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All content following this page was uploaded by Abdessamad Dibi on 19 February 2022.
Résumé :
Depuis les années 2000, les établissements de l’enseignement supérieur au Maroc connaissent
des mutations profondes touchant à la fois leur mission, leur organisation interne et leur
fonctionnement. Parmi les manifestations de ce changement, l’intérêt porté aux instruments du
contrôle de gestion. Le référentiel en la matière est le Code Marocain de bonnes Pratiques de
Gouvernance des Etablissements et Entreprises Publics (2012) et la Loi organique relative aux lois
de finances (2015), imposant dans leurs sillages la production de toute une batterie d’indicateurs
dans toutes les organisations sous contrôle direct ou indirect de l’Etat.
Après avoir revisité la littérature sur la définition, les spécificités et les dispositifs actuels du CDG
dans les établissements éducatifs marocains, ce travail de recherche se propose de répondre à la
question suivante : Quelle perception portent les managers éducatifs sur le contrôle de
gestion ?
Pour réaliser cette étude empirique, nous avons opté pour une méthodologie qualitative basée
sur des entretiens semi-directifs réalisés auprès des cadres dirigeants du centre régional des
métiers de l’éducation et la formation de la région de Casablanca-Settat (le CRMEF CS).
Les résultats obtenus nous illustrent les difficultés liées à la mise en place d’un véritable système
de contrôle de gestion au sein de l’établissement éducatif.
Mots clés : Nouveau management public, manager éducatif, contrôle de gestion, performance.
Abstract:
Since the 2000s, higher education institutions in Morocco have undergone profound changes
affecting both their mission, their internal organization and their functioning. Among the
manifestations of this change is the interest in management control (MC) instruments. The
reference in this area is the Moroccan Code of Good Governance Practices for Public
Establishments and Enterprises (2012) and the Organic Law on Finance Laws (2015), imposing in
their wake the production of a whole battery of indicators in all organizations under direct or
indirect state control.
After revisiting the literature on the definition, specificities and current devices of MC in
Moroccan educational establishments, this research work proposes to answer the following
question: What perception do educational managers have on management control?
To carry out this empirical study, we opted for a qualitative methodology based on semi-
structured interviews conducted with the managers of the Regional Center for Education and
Training in the Casablanca-Settat Region (the RCET CS).
The results obtained illustrate the difficulties linked to the implementation of a real management
control system within the educational institution.
Key words: New public management, educational manager, management control, performance.
Depuis quelques années, les établissements éducatifs au Maroc connaissent des mutations
profondes touchant à la fois leur mission, leur organisation interne et leur fonctionnement.
L’observation des pratiques quotidiennes de gestion au sein de ces établissements, permet de
constater que le processus de modernisation du management éducatif semble prendre son cours
et s’intégrer dans une démarche du nouveau management public « NMP ».
Les principales manifestations de ce changement peuvent être observées sur plusieurs niveaux :
l’importance accordée à la communication et l’approche marketing ; la généralisation progressive
de l’usage des TIC dans tous les services et par tous les niveaux hiérarchiques ; l’intégration des
contraintes du développement durable et de la responsabilité sociétale ainsi que l’intérêt porté
aux instruments du contrôle de gestion susceptible d’améliorer le fonctionnement des services
et des activités au sein des établissements éducatifs marocains.
Les établissements de l’enseignement supérieur au Maroc sont régis par la loi 00.01 qui définit
les organes de gouvernance de l’établissement, leur confie une certaine autonomie de gestion et
leur impose des dispositifs de contrôle budgétaire.
Le contrôle de gestion, pouvant être approché en tant que discipline académique, une fonction
au sein de l’organisation et également comme un métier, l’objectif de notre recherche est de
vérifier l’appréciation que portent ces acteurs du management éducatif sur le sujet.
Il ne s’agit pas ici de vérifier des hypothèses issues de théories préexistantes mais plutôt de partir
sans apriori dans l’exploration de notre terrain de recherche. Ce qui place notre recherche dans
le cadre de la théorie enracinée grounded theory (Glaser et Strauss, 1967, Strauss et Corbin, 1990,
Dans une première partie, nous allons revisiter la littérature sur la définition, les spécificités et le
dispositif actuel du CDG dans les établissements éducatifs marocains ; La deuxième partie sera
consacrée à la présentation du terrain et de la méthodologie de recherche ; Une troisième partie
sera consacrée à la présentation et la discussion des résultats obtenus.
Dans la littérature managériale, on se réfère souvent à Anthony (1965) pour définir le contrôle de
gestion comme « le processus par lequel les managers s’assurent que les ressources sont obtenues
et utilisées de manière efficace et efficiente pour la réalisation des objectifs de l’organisation »
(1965, p.17). En 1988, Anthony a modifié sa définition du CDG pour en proposer une autre : «le
processus par lequel les managers influencent d'autres membres de l'organisation pour mettre en
œuvre les stratégies de l'organisation» (1988, p. 10), passant ainsi d’une logique de suivi et
contrôle des activités à une logique d’action sur les comportements.
Depuis, de différentes définitions se sont succédé mettant l’accent sur le comportement des
individus dans l’organisation (notion d’efficience) et sur l’effet de ce comportement sur les
résultats organisationnels (notion d’efficacité). Ainsi, Merchant (1985), défini le CDG comme un
processus systématique par lequel les managers régulent les activités de l’organisation afin de les
rendre conformes aux attentes établies dans les plans et les aider à atteindre tous les standards
(normes) prédéterminés de performance. Simons (1995) le défini comme « les processus et les
procédures fondés sur l'information que les managers utilisent pour maintenir ou modifier
certaines configurations des activités de l'organisation. » (1995, p.5)
Pour Ansari et Bell (1991) le contrôle de gestion se réfère à toutes les dispositions
organisationnelles, formelles et informelles, destinées à atteindre les objectifs organisationnels.
Il comprend la structure formelle, les contrôles opérationnels, les récompenses, la budgétisation,
la planification et des activités similaires.
Dans le même ordre des idées, Gervais (1989), ajoute que le mot « contrôle » est surtout
synonyme de maitrise de l’action et, dans ce cadre, le problème n’est pas tant « d’inspecter et de
corriger a postériori que de chercher les voies et les moyens de la performance pendant l’action
ou mieux encore a priori » (1989, p.20). Il propose la définition suivante : « processus par lequel
les dirigeants s’assurent que les ressources sont obtenues et utilisées, avec efficience, efficacité et
pertinence, conformément aux objectifs de l’organisation, et que les actions en cours vont bien
dans le sens de la stratégie définies » (1989, p. 22).
Cette définition amène à présenter le triangle du CDG permettant de mettre en avant les trois
problématiques fondamentales du CDG :
✓ L’efficacité : le lien entre les objectifs et les résultats ; les résultats sont-ils au niveau des
objectifs escomptés ?
✓ L’efficience : le lien entre les moyens et les résultats ; quels sont les résultats obtenus sur
la base des moyens utilisés ?
✓ La pertinence : le lien entre les objectifs et les moyens ; en effet, les moyens doivent être
en rapport avec les objectifs et réciproquement.
Il est à noter que ces conditions de fonctionnement du CDG cybernétique ne sont pas toujours
réunies dans le cas des établissements publics en général, ceux éducatifs en particulier, et ce en
conséquence notamment de l’environnement institutionnel et réglementaire qui régit ces
établissements.
Etymologiquement, le mot « contrôle » vient de contre-rôle qui à l’origine était un registre tenu
en double pour vérifier un autre registre à savoir le rôle notamment celui des corps de troupes1 ;
il s’agissait donc d’un instrument d’inspection et de pointage à postériori et se limitait à une
vérification minutieuse de l’exactitude ou la régularité des opérations.
Il en découle que le contrôle de gestion est un dispositif d’aide au pilotage permettant d’optimiser
l’efficacité de l’action des administrations (rapport entre les objectifs et les réalisations),
l’efficience de la gestion (amélioration du rapport entre les moyens consommés et les
réalisations), et la qualité de service du service apporté (rapport entre les objectifs et les moyens),
et contribuant ainsi à améliorer le rapport entre les objectifs, les moyens engagés et les résultats
obtenus, dans un contexte budgétaire contraint.
1
Définition de l’Académie Française, parution de 1986.
2
Publié en octobre 2000, portant le nom du président de la commission en charge.
La nature spécifique des établissements éducatifs découle d’abord de leur mission particulière,
de leur culture propre et de leurs règles de gestion (Charpentier et Grandjean 1998). En effet,
bien que les établissements de l’enseignement supérieur soient dotés d’une autonomie de
gestion, elles demeurent sous tutelle d’une autorité compétente (le ministère). Cette tutelle
implique en matière de méthode de gestion des finances, une primauté de la comptabilité
publique, du code des marchés publics et de la gestion des fonctionnaires qui ne sont pas toujours
compatibles avec les règles du secteur privée.
La nature spécifique des établissements éducatifs peut être abordée également à travers le mix
objectifs-moyens-réalisation qui compose les trois dimensions de la performance des
organisations en général (Hofstede 1981). En effet, ces trois dimensions de la performance
(l’efficacité, l’efficience et la qualité) ne s’inscrivent pas d’abord, dans le cas des établissements
éducatifs, dans la même temporalité.
Ensuite, les moyens dont disposent ces établissements ne sont pas nécessairement tous gérés et
contrôlés par les responsables qui en ont l’usage (exemple des moyens en ressources humaines) ;
et le volume de ces moyens n’est pas directement lié au niveau de performance atteint mais
plutôt à des considérations de budget général de l’Etat (exemple des ressources financières).
Enfin, le résultat de l’activité des établissements éducatifs est difficilement mesurable dans le
sens ou les produits (output), cad l’apport de connaissances aux bénéficiaires de la formation
correspondant aux formations dispensées par ces établissements sont difficilement mesurables
alors que les charges (input) peuvent être plus aisément analysées à travers les charges fixes (de
structure) et variables (de fonctionnement) (Solle, 1995, 2002).
Les établissements éducatifs au Maroc se répartissent en deux grandes catégories à savoir les
établissements publics de formation relevant de l’enseignement supérieur (les universités, les
écoles d’ingénieurs, les écoles de commerces, les écoles normales supérieurs) et les
établissements publics de formation ne relevant pas de l’enseignement supérieur (certaines
écoles d’ingénieurs, les centres de formation de cadres, centres de la formation professionnelle).
Le conseil de gestion dans les établissements éducatif a pour mission la réparation du budget, sa
gestion et le suivi des dépenses à travers notamment la commission de suivi du budget créé au
sein de ce conseil ;
Il est composé des membres légaux (le directeur de l’établissement, les directeurs adjoints et les
chefs de filières) ; des membres désignés (par l’autorité de tutelle sur proposition du directeur de
l’établissement) et des membres élus (les représentants du corps professoral, du staff
administratif (fonctionnaire et techniciens) et des représentants de chaque cycle de formation).
Le conseil de l’établissement se réunit de façon ordinaire périodiquement (trois fois par an au
minimum, en septembre, février et juillet) et d’une façon extraordinaire le cas échéant sur
demande du directeur ou du quorum de ses membres ; Et c’est au directeur de l’établissement et
de son équipe d’assistants de veiller, par la suite, à appliquer les orientations et les décisions du
conseil.
1.3.2 Les dispositifs de CDG mis en place dans les établissements éducatifs
Les dispositifs de contrôle de gestion en place dans les établissements éducatifs peuvent être
analysés à travers la gestion comptable, le contrôle financier et le suivi des activités et des
opérations de gestion.
Le contrôle financier de l’Etat sur les établissements éducatifs est organisé par la loi n° : 69-001
relative au contrôle financier de l’Etat sur les entreprises publiques et autres organismes.
Ce contrôle a pour objet, selon les cas :
✓ D’assurer le suivi régulier de la gestion ;
✓ De veiller à la régularisation de leurs opérations économiques et financières au regard des
dispositions légales, réglementaires et statutaires qui leurs sont applicables ;
✓ D’apprécier la qualité de leur gestion, leur performance économique et financière ainsi
que la conformité de leur gestion aux missions et aux objectifs qui leurs sont assignées ;
✓ D’œuvrer à l’amélioration de leurs systèmes d’information et de gestion ;
La situation actuelle est que les établissements éducatifs font l’objet d’un triple contrôle à savoir
le contrôle exercé par le ministère des finances, le contrôleur d’Etat et le trésorier payeur.
Les établissements éducatifs ne disposent pas d’un service de contrôle de gestion. Cependant, la
situation actuelle indique l’émergence d’un système embryonnaire de CDG à travers l’observation
du développement des pratiques suivantes :
✓ La constitution de comités de suivi et d’évaluation des projets en cours ;
✓ L’établissement de reporting périodique à l’autorité de tutelle sur l’état d’avancement des
projets en cours ;
✓ L’établissement d’un bilan annuel des réalisations ;
✓ L’adoption d’une batterie d’indicateurs de suivi de gestion.
On peut en conclure que les dispositifs du CDG prévu par les textes législatifs et règlementaires
s’apparentent plus à un contrôle de la gestion des établissements éducatifs, que d’un contrôle de
gestion tel qu’il est défini et présenté dans les sciences de gestion.
1
La loi n°69.00 relative au contrôle financier sur les établissements publics, Rabat- Maroc, 2000.
L’objectif de ce travail de recherche est de vérifier, à travers le cas du centre régional des métiers
de l’éducation et la formation de Casablanca-Settat (le CRMEF CS), l’appréciation que porte le
manager éducatif sur le contrôle de gestion.
Ce travail de recherche a été également l’occasion d’ouvrir un dialogue avec les acteurs concernés
par le management éducatifs sur leurs pratiques managerielles, les contraintes auxquels ils sont
confrontés ainsi que le potentiel de développement qu’ils incarnent.
Cette étude exploratoire a été réalisée au sein du centre régional des métiers de l’éducation et la
formation de la région Casablanca-Settat (CRMEF CS). Il s’agit, tels qu’il est défini par le Décret
2.12.746 du 6 mars 2013, d’un établissement éducatif de formation supérieure ne relevant pas
de l’université. Il se compose de 6 entités à savoir le siège, deux annexes (Hay Essalam et Mers
sultan) sises à Casablanca, et de trois districts régionaux (El Jadida, Settat et Ben Slimane).
Notre recherche est qualitative car elle consiste à collecter des données réelles sur une
organisation à travers une présence prolongée du chercheur sur son terrain de recherche. Le
chercheur essai d’explorer un phénomène en profondeur, à mieux comprendre sa structure et le
contexte de son fonctionnement (Savoie-Zajc et Karsenti, 2018). Le phénomène étudié ici c’est la
perception du CDG par le manager éducatif.
La méthode d’investigation a été basée sur des entretiens semi-directifs avec les acteurs sur le
terrain. C’est une technique destinée à collecter des données reflétant l’univers mental conscient
ou inconscient des individus. (Thiétart et coll., 2007).
Nous avons choisi de conduire des entretiens semi-directifs au moyen d’un guide d’entretien
préétabli. Les thématiques abordées lors des entretiens ont porté sur les cinq axes présentés dans
le tableau suivant :
Les questions ont été le plus souvent de type ouvert laissant autant que possible une liberté
d’expression des acteurs. Toutefois, pour mieux s’adapter au profil des interviewés et pour
garantir une meilleure compréhension des questions posées, celles-ci ont été posées
différemment et seuls les thèmes du guide d’entretien qui sont resté inchangés.
Au total, nous avons effectué 9 entretiens individuels de 1H30 chacun, auprès de 9 personnes sur
les différents sites de l’établissement (le siège, les annexes et les districts), tels que présenté dans
le tableau suivant :
Les personnes interviewées ont été choisies en raison de leur implication dans le pilotage, la prise
de décision et le suivi de la gestion de l’établissement.
• La deuxième phase, également d’une durée d’environ dix minutes, consiste à demander à
l’acteur interviewé d’exposer brièvement les grandes lignes de sa carrière professionnelle
ainsi qu’une description de sa fonction actuelle au sein de l’établissement. L’objectif de cette
phase est de situer chaque acteur par rapport au degré de familiarisation avec les sciences
de gestion.
• La troisième phase, d’une durée environ 60 minutes, représente la phase d’écoute active ;
L’objectif de cette phase est de laisser les acteurs s’exprimer librement sur les thèmes qui
composent le guide entretien. Notre travail a consisté lors de cette phase à une prise de notes
exhaustive.
La collecte des données s’est réalisée par des prises de notes exhaustives dont l’objectif est de
retranscrire fidèlement les propos tenus. Cependant, il nous est arrivé de reformuler certains
propos tout en veillant à en garder le sens.
Nous avons également procédé à des entretiens informels avec certains acteurs et ce dans un
double objectif : d’une part, orienter les discours des acteurs à propos de notre sujet pour
compléter certaines informations et d’autres part, enrichir notre base de données collectées.
1
Un mélange d’arabe courante et de termes et expressions en français.
Les résultats obtenus sont d’abord présentés selon les thématiques proposés dans le guide
d’entretiens semi-directifs puis feront l’objet d’’une discussion-synthèse.
Les différents entretiens menés avec les cadres dirigeants du CRMEF CS nous ont permis de faire
les constats suivants :
D’abord, le sens retenu du mot "contrôle" penche plutôt vers les actions de vérification de la
conformité des travaux aux règlements, directives et autres référentiels qui s'imposent aux
acteurs au sein du centre que celle de "maîtrise".
Des confusions sont ensuite faites au niveau de la distinction entre évaluation, contrôle de gestion
et contrôle des opérations.
Enfin, l’assimilation du lien entre contrôle de gestion et pilotage n’est pas toujours claire. En effet,
le contrôle de gestion correspond à l’ensemble des instruments et outils de gestion, alors que le
pilotage correspond aux dispositifs des usages de ces outils de gestion ;
Nous illustrons par un extrait de déclaration d’un interviewé : « le CDG c’est important pour notre
correspondance journalière avec le directeur du centre sur l’état d’activité ».
Le chef des services économiques et financiers, trouve que les dispositifs de contrôle de gestion
jouent un rôle important dans le dialogue de gestion qu’il a avec le directeur du centre et les
différents services de contrôle des finances publiques ;
Les chefs de départements ainsi que le chef de service de scolarité reconnaissent l’importance de
la mise en place des outils de contrôle de gestion (établir des bilans et des rapports d’activité)
notamment pour répondre à la demande du directeur du centre à l’occasion de chaque étape de
l’année de formation (rentrée académique, examens, stages, fin d’année).
Tous les acteurs interviewés au sein du CRMEF CS se sont déclarés être concernés par la mise en
œuvre d’indicateurs de gestion notamment pour des besoins de communication interne.
Les différents acteurs interviewés reconnaissent avoir de réelles difficultés à produire des
indicateurs de gestion et s’estiment avoir besoin de formation pour pouvoir le faire. En effet, ils
trouvent que l’activité de mise en place et de remontée d’indicateurs nécessite d’énormes efforts
de leur part d’autant plus qu’ils n’ont pas les qualifications requises pour le faire.
D’autres part, les différents interlocuteurs laissent entendre qu’il est préférable d’avoir des
ressources dédiées à cette tache car ils s’estiment être mobilisés partiellement pour la production
de ces indicateurs.
On peut en conclure qu’il y a bien production d’indicateurs de gestion mais pas élaboration de
tableaux de bord au vrai sens du terme.
3.2 Synthèse-discussion
Chez les managers éducatifs au sein du CRMEF CS, le sens retenu du mot "contrôle" penche plutôt
vers les actions de vérification de la conformité des travaux aux règlements, directives et autres
référentiels qui s'imposent aux opérateurs que celle de "maîtrise ; (Bouquin 1989, Gervais 1989)
Toutes les personnes interviewées sont d’accord sur l’importance de mettre en place des
dispositifs de contrôle de gestion, cependant un grand écart est constaté concernant le rôle
attribué à ce dispositif et les modalités de sa mise en œuvre (Hofsted, 1987).
Les objectifs attribués aux indicateurs de contrôle de gestion diffèrent selon le niveau
hiérarchique étudié et le profil de chaque acteur.
La faiblesse des systèmes de suivi de gestion mis en œuvre dans l’établissement peut être
expliquée, d’une part, par l’abondance des informations à traiter et, d’autre part, par la
vulnérabilité en compétences (Savall et Zardet, 2015) requises pour la production d’indicateurs
utiles pour le pilotage interne.
Les résultats que nous avons pu développer nous amène cependant à formuler un certain nombre
d’interrogations sur la perception du contrôle de gestion par le manager éducatif :
• Celle-ci diffère-t-elle en fonction de son profil de base ? Ou de son niveau hiérarchique ?
• Du niveau de la pression subie en interne de la hiérarchie ? Ou alors de la pression de
l’autorité de tutelle ?
• Quel rôle attribuer à la formation continue et aux attentes des différentes parties
prenantes dans la construction de cette perception ?
A l’issue de cette étude exploratoire nous sommes amenés donc à envisager de nouvelles
recherches afin de chercher une réponse à ces questionnements. Ces nouvelles recherches seront
réalisées sur la base de l’étude de cas de l’université Hassan II de Casablanca ou nous comptons
couvrir l’ensemble des 18 établissements qui relèvent de l’université ; le questionnaire envisagé
sera affiné à la lumière des résultats de cette phase exploratoire.
Conclusion et perspectives :
L’objectif de notre travail de recherche était d’étudier la perception du CDG par le manager
éducatif. Cet objet de recherche a été étudié à travers le cas d’un établissement éducatif marocain
à savoir le centre régional des métiers de l’éducation et la formation de la région Casablanca-
Settat (le CRMEF CS).
Dans notre cadre théorique de départ, nous avons constaté que la définition du CDG évolue entre
une logique de suivi et de contrôle des activités et une logique de maitrise des actions et des
opérations. Sur le plan théorique, notre étude empirique permet de confirmer ce constat. Sur le
plan méthodologique, les difficultés liées à la mise en place d’un véritable système de contrôle de
gestion ont été illustrées par des exemples extraits de l’interaction et le dialogue avec des acteurs
sur le terrain. Sur le plan empirique, dans le cas des établissements publics en général, ceux
éducatifs en particulier, le fonctionnement du système de CDG s’avère tributaire d’un certain
nombre de conditions relatives notamment à l’autonomie des managers concernés.
Cette étude qualitative exploratoire n’ambitionne pas à une généralisation des résultats
constatés. Nous comptons alors élargir le champ de l’étude pour couvrir l’ensemble des
établissements éducatifs relevant de l’université Hassan II de Casablanca (18 établissements),
avec le recours à une méthodologie quantitative et un recueil de données par la technique du
questionnaire.
Ce qui devrait s’inscrire par ailleurs dans un schéma global de réforme du système de
management des établissements de l’enseignement supérieure favorisant les conditions de mise
en place d’un véritable système de contrôle de gestion : une véritable autonomie de gestion et
une mise à disposition des moyens (financiers et humains) de leur mise en œuvre stratégique.
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