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Assommoir texte 9

Le Naturalisme est un mouvement littéraire de la seconde moitié du XIXème siècle


dont le chef de file est Émile Zola. Le Naturalisme s’inscrit dans le prolongement du
Réalisme en gardant les mêmes idées que ce dernier, c’est-à-dire représenter la
réalité de la façon la plus fidèle possible, mais en y ajoutant une dimension
scientifique grâce à un travail minutieux de documentation. Le Naturalisme narre
souvent la vie de personnages modeste et appartenant à la classe ouvrière. C’est
dans ce contexte qu’en 1877 parait L’Assommoir écrit par Emile Zola. Le 7ème
volume des Rougon-Macquart relate l’histoire de Gervaise, une jeune femme issue
d’un milieu modeste qui se marie et qui peu à peu arrive à sortir de la misère. Ces
beaux jours sont de courte durée car Gervaise retombe dans la misère à cause de
l’alcool et finit par mourir de faim et de froid. L’extrait que nous allons étudier est
l’excipit du roman. C’est dans cette scène que Gervaise décède.
LECTURE DU TEXTE
Nous pouvons donc nous demander comment la mort et l’oraison funèbre de
Gervaise lui fait perdre son humanité.
Nous étudierons d’abord la mort tragique et inhumaine de Gervaise jusqu’à la ligne
17 puis nous analyserons la cérémonie funèbre peu solennel de Gervaise.

L. 1 “Gervaise dura ainsi pendant des mois”+ L. 2 “mourait un peu de faim tous les
jours” --> la mort de Gervaise est lente et inéluctable. Elle meurt dans la misère sans
avoir de quoi se nourrir.
L. 2 “un peu de faim” + L. 2-3 “quatre sous” + L. 5 “gagner dix sous” --> champ lexical
de la pauvreté. Gervaise ne possède rien et est prête à tout pour pouvoir gagner de
quoi se nourrir.
L.3 “sales” + L.4 “dégoûtant” --> champ lexical de la saleté. Gervaise ne meurt pas
seulement dans la misère, elle meurt également dans la saleté.
L.6 “chambre du sixième” à “sous l’escalier” --> ce mouvement vertical symbolise la
descente sociale de Gervaise. Cela renforce l’idée d’une mort qui se fait petit à petit
et qui semble interminable.
L.7 et 8 “niche” + L.8 “vieille paille” + L.9 “bec” --> champ lexical de l’animal.
Gervaise est animalisée. Elle est comparée à un chien et un oiseau. Gervaise perd
toute son humanité.
L.11-12 “La mort devait la prendre petit à petit, morceau par morceau, en la trainant
ainsi jusqu’au bout” --> l’emploi du verbe “devoir” traduit l’inéluctabilité de la mort de
Gervaise. La mort de Gervaise est lente comme en témoigne les termes “ petit à
petit”, “morceau par morceau” et “jusqu’au bout”. La personnification de la mort fait
que Gervaise semble peu à peu démembrée, la mort de Gervaise est donc
inhumaine.
L. 13-14 “Même on ne sut jamais de quoi elle était morte. On parla d’un froid et
chaud.” --> la société est indifférente à l’égard de la mort de Gervaise. Il ne lui
accorde aucune importance. L’antithèse entre les termes “froid” et “chaud” insiste sur
le fait que la façon dont elle morte importe peu et qu’on ne cherchera pas à la
connaitre.
L.14 “misère” + “ordures” --> ces termes confirment la pauvreté et la saleté dans
lesquelles Gervaise meurt.
L. 15 “Elle creva d’avachissement, selon le mot des Lorilleux” --> L’emploie du verbe
“crever” traduit l’indifférence des Lorilleux à l’égard de la mort de leur belle-fille. Dans
le terme “avachissement” on entend le terme “vache”, Gervaise est déshumanisée,
elle est semblable à un animal.
L.15-16-17 “Un matin, comme ça sentait mauvais dans le corridor, on se rappela
qu’on ne l’avait pas vue depuis deux jours ; et on la découvrit déjà verte, dans sa
niche.” --> La société est indifférente. La mort de Gervaise n’est qu’un fait d’hiver.
L’adjectif qualificatif “verte” traduit l’état sordide dans lequel est Gervaise. On
retrouve de nouveau la présence du mot “niche” qui insiste sur la déshumanisation
de Gervaise. L’utilisation du pronom indéfini “on” traduit encore une fois l’indifférence
de la société.

En somme, Gervaise meurt dans la misère et l’indifférence de tous. Elle est


déshumanisée et comparée à un animal. La mort de Gervaise était inéluctable et très
lente. L’oraison funèbre semble également être irrespectueuse envers Gervaise.

L. 1ç “emballer” --> Après avoir été animalisée, Gervaise est considérée comme un
objet. On n’accorde que très peu d’importance à Gervaise.
L. 19-20 “Il était encore joliment soûl, ce jour-là, mais bon zig tout de même, et gai
comme un pinson.” --> On constate la présence du champ lexical de la gaieté avec
les termes “joliment soûl” et “gai comme un pinson”. Le comportement du père
Bazouge est irrespectueux, non solennel et en décalage avec la situation.
L. 22-26 “Tout le monde y passe… On n’a pas besoin de se bousculer, il y a de la
place pour tout le monde… Et c’est bête d’être pressé, parce qu’on arrive moins
vite… Moi, je ne demande pas mieux que de faire plaisir. Les uns veulent, les autres
ne veulent pas. Arrangez un peu ça, pour voir… En v’la une qui ne voulait pas, puis
elle a voulu. Alors, on l’a fait attendre… Enfin, ça y est, et, vrai ! elle l’a gagné !
Allons-y gaiement !” --> Les prétendues réflexions philosophiques sont dépourvues
de sens. Le père Bazouge emploie un ton ironique ce qui fait perdre de nouveau à la
cérémonie sa solennelité. Le discours est rythmé à cause des points d’exclamation
et des connecteurs entre les phrases notamment “en v’la”, “alors” et “enfin”. Ce
discours aurait dû être lent, triste et calme. Il y a une rupture entre la mort de
Gervaise et son enterrement.
L.27-28 “lorsqu’il empoigna Gervaise dans ses grosses mains noires, il fut pris d’une
tendresse” --> L’antithèse entre “grosses mains noires” et “tendresse” témoigne du
non-sens de cette cérémonie mais également de la rupture entre la tristesse du
début de cette extrait avec la mort inhumaine de Gervaise et la cérémonie funèbre
qui est en décalage avec la situation.
L.28 “il souleva doucement cette femme, qui avait eu un si long béguin pour lui.” -->
L’auteur Emile Zola est pris de pitié par son personnage et souhaite lui faire de
dignes adieux. Il est attendri comme en témoigne l’adverbe “doucement” et est
délicat avec ce personnage qu’il apprécie. On peut même constater la présence d’un
mot du champ lexical de l’amour : “béguin”. Par ailleurs, pour la première fois,
Gervaise n’est plus considérée comme un animal ou un objet, elle retrouve son
humanité à travers le terme “femme”.
L.29 ”au fond de la bière”--> L’auteur utilise le terme “bière” en écho à la source de
ses problèmes qui est l’alcool. La solennité de la cérémonie semblait se mettre en
place mais est finalement rapidement brisé par ce jeu de mot.
L. 29 “avec un soin paternel” --> Zola, à travers Bibi-la-Gaieté, montre son
attachement pour Gervaise. Il en va même à la considérer comme sa fille.
L. 29-30 “entre deux hoquets” --> Encore une fois, Zola fait revenir le sujet de
l’alcool. Le père Bazouge est ivre et son comportement est donc irrespectueux
envers Gervaise.
L.31-32 “Tu sais… écoute bien… c’est moi, Bibi-la-Gaieté, dit le consolateur des
dames… Va, t’es heureuse. Fais dodo, ma belle !” --> Pour la première fois depuis le
début de l’extrait, on s’adresse à Gervaise. Les points de suspension traduisent la
sincérité des paroles. L’euphémisme des dernières paroles “Fais dodo, ma
belle !”sont comme un aurevoir. Cet excipit permet à Zola de faire ses adieux à
Gervaise.

En définitive, la mort de Gervaise est inhumaine et fait d’elle un animal. Zola, auteur
naturaliste nous dévoile le destin tragique de Gervaise. Le lecteur pourrait s’attendre
à une cérémonie digne et humaine mais le père Bazouge a un comportement
irrespectueux et non solennel. Mais ce roman se termine par les adieux de l’auteur
qui rend à Gervaise une partie de son humanité. Cet excipit est donc contrasté entre
une mort et un enterrement inhumains et les dernières paroles du père Bazouge.
Toutefois, bien que cet excipit soit une scène d’adieu à Gervaise, Zola va retrouver
des personnages proches d’elle comme son fils Etienne Lantier dans Germinal.

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