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Résumé :
Dans un contexte caractérisé par une forte incertitude, par la complexité et la nécessité de produire de la qualité́ tout en
répondant à un niveau d'exigence qui est sans cesse croissant ; c'est l'intelligence et le talent de l'ensemble des membres
d'une organisation qui doit être mobilisé en synergie. D’où, on assiste au passage d’une société et économie matérielle
vers une société et une économie fondée principalement sur le capital immatériel constituant, aujourd’hui, le principal
moteur de croissance de toute économie.
À cet égard, les organisations publiques, comme les entreprises privées, ont basculé vers ce nouveau modèle de
compétitivité. Un modèle qui tente principalement à appréhender ce capital invisible qui nécessite une gestion et un
pilotage harmonieux. Certes, plusieurs difficultés sont présentes en matière d’identification, de mesure, de pilotage, de
protection ou encore de transmission de ce type de capital. Et, l’ensemble de ces éléments-là interpellent la communauté
des chercheurs en économie et gestion. À cet effet, nous nous sommes focalisés sur le pilotage du capital immatériel qui
exige l’intervention d’un système de contrôle de gestion, non pas traditionnel, mais plutôt un système innovant capable
d’accueillir à la fois les éléments financiers, mais également l’aspect immatériel.
Nous essayerons à travers l’étude exploratoire du cas de l’Office National des Chemins de fer marocains de comprendre
comment le pilotage de la dimension immatérielle de la performance dans cet organisme public renouvelle le contrôle de
gestion. Nous expliquerons les conditions d’émergence de cette démarche innovante de pilotage ainsi que ses
implications sur le management de la performance.
Pour ce faire, nous avons combiné plusieurs techniques méthodologiques à savoir : les entretiens semi-directifs (11
responsables de l’ONCF), l’observation directe et l’analyse documentaire interne. Ainsi, pour l’analyse des différentes
informations obtenues, nous avons choisi l’analyse de contenu manuelle en suivant l’approche d’analyse horizontale.
Cette méthode nous a permis de tirer les résultats les plus pertinents qui ont été exprimés par les répondants des fois
explicitement et d’autrefois de manière implicite.
Les résultats issus de cette étude montrent que l’adoption d’un système managérial, axé sur la valorisation de
l’investissement immatériel et la mise en valeur des composantes du capital immatériel, est propice à la mise en place de
processus innovants en contrôle de gestion pour le pilotage de la performance.
Mots clés : Capital immatériel; Contrôle de gestion; Pilotage de la performance, Organisation publique, Tableau de bord
prospectif.
Classification JEL: L32, M49
Type de l’article : Recherche empirique
Abstract:
In a context characterized by high uncertainty, complexity and the need to produce quality while meeting ever-increasing
demands, the intelligence and talent of all members of an organization must be mobilized in synergy. Hence, we are
witnessing the transition from a material society and economy to a society and economy based mainly on intangible
capital, which is now the main engine of growth for any economy.
In this respect, public organizations, as well as private companies, have switched to this new model of competitiveness. A
model that mainly tries to apprehend this invisible capital that requires a harmonious management and piloting. Certainly,
several difficulties are present in terms of identification, measurement, piloting, protection or transmission of this type of
capital. All of these elements are of concern to the community of researchers in economics and management. To this end,
we have focused on the management of intangible capital, which requires the intervention of a management control
system, not a traditional one, but rather an innovative system capable of accommodating both the financial elements and
the intangible aspect.
Through an exploratory study of the case of the Moroccan National Railways Office, we will try to understand how the
management of the intangible dimension of performance in this public organization renews management control. We will
explain the conditions of the emergence of this innovative steering approach as well as its implications on performance
management.
To do this, we have opted for an exploratory case study of the Office National des Chemins de Fer by combining several
methodological techniques: semi-directive interviews, direct observation and internal documentary analysis. Thus, for the
analysis of the different information obtained, we chose the manual content analysis following the horizontal analysis
approach. This method allowed us to extract the most relevant results that were expressed by the respondents, sometimes
explicitly and sometimes implicitly.
The results of this study show that the adoption of a managerial system, focused on the valuation of intangible investment
and the development of intangible capital components, is conducive to the emergence of managerial innovations in
management control in order to enable the piloting of the intangible dimension of performance.
Keywords : Intangible capital; Management control; Performance management, Public organization, Balanced scorecard.
JEL Classification: L32, M49
Paper type: Empirical research
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1. Introduction
Aujourd’hui, le Maroc, comme d’autres pays, vise à améliorer et moderniser son secteur
public en matière de gestion et de management tout en instaurant des outils pertinents qui
étaient généralement, et pour longtemps, réservés et destinés aux entreprises du secteur
privé. L’objectif principal est de rendre les organismes publics marocains aptes à relever
les défis actuels imposés par leur environnement et à maitriser les rouages de la gestion
publique.
Parallèlement, nous assistons à l’apparition d’une nouvelle ère de l’économie, l’ère de
l’immatériel. L’ économie actuelle est devenue de plus en plus tributaire de l’innovation,
de la connaissance et du savoir. Elle se base principalement sur les activités de services et
se caractérise par l’importance de l’immatériel à la fois comme levier de création de la
valeur et comme facteur de compétitivité pour toutes les organisations (Bose et Oh, 2003).
Au Maroc, le débat sur le capital immatériel s’est intensifié, notamment après le discours
historique de Sa Majesté lors de la fête du Trône du 30 juillet 2014, ce qui a conduit vers
une évaluation de la richesse globale du pays tout en mettant au centre le capital
immatériel comme facteur de création et de répartition équitable de la richesse nationale.
Cela dit que, le Maroc est devenu conscient de l’importance que joue l’immatériel dans la
performance des organisations et du pays tout entier (Aamoum, H., & Sail.S., 2020).
Ainsi, sur le plan managérial, le concept du capital immatériel, omniprésent dans la
littérature fait l’objet d’un vaste débat étant donné que son contenu est large et entraîne des
pratiques différentes d’une organisation à l’autre, notamment en ce qui concerne son
identification, son évaluation et son pilotage. La prise en compte de l’immatériel dans le
pilotage de la performance des organisations nécessite de s’inscrire dans une approche
renouvelée du contrôle de gestion afin de créer de la valeur.
Dans cette étude de nature exploratoire, notre objectif est de cerner les conditions
d’émergence de cette nouvelle démarche de pilotage ainsi que les changements que cela
implique sur le management de la performance dans un organisme public marocain.
Ce papier commence par une revue de la littérature des concepts qui fondent notre
recherche, le capital immatériel, ses approches et ses composantes principalement humaine
et organisationnelle, ainsi que le pilotage de la performance immatérielle comme étant une
innovation managériale qui renouvelle les processus du contrôle de gestion. Ensuite, il fait
une présentation de la méthodologie employée et du cas sur lequel porte l’étude, l’office
national des chemins de fer au Maroc, ses besoins de pilotage et un descriptif de l’existant,
avant de conclure avec la discussion des résultats.
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nouvelle à travers l’investissement dans les ressources et l’apprentissage de nouveau savoir agir
pour accompagner les mutations de l’environnement ou bien les initier (adaptation ou
transformation) (St-Amant et Renard,2003).
• L’approche évolutionniste basée sur l’apprentissage et les routines
organisationnelles
L’approche évolutionniste a été couronnée par les travaux de Nelson et Winter en 1982 et enrichie
par les contributions de plusieurs autres auteurs tels que Dosi, Teece et Winter en 1990 et Dosi et
Alii en 1988.
Les évolutionnistes passent un message simple qui dit que la performance d’une entreprise se
distingue d’une autre par la qualité intrinsèque de ses facteurs de production, et surtout par la
manière dont elle les met en œuvre. Cette coordination dépend largement des savoir-faire et des
compétences organisationnelles dont dispose une entreprise.
En effet, la valeur, la qualité et la pérennité d’une organisation s’appuient sur sa faculté à maitriser
ses apprentissages et ses routines fortement rattachées à la mise en place des procédures
organisationnelles (Nelson et Winter,1982).
• Management de la connaissance
À partir des années 90, un nouveau courant fait apparaître avec ses deux fondateurs Nonaka et
Takeuchi appelé « The Knowledge Based Economy ». Ces auteurs soulignent l’importance du
savoir dans la nouvelle ère de l’économie qui constitue pour eux un facteur rare et une source de
compétitivité surtout dans un tel contexte où l’information devient abondante. Le savoir et la
connaissance sont des ressources stratégiques.
La firme est considérée ici comme un système évolutif et autonome de production, d’application de
connaissance (Drucker, 2001), de circulation et d’échange du savoir qui nécessite une certaine
interaction entre les individus et le groupe ce qui affecte sans cesse la consommation, les sources
de la croissance et de la compétitivité, les modes d’organisation et de management de l’entreprise,
le processus de construction des compétences et d’acquisition de qualifications nouvelles pour le
capital humain. En effet, la priorité d’une entreprise est de maximiser la valeur des connaissances
construites afin de développer et de renforcer son potentiel de performance (Germon,2013).
En ce qui concerne le Knowledge Management , Mouritsen et Larsen (2005) précisent qu’il existe
deux vagues du Knowledge Management et l’information du capital immatériel représente la
seconde vague. L’objectif principal de cette deuxième vague diffère du sens de Nonaka qui
considère la connaissance comme ce que possède l’individu. Certes, les connaissances tacites des
individus représentent les fondements de toutes les connaissances, mais plusieurs études ont intégré
l’importance du capital organisationnel, du capital social et du capital clientèle dans le Knowledge
Management. Et donc, leur importance dans la production et la création de valeur, tout en
cherchant à faire interagir les connaissances des employés avec d’autres employés, avec les
technologies et les processus d’un côté et les relations avec les clients de l’autre côté.
Nous pouvons déduire l'importance du rôle stratégique des connaissances qui mène les chercheurs
et les professionnels à définir des concepts, des approches, et des méthodes pour pouvoir identifier
et manager le capital immatériel. Les pratiques du Knowledge Management représentent des
moyens qui permettent aux organisations de maintenir et de développer les actifs liés aux
connaissances dans l'organisation.
2.1.2. Définitions et décompositions du capital immatériel
Il n'existe pas une définition du capital immatériel qui fasse l'unanimité parmi la diversité
des acteurs qui le traite avec un intérêt particulier , à savoir les investisseurs, les
organismes comptables, les universitaires et les consultants. Certains parlent du capital
immatériel, alors que d'autres préfèrent employer le terme « capital intellectuel » ou «
capital intangible » ou d’autres termes. La définition du concept fait ainsi appel à de
nombreux termes tel qu’immatériel, intangible ou intellectuel qu’à l’instar de Pierrat
(2009) nous les considérerons comme étant synonymes. Le tableau suivant représente
quelques définitions des auteurs sur le capital immatériel, selon l’approche stratégique.
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L’instrumentation du contrôle de gestion représente une opportunité inédite pour mener ces
réformes aux fins escomptées, développer des actifs matériels et surtout immatériels et
maitriser les rouages de management du secteur public. D’ailleurs, Demeestère a pu
démontrer en 2005 que, parmi les raisons d’être du contrôle de gestion dans le contexte
public, il y a la contrainte de l'utilisation optimale des ressources allouées, la question
d'évaluation de la qualité du service rendu au citoyen, la simplification des procédures, la
maîtrise des délais, la réduction des coûts, l’évaluation des résultats et de la performance,
la responsabilisation des services, répondre au besoin d'adaptation de l'organisation aux
évolutions de l'environnement et en dernier lieu, la maîtrise du capital immatériel,
accompagnée du renforcement de l'apprentissage organisationnel (le retour d’expérience
collectif).
Par conséquent, afin de faire face aux rouages du management que connaît le secteur
public et pouvoir maîtriser son capital immatériel, plusieurs changements dans les
systèmes de contrôle de gestion s’imposent. En effet, un ensemble d’outils du contrôle de
gestion innovants ont été développés pour fournir aux responsables l’information
pertinente en temps utile. Parmi ces innovations majeures, nous trouverons le Balanced
Scorecard (Kaplan & Norton, 1992) : outil pertinent et bien utile dans l’organisation
publique lui permettant d’évaluer sa performance financière et non financière (Moumene et
Benhrimida, 2017).
Le Balanced scorecard est un modèle de tableau de bord multidimensionnel développé aux
États-Unis par Kaplan et Norton en 1992. C’est un modèle qui répond aux critiques faites
aux tableaux de bord traditionnels qui sont considérés comme des outils fortement orientés
sur l’évaluation des performances essentiellement financières et à court terme. Leurs
travaux montrent que la performance doit être liée à la notion de pilotage stratégique. Le
pilotage stratégique est la mise à la disposition de la direction de l’entreprise d’un nombre
d’indicateurs variés (financiers et non financiers, à court terme et à long terme), regroupés
sous la forme d’un tableau de bord, de façon à aider les dirigeants dans leur prise de
décision stratégique et vise par conséquent un horizon relativement à long terme.
Le tableau de bord prospectif n’essaie pas d’estimer la valeur des biens immatériels, il
fournit un nouveau cadre pour décrire la stratégie d’une organisation en reliant les actifs
immatériels et matériels dans les activités créatrices de valeur.
Le Balanced scorecard contient quatre axes, financiers et non financiers que nous pouvons
les présenter comme suit :
Fig. 2. Balanced Scorecard
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elle-même dépendant de la bonne organisation des processus internes, qui reposent quant à
eux sur une motivation suffisante des acteurs et des systèmes d’information performants.
Ce qui montre l’interaction entre les différents éléments constituant le capital immatériel
des organisations.
Fig. 3. La chaîne de causalité au sein du Balanced Scorecard
3.Méthodologie de recherche
3.1. Déroulement de l’étude
L’aspect théorique de notre travail a été complété par une étude qualitative exploratoire du
cas de l’ONCF. Cette étude nous parait comme un moyen pertinent permettant de
répondre à nos questions de recherche. En effet, cette méthodologie retrouve tout son sens
et son utilité «lorsque les questions comment et pourquoi se posent, quand le chercheur n’a
que peu de contrôle sur les événements, et lorsque le centre d’intérêt porte sur un
phénomène contemporain au sein d’un contexte social réel » (Yin R.K, 1990). Ainsi,
l’exploration donne la possibilité d’identifier pourquoi et comment les variables sont liées
les unes aux autres.
Nous avons pour cela, tout au long de notre intervention au sein de la Direction Régionale
Infrastructure et Circulation Nord, considérée comme un service de production de la
valeur, procédé en combinant plusieurs techniques méthodologiques :
L’observation directe non participante qui consistait essentiellement, en
l’observation des acteurs en action, l’observation du processus de contrôle de
gestion afin d’identifier les éléments de l’immatériel, à savoir le capital humain
et structurel, ainsi que les différents outils de pilotage utilisés.
Les Entretiens semi directifs (11 entretiens), auprès des responsables, en se
basant sur un guide d’entretien préalablement établi (voir annexe, Tableau1).
Notre guide a été structuré en axes comme suit :
- Axe 1 : Informations générales
- Axe 2 : Objectifs stratégiques
- Axe 3 : management et organisation
- Axe 4 : inventaire des composantes du capital immatériel
- Axe 5 : contrôle de gestion et pilotage de la performance
immatérielle
Et, l’analyse documentaire interne (analyse des directives, des rapports…).
Concernant le choix des répondants, nous avons opté pour la méthode d’échantillonnage
non probabiliste. Nous avons donc interrogé les responsables accessibles au sein de la
Direction Régionale Infrastructure et Circulation Nord.
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de la stratégie jusqu’au niveau opérationnel et qui se focalise sur le capital humain, les
procédures et processus, le côté financier et tout ce qui est culture et environnement ».
Les orientations stratégiques de l’ONCF sont traduites en plans d’action et objectifs
suivant quatre axes qui constituent les principaux enjeux du SMS et qu’il faut bien gérer et
piloter : la dimension humaine (formations, expériences, aptitudes…), la dimension
organisationnelle (règles et procédures…), la dimension sociale (culture…) et la dimension
financière. Le trois quarts de ces dimensions relève du capital immatériel. Ainsi, d’après
Birkinshaw (2008) qui définit l’innovation managériale comme étant la « génération et
implémentation de pratiques, procédés, structures, et techniques nouvelles et destinés á
permettre l’atteinte des objectifs organisationnels », nous envisageons les innovations
managériales dans les processus de contrôle de gestion. En effet, pour l’ONCF, le pilotage
de la performance immatérielle implique un renouvellement d’approche puisqu’il entraine
des changements de différentes natures, à savoir : la modification de systèmes existants, la
conception et la mise en service de nouveaux systèmes managériaux, le renouvellement du
contrôle de gestion en termes de processus et outils ainsi que l’instauration de nouveaux
indicateurs servant au pilotage des composantes du capital immatériel.
De grandes implications organisationnelles ont touché le système de contrôle de gestion. Il
est passé d’un contrôle à postériori (contrôle des résultats) vers un contrôle à priori, au vif
et à postériori et est aujourd’hui présent donc sous une approche proactive. Ce contrôle
s’effectue à trois niveaux (contrôle effectué par le chef de district ( KN1), contrôle par le
chef de section (KN2) et contrôle par le chef d’arrondissement (KN3) avec l’obligation de
rendre compte.
L’office s’appuie sur un pilotage systémique qui suppose la mise en place des instances de
pilotage réparties en deux catégories : instance de pilotage transverse (inter pôles, au
niveau central ou régional) et instance de pilotage verticale au niveau central ou régional.
Ainsi, le processus de fonctionnement de ces instances passe par trois étapes : planification
– tenue des réunions et rendre compte des résultats ou de l’avancement – décisions et
actions.
Pour faire face aux incidents et aux écarts soulevés, le système de contrôle de gestion peut
intervenir en modifiant et améliorant les plans d’action, en améliorant les règles,
procédures, processus ou pratiques et/ou redéfinissant les objectifs eux-mêmes. En effet,
l’efficacité du système de contrôle de gestion de cet organisme s’évalue par la capacité
d’apprentissage qu’il fournit aux collaborateurs. Ce contrôle doit être mené principalement
pour un but éducatif. C’est ainsi que, le responsable du Service Contrôle de gestion a
précisé que « Le personnel doit être informé des actions prévues ou entreprises pour
remédier aux problèmes de sécurité mis en lumière : information et feedback ».
Le système de contrôle de gestion de l’ONCF est un système de veille et d’anticipation de
manière continue, permanente et dynamique qui mobilise plusieurs outils de pilotage tels
que la comptabilité générale spéciale de l’office, la comptabilité analytique, les reportings ,
le système de planification budgétaire ainsi que les tableaux de bord.
L’utilisation des tableaux de bord au sein de l’ONCF est très récente. Ce sont ces tableaux
de bord qui ont permis d’innover en contrôle de gestion, en termes d’outils, suite à la
focalisation de l’office sur le pilotage de la dimension immatérielle de la performance. Ils
comportent un ensemble d’indicateurs, organisés en système, suivi par un responsable pour
aider à décider, à coordonner, à contrôler les actions. Sont utilisés les tableaux de bord de
suivi (opérationnels), les tableaux de bord de résultats et les tableaux de bord de
performance (généralement au niveau central).
Selon les responsables de l’office, les tableaux de bord sont d’une grande utilité puisqu’ils
permettent d’anticiper les risques, de suivre l’action, d’évaluer, de diagnostiquer, de
contrôler les résultats, de favoriser l’échange entre les niveaux hiérarchiques et ainsi
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5.Conclusion
La majorité des économies transitent progressivement vers des modèles économiques basés
sur la richesse abstraite et non concrète. L’avantage compétitif réside, aujourd’hui, dans le
capital immatériel et à son rôle dans la création de valeur par la capacité à innover, à créer
des concepts et à produire des idées. Donc, au niveau de la partie théorique de notre article,
nous avons essayé de valoriser ce type du capital en expliquant son rôle, ses approches
fondatrices et ses composantes qui sont rattachées l’une à l’autre.
Dans un deuxième volet théorique, nous avons montré, le poids économique du secteur
public et comment le Maroc veut en faire un secteur moderne capable de renforcer la
performance de sa gestion, et ce en fixant des objectifs, des programmes et des plans, et en
mobilisant les moyens de leur mise en œuvre. Ainsi, pour accompagner ces changements
structurels et organisationnels, tout en tenant compte de l’importance du capital
immatériel, les gestionnaires ont tendance à se faire outiller par des dispositifs de gestion
modernes, les aidant ainsi à améliorer la performance publique.
Ceci nous a permis de conclure qu’en effet, la performance publique ne dépend plus
uniquement de l’aspect financier , c’est-à-dire la maîtrise des coûts, mais elle s’est élargie
vers une performance plus globale en intégrant le financier et l’immatériel. Cet
élargissement de la performance est dû à la multiplication des contraintes liées à des
aspects immatériels tels que la qualité du service rendu, la maîtrise de délais et la
simplification des procédures. Ceci fait appel, en l’occurrence du pilotage du capital
financier, au pilotage du capital organisationnel et capital humain.
C'est dans cette perspective que la contribution du pilotage du capital immatériel au
renouvellement du contrôle de gestion revêt un intérêt capital pour l’atteinte de la
performance au sein de secteur public marocain. Par ce renouvellement, le contrôle de
gestion se trouve au cœur du processus de suivi de la performance et contribue ainsi à son
amélioration en se concentrant sur les points essentiels du quotidien des unités(des moyens
alloués, des activités réalisées et des services rendus). Il se permet de s'étendre, ainsi, à
l'ensemble des entités et se concrétise par des échanges de directives, de tableaux de bord
et de compte rendu entre les différents niveaux hiérarchiques.
Toutefois, plusieurs auteurs confirment que le contrôle de gestion est un vecteur tacite ou
un catalyseur de la pérennité organisationnelle, en faisant partager par l'ensemble des
acteurs appartenant à l'organisation contrôlée les éléments de la performance qui fondent
cette pérennité. Ces éléments de performance qui ne sont plus rattachés qu’à la seule
dimension financière, mais qui sont élargis vers la dimension globale qui intègre le capital
financier aussi bien que le capital immatériel.
En ce qui concerne la partie empirique, nous avons commencé par l’explication de la
méthodologie poursuivie tout en justifiant notre choix du terrain d’étude et des outils
mobilisés . Ensuite, nous avons pu faire une description de l’office tout en tenant compte
des variables étudiées. En effet, à travers l’étude du cas de l’Office Nationale des Chemins
de fer, nous avons pu confirmer nos résultats déduits de la théorie. L’intégration de la
dimension immatérielle à travers l’instauration du Système de management de la sécurité
avait plusieurs implications organisationnelles et managériales notamment en matière du
contrôle de gestion. Le contrôle de gestion de l’office s’est trouvé dans l’obligation de se
renouveler afin d’accompagner et piloter le capital immatériel. Ce renouvellement a porté
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sur le processus, c’est-à-dire coté managériale du contrôle de gestion ainsi que sur les
outils mobilisés, ou en d’autres termes le volet instrumental.
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ISSN: 2658-8455
Volume 3, Issue 4-3 (2022), pp.587-607.
© Authors: CC BY-NC-ND
(66) Yin R.K., 1990, «Case study research: DESIGN and Methods»,California, Sage
Publications
Annexes :
Tableau 1 : Liste des acteurs interviewés et leur fonction
Nom Fonction Ville
1 Chef du Service Comptabilité Analytique et Suivi de la Rabat
Performance
2 Chef du Service Gestion Budgétaire Rabat
3 Responsable du Service Organisation et Knowledge Rabat
Management
4 Responsable des Ressources Humaines Rabat
5 Responsable de l’Élaboration et Suivi du Budget Meknès
6 Contrôleur de gestion Meknès
7 Chef de Service des Ressources Humaines Meknès
8 Chef de Service sécurisation des passages à niveau (ponts) Meknès
9 Responsable Cellule Signalisation et Telecom Meknès
10 Chef de Section Circulation (Sécurité de circulation) Fès
11 Chef de Section de la Maintenance des installations fixes Fès
(Voies, signalisation, catenaires, sous-stations, bâtiments)
Source : Élaboré par nos propres soins
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