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Dissertation Analyse de spectacle

Introduction: Le spectacle Le baiser comme une première Chute, mis en scène par Anne Barbot
pour la saison 21-22 du TGP, est une adaptation du roman l'Assommoir de Zola. C’est un roman
dramatique qui nous dépeint la chute d’un couple, d’une vie amoureuse à cause de la descente aux
enfers liée à l'alcool. Vrai critique de l'alcoolisme, le livre comme le spectacle touche aux sentiments
des personnages, on les voit évoluer et changer brusquement…. Zola, connu pour ses livres à
l’ambiance sombre, à inspirer Anne Barbot l’envie de faire un spectacle intime, beau et dur, qui nous
transporte, et nous ouvre le yeux. Ce spectacle à demandé un travail acharné, une réécriture
importante pour passer dans le cadre du spectacle vivant; un travail sur l'œuvre dramatique, du
paradis à l’enfer; et des recherches poussées pour une compréhension des enjeux scéniques et
théâtraux.
Le spectacle reprend les thématique et enjeux du roman, tout en redessinant les courbes par une
adaptation forte de sens et pleine de vie. On découvre une femme triste et seul, qui vit pour ses
enfants, elle est le symbole de la pureté. Elle rencontre un homme qui l’accepte tel qu’elle est, et qui
lui voue un amour sans faille. Mais l’histoire est voué à changer, cet ouvrier à la vie dure et tombe peu
à peu dans une démence, sa solution sera alors l’alcoolisme, lui permettant d’être heureux et
d’oublier ses problèmes. Le couple, désormais 3 via l’apparition de leur fille, va alors passer à travers
les mille phases de l’alcoolisme. D’un début heureux et chancelant, en pensant par l’extase et
l’euphorie, jusqu’à la tristesse, la colère, la haine et la folie; l’histoire est une longue descente aux
enfers, une ôde à la destruction du corps et de l’esprit…
C’est comme cela que Zola à imaginé son texte, mais qu’en est-il de son écriture?

Par quels moyens Le Baiser comme une première Chute a su rester fidèle à l’écriture de
Zola, tout en créant une œuvre moderne, cohérente et puissante?

I-De l’écriture descriptive de Zola, au spectacle vivant.

1-L’Assommoir, d’Emile Zola.


Roman sorti en 1877, l’ouvrage est consacré à parler du monde ouvrier, selon Zola c’est “le premier
roman sur le peuple, qui ne ment pas et qui ait l'odeur du peuple”. On y parle des difficultés de ce
monde avec froideur, les ravages de l’alcoolisme, la tristesse de la misère, l’enfermement dans une
case sociale et toutes les dures épreuves pour s’en sortir. Jugé trop cru, ce livre se fait critiqué, mais
c’est son choix du naturalisme qui lui donne toute sa profondeur, et qui causa son succès.
On nous présente Gervaise, mère miséreuse abandonnée par son mari infidèle, qui doit trouver du
travail afin de nourrir ses enfants. Elle devient blanchisseuse, et tente de s’extirper de sa classe
sociale en devenant patronne. Elle rencontre Coupeau, un ouvrier qui va la convaincre de lui donner
sa main. Ensemble, les personnages vont grandir, vieillir, évoluer, et finir par se détruire l’un l’autre.
Le principe du Roman est de passer du bien au mal, du propre au sale, du bon au mauvais, on peut
même dire, Du Paradis à l’Enfer.
Le spectacle n’a pas voulu dénaturer ces propos, et les thématiques ont d'ailleurs été abordées avec
précision , en regardant le spectacle, on voit tous les sentiments, les émotions que Zola à voulu écrire
dans son texte. Mais cela reste un texte de Zola… Comment faire pour le montrer sur scène?

2-Du descriptif à l’actif, le rôle de la troupe.


La réécriture du texte à été fondamentale pour le spectacle, le texte de Zola en lui même décrit ce
qu’il se passe, mais Anne Barbot nous l’a bien dit “je ne veux pas d’un spectacle narré, je veux du
vivant!”. Plusieurs séquences ont été coupés, ajoutés, changés, développés afin d’avoir un rendu
cohérent avec l'œuvre et les objectifs du théâtre. Par exemple changer les formules passive en scène
active, enlever les deux premiers enfants de Gervaise, ajouter un monologue à Coupeau pour qu’il
exprime ses sentiments envers les patrons etc. Un grand travail sur le rythme à été nécessaire et les
comédiens nous ont avoué avoir fait de nombreuses séances sur différentes thématiques afin de
cerner leurs personnages, changer le texte pour en améliorer le propos, créer une cohérence et une
tension qui s’enchaine…
Effectivement après un grand travail d’écriture c’est par le jeu, les improvisations et la répétition que
le spectacle s'est vraiment développé. En choisissant de laisser libre court à l’expression des
comédiens, ils ont réussi à rendre ce texte d’autant plus vivant. La dramaturge, la metteuse en scène,
et même toute la troupe ont pu développer le spectacle ensemble et lui ajouter ce côté réel et
profond.

3-Le dramatisme comme point d’accroche.


Il y a tout de même des points de divergence avec l'Assommoir, par exemple la scène est immuable,
quand les personnages sortent on comprend qu’ils sont ailleurs mais pas où ils sont, on le comprend
uniquement sur la scène, soit avant soit après leur retour. L’ailleurs n’existe pas vraiment.
Par contre là où le spectacle garde son sens par rapport au texte, c’est dans le sens du dramatisme.
La scène est intime, on suit les personnages chez eux, l’ailleurs n’a de sens que là. Et il permet de
développer l’histoire par ces récits; blessure de Coupeau, début de l’alcoolisme, évolution du
personnage d’Anna, tromperie de Gervaise etc. Le dramatisme est montré à travers l’évolution des
personnages, de leurs relations, de la dégradation des sentiments et de la santé mentale. On voit les
personnages dans leurs appartement, comme au plus proche de leur sincérité, loin d’une image
idéale qu’il pourrait dégager ailleurs, ils sont ici cru.
La scène elle-même subit la dégradation de l’histoire, le dramatisme s’étend jusqu’à l’univers et
l’ambiance. Les jeux de lumières qui font évoluer la pression mise sur les personnages, la musique
idyllique qui devient folle petit à petit, jusqu’à être en phase avec la destructuration totale de tout ce
que le spectacle à créé… Et même le titre Le Baiser comme une première Chute me conforte dans
cette idée du dramatisme poussé à l'extrême.

II-Une œuvre dramatique, du Paradis à l’Enfer.

1-Plus qu’une oeuvre, un tableau en perpétuelle reconstruction/déconstruction


Le spectacle prend son temps pour installer une ambiance, pendant de longues minutes on comprend
les personnages, leurs envies, leurs peurs, leurs troubles. Cette introduction nous montre le décor, le
développement se fait par l’évolution permanente de cette structure de base. De personnages
heureux.., on passe en un hurlement à une tension pleine de sens, suivi d’un monologue plein de
dureté et de profondeur, menant inexorablement vers un changement de ton qui ne va que croître.
L’alcoolisme naissant de Coupeau initie une joie montante qui ne pourra que s’écrouler…
L’évolution des personnages se fait à travers les émotions qu’ils vivent, la mise en scène, le jeu
d’acteur, les musiques, tout est fait pour activer notre empathie… Comprendre ces personnages, les
émotions qui les dirigent, et la causalité qui en découle. Le baiser comme une première chute est
donc réel, ils sautent à bras ouverts vers leur perte à tous, directement vers une mort triste, pleine de
haine et de déception.
Le terme tableau nous exprime aussi le côté visuel, la scène est un tout en un contenant tous les
artifices du spectacles (sauf une paire de chaussons et quelque bouteille :p), la scène est vouée à
évoluer, elle suit le déroulement de l’intrigue et les personnages. Elle finira comme eux par “prendre
un état chaotique et sombrer dans la folie”.

2-Folle histoire, critique de l’alcoolisme et du monde ouvrier


Les enjeux du texte : passer du paradis à l’enfer, sont mis en avant par toute la profondeur du
spectacle. Mais les principaux acteurs de ces enjeux sont la critique élaborée du monde ouvrier, et
surtout de l’alcoolisme. Coupeau, qui représente le monde ouvrier, nous est d’abord montré comme
benêt, égocentrique, envieux, quoique touchant et charmant; mais il va ensuite évolué petit à petit,
devenant inapte, colérique, froussard même (de ses patrons); il sombre dans l’alcoolisme et va faire
tomber son monde avec lui. Ce n’est pourtant pas un ignare, il critique ses collègues poivrot et jure à
Gervaise de ne jamais tomber dans l’alcool. Il devient tout ce qu’il détestait.. D'abord leurré par les
plaisirs il finira par devenir un mauvais père, un mauvais mari, un mauvais ouvrier. Il tombera peu à
peu dans la folie, brisant tout ce qu’il avait construit, sa vie de famille, une belle maison, une femme
heureuse, une enfant troublée etc. On arrive parfois à discerner un fond de bonté dans ses propos,
mais on note plus les nombreux passages sombre, preuve du mal d’alcool qui coule en lui; revient du
bar arraché, engueule/bat sa fille, devient ami avec Lantier et l’héberge, devient un fardeau,
commencé à saccager la maison, delirium…
Gervaise aussi boit, elle boit pour s’amuser, puis pour oublier, et enfin par nécessité. Elle devient
esclave de ce poison elle aussi, là est le point de non retour.
Horrible alcool. C’est lui qui initie les problèmes, il est l’élément déclancheur… “Conséquence logique
d'une vie d’ouvrier”, il en devient le fléau de l’histoire. Causant la chute, le traumas, jusqu’à même
causé la mort.

3-Le Baiser comme une première Chute


Le spectacle construit une atmosphère de pureté, il l’a fait devenir extatique par moment, c’est pour
mieux en enlever toute la saveur, pour montrer l’obscur ravin dans lequel plongent les personnages!
La symbolique du baiser est importante, et elle évolue à travers le spectacle. Les moments de baiser
nous montre l’évolution de la relation des personnages.
D’abord preuve d’envie, de créer, de déclencher une nouvelle relation, il devient suite à cela l’Amour,
l’avènement d’un enfant, la réussite des projets et le bonheur… Mais plus on avance, moins il est
partagé.., l’amour se tarie, le bonheur se fane, l’enfant grandit, la misère revient. Le baiser devient
refus, montrant l’Amour qui se perd, le personnage changé ne peut plus se faire aimer, plus tard
encore cela deviendra la base d’une dispute, preuve de la fin destiné de la relation, preuve de la
transformation en monstre, de la destruction de l’esprit.

C’est Coupeau qui demande ces baisers (prise de supériorité par la forme), mais Gervaise finit par ne
plus vouloir, elle est dépassée, son mari est devenu alcoolique, il fait n’importe quoi. Dans une scène
où Gervaise est exténuée, elle le repousse lui demandant d’aller se coucher; c’est le premier refus,
symbolique par le contexte. A ce moment-là il est déjà trop tard… Coupeau à sombré, et Gervaise
détruite par les évènements finit par plonger elle aussi. La dispute, déclenchée par une envie de
Coupeau, signe la fin véritable de la relation, le corps de Gervaise ne peut plus suivre, le cœur n’y est
plus…
Le baiser, symbole du couple, évolue lui aussi, il subit voire annonce le développement, étape par
étape; il est un rouage supplémentaire à la cohérence du récit, un pilier, subissant lui aussi les
malheurs de l’histoire, avec les personnages…

III-Travail de précision, un assemblage puissant et cohérent.

1-Un long travail de recherche, la mise en contexte


Adapter l'œuvre de Zola n’a pas été une mince affaire. D’un texte rude à un spectacle complexe, il y a
des heures et des heures de travail. La troupe s'est intéressée aux moindres détails pour jouer leur
rôle, ils se sont intéressés au lieu du récit, aux événements de son époque, aux différents conflits, à
la population, à la place des ouvriers etc. Ils ont fait un long travail de recherche pour se mettre au
point de vue de Zola.., afin d’avoir la meilleure mise en contexte possible pour travailler leurs
personnages et la réécriture de l’histoire.
La troupe à aussi énormément fait pour moderniser la pièce, que ce soit par les conflits, l’humour, ou
la simple mise en spectacle moderne. Ils ont réfléchi à comment faire ressentir le mieux possible
telles ou telles émotions (à notre époque). Ils sont arrivés à un résultat vif, et saisissant, rempli de
maux modernes, de douleur réaliste, de problèmes d’adolescence, de clichés servant l’histoire etc.
Mais ils se sont aussi énormément intéressés au sujet de l’alcoolisme, ils ont discuté de nombreuses
heures à se raconter des histoires intimes pour étayer un propos. Ils ajoutent leur touche propre dans
le spectacle, leur permettant de s’imprégner de l’histoire. Ils se sont renseignés à propos des
différents stades de l’alcool, de la joie au delirium, afin de se créer des bases plus que solides quant
à la compréhension de l’histoire. Ce travail de groupe à permis à l’histoire de prendre forme dans leur
tête à chacun, permettant de créer la mise en scène adéquate et intimiste qu’il fallait pour nourrir
l'œuvre.

2-Mise en scène, lumière et musique. Une ambiance intimiste pour rapprocher le


public
La scène était complète, elle permettait de contenir tous les éléments du spectacle, premièrement
caché, elle finit par révéler tous ses secrets. Une scène complète, une petite salle, une composition
basique (appartement, lit, table). Cela permet une ambiance intimiste, le public est plus proche de
tout ce qu’il se passe. On sent les émotions nous traversé, les comédiens jouent sans "théâtralisé",
ce qui rend le tout plus naturel, on à l’impression de voir la vie d’un couple tout simplement.
Ce sentiment intimiste est très bien accompagné par les sons et la lumière… Ces effets accentuent
les moments du spectacle. De l’Amour et la joie avec des musiques harmonieuses et des lumières de
salle. A la folie et la haine avec des lumières oppressantes et des musiques chaotiques,
désagréables. En passant par la pure expression des sentiments de Nana qui s’exprime via sa
musique. C’est son exutoire, et ça lui permet de communiquer avec ses parents ou le public.
Les lumières change tout le long du spectacle, elle se salissent presque, d’abord très pure, petit à
petit elles changent, prennent moins d’espace (laisse plus d’ombre), se focalisent sur les
personnages (dans leurs moment de doute/tristesse/colère), et finissent par être changer en direct
via la scène afin de faire évoluer l’ambiance de manière plus oppressantes. Pendant les dernières
scènes les lumières sont baissées étape par étape, augmentant la tension par la même occasion, et
finissant presque au sol, écrasant le couple mort…
Les musiques sont de qualité stéréo, elles imprègnent la salle (sauf cas de la guitare qui sort d’une
enceinte plusieurs fois) de leurs rythmes. Elles dictent l’ambiance et le ton de la discussion, elles
embellissent les bons moments, et tournent au vinaigre en même temps que les personnages. Les
rares moment de danse laissent toute parole à la musique, créant une ambiance envoûtante, mais
créant aussi ce malaise de voir les personnages ne plus se soucier de rien. La musique dirige le
spectacle quand elle est là, c’est elle qui vient le clôturer par une scène triste, d’une enfant qui à
perdu ses deux parents et qui hurle. Folie cohérente.

3-De la pureté à la folie, le fil rouge de la cohérence?


Un récit qui évolue autant, et qui pourtant reste cohérent? Je l’ai expliqué cela est lié à une évolution
corrélé de tout le spectacle. Mais comment cela tient debout, comment ne perds t-on pas pied… Le
texte suit son fil conducteur, les émotions sont nos guides, de la pureté à la folie, elles nous font
avancer pas à pas.
Toute la réussite et la folle cohérence se trouve en faite dans les transitions, instantanné, une seule
expression, un hurlement, un changement de lumière, une entrée en scène; voilà tout ce qu’il faut au
spectacle pour faire un pas. Les transitions soudaines ont comme effet de garder le public dans une
position active, on sait qu’il s’est passé quelque chose, que la situation à évolué, mais c’est parce que
l’on reste concentré que l’on peut comprendre les intentions… 30 secondes suffisent à comprendre,
la temporalité est active, on n’a pas besoin de narré pour l'œil attentif; le spectacle et ces transitions
ont été réfléchis pour évoluer en un claquement de doigt.
Le texte suit son fil rouge, d’un début tout propre à une abolition du tout, il suffit de rajouter le rythme
et cela devient un tout cohérent, et puissant. La cohérence se crée morceau par morceau, s’est en
regardant le spectacle, en le vivant même, que l’on peut comprendre où il tente de nous emmener,
comment il va s’y prendre et continuer à nous surprendre. C’est une œuvre complète, qui, comme je
l’ai dit, n’ai pas qu’à voir.., elle est surtout à vivre.

Par quels moyens Le Baiser comme une première Chute a su rester fidèle à l’écriture de
Zola, tout en créant une œuvre moderne, cohérente et puissante?

Conclusion: Ce spectacle, adaptation réussi de l’Assommoir, a su garder les enjeux, les


thématiques, le sens et les émotions de Zola. Il a complété son travail en l'adaptant en spectacle
vivant; spectacle vivant à la fois censé et complet, il nous transporte et nous emmène dans le
quotidien de ces personnages. On voit bien le fil directeur de la création-destruction de Zola, mais la
forme totale du travail prend de l’envergure quand à ce qu’elle ajoute à l’histoire.
Une profondeur de texte, réécrite pour l’occasion. Un jeu de rôle empathique, presque bouleversant.
Une utilisation des sons et lumières pour servir la cohérence et l’avancée de l’histoire. Une maîtrise
du rythme moderne qui complexifie (pour simplifier) la vision du spectacle.
Le spectacle est rester fidèle à Zola par tous les principes et idées qu’il a conservé et même
développés, l’utilisation des sons, des lumières, des transitions pour rajouter du cash ne dénature pas
l’oeuvre mais lui donne un aspect plus complet, l’intimité mis en scène permet de servir le propos. Et
le développement du spectacle par un comité permet la création d’une œuvre réaliste et puissante. Le
tout est cohérent, fort de sens, pleins de bonnes idées et surtout, il est intéressant et recherché…
Ce spectacle est une réussite, il à mené à bien les objectifs qu’il tentait d’atteindre, en arrivant à créer
une zone sensible où tout s’aligne et marche ensemble.

Eden Seiller

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