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Commentaire

La chasse, p. 9-10, La Vraie Vie, Adeline Dieudonné, 2018.


À la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère Gilles, celle de mes
parents et celle des cadavres.
Des daguets, des sangliers, des cerfs. Et puis des têtes d'antilopes, de toutes les sortes et de toutes
les tailles, springboks, impalas, gnous, oryx, kobus.. Quelques zèbres amputés du corps. Sur une estrade,
un lion entier, les crocs serrés autour du cou d'une petite gazelle.
Et dans un coin, il y avait la hyène.
Tout empaillée qu'elle était, elle vivait, j'en étais certaine, et elle se délectait de l'effroi qu'elle
provoquait dans chaque regard qui rencontrait le sien. Au mur, dans des cadres, mon père posait, fier,
son fusil à la main, sur des animaux morts. Il avait toujours la même pose, un pied sur la bête, un poing
sur la hanche et l'autre main qui brandissait l'arme en signe de victoire, ce qui le faisait davantage
ressembler à un milicien rebelle shooté à l'adrénaline du génocide qu'à un père de famille.
La pièce maîtresse de sa collection, sa plus grande fierté, c'était une défense d'éléphant. Un soir, je
l'avais entendu raconter à ma mère que ce qui avait été le plus difficile, ça n'avait pas été de tuer
l'éléphant. Non. Tuer la bête était aussi simple que d'abattre une vache dans un couloir de métro. La
vraie difficulté avait consisté à entrer en contact avec les braconniers et à échapper à la surveillance des
gardes de chasse. Et puis prélever les défenses sur la carcasse encore chaude. C'était une sacrée
boucherie. Tout ça lui avait coûté une petite fortune. Je crois que c'est pour ça qu'il était si fier de son
trophée. C'était tellement cher de tuer un éléphant qu'il avait dû partager les frais avec un autre type. Ils
étaient repartis chacun avec une défense.

CONSIGNES

Pour ce travail, imaginons que vous avez déjà relevé les procédés et les avez interprétés ; ils se
trouvent sur la page suivante.

Vous devez maintenant les organiser et proposer des sous-parties répondant aux parties suivantes :

I. Une enfance macabre


II. Portrait repoussant d’un père de famille assassin

On attend trois sous-parties équilibrées (environs deux à cinq procédés interprétés pour chacune
d’elles) par partie.

PROCÉDÉS INTERPRÉTÉS
I. Une enfance macabre
II. Portrait repoussant d’un père de famille assassin

Présence du « je » => met l’accent sur le point de vue de la jeune adolescente, regard biographique sur
une mais d’enfance
Imparfait descriptif « il y avait », « elle était », « elle provoquait », etc. => C’est vraisemblablement un
passage descriptif.
Parallélisme « il y avait » => Description presque enfantine des lieux
Champ lexical de l’enfance et de la famille : « chambre », « mon petit frère Gilles », « mon père », « un
père de famille », « ma mère » => Ces termes posent le cadre, et introduisent une ambiance qui devrait être
douce et agréable : c’est une maison d’enfance.
Enumération des chambres => Puisqu’il sont sur le même plan que les humains, les trophées semblent
aussi importants qu’eux. Une pièce dédiée aux cadavres, cela ne peut que terrifier...
Description des différents trophées : « zèbres amputés du corps », « un lion entier », « une petite
gazelle » => Les adjectifs suscitent l’attendrissement ou l’effroi ; c’est une description à la fois riche et
macabre.
Enumération des bêtes : « Des daguets, des sangliers, des cerfs. Et puis des têtes d'antilopes, de toutes
les sortes et de toutes les tailles, springboks, impalas, gnous, oryx, kobus.. » => Montre la grande quantité
et diversité d’animaux abattus
Champ lexical des trophées et de la mort : « cadavres », « têtes », « amputés », « fusil », « arme »,
« carcasse », « braconnier », etc. => Colore le texte d’une noirceur effrayante ; la pièce est teintée par la
mort.
Euphémisme « zèbres amputés du corps » => Image glauque (on est amputé d’un membre,
d’ordinaire…) qui met l’accent sur la dimension effrayante du lieu.
Parallélisme « de toutes » : de toutes les sortes et de toutes les tailles => Montre le grand nombre de
bêtes mortes.
Mise à part de la phrase simple « Et dans un coin, il y avait la hyène. » + CCL « dans un coin » => Cela
mime la place de la créature dans la pièce, et nous plonge pleinement dans une atmosphère qui fait froid
dans le dos.
Antithèse « empaillée » / « vivait » => Aberration ; on croirait que la hyène est morte-vivante.
Antithèse « délectait » / « effroi » => Cela rappelle la cruauté du père, incarné ici par la hyène.
Comparaison du père à « un milicien rebelle shooté à l'adrénaline du génocide » + comparatif
« davantage […] qu’à un père de famille » => Le père est quasiment déshumanisé, il ne correspond pas au
cliché du bon père de famille aimant et rassurant. Il est même tout le contraire !
Répétition « tuer » => Obsession pour la mort et le meurtre
Ironie du terme « défense » => En réalité, cet animal n’a aucune chance face à des fusils de chasseur...
Discours indirect libre : « ce qui avait été le plus difficile, ça n'avait pas été de tuer l'éléphant. Non. Tuer la
bête était aussi simple que d'abattre une vache dans un couloir de métro. La vraie difficulté avait consisté à
entrer en contact avec les braconniers et à échapper à la surveillance des gardes de chasse. Et puis prélever
les défenses sur la carcasse encore chaude. C'était une sacrée boucherie. Tout ça lui avait coûté une petite
fortune. » => On ressent le récit enflammé du père meurtrier, sa passion pour la chasse et le meurtre
Comparaison basée sur un comparatif : « Tuer la bête était aussi simple que d'abattre une vache dans un
couloir de métro. » => On note la simplicité du meurtre : pas de combat. C’est une critique de la chasse
cruelle et déséquilibrée
Métaphore « C'était une sacrée boucherie » / hyperbole => Accentue la dimension sanglante de la scène
Champ lexical argent + oxymore « petite fortune » => Le coût semble plus inquiéter le père que le
meurtre lui-même...
Polyptote de la fierté : « fier », « fierté », « fier » => Le père semble revendiquer son attitude meurtrière,
en tirer de l’orgueil
Parallélisme + antithèses « à entrer en contact avec les braconniers et à échapper à la surveillance des
gardes de chasse. » => Met en lumière l’immoralité du père, qui enfreint les lois pour tuer
Champ lexical de la guerre : cadavres, génocide, arme, victoire, milicien => Image d’un homme en guerre
contre les bêtes et la nature

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