligées. Ainsi, la
détention d’une part importante du capital par les dirigeants suite au LBO pourrait inciter ces derniers à
adopter un comportement plus entrepreneurial (accent sur l’innovation, alliances, lancement de
nouveaux produits ou activités) favorisant la croissance (Zahra, 1995 ; Bruining, Verwaal et Wright,
2013). De plus, les LBO pourraient constituer une réponse efficace aux inefficiences caractérisant
d’autres modes de propriété (divisions de grands groupes, sociétés familiales) et permettraient, dans
certains cas, de libérer le potentiel de croissance des firmes concernées (Zahra, 1995 ; Wright et al.,
2001).

Dans une perspective actionnariale, l’efficacité d’un mode de gouvernance devrait se traduire dans
la performance financière. Les nombreuses études empiriques concernant la performance des LBO
menées depuis les années 1980 montrent, en grande majorité, qu’ils ont un impact favorable sur la
performance financière, au moins au cours des premières années11. Les firmes sous LBO engagent des
actions visant à améliorer la productivité des facteurs de production et la rentabilité des capitaux investis
et tendent, en moyenne, à augmenter leur performance financière après une telle opération (Kaplan,
1989 ; Smart et Waldfogel, 1994 ; Zahra, 1995 ; Gaspar, 2012). L’impact, favorable à la performance,
d’une orientation entrepreneuriale accrue après les LBO est également mis en évidence, en particulier

11
Pour une revue de la littérature, voir Wright et al., 2009.

28
pour les opérations portant sur des filiales et divisions de groupes (Bruining et Wright, 2002). Les
principaux mécanismes de gouvernance expliquant l’amélioration de la performance financière post-
LBO seraient la participation accrue des dirigeants au capital et le monitoring actif exercé par les firmes
de CI.

L’évidence empirique concernant la performance financière des LBO soulève deux questions qui
font l’objet de débats publics et ont été investiguées par les chercheurs. La première est relative aux
transferts de richesse entre parties-prenantes : l’accroissement de performance des firmes sous LBO, qui
bénéficie à leurs actionnaires (fonds de CI et dirigeants), se fait-il au détriment des autres parties
prenantes, notamment des salariés ? Autrement dit, s’explique-t-il par une répartition de la rente
organisationnelle qui serait plus favorable aux actionnaires plutôt que par une augmentation de celle-
ci ? Concernant les salariés, les études empiriques disponibles présentent des résultats contrastés et ne
permettent pas de conclure que les firmes sous LBO diffèrent des firmes comparables en ce qui concerne
l’évolution de l’emploi salarié et le niveau des salaires (Wright et al., 2009), mais des études mettent en
évidence une baisse des effectifs dans les premières années suivant le LBO (Cressy et al., 2011). Certains
travaux se situant dans une perspective critique (Appelbaum, Batt et Clark, 2013) mettent en évidence
des transferts de richesse au détriment des parties-prenantes (salariés, clients, fournisseurs, créditeurs,
communautés locales). Elles ont le mérite de décrire les méthodes de management mises en œuvre par
certaines firmes sous LBO et leurs conséquences pour les parties-prenantes, mais elles sont peu
nombreuses et basées sur des observations de cas spécifiques, dont la représentativité de l’ensemble de
la population des LBO n’est pas avérée. Une seconde question concerne la pérennité temporelle des
améliorations de performance financière constatées, les fonds de CI revendant généralement leurs parts
dans un délai de 3 à 5 ans. Certaines études mettent en évidence un déclin des gains de performance
après 3 ans (Phan et Hill, 1995). Par ailleurs, la comparaison des performances des firmes introduites en
bourse montre que celles ayant fait l’objet d’un LBO précédemment à l’introduction tendent à avoir une
meilleure performance initialement, mais que cet écart disparait après quelques années (Cao et Lerner,
2009). Il est cependant difficile d’interpréter ces résultats. Ils pourraient être une confirmation des vertus
du monitoring actif exercé par les SCI, leur sortie entraînant un déclin des gains de performance réalisés
antérieurement, ou trouver leur origine dans le fait que les gains obtenus ne sont pas soutenables à long
terme.

Comme nous l’avons vu ci-dessus, les recherches sur la gouvernance des LBO mobilisent
essentiellement une logique disciplinaire. L’hypothèse d’un accroissement de l’orientation
entrepreneuriale des firmes après un LBO, qui favoriserait leur croissance, se rapproche d’ailleurs de
cette logique puisqu’il serait principalement dû à l’effet incitatif de l’augmentation de la participation
des dirigeants au capital (Zahra, 1995 ; Bruining, Verwaal et Wright, 2013). Cette orientation dominante
contraste avec les travaux sur la gouvernance des jeunes sociétés entrepreneuriales dont beaucoup
intègrent des aspects cognitifs et comportementaux et cherchent à mettre en évidence comment les rôles

29
que remplissent les investisseurs financiers vis-à-vis des dirigeants-entrepreneurs et les processus
d’interaction entre eux permettent d’expliquer la performance des firmes soutenues (voir, par exemple,
Sapienza, Manigart et Vermeir, 1996 ; Hellmann et Puri, 2002 ; Garg et Eisenhardt, 2017). Concernant
les interactions entre investisseurs et dirigeants, les études sur les LBO se contentent le plus souvent de
mentionner que le monitoring actif exercé par les firmes de CI constitue un facteur important de
performance (Jensen, 1986, Kaplan, 1989, Phan & Hill, 1995) mais elles s’abstiennent prendre en
compte le fait que les interactions entre CI et dirigeants pourraient intégrer, au-delà du seul contrôle, des
aspects cognitifs et d’apport de ressources (transferts de savoirs, co-construction d’opportunités, accès
à des réseaux sociaux)12. Ceci est d’autant plus surprenant que de nombreuses firmes de CI mettent en
avant, au-delà de leur savoir-faire en ingénierie financière, leur rôle « transformateur » et « créateur de
valeur » vis-à-vis des firmes soutenues, ainsi que l’expertise industrielle, opérationnelle et fonctionnelle
de leurs associés13. Certaines recherches empiriques montrent d’ailleurs que la spécialisation sectorielle
des SCI est un facteur de surperformance (Cressy et al., 2007), suggérant que le capital humain accumulé
par ces sociétés influerait sur la performance des firmes soutenues. Acharya et al., (2013) mettent
d’ailleurs en évidence que le capital humain spécifique des associés des firmes de CI influe sur la
performance des investissements dans lesquels ils sont impliqués. En particulier, l’expérience
managériale ou de conseil des associés chargés d’opérations impliquant des transformations internes de
l’entreprise acquise serait favorable à la performance post-LBO. Ce travail ne permet pas, cependant,
de comprendre quels mécanismes d’interaction (rôles disciplinaires et/ou cognitifs des CI, processus
d’interactions entre CI et dirigeants) entrent en jeu pour produire les résultats constatés.

L’article présenté ici constitue une tentative de répondre à la lacune identifiée ci-dessus en
combinant les approches disciplinaire, cognitive et comportementale de la gouvernance pour étudier les
interactions entre CI et dirigeants des firmes sous LBO et leur influence sur la performance financière.

2.1. Bonnet C. (2005), La confiance entre capital-investisseurs et dirigeants: conséquences


comportementales et influence sur la performance financière, Finance Contrôle
Stratégie, vol. 8, n°. 2, p. 99-132.

Cet article est issu de ma thèse de doctorat soutenue en 2004. Il étudie l’influence du niveau de
confiance interpersonnelle entre CI et dirigeants des entreprises sous LBO sur les processus d’interaction
entre eux, sur les rôles des CI vis-à-vis des firmes et de leurs dirigeants dans la phase post-
investissement, et sur la performance financière. L’hypothèse centrale de cette recherche est que la
confiance favorise des processus et des rôles, notamment de nature cognitive, qui ont une influence

12
Certaines exceptions cependant: Braun et Latham, 2007 ; Wirtz, 2015.
13
Voir par exemple les sites internet de Bain Capital (https://www.baincapitalprivateequity.com/) et de
Permira (https://www.permira.com/)

30
positive sur la performance. Le modèle est testé au moyen d’une enquête par questionnaire auprès d’un
échantillon de CI responsables du suivi de LBO réalisés en France.

Un LBO peut s’analyser comme une alliance entre une (ou plusieurs) SCI et une équipe de direction
pour prendre le contrôle d’une firme. Ces partenaires sont coactionnaires et ont pour objectif, dans une
approche financière classique, de maximiser leurs gains. Ils sont fortement dépendants l’un de l’autre
car ils apportent des ressources complémentaires et la coopération entre eux est déterminantes pour
maximiser la valeur de la firme (Cable et Shane, 1997). En effet, dans un contexte marqué par un niveau
de risque élevé, dû notamment à un fort levier financier, la défection de l’un des partenaires est
susceptible d’entraîner un échec de l’opération, ce qui peut entraîner des conséquences négatives
importantes à la fois en termes de gain financier et de réputation. Le risque est accru, pour ce qui
concerne les CI, par le fait que les fonds de LBO sont relativement peu diversifiés, par rapport aux fonds
qui investissent dans des sociétés cotées, et que la rémunération individuelle des CI est fortement
corrélée à la performance financière des fonds qu’ils gèrent (Albouy et Bonnet, 2008, chapitre 7).

La confiance est associée à toute forme de transaction et de coopération économique et constitue


« un mécanisme d’accompagnement, complémentaire aux mécanismes traditionnels de marché ou de
hiérarchie » (Charreaux, 1998, p. 5). Elle fait donc partie des mécanismes qui structurent les systèmes
de gouvernance des entreprises. Dans la typologie des mécanismes de gouvernance développée par
Charreaux (1997), la confiance est un mécanisme spécifique (car elle dépend des relations
interpersonnelles entre dirigeants et parties prenantes) et spontané (elle est endogène et ne peut être
décrétée par l’autorité hiérarchique ou la loi). En termes de gouvernance, la confiance entraîne des gains,
en particulier l’accroissement de la latitude managériale, la baisse du coût des mécanismes de contrôle
des dirigeants et une meilleure coopération entre dirigeants et membres du CA, et des coûts
(inefficiences liées à la préservation du caractère de long terme de la relation et à l’insuffisance des
contrôles formels) (Charreaux, 1998 ; Westphal, 1999 ; Wicks, Berman et Jones, 1999).

Ceci nous conduit à tenter de répondre à deux questions de recherche : quel est le niveau optimal
de confiance entre dirigeants et CI dans un LBO et quels sont les mécanismes de médiation entre
confiance et performance de l’entreprise dans ce contexte? Nous proposons l’hypothèse qu’un niveau
de confiance élevé est favorable à la performance des LBO en nous appuyant sur le cadre théorique
développé par Wicks, Berman et Jones (1999). Selon ces auteurs le niveau optimal de confiance entre
managers et parties prenantes est fonction du degré de dépendance entre l’entreprise et lesdits
partenaires. Il est sous optimal de développer une relation de confiance forte, ce qui implique des coûts,
lorsque la firme est peu dépendante du partenaire, par exemple dans le cas d’un fournisseur de produits
ou de services standards et de faible valeur, qui peut être aisément remplacé. Il est par contre optimal
d’investir dans une relation de confiance forte lorsque le degré de dépendance est élevé. Ils en déduisent
que les firmes qui optimisent la confiance, c’est-à-dire qui adaptent le niveau de confiance accordé aux

31
partenaires au degré de dépendance, sont plus performantes. Comme indiqué ci-dessus, le contexte du
LBO, qui nécessite une coopération dans un contexte de risque élevé, induit une forte dépendance entre
CI et dirigeants, d’autant plus que le remplacement d’un partenaire qui ferait défection en cessant de
coopérer ou en quittant l’alliance peut s’avérer difficile et coûteux, en particulier dans le cadre de firmes
non cotées de taille petite ou moyenne. Un niveau de confiance élevé entre CI et dirigeants devrait donc
se traduire par une meilleure performance.

Je développe un modèle qui prend en compte deux types de variables médiatrices entre confiance
et performance: les processus de travail commun entre CI et dirigeants et les rôles des CI vis-à-vis des
dirigeants (schéma 2).

Schéma 2 – Modèle liant confiance interpersonnelle – processus et rôles des CI –


performance de l’investissement (Bonnet, 2005)

processus
fréquence
H1a/b +/- + H9
d’interaction
qualité des éch.
H2 + + H10
d’information
conflits
H3 + + H11
cognitifs
normes
H4 + + H12
d’effort
utilisat. des
H5 + + H13
compétences
Confiance Performance de
interpersonnelle l’investissement

rôles des CI
rôles de
H6 - + H14
contrôle
rôles de
H7 + + H15
conseil
rôles
H8 + + H16
interpersonnels

La section supérieure du modèle concerne les processus. Les processus considérés et les hypothèses
correspondantes sont dérivés des travaux qui traitent des processus de travail au sein du CA, relativement

32
peu nombreux à l’époque où cette recherche a été menée (Forbes et Milliken, 1999 ; Sonnenfeld, 2002)
et des recherches en gouvernance entrepreneuriale portant sur les interactions entre CI et dirigeants
(Sapienza et Korsgaard, 1996 ; Cable et Shane, 1997 ; Shepherd et Zacharakis, 2001). Ces travaux
s’appuient sur des théories cognitives (processus et dynamique des groupes de travail) et
comportementales (théorie de la justice procédurale, modèle du dilemme du prisonnier). Je distingue
cinq processus et développe les hypothèses correspondantes. Ainsi que l’indique le modèle, le niveau
de confiance interpersonnelle entre CI et dirigeants est supposé avoir une influence positive sur les cinq
processus considérés et ces derniers, parce qu’ils sont favorables à la coopération, sont supposés avoir
une influence positive sur la performance de l’investissement. La seule exception est l’impact de la
confiance sur la fréquence d’interaction entre CI et dirigeants, pour laquelle je développe deux
hypothèses alternatives.

La seconde partie du modèle concerne les rôles qu’adoptent les CI vis-à-vis des dirigeants durant
le LBO. Je distingue trois familles de rôles basés sur les typologies développées en gouvernance
entrepreneuriale (MacMillan et al., 1988 ; Sapienza et Timmons, 1989): contrôle, conseil et rôles
interpersonnels. L’approche intègre des rôles de nature disciplinaire (contrôle des dirigeants), cognitive
(conseil) et des rôles interpersonnels. Les hypothèses développées postulent que la confiance entre
dirigeants et CI a une influence négative sur les rôles de contrôle mais positive sur le conseil et les rôles
interpersonnels. Tous les rôles sont supposés avoir un impact positif sur la performance.

Le modèle est testé au moyen d’une enquête par questionnaire postal menée en 2001 sur les LBO
réalisés en France en 1998 et 1999. Nous avons contacté l’ensemble des SCI opérant en France et avons
pu obtenir les réponses des responsables du suivi des opérations pour 38 LBO, soit 8,2 % des LBO ayant
eu lieu sur la période. La variable dépendante (performance) est le TRI de l’investissement en capital
estimé par le répondant à la date de l’enquête. La variable indépendante (niveau de confiance
interpersonnelle entre CI et dirigeant) est mesurée par une série de huit questions prenant en compte les
trois dimensions de la confiance : bienveillance, cohérence et compétence. La formulation des questions
est dérivée d’enquêtes antérieures visant à mesurer le niveau de confiance interpersonnelle (Morgan et
Hunt, 1994 ; Cummings et Bromiley, 1996 ; Sapienza et Korsgaard, 1996). La mesure des processus
et des rôles est également basée des enquêtes antérieures (MacMillan et al., 1988 ; Sapienza et Timmons,
1989 ; Sapienza et Korsgaard, 1996). Pour ce qui concerne les rôles des CI nous proposons une nouvelle
typologie de 18 rôles, plus complète que les typologies préexistantes. Le dispositif de réponse adopté
pour les questions visant à mesurer les perceptions des répondants (confiance, processus et rôles) est du
type échelle de Likert à 5 points.

La faible taille de l’échantillon rapportée au nombre de variables ne permettant pas d’utiliser des
méthodes d’analyse de causalité telles que des régressions multiples, j’ai recours à un test non

33
paramétrique (test de corrélation des rangs de Spearman) qui permet de tester la dépendance des
variables du modèle deux à deux. Les principaux résultats sont les suivants :

- tous les processus sont corrélés positivement au niveau de confiance, ce qui confirme l’ensemble
de nos hypothèses H1 à H5, à l’exception de H1b,
- huit rôles des CI sur un total de 18, appartenant aux trois familles de rôles identifiées, sont
corrélés positivement au niveau de confiance interpersonnelle, ce qui confirme partiellement les
hypothèses H7 et H8 mais infirme H6, qui postule une corrélation négative entre confiance et
rôles de contrôle,
- la performance de l’investissement est corrélée (positivement) à trois processus (qualité du
reporting, normes d’effort, utilisation des compétences) et à deux rôles de contrôle des CI
(contrôle des décisions stratégiques, évaluation de la performance du dirigeant), mais à aucun
rôle de conseil ou interpersonnel,
- la performance de l‘investissement n’est pas corrélée significativement au niveau de confiance
interpersonnelle entre CI et dirigeants.

Le test empirique apporte donc un support modéré au modèle. Il semble que la confiance favorise
les processus d’interaction et une partie des rôles des CI que nous avons identifiés. Certains de ces
processus et rôles sont corrélés positivement à la performance de l’investissement et pourraient donc
jouer un rôle médiateur entre confiance et performance. Par contre, la corrélation entre confiance et
performance n’est pas mise en évidence.

Les principales contributions de cette recherche sont les suivantes. Comme anticipé, les CI
investissent dans le développement d’une relation confiante avec les dirigeants, ainsi qu’en témoigne le
niveau élevé de confiance interpersonnelle mesuré dans l’étude (4,35 en moyenne sur une échelle de 1
à 5). Ceci peut s’expliquer par le caractère fortement dépendant de la relation entre CI et dirigeants. Les
CI sont incités, en particulier financièrement, à ce que l’opération de LBO soit un succès, et ce succès
est étroitement lié à la compétence et au comportement coopératif des dirigeants. Ainsi, on peut penser
qu’un LBO n’est mis en œuvre que si un niveau suffisamment élevé de confiance existe au départ, et
que CI et dirigeants continuent à investir dans la confiance dans la phase post LBO. De plus, le niveau
de confiance accordé aux dirigeants a un impact sur la façon dont CI et dirigeants organisent leur travail
commun. Cette étude montre que la mise en œuvre de processus de travail favorisant une coopération
efficace est influencée positivement par le niveau de confiance. La confiance a également une influence
sur les rôles des CI vis-à-vis des dirigeants, c’est à dire sur l’orientation de leur action dans la phase
post-investissement, mais dans une moindre mesure que ce que ce qui était attendu. La relation positive
entre la confiance et certains rôles de contrôle est à remarquer car elle est contraire à ce qu’indique la
littérature (Charreaux, 1998). Celle-ci laisse supposer que les CI accorderaient aux dirigeants un espace
discrétionnaire plus large en cas de confiance élevée et réduiraient, en conséquence, leur niveau de

34
contrôle. Ce n’est pas le cas ici. L’enjeu, le succès du LBO, est probablement trop important pour qu’ils
relâchent leur niveau de contrôle même lorsqu’ils font confiance aux dirigeants. Il semblerait ainsi que
les CI utilisent la confiance pour favoriser la coopération avec les dirigeants (via des processus
d’interaction efficaces) plutôt que pour réduire les coûts de contrôle, combinant ainsi de façon
pragmatique les approches cognitive et disciplinaire de la gouvernance.

Sur un plan méthodologique, l’outil de mesure des différentes dimensions de la confiance entre CI
et dirigeants que j’ai élaboré pourrait être utilisé dans d’autres travaux portant sur la confiance en
gouvernance des entreprises, qui fait l’objet de peu d’investigations empiriques. Par ailleurs, les niveaux
de contribution des CI aux différents types de rôles n’avaient pas été mesurés précédemment, à notre
connaissance, dans le cadre d’opérations de LBO. Il serait intéressant de comparer nos résultats à ceux
d’études similaires concernant le capital-risque, afin de savoir si les CI orientent leur comportement de
façon différente selon le stade d’investissement.

En termes managériaux, ce travail peut donner aux CI et aux dirigeants des pistes pour orienter leur
action. Ils ont intérêt à favoriser les processus de travail commun qui ont un impact favorable sur la
performance, à savoir la qualité du reporting, des normes d’effort élevées, et une bonne utilisation des
compétences des partenaires.

3. Gouvernance des firmes entrepreneuriales

Suite au travail présenté ci-dessus sur la gouvernance des firmes sous LBO, j’ai élargi ma recherche
à l’étude de la gouvernance des jeunes firmes entrepreneuriales qui ouvrent leur capital à des
actionnaires externes, domaine qui est devenu depuis mon principal champ de recherche.

Les raisons de cette évolution sont multiples. Sur un plan conceptuel, tout d’abord, le cadre
développé dans mon travail sur les LBO prenait certes en compte des variables issues des perspectives
disciplinaire, cognitive et comportementale de la gouvernance, mais il se limitait à expliquer l’influence
de la confiance sur les interactions entre CI et dirigeants et ne permettait pas une véritable intégration
de ces différentes perspectives dans un modèle global de la gouvernance des firmes sous LBO. La
poursuite d’une telle approche dans le domaine des jeunes firmes entrepreneuriales paraissait offrir des
perspectives fructueuses. En effet, ces entreprises font face à des enjeux spécifiques (incertitude, fort
potentiel de croissance, déficit de ressources internes) (Penrose, 1959 ; Zhara et Filatotchev, 2004) qui
font que le levier cognitif de la gouvernance y est particulièrement important, même si le levier
disciplinaire est également présent (Garg, 2013). De plus, une partie des ressources cognitives et
relationnelles qui leur font défaut est apportée par des acteurs externes, investisseurs ou membres
indépendants du CA, ainsi qu’en témoigne l’abondante littérature sur la valeur ajoutée des capital-
risqueurs et des BA (voir, par exemple, Hellmann et Puri, 2002 ; Politis, 2008, Chemmanur, Krishnan

35
et Nandy, 2011). La gouvernance de ces entreprises présente donc des enjeux spécifiques et elles
constituent un terrain particulièrement bien adapté pour étudier la façon dont se combinent et se
complètent les aspects disciplinaires et cognitifs de la gouvernance (Wirtz, 2011 ; Garg et Eisenhardt,
2017). Par ailleurs, à cause de leur jeunesse, ces entreprises se caractérisent par des pratiques
managériales peu stabilisées et évolutives. En particulier, les premiers mécanismes formels internes de
gouvernance, tels que le CA, sont souvent mis en place lors de la première ouverture du capital à des
investisseurs externes, et leur structure et leur rôle sont susceptibles d’évoluer lorsque la firme grandit
(Lynall, Golden et Hillman, 2003). Ce caractère évolutif permet d’étudier comment les mécanismes de
gouvernance changent au cours du cycle de vie de la jeune entreprise et selon le contexte organisationnel
et, en particulier, si l’importance relative des logiques disciplinaires et cognitives évolue (Bonnet et
Wirtz, 2011). Enfin, les différents types d’actionnaires (en particulier BA et CR) qui investissent dans
ces firmes présentent des caractéristiques spécifiques en termes d’objectifs et de compétences (Harrison
et Mason, 2000). Cette diversité peut être source de conflits et/ou de complémentarités entre acteurs, et
elle est susceptible d’influencer les caractéristiques des mécanismes de gouvernance mis en place (Fiet,
1995 ; Madill et al., 2005 ; Bonnet, Wirtz et Haon, 2013 ; Croce, Guerini et Ughetto, 2018).

Les autres motifs de mon intérêt pour les jeunes firmes entrepreneuriales sont d’ordre personnel et
pragmatique. L’intérêt sociétal et académique pour les startups et la finance entrepreneuriale est récent
en France. Après la vague de la « bulle internet », il est assez largement retombé au début des années
2000. Le mouvement des BA ne s’est vraiment développé qu’à partir du milieu des années 2000 (France
Angels, 2019) dans un contexte de soutien à la création et au financement des jeunes entreprises par les
pouvoirs publics (réductions d’impôt pour les investisseurs, création d’un réseau d’incubateurs publics,
création du statut de jeune entreprise innovante…). Sur un plan académique, peu de chercheurs français
s’intéressaient à la finance et à la gouvernance entrepreneuriale avant la fin des années 2000, et la
perspective de faire partie des quelques pionniers dans ce domaine a pu constituer une motivation. Enfin
mon intérêt pour le financement des jeunes entreprises n’est pas qu’académique puisque j’ai tissé
progressivement des liens avec ses acteurs, notamment avec le mouvement des BA, jusqu’à rejoindre
un réseau de BA en 2013. Ces liens ont facilité l’accès à des terrains d’investigation empirique, qui est
souvent difficile en finance entrepreneuriale, en particulier pour ce qui concerne l’activité des BA, par
nature peu formelle. Enfin, le dynamisme de la région Auvergne-Rhône-Alpes en termes d’innovation
technologique et de création d’entreprises a été également un facteur favorable d’accès à des terrains de
recherche.

L’entrepreneuriat est au cœur de la dynamique du capitalisme et les entrepreneurs constituent la


force motrice principale de l’économie de marché (Foss et al., 2008). Depuis la fin des années 1990, les
chercheurs en entrepreneuriat placent l’opportunité au cœur du processus entrepreneurial (Chabaud et
Messeghem, 2008). Ainsi, la recherche académique en entrepreneuriat analyse « la façon dont sont
découvertes, créées et exploitées, les opportunités de mettre sur le marché de nouveaux biens et services,

36
par qui et avec quelles conséquences » (Shane et Ventakaraman, 2000, p. 218). L’analyse des systèmes
de gouvernance des jeunes firmes entrepreneuriales, de par l’influence qu’ils ont sur le comportement
des créateurs et/ou dirigeants de ces entreprises, sur la trajectoire de ces dernières et, in fine, sur leur
performance et leur survie, constitue un champ de recherche spécifique, dans lequel les perspectives
disciplinaire et cognitive de la gouvernance sont mobilisées.

Les jeunes firmes entrepreneuriales ont souvent un caractère innovant. Elles sont souvent présentes
sur des marchés naissants sur lesquels règne une grande incertitude et elles souffrent des handicaps liés
à leur jeunesse et à leur taille. Elles sont également caractérisées par une forte asymétrie d’information
entre actionnaires externes et dirigeants : absence d’historique due à la jeunesse de l’entreprise, difficulté
à évaluer les aptitudes et intentions des (jeunes) entrepreneurs, caractère innovant des produits ou
services proposés, marchés nouveaux ou peu connus (Van Osnabrugge, 1998 ; Kelly et Hay, 2003). Les
chercheurs s’inscrivant dans le courant disciplinaire étudient la façon dont les investisseurs qui financent
dans ces entreprises (BA, CR…) tentent se protéger de l’opportunisme des entrepreneurs, dans ce
contexte spécifique de forte incertitude, en réalisant des due diligence extensives avant l’investissement,
en négociant des contrats adaptés avec les entrepreneurs, et en adoptant un rôle actif lors de la phase
post-investissement, souvent par une participation au CA des firmes dans lesquelles ils investissent (voir
notamment Fiet, 1995 ; Lerner, 1995 ; Van Osnabrugge, 2000 ; Kaplan et Strömberg, 2004 ;
Morrissette, 2007). Dans la perspective cognitive, l’attention est portée sur la difficulté d’accès de ces
firmes aux différentes ressources clés nécessaires à la croissance, notamment en termes de compétences
managériales et stratégiques. Ceci conduit certains auteurs à proposer que le levier cognitif de la
gouvernance y est particulièrement important par comparaison aux firmes plus matures (Wirtz, 2011).
Les chercheurs se situant dans cette perspective (notamment Sapienza, Manigart et Vermeir, 1996 ;
Hellmann et Puri, 2002 ; Zahra et Filatotchev, 2004) étudient les conditions dans lesquelles les
actionnaires et membres du CA permettent d’élargir les connaissances et les compétences à disposition
des entrepreneurs et contribuent ainsi, dans le cadre d’un apprentissage collectif, à la découverte, à la
création et à l’exploitation des opportunités stratégiques, voire les co-construisent, telle une « équipe de
direction étendue » (Zhang, Baden-Fuller et Pool, 2011, p. 112).

Mes travaux en gouvernance entrepreneuriale s’inscrivent dans une perspective synthétique. Ils
concernent trois thèmes, la gouvernance naissante des jeunes firmes entrepreneuriales (3.1), le co-
investissement entre business angels et sociétés de capital-risque (3.2) et le fonctionnement des groupes
de business angels (3.3).

3.1.Gouvernance naissante des firmes entrepreneuriales


La plupart des recherches sur le CA concernent les firmes en phase de croissance ou de maturité.
La genèse du CA des très jeunes firmes entrepreneuriales est rarement étudiée, alors que cette première
37
étape a une influence importante sur la composition et le fonctionnement du CA au cours des phases
suivantes du cycle de vie et sur le succès de ces firmes (Lynall, Golden et Hillman, 2003). L’article
présenté ci-dessous vise à contribuer à pallier cette lacune.

3.1.1. Bonnet C., Séville M. et Wirtz P. (2017), Genèse et fonctionnement du conseil


d'administration d'une firme entrepreneuriale: le rôle des identifications sociales
des administrateurs, Finance Contrôle Stratégie, vol. 20, n°. 3.

Le CA des jeunes firmes entrepreneuriales est souvent constitué lors de la première entrée au capital
d’investisseurs externes (BA, SCR…) aux côtés des fondateurs. Sa formation et son fonctionnement se
heurtent à plusieurs difficultés. La première tient à la diversité des actionnaires et des administrateurs
pressentis en termes d’objectifs, de compétences et d’attentes vis à vis du de la composition et du
fonctionnement du CA. La seconde aux difficultés que présente le pilotage et la prise de décision
stratégique dans un contexte marqué par des handicaps (jeunesse, petite taille) et une forte incertitude
(Garg et Eisenhardt, 2017).

Comment, malgré ces handicaps, le CA de ces firmes parvient-il à se former et à fonctionner ?


Notre proposition est que, à côté des intérêts financiers et des compétences respectives des
administrateurs potentiels, les processus d’identification sociale et les interactions entre administrateurs
à l’œuvre avant et après la formation du CA permettent ce fonctionnement. La théorie de l’identification
sociale (Ashforth et Maël, 1989 ; Hogg et Terry, 2000) prend comme point de départ l’affiliation des
membres d’un groupe à différents sous-groupes et étudie comment les attitudes et les comportements
de ceux-ci les uns envers les autres peuvent mener à des conflits d’objectifs au sein du groupe, mais
aussi comment ces conflits peuvent être résolus pour permettre au groupe d’atteindre ses objectifs. Le
processus d’identification sociale désigne alors le processus par lequel une « personne accepte
psychologiquement son appartenance à un (sous) groupe » (Scott, 1997 : p. 102) et en internalise les
valeurs, les attitudes, les objectifs et la façon de se comporter. Dans ce cadre d’analyse, le CA est
considéré comme un mécanisme de gouvernance ayant des fonctions de contrôle des dirigeants et
d’apport de ressource mais aussi comme une entité sociale reposant sur l’interaction d’individus aux
identités et aux motivations hétérogènes (Hillman, Nicholson et Shropshire, 2008 ; Cannella, Jones et
Withers, 2015), ce qui permet de dépasser l’approche traditionnelle qui tend à considérer les
administrateurs non dirigeants comme un bloc homogène. Dans le contexte spécifique des firmes
entrepreneuriales, nous proposons quatre types d’identifications sociales (à l’actionnaire, à
l’entrepreneur, à l’administrateur et au secteur d’activité) susceptibles d’expliquer la volonté des
administrateurs potentiels d’entrer au CA et d’y jouer certains rôles.

38
Nous étudions le cas de la genèse du CA de la startup technologique EBV14 lors sa première levée
de fonds auprès d’un groupe de quatre BA et de trois SCR. Cette entreprise développe et commercialise
un logiciel à destination de l’industrie des composants électroniques. Elle se trouve alors aux premiers
stades de son développement, dans un contexte technologique marqué par l’incertitude et le risque. Suite
au lancement de son premier produit elle est en forte croissance et ses deux fondateurs décident d’ouvrir
le capital afin de financer les efforts commerciaux et de R&D qui pourraient lui permettre de devenir,
sur son créneau, l’acteur de référence au niveau international. Notre approche empirique est qualitative,
comportementale et longitudinale car nous visons à rendre compte des comportements des acteurs et de
leurs évolutions au cours du temps. Nous avons étudié le comportement de l’ensemble des
administrateurs potentiels en menant quatorze entretiens avec les principaux acteurs du cas (fondateurs
et actionnaires financiers) au cours de trois vagues successives : 6 mois avant l’ouverture du capital, au
moment de cette dernière et de la première réunion du CA, puis 12 à 18 mois après l’ouverture du capital.
Les entretiens semi-directifs, d’une durée d’environ 1h30, ont été codés indépendamment par deux
chercheurs à l’aide du logiciel InVivo.

Nous mettons en évidence que tous les administrateurs potentiels, sauf un, s’identifient à au moins
deux identités parmi les quatre proposées, ce qui conforte, pour la gouvernance entrepreneuriale, l’idée
de Hillman, Nicholson et Shropshire (2008) que les administrateurs sont susceptibles d’identifications
multiples. Les identifications sociales des administrateurs potentiels permettent d’expliquer leur volonté
de rejoindre (ou pas) le CA et les rôles qu’ils y jouent (contrôle et/ou apport de ressources). Nous
constatons notamment que l’entrée au CA semble conditionnée par une identification multiple à
l’actionnaire, à l’entrepreneur et au secteur d’activité, et que tous les administrateurs potentiels jouent
un rôle d’apport de ressources (ce rôle étant combiné pour certains avec un rôle de contrôle), ce qui
corrobore l’idée de que, dans les firmes entrepreneuriales en forte croissance, la balance entre
surveillance et apport de ressources, notamment cognitives, penche plutôt vers ce second rôle (Wirtz,
2011 ; Zhang, Baden-Fuller et Pool, 2011). Par ailleurs, l’apport de ressources n’a pas lieu
exclusivement dans le cadre du CA. Il est aussi le fait d’actionnaires qui choisissent de ne pas rejoindre
le CA ou d’administrateurs qui interagissent avec les dirigeants en dehors des réunions formelles du CA.
Nous mettons également en évidence la formation de sous-groupes qui interagissent dans et à la
périphérie du CA, et dont la composition semble déterminée par des processus sociaux (identifications
sociales, rôles joués lors de la négociation du tour de table et la formation du CA, compétences et
proximités cognitives, proximités sociales, amicales ou familiales) et par des intérêts communs plutôt
que par l’appartenance aux catégories « standard » généralement considérées en finance
entrepreneuriale15 (BA, capital-risqueurs, entrepreneurs, administrateurs indépendants…). Ces sous-
groupes assument des rôles collectifs complémentaires au sein du CA. Ainsi, notre approche sociale et

14
Le nom a été modifié pour des raisons de confidentialité.
15
Ainsi que par les praticiens dans les pactes d’actionnaires négociés entre investisseurs et entrepreneurs.

39
comportementale permet-elle de rendre compte de dynamiques endogènes au CA plus subtiles que celles
que permet la seule référence aux catégories d’investisseurs ou à la notion d’indépendance des
administrateurs.

Nous terminons l’article en proposant un modèle de la constitution du CA d’une firme


entrepreneuriale. Notre proposition théorique est qu’il peut exister une combinaison de facteurs
exogènes (intérêts financiers, compétences initiales, capital social) et endogènes (identification sociales
multiples des administrateurs et différents processus de socialisation) qui permettent de comprendre
quels rôles jouent les membres potentiels et effectifs du CA et, par conséquent, comment cet organe
parvient à se constituer et à fonctionner malgré les obstacles de grande diversité des investisseurs, de
jeunesse et de complexité. Le CA est donc dans ces firmes entrepreneuriales un mécanisme de
gouvernance dont la dynamique et le fonctionnement, et notamment l’équilibre obtenu dans la
combinaison des rôles de surveillance (pacte d’actionnaires, montage du dossier, contrôle des décisions
et des résultats obtenus) et d’apport de ressources (conseils sur la stratégie, apport de contacts), reposent,
grâce aux identifications multiples, sur l’existence de sous-groupes qui interagissent dans le CA mais
aussi à sa périphérie. Ce modèle se caractérise notamment par deux apports théoriques originaux :
l’importance, pour le fonctionnement du CA, des administrateurs « frontières » (boundary spanners) et
un nouveau rôle du CA, celui de « challenger » de l’équipe de direction. Les boundary spanners sont
des administrateurs dont l’expérience, le réseau et les identifications multiples permettent une proximité
avec plusieurs sous-groupes, ce qui facilite les transactions entre ces derniers et peut s’avérer précieux
en cas de conflits entre sous-groupes. La capacité à « challenger » les dirigeants est, dans le cas EBV,
un prérequis à l’entrée au CA. Ce rôle consiste à demander, parfois sans ménagements, aux dirigeants
d’expliquer et de justifier leurs analyses et leurs décisions, voire de les contredire, en se basant sur ses
propres analyses, connaissances et compétences, afin de provoquer un débat et de s’assurer que les
meilleures décisions sont prises. Il s’agit donc d’une articulation de la surveillance et de l’apport de
ressources, puisque ce rôle vise à la fois à contrôler les actions des dirigeants et à contribuer à
l’apprentissage collectif.

En termes de contributions managériales, nous montrons que les acteurs clés de la formation du
CA des firmes naissantes ne devraient pas raisonner uniquement en termes de proportions
d’appartenance à des groupes d’investisseurs (BA, CR, fondateurs…), comme c’est souvent le cas. En
effet, l’appartenance initiale à ces groupes n’est pas synonyme de comportements homogènes ni
forcément alignés avec les intérêts de ces groupes. De plus la capacité des administrateurs à challenger
les entrepreneurs et à être, pour certains, des « administrateurs frontières », à même d’aider les divers
groupes à se comprendre et à coopérer, apparaissent clés pour la réussite de l’entreprise, et plus
importants que l’appartenance à un groupe donné.

40
3.2.Co-investissement entre business angels et sociétés de capital-risque :
influence sur la gouvernance et la croissance des firmes financées
Cette section présente trois articles concernant le co-investissement entre BA et SCR. Le premier
a un objectif théorique. Les deux autres permettent d’affiner et de tester le cadre conceptuel proposé à
l’aide de méthodes empiriques.

3.2.1. Bonnet C., Wirtz P. (2011), Investor Type, Cognitive Governance and Performance
in Young Entrepreneurial Ventures: a Conceptual Framework, Advances in
Behavioral Finance and Economics, vol. 1(1), p. 42-62.

Cet article présente un cadre conceptuel de la gouvernance des jeunes firmes entrepreneuriales qui
ouvrent leur capital à des investisseurs externes. Nous proposons d’aller au-delà de la simple distinction
entre actionnaires dirigeants et non-dirigeants pour prendre en compte les spécificités des deux
principaux types d’actionnaires qui investissent dans les jeunes entreprises, les BA et les SCR. La
littérature en finance entrepreneuriale indique que ces investisseurs diffèrent par leurs caractéristiques
(expérience, compétence) et par leurs objectifs (Harrison et Mason, 2000 ; Madill, Haines et Riding,
2005). Ces différences sont susceptibles d’influencer leur comportement, leurs interactions avec les
entrepreneurs et les modalités des mécanismes de gouvernance mis en place lors de leur entrée au capital.

Nous commençons par rappeler les apports de la perspective cognitive sur la gouvernance des
jeunes firmes entrepreneuriales. Dans la perspective disciplinaire, les opportunités stratégiques sont
implicitement supposées comme préexistantes. L’entrepreneur ouvre son capital à des actionnaires
externes lorsque l’exploitation des opportunités identifiées nécessite des investissements qui excèdent
ses capacités financières. Comme l’entrée de ces actionnaires génère des coûts d’agence, cette opération
est créatrice de valeur si l’accroissement de valeur liée à l’exploitation des opportunités sus mentionnées
excède les couts d’agence induits par l’ouverture du capital. La valeur apportée par les actionnaires
externes alors est liée à leur apport financier et à leur capacité à réduire les coûts d’agence par la mise
en place de mécanismes appropriés de contrôle et d’incitation des entrepreneurs (Lerner, 1995 ; Kaplan
et Strömberg, 2004). Cependant, comme l’indique la littérature en management stratégique,
l’élaboration de la stratégie a une dimension cognitive et n’est pas indépendante des acteurs qui y
participent (Hambrick et Mason, 1984). Elle dépend de leurs savoirs, de leurs compétences et de leurs
attitudes. Cette dimension cognitive implique que certaines opportunités stratégiques n’existent pas
indépendamment des acteurs qui les découvrent ou les créent dans un contexte organisationnel
spécifique. Il est important, dans cette perspective, de distinguer la connaissance (knowledge) de
l’information (Fransman, 1994). L’information est considérée implicitement, dans la théorie de
l’agence, comme un ensemble de données sur l’état du monde qui peuvent parfois être inégalement
distribuées (asymétrie) mais sont aisément transférables d’un individu à l’autre. Dans une perspective
cognitive, une information identique peut être interprétée différemment par les individus qui la

41
reçoivent, selon leurs savoirs initiaux et leurs compétences respectives. Certes, une information nouvelle
peut faire évoluer la connaissance d’un individu, mais une information identique reçue par deux
personnes est susceptible d’avoir des impacts différents en termes cognitifs selon, par exemple, leur
éducation ou leurs expériences antérieures. Ainsi, la connaissance est-elle considérée ici comme un
ensemble de constructions mentales dynamiques qui se constituent dans un processus d’apprentissage
continu (Fransman, 1994). Elle est en partie implicite (Nonaka et al., 2011) et propre à chaque individu,
donc peu aisément transférable.

Dans cette perspective, les différences de nature cognitive entre entrepreneurs et investisseurs
entraînent l’apparition de conflits cognitifs. Contrairement aux conflits d’agence, ces conflits ne sont
pas dû à des divergences d’intérêt mais à des divergences de point de vue concernant notamment la
stratégie de l’entreprise et son déploiement, qui résultent de différences en termes de connaissance
(Conner et Prahalad, 1996). Ils ne peuvent se résoudre aisément par un simple échange d’information ni
par la mise en place de mécanismes visant à faire mieux converger les intérêts des parties, comme les
tenants de la théorie de l’agence le préconiseraient. Leur résolution dépend des savoirs et des
compétences initiales des acteurs ainsi que de leur capacité et de leur volonté d’apprendre les uns des
autres. Ces conflits ont pour conséquence l’apparition de « coûts cognitifs » qui sont liés aux efforts mis
en œuvre par les acteurs pour dépasser leurs divergences d’analyse, convaincre les autres de la validité
de leurs propositions (par exemple concernant le développement d’un nouveau produit ou le
déploiement d’un modèle d’affaires innovant par une startup), et aux inefficiences dues à des désaccords
persistants. Il est important de noter que, contrairement aux conflits d’agence, les conflits cognitifs ne
sont pas nécessairement destructeurs de valeur (Hambrick et al., 1996 ; Forbes et Milliken, 1999). En
effet, la confrontation de points de vue différents, par exemple entre entrepreneurs et investisseurs
financiers, peut ouvrir de nouvelles perspectives stratégiques et contribuer à un processus
d’apprentissage et d’innovation. De par les savoirs et compétences qu’ils apportent, qui peuvent être
complémentaires de celles des entrepreneurs, l’entrée d’investisseurs externes au capital d’une jeune
entreprise a donc également une valeur cognitive.

Nous réalisons ensuite une revue de la littérature empirique sur les BA et les CR en termes de
caractéristiques, d’objectifs et de processus d’investissement. Celle-ci met en avant les différences
résumées ci-dessous:

- Les BA sont souvent d’anciens entrepreneurs qui investissent dans des secteurs d’activité qu’ils
connaissent bien. De par leur expérience d’entrepreneur ou de dirigeant, leurs caractéristiques
cognitives sont susceptibles d’être plus proches de celles des entrepreneurs que ne le sont celles
des CR.
- Contrairement aux CR, qui gèrent des fonds pour le compte de tiers, les objectifs de BA ne sont
pas exclusivement financiers.

42
- Lors de la sélection et de l’évaluation des investissements, les BA se reposent plus sur l’intuition
et utilisent des processus moins formels et moins analytiques que ceux des CR.
- Les BA apportent une expérience entrepreneuriale et une connaissance sectorielle et recherchent
souvent des interactions étroites avec les entrepreneurs, afin d’être en mesure de leur apporter
des conseils et un soutien. Les CR tendent à apporter des compétences plus générales en termes
de gestion et de finance.
- Les BA tendent à négocier des contrats moins exhaustifs que les CR et comptent sur leur
capacité à influencer les entrepreneurs dans la phase post-investissement. Les CR se reposent
sur des contrats exhaustifs qui visent à réduire au maximum les risques d’agence qu’ils ont
identifiés.

Adoptant une approche synthétique, nous tentons alors de formaliser l’effet des différences
génériques entre BA et CR mentionnées ci-dessus sur l’intensité et la gestion des conflits d’agence et
des conflits cognitifs entre entrepreneurs et investisseurs lorsque ces derniers entrent au capital des
jeunes entreprises (tableau 1).

Tableau 1 – Relations entre entrepreneurs et catégories d’investisseurs et leur influence


supposée sur les coûts d’agence, les coûts cognitifs et la valeur cognitive
(Bonnet et Wirtz, 2011)

Entrepreneurs Business angels Venture capitalists


Agency theory Potential - Increases as the founders’ relative ownership stake decreases
conflict of (Jensen and Meckling, 1976; Bitler et al., 2006)
interests - Increases with the number of different investors
and - Depends on investors’ typical incentive and control
agency mecanisms (Baker and Wruck, 1989; Jensen, 1993): BA’s
costs monitoring relies on strong involvement ex-post whereas
VC’s monitoring is more formal and ex ante (contracts)
(Kelly and Hay, 2003; Van Osnabrugge, 2000)
Cognitive Potential Moderate (because of mutually Moderate (because of BA’s
approach to cognitive consistent entrepreneurial prior entrepreneurial experience
entrepreneur- cost attitude and cognition; Murneiks and track record)
investor et al., 2007 )
relations - Potentially high at the outset (pre-money) for young and
unexperienced VC (who requires track record), may
decrease in the process of mutual interaction
- Lower for experienced VC (but still higher than for BA)
Potential Transfer of entrepreneurial Transfer of sector knowledge
cognitive experience, filling competence by BA (Harrison and Mason,
value gaps in management team 2000)
Potential professionalization of managerial capabilities
(increases with VC experience, Hellmann et Puri, 2002)

43
Le cadre conceptuel exposé ci-dessus a des implications en termes de financement, de gouvernance
et de performance des jeunes firmes entrepreneuriales qui ouvrent leur capital à des investisseurs
financiers. Après avoir intégré dans notre analyse le stade d’investissement (phase d’amorçage ou
d’expansion), nous concluons l’article avec quatre propositions testables empiriquement, qui constituent
la principale contribution de cet article:

- Les BA ont une contribution particulièrement importante au succès et à la performance des


jeunes firmes entrepreneuriales lorsqu’ils investissent tôt dans le cycle de vie (amorçage ou
premières phase de croissance).
- Les CR ont une contribution particulièrement importante au succès et à la performance des
jeunes firmes entrepreneuriales lorsqu’ils investissent en phase d’expansion (après le lancement
des premiers produits ou services).
- L’entrée au capital de BA en amorçage ou lors des premières phases de croissance accroit la
probabilité de lever des fonds auprès de CR lors des phases ultérieures du cycle de vie.
- Le co-investissement simultané par des BA et des CR a un impact positif sur la croissance des
jeunes firmes entrepreneuriales.

3.2.2. Bonnet C. et Wirtz P. (2012), Raising Capital for Rapid Growth in Young
Technology Ventures: When Business Angels and Venture Capitalists Coinvest,
Venture Capital, vol. 14, n°. 2-3, p. 91-110.

Cet article fait suite à celui présenté ci-dessus (Bonnet et Wirtz, 2011) et se réfère au cadre
conceptuel qui y est développé. Nous cherchons à mettre en évidence, en utilisant une méthode d’étude
de cas prospective (Bitekine, 2008), quelle perspective sur la gouvernance entrepreneuriale
(disciplinaire ou cognitive) permet de mieux rendre compte des relations entre entrepreneurs et
investisseurs lors du co-investissement simultané par des BA et CR au capital d’une jeune entreprise.
Nous procédons à une étude de cas car cette méthode est adaptée à l’étude de processus complexes et
évolutifs et au fait que les concepts que nous cherchons à observer (motivations, caractéristiques
cognitives et comportement des acteurs, processus d’interaction) sont difficiles à capturer par des
mesures numériques simples. Le design d’étude de cas prospective vise à réduire un bais fréquemment
constaté dans des études de cas traditionnelles de type rétrospectif, lié au fait que les hypothèses sont
formulées ex post, après la fin de l’observation du phénomène étudié (Yin, 1994). Ce design comporte
deux étapes. Dans un premier temps, des hypothèses spécifiques au cas étudié sont formulées concernant
les évènements à venir (il s’agit ici des comportements des acteurs du cas et des interactions entre eux
concernant la gouvernance de l’entreprise) sur la base du cadre théorique utilisé et des premières
observations de terrain relatives au cas étudié. La seconde étape consiste à confronter les hypothèses

44
formulées avec la réalité en retournant sur le terrain, lorsque le phénomène étudié s’est achevé. Ceci
réduit les risques de raisonnement ex post de la part des chercheurs.

Le cas choisi est celui d’une jeune firme entrepreneuriale (EBV16) qui a développé un produit
innovant et technologique (logiciel) commercialisé auprès d’industriels du secteur des semi-
conducteurs, et dont les fondateurs préparent une première levée de fonds auprès d’un groupe de BA et
de SCR. La société a été créée en 2006 et est en phase de forte croissance depuis le lancement de son
premier produit en 2008. La levée de fonds a pour objectifs de financer les efforts commerciaux et de
R&D qui pourraient lui permettre de devenir, sur son créneau, l’acteur de référence au niveau
international. Les premiers entretiens ont lieu avec les deux fondateurs en décembre 2009, alors qu’ils
sont entrés en négociations avec un groupe d’investisseurs. Cette première phase nous permet de prendre
connaissance de l’entreprise, du profil des fondateurs et de leurs attentes, ainsi que de recueillir des
premières informations sur les investisseurs pressentis. Après la réalisation de l’opération en juin 2010,
nous procédons à une seconde phase d’entretiens avec les deux fondateurs, deux BA et deux CR (quatre
des sept investisseurs financiers ont accepté de nous rencontrer). Les entretiens sont individuels, de type
semi-ouvert, et durent en moyenne 1h30 dans la première phase, 1h dans la seconde. Ils sont entièrement
enregistrés et retranscrits.

Suite à la première phase, nous élaborons tout d’abord des prédictions génériques relatives aux
comportements et aux interactions entre les différents types d’acteurs (tableau 2) basées sur le cadre
conceptuel développé par Bonnet et Wirtz (2011). Deux séries d’hypothèses sont formulées selon la
perspective retenue : disciplinaire (théorie de l’agence) ou cognitive.

Les informations communiquées par les deux fondateurs concernant la formation du groupe
d’investisseurs, même si nous ignorons à ce stade leur identité, nous permettent également de formuler
des prédictions spécifiques au cas. Il apparait, notamment, une hétérogénéité importante au sein du
groupe des BA. L’investisseur BA1 est un entrepreneur expérimenté qui a créé, développé puis cédé
avec succès une société dont l’activité est proche de celle de EBV. Par son expérience entrepreneuriale,
sa très bonne connaissance de l’industrie et du marché d’EBV et son réseau de contacts, on peut attendre
qu’il joue un rôle important lors de la constitution du groupe d’investisseurs. Dans une perspective
disciplinaire, il devrait jouer un rôle clé dans la certification de la qualité de l’entreprise et de ses
fondateurs, permettant de minimiser les risques liés à l’asymétrie d’information (sélection adverse,
risques d’agence). Dans une perspective cognitive, BA1 semble particulièrement bien placé pour
percevoir le caractère innovant et le potentiel du projet et l’expliquer aux autres investisseurs
(externalisation de savoir tacite) ainsi que, dans un second temps, jouer un rôle de mentor auprès des
fondateurs en les faisant bénéficier de sa connaissance du secteur et en les aidant à acquérir les
compétences managériales nécessaires pour gérer la croissance de leur entreprise, d’autant qu’il s’agit

16
Le nom a été changé pour des raisons de confidentialité.

45
de leur première expérience entrepreneuriale. Un autre BA (BA3) est également un entrepreneur
accompli qui a développé une ETI et l’a cédée à un groupe industriel, mais dans un secteur très différent
de celui d’EBV. Il a créé une SCI familiale dont EBV sera le premier investissement dans une industrie
autre que son secteur d’origine. Il est donc attendu qu’il ait un rôle peu important dans les premières
phases du processus de levée de fonds à la fois dans une perspective disciplinaire (réduction d’asymétrie
d’information) et cognitive (externalisation). Par contre il apparait bien placé pour soutenir et conseiller
les entrepreneurs, lors des phases ultérieures, dans la gestion de la croissance de leur entreprise
(mentoring), ainsi que pour contribuer à la mise en place de mécanismes d’incitation et de contrôle
(monitoring) destinés maximiser le retour financier de son investissement.

Tableau 2 – Prédictions génériques des comportements par type d’investisseur durant la levée
de fonds (Bonnet et Wirtz, 2012)

H0 (agency theory) HA (cognitive approach)


Entrepreneurs During the fundraising process, the Entrepreneurs undertake considerable
entrepreneurs are exclusively effort to externalize their tacit knowledge
concerned with signalling their to be partially shared by investors. This
integrity and making credible effort is more intense in direction of VCs
commitments to attract funds at a low than vis-à-vis BAs with past experience
cost of capital (bonding). close to their own. (externalizing)
BA Early on in the process, BAs are When BAs’ personal experience and
preoccupied with ascertaining the knowledge-base is close to the
personal integrity and and technical entrepreneurs’, they can be instrumental
competence of the entrepreneurs as a in helping entrepreneurs externalize part
means to reduce the risk of adverse of their tacit knowledge (externalizing).
selection. At the time of closing, they BAs’ with significant entrepreneurial
insist on the possibility of personal experience of their own may also engage
intervention after the deal (e.g. in significant mentoring activity,
through board representation) in starting early on in the process. Such
order to be able to influence risk of mentoring concerns the proper
moral hazard. (monitoring) communication with the professional
investors, the management of the
entrepreneurial process, as well as the
strategic orientation (growth,
internationalization ...).
VC VCs are preoccupied with the VCs essentially place their hope
entrepreneurs potentially hiding concerning the value creation potential in
significant information. At an early their post-deal ability to professionalize
stage of the fundraising process, certain managerial functions and to act as
significant weight will thus be put on a sounding board (through active board
thorough due diligence. At the representation for instance) (mentoring).
conclusion of the agreement, VCs
will insist on fixing a requirement for
regular financial disclosure and on
putting in place incentive
mechanisms to motivate
entrepreneurs to expand optimal
effort. (monitoring)

La seconde phase d’entretiens qui a lieu juste après la levée de fonds nous permet de tester les
hypothèses élaborées suite à la phase 1. Les entretiens sont codés indépendamment par un des auteurs

46
et un assistant de recherche à l’aide du logiciel InVivo. Pour être en mesure d’analyser de façon
systématique le contenu des données recueillies (Miles et Huberman, 1994), nous développons un
schéma de codage incluant les principaux concepts issus des deux perspectives théoriques considérées
(tableau 3). Une première analyse des données faisant apparaitre trois stades distincts dans le processus
de levée de fonds, nous intégrons cette distinction dans le schéma de codage.

Les résultats présentés au tableau 3 montrent que les dimensions disciplinaire et cognitive
coexistent durant l’ensemble du processus de levée de fonds mais que leur poids respectif évolue au
cours du temps. Les dimensions cognitives prévalent au début du processus. En effet, au stade des
premiers contacts entre entrepreneurs et investisseurs potentiels, les interactions se focalisent
principalement sur l’externalisation par les entrepreneurs des caractéristiques et du potentiel
économique du projet. Comme nous l’anticipions, l’un des BA (BA1) joue un rôle décisif dans cette
phase, de par ses caractéristiques cognitives (très bonne connaissance du secteur d’activité et du marché)
en aidant les entrepreneurs à externaliser leurs connaissances sur le projet, contribuant ainsi à réduire
les coûts dus à l’hétérogénéité cognitive entre entrepreneurs et investisseurs financiers.

Tableau 3 - Schéma de codage des données et nombre d’occurrences pour chaque dimension
(Bonnet et Wirtz, 2012)
Stage of process
First contacts Deal structuring Post investment
(sourcing, screening, (due diligence, (anticipated)
Dimension of relationship evaluation) negotiation)

Discipline (agency)(H0): 15 51 12
15.3% 62.2% 22.2%
Conflicts of interests 5 41 4
Monitoring 10 12 10
Bonding 1 3 0
Cognition (HA): 83 31 42
84.7% 37.8% 77.8%
Specific 18 14 17
experience/knowledge
Cognitive process 23 7 0
Cognitive gap/closeness 31 8 7
Mentoring 11 8 31
Externalizing 28 0 3
Learning 6 2 8
N.B. Coding was conducted with NVIVO software. Each coded reference was given at least two codes: one
concerning the “dimension of relationship” and one for stage of process. Absolute figures in the table indicate the
number of references coded for a given item within the corpus of all six post-deal interviews by one of the co-
authors. Percentages indicate the relative weight of references coded with a disciplinary content vs. a cognitive
content at a given stage.

Lors du second stade du processus de levée de fonds (structuration) les aspects disciplinaires
prennent plus d’importance. Cette phase est consacrée aux due diligence menées par les investisseurs et

47
à la négociation du prix des actions souscrites et du pacte d’actionnaires. La gestion des conflits
d’intérêts, présents ou anticipés, entre fondateurs et investisseurs domine, même si les dimensions de
nature cognitive sont toujours présentes. Les rôles évoluent au sein du groupe d’investisseurs. BA1 est
peu impliqué dans cette phase, qui est principalement menée par deux CR (avec l’appui de BA3) qui ont
une longue expérience de l’investissement dans les jeunes entreprises technologiques. Cette expérience
les a dotés de compétences dans la gestion des conflits d’intérêt et la réduction des coûts d’agence. Elle
se traduit notamment par la négociation d’un pacte d’actionnaires permettant un équilibre satisfaisant
entre incitation des entrepreneurs et protection des intérêts des différentes parties. Lors des entretins
menés juste après la réalisation de l’investissement, les acteurs expriment leurs attentes concernant le
stade suivant de la levée de fonds (post-investissement). Les dimensions cognitives apparaissent ici
dominantes. L’ensemble des acteurs considèrent, en particulier, que le mentoring des entrepreneurs par
les investisseurs (support et conseil concernant la gestion et la stratégie, notamment en ce qui concerne
les projets d’implantation internationale) devrait avoir une contribution importante au succès de
l’entreprise. Les aspects disciplinaires ne sont cependant pas absents. Les investisseurs les plus
expérimentés insistent sur l’importance de mettre en place très rapidement des mécanismes efficaces de
contrôle des dirigeants (reporting aux actionnaires, CA).

Cet article apporte des contributions théoriques et pratiques. Sur un plan théorique, nous montrons
la pertinence d’une approche synthétique de la gouvernance entrepreneuriale, puisqu’aucune des
hypothèses (H0 et HA) n’est rejetée. Les dimensions disciplinaire et cognitive coexistent dans les
interactions entre acteurs mais leur poids respectif évolue au cours des stades de la levée de fonds. Nous
utilisons un cadre conceptuel plus riche que celui de la plupart des études concernant les BA, qui sont
souvent de nature descriptive (Kelly et Hay, 2003 ; Morrissette, 2007). Nous contribuons également aux
connaissances en finance et en gouvernance entrepreneuriales en reliant les recherches menées sur les
BA et sur les CR, ce qui est peu fréquent, en dépit d’exceptions notables (Harrison et Mason, 2000 ;
Madill, Haines et Riding, 2005), et en mettant en évidence les différences et complémentarités entre ces
deux catégories d’investisseurs lorsqu’ils co-investissent au capital de jeunes firmes entrepreneuriales.

Sur un plan managérial, cette recherche montre que les entrepreneurs pourraient avoir intérêt à
s’adresser à la fois à des BA et à des CR lorsqu’ils lèvent des fonds. Les BA apparaissent
particulièrement bien placés pour contribuer à réduire les coûts cognitifs, les CR pour gérer les conflits
d’intérêt et réduire les coûts d’agence. Les complémentarités entre ces deux types d’investisseurs
devraient également inciter les pouvoirs publics à mettre en place des mécanismes institutionnels visant
à faciliter la coopération entre BA et CR (Aernoudt, 2005).

48
3.2.3. Bonnet C., Wirtz P. et Haon C. (2013), Liftoff: When Strong Growth is Predicted
by Angels and Fuelled by Professional Venture Funds, Revue de l'Entrepreneuriat,
vol. 12, n°. 4, p. 59-78

Cet article étudie les des déterminants cognitifs et comportementaux de la croissance des jeunes
firmes financées par les BA, avec ou sans co-investissement simultané par des CR. Nous proposons un
modèle théorique dont les hypothèses sont testées au moyen d’une enquête par questionnaire menée
auprès de 124 BA ayant réalisé 222 investissements dans des jeunes firmes entrepreneuriales basées
dans le sud-est de la France (Savoie et Isère). Comme le précédent, cet article s’inscrit dans le projet de
recherche initié par Bonnet et Wirtz (2011). Le modèle proposé est dérivé, notamment, du cadre
conceptuel qui y était développé. Il permet de tester empiriquement sur un grand nombre d’observations
l’une des propositions de Bonnet et Wirtz (2011), à savoir que le co-investissement simultané par des
BA et des CR a un impact positif sur la croissance des jeunes firmes entrepreneuriales.

Nous commençons par montrer que les BA ont des caractéristiques cognitives dont certaines sont
proches de celles des entrepreneurs, d’autres de celles des CR, ce qui les place dans une position
intermédiaire entre ces deux types d’acteurs17 (tableau 4). Beaucoup d’entre eux sont d’anciens
entrepreneurs ou dirigeants de firmes entrepreneuriales (Van Osnabrugge, 1998 ; Wiltbank, 2005 ;
Morrissette, 2007), expériences susceptibles de les doter de compétences en termes de création et de
gestion d’entreprise (Politis et Landström, 2002). Ils ont souvent une connaissance approfondie des
technologies, des secteurs d’activité et des marchés dans lesquels ils ont travaillé, ce qui peut les aider
à évaluer la qualité et le potentiel de croissance des projets qui leur sont présentés, et tendent à investir
préférentiellement dans ces domaines (Wright, Westhead et Sohl, 1998), Les CR ont une base de
connaissances et d’expériences plus générale (MBA, finance, conseil), même si certains tendent à
adopter des spécialisations sectorielles.

Tableau 4 - Caractéristiques stylisées des entrepreneurs débutants, des BA et des CR


(Bonnet, Wirtz et Haon, 2013)

Entrepreneurs Business angels Venture capitalists

Knowledge Technological, specific Technological, specific Financial, various


base industrial sector and client industrial sector and client industrial sectors (to a
market market lesser extent)
Experience Former employee, Entrepreneurial (strong) As a professional VC,
Entrepreneurial (recent) sometimes with
consulting or
entrepreneurial experience

17
Les caractéristiques cognitives présentées, issues de la littérature, sont forcément stylisées. Nous sommes
cependant conscients de la grande diversité qui existe au sein des populations de BA et de CR.

49
Cognitive Intuitive, innovative, Intuitive, innovative, Quasi-rational,
process proactive, control- oriented proactive, control-oriented, predictive
predictive or non (professional investment
predictive (depends on style)
BA)
(adapté de Bonnet et Wirtz,2011).

Concernant les processus cognitifs utilisés dans la prise de décision, les BA sont présentés, de
même que les entrepreneurs, comme ayant souvent recours à l’intuition (Morrissette, 2007), alors que
les CR utilisent des méthodes de sélection des investissements plus formelles et analytiques (Wiltbank,
2005) probablement, en partie, car ils gèrent l’argent de tiers et doivent être en mesure de rendre compte
de leurs décisions (Van Osnabrugge, 2000). Une autre perspective, utilisée par Wiltbank et al. (2009),
permet d’analyser le processus cognitif des BA. Elle distingue deux profils comportementaux
susceptibles d’influencer leurs décisions d’investissement : le contrôle et la prévision. Le contrôle est
un concept psychologique qui désigne les moyens qu’un individu a (ou pense avoir) à sa disposition
pour répondre à des évènements adverses et maîtriser leurs conséquences (Skinner, 1996). Il est une des
dimensions de la logique effectuale décrite comme étant fréquemment mise en œuvre par les
entrepreneurs (Sarasvathy, 2001). Selon cette logique, il ne s’agit pas de prévoir un futur, largement
incertain, mais de pouvoir agir pour le façonner. Pour un BA, ceci consiste à prendre en compte, lors de
la décision d’investir, la valeur ajoutée, la contribution qu’il pourra apporter au succès de la firme
financée, par exemple grâce à sa bonne connaissance du secteur d’activité et à son influence sur les
entrepreneurs. Le profil prédictif se réfère à un mode de décision basé sur une analyse ex ante des
informations et des prévisions disponibles lors de l’investissement (rapports d’experts, études de
marché, prévisions financières, TRI prévu…), qui est celui souvent employé par les CR (Wiltbank,
2005). Il est à noter que ces styles de prise de décision ne sont pas exclusifs. Comme l’ont montré
Wiltbank et al. (2009) les populations de BA, qui sont dotés d’expériences et de schémas mentaux
divers, présentent une variance forte sur ces deux dimensions (contrôle et prévision), alors que la plupart
des CR sont susceptibles d’adopter un style prédictif.

Nous proposons alors un modèle des déterminants cognitifs et comportementaux de la croissance


des firmes financées par les BA (schéma 3). Les BA ayant un score de prédiction élevé devraient plus
fréquemment co-investir simultanément avec les CR que ceux qui ont un score de prédiction faibles, car
ils sont capables de traduire leurs perceptions et intuitions quant au potentiel des firmes financées dans
un langage « prédictif » (prévisions chiffrées, TRI…) qui est celui généralement utilisé par les CR (H1).
Ce co-investissement simultané est susceptible d’avoir un impact favorable sur la croissance des firmes
financées (H2). En effet, les CR apportent des contributions complémentaires à celles des BA, et
notamment deux types de ressources favorables à la croissance: des capitaux (généralement plus élevés
que ceux apportés par les BA) et une aide à la « professionnalisation » des pratiques managériales des
jeunes entreprises (Hellmann et Puri, 2002). Les BA ont, de leur côté, une proximité cognitive avec les

50
entrepreneurs et des compétences entrepreneuriales et sectorielles qui les rendent capables de détecter
le potentiel de croissance des firmes dans une phase précoce et de « traduire » ce potentiel aux CR.

Schéma 3 – Déterminants cognitifs et comportementaux de la croissance des firmes financées


par les BA (Bonnet, Wirtz et Haon, 2013)

Le modèle inclut par ailleurs deux hypothèses qui concernent l’influence des BA sur la croissance
des firmes financées indépendamment du co-investissement avec les CR. D’une part, les BA dont les
caractéristiques cognitives sont les plus proches de celles des entrepreneurs (score élevé dans la
dimension « contrôle », expérience entrepreneuriale, ou expérience dans le secteur d’activité de la firme
financée) devraient être mieux à même de détecter les perspectives de croissance des firmes, et donc
investir dans des firmes à plus forte croissance (H3). D’autre part, une forte implication des BA dans
des rôles d’apport de ressources lors de la phase post-investissement devrait être favorable à la
croissance de ces dernières (H4).

51
Le modèle est testé au moyen d’une enquête par questionnaire adressée aux membres de plusieurs
réseaux de BA de la région Auvergne-Rhône-Alpes réalisée entre décembre 2011 et février 2012. Sur
une population totale de 470 BA nous avons reçu 124 réponses exploitables, dont 75 BA ayant investi,
permettant de collecter des données sur 222 investissements. Le questionnaire permet de recueillir trois
types de données : données biographiques sur les BA (genre, âge, expérience professionnelle…),
données relatives à l’activité d’investissement (nombre et taille des investissements, critères de
sélection, implication post-investissement, « contrôle » et « prédiction »), et données relatives aux
investissements des répondants (secteur, stade, co-investissement avec CR, croissance du CA, sortie…).
La mesure des processus cognitifs utilisés par les BA dans leurs décisions d’investissement (« contrôle »
et « prédiction ») est adaptée de celle utilisée par Wiltbank et al., (2009). L’adhésion des répondants aux
propositions relatives à ces items est mesurée par des échelles de Likert à 7 niveaux. Les données sont
analysées à l’aide de régressions logistiques binaires ou ordinales, selon la nature des variables. H1, H2
et H4 sont supportées par nos résultats. H3 n’est pas supportée.

Cette étude apporte plusieurs contributions théoriques et empiriques. Nous aidons à mieux
comprendre les principaux facteurs cognitifs et comportementaux qui expliquent la croissance des
jeunes firmes entrepreneuriales financées les BA, à l’aide d’un modèle théorique des principaux
déterminants de la croissance de ces firmes, et le testons empiriquement. Nous montrons que le co-
investissement simultané entre BA et CR est plus fréquent lorsqu’il existe une proximité cognitive entre
ces deux types d’investisseurs (approche prédictive) et que les firmes financées de la sorte tendent à
croître plus rapidement. Par ailleurs, nous mettons en évidence une relation positive entre le degré
d’implication des BA dans l’apport de ressources aux firmes qu’ils financent et la croissance de ces
entreprises. Cette étude a également une contribution descriptive car nous avons réalisé l’une des toutes
premières enquêtes académiques sur une grande population de BA français. Nos résultats indiquent que
ces derniers sont relativement proches des BA anglo-saxons (Royaume-Uni et U.S.A.) en termes de
caractéristiques biographiques (âge, genre, éducation, expérience professionnelle) mais tendent à
investir des montants inférieurs (Wiltbank et al., 2009 ; Mason et Harrisson, 2011 ; Sohl, 2012).

3.3.Les groupes de business angels: fonctionnement et facteurs de


performance
Bien que les années récentes aient vu l’émergence de nouvelles formes de financement des jeunes
entreprises innovantes (financement participatif, crypto monnaies…), les BA demeurent très largement,
avec le capital-risque, les acteurs principaux du financement de ces firmes (Collewaert, Filatotchev et
Khoury, 2018). Certains BA agissent de façon indépendante mais un grand nombre d’entre eux se
rassemblent dans des organisations (clubs, réseaux, groupes, syndicats), que nous désignerons ici

52
« organisations de business angels » (OBA), et qui ont pris une importance économique croissante dans
les dernières décennies (Mason, Botelho et Harrison, 2016 ; Wallmeroth, Groh et Wirtz, 2018).

Dans l’objectif de contribuer à une meilleure connaissance du fonctionnement et des facteurs de


performance des OBA, ainsi que de leur contribution à la gouvernance entrepreneuriale, qui sont encore
mal connus, j’ai entrepris avec d’autres chercheurs un programme de recherche dont une première
contribution est présentée ci-dessous. Outre l’intérêt d’étudier des organisations importantes dans l’offre
de financement aux jeunes entreprises, ce programme permet des avancées théoriques en intégrant la
littérature sur le capital humain et la cognition des BA avec la recherche naissante sur le fonctionnement
des OBA. Dans la majorité des travaux existants, en effet, les contributions des BA en matière de
sélection des investissements et de valeur ajoutée aux firmes soutenues sont étudiées sur plan individuel,
considérant implicitement les BA comme des investisseurs isolés même lorsqu’ils sont membres d’une
OBA (par exemple, Wiltbank, 2005 ; Politis, 2008 ; Wiltbank et al., 2009 ; Bonnet, Wirtz et Haon,
2013). Comme dans un certain nombre de travaux récents (Carpentier et Suret, 2015 ; Bonini et al.,
2018, 2019), notre approche consiste à considérer les BA comme les acteurs de processus collectifs
menés au sein d’organisations dont ils sont susceptibles d’influencer la performance et dont les
caractéristiques sont également susceptibles d’influencer le comportement de leurs membres et leur
contribution à la gouvernance des firmes financées.

Les OBA contribuent à accroître l’offre de capitaux et à réduire les coûts de transaction sur le
marché de la finance entrepreneuriale (Paul et Whittam, 2010 ; Gregson, Mann et Harrison, 2013 ; Lahti
and Keinonen, 2016 ; Bonini et al., 2018). Elles favorisent également la professionnalisation des BA en
facilitant le partage d’expériences, la diffusion de processus d’investissement standardisés et le
déploiement de programmes de formation à destination des BA novices (San José, Roure and Aernoudt,
2005). Les OBA peuvent schématiquement être classées en deux catégories. Les réseaux de BA
apportent essentiellement de la visibilité et des services de mise en contact avec les entrepreneurs. Les
groupes (ou syndicats) de BA, d’apparition plus récente, permettent à leurs membres d’investir
collectivement et de réaliser en commun tout ou partie des activités du cycle d’investissement: sélection
des opportunités, instruction (due diligence), négociation des contrats, suivi post-investissement et sortie
(Mason, Botelho, and Harrison, 2016 ; Bonini et al., 2018).

Les études académiques sur les OBA sont majoritairement descriptives. Elles décrivent les services
offerts aux membres, les procédures d’investissement, les modes de financement, les contributions au
fonctionnement du marché de la finance entrepreneuriale et proposent des typologies d’OBA (voir
notamment : Harrison et Mason, 1996 ; Cerullo et Sommer, 2002 ; Aernoudt, 2005 ; Collewaerdt,
Manigart et Aernoudt, 2010 ; Paul et Whittam, 2010 ; Lahti, 2011 ; Carpentier et Suret, 2015). Par
contre, en dépit de leur importance économique, et à quelques exceptions près (Zu Knyphausen-Aufsess
et Westphal, 2008 ; Christensen, 2011 ; Kerr, Lerner et Schoar, 2014 ; Bonini et al., 2019), la recherche

53
académique s’est peu intéressée, pour l’instant, aux facteurs qui expliquent leur persistance, leur
performance et celle des firmes que les OBA contribuent à financer. Comme toutes les organisations,
les OBA ont besoin de sécuriser l’accès à certaines ressources indispensables à leur survie et elles sont
enracinées dans des contextes économiques et institutionnels spécifiques. Des travaux antérieurs ont
montré que toutes les OBA ne réussissent pas et que certaines disparaissent faute d’avoir réussi à
sécuriser l’obtention de financements suffisants (Christensen, 2011) ou l’implication de BA
expérimentés (Zu Knyphausen-Aufsess et Westphal, 2008). La contribution présentée ci-dessous vise à
mieux comprendre les déterminants de l’implication des membres des groupes de BA dans les activités
menées par leurs organisations, qui est un facteur clé de leur succès.

3.3.1. Wirtz P., Bonnet C., Cohen L., Haon C., Investing Human Capital: Angel
Cognition and Active Involvement in Business Angel Groups, Revue de
l’Entrepreneuriat (accepté, à paraître)

Cet article étudie les facteurs de l’implication des membres des groupes de BA dans le
fonctionnement de leurs organisations. Nous proposons un cadre théorique selon lequel certaines
caractéristiques cognitives (style de décision) et de capital humain (expérience professionnelle)
permettent d’expliquer le degré et le type de l’implication des BA dans les diverses activités nécessaires
au fonctionnement des groupes auxquels ils appartiennent. Nos propositions sont testées au moyen d’une
enquête par questionnaire auprès des membres d’un groupe de BA français.

Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, les groupes de BA sont des organisations dont les membres
co-investissent au capital d’entreprises, le plus souvent des jeunes firmes entrepreneuriales, et
conduisent de façon collective tout ou partie des activités du cycle d’investissement. Comme ces
activités requièrent du temps et des compétences spécifiques, un challenge important pour les groupes
de BA est d’attirer des membres qualifiés, ayant une expérience de l’investissement en fonds propres
(ou désireux de l’acquérir) et de s’assurer de leur engagement à long terme dans le fonctionnement de
l’organisation. En effet, même si de nombreuses OBA emploient une petite équipe de salariés, ces
derniers sont en général dédiés à des tâches administratives, de coordination et de communication (Paul
and Whittam, 2010). De plus, les BA qui rejoignent les OBA ont des profils divers. Beaucoup sont
novices ou ne désirent pas s’impliquer dans le fonctionnement de leur groupe ni acquérir des
compétences en matière d’investissement (Sohl, 2007). Par conséquent, le bon fonctionnement d’un
groupe de BA dépend de la forte implication d’un noyau de BA expérimentés qui, si elle vient à
manquer, peut provoquer son déclin et sa disparition (Zu Knyphausen-Aufsess and Westphal, 2008).
Les déterminants de cette implication ne semblent pas avoir été explorés pour l’instant, et cet article en
constitue une première tentative.

Une revue de la littérature nous permet tout d’abord de répertorier les principales activités menées
par les groupes de BA :

54
- activités relatives au cycle d’investissement : origination des investissements, sélection,
instruction et négociation, suivi post-investissement et sortie ;
- activités relatives à la gestion du groupe : participation au CA ou au comité exécutif du groupe
(décisions stratégiques, liens avec principaux partenaires, lobbying auprès des pouvoirs
publics…), participation aux actions de formation des membres, participation aux comités
d’investissement des fonds affiliés au groupe (le cas échéant).

Nous développons ensuite un cadre théorique selon lequel certaines caractéristiques cognitives et
de capital humain permettent d’expliquer l’implication des BA dans les activités identifiées ci-dessus
(schéma 4). Comme l’ont montré Wiltbank et al. (2009), le profil cognitif des BA a une influence leur
comportement d’investisseur18. Ces auteurs distinguent deux styles de prise de décision
d’investissement, la prévision et le contrôle. Le style prédictif se réfère à un mode de décision basé sur
une analyse ex ante des informations et des prévisions disponibles lors de l’investissement (études de
marché, prévisions financières…), donc peu susceptible d’influencer l’implication des BA dans le
fonctionnement de leur groupe. Les BA axés sur le contrôle prennent en compte, lors de la décision
d’investir, la contribution qu’ils pourront apporter au succès de la firme financée, par leurs compétences,
leur implication dans les décisions stratégiques et le support apporté aux entrepreneurs. Ce sont des
investisseurs désireux de maîtriser leur environnement et d’influencer les évènements. Nous supposons
donc qu’ils sont impliqués dans les diverses activités menées par leur groupe de BA car ils souhaitent
influencer la façon dont ce dernier conduit ses activités, dans un environnement caractérisé par une forte
incertitude.

Proposition 1: les BA ayant un style de prise de décision fortement orienté sur le contrôle seront
fortement impliqués dans les activités de leur groupe de BA.

Schéma 4 – Un modèle de l’implication des BA dans les activités de groupes de BA


(Wirtz, Bonnet, Cohen et Haon, à paraître)

Control orientation

(Decision making style)


Angel group activities

(investment activities, group


management activities)
Relevant knowledge and experience

(Cognition)

18
Voir également section 3.2.3 ci-dessus.

55
Afin d’être en mesure d’investir leur capital humain dans le fonctionnement du groupe auquel ils
appartiennent, les BA doivent également être dotés de compétences adaptées aux activités de ce dernier.
On peut supposer, par exemple, qu’un BA ayant une expérience de la direction d’entreprise sera à même
de conseiller les entrepreneurs des firmes financées et sera donc enclin à s’impliquer dans des tâches de
suivi des participations; une expérience en marketing sera propice à la détection du potentiel des
opportunités présentées et donc favorable à une implication dans la sélection et l’instruction des
dossiers; un BA ayant une expérience financière est susceptible de s’impliquer dans la négociation des
accords et dans la gestion des fonds affiliés au groupe de BA; etc...

Proposition 2: l’existence de ressources cognitives pertinentes issues de l’expérience professionnelle


est liée à l’implication des BA dans diverses activités de leur groupe de BA.

Tableau 5 – Résultats des tests d’association (Wirtz, Bonnet, Cohen et Haon, à paraître)

Independent Dependent variable N Chi- p-value Cramer’s Directionality


variable square V
Control orientation
Deal sourcing 52 3.900 .048 .274 +
Deal screening 52 4.254 .039 .286 +
Evaluation and 52 2.925 .087 .237 +
negotiation
Angel group board 52 3.036 .081 .242 +
participation
Time 52 3.276 .070 .251 +
CEO
Deal screening 61 6.767 .009 .333 +
Evaluation and 61 10.089 .001 .407 +
negotiation
Post-investment 61 2.969 .085 .221 +
monitoring
Marketing
Deal screening 62 6.966 .008 .335 +
Evaluation and 62 4.265 .039 .262 +
negotiation
Fund investment 62 3.282* .070 .271
committee
Time 62 3.377 .066 .233 +
Finance
Fund investment 62 5.335 .021 .293 +
committee
Legal
Deal sourcing 62 3.799* .051 .295 +

56
Le modèle proposé est testé au moyen d’une enquête par questionnaire auprès des membres du
groupe Savoie Mont-Blanc Angels (SAMBA). Le questionnaire comprend des questions couvrant les
caractéristiques des BA (âge, genre…), leur implication dans les diverses activités, leur profil cognitif
en matières de décisions d’investissement (orientations « contrôle » et « prédiction ») et leur expérience
professionnelle. Après un test auprès de quatre BA, le questionnaire a été administré en ligne à l’aide
du logiciel Qualtrics lors de plusieurs vagues d’enquête entre février et octobre 2015. Nous avons obtenu
67 réponses exploitables sur un total de 197 membres, soit un taux de réponse de 34 %. La variable
indépendante « contrôle » est mesurée de façon identique à Bonnet, Wirtz et Haon (2013) par deux items
mesurés par des échelles de Likert. Les variables relatives à l’expérience professionnelle sont binaires
et indiquent si le répondant a (ou non) une expérience dans les domaines fonctionnels ou les postes
suivants: stratégie, marketing, finance, droit, entrepreneur, direction générale). Les variables
dépendantes relatives à l’implication des BA sont binaires : implication (ou non) dans chacune des
différentes activités du groupe identifiées dans la littérature (voir ci-dessus) ; et implication totale
mesurée en journées annuelles consacrées au groupe de BA (moins de 6 jours par an ou 6 jours et plus
par an)19. Les propositions sont testées au moyen de tests de Chi-deux. Les associations entre variables
dépendantes et indépendantes significatives au niveau 0,10 sont indiquées au tableau 5. Ces résultats
apportent un soutien partiel aux deux propositions.

Notre principale contribution est d’explorer le fonctionnement interne des OBA, des organisations
importantes dans le financement des jeunes firmes entrepreneuriales (Mason, Botelho et Harrison, 2016)
et dont la réussite et la pérennité dépendent de l’implication soutenue de BA expérimentés. Cette étude,
qui concerne un seul groupe de BA, est une première tentative visant à explorer les déterminants
cognitifs de cette implication. Nous montrons que certaines caractéristiques cognitives et de capital
humain sont propices à une forte implication dans les activités d’un groupe de BA. Nous concluons
l’article par une contribution théorique en proposant un modèle de la cognition et de la performance des
groupes de BA, adapté du travail de Mol, Khapova et Elfring (2015) sur les équipes entrepreneuriales.
Ce modèle accorde une place centrale à la cognition collective de « l’équipe d’animation » du groupe
(l’ensemble des BA fortement impliqués dans son fonctionnement). Cette cognition est alimentée par
les connaissances et les compétences de ses membres, et elle influence la performance collective du
groupe (satisfaction des membres, apprentissage collectif, performance des firmes financées…). Il s’agit
d’une première ébauche qui pourrait être affinée et testée sur différents groupes de BA à l’avenir.

19
Les variables étaient mesurées au départ de façon continue mais nous les avons dichotomisées car, vu la
faible taille de l’échantillon, il ne nous était pas possible de réaliser des régressions.

57
58
59
Conclusion générale et programme de recherche

Cette note m’a permis de présenter une synthèse de mes travaux. Ils s’inscrivent dans le champ de
la gouvernance actionnariale et adoptent une approche synthétique, ouverte à la fois sur les théories
disciplinaires et cognitives de la gouvernance. La problématique générale est celle de l’influence de la
gouvernance exercée par les actionnaires (ses acteurs, ses mécanismes) sur la politique et la performance
financière des entreprises. Elle a été déclinée selon le stade de maturité des entreprises.

Le premier champ de recherche présenté concerne la gouvernance et la politique financière des


sociétés cotées en bourse. Mes travaux sont de nature empirique et se situent dans les perspectives
théoriques classiques de la recherche en finance et en gouvernance d’entreprise tout en abordant des
questions qui sont, encore aujourd’hui, l’objet de controverses académiques : l’influence de la structure
de propriété sur le système de gouvernance et sur la politique et la performance financières, et les
déterminants de la politique de dividende et de la politique de détention de liquidités. Alors que la
majorité des travaux académiques publiés dans ces domaines concernent les entreprises nord-
américaines, les études empiriques que nous avons réalisées avec mes co-auteurs ont pour objet des
sociétés européennes et adoptent une perspective institutionnelle en cherchant à mettre en évidence, par
des méthodes comparatives, l’influence des facteurs institutionnels nationaux sur le système de
gouvernance et sur la politique financière. L’étude sur la perception de la politique de dividende par les
dirigeants des entreprises de l’indice SBF 250 (Albouy, Bah, Bonnet et Thevenin, 2012) ainsi que celle
sur l’évolution des liquidités détenues par les sociétés cotées de l’Eurozone (Dupuy, Albouy, Bonnet et
Mchawrab, à paraître) mettent en évidence peu de différences avec leurs homologues d’Amérique du
Nord, bien que ces firmes opèrent dans des contextes institutionnels différents. Par contre, la
comparaison sur longue période des systèmes de gouvernance et des politiques financières d’Airbus et
Boeing (Albouy et Bonnet, 2009) permet d’illustrer l’influence du contexte historique et institutionnel
sur le système de gouvernance et sur la politique financière.

Désireux d’élargir mes référentiels théoriques et de m’inscrire dans les tentatives de construction
d’une approche synthétique de la gouvernance des entreprises, j’ai intégré dans mon cadre d’analyse les
approches cognitive et comportementale de la gouvernance et les ai appliquées aux entreprises non
cotées qui ouvrent leur capital à des investisseurs externes. Mon intérêt s’est d’abord dirigé vers l’étude
de la gouvernance des firmes sous LBO. Ma thèse de doctorat (Bonnet, 2004), suivie par la publication
d’un article (Bonnet, 2005), portait sur l’influence des liens sociaux et de la confiance interpersonnelle
entre CI et dirigeants sur les interactions entre eux et sur la performance des investissements. J’ai cherché
à comprendre dans quelle mesure les relations interpersonnelles entre CI et dirigeants influent sur leurs
processus de travail commun (dans et en dehors du CA) et sur les rôles des CI (disciplinaires et cognitifs)
dans la phase qui suit l’investissement, et dans quelle mesure ces processus et rôles ont un impact sur la

60
performance financière des investissements. Contrairement aux travaux qui portent sur les jeunes firmes
entrepreneuriales, la grande majorité des recherches académiques sur la gouvernance des LBO adoptent
une perspective disciplinaire. Ils s’intéressent à l’effet disciplinaire de la dette et aux modalités
d’alignement des intérêts entre CI et dirigeants (composition du CA, actionnariat et rémunération des
dirigeants, clauses contractuelles relatives au contrôle du capital et à la sortie). En adoptant une
perspective plus ancrée socialement et qui intègre les aspects cognitifs et comportementaux de la
gouvernance, j’ai proposé et testé empiriquement un modèle qui a contribué à ouvrir un la boite noire
des interactions entre CI et dirigeants des firmes sous LBO (Bonnet, 2005). Dans cet axe de recherche
sur les acquisitions à effet de levier, j’ai également co-écrit avec Michel Albouy le manuel « OPA, OPE
et LBO » publié par Economica (Albouy et Bonnet, 2008).

La tentative décrite ci-dessus prenait en compte des variables de types disciplinaire, cognitif et
comportemental mais ne permettait pas une intégration de ces différentes perspectives dans un modèle
global de la gouvernance des entreprises non cotées ayant ouvert leur capital à des investisseurs externes.
Dans le cadre d’un tel projet, l’étude des jeunes firmes entrepreneuriales offre des perspectives
prometteuses car, vu les handicaps liés à leur jeunesse, l’accès à des ressources externes, notamment
cognitives, est crucial pour leur survie, et les investisseurs spécialisés qui les soutiennent sont
susceptibles de contribuer à leur succès par une combinaison de discipline financière et d’apport de
ressources cognitives et relationnelles. J’ai débuté en 2010 avec Peter Wirtz, puis d’autres co-auteurs,
un programme de recherche sur la gouvernance des firmes entrepreneuriales qui a donné lieu, à ce jour,
à cinq publications académiques qui ont été présentées dans cette note de synthèse. Nos travaux portent
sur la gouvernance naissante de ces firmes (Bonnet, Wirtz et Séville, 2017), sur les complémentarités,
en termes de gouvernance, entre les différents types d’investisseurs qui apportent des fonds propres au
jeunes firmes entrepreneuriales (Bonnet et Wirtz, 2011, 2012 ; Bonnet, Wirtz et Haon, 2013) et, plus
récemment, sur le fonctionnement des organisations de BA (Wirtz, Bonnet, Cohen et Haon, à paraître).
Nous faisons partie des tous premiers chercheurs français qui se sont intéressés aux BA et nous avons
contribué à faire émerger et à diffuser des connaissances nouvelles sur ces acteurs clés du financement
des jeunes entreprises. L’approche employée est synthétique et mobilise les théories disciplinaires,
cognitives et comportementales de la gouvernance. Nous avons contribué à valider la pertinence
d’adopter une approche synthétique pour étudier la gouvernance des firmes entrepreneuriales (Wirtz,
2011). Nos travaux théoriques et empiriques montrent que cette approche permet de rendre compte des
différentes logiques à l’œuvre dans les interactions entre acteurs de la gouvernance de ces firmes et des
facteurs qui conditionnent leur succès. Nous avons également contribué à une meilleure compréhension
des complémentarités qui existent entre types d’investisseurs ainsi que du fonctionnement des OBA, qui
est encore peu connu (Mason, Botelho et Harrison 2016).

Concernant ce dernier axe de recherche, j’ai également développé une politique active de
vulgarisation, ce d’autant que les mécanismes des levées de fonds et du financement des jeunes firmes

61
entrepreneuriales étaient beaucoup moins connus des étudiants et du grand public à la fin des années
2000 qu’aujourd’hui. Ceci s’est traduit par la création de nouveaux cours sur ce thème à Grenoble Ecole
de Management, du cours en ligne (MOOC) « Lever des fonds pour ma startup », par la publication chez
Economica du manuel « Finance entrepreneuriale : financer la création et la croissance de l’entreprise
innovante » (Bonnet, 2012) ainsi que d’autres contributions (publication d’articles et de vidéos dans les
médias économiques, interventions publiques dans des incubateurs, OBA et conférences
professionnelles)20.

Les trois axes de recherche décrits ci-dessus trouvent des prolongements dans mes travaux actuels.
Concernant la gouvernance et la politique financière des sociétés cotées, j’ai entrepris avec Michel
Albouy une recherche sur les mythes financiers qui s’est traduite par la rédaction d’un article théorique
et empirique sur le mythe du ROE de 15 %, actuellement en cours de révision par la revue Finance
Contrôle Stratégie (Albouy et Bonnet, 2019). Le mythe du ROE (return on equity) consiste à croire et à
diffuser l’idée que les actionnaires imposeraient aux dirigeants d’entreprises l’obtention d’un ROE
minimal de 15 % en toutes circonstances, contrairement à la théorie financière et à l’évidence empirique.
En mobilisant le cadre conceptuel d’analyse des mythes sur le cerveau, ou neuromythes (Pasquinelli,
2012), nous tentons d’expliquer comment certains biais comportementaux peuvent favoriser
l’émergence et la diffusion des mythes financiers. La méthodologie employée est une analyse de contenu
d’articles de la presse économique française et internationale de 1995 à 2015.

En prolongement de mes travaux précédents sur la gouvernance des entreprises sous LBO j’ai
commencé en 2018 une collaboration avec Kirsten Burkhardt, maître de conférences à l’Université de
Bourgogne, qui porte sur l’étude des stratégies de consolidation sectorielle (build-up) menées par les
firmes de LBO. Nous nous intéressons particulièrement aux aspects cognitifs du management
stratégique et de la gouvernance de ces opérations, une perspective rarement employée dans les
recherches sur les LBO, comme je l’ai déjà mentionné. Ceci a débouché sur la publication d’un chapitre
dans un ouvrage de cas pédagogiques en finance d’entreprise (Bonnet et Burkhardt, 2019) et sur un
projet d’article, en cours de rédaction, qui sera soumis prochainement à la Revue Française de Gestion.

Mes recherches en gouvernance entrepreneuriale s’orientent actuellement dans deux directions. La


première est une poursuite des travaux sur le fonctionnement et la gouvernance des organisations de
business angels, qui demeure à ce jour un champ relativement peu étudié. Après avoir publié un premier
article académique, décrit ci-dessus, sur les déterminants cognitifs de l’implication des BA dans le
fonctionnement et la gouvernance des leurs organisations (Wirtz, Bonnet, Cohen et Haon, à paraître),
nous avons élargi cette recherche, initialement centrée sur l’étude empirique d’un seul groupe de BA
français, à des OBA d’autres pays, afin d’accroître la taille de l’échantillon observé et de tester si les
résultats obtenus en France sont généralisables au plan international. En parallèle à cette extension

20
Voir la liste complète des contributions en annexe.

62
empirique, le modèle proposé a été enrichi par l’intégration de nouvelles variables relatives à
l’expérience d’investissement des BA et au degré de professionnalisation des OBA. Cette recherche a
été présentée en conférence (Wirtz, Bonnet, Capizzi et Cohen, 2019) et un article a été soumis
récemment à une revue internationale de rang 2 CNRS. Par ailleurs, j’ai commencé il y a plusieurs
années une recherche sur l’influence du capital humain des BA sur la croissance des firmes dans
lesquelles ils investissent. La littérature identifie deux types de contributions non monétaires
susceptibles d’expliquer la performance des firmes qui reçoivent des financements de CR ou de BA : la
sélection de firmes à fort potentiel de croissance et la valeur ajoutée post-investissement (Sorensen,
2007 ; Colombo et Grilli, 2010 ; Chemmanur, Krishnan et Nandy, 2011). Nous tentons de mettre en
évidence si certains types d’expériences professionnelles des membres de groupes de BA leur
permettent, d’une part, de sélectionner des entreprises plus prometteuses et, d’autre part, d’ajouter de la
valeur par leur implication après l’investissement, et ainsi de contribuer à leur croissance. Le cadre
conceptuel développé prend en compte les spécificités organisationnelles des groupes de BA qui
conduisent certains membres de syndicats d’investisseurs à être activement impliqués dans la sélection
et/ou le suivi des participations, alors que d’autres sont passifs. Les premiers résultats de ces travaux ont
été présentés en 2019 à la Babson College Entrepreneurship Research Conference (Bonnet et Scarlata,
2019) et un article académique est en préparation. Enfin, je débute un travail de recherche sur les femmes
BA et l’entrepreneuriat féminin par ma participation à un projet qui a obtenu un financement de la région
Auvergne-Rhône-Alpes, « Réseaux de Femmes business angels et Entrepreneuriat, caractéristiques et
impacts économique, social et sociétal sur le territoire : une comparaison internationale sur Lyon,
Montréal et Turin ». Ce projet international associe des chercheurs et chercheuses de la région AURA,
d’Italie et du Québec et devrait donner lieu à plusieurs publications dans les années à venir. Il se situe
dans le champ de recherche relatif au fonctionnement et à l’impact économique et social des OBA, tout
en introduisant la variable du genre.

Enfin, j’ai débuté récemment une recherche qui s’inscrit dans une perspective nouvelle (par rapport
à mes travaux précédents) sur la finance entrepreneuriale, à la fois en ce qui concerne le phénomène
étudié et le cadre conceptuel mobilisé. Alors que mes travaux en finance et gouvernance
entrepreneuriales ont porté jusqu’à présent sur l’offre de financement, ce travail traite de la demande de
financement par les entrepreneurs, qui fait l’objet d’un intérêt académique bien moindre (Vanacker et
Manigart, 2010). De nombreuses firmes entrepreneuriales ne disposent pas d’un autofinancement
suffisant pour exploiter les opportunités de croissance qui se présentent à elles, et cette contrainte rend
nécessaire le recours à des fonds externes. Cependant, alors que le postulat implicite de nombreux
travaux en finance entrepreneuriale est que l’entrepreneur souhaite lever des fonds, beaucoup
d’entrepreneurs sont réticents à lever des financements externes, en particulier via une ouverture du
capital de leur firme (Cressy et Olofsson, 1997). La littérature indique que l’un des principaux freins à
l’ouverture du capital est l’« aversion au contrôle » des entrepreneurs (Cressy, 2005), c’est-à-dire

63
l’aversion à la perte de contrôle sur la fixation des objectifs de l’entreprise et sur sa gestion qu’entraîne
l’intervention de financeurs externes. Ainsi, la décision d’ouverture de capital implique d’arbitrer entre
un gain (lever les fonds propres permettant de développer l’entreprise) et une perte de contrôle par
l’entrepreneur (Wasserman, 2017). Notre objectif est d’expliquer comment les dirigeants des firmes
entrepreneuriales arrivent à surmonter leur aversion vis-à-vis de la perte de contrôle et décident tout de
même d’ouvrir le capital de leur firme, dans l’objectif d’accélérer sa croissance. Le cadre conceptuel
mobilisé est issu de la psychologie. Nous développons un modèle basé sur deux types de contrôle, le
contrôle objectif et le contrôle subjectif (Skinner, 1996), l’hypothèse principale étant que le contrôle
subjectif sur la firme peut se substituer au contrôle objectif, lié à la propriété des actions, et expliquer la
décision d’ouverture du capital. Ce modèle a été testé sur un grand échantillon d’entrepreneurs chinois.
Les premiers résultats ont été présentés à une conférence internationale (Tornikoski, Mei et Bonnet,
2019) et un article académique est en préparation. Dans cette approche, la relation dirigeant-actionnaire
n’est donc pas étudiée, comme dans mes travaux précédents, sur un plan contractuel, relationnel, ou
cognitif mais dans sa dimension psychologique.

64
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