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THÈSE DE DOCTORAT

de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres


PSL Research University

Préparée à l’Ecole des hautes études en sciences sociales

Commerce de la soie grège entre la France et la Chine pendant


le 19e siècle : impulsions, intermédiaires et influences
industrielles de l’échange euro-asiatique au cours de la
globalisation
Ecole doctorale n°286
ECOLE DOCTORALE DE L’EHESS

Spécialité Histoire et Civilisations

COMPOSITION DU JURY :

Mme. MAU Chuan-Hui


Professeure Université nationale Tsing Hua,
Rapporteur

M. PAULES Xavier,
Maître de conférences EHESS
Membre du jury

M. ROSENTAL Paul-André,
Professeur Sciences Po Paris,
Rapporteur

Soutenue par Chao ZHAO M. STANZIANI Alessandro


le 12 février 2018 Directeur de recherches EHESS,
h Directeur de thèse

M. VERNUS Pierre,
Dirigée par Alessandro STANZIANI Maître de conférences Université Lyon II
Membre du jury
h
Remerciements

Je remercie mon directeur de thèse au Centre de Recherches Historiques de

l’EHESS, Monsieur Alessandro Stanziani, de m’avoir toujours encouragé, de m’avoir

suivi jusqu’au bout et de m’avoir donné des conseils toujours très pertinents et

professionnels.

Mes remerciements vont aussi tout particulièrement à ma famille, qui m’a

permis de me concentrer sur la thèse pendant plusieurs années. Je remercie surtout

ma femme, qui a donné naissance à nos mignons fils et fille pendant cette recherche.

Depuis un an, ma femme a assumé la plupart des responsabilités de la famille et s’est

occupée de nos deux enfants, ce qui m’a donné la possibilité de me consacrer à ce

travail.

La relecture de cette thèse a été réalisée avec l’aide de mes chers amis : Laurence

Marcoult, Josiane Drouin, Brigitte Vidal, Justine Dechambre, Benjamin Morel. Je

remercie vivement toutes les personnes qui ont contribué à cette relecture.

Cette thèse a été soutenue en France, au Centre de Recherches Historiques de

l’EHESS. Je remercie beaucoup mes collègues et mes amis de l’Ecole pour leurs

encouragements constants et leur écoute attentive.

Enfin, cette thèse a été financée par le gouvernement central chinois, qui m’a

fait confiance et m’a donné la possibilité de travailler en toute liberté en France.

1
Résumé et mots clés
Résumé

Cette thèse porte sur le commerce de la soie entre la Chine et la France pendant le
19e siècle, avec l’ambition de clarifier certaines spécificités du commerce euro-
asiatique dans le cadre du processus de globalisation. Nous avons choisi le commerce
de la soie franco-chinois comme objet de recherche parce que, premièrement, au regard
des archives et des documents historiques, nous découvrons que la croissance du
commerce franco-chinois du 19e siècle provient et s'amplifie principalement avec celle
de l’importation de la soie chinoise en France. L’échange de la soie est le plus essentiel
et le plus typique dans les études du commerce entre les deux pays au 19e siècle.
Deuxièmement, l’échange franco-chinois de la soie joue un rôle très important dans le
commerce des matières premières du monde du 19e siècle.

Précisément, cette thèse vise à répondre et approfondir des questions concernant


le commerce franco-chinois de la soie et le commerce euro-asiatique de longue distance,
notamment sur ses évolutions, ses impulsions, ses intermédiaires commerciaux et ses
impacts industriels.

Dans un premier temps, nous allons démontrer l’évolution de l’échange franco-


chinois de la soie du 19e siècle, et analyser l’origine de sa prospérité au niveau de l'offre
et la demande. Du côté de la demande, nous étudierons l’impact des changements de
l’industrie française sur les importations de Chine. En particulier il s’agira de
comprendre les raisons de la hausse limitée de la production séricicole française. Du
côté de l’offre, la question consiste à comprendre plutôt ce qui rend possible la
croissance importante de la production de soie grège en chine, mais aussi les raisons du
développement limité de la demande intérieure.

Dans un deuxième temps, nous allons discuter des rôles des différentes maisons
commerciales reliant les marchés de soie situés des deux côtés du continent euro-
asiatique. D’abord, comme la Grande Bretagne est le plus important point de
distribution des matières premières et des produits semi-finis du monde pendant la
2
période de la révolution industrielle, nous allons observer les rôles du marché de
Londres et des marchands anglais dans le commerce indirect de la soie entre la France
et la Chine. Ensuite, nous allons montrer les rôles des maisons françaises et des
maisons étrangères dans le commerce direct de la soie entre la France et la Chine. Ce
dernier démarre à partir des années 1850 et prospère à partir des années 1860, et nous
allons étudier l’influence de la croissance de l’importation directe de la soie chinoise
en France sur l’installation et le développement des maisons françaises en Chine, ainsi
que leur rapport avec d’autres intermédiaires (maisons anglaises, allemandes et suisses),
qui partagent le commerce de soie entre la France et la Chine. Enfin, nous allons
analyser les rôles des différents groupes de négociants chinois, la relation entre ces
groupes et ainsi que leurs relations avec des maisons étrangères.

Nous rentrerons aussi dans la discussion des rôles du changement des politiques
douanières et de l’amélioration des transports dans l’évolution du commerce entre les
deux pays. Il s’agit d’abord des recherches sur l’évolution les droits de douane sur la
soie dans les échanges entre la France et la Chine et sur le niveau de protection de ces
droits de douane. Par cela, nous allons clarifier les impacts des changements des tarifs
de douane sur la performance du commerce entre les deux pays. Ensuite, la question
consiste à comprendre l’influence de l’amélioration des conditions de transport de
longue distance sur le développement du commerce de la soie. Nous comparerons alors
les impacts des tarifs et des transports sur l’échange franco-chinois de la soie et celui
de l’intégration de l’économie mondiale. Nous chercherons également à comprendre si
d’autres facteurs conduisent à la convergence du prix des soies sur le marché
international---un des plus importants symboles de l’intégration de l’économie
mondiale.
Finalement, comme la soie grège est une matière première pour la production
industrielle, cette thèse évoquera l’impact industriel du commerce de la soie dans les
deux pays. Nous choisirons un nouvel angle (inter- action des industrialisations) pour
analyser la relation entre l’industrialisation et le commerce extérieur du 19e siècle : nous
résumerons d’abord les discussions sur les impacts de l’industrialisation des pays

3
occidentaux sur celle des pays asiatiques et ensuite, les effets du commerce de la soie
sur les modalités de l’industrialisation en Chine et en France. Nous essayerons donc
d’établir la liaison entre les révolutions industrielles orientales et occidentales par le
biais du commerce international.

Mots clés

Commerce ; Soie grège ; Franco-chinois ; Impulsions ; Intermédiaires ;


Influences industrielles

4
Abstract and Keywords
Abstract
This book focuses on the silk trade between China and France in the 19th century,
with the aim of clarifying certain specific Euro-Asian trade in the course of
globalization in the 19th century. We chose the Franco-Chinese silk trade as the
objective of research, because, first, the use of historical records and documents, we
find that the Franco-Chinese trade in the 19th century and grew up mainly from the
augmentation of the import of Chinese silk in France. The exchange of the silk is one
of the most important and the most typical trade between the two countries in the 19th
century. Secondly, the exchange of the Franco-Chinese silk plays a very important role
in the trade in raw materials of the world in the 19th century.
Precisely, this book is intended to address the issues and further discuss on the
Franco-Chinese silk trade itself and the Eurasian business long distance, specifically on
their evolutions, their impulses, their commercial intermediation and their industrial
impacts.
In the first step, we will show the development of Franco-Chinese silk trade of the
19th century, and analyze the causes of its prosperity, at the level of supply and demand.
On the demand side, we will examine the impacts of changes in the French industry on
imports from china. In particular, it relate to the decrease and the limited increase of the
French silk production. On the supply side, the question is to understand what makes it
possible for the growth of the production of raw silk in china, but also the reasons for
the limited development of domestic demand.
In a second step, we discuss the roles of the various silk trade corporations
connecting two side of the Eurasian continent. First, the Great Britain is the most
important country of distribution of raw materials and semi-finished products of the
world during the period of the industrial revolution. We will observe the roles of the
London market and English merchants in the indirect silk trade between France and
china. Then, we show the roles of the French companies and foreign firms in the direct
trade of silk between France and china, the prosperous of which starts from the 1850s

5
and 1860s. In this part, we will discuss the influence of the growth of the direct import
of Chinese silk in France to the installation and the development of French companies
in china, and the relationship of these French companies with other intermediaries,
especially the silks firms of England, Germany and Switzerland. Finally, we analyze
the roles of different groups of Chinese merchants in the foreign trade of silk of china,
the relationship between these groups and the relations between the Chinese traders and
foreign firms.
In this book, we analyses also the roles of changes in customs policies and the
improvement of transport in the development of trade between the two countries. Firstly,
by the research of the evolution of the customs duty on the silk is in France and china
and the level of protection of human rights, we will clarify the impact of tariff changes
on the performance of silk trade between the two countries. Then, the question is to
understand the influence of the improvement of the conditions of long-distance
transport, consisting of the techniqueal evolution and the open of Suez Canal, in the
development of Franco-Chinese silk trade. In addition, we will compare the importance
of the impact of two the factors above.
In the end, as the raw silk is a raw material for the production of silk, this book
will also discuss the impact of the silk trade to the silk industry in the two countries. In
this part, we will select a new angle – interaction of the industrializations in the two
countries -- to analyze the relationship between foreign trade and industrialization in
the 19th century. Firstly, there will be the discussions about the influence of the
industrialization of western countries in the industrialization of the Asian countries.
Secondly, we will also search for the effects of the dynamics of the silk trade between
the two countries to their reactions of industrializations. In all these issues, we will try
to link the eastern and western industrial revolutions to international trade together.

Keywords

Trade ; Raw Silk ; Sino-French ; Impulsions ; Intermediaries ; Industrial


Influences

6
Table des matières
Remerciements ................................................................................................................................ 1
Résumé et mots clés......................................................................................................................... 2
Abstract and Keywords .................................................................................................................. 5
Table des matières ........................................................................................................................... 7
Introduction ................................................................................................................................... 11
I Le commerce de la soie grège entre la France et la Chine au 19e siècle.............................. 11
II - État de l’art sur l’histoire du commerce franco-chinois de la soie ................................... 13
A Importance du négoce de la soie grège dans la croissance du commerce franco-chinois
du 19e siècle .................................................................................................................. 13
B Commerce de la soie grège entre la France et la Chine : les quantités, l’offre et la
demande ........................................................................................................................ 15
C Maisons commerciales dans le commerce de la soie entre la France et la Chine ..... 18
D Effets du changement des politiques douanières et de l’amélioration de la condition
de transport ................................................................................................................... 20
E Modernisations des industries de la soie en France et en Chine et le commerce de la
soie ................................................................................................................................ 24
III – Archives et Sources........................................................................................................ 25
IV – Plan de la thèse .............................................................................................................. 27
Chapitre I Importance de l’échange de la soie dans la croissance du commerce franco-
chinois du 19e siècle ....................................................................................................................... 29
I-1 Décollage du commerce franco-chinois avant les années 1860 et infériorité de l’influence
commerciale de France sur le marché chinois ....................................................................... 31
A Une relation commerciale interrompue et stagnante entre 1815-1844 ...................... 34
B Influence à long terme des Guerres franco-anglaises de la fin du 18e siècle au début
du 19e siècle .................................................................................................................. 38
C Ouverture de la Chine et l’acquisition des privilèges commerciaux ......................... 44
D Début de la croissance de la valeur d’échange depuis les années 1840 et la
prolongation son l’ancienne structure ........................................................................... 46
E Position d’infériorité en contraste avec les autres pays ............................................. 51
I-2 Une croissance remarquable de l’exportation entre 1860-1884 ....................................... 59
A Evolution des circonstances économique pendant les années 1860-1880 ................ 60
B Prospérité du commerce avec la Chine grâce à la croissance de l’importation de la soie
grège. ............................................................................................................................ 63
C Faible importance des autres marchandises dans le commerce franco-chinois ......... 66
I-3 Sommet du commerce des années 1890 et le déclin au début du 20e siècle..................... 68
A Occupation de l’Indochine et élargissement des investissements vers la Chine ....... 69
B Croissance durable de l’importation depuis la Chine et variété de l’exportation des
produits industriels ........................................................................................................ 73
C Echec des stratégies de la France face aux anciens et nouveaux compétiteurs ......... 78
D Commerce franco-chinois du 19e siècle et la soie grège ........................................... 82
Chapitre II Commerce de la soie grège entre la France et la Chine : Évolution quantitative,
Demande des fabricants des soieries en France et Offre des producteurs de soie en Chine... 85

7
II-1 Principaux exportateurs et importateurs dans le marché mondial de la soie du 19e siècle
............................................................................................................................................... 86
A Producteurs et exportateurs de la soie dans le monde du 19e siècle .......................... 87
B Importateurs de la soie grège dans le monde ............................................................ 94
C Échange de la soie entre la France et la Chine : un des commerces les plus dynamiques
dans le marché de la soie du monde............................................................................ 100
II-2 Commerce de la soie grège entre la France et la Chine avant l’année 1914 ................. 102
A Un lien commercial instable .................................................................................... 102
B Expansion de la soie grège chinoise en France ....................................................... 104
C Sommet et stagnation .............................................................................................. 109
II-3 Croissance de la demande des fabricants de soieries : la prospérité de l’industrie textile de
la soie et la crise séricicole en France .................................................................................. 115
A. Prospérité de l’industrie de la soie de France......................................................... 116
B Débouché du marché extérieur des soieries françaises ........................................... 120
C Crise séricicole en France : la maladie des vers à soie et l’afflux de la soie grège
chinoise ....................................................................................................................... 132
II-4 Croissance de l’offre : élévation de la quantité de la production de la soie chinoise et
déclin de la fabrication des tissus de soie en Chine. ............................................................ 142
A Haute quantité de production de la soie grège en Chine ......................................... 144
B Avantages et conditions pour la performance de la sériciculture chinoise .............. 154
C Déclin de l’industrie des soieries chinoises ............................................................. 164
Chapitre III Maisons commerciales dans le commerce de la soie grège entre la France et la
Chine ............................................................................................................................................ 175
III-1 Echange indirect par le marché de Londres et la domination des maisons étrangères de
l’exportation de la soie grège chinoise avant les années 1870 ............................................. 176
A Dynamique de l’exportation de la soie chinoise vers l’Angleterre ......................... 177
B Réexportation de la soie chinoise vers la France par Londres ................................ 182
C Pourquoi importer par Londres? ............................................................................. 186
D Fin de la réexportation de la soie chinoise de Londres en France ........................... 196
III-2 Rôles des maisons françaises et des maisons étrangères dans le commerce direct de la
soie grège franco-chinois ..................................................................................................... 200
A Représentants français à Canton avant les années 1850.......................................... 200
B Installation des maisons françaises à Shanghai depuis 1848................................... 203
C Modification du mode commercial euro-asiatique et évolution des maisons françaises
en Chine après 1870.................................................................................................... 209
D Les maisons étrangères dans le commerce de la soie grège entre la Chine et la France
.................................................................................................................................... 214
III-3 Les intermédiaires chinois ........................................................................................... 224
A Monopole de l’exportation de la soie chinoise par des marchands de « Co-hong »
avant 1842 ................................................................................................................... 224
B Apparition des magasins (comptoirs) de soie à Shanghai après l’ouverture de la Chine
.................................................................................................................................... 226
C Relation des magasins de soie à Shanghai avec les maisons de soie des régions de
productions ................................................................................................................. 230

8
D Relation à l’intérieur du groupe des magasins de soie à Shanghai ......................... 232
E Relation des magasins de soie à Shanghai avec les maisons étrangères ................. 236
Chapitre IV Rôles du changement des politiques douanières et de l’amélioration des
conditions de transport ............................................................................................................... 250
IV-1 Evolution du tarif de douane de la soie en France et ses influences commerciales et
économiques ........................................................................................................................ 251
A Baisse du tarif de douane sur les matières de soie en France de 1814 à 1862......... 253
B Restauration du droit de douane sur la soie de France à partir de 1872 .................. 260
C. Mesurer le niveau de protection du tarif de douane de la soie grège ..................... 268
D Impact des tarifs de douane sur le commerce de la soie et sur l’économie de la soie en
France ......................................................................................................................... 272
IV-2 Evolution du droit de douane de la soie exportée depuis la Chine et son influence
commerciale ......................................................................................................................... 278
A Ancien régime de droits de douane de la Chine et le quota d’exportation de la soie
chinoise ....................................................................................................................... 280
B Protestations des étrangers ...................................................................................... 287
C Régime des droits de douane chinois et tarif sur la soie exportée après 1842......... 291
D Impacts de l’évolution du régime des droits de douane sur le commerce de la soie
entre la France et la Chine du 19e siècle. .................................................................... 303
IV-3 Amélioration des moyens de transport entre la France et la Chine et convergence du prix
des soies sur le marché international.................................................................................... 309
A Infériorité de la navigation française avec la Chine par rapport à l’Angleterre avant les
années 1860 ................................................................................................................ 311
B Mise en service de la Compagnie des Messageries Maritimes vers l’Extrême-Orient
et fin du monopole de l’Angleterre sur le transport maritime euro-asiatique ............. 317
C Ouverture du Canal de Suez et avantage de la France sur l’importation de la soie
chinoise ....................................................................................................................... 325
D Convergence du prix des soies sur le marché international .................................... 328
Chapitre V Impact industriel du commerce de la soie entre la France et la Chine au 19e siècle
...................................................................................................................................................... 336
V-1 Techniques de production et Critère qualitatif de l’industrie traditionnelle de la soie en
Chine à la veille de l’époque de la mécanisation ................................................................. 339
A Répartitions géographiques et technique de plantation des mûriers en Chine avant les
années 1840 ................................................................................................................ 340
B Elevage des vers à soie et production des cocons pendant le 19e siècle.................. 350
C Filature de la soie à la veille de la révolution industrielle chinoise......................... 356
D Ancien critère de la qualité des soies ...................................................................... 360
V-2 Mécanisation de l’industrie des soieries en France et qualité « insuffisante » des soies du
sol chinoises ......................................................................................................................... 366
A Réclamations des marchands de soie de Lyon ........................................................ 366
B Accélération de la mécanisation de l’industrie des soieries en France depuis 1870 373
C Incompatibilité de la soie du sol chinoise avec l’industrie textile mécanique française
.................................................................................................................................... 382
V-3 Réaction à la révolution industrielle de l’occident : la modernisation de l’industrie de la

9
soie en Chine ........................................................................................................................ 389
A. Modernisation de l’industrie de la filature de la soie à Yangzi .............................. 390
B. Modernisation de l’industrie de la filature de la soie dans la région de Guangdong et
d’autres parties de la Chine. ........................................................................................ 405
C Résultat de la modernisation de l’industrie de la filature en Chine avant l’année 1914
.................................................................................................................................... 415
D Début de la diffusion de la science moderne de la sériciculture en Chine .............. 427
E Création du système moderne du contrôle de la qualité de la soie .......................... 448
Conclusion ................................................................................................................................... 458
I Importance de l’échange de la soie dans la croissance du commerce franco-chinois du 19e
siècle .................................................................................................................................... 458
II Croissance du commerce de la soie entre la France et la Chine : l’origine de l’augmentation
durable de la demande en France et une forte capacité d’offre de la Chine......................... 459
III Relation complexe entre les maisons chinoises, les maisons françaises et les autres maisons
étrangères ............................................................................................................................. 461
IV Impulsion du changement des politiques douanières et de l’amélioration de la condition de
transport sur le commerce de la soie .................................................................................... 463
V Commerce de la soie et interaction des Révolutions industrielles en France et en Chine 466
Bibliographie ............................................................................................................................... 469
I Sources en Europe et aux États-Unis ................................................................................. 469
1 Archives ................................................................................................................... 469
2 Publications.............................................................................................................. 480
II Sources en Chine continentale, à Taiwan et au Japon ...................................................... 491
1 Archives ................................................................................................................... 491
2 Publications.............................................................................................................. 496

10
Introduction

I Le commerce de la soie grège entre la France et la Chine au 19e siècle

Cette thèse porte sur le commerce de la soie grège entre la Chine et la France
pendant le 19e siècle, avec l’ambition de clarifier certaines spécificités du commerce
euro-asiatique dans le cadre du processus de globalisation. Nous avons choisi le
commerce de la soie franco-chinois comme objet de recherche parce que, premièrement,
au regard des archives et des documents historiques, nous découvrons que la croissance
du commerce franco-chinois du 19e siècle provient et s'amplifie principalement avec
celle de l’importation de la soie chinoise en France. L’échange de la soie grège est le
plus essentiel et le plus typique dans les études du commerce entre les deux pays au 19e
siècle. Deuxièmement, l’échange franco-chinois de la soie joue un rôle très important
dans le commerce des matières premières du monde du 19e siècle. Du fait de la
séparation des pays de production, des pays de tissage et des pays de consommation, la
soie grège est une des matières premières dont la circulation internationale est la plus
dynamique. D’un côté, la France, le principal exportateur des tissus de soie vers
l’Angleterre, en Europe et aux États-Unis pendant une bonne partie de ce siècle, est en
même temps le premier importateur des matières de soie pendant la seconde moitié du
19e siècle. De l’autre côté, la Chine, en exportant des quantités considérables de soie
vers les grands marchés du monde, achète des tissus de coton et d’autres produits depuis
l’Angleterre, des pays européens et des États-Unis. La ligne maritime entre les deux
pays est une route commerciale la plus dynamique pendant cette période : c’est
pourquoi nous avons choisi cet aspect comme point d’entrée pour observer les flux
commerciaux.

Précisément, cette thèse vise à répondre et approfondir des questions concernant


le commerce franco-chinois de la soie et le commerce euro-asiatique de longue distance,
notamment sur ses évolutions, ses impulsions, ses intermédiaires commerciaux et ses
impacts industriels.

11
Dans un premier temps, nous allons démontrer l’évolution de l’échange franco-
chinois de la soie grège du 19e siècle, et analyser l’origine de sa prospérité au niveau de
l'offre et la demande. Du côté de la demande, nous étudierons l’impact des changements
de l’industrie française sur les importations depuis la Chine. En particulier il s’agira de
comprendre les raisons de la hausse limitée de la production séricicole française. Du
côté de l’offre, la question consiste à comprendre plutôt ce qui rend possible la
croissance importante de la production de soie grège en chine, mais aussi les raisons du
développement limité de la demande intérieure.

Dans un deuxième temps, nous allons discuter des rôles des différentes maisons
commerciales reliant les marchés de soie situés des deux côtés du continent euro-
asiatique. D’abord, comme la Grande Bretagne est le plus important point de
distribution des matières premières et des produits semi-finis du monde pendant la
période de la révolution industrielle, nous allons observer les rôles du marché de
Londres et des marchands anglais dans le commerce indirect de la soie entre la France
et la Chine. Ensuite, nous allons montrer les rôles des maisons françaises et des
maisons étrangères dans le commerce direct de la soie grège entre la France et la Chine.
Ce dernier démarre à partir des années 1850 et prospère à partir des années 1860, et
nous allons étudier l’influence de la croissance de l’importation directe de la soie
chinoise en France sur l’installation et le développement des maisons françaises en
Chine, ainsi que leur rapport avec d’autres intermédiaires (maisons anglaises,
allemandes et suisses), qui partagent le commerce de soie entre la France et la Chine.
Enfin, nous allons analyser les rôles des différents groupes de négociants chinois, la
relation entre ces groupes et ainsi que leurs relations avec des maisons étrangères.

Nous rentrerons aussi dans la discussion des rôles du changement des politiques
douanières et de l’amélioration des transports dans l’évolution du commerce entre les
deux pays. Il s’agit d’abord des recherches sur l’évolution les droits de douane sur la
soie grège dans les échanges entre la France et la Chine et sur le niveau de protection
de ces droits de douane. Par cela, nous allons clarifier les impacts des changements des
tarifs de douane sur la performance du commerce entre les deux pays. Ensuite, la

12
question consiste à comprendre l’influence de l’amélioration des conditions de
transport de longue distance sur le développement du commerce de la soie. Nous
comparerons alors les impacts des tarifs et des transports sur l’échange franco-chinois
de la soie grège et celui de l’intégration de l’économie mondiale. Nous chercherons
également à comprendre si d’autres facteurs conduisent à la convergence du prix des
soies sur le marché international---un des plus importants symboles de l’intégration de
l’économie mondiale.
Finalement, comme la soie grège est une matière première pour la production
industrielle, cette thèse évoquera l’impact industriel du commerce de la soie dans les
deux pays. Nous choisirons un nouvel angle (inter- action des industrialisations) pour
analyser la relation entre l’industrialisation et le commerce extérieur du 19e siècle : nous
résumérons d’abord les discussions sur les impacts de l’industrialisation des pays
occidentaux sur celle des pays asiatiques et ensuite, les effetsdu commerce de la soie
sur les modalités de l’industrialisation en Chine et en France. Nous essayerons donc
d’établir la liaison entre les révolutions industrielles orientales et occidentales par le
biais du commerce international.

II - État de l’art sur l’histoire du commerce franco-chinois de la soie

Certaines problématiques de cette thèse ont déjà été amplement discutées par les
historiens. Nous allons montrer les principales contributions de ces derniers sur les
problèmes suivants, en laissant la discussion autour des bibliographies plus détaillées
aux chapitres concernés. .

A Importance du négoce de la soie grège dans la croissance du commerce franco-


chinois du 19e siècle

L’explication de la performance du commerce français en Chine se concentre sur


deux éléments : la concurrence de l’Angleterre et les changements des relations
politiques entre la France et la Chine. Au sein de l’historiographie généraliste, la

13
différence de performance du commerce extérieur de France par rapport à l’Angleterre
est discutée dans L’histoire économique de la France du VIIIe siècle de J-C.Asselain1,
L’échelle du monde de P. Verley2 et L’Économie française au XIXe siècle de M. Levy-
Leboyer et F.Bourguignon3, etc. Pour la concurrence sur le marché chinois, P.Verley
résume les éléments d’infériorité des produits industriels de France par rapport à ceux
de l’Angleterre. Il montre que ce sont la mauvaise qualité et les prix élevés des produits
industriels français, le fret plus élevé, la complexité des intermédiaires, l’absence de
représentants sur place, la méconnaissance de l’information du marché et le manque de
maisons de traite de paiement spécialisées qui conduisent à l’échec des produits
industriels français en Chine et plus généralement sur les marchés lointains. Nous allons
examiner si ces limites des produits et du commerce français sont confirmées et
ajouterons d’autres éléments.

Beaucoup d’historiens et d’économistes ont déjà décrit l’influence des relations


politiques sur les relations commerciales. Ainsi J.K Fairbank et Yuan Jicheng ont mis
en évidence l’importance des concessions étrangères en Chine sur l’évolution du
commerce extérieur chinois.4 Nous allons examiner les rôles des privilèges politiques
et commerciaux obtenus par les traités dans la croissance du commerce. Nous
montrerons que, même si les changements des relations politiques sont une condition
nécessaire pour la croissance du commerce entre les deux pays, ils n’en sont pas le
moteur.

Les ouvrages les plus fréquemment cités en Chine pour décrire les caractéristiques
du commerce franco-chinois sont : Histoire de la relation entre la Chine et la France à
l’époque moderne 5 de Xian Yuhao et Tian Yongxiu, Panorama des influences

1 J-C Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. Paris. Editions du seuil. 1984.
2 P.Verley. l’Echelle du monde. Paris. Editions Gallimard. 1997.
3 M.Levy-Leboyer et F.Bourguignon. L’Economie Française au XIXe siècle, Analyse macro-économique. Paris.

Economica. 1985.
4 J.K Fairbank and K-C.Liu. The Cambridge Histoy of China. Cambridge. Cambridge University Press. Vol.11: Late

Ch’ing 1800-1911. 1980.


YUAN Jicheng. Histoire des concessions étrangères en Chine. Beijing. Editions de la finance et de l’économie
de Chine. 1988. (袁继成: 《近代中国租界史稿》 ,北京:中国财经出版社,1988年。)
5 XIAN Yuhao et TIAN Yongxiu. Histoire de la relation entre la Chine et la France à l’époque moderne. Chengdu.

Editions de l’Université de Jiaotong du Sud-est de Chine. 2003. (鲜于浩,田永秀: 《近代中法关系史稿》 ,成都:


西南交通大学出版社,2003年。).
14
économiques de France en Chine1 de Tian Yongxiu et Histoire de la relation entre la
Chine et la France 2 de Yang Yuanhua. Cependant, en consultant que les sources
chinoises, ces historiens n’avaient pas pu clarifier l’évolution quantitative du commerce
franco-chinois et la structure des natures de marchandises avant l’année 1905. A l’aide
des sources en France, nous allons essayer de clarifier les structures, des quantités
d’échanges et des caractéristiques du commerce franco-chinois du 19e siècle.

B Commerce de la soie grège entre la France et la Chine : les quantités, l’offre et


la demande
Pour l’évolution du commerce de la soie entre la France et la Chine, nous allons
consulter certaines statistiques dans les ouvrages déjà publiés, comme The chronicles
of the East India Company de H.B. Morse,3 Histoire de la concession française de
Shanghai de Ch.-B. Maybon et J.Fredet,4 France and the exploitation of China 1885-
1891 de R.Lee,5 Commerce de la France avec la Chine de N.Rondot,6 Les relations
entre Lyon et la Chine au XIXe siècle de E.Hamaide7, L’industrie de la soie en France
et en Chine de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle de Mau Chuan-Hui, 8 Les
relations de Lyon avec la Chine de TCHENG Tse-sio9 et Lyon et le commerce de la
soie de L.Gueneauetc10. Cependant, aucun des ouvrages ci-dessus nemontre une série
complète des prix, des qualités des soies et des conditions d’échange tout au long du

1 TIAN Yong-xiu. Panorama des influences économiques de France en Chine. Chengdu. Editions de l’Université
de Jiaotong du Sud-est de Chine. 2005. (田永秀: 《法国在华经济势力之全貌》 ,成都:西南交通大学出版社,
2005年。 )
2 YANG Yuanhua. L’histoire de la relation entre la Chine et la France. Shanghai. Editions des peuples de Shanghai.

2006,(杨元华: 《中法关系史》 ,上海:上海人民出版社,2006年。 )


3 H.B.Morse. the Chronicles of the East India Company. Guangzhou. Editions de l’Université de ZhongShan. 1991.

(马士: 《东印度公司编年史》 ,广州:中山大学出版社,1991年。)


4 Ch.-B. Maybon et J.Fredet. Histoire de la concession française de Shanghai. Paris. Librairie Plon. 1929.
5 R.Lee. France and the exploitation of China 1885-1901. A study in Economic Imperialism. Hong-Kong: Oxford

University press. 1989.


6 N.Rondot. Commerce de la France avec la Chine. Chambre de commerce de Lyon Délibération prise sur le rapport

de M.Rondot. Séance du 12 janvier 1860.


7 E.Hamaide. La relation entre Lyon et Chine au XIXe siècle. Thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2. 1999.
8 MAU Chuan-Hui. L’industrie de la soie en France et en Chine de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle :

échanges technologiques, stylistiques et commerciaux. Paris. EHESS. 2002. 2 Vol.


9 TCHENG Tse-sio. Les relations de Lyon avec la Chine. Thèse soutenue devant la Faculté des lettres de l’Université

de Lyons. Paris. Librairie L. Rodstein. 1936.


10 L.Gueneau. Lyon et le commerce de la soie. Thèse soutenue devant la Faculté de droit de l’Université de Lyon.

Lyon. Imprimerie L.Bascou. 1923.


15
19e siècle, comme nous nous proposons de le faire.
La croissance de demande de soie grège en France soutient celle de la production.
Beaucoup de publications, Les industries de la soie en France de A. de la Berge, 1
« L’industrie de la soie de France à Valée du Rhône » de P. Clerget 2 , L’Économie
française au XIXe siècle de M. Levy-Leboyer et F. Bourguignon3, La soie, art et histoire
de H.Algoud 4, La relation entre Lyon et Chine au XIX siècle de E.Hamaide5, et la
Révolution industrielle de P.Verley 6 , ont déjà décrit l’échelle de la production des
soieries en France au niveau du nombre de métiers à tisser et au niveau de la quantité
(et de la valeur) de production. En citant leurs données, nous allons rappeler la
croissance de la production des soieries en France du 19e siècle, accompagnée de
cellede la demande des matières premières.
L’insuffisance de la production de la soie grège en France est un autre élément
conduisant à l'augmentation de sa demande au marché international. Les ouvrages
comme la soie, c’est de l’or de S.Lamb7 soulignent souvent que c’est la maladie des
vers à soie qui amène la réduction de la production séricicole en France. Dans cette
thèse, nous allons expliquer pourquoi la production séricicole de France reste toujours
très modeste même après que Louis Pasteur ait découvert la prévention des maladies
du ver.
Des estimations de la production de soie grège en Chine au 19e siècle sont
disponibles. Ce sont des enquêtes séricicoles de N.Rondot, Jiberboman, Akeda Hirom

(明石弘) et Uehara Shigemi (上原重美), ainsi que les éléments avancés dans des

ouvrages plus généraux comme Une grande divergence : la Chine l’Europe et la


construction de l’économie mondiale de Kenneth Pomeranz, 8 le développement du

1 A. De la Berge. Les industries de la soie en France. Revue des Deux Mondes. Tome 101. 1890.
2 P.Clerget. Les industries de la soie dans la vallée du Rhône. Les Etudes rhodaniennes. Vol 5. N°1. 1929.
3 M.Levy-Leboyer et F.Bourguignon. L’Economie Française au XIXe siècle, Analyse macro-économique. Paris.

Economica. 1985.
4 H.Algoud. La soie, art et histoire. Paris. Payot. 1928.
5 E.Hamaide. La relation entre Lyon et Chine au XIXe siècle. Thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2. 1999.

6 P. Verley. La révolution industrielle. Paris. Gallimard. 2005

7 S.Lamb. La soie, c’est de l’or. Lyon. Bureaux du courrier de Lyon. 1856.


8 K.Pomeranz. the Great Divergence: China, Europe and the Making of the Modern World Economy. Princeton.
Princeton University Press. 2000. p. 328-330.
16
capitalisme en Chine de Xu Dixin(许涤新) et Wu Chengming(吴成明), 1 Trade of

Jiangnan in Ming and Qing dynasties publié en 1998 par Fan Jinmin2 et « La quantité
de la production de la soie et l’influence de la croissance d’exportation de soie sur
l’augmentation des régions de sériciculture en Chine » publiée sur le Revue Agriculture

de Chine en 2008 par Zhang Li(张丽).3 En comparant plusieurs critères d’estimation

(de fait, chaque calcul à son avantage et son inconvénient), nous allons essayer
d'adopter des résultats moins extrêmes par rapport aux travaux cités. Concernant les
causes de la croissance de la production séricicole de Chine, G.Federico 4, dans son
ouvrage An economic history of the silk industry, indique que l’élévation de la
production séricicole dans le monde est due à son coût de production, inférieur à celui
de la plupart des autres activités agricoles. 5 Nous allons vérifier cet argumet et le
compléter par d’autres.
L’augmentation de l’offre de la soie grège chinoise sur le marché international
pourrait provenir de la diminution de la demande du marché domestique. C’est la thèse

avancée par Wang Xiang( 王 翔 ) dans son ouvrage une comparaison entre les

modernisations de l’industrie de la soie de Chine et celle du Japon6. Cependant, les

données qu’ilutilise proviennent de celles de Xu Xinwu (徐新吾) publiées en 19907,

lesquelles sont anciennes et inexactes. Nous allons comparer ces données avec celles

d’études récentes sur ce sujet, notamment celles de Zhangli (张丽). Nous pourrons,

1 XU Dixin et WU Chengming. Le développement de capitalisme en Chine. Beijing. Editions des peuples.


1985.pp..325-326. (许涤新,吴成明: 《中国资本主义发展史》,北京:人民出版社,1985,第325-326页。)
2 FAN Jinmin. L’évolution du commerce de Jiangnan pendant les dynasties de Ming et Qing. Nanjing. Editions de

l’université de Nanjing. pp. 30-31. (范金民:明清江南商业的发展,南京:南京大学出版社,1996年。)


3 ZHANG Li. La quantité de la production de la soie et l’influence de la croissance d’exportation de soie sur

l’augmentation des region de sériciculture en Chine. Agriculture de Chine. 2008. N° 04, p. 48. (张丽:鸦片战争前
的全国生丝传亮和近代生丝出口增加对中国近代桑蚕业扩张的影响,《中国农史》 ,2008年第4期,第48页。)
4 G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930. Cambridge. Cambridge University press. 2003.
5 Idem. p.83.
6 WANG Xiang. Une comparaison entre la modernisation de l’industrie de la soie de Chine et celle du Japon.

Shijia-Zhuang. Editions populaires de Hebei. 2002. pp.378-379. (王翔: 《中日丝绸业近代化比较研究》 ,石家庄:


河北人民出版社,2002年,第378-379页。)
7 Les données que Wang Xiang cite viennent de XU Xinwu. L’histoire de l’industire de filature de soie en Chine

pendant l’époque moderne. Shanghai. Editions populaires de Shanghai. 1900. pp.110-111. (徐新吾: 《中国近代缫
丝工业史》
,上海:上海人民出版社,1990年,第110-111页。)
17
après cette comparaison, confirmer si l’augmentation de l’exportation de la soie
chinoise du 19e siècle se fait aux frais du marché local, régional comme national.

C Maisons commerciales dans le commerce de la soie entre la France et la Chine

P.Verley a affirmé dans son ouvrage L’Echelle du monde : « les négociants jouent
un rôle très important dans le commerce international de longue distance à l’époque
moderne. » 1 En suivant le processus de circulation de la soie grège depuis les
producteurs chinois jusqu'aux fabricants de soieries en France, nous allons analyser les
rôles des négociants et intermédiaires. Selon les recherches de R.Findlay et
K.H.O’Rourke, la proportion de la réexportation est toujours très élevée dans la totalité
des exportations de la Grande Bretagne de la fin du 18e siècle jusqu'au milieu du 19e
siècle.2 P.Cayez, dans son ouvrage sur l’industrie de Lyon du 19e siècle, mentionne
aussi la réexportation de la soie grège de Londres à Lyon.3 Cependant, il ne présente
pas de données quantitatives précises, ni d’explications véritables à soutien de son
argument. Nous nous efforcerons de mesurer et expliquer l’importation de la soie grège
chinoise en France par Londres.

Des ouvrages, Histoire de la concession française de Shanghai de Ch.-B. Maybon


et J.Fredet4, Les Français de Shanghai. 1849-1949 de G.Brossollet5, La relation entre
Lyon et Chine au XIX siècle. E. Hamaide6, Des mouvements des maisons étrangères en
Chine avant et après la guerre d’opium LIN Rizhang7, L’histoire des commerçants
étrangers : Shanghai 1843-1956 de WAHG Chuifang8, Les mouvements des négociants

1 P.Verley. l’Echelle du monde. Paris. Editions Gallimard. 1997.


2 R.Findlay and K.H.O’Rourke. Power and plenty. Trade, war, and the world economy in the second millennium.
New Jersey. Princeton University Press. 2007.
3 P.Cayez. Crise et croissance de l’industrie lyonnaise 1850-1900. Paris. Editions du CNRS. 1980.
4 Ch.-B. Maybon et J.Fredet. Histoire de la concession française de Shanghai. Paris. Librairie Plon. 1929.
5 G.Brossollet. Les Français de Shanghai. 1849-1949. Paris. Editions Belin. 1999.
6 E.Hamaide. La relation entre Lyon et Chine au XIXe siècle. Thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2. 1999.
7 LIN Rizhang. Activités économiques avant et après la Guerre de l’opium. Mémoire de master soutenu à

l’Université normale de Fujian. 2001. (林日杖: 《鸦片战争前后外国在华洋行经济活动初探》 ,福建师范大学硕


士学位论文,2001年。)
8 WAHG Chuifang. L’histoire des commerçants étrangers : Shanghai 1843-1956. Shanghai. Editions de l’Académie

des sciences sociales de Shanghai. 2007. (王垂芳:


《洋商史:上海1843-1856》 ,上海:上海社会科学院出版社,
2007年。)
18
français à Shanghai pendant la dernière période de la dynastie de Qing (1847-1910)
de CAO Shengmei1 ont mentionné les maisons françaises et leur activité en Chine.
Cependant, ils ne détaillent pas le nombre de maisons françaises et le volume de leurs
activités. En ce cas aussi, nous allons essayer de compléter et développer ces éléments,
et montrer les rôles des maisons françaises, leur concurrence avec les maisons anglaises
en Chine et, à partir de là, les poids respectfs de l’importation directe de soie grège en
France et de celle passant par Londres.

Il existe déjà une quantité considérable de recherches concernant les négociants de


soie en Chine. Les causes du déclin des capitalistes de Nanxun de XU Faxiang2 et Le
plus grand groupe de marchands de soies pendant l’époque moderne de CHEN
Yonghao et TAO Shuimu3 ont montré les caractéristiques des négociants de soie en
Chine. Histoire de l’industrie de la soie de Chine pendant l’époque moderne de XU
Xinwu4 et L’industrie et l’exportation de la soie de Chine pendant l’époque moderne
de LI. M. Lillian 5 indiquent le rôle des industriels pendant la modernisation de
l’industrie de la filature de la soie. La naissance de la classe de compradors en Chine
de NIE Baozhang 6 , Compradors pendant le 19ème siècle---le pont entre l’Orient et
l’Occident de Lindsay Yong7, Classe de compradors en ancienne Chine de HUANG

1 CAO Shengmei. Les mouvements des négociants français à Shanghai pendant la dernière période de la dynastie
de Qing (1847-1910), rassemblé dans les Archives municipale de Shanghai. Recherches de l’histoire des archives à
Shanghai. Shanghai. Editions de Sanlian. 2006. (曹胜梅:晚清时期法商在沪经营活动述略1847-1910,载于上
海市档案馆编: 《上海档案史研究·第一辑》 , 上海三联书店,2006年。)
2 XU Faxiang. Les causes du déclin des capitalistes de Nanxun. Mémoire de master soutenu à l’Ecole centrale du

parti communiste chinoise. 2009. (许发祥: 《近代民族资本浔商衰落原因新探》 ,中共中央党校硕士学位论文,


2009年。)
3 CHEN Yonghao, TAO Shuimu. Le plus grand groupe de marchands de soies pendant l’époque moderne,

Hangzhou. Editions des peuples de Zhejiang. 2001. (陈永浩,陶水木:


《中国近代最大的丝商群体》 ,杭州:浙
江人民出版社,2001年。)
4 XU Xinwu. L’histoire de l’industrie de filature de soie en Chine pendant l’époque moderne. Shanghai. Editions

populaires de Shanghai. 1900. (徐新吾: 《中国近代缫丝工业史》 ,上海:上海人民出版社,1990年。)


5 M.L.Li. L’industrie et l’exportation de la soie de Chine à l’époque moderne, Editions de l’Académie des sciences

Sociales de Shanghai. 1996. (李明珠:中国近代蚕丝业及外销(1842-1937) ,上海:上海社会科学院出版社。)


6 NIE Baozhang. La naissance de la classe de compradors en Chine. Editions de l’Académie des sciences sociales

de Chine .1878. (聂宝章: 《中国买办资产阶级的发生》 ,中国社会科学院出版社,1978年。)


7 Lindsay Yong. Compradors pendant le 19ème siècle---le pont entre l’Orient et l’Occident. Shanghai. Editions de

l’Académie des sciences sociales de Shanghai. 1988. (郝延平: 《十九世纪买办---中西间桥梁》 ,上海:上海社会


科学院出版社,1988年。)
19
Yifeng et JIANG Duo1 et Evolution du système de Conghong au Système de comprador
de XIAO Chuxiong2 ont étudié le rôle de comprador dans le commerce extérieur de
Chine. A l’aide de ces recherches existantes, nous allons indiquer la composition des
négociants de soie de Chine, leurs relations intérieures et leurs relations avec les
maisons étrangères. Nous ajouterons nos propres sources d’archive.

D Effets du changement des politiques douanières et de l’amélioration de la


condition de transport
Les travaux de P.Bairoch représentont l’opinion conventionnelle sur la
périodisation et l’influence économique de la politique du commerce extérieur en
France. Selon lui, la période du libéralisme commercial s’ouvre avec la signature du
Traité de Cobden-Chevalier avec l’Angleterre en 1860, et se termine avec la mise en
application du « tarif Méline » en 1892. La France, pays typique de l’Europe
continentale, aurait ainsi poursuivi une politique du commerce extérieur beaucoup plus
protectionniste que celle de l’Angleterre entre les années 1840 et la fin du 19e siècle.3
Suivant cette interprétation l’expansion du commerce extérieur et de l’économie ont été
généralement plus rapides pendant les périodes protectionnistes que sous le libre-
échange ; la baisse des barrières douanières aurait donc joué un rôle négatif pour les
croissances du commerce extérieur et de l’économie française.4 Ces conclusions sont
contestées par beaucoup d'historiens économiques, parmi lesquels J.V.Nye, War, Win,
and Taxes : The politicial Economy of Anglo-French Trade 1689-1900.5 En examinant
les évolutions du tarif moyen de la douane de France et celui de l’Angleterre, J.V.Nye
découvre que le premier avait été plus bas que le deuxième du début du 19e siècle

1 HUANG Yifeng, JIANG Duo. Classe de comprador en ancienne Chine. Shanghai. Editions des peuples de
Shanghai. 1982. (黄逸峰、江铎: 《旧中国的买办阶级》 ,上海:上海人民出版社,1982年。)
2 XIAO Chuxiong. Evolution du système de Conghong au Système de comprador. Mémoire du master soutenu à

l’Université de Guangzhou. 2009. pp. 25-26. (肖楚熊:行商制度到买办制度变迁研究,广州大学硕士毕业论


文,2009年,第25-26页。)
3 P.Bairoch. Mythes et paradoxes de l’histoire économique. Paris. La Découverte. 1994. pp.38-39.
4 P.Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. Paris. Éditions Mouton.

1976. p .162.
5 J.V.Nye. War, Wine and Taxes: The Political Economy of Anglo-French Trade, 1689-1900. Princeton and Oxford.

Princeton University Press. 2007


20
jusqu’à la fin des années 1870. Cela, d’après l’auteur, prouve que la politique douanière
française a été plus libérale que celle de l’Angleterre pendant une grande partie du 19e
siècle. La thèse de J.V.Nye a relancé les débats sur les politiques commerciales. Ainsi
J-P.Dormois1 et P.Verley2 se posent des questions telles que : est-ce que les pays sur le
continent européen sont aussi protectionnistes que P.Bairoch les a décrit ? Comment
mesurer le niveau de protection du tarif de douane d’un pays ? Comment peut-on
mesurer l’impact du tarif sur la croissance ?
Ce même débat a lieu aussi en dehors de France, notamment entre K.H.O’Rourke3,
A. Estevadeordal4, A.T.Junguito,5 D.A.Irwin6, F.Capie,7 A.Vamvakidis,8 J.Foreman-
Peck9 et B.Dedinger10. En comparant et adoptant les moyens de calculs des tarifs de
ces auteurs, nous allons essayer de mesurer le niveau de protection et les impacts du
tarif d’entrée de la soie en France.
L’évolution de la politique du commerce extérieur de Chine avant et après la
guerre de l’opium a été déjà citée, présentée ou discutée par beaucoup de chercheurs
occidentaux et chinois. Par exemple, dans l’article « The Old Canton System of Foreign
Trade » de R.Edwards, l’auteur a présenté précisément la politique extérieure de
l’Empire de Qing pour expliquer l’origine de la politique de fermeture de la République
populaire de Chine pendant des années 1970 ; 11 P.Bairoch, afin de démontrer la
catastrophe que le libéralisme avait amenée au tiers-monde, a évoqué les évolutions du

1 J-P.Dormois. the Impact of late-nineteenth-century tariffs on the productivity of European industries (1870-1930).
In J-P. Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York Routledge. 2006.
2 P.Verley. l’Echelle du monde. Paris. Editions Gallimard. 1997.
3 K.H.O’Rourke. Measuring protection. À cautionary tale. Journal of Development Economics. N°53. 1997. pp.

169-183.
4 A.Estevadeordal. Measuring protection in the early twentieth century. European Economic History Review. N°1.

1997. pp. 89-125.


5 A.T.Junguito. Assessing the protectionist intensity of tariffs in nineteenth century European trade policy. In J-P.

Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York Routledge. 2006.
6 D.A.Irwin. Free trade and protection in nineteenth-century, Britain and France revisited: A comment on Nye.

Journal of Economic History. Vol. 53. N°1. pp. 146-152.


7 F.Capie. Tariffs and Growth: Some Illustrations from the World Economy Trade. Manchester. Manchester

University Press.
8 A. Vamvakidis. How robust is the growth-openness connections? Historicall evidence, Journal of Economic

Growth. Vol. 7. N°1. 2002. pp. 57-80.


9 J.Foreman-Peck. A model of later-19th-century European economic development. Revista de Historia Economica.

Vol.8. N°3. 1995. pp.441-471.


10 B.Dedinger. From virtual free-trade to virtual protectionism: or, did protectionism have any part in Germany’s

rise to commercial power 1850-1913. In J-P. Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914.
London and New York Routledge. 2006. pp.219-241.
11 R.Edwards. the Old Canton System of Foreign Trade. In V.H.Li. Law and Politics in China’s Foreign Trade.

Seattle and London. University of Washington Press. pp. 360-378.


21
« protectionnisme » au « libéralisme » de Chine pendant le 18e et 19e siècle dans son
ouvrage Mythes et paradoxe de l’histoire économique. 1 Afin de souligner le rôle
essentiel de certains ports pour le commerce extérieur et pour l’économie de l’Asie de
l’Est et de l’Asie du Sud-est, F. Gipouloux a discuté les effets de l’ouverture forcée des
ports à traités sur le commerce extérieur chinois dans son ouvrage La méditerranée
asiatique. 2 Dans un article très récent, « Asian globalizations : market integration,
trade and economic growth, 1880-1938 », les auteurs D. Chilosi et G.Federico ont
mentionné aussi la limitation et l’ouverture du commerce extérieur de Chine, afin de
vérifier l’effet de la barrière commerciale sur l’intégration du marché Orient-
Occidental. 3 En Chine, « le système de Canton » et le nouveau régime de douane
chinois sont souvent pris en exemple dans les recherches sur la comparaison entre les
économies modernes de Chine et du Japon, comme dans l’ouvrage de l'Histoire
comparative entre les politiques économiques de Chine et du Japon publié par GAO
Shujuan et FENG Bin,4 etc.
Cependant, dans la plupart des recherches sur ce sujet, la Chine est vue comme un
pays fermé ou demi-fermé avant la guerre de l’opium, ouvert par la suite. Cependant,
aucune recherche n’a mesuré en détail le niveau de protection des droits de douane
chinois et discuté l’effet du tarif sur le commerce. Dans cette thèse, nous allons essayer
de combler cette lacune. Nous allons montrer que l’abolition du quota sur l’exportation
des soies chinoises depuis 1843 donne la possibilité de les exporter en grande quantité,
en écartant un obstacle important pour l’augmentation du commerce de la soie entre la
France et la Chine en particulier. La baisse des tarifs de douane sur les soies grèges dans
le nouveau régime de douane a renforcé l’avantage du prix d’exportation des soies
chinoises, ce qui a assuré leur compétitivité sur le marché français pendant la seconde
moitié du 19e siècle, surtout à partir des années 1870.

1 P.Bairoch. Mythes et paradoxe de l’histoire économique. Paris. Éditions La Découverte. 1994. pp. 50-51.
2 F.Gipouloux. La Méditerranée asiatique. Paris. Éditions CNRS. 2007. pp. 173-185.
3 D.Chilosi and G.Federico. Asian Globalizations: Market Integration, trade and economic growth. 1800-1938.

Economic History Working Papers. N°123. 2013. p.21.


4 GAO Shujuan et FENG Bin. Histoire comparative entre les politiques commerciales de Chine et du Japon. Beijing.

Éditions de l’Université de Qinghua. 2003. (高淑娟,冯斌: 《中日对外经济政策比较史纲》 ,北京:清华大学出


版社,2003年。)
22
Les effets économiques de la révolution du transport maritime ont suscit l’attention
des historiens au cours des deux dernières décennies. En 1995, P.Krugman a publié un
article sur la question « pourquoi le commerce mondial s’est accru », en montrant que,
la croissance du commerce mondial selie aux innovations techniques des transports.1
Cet argument est mis en question par S.L.Baier et J.H.Bergstand. D’après leurs calculs,
la contribution de la baisse des coûts de transport à la croissance économique est très
limitée.2 K.H.O’Rourke et J.Wlliamson déterminent la corrélation entre convergence
des prix et la baisse du coût de transport dans l’Atlantique;3 dans un autre ouvrage que
K.H.O’Rourke publie avec R.Findlay en 2007, les auteurs découvrent que la baisse
de coût de transport aboutit non seulement à la croissance du volume du commerce
international, mais aussi à la variation des natures des marchandises transportées.4 En
2010, D.S.Jacks et K.Pendakur comparent les données de différentes époques, et
concluent que le coût de transport joue un rôle important pour la croissance du
commerce international entre 1870-1913. 5 Dans une publication récente de 2013,
D.Chilosi et G.Federico ont reconsidéré le problème. En observant le cours de
l’intégration des marchés d’Asie avec le reste du monde pendant une période assez
longue (1800-1938), les auteurs ont trouvé que la baisse de coût a joué un rôle très
important pendant les années 1870-1938 exclusivement. 6 Nous allons à notre tour
examiner de près ce sujet. Nous allons montrer que la mise en service des Messageries
Maritimes a élargi l’importation directe de la soie chinoise en France, tandis que
l’ouverture du Canal de Suez offre définitivement à la France l’avantage sur le
commerce direct de la soie avec la Chine.
.

1 P.Krugman. Growing World Trade: Causes and consequences. Brookings Papers on Economic Activity. 1995. N°1.
pp. 327- 377.
2 S.L.Baier and J.H.Bergstrand. The Growth of World Trade: Tariffs, Transport Costs, and Income Similarity.

Journal of International Economics. Vol 53. N°1. 2001. pp.1-27.


3 K. H. O’Rourke and J. Williamson. Globalization and History. Cambrige and London. The MIT Press.1999.
4 R. Findlay and K.H.O’Rourke. Power and Plenty. Princeton and Oxford. Princeton University Press. 2007
5 D.S.Jacks and K.Pendakur. Global trade and the maritime transport revolution. The review of Economics and

Statistics. Vol 92. N°4. 2010. pp. 745-755.


6 D.Chilosi and G.Federico. Asian Globalizations: Market Integration, trade and economic growth. 1800-1938.

Economic History Working Papers. N°123. 2013.


23
E Modernisations des industries de la soie en France et en Chine et le commerce
de la soie
La relation entre l’industrialisation et la croissance commerciale est une question
très classique déjà discutée par beaucoup d’historiens et d’économistes. Au niveau de
l’influence de la relation commerciale sur l’industrialisation des pays occidentaux,
P.Bairoch a examiné, dans son article le commerce international et genèse de la
révolution industrielle anglaise,1 la contribution du commerce extérieur au démarrage
de l’industrialisation dans le cas de la Grande-Bretagne par cinq critères, et a conclu
que le commerce extérieur n’avait joué qu’un rôle marginal dans les débuts de
l’industrialisation anglaise. Son point de vue n’est qu’en partie accepté par R.Findlay
et K.H.O’Rourke dans leur ouvrage plus récent Power and Plenty2. Ces derniers deux
auteurs affirment que le commerce extérieur n’est pas à l’origine de la Révolution
industrielle anglaise, mais qu’il serait plutôt un des facteurs de l’expansion de
l’industrialisation en Angleterre. Dans l’ouvrage Histoire économique de la France du
XVIII siècle à nos jours3, J-C. Asselain considère que l’impact du commerce extérieur
sur l’industrialisation française a été loin d’être négligeable.
Concernant l’impact commercial occidental sur l’industrialisation des pays
asiatiques, l’opinion conventionnelle (par exemple, affirmée par P.Bairoch dans son
ouvrage) est que l’échange avec les pays occidentaux amène une désindustrialisation
des pays asiatiques à la suite de la Révolution industrielle.4 Ce point de vue a été
examiné par d’autres historiens. Dans un article publié en 1990, Sanjay Subrahmanyam
affirme que le déclin de l’industrie textile de coton de l’Inde avait déjà commencé avant
l’afflux des produits industriels anglais. 5 G.Riello souligne à la fin de son ouvrage
Coton : The Fabric that Made the Modern World que la relation commerciale conduit
à une convergence du développement industriel entre l’Occident et l’Orient. 6 Mau

1 P.Bairoch. Commerce international et genèse de la révolution industrielle anglaise. Annales, Economies, Société,
Civilisations, N°2, mars-avril 1973. pp.541-571.
2 R.Findlay. H.O’ROURKE Kevin. Power and plenty. Trade, war, and the world economy in the second millennium.

New Jersey. Princeton University Press. 2007.


3 J-C.Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. Edition du Seuil. 1984.
4 P.Bairoch. Mythes et paradoxes de l’histoire économique. p.79.
5 Sanjay Subrahmanyam. Rural Industry and Commercial Agriculture in the Late Seventeenth-Century South-

Eastern India. Past&Present. N°126. 1990. 107-108.


6 G.Riello. Cotton: The Fabric that Made the Modern World. New York. Cambridge University Press. pp. 292-294.

24
Chuan-Hui a montré dans sa thèse et ses recherches1 que la communication des savoir-
faire franco-chinois et la mécanisation de l’industrie textile de la soie en Europe font
progresser les techniques de l’industrie de la soie en Chine. Dans cette thèse, nous
allons aussi montrer le rôle positif du commerce extérieur de la soie sur la
modernisation de l’industrie de la soie en Chine, mais suivant une explication différente.
À cause de la Révolution industrielle dans l’industrie des soieries, les acheteurs en
France et dansd’autres pays occidentaux demandent que la soie importée soit
standardisée. Afin de répondre à ce besoin, les producteurs de soie en Chine (surtout à
Shanghai et à Canton) ont commencé la modernisation de la filature de la soie, de la
sériciculture et du système de contrôle de la qualité de la soie.

III – Archives et Sources

Notre travail s’appuie sur les archives chinoises et françaises. Ces dernières sont
produites par différentes administrations. Aux Archives Nationales de France, la
quantité des fonds concernant notre sujet est assez riche, y compris les documents sur
les relevés des importations de la soie, des statistiques de douane, des tarifs de douanes,
des traités commerciaux etc. Les Archives du Ministère des Affaires Étrangères ont
conservé presque tous les rapports commerciaux des délégués, consulats français en
Chine, dans lesquels les statistiques commerciales et les descriptions des événements
politiques et économiques sont très abondants.

Nous avons consulté aussi les documents dans les Archives en Chine. Les Archives

nationales de Chine (中国第一历史档案馆) à Beijing ont collecté tous les courriers

1 MAU Chuan-Hui. L’industrie de la soie en France et en Chine de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle :
échanges technologiques, stylistiques et commerciaux. Paris. EHESS. 2002.
Mau Chuan-Hui. L’introduction en Chine des sciences et des techniques européennes concernant l’industrie de la
soie après la guérre de l’Opium. Etudes chinoises. Vol. XX. N°1-2. 2001.
Mau Chuan-Hui. Les techniques séricicoles chinoises dans le développement de la sériciculture française de la fin
du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle. Cahier d’Histoire et de Philosophie des Sciences. N°52. Lyon. ENS
Editions. 2004.
Mau Chuan-Hui. Modernisation de la sériciculture à la fin de Qing et au début de République- entre « tradition » et
la « modernité ». Recherche des cultures des métiers chinois – Héritage des techniques et des savoir-faire. Beijing.
Editions de la Bibliothèque Nationale. 2010. (毛传慧:清末民初的蚕桑改良-传统与现代之间,《中国近现代行
业文化研究-技艺和专业知识的传承与功能》
,北京:国家图书馆出版社,2010年。)

25
officiels déposés à la cour de Qing. Nous pouvons trouver tous les textes originaux des
politiques du commerce extérieur, des traités commerciaux et des notes sur les tarifs de
douane traités par le gouvernement central de dynastie de Qing. Les Archives nationales

de Chine(deuxième) à Nanjing(中国第二历史档案馆)ont conservé et publié toutes

les archives des douanes anciennes de Chine, qui portent beaucoup de notes et de
statistiques très précieuses pour nos recherches. Aux Archives municipales de Shanghai

(上海市档案馆) se trouvent des archives sur des mouvements des maisons chinoises,

des maisons françaises, d’autres maisons étrangères ainsi que des filatures de soie à
Shanghai, qui sont très importantes pour les études sur les intermédiaires et la
modernisation de la filature de soie de la région de Yangzi. En plus des Archives ci-
dessus, beaucoup d’Archives municipales ou provinciales, comme les Archives

municipales de Shunde(顺德档案馆), les Archives provinciales de Zhejiang(浙江

省档案馆), qui conservent des Annuaires locaux, nous offrent également une quantité

considérable d’informations sur les démarches de la modernisation des industries


locales de la soie.

Le plus grand obstacle pour consulter les archives du 19e siècle en Chine est leur
accessibilité. Beaucoup d'entre elles se trouvent dans des inventaires des Archives, mais
elles ne sont souvent pas consultables. La cause la plus fréquente est que les archives
de Chine du 19e siècle ne sont pas mises en ordre à cause du manque des connaissances
de la langue écrite par les archivistes. Par exemple, une proportion considérable
d’archives aux Archives nationales de Beijing sont écrites en langue mandchoue, que
très peu d’archivistes et même d’historiens savent lire. Un autre exemple, les archives
du consulat français à Sichuan, laquelle est l’une des plus importantes régions de
production et d’exportation de la soie chinoise, se trouvent dans les Archives
provinciales de Sichuan. Cependant, aucune de ces archives n’est consultable, car
aucun des archivistes ne lit le français.

En dehors des Archives, les bibliothèques en France et en Chine nous offrent


également beaucoup de documents historiques qui nous intéressent. La bibliothèque
26
nationale de France où se trouvent les fonds sur le commerce de la soie de France, dont
les plus importantes sont Les Annales publiées par le Ministère de l’Agriculture et du
commerce de France et le Bulletin des soies et des soieries-Revue Hebdomadaire
Lyonnaise pendant le 19e siècle. La bibliothèque de la Sorbonne conserve également
des ouvrages sur l’industrie de la soie de France publié pendant le 19e siècle, qui nous
offrent un autre angle d’observation des auteurs de l’époque. En Chine, la Bibliothèque

nationale de Chine( 中 国 国 家 图 书 馆 ) à Beijing, la Bibliothèque municipale de

Shanghai(上海市图书馆), la Bibliothèque de Zhongshan de Guangdong(广东中

山图书馆), la Bibliothèque municipale de Nanhai(南海图书馆) possèdent des fonds

de revue, de journaux et des Annuaires locaux très abondants. Ces documents, comme

North China Herald(《北华捷报》), Journal de l’agriculture et du commerce(《农商

公报》), et Journal de Shen(《申报》) ont donné accès à beaucoup d’informations

essentielles pour cette thèse.

IV – Plan de la thèse

Cette thèse se compose de cinq chapitres. Le premier chapitre se concentre sur


l’histoire du commerce entre la France et la Chine pendant le 19e siècle. Le but est de
contribuer souligner l’importance de l’échange dans le commerce général entre les deux
pays et les contextes, économique, politique et diplomatique. Ce chapitre se divise en
trois parties selon les différentes périodes historiques : 1815-1859, 1860-1884, 1885-
1914, dont le choix permet de souligner les forces motrices possibles du développement
du commerce franco-chinois du 19e siècle.

Le chapitre 2 évoque l’évolution de l’échange de la soie entre la France et la Chine


du 19e siècle et l’analyse de leur relation offre-demande. La première section présentera
le contexte du marché de la soie du monde à l’époque et la position de l’échange de la
27
soie entre la France et la Chine. La deuxième section traitera de l’évolution quantitative
de l’échange de la soie. La section suivante expliquera la croissance de la demande des
fabricants des soieries en France par la prospérité de l’industrie textile de la soie et par
la crise séricicole en France pendant le 19e siècle. Dans la dernière section, nous allons
aborder l’augmentation de la quantité de la production de la soie et le déclin de la
fabrication des tissus de soie en Chine, qui a conduit à une croissance de l’offre de la
soie chinoise au marché international.

Le chapitre 3 analysera les rôles des négociants français, des négociants chinois et
des négociants d’autres pays et leurs relations. La première section concerne l’échange
indirect de la soie chinoise par le marché de Londres entre la France et la Chine et les
maisons étrangères jouant des rôles importants dans ce commerce. La deuxième section
évoque l’évolution des maisons françaises et d’autres maisons étrangères dans le
commerce direct de la soie franco-chinois qui n'évolue qu’après les années 1850. La
section 3 de ce chapitre présentera la circulation de la soie en Chine avant l’exportation
et des rôles des négociants chinois qui s’engagent dans l’exportation de la soie à
l’étranger.
Le chapitre 4 abordera des deux facteurs concernant la possibilité de la croissance
du commerce de la soie : les changements de la politique du commerce extérieur,
l’amélioration du transport. Les deux premières sections du chapitre analyseront le
niveau de tarif de douanes de la soie en France et en Chine, ainsi que leurs influences
sur le commerce. La troisième section analysera les influences de la mise en œuvre de
la Compagnie des Messageries Maritimes en Extrême-Orient et l’ouverture du Canal
de Suez sur le commerce de la soie entre la Chine et la France. De même, un autre
problème important, l’impact des changements de la politique commerciale et de la
baisse du coût du transport sur la convergence des prix aux différents marchés
eurasiatiques sera abordé à la fin de la troisième section.
Le chapitre 5 présentera la relation entre le commerce de la soie et la
modernisation des industries de la soie dans les deux pays. Dans la première partie,
nous verrons les métiers traditionnels de la production de la soie en Chine. La deuxième

28
section se concentrera sur la tension entre les anciens métiers de production des soies
chinoises et la mécanisation de l’industrie des soieries en France. La troisième section
montrera la réaction de la Chine : afin de satisfaire la demande du marché extérieur, la
production de la soie en Chine commence son chemin de modernisation depuis les
années 1860, tandis que les modernisations de la sériciculture et le système du contrôle
qualitatif de Chine démarrent plus tard.

Chapitre I Importance de l’échange de la soie dans la


croissance du commerce franco-chinois du 19e siècle

La croissance des exportations de France était très remarquable pendant le 19e


siècle : à la suite de la chute de l’Empire de Napoléon, la valeur (en francs) des
exportations françaises passe d’un taux annuel moyen de croissance de 3.6% entre 1825
et 1840 à 6.2% de 1840 à 1860, puis atteint 10.8% par an entre 1861 et 1865. Dans le
reste du 19e siècle, le volume des exportations françaises est marqué par un
ralentissement, néanmoins avec une tendance à la croissance : 4% par an de 1867 à
1875, 0.7% par an de 1875 à 1894 et une reprise de 3% par an de 1895 jusqu’à la
Première Guerre Mondiale.1 Cependant, il serait difficile d’affirmer que les produits
français s’exportent sans aucune difficulté dans tout le monde. Pendant le 19e siècle, les
pays asiatiques absorbent très peu de ces produits : seulement 1% (valeur en francs)
jusqu’en 1890 et un peu plus 2% de 1900 à 1910.2 En revanche, pendant la même

1 P. Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. Paris. Edition Mouton
et EHESS. 1976. p. 221.
2 P. Bairoch. Geographical Structure and Trade Balance of European Foreign Trade from 1800 to 1970. The Journal

29
époque, la France importe de plus en plus de produits asiatiques : le continent d’Asie
fournit 4% des importations françaises de 1830 à 1860, 10% vers 1890 et 12% vers
1910.1 Ainsi on pourrait conclure que le commerce franco-asiatique est dominé par les
importations françaises de l’Asie. L’histoiren Paul Bairoch a identifié cette dynamique
du commerce franco-asiatique du 19e siècle : très peu d’exportations françaises vers les
pays asiatiques, de plus en plus d’importations depuis les pays asiatiques et donc un
déficit de plus en plus large pour le commerce français avec ce continent.
Pour la France, la Chine est l’un des plus importants partenaires en termes
d’échanges commerciaux en Asie. Nous allons voir, au fur et à mesure de ce chapitre,
que l’évolution du commerce franco-chinois correspond exactement à la spécificité
générale du commerce franco-asiatique à l’époque. Surtout, l’importation de la soie
chinoise occupe une proportion considérable dans la valeur d’échange totale entre les
deux pays.
Dans le chapitre présent, nous allons décrire, dans un premier temps, l’évolution
de l’importance de l’échange de la soie dans le commerce entre les deux pays. Nous
montrerons les évolutions de la valeur, de la structure des échanges franco-chinois ainsi
que le rôle de l’échange de la soie grège dans cette relation commerciale. Dans un
deuxième temps, nous observerons l’évolution des contextes de la politique, de
l’économie et de la relation internationale à l’époque, et analyser leurs influences sur
l’évolution du commerce entre la France et la Chine, en mettant l’accent sur plusieurs
questions : tout d’abord, l’expansion du commerce de France sur le marché chinois
aurait-elle été freinée par la compétition de l’Angleterre à l’Extrême-Orient ? Si oui,
pourquoi l’Angleterre a-t-elle une position dominante sur le marché chinois, alors que
la France peine à se tailler des parts ? Les changements de leur relation politique et les
traités signés entre les deux pays ont-ils eu un impact majeur sur la relation
commerciale franco-chinoise ? Ensuite, en dehors des deux points déjà évoqués, nous
allons montrer comment d’autres événements politiques et économiques entre les deux
pays et dans le monde peuvent avoir des influences sur le commerce franco-chinois.

of European Economic History. 1974. N°3. p.587.


1 Idem. p.588.

30
I-1 Décollage du commerce franco-chinois avant les années 1860 et

infériorité de l’influence commerciale de France sur le marché chinois

Au lendemain de la Révolution et de l’Empire, qui a en vain tenté de réserver à


l’industrie française un grand marché d’Europe continental par le blocus, le commerce
extérieur français est entièrement à reconstruire.1 La Grande-Bretagne a profité des
trente années d’absence de la France sur les marchés lointains pour développer les
relations commerciales avec les États-Unis, l’Amérique latine et l’Asie. Il est difficile
pour l’industrie française, qui se situe à une phase pionnière à ce moment-là, de
rivaliser directement avec son homologue anglais, producteur de tissus en grande série,
notamment de cotonnades à coût nettement inférieur grâce à sa forte productivité. Pour
protéger ses industries également incapables d’affronter la concurrence britannique
sur le marché intérieur, le gouvernement de la Restauration en France établit des
barrières protectionnistes à partir de 1816, concrétisées par de hauts tarifs douaniers

1 J-C Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. Paris. Editions du seuil. Vol.I. p.132.
31
sur les fers et des prohibitions pour les tissus. La monarchie de Juillet hérite des
politiques protectionnistes du gouvernement de la Restauration bien qu’elle apporte
quelques assouplissements, parce que ses mesures d’atténuation sont compensées pour
certains produits par l’effet automatique de la baisse des prix1. Sous la protection de
l’État, l’industrie française accélère sa modernisation après 1815, notamment dans les
secteurs de l’énergie, de la métallurgie, de la chimie et du textile, etc. En même temps,
le commerce extérieur de France retrouve graduellement son rythme d’accroissement
d’avant la révolution : de 1825 à 1840, le taux annuel moyen de croissance atteint
3.6%2.
Les décennies 1840-1860 tiennent une place exceptionnelle dans l’histoire
économique française : c’est à la fois l’apogée de la prospérité agricole, l’élévation à
grande échelle de la productivité industrielle, la naissance du système bancaire
moderne, l’ère des grands travaux de rénovation urbaine et la phase décisive de la
révolution ferroviaire. Malgré une croissance fiable de l’économie française avant les
années 1860, un désavantage notable que la France subit est d’avoir été devancée sur
les marchés d’exportations par rapport à l’économie anglaise. Dans une telle
conjoncture, les administrations françaises poursuivent une politique
protectionniste dans les transactions commerciales avec l’étranger pendant cette
période : avec les « droits spécifiques » fixés sous forme de montant absolu par unité
importée, la Monarchie de juillet maintient une taxe douanière assez élevée pendant les
dernières années de sa domination 3 . Le gouvernement de la deuxième République
reprend presque toutes les politiques extérieures commerciales de la Monarchie de
Juillet 4 à la demande des industriels et des économistes du libéralisme, le
gouvernement de Napoléon III fait abaisser différents tarifs de droit de douane pendant
1850-1860, mais les tarifs sur les principaux produits industriels à l’époque,

1 En effet, dans le cas des « droits spécifiques » de la monarchie de juillet, (fixé sous forme de montant absolu par
unité importée, par opposition aux « droits ad valorem » fixés sous forme de pourcentage), il suffit que le prix baisse
sous l’effet par exemple du progrès technique------pour que s’accroisse le poids relatif de la taxe douanière.
2 P. Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. Paris. Editions Mouton

et EHESS. 1876. pp.221.


3 Idem. 136.
4 P.Verley. Nouvelle histoire économique de France contemporaine. T.2. L’industrialisation. 1830-1914. Paris.

Editions La Découverte. 2003. p.60.


32
notamment les produits textiles et les produits en fer, restent encore très élevés1.
Lors de l’essor de l’industrialisation de l’Angleterre et de la France aux premières
décennies du 19e siècle, la Chine, sous la domination de l’Empire de Qing, se situe
encore dans une période de pré-industrialisation. Sous la politique de prohibition de la

cour de Qing, le commerce extérieur de l’Empire est monopolisé par les Co-hong(公

行 ) dans un seul port au sud, Canton, tandis que, la nature et les quantités des

marchandises dans les échanges extérieurs sont strictement déterminées avant les
années 1840. Bien que les négociants anglais, qui tiennent une place de domination au
marché de Canton, mettent tous leurs efforts dans l'élargissement du marché chinois,
la Chine reste bien fermée jusqu’à la Guerre de l'opium.
Le marché chinois est élargi par l’Angleterre depuis 1842 : quatre nouveaux ports
sont ouverts au commerce étranger ; les taux de droit de douane s’abaissent en

moyenne à 5% le monopole des Cong-Hongs(公行) au commerce extérieur chinois

est éliminé. Malgré une position inférieure dans la compétition du commerce extérieur
avec les Anglais, les Français ne veulent pas perdre une telle opportunité d'ouverture
au monde oriental, parce qu’ils affirment que « beaucoup d’articles des fabriques
françaises trouveraient des débouchés avantageux en Chine et dans les pays qui
l’avoisinent avoisinants».2 L’administration de la Monarchie de juillet envoie aussitôt
des délégués commerciaux en Chine et obtient les mêmes privilèges que son rival
anglais.
Dans cette présente section, nous allons observer la performance de la France sur
le marché de Canton avant les années 1860. Nous essayerons d’expliquer pourquoi le
commerce franco-chinois ne fleurit pas tout de suite après la paix de 1815, où le
commerce extérieur français commence à reprendre son rythme de croissance, et nous
constaterons les effets de l’ouverture de la Chine et d’autres éléments sur l’évolution
du commerce franco-chinois.

1 L.Ame. Etude sur les tarifs de douanes et les traités de commerce. Vol. I. Paris. Imprimerie Nationale. 1876. p.287.
Beaucoup d’historiens, représentés par J.Nye, affirment que le point de vue classique a surestimé le niveau du
protectionnisme de France du 19e siècle. Nous allons le préciser dans le Chapitre III.
2 Archives Nationales, F12.6498. 4, novembre 1839, la pétition de Chambre de Commerce de Bordeaux au Ministre

de l’agriculture et du commerce.
33
A Une relation commerciale interrompue et stagnante entre 1815-1844
Le point de départ de la relation franco-chinoise est l’arrivée du bâtiment
commercial « l’Amphitrite » de la Compagnie de Jourdan1 à Canton le 2 novembre
1698.2 Après ce voyage profitable, la Compagnie de Chine3, résultat d’une fusion entre
la Compagnie de Jourdan et la Compagnie des Indes orientales, envoie successivement
plusieurs vaisseaux commerciaux en Chine, mais malheureusement, ne parvient pas à
rentabiliser ses efforts. 4 La Compagnie Perpétuelle des Indes, nouvelle compagnie
spécialisée dans le commerce avec la Chine sous la direction de la Compagnie des Indes
Orientales, crée une factorerie 5 à Canton en 1728, laquelle est la première maison
française en Chine.6 À partir de l’installation de cette factorerie, le commerce franco-

1 Le commerce avec le monde oriental de la France est monopolisé par la Compagnie des Indes Orientales de France
qui est créée le 8 juin 1664. A cause de son déficit énorme, cette dernière accorde à la Compagnie de Jourdan le droit
d’envoyer deux vaisseaux pour faire le commerce direct avec la Chine, sous la condition de « 5% des produits de la
vente comme redevance pour la communication de son privilège. ». Pour les détails, consulter P.Pelliot. L'origine
des relations de la France avec la Chine. Le premier voyage de l'Amphitrite en Chine. (deuxième article). Journal
des savants. Mars 1929. p. 115. C.Cole. Colbert and a Century of French Mercantilism. New York. Columbia
University Press. 1939. Vol. 1. p.481.
2 Les documents historiques différents nous ont offert des opinions variées sur le point de départ du commerce entre

la France et la Chine. Selon le texte de ZHAO Erxun. L’ébauche de l’histoire de la dynastie de Qing. Beijing.
Editions de Zhonghua, Vol 155. 1977. p. 4561, ( 赵尔巽: 《清史稿·一五五卷》 ,北京:中华书局,1977, 第4561
页 )。“法兰西一名佛郎机,在欧罗巴之西。清顺治四年来广东互巿,广东总督佟养甲疏言 :‘佛郎机国人
寓居濠境澳门,与粤商互巿,仍禁深入省会’。” Traduction : « La France, qui s’appelle aussi Foulangi, se situe
à l’ouest de l’Europe. Les français viennent à Canton pour des échanges commerciaux à partir de la quatrième année
de Shunzhi. Le vice-roi du département de Guangdong Tong Yangjia a écrit au monarque : les français, qui ont
interdiction d’accéder à la capitale du département, habitent à Amoy pour commercer avec les marchands
cantonais. ». Les marchands français se présentent à Amoy pour la première fois dans la quatrième année de Shunzhi
(l’année 1647). Hosea Ballou Morse, un américain qui a travaillé dans le service de la douane impériale de Chine,
écrit dans son ouvrage The International Relations of the Chinese Empire que « la relation commerciale entre la
Chine et la France devrait avoir débuté après les années 1660 ». H.Gordier, sinologue français très connu, affirme
que le commerce franco-chinois débute à partir de l’année 1698, lorsque le vaisseau « L’Amphitrite » part de France
pour aller en Chine. La plupart des chercheurs considèrent l’opinion de ce dernier dernier comme l’origine du
commerce entre les deux pays, parce que les sources qu’H.Cordier a consultées sont assez fiables.
3 La Compagnie de Chine est une nouvelle compagnie issue de la collaboration entre la Compagnie des Indes

Orientales et la Compagnie de Jourdan pour développer les affaires commerciales avec la Chine. Elle est nommée
en 1705 comme la « Compagnie Royale de Chine » par le gouvernement Consulter ZHANG Yanshen. Les études
sur l’histoire de la relation diplomatique entre la Chine et la France. Changsha : Editions des recherches de l’histoire
et de la philosophie. 1950. p.13. ( 张雁深: 《中法外交关系史考》 , 长沙:长沙史哲研究社,1950年,第13页 ).
TIAN Yong-xiu. Panorama des influences économiques de la France en Chine. Chengdu. Université de Jiaotong de
sud-ouest, 2005. p. 294. (田永秀: 《法国在华经济势力之全貌》 ,成都:西南交通大学出版社,2005年,第
294页)
4 M.Arnoud. De la balance du commerce et des relations commerciales extérieures de la France. Paris : Librairie

Puisson.1791. p. 275.
5 Le mot « factorerie » proviennent du mot d’anglais « factory ». Pendant l’époque du commerce extérieur de

Canton, des habitations et des mouvements commerciaux des négociants étrangers sont limités à une petite région
dans la ville de Canton. Dans cette région, les représentants administratifs ou négociants étrangers de chaque pays
ont le droit de louer un bâtiment comme logements ou bureau. On appelle ce bâtiment « the factory ». Il faut signaler
que la factorerie n’est donc pas à confondre avec « usine » ici.
6 H.B.Morse. the International Relations of the Chinese Empire. New York. Longmains. Green. 1910. p.64

34
chinois entre dans sa première période florissante. Parmi les douze vaisseaux
occidentaux arrivés à Canton en 1736, cinq viennent d’Angleterre, trois de France, deux
des Pays-Bas, un du Danemark et un de Suède ; en 1753, on compte dix vaisseaux
d’Angleterre, six des Pays-Bas, cinq de France, trois de Suède et deux du Danemark
parmi les 21 vaisseaux totaux à Canton.1 Les bénéfices commerciaux passent de 4 220
000 livres en 1725 à 6 940 000 livres en 1736 et à 10 367 000 livres en 1743.2 Au début
de la seconde moitié de 18e siècle, la France devient l’un des principaux pays d’échange
pour la Chine.3
Afin d’accélérer le commerce français à Canton, la Compagnie des Indes
Orientales crée l’Association du commerce de France à Canton en 1772, 4 et le
gouvernement Royal y installe un consulat en 1776.5 Cependant, la Compagnie des
Indes orientales est supprimée par Louis XVI le 3 avril 1790, puis réorganisée comme
une compagnie privée.6 Pendant la Révolution et l’Empire, le commerce de France à
Canton est presque totalement interrompu. Le consulat de France ne fonctionne plus à
partir du 4 août 1801 après le retour du consul de Guignes le Fils en France. La
factorerie française à Canton, alors gérée par Charles de Constant, un marchand suisse,
est sous-louée à un Anglais en 1804.7
Ce n’est que sous la Monarchie de Juillet que presque trente ans plus tard, le 13

1 YANG Yuanhua. L’histoire de la relation entre la Chine et la France. Shanghai. Editions des peuples de Shanghai.
2006.p.9(杨元华: 《中法关系史》 ,上海:上海人民出版社,2006年,第9页。 )
2 A.Martineau. Dupleix et l’Inde française 1722-1741. Paris. Librairie Ancienne Honoré Champion, 1920.p. 31.
3 L.Dermigny. La Chine et l’occident : le commerce à Canton au XVIIIe siècle, 1719-1833. Paris. S.E.V.P.E. 1964.

Vol.I. p.394.
4 L’Association est créée à Canton le 7 septembre 1772 sous la suggestion de Pierre Etienne Bourgeois de Boynes,

le secrétaire d’État de la Marine. Pour les détails, consulter ZHANG Yanshen. Les études sur l’histoire de la relation
diplomatique entre la Chine et la France. p. 18.(张雁深: 《中法外交关系史考》 ,第18页。 )
5 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852. p. 10. Selon les archives, le
premier consul français en Chine est Pierre Charles François Vauquenlin. Il prend son poste le 20 août 1776. Après
la mort de ce dernier, Philippe Vieillard reprend le poste à partir du 23 septembre 1782. Il faut savoir que les consulats
étrangers à Canton n’ont jamais été reconnus par l’empire de Qing avant la Guerre de l’opium, ils n’étaient donc pas
des consulats au sens moderne. Ils n’avaient même pas le droit de communiquer avec les officiers locaux par
correspondances. Leur principale occupation était de rassembler les renseignements commerciaux, d’aider les
maisons de leur pays d’origine à développer leur commerce, et de servir d’interprètes à leurs compatriotes. De plus,
les consuls eux-mêmes étaient souvent des commerçants à Canton.
6 ZHANG Yanshen. Les études sur l’histoire de la relation diplomatique entre la Chine et la France. p. 20. (张雁

深:
《中法外交关系史考》
,第20页。

7 TIAN Yong-xiu. Panorama des influences économiques de la France en Chine. p. 296.(田永秀:
《法国在华经
济势力之全貌》
,成都:西南交通大学出版社,2005年,第296页)
35
décembre 1832, le drapeau tricolore flotte à nouveau devant la maison française à
Canton.1 Benoît Gernaert, nommé nouveau consul français à Canton par le Roi en 1828,
est à sa tête. 2 Néanmoins, comme les premières trois décennies du 19e siècle, le
commerce de la France avec la Chine ne progresse guère (consulter le tableau I-2). Dans
« les renseignements que le ministère de l’Agriculture et du Commerce offre à ses
délégués chargés de mission en Chine en 1844 », il a précisé :
« Les relations du commerce étranger avec la Chine ont été jusqu’à ce jour
presque exclusivement aux mains de l’Angleterre et des États-Unis. Il faut y ajouter
celles de la Russie, qui ont lieu principalement du côté de la terre ; et, si, par
l’intermédiaire des navires britanniques et américains, comme des entrepôts des Indes
anglaises, hollandaises, espagnoles, nos marchandises ont trouvé quelques débouchés
en Chine, on doit reconnaître que notre propre commerce, par nos navires, propre et
directe avec le Céleste-Empire, c’est-à-dire celui que nous avons pu faire par nos
navires, a été jusqu’ici à peu près nul. »3
Bien que nous ne puissions pas donner ici une liste des valeurs d’échanges entre
la France et la Chine avant les années 1840 du fait du manque de sources statistiques
pour cette époque, nous pouvons tout de même formuler quelques estimations pour des
cas particuliers. De fait, au niveau des valeurs d’échanges, la France est non seulement
nettement inférieure à l’Angleterre, mais elle l’est aussi par rapport aux États-Unis et
aux Pays-Bas. De 1836 à 1837, deux navires français arrivent à Canton. Sa valeur
d’exportation en Chine compte 116 456 dollars4, et il emporte une valeur de 138 547
dollars de marchandises de Chine. Pendant cette même période, les États-Unis
transportent 3 214 726 dollars d’articles en Chine, et en importent 9 527 139 dollars.
Pour les Pays-Bas, les deux chiffres sont 526 032 dollars et 1 070 290 dollars.5 Le
commerce de Canton en 1844 a cumulé une valeur totale de 1 296 911 dollars

1 Archives Nationales. F12.6498. le 21 juin 1833. Journal de Paris.


2 Archives Nationales. F12.6498. le 3 septembre 1829. Lettre du Ministre des affaires étrangères au ministre du
commerce.
3 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°5. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852. pp.21-22.
4 1 dollar Américain égale environ 5.6 francs à l’époque.
5 H.B.Morse. the Gilds of China. London. New York. Longmans, Green, 2d. 1932. p. 220-221.

36
(7 263 000 francs), contre seulement 70 933 dollars pour la France1.
Au niveau des natures de marchandises échangées entre les deux pays, on constate
que les matières premières apparaissent très rarement dans la liste du flux commercial
franco-chinois d’alors. Les marchandises échangées entre les deux pays comprennent
autant de boissons (vin, eau de vie), de produits agricoles (fruits secs provenant de
France et thés, sucre, rhubarbe provenant de Chine) que de produits manufacturés
(porcelaines, tissu de Nankin et tissu de soie de Chine et tissus de lin, laine et soie de
France).2 Parmi toutes ces boissons, produits manufacturés et agricoles, une proportion
considérable sont des produits exotiques et de luxe : les vins et l’eau de vie, les tissus
de soie, la parfumerie, les verres et les cristaux, l’industrie parisienne, les modes, l’or
filé sur soie, l’horlogerie, les peaux ouvrées de France et le thé, le tissu de soie de
Chine.3
La structure du commerce franco-chinois est très différente de celle du commerce
anglais-chinois : dans le commerce entre l’Angleterre et la Chine, la cotonnade est déjà
l’une des deux principales marchandises d’échange pendant la même période (l’autre
est l’opium) : en 1841, l’exportation de cotonnade de l’Angleterre en Chine atteint déjà
6 606 230 piastres, soit 27.82% de la valeur totale d’importation de Chine4. Du côté de
l’importation, l’Angleterre importe déjà une grande quantité des matières premières de
Chine : plus 80-90% des soies exportées sont destinées à l’Angleterre avant les années
1840 (nous y reviendrons en détail dans un autre chapitre). Autrement dit, au début du
19e siècle, l’Angleterre exporte déjà beaucoup de produits industriels vers Chine, et

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°10. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852. pp.22.
2 Selon le tableau d’exportation de la France dans les mers des Indes, Ministère de l’agriculture et du commerce.

Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°4. Paris. Imprimerie et Librairie
administrative de Paul Dupont. 1852. pp. 7 ; le tableau du commerce français à Canton, YAO Xiangao. Les données
du commerce extérieur de la Chine moderne 1840-1895. Beijing. Librairie de Zhonghua. 1982 p. 301(姚贤镐:
《中国近代对外贸易史料,1840-1895》 ,北京:中华书局,1982年版,第301页。 )
3 Il n’est pas possible pour nous d’évaluer la qualité du vin, du thé échangés entre les deux pays d’après les sources,

mais on estime que ce sont des produits de haute qualité, parce qu’il est difficile de transporter des produits ordinaires
dans le commerce de longue distance à cause du coût de transport très élevé même pendant la première moitié du
19e siècle. D’après l’estimation de S.Ville dans son ouvrage Transport and the Development of the European
Economy, 1750-1918, Houndmills, Basingstoke et Londres, Macmillan Press. 1990. p.68-69, la navigation à vapeur
ne s’impose que très lentement pour le trafic à grande distance, assurant encore moins de 10% des tonnages
européens en 1860.
4 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°3. p.3.


37
importe déjà une grande quantité de matières premières depuis la Chine ; tandis que le
commerce franco-chinois reste encore à l’étape des échanges de produits exotiques et
de luxe, sur un niveau très primaire.

B Influence à long terme des Guerres franco-anglaises de la fin du 18e siècle au


début du 19e siècle
La relation commerciale interrompue entre la France et la Chine avant les années
1840 s’explique souvent par l’influence, à long terme, des Guerres franco-anglaises
pendant la Grande Révolution Française et l’Empire de Napoléon.
Une explication courante de l’infériorité du commerce extérieur de France pendant
les premières décennies du 19e siècle est que les conflits franco-anglais du début du 18e
siècle à l’année 1815, notamment les guerres avec l’Angleterre pendant la période de
Révolution et l’Empire de Napoléon, ont freiné le commerce extérieur de France.
D’après les recherches de J-C. Asselain dans son ouvrage Histoire économique de la
France du XVIIIe siècle à nos jours, l’importance du commerce extérieur français a
atteint l’un de ses sommets dans le commerce international à la fin de l’époque de
l’ancien régime, tout en restant égale à celle de l’Angleterre. « Entre 1716-1720 et
1784-1788, la valeur du commerce extérieur a été multipliée par 5… La comparaison
avec la Grande-Bretagne (qui était, de loin, la première puissance commerciale au début
du XVIIIe siècle, comme plus tard au XIXe siècle), est particulièrement frappante : le
commerce extérieur français représentait à peine plus de la moitié du commerce
britannique vers 1720, mais presque l’équivalent vers 1780. »1 (voir le tableau I-1)

Tableau I-1 Part dans le commerce mondial (en %)2

1720 1750 1780


Grande-Bretagne 15 15 12
France 8 9 12

1 J-C.Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. Editions du Seuil. 1984. pp. 55-56.
2 Idem.
38
Ce tableau montre que les ravages des guerres sur le commerce extérieur français
sont beaucoup plus lourds que sur celui de l’Angleterre. « Il ne faudrait pas exagérer,
toutefois, la portée historique de cette comparaison. Le commerce extérieur français
demeure notamment bien plus vulnérable en temps de guerre : il connaît alors une chute
brutale, alors que le commerce de la Grande-Bretagne (qui a la maîtrise des mers) subit
un simple ralentissement de sa croissance… Le taux de croissance (du volume des
échanges extérieurs de France) fléchit de 3% par an environ entre 1720 et 1750 à un
peu plus de 1% seulement entre 1750 et 1780. » Lorsque J-C. Asselain discute de l’effet
des Guerres pendant la Révolution et l’Empire, il affirme : « Le contraste sera plus net
que jamais, lors des guerres de la Révolution et de l’Empire, entre l’effondrement des
positions commerciales françaises et l’affirmation décisive de la suprématie
britannique. »1
En résumé, J-C. Asselain détermine que les guerres franco-anglaises avant la
Révolution française ont interrompu la croissance du commerce extérieur français, mais
n’ont pas changé sa tendance à l’’expansion. En revanche, les guerres pendant la
Révolution et l’Empire ont détruit le commerce lointain de France et assis
définitivement la supériorité de l’Angleterre par rapport à la France dans la période
suivante. Le point de vue d’Asselain est soutenu par la plupart des historiens
économiques. « Il nous faudra donc attendre le Second Empire pour retrouver un
dynamisme de l’économie française comparable à celui de l’époque de Louis XVI »,
conclut J-P. Poussou dans son article le dynamisme de l’économie française sous Louis
XVI 2 . P. Verley écrit que « La supériorité britannique qui s’affirme sur les mers va
couper toute relation entre la France et les Antilles, détruire l’essentiel du commerce
océanique français…Dès 1793, Pitt cherche à affaiblir la France par un blocus, qui
l’incite à envoyer sa marine en Méditerranée pour en chasser le commerce français et
y établir des points d’appui. »3

1 Idem. 56.
2 J-P.Poussou. Le dynamisme de l’économie française sous Louis XVI. Revue économique. 1989, Vol. 40. n°6. pp.
984.
3 P.Verley. L’Echelle du monde. Paris. Editions Gallimard. 1997. pp.469-470.

39
Puisque J-C. Asselain affirme que les guerres franco-anglaises avant et après 1889
ont différents effets sur la tendance de l’évolution du commerce extérieur français de
1700-1840, nous allons également vérifier si les guerres franco-anglaises ont certaines
influences sur le commerce français avec la Chine au cours de ces deux périodes :
Avant la Révolution française, les principaux conflits entre la France et
l’Angleterre sont : « la Guerre de Succession d’Autriche » entre 1740 et 1748, « la
Guerre de Sept Ans » entre 1756 et 1763 ainsi que « la Guerre américaine » entre 1775
et 1783. Selon les recherches d’H.Cordier, la ligne commerciale entre la France et la
Chine est considérablement perturbée par ces guerres. Par exemple, pendant la guerre
de Succession d’Autriche, trois vaisseaux commerciaux pour la Chine, « le Jason », « le
Dauphin » et « l’Hercule » sont pillés par les navires militaires anglais ; en 1756, la
première année de la Guerre de Sept Ans, les forces navales anglaises ont capturé « le
Pondichéry » et « le Penthièvre », qui sont aussi sur leur trajet vers la Chine.1 En effet,
si l’on observe la comparaison des mouvements de navigations sur la mer chinoise dans
le tableau I-2, on découvrira que l’augmentation du nombre des navires anglais est plus
remarquable que celle de la France. Néanmoins la suprématie de la navigation de
l’Angleterre sur la mer de Chine n’est pas absolue avant la Révolution française. Le
nombre des bâtiments anglais arrivés en Chine dépasse pour la première fois 10 en 1751,
20 en 1776, mais tourne encore vers 20 au début des années 1780. Le nombre des
navires de France atteint 5 en 1753, puis 7 en 1777. Lorsque l’Angleterre a 16 navires
arrivés en Chine en 1783, la France en a 8. Les guerres ont limité l’expansion du
commerce français en Chine pendant cette époque-là, mais l’effet n’est pas tellement
dommageable.

Tableau I-2 Comparaison du nombre des navires dans les commerces anglais-chinois et
franco-chinois2

1 H.Cordier. Histoire générale de la Chine et de ses relations avec les pays étrangers. Paris. Librairie Paul Geuthner,
1920. Vol III. p. 337
2 Le chiffre de 1698 vient de P.Pelliot. L'origine des relations de la France avec la Chine. Le premier voyage de

l'Amphitrite en Chine. (deuxième article). Journal des savants. Mars 1929. p.115.
Le chiffre de 1701 vient de YANG Yuanhua. L’histoire de la relation entre la Chine et la France. p.9.
Les chiffres de 1704, de 1713 et de 1714 viennent de ZHANG Yanshen. Les études sur l’histoire de la relation
diplomatique entre la Chine et la France. p. 17.
40
Années Angleterre France Années Angleterre France
1698 — 1 1786 53 1
1701 — 1 1787 62 3
1704 — 2 1788 50 1
1713 — 1 1789 58 1
1714 — 2 1790 46 2
1716 — 6 1791 23 4
1722 4 1 1792 39 2
1724 6 1 1802 38 1
1730 — 2 1803 43 1
1731 — 2 1825 61 1
1732 — 1 1826 85 2
1733 5 3 1828 73 3
1734 1 1 1829 72 2
1736 5 1 1830 72 5
1737 5 2 1831 93 1
1738 0 3 1832 90 3
1739-40 7 3 1833 107 7
1741 5 2 1836-37 — 2
1750 7 4 1838 92 6
1751 10(?) 2 1839 68 2
1753 10 5 1840 47 6
1775 13 4 1841 43 3
1776 24 5 1842 54 2
1777 18 7 1843 100 plus 3
1778 17 4 1844 100 plus 5
1783 16 8
1784 21 4
1785 28 1
Nota : Les correspondances des diplomates français à Canton nous permettent de vérifier
l’exactitude du tableau. Par exemple, dans la lettre du consul français au Ministre des Affaires
Etrangères du 10 décembre 1831, il est mentionné que le seul navire français à être arrivé à Canton

Les chiffres de 1716 à 1833 viennent du « tableau de comparaison entre les navires commerçaux d’angleterre et de
France de 1716 à 1833 », YAO Xiangao, Les données du commerce extérieur de la Chine moderne 1840-1895,
Beijing : Librairie de Zhonghua, novembre 1982 p. 300(姚贤镐: 《中国近代对外贸易史料,1840-1895》 ,北京:
中华书局,1982年版,第 300页。 )
Les chiffres de 1837 à 1840 viennent du « Tableau de la Navigation directe d’Angleterre, d’Etats-Unis et de France
de 1837 à 1840 », Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et
Indochine, Faits commerciaux n°1. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852. pp. 82-83.
Les chiffres de 1841 à 1842 viennent du tableau de la Navigation directe dans les mers des Indes-orientale et de
l’Indochine de 1839 -1842, Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine
et Indochine, Faits commerciaux n°4, Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852, p.2.
Le chiffre de 1843 vient des Archives du Ministère des affaires étrangères Canton 1 1824-1844 67CCC 1.pp.111-
114. Lettre de C.Alex.Challaye.
Le chiffre de 1844 vient des Archives du Ministère des affaires étrangères, Canton 2 1845-1865 67CCC 2. pp. 1-
2 : 1er Janvier 1845. Lettre de Charles Lefevre de Bécourt.
41
en 1831 est le Damar de Bordeaux.1 Un autre consul a écrit dans son rapport qu’il n’y a eu aucun
vaisseau français parvenu à Canton en 1835.2

Est-ce que les Guerres pendant la Révolution et l’Empire sont le point tournant
pour les commerces des deux pays occidentaux avec la Chine ? Le tableau I-2
concernant le mouvement de navigations anglais en Chine est d’abord marqué par un
grand bond à la fin des années 1780, puis un faible recul pendant l’époque de la
Révolution française et l’Empire de Napoléon, et enfin son rythme de croissance
reprend après l’année 1815. En revanche, la communication des navigations entre la
France et la Chine diminue de nouveau entre 1-4 bâtiments par an (comme avant les
années 1750) pendant la Révolution. Or le consulat français est supprimé pendant cette
période jusqu’aux années 1833, où il s’établit à nouveau à Canton. Après les années
1830, le nombre des bâtiments français arrivés en Chine augmente légèrement, mais
simultanément, l’écart avec celui de l’Angleterre devient de plus en plus important. Ces
informations attirent l’attention sur le fait que la communication commerciale franco-
chinoise est presque interrompue pendant la période du blocus continental, mais le
commerce anglais a seulement légèrement chuté pendant cette période de conflit.
L’effet du conflit franco-anglais sur le commerce franco-chinois se poursuit après la
paix 1815. Lorsque de plus en plus des bâtiments anglais arrivent en Chine après les
guerres, le commerce franco-chinois reste à un niveau très modeste jusqu’aux années
1840. Les guerres pendant la Révolution et l’Empire sont donc effectivement un
tournant du commerce des deux pays avec la Chine : l’influence commerciale de la
France est presque éliminée par l’Angleterre, mais celle de l’Angleterre avec la Chine
est en revanche de plus en plus prospère.
En examinant le poids du bilan de ces guerres pendant la Révolution et l’Empire
pour le commerce lointain de France, et comment les Guerres deviennent le tournant
des commerces de France et d’Angleterre avec la Chine, on constate l’influence
désastreuse de la politique de blocus sur le commerce lointain et la chute brutale de la
capacité de navigation de la France pendant la Révolution. Le blocus s’effectue pour la

1 Archives du Ministère des affaires étrangères Canton 1 1824-1844 67CCC 1.pp.65-66.


2 Idem. pp. 92-95
42
première fois par le gouvernement français en 1796, qui va jusqu’à saisir les navires
neutres qui transportent des marchandises britanniques. 1 En outre, il est renforcé
plusieurs fois par des conventions, des directoires et des décrets annoncés par Napoléon
Ier. Un grand nombre d’historiens ont décrit les effets du blocus sur l’économie
française et son effet négatif sur le commerce lointain de la France.2 La France veut
maîtriser le commerce avec les pays européens et y éliminer l’influence économique de
la Grande-Bretagne. Or, dans le même temps, elle est isolée du marché du reste du
monde par les navires militaires anglais.
Le maintien de l’infériorité française peut-être expliqué par une baisse brutale du
nombre des navires commerciaux français pendant les guerres et le maintien de
l’infériorité de la flotte navale française après la paix. D’après le tableau I-3 ci-dessous,
le tonnage des marines marchandes françaises a été proche de celui du Royaume-Uni
en 1780, mais est resté inférieur après 1815. Il n’a pas remonté au niveau de 1780
jusqu’à 1840. De plus, l’infériorité du tonnage des vapeurs en 1840 contribue à
l’infériorité de la capacité du commerce de longue distance à ce moment-là.

Tableau I-3 Tonnage des marines marchandes européennes (milliers de

tonneaux britanniques)3

1 G.Dejoint. La politique économique du Directoire, Paris. 1951. p.161-223.


2 L’effet négatif du blocus a été affirmé notamment dans les ouvrages de G.Dejoint. La politique économique du
Directoire, Paris. 1951. G.Ellis. Napoleon’s Continental Blockade : the Case of Alsace. Oxford. Clarendo Press.
1981; P.J.Cain and A.G.Hopkins. The Political Economy of Expansion overseas, 1750-1914. The Economiec History
Review. Second Series, Vol.33. n°4. 1980 ; F.Crouzet. L’économie britannique et le Blocus continental. Paris. Presses
universitaires de France. 1958 ; F.Crouzet. De la supériorité de l’Angleterre sur la France. L’économique et
l’imaginaire, XVIIe-XXe siècle. Paris, Perrin. 1985.
3 S.P.Ville. Transport and the development of the European Euronomy. 1750-1918. Houndmills Basingstoke and

London. Macmillan Press. 1990. pp.68-69.


43
1780 1840
Pays Voile Voile Vapeur Total
Royaume-Uni 882 2680 88 2768
France 729 653 10 663
Pays-Bas 398
Danemark et Norvège 386 274
Italie 235
Espagne 150
Prusse et villes
hanséatiques 123 352

C Ouverture de la Chine et l’acquisition des privilèges commerciaux


La Chine maintient une politique de « fermeture » pour sa sécurité maritime
pendant presque toute la dynastie de Qing, notamment pendant « l’époque du

commerce de Canton (广州贸易时代 ) »(1757-1842)1. À cette époque, le commerce

extérieur de Chine se limite à Canton, monopolisé par plusieurs maisons chinoises (公

行 Cong-Hong), seules intermédiaires entre les marchands étrangers et les acheteurs

chinois.2

La signature du Traité de Nanjing (《南京条约》)3 entre la Chine et l’Angleterre

élargit notablement le marché chinois. Les Français ne veulent plus laisser le monopole
de ce grand marché de l’Extrême-Orient à l’Angleterre. Afin d’y entrer en concurrence
avec l’Angleterre, le gouvernement de la Monarchie de juillet envoie en 1844 ses
délégués en Chine pour une négociation commerciale. Avant le départ de Théodore de

1 Canton a été le seul port commercial ouvert de 1757 à 1842 en Chine. Cette époque s’appelle l’époque de « 一口
通商». Voir Liang Tingzhan. L’histoire de la douane de Guangdong. Canton. Editions des peuples de Guangdong.
2002.p.419.(梁廷枬: 《粤海关志》 ,广州:广东人民出版社,2002年2月。 )
2 H.Cordier. La Chine en France au XVIIIe siècle. Compte-rendu des séances de l’Académie des Inscriptions et

Belles-Lettres. 52e année. n°9. 1908. p. 762


3 Le « traité de Nankin » est l'accord qui mit fin à la première guerre de l'opium, qui s'est terminée en 1842 par une

nette victoire du Royaume-Uni sur la Chine. Il est signé à Nankin le 29 août à bord d'un vaisseau de guerre
britannique, HMS Cornwallis. Le traité ouvre aux anglais de nouvelles possibilités commerciales dans un pays
auquel ils n'avaient encore qu'un accès restreint. Il ouvre quatre nouveaux ports, Shanghai, Ningbo, Fuzhou et
Xiamen au commerce et proclame la cession de l'île de Hong Kong au Royaume-Uni ; Le gouvernent chinois est
obligé de négocier avec la légation anglaise quand il formule le tarif de douane ; La Chine est aussi dans l'obligation
de verser des indemnités de 21 millions de dollars sur 4 ans, pour la drogue détruite en 1839.
44
Lagrené, qui a été nommé par le Roi français comme le ministre plénipotentiaire de la
«mission en Chine », le Ministre des affaires étrangères Guizot lui confie plusieurs
tâches1 :
a, signer un traité commercial avec la Chine, lequel va assurer à la France des
droits identiques à ceux de l’Angleterre.
b, négocier avec le gouvernement chinois les problèmes de reconnaissance des
consuls, du mouillage des vaisseaux de guerre, de l’ouverture des ports commerciaux
et des relations entre des peuples des deux pays.
c, étudier le marché chinois avec l’aide des spécialistes de chacune branche
industrielle.
d, chercher un port à côté de la Chine comme escale des navires commerciaux
français en observant principalement les régions de l’Indochine, de l’Anambas, du
Natunas et de la Singapore.
Lagrené part de Brest, en février, sur la corvette à vapeur l’Archimède, 2
accompagné par les représentants des chambres de commerce de Marseille, de Paris et
de Mulhouse etc.,3 (Auguste Haussman pour l’industrie des contons, Natalis Rondot
pour celle des laines, Isidore Hedde pour celle des soies, et Édouard Renard pour celles
des articles de Paris.)4. Il est à la hauteur de la confiance de Guizot : il signe le Traité

de Huangpu (《黄埔条约》)le 24 octobre 1844 avec le gouverneur de Guangdong.5

Dans les archives chinoises, on trouve que ce dernier traité non seulement offre à la
France tous les privilèges formulés dans le traité sino-anglais, qui incluent l'ouverture
de cinq ports au commerce français (Canton, Fuzhou, Ningbo, Shanghai et Xiamen),
des privilèges extraterritoriaux pour les citoyens français en Chine, des droits de douane
fixes sur le commerce franco-chinois, le droit pour la France de mettre en poste des
consuls en Chine, mais aussi le privilège d’une protection des missionnaires catholiques

1 ZHANG Yanshen. Les études sur l’histoire de la relation diplomatique entre la Chine et la France. pp. 27-28. 张
雁深: 《中法外交关系史考》 ,第27-28页。 )
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12, Paris. Imprimerie Impériale. 1847 p. 33.


3 Archives Nationales de France. F12.6498. Lettre des Chambre de commerce au Ministère des affaires étrangères.
4 D. Malantie. Une commande de la mission de Lagrené en Chine (1843-1846). Archipel. Volume 67, 2004. p. 57
5 Archives Nationales de France. F12.6498. 15 mars 1845. Le traité 1844 et le tarif de douane

45
par leur reconduite auprès du consul de France si une autorité chinoise locale les juge
indésirables, et l'absence de persécution pour les Chinois catholiques à qui rien d'autre
ne peut être reproché. La France devient donc le quatrième pays qui conclut un traité
commercial avec la Chine, après l’Angleterre, les États-Unis et l’Italie.1
Parmi tous les privilèges que la France obtient avec le Traité de Huangpu, le droit
d’accéder au port de Shanghai est particulièrement important pour les négociants

français. Bien que le monopole du commerce extérieur du « Co-Hong (公行) » chinois

ait été aboli par les traités commerciaux entre la Chine et les pays occidentaux, il reste
« toujours une tendance de renaissance de Co-Hong à Canton ». 2 Les commerçants
anglais, en coopération avec les marchands de « Co-Hong », maîtrisent toujours le
commerce de Canton, ce qui entrave sévèrement les échanges d’autres pays avec la
Chine, la France y comprise. En revanche, il n’existe pas de « Co-Hong » chinois à
Shanghai. La création de la concession française à Shanghai en 1849 par le consul
Charles de Montigny offre un environnement de compétition commerciale plus
égalitaire aux négociants français. Dans cette concession, les négociants français
obtiennent successivement les privilèges de construire les résidences, d’avoir une
justice indépendante, une administration indépendante, de lever des impôts sur tous les
résidents (Chinois inclus), d’employer la force de police, de construire des églises, des
hôpitaux, des orphelinats, des écoles et des cimetières, etc.3 Ces privilèges assurent une
certaine sécurité aux négociants français et facilitent leurs activités commerciales en
Chine.

D Début de la croissance de la valeur d’échange depuis les années 1840 et la


prolongation son l’ancienne structure
Quel est l’effet des efforts diplomatiques des français sur le commerce franco-

1Archives Nationales de Chine.: les archives des commerces sino-occidentaux au cours des dynasties Ming et Qing,
Beijing. Editions des Archives. Vol VI pp. 3876-3889. (中国第一历史档案馆: 《明清宫藏中西商贸档案06》 ,北
京:中国档案出版社,2010年)
2 Archives Nationales de France. F12.6341. Rapport du consul de Canton. p.1
3 Ch-B.Maybon. et J.Fredet. Histoire de la Concession française de Changhai. Paris. Librairie Plon. 1929. pp.25-

26.
46
chinois ? Examinons les statistiques du commerce entre la France et la Chine pendant
les années 1844-1859.

Tableau I-4 Commerce de la France avec la Chine, la Cochinchine et l’Océanie 1844-


1859 (commerce spécial)1
Exportation en Chine(fr) Importation en France(fr) Total(fr)
1844 186 027 204 215 390 242
1845 145 479 511 555 656 304
1846 843 000 1 275 000 2 118 000
1847 580 000 1 762 000 2 342 000
1848 148 000 1 810 000 1 958 000
1849 610 000 2 468 000 3 078 000
1850 448 000 1 309 000 1 757 000
1851 138 000 1 302 000 1 440 000
1852 200 000 1 859 000 2 050 000
1853 3 459 000 1 426 000 4 885 000
1854 2 558 000 1 858 000 4 416 000
1855 1 625 000 2 376 000 4 001 000
1856 3 985 000 3 314 000 7 299 000
1857 4 544 000
1858 774 000 3 997 000 4 771 000
1859 2 268 000 2 647 000 4 915 000
Nota : 1 Les chiffres des trois premières années (1844-1846) sont les statistiques du commerce entre
la France et la Chine.
2 Les chiffres de 1847 à 1859 sont les statistiques du commerce de la France avec la Chine, la
Cochinchine, et l’Océanie. Toutefois, les valeurs du commerce avec la Chine occupèrent plus de 80%
de la valeur des échanges de la France avec les trois régions.
3 Tous ces chiffres proviennent des statistiques officielles de la douane de France.
4 Les statistiques de douane chinoise sur les valeurs d’échange entre la France et la Chine n’existent
qu’à partir de l’année 1905. Avant cette année, la douane chinoise ne note que des valeurs d’échange
entre la Chine et l’Europe.
5 La plupart des pays continentaux en Europe catégorisent leur commerce extérieur sous deux
formes : le commerce général et le commerce spécial. Le premier inclut toutes les marchandises
entrées ou sorties du pays ; le deuxième inclut les marchandises à usage domestique ou les produits
à l’intérieur du pays.
6 Pour une synthèse de ces statistiques, consulter le graphique I-14-A qui se trouve à la fin de ce
chapitre.

1 Les chiffres proviennent du Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine
et Indochine, Faits commerciaux n°7,n°9 et n°14. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852.
Le Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°16. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852. Ministère de l’agriculture et
du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°24, n°26, n°27, n°31.
Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868.
47
D’après le tableau ci-dessus, le commerce franco-chinois traverse une croissance
notable après la signature du Traité.1 Au cours de l’année 1846, la valeur totale des
échanges entre ces deux pays triple par rapport à l’année précédente. En particulier, la
valeur d’exportation de Chine en France est multipliée par 2.5 fois, et la valeur
d’exportation de France en Chine par presque 6 fois. À partir de cette année, la moyenne
de la valeur des échanges entre les deux pays se maintient au niveau de 2 000 000 francs
par an jusqu’à 1852. Une autre croissance remarquable apparaît en 1853. La valeur des
échanges entre la France et la Chine monte à 4 885 000 francs, 2.4 fois plus que celle
de l’année précédente. Dès lors, le montant total du commerce franco-chinois reste
stable entre 4 000 000-5 000 000 francs jusqu’à la fin des années 1850.
Le progrès notable du commerce franco-chinois pendant les 15 ans provient non
seulement de la performance de l’exportation de Chine en France, mais aussi du grand
bond des exportations de la France vers la Chine. D’un côté, la France commence à
importer de la soie grège régulièrement depuis la Chine à partir de l’année 1852 (nous
réexaminerons ce point dans le chapitre suivant), ce qui a conduit à une augmentation
notable des exportations de la Chine vers la France. De l’autre côté, la croissance du
nombre de résidents étrangers à Shanghai a stimulé la croissance des exportations de
produits français vers la Chine de 1846 à 1859. Selon les rapports de Natalis Rondot,
la plupart des produits français ne sont pas consommés par les Chinois, mais par les
résidents étrangers en Chine : « il est regrettable qu’on ne puisse donner au commerce
des vins en Chine, les mêmes expériences qu’à l’industrie lainière… Si les Chinois se
préoccupent, peu de nos vins, les Européens et Américains qui habitent les ports ouverts
et la colonie de Hong-Kong, en consomment, par compensation, de grandes
quantités. »2 Après l’ouverture de la Chine, les étrangers sont autorisés à résider dans
les ports d’ouverture, et de plus en plus de négociants étrangers viennent développer

1 Il nous faut faire remarquer que la croissance n’apparaît pas en 1844, l’année de signature du Traité de Huangpu,
mais en 1846. De fait, le Traité de Huangpu n’est signé qu’à la fin de l’année 1844. De plus, il faut compter à cette
époque environ 16 mois pour le trajet aller-retour France-Chine. Donc si des navires français commencent leur trajet
pour la Chine à la fin de 1844 ou au début de 1845, la douane française enregistrera leurs chiffres d’affaires au
minimum pendant le premier semestre de l’année 1846.
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°10. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852. pp. 142-143
48
leurs affaires en Chine avec leurs familles, ce qui augmente la demande d’articles
provenant de France (vins, articles parisiens, horloges, etc.). Prenons l’exemple du port
de Shanghai. Selon les statistiques du consulat anglais à Shanghai à la fin de l’année
1843, il n’y a alors que 26 étrangers habitant à Shanghai (les personnels du consulat
inclus)1 ; ce nombre monte à 378 en 1855 ;2 selon les statistiques du Conseil municipal
de la concession publique et de la concession française en 1865, le nombre des résidents
étrangers atteint 5 589,3 soit une augmentation de 15 fois celui de l’année 1855 et 220
fois celui de l’année 1843.
L’évolution quantitative du commerce franco-chinois à l’époque s’est-elle
également accompagnée du changement de structure du commerce franco-chinois ?
Observons tout d’abord les listes des marchandises échangées entre les deux pays à la
fin des années 1850.

Tableau I-5 Marchandises principales dans le commerce franco-chinois en

1858 et en 18594

1 WU Guilong. L’évolution démographique des étrangers à Shanghai. Forêt d’histoire. n°4. 1998. p.67.(吴桂龙:
论晚晴上海外侨人口的变迁, 《史林》 ,1998年第4期,第67页。)
2 WU Zhenyi. La société des concessions à Shanghai. Taibei. Editions de la littérature, de l’histoire et de la

philosophie. 1978. p.2. (吴圳义: 《清末上海租界社会》 ,台北:台湾文史哲出版社,1978年,第2页。)


3 Bureau des Annuaires locaux de Shanghai. Annuaires des concessions. Vol. I. Démographie. Fonds des Archives

Municipales de Shanghai. (上海市地方志办公室: 《上海租界志,第一篇:区域人口》 ,上海市档案馆馆藏资


源。)
4 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n° 31. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868. pp. 11-12.
49
Importation en France Valeurs en 1858(francs) Valeurs en 1859(francs)
Thé 1 329 000 1 367 000
Sucre brut 701 000
Poivre 271 000
Soies en cocons 267 000
Soies écrues,grèges et moulinées 260 000 788 000
Laines 250 000
Cannelle 145 000 124 000
Total 3 223 000 2 279 000
Exportation de France Valeurs en 1858(francs) Valeurs en 1859(francs)
Carton, Papiers, Livres et Gravures 110 000 33 000
Vins 104 000 996 000
Outils et Ouvrages en métaux 62 000 47 000
Tissus de soie 57 000 57 000
Poterie, Verres et Cristaux 50 000 64 000
Peaux préparées et ouvrées 48 000 64 000
Effets à usage 39 000 122 000
Eaux-de-vie et Liqueurs 37 000 225 000
Viandes salées 13 000 73 000
Total 520 000 1 681 000

D’après le tableau ci-dessus, le produit français le plus demandé en Chine est le


vin. De plus, les marchandises exportées de France en Chine sont toujours composées
principalement de produits exotiques, de luxe et demi-luxe à la fin des années 1850.
Pendant cette même période, le produit chinois le plus importé en France reste le thé
tandis que la plupart des marchandises importées en Chine depuis la France sont
toujours des produits exotiques ou de luxe.
Pourtant, il faut remarquer un léger mais significatif changement dans la liste
d’exportation de Chine en France : les soies grèges commencent à apparaître
régulièrement dans la liste des échanges entre les deux pays. De fait, à partir de l’année
1852, la France commence à importer directement et régulièrement les matières de soie
en conséquence de l’élévation de la productivité de l’industrie de la soierie de France
et de l’épidémie des vers à soie au milieu du 19e siècle (nous allons en préciser les
détails dans le chapitre II).
En résumé, les années 1844-1859 témoignent, pour la première fois, d’un
décollage du commerce franco-chinois. Au niveau de la quantité, la valeur des échanges
50
entre les deux pays se multiplie par 13 ; au niveau de la structure, la France commence
à importer régulièrement les matières premières---la soie--- de Chine.

E Position d’infériorité en contraste avec les autres pays


Néanmoins, il ne faut pas surévaluer la réussite de l’expansion du commerce
franco-chinois sur cette période, pour les raisons suivantes :
Premièrement, malgré un progrès remarquable, la valeur des échanges franco-
chinois est encore faible par rapport à celles de l’Angleterre et des États-Unis, dont les
relations commerciales avec la Chine se sont développées très rapidement sur la même
période. En 1846, la valeur totale du commerce extérieur de Chine est de 278 633 000
francs, dans lesquels le commerce sino-anglais compte pour 201 558 000 francs, et le
commerce sino-américain pour 51 750 000 francs. La même année, la valeur du
commerce avec la France, après une multiplication par 6 de la valeur de 1844, ne se
monte qu’à 2 365 000 francs, soit 1.17% de celle de l’Angleterre et 4.56% de celle des
États-Unis. En 1855, il n’y a que 37 navires français qui vont en Chine, mais 1 319
navires anglais et 457 navires américains1. De fait, pendant cette période, la position
française dans le commerce extérieur de Chine est non seulement inférieure à celles de
l’Angleterre et des États-Unis, mais aussi inférieure à celles des Hollandais, des
Portugais et des Allemands. En termes d’échanges avec la Chine, la France prend la
sixième place, derrière les pays précédemment mentionnés, juste devant la Suède, le
Danemark et la Belgique.2
Deuxièmement, en ce qui concerne la nature des marchandises d’échange, la
structure du commerce franco-chinois est sous-développée en comparaison de la
structure du commerce sino-anglais. Observons les tableaux ci-dessous.

Tableau I-6-A Valeurs des principales marchandises échangées à Canton sous le

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°24. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868. pp. 38-39.
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°14. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont, 1854, p. 4.


51
pavillon anglais 1843-1850(Piastre) 1

Exportation à Canton 1843-44 1845 1846 1847 1848 1849 1850


Tissus de coton 40 39 182 2 450 482 2 755 223 1 470 296 1 214 344 1 475 644 1 616 900
Tissus de laine 1 898 866 1 875 042 1 386 534 1 027 346 1 866 980 768 042 992 800
Coton 683 654 313 835 792 876 830 756 2 791 615 4 769 641 3 432 000
Autres 7 884 538 5 753 575 5 062 950 6 297 362 661 685 888 917 859 200
Total 15 506 240 10 392 934 9 997 583 9 625 760 6 534 597 7 902 244 5 900 900
Importation de Canton
Thé 13 432 958 15 825 954 11 112 627 11 844 232 7 382 449 9 335 700 7 672 771
Soie grège 2 172 263 2 424 897 1 344 286 2 007 770 444 220 860 000 1 447 500
Autres 2 320 139 2 483 167 2 921 647 1 869 938 826 364 129 0235 798 540
Total 17 925 360 15 378 560 15 378 560 15 721 940 8 653 033 11 485 935 8 020 606

Tableau I-6-B Valeurs des principales marchandises échangées à Shanghai sous le


pavillon anglais 1843-1850.2 (Piastre)

Exportation à Shanghai 1843-44 1845 1846 1847 1848 1849 1850


Tissus de coton 1 670 672 4 254 864 3 080 054 3 311 385 1 836 031 3 051 625 2 617 191
Tissus de laine 557 279 803 553 623 352 782 016 327 120 808 786 500 555
Sucre 1 945 0 0 42 571 169 751 82 211 147 421
Autres 291 610 136 176 185 534 175 522 200 007 470 213 642 989
Total 2 521 506 5 194 593 3 888 960 4 311 494 2 532 969 4 412 835 3 908 156
Importation de Shanghai
Thé 322 152 2 221 180 2 026 862 1 833 691 1 653 049 2 018 916 2 426 711
Soie grège 2 002 602 3 803 947 4 430 318 4 819 483 3 330 720 4 416 670 5 529 267
Autres 33 380 18 509 34 946 72 557 96 173 78 285 64 628
Total 2 360 134 6 043 636 6 492 144 6 725 731 5 079 942 6 513 871 8 020 606

Le North China Herald 3 établit des statistiques sur les six principaux types de
marchandises échangées à Canton et Shanghai transportées sous pavillon anglais de
1842 à 1850 : les tissus de coton, les tissus de laine, le coton, le sucre pour l’exportation
en Chine et le thé, la soie grège pour l’importation de Chine. De fait, il manque un type
de marchandise, l’opium, dans les listes d’exportation vers la Chine. En effet,
l’importation de cette marchandise est encore officiellement interdite par le
gouvernement chinois avant 1860, et la valeur de contrebande de l’opium ne peut donc

1 North China Herald. Le 27 septembre 1851. p.34. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai.
2 North China Herald. Le 29 juillet 1854. p.206. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai.
3 Le North China Herald, dont le nom chinois « 北华捷报 » est le premier hebdomadaire anglais en Chine. Créé

par un anglais Henry Shearman à Shanghai en 1850, cet hebdomadaire porte souvent des informations sur les
navigations et le commerce, ce qui offre une grande quantité de sources pour cette thèse.
52
pas apparaître dans les listes. Parmi les sept types de marchandises importées ou
exportées par les anglais, le coton, le sucre et l’opium sont transportés depuis l’Asie du
Sud vers la Chine. Il ne reste donc que quatre marchandises officielles, les tissus de
coton, les tissus de laine, le thé et la soie dans le commerce direct entre l’Angleterre et
la Chine. Les deux principales marchandises exportées de l’Angleterre vers la Chine
(les tissus de coton et les tissus de laine) sont des produits industriels de large
consommation, et les deux principales marchandises exportées de Chine vers
l’Angleterre sont le thé et de la matière première. La Chine devient alors un marché de
débouchés pour les produits industriels anglais et un fournisseur du thé et de matières
premières pour l’Angleterre. En revanche, sur la même période, la France n’arrive pas
encore à vendre en grande quantité ses produits industriels en Chine. De même, elle n’a
importé qu’une petite quantité de matière de soie de Chine.
Pourquoi le commerce français avec la Chine se situe à une telle position
d’infériorité avant les années 1860 par rapport aux autres pays, notamment par rapport
à l’Angleterre, même après l’ouverture de la Chine au début des années 1840 ? Il s’agit
certainement des infériorités du coût de transport et du nombre de maisons
commerciales françaises dans la relation commerciale avec la Chine, qui vont être
abordés et précisés dans les chapitres suivants. Nous allons souligner ici d’autres
éléments aussi importants qui ont ralenti le commerce franco-chinois avant l’année
1860.
(1) Pour expliquer la faiblesse de l’échange de la Chine avec des pays étrangers
avant les années 1840, beaucoup d’historiens, surtout les historiens chinois, mettent
l’accent sur la politique de prohibition de Chine et son impact négatif sur le commerce
entre la Chine et les pays occidentaux, comme le précisent Yang Yuanhua dans son
ouvrage l’histoire de la relation entre la Chine et la France1 et Chen Dongyou dans
son ouvrage Pénétrer au commerce maritime : les activités des commerçants chinois
du sud-est de Chine dans le marché mondial.2 La Chine maintient une politique de

1 YANG Yuanhua. L’histoire de la relation entre la Chine et la France. Shanghai. Editions des peuples de Shanghai.
2006. p.9,(杨元华: 《中法关系史》 ,上海:上海人民出版社,2006年,第9页。 )
2 CHEN Dongyou. Pénétrer au commerce maritime : les activités des commerçants du sud-est de Chine dans le

marché mondial. Nanchang. Editions des Universités de Jiangxi. 1998.239-273 (陈东有: 《走向海洋贸易带:近
53
« fermeture » pour sa sécurité maritime pendant presque toute la dynastie de Qing,

notamment pendant « l’époque du commerce de Canton (广州贸易时代 ) »1. À cette

époque, le commerce extérieur de Chine est monopolisé par plusieurs maisons


chinoises (Cong-Hong) à Canton, qui sont les seuls intermédiaires entre les marchands
étrangers et les acheteurs chinois.2 Les commerçants étrangers n’ont même pas le droit
de se promener seuls dans la ville ou Canton ou d’amener leur famille3 (les détails des
politiques maritimes de Chine avant la Guerre de l’opium seront traités dans le chapitre
IV). Toutes ces politiques ont limité la communication économique entre la France et
la Chine.
Mais les politiques de prohibition ne suffisent pas à elles seules pour expliquer le
peu d’échange commercial de la France avec la Chine, puisque l’Angleterre a elle-
même été confrontée au problème rencontré par la France. Sans bénéficier d’aucun
privilège sous la politique de prohibition de Chine, leurs affaires commerciales
avancent beaucoup mieux que celles de France, comme constaté dans le tableau I-1.
Ainsi même si la politique de prohibition du commerce extérieur de la Chine est un
facteur négatif pour le commerce franco-chinois, elle n’explique pas pour autant
l’infériorité du commerce franco-chinois par rapport à celui de l’Angleterre. Cela
confirme une conclusion de P. Bairoch dans son ouvrage le Commerce extérieur et
développement économique de l’Europe au XIXe siècle : la dynamique des échanges
entre les pays n’est pas forcément liée la politique douanière.4
(2) Le monopole de l’Angleterre sur l’opium et la cotonnade et les inadaptations
des exportations de la France et de la Chine aux besoins de leurs marchés respectifs.

代世界市场互动中的中国东南商人行为》
,南昌:江西高校出版社,1998年,第239-273页。)
1 Canton a été le seul port commercial ouvert de 1757 à 1842 en Chine. Cette époque s’appelle l’époque de « 一口
通商». Voir Liang Tingzhan. L’histoire de la douane de Guangdong. Canton. Editions des peuples de Guangdong.
2002. p.419. (梁廷枬: 《粤海关志》 ,广州:广东人民出版社,2002年。 )
2 H.Cordier. La Chine en France au XVIIIe siècle. Compte-rendu des séances de l’Académie des Inscriptions et

Belles-Lettres, 52e année. n°9. 1908. p. 762.


3 Les Archives nationales de Chine. Les archives des commerces sino-occidentaux au cours des dynasties Ming et

Qing, Beijing. Presse des Archives. 2010. Vol 6. pp. 3212-3214.(中国第一历史档案馆:两广总督李鸿宝奏折,


《明清宫藏中西商贸档案06》 ,北京:中国档案出版社,2010年6月,第3212-3214页)
4 P. Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. Paris. Editions Mouton

et EHESS. 1876. p.311.


54
Depuis « l’époque de fermeture de Chine », l’avantage du commerce de
l’Angleterre avec la Chine est dû à son monopole sur deux natures de marchandises ---
---l’opium et la cotonnade. De plus, ces deux types de marchandises sont les plus
demandées par les Chinois. Citons les statistiques de 1841. Les valeurs de ces deux
types de marchandises exportées par l’Angleterre en Chine comptent 14 000 000
piastres et 6 606 230 piastres, soit 58.95% et 27.82% de la valeur totale d’importation
de la Chine.1 Les colonies françaises ne produisent guère d’opium. Le prix plus élevé
de la cotonnade française2 rend son taux d’exportation3 très bas par rapport à celui de
l’Angleterre. Selon les recherches de R.Davis, la proportion de la valeur des cotonnades
exportées par l’Angleterre par rapport à la production des cotonnades compte seulement
pour 6% pendant 1784-1786, monte à 15.6% pendant 1794-1796, à 42.3% pendant
1804-1806, et encore à 48.5% pendant 1834-1836.4 D’après l’estimation de P. Verley,
cette proportion pour la France n’est que de 16% jusqu’aux années 1840, c’est-à-dire
nettement inférieure à celle de l’Angleterre.5
Certainement, la France possède ses propres branches industrielles qui sont en
avantage par rapport aux autres secteurs industriels d’Angleterre. Dans Economic
Growth in British and France : two paths towards the 20th Century 6 , P.O’Brien et
C.Keyder affirment que la France et la Grande-Bretagne ont suivi deux chemins
différents, mais pour ainsi dire parallèles jusqu’au 20e siècle. Les auteurs indiquent que
l’industrie française se caractérise par un ensemble de spécialisations axées sur les
produits élaborés de haute qualité, ce qui correspond bien à l’ « avantage comparatif »
de l’économie française. Par exemple, 66% de tissus de soie sont destinés au marché
étranger pendant 1827-1834, et cette proportion se maintient à 52% entre 1835-1844 ;
le degré d’ouverture des parfumeries de France atteint aussi 35% pendant les années

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°3, p.3.
2 L’infériorité de l’industrie du coton de France est déjà bien expliquée dans P.Verley. l’Echelle du monde. p.544 ;

M.Levy-Leboyer et F.Bourguignon. L’Economie Française au XIXe siècle, Analyse macro-économique. Paris.


Economica. 1985. p.55.
3 Le degré d’ouverture de l’économie est l’intensité de sa participation au commerce international, qui peut se

mesurer par le rapport entre le montant des exportations (ou des importations) et celui du produit industriel national.
4 R.Davis. the Industrial Revolution and British Overseas Trade. London. Leicester University Press. 1979 p.15.
5 P.Verley. l’Echelle du monde.p.587.
6 P.O’Bien and C.Keyde . Economic Growth in Britain and France: two paths towards the 20th Century. Londres.

G. Allen and Unwin. 1978.


55
1827-1834, et augmente ensuite à 39% pendant 1835-1844.1
Cependant, le point fort de l’industrie française (les produits de luxe ou de haute
qualité), ne correspond pas vraiment à la demande du marché chinois. D’un côté, le
pouvoir d’achat moyen des Chinois est si faible à ce moment-là qu’ils ne peuvent pas
assumer les prix élevés de ces produits. Le PIB par habitant en Chine représente 600
dollars Geary-Khamis2en 1820, toujours 600 en 1850, et descend à 530 en 1870, soit la
moitié, le tiers et le quart de celui de l’Europe.3 De l’autre côté, des produits de haute
qualité de France rencontrent une forte concurrence face aux produits chinois de mêmes
natures. Prenons l’exemple des tissus de soie. Les soieries de France se vendent très
bien en Europe, mais elles ont du mal à trouver preneur sur le marché de Canton, parce
que les Chinois produisent des soieries tout aussi élégantes et de belle qualité.
De même, les marchandises exportées de Chine ne sont pas forcément adaptées à
la demande française. A cette époque, les deux produits les plus exportés par la Chine
sont le thé et la soie grège. La France importe beaucoup moins de thé que l’Angleterre.
Les Anglais, de 1821 à 1840, importent en moyenne 15 000 000 kilogrammes de thé
chaque année, dont la plupart sont consommés par les britanniques. Pendant la même
période, la quantité d’importation de thé chinois par la France est de 140 000
kilogrammes par an.4 En parallèle, la France absorbe chaque année très peu de soie
grège chinoise en raison de la croissance de la production séricicole domestique et de
l’abondance de la fourniture des soies en région méditerranéenne (voir les détails dans
la section 3 du chapitre II).
Après l’ouverture de la Chine, la structure du commerce extérieur français mal
adapté aux besoins des consommateurs chinois freine toujours le débouché les produits
français en Chine. Comme il a été précisé plus haut, les années 1840-1860 témoignent
d’une croissance forte du commerce extérieur français. Le taux d’exportation 5 de

1 P.Verley, l’Echelle du monde. p.587.


2 Le dollar Greary-Khamis est une unité de compte (une monnaie fictive), qui possède le même pouvoir d’achat
dans un pays donné que le dollar américain aux Etats-Unis, à un moment donné. L’année 1990 sert le plus souvent
de base pour les comparaisons sur plusieurs années. Il a été inventé en 1958 par Roy C. Greary, puis développé par
Salem. H. Khamis entre 1970 et 1972.
3. A. Maddison. L’économie mondiale. Statistiques Historiques. Paris. OCDE. 2003. p.63-65 et p.90.
4 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°1. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852. pp. 75-76.
5 Pourcentage des exportations spéciales par rapport au produit national brut aux prix du marché.

56
France monte de 5.1% en 1830 à 7.4% en 1850, et à 10.8% en 1860 (ceux de
l’Angleterre sont 7.8% 11.4% et 15.3%) ; la part relative des exportations françaises
par rapport au total européen progresse de 15.9% en 1830 à 19.2% en 1860 (celle de
l’Angleterre sont 27.5% et 29.8%).1 Cependant, la structure du commerce extérieur
français ne change guère pendant ces deux décennies. Les secteurs industriels avec les
taux d’ouverture2 les plus hauts sont toujours les industries qui produisent le luxe, la
haute qualité et les articles traditionnels : l’industrie de la soie (76% de taux d’ouverture
pendant 1855-1864), l’industrie de la parfumerie (48% de taux d’ouverture pendant
1855-1864) et l’industrie du papier (49% de taux d’ouverture pendant 1855-1864).
Mais toutes ces marchandises parmi les plus exportées par la France intéressent peu de
consommateurs parmi les Chinois. Le taux d’ouverture des industries récentes de
France, notamment dans le secteur de la cotonnade, le plus demandé en Chine, reste
encore très bas, seulement 13% en pendant 1855-1860.3 En comparaison, la proportion
d’exportation de l’industrie de la cotonnade atteint plus de 60% à l’Angleterre de 1840
à 1860. De 1854 à 1856, l’Angleterre exporte 34 952 841 livres pesant de cotonnade,
représentant 34.1% de la valeur totale des exportations, soit 15 fois celle de France.4
Pendant 1840-1860, certaines marchandises d’exportation de Chine ne sont
toujours pas adaptées à la demande du marché français. Pendant cette période, le produit
le plus exporté depuis Chine est le thé. Même si les importations du thé depuis la Chine
occupent une place plus importante par rapport aux autres articles importés en France
dans les années 1850, les Français achètent cependant beaucoup moins de thé que les
Anglais. La quantité d’importation du thé vers la France ne dépasse souvent pas
200 000 kilogrammes par an, ce qui est peu par rapport à celle de l’Angleterre au même
moment. Un consul anglais formule la recommandation suivante : « le commerce
franco-chinois ne peut se développer à moins que les chinois changent leurs habitudes
traditionnelles ou que les Français commencent à boire du thé ».5

1 P.Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe sièle. pp. 77-79.
2 Le taux d’ouverture signifie la proportion de la quantité d’exportation d’un produit dans la production totale de ce
produit dans d’un pays.
3 P.Verley. l’Echelle du monde. p.587.
4 J-C.Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. pp. 137.
5 YAO Xiangao. Les données du commerce extérieur de la Chine moderne 1840-1895. Beijing. Librairie de

57
Tableau I-7 Volumes et valeurs des thés importés de Chine en France et en l’Angleterre
de 1843 à 18601

France Angleterre France Angleterre


Années Volume(kilogr) Valeur(fr) Volume(kilogr) Années Volume(kilogr) Valeur(fr) Volume(kilogr)
1843 7 977 488 1852 189 989 854 000 42 210 945
1844 31 714 425 1853 137 573 825 000 45 552 150
1845 36 087 300 1854 168 864 675 000 49 216 095
1846 220 000 1 289 000 37 807 200 1855 164 000 881 000 50 697 315
1847 143 000 838 000 1856 230 300 1 36 8000
1848 537 000 2 416 000 34 179 300 1857 415 957 95
1849 287 204 1 723 000 37 341 225 1858 1 32 9000 46 603 980
1850 77 720 350 000 1859 1 367 000
1851 110 058 495 000 44 635 700 1860 54 624 645

En résumé, le commerce franco-chinois se situe à un niveau assez primaire avant


les années 1840 tant à l’échelle de quantité qu’à l’échelle de structure des échanges.
Même dans les quinze premières années après l’ouverture de Chine à la France, les
échanges entre les deux pays restent toujours très faibles. La cause principale de
l’infériorité du commerce de la France avec la Chine avant les années 1840 est
l’influence du long terme des conflits entre la France et l’Angleterre à partir de la
Grande Révolution. Après l’ouverture de la Chine, la croissance du commerce franco-
chinois est freinée, d’une part par le monopole de l’Angleterre sur le commerce de la
cotonnade et de l’opium, et d’autre part par l’inadaptation du marché entre la France et
la Chine.

Zhonghua. 1982 pp.622-623.(姚贤镐:


《中国近代对外贸易史料,1840-1895》
,北京:中华书局,1982年版,
第622-623页)
1 Les données concernant la partie française proviennent du Ministère de l’agriculture et du commerce. Document

sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°16. Paris. Imprimerie et Librairie
administrative de Paul Dupont. 1852. p. 11 ; le Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce
extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°23. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont.
1868. p. 9 ; le Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine,
Faits commerciaux n°24. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868. p.49 ; le Ministère de
l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°26.
Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868. p. 19. Les données concernant la partie de
l’Angleterre proviennent du Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine
et Indochine, Faits commerciaux n°24. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868. p.45 ;
H.B.Morse. L’histoire des relations de l’empire chinois avec les étrangers, Beijing : Editions de Shangwu. Vol 1,
1963. p. 143. (马士: 《中华帝国对外关系史1》 ,北京:商务印书馆,1963年6月,第143页。)
58
I-2 Une croissance remarquable de l’exportation entre 1860-1884

La France et l’Angleterre signent le Traité Cobden-Chevalier en 1860 abolissant


toutes les prohibitions d’importation françaises, les remplaçant par des tarifs très
modérés, abaissant le tarif de douane d’exportation du charbon de l’Angleterre et celui
des vins d’importation à l’Angleterre et comportant la clause de la nation la plus
favorisée entre les deux pays. La plupart des pays d’Europe conclurent une série de
traités analogues pendant les années suivantes, introduisant ère de l’échange libérale
en Europe pendant 1860-1890. Pourtant, cette politique d’échange libéral n’accélère
pas la croissance du commerce extérieur européen. Bien au contraire, d’après
l’estimation de P. Bairoch dans « Commerce extérieur et développement économique
de l’Europe au XIXe siècle », le taux annuel de croissance de la valeur d’exportation
de l’Europe chute de 4.6% pendant 1840-1860 à 3.6% pendant 1860-1880, et ensuite
à 1.2% de 1880-1890. La performance du commerce extérieur de France est inférieure
à celle de l’ensemble d’Europe : le taux annuel de croissance de la valeur des
exportations de France est marqué d’abord par un ralentissement de 5.2% pendant
1840-1860 à 2.3% pendant 1860-1880, et ce ralentissement se transforme en une
véritable stagnation, soit un taux de croissance 0.7% par an pendant 1880-1890. 1

1 P. Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. Paris. Editions Mouton
59
D’ailleurs, le commerce extérieur de France est affecté par deux faits : le premier est
le déficit commercial permanent pendant l’époque d’échange libérale, qui se stabilise
à 5% de la valeur totale des importations françaises jusqu’aux années 1890 1
le
deuxième est le ravage de l’épidémie des vers à soie sur l’exportation des soieries à
partir du milieu des années 1850, produits industriels les plus exportés de France à ce
moment-là.2
De l’autre côté de la planète, les Français font toujours beaucoup d’efforts pour
élargir le marché chinois. Les attaques de l’armée franco-anglaise à Tianjin et Beijing
à la fin des années 1850 forcent le gouvernement chinois à signer plusieurs nouveaux
traités commerciaux avec les puissances, grâce auxquels les négociants français
obtiennent beaucoup plus de privilèges commerciaux. Plus tard, trois événements
historiques, à savoir l’ouverture du Canal Suez, la création la ligne maritime directe
entre la France et la Chine et la connexion du télégraphe euro-asiatique améliorent
considérablement les moyens de transport et de communication entre la Chine et la
France. Dans cette section, nous vérifierons si tous ces changements pendant les années
1860 accélèrent ou ralentissent le commerce chinois.

A Evolution des circonstances économique pendant les années 1860-1880


Les années 1860-1884 apportent de grands changements dans le contexte du
commerce international. Parmi ces changements, plusieurs, influencent directement
l’évolution du commerce franco-chinois.
(1) Premièrement, la signature des nouveaux traités et conventions entre la Chine
et les pays occidentaux, la France y compris. On a déjà montré que le Traité de Nanjing,
faisant suite à la guerre de l’opium, laisse cinq ports à disposition des occidentaux pour
le commerce, élimine le monopole des Co-hongs sur le commerce extérieur de Chine
et fixe les tarifs de douane à un niveau de 5% en moyenne. Malgré cet accord, les
puissances occidentales, notamment l’Angleterre, la France et les États-Unis souhaitent

et EHESS. 1976. p.74.


1 J-C.Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. p. 158.
2 M. Levy-Leboyer et F.Bourguignon. L’Economie Française au XIXe siècle. pp. 65-67.

60
obtenir plus de privilèges commerciaux de la Chine, notamment la possibilité d’étendre
leur commerce vers le Nord et vers l’intérieur de ce pays. 1 En 1854, les ministres
d’Angleterre, de France et des États-Unis contactent de nouveau le Vice-roi de Canton
et demandent des révisions des traités signés après la Guerre de l’opium afin de :
------Pouvoir pénétrer sans hostilité dans Canton
------Pouvoir ouvrir les nouveaux ports en Chine du Nord et le long du Fleuve de
Yangzi
------Légaliser le commerce de l’opium, qui est toujours illicite.
------Traiter directement avec la cour à Beijing.2
La cour impériale de Qing rejette les demandes de révision de l’Angleterre, de la
France et des États-Unis. Dès lors, les puissances cherchent d’autres moyens pour
amener l’Empire de Qing à changer de position.
La deuxième Guerre de l’opium commence le 8 octobre 1856, et finit le 24 octobre
1860. Pendant la Guerre, l’Alliance anglo-française amène les flammes de guerre à
Canton, Tianjin et à la fin, à la Capitale de l’Empire, Beijing. Le gouvernement central
chinois est obligé de consentir aux demandes des puissances pour mettre fin à la guerre.

Le Traité de Tianjin (《天津条约》) en 1858 et la Convention de Beijing (《北京条

约 ) en 1860 étendent les privilèges des puissances en Chine. La France, qui était l’un

des principaux pays belligérants dans la deuxième Guerre de l’opium, à qui profite « le
traitement du pays le plus favorable »3, obtient autant fruits que son allié et son rival
anglais.4 Parmi les clauses des deux traités5, plusieurs poussent fortement les relations
commerciales des puissances avec la Chine, à savoir :
①Onze nouveaux ports sont ouverts aux étrangers, lesquels incluent Nanjing,
Zhenjiang, Jiujiang, Hankou, Yingkou, Yantai, Shantou, Qiongzhou Tainan, Danshui,

1 Ch.Cousin-Montauban. L’expédition de Chine de 1860. Souvenirs du général Cousin-Montauban. Paris.


Plon.1932. p.12.
2 P.Tain. L’expédition de Chine. Paris. Michel Lévis éditeurs. 1862. p.22.

3 « le traitement du pays le plus favorisé » se présente d’abord au « le Traité de Humen »(《 虎门条约》) comme

les annexes du Traité de Nanjing. La France obtient ce privilège aussi par « le Traité de Huangpu ».
4 De fait, bien qu’il n’y ait que la France et l’Angleterre qui ont participé la guerre, les États-Unis et la Russie

obtiennent aussi les mêmes privilèges comme « le pays le plus favorisé ».


5 Consulter : Archives Nationales de France, F12.6499. Traité 1858 et Traité 1860.

61
Tianjin. Cela signifie que la ligne côtière chinoise sera entièrement ouverte aux pays
occidentaux, du grand nord (le port de Yingkou) au grand sud ( le port de Qiongzhou).
De plus, les ouvertures des ports de Hankou, Jiujian, Zhenjiang et Nanjing amèneront
les affaires commerciales étrangères au territoire intérieur de la Chine.
② Les étrangers sont autorisés à voyager
depuis l’extérieur des ports ouverts jusqu’aux
terres intérieures de la Chine. Cela offre la
possibilité aux commerçants étrangers d’acheter
des produits du sol ou de vendre en direct des
produits étrangers dans les terres.
③ Le vingt-huitième article du Traité de
Tianjin stipule que les étrangers ne doivent payer
qu’une seule fois le droit de douane intérieur
lorsqu’ils transportent des marchandises
étrangères à l’intérieur des terres de Chine ou
exportent des produits qu’ils ont acheté à
l’intérieur des terres. Ce droit de douane intérieur
Les ports ouverts chinois après la
s’appelle « l’impôt de sous-port » (子口税), dont le Deuxième Guerre d’opium

montant est souvent de moitié du tarif de douane maritime, soit 2.5 taëls sur 100 taëls
de marchandise. Par rapport aux montants réclamés par les marchands chinois, le tarif
de « l’impôt de sous-port » est beaucoup plus bas. Cela aidera à renforcer la
compétitivité des marchandises étrangères et réduire les prix des produits en
provenance des terres de Chine.
(2) Deuxièmement, l’amélioration des moyens de transport et de communication
entre la Chine et l’Europe et l’ouverture du Canal Suez pendant cette période-là (voir
la section 3 du Chapitre IV).
(3) Troisièmement, la production de la soie de l’Europe, à la suite de celle de
France, est détruite par l’épidémie des vers à soie après les années 1860. À partir des
années 1860, la France, alors premier producteur des soieries mondial, est donc obligée

62
de chercher les matières premières de la soie grège en dehors du territoire européen
pour assurer sa production de tissus de soie (nous traiterons des détails dans un autre
chapitre).

B Prospérité du commerce avec la Chine grâce à la croissance de l’importation de


la soie grège.

Tous ces changements ont-ils une réelle influence sur l’évolution du commerce
franco-chinois pendant 1860-1886 ? Nous allons tout d’abord observer la valeur des
échanges entre les deux pays pendant cette période.

Tableau I-8 Commerce de la France avec la Chine 1860-1884 (commerce spécial)1

1 Les chiffres proviennent de :


Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°33, n°36,n°38, n°40. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868 ;
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°45. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1870 ;
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°50. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1876.
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°51. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1879.
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°52. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1884.
63
1860 3 703 000 2 005 000 5 708 000
1861 1 880 000 2 106 000 3 691 000
1862 2 862 000 2 328 000 5 190 000
1863 6 987 000 7 142 000 14 139 000
1864 5 410 000 8 224 000 13 634 000
1865 1 625 000 22 216 000 23 841 000
1866 2 964 000 8 885 000 11 849 000
1867 2 037 000 22 150 000 24 187 000
1868 2 783 959 37 903 444 40 687 039
1869 2 854 995 28 087 744 30 942 739
1870 1 865 895 41 063 721 42 929 616
1871 976 075 24 832 129 25 808 204
1872 1 862 404 50 732 348 52 594 752
1873 3 120 103 52 162 105 55 282 208
1874 1 626 302 75 555 121 77 181 423
1875 3 149 677 88 605 745 91 455 431
1876 2 421 476 140 834 121 143 255 597
1877 3 051 086 36 619 550 39 670 636
1878 2 757 370 93 380 260 96 137 630
1879 3 509 475 95 366 492 98 875 967
1880 3 448 545 100 875 228 10 4323 773
1881 3 415 498 96 340 523 99 755 751
1882 2 958 422 88 165 532 91 123 954
1883 2 523 100 84 884 999 87 408 099
1884 4 001 291 86 981 493 90 982 784
Nota : 1 Les chiffres de 1860 à 1863 sont les statistiques pour la Chine, la Cochinchine et le
Royaume de Siam, soit les trois régions ensemble. Les valeurs d’échange entre la France et la Chine
pendant ces quatre années sont donc inférieures à celles indiquées dans le tableau.
2 Les chiffres de 1864 à 1884 sont les statistiques de la Chine seule.
3 Tous ces chiffres proviennent des statistiques officielles de la douane de France.
4 Pour une synthèse ces statistiques, consulter le graphique I-14-A à la fin de ce chapitre.

La valeur d’échange entre la France et la Chine s’accroît brusquement à partir de


1863 : elle est presque multipliée par 8 de 1862 à 1868 ; la croissance ralentit
relativement entre 1868 et 1884, mais la valeur d’échange augmente tout de même deux
fois et demi. Excepté pendant les années 1871-1872, pendant lesquels la Guerre franco-
prussienne a lieu, le commerce entre les deux pays progresse solidement. La rébellion
de Taiping, qui menace le port de Shanghai de 1857 à 1864, semble avoir peu
d’influence sur le commerce franco-chinois lorsqu’on observe les statistiques.
D’ailleurs le premier bond de croissance a déjà eu lieu avant la fin de ce dernier
64
événement historique.
Cette croissance notable est clairement liée à l’augmentation de l’exportation des
produits chinois en France, multipliée par 40-50 fois de 1860 à 1884. A l’inverse,
l’exportation de la France vers la Chine n’augmente guère pendant cette période. De ce
fait, un déficit de plus en plus large se forme dans le commerce français avec la Chine
après les années 1860. La valeur du déficit monte de 155 000 francs en 1863 à
82 980 202 francs en 1884, soit une croissance de 535 fois.1
De fait, c’est la hausse dans l’importation de soie grège qui fait bondir
l’importation en général. La quantité de l’échange de cette nature de marchandise entre
les deux pays commence à s’accroître rapidement à partir de 1863, remplaçant le thé en
devant comme la marchandise la plus échangée entre les deux pays. D’après les
statistiques ci-dessous, la valeur de l’importation de la soie grège de Chine en France
bondit de 190 000 francs à 5 150 000 francs en 1863, soit une augmentation de 27 fois ;
cette dernière valeur se multiplie encore par 3 de 1863 à 1864 ; de 1864 à 1867, la
valeur d’importation de la soie grège chinoise s’accroît encore de 350%, pour un
montant presque 60 000 000 francs. Par rapport au taux de croissance de la soie, celui
de la croissance du thé importé de Chine est très bas : de 1862 à 1866, leur valeur de
l’échange du thé augmente seulement de 1.7 fois. À partir de l’année 1863, la soie grège
devient la marchandise la plus exportée de Chine en France. La proportion de la valeur
de la soie dans la valeur totale d’importation de Chine en France monte de 8.47% en
1862 à 95.88% en 1867. En revanche, la proportion du thé descend de 62.58% en 1862
à 1.32% en cinq ans (nous reviendrons sur le commerce de la soie dans le chapitre
suivant).

Tableau I-9 Importation de la soie et du thé de Chine en France1862-1867 (commerce

1 Dans l’histoire économique française, la période 1860-1890 est marquée par une balance commerciale défavorable
dans la durée. J-C.Asselain détermine dans ses recherches que cela est dû à un ralentissement de la croissance
d’exportation industrielle de la France, un net accroissement de l’importation industrielle en France et surtout un
déficit agricole très grave dans la relation commerciale de la France avec les pays neufs. Ici, la conclusion de J-
C.Asselain mérite d’être complétée par le fait que le déficit commercial avec la Chine est un autre élément
aboutissant à la balance défavorable du commerce extérieur de la France à cette époque. Pour plus de détails,
consulter J-C.Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. pp. 157-159.
65
général)1
Années Importation de soie(fr) Importation de thé(fr) Importation en France(fr)
1862 190 000 1 403 000 2 242 000
1863 5 150 000 1 310 000 20 140 000
1864 16 249 000 2 816 000 21 039 000
1865 38 400 000 1 920 000 44 635 000
1866 35 331 000 2 348 000 40 749 000
1867 59 706 000 819 000 62 270 000

C Faible importance des autres marchandises dans le commerce franco-chinois


Selon les rapports officiels des délégués commerciaux de la France, à part la soie
grège, les autres articles chinois exportés de Chine en France pendant 1860-1884
comprennent : le thé, les œufs de vers à soie, la soie en bourre et en cocons, les étoffes
de soie, la porcelaine, le musc, l’étain, les meubles, la mercerie, les cheveux non ouvrés,
la rhubarbe, l’huile volatile ou essence, le caoutchouc, la gutta-percha brute ou refondue
en masse, la colle de poisson, la tabletterie, les peaux et les pelleteries brutes, le
phormium, l’abaca et les végétaux filamenteux non dénommés, bruts, les poils de toutes
sortes, les joncs et roseaux bruts, la noix de galle les cannelles de toutes espèces, etc.
Chaque type de marchandises représente très peu de valeur dans l’importation totale
par rapport à celle de la soie. Les marchandises exportées de France en Chine pendant
1860-1884 sont : les vins, les tissus de soie, de laine et de coton, le safran, le plomb
brut, l’horlogerie, l’habillement, les ouvrages en peau ou cuir, les spiritueux,
l’orfèvrerie, la bijouterie, le sulfate de quinine, les métaux ouvrés, le potassium, les
meubles, les médicaments, etc.2 Nous constatons que, à part la soie grège, la plupart

1 Les chiffres proviennent de :


Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°36, n°38, n°40. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868.
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°45. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1870.
2 Pour les détails, consulter :

Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°33, n°36, n°38, n°40. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868.
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°45. Paris : Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1870.
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°50. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1876.
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°51. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1879.
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°52. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont, 1884.
66
des types de marchandises échangées entre les deux pays après les années 1860 sont
toujours les produits exotiques et de luxe, qui sont des marchandises qu’on ne produit
pas dans les pays acheteurs, dit produits « non compétitifs ».
Les marchandises exportées par la France ne répondent pas toujours aux besoins
des chinois. Les marchandises les plus exportées par la France entre 1860 et 1886 sont
les tissus de soie, les tissus de laine, les articles de Paris, etc.1 Tous ces articles sont
finalement très peu demandés par la Chine. En revanche, la marchandise la plus
importée en Chine, les tissus de coton, ne représente qu’une petite proportion dans la
totalité des exportations françaises, à savoir seulement un cinquième de la valeur des
tissus de soie.2
En résumé, le commerce franco-chinois a traversé une croissance remarquable à
partir des années 1860. Cette croissance n’est due qu’à la prospérité de l’échange de la
soie entre les deux pays. Toutefois, il ne faut pas négliger qu’à partir de cette époque,
l’échange franco-chinois commence à devenir une importante partie des échanges
multilatéraux de l’époque, si l’on considère les échanges franco-chinois dans des
contextes plus larges. La France exporte ses tissus de soie vers l’Angleterre pour payer
l’importation des matériaux de soie de Chine, l’Angleterre exporte les cotonnades vers
la Chine pour payer les tissus de soies fabriqués en France, et la Chine exporte ses
matières de soie vers la France pour acheter les cotonnades de l’Angleterre. Les
économies des différents pays s’intègrent les unes aux autres par le commerce
international. Le commerce franco-chinois s’agrandit dans les échanges multilatéraux.

1 M.Levy-Levoyer et F.Bourguignon. L’économie française au XIXe siècle. Analyse macro-économique. p.65.


2 P.Verley. l’Echelle du monde. Paris. Editions Gallimard. 1997. p.587.
67
I-3 Sommet du commerce des années 1890 et le déclin au début du 20e

siècle

La politique du commerce extérieur de la Troisième République pendant la période


1880-1914 est marquée par un retour graduel du protectionnisme. L’application d’un
nouveau tarif au début des années 1880 symbolise le début du retour, en relevant le
taux moyen de prélèvement sur les importations de 6.5% vers 1880 à 7.1% vers 1884.
Le tarif « Méline » mis en œuvre en 1892 innove en distinguant un « tarif général » et
un « tarif minimum »1, entrainant une nouvelle augmentation des droits sur les produits
industriels d’environ un tiers et sur les produits agricoles de 5-20%. En 1897, la « loi
du cadenas » autorise le gouvernement à augmenter immédiatement les droits sur les
céréales et la viande, mesure qui aura lieu à plusieurs reprises. La dernière
augmentation des droits de douane a lieu en 1910, notamment sur le « tarif général ».2
Cette restauration du protectionnisme est accompagnée par des reprises de
croissance de l’économie et du commerce extérieur de la France : le taux annuel de
croissance de l’économie française remonte de 1% pendant 1860-1891 à 1.7% pendant
1892-1913 et celui du volume des exportations remonte de 0.7% pendant 1875-1893 à
3% pendant 1894-1913.3 Il faut remarquer que ces nouvelles accélérations sont non
seulement liées à un « second souffle » des secteurs industriels traditionnels après les
années 1890 (notamment pour l’industrie textile), mais aussi à l’essor de nouveaux
secteurs industriels (les industries mécanique, électrique et chimique et de
l’automobile), ce qui témoigne d’une transformation structurelle de l’industrie et du
commerce extérieur de la France. Par ailleurs, l’exportation des capitaux de France à
l’étranger s’accroît très rapidement à partir des années 1880 : de 1885-1895 à 1906-
1913, la valeur de l’exportation des capitaux se multiplie par 270%.4

1 Le tarif général est applicable aux pays avec lesquels il n’existe pas d’accord, et le tarif minimum est susceptible
d’être accordé en échange de concessions équivalentes des partenaires commerciaux de la France.
2 J-C.Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. pp. 179-180.
3 P.Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. p.221.p.225.
4 M.Levy-Leboyer et F. Bourguignon. L’économie française au XIXe siècle. Analyse macro-économique. p.72.

68
L’occupation de l’Indochine après la guerre franco-chinoise 1884-85 ouvre la
frontière du sud-ouest de la Chine à la France. Cet événement offre encore une fois aux
Français l’espoir d’étendre la relation commerciale franco-chinoise au-delà du
commerce de la soie. En même temps, la France exporte de plus en plus de capitaux en
Chine à partir des années 1880. Au début du 20ème siècle, la Chine est déjà le plus grand
importateur des capitaux français en Extrême-Orient. Dans cette section, nous allons
observer les évolutions de la valeur et de la structure du commerce franco-chinois
pendant cette période, et expliquer les effets de ces changements sur l’économie
française, l’économie chinoise et les relations franco-chinoises.

A Occupation de l’Indochine et élargissement des investissements vers la Chine


Comme il a été mentionné dans l’introduction de cette présente section, un des
changements très importants dans les relations franco-chinoises est l’occupation de
l’Indochine par la France. La France souhaitait
depuis longtemps être en possession d’une
colonie à côté de la Chine. 1 Rappelons le
constat de la première section, qui relatait
qu’en 1844, l’une des missions les plus
importantes confiée par Guizot à Lagrené était
de chercher une île à côté de la Chine pour le
ravitaillement des vaisseaux français. De fait,
le plan de Guizot n’est mis à l’œuvre qu’à partir
de l’époque du Napoléon III. Les Français
commencent à prendre possession
progressivement du Vietnam à partir de 1858 et

1 De fait, la politique d’occupation du Vietnam a débuté à partir de l’époque de Louis XVI. Consulter Tian Yong-
xiu : les influences économiques de la France en Chine, Chengdu. Université de Jiaotong du sud-ouest, 2005. p. 37.
(田永秀: 《法国在华经济势力之全貌》 ,第37页。 )
69
établissent la Cochinchine1 en 1864.2 L’occupation du territoire vietnamien entier par
la France ne se réalise qu’en 1885, moment où les Chinois transfèrent le droit de
protectorat de Tonkin aux Français à la fin de la Guerre franco-chinoise 1884-1885.
Après la fondation d’une colonie à côté de la Chine, la France a hâte d’acquérir
des privilèges qui l’aideront à atteindre son but. Ainsi, le Traité franco-chinois de
1885 lui offre le privilège de la construction des chemins de fer à la frontière sino-
vietnamienne ; le droit de douane d’importation et d’exportation entre l’Indochine et la
Chine passe à 4/5 et 2/3 des tarifs normaux avec le traité 1886; les ports de Longchou

(龙州), Montez(蒙自)et Manhao(蛮耗)(remplacé par Hekou 河口 en 1895) sont

ouverts à l’étranger en 1887 ; un port de plus, Simao (思茅) est ouvert en 1895, et des

entreprises françaises obtiennent les avantages d’exploitation des mines à Yunnan,


Guangdong et Guangxi dans la même année. 3
D’ailleurs, la France crée
successivement en Indochine une série d’établissements et d’infrastructures qui servent
à renforcer le commerce avec la Chine. La Banque d’Indochine et la Compagnie des
navires de Haiphong s’installent en Vietnam pendant les années 1870-1880 4 ; la
Compagnie Lyonnaise Indochinoise voit le jour en 1898 et se charge de toutes les
transactions commerciales entre le Tonkin et le Yunnan ;5 la ligne de chemin de fer de

Tonkin à Longzhou(龙州铁路)devient opérationnelle en 19036 ; Yunnanfu (昆明) et

Haiphong sont connectés par le chemin de fer de Dianyue (滇越铁路) à partir de 1910.7

1 Dans l’histoire moderne, le Vietnam est divisé en trois parties : Nam ky(南圻) , Trung Ky(中圻), Tonkin(北圻) .
Nam Ky se situe au sud de Vietnam, comprenant une petite partie du territoire du Cambodge. Elle reçoit, son nom
comme la Cochinchine en 1864 de Napoléon III. Trung Ky se situe au milieu du Vietnam. Elle devient un pays sous
protectorat français en 1874. Elle est également appelée An Nam. Le Tonkin se situe au nord du Vietnam. Occupé
par la France en 1885, nommé l’Indochine.
2 YANG Yuanhua , L’histoire de la relation entre la Chine et la France. P.37.(杨元华: 《中法关系史》 ,第37页。 )
3 TIAN Yong-xiu : les influences économiques de la France en Chine. p. 38. (田永秀:
《法国在华经济势力之
全貌》 ,第38页。 )
4 R.Lee. France and the exploitation of China 1885-1901. A study in Economic Imperialism. Hong-Kong: Oxford

University press. 1989. p. 23.


5 H.Le Thanh. Les relations commerciales entre Lyon et l’Indochine (1858-1920). DESS RIDE. Rapport de

recherche bibliographique. 2002. p. 27.


6 TIAN Yong-xiu : les influences économiques de la France en Chine, p.199. (田永秀: 《法国在华经济势力之
全貌》 ,第199页。 )
7 WANG Yancheng, WANG Liang : les sources diplomatiques de l’époque de Qing, Nanjing. Editions des

documents et des livres. 1987. Vol 4. p. 17. (王彦成,王亮:


《清季外交史料》 ,南京:书目文献出版社,1987
70
Si l’occupation de Tonkin a offert à la France une voie de terre pour pénétrer au
sud-ouest de Chine et donc la possibilité de transporter ses marchandises vers la Chine
par chemin de fer. Un deuxième changement, à savoir la croissance de l’exportation de
capitaux français, aidera la France à retrouver un rôle dans un nouveau marché : le
marché d’investissement en Chine. La France est alors l’un des trois pays dominant le
marché des capitaux mondiaux. ; les deux autres pays étant l’Angleterre et l’Allemagne
(voir le tableau I-10-B)1.

Tableau I-10-A Exportation des capitaux de France à l’étranger 1878-1913 (million de


Francs)2

Exportation des Epargne de Taux d'exportation P.N.B


Périodes
capitaux (millions de Francs) P.N.B des capitaux (millards de Francs)
1878-1884 70 3 155 2.20% 21.5
1885-1894 469 3 346 14% 22.4
1895-1905 973 4 478 21.70% 24.9
1906-1913 1 264 5 917 21.30% 34.5

Tableau I-10-B Capitaux placés à l’étranger par l’Angleterre, la France et l’Allemagne


(milliard de francs)3

年9月,第四卷,第17页。 )
1 Pour les détails, consulter M.Levy-Leboyer. Capital Investment and Economic Growth in France. 1820-1930. The

Cambridge Economic History of Europe. Vol VII. Part I. Cambridge. Cambridge University Press 1978. pp.230-295 ;
R.Poidevin. Les relations économiques et financières entre la France et l’Allemagne de 1898 à 1914. Paris.
Armand.Colin. 1969 ;
R.Girault. Emprunts russes et investissement français en Russie, 1887-1914. Paris. Armand Colin. 1973 ;
J.Thobie. Intérêt et impérialisme français dans l’empire ottoman (1895-1914). Paris. Publications de la Sorbonne.
1977 ;
J.Marseille. Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce Paris. Albin Michel. 2005.
2 M.Levy-Leboyer et F.Bourguignon. L’Economie française au XIXe siècle. Analyse macro-économique. p.72.
3 N. Lenine. L’impérialisme dernier étape. Paris. Editions Librairie de l’Humanité. 1925. p.25

71
Années Par l’Angleterre Par la France Par l’Allemagne
1862 3.6
1872 15 10(1869)
1882 22 15(1886)
1893 42 20(1896)
1902 62 27-37 12.5
1914 75-100 60 44

Les Français, qui ne veulent pas rester à la traîne de leurs rivaux en Extrême-
Orient 1 , engagent activement des mouvements d’investissement en Chine. Selon la
recherche de l’économiste américain C.F.Remer, l’investissement total de la France en
Chine atteint 91 120 000 dollars en 1902, et ce chiffre passe à 171 374 000 dollars en
1914. 2 La nature des capitaux français investis en Chine est très diverse : du prêt
bancaire à la constitution de chemin de fer, de l’exploitation de mine à la création des
entreprises. Parmi tous les types d’investissements de France en Chine, l’exportation
de capitaux français sur les chemins de fer chinois est la plus remarquable. Les Français
possèdent alors deux moyens d’investir dans la construction de chemin de fer chinois.
Le premier est de se saisir directement du droit de construction. Comme il a été
mentionné plus haut, la France a construit deux lignes de chemin de fer à la frontière
sino-vietnamienne avant le début de la Grande Guerre en 1914. Une entreprise française,
la Compagnie de Fives-Lille, se saisit du droit afin de prendre en charge l’intégralité
des affaires des deux lignes : de l’investigation géographique au financement, de leur
construction au management du personnel. La Compagnie de Fives-Lille s’approprie
également du droit de gestion des deux lignes et de leurs mises en œuvre.3 Le deuxième
moyen est de prêter de l’argent aux gouvernements chinois pour la construction des
chemins de fer. Les constructions de la ligne de Jinghan (de Beijing à Hankou), de la
ligne Zhengtai (de Liulinbao à Taiyuan), et de la ligne de Bianluo (de Kaifeng à

1 Pour les détails, consulter M.Meuleau. Des Pionniers en Extrême-Orient. Paris. Fayard. 1990.
2 C-F.Remer. Foreign investments in China. New York. H. Fertig. 1968. pp.465-468.
3 R.Lee. France and the exploitation of China 1885-1901. A study in Economic Imperialism. p.120;
72
Luoyang) sont financées complètement ou partiellement par la France. 1 Avant la
Première Guerre mondiale, la France a participé directement ou indirectement à la
construction de 4 596 kilomètres des réseaux ferrés chinois, soit 48.89% de la longueur
totale des réseaux ferrés de la Chine à l’époque.2

B Croissance durable de l’importation depuis la Chine et variété de l’exportation


des produits industriels
Existe-t-il des liens entre les éléments mentionnés ci-dessus et l’évolution du
commerce franco-chinois ? Nous analyserons ci-après les statistiques des valeurs et les
types des marchandises échangées entre la France et la Chine pendant 1884-1913.

Tableau I-11 Commerce de la France avec la Chine 1890-1914 (taëls de la douane et


francs) 3

1 TIAN Yong-xiu : les influences économiques de la France en Chine, pp.205-212 (田永秀:


《法国在华经济势
力之全貌》 ,第205-212页。 )
2 Selon les recherches de M.Zimmermann, la Chine possède 9778 kilomètres de chemin de fer avant la Première

Guerre mondiale. Consulter M.Zimmermann. Les Chemins de fer et le commerce extérieur de la Chine. Annales de
Géographie. Tome 20. n°114. 1911. p. 461.
3 Les chiffres de 1890 à 1899 proviennent des Archives du Ministère des Affaires Etrangères. NS563. pp.63-64.

Les chiffres de 1903 proviennent des Archives du Ministère des Affaires Etrangères. 148CPCOM564. pp.131-
135.
Les chiffres de 1905-1914 provient des Archives Nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la douane
de Chine : les archives de la douane ancienne de Chine, Beijing : Editions de Jinghua, 2001, Vol 41-66.( 中国历
史第二档案馆,中国海关总署办公厅: ,北京:京华出版社,2001年10月 )
《中国旧海关史料,41-66卷》
73
Années Importation en France Exportation en Chine Total
Taëls Francs Taëls Francs Taëls Francs
1884 15 532 409 86 981 493 714 516 4 001 291 16 246 925 90 982 784
1890 23 356 853 130 798 377 2 214 354 12 400 384 25 571 207 143 198 761
1891 24 212 345 135 589 134 1 847 310 10 344 940 26 059 655 145 923 620
1892 28 095 918 157 377 141 1 293 658 7 244 486 29 389 756 164 621 627
1894 21 604 302 120 984 089 3 566 350 19 971 562 25 170 652 140 995 651
1895 28 302 263 158 492 673 2 728 567 15 279 976 31 030 830 173 772 649
1896 18 949 735 106 118 517 4 167 086 23 335 679 23 116 821 129 454 196
1897 30 021 164 168 118 517 5 265 080 29 484 450 35 286 244 197 602 967
1898 26 717 857 149 620 000 3 580 893 20 053 000 30 298 750 169 673 000
1899 43 303 035 242 497 000 4 476 964 25 071 000 47 779 999 267 568 000
1903 54 276 964 303 951 000 5 081 429 28 456 000 59 358 393 332 407 000
1904 36 487 500 204 330 000 4 294 643 24 050 000 40 782 194 224 380 000
1905 18 872 233 105 684 505 3 811 634 21 345 150 22 683 867 127 029 655
1906 25 358 964 142 010 198 4 281 764 23 977 878 29 640 683 165 987 786
1907 30 658 585 171 688 076 4 158 626 23 288 306 33 817 211 185 848 382
1908 32 129 193 179 923 481 2 403 458 13 459 365 34 532 651 193 382 846
1909 38 598 327 216 150 631 2 181 627 12 217 111 40 779 954 228 367 742
1910 38 829 632 217 445 939 2 760 932 15 461 219 41 590 565 232 907 158
1911 39 102 325 218 973 020 3 018 343 16 902 720 42 120 668 235 875 740
1912 38 809 138 217 331 173 3 932 373 22 021 289 41 741 511 233 572 462
1913 40 749 782 228 198 779 5 299 517 29 677 295 46 049 299 257 876 074
1914 25 590 924 143 309 174 4 951 471 27 728 238 30 099 843 171 037 412

Nota : 1 Les données des années 1890-1903 du tableau proviennent des statistiques de la douane
française ; les données des années 1905-1914 du tableau proviennent des statistiques de la douane
chinoise. De plus, les statistiques sur les données des années 1886-1904 sont différentes de celles
du tableau dans « les renseignements du Ministre plénipotentiaire à Paris sur la création de la
Chambre de commerce universelle dans la capitale française », le Journal officiel des affaires

commerciales, 1910. Vol 19. pp. 24-25( 驻法刘大臣为法京创设万国商会事谘商部文《商务官

报》,1910,第19册第24-25页), ainsi que les statistiques sur les données des années 1905-1914

sont différentes de celles du tableau dans HUANG Peiyan, ZHANG Qi. Les statistiques du
commerce extérieur de Chine pendant les dernières 45 années. Les cinquante dernières ans—

cinquantième anniversaire du journal de Shen(《最近五十年——申报馆五十周年几年》,


《五十

,黄培炎,张琪著). Mais Les diplomates françaises utilisant souvent


年来中国之对外贸易统计》

les statistiques des douanes dans leurs rapports, il paraît pertinent de les citer dans cette thèse.
2 La douane française utilise souvent le franc comme unité de monnaie, tandis que la douane
chinoise utilise le taël de douane. 1 taël de douane égale environ 5.6 francs à l’époque.
3 Pour une synthèse de ces statistiques, consulter le graphique I-14-A à la fin de ce chapitre.

La valeur d’échange total à la veille de la Première Guerre mondiale augmente à


74
plus de 23 000 000 francs, soit deux fois et demie celles du début des années 1880.
Cette augmentation provient principalement de la croissance des valeurs d’importation
en France, multipliée par 2.3 sur la période de trente ans de 1884 à 1914. Les valeurs
d’exportation vers la Chine augmentent très rapidement pendant cette période, et cette
augmentation est même plus rapide que celles des exportations de Chine vers la France.
Le chiffre en 1914 est presque 7 fois celui de 1884. Cependant, au niveau de la valeur
absolue, le deuxième est largement inférieur au premier.
Si l’on compare l’influence commerciale de France en Chine avec d’autres
puissances pendant cette époque, on découvrira que le commerce franco-chinois atteint
son sommet au milieu des années 1890. Pendant 1880-1900, les valeurs d’importation
de Chine en France ont dépassé toutes celles des autres pays, et l’écart de la valeur
totale d’échange franco-chinois et de celle sino-anglaise se réduit énormément. En 1895,
la valeur totale du commerce entre la France et la Chine atteint même 78% de celle
d’Angleterre avec la Chine (voir tableau I-12), pourcentage encore jamais atteint par la
France ou tout autre pays auparavant. Le monopole du commerce anglais en Chine est
pour la première fois remis en cause par un autre pays.
Pourtant, cette prospérité est fugace. Les valeurs des échanges des autres pays avec
la Chine, notamment celles des États-Unis et du Japon, s’accroissent plus rapidement à
partir du début du XXe siècle1. Après l’année 1905, la valeur d’échange entre la France
et la Chine est enfin dépassée successivement par celles des États-Unis et du Japon et
descend au quatrième (parfois même sixième) rang parmi les divers pays.

Tableau I-12 Commerce de Chine avec la France, l’Angleterre et l’Allemagne en 18952


et en 1905 (francs et taëls) 3

En 1895(Francs)

1 Consulter le Tableau E1 External Trade: aggregate current values, B.R.Mitchell, International historical statistics,
Africa, Asia and Oceania 1750-1988. New York. Stockton Press. 1995. p.521.
2 Archives du Ministère des Affaires Etrangères. NS563. pp.63-64.
3 Archives Nationales de Chine Les Archives nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la douane de

Chine : les archives de la douane ancienne de Chine, Beijing : Editions de Jinghua, 2001, Vol 41. p.8
75
Exportation en Chine Importation de Chine Total
Angleterre 137 161 000 85 512 000 222 673 000
France 15 280 00 158 493 000 173 773 000
Allemagne 44 288 000 24 514 000 68 802 000

En 1905(Taëls)
Exportation en Chine Importation de Chine Total
Angleterre 86 472 343 18 064 270 104 536 613
États-Unis 76 916 838 27 030 722 103 947 610
Japon 61 315 248 35 464 983 96 780 211
France 3 811 634 18 872 233 22 683 867
Allemagne 14 846 075 5 377 649 20 223 724

La France prend la deuxième place pendant les années 1890 par l’expansion de
ses importations de Chine. De fait, même pendant 1900-1914, la valeur de l’importation
de Chine en France n’est pas plus basse que celle de l’Angleterre, les États-Unis et le
Japon (l’infériorité des importations de Chine dans le tableau I-14 tient son origine en
1905 d’une régression de la valeur des importations de Chine en France de la première
décennie du 20e siècle). La vraie infériorité de la France dans le commerce avec la
Chine par rapport aux autres puissances se situe dans les exportations des produits
français en Chine. La valeur des exportations françaises en Chine est déjà très modeste
avant 1900, et ce désavantage est beaucoup plus évident après le début du 20e siècle à
cause de l’essor des nouveaux pays industriels : les États-Unis, l’Allemagne et le Japon.
Au niveau des types de marchandises, la soie grège est toujours la marchandise la
plus échangée entre la France et la Chine. L’importation de la soie reste le principal
moteur du commerce franco-chinois. En 1897, la valeur des produits de soie est
207 820 910 francs, soit 85.7% des importations en France et 77.62% du total des
échanges entre les deux pays. Les deux pourcentages sont 91.05% et 77.94% en 1903.1
Quant aux autres marchandises chinoises, à savoir les tresses de paille, le sésame, le
thé, les tissus de soie, le pongé, les peaux brutes de bœuf et de chèvre, les soies de porc,
les haricots, le musc, les peaux tannées, l’antimoine, la ramie et le camphre, elles sont

1 Archives du Ministère des Affaires Etrangères. 148CPCOM564.p.132.


76
souvent exportées en France à cette période. Presque tous ces articles sont des produits
agricoles (sauf les tresses de pailles et le pongé) et des produits de luxe, ou des produits
exotiques. En dehors de la soie grège, il n’y a pas d’autre matière première dans la liste.
De plus, les valeurs d’échange de toutes ces natures de marchandises sont modestes.1
A l’inverse, en dehors des articles exportés habituellement de France en Chine
(les tissus de soie, les vins, l’horlogerie, les produits d’alimentation, etc.), certains
nouveaux articles apparaissent dans la liste d’exportation depuis la fin du 19e siècle,
comme le matériel de chemin de fer, des matériaux de construction, des machines, des
voitures et des bicyclettes, etc.
La valeur d’échange des tissus de soie est la plus élevée parmi tous les types de
marchandise. Celle du vin passe de la première à la deuxième place. L’horlogerie se
situe en troisième place. Les valeurs des nouvelles marchandises ne sont pas plus
élevées que ces trois types de marchandises traditionnelles exportées de France vers la
Chine. Par exemple, de 1905 à 1908, la Chine n’achète que 635 433 taëls de matériel
de chemin de fer, 120 128 taëls de matériaux de construction, 61 645 taëls de voitures
et de bicyclettes, mais 4 108 334 taëls des tissus de soie (rubans de soie et coton y
compris) et 1 163 747 taëls de vins et 1 114 707 taëls d’horlogerie.2 L’expansion des
exportations de France vers la Chine pendant cette période ne doit donc rien à
l’apparition de ces nouvelles marchandises, mais doit essentiellement à l’augmentation
de la consommation des produits français traditionnels en Chine.
La forte croissance des exportations de marchandises traditionnelles françaises
vers la Chine est liée à la croissance notable du nombre des résidents européens et
américains à partir des années 1880 en Chine. Par exemple, selon la recherche de WU
Guilong, le nombre des étrangers à Shanghai stagne autour des 2 500 pendant les
années 1864-1880, pour reprendre un rythme de croissance à partir des années 1880.
De 1880 à 1890, la population étrangère de la concession publique s’accroît de 74%, et
celle de la concession française de 45%. Pendant la dernière décennie du 19e siècle, le
nombre de résidents étrangers des deux concessions augmente respectivement de 77%

1 Archives du Ministère des Affaires Etrangères. 148CPCOM566.p.20


2 Archives du Ministère des Affaires Etrangères. 148CPCOM566.p.19
77
et 40%. De 1900 à 1910, la population étrangère à Shanghai est encore multipliée par
2.1 C’est le cas du port de Shanghai. Avec l’ouverture de plus en plus de ports chinois
aux étrangers après le Traité franco-chinois en 1885 et le Traité sino-japonais en 1895,
on constate un accroissement notable de la population étrangère dans toute la Chine. La
plupart des produits français traditionnels sont consommés par les étrangers résidant en
Chine. Il est donc logique que la croissance démographique des résidents européens et
américains conduise à l’augmentation de débouchés pour les produits français en Chine.
Selon les types de marchandises d’échange entre la France et la Chine et le rapport
des valeurs d’importation et d’exportation, nous pourrions confirmer que la structure
du commerce franco-chinois de l’époque est pratiquement héritée de celle de l’époque
précédente. C’est toujours le commerce avec l’Angleterre, les États-Unis et les pays
européens continentaux qui compensent le déficit commercial de la France avec la
Chine. Pendant cette époque, le commerce franco-chinois reste encore un chaînon
important dans la chaîne d’échanges multilatéraux.

C Echec des stratégies de la France face aux anciens et nouveaux compétiteurs


Du fait de l’augmentation des exportations des tissus de soie, de l’horlogerie et de
l’apparition de nouvelles marchandises, les produits industriels prennent une proportion
considérable dans les exportations françaises en Chine. Cependant, leur valeur
d’échange est encore assez modeste. La proportion de la valeur d’exportation reste
encore à 5-10% de la valeur totale de l’échange de la France avec la Chine.
Pourquoi l’augmentation de la quantité des exportations françaises en Chine reste-
t-elle limitée malgré l’augmentation des investissements de France en Chine et
l’occupation de l’Indochine ?
Premièrement, si l’échec de l’exportation vers la Chine des cotonnades françaises
est dû à la rivalité des cotonnades anglaises sur ce marché, le plus grand obstacle pour
l’exportation des produits de nouvelles industries françaises vers la Chine est la

1 WU Guilong. L’évolution démographique des étrangers à Shanghai. Forêt d’histoire. n°4. 1998. pp.69-71.(吴桂
龙:论晚晴上海外侨人口的变迁,
《史林》
,1998年第4期,第69-71页。)

78
compétitivité provenant de mêmes produits non seulement de l’Angleterre, mais aussi
de nouveaux pays industriels, notamment de l’Allemagne.
L’apparition de nouvelles marchandises (des machines, etc.) dans la liste des
exportations de la France vers la Chine provient effectivement de l’augmentation des
investissements français, surtout dans les chemins de fer chinois. Nous avons décrit que
beaucoup de lignes ferroviaires chinoises sont construites ou financées par la France à
cette époque. En finançant ou construisant ces lignes ferroviaires, la France place la
priorité des exportations vers la Chine sur des profilés, des équipements, des
locomotives et des voitures de train, avec pour effet un accroissement de la valeur de
ses exportations en Chine. Avec l’accroissement des investissements français et
l’accélération de la modernisation de la Chine, celle-ci commande de plus en plus de
machines et d’équipements à la France. D’après les données montrées dans le tableau
I-13, à la fin des années 1880, la France est déjà l’un des pays qui exportent le plus
d’équipements industriels vers la Chine, dont la valeur des commandes est très proche
de celle de l’Angleterre.

Tableau I-13 Commandes des équipements industriels occidentaux à Tianjin, 1886-


18901

Valeur des commandes


Pays Notes
totales (francs)
6,394,560 francs pour la base du port d’Arthur ; deux
prêts offerts par le Comptoir d’escompte, un de
520,000 taëls (2,919,000 francs) pour le gouvernement
de Shandong, l’autre de 500,000 taëls (2,800,000
France 15 334 196 francs) pour le Ministère des Finances Impérial ; Un
phare à Weihaiwei ; deux dragues pour le Fleuve
Jaune ; les achats de chemin de fer à Decauville, des
cuivres et des fers divers ; des coquilles et des armes
diverses.
Allemagne 9 931 900 Des canons de Krupp, des rails et des ciments.
Des rails ; deux locomotives et d’autres équipements
Royaume-Uni 1 713 040
pour le chemin de fer de Kaiping.
Une locomotive, de l’essence pour le chemin de fer
États-Unis 644 000
de Kaiping.

1 Archives du Ministère des Affaires Etrangères. Affaires diverses commerciales 328. Lettre de Lefèbre à Lemaire,
20 mai 1890.
79
Cependant, à partir des années 1890, des équipements et des machines industriels
allemands commencent à menacer la place des produits de mêmes natures français sur
le marché chinois. En 1894, le gouvernement chinois déclare l’interdiction d’importer
des machines étrangères en Chine.1Après la suppression de l’interdiction, l’Allemagne,
en dépassant l’Angleterre et la France, devient le fournisseur principal des matériaux et
des machines de construction de Chine.2 Après l’année 1900, la valeur des matériaux
et des machines de construction recule à moins de 1% de celles des échanges totaux
dans le commerce franco-chinois, ce qui signifie que des machines et des équipements
français sont presque complètement effacés du marché chinois.
Ces résultats ne sont pas étonnants, puisque l’avancement des nouvelles industries
françaises est beaucoup plus lent par rapport à celui de l’Allemagne. Selon la recherche
de J.C Asselain, « en 1913, la France fabrique 8 fois moins de locomotives que
l’Allemagne, et exporte 25 fois moins------presque uniquement vers les marchés
coloniaux protégés… D’autres secteurs------comme celui des industries chimiques-----
-accusent des déficiences encore plus graves ; l’exemple le plus caractéristique est celui
des colorants, pour lesquels la France-----comme du reste la Grande-Bretagne------est
presque totalement dépendante de la production allemande……Le déséquilibre le plus
flagrant concerne les produits des industries mécaniques. La France est faiblement
exportatrice, et au contraire largement dépendante des importations pour de très
nombreux types de machines et biens d’équipement------depuis les machines textiles
jusqu’aux navires à vapeur, en passant par les machines-outils. »3
Deuxièmement, l’occupation de l’Indochine ne fait guère accélérer le commerce

franco-chinois, parce que : premièrement, les trois provinces du sud-ouest (Guangxi 广

西, Yunnan 云南 et Guizhou 贵州) sont les plus pauvres de la Chine, avec un très

faible pouvoir d’achat. Bien que leurs ressources des mines soient importantes, comme

1 Archives Nationales de France. F12. 6499. Prohibition d’importer des machines en Chine. 29, avril 1894
2 Archives Nationales de France. F12. 7223 Canton 1907-1914. Lettre du consul français à Canton au Ministre du
commerce, 19 novembre 1909.
3 J-C. Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. pp. 205-206.

80
le précisent les rapports des délégués français en Chine, elles se situent en profondeur

du Plateau Yunnan-Guizhou (云贵高原) à une altitude de plus de 2 000 mètres. Les

coûts d’exploitation et de transport sont tellement élevés qu’il n’y a guère de bénéfice.

Ensuite, la concurrence du port de Hong-Kong (香港) limite fortement l’expansion du

commerce de Haiphong (海防,de l’Indochine) avec la Chine. La possession du port de

Hong-Kong facilite la pénétration par les produits anglais du marché de la Chine du


Sud. Au début de l’occupation de l’Indochine, le port de Haiphong situé au nord de
Vietnam est considéré par les Français comme la clé de la prospérité des échanges de
marchandises entre la Chine et la France avec un rôle similaire à celui de Hong-Kong.
Cependant, plusieurs années plus tard, la communication commerciale entre ce dernier
port et la Chine n’est pas aussi prospère que les Français l’avaient prévu, car le port de
Hong-Kong concentre toujours la plupart des échanges internationaux sur la mer de
Chine du Sud. De fait, à la fin du 19e siècle, Hong-Kong est déjà devenu l’un des plus
grands centres de distribution des marchandises de l’Asie, et même du monde.1 Ce port
est alors une escale obligatoire pour la plupart des marchandises qui entrent et sortent
du sud de la Chine. Le rôle des ports d’Indochine est beaucoup moins important que
celui de Hongkong dans le commerce au sud-est de l’Asie. Dans un rapport d’un consul

français, on constate qu’en 1890 la plupart des mouvements de navigation à Pakhoï (北

海, un port chinois de la province Guangxi et très proche de l’Indochine) sont réalisés

par les pavillons allemand et danois. Le pavillon français ne vient qu’au troisième rang
parmi tous les pays, avec 8 mille tonneaux sur les 112 509 tonneaux au total.2 D’après

1 Selon le bureau de douane de Hong-Kong, les tonneaux des vaisseaux d’entrée et sortie de Hong-Kong atteint 22
453 077 tonneaux en 1906. D’autres grands ports du monde à la même période :
Londres (1907) 19 759 346 tonneaux
New York(1906) 20 390 953 tonneaux
Hambourg(1906) 18 045 093 tonneaux
Anvers(1904) 18 663 023 tonneaux
Liverpool(1907) 15 425 288 tonneaux
Cardiff(1907) 14 746 435 tonneaux
Rotterdam(1906) 11 911 038 tonneaux
Marseille(1904) 10 523 922 tonneaux
Genova(1904) 10 436 600 tonneaux
Singapore(1904) 12 331 753 tonneaux
2 Archives Nationales de France: F12.7057. Rapport du commerce de Pakhoi. 25 mars 1891.

81
un rapport du commerce de Shantou (汕头, un port important de l’île de Hainan chinois

situé près de l’Indochine), la valeur d’échange entre ce dernier Shantou et Saigon (西

贡) se trouve loin derrière la valeur d’échange entre Shantou et Hong-Kong.1

En résumé, la croissance du commerce franco-chinois pendant 1884-1914 est


toujours largement due à la prospérité du commerce de la soie. Avec la croissance de
l’importation de la soie chinoise en France, la valeur des échanges de France avec la
Chine occupe la deuxième place parmi tous les pays ayant une relation commerciale
avec la Chine au milieu des années 1890, ce qui est un sommet de l’influence
commerciale de France en Chine. Le développement de nouveaux secteurs industriels
en France, l’augmentation de l’investissement français en Chine et l’occupation de
l’Indochine ne relèvent pas efficacement la valeur de l’exportation de France en Chine
à cause des compétitions des anciens et nouveaux rivaux sur le marché chinois. Avec le
désavantage du débouché des produits français en Chine, l’influence commerciale de
France en Chine est successivement dépassée par celles des États-Unis, du Japon et de
l’Allemagne, et décline rapidement au début du 20e siècle.

D Commerce franco-chinois du 19e siècle et la soie grège


La quantité de commerce entre la France avec la Chine est très peu importante
avant les années 1840, à cause des politiques de limitation du commerce extérieur de la
Chine et de l’influence au long terme des conflits franco-anglais pendant la Grande
Révolution Française et le Premier Empire.
Pendant les quinze premières années de l’ouverture de Chine, il y a eu un essor
important de quantité absolue des échanges France avec la Chine, mais l’influence
commerciale de la France est toujours très faible par rapport aux autres pays, surtout
par rapport à l’Angleterre, parce que la structure d’exportation de France ne s’adapte
toujours pas au besoin du marché chinois et que les produits chinois ne satisfont pas
non plus à la demande du marché français.

1 Archives Nationales de France F12. 7225. Rapport commercial de Swatow 1907-1908


82
Même après les années 1860, selon des données du Tableau I-14-A, la valeur des
exportations des produits français en Chine est toujours très modeste. Cette situation se
maintient jusqu’à la Première Guerre mondiale, malgré les priorités obtenues par
l’occupation de l’Indochine et la croissance de l’investissement français en Chine. La
cause essentielle est que l’offre de l’Angleterre (la cotonnade et l’opium) est mieux
adaptée à la demande du marché chinois (la cotonnade et l’opium) et que l’offre de la
France (la soierie) n’a pas de débouché en Chine.

Graphique I-14-A Valeur des échanges entre la France et la Chine pendant 1844-
19141(franc)
350,000,000

300,000,000

250,000,000

200,000,000

150,000,000

100,000,000

50,000,000

0
1860

1870
1844
1846
1848
1850
1852
1854
1856
1858

1862
1864
1866
1868

1872
1874
1876
1878
1880
1882
1884
1891
1894
1896
1898
1903
1905
1907
1909
1911
1913

Exportation en Chine(fr) Importation en France(fr) Total(fr)

Graphique I-14-B Pourcentages des valeurs de l’importation de la soie grège en France


sur la valeur totale des échanges entre les deux pays 1853-1908 (Pourcentage) 2

1 Du fait du manque de sources sur les valeurs des échanges pendant l’époque avant le Traité de Huangpu, l’année
1844 sera définie comme le point de départ.
2 1858: N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce. Rapport sur l’industrie

des soies et des soieries. Paris. Imprimerie impériale. 1861. p.18.


1862.1863, 1864 : Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et
Indochine, Faits commerciaux n°36. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868. pp. 71-72.
1865 : Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine,
Faits commerciaux n°40. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1868 .pp. 29-30.
1866, 1867 : Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine,
Faits commerciaux n°45. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont, 1870, pp. 115-118.
1873, 1874 : Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine,
Faits commerciaux n°50. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont, 1876, pp. 278-280.
1876 : Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine,
Faits commerciaux n°51. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont, 1879, p. 29.
1882 : Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine,
Faits commerciaux n°52. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont, 1884, p. 14.
83
120
Pour-cent 100
80
60 Proportion
40
20
0
50

62

64

66

73

76

83

84

03

06
18

18

18

18

18

18

18

18

19

19
Années

En revanche, la valeur des exportations des produits chinois en France s’accroît


très rapidement après les années 1860. Consultons le Tableau I-14-A, le commerce
franco-chinois s’accroît exactement au même rythme que celui de la croissance de
l’importation des produits chinois en France. On peut conclure que la croissance du
commerce franco-chinois du 19e siècle provient presque exclusivement de la croissance
des importations des produits chinois, plus précisément, l’importation de la soie
chinoise en France. Le tableau I-14-B nous montre qu’en termes de proportion, la valeur
de l’échange de la soie se compose de la majorité de la valeur du commerce franco-
chinois à partir des années 1860 jusqu’au début du 20e siècle. On peut donc affirmer
sans exagération que la soie joue un rôle dominant dans le commerce franco-chinois.
C’est pourquoi le commerce la soie est le sujet essentiel de cette thèse. Dans les
chapitres suivants, nous allons préciser comment et pourquoi le commerce de la soie
entre la Chine et la France est tellement prospère.

1883.1884 : Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine,
Faits commerciaux n°53. Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont, 1886, p. 10.
1897, 1903 : Archives du Ministère des Affaires Etrangères. 148CPCOM564.p.132.
1905-1908 : Archives du Ministère des Affaires Etrangères. 148CPCOM566.p.20.
84
Chapitre II Commerce de la soie grège entre la
France et la Chine : Évolution quantitative, Demande
des fabricants des soieries en France et Offre des
producteurs de soie en Chine

Nous avons démontré, dans le chapitre précédent, la spécificité du commerce


franco-chinois du 19e siècle : il porte essentiellement sur les importations de soie grège
85
de Chine vers la France.
Ce présent chapitre va débuter nos recherches sur le commerce de la soie grège,
élément le plus dynamique du commerce franco-chinois du 19e siècle. Nous allons
d’abord montrer, l’aperçu de l’évolution du marché de la soie grège dans le monde
pendant le 19e siècle, ce qui nous aidera à connaître le rôle de l’échange de la soie grège
entre la France et la Chine dans le marché mondial. Dans la deuxième section du
chapitre, nous étudierons précisément l’évolution quantitative du commerce franco-
chinois de la soie grège du 19e siècle. Finalement, les troisième et quatrième sections de
ce chapitre se concentreront sur les effets de l’offre et la demande de la soie grège sur
la croissance du commerce international du 19e siècle.

II-1 Principaux exportateurs et importateurs dans le marché mondial

de la soie du 19e siècle

Les lieux de production et de façonnage de la soie sont bien séparés dans le monde
du 19e siècle. D’une part, la majorité de la production de la soie grège ne se concentre
que sur quelques régions d’autre part, l’industrie textile de la soie se situe dans
d’autres régions du monde. Cela est une des raisons les plus importantes qui aboutit à

86
la dynamique du commerce de la soie sur le marché international pendant le 19e siècle.
Dans cette présente section, nous allons montrer les principaux exportateurs et
importateurs dans le marché de la soie mondial pendant cette époque. A partir de cela,
nous étudierons : dans un premier temps, les contextes historiques et économiques de
ce commerce au 19e siècle dans un deuxième temps, l’importance des rôles des deux
pays dans le marché mondial de la soie.

A Producteurs et exportateurs de la soie dans le monde du 19e siècle


La production séricicole, qui est à la fois une culture par ses mûriers et un élevage
par ses vers, obéit normalement à deux conditions les plus basiques : d’une part, le
climat de cette région devrait être propice à la végétation des mûriers. Les mûriers
poussent normalement à partir de 12°C et grandissent entre 20°C à 35°C. Leur
croissance sera la plus rapide si la température se stabilise entre 30°C-32°C. D’autre
part, le développement de la sériciculture nécessite également une main d’œuvre
importante et bon marché. Il faudra cueillir une grande quantité de feuilles de mûrier
dès le début de la saison, ainsi il faudra travailler toute la journée et même toute la nuit
pour occuper les bébés des vers à soie pendant tout le processus d’éducation (les nourrir,
déblayer les excréments, etc.). En satisfaisant ces deux conditions essentielles, la
sériciculture fait déjà son apparition dans beaucoup de régions du monde au cours du
19e siècle.
En Europe, en Afrique et au Proche-Orient, les plantations de mûriers se
concentrent principalement autour de la Méditerranée. L’Italie est l’un des plus anciens
pays européens qui produit la soie. Importée dans les régions de Sicile et de Calabre au
11e siècle1, la sériciculture s’étend déjà à toute la péninsule au début du 19e siècle. Avant
les années 1860, la quantité de la production des soies dans l’ensemble des États Italiens
atteint 53 millions de kilogrammes de cocons,2 ce qui les fait devenir les plus grands
fournisseurs de la soie en Europe de l’époque. A part le marché domestique, leurs
matières soyeuses sont achetées par Lyon, Londres, les États d’Allemagne, la Suisse et

1 H.Algoud. La soie, art et histoire. Paris. Payot. 1928. p.61.


2 A.Beaux. Etat comparatif de l’industrie de la soie en France et en Italie. Paris. Charavay. 1886. p.22.
87
la Russie, qui représentent alors environ 20-25% de la totalité de la production de la
soie italienne.1 Avec les ravages de la pébrine2 en Italie pendant les années 1860-1870,
la récolte de la sériciculture italienne diminue de moitié. Grâce à la méthode de
prophylaxie découverte par le scientifique français Louis Pasteur en 1870 (nous le
repréciserons), les italiens restaurent très rapidement leur sériciculture. La production
séricicole d’Italie remonte d’une vingtaine de millions de kilogrammes de cocons au
début de 1880 à une cinquantaine de millions de kilogrammes de cocons à la fin du 19e
siècle. La moyenne entre 1904-1913 est de 49 927 000 kilogrammes de cocons, ayant
fourni 4 272 000 kilogrammes de soie grège.3 Grâce à la croissance de la récolte, la
soie italienne occupe de nouveau le marché de l’Allemagne et de la Suisse.
La sériciculture est largement répandue dans d’autres pays méditerranéens, bien
que leurs quantités de production soient moins importantes. La production de l’Espagne
atteint 12.5 millions de kilogrammes de cocons avant l’épidémie, mais tombe à
1 100 000 kilogrammes (82 000 kilogrammes de soie grège) en moyenne pendant
1860-1900, et encore à 740 000 kilogrammes (73 000 kilogramme de soie grège) en
1914. 4 On plante aussi les mûriers dans l’Autriche-Hongrie. La moyenne de sa
production de soie grège est de 350 000 kilogrammes de 1865 à 1884, et ce chiffre a
doublé depuis 1885. La récolte des cocons de Grèce est de 2 millions de kilogrammes
(représentant environ 160 000 kilogrammes de soie grège) en 1855, mais elle décline à
partir de 1866, et diminue à 200 000 kilogrammes de cocons (soit 18 000 kilogrammes
de soie grège) en 1890. 5 La Turquie d’Asie, également touchée par la pébrine, ne
fournit que 142 000 kilogrammes de soie en moyenne de 1875 à 1880. La restauration
de la production des soies de cette région débute à partir de 1900. De 1909 à 1913, on
y a produit 1 128 000 kilogrammes de soie grège par an, soit trois fois la production

1 Archives Nationales de France. F12. 2552. le 8 mai 1832. Les soies expédiées de Milan et de Naples 1828-1832.
2 La pébrine est une épidémie des vers à soie qui apparaît pour la première fois en France pendant les années 1820.
Les ravages de cette maladie atteignent leur sommet en France pendant 1853-1875, et simultanément elle se transmet
à tous les pays européens et ravage la sériciculture de toute l’Europe. Nous reviendrons sur les détails de cette
épidémie des vers à soie en discutant de ses effets sur la sériciculture française dans une autre section.
3 G.Fédérico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930. Cambridge. Cambridge University Press. 1997.

p. 201.
4 M.A. Carron. La production de la soie brute en France. Lyon. M.Audin. 1946. p.18.
5 V. Croffier. La production de la soie dans le monde. Annales de Géographie. Tome 9. n°44. 1900. pp.111.

88
française à la même époque. 1 Quant aux pays Balkaniques, après l’invasion de la
maladie en 1868, ils produisent seulement en moyenne 400 000 kilogrammes de cocons
(soit 32 000 kilogrammes de soie grège) par an. La sériciculture apparaît aussi en
Afrique dans le 19e siècle. En Algérie, la quantité de la production de cocons atteint son
maximum en 1881, soit 21 000 kilogrammes. 2 Tous ces pays (sauf l’Italie et la France)
autour de la Méditerranée produisent des cocons, mais il y existe très peu de filatures
ou de soieries. Ils ne peuvent exporter leurs matières de soie (soie grège ou cocons)
qu’aux pays d’Europe occidentale.
De l’autre côté du continent Europe-Asiatique, la Chine fournit de plus en plus de
soie grège au marché mondial après son ouverture depuis 1842. Nous allons montrer
plus loin la proportion d’exportation de la soie grège, mais il faut savoir ici que, de 1840
à 1894, cette proportion a été multipliée par 7, et la quantité absolue d’exportation a été
multipliée par 12. On peut y constater le fait que de plus en plus de soie chinoise entre
dans le marché international pendant la deuxième moitié du 19e siècle, qui représente
ainsi l’« âge d’or » de l’exportation soie chinoise. D’après le tableau II-1, la plupart des
soies chinoises sont exportées en Europe par Londres avant les années 1870. Après
1875, la quantité d’importation de la soie chinoise en France dépasse celle importée par
l’Angleterre. Lyon devient désormais le plus grand importateur de soie chinoise du
monde. Les États-Unis importent de plus en plus de soie chinoise dès les années 1870,
et ce pays remplace la position de la France à la veille de la première guerre mondiale.

Tableau II-1-A Quantité de soie grège exportée de Shanghai à l’Angleterre, en France


et aux États-Unis (piculs)3

1 D. Quataert. The silk industry of Brussa 1880-1914. In Islamoglu and Inan. The Otomman Empire and the world
economy. Cambridge. Cambridge University Press. pp.286-287.
2 M.Zimmermann. La production et la consommation de la soie. Annales de Géographie. Tome 25. n°135. 1916. p.

220-221.
3 Sources : les rapports de douane de Chine, dans M.L.Li. L’industrie et l’exportation de la soie de Chine à l’époque

moderne, Editions de l’Académie des sciences Sociales de Shanghai. 1996. p.95. (资料来源: 《海关贸易年报与季
册》
,引自李明珠:中国近代蚕丝业及外销(1842-1937)
,上海:上海社会科学院出版社,第95页。)
89
Angleterre France Etats-Unis Autres pays
Années Totalité Quantité Proportion Quantité Proportion Quantité Proportion Quantité Proportion
1870 30 482 22 145 72.60% 5 639 18.50% 1 081 3.50% 1 617 5.30%
1875 55 965 20 965 36.80% 25 625 45.80% 6 132 11.00% 3 243 5.79%
1880 69 685 17 620 25.30% 36 954 53.00% 8 093 11.60% 7 028 10.09%
1885 44 690 7 658 17.10% 25 938 58.00% 6 665 14.90% 4 429 9.91%
1890 51 808 9 288 17.90% 30 458 58.80% 4 714 9.10% 7 348 14.18%
1895 76 639 2 463 3.20% 41 521 54.20% 12 030 15.70% 20 625 26.91%
1900 60 432 2 188 3.60% 26 134 43.20% 10 193 16.90% 21 917 36.27%
1905 63 299 1 322 2.10% 23 581 37.30% 15 544 24.60% 22 852 36.10%
1910 87 540 1 148 1.30% 34 734 39.70% 21 858 25.00% 29 800 34.04%
1915 95 822 3 199 3.30% 32 821 34.30% 41 116 42.90% 18 686 19.50%

Graphique II-1-B Quantité de soie grège exportée de Shanghai à l’Angleterre, en France


et aux États-Unis (piculs)
120,000

100,000

80,000

60,000

40,000

20,000

0
1870 1875 1880 1885 1890 1895 1900 1905 1910 1915

Angleterre France Etats-Unis Autres pays

Graphique II-1-C Proportion de soie grège exportée de Shanghai à l’Angleterre, en


France et aux États-Unis (pourcentage)

90
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1870 1875 1880 1885 1890 1895 1900 1905 1910 1915

Angleterre France Etats-Unis Autres pays

En raison de la prohibition du commerce extérieur du Japon, l’exportation de la


soie japonaise était presque nulle avant l’année 1853. En 1859, six ans après l’ouverture,
l’exportation de la soie japonaise n’est que de 221 200 kilogrammes. Le décollage de
la production de la soie du Japon ne débute qu’après la Restauration de Meiji. En 1870,
le japon fournit 411 800 kilogrammes de soie grège à l’étranger.1 Ce chiffre monte à
1 266 200 en 1890 et à 2 778 500 en 1900. En 1910, l’exportation de la soie du Japon
atteint 8 907 700 kilogrammes, dépassant déjà celle de la Chine, représentant 8 416 600
kilogrammes. Ce pays désormais, remplaçant la Chine, devient le plus grand
fournisseur de soie dans le monde.2 La plupart des soies japonaises sont destinées aux
États-Unis. Les pays européens achètent également une quantité considérable de soies
japonaises après les années 1890.3
Dans les pays de l’Asie du Sud et du Sud-est, les paysans s’occupent aussi de
sériciculture. L’Inde, ayant été l’un des fournisseurs de soie du marché de Londres, est
attaquée aussi par la pébrine dans les années 1880. Sa production de soie grège atteint
562 000 kilogrammes pendant l’année 1871-1872 4
, mais descend à 194 000

1 E. De Bavier. La sériciculture. Le commerce des soies et des graines et l’industrie de la soie au Japon. Lyon. Pitrat
aîné. 1874. pp.10-13.
2 L.M.Li. Silks by sea: trade, technology and enterprise in China and Japan. Business history review. 1982. Vol. 56.

n°2.p.199.
3 J.-Oono.A. Amakawa. The Japanese raw silk in relation to the American and French silk industries. Kwansei

Gakuin University Annual Stadies. 1985. n°34. p.137.


4 J. Goghegan. Somme accounts of silk in India. Especially of the various attempts to encourage and extend

sericulture in taht country. Calcutta. Office of the Superintendent of Government Printing.1872 p.3.
91
kilogrammes par an de 1909 à 1913.1 La production de soie en Indochine se maintient
à 800 000-900 000 kilogrammes par an au 19e siècle. La destination de ces produits est
souvent la Chine ou Hongkong. 2 Bien que le climat et l’état du sol soient moins
agréables, on a aussi essayé de planter des mûriers dans les Iles Philippines et les Indes
orientales néerlandaises pendant la deuxième moitié du 19e siècle. Mais la mauvaise
récolte fait abandonner cette activité agriculturale tout de suite dans ces pays.
On a apporté la sériciculture sur de nouveaux continents aussi. Les plantations de
mûriers en Amérique du nord et du sud ne se déroulent pas très bien à cause du manque
de main d’œuvre. Même au Chili, le pays avec la plus belle récolte de sériciculture de
ces deux continents, n’obtient environ que 6 000 à 8 000 kilogrammes de cocons par
an. Au contraire, la situation est beaucoup mieux en Australie. On estime que la quantité
de la production de cocons de ce continent atteint déjà 350 milles de kilogrammes à la
veille de la première guerre mondiale, avec lesquels on peut produire 25 milles de
kilogrammes de soie grège. En raison de l’absence de filature, presque tous les produits
de cocons d’Australie sont transportés vers des filatures étrangères : 38% en Chine, 31%
au Japon, 16% à l’Italie, 3.8% en Turquie et 3.2% en France.3
Il est très impressionnant que, la sériciculture, en tant qu’activité offrant la matière
première pour la production d’un article de luxe (la soierie), soit répandue sur six
continents au 19e siècle. Cependant, l’exportation de soie grège se concentre dans
quelques pays : selon les statistiques du tableau II-2 ci-dessous, les soies d’Italie, de
Chine et du Japon occupent environ 80% des soies grèges échangées sur le marché
mondial. La quantité d’échange de la soie italienne prend le premier rang pendant la
première moitié du siècle ; la soie chinoise la remplace après les années 1850 et tient la
tête jusqu’au début du 20e siècle ; la soie japonaise gagne la première place dans la
dernière décennie avant la Première Guerre mondiale et maintient cette supériorité
jusqu’à la deuxième guerre mondiale. De 1820 à 1914, ces trois pays prennent la
couronne l’un après l’autre du plus grand exportateur de soie dans le monde.

1 H. Maxwell-Lefroy. Report on an inquiry into the silk industry in India. Vol. I. The Silk industry. Calcutta;
Superintendent of the Government Printing Office. 1916. p.11.
2 H. Herbette. La soie en Indochine. Annales de Géographie. 1932. Vol.41. n°230. p.171.
3 V. Croffier. La production de la soie dans le monde. Annales de Géographie. Tome 9. n°44. pp. 1900. 116-117.

92
Tableau II-2-A Quantité d’exportation des soies grèges de l’Italie, de Chine et du Japon
1820-1915 (mille kilogrammes)1

Italie Chine Japon Autres pays


Années Monde Quantité Proportion Quantité Proportion Quantité Proportion Quantité Proportion
1820 2 350 1 545 65.74% 280 11.91% 0 0% 525 22.34%
1825 2 650 1 640 61.89% 310 11.70% 0 0% 675 25.47%
1831 2 940 1 975 67.18% 260 8.84% 0 0% 705 23.98%
1834 3 370 1 960 58.16% 600 17.80% 0 0% 810 27.04%
1838 3 545 2 310 35.45% 150 4.23% 0 0% 1 085 30.61%
1843 3 935 2 270 57.69% 570 14.49% 0 0% 1 095 27.83%
1848 4 470 2 495 55.82% 900 20.13% 0 0% 1 075 24.05%
1851 6 000 2 520 42.00% 2 210 36.83% 0 0% 1 270 21.17%
1856 6 970 2 040 29.27% 3 540 50.79% 0 0% 1 390 19.94%
1860 6 234 1 566 25.12% 2 778 44.56% 761 12.20% 1 129 18.11%
1865 5 668 1 362 24.03% 2 712 47.85% 575 10.14% 1 019 17.98%
1870 7 662 2 178 28.12% 2 972 38.79% 412 5.37% 2 100 27.41%
1875 9 550 3 444 36.06% 4 831 50.59% 708 7.42% 567 5.94%
1880 10 577 3 400 32.14% 4 969 46.98% 877 8.29% 1 331 12.58%
1885 9 043 3 505 38.76% 1 474 16.30%
1890 11 411 1 720 15.07% 4 860 42.59% 1 266 11.10% 3 565 31.24%
1895 14 685 2 546 17.31% 6 687 45.54% 3 487 23.74% 1 965 13.38%
1900 17 236 3 459 20.06% 5 876 34.09% 2 779 16.12% 5 122 29.72%
1905 19 051 5 519 28.97% 6 403 33.61% 4 345 22.81% 2 784 14.61%
1910 23 133 4 062 17.56% 8 417 36.38% 8 908 38.51% 1 746 7.55%
1915 23 587 3 604 15.28% 8 650 36.68% 10 688 45.32% 645 2.73%

Graphique II-2-B Quantité d’exportation des soies grèges de l’Italie, de Chine et du


Japon 1820-1915 (mille kilogrammes)2

1 Les chiffres de 1820 à 1859 viennent de G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930.
Cambridge. Cambridge University Press. 1997. pp.196-197. Les chiffres de 1860 à 1915 viennent de GU Guoda,
BINQI Shi, YUSHAN Man, La structure du marché mondial de la soie dans l’histoire moderne (1842-1945), Journal
académique de l’Institut de Soie de Zhejiang. Vol 10. 1993.p.106. (顾国达,滨崎实,宇山满:近代(1842-1945年)
世界生丝市场的结构, 浙江丝绸工学院学报,1993年,第10卷,第3期,第106页。)
2 Les chiffres de 1820 à 1859 viennent de G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930.

Cambridge. Cambridge University Press. 1997. pp.196-197.


Les chiffres de 1860 à 1915 viennent de GU Guoda, BINQI Shi, YUSHAN Man, La structure du marché mondial
de la soie dans l’histoire moderne (1842-1945), Journal académique de l’Institut de Soie de Zhejiang. Vol 10. 1993.
p.106. (顾国达,滨崎实,宇山满:近代(1842-1945年)世界生丝市场的结构, 浙江丝绸工学院学报,1993年,
第10卷,第3期,第106页。)

93
25,000

20,000

15,000

10,000

5,000

Italie Chine Japon Autres pays

Graphique II-2-C Proportion d’exportation des soies grèges de l’Italie, de Chine et du


Japon 1820-1915 (pourcentage)1
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%

Italie Chine Japon Autres pays

B Importateurs de la soie grège dans le monde


En même temps, les achats de la soie du marché mondial du 19e siècle se
concentrent également dans les mains de plusieurs pays : l’Angleterre, la France et les

1 Les chiffres de 1820 à 1859 proviennent de G. Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930.
Cambridge. Cambridge University Press. 1997. pp.196-197. Les chiffres de 1860 à 1915 proviennent de GU Guoda,
BINQI Shi, YUSHAN Man, La structure du marché mondial de la soie dans l’histoire moderne (1842-1945), Journal
académique de l’Institut de Soie de Zhejiang. Vol 10. 1993. p.106. (顾国达,滨崎实,宇山满:近代(1842-1945
年)世界生丝市场的结构, 浙江丝绸工学院学报,1993年,第10卷,第3期,第106页。)

94
États-Unis sont les trois principaux importateurs de la soie à l’époque. D’après les
statistiques du tableau III, ces derniers trois pays monopolisent 70-80% d’achat de soie
disponible sur le marché mondial pendant 1840-1915.

Graphique II-3-A Les quantités des importations de la soie grège de l’Angleterre de


France et des États-Unis 1840-1915 (mille kilogrammes)1

Angleterre France Etats-Unis Autres pays


Années Monde Quantité Proportion Quantité Proportion Quantité Proportion Quantité Proportion
1840 1 761.3 537
1850 2 843.5 1 095 54.4
1860 3 673.9 2 290 135.1
1870 7 662.3 1 613.4 21.06% 3 198 41.74% 264.7 3.45% 2 586.2 33.75%
1880 10 577.4 1 214.3 11.48% 3 852 36.42% 1 162.2 10.99% 4 348.9 41.11%
1890 11 411 1 034.2 9.06% 5 493 48.14% 2 695.9 23.63% 2 187.9 19.17%
1895 14 685 784.3 5.34% 6 206.7 42.27% 4 132.7 28.14% 3 561.3 24.25%
1900 17 236.4 785.2 4.56% 5 661 32.84% 3 723.9 21.60% 7 057.3 40.94%
1905 19 051.8 475.8 2.50% 5 936.3 31.16% 7 037.3 36.94% 5 899.4 30.97%
1910 23 133.1 463.1 2.00% 8 195.3 35.43% 9 781.1 42.28% 4 693.6 20.29%
1915 23 587 472.6 2.00% 4 762.9 20.19% 14 051.6 59.57% 4 299.9 18.23%

Graphique II-3-B Quantités des importations de la soie grège de l’Angleterre de France


et des États-Unis 1870-1915 (mille kilogrammes)
25000

20000

15000

10000

5000

0
1870 1880 1890 1895 1900 1905 1910 1915

Angleterre France Etats-Unis Autres pays

Graphique II-3-C Proportions des importations de la soie grège de l’Angleterre de

1 GU Guoda, BINQI Shi, YUSHAN Man, La structure du marché mondial de la soie dans l’histoire moderne (1842-
1945), Journal académique de l’Institut de Soie de Zhejiang. Vol 10. 1993. p.106. (顾国达,滨崎实,宇山满:近
代(1842-1945年)世界生丝市场的结构, 浙江丝绸工学院学报,1993年,第10卷,第3期,第105页。)
95
France et des États-Unis dans le monde 1870-1915 (pourcentage)
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1870 1880 1890 1895 1900 1905 1910 1915

Angleterre France Etats-Unis Autres pays

L’Angleterre est le plus grand acheteur de la soie grège du monde avant les années
1870. Comme le tableau ci-dessus le montre, la quantité de l’importation de la soie
grège de l’Angleterre monte de 1 761 300 kilogrammes en 1840 à 3 673 900
kilogrammes en 1860, soit une croissance d’une fois pendant les 20 ans ; à cette époque,
la quantité de l’importation de la soie grège en Angleterre dépasse la totalité des celles
de France et des États-Unis réunis.

Tableau II-4 Proportions des soies grèges des pays divers sur le marché de Londres.
(Pourcentage)1

1 G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930. Cambridge. Cambridge University Press. 1997.
pp.214-215.
96
Années Italie Europe(sauf Italie) Japon Chine Inde Levant
1815-1819 42.3 12.6 45.1
1820-1824 47 11.7 32.5 8.8
1825-1829 50.9 9.7 28.4 11
1830-1834 36.6 22.2 29.7 11.4
1835-1839 29.6 26.3 30 14
1840-1844 38.8 8.8 33.1 19.2
1845-1849 24.1 43.1 25.7 7.1
1850-1854 13.7 50.6 24.6 11.2
1855-1859 6.6 73.5 17.1 2.7
1860-1864 4.7 19.1 60 11.9 4.3
1865-1869 5 18.2 58.3 16.8 1.7
1870-1874 6.1 15.3 68.4 9.4 0.8
1875-1879 6.1 19.8 70 3.7 0.5
1880-1884 9.5 16.6 71.4 2.2 0.3
1885-1889 1.8 20.7 5.4 61.7 3.2 0.5
1890-1894 2.2 29.5 5.8 49 8.6 1
1895-1899 1.3 49.7 1.8 34.5 10 0.3
1900-1904 4.3 46.7 2.7 32.9 13 0.3
1905-1908 17 21.2 2 35.4 12.3 1.5
1909-1913 15.8 12.9 4.9 43.3 3 2.2

Le tableau II-4 nous permet de voir les principaux pays fournissant la soie sur le
marché de Londres pendant le 19e siècle. La soie italienne et la soie indienne dominent
ce marché jusqu’au début des années 1840, lesquelles occupent 70-90% de la totalité
de la soie importée à Londres à l’époque. Après l’ouverture de la Chine, la soie chinoise
les remplace comme la plus importée matière soyeuse à Londres, qui représente 50-70%
du marché. Bien que cette proportion descende à 30-50% après les années 1890, la soie
chinoise garde toujours un avantage dans le marché de Londres par rapport aux celles
d’autres pays, et cet avantage se maintient jusqu’à la Première Guerre Mondiale.
Malgré la prospérité de l’exportation de la soie japonaise sur le marché mondial à la fin
du 19e siècle, elle n’occupe encore qu’une faible part sur le marché de Londres : soit 2-
6% après les années 1890.
Malgré la prospérité de la sériciculture pendant la première moitié du 19e siècle en
France, la croissance de la production de la soie ne satisfait toujours pas la demande de
l’industrie textile des soieries. L’importation de la soie grège en France monte de
97
22 975 kilogrammes en 1815 à 198 636 kilogrammes en 1832,1 et jusqu’à 1 095 000
kilogrammes en 1850. La maladie des vers à soie en Europe depuis 1856 a aggravé le
manque des matières de soie en France. La sériciculture française ne retrouvera jamais
son âge d’or pendant la deuxième moitié du 19e siècle (nous allons l’expliquer dans une
autre section).
La quantité d’importation de la soie grège en France se multiplie encore par 7.5 de
1850 à 1910, en s’accroissant de 1 095 000 kilogrammes à 8 195 300 kilogrammes.2
Avec cette augmentation très forte, la France, ayant remplacé l’Angleterre, tient la
première place parmi tous les acheteurs de soie sur le marché international pendant la
seconde moitié du 19e siècle. Elle achète souvent plus de 3/10 des soies offertes à la
vente dans le monde entier à l’époque. Citons que, en 1892, sur les 12 550 000
kilogrammes de soie livrée sur le marché global, Lyon en amène 6 000 000
kilogrammes, soit 47.81% de la totalité.3
Le tableau II-5 montre les principaux fournisseurs de soie pour le marché français.
Plus d’une moitié des matières de soie employées par l’industrie textile françaises sont
fournies par le marché local français avant l’explosion de la pébrine. Les Etats italiens
sont aussi d’importants fournisseurs pour les français à l’époque, en occupant environ
25-30% de l’importation de soie de France.4 Une grande quantité des soies chinoises
sont envoyé à Lyon par Londres de 1850 à 1875 (nous allons préciser le rôle de Londres
dans l’échange de la soie entre la Chine et la France dans un autre chapitre), et aussi
par la ligne maritime directe entre la Canton, Shanghai Hongkong et Marseille à partir
des années 1860. De la fin des années 1850 à la Première Guerre Mondiale, la Chine
offre environ 30-40% de la soie dont l’industrie textile de France a besoin. La soie
japonaise occupe aussi une proportion du marché français, qui monte de 2% pendant
les années 1860 à une dizaine pour cent à la veille de la première guerre mondiale.

1 Archives Nationales de France. F12. 2552. Commerce spécial de soie, résumé de 1815 à 1832.
2 GU Guoda, BINQI Shi, YUSHAN Man, La structure du marché mondial de la soie dans l’histoire moderne (1842-
1945), Journal académique de l’Institut de Soie de Zhejiang. Vol 10. 1993.p.106. (顾国达,滨崎实,宇山满:近
代(1842-1945年)世界生丝市场的结构, 浙江丝绸工学院学报,1993年,第10卷,第3期,第105页。)
3 N.Rondot. L’industrie de la soie en France. Lyon. Imprimerie Mougin-Rusand. 1894. pp. 14-15.
4 Archives Nationales de France. F12. 2552. Des soies importées en 1832.

98
Tableau II-5 Proportions des soies des pays divers sur le marché de la France
(pourcentage)1

Années Italie Japon Chine Levant Inde Angleterre France


1831-40 34.8 0.1 4 0.2 2.1 57.5
1841-45 26.6 8.7 2.8 59.9
1846-52 25.3 9 5.3 60.6
1853-55 30.2 9.4 16.4 50.7
1854-58 30 10.8 33.8 25.8
1859-63 20 0.8 10.6 0.1 42.1 23
1864-68 19.4 2.5 4.6 8.1 1.8 25.4 29.3
1869-73 27.3 4.3 11.1 5.8 1.8 20.6 23.4
1874-78 27.4 5.3 23.7 4.8 2.1 9.9 19.8
1879-83 27.3 8.3 27.7 4.4 1.5 4.7 20.1
1884-88 24.1 10 30 7.1 1.4 2.3 19.9
1889-93 12.3 17.7 36.5 9 1.2 1.1 17.9
1894-98 11.5 16.1 37.6 9.9 1.5 0.1 20.5
1899-1903 9.5 9.1 46 9.9 3 18.9
1904-1908 11.9 8.3 39.3 10.6 9.6 18.4
1909-1913 10 15.5 41 9 5.5 16.3

L’industrie des soieries des États-Unis se développe à partir du début de la seconde


moitié du 19e siècle, mais son essor ne débute qu’après les années 1890. En 1860, la
valeur des soieries américaines ne compte que 6 600 000 dollars (33 millions de
francs)2. Pour lutter contre la concurrence de l’industrie étrangère, le gouvernement des
États-Unis impose un droit de 50% sur toutes les soieries étrangères depuis la fin des
années 1880.3 En 1890, les États-Unis produisent des soieries pour une valeur de 250
millions de francs.4 En produisant pour 624 millions de francs de soieries, l’industrie
des soieries américaines dépasse la fabrique française en 1904, et cette valeur monte
encore à 904 millions de francs en 1914. Le nombre des métiers à tisser aux États-Unis
passe de 50 449 en 1890 à 73 504 en 1904 et à 87 215 en 1914.5 L’expansion de la
production des soieries conduit à la croissance d’importation de soie grège aux États-
Unis. La quantité des soies fournies par l’étranger monte de 135 100 kilogrammes en

1 G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930. Cambridge. Cambridge University Press. 1997.
pp. 214-215.
2 ZHANG Diken. L’influence du monopole de l’exportation de soie des maisons étrangères sur l’industrie de la

filature de soie à Shanghai 1894-1937. Recherche de l’histoire économique de la Chine. 1986. n°01. p.116.(张迪恳:
外国洋行垄断生丝输出对上海地区丝厂业的影响1894-1937, 《中国经济史研究》 ,1986年第1期,第116页。)
3 G.R.Hawke. the United States Tariff and protection in the late nineteenth century. Economic history review.

1988.n°28. p.90.
4 A. De la Berge. Les industries de la soie en France. Revue des Deux Mondes. Tome 101. 1890. p.91.
5 F.R.Mason. the American silk industry and the tariff. Cambridge MA. American Economic Association. 1910.

p.38.
99
1860 à 14 051 600 kilogrammes 1915, ce qui signifie une augmentation de 104 fois en
55 ans. A la veille de la guerre, la soie importée par ce pays a occupé presque 60% des
soies échangées sur le marché global.1
La Chine est le plus grand fournisseur de la soie pour les États-Unis jusqu’à
l’année 1878. A cause de l’inadaptation de la soie chinoise aux tissages mécaniques aux
États-Unis, la soie japonaise prend la couronne au début des années 1880 et domine
désormais le marché américain. La soie italienne tient aussi une petite proportion dans
ce pays.

Tableau II-6 Proportion des soies importées aux États-Unis (pourcentage)2

Années Italie Japon Chine France Europe


1869-73 2.9 89.9 7.3
1874-78 12.1 79.4 8.5
1879-83 34.5 47.7 17.5
1884-88 44.8 26.2 28.2
1894-98 16.7 50 27.2 4
1899-1903 20.7 46.7 26.3 3.7
1904-1908 22.2 53.7 19.1 3.4
1909-1913 12.5 63.4 21.6 1.4

C Échange de la soie entre la France et la Chine : un des commerces les plus


dynamiques dans le marché de la soie du monde
Pendant le 19e siècle, la plupart des échanges des soies du monde ont lieu aux sept
plus importants marchés : Milan, Shanghai, Canton 3 , Yokohama, Londres, Lyon et
New-York. Ces grands marchés de la soie du monde se situent dans six pays : l’Italie,
la Chine, le japon, l’Angleterre, la France et les États-Unis, dont les trois premiers sont
les principaux fournisseurs, et les trois derniers les principaux acheteurs.

Tableau II-7 Quantité de soie échangée sur les principaux marchés du monde (milliers

1 S.Matsui. The history of the silk industry in the United States. New York. Howes. 1930. p.105.
2 G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930. Cambridge. Cambridge University Press. 1997.
p.214.
3 Parmi ces villes on n’a pas mentionné Hongkong qui est seulement une escale de la soie cantonaise.

100
de kilogrammes)1

Années Londres Lyons New-York Milan Shanghai Canton Yokohama


1820 1 200 445
1865 2 850 2 900 200 1 650 1 950 700
1895 1 000 6 250 3 300 1 650 3 980 1 500 3 050
1910 950 7 950 9 100 9 850 5 450 2 200 8 550

Parmi les trois grands fournisseurs de la soie grège, les soies italiennes déclinent
sur les principaux marchés d’importation (Londres, Lyon et New-York); en revanche,
la soie de Chine augmente durablement sur les marchés des trois principaux
importateurs où elle domine jusqu’à la fin du 19e siècle ; la soie Japonaise ne remplace
la soie chinoise qu’au début du 20e siècle. Parmi les trois grands pays acheteurs de
soie grège, l’Angleterre joue plutôt un rôle d’intermédiaire entre les principaux
importateurs (France et États-Unis) et les pays d’exportation (l’Italie et la Chine).
Cependant, l’importation de soie grège diminue très nettement en Angleterre après les
années 1870 ; la France, en tant que principal exportateur de tissus de soie du monde,
devient aussi le plus grand importateur de soie grège du monde à partir des années 1850;
sa place n’a été dépassée par les États-Unis qu’au début du 20e siècle. Cette thèse étudie
donc l’histoire du commerce de la soie entre le plus grand exportateur (la Chine) et le
plus important acheteur (la France).

1 G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930. Cambridge. Cambridge University Press.
1997.p.153.
101
II-2 Commerce de la soie grège entre la France et la Chine avant

l’année 1914

Nous allons montrer, dans cette présente section, l’évolution de l’échange de la


soie entre la France et la Chineau 19e siècle et jusqu’à la veille de la Première Guerre
mondiale. Les changements du contexte politique ou économique dans les deux pays
seront aussi brièvement présentés. La plupart des éléments cités proviennent des
Archives chinoises et en partie française, des Annales commerciales, et des Bulletins
commerciaux de France et de Chine. Nous avons également recours aux statistiques
publiées dans The chronicles of the East India Company de H.B. Morse1, Histoire de la
concession française de Shanghai de Ch.-B. Maybon et J.Fredet 2 , France and the
exploitation of China 1885-1891 de R.Lee3, Commerce de la France avec la Chine de
N.Rondot 4 , les relations entre Lyon et la Chine au XIXe siècle de E.Hamaide 5 ,
l’industrie de la soie en France et en Chine de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle
de Mau Chuan-Hui6, les relations de Lyon avec la Chine de TCHENG Tse-sio7 et Lyon
et le commerce de la soie de L.Gueneauetc8.

A Un lien commercial instable


Quand débute le commerce de la soie grège entre la France et la Chine ?
E.Hamaide a écrit dans sa thèse La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle que
« Rémi aurait effectivement été le premier à faire un essai d’expédition directe de balles

1 H.B.Morse. the Chronicles of the East India Company. Guangzhou. Editions de l’Université de ZhongShan. 1991.
(马士: 《东印度公司编年史》 ,广州:中山大学出版社,1991年)
2 Ch.-B. Maybon et J.Fredet. Histoire de la concession française de Shanghai. Paris. Librairie Plon. 1929.
3 R.Lee. France and the exploitation of China 1885-1901. A study in Economic Imperialism. Hong-Kong: Oxford

University press. 1989.


4 N.Rondot. Chambre de commerce de Lyon. Commerce de la France avec la Chine. Délibération prise sur le rapport

de M.Rondot. Séance du 12 janvier 1860.


5 E.Hamaide. La relation entre Lyon et Chine au XIXe siècle. Thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2. 1999.
6 MAU Chuan-Hui. L’industrie de la soie en France et en Chine de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle :

échanges technologiques, stylistiques et commerciaux. Paris. EHESS. 2002. 2 Vol.


7 TCHENG Tse-sio. Les relations de Lyon avec la Chine. Thèse soutenue devant la Faculté des lettres de l’Université

de Lyon. Paris. Librairie L. Rodstein. 1936.


8 L.Gueneau. Lyon et le commerce de la soie. Thèse soutenue devant la Faculté de droit de l’Université de Lyon.

Lyon. Imprimerie L.Bascou. 1923.


102
de soie chinoise vers Marseille ».1 L’auteur affirme que « la première expédition » de
la soie chinoise en France a été faite par Pierre Dominique Rémi, négociant français à
Shanghai en 1852. Pourtant l’importation de la soie grège chinoise en France existe
déjà bien avant cette date. Selon l’ouvrage The Chronicles of the East India Campany
to China 1635-1834 de H.B.Morse, deux bâtiments français partent de Canton pour la
France avec 250 piculs de soie grège en 1741, ce qui est le départ du commerce de la
soie entre la France et la Chine.2 Les sources de Morse proviennent des archives de la
Compagnie de l’Inde Orientale, donc la date proposée par lui est plutôt fiable.
Puisqu’on n’a trouvé aucune transaction plus tôt que celle-ci, on affirme que le premier
échange de la soie entre les deux pays a eu lieu en 1741. Pendant le reste du 18e siècle,
cette marchandise est transportée de temps en temps de Chine en France, mais la
quantité de l’échange n’augmente guère (voir le tableau II-8).

Tableau II-8 Quantité de soie grège exportée de Chine en France pendant le 18e siècle
(picul)3

Années Quantité Années Quantité


1741 250 1784 117
1750 200 1785 423
1775 271 1786 71
1776 576 1788 73
1777 408 1789 118
1778 390 1790 120
1779 154 1791 84
1780 38 1792 56
1782 221

1 E.Hamaide. La relation entre Lyon et Chine au XIXe siècle. Thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2. 1999.
2.3. L’Arrivée des premiers négociants en Chine et les débuts du marché lyonnais des soies.
2 H.B.Morse. the Chronicles of the East India Company. Guangzhou. Editions de l’Université de ZhongShan. 1991.

p.283. (马士: 《东印度公司编年史》 ,广州:中山大学出版社,1991年,第283页。)1 picul≈60 kilogrammes


3 H.B.Morse. the Chronicles of the East India Company. Guangzhou. Editions de l’Université de ZhongShan. 1991.

(马士: 《东印度公司编年史》 ,广州:中山大学出版社,1991年,第283页。) Les statistiques annuelles du commerce


entre la Chine et l’étranger.
103
Les statistiques sur l’échange de la soie grège entre la France et la Chine
s’interrompent en 1792 et l’importation de la soie grège chinoise en France s’arrête
complètement pendant la Révolution et le Premier Empire. D’après les archives du
Ministère du commerce et de l’agriculture de France, ce commerce ne se rétablit qu’à
partir des années 1830, même si la quantité des échanges demeure encore assez limitée.
De 1830 à 1836, 6 700 kilogrammes de soie chinoise sont directement importés en
France, soit 957 kilogrammes par an. Pendant cette période, l’année 1832 se distingue
par l’importation de 3 016 kilogrammes de soie chinoise. Cette quantité est néanmoins
négligeable par rapport à celle des maisons anglaises. En 1832, on importe 399 060
kilogrammes de soie chinoise au Royaume-Uni, soit 130 fois la quantité de la soie
transportée en France.1
La soie grège n’apparaît pas dans les listes d’articles échangées entre la France et
la Chine jusqu’à 1845, l’année suivante de la signature du Traité de Huangpu. Dans les
statistiques du Ministère de l’Agriculture et du Commerce de France, pendant l’année
1845, 494 kilogrammes de soie grège chinoise sont transportés sous pavillon français
en France.2 Le commerce de la soie entre les deux pays est suspendu à nouveau dès
1846, et n’est pas repris jusqu’à l’envoi de 85 balles de soie chinoise de Shanghai à
Lyon par Rémi et Cie à l’année 1852.

B Expansion de la soie grège chinoise en France


C’est au cours de l’année 1852 que les négociants français commencent à importer
directement et régulièrement la soie grège chinoise en France. Dans l’ouvrage de Ch.-
B. Maybon et J. Fredet, on lit que Pierre Dominique Rémi, négociant français à
Shanghai (qui est le beau-fils du Charles de Montigny, le premier consul français à
Shanghai et en même temps le père adoptif de Benoît Edan, le deuxième consul français
à Shanghai) a envoyé 85 balles3 de soie grège chinoise à Lyon à l’aide du Consul De

1 Archives Nationales de France. F12. 2552. Des soies importées en 1832.


2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Documents sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°11, p. 15.
3 La « balle » n’est pas une unité de poids, mais un moyen d’emballage des soies, donc le poids d’une balle n’est

104
Montigny en 1852.1 Cela est le début de la croissance durable du commerce de la soie
entre la France et la Chine. Cependant, il existe une différente opinion sur la quantité
de soie de cet envoi depuis Shanghai. Selon la thèse de J.F.Laffey French Imperialism
and the Lyon Mission to China, Lyon a reçu seulement 52 balles de soie (au lieu de 85
balles) de Chine en 18522. Ce point de vue est adopté par Robert Lee dans son ouvrage
France and the Exploitation of China 1885-1901, « en 1852, Lyon a acheté 52 balles
de Chine ».3 On ne peut pas juger la fiabilité de deux opinions par les statistiques ou
correspondances officielles, dont les informations sur cet événement sont très limitées :
on n’a pas trouvé l’information de l’expédition de la soie chinoise vers la France en
1852 dans les statistiques de la douane françaises, ni dans celle de la douane chinoise.
M. de Montigny ne l’a pas mentionné non plus dans ses correspondances avec le
Ministère des Affaires Etrangères. Les différents chiffres connus aujourd’hui
proviennent de souvenirs ou rapports d’autres consuls ou délégués. Néanmoins, on
affirme que le « 85 » est plus fiable que l’autre dans cette thèse, parce que : le chiffre
de « 85 » proposé par Ch.-B. Maybon et Jean Fredet est cité depuis le rapport du 31
mars 1881 fait par M. Millot, qui est ancien responsable du conseil municipal de la
concession de Shanghai. A ce moment-là, Millot avait la possibilité d’accéder aux
archives du conseil municipal, lesquelles sont en partie perdues aujourd’hui. Cela
signifie que l’information qu’il nous donne dans son rapport est probablement plus
fiable. La fiabilité de la quantité offerte par Millot est confirmée par un rapport de
Natalis Rondot. Dans le rapport de l’auteur à la chambre de commerce de Lyon du 12
janvier 1860, il dit que « je m’adressais, au mois d’août 1852, à mon ancien collègue
dans la mission en Chine, M. de Montigny, consul à Changhaï, et à des négociants que
j’avais connu pendant mon séjour en Chine, que M. de Montigny réussit à décider ces
négociants à faire l’envoi des soies de Chine en consignation à Lyon. Ces consignations
ne furent, en 1852, que de quatre-vingt-cinq balles de soies de Chine. »4 Comme ancien

pas certain. Pendant le 19e siècle, une balle égale environ de 63 à 70 kilogrammes.
1 Ch.-B. Maybon et Jean Fredet, Histoire de la concession française de Shanghai, Paris. Librairie Plon. 1929. p.

215
2 J.F.Laffey. French Imperialism and the Lyon Mission to China. Thèse soutenue à l’Université de Cornell. 1966.

p.114.
3 R.Lee. France and the exploitation of China 1885-1891. p.21.
4 N.Rondot. Chambre de commerce de Lyon. Commerce de la France avec la Chine. Délibération prise sur le rapport

105
délégué commercial de la Mission Lagrené de 1844, collègue et ami du consul de
Montigny, Natalis Rondot est capable d’offrir une statistique plus exacte à la Chambre
de commerce de Lyon. Fondé sur les rapports de ces deux importants représentants
français à Shanghai, on affirme que la quantité de « 85 balles » est effectivement plus
exacte que l’autre.

Tableau II-9 Quantité et Valeurs des échanges directes de la soie grège entre la France
et la Chine 1852-1884 (kilogramme et franc)1

de N.Rondot. Séance du 12 janvier 1860. p.8.


1 La donnée 5 950 kilogrammes de 1852 vient des 85 balles de soie expédié par Rémi en 1852 : 85 balles × 70

kilogrammes/balles=5 950 kilogrammes.


Les données de 1855 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur,
Chine et Indochine, Faits commerciaux n°24. p. 21.
Les données de 1858 viennent de N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce.
Rapport sur l’industrie des soies et des soieries. Paris. Imprimerie impériale. 1861. p.18.
Les données de 1859 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur,
Chine et Indochine, Faits commerciaux n°37. p. 28.
Les données de 1860 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur,
Chine et Indochine, Faits commerciaux n°33. p. 19.
Les données de 1862 et 1863 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce
extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°36. p. 71-72.
Les données de 1864 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur,
Chine et Indochine, Faits commerciaux n°36. p. 71.
Les données de 1866,1867 et 1869 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le
commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°45. pp. 115-118.
Les données de 1873 et 1874 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce
extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°50. pp. 278-280.
Les données de 1875,1876 et 1877 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le
commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°51. pp. 290-281, 314-317.
Les données de 1882 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur,
Chine et Indochine, Faits commerciaux n°52. p. 14.
Les données de 1883,1884 viennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce
extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°53. p. 10.
Les données des valeurs des1865, 1880 et 1881 viennent des Archives Nationales. F12. 6498. Une comparaison
des commerces Sino-Français et Sino-Anglais 1860-1882.
Les données des quantités des 1878,1870 et 1885 viennent des Archives Nationales. F12. 7058. Tableau
comparatif des Exportations de soies de Chine d’après les statistiques de la Chambre de Commerce de Shanghai.
106
Année Quantité Valeur Année Quantité Valeur
1852 5 950 1874 69 423 606
1855 192 000 527 000 1875 1 488 000
1858 17 000 1876 132 735 905
1859 260 688 1877 1 236 576 83 687 972
1860 997 54 000 1878 1 602 912
1862 3 452 19 000 1879 1 596 816
1863 100 000 5 150 000 1880 2 073 024 93 193 000
1864 97 000 5 655 000 1881 1 352 688 89 906 000
1865 18 376 000 1882 2 636 993 79 217 942
1866 79 000 5 306 000 1883 2 735 108 73 208 263
1867 307 000 20 460 000 1884 2 452 108 72 960 897
1869 34 015 000 1885 1 609 176
1873 45 586 086

D’après les données du tableau II-9, le commerce de la soie grège entre la France
et la Chine commence à s’effectuer régulièrement à partir de l’année 1852. Toutefois,
il faut remarquer que la soie grège n’a fait son apparition que trois fois dans les listes
d’article du commerce franco-chinois de 1852 à 1859, ce qui signifie que l’importation
de la soie chinoise en France reste toujours faible pendant les années 1850. L’essor de
l’exportation de la soie chinoise en France commence au début des années 1860. Selon
le tableau II-9, la valeur d’échange de la soie entre la France et la Chine s’accroît de 54
000 francs à 34 015 000 francs de 1860 à 1869, en multipliant par 630 fois, ce qui est
un succès très impressionnant.
Malgré l’absence des statistiques sur l’échange de la soie entre la France et la
Chine de 1870 à 1872, on estime que l’exportation de la soie chinoise en France a
beaucoup diminué à cause de la chute de la production des soieries pendant la Guerre
entre la France et la Prusse. Selon la description d’E.Hamaide, les 2/3 des métiers
cessent de fonctionner et les stocks (des soies) sont déplacés dans le Midi, en Suisse,
ou à Londres ; le prix des étoffes recule de 15 à 20%. Après l’explosion de la guerre,
« les exportations françaises de soierie chutent de 77%, passant de 65 millions francs à
15 millions francs entre le premier et le troisième trimestre de l’année 1870. Les ventes
à destination du marché anglais reculent de 204 millions francs en 1869 à 117 trois ans
107
plus tard»1. Cependant, avec la restauration de l’industrie de la soierie française après
la guerre, le commerce de la soie avec la Chine redémarre immédiatement en 1873, et
la valeur d’échange de cette année (45 586 086 francs) dépasse celle des années d’avant
la guerre. Les années 1870 se terminent par la prospérité de l’échange de la soie entre
la France et la Chine. La valeur d’échange de soie entre les deux pays se multiplie par
deux à la fin de la période par rapport à 1873 et atteint 90 000 000 francs en moyenne.
Il faut aussi remarquer que, en 1875, ayant dépassé l’Angleterre, la France est
devenue le plus grand acheteur de la soie chinoise parmi les divers pays. Sur les 70 000
balles de la soie exportée de Chine en 1875, 31 000 balles sont expédiées directement
en France, tandis que l’Angleterre ne reçoit que 27 000 balles.2 A Shanghai, sur les
30 973 balles de soie expédiées du 1er juin au 18 septembre 1875, 15 950 balles sont
pour Marseille, 9 883 balles pour Londres, 2 625 balles pour l’Italie et Suisse, 1 962
balles pour les États-Unis, 476 balles pour Hongkong et 76 balles pour Bombay. 3 A
partir de 1875, la quantité d’importation la soie chinoise en France n’a jamais été
dépassée par d’autres pays, et la France a gardé toujours le premier rang par les
acheteurs de la soie grège chinoise jusqu’au début du 20e siècle.

Tableau II-10 Exportation des soies en France et en Angleterre depuis Shanghai 1873-
1876 (balles)4

Années Angleterre France


1873 25 304 9 683
1874 26 337 22 497
1875 16 206 22 627
1876 31 000 33 000

La croissance de l’échange de la soie entre la France et la Chine se maintient


jusqu’à la veille de la guerre franco-chinoise (23 juin 1884-13 mai 1885). D’après le

1 E.Hamaide. La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle. 4.2. Une décennie de crises.
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°51. pp. 290-291.
3 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°50. p 259.


4 Archives Nationales de France. F12. 7058. 31 janvier 1876. Lettre du Ministère des Affaires Etrangère au

Ministère du commerce. Exportation des soies chinoises.


108
tableau II-9, la quantité de la soie importée de Chine en France monte de 1 488 000
kilogrammes à 2 452 108 kilogrammes de 1875 à 1884. Pendant la guerre, les bâtiments
commerciaux français ont l’interdiction d’entrer ou de sortir des ports chinois. 1
Pourtant, l’échange franco-chinois n’est jamais interrompu à cause de cette guerre,
parce qu’il y a des maisons et des compagnies maritimes étrangères à Shanghai ou à
Canton qui assurent l’importation des soies chinoises à Lyon (nous en rediscuterons en
abordant le problème des intermédiaires commerciaux). La croissance de la quantité de
l’échange de la soie entre les deux pays manifeste un ralentissement pendant la guerre :
en 1885, la quantité de soie échangée recule à 1 609 176 kilogrammes.

C Sommet et stagnation
Après la guerre franco-chinoise, la quantité de soie échangée remonte rapidement
à son niveau d’avant-guerre. D’après le tableau II-11, la quantité d’importation de la
soie de Chine en France revient à 35 083 balles (environ 2 631 225 kilogrammes2) en
1886, tandis que cette quantité continue à augmenter jusqu’au changement des siècles.
Ayant monté de trentaines de milliers de balles à plus de 45 milliers de balles, la soie
grège chinoise transportée de Chine en France est multiplié à peu près encore par 1.5
fois de 1886 à 1903.

TABLEAU II-11 Quantité de l’importation de la soie de Chine en France 1886-1903


(balles, par Hong-Kong inclue) 3

1 Archives Nationales de France. F12. 7058. la navigation française à Shanghai pendant le 4 e trimestre 1884.
2 Comme nous l’avons dit, la balle n’est pas une unité de poids, mais une façon d’emballer. Le poids d’une balle de
soie égale environ 60-86 kilogrammes. Dans le calcul d’ici, on suppose qu’une balle de soie égale 70 kilogrammes.
3 1890 à 1899 : Archives du Ministère des Affaires Etrangères. NS563. pp.63-64.

1903 : Archives du Ministère des Affaires Etrangères. 148CPCOM564.pp.131-135.


109
Années Quantités Années Quantités Années Quantités
1886 35 083 1892 33 391 1898 45 645
1887 32 529 1893 38 702 1899 57 177
1888 32 121 1894 36 008 1900 44 577
1889 28 595 1895 37 580 1901 45 909
1890 27 624 1896 38 757 1902 50 382
1891 28 759 1897 46 361 1903 45 795

.
Cependant, cette croissance de la quantité du commerce de la soie entre la France
et la Chine pendant cette période n’est guère liée à l’occupation de l’Indochine. On a
déjà dit au chapitre précédent qu’en conquérant l’Indochine, l’un des buts principaux
du gouvernement de la République est d’exploiter des ressources du sud-ouest de Chine
et de développer le commerce avec cette région. De fait, il se rend compte de la
possibilité d’exporter de la soie chinoise par la frontière entre l’Indochine et le sud-
ouest de Chine, parce que la province de Sichuan est aussi l’une des principales régions
de production de la soie chinoise. Dans la lettre du 25 juin 1886, le ministre des Affaires
étrangères fait remarquer au ministre du Commerce que la province de Sichuan est «
l’une des plus riches de la Chine, et ses principaux produits du sol sont la soie blanche
et la soie jaune », et en même temps, lui propose d’ouvrir le commerce de la soie par
l’Indochine.1 Les recherches de J.F.Klein affirment aussi que « Ceux-ci (Républicains
conservateurs) s’associeront aux Républicain Modérés, Ferrystes et Gambettistes, pour
pousser la France à s’installer au stragégie économique volontariste qui rompt avec les
représentations classiques que l’on se fait de la frilosité du paronat français sur les
marchés asiatiques et, avec l’idée que la conquête indochinoise fut le fruit d’une série
de coups de tête. »2 «Au cœur de cette stratégie impériale des Soyeux, le port d’Hai
Phong devient un enjeu majeur, un lieu où s’entrecroise la trame des capitaux et la
chaine des réseaux de ces hommes d’affaires qui n’ignoraient rien des subtilités des

1 Archives Nationales de France. F12. 7057. 25 juin 1886. Lettre du Ministre des affaires étrangères au Ministre du
commerce et de l’agriculture.
2 J-F.Klein. Soyeux en Mer de Chine: Stratégies des réseaux lyonnais en Extrême-Orient (1843-1906). Thèse

soutenue à l’Université Lyon 2. 2002. p.3.


110
commerciaux particuliers de la mer de Chine ». 1 Cependant, les données dans les
archives démontrent que les affaires commerciales de la soie dans le sud-ouest de Chine
ne se déroulent pas tellement favorablement comme l’espérait le gouvernement français.
Dans les statistiques de la douane de Long-tchéou, la soie ne fait son apparition dans la
liste d’articles qu’après l’année 1900 : la quantité d’exportation s’èlève alors à 119
piculs.2 A Ssê-mao, le commerce de la soie n’est pas non plus très important. On en
exporte seulement un picul en 18993 et 12 piculs en 19014. Trois maisons françaises
s’installent à Mongtze en 1903. Une sert d’agence de la Compagnie Lyonnaise
d’Indochine, mais elle ne s’occupe pas du commerce de soie, tandis que les deux autres
participent aux travaux pour les chemins de fer.5
Dans les transports maritimes, comme souligné dans le chapitre précédent,
l’importance de Haiphong dans le commerce de la soie dans l’Asie du Sud-Est est très
modeste par rapport à celle de Hongkong, et très peu de navires français arrivent à
Haiphong après l’occupation française.
Avec le soutien des boxeurs6 qui ont attaqué les légations étrangères à Beijing,

l’impératrice de Cixi(慈禧太后) déclare la guerre aux onze puissances le 20 juin 1900

(Angleterre, France, Allemagne, Italie, Japon, Russie, États-Unis, Autriche-Hongrie,


Espagne, Belgique et Pays-Bas ), ce qui conduit à l’opération militaire de l’alliance des
puissances contre la cour de Qing à Beijing. La guerre dure jusqu’à la fin de 1900.

Pendant ce conflit, l’impératrice de Cixi s’enfuit de Beijing à Xian( 西 安 ) avec

l’Empereur Guangxu(光绪帝) et la capitale chinoise est occupé par les armées de

l’alliance. Ce conflit se termine par la victoire des puissances et la signature du Traité

de Xinchou(《辛丑条约》).7

1 J.F.Klein. Une histoire impériale connectée ? Hai Phong : jalon d’une stratégie lyonnaise en Asie orientale (1881-
1886). Recherche en Sciences Sociales de l’Asie sur Sud-Est, n°13-14. 2009. p.55.
2 Archives Nationales de France. F12. 7057. 12 janvier 1901. Rapport de commerce de Long Tcéou en 1900.
3 Archives Nationales de France. F12. 7057. 20 avril 1899. Rapport du commerce de Ssê-mao en 1898.
4 Archives Nationales de France. F12. 7057. 27 avril 1903. Rapport du commerce de Ssê-mao en 1901 et 1902.
5 Archives Nationales de France. F12. 7057. 29 octobre 1903. Maisons de commerce françaises établies à Mongtze.

6 L’organisation des paysans des provinces de Shandong(山东) et de Zhili(直隶,Hebei 河北 aujourd’hui) avec le

but d’aider le gouvernement à résister l’invasion des étrangers.


7 Pour les détails de la crise de 1900, consulter Jean Mabire. L’Eté rouge de Pékin. La révolte des boxeurs, récit.

Paris. Editions du Rocher. 2006.


111
Ce qui est remarquable est qu’on n’aperçoit guère la diminution de l’échange de
la soie franco-chinois pendant le conflit. Selon les données de tableau II-11, la quantité
du commerce de la soie flotte solidement entre 40-50 mille balles en 1900 et en 1901.
De fait, l’exportation de la soie chinoise s’échappe du ravage de la guerre 1900-1901
par des consciences du « mercantilisme » des mandarins chinois du sud-est de Chine.
Au début du confit, l’administration centrale de l’empire de Qing ordonne aux
gouvernements locaux de résister l’invasion des étrangers à tout prix avec l’aide des
boxeurs. Considérant que cette guerre avec onze puissances peut conduire l’empire à la
ruine, ou au moins peut conduire aux déclinations sévères de l’économie, du commerce
et de la finance, des Vice-rois, des gouverneurs de provinces au sud-est de Chine 1
refusent d’obéir à l’ordre de la cour de Qing. Ils signent une « Règle de protection

mutuelle du sud-est de Chine »( 《 东 南 互 保 章 程 》 ) avec des consuls des pays

belligérants à Shanghai le 26 juin 1900( six jours après la déclaration de la guerre). La


Règle fixe le principe de paix entre les gouvernements locaux chinois et des armées
étrangères au sud-est de Chine, et précise qu’ils vont protéger ensemble la sécurité de
Shanghai et les territoires du sud-est de la Chine pendant la guerre.2 La signature de
cette règle limite la guerre au nord de la Chine (principalement à Tianjin et Beijing), ce
qui réussit à assurer le commerce de la soie entre la Chine et les étrangers. D’un côté,
elle protège les principales régions de production de la soie chinoise (Jiangsu, Zhejiang
et Guangdong) du ravage de la guerre ; d’un autre côté, l’échange et le transport de la
soie chinoise peuvent aussi suivre leur cours grâce à la sécurité des ports de Shanghai
et Canton.

Tableau II-12 Quantité de l’exportation de la soie de Chine ver la France 1904-1914


(balles, par Hong-Kong exclue)3

1 Ce sont : Li Hongzhang, Vice-roi de Guangdong et Guangxi ; Zhang Zhidong, Vice-roi de Hunan et Hubei ; Liu
Kuiyi, Vice-roi de Jiangsu et Jiangxi ; Xu Yingkui, Vice-roi de Zhejiang et Fujian ; Yuan Shikai, gouverneur de
Shandong ; Liu Shutang, gouverneur de Zhejiang ; Yu Lianyuan, maire de Shanghai.
2 Pour les détails, consulter Li Xisheng. La crise de 1900. Shanghai. Librairie de Shanghai. 1982.
3 Archives Nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la douane de Chine : les archives de la douane

ancienne de Chine, Vol 39-66 (中国第二历史档案馆,中国海关总署办公厅:中国旧海关史料,第39-66卷。).


112
Années Quantités Années Quantités
1904 34 607 1910 34 794
1905 23 282 1911 35 612
1906 29 945 1912 37 872
1907 31 409 1913 33 712
1908 37 173 1914 18 157
1909 35 964

La croissance du commerce de soie grège entre la France et la Chine se stagne


dans la dernière décennie avant la Première Guerre mondiale. D’après les données du
Tableau II-12, la quantité d’échange (des soies transférées par Hong-Kong exclue)
flotte de 30 000 à 40 000 balles de soie à l’époque.

Tableau II-13 Évolution de l’exportation de la soie de Chine vers la France (1844-1914,


kilogramme)

quantité de la soie

5000000
4000000
Quantité

3000000
2000000
1000000
0

44 848 852 856 860 864 877 881 885 889 893 897 901 905 909 913
18 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
Années

En conclusion, comme décrit dans le tableau II-13, le volume de l’échange de la


soie grège entre la France et la Chine est très rare avant les années 1850, devient régulier
après l852, s’accroît rapidement de 1860 à 1885, prospère de 1886 à 1903 et stagne
après 1904.
Comment explique-t-on ces dynamiques ? Dans Globalization and History,
K.H.O’Rourke et J.G.Williamson affirment qu’il y a quatre facteurs fondamentaux qui
113
ont accéléré l’intégration de l’économie atlantique pendant le 19e siècle : la baisse du
coût de transport, la faiblesse des barrières de douane, le progrès technique et les
événements historiques. 1 La relation économique entre l’Europe et l’Asie est très
différente de celle entre l’Europe et l’Amérique du Nord ; ces différences tiennent au
type des marchandises échangées, à la distance des transports, au décalage
technologique entre les pays, et à la relation politique entre les pays d’échange, etc. Est-
ce que ces éléments peuvent rendre compte du commerce entre la France et la Chine et,
de manière générale, entre cette dernière et l’Europe ? Nous allons analyser cette
question dans des sections et des chapitres suivants.

1 K.H.O’Rourke and J.G.Williamson. Globalization and History. The Evolution of a Nineteenth-Century Atlantic
Economy. Cambridge. Massachussetts. London. The MIT Press. 1999. p.29-30.
114
II-3 Croissance de la demande des fabricants de soieries : la prospérité

de l’industrie textile de la soie et la crise séricicole en France

Le commerce extérieur de l’Europe se manifeste par une tendance de croissance


très forte pendant le 19e siècle. De 1815 à 1915, la moyenne du taux de la croissance
du volume des exportations de l’ensemble des pays européens atteint 4.075% par an.1
Parmi tous les pays européens, la croissance du commerce extérieur de la France est
assez remarquable, dont la moyenne du taux annuel de cette croissance est même plus
élevée que la moyenne de celui de l’Europe, qui atteint 4.683%.2 Grâce à la prospérité
du commerce extérieur, le taux d’ouverture de l’économie française devient de plus en
plus élevé. Les biens exportés composent seulement 6.2% du produit national de la
France en 1846, mais cet indice atteint 20.6% en 1875,3 soit une augmentation de plus
de 3 fois pendant 30 ans. Dans le commerce extérieur du 19e siècle, la performance de
l’industrie textile de la soie est le plus remarquable. Jusqu’aux années 1870, la valeur
des soieries exportées occupe encore environ 30% de la valeur totale d’exportation de
France, tandis que son taux d’exportation qui est le plus élevé parmi tous les
départements industriels, atteint plus de 80% dans les dernières décennies du 19e siècle.
Dans cette présente section, nous allons étudier comment des changements de la
demande de l’industrie textile de la soie française influence l’évolution du commerce
de la soie entre la France et la Chine du 19e siècle. Beaucoup de publications, les
industries de la soie en France de A. de la Berge4, l’industrie de la soie de France à
Valée du Rhône de P. Clerget5, l’Économie française au XIXe siècle de M. Levy-Leboyer
et F. Bourguignon6, la soie, art et histoire de H.Algoud et la relation entre Lyon et Chine

1 B.R.Mitchell. International Historical Statistics, Europe 1750-2000. London.Press Palgrave Macmillan. 2001.
p.67.
2 Idem. p. 221.
3 M.Levy-Leboyer et F.Bourguignon. L’Economie Française au XIXe siècle, Analyse macro-économique. Paris.

Economica. 1986. p.21.


4 A. De la Berge. Les industries de la soie en France. Revue des Deux Mondes. Tome 101. 1890.
5 P.Clerget. Les industries de la soie dans la vallée du Rhône. Les Etudes rhodaniennes. Vol 5. N°1. 1929.
6 M.Levy-Leboyer et F.Bourguignon. L’Economie Française au XIXe siècle, Analyse macro-économique. Paris.

Economica. 1985.
115
au XIX siècle de E.Hamaide1, la Révolution industrielle de P.Verley2 ont déjà décrit
l’échelle de la production des soieries en France au niveau du nombre de métiers à
tisser et au niveau de la quantité(et de la valeur) de production. En citant leurs données,
nous allons, premièrement, décrire quantitativement la croissance de la production des
soieries en France du 19e siècle, laquelle est la fondation de l’augmentation de la
demande des matières de soie en France.
Deuxièmement, nous allons expliquer pourquoi la production de l’industrie textile
de la soie de France est capable de maintenir une telle tendance de croissance pendant
le 19e siècle, surtout avant les années 1870. Dans le texte, nous montrerons le lien entre
la croissance de la production des soieries françaises et son débouché extérieur.
Finalement, nous allons analyser pourquoi la sériciculture locale ne peut pas
satisfaire la demande de l’industrie textile de la soie de France. Les ouvrages
précédents concernant ce sujet, par exemple La soie, c’est de l’or de S.Lamb, soulignent
souvent les effets des maladies des vers à soie, mais pourquoi la production séricicole
de France reste toujours très modeste même après que Louis Pasteur ait trouvé la
prévention contre les maladies ? Nous allons préciser dans cette section ce que les
maladies ont vraiment changé, et la cause de la prolongation de la crise séricicole
française après les années 1870.

A. Prospérité de l’industrie de la soie de France


« Nos industries de la soie ne sont point seulement une des gloires de notre France
laborieuse. Elles font vivre une part considérable de notre population, près de six cent
mille ouvriers, cultivateurs, fabricants, commerçants et artistes. » 3 Ce sont les
commentaires de Albert de la Berge quand il observe l’industrie textile de la soie
française du 19e siècle. En effet, son éloge à l’industrie de la soie française n’est pas
exagéré.
L’industrie des soieries de France, qui se concentre dans les départements de la

1 E.Hamaide. La relation entre Lyon et Chine au XIXe siècle. Thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2. 1999.
2 P. Verley. La révolution industrielle. Paris. Gallimard. 2005
3 A. de la Berge. Les industries de la soie en France. Revue des Deux Mondes. Tome 101. 1890. p.1.
116
région Rhône-Alpes, surtout dans la ville de Lyon1, a déjà possédé un prestige pendant
le 18e siècle. Au niveau de l’échelle de production, il y a eu déjà 11 000 métiers à tisser
qui fonctionnent en France en 1768 et 18 000 en 1787, mais cette prospérité a été
interrompue par la Révolution française. La quantité des métiers à tisser en France chute
à 2 500 en 1794 et ne dépasse jamais 5 000 avant 1800. Grâce aux efforts de plusieurs
commissionnaires, banquiers et négociants2, la restauration de l’industrie textile de la
soie de Lyon débute déjà pendant l’époque de l’Empire. La quantité des métiers est de
13 000 en 1811 et 14 500 en 1815. En 1819, la production de l’industrie des soieries
lyonnaise dépasse le niveau d’avant la Révolution avec le fonctionnement de 20 000
métiers. Le nombre des métiers atteint 30 000 en 1825, puis passe à 40 000 en 1834, à
50 000 en 1848 et à 60 000 en 18543. Cette tendance de croissance ne se ralentit pas
pendant la deuxième moitié du siècle. Il y en a 100 000 qui fonctionnent en France en
18604, à 120 000 en 1871,5 et 230 000 en 18896. À la fin du 19e siècle, on observe une
chute très nette sur le nombre des métiers à tisser en France à cause de la diffusion des
métiers mécaniques : le nombre des métiers descend à 86 681 en 1900 et encore à
58 036 en 1914.7 Cependant, la production des tissus de soie en France ne descend pas
avec cette chute à cause de l’efficacité, que des nouveaux métiers assurent, de la
production des tissus de soie de France (on va en reparler après).

Graphique II-14 Évolution du nombre des métiers à tisser en France 1768-19148

1 La fabrication des soieries en France est assez concentrée avant les années pendant le 19e siècle. Surtout, avant les
années 1870, la Ville Lyon représente 40-80% (selon des époques) de la production des soieries de France. Cependant,
nous allons préciser dans le texte suivant que les départements périphériques de celui de Rhône jouent un rôle très
important pendant le cours de mécanisation de l’industrie textile de la soie de France. Des fabricants lyonnais
choisissent d’installer la plupart de leurs nouvelles fabriques mécaniques dans les départements autour de Lyon,
incluant Ain, Ardèche, Drôme, Isère, Loire, Saône-et-Loire, Rhône et Savoie, etc. Néanmoins, il faut remarquer que,
malgré cette évolution, 95% des productions des soieries de France seconcentrent toujours dans des départements
de la vallée de Rhône. Il existe très peu de production de soieries dans d’autres parties de France.
2 M. Saint-Olive, M.Pernon, P. Cayez. L. Gueneau et M.Dutillieu sont les industriels célèbres parmi eux.
3 E.Hamaide. La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle. p.9.
4 H.Algoud. La soie, art et histoire. Paris. Payot. 1928. p.192.
5 N.Rondot. L’industrie de la soie en France. Lyon. Imprimerie Mougin-Rusand.1894. p .55.
6 A. de la Berge. Les industries de la soie en France. Revue des Deux Mondes. Tome 101 .pp. 11.
7 P.Clerget. Les industries de la soie dans la vallée du Rhône. Les Etudes rhodaniennes. Vol.5. n°1.1929.p.21.
8 Ce tableau est fait d’après les données citées dans le paragraphe ci-dessus.

117
250000
Nombre des métiers 200000
150000
100000
50000
0

Années

On constate la croissance de la valeur de la production des soieries françaises


jusque dans les années 1860. Elle passe de 100 millions francs 1 à 144.5 millions
pendant 1825-18352, puis de 253.4 millions francs à 640 millions francs pendant 1840-
18613. À cause de la chute du prix des produits soyeux sur le marché mondial, en France
du milieu des années 1860 à la fin des années 1880, la valeur de production des soieries
atteint son niveau le plus faible. La valeur moyenne annuelle descend à 461 millions
francs pendant 1867-1876, et puis à 291 millions francs pendant 1877-1886. 4 La
production des soieries de France remonte au niveau de 600 millions de francs à la fin
du 19e siècle, avec une valeur de 660 millions en 1890 et 620 millions en 1894.5 Les
changements forts de la valeur de production des soieries ne signifient pas le recul de
l’industrie textile en France pendant la deuxième moitié du 19e siècle. Au niveau de la
quantité, la production des soieries en France atteint 2 500 000 kilogrammes en
1853 6 (l’année avant l’explosion de la pébrine). En 1900, la quantité des soieries
produites en France monte à 5 759 750 kilogrammes, soit 2.3 fois du chiffre de 1853.7

1 La France a mis en application « le franc-or » à partir de 1803, dont la valeur était définie à 0.3325 g d’or à
900/1000. Cette monnaie est utilisée à la suite par tous les gouvernements français pendant tout le 19 e siècle. Le
franc-or n’a été pas dévalué jusqu’en 1928, d’autant qu’il avait été adopté comme monnaie commune par plusieurs
pays de l’Union latine de 1865 à 1927.
2 Pour l’amélioration et la propagation de l’industrie de la soie en France. Annales de la société séricicole. n°1. Paris.

Imprimerie de Madame Huzard. 1837. p.48.


3 N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce. Rapport sur l’industrie des soies

et des soieries. .p. 5.


4 M.Levy-levoyer et F. Bourguignon. L’Economie française au XIXe siècle. p.59.
5 Archives Nationales de France. F12 6894 Chambre des députés, cinquième législature, session de 1891, n°1354,

le 21 mars 1891. Production des tissus de soie dans le monde 1890. p. 16.
6 E.Hamaide. La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle. p.9.
7 R.Lee. France and the exploitation of China 1885-1901. p. 23

118
Cette croissance implique que l’industrie textile de la soie de France se situe toujours à
une phase d’expansion pendant la deuxième moitié du 19e siècle.
Le succès de l’industrie textile de la soie en France sera plus évident si l’on
compare la production des soieries de France avec celle d’autres pays. Le tableau et les
Graphiques II-15 nous démontrent les valeurs de production des principaux pays qui
fabriquent la soierie dans le monde à la fin du 19e siècle. En 1890, la France produit
42.22% des tissus de soie de la production totale du monde. Ce qui est plus
impressionnant est que sa valeur de production est même plus élevée que la totalité de
celles des États-Unis, de l’Allemagne, de l’Angleterre et de la Russie réunies, qui se
situent de 2e à 5e place de la production des soieries du monde. En 1894, l’avantage de
la France est moins évident à cause de l’essor de l’industrie textile de la soie aux États-
Unis, mais sa valeur de production se compose encore de plus de 30% de la production
des soieries du monde.

Tableau II-15-A Répartition de la production de la soierie du Monde en 1890 et en 1894


(million de francs)1
Pays 1890 1894
France 660 620
Etats-Unis 248 400
Allemagne 240 350
Suisse 132
Angleterre 65 90
Autriche 60 75
Russie 70 65
Italie 40 60
Chine 40.3
Japon 35.1
Espagne et Portugal 30 20
Inde 6.4
Autres Pays 150 25
Total 1 563 1 918.8

1 Les chiffres pour 1890 proviennent des Archives Nationales de France. F12 6894 Chambre des députés, cinquième
législature, session de 1891, n°1354, le 21 mars 1891. Production des tissus de soie dans le monde 1890. p. 16.
119
Graphique II-15-B Répartition de la production de la soierie du Monde en 1890
pourcentage)

10%
2%
3%
4%
4% 42%
4%

15% 16%

France Etats-Unis Allemagne


Suisse Angleterre Autriche
Russie Italie Chine
Japon Espagne et Portugal Inde
Autres Pays

Graphique II-15-C Répartition de la production de la soierie du Monde en 1894


pourcentage)

2%1%1%
2%
3%
4%
4%
5% 32%

7%
18%
21%

France Etats-Unis
Allemagne Suisse
Angleterre Autriche
Russie Italie

B Débouché du marché extérieur des soieries françaises


La performance spectaculaire de l’industrie textile de la soie de France provient

120
largement de la prospérité des débouchés extérieurs des soieries françaises. Tout en
ayant une grande qualité et un prix élevé, parmi tous les produits exportés de France
pendant presque tout le 19e siècle, les soieries françaises gardent le taux d’ouverture le
plus élevé. Selon les données du tableau II-16, pendant 1827-1834, 66% des tissus de
soie de France sont fabriqués pour le marché extérieur. Cette proportion baisse un peu
au milieu du siècle, puis remonte au niveau de 70-80% après les années 1860.

Tableau II-16-A Taux d’ouverture des secteurs dépassant 10% de leurs ventes à
l’étranger. (Pourcentage)1
Produits 1827/1834 1834/1844 1845/1854 1855/1864 1865/1874 1875/1884
Tissus de soie 66% 52% 40% 76% 81% 79%
Parfumeries 35% 39% 41% 48% 43% 17%
Papier et ses
applications 27% 37% 43% 49% 39% 46%
Tissus de coton 15% 16% 16% 13% 11% 11%
Sucre raffiné 8% 6% 9% 20% 30% 31%
Tissus de laine 7% 11% 16% 25% 35% 38%
Travail des peaux 3% 2% 4% 6% 9% 11%

Graphique II-16-B Taux d’ouverture des secteurs dépassant 10% de leurs ventes à
l’étranger. (Pourcentage)

1 P.Verley, l’Echelle du monde. p.587. Taux d’ouverture : la proportion de la quantité d’exportation d’un produit
dans sa quantité de production totale dans un pays.
121
Tissus de soie
90%
80%
70% Parfumeries
Pourcentage

60%
50%
40% Papier et ses
30% applications
20% Tissus de
10% coton
0%
Sucre raffiné

Tissus de laine

Périodes Travail des


peaux

Au niveau de la valeur absolue, l’exportation des tissus de soie tient souvent l’une
des trois premières places dans la liste des marchandises exportées de France pendant
la plus grande partie du 19e siècle, juste devant ou après les vins ou les tissus de laine.1
La valeur d’exportation des soieries s’accroît de 115 millions de francs en 1827 à 138
millions en 1847, à 460 millions à 1856 et encore à 500 millions en 18592 : elle a
augmenté de plus de quatre fois en trente ans. De 1860 à 1875, elle varie entre 400-500
millions, et puis descend à 200-300 millions pendant les dernières deux décennies du
siècle à cause de la chute du prix des soieries. Avant la Première Guerre mondiale,
l’exportation des soieries françaises reprend son rythme de croissance et remonte au
niveau des années 1870. Malgré une tendance à la dévaluation, la quantité de
l’exportation des soieries françaises ne recule pas après les années 1880 : elle passe de
3 307 000 kilogrammes en 1879 à 4 169 000 kilogrammes en 1889, et puis à 4 452 000
kilogrammes en 1890. 3 L’exportation de la quantité des soieries maintient quand-
même un taux annuel de croissance de 2-5% pendant la plus grande partie de la
deuxième moitié du 19e siècle.

1 Archives Nationales de France. F12 6499. Bulletin de Statistique et de législation comparée. Paris. Imprimerie
nationale. 1883. pp.384-385.
2 N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce. Rapport sur l’industrie des soies

et des soieries. Par M. Natalis Rondot. Paris. Imprimerie Impériale. 1861. p. 5.


3 Archives Nationales de France. F12 6894. Exportation des tissus de soie de France en 1890. p. 70.

122
Tableau II-17-A Importance des soieries dans les exportations françaises d’articles
manufacturés 1857-1913(moyenne de trois ans, millions de francs)1
Millions Textiles(étoffes et filés) Confectionm Articles Chimie, Outils, Machines Charbon,
de Francs Soie Laine Coton Lin odes, etc de Paris drogues, Automobiles fonte, etc Divers Total
1858 438 179 69 17 92 131 38 64 3 310 1 341
1873 444 365 80 45 134 244 112 145 41 522 2 115
1886 225 392 113 20 114 169 90 120 17 518 1 778
1899 262 272 164 30 216 223 151 170 58 736 2 282
1912 347 289 386 45 382 386 413 484 120 1278 4 130
Pourcentage
1858 32.7 13.3 5.1 1.3 6.9 9.8 2.8 4.8 0.2 23.1 100
1873 21 16.8 3.8 2.1 6.3 11.5 5.3 6.9 1.9 24.4 100
1912 8.4 7 9.4 1.1 9.3 9.3 10 11.7 2.9 31 100

Graphique II-17-B Valeur de l’exportation française des soieries pendant le 19e siècle
(million de francs)

600
500
400
Valeurs

300
200
100
0
1827 1847 1856 1859 1873 1886 1899 1912
Anées

Tableau II-17-C Taux annuel de croissance de la quantité d’exportation des soieries


française2

Années Taux Années Taux


1851-1855 3.10% 1871-1875 2.30%
1856-1860 4.30% 1876-1880 3.70%
1861-1865 3.30% 1881-1885 2.40%
1866-1870 3.10% 1886-1890 1.00%

1 M.Levy-Levoyer et F. Bourguignon. L’Economie française au XIXe siècle. Analyse macro-économique. p.65.


2 P,Cayez. Crise et croissance de l’industrie lyonnaise. 1850-1900. p.9.
123
L’industrie textile de la soie de France est l’une des branches industrielles qui
représente parfaitement, d’après beaucoup d’historiens, l’avantage comparatif de la
France dans la compétition internationale de l’économie du 19e siècle. Ce point de vue
est abordé pour la première fois dans le débat à la fin des années 1970, lequel concerne
la différence entre le chemin d’industrialisation de l’Angleterre et ceux d’autres pays.
Contestant l’historiographie traditionnelle, laquelle souligne que le modèle anglais est
la seule voie d’industrialisation,1 les historiens comme R.Roehl, P. O’Brien, C.Keyder
et L.Bergeon arguent que la France a suivi son propre chemin d’industrialisation. Le
modèle anglais qui se base sur le charbon, le fer, le coton, et sur les industries à haut
coefficient de capitalisation dans un laps de temps assez court, se distingue de
l’industrialisation française qui se caractérise par un ensemble de spécialisations axées
sur des produits élaborés de haute qualité, ce qui correspond bien à l’ « avantage
comparatif » de l’économie française. Selon leurs études, l’industrie textile de la soie
est l’une des branches industrielles les plus typiques fabriquant des produits de haute
qualité et possédant l’avantage comparatif par rapport à ceux de l’Angleterre.2 Cette
idée de l’avantage comparatif de la France sur les branches de haute qualité est
développée par les recherches historiques plus récentes sur la spécificité de l’économie
française de l’époque moderne. Par exemple, P. Verley écrit dans la Révolution
industrielle que « Les progrès français étaient donc loin d’être négligeables. Certes, les
points forts de l’industrie française n’étaient pas les mêmes que ceux de l’industrie
britannique, moins de charbon, de métaux non ferreux, de cotonnades, mais plus de
lainages, de toiles de soieries. »3 J.C.Asselin exprime le même opinion dans Histoire
économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours : « La France importe surtout de
Grande-Bretagne des produits peu élaborés, du charbon, des demi-produits industriels,
alors que, dans ses exportations vers la Grande-Bretagne, les objets manufacturés à
haute valeur ajoutée, soieries, équilibrent à peu près les produits agricoles……Le retard

1 Ce point de vue traditionnel est typiquement représenté par W.W.Rostow dans son ouvrage The Stages of Economic
Growth : A Non-Communist Manifesto. Cambridge. Cambridge University Press. 1960.
2 Consulter R.Roehl. French industrialisation: a reconsideration. Explorations in Economic History. N°3. 1976.

P. O’Brien and C. Keyber. Economic Growth in Britain and France: two paths towards the 20 th Century. London.
G.Allen aud Unwin. 1978.
L.Bergeon. L’Industrialisation de la France au XIXe siècle. Paris. Hatier. 1979
3 P.Verley. La Révolution industrielle. Paris. Folio. 1997. p. 35 ;

124
de l’industrialisation française est donc compensé, jusqu’à un certain pont, par une
spécialisation favorable, bien orienté par rapport à l’avantage comparatif de l’économie
française, et qui lui permet de bénéficier d’une demande croissante à long terme. »1
Plus précisément, selon ces recherches précédentes, l’avantage comparatif de la
production des soieries de France se manifeste surtout sur le coût plus bas de la main-
d’œuvre, qui est un déterminant très important dans la théorie de H-O. P. Cayez, qui a
fait une comparaison des industries textiles de la soie entre la France et l’Angleterre, et
a montré que les coûts de la main-d’œuvre à Lyon sont plus bas que ceux de l’Angleterre
pendant le 19e siècle. Dans les fabriques des soieries en Angleterre, les coûts de la main-
d’œuvre s’élèvent souvent à 40-50% sur toutes les procédures de production (organsin,
teinture, ourdissage, tissage, etc), mais seulement à 20-40% à Lyon. 2 Grâce à cet
avantage, le coût de production est plus bas à Lyon qu’en Angleterre.
A part l’avantage comparatif, la spécificité de haute qualité des soieries françaises
est souvent considérée par des historiens comme une autre raison de la prospérité de
leur exportation. Selon des théories traditionnelles du commerce international (celle de
l’avantage comparatif y comprise), ce sont les différents coûts des marchandises
produites par différents pays qui conduisent aux flux du commerce international. Cette
idée est contestée par les nouvelles théories du commerce international, lesquelles
mettent l’accent sur le rôle de « la différenciation des produits » sur le commerce
international. D’après ces nouvelles théories, les différentes qualités ou différentes
caractéristiques réelles des produits de différents pays peuvent également conduire aux
flux du commerce international.3 En utilisant des dessins faits par des artistes qualifiés,
la qualité des soieries françaises, définie souvent pour sa valeur artistique, est
considérée comme meilleure que celle d’autres pays. Ayant démontré un rapport officiel
d’un délégué anglais qui exprime une admiration pour la qualité supérieure des soieries
françaises, P.Cayez analyse que « c’est un aspect qualitatif difficile à chiffrer qui a
d’abord frappé l’enquête britannique : la liaison de l’art et de l’industrie puisqu’en effet,

1 J.C.Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. Vol.1. De l’Ancien Régime à la
Première Guerre mondiale. p.156. p.207.
2 P.Cayez. Métiers Jacquard et hauts fourmeaux aux origines de l’industrie lyonnaise. Lyon. Presses Universitaires

de Lyon. 1878. p.174.


3 M.Rainelli. La nouvelle théorie du commerce international. Paris. La Découverte. 2003. pp.45-59.

125
au moins dans le domaine du façonné, le travail textile restait proche d’un artisanat
d’art. La formation technique était assurée par l’école des Beaux-Arts de Saint-
Pierre…Les cours étaient gratuits et les fabricants recrutaient les élèves à la sortie, les
payant 1 000 à 3000 francs par an selon leur talent. Les dessinateurs éteints à la source
même de la fortune des fabricants. Le maintien de la structure artisanale permettait une
grande souplesse au fabricant dans l’utilisation des dessins-modèles. »1 La thèse de
P.Cayez est soutenue par des recherches plus récentes. En citant le discours du maire
de Lyon lors de la remise des prix de l’école de dessin : « Vous donnez une activité
nouvelle à notre commerce, par le goût, l’élégance, la richesse et la variété de vos
dessins ; vous relevez ainsi la célébrité, le brillant éclat de ces étoffes qui ont rendu
naguère l’un et l’autre monde tributaire de notre industrie », J. Rojon affirme que « Les
dessinateurs de la Fabrique occupent donc une position centrale dans la création
artistiques…car leur talent donne naissance aux riches soieries façonnées qui font la
réputation des fabricants lyonnais. »2
Certainement, le coût du travail relativement bas et la valeur artistique plus haute
sont deux facteurs importants qui aboutissent au succès de l’industrie textile de la
France dans le commerce international. Pourtant, il ne faut pas négliger d’autres
éléments qui favorisent également les débouchés extérieurs des soieries françaises,
parmi lesquels nous allons souligner trois autres aspects.
Premièrement, il est possible que l’élévation générale du pouvoir d’achat dans
l’ensemble des pays d’Europe et aux États-Unis pendant le 19e siècle ait permis à
l’industrie des soieries française d’élargir son marché international.
Pendant le 19e siècle, environ 90% des tissus de soie exportés par la France sont
absorbés par les pays d’Europe et les États-Unis. D’après les données de P.Cayez
(tableau II-12-A), l’Allemagne achète environ 60% de l’exportation des tissus de soies
de France à la veille de la Révolution, tandis que le reste de la production est destiné
principalement aux autres pays européen-continentaux. Cette situation commence à

1 P.Cayez. Métiers Jacquard et hauts fourmeaux aux origines de l’industrie lyonnaise. Lyon. Presses Universitaires
de Lyon. 1878. p.170.
2 J.Rojon. Les soieries lyonnaises dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle : du produit

artisanal de luxe au produit industriel de (demi-) luxe. dans Pierre Lamard. Art& Industrie. Paris. Editions Picard.
2013. p. 123.
126
s’évoluer à partir de la paix de 1815. Avec l’essor du marché Anglo-Saxon, l’Angleterre
et les États-Unis remplacent graduellement l’Allemagne. Jusqu’au milieu du 19e siècle,
ces deux pays se partagent environ 60% des exportations des produits de soieries. La
proportion d’absorption des pays d’Europe continentale des soieries françaises diminue
à 30% de la totalité (tableau II-12-B). Après 1860, à la suite du Traité Cobden-Chevalier,
l’Angleterre réduit de 80% le droit de douane sur les soieries françaises, mais importe
de plus en plus de tissus de soie de France. Entre 1874 et 1890, elle réalise en moyenne
45.29% des achats des soieries françaises exportées, contre une proportion de 32.5%
pendant les années 1850-1860.1 252551000 francs des soieries françaises sont exportés
par an en moyenne entre 1894 et 1898 ; l’Angleterre en achète à elle seule 124057600
francs par an en moyenne, soit 49.12%.2 Les États-Unis, absorbent encore presque 30%
des exportations des soieries françaises pendant les dernières décennies du 19e siècle.
En revanche, les pays européen-continentaux réduisent leurs poids d’environ 10-15%
vers la fin du 19e siècle.

Tableau II-18-A Partage de l’importation des étoffes de soie pure française par divers
pays3

1789 1821 1838


Allemagne 59% 30% 8%
Angleterre 1.60% 3% 15%
États-Unis 8% 15% 25%
Pays européen-continentaux
28.40% 37% 35%
(sauf Allemagne)
Divers 3% 15% 17%
Total 100% 100% 100%

Tableau II-18-B Valeurs des exportations des soieries françaises dans divers pays en
1847 et en 1859 (million de francs)4

1 P.Cayez. Crise et croissance de l’idustrie lyonnaise 1850-1900. Paris. Editions du CNRS. 1980. pp.17-18.
2 R.Leet. France and the exploitation of China 185-1901. p. 23.
3 P.Cayez. Métiers Jacquard et hauts fourmeaux aux origines de l’industrie lyonnaise. Lyon. Presses Universitaires

de Lyon. 1878. p.37 et p.421.


4 N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce. Rapport sur l’industrie des soies

127
1847 1859
Pays
Valeur Proportion Valeur Proportion
Angleterre 34 24.64% 163 32.60%
États-Unis 48 34.78% 138 27.60%
Allemande, Belgique
28 20.29% 89 17.80%
et Russe
Etats d’Italie 10 7.24% 21 4.20%
Espagne 7 5.07% 21 4.20%
Etats-Amériques 11 7.97% 40 8.00%
Autres pays 0 0% 28 5.60%
Total 138 100% 500 100%

L’élévation nette du pouvoir d’achat des peuples dans les pays ci-dessus pendant
le 19e siècle facilite le débouché des soieries françaises vers le marché extérieur. Selon
les statistiques de l’OCDE (consulter le tableau et le diagramme ci-dessous)1, au début
du 19e siècle, les PIB par habitant de l’Europe et des États-Unis sont déjà beaucoup
plus élevés que ceux d’autres régions du monde : 100% plus élevés que celui de la
Chine pendant la même période. Pendant le siècle suivant, le PIB par habitant en Europe
monte de 1 245 dollars à 3 380 dollars, et celui des États-Unis de 1 257 dollars à 4 964
dollars, soit des croissances respectives de 300% et 400%. Grâce aux élévations du
niveau de vie en Europe et aux États-Unis, de plus en plus d’habitants dans ces régions,
peuvent consommer des produits de soie, ce qui facilite les débouchés des soieries
françaises.

Tableau II-19-A PIB par habitant en Europe, aux États-Unis et en Chine 1820-1910 (en
dollars internationaux Geary-Khamis de 1990 )2

et des soieries. .pp. 5-6.


1 Organisation de coopération et de développement économiques.
2 A. Maddison. L’économie mondiale. Statistiques Historiques. Paris. OCDE. 2003. p.63-65 p.93-94 et p. 190.

Les 12 pays européens sont : Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Norvège,
Suède, Suisse et Royaume-Uni.
128
Années Royame-Unis Europe(12 pays) Etats-Unis Chine
1820 1,706 1,245 1,257 600
1830 1,749 1,376
1840 1,990 1,588
1850 2,330 1,661 1,806 600
1860 2,830 2,178
1870 3,190 2,124 2,445 530
1880 3,477 2,298 2,880
1890 4,009 2,643 3,392 540
1900 4,492 3,077 4,091 545
1910 4,611 3,380 4,964 552(1913)

Graphique II-19-B PIB par habitant en Europe, aux États-Unis et en Chine 1820-1910
(en dollars internationaux Geary-Khamis de 1990 )

6,000
5,000
4,000 Royame-Unis
Dollars

Europe(12 pays)
3,000
Etats-Unis
2,000 Chine
1,000
0
1820 1830 1840 1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910
Années

Deuxièmement, la diminution du prix de la matière première de la soie en Europe


pendant le 19e siècle élargit la consommation de la soie en Europe et aux États-Unis.
Pendant la première moitié du 19e siècle, le prix élevé de la soie a limité ses
consommateurs à la noblesse et aux classes riches. L’afflux des soies asiatiques en
Europe qui a un avantage absolu du prix (nous allons comparer les prix plus tard)
entraîne une chute très nette du prix de la soie sur le marché européen à partir des années
1870, ce qui élargit les consommateurs des produits soyeux aux classes plus basses.

129
Graphique II-20-A Évolution du prix réel de la soie sur le marché européen 1870-1915
(pourcentage, 1913=100%)1

200%
180%
160%
140%
120%
100%
80%
60%
40%
20%
0%

70 873 876 879 882 885 888 891 894 897 900 903 906 909 912 915
18 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

Tableau II-20-B Quantité totale de consommation de la soie en Europe et aux États-


Unis (milliers de kilogrammes)2

25,000
Mille de Kilogrammes

20,000

15,000

10,000

5,000

0
1873 1878 1883 1888 1893 1898 1903 1908 1913
Années

D’après les statistiques de B.R.Mitchell, le prix réel de la soie sur le marché


européen descend de 180% du début des années 1870 à 100% en 1913. En d’autres
termes, il y a une chute d’environs 2/5 du prix de la soie sur le marché mondial pendant
les 40 années précédant la Grande Guerre mondiale. De fait, le prix des tissus de soie
diminue en même temps que la baisse du coût de la matière première. En 1859, un kilo

1 L’évolution du prix réel de la soie du marché européen est calculée de l’évolution du prix de la soie au marché de
Londres du 19e siècle selon les données de B.R.Mitchell. European historical statistics. London. .Press Palgrave
Macmillan. 2001. p.736-739.
2 Calculé par les données de G.Federico. An Economic History of the silk Industry. 1830-1930. .p.213.

130
de soieries pures unies coûte 146 francs par kilogrammes ; vingt ans plus tard, ce prix
descend à 97 francs par kilogrammes, soit une baisse de 1/3. 1 Selon la théorie de
l’équilibre général, la chute du prix d’un article aboutira à l’augmentation de la
demande et de la consommation. En réalité, la quantité de consommation de la soie en
Europe et aux États-Unis monte de 8 000 milliers de kilogrammes en 1873 à plus de
20 000 milliers de kilogrammes à la veille de la Grande Guerre, soit une croissance de
2.5 fois pendant la même période. Cela prouve que la diminution du prix de la soie ait
conduit effectivement à une augmentation de la consommation de ce produit, laquelle
assure la prospérité des débouchés des soieries françaises.
Troisièmement, l’essor des soieries mélangées élargit encore le marché de la soie.
Avec les innovations dans le tissage, les soieries mélangées font leur apparition au début
du 19e siècle. Tissées avec du coton ou de la laine, les soieries mélangées coûtent moins
cher que la soie pure. Selon le Bulletin des soies et des soieries de Lyon, en 1879, un
kilogramme de soieries pures unies coûte 97 francs, mais à peine 72 francs pour des
étoffes unies mélangées, soit seulement 50 centimes par mètre2, et un tel prix peut être
assumé par des consommateurs aux revenus moins élevés. Bien qu’il ne soit pas
possible de démontrer l’évolution exacte du prix des soieries mélangées à cause de la
variation de proportion de la soie et de la différence des métiers, on peut affirmer que
ce genre de tissu pénètre largement les marchés. Les soieries mélangées deviennent
graduellement les produits principaux de l’industrie des soieries française pendant le
19e siècle.3 À Lyon, sur cent métiers, seulement vingt travaillent sur les soieries pures,
ce qui est également vrai pour Saint-Étienne, Saint-Chamond, Paris, Roubaix, etc. La
production des soieries mélangées a atteint, en 1888, une valeur de 147 millions. Pour
3 991 000 kilogrammes d’étoffes soyeuses exportées en 1888 par la fabrique lyonnaise,

1 Bulletin des soies et des soieries de Lyon. n°146. 17 Janvier 1880. Les tissus de soie sont un produit à valeur ajouté
très élevée. Leurs prix sont variés non seulement par différentes qualités, mais aussi par différents arts et métiers, on
ne peut donc pas démontrer l’évaluation du prix ici. Pour la même raison (sans compter qu’il y a des soies mélangées),
il y a très peu de sources sur la quantité (kilogrammes) exacte de consommation de la soie. De fait, nous pouvons
seulement monter la quantité de consommation des tissus de soie par la quantité de la consommation de la matière
de soie pure.
2 Bulletin des soies et des soieries de Lyon. n°146. 17 Janvier 1880.
3 J. Rojon. Les soieries lyonnaises dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle : du produit

artisanal de luxe au produit industriel de (demi-) luxe. Art et Industrie. 2013. p.129.
131
seulement 1 313 000 kilogrammes de soieries pures sont imortés.1 En 1890, les soieries
mélangées constituent 40% du total de la production de la fabrique lyonnaise en valeur.2

C Crise séricicole en France : la maladie des vers à soie et l’afflux de la soie grège
chinoise
La prospérité de l’exportation des soieries impulse l’ensemble des productions
des soieries françaises au 19e siècle. Cette forte production entraîne un grand besoin de
matière première. Pendant la deuxième moitié du 19e siècle, l’industrie des soieries de
la France a consommé au moins un tiers de soies disponibles dans le monde. Rappelons-
nous le contenu de la première section du chapitre. En 1892, sur les 12 550 000
kilogrammes de matière des soies mises sur le marché mondial, le commerçant français
en amène 6 000 000 kilogrammes en France. Si l’on élimine la partie pour la
réexportation, il en reste encore 3 640 000 kilogrammes pour la production de
l’industrie des soieries française, soit 3/10 de la production mondiale.3 Une si grande
consommation de l’industrie textile de la soie demande une fourniture suffisante en
matière première, et cela préoccupe souvent les fabricants de soieries en France : la
récolte de la sériciculture indigène ne peut jamais satisfaire la demande de l’industrie
des soieries françaises.
Les premières activités séricicoles en France ont lieu dans les régions
méditerranéennes. On présume que le mûrier était déjà cultivé dans les environs de
Venasque en 1229, à l’époque de Raymond VII, Comte de Toulouse, mais rien ne
permet de supposer qu’à cette époque-là le ver à soie était connu dans la région. L’envoi
à la reine Jeanne de Bourgogne en 1345, par le Sénéchal de Beaucaire-Nîmes, de 12
livres de soie de Provence achetées à Montpellier 76 sols tournoi la livres, est un des
premiers témoignages historiques d’une production nationale.4 Au début du 17e siècle,
la production séricicole s’étend déjà à la basse vallée du Rhône, les régions

1 A. de la Berge. Les industries de la soie en France. Revue des Deux Mondes. .pp. 14-15.
2 P. Cayew. Crises et croissance de l’industrie lyonnaise. 1850-1900. Paris. Editions du CNRS. 1980. p.273.
3 N.Rondot. L’industrie de la soie en France. Lyon. Imprimerie Mougin-Rusand. 1894. pp. 14-15.
4 E.Reynier. La soie en Vivarais. Etude d’histoire et de géographie économiques. Marseille. Laffitte Reprints. 1981.

p.2.
132
méditerranéennes et les Cévennes. 1 L’essor de production de la sériciculture de la
France commence au début du 19e siècle. Les zones d’élevage dépassent largement les
régions du climat méditerranéen chaud. Une véritable fièvre séricicole semble s’être
emparée du pays tout entier. En 1820, 13 départements s’occupent de sériciculture, 30
en 1834 et 64 en 1853 : y compris la région parisienne, les plaines de la Saône, du
Poitou, les départements du Sud-ouest et même le Morbihan. La moyenne de la récolte
de cocons de ce pays ne compte que 10 000 000 kilogrammes pendant les années 1820,
mais elle atteint plus de14 000 000 kilogrammes pendant les années 1830, 17 000 000
pendant 1841-1845, et dépasse 20 000 000 kilogrammes pendant 1846-1852.2
Cependant, même pendant la première moitié du 19e siècle, l’époque qui est
considérée comme « l’âge d’or » de la sériciculture française, la production de cocons
de France ne satisfait pas la demande de son industrie textile. Selon la statistique du
tableau « Annales de la société séricicole », la soie grège d’origine étrangère compte en
moyenne 20% de la soie totale utilisée par l’industrie des soieries françaises de 1815 à
1830. Bien que la production française de soie bondisse de 659 398 à 2 109 000
kilogrammes 3 (soit une progression de 320%) de 1825 à 1852, la demande de
l’industrie textile française augmente plus vite que cette croissance. La proportion de
la soie d’origine étrangère s’accroît de 20% entre 1815-1830 à 32.5% entre 1831-40, et
encore à 40% entre 1841-52.4

Tableau II-21 Comparaison des quantités de la soie grège indigène et la soie grège
d’origine étrangère en France 1815-1832 (kilogramme)5

1 H.Clouzot. Le métier de la soie en France. Paris. Devambez. 1910. p.10.


2 M.A. Carron. La production de la soie brute en France. Lyon. M.Audin. 1946. p.18.
3 E.Hamaide. La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle. p.9

4 G. Federico. An Economic History of the silk Industry. 1830-1930. pp.214-215.

5 Les chiffres des quantités de la soie indigène proviennent de Pour l’amélioration et la propagation de l’industrie

de la soie en France. Annales de la société séricicole. n°1.p. 47 ; les chiffres des quantités de la soie importée
proviennent des Archives Nationales de France. F12 7056. Commerce spécial des soies en 1832.
133
Années Soie indigène Soie importée Total Proportion d’importation
1815 308 157 22 795 330 952 6.89%
1816 421 931 123 066 544 997 22.58%
1817 207 772 179 059 386 831 46.28%
1818 324 672 168 187 492 859 34.12%
1819 412 172 124 709 536 881 23.28%
1820 453 700 130 312 584 012 22.31%
1821 485 471 77 314 562 785 13.74%
1822 289 793 170 730 460 532 37.07%
1823 675 541 118 439 793 980 14.91%
1824 670 863 120 027 790 890 15.18%
1825 608 560 145 407 753 967 19.28%
1826 612 954 289 906 902 860 32.11%
1827 657 482 130 430 787 912 16.55%
1828 664 450 131 330 795 780 16.50%
1829 688 491 369 520 1 058 011 34.93%
1830 673 615 190 339 863 954 22.03%

La production des cocons de France atteint son maximum en 1853 : 26 millions


de kilogrammes ( 2 529 182 kilogrammes de soie grège). La ville de Lyon profite d’une
ambiance prospère grâce à la sériciculture française du moment. On pense que
« l’avenir de la fabrication des tissus de soie en Europe est là, parce que la production
de la matière y est abondante, et parce qu’elle y sera sans limites aussitôt que les
Européens le voudront ». 1 Pourtant, la réalité ne répond pas aux espérances : des
épidémies des vers à soie explosent en France en 1854, et les récoltes des cocons en
France chutent nettement pendant les années suivantes. Voici les statistiques publiées
par le Ministère de l’Agriculture et du Commerce qui a évalué la production annuelle
des cocons (kilogrammes)2 :
1853 Année la plus féconde du siècle…………… 26 000 000
1854………………………………………………. 21 500 000
1855………………………………………………. 19 800 000
1856………………………………………………. 7 500 000

1 S.Lamb, La soie c’est de l’or. Lyon. pp. 29-30.


2 L.Pasteur. Etude sur la maladie des vers à soie : notes et documents. Paris. Imprimerie de Gauthier-Villar. 1879.
p. 38.
134
1863………………………………………………. 6 500 000
1864………………………………………………. 6 000 000
1865………………………………………………. 4 000 000

Pour assurer la récolte, les sériciculteurs décident d’acheter des nouvelles graines
d’Italie, mais cette méthode ne fonctionne plus à partir du début des années 1860 : cette
nature d’épidémie balaye rapidement tout le territoire d’Europe, de l’Italie à l’Empire
turc. Les graines de toute l’Europe ne sont plus utilisables. En 1865, le Sénat est appelé
à délibérer sur les vœux d’une pétition signée par 3 574 propriétaires des départements
séricicoles, réclamant l’attention du Gouvernement sur les désastreux effets de la
maladie des vers à soie et demandant que des mesures soient prises, notamment « pour
diminuer les charges de la propriété par le dégrèvement des impôts, pour mettre à la
disposition des éleveurs des graines de meilleures provenances, et pour assurer l’étude
de toutes les questions qui se rattachaient à cette épizootie persistante, tant au point de
vue de la pathologie qu’à celui de l’hygiène. »1 Le gouvernement de Napoléon III
réunit ses scientifiques pour trouver une méthode de prévention et soins, mais sans trop
de résultat. On pense que le problème « se rattache ou à une maladie végétale ou à une
maladie animale, dont les doubles symptômes s’étaient déjà manifestés. La science
humaine sur un tel sujet est impuissante dans son diagnostic et dans ses
investigations. »2
J.B.Dumas, sénateur du Gard et ancien Ministre de l’Agriculture et Chimiste,
propose au Ministère de l’Agriculture de confier la mission pour sauver la soie de
France à son ami, Louis Pasteur. Puis il essaie de convaincre Pasteur d’accepter cette
mission : « Je mets un prix extrême à voir votre attention fixée sur la question qui
intéresse mon pauvre pays : la misère dépasse tout ce que vous pouvez imaginer. »3
Après hésitation, Pasteur décide de s’occuper de la maladie des vers à soie en été 1865.
Sur la recommandation de Dumas, il se déplace d’abord à Sérignan du Combat pour

1 Idem. p.9.
2 S.Lamb. La soie, c’est de l’or. Lyon. Bureaux du courrrier de Lyon. 1856.. p. 2.
3 J. d’Aguilar. Pasteur et le ver à soie. Histoire des sciences. N°99. 1995.04. p. 19.
135
acquérir des connaissances sur les vers à soie auprès de Jean-Henri Fabre, un
entomologiste célèbre à l’époque, qui lui explique que « depuis quelques années, les
magnaneries étaient en désarroi, ravagé par des fléaux inconnus. Les vers, sans motifs
appréciables, tombaient en déliquescence putride, se durcissaient en pralines de plâtre.
Le paysan atterré voyait disparaître un des soins et des frais, il fallait jeter les chambrées
au fumier. », et en même temps lui enseigne la biologie du bombyx du mûrier et les
moyens de sélectionner les œufs indemnes.1
Ensuite, Pasteur demeure à Pont-Gisquiet près d’Alès afin d’y chercher un remède
à l’épidémie. Rapidement, il met au point une méthode de sélection, dite du « grainage
cellulaire ». Chaque couple est isolé dans une cellule de bois ou de carton puis, après la
ponte, les femelles sont broyées et examinées au microscope afin de dépister les
individus malades (envahis de corpuscules) et ainsi ne conserver que des pontes saines.
Dans le compte-rendu de l’Académie des Sciences du 25 septembre 1865, il écrit : « Si
ces principes sont vrais, si j’ai bien observé les faits sur lesquels il s’appuient, il doit y
avoir un moyen infaillible d’obtenir une graine privée absolument de toute constitution
maladie originelle, résultat précieux, industriellement parlant, puisque les graines
saines donnent toujours une récolte la première année, même dans les localités les plus
éprouvées. Ce moyen consistera à isoler, au moment du grainage, chaque couple mâle
et femelle. Harpe le désaccouplement, la femelle, mise à part, pondra ses graines, puis
on l’ouvrira, ainsi que le mâle, afin d’y chercher les corpuscules…» 2 En 1867, il
découvre qu’il y a de fait deux épidémies indépendantes, au lieu d’un seule, qui se
communiquent entre les graines des vers à soie. A part la pébrine, « la flacherie » est
une autre maladie conduisant à la mort des graines. Cela est une autre contribution de
Pasteur, parce que la deuxième était souvent négligée par les scientifiques auparavant.3
Pourtant, il faut remarquer que la méthode de Pasteur n’est pas adoptée tout de
suite. Déjà, pendant ses expérimentations, il y a des polémiques hostiles dans les
journaux locaux publiées par des savants et même par des sériciculteurs. Ces critiques

1 J.H.Fabre. Souvenirs entomologiques 9esérie. Paris. Delagrave. 1923. p.808.


2 E. Kahane. Pasteur, pages choisies. Classique du peuple. Paris. Edition Sociales. 1957. p.117.
3 P. Debré. Louis Pasteur. Paris. Editions Flammarion. 1995. pp.221-223.
136
sont principalement dues aux propositions de Pasteur qui sont contraires aux habitudes
du moment. De plus, les pouvoirs publics, en particulier la commission des soies de
Lyon, ne sont pas encore convaincus d’adopter sa méthode de reproduction. Au milieu
de ces luttes difficiles, Pasteur est frappé le 19 octobre 1868 d’hémorragie cérébrale et
d’hémiplégie. 1 Après un an et demi d’hésitation, la commission des soies de Lyon
décide enfin de mettre en application la méthode de prévention de Louis Pasteur au
mois de juillet de 1869.2 La récolte des cocons en France remonte immédiatement de
308 000 kilogrammes de 1869 à 1 096 000 kilogrammes (107 031 kilogrammes de soie)
l’année suivante.3
Bien que Louis Pasteur ait trouvé la solution contre la maladie des vers à soie, la
quantité de production séricicole française reste toujours largement inférieure à
celle d’avant l’explosion de la maladie pendant le reste du siècle. La production de la
soie grège en France, ayant remonté de 30 000 kilogrammes entre 1866-69 à 658 000
kilogrammes entre 1871-1875, ne progresse plus à partir des années 1870. Au contraire,
elle recule même un petit peu pendant le reste des décennies du 19e siècle.

Tableau II-22 Productions de la soie grège en France et en Italie 1871-1815 (mille de


kilogrammes)4

1 J.M.Legay et G. Chavancy. La phase pastorienne de la sériciculture. La crise de la pébrine et ses conséquences.


Natures Sciences Sociétés. Vol.12. 2004. n°4. p.414.
2 V-V. Germaine. L’industrie de la soie dans les Alpes du Nord. Revue de géographie alpine. p.139.
3 E.Hamaide. La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle. 3.1 Les conséquences des crises de la décennie sur

la fabrique lyonnaise.
4 LSHII Kanji. L’histoire de la sériciculture du Japon. Tokyo. Editions de l’Université de Tokyo. 1972. p. 21. (石

井宽治: 《日本蚕业史分析》 ,东京:东京大学出版社,1981年,第21页。)


137
Années Productions françaises Productions italiennes
1871-1875 658 3 171
1876-1880 510 1 922
1881-1885 631 2 766
1886-1895 747 3 686
1896-1900 650 4 868
1901-1905 591 5 262
1906-1910 583 5 654
1911-1915 358 4 561

De fait, la crise séricicole de France a duré pendant toute la deuxième moitié du


19e siècle (elle s’est prolongée même au 20e siècle). C’est la maladie qui a le plus
cruellement frappé la sériciculture au milieu du 19e siècle et a débuté la crise, mais c’est
un autre élément, le peu de compétitivité de la soie française vis-à-vis de la concurrence
des soies étrangères, qui a conduit à la prolongation de la crise : à la suite de la
pénétration des soies asiatiques, surtout les soies chinoises avec un prix très bas, de plus
en plus de cultivateurs abandonnent l’élevage du ver à soie.
Après l’explosion de la pébrine, de grandes quantités de soies de l’Extrême-Orient,
notamment la soie chinoise, sont importées en France indirectement par le marché de
Londres. La sériciculture et la filature de la soie sont des secteurs de production à forte
densité de main-d’œuvre. Grâce à une main d’œuvre beaucoup plus importante et à un
coût de main-d’œuvre beaucoup moins élevé (qui sera précisé dans la prochaine
section), les soies d’origine chinoise se vendent à un prix très bas même quand elles
arrivent en Europe. En 1855, le prix de la trame française (2e ordre) est de 86 francs le
kilogramme, tandis que celui de l’Italie (2e ordre) coûte 78 francs et celui de la Chine
(2e ordre) coûte seulement 55 francs dans le marché de Lyon1. Il est donc très difficile
pour les soies françaises de rivaliser avec elles.

1 S.Lamb. La soie, c’est de l’or. Lyon. p. 10.


138
Tableau II-23 Comparaison des prix des soies à Lyon 1869, 1876.1(franc/kilogramme)

Sortes Prix 1868 Prix 1876


France 2e ordre 155 74
Italie 2e ordre 142 70
Organsins
Bengale 2e ordre 115 59
Chine 1e ordre 103 60
France 2e ordre 141 72
Italie 2e ordre 127 66
Trames
Bengale 2e ordre 115 58
Chine 2e ordre 88 54
France 2e ordre 135 68
Grèges Italie 2e ordre 120 54
Chine Tsatlée 83 45

L’amélioration du transport entre l’Extrême-Orient et l’Europe de l’Ouest pendant


les années 1860, surtout l’ouverture du canal de Suez en 1869, rapproche encore le
marché français et les matières de soie orientale bon marché (Nous le retoucherons
précisément dans le chapitre IV). Dans de telles circonstances, de plus en plus de soies
chinoises sont importées directement en France par des maisons étrangères installées à
Shanghai et à Canton (incluant tant des maisons françaises que celles d’autres pays
occidentaux) sans passer par le marché de Londres.2 Selon les données du Bulletin des
soies et des soieries de Lyon (consulter le tableau II-23), les prix de chaque sorte de
soie fabriquée en France atteignent un niveau assez élevé en 1868 (laquelle est une des
années les plus misérables pour la sériciculture française). La même année, les soies
chinoises coûtent le moins cher parmi toutes les soies importées en France. Le prix de
l’organsin chinois du 1er ordre est même plus bas que ceux des organsins du 2e ordre de
France et de l’Italie et du Bengale.
Cela signifie que les producteurs des soieries de Lyon peuvent obtenir des soies

1 Bulletin des soies et des soieries de Lyon-Revue Hebdomadaire Lyonnaise. Lyon. Administration. 1886-1990. n°10.
9 juin 1877.
2 Il s’agit des questions sur des intermédiaires dans le commerce de la soie entre la France et la Chine. Un prochain

chapitre de cette thèse sera consacré à ces questions.


139
avec une plus belle qualité en payant moins cher s’ils choisissent les produits chinois.
En 1876, sept ans après l’ouverture du canal de Suez, les sériciculteurs européens sont
obligés de baisser leurs prix sous l’effet de la convergence du prix de la soie au marché
mondial 1 . Les prix de toutes les sortes de soies sur le marché de Lyon diminuent
généralement à la moitié du prix des années 1860. Les soies chinoises, surtout la soie
grège chinoise, gardent toujours un prix avantageux : environ 10-15 francs moins
chères que les soies françaises. Les producteurs des soieries françaises continuent à
choisir d’importer les soies chinoises au lieu d’acheter celles produites en France.
En conséquence, les sériciculteurs français abandonnent ou ne reviennent plus à
sériciculture après le ravage de la maladie des vers à soie. Selon l’enquête de M.A.
Carron, « D’année en année, on voit baisser le nombre des sériciculteurs et le nombre
d’onces mises en incubation. Plus de la moitié des agriculteurs qui faisaient du ver à
soie en 1874 avaient abandonné cette occupation à la veille de la guerre de 1914-
1918……Celle-ci ne pouvait qu’apporter dans ce domaine une perturbation plus
profonde et aggraver plus brutalement encore la chute de la sériciculture. À la veille de
la guerre, seules les régions méditerranéenne et rhodanienne figure encore sur la carte
séricicole. Les moins montagneux des vieux départements séricicoles ont perdu
beaucoup plus que les autres : l’Ardèche n’accusait que 32% de pertes en 1914 le Gard
30% ; la Drôme, par contre accusait 50% et le Vaucluse 53.5% ».2 Un autre auteur, V-
V.Germaine, nous décrit une scène de décadence de la sériciculture dans les campagnes
françaises : « Dans l’Isère alpestre, le nombre des éducateurs dégringole de 4 097 en
1858 à 2 120 en 1881, à 1 870 en 1908 et à 1 192 en 1914 ; en Savoie, où depuis 1860
tout ce qui touche à la soie dépend désormais de Lyon, la sériciculture abandonne ses
postes avancés de Basse-Maurienne et Basse-Tarentaise, diminue rapidement ailleurs.
Aux Marches, entre Montmélian et Chambéry, de 1875 à 1910, le nombre des
éducateurs de vers à soie tombe de 40 à 1. »3 La sériciculture ne peut plus survivre
après que le marché de la soie de France ait été occupé par la soie chinoise à bon marché.

1 La convergence du prix est un sujet déjà beaucoup discuté par les historiens économiques, surtout par
K.H.O’Rourke et J.G.Willlamson lorsqu’ils abordent la globalisation économique. Nous allons rediscuter la
convergence du prix de la soie dans le chapitre suivant.
2 M.A.Carron. La production de la soie brute en France. Lyon. M.Audin.1946. p.21.
3 V-V. Germaine. L’industrie de la soie dans les Alpes du Nord. Revue de géographie alpine. p.140.

140
La proportion des soies étrangères occupe 75% en moyenne des soies totales de la
consommation française entre 1854-1873, et monte à 82% entre 1874-1914.1 En 1889,
l’industrie des soieries a consommé 4 127 328 kilogrammes de soie au total, mais la
production de la soie indigène compte seulement 595 000 kilogrammes, soit seulement
12% de la totalité.2
En conclusion, la production des soieries françaises, qui se concentre dans les
départements de la vallée du Rhône, maintient une tendance de croissance successive
jusqu’à la fin des années 1870 tant au niveau de la valeur qu’au niveau de la quantité.
Bien que son déclin évident apparaisse pendant la crise de 1876-1893 au niveau de sa
valeur de production à cause d’une chute du prix des soieries, sa quantité de production
poursuit toujours une tendance croissante. A la fin des années 1890, la valeur de cette
production remonte au niveau des années 1870, et la quantité continue à augmenter.
Cette croissance à long terme de cette branche industrielle française est due,
principalement, à l’expansion du marché en Europe (surtout en Angleterre) et aux États-
Unis à partir de la paix de 1815.
Au final, l’industrie textile de France a besoin d’une quantité considérable de soie
pour sa production croissante de tissus, mais la sériciculture française ne peut jamais
satisfaire cette demande. Pendant la crise séricicole de France qui commence au milieu
du 19e siècle, le déficit entre la consommation et la fourniture de la soie devient de plus
en plus important. Dans de telles circonstances, l’importation de la soie chinoise en
grande quantité devient une nécessité. Pourtant, l’afflux de la soie chinoise prolonge la
crise séricicole de France, ce qui élargit encore le commerce de la soie entre la France
et la Chine.

1 F.Giovann. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930. pp.214-215.


2 Archives Nationales de France. F12 6894 Chambre des députés cinquième législature, session de 1891, n°1354,
le 21 mars 1891. p.9.
141
II-4 Croissance de l’offre : élévation de la quantité de la production de

la soie chinoise et déclin de la fabrication des tissus de soie en Chine.

Selon les données dans l’économie mondiale, statistiques historiques publiées par
l’OCDE, le PIB se multiplie par 5 au Royaume-Uni, par 3.5 en France, par 4 aux États-
Unis et par 3.5 au Japon pendant la période de 1820-1900. En comparaison avec les
pays ci-dessus, l’économie chinoise reste à l’état de stagnation, même de recul pendant
le 19e siècle. Le PIB de Chine recule de 228 600 millions de dollars1à 189 740 millions
de dollars de 1820 à 1870, puis remonte légèrement à 218 074 millions de dollars en
1900, ce qui est toujours inférieur au niveau du début du 19e siècle. La part du PIB de
Chine dans le monde descend de 33.88% en 1820 à 17.05% en 1870, et encore à 8.83%
en 1913.2
Cependant, le déclin de l’économie chinoise du 19e siècle est accompagné par une
croissance forte du commerce extérieur, dont la valeur monte de 10 896 480 en 1817
taëls à 15 406 930 taëls en 18333, à 61 826 000 taëls en 1868, et à 403 306 000 en 1913,
soit une augmentation de 37 fois pendant le 19e siècle. 4 Parmi les principales
marchandises dans le commerce extérieur chinois du 19e siècle, l’expansion de
l’échange de la soie est la plus impressionnante. La valeur de l’exportation de la soie
se multiplie par 5 de 1817 à 1833, et puis par 11 de 1833 à 1868, et encore par 2.3 de
1868 à 1913. 5 À partir des années 1860, la soie, ayant dépassé le thé, devient la
marchandise chinoise la plus exportée à l’étranger, dont la valeur à l’exportation
occupe presque 40% de la valeur totale de l’exportation chinoise. A partir de la même

1 Dollars internationaux Geary-Khamis de 1990. Egalement pour les dollars qui suivent dans ce paragraphe.
2 A.Maddison. L’économie mondiale. Statistiques historiques. Paris. Organisation de coopération et de
développement économiques. 2003. p.50-52, p.90-91, p.183. p.275.
3 Institut d’économie de l’Académie en Sciences Sociales de Shanghai. Le commerce extérieur de Shanghai 1840-

1989. Shanghai. Editions de l’Académie en Sciences Sociales de Shanghai. 1989. p.11.(上海社会科学院经济研究


所: 《上海对外贸易》 ,上海:上海社会科学院出版社,1989年,第11页。)
4 ZHENG Youkui. Les évolutions du commerce et de l’industrie 1840-1948------l’analyse historique. Shanghai.

Editions de l’Académie en sciences sociales de Shanghai. 1984. p.23.(郑友揆:《中国的对外贸易和工业发展


(1840-1948)——史实的综合分析》 ,上海:上海社会科学院出版社,1984年,第23页。)
5 Idem. p.23.

142
époque, la France commence à importer de plus en plus de soies chinoises.
L’augmentation de l’offre de la soie chinoise sur le marché international est un
élément important pour la croissance du commerce de la soie entre la France et la
Chine. Dans cette présente section, nous allons expliquer pourquoi l’offre de la soie
chinoise au marché extérieur est capable d’élargir durablement pendant le 19e siècle.
Est-ce que cela est lié à la croissance de la production de la soie en Chine, ou bien lié
à la diminution de la consommation de la soie en Chine? Ou bien les deux ? Pour
résoudre ce problème, premièrement, nous allons démontrer l’évolution de la quantité
de la production de la soie en Chine, en consultant des résultats d’enquêtes séricicoles
du 19e appliquées par N.Rondot, Jiberboman, Akeda Hirome(明石弘) et Uehara
Shigemi(上原重美) ainsi que des recherches contemporaines sur ce sujet, notamment
incluant une grande divergence : la Chine l’Europe et la construction de l’économie
mondiale de Kenneth Pomeranz,1 le développement du capitalisme en Chine publié en
1985 par Xu Dixin(许涤新) et Wu Chengming(吴成明),2 l’évolution du commerce de
Jiangnan pendant les dynasties de Ming et Qing publié en 1998 par Fan Jinmin (范金
民 )3 et « la quantité de la production de la soie et l’influence de la croissance de
l’exportation de soie sur l’augmentation des régions de sériciculture en Chine » publiée
sur le Revue Agriculture de Chine en 2008 par Zhang Li(张丽).4
Deuxièmement, nous allons analyser les raisons de la croissance de la production
séricicole en Chine. G.Federico, dans son ouvrage An economic history of the silk
industry, indique que l’élévation de la production séricicole mondiale est due au coût
d’opportunité plus bas que d’autres activités agricoles.5 Dans la présente section, le
coût d’opportunité de la sériciculture chinoise sera étudié pour vérifier si le cas de la
Chine correspond aussi à la théorie de G.Federico, et en même temps nous allons

1 K.Pomeranz. the Great Divergence: China, Europe and the Making of the Modern World Economy. Princeton.
Princeton University Press. 2000. p. 328-330.
2 XU Dixin et WU Chengming. Le développement du capitalisme en Chine. Beijing. Editions des peuples.

1985.pp. .325-326. (许涤新,吴成明: 《中国资本主义发展史》,北京:人民出版社,1985,第325-326页。)


3 FAN Jinmin. L’évolution du commerce de Jiangnan pendant les dynasties de Ming et Qing. Nanjing. Editions de

l’Université de Nanjing. pp. 30-31. (范金民:明清江南商业的发展,南京:南京大学出版社,1996年。)


4 ZHANG Li. La quantité de la production de la soie et l’influence de la croissance de l’exportation de soie sur

l’augmentation des régions de sériciculture en Chine. Agriculture de Chine. 2008. n°04, p. 48. (张丽:鸦片战争前
的全国生丝传亮和近代生丝出口增加对中国近代桑蚕业扩张的影响, 《中国农史》 ,2008年第4期,第48页。)
5 G.Federico. An economic history of the silk industry, 1830-1930. p.83.

143
discuter d’autres facteurs impulsant la production de la soie en Chine.
Troisièmement, nous allons étudier les changements des proportions et des
quantités de la soie chinoise destinées au marché étranger, et celles restées sur le
marché local dans la totalité de la production séricicole chinoise. Wang Xiang(王翔),
dans son ouvrage Comparaison entre les modernisations de l’industrie de la soie de
Chine et celle du Japon 1 , affirme que l’augmentation de l’exportation de la soie
chinoise du 19e siècle est au prix de la réduction du marché local. Cependant, les
données qu’il a utilisées proviennent de celles de Xu Xinwu(徐新吾) publié en 19902,
lesquelles sont anciennes et ne sont pas exactes. Dans le texte, nous allons comparer à
nouveau les deux variables en consultant des études récentes sur ce sujet, notamment
celles de Zhangli( 张 丽 ). Nous pourrions, après cette comparaison, confirmer si
l’augmentation de l’exportation de la soie chinoise du 19e siècle est également due à la
diminution du marché local de la soie en Chine. Si oui, nous allons trouver les causes
de cette diminution à la fin de cette section.

A Haute quantité de production de la soie grège en


Chine
« Un jour, Lei Zu (嫘祖), la femme bienveillante de
l’Empereur Jaune (黄帝) 3, est en train de boire de l’eau
dans une forêt de mûrier . Tout à coup, un cocon de ver
sauvage tombe à l’intérieur de son bol. L’intelligente Lei
Zu découvre fortuitement qu’elle peut tirer de plus en
plus de soie lorsqu’elle lève le cocon, et que ce genre de
soie peut servir à tisser des textiles. Pour sauver des
Statue de Lei Zu

1 WANG Xiang. Comparaison entre les modernisations de l’industrie de la soie de Chine et celle du Japon. Shijia-
Zhuang. Editions populaires de Hebei. 2002. pp.378-379. (王翔: 《中日丝绸业近代化比较研究》 ,石家庄:河北
人民出版社,2002年,第378-379页。)
2 Les données que Wang Xiang cite proviennent de XU Xinwu. L’histoire de l’industrie de la filature de soie en

Chine pendant l’époque moderne. Shanghai. Editions populaires de Shanghai. 1900. pp.110-111. 徐新吾: 《中
国近代缫丝工业史》 ,上海:上海人民出版社,1990年,第110-111页。
3 L’Empereur Jaune (黄帝,Huang Di) est selon la tradition chinoise un souverain civilisateur de la haute antiquité

qui aurait règné de -2697 à -2598 av. J.- C. Il est considéré comme le père de la civilisation chinoise, particulièrement
à partir du XIXe siècle où la définition de la nation chinoise fait l’objet de nombreux débats.
144
peuples qui souffrent du froid, elle décide d’élever cette nature de vers sauvage, ce qui
est à l’origine de la sériciculture. »1 Voici l’un des beaux mythes sur l’origine de la
sériciculture chinoise. Beaucoup d’anciennes œuvres historiques ou littéraires chinoises,
par exemple, le Mémoire historique (« 史记 » Shi Ji ), le Sinogramme (« 周易 » Zhou
Yi ) et les Poèmes(« 诗经 »), ont noté ce genre de folklores. Certes, ces mythes(ou
folklores) ne sont pas des histoires fiables, mais ils prouvent que la Chine possède une
longue histoire de la sériciculture, qui gagne souvent l’admiration des occidentaux. A
la suite de la mission commerciale de 1844, le délégué de l’industrie de la soie de France,
Isidore Hedde écrit dans son rapport au gouvernement français : «Il serait inutile
d’insister sur ce fait connu et constaté par les autorités les plus anciennes : les Chinois
ont les premiers compris le parti que l’on peut tirer de la production de la soie. C’est de
la Chine que Tyr et l’Égypte recevaient, par la voie des caravanes, ces précieux tissus
que les Romains payaient au poids de l’or. L’Occident a connu le fil de soie bien
longtemps avant de posséder l’insecte qui le produisait. »2 L’économiste français A.
Beauquis affirme dans son travail L’histoire économique de la soie que « C’est
certainement en Chine que l’industrie de la soie a eu son berceau, et c’est dans les
Annales de ce pays qu’il faut rechercher les documents propres à établir l’histoire de
l’origine de la soie. Elle y fut connue, d’ailleurs, dès la plus haute antiquité, et on trouve
une mention ininterrompue des étoffes de soie, dans l’histoire de la grande nation
chinoise, même en remontant à plus de vingt siècles avant J.-C. »3
Une telle longue histoire permet d’abord à la sériciculture de s’étendre à la plupart
des régions chinoises. On pourrait estimer la date de départ de la sériciculture chinoise
par des pièces archéologiques. En 1958, des archéologues découvrent des petites bottes
de fil de soie, des petites pièces de ruban et des morceaux de lustrine jaune sans
anthracolitisation dans les ruines de Qian-Shanyang(钱山漾) à Wuxing(吴兴) de la
province de Zhejiang(浙江省). Ces découvertes prouvent que les soies et les tissus de

1 HUANG Weifang. La culture de la soie, Changchun. Editions de la littérature et l’histoire de Jilin. 2010. p.4. (黄
为放: 《丝绸文化》 ,长春:吉林文史出版社,2010年,第4页。)
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12, Paris. Imprimerie Impériale. 1847 pp.89-90.


3 A. Beauquis. Histoire économique de la soie. Grenoble. Grands établissements de l’imprimerie générale. 1910. p.

2.
145
soie dans ces ruines ont été produits au moins quatre mille sept cents ans auparavant.
Ce sont les premiers tissus de soie fabriqués en Chine.1 A l’époque antique, les régions
principales de la sériciculture se concentrent au nord de la Chine. A cause du
changement du climat et des guerres très fréquentes dans le nord, le centre séricicole se
déplace graduellement vers le sud-est à partir d’A.D. 300. Pourtant, selon le Tong
Dian(« 通典 »)2, la production de la soie du sud-est est toujours moins dynamique que
celle de la région du nord (autour du Fleuve Jaune 黄河流域), même moins dynamique
que celle de la région du Sichuan(四川)3 jusqu’au début de la dynastie de Tang (唐代,
A.D. 618-907). Les guerres à la fin de la dynastie de Tang poussent encore le centre de
sériciculture au sud-est, et ce déplacement se termine au début de la dynastie de Song
du Nord ( 北 宋 朝 , A.D. 960-1127 ). D’après la Partie économique du Song Hui
Yao( « 宋会要·食货志 »), parmi les étoffes de soie reçues par le gouvernement central,
les provinces de Zhejiang(浙江) et Jiangsu(江苏) en déposent 1 251 991 rouleaux, soit
36.09% de la totalité. 4 Cette proportion s’accroît considérablement pendant les
dynasties de Yuan(元朝, A.D.1271-1368), de Ming(明朝1368-1644) et la première
partie de Qing(前清, 1644-1840). On estime que la production des soies et des étoffes
des deux provinces peuvent occuper 60-70% de la production totale en Chine à la veille
de la Guerre de l’opium.5 De plus, la sériciculture existe déjà dans presque toutes les
provinces de l’Empire chinois à cette époque.
La longue histoire séricicole chinoise conduit aussi à une accumulation abondante
de techniques sur la production de la soie, laquelle atteint son apogée pendant l’époque
de Ming et de Qing. Pendant le 17e siècle, on a déjà su obtenir des grains par hybridation
et préserver les maladies des vers à soie par l’élimination des grains infectés pour

1 HUANG Weifang. La culture de la soie, p. 6. (黄为放: 《丝绸文化》 ,第4页。)


2 Tong Dia n(《通典》), l’une des principales œuvres historiques officielles rédigée par le gouvernement pendant
la dynastie de Tang. Etant achevé en 801, Tong Dian a noté l’évolution du système politique et économique des
dynasties précédente.
3 WANG Xiang. Une comparaison entre les modernisations des industries de la soie de Chine et du Japon. Shijiang-

Zhuang. Editions des peuples de Hebei. 2002. p. 17. (王翔: 《中日丝绸业近代化比较研究》 ,石家庄:河北人民
出版社,2002年,第17页。)
4 XU Song. Song Hui Yao Ji Gao. Beijing. Editions de Zhonghua. 1957. Partie économique n° 64.

(徐松: 《宋会要辑稿·食货第六十四》 ,北京:中华书局,1857年。)


5 XU tan. Le développement de l’économie régionale pendant les dynasties de Ming et Qing. Recherches de

l’histoire économique de la Chine. 1999. N°02. p.20.(许檀:明清时期区域经济的发展, 《中国经济史研究》 ,


1999年第2期,第20页。)
146
l’élevage des vers à soie. 1 Pour la filature, on conclut qu’« il faut utiliser les
combustibles secs pour la filature de la soie afin que la soie ne se décolore pas »,2 et
qu’« il faut filer des cocons avec l’eau limpide : l’eau de la fontaine est la meilleure,
l’eau de rivière est inférieure, et l’eau du puits est encore inférieure. »3 Au début du
19e siècle, les filateurs connaissent déjà les influences de la température, de l’humidité
et de l’eau sur la filature de la soie. Les paysans chinois produisent avec ces savoir-faire
traditionnels jusqu’à la deuxième moitié du 19e siècle, où de nouveaux métiers
occidentaux sont introduits en Chine (nous allons préciser les techniques traditionnelles
de la sériciculture et de la filature en Chine et sa transformation moderne dans un autre
chapitre).
Grâce à l’expansion des régions séricicoles et à l’accumulation des techniques de
production de la soie dans l’histoire, la Chine4 est déjà le plus grand producteur de
soie au monde au début du 19e siècle. De plus, au cours du 19e siècle, la quantité de la
production séricicole chinoise montre une croissance très importante (consulter le
tableau I-24).
On a trouvé peu de sources sur la quantité de production de soie grège dans les
statistiques officielles chinoises du 19e siècle. Pourtant, depuis la deuxième moitié du
19e siècle, certains délégués commerciaux ou sinologues étrangers en charge des
missions de leur gouvernement ont fait des enquêtes sur les quantités de récolte de
cocons de Chine, et nous ont laissé certaines statistiques plutôt exactes. Un essai
d’estimation de la récolte totale des cocons de Chine s’effectue de 1875 à 1880, et
l’aperçu a été publié en 18815 par Natalis Rondot, qui est le délégué de la Chambre de

1 WANG Xiang. La transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine pendant l’époque moderne.
Tianjin. Editions de l’université de Nankai. 2005. p. 2. (王翔: 《近代中国传统丝绸业转型研究》 ,天津:南开大
学出版社,2005年,第2页。)
2 SONG Yingxing. Tian Gong Kai Wu. Shanghai. Librairie de Zhonghua. 1959. Partie sur le tissage. (宋应星: 《天
工开物·乃服》 ,上海:中华书局,1959年。)
3 WEI Jiei. Collection des connaissances de la sériciculture. Beijing. Librairie de Zhonghua. 1956. Vol IV . pp.132-

133. (卫杰: 《蚕桑汇编·卷四》 ,北京:中华书局,1956年10月,第132页。)


4 Nous allons montrer ci-après, plus précisément, que la production de la soie de Chine se concentre dans quelques

provinces chinoise, notamment les provinces de Zhejiang(浙江), Jiangu(江苏), Guangdong(广东), Sichuan


(四川).
5 Nous avons déjà mentionné Natalis Rondot à propos des sources qui notent l’envoi de soie de Cie et Rémi en 1852

dans le chapitre précédent. De fait, il nous a laissé un nombre considérable d’œuvres sur l’industrie de la soie de
Chine, lesquelles sont très précieuses pour nos recherches. Etant venu en Chine comme ancien membre de la mission
Lagrené de 1843 à 1846, Natalis Rondot effectue à nouveau une mission en Chine de 1873 à 1875 afin d’approfondir
ses connaissances sur la sériciculture et l’industrie de la soie chinoises. Pour estimer la quantité totale des productions
147
commerce de Lyon en Chine à l’époque. Une autre enquête sur la production totale de
la soie de Chine a été effectuée en 1898 par un sinologue allemand qui s’appelle
Jiberboman.1 Au début du 20e siècle, le gouvernement japonais cherche à connaître ses
rivaux sur le marché chinois. Deux autres enquêtes sont faites par un Japonai,s Akeda
Hirome ( 明石弘 ), de 1915-1917 et en 1925. Sa mission de 1915-1917 est confiée par
le ministre de l’Agriculture et du Commerce du Japon, et celle de 1925 est demandée
par la Chambre des examinations internationales de Shanghai. 2 En 1926, Uehara
Shigemi(上原重美), délégué de l’industrie de la soie japonaise en Chine, fait encore
une fois une enquête sur la production de soie en Chine.3 Celle-ci est la dernière avant
l’année 1949 (l’année de la création de la République populaire de Chine). La plupart
des données montrées dans le tableau II-24, surtout celles d’entre la fin du 19e siècle et
le début du 20e siècle viennent des résultats de ces enquêtes.
Les données qui seront adoptées dans cette thèse sur la quantité de production de
la soie chinoise à la veille de la Guerre de l’opium sont obtenues sur la base des
estimations des historiens économiques contemporains. Bien qu’il n’y ait guère de
sources directes dans les statistiques officielles sur la quantité de production de la soie
en Chine avant la Guerre de l’opium, quelques historiens et économistes ont essayé
d’estimer cette quantité à l’aide de sources indirectes à partir des années 1980. Avec
différentes méthodes de calcul, ils ont obtenu des résultats tout à fait différents.
Dans le développement du capitalisme en Chine publié en 1985, les auteurs, Xu
Dixin(许涤新) et Wu Chengming(吴成明), tendent à compter la quantité totale de la
soie consommée à l’intérieur de Chine en 1840 en multipliant le nombre des métiers à
tisser par la quantité moyenne de consommation d’un métier à tisser. Ajoutant la part

des cocons et de la soie en Chine, il demande aux services des douanes de tous les ports commerciaux chinois de
rassembler les informations sur les quantités des productions de la soie de chaque région chinoise pendant les saisons
1879-1889. En consultant les rapports offerts par ces services de douane, il publie son estimation de la totalité de la
production des cocons et de la soie en Chine dans son œuvre les soies en 1881. Des historiens présents croient que
ces estimations de Natalis Rondot sur la récolte de chaque province chinoise sont plutôt conservatrices, mais ce sont
les seules statistiques qu’on peut consulter aujourd’hui.
1 A.J.H.Latham et H. Kawakatsu. Intra-Asian Trade and industrialisation: Essays in Memory of Yasukichi Yasuba.

New York. Routledge. 2009. p. 198,


2 C.W.Howard and K.P.Buswell. A Survey of the Silk Industry in South China. Hongkong. The Commercial Press.

1925. P.27.
3 Corporation de l’industrie de la soie du Japon. Aperçu de l’industrie de la soie de Chine. Tokyo. Editions d’Okada

Nichiei. p.429. (蚕丝业同业组合中央会编纂: 《支那蚕业大观》,东京:冈田日荣堂,1929,第429页。)


148
d’exportation (9 000 piculs), ils infèrent que la quantité de production de la soie grège
en Chine à la veille de la Guerre de l’opium est de 64 000 piculs.1 Ce chiffre est souvent
remis en question par d’autres historiens, parce que la plupart de leurs données sur le
nombre des métiers dans la région de Jiangnan sont celles de l’année 1880 au lieu de
celles des années avant 1840. Le premier devrait être bien inférieur au dernier, parce
que l’industrie textile dans la région de Jiangnan a été sévèrement ravagée par la guerre
civile de Chine de 1851-1864 2 . De plus, ils égalent la quantité de production de
Jiangnan(Zhejiang et Jiangsu) à celle de toute la Chine. Mais à ce moment-là, d’autres
régions chinoises, notamment la province Guangdong et Sichuan produisent aussi
beaucoup de soie. Ainsi les deux auteurs ont sous-estimé la quantité de production de
la soie de Chine à la veille de la Guerre de l’opium.
Selon l’évolution du commerce de Jiangnan pendant les dynasties de Ming et Qing
rédigé par Fan Jinmin (范金民) en 1998, on a produit 160 000 piculs de soie en
moyenne vers les années 1840. 3 L’auteur a obtenu cette quantité en multipliant la
surface de champ des mûriers dans la région de Jiangnan par la quantité moyenne de
production de la soie par unité de champ. Il a estimé qu’il y avait 1 640 000 Mu(亩)4
de champs réservés à la culture des mûriers dans la région de Jiangnan au milieu du 18e
siècle. Selon Aperçu de la sériciculture (《蚕桑指要》) rédigé par un agronome Zhu
Bin(朱斌) de l’époque, « chaque Mu de champs produit en moyen 1 600 Jin(斤)5 de
feuilles de mûrier, 10 Jin de vers à soie, 100 Jin de cocons et 10 Jin de soie brute »6.
Fan Jinmin affirme qu’on produit environ 160 000 piculs de soie pendant le 18e siècle.
Il y a de même beaucoup de contestations sur ce chiffre, parce que : premièrement, les
données du 18e siècle de Aperçu de la sériciculture ne sont pas forcément justes pour

1 Pour les détails, consulter XU Dixin et WU Chengming. Le développement du capitalisme en Chine. Beijing.
Editions des peuples. 1985. pp. 325-326. (许涤新,吴成明: 《中国资本主义发展史》 ,北京:人民出版社,1985,
第325-326页。)
2 Soit la Rébellion de Taiping, évoquée précédemment et sur laquelle nous allons revenir.
3 FAN Jinmin. L’évolution du commerce de Jiangnan pendant les dynasties de Ming et Qing. Nanjing. Editions de

l’université de Nanjing. pp. 30-31. (范金民:明清江南商业的发展,南京:南京大学出版社,1996年。)


4 1 Mu(亩)≈666.67 mètres carrés.
5 1 Jin(斤)= 0.5 kilogrammme.
6 ZHENG Bin. Aperçu de la sériciculture. Première édition en 1725, dernière édition en 1900, Vol 1. p.25. Fonds

de la Bibliothèque municipale de Shanghai. (郑斌: 《蚕桑指要》 ,1725年首次刊印,1900年手抄本再次发行,


第1卷,第25页,上海是图书馆馆藏资源。)
149
estimer la quantité de production des soies chinoises du 19e siècle. Deuxièmement, on
n’est pas sûrs qu’il y ait alors une telle surface de champs spécialisés dans la plantation
des mûriers. Troisièmement, il y a le même problème avec Xu Dixin et Wu Chengming :
la production de la région de Jiangnan n’égale pas celle de toute la Chine.
K.Pomeranz est un autre historien qui a tenté de connaître la quantité de
production de la soie en Chine pendant la dynastie de Qing, qui a affirmé qu’on avait
produit 530 000 piculs de soie grège par an de 1775 à 1820 en Chine dans son œuvre
Une grande divergence : la Chine l’Europe et la construction de l’économie mondiale.1
Sa méthode de calcul était similaire à celle de Fan Jinmin. Il a supposé que les 3/4 des
champs (sauf les champs de céréales) dans la région de Jiangnan servaient à la
plantation de mûriers(soit 10 098 725 Mu de champ), et que chaque Mu de champ
produisait 6.6 pounds(≈ 5 Jin, soit 2.5 kilogrammes) de soie. Ensuite il a multiplié les
deux chiffres et a obtenu le résultat suivant : on produit 60 000 000 pounds de soie par
an dans la région de Jiangnan. Quant à la quantité de production de toute la Chine,
Pomeranz l’a obtenu en divisant les 60 000 000 par 85% (évidemment, il a supposé que
la production de la région de Jiangnan occupait 85% de celle de tout l’empire). Le
résultat est que la quantité annuelle de la production de la soie en Chine compte
71 000 000 pounds (≈530 000 pounds) pendant le 18e siècle. Le problème de la
méthode de Pomeranz est qu’il a surestimé la surface de champs de mûriers et sous-
estimé la quantité de production de la soie par Mu de l’époque. La quantité de champs
réservés à la plantation des mûriers n’atteint pas les 3/4 (sans compter les champs de
céréales). De plus, si chaque Mu de champs produisait déjà 10 Jin de soie brute en 1725,
comme ce que l’agronome a noté à l’époque, la moyenne de la quantité de production
de soie par Mu ne devait pas être plus basse que cette quantité pendant tout le reste du
18 siècle. Donc on doute que sa conclusion soit exacte.
En consultant toutes les méthodes précédentes, une économiste chinoise Zhang
Li(张丽) a essayé à nouveau d’estimer cette quantité. Elle a publié dans son mémoire

1Pour les éetails, consulter K.Pomeranz. The Great Divergence: China, Europe and the Making of the Modern
World Economy. Princeton. Princeton University Press. 2000. p. 328-330.
150
en 2008 que le chiffre devait être 110 000 piculs avant l’ouverture de Chine.1Elle s’est
servie de deux méthodes pour confirmer ce résultat. La première méthode était de
compter en sens inverse. Ayant connu la totalité de production de Jiangnan, Guangdong
et Sichuan (trois principales régions de production) en 1926 par l’enquête de Uehara
Shigemi, Zhang Li a cherché à connaître l’échelle de production en 1840 en comparant
les surfaces des champs de mûriers des trois régions entre les deux dates. Après cette
comparaison, l’auteur a découvert que les surfaces des champs de mûriers à Jiangnan,
Guangdong et Sichuan augmentaient respectivement de 1/9, de 20 et 25 fois des années
1840 aux années 1920. Ayant tenu compte du changement des coûts de cocons2 entre
les deux époques, l’auteur a estimé qu’on produisait 5 000 piculs de soie dans la
province de Guangdong, 1 000-2 000 piculs de soie dans le Sichuan et 102 600 piculs
de soie dans la région de Jiangnan en 1840. La production de tout l’Empire chinois
comptait donc environ 110 000 piculs de soie à la veille de la Guerre de l’opium. La
deuxième méthode que Zhang Li a utilisée était de calculer les quantités de
consommation intérieure de la soie dans les trois régions(Jiangnan, Guangdong et
Sichuan) en 1840 en transformant le poids de production des soieries au poids de
matières de soie qu’il fallait utiliser, et ensuite d’ajouter la quantité de soie à
l’exportation. Par exemple, on connait déjà que l’industrie textile fabrique 4 043 002
rouleaux de soieries (y compris tulle, satin, crêpe, etc) par an pendant les années 1840
dans la région de Jiangnan. Selon les différents poids par rouleau de chaque type de
soierie et leurs différents coûts de matière de soie, l’auteur convertit le poids des soieries
utilisées à l’intérieur de la Chine au poids des matières premières, soit 94 287 piculs.
Elle a fait les mêmes calculs pour les régions de Guangdong et Sichuan, ensuite a ajouté
la quantité de l’exportation de la soie depuis la Chine, et le résultat a été qu’on avait
produit au total 114 000 piculs de soie par an en Chine pendant les années 1840. Avec
des résultats similaires en employant les deux méthodes, l’auteur a confirmé que la

1 ZHANG Li. La quantité de la production de la soie et l’influence de la croissance de l’exportation de soie sur
l’augmentation des régions de sériciculture en Chine. Agriculture de Chine. 2008. N°04. p. 48. (张丽:鸦片战争前
的全国生丝传亮和近代生丝出口增加对中国近代桑蚕业扩张的影响, 《中国农史》 ,2008年第4期,第48页。)
2 Le coût de cocons est une proportion représentant le nombre d’unités de cocons requises pour filer 1 unité de soie.

Cette proportion dans la filature manuelle est en moyenne de 10 : 1, et dans la filature mécanique est en moyenne
13 :1.
151
Chine avait produit environ 110 000 piculs de soie par an à la veille de la Guerre de
l’opium.
Les calculs de Zhang Li ne sont pas parfaits non plus. Tout d’abord, à cause du
manque de données des années 1840, elle a supposé que la productivité des champs de
mûriers restait constante. De fait, la modernisation de la sériciculture (nous allons le
préciser dans un autre chapitre) en Chine a fait monter la productivité séricicole pendant
les deux dates. Ensuite, elle a considéré que la production séricicole des trois principales
régions était la production de toute la Chine.
Pour s’approcher encore de la vraie quantité de production de toute la Chine, on
suppose que la proportion de la quantité de production des trois principales régions par
rapport à la production totale de Chine de 1840 est similaire à celle de 1880 (88.76%
selon les données de N.Rondot). Si la quantité de production de la soie dans les trois
régions est de 110 000 piculs, alors la totalité pour toute la Chine est environ de 123 930
piculs. Nous allons préciser dans un autre chapitre que la mécanisation de la filature de
la soie ne s’est pas encore vulgarisée en 1880, ainsi on suppose que le coût des cocons
reste constant de 1840 à 1880. Les 123 930 piculs de soie devraient être filées depuis
1 611 573 piculs de cocons. Ces chiffres, avec les résultats des enquêtes des étrangers,
nous aident à rétablir la situation de l’évolution des quantités des productions des
cocons et de la soie du milieu du 19e siècle au début du 20e siècle, qui sont présentés
dans le tableau II-24 ci-dessous (Celles de 1925 et 1926 seront également montrées afin
qu’on puisse constater la tendance de façon plus évidente).

Tableau II-24 Quantité des productions de cocons et des soies en Chine

1840-1926 (piculs/an) 1

1 Les données de 1840 ZHANG Li. La quantité de la production de la soie et l’influence de la croissance de
l’exportation de soie sur l’augmentation des régions de sériciculture en Chine. Agriculture de Chine. 2008. N°04 , p.
48.(张丽:鸦片战争前的全国生丝传亮和近代生丝出口增加对中国近代桑蚕业扩张的影响,《中国农史》,
2008年第4期,第48页。)
Les données de 1880 viennent de Natalis Rondot. L’art de la soie : les soies. Paris. Imprimeries nationales. 1885.
p.184-208.
Les données de 1898 viennent d’A.J.H.Latham et H. Kawakatsu. Intra-Asian Trade and industrialization: Essays in
Memory of Yasukichi Yasuba. New York. Routledge. 2009. p. 198,
Les données de 1915-1917 et de 1895 proviennent de C.W.Howard and K.P.Buswell. A Survey of the Silk Industry
152
1840 1880 1898 1915-1917 1925 1926
cocons soies cocons soies cocons soies cocons soies cocons soies cocons soies
Zhejiang 825 500 63 500 1 017 000 78 231 876 766 67 444 1 000 000 76 923 1 140 000 87 692
Jiangsu 275 200 21 169 350 000 26 923 266 745 20 519 350 000 26 923 545 000 41 923
Guangdong 576 100 717 000 717 000 55 154 768 300 59 100 1 000 000 76 923 1 057 400 81 338
Sichuan 205 800 15 831 317 000 23 385 640 000 49 231 600 000 46 154 468 000 36 000
Hubei 70 100 6 085 7 846 100 000 100 000 7 692 100 000 7 672 122 900 9 454
Shandong 24 100 1 854 45 000 3 462 70 000 5 385 60 000 4 615 110 000 8 462
Anhui 10 800 831 30 000 2 308 30 000 2 308 30 000 2 308 97 000 7 462
Guangxi - - - - 12 000 923 65 520 5 040 55 600 4 277
Henan 100 800 7 754 142 000 10 923 121 000 9 308 100 000 7 692 42 900 3 300
Hunan 6 500 5 00 11 250 865 16 000 1 231 20 000 1 538 - -
Shanxi - - - - - - - - 6 500 500
Fujian - - - - - - - - 3 900 300
d'autres 17 100 1 315 99,000 7,615 79,500 6,115 70 000 5 385 13 000 1 000
total 1 611 673 123 930 2 121 000 163 154 2 819 000 216 846 2 779 911 213 832 3 330 000 256 154 3 622 300 281 715

La production de cocons atteint déjà 1 611 573 piculs (96 694 380 kilogrammes) à
la veille de la Guerre de l’opium, puis s’accroît à 2 131 000 piculs (127 860 000
kilogrammes) en 1880, et à 2 819 000 piculs (169 140 000 kilogrammes) à la fin du 19e
siècle. La croissance stagne pendant les deux premières décennies du 19e siècle, puis
redémarre dès les années 1920, en montant à 3 622 300 piculs (217 338 000
kilogrammes) en 1926. L’accroissement de la production de la soie suit en général la
tendance de celui des cocons. La quantité totale des soies produites en Chine est
multiplié par 172% de 1840 à la veille de la Grande Guerre, puis augmente encore de
137% jusqu’à l’année 1926. Par ailleurs, on constate une concentration de la quantité
de production de soie dans plusieurs régions : 80-90% de cocons chinois sont produits
dans quatre provinces : Zhejiang( 浙 江 ), Jiangsu( 江 苏 ), Guangdong( 广 东 ) et
Sichuan(四川).

Graphique II-25 Comparaison de la production de la soie en Chine avec d’autres


principaux producteurs du monde 1840-1915 (kilogrammes)1

in South China. Hongkong. The Commercial Press. 1925. p.27.


Les données de 1926 viennent de Corporation de l’industrie de la soie du Japon. Aperçu de l’industrie de la soie de
Chine. Tokyo. Editions d’Okada Nichiei. p.429. (蚕丝业同业组合中央会编纂: 《支那蚕业大观》,东京:冈田日
荣堂,1929,第429页。)
1 Les chiffres de la production de Chine proviennent du tableau II-24 ; les chiffres de celle du japon, de l’Italie et

de France pendant 1880 à 1915 viennent de Lshii Kanji. L’histoire de la sériciculture du Japon. Tokyo. Editions de
l’Université de Tokyo. 1972. p. 21 (石井寛治: 《日本蚕丝业史分析》 ,东京:东京大学出版会社,1972年,第
21页。) ; les chiffres de celle de l’Italie et de France en 1840 proviennent de G.Federico. An Economic History of
the silk Industry, pp. 210-211.
153
14000000
12000000 Chine
10000000
8000000 Japon
6000000
4000000 Italie

2000000
0 France
1840 1880 1898 1915

On peut constater l’avantage de la Chine dans sa production de soie si l’on fait une
comparaison avec celle d’autres pays séricicoles dans le monde pendant la même
période. D’après le diagramme II-25, la quantité de production de la soie en Chine est
beaucoup plus élevée que les autres principaux fournisseurs dans le monde pendant le
19e siècle. Jusqu’à la fin du 19e siècle, la Chine produit plus de soie que l’ensemble des
quantités de production des deuxième et troisième producteurs mondiaux (l’Italie et le
Japon). On a déjà montré que la quantité de l’exportation de la soie du Japon a dépassé
celle de la Chine pendant la première décennie du 20e siècle. Cependant, selon
l’information du graphique ci-dessus, la Chine garde en réalité toujours la couronne de
la production totale du monde jusqu’à la veille de la Grande Guerre. La cause est que
le taux d’ouverture de l’industrie de la soie de Chine est alors plus bas que celui du
Japon: une quantité considérable de la soie chinoise reste en Chine pour l’industrie
locale (on reviendra sur les détails de ce problème plus tard). Au niveau de la quantité
de production de soie, la Chine reste donc toujours le premier pays au monde, même
après qu’elle ait déjà perdu sa place de premier exportateur.

B Avantages et conditions pour la performance de la sériciculture chinoise


Pourquoi la production séricicole en Chine peut-elle encore s’accroître pendant
le 19e siècle ? Dans cette présente section, nous allons souligner les effets de plusieurs

154
aspects sur la prospérité de la production séricicole chinoise du 19e siècle.
Premièrement, l’abondance de main-d’œuvre dans les régions séricicoles est un
avantage pour la Chine dans la production de la soie et sa croissance. Beaucoup de
régions (comme les États-Unis) dans le monde possèdent un climat convenable pour la
sériciculture, mais cette activité agricole ne se développe guère ou se développe très
lentement dans ces régions, parce que la main-d’œuvre n’y est pas assez abondante. La
production de soie est vraiment une industrie à forte densité de main-d’œuvre. Chaque
étape en demande beaucoup : par exemple, l’élevage des vers à soie demande le soin et
la nourriture constante, et les sériciculteurs sont obligés de prévenir les ravages des
épidémies de vers à soie assez variées ; un autre exemple, avant l’invention des
méthodes modernes de la conservation des cocons, des paysans ou des dévideurs
doivent finir le dévidage de tous les cocons en dix ou quinze jours de crainte que des
cocons soient ravagés par des papillons, etc.
Grâce à une croissance des quantités des récoltes agricoles pendant la dynastie de
Qing, la démographie chinoise a très nettement augmenté à cette époque, ce qui offre
un grand nombre de main-d’œuvre pour le progrès de la sériciculture. De 1655 à 1700,
la population chinoise monte de 50 millions à 150 millions1. Elle dépasse 300 millions2
en 1790, et atteint finalement 440 millions3 en 1900. Les principales régions séricicoles
chinoises, Zhejiang, Jiangsu, Guangdong et Sichuan, sont aussi les régions avec les plus
grandes densités de population en Chine. En 1820, la population de chacune de ces
quatre provinces a dépassé les 20 millions.4
Il est difficile de trouver le nombre exact de sériciculteurs en Chine dans les
sources parce que la production séricicole est souvent du travail agricole à temps partiel
(Nous allons montrer dans un autre chapitre que les paysans plantent les mûriers devant

1 HE Bingkang, Recherches sur la démographie de la Chine 1368-1953. Editions de Guji de Shanghai. 1989. p.268.
(何炳康: 《1368-1953 中国人口研究》 ,上海古籍出版社,1989年,第268页。)
2 JIANG Gongtao. Histoire générale de Chine : les dynasties de Ming et Qing. Beijing. Editions de Jiuzhou. 1978.

p.378.
(姜公韬: 《中国通史 明清史》,北京:九州出版社,1978年,第378页.)
3 LIANG Fangzhong. Les statistiques des populations, des champs et des impôts de Chine. Beijing. Librairie de

Zhonghua. 2008. p. 226. Tableau 86. (梁方仲: 《中国历代户口、田地、田赋统计》 ,北京:中华书局,2008


年11月,第226页,甲表86 )
4 CAO Shuji. Histoire démographique de la Chine. Vol. 5. Epoque de Qing. Shanghai. Editions de l’Université de

Fudan. 2001. p.593. (曹树基: 《中国人口史》 ,第五卷《清时期》 ,上海:复旦大学出版社,2001年, 第593


页。)
155
ou près de leurs maisons ou à côté de la rue et non dans les champs; ils dépensent
environ 45-60 jours pour l’élevage des vers et la filature, qui ne sont que leurs activités
agricoles supplémentaires). Cependant, nous pourrions quand même essayer d’estimer
le nombre minimum de paysans qui s’engagent dans les activités de production de la
soie en Chine pendant le 19e siècle. La population des principales provinces séricicoles
(Zhejiang, Jiangsu, Guangdong et Sichuan) chinoises compte au total 108 634 000
personnes au début du 19e siècle (1820).1 Si on adopte l’estimation du démographe
Guo Songmin, 90% des populations de ces quatre provinces sont des paysans2, il y a
donc environ 97 700 600 paysans dans ces provinces. Cependant, à l’intérieur de ces
quatre provinces, l’intensité de plantation des mûriers n’est pas homogène. On suppose
donc que l’activité séricicole n’existe que dans les préfectures (Xian,县) où se concentre
le plus la production séricicole de chaque province, et où se trouve au minimum un
cinquième des populations de chaque province. 3 On estime ainsi que la population
séricicole de ces quatre provinces compte au minimum 19 540 120 personnes. Il faut
ajouter les sériciculteurs des autres provinces de Chine, qui produisent environ 15% des
soies chinoises. La productivité séricicole de ces provinces n’est pas plus élevée que
celle des premières quatre provinces, donc le nombre des sériciculteurs dans les autres
provinces occupe au minimum 15% de la main-d’œuvre de la totalité du nombre des
sériciculteurs en Chine. La totalité des sériciculteurs chinois compte au minimum
23 000 000 au début du 19e siècle. C’est un nombre très important, qui est même plus
grand que la totalité du nombre d’habitants d’Italie (20 400 000 en 1820)4, le deuxième
grand pays séricicole à ce moment-là. De plus, avec la croissance de la population

1 ZHAO Shuwen, HAN Mingxi, Li Dehui, Dictionnaire de démographie. Lanzhou, Editions populaires de Gansu,
1997. p.227. 赵书文,韩明希,李德辉: 《简明人口学词典》 ,兰州:甘肃人民出版社,1997年,第227页。
2 GUO Songmin. Les productions agricoles et les paysans en Chine pendant les 18, 19 siècles. La vie des

populations : l’agriculture et les paysans de la dynastie de Qing. Beijing. Editions de l’agriculture de Chine. 2010 ;
p. 432. (郭松民:18、19世纪的中国农业生产和农民, 《民命所系:清代的农业和农民》 ,北京:中国农业出
版社,2010年,第432页。)
3 La sériciculture se concentre sur plusieurs préfectures(县) de chaque province. Par exemple, à Guangdong, la

plantation des mûriers se concentre à Shunde(顺德), Panyu(番禺), Nanhai(南海), Foshan(佛山) dans les 21
préfectures de la province de Guangdong à cette époque ; la plantation des mûriers se concentre alors à Huzhou(湖
州) et Jiaxing(嘉兴) dans les 10 préfectures de la province de Zhejiang. Ces préfectures comptent au minimum un
cinquième de la population de chaque province. De fait, dans d’autres préfectures de ces quatre provinces il existe
aussi des mûriers bien que leurs plantations soient plus clairsemées. Ce qu’on estime ici, c’est le nombre du minimum
de sériciculteurs en Chine, on néglige donc la population séricicole d’autres préfectures de chaque province.
4 Comité International de Coordination des recherches Nationales en Démographie. La population de l’Italie. Roma.

Viminalgrafica. 1974. p.14.


156
chinoise, le nombre de sériciculteurs chinois continue à augmenter pendant le reste du
siècle. Le nombre très considérable de sériciculteurs est la base de l’avantage
comparatif de la production séricicole de Chine du 19e siècle.
Deuxièmement, une prolongation de la durée du travail dans les régions séricicoles
chinoises du 17e siècle au 19e siècle assure la haute quantité de production séricicole
chinoise.
H.J.Voth affirme dans son ouvrage que le temps de travail annuel en Angleterre
s’accroit de 2 700 heures à 3 500 heures par personne par an avec l’évolution
industrielle du 18e siècle au 19e siècle par l’abandon progressif du repos du lundi et la
diminution du nombre de jours fériés. 1 Son point de vue est soutenu par Sugihara
Kaoru dans l’analyse de la durée du travail à l’Est de l’Asie, surtout au Japon.2 La
haute quantité de production séricicole en Chine au 19e siècle est-elle également liée à
une prolongation du temps de travail dans les régions séricicoles ? Selon la recherche
d’un historien économique chinois Li Bozhong(李伯重), la durée de travail des foyers
paysans3 se prolonge très fortement dans la région de Jiangnan à partir du début de la
dynastie de Qing. D’après l’auteur, déjà, la pluriactivité agricole d’un foyer paysan dans
cette région augmente de 140% de la fin du 17e siècle à 170% au début du 19e siècle,
ce qui conduit à une prolongation de 25% de la durée du travail par foyer. En même
temps, la durée s’accroît encore de 75% à cause de l’expansion des activités auxiliaires
(comme l’élevage des vers à soie et le tissage du coton).4 Au final, dans la région de
Yangzi, la durée du travail d’un foyer paysan qui possède 10 Mu(亩) 5
de champs se
prolonge à 7 200 heures (12 heures/jour x 300 jours/an x 2) par an au début du 19e siècle
au lieu de 4 760 heures par an (12 heures/jour x 240 +12 heures/ jour x 150) à la fin du
17e siècle.6. Dans cette durée du travail, quelle proportion occupe l’activité séricicole ?

1 Pour les détails, consulter H.J.Voth. Time and Work in England, 1750-1830. Oxford. Oxford University Press.
2000.
2 Pour les détails, consulter Sugihara Kaoru. Japan, China, and the Growth of the Asian international Economy.

1850-1949. Oxford. Oxford University Press. 2005; Sugihara Kaoru. Labour-intensive Industrialization in Global
History. London. Routledge. 2013.
3 On compte la durée de travail d’un foyer paysan en totalisant les temps de travail d’un paysan et d’une paysanne.
4 LI Bozhong. Evolution de l’agriculture dans la région de Jiangnan. 1620-1850. Shanghai. Editions des ouvrages

classiques de Shanghai. 2007. pp. 119,154 et 168. (李伯重: 《江南农业的发展1620-1850年》 ,上海:上海古籍


出版社,2007年,第119,154,168页。)
5 1 Mu égale 666.7 mètres carrés.
6 LI Bozhong. « Travailler pendant toute l’année : une réalité ou une exagération ? ». Revue mensuelle académique.

157
Un autre historien chinois, Wang Xiang(王翔) affirme que la plantation des mûriers
compte 142 journées de travail(12 heures par journée, soit 1704 heures) par 10 Mu au
début du 19e siècle.1 Pour calculer la durée du travail séricicole dans un foyer à cette
époque, il faut encore ajouter des heures de travail pour l’élevage des vers à soie qui a
lieu souvent à la fin du printemps, 24 heures/jour pendant 40 jours2, soit 960 heures.
Donc un foyer qui fait de la sériciculture dans la région de Yangzi doit consacrer au
total 2 664 heures à l’activité de production séricicole, soit 37% de toute la durée du
travail du foyer (si la totalité est de 7 200 heures). Cette proportion doit être aussi haute
dans la région de Sichuan où on récolte également une seule saison de feuilles de
mûriers, tandis qu’elle est même plus grande dans la région de Guangdong où on récolte
deux à trois fois des feuilles de mûrier par an. Pour une activité auxiliaire agricole, la
durée du travail de la sériciculture est assez longue, tandis que sa proportion dans toutes
les activités d’un foyer paysan est assez grande. La tendance de la prolongation de la
durée du travail dans certaines régions chinoises depuis la fin du 17e siècle a donc assuré
la belle performance de la production séricicole du 19e siècle.
Troisièmement, dans la Chine du 19e siècle, le bénéfice de la production de soie
est beaucoup plus élevé que beaucoup d’autres activités agricoles, ce qui conduit les
paysans à s’occuper de sériciculture. Comme évoqué ci-dessus, la durée du travail pour
la production séricicole est assez longue, et l’intensité du travail de la production de la
soie est beaucoup plus forte que celle d’autres activités agricoles : en premier lieu, la
plantation des mûriers augmente la consommation de main-d’œuvre pour chaque
Mu(亩) de terre à 32.2 journées de travail. Ensuite, les sériciculteurs divisent un cycle
de l’élevage des vers à soie (40 jours ) à « cinq décortications », dit cinq « Mians »(眠)
en chinois. Pendant les deux derniers Mians, chaque feuille d’œufs de vers à soie
( environ 25 000 œufs ) a besoin de consommer 100 kilogrammes de feuilles de mûrier

2008. N°4. pp. 135-138. (李伯重: “终岁勤动” :夸张还是现实?, 《学术月刊》 ,2008年第4期,第135-138页。)


1 WANG Xiang. La transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine pendant l’époque moderne.

Tianjin. Editions de l’Université de Nankai. 2005. p. 34. (王翔:


《近代中国传统丝绸业转型研究》,天津:南开
大学出版社,2005年,第34页。)
2 LI Chaoqiong. Shi Chuan Ju Za Zhu Juan Gao. Fu Rong Xing Ji, écrit en août, 1895, cité de SUZUKI Jisho.

Recherches sur le mouvement de modernisation de la Chine. Tokyo. Librairie de Jigu. 1992. p. 382. (李超琼:
《石
船居杂著眷稿》 , “芙蓉行记”, 作于1895年8月,转引自铃木智夫: 《洋务运动の研究》 ,东京:汲古书院,
1992年,第382页。)
158
par jour. En conséquence, tout le foyer du paysan doit travailler constamment pendant
la journée et la nuit à ce moment-là.1
Mais pourquoi les paysans s’intéressent-ils toujours à ce genre d’activité qui
demande une grande force de travail ? Lorsque G. Federico analysait l’origine de la
croissance de la sériciculture des principaux pays séricicoles du monde (Chine, Japon,
Italie), il affirmait que, théoriquement, il y avait un facteur très important pour expliquer
la croissance séricicole à l’époque moderne : le coût d’opportunité plus bas que d’autres
activités agricoles,2ce qui signifie que les producteurs peuvent recevoir des bénéfices
plus élevés dans une unité de temps s’ils s’occupent de sériciculture plutôt que d’autres
activités agricoles. De fait, cette conclusion ci-dessus peut être très bien attestée par le
cas de la sériciculture chinoise. En chine au 19e siècle, le cycle de production de la soie
est beaucoup plus court que pour d’autres activités, tandis qu’elle peut amener de
beaucoup plus gros bénéfices aux paysans. Li Chaoqiong(李超琼), qui charge le maire
de Wuxi(无锡, une ville dans la province de Jiangsu), écrit à la fin du 19e siècle que :
« Si l’on demande combien de bénéfices on peut obtenir en plantant des mûriers,
la réponse est qu’il est plus de trois fois plus que celui de la culture du riz. De plus,
l’élevage des vers à soie dure seulement 40 jours à la fin du printemps, mais la culture
du riz a besoin de trois trimestres du labourage au moissonnage. »3
Selon les enquêtes des Japonais dans la commune de Yangshu ( 杨墅乡 une
commune de la ville de Wuxi) après la guerre sino-japonaise 1894-95, le bénéfice des
paysans qui plantent en même temps les mûriers, le riz, et le blé est environ de 3.45 fois
plus élevé que celui des paysans qui plantent seulement le riz et le blé. On peut observer
les détails dans le tableau ci-dessous :

Tableau II-26 Comparaison des bénéfices entre les cultures du riz, du blé et les muriers

1 WANG Xiang. La transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine pendant l’époque moderne.
Tianjin. Editions de l’Université de Nankai. 2005. p. 34.(王翔: 《近代中国传统丝绸业转型研究》,天津:南开
大学出版社,2005年,第34页。)
2 G.Federico. An economic history of the silk industry, 1830-1930. p.83.
3 LI Chaoqiong. Shi Chuan Ju Za Zhu Juan Gao. Fu Rong Xing Ji, écrit en août, 1895, cité de SUZUKI Jisho.

Recherches sur le mouvement de modernisation de la Chine. Tokyo. Librairie de Jigu. 1992. p. 382. (李超琼:
《石
船居杂著眷稿》 , “芙蓉行记”, 作于1895年8月,转引自铃木智夫: 《洋务运动の研究》 ,东京:汲古书院,
1992年,第382页。)
159
sur un Mu de terre1 (picul, taël)

Années Blé Riz Les mûriers l'éducation des vers à soie


Quantités Prix Valeurs Quanttités Prix Valeur Total Quantités Prix Valeurs Quantité Prix Valeurs
1897 1.2 2.5 3 2 7.02 14.04 17.04 15 1.5 22.5 1.25 35 43.75
1898 0.7 4.2 2.94 3 4 12 14.94 15 0.9 12 1.25 38.5 48.13
1899 1.2 2.5 3 2.5 2.8 7 10 15 0.8 12 1.25 36.5 45.65
1900 0.8 3 2.4 2.7 3.5 9.4 11.8 15 1 15 1.25 46 56.35
1901 1.3 2.5 3.25 2.7 3.8 10.26 13.51 15 3 30 1.25 37.5 46.85
moyenne 1.04 2.94 3.06 2.85 4.22 10.89 13.95 15 1.22 18.3 1.25 38.5 48.15

La fiabilité de ces enquêtes est confirmée par la recherche de Li Bozhong(李伯重)


sur l’économie de la région de Yangzi. Selon son calcul, le bénéfice2 de la culture du
riz compte 0.78 taël par Mu(亩), mais celle de la sériciculture compte 5.65 taëls par Mu.
En considérant que l’intensité de sériciculture est plus forte que celle de la culture du
riz, un homme peut s’occuper de 4 Mu de mûriers ou 8 Mu de riz. Donc un homme
pourrait obtenir 6.24 taëls de bénéfices s’il cultive le riz ou 22.6 taëls de bénéfices s’il
plante des mûriers. Le bénéfice de la plantation des mûriers est de 3.6 fois plus élevé
que celui de la culture du riz par personne. Ce résultat est très proche des 3.45 fois que
les Japonais obtiennent ci-dessus.3
Ce bénéfice important fait que de plus en plus de paysans chinois s’engagent dans
la production séricicole, ce qui accélère la croissance de ce secteur agricole en Chine.
En comparaison, le bénéfice de la sériciculture devient de moins en moins attirant en
Europe. D’un côté, on constate une chute très nette du prix des cocons et des soies
européennes après les maladies des vers à soie et la pénétration de la soie asiatique
depuis le milieu du 19e siècle, donc le bénéfice de la sériciculture a beaucoup diminué
à cause de la chute du prix. Selon le calcul de A. Beauquis, le bénéfice pour la plantation
d’un Mu (亩) de mûriers en France descend à 26 francs (environ 6.3 taëls) à la fin du

1 SUZUKI Jisho. Recherches sur le mouvement de modernisation de la Chine. Editions de Jigu. 1992. p. 384. 铃木
智夫: 《清国洋务运动の研究》,1992年,第384页。
2 Mu, 亩, unité de surface de terre de Chine. Un Mu = 666.67 mètre carré.
3 LI Bozhong. L’utilisation des sources agricoles à Jiangnan de Chine pendant la dynastie de Ming et Qing.

Anthropologie agricole. 1985. N°2. pp.66-67.( 李伯重:明清江南农业资源的合理利用, 《农业考古》 ,1985年


第2期,第66-67页。)
160
19e siècle, tandis qu’un éleveur français de vers à soie qui travaille avec sa famille et
ses propres feuilles ne peut obtenir qu’un bénéfice de 85 francs (14.1 taëls) par Mu à
ce moment-là. Ce bénéfice est non seulement beaucoup plus bas que le bénéfice
séricicole en France un demi-siècle auparavant, mais aussi beaucoup plus bas que celui
de Chine à la fin du 19e siècle.1 De l’autre côté, grâce à la révolution agricole2, la
rentabilité des autres secteurs agricoles s’est beaucoup developpée pendant le 19e siècle.
D’après la recherche de P.Bairoch (Tableau II-27), la rentabilité des secteurs agricoles
ci-dessous monte à 200% au début du 20e siècle par rapport à celui du début du 19e
siècle. Cette mutation est surtout dynamique après le milieu du 19e siècle, où les
innovations mécaniques et chimiques agricoles sont mises en application.

Tableau II-27 Evolution historique de la rentabilité des produits agricoles en Europe


sans la Russie (moyennes annuelles quinquennales)3

1800 1850 1890 1910


Cereals(hectare)
Blé 8.6 9.4 10.9 12.6
Seigle 7.8 8.6 11 14.9
Avoine 7.2 8.9 12.6 14.9
Orge 7.9 9.8 11.9 14.9
Maïs 9 10 12.2 14
Autres cultures(hectare)
Pommes de terre 50 60 88.1 114.5
Betteraves à sucre 260 260 261.1
Vins(hectolitres) 12.5 13 13.3 16.5
Produits animaux
Lait par vache(kgs) 950 1100 1460 1800

En conséquence, après le milieu du 19e siècle, les paysans européens ont trouvé,

1 A. Beauquis. Histoire économique de la soie. Grenoble. Grands établissements de l’imprimerie générale. 1910.
pp.60-62.
2 La révolution agricole désigne la mutation de l’agriculture sensible en Europe au 18ème siècle et l’accélération au

19ème siècle grâce aux innovations agricoles, comprenant principalement le progrès mécanique agricole et le progrès
chimique agricoles. Pour les détails, consulter P. Bairoch. Les trois révolutions agricoles du monde développé :
rendements et productivité de 1800 à 1985. Annales Economies. Sociétés. Civilisations. Vol. 44. N°2. 1989. pp.317-
353.
3 P. Bairoch. Les trois révolutions agricoles du monde développé : rendements et productivité de 1800 à 1985.

Annales Economies, Société, Civilisations. N°2. 1989. p. 322.


161
dans des productions plus faciles, plus rémunératrices, moins aléatoires, le supplément
de ressources nécessaires qu’ils avaient jusqu’alors demandé aux vers à soie. Surtout,
dans la région méditerranéenne où la sériciculture était la plus florissante d’Europe, la
prospérité du commerce des vins après le milieu du 19e siècle encourage les paysans
européens à remplacer leurs belles plantations de mûriers par de la vigne. 1 Les coûts
d’opportunité différents des séricicultures en Chine et en Europe influencent leurs
différentes tendances d’évolutions, ce qui est un facteur très important pour l’avantage
de production de la soie de Chine par rapport à l’Europe.
Quatrièmement, le gouvernement central et les gouvernements locaux de Chine
poursuivent une politique d’encouragement de la sériciculture. Après le milieu du 19e
siècle où le commerce de la soie est plus prospère, le gouvernement chinois prend
beaucoup de mesures pour encourager les paysans à planter des mûriers ou à produire
de la soie. Les mesures sont très diverses. Tout d’abord, les gouvernements locaux
établissent « le Bureau de sériciculture » pour encourager les paysans à s’engager dans
la production séricicole. Les missions de ce nouveau bureau comprennent : offrir des
essences de mûrier gratuites pendant la saison de plantation ( normalement au début du
printemps), prêter de l’argent aux paysans, acheter régulièrement les feuilles pendant la
saison de récolte, acheter des cocons surabondants produits par les familles qui
manquent de main-d’œuvre pour la filature et les vendre aux particuliers ou aux usines
de filature ayant assez de main-d’œuvre, etc. Les premiers Bureaux de sériciculture sont
créés dans les préfectures de Taicang (太仓 ), Changshu (常熟), Nanhui (南汇),
Fengxian (奉贤) de la province de Jiangsu (江苏), où étaient les anciennes régions de
production de coton. Pendant les années 1870, on a planté plus de 100 000 mûriers dans
chacune de ces préfectures, 2 qui se sont déjà transformées de régions de coton en

1 M.A. Carron. La production de la soie brute en France. Lyon. M.Audin. 1946. p.28.
2 WANG Zushe. Annuaires de la Préfecture de Taicang. 1918. Vol. 3. p.22. Fonds de la Bibliothèque nationale de
Chine. (王祖畲:民国《太仓州志》 ,卷三,1918年,第22页,中国国家图书馆馆藏资源。)
PANG Hongwen. Annuaires de Changzhaohe. 1904. Vol.46. p.5. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai.
(庞鸿文:光绪《常昭合志稿》,卷四十六,第5页,1904年,上海市图书馆馆藏资源。)
Annuaires de la préfecture de Nanhui. 2009. Vol 20. p.9. Photocopies du bureau des Annuaires locaux de
l’arrondissement de Pudong de Shanghai. (民国《南汇县续志》 ,卷二十,2009年,第9页,上海市浦东新区地
方志办公室影印。)
HAN Peijin. Nouveaux annuaires de la Préfecture de Fengxian, Taibei. Editions de Chengwen. 1970.Vol.19.p.2. (韩
佩金: 《重修奉贤县志》 ,卷十九,台北:成文出版社,1970年,第2页。)
162
régions séricicoles au début des années 1880. Après les années 1880, cet établissement
s'est installé dans presque toutes les provinces de l’Empire. Même dans les provinces
où il y avait très peu de production séricicole, comme Henan(河南), Zhili(直隶), on
établit les Bureaux de sériciculture pour y encourager les paysans à s’engager dans la
production séricicole. Dans les provinces éloignées des centres commerciaux de soie,
comme les provinces de Guangxi (广西) et Shanxi (陕西), les Bureaux de sériciculture
se chargent même d’acheter, de transporter et de vendre les soies produites par les
paysans aux ports de Shanghai et Canton.1
De plus, les gouvernements locaux recrutent des sériciculteurs ayant une grande
expérience et mettent en place des écoles pour enseigner leurs connaissances aux
novices si bien que les nouvelles techniques séricicoles peuvent se vulgariser auprès de
tous les sériciculteurs (ce point sera développé lorsque nous étudierons la
modernisation de la sériciculture chinoise).
Enfin, les impôts sur la plantation des mûriers, la vente des cocons et la soie sont
parfois affranchis ou réduits. 2 A la fin des années 1860, le gouvernement de la
préfecture de Jiangyin(江阴 de la province de Jiangsu) affranchit les impôts et le loyer
des champs de mûriers pendant les deux premières années de plantation sur les champs
gouvernementaux, et ensuite les paysans ne doivent payer qu’une partie des impôts et
du loyer pendant les quelques années suivantes.3 La même politique est suivie par les
préfectures de Kunshan(昆山), Xinyang(新阳), Wuxi(无锡) de la province de Jiangsu,
et puis par celles d’autres provinces.4 Au début du 20e siècle, de nombreuses nouvelles
préfectures de sériciculture possèdent déjà plus de 100 000 Mu de champs de mûriers.
Les surfaces des champs de mûriers de certaines préfectures, comme Wuxi, dépassent
déjà 300 000 Mu.5

1 ZHENG Qidong. Les mesures du gouvernement pour le dévelopement de l’agriculture, de la sériciculture et des
travaux hydrauliques à la fin de dynastie de Qing. Sciences Sociales de Guangxi. 2006. N°9. pp.99-100. (郑起东:
晚清政府劝农桑、兴水利的重农政策, 《广西社会科学》 ,2006年第9期,第99-100页。)
2 SHI Minxiong. The silk industry in Ch’ing China. p. 7. (施敏雄: 《清代丝织工业的发展》 ,第7页。)
3 CHEN Si. Annuaires de la préfecture de Jiangyin. Vol.11. 1921. p.4. Fonds du Bureau des Annuaires locaux de

Jiangyin. (陈思:民国《江阴县续志》 ,卷十一,1921年,第4页。江阴市史志办公室藏书。)


4 WANG Kun. Annuaires de Kunshan et Xinyang. 1880. Vol 8. p.10. Fonds de la Bibliothèque de Kunshan. (汪堃:

《昆新两县续修合志》 ,卷八,1880年,第10页,昆山市图书馆馆藏资源。)
5 Bureau de Shanghai de département du chemin de fer de Manchou. Rapports des enquêtes de l’état actuel de la

campagne de Wuxi. 1941. p.9-10. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (满铁上海事务所: 《江苏省
163
Grâce à l’abondance de la main-d’œuvre, la prolongation de la durée du travail, le
bénéfice supérieur de la sériciculture et l’encouragement du gouvernement, comme il a
été démontré, la quantité de la production de la soie de Chine est la plus élevé du monde
pendant le 19e siècle. Une telle abondance de production de soie en Chine intéresse les
producteurs de soieries des pays occidentaux qui ont besoin d’importer beaucoup de
matières premières de l’étranger, y compris les fabricants de l’industrie des soieries
françaises.

C Déclin de l’industrie des soieries chinoises


La grande quantité de production de soie en Chine est une condition importante
pour la prospérité de l’exportation de la soie chinoise, mais elle ne représente pas le
seul facteur aboutissant à cette prospérité. Une telle grande quantité de soie produite en
Chine peut être aussi utilisée par les fabricants des soieries locales. On a démontré que
la quantité totale de la production de la soie en Chine comptait 123 930 piculs à la veille
de la Guerre de l’opium, beaucoup plus élevée que celle d’autres pays dans le monde.
Cependant, dans cette totalité de production, seulement 9 000 piculs de soie chinoise
sont destinés au marché extérieur 1 , soit 7.26% de la production totale. En 1846, la
quantité de l’exportation de la soie chinoise monte vers les 18 600 piculs (consulter le
tableau II-23), mais elle s’accroît très lentement pendant les années suivantes. Jusqu’à
l’année 1852, 10 ans après l’ouverture de la Chine, le taux d’exportation de la soie
chinoise reste toujours à un niveau très bas. Au début des années 1850, après deux
visites dans les régions rurales chinoises, Robert Fortune, un botaniste écossais célèbre
nous raconte :
« La demande étrangère pour la soie est très facile à satisfaire en Chine, parce qu’il
existe une grande quantité de soie en stock sur le marché chinois. Il faut aussi savoir
que, comme le cas de l’exportation du thé, la quantité de l’exportation de la soie occupe
seulement une toute petite proportion par rapport à celle absorbée par le marché local.

无锡县农村实态调查报告书》 ,1941年,第9-10页,上海市图书馆馆藏资源。)
1 XU Xinwu. L’histoire de l’industrie de la filature de soie en Chine pendant l’époque moderne. Shanghai. Editions

populaires de Shanghai. 1900. p.110. 徐新吾: 《中国近代缫丝工业史》 ,上海:上海人民出版社,1990年,


第110页。
164
Les 17 000 balles de soie exportées par an n’ont guère d’influence sur le prix de la soie
ou les soieries chinoises. »1
Toutefois, ce qui est remarquable est qu’il y a un grand bond de l’exportation de
la soie chinoise en 1853. Selon les données du tableau II-28, la Chine exporte 25 571
piculs de soie à l’étranger en 1852, mais 61 934 piculs en 1853, soit une croissance de
2.5 fois tout à coup. De plus, la quantité de l’exportation de la soie continue à augmenter
après 1853. Au début des années 1860, la quantité totale de la soie chinoise exportée
atteint déjà plus de 80 000 piculs par an.

Tableau II-28 Quantité d’exportation de la soie grège depuis la Chine 1845-1864


(picul )2

Années Quantités Années Quantités


1845-1846 18 600 1855-1856 50 489
1846-1847 19 000 1856-1857 74 215
1847-1848 21 377 1857-1858 60 736
1848-1849 17 228 1858-1859 81 136
1849-1850 16 134 1859-1860 69 137
1850-1851 22 143 1860-1861 88 754
1851-1852 23 040 1861-1862 73 322
1852-1853 25 571 1862-1863 83 264
1853-1854 61 934 1863-1864 46 863
1854-1855 51 468 1864-1865 41 128

Lorsqu’on recalcule la proportion d’exportation de la soie chinoise en 1880, le


résultat est assez impressionnant : la proportion de l’exportation de la soie monte à 50%
en 1880. Pendant 30 ans, le taux d’ouverture de l’industrie de la soie chinoise est
multiplié par cinq, et la quantité absolue de la totalité de l’exportation de la soie est
multiplié par neuf. L’industrie de la soie chinoise n’était pas très dépendante du marché

1 R.Fortune. Two visits to the tea countries of China and the British tea plantations in the Himalaya : with a
narrative of adventures and a full description of the culture of the tea plant, the agriculture, horticulture, and botany
of China. London. Murray. 1853. Vol II. p. 12.
2 A.F.Lindley and Ti Ping Tien Kwoh. The History of the Ti-Ping Revolution, including a Narrative of the Author’s

Personal Adventure. London. .Day& Son. 1866. pp. 696-698.


165
international avant la Guerre de l’opium, même au début des années 1850. Mais 30 ans
plus tard, elle devient un des secteurs de production les plus ouverts de Chine, et son
taux d’ouverture reste très élevé jusqu’en 1915 en se stabilisant à 50-60% (voir le
tableau et le graphique II-29). Que se passe-t-il après 1853 ? Quels sont les facteurs
conduisant à cette transformation pendant ces 30 années ?

Tableau II-29-A Évolution du taux d’ouverture de l’industrie de la soie grège chinoise


1840-1915(picul)1

Années 1840 1880 1898 1915


Production 123 930 163 154 216 846 213 832
Exportation 9000 82 201 108 821 130 389
Consommation intérieure 11 4930 80 953 108 025 83 443
Taux d'ouverture 7.26% 50.26% 50.18% 60.98%

Graphique II-29-B Évolution du taux d’ouverture de l’industrie de la soie grège


chinoise 1840-1915

100%
80%
Poucentage

60% Consommation
40% intérieure

20%
0%
1840 1880 1898 1915
Années

Nous avons démontré dans le premier chapitre, que les nouveaux privilèges

1 Les quantités de la production totale de la soie en Chine viennent du Tableau II-19 ; la quantité de l’exportation
de la soie de Chine en 1840 provient de XU Xinwu. L’histoire de l’industrie de la filature de soie en Chine
pendant l’époque moderne. Shanghai. Editions populaires de Shanghai. 1900. p.110. (徐新吾: 《中国近代缫
丝工业史》 ,上海:上海人民出版社,1990年,第110-111页。) ; les quantités de l’exportation de la soie de Chine
en 1880, 1898 et 1915 viennent de ZHANG Li. La quantité de la production de la soie et l’influence de la croissance
de l’exportation de soie sur l’augmentation des régions de sériciculture en Chine. p. 40. (张丽:鸦片战争前的全国
生丝传亮和近代生丝出口增加对中国近代桑蚕业扩张的影响,《中国农史》 ,2008年第4期,第40页。)
166
obtenus par les traités et conventions entre la France et la Chine entre 1858-60 ne
servent guère à l’expansion commerciale de la France en Chine. Concernant l’échange
de la soie, l’effet des nouveaux privilèges n’est pas non plus évident : dix nouveaux
ports commerciaux conduisent la Chine à une plus large ouverture, mais l’exportation
de la soie chinoise se concentre toujours à Shanghai et Canton après les années 1860,
qui sont déjà ouverts depuis la première Guerre de l’opium. Les autres ports exportent
très peu de soie jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. De plus, bien que les
commerçants étrangers aient obtenu le privilège de faire du commerce dans les
provinces à l’intérieur de la Chine, ils achètent très rarement la soie directement par eux
même. Les maisons chinoises et les compradors jouent toujours le rôle d’intermédiaire
entre les maisons étrangères et les maisons locales jusqu’à la Première Guerre mondiale.
En d’autres termes, les privilèges obtenus par la deuxième Guerre de l’opium sont très
limités, pour ne pas dire « nuls », dans le commerce de la soie.
A long terme, l’expansion de la demande du marché européen va certainement
augmenter l’exportation de la soie chinoise. Mais il faut remarquer que la Chine est
déjà ouverte au début des années 1840, et il n’y a pas de croissance évidente
d’exportation de la soie à ce moment-là. En 1853, la récolte de cocons en Europe et en
France atteint son sommet, les maladies des vers à soie n’ont pas encore ravagé la
sériciculture européenne, et l’importation en grande quantité de la soie asiatique en
Europe n’est pas une nécessité. Mais c’est cette année-là que se passe le « grand bond »
de la quantité de l’exportation de la soie chinoise. En d’autres termes, l’exportation de
la soie chinoise augmente énormément sans l’expansion évidente du marché européen.
De plus, n’importe quelle maison étrangère qui veut importer de la soie en Chine
est obligée d’affronter un grand rival commun : les fabricants de soieries chinoises. Ces
fabricants de soieries en Chine ont déjà établi une relation commerciale très stable avec
des fournisseurs de soies, et ils maîtrisent toujours le prix de la soie. Si l’industrie des
soieries en Chine maintient toujours sa prospérité, il sera très difficile pour les
marchands étrangers d’acheter une quantité considérable de soie dont ils ont besoin. Un
représentant d’une maison américaine (Augustine Heard et Cie) à Shanghai remarque
dans son rapport au début des années 1850 que « le prix de la soie dans les provinces
167
intérieures est très élevé. Nous arrivons à acheter seulement 1 000 balles de soie cette
année parce que le prix demandé par les vendeurs est beaucoup plus élevé que celui que
nous pouvons offrir ».1 Cela, avec les données du tableau II-28, nous prouve qu’au
minimum au début des années 1850, la demande du marché extérieur n’arrive pas à
détruire le monopole de l’industrie textile locale sur l’achat de la soie chinoise.
Également, la croissance de la production totale de la soie chinoise n’explique pas
complètement la croissance de l’exportation de la soie chinoise. À court terme, il y a
un bond de l’exportation de la soie chinoise à partir de 1853, mais il n’y a pas de
mutation de la production de la soie chinoise pendant les années 1850. À long terme,
l’augmentation de la demande du marché extérieur a stimulé la production de la soie en
Chine, mais la croissance de la production de la soie chinoise ne peut offrir qu’une
partie de la croissance de l’exportation de la soie chinoise. De 1840 à 1880, la quantité
de la production de la soie en Chine monte de 110 000 piculs à 163 154 piculs, soit une
croissance de 53 154 piculs ; mais la croissance de l’exportation de la soie chinoise
pendant la même période atteint 73 201 piculs ; en même temps, la quantité de soie
chinoise destinée au marché intérieur de Chine diminue de 101 000 piculs à 80 953
piculs. De ce fait, on peut conclure que, à part la partie provenant de la croissance de la
production, une partie de la croissance de l’exportation de la soie chinoise est au prix
de la diminution de la quantité de la soie chinoise qui était destinée au marché intérieur
de Chine.
Justement, la diminution de la quantité de soie consommée par l’industrie textile
de la soie de Chine, est une autre cause très importante qui conduit au bond de
l’exportation de la soie chinoise après 1853. Bien qu’on ne puisse pas montrer un chiffre
précis (on ne connait pas la quantité de production de la soie en Chine en 1853 à cause
du manque de données), il n’est pas difficile d’estimer que la matière de soie utilisée
par l’industrie textile à l’intérieur de la Chine recule très nettement (au minimum
stagne) à partir de l’année 1853. À long terme, selon le calcul dans le paragraphe
précédent, la quantité de la soie consommée par l’industrie textile de la soie à l’intérieur

1 Les archives d’Augustine Heard et Cie. dans L.M.Li. L’industrie et l’exportation de la soie de Chine pendant
l’époque moderne. p. 84.
168
de la Chine ne revient pas au niveau d’avant la Guerre de l’opium jusqu’à 1880. Une
partie de la soie chinoise qui se vendait sur le marché intérieur change donc de
destination vers le marché extérieur.
Il est facile de comprendre le fait que la quantité de la soie chinoise exportée
s’accroît au prix de la stagnation de l’industrie textile de la soie chinoise. Mais la vraie
question à se poser ici est : pourquoi le nombre des fabricants de soieries en Chine se
réduit en 1853 ? Comment rendre compte du déclinde l’industrie de la soie en Chine à
long terme ? Dans le premier chapitre, nous avons démontré que la Chine n’importe
guère de tissu de soie de France, ni d’autres pays étrangers pendant le 19e siècle, on
pourrait donc confirmer que ce n’est pas la compétition étrangère qui affaiblit
l’industrie de la soie de Chine, comme cela avait été le cas pour le coton en Inde. De
fait, l’élément essentiel qui conduit à la diminution de la production des tissus de soie
en Chine à partir des années 1850 est une guerre civile, la Rébellion de Taiping, qui a
ravagé presque toutes les régions de Chine du Sud.
La rébellion de Taiping est une révolution de paysans contre la cour de l’Empire
Qing, dont l’armée est composée principalement de paysans chinois. Ce mouvement
explose dans la province de Guangxi(广西, au sud-ouest de la Chine) en 1851, et son
influence s’étend très rapidement à presque toutes les provinces du sud de la Chine. En
1853, l’armée de rébellion conquiert Nanjing ( 南京, la capitale de la province de
Jiangsu), et y établit un Royaume nommé Taiping Tianguo (太平天国, dit le Royaume
de Céleste de Paix). En juin 1861, la direction du mouvement décide de continuer à
avancer à l’est. Tout à coup, les rébellions occupent les villes de Suzhou( 苏州),
Hangzhou(杭州), Huzhou(湖州), Jiaxing (嘉兴) et presque toute la région du Lac
Tai(太湖), où se trouve le centre de production des soies et des soieries de Chine. Un
nombre considérable de batailles avec une alternance d’avances et de reculs a lieu
désormais entre les armées de la rébellion et de la cour de Qing dans cette région, sans
cesse jusqu’à la ruine du Royaume en 1864. Soixante millions de chinois sont morts
pendant cette guerre civile de Chine. Ce chiffre est égal à la totalité de la population
tuée pendant la Deuxième Guerre mondiale dans le monde entier.
Pendant cette guerre, la production de la soie diminue à cause des batailles très
169
fréquentes. Selon la mémoire d’un inspecteur de la douane de Shanghai : « un nombre
considérable de mûriers a été coupé, même arrachés par la rébellion, ce qui a conduit
au déclin de la production de la soie pendant une longue période. »1. De l’autre côté,
l’exportation de la soie de Chine augmente très rapidement à partir de l’année 1853
lorsque Nanjing a été conquise par la rébellion (voir le tableau II-28) : de 25 571 balles
en 1852-1853 à 61 934 balles en 1853-1854, puis monte encore à plus de 80 000 balles
en 1858-1859. La quantité de production de soie dans la région de Yangzi a diminué,
mais la quantité de l’exportation de ce produit a augmenté. Cela semble être un
paradoxe, mais on trouvera l’explication facilement si l’on examine la situation de
l’industrie textile de la soie dans cette région pendant la guerre. De fait, pendant la
rébellion de Taiping, les villes dans des provinces de Jiangsu et Zhejiang, où se
concentrent 80% des fabricants des soieries de Chine, sont ravagées par la guerre même
plus sévèrement que la sériciculture. Avant l’attaque de la rébellion à Nanjing(南京), il
existait 35 000 métiers à tisser à l’intérieur de la ville2, et 15 000 en banlieue.3 Mais
« Elle est la première ville attaquée, et la majorité des tisseurs s’enfuient de la ville, ce
qui conduit à une grande récession de l’industrie des soieries à Nanjing. »4 Il n’en reste
que 14 000-15 000 lors de l’attaque de l’armée de Taiping et ce nombre diminue encore
pendant son occupation. 5 La situation de Su Zhou( 苏州 ), où se trouvent 12 000
métiers6 est même pire que celle de Nanjing. Lorsque la rébellion attaque cette ville,
l’armée de Qing brûle la plupart des logements autour la ville sous prétexte des
nécessités de la défense. « Tout à coup, les banlieues à l’extérieur des portes Wu et Jin
de Suzhou, où se concentrait un grand nombre de commerçants autrefois, devient une

1 N.Rondot. L’art de la soie: les soies. Paris. Imprimeries nationales. 1885. p. 71.
2 Nanjing(南京) est alors le plus grand centre de l’industrie textile de Chine. L’un des trois compagnies qui fabrique
les tissus pour la cour de Qing, la compagnie textile de Jiangning (江宁织造局), se trouve justement à Nanjing. Les
deux autres Compagnies qui se trouvent à Suzhou et Hangzhou sont également détruites par la guerre.
3 WANG Hongbin. Les causes de la croissance de l’exportation de soie pendant la rébellion de Taiping. Revue

mensuelle d’historiographie. 1987. N°6. p. 105. (王宏斌:太平天国时期生丝大量出口说明了什么, 《史学月刊》,


1987年第6期,第105页。)
4 Bureau des technologies du Ministère de l’industrie et du commerce. Les notes des enquêtes de la capitale. Nanjing.

Ministère de l’industrie et du commerce de Chine. 1930. p. 11. (工商部技术厅: 《首都丝织业调查记》 ,南京:工


商部,1930年,第11页)
5 N.Rondot. L’art de la soie: les soies. pp. 63-64.
6 ZHANG Li. La quantité de la production de la soie et l’influence de la croissance de l’exportation de soie sur

l’augmentation des régions de sériciculture en Chine. p. 46. (张丽:鸦片战争前的全国生丝传亮和近代生丝出口


增加对中国近代桑蚕业扩张的影响,第46页。)
170
mer de flammes.»1 L’ordre de la société est très perturbé ; des armées et des bandits
pillent la ville. Des tisseurs et leurs patrons s’enfuient à Shanghai. 2 La ville de
Hangzhou(杭州) , capitale de la province de Zhejiang, était aussi l’un des centres de
tissage les plus célèbres en Chine autrefois. « Plus de 10 000 tisseurs travaillaient à
Hangzhou. Après les batailles entre l’armée gouvernementale et la rébellion, la plupart
des tisseurs sont disparus. Il en reste seulement quelques-uns après la destruction de
Taiping. »3 La guerre ravage non seulement l’industrie des soieries des grandes villes,
mais aussi ruine celle des petites villes, et même celle des petits villages. Dans les
communes de la ville de Changan(长安), qui sont très connues pour leurs productions
de soierie, « 70% des bâtiments brûlés ; des blessés allongés sur plusieurs kilomètres
de route ; des milliers d’habitants pillés ou tués».4 Un autre exemple : le total de la
population des sept communes de la ville de Jiaxing(嘉兴府) ( ils sont : Jiaxing 嘉兴,
Xiushui 秀水, Jiashan 嘉善, Haiyan 海盐, Pinghu 平湖, Shimen 石门 et Tonxiang 桐
乡) compte 2 933 764 en 1838, mais diminue à 958 053 en 1863.5 La production des
soieries des villages de Huanjiaxi(黄家溪) et de Wangjiangjing(王江泾), qui sont situés
à côté l’un de l’autre, est très connue avant la rébellion de Taiping. A cause d’une
bataille entre l’armée de Qing et la rébellion qui a eu lieu sur les rives d’un canal à côté
des deux villages, Huangjiaxi est rasé entièrement le 24 avril 1861, et la plupart des
logements Wangjiangjing sont brûlés deux jours plus tard.6
Les maisons qui vendaient la soie aux tisseurs de Jiangsu et Zhejiang perdent en
conséquence la plupart de leurs anciens clients. Elles sont obligées de trouver de
nouveaux clients pour écouler leurs soies. La sécurité du port de Shanghai est assurée

1 LI Shouling. Pao Zhai Yi Gao. Gu Su Ai. Beijing. Edition de Wu Muyuan. 1906. Vol III. pp. 6-7.
李寿龄: 《匏斋遗稿,姑苏哀》,北京:五亩园,1906年,卷三,6-7页。
2 Archives Nationales de Chine (deuxième), Le bureau général de la douane de Chine. Les archives de la douane

ancienne de Chine. Special Series. Silk. n° 103.


3 WANG Hongbin. Les causes de la croissance de l’exportation de la soie pendant la rébellion de Taiping. p. 105.

(王宏斌:太平天国时期生丝大量出口说明了什么,第105页。)
4 YANG Jialuo. Les sources du Céleste Royaume de Taiping. Taibei. Librairie de Dingwen. 1973. Vol 6. p.557.(杨

家骆: 《太平天国文献汇编》 ,台北:鼎文书局,1973年,第6卷,第557页。)


5 LUO Jing. Le marché mondial et la région de l’industrie de la soie de Jiangnan. Journal académique de

l’Université Normale de Shanghai. 2010.05. p.100. (罗婧:世界市场与苏嘉湖蚕桑丝织经济圈, 《上海师范大学


学报》 ,2010年5月,第100页。)
6 WANG Xiang. Une comparaison entre les modernisations des industries de la soie de chine et du Japon. Shjia-

Zhuang. Editions populaires de Hebei. 2002. pp. 420-421. (王翔: 《中日丝绸近代化比较研究》 ,石家庄:河北
人民出版社,第420-421页。)
171
par l’armée de Qing et l’armée étrangère depuis l’année 18601, la rébellion n’ayant pas
réussi à s’emparer de ce port jusqu’à la ruine du Royaume de Taiping. Ces vendeurs de
soie chinoise dans ces deux provinces réorientent leurs débouchés de la soie et
« réussissent à trouver un canal sécuritaire qui mène à Shanghai »2. De plus en plus de
soies sont alors transportées à Shanghai pour les maisons étrangères, ce qui conduit à
la croissance de la quantité de la soie exportée de Chine de 1853 à 1863 dans le tableau
II-28. Cela explique aussi l’évolution du prix de la soie sur le marché de Shanghai après
son ouverture. Pendant la période 1842-1852, les prix de la soie chinoise qui
manifestent une tendance à la croissance ont été décidés par le marché intérieur.
Pendant le mouvement de Taiping, les soies chinoises sont poussées vers le marché
international à cause du déclin du marché intérieur, et leurs prix ont énormément baissé.
Le prix moyen de la soie sur le marché de Shanghai tombe immédiatement de 260
piastres par balle au premier semestre de 1853 à 192 piastres par balle au deuxième
semestre, et à 188 piastres par balle en 1854. Ce prix remonte un petit peu après l’année
1855, mais il ne dépasse jamais 221 piastres par balle encore une fois.3
On a réussi à rétablir très rapidement la production de la sériciculture dans la
région de Yangzi après la ruine du Royaume de Taiping en 1864. Les gouvernements
locaux de Zhejiang, Jiangsu et Jiangxi ont mis en œuvre beaucoup de mesures pour
restaurer les anciennes régions séricicoles et créer les nouvelles régions séricicoles. Les
enquêtes des services de la douane de Shanghai nous font remarquer que « De
nombreux nouveaux mûriers sont plantés depuis la restauration de la paix. La quantité
de la production de la soie est actuellement considérable : elle atteint, sinon dépasse,
déjà le niveau d’avant la rébellion.»4 De fait, la moyenne de la quantité de la production
de Zhejiang pendant 1864-1870 atteint au moins 50 000 piculs par an 5 , qui a déjà

1 Après la deuxième guerre de l’opium 1856-1860, la cour de Qing et les puissances occidentales reprennent leurs
relations amicales.
2 LSHII Kanji. Le commerce de la soie à Nanxun pendant l’occupation de Taiping. 87-89. dans LI M Lillain.

L’industrie et l’exportation de la soie de Chine pendant l’époque moderne. p. 120.


3 YAO Xiangao. Les sources de l’histoire du commerce de Chine pendant l’époque moderne. p. 576. (姚贤镐: 《中
国近代对外贸易史料1840-1895》 ,第576页。)
4 Archives Nationales de Chine (deuxième), Le bureau général de la douane de Chine. Les archives de la douane

ancienne de Chine. Special Series. Silk. No. 103.


5 Selon SUZUKI Jisho, Recherches sur le mouvement de modernisation de la Chine, p. 228(铃木智夫: 《洋务运
动の研究》 ,东京:汲古书院,1992年,第382页), la moyenne de la quantité de la soie de Zhejiang exportée par
172
dépassé le niveau d’avant la guerre civile. Selon les statistiques de Natalis Rondot, la
quantité totale de la production des cocons en Chine se monte à 163 154 piculs en 1880,
dont les productions de Zhejiang occupent 63 500 piculs, encore plus élevées que le
niveau des années 1860.1
De l’autre côté, la prospérité de l’industrie des soieries est définitivement disparu
dans les villes et villages aux deux provinces après cette guerre civile. Selon les données
du tableau II-30, en 1880, vingt ans après la fin du mouvement de Taiping, la quantité
de la consommation de matière de soie dans cette région ne compte que 23 944 piculs,
restant encore à 1/4 du niveau des années avant 1853. Le nombre de métiers à tisser des
provinces de Zhejiang et Jiangsu diminue de 92 134 en 1852 à 26 904 en 1854. Dans
les trois anciens centres de l’industrie textile de Chine, Nanjing, Suzhou et Hangzhou,
le nombre de métiers à tisser diminue respectivement à 1/10, 1/4, et 1/7 du niveau de
1852. La quantité de la production des soieries descend en même temps à 1 593 138
rouleaux (匹) en 1880, inférieure à celle-ci en 1852.

Tableau II-30 Comparaison des quantités des productions des soieries entre l’année
1880 et les années avant la rébellion2

1852 1880
métiers Production des soieries(rouleaux) consommation de la soie(piculs) métiers Production des soieries(rouleaux) consommation de la soie(piculs)
Nanjing 50 000 2 000 000 55 687 5 000 200 000 6 188
Suzhou 12 000 330 552 10 600 3 000 82 638 2 944
Zhenjiang 1 250 80 300 927 1 250 80 300 927
Shengze 5 350 600 000 3 881 8 000 900 000 5 974
Danyang 200 13 750 290
Hangzhou 20 000 359 250 12 931 3 000 71 650 2 586
Huzhou 4 080 480 000 8 620 4 000 204 000 4 310
Shaoxing 1 600 32 500 422 1 600 32 500 422
Jiaxing 225 000 1 456 6
Ningbo 848 84 000 303 848 84 00 303
Total 92 134 4 043 002 94 827 26 904 1 593 238 23 944

Shanghai atteint 30 825 piculs par an de 1856 à 1870. L’auteur de cette thèse croit que la quantité de la soie exportée
ne devrait pas dépasser 70% de la quantité de la production totale, donc 50 000 piculs par an est déjà une estimation
très réservée.
1 N.Rondot. L’art de la soie: les soies. p.194.
2 ZHANG Li. La quantité de la production de la soie et l’influence de la croissance de l’exportation de soie sur

l’augmentation des régions de sériciculture en Chine. p. 46. (张丽:鸦片战争前的全国生丝传亮和近代生丝出口


增加对中国近代桑蚕业扩张的影响,第46页。)
173
La proportion de la soie exportée continue à augmenter après les années 1880. Elle
monte à environ 61% de la production totale à la veille de la Première Guerre mondiale.1
Attaqué par la guerre civile de Chine pendant 1851-1864, le marché intérieur de la soie
en Chine chute rapidement. De plus en plus de soies produites à Zhejiang et Jiangsu
sont désormais transportées à Shanghai pour l’exportation. L’écoulement de la soie
chinoise dépend de plus en plus du marché international. Si on dit que la Guerre de
l’opium a ouvert la porte de la Chine, on pourrait aussi dire que la rébellion de Taiping
a ouvert le commerce extérieur de la soie de Chine.
En conclusion, grâce à l’abondance de la main-d’œuvre, le bénéfice élevé de la
sériciculture et les politiques d’encouragement du gouvernement, la Chine garde
toujours son avantage sur la quantité de la production de la soie dans le monde pendant
le 19e siècle. Cependant, la croissance de l’offre de la soie chinoise sur le marché
mondial est non seulement due à l’augmentation de la production séricicole chinoise,
mais aussi au prix de la diminution de la consommation de la matière de soie en Chine.
L’industrie textile de la soie chinoise est presque complètement détruite par les guerres
civiles pendant la rébellion de Taiping, tandis qu’elle ne se restaure pas jusqu’à la fin
du siècle . De ce fait, à partir des années 1850, une quantité bien plus importante de
soie chinoise est tout à coup disponible pour le marché extérieur, et le taux d’exportation
de l’industrie reste très élevé pendant le reste du siècle. Avec le gros déficit de la matière
de soie qui débute au milieu des années 1850 à cause de la maladie des vers à soie, les
fabricants des soieries de France décident d’augmenter l’importation de cette matière
de l’étranger. A ce moment précis, l’offre de Chine correspond justement à la demande
de la France, ce qui devient l’origine de la prospérité du commerce de la soie entre les
deux pays. Dans le prochain chapitre, nous allons constater les rôles joués par les
intermédiaires commerciaux dans le commerce franco-chinois ainsi que les relations
entre ces intermédiaires.

1 Idem. p. 40.
174
Chapitre III Maisons commerciales dans le commerce
de la soie grège entre la France et la Chine

P.Verley a affirmé dans son ouvrage L’Echelle du monde, les négociants jouent un
rôle très important dans le commerce international de longue distance à l’époque
moderne.1 A la suite des recherches sur l’offre-demande du commerce de la soie entre
la Chine et la France, nous allons aborder, dans ce présent chapitre, des intermédiations
connectant les marchés de soie situant des deux côtés du continent euro-asiatique du
19e siècle. Comme montré dès le premier chapitre, l’expansion du commerce de la
France sur le marché chinois a été grandement influencée par l’existence de la
compétition de l’Angleterre. Dans un premier temps, nous allons donc discuter du rôle
des négociants anglais et du marché de Londres dans le commerce « indirect » de la
soie entre la Chine et la France avant les années 1870. J-F. Klein a indiqué dans sa thèse
Soyeux en Mer de Chine : statégies des réseaux lyonnais en Extrême-Orient(1843-1906)
que la Monarchie de Juillet au second Empire, un groupe de Libéraux, influencé par le
sint-simonisme, ont, dans le cadre de la concurrence avec les Britanniques, mis en place
leur propre route de la soie.2 En suivant le processus de circulation de la soie depuis
les producteurs chinois aux fabricants des soieries en France, dans un deuxième temps,
nous analyserons les rôles des négociants au sein du commerce « direct » de la soie
franco-chinois avant et après les années 1870 : qui fait le commerce de la soie franco-
chinois du 19e siècle ? Quel est leur importance dans l’échange ? Quelles sont les
relations parmi les différents intermédiaires dans différentes étapes du commerce ?
Pourquoi telle relation ou telle composition ?

1 P.Verley. L’Echelle du monde. p. 182.


2 J-F.Klein. Soyeux en Mer de Chine: Stratégies des réseaux lyonnais en Extrême-Orient (1843-1906). Thèse
soutenue à l’Université Lyon 2. 2002. p.3.
175
III-1 Echange indirect par le marché de Londres et la domination des

maisons étrangères de l’exportation de la soie grège chinoise avant les

années 1870

La Grande Bretagne est le plus important point de distribution des matières


premières et des produits semi-finis de l’Europe pendant la période de la Révolution
industrielle. Selon R.Findlay et K.H.O’Rourke, la proportion de la réexportation
occupe toujours environ 20% de la totalité de l’exportation de la Grande Bretagne de
la fin du 18e siècle au milieu du 19e siècle, tandis que la valeur de sa réexportation
augmente de 7 million à 21 million de pounds pendant cette même période. A ce
moment-là, les matières premières provenant du monde entier, de l’Inde à l’Amérique
latine, des États-Unis à l’Afrique du Sud, entrent dans l’Europe souvent par la Grande
Bretagne.1 De fait, jusqu’au milieu du 19e siècle, l’importation de la soie chinoise vers
la France passe également le plus souvent par Londres. Selon les données du chapitre
II, même s’il y a déjà l’échange du commerce direct ( de la soie sans passer par d’autres
pays ) pendant le 17e siècle, les importations régulières des soies chinoises de Chine en
France ne débutent qu’à partir de l’année 1852, où 85 balles de soie grège sont
envoyées par Rémi de Shanghai à Lyon. Avant cette date, des échanges directs de ce
type de matière première entre ces deux pays sont très rares: aucun document n’existe
sur l’échange direct de soies entre la France et la Chine entre 1800-1830 seulement
6 700 kilogrammes de soies chinoises sont envoyées directement en France de 1830 à
1836 la soie n’apparait qu’une seule fois sur les listes d’échanges entre les deux pays
de 1837 à 1851 (494 kilogrammes de soie grège en 1845). En réalité, cette rareté de
l’échange direct ne signifie pas l’inexistence de l’utilisation des soies chinoises en
France. Les français commencent à fabriquer leurs soieries en utilisant de grandes
quantités de soies chinoises beaucoup plus tôt que l’année 1852, parce que des
commerçants de soies de France ont l’habitude à cette époque à acheter les soies

1R.Findlay and K.H.O’Rourke. Power and plenty. Trade, war, and the world economy in the second millennium.
New Jersey. Princeton University Press. 2007. p. 327.
176
chinoises indirectement par le marché de Londres, lequel est le plus grand port de
distribution de soie de l’Europe avant le milieu du 19e siècle. Londres, en conséquence,
devient l’intermédiaire le plus important du commerce de la soie entre la France et la
Chine à l’époque.
P.Cayez, dans son ouvrage sur l’industrie de Lyon du 19e siècle, a déjà mentionné
la réexportation de la soie de Londres à Lyon.1 Dans cette section, nous allons préciser
ce problème en observant plusieurs questions : Comment évolue la position de la soie
chinoise sur le marché de Londres ? A partir de quel moment la France commence à
importer colossalement la soie chinoise par Londres ainsi qu’à partir quel moment
l’échange direct de la soie entre la France et la Chine commence à prendre la place ?
Pourquoi la soie chinoise est souvent importée en France par Londres pendant cette
époque ? Par quels intermédiaires (quelles maisons commerciales) ? Dans le contexte
des échanges multilatéraux, qu’est-ce que la France exporte à l’Angleterre pour
compenser l’importation de soies chinoises par Londres ? Pourquoi les marchands de
la soie français renoncent plus tard au marché de Londres ?

A Dynamique de l’exportation de la soie chinoise vers l’Angleterre


Les maisons anglaises sont les plus grands importateurs étrangers de la soie
chinoise à Canton dès le début du 19e siècle. Selon le tableau III-1-A, ils maitrisent plus
de 90% des soies chinoises exportées de Chine vers le monde occidental de 1819 à 1832.
Avant l’année 1834, c’était la Compagnie anglaise des Indes orientales qui représentait
l’intérêt commercial de l’Angleterre en Chine. Cependant, l’exportation de la soie
n’était jamais son activité commerciale la plus importante en Chine pendant les
premières décennies du 19e siècle. A partir de la mise en œuvre de la Commutation Act
en 1784, laquelle a réduit le droit de douane sur le thé importé en Angleterre, le prix du
thé s’en est trouvé diminué de beaucoup, ce qui a énormément stimulé la croissance de
la consommation du thé des anglais. La Compagnie exportait désormais de plus en plus
de thé de Canton.2 En revanche, à partir de cette date, la proportion du commerce de la

1 P.Cayez. Crise et croissance de l’industrie lyonnaise 1850-1900. Paris. Editions du CNRS. 1980. p.31.
2 H.B.Morse. the Chronicles of the East India Company 1635-1834. Vol.1, p.44-46.
177
soie devient moins importante pour la Compagnie. Pendant les années 1775-1785, la
soie compose en moyenne 31% des valeurs d’échange de la Compagnie avec la Chine,
mais cette proportion diminue à moins de 10% de 1785 à 1795.1 Au début du 19e siècle,
les quantités des soies exportées par la Compagnie n’augmentent guère (voir le tableau
III-1-C) malgré une croissance très forte au niveau des valeurs d’échange générales
entre les deux pays.
Le tournant du commerce de la soie entre l’Angleterre et la Chine se passe en 1825,
où la Compagnie anglaise des Indes orientales permet à des négociants anglais
individuels de s’engager dans ce commerce.2 A partir de cette année, la croissance de
l’échange de soie commence à apparaître sur le relevé commercial entre les deux pays
(lisons le tableau III-1-C). Cette tendance se manifeste de façon évidente à partir de
l’année 1834, où la Compagnie perd l’exclusivité commerciale en Chine. En 1837, la
valeur totale de la soie exportée du Canton en Angleterre dépasse 1 808 000 livres
anglaises, soit 2.5 fois la valeur la plus élevée pendant l’époque du monopole de la
Compagnie. La mise en œuvre du libéralisme commercial de l’Angleterre en Extrême-
Orient, autrement dit, l’engagement des maisons indépendantes et des négociants
individuels, est le début de la prospérité de l’exportation de la soie chinoise.

Tableau III-1-A Proportions des soies chinoises exportées au Royaume-Uni dans le total
des quantités de soies d’exportation de Chine (picul)3

1 E. H. Pritchard. The crucial years of early Anglo-Chinese relations. 1750-1800. Washington. Octagon Books. 1936.
p.166.
2 YAN Zhongping. Sources des statistiques de l’histoire économique de la Chine pendant l’époque moderne. Beijing.

Editions des sciences sociales de Chine. p.1. (严中平: 《中国近代经济史统计资料选辑》 ,北京:中国社会科学


出版社,2012年,第1页。)
3 Les données de 1811 à 1830 proviennent de LU Fuding. L’histoire du commerce de Chine. Taibei. Editions

d’Antiquité Centrale. 1985. pp. 72-73 ;


178
Royaume-Uni Etats-Unis Pays-bas Total Proportion du Royaume-Uni
1819 3 618 507 4 125 87.71%
1820 3 625 100%
1821 6 032 100%
1822 5 178 70 5 248 98.67%
1823 3 211 100%
1824 3 595 95 3 690 97.43%
1825 6 985 545 7 530 92.76%
1826 4 186 260 4 446 94.15%
1827 3 570 267 3 837 93.04%
1828 7 248 328 7 576 95.67%
1829 5 990 347 130 6 467 92.62%
1830 6 668 285 100 7 053 94.54%
1831 60 109 169 35.50%
1832 221 144 365 60.55%

Graphique III-1-B Proportions des soies chinoises exportées au Royaume-Uni dans le


total des quantités des soies d’exportation de Chine (picul)
8000

7000

6000

5000

4000

3000

2000

1000

0
1819 1820 1821 1822 1823 1824 1825 1826 1827 1828 1829 1830 1831 1832

Royaume-Uni Etats-Unis Pays-bas

Tableau III-1-C Quantités des soies exportées de Chine au Royaume-Uni 1811-1855


(en livres anglaises)1

1 Les données de 1811 à 1830 proviennent du Tableau III-1-A. (鲁傅鼎: 《中国贸易史》 ,台北:中央文物供应
社,1985年,第72-73页。)
Les données de 1831 à 1840 proviennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce
extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°1. p. 60 ;
Les données de 1841 à 1847 proviennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce
extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°15. p. 3. p.13-14 ;
Les données de 1848 à 1855 proviennent de Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce
extérieur, Chine et Indochine, Faits commerciaux n°24. p.45.
La livre anglaise =0.453 kilogramme.
179
Années Quantités Années Quantités Années Quantités
1811 120 795 1826 554 437 1841 277 093
1812 259 858 1827 472 848 1842 180 124
1813 273 113 1828 960 000 1843 264 301
1814 409 669 1829 793 377 1844 339 793
1815 85 003 1830 883 179 1845 1 169 643
1816 87 284 1831 8 000 1846 1 834 310
1817 280 397 1832 28 000 1847 2 913 907
1818 297 086 1833 22 000 1848 1 722 800
1819 479 250 1834 583 000 1849 1 613 100
1820 480 132 1835 758 000 1850 2 214 300
1821 798 940 1836 1 282 000 1851 2 304 000
1822 685 828 1837 1 808 000 1852 2 557 100
1823 425 298 1838 720 000 1853 6 194 000
1824 476 159 1839 361 000 1854 5 148 600
1825 925 165 1840 248 000 1855 5 648 900

Graphique III-1-D Les quantités des soies exportées de Chine au Royaume-Uni 1811-
1855 (en livres anglaises)

Quantités
7000000

6000000

5000000

4000000

3000000

2000000

1000000

La tendance d’augmentation de l’exportation des soies chinoises au Royaume-


Unis est interrompue momentanément par la guerre d’opium sino-anglaise (1840-1842).

180
Selon les notes du Canton Register1, après que le vice-roi de Guangdong et Guangxi
Lin Zexu (林则徐) prononce la prohibition du commerce d’opium en 1839, il n’y a que
17 étrangers qui restent à Canton , dont la plupart sont américains2. Cela explique le
recul du commerce des soies entre la Chine et le Royaume-Uni représenté par le
graphique III-1-D. Cependant, la relation commerciale normale entre des deux empires
reprend très rapidement après la fin de la guerre. Grâce à la signature du Traité de
Nanjing, la cour de Qing a supprimé la politique de la limitation sur l’exportation de la
soie en 1842. L’ouverture du port de Shanghai au commerce international en 1843
(lequel se situe justement à côté de la plus grande région de production de la soie de
Chine) a également puissamment stimulé la progression de l’exportation de la soie de
Chine au Royaume-Uni. De 1844 à 1855, des quantités exportées des soies chinoises
vers la Grande-Bretagne bondissent de 339 793 livres à 5 648 900 livres, qui est même
trois fois plus élevé que le sommet de l’époque du commerce de Canton (18 808 000
livres en 1837).
De plus, grâce à son avantage absolu du transport maritime de longue distance par
rapport aux autres pays et la présence de ses maisons commerciales (nous allons revenir
vers ces points par la suite), le Royaume-Uni maintient toujours la première place parmi
tous les exportateurs des soies chinoises du monde occidental. En 1846, une valeur de
7 946 000 francs de soies chinoises est exportée aux pays occidentaux, dont 7 789 000
francs est absorbée par le Royaume-Unis.3 Pendant la période de 1852-1853, lorsque
Rémi envoie 85 balles de soies chinoises de Shanghai en France, des négociants anglais
y en achètent 31 391 balles4, tandis que des négociants américains importent seulement
2 224 balles.5

Tableau III-2 Différentes origines de soies importées en Angleterre 1842-1856 (en

1 Le Canton Register était un journal en anglais fondé par des marchands écossais James Matheson, son neveu
Alexander Matheson et William Wightman Wood à Canton en 1827.
2 G.Lanning and S.Couling. The History of Shanghai. Shanghai. Press de Kelly & Walsh. 1921. pp.166-167.
3 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°14. p. 9.
4 La « balle » égale environ 100 kilogrammes.
5 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°22. p. 14 ;
181
milliers de pounds)1
Pays 1842 1852 1853 1854 1855 1856
Pays-Bas 364 271 182 156 96 92
France 1 156 172 275 148 139 158
Malte 11 70 99 139 67 62
Turquie 731 570 621 214 154 179
Egypte 911 1 863 1 540 773 2 514
Indes 1 360 1,335 539 697 884 610
Chine 180 2 148 2 838 4 577 4 437 3 724
Total 3 952 5 883 6 431 7 535 6 619 7 384

Dans un même temps, la soie chinoise joue le rôle de plus en plus important au
marché de Londres. Jusqu’au début des années 1840, les soies grège de la France et de
l’Inde représentent ensemble la plupart de l’importation d’Angleterre (consulter le
tableau III-2). En revanche, la soie chinoise prend une proportion peu importante dans
le marché de Londres à ce moment-là. Avec l’ouverture de la Chine depuis 1842 et la
chute de la sériciculture européenne au début des années 1850, la valeur de la soie
chinoise commence à composer plus de la moitié de l’importation des soies au
Royaume-Uni. La soie chinoise occupe en moyenne 51.77% de la valeur totale des
soies importées en Angleterre de 1852 à 1856, et cette proportion n’est jamais au-
dessous de 50% avant l’année 18902. Il est donc possible d’affirmer sans exagération
qu’à Londres, où se trouve l’un des plus grands marchés de soies du monde, on peut
trouver constamment des quantités considérables de soies chinoises.

B Réexportation de la soie chinoise vers la France par Londres


Malgré une grande quantité d’importation de la soie chinoise, l’industrie des
soieries en Angleterre ne peut en absorber qu’une petite partie. En d’autres termes, la
plupart de la soie chinoise qui est arrivée à Londres est en réalité destinée la

1 North China Herald. Le 22 août 1857. Fonds de la Bibliothèque de Shanghai. (« 北华捷报 »,1857年8月22日,
上海图书馆馆藏资源)
2 Consulter le Tableau II-4.

182
réexportation vers les autres pays européens, ou même pour les États-Unis 1. Prenons
l’exemple des années 1840-1846. Le Royaume-Uni a importé en total 4 313 015 livres
de soie grège chinoise de 1840 à 1846, mais il n’y en reste que 1 440 572 livres sur son
territoire pendant les mêmes années, 32 949 livres de soie moulinée y sont transportées,
dont seulement 15 883 livres sont achetées par des fabricants des soieries domestiques.2
C’est-à-dire qu’environ deux tiers de la soie grège et la moitié de la soie moulinée
importées au Royaume-Uni sont pour la réexportation vers d’autres pays au lieu de la
production industrielle.
La faiblesse de l’absorption de l’industrie textile de la soie s’explique par sa
capacité de production, dont l’expansion est strictement limitée par l’industrie textile
de la soie la France. De fait, bien que l’industrie textile de la soie en Angleterre,
concentrée dans plusieurs villes comme Spitalfields, Lancashire, Manchester et
Londres, se développe très rapidement pendant la première moitié du 19e siècle3--- le
nombre de métiers employés à la fabrication des tissus de soie monte de 5 500 en 1823
à 12 000 en 1828 et à 18 000 en 1834,4 elle se situent toujours à une position inférieure
par rapport à la France, dont le nombre des métiers à tisser atteint 30 000 en 1825 et 40
000 en 1834.5 Avec la domination des soieries françaises sur les marchés européen et
américain pendant la plupart du 19e siècle, il est très difficile pour les soieries anglaises
de pénétrer dans les marchés étrangers. Après l’abolition de la prohibition d’importation
des soieries françaises au Royaume-Unis et la pénétration des soieries françaises au
Royaume-Unis, l’industrie britannique perd son dernier marché---le marché
domestique. La plupart des soieries anglaises sont ruinées par leurs concurrents
lyonnais : le nombre des ouvriers des soieries en Angleterre, en conséquence, tombe de
130 000 en 1851 à 30 000 en 1907.6 Avec une capacité de production plutôt modeste,

1 Avant l’achèvement des travaux du chemin de fer américain de l’Ouest à l’Est, on transporte souvent des
marchandises asiatiques aux États-Unis par la voie atlantique.
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°15. p. 3. p.13-14.


3 S.H.R.Jones. Technology transaction costs and the transition to the factory production in the British silk industry.

Journal of economic history.1987. n°47. p.85.


4 A.D Négociant. Membre de la Chambre de commerce de Lyon. Un mot sur les fabriques étrangères de soierie. A

propos de l’exposition de leurs produits faite par la chambre de commerce de Lyon. Lyon. Librairie de Mme. Duval
et M. Bohaire. 1834. p. 54-55.
5 E.Hamaide. La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle. p.9
6 L.Gueneau. Lyon et le commerce de la soie. Thèse soutenue devant la Faculté de droit de l’Université de Lyon.

183
l’Angleterre est en réalité le plus grand centre de distribution ces matières premières
vers les autres pays occidentaux.
Des négociants de soies français achètent régulièrement les soies au marché de
Londres. Avant la pébrine, ils s’habituent à vendre les soies françaises de qualité
supérieure au marché à l’Angleterre, puis y importent des soies de qualité inférieure,
les soies chinoises incluses. Avec la croissance de la fourniture des soies chinoises à
Londres après l’ouverture de Chine en 1842, de plus en plus de soies chinoises sont
amenées en France par Londres. D’après les données du tableau V-3, il y a une très forte
croissance au niveau des quantités absolues des soies chinoises réexportées du
Royaume-Uni en France après l’année 1843. Toutefois, il faut remarquer qu’avant
l’explosion de la pébrine, la part de la France dans toutes les soies chinoises amenées
au marché de Londres ne prend qu’une toute petite proportion : moins de 4% pendant
les années 1843-1853. Même pendant les premières deux années de l’apparition de cette
épidémie (1854-1855), il y seulement une légère élévation : 5.10% en 1854 et 6.18%
en 1855. Les soies chinoises n’affluent vraiment en France par le marché de Londres
qu’après la chute complète de la sériciculture française. En 1858 et 1859, plus de la
moitié des soies chinoises sur le marché de Londres sont réexportées en France. Les
quantités absolues montent de 158 240 kilogrammes à 3 800 000 kilogrammes de 1855
à 1859, soit une augmentation de 24 fois en quatre années. En dehors des soies chinoises
achetées par les fabricants de soieries au Royaume-Uni (environ 1/3 de la totalité), on
pourrait conclure que presque toutes les soies chinoises réexportées de Londres à
l’étranger sont alors destinées en France.

Tableau III-3 Proportions des quantités des soies chinoises réexportées du Royaume-
Uni en France dans le total des quantités des soies chinoises importées au Royaume-
Unis entre 1843-1859. (en kilogrammes)1

Lyon. Imprimerie L.Bascou. 1923. p. 54.


1 Les données de toutes les soies chinoises importées en Angleterre 1843-1855 proviennent du tableau III-1-B. La

livre anglaise =0.453 kilogramme ;


Les données des soies chinoises réexportées du Royaume-Uni en France 1843-1855 proviennent de Lamb S. La
soie, c’est de l’or. Lyon. Bureaux du courrier de Lyon. 1856. p.71-72.
Les données de 1858-1859 proviennent de N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du
commerce. Rapport sur l’industrie des soies et des soieries. Paris. Imprimerie impériale. 1861. p.18.
184
Années Total au Royaume-Uni réexportation en France Pourcentage
1843 119 178 3020 2.53%
1844 153 926 4065 2.64%
1845 529 848 10 290 1.94%
1846 830 942 23 546 2.83%
1847 1 320 000 29 996 2.27%
1848 780 428 29 789 3.82%
1849 730 734 28 814 3.84%
1850 1 003 078 29 275 2.92%
1851 1 043 712 32 187 3.08%
1852 1 158 366 44 550 3.85%
1853 2 805 882 68 900 2.46%
1854 2 332 316 1 18 840 5.10%
1855 2 558 951 158 240 6.18%
1858 2 400 000 1 330 000 55.41%
1859 7 300 000 3 800 000 52.05%

Des fabricants de soieries en France continuent à dépendre du marché de Londres


pendant les années 1860. Selon l’estimation du Ministère du commerce et de
l’agriculture français, il y a encore environ 45 millions de francs de soies grèges
chinoises exportées par Londres en France en 1858.1 En 1865, la France a importé, une
somme de 140 million de francs de la soie grège d’Angleterre, dont 75 millions en
provenance de Chine.2 Le marché de réexportation de la soie à Londres se maintient
toujours sa prospérité même pendant les premières années après l’ouverture de
l’ouverture du Canal de Suez. A l’année 1871, Londres a reçu 2 500 000 kilogrammes
de soies chinoises, japonaises et bengalaises, représentant une valeur de 135 million de
francs, dont 90 millions francs de soie pour la France, et 45 millions francs aux
fabricants de soieries domestiques et aux autres pays occidentaux. Parmi ces soies
provenant de divers pays, au moins de 55% sont des soies chinoises.3
Par rapport à la quantité de soie chinoise achetée par Londres, celle importée

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°27, p. 4.
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°40, p. 30.


3 P. Ernest. Chambre de commerce de Lyon. Question du droit d’entrée sur les soies, Rapport par les délégués.

Lyon. Imprimerie de Barret. 1871. p.12.


185
directement en France est beaucoup plus modeste pendant cette période. En 1858, les
français ont reçu 1 330 000 kilogrammes de soie chinoise par Londres, mais n’en ont
importé directement de Chine que 17 000 kilogrammes. 75 millions de francs de soie
chinoise ont été envoyés d’Angleterre en France en 1865, tandis que seulement 18 376
000 francs de soie ont été importés de Chine en France par le commerce direct pendant
cette année (commerce spécial). 1 Le commerce direct de soie entre la France et la
Chine ne prend graduellement la position supérieure qu’au début des années 1870. Les
anglais réexportent presque 50 millions francs de soies chinoises en France à l’année
1871. Pendant la même période, 80 millions de francs de soies asiatiques arrivent
d’Asie directement à Marseille,2 dont au minimum 4/5ème proviennent de Chine. On
pourrait donc conclure que, pendant les années de 1854 à 1870, le marché de Londres
est le plus important intermédiaire dans les échanges de la soie entre la France et la
Chine.

C Pourquoi importer par Londres?


Pourquoi avant les années 1870 les Français importent-ils la soie chinoise par le
marché de Londres au lieu de l’importer directement ? Des rapports des délégués
commerciaux français en Chine au Ministère du commerce et de l’agriculture avant les
années 1870 offrent leurs points de vue sur les raisons de la prospérité du marché de
soies de Londres ainsi que les faiblesses du commerce direct de la soie entre la France
et la Chine avant les années 1870.
1. Le premier élément à prendre en compte selon eux est l’avantage de la
navigation. Un délégué commercial de France à Shanghai a écrit dans son rapport le 28
février 1865 :
« Les rapports de la Chine étant beaucoup plus fréquents avec l’Angleterre
qu’avec la France, on trouve toujours un navire en partance pour un des ports anglais,
tandis que les départs pour nos ports sont extrêmement rares…les expéditions de soies,
se faisant partiellement au compte des diverses maisons engagées dans cette branche

1 Consulter le tableau II-7 dans le chapitre II.


2 P. Ernest. Chambre de commerce de Lyon. Question du droit d’entrée sur les soies, Rapport par les délégués. p.12.
186
de commerce, ne sont jamais assez considérables pour pouvoir fréter en entier un navire.
Quant aux bâtiments à vapeur se rendant en Angleterre, ils sont également les plus
nombreux. »1
Nous allons montrer dans le chapitre IV que le coût de transport des navires anglais
est déjà beaucoup inférieur à celui des navires français pour le voyage vers la Chine
avant la création de la nouvelle ligne de Messagerie Maritime pour la Chine et
l’ouverture du Canal de Suez. Le délégué fait remarquer qu’à part le coût de transport,
le plus grand nombre de navires constitue aussi un avantage de l’Angleterre. Il montre
que, chaque navire ne charge souvent qu’une petite quantité de soies lorsqu’on les
expédie en Europe de Chine (à cause de la valeur très élevée de la soie, les acheteurs
ne veulent pas envoyer toutes les soies sur un même bateau pour des raisons de sécurité),
de fait il faut beaucoup de navires si l’on compte transporter une grande quantité de
soies. Les bateaux qui naviguent entre la Chine et l’Angleterre sont plus nombreux que
ceux entre la Chine et la France, on transporte donc plus de soies chinoises en Europe
par marché de Londres.
En effet, selon des statistiques montrées dans le Chapitre IV, avant les années 1870
(et même après), les performances des navires français sont encore beaucoup plus
modestes comparées à celles de l’Angleterre. Il y a 237.6 bateaux commerciaux français
en moyenne qui naviguent entre la France et la Chine chaque année de 1866 à 1870,
tandis que la moyenne du nombre des navires anglais qui vont en ou rentrent de Chine
se monte à 7 341.8. 2 L’infériorité du transport maritime de longue distance est
effectivement une raison pour la fréquence des commerçants de soie français au marché
de Londres.
2. « Mais, ce qui, surtout, est la cause de l’expédition indirecte pour la France »,
le délégué continue, « c’est l’importance du commerce anglais à Shanghai. La plupart
des grandes maisons de Londres y sont représentées, et, avec leurs immenses capitaux,
elles peuvent entreprendre des opérations sur une très grande échelle en se contentant

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°38. p. 48.
2 On peut obtenir les deux moyennes d’après le tableau III-12.

187
des bénéfices produits par l’intérêt élevé qu’obtient leur argent. »1 Ici, le délégué a
mentionné le problème de l’installation des maisons ou des comptoirs en Chine. Il
affirme que c’est la cause essentielle de la prospérité du marché de soies de Londres et
l’infériorité du commerce direct de soie franco-chinois.
En réalité, ce délégué n’est pas la seule personne ayant abordé ce problème. Dans
une lettre du Ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics adressée
aux principales Chambres de commerce en France en septembre 1864, il y a plus de
discussions sur la supériorité des maisons anglaises et américaine ainsi que l’infériorité
des maisons françaises en Chine. Le Ministre tient le même point de vue que le délégué
précédent en nous racontant la situation de la rareté des comptoirs français en Chine à
l’instant. Selon son opinion, c’était un plus grand obstacle de commerce direct de soies
de France avec la Chine. En même temps, il indique la raison de cette rareté :
« Messieurs, la question des causes véritables et permanentes de notre infériorité
dans le commerce avec la Chine est de celles que mon département ne saurait perdre de
vue, et sur lesquelles ne doit pas s’endormir non plus l’attention des centres industriels
les plus intéressés à la résoudre. Permettez-moi donc d’ajouter quelques considérations
à celles qui ont fait l’objet de ma précédente communication.
« On a dit souvent et avec raison que le luxe d’installation et l’ampleur de moyens
d’action déployés par les grands maisons anglaises et américaines qui monopolisent, en
quelque sorte, le commerce de la Chine, est moins de résultat d’une ostentation vaine
qu’une habile tactique pour écarter les concurrents. En effet, aux yeux de la population
indigène comme à ceux de la colonie étrangère, dans toute ville chinoise ouverte aux
relations du dehors, le crédit commercial s’établit d’après l’étendue des dépenses. Des
conditions de succès aussi onéreuses ont tellement découragé jusqu’ici ceux de nos
nationaux qui ont tenté de fonder des comptoirs, ou de se livrer au trafic des
marchandises en ce pays, qu’on y voit à peine une centaine de négociants français
disséminés dans tous les ports. Sur ce nombre, 80 environ résident à Shanghai et Ning-
Po ; Canton, Tien-Tsin et Tché-Fou en comptent chacune un ou deux ; il ne paraît pas y

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°38. p. 49.
188
en avoir à Amoy, Fou-Tchou, Kien-Kiang, Tchin-Kiang et Formose. A Han-Kao, notre
contingent est également des plus minimes.
« Telle étant la situation, messieurs, mon département s’est demandé comment elle
pourrait être améliorée. Il est facile de comprendre qu’un fabricant achète de préférence
ses soies à Londres, du moment que l’entretien à Shang-Haï d’un agent qui les lui
expédierait directement entrainerait une dépense supérieure aux frais de commission,
de transport et autres, occasionnées par l’entremis du marché anglais. Mais où les
efforts industriels seraient impuissants, l’association, conçue et pratiquée sur de large
bases aurait des chances certaines de triompher.»1
D’après le Ministre, l’infériorité des comptoirs français en Chine est d’abord due
aux concurrences (même monopoles) des grandes maisons anglaises et américaines, ce
qui découragent amplement les compagnies françaises ou négociants français
d’installer une maison en Chine. Ce sont en effet des maisons anglaises et américaines
qui maîtrisent le commerce (le commerce des soies inclus) entre la Chine et l’Europe
pendant 19e, surtout avant les années 1870, qui disposent d’un avantage absolu au
niveau de la quantité. En 1832, parmi les 22 maisons étrangères et les 165 étrangers qui
s’installent à Canton, il y a 10 maisons anglaises à Canton autorisées de licence
commerciale par la Compagnie anglaise des Indes orientales et 88 personnes qui
proviennent d’Angleterre (contre 7 maisons américaines et 20 personnes en provenance
des États-Unis , aucune maison française et 1 seule personne en provenance de France).
55 maisons étrangères et 307 commerçants étrangers se trouvent à Canton en 1838, (5
ans après la chute du monopole de la Compagnie), dont 31 sont des maisons anglaises
et 158 commerçants viennent de l’Angleterre (contre 9 maisons américaines et 44
Américains, aucune maison française et 1 seul Français).2 Après la guerre de l’opium,
les anglais étendent immédiatement leurs affaires commerciales aux quatre autres ports
ouverts, surtout à Shanghai. Dans une statistique envoyée en France par un délégué
français en 1845, parmi les 108 maisons étrangères installées dans les cinq ports ouverts

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°35. p. 73.
2 H.B.Morse. the Chronicles of the East India Company 1635-1834. Vol.1. p.82.

189
au commerce étranger, 68 maisons s’inscrivent au compte des négociants anglais, tandis
qu’il n’y a alors qu’une seule maison française qui s’installe à Canton.1 Le centre du
commerce extérieur de la Chine se déplace de Canton à Shanghai après les années 1850.
On y a déjà fondé 27 maisons anglaises, mais seulement 2 maisons françaises en 1852.
Jusqu’à la fin de l’année 1859, il existe 45 maisons anglaises, 14 maisons Parsis, 6
maisons américaines, mais seulement 3 maisons françaises à Shanghai.2
Parmi tous les maisons anglaises et américaines, c’est un petit nombre de grandes
entreprises qui maîtrisent la majorité du commerce extérieur de Chine, dont les plus
puissants sont la Jardine Matheson et Cie (anglaise, 怡和洋行), la Dent et Cie (anglaise,
宝顺洋行) et la Russell et Cie (américaine, 旗昌洋行). D’après la description d’un
délégué français, elles sont « les premières maisons du commerce étranger en Chine :
MM. Jardine, Matheson et Cie, Dent et Cie, Russell et Cie. Elles se concentrent
spécialement sur les opiums, les thés, les contons et les soies. »3 En effet, ces trois
maisons ont accumulé des grands montants des capitaux par le commerce d’opium, et
puis ont gagné plus de bénéfices en investissant tous les capitaux accumulés aux
commerces du thé et de la soie. Prenons l’exemple du commerce extérieur à Shanghai
de l’année 1851. Selon le journal du North China Herald, en cette année, des valeurs
totales d’importation à Shanghai comptent 16 310 000 piastres, et celui d’importation
d’opium compte environ 12 000 000 piastres. Parmi les 227 navires étrangers entrent
le port de Shanghai en 1851, 58 navires chargent l’opium, dont 43 navires d’opium
appartiennent aux trois maisons ci-dessus, soit une proportion de 74% du nombre total.4
Pour l’exportation, dans les 175 navires bâtiments qui exportent le thé et la soie de
Chine, 50 bâtiments servent pour trois des grandes maisons, qui compose 29% des
navires totaux (voir les tableaux ci-dessous).5

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°10. p. 413-421.
2 Annales du commerce extérieur de Shanghai. Shanghai. Editions de l’Académie des sciences sociales de Shanghai.

2000. pp. 53-56. (《上海对外经济贸易志》 ,上海:上海社会科学院出版社,2000年,第53-56页。)


3 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°10 p. 410.


4 North China Herald, le 3 Juliet 1852. Fonds de la bibliothèque de Shanghai. (« 北华捷报 »,1852年7月3日,上

海图书馆馆藏资源。)
5 Les tableaux III-4-A et III-4-B sont composés selon des rapports des mouvements des navigations étrangères à

Shanghai publiés par le North China Herald des années 1851-1852, Fonds de la bibliothèque de Shanghai. (« 北华
捷报 »,1851-1852,上海图书馆馆藏资源。)
190
Tableau III-4-A Navires d’entrée et des valeurs d’importation à Shanghai sous les trois
grandes maisons en 1851 (en piastre)

Opium d'autres articles totale

Maisons navires valeurs navires valeurs navires valeurs


Jardine Matheson et Cie 18 3 724 200 4 164 400 22 3 888 600
Dent et Cie 17 3 517 700 4 164 400 21 3 681 700
Russell et Cie 8 1 655 200 12 534 300 21 2 180 500

Totalité des trois maisons 43 8 806 700 21 863 100 64 9 759 800
Totalité de toutes les
maisons étrangères à Shanghai 58 12 000 000 105 4 318 000 163 16 301 800
proportion des trois maisons 74% 74% 20% 39.26% 59.87%

Tableau III-4-B Navires sortis exportant l’argent, le thé et les soies de Shanghai en 1851

Maisons navires de l'argent navire du thé et des soies Totale


Jardine Matheson et Cie 6 12 18
Dent et Cie 6 12 18
Russell et Cie 3 26 29
Totalité des trois maisons 15 50 65
Totalité de toutes les
maisons étrangères à
Shanghai 19 175 194
proportion des trois maisons 78.95% 28.57% 33.50%

En dehors des trois grandes maisons, les petits comptoirs anglais ou américains
se spécialisent surtout sur l’exportation du thé et de la soie depuis la Chine ou
l’importation des produits textiles étrangers (souvent des tissus de coton et de laine)
vers Chine. Bien que le chiffre d’affaire de chaque petite maison est beaucoup plus
faible que celui de grandes maisons, comme leur nombre sont plus grands, elles
exportent tout de même une quantité considérable de soie pendant cette période.

Tableau III-5 Entrée et sortie des navires à Shanghai et principales marchandises

.
191
transportées en 18511
Navires natures des marchandises importées à Shanghai Navires Natures des marchandises exportées de Shanghai
Maisons Nationalité d'entrée opium tissus texitiles divers vide de sortie argent thé et soies divers vide
Jardine Metheson et Cie anglaise 25 18 2 2 3 28 6 9 3 10
Dent et Cie anglaise 25 17 4 0 4 26 6 10 2 8
Russell et Cie américaine 34 8 2 11 13 36 3 14 12 7
Lindsay et Cie anglaise 16 15 4 5 2 20 1 15 1 3
Augustine Heard et Cie américaine 12 3 2 2 6 27 2 17 4 4
J.Mackrill Smith anglaise 17 1 2 8 5 0 0 0 0 0
D. Sassoon Sons et Cie anglaise 2 2 0 0 0 2 0 0 0 2
Pestonjee Framjee
Cama et Cie Parsis 4 3 0 0 1 2 1 0 1 0
Mac. Vicar et Cie anglaise 12 0 7 3 2 11 0 7 1 0
Blenkin Rawson et Cie anglaise 8 0 1 4 3 8 0 6 1 3
Bull. Nye et Cie américaine 8 0 3 2 3 7 0 4 3 1
Gibb Living ston et Cie anglaise 7 0 4 2 1 7 0 7 0 9
Hargreave et Cie anglaise 7 0 4 1 2 9 0 9 0 0
Thos. Repley et Cie anglaise 4 0 3 0 1 4 0 4 0 0
Syken Schwabe et Cie anglaise 4 0 2 2 0 7 0 4 3 0
Turner et Cie anglaise 4 0 2 1 1 4 0 4 0 0
Wolcott Bate et Cie américaine 9 0 2 4 3 10 0 6 3 1
Gilman Bowman et Cie anglaise 3 0 0 3 0 3 0 0 2 1
Holliday Wise et Cie anglaise 2 0 0 1 1 2 0 1 0 1
Mackenzie et Cie anglaise 2 0 1 1 0 3 2 1 0 0
Reiss et Cie anglaise 2 0 1 0 1 3 0 3 0 0
Rathbone Worthington
et Cie anglaise 1 0 1 0 0 2 0 0 2 0
Dirom Gray et Cie anglaise 1 0 0 1 0 2 0 2 0 0
Peninsular and Oriental
Steam
navigation et Cie anglaise 1 1 0 0 0 2 0 0 2 0
W.M.Davison anglaise 1 0 0 1 0 1 0 0 1 0
Watson et Cie anglaise 1 0 0 0 1 1 0 1 0 0
Cowasjee Pallanjee
et Cie Parsis 1 0 0 1 0 1 0 1 0
d'autres maisons 15 0 0 5 10 10 0 0 6 3
Total 227 58 47 58 64 238 19 128 46 54

De quelles manières ces maisons anglaises et américaines monopolisent-elles le


commerce extérieur de Chine ?
(1) Premièrement, comme déjà évoqué plus haut, il y une grande quantité de
vaisseaux qui naviguent entre la Chine et l’Angleterre pour assurer le commerce entre
les deux pays. Ce que l’on doit ajouter, c’est que toutes les grandes maisons possèdent
leurs propres navires, et même des navires armés.2 N’ayant pas besoin de dépendre des
compagnies de navigation, elles peuvent transporter leurs marchandises ou recevoir des
messages de Londres plus économiquement et plus rapidement avec leurs navires.3
D’après la description de A.B.Lubbock dans son ouvrage The China Clippers, de
grandes maisons de commerce anglaises et américaines s’équipent souvent de

1 Les tableaux III-5 sont composés selon des rapports des mouvements des navigations étrangères à Shanghai
publiés par le North China Herald des années 1851-1852, Fonds de la bibliothèque de Shanghai. (« 北华捷报 »,
1851-1852,上海图书馆馆藏资源。)
2 A. B. Lubbock. The China Clippers. Glasgow. Brown, son & Ferguson. 1914. pp.59-60.
3 I.Friel. Maritime History of Britain and Ireland. London. The British Museum Press. 2003. p.243.

192
« Clippers »1--- le bateau le plus rapide du monde à la veille de l’époque des bateaux à
vapeur--- pour envoyer l’opium de l’Inde vers la Chine, et emmener le thé et la soie de
Chine. Chaque grande maison possède au minimum 6 ou 7 clippers qui naviguent entre
la Chine et l’Inde.2 De plus, pour promouvoir l’échange des marchandises entre des
ports à la côte et entre les ports aux bords du fleuve Yangtsé, certaines maisons ont créé
leurs compagnies de navigation et leurs entrepôts 3 . Ces institutions les aident à
monopoliser désormais aussi des navigations à l’intérieur de Chine.
(2)Deuxièmement, un autre avantage des maisons anglaises ou américaines en
Chine (notamment les grandes maisons parmi eux) est qu’elles accumulent un grand
montant de capitaux, ce qui les aidera à étendre leurs affaires commerciales en Chine.
Selon les données du tableau III-4, 19 navires sont envoyés par des maisons
étrangères pour transporter l’argent (métal utilisé comme monnaie principale de Chine)
à l’extérieur de la Chine. Un historien américain estime que la Jardine Matheson et Cie
a gagné plus de 3 000 000 pounds de bénéfice pendant les années 1827-1847 par le
commerce d’opium, ainsi que les bénéfices des deux autres grandes compagnies (la
Dent et Cie et la Russell et Cie) pendant cette époque ne doivent pas être inférieures.4
De plus, d’après la recherche de l’histoiren chinois, NIE Baozhang, à cause de
l’insuffisance des monnaies (l’argent) en circulation sur le marché chinois,5 la valeur
de l’argent devient de plus en plus élevée pendant la première moitié du 19e siècle, qui
a pour conséquence a un fort déclin des prix du thé et de la soie chinoise à l’époque. En
même temps, le prix de l’opium devient de plus en plus élevé avec l’augmentation de
son importation.

1 Un clipper est un bateau à voile fait pour convoyer le plus vite possible des denrées périssables grâce à des
dimensions relativement fines et une voiture importante. Créés sur la Côte-Est américaine, les clippers furent à leur
apogée au milieu du 19e siècle sur les routes commerciales du thé et du coton du Royaume-Unis et des Etats-Unis.
2 A. B. Lubbock. The China Clippers. p.4.
3 E. J. Eitel. History of Hong-Kong. Montana. Kessinger Publishing. 2008. p. 276.
4 R. M. Martin. China: political, commercial, and social an official report. Charleston. BiblioBazzar. 2001. Vol 2.

pp. 258.
5 Il existe encore des débats sur les causes pour l’insuffisance de l’argent en Chine pendant la première moitié du

19e siècle. Le point de vue conventionnel est que c’est l’importation de grandes quantités d’opium de l’Asie du sud
en Chine qui conduit au flux de l’argent de Chine à l’étranger et à l’insuffisance de l’argent en Chine de l’époque.
Cette opinion est remise en question par beaucoup de chercheurs. En particulier, LIN Man-Houng, dans son ouvrage
publié en 2006, affirme qu’au lieu de l’importation de l’opium, les éléments essentiels pour le déficit d’argent en
Chine à l’époque est les Révolutions de l’Amérique-latine et le déclin de l’exportation des produits chinois, comme
le thé et la soie, sur le marché mondial. Pour les détails, consulter LIN Man-Houng. China Upside Down: Currency,
Society and Ideology, 1808-1856, Cambridge. MA and London. Harvard University Asia Center. 2006.
193
Afin de faciliter le processus d’échange et accélérer le roulement des capitaux, les
grandes maisons anglaises et américaines qui maîtrisent une grande quantité d’opium
peuvent obtenir directement les soies et le thé, en « payant » aux marchants chinois
directement avec l’opium. 1 En conséquence, les bénéfices gagnés par les maisons
anglaises et américaines et leurs opiums se transfèrent immédiatement au capitaux pour
exporter une grande quantité de thé et de soies, ce qui leurs apportera plus de bénéfices.
Ce cercle vertueux les rend de plus en plus puissants sur le marché de Chine.
(3)Troisièmement, les grandes maisons anglaises et américaines évincent leurs
concurrents en maîtrisant les marchés de finance, de change et d’assurance. Dans un
premier temps, elles prêtent une grande somme d’argent aux maisons chinoises (leurs
acheteurs ou fournisseurs), et même aux gouvernements locaux chinois.2 Ces prêts leur
amènent non seulement de grands intérêts, mais aussi la fidélité des maisons chinoises
et la confiance du gouvernement chinois. 3 En même temps, elles monopolisent le
marché du change entre des taëls et des monnaies étrangères par leurs capitaux énormes.
Le change des traites commerciales est un chaînon indispensable dans le commerce
international. Avant l’année 1833, ce sont la Compagnie anglaise des Indes et des
maisons américaines qui monopolisent les affaires du change entre la Chine et
l’Angleterre. 4 Après la chute de la Compagnie, de grandes maisons anglaises et
américaines continuent à jouer son rôle en Chine sur le marché du change. Les
premières banques anglaises entrent en Chine à la fin des années 1840 et pendant les
années 1850 5 , mais la domination des grandes maisons anglaises sur le marché du

1 NIE Baozhang. Des saccages et des expansions des maisons étrangères en Chine au milieu du 19e siècle.
Recherches de l’histoire moderne. 1981. n°2. pp.118-119. (聂宝璋:十九世纪中叶在华洋行实力的扩张与暴力
掠夺, 《近代史研究》 ,1981年第2 期,第118-119页。)
2 De 1853 à 1854, des maisons étrangères prêtent successivement 100 mille taëls à la mairie de Shanghai. Consulter

XU Yisheng. Statistiques des dettes étrangères de Chine pendant l’histoire moderne. Editions de Zhonghua. 1962.
pp.4-5. (徐义生: 《中国近代外债史统计资料》 ,中华书局,1962年,第4-5页。)
3 WANG Jingyu. L’expansion des banques étrangères en Chine et leur domination dans le marché de la finance aux

ports ouverts de Chine. Recherche d’histoire. 1963. n°05. p. 123. (汪敬虞:十九世纪外国在华银行实力的扩张及


对中国通商口岸金融市场的控制, 《历史研究》 ,1963年第5期,第123页。)
4 M.Greenberg. British Trade and the Opening of China 1800-42. Cambridge. Cambridge University Press. 1951.

p. 164.
5 The Oriental Bank Corporation fonde une agence à Canton en 1845 et une autre agence à Shanghai en 1847; The

Commercial Bank of India fonde ses agences à Canton en 1851 et à Shanghai en 1854; Agra and United Service
Bank fonde ses agence à Canton en 1855 et à Shanghai et Hongkong en 1858 ; Chartered Mercantile Banque of
India, London and China fonde ses agences à Shanghai en 1854 et à Hongkong en 1857 ; Chartered Bank of India,
Australia and China fonde une agence à Shanghai en 1858.
194
change continue même après l’apparition des premières banques. Un négociant
américain raconte à cette époque que : « chaque maison est en même temps sa propre
banque. En réalité, ce sont de vieilles grandes maisons qui monopolisent les affaires
bancaires ».1 Le 7 août 1852, le North China Herald a publié un article, dans lequel il
est dit que : « on ne pense pas que l’Oriental Bank Corporation est une vraie banque à
Shanghai, parce qu’elle n’assume pas la tâche traditionnelle d’une banque ou n’opère
pas les affaires traditionnelles d’une banque. Elle est seulement une agence pour
escompter des effets de commerce, mais les affaires du change sont toujours profitables
seulement pour des maisons commerciales, pas pour les banques »2 De plus, comme
nous allons le montrer dans le chapitre IV, des maisons anglaises maîtrisent également
la plupart des affaires d’assurances en Chine. En 1844, il existe déjà 25 agences
d’assurance maritime en Chine. Toutes ces agences sont des comptoirs appartenant
maisons anglaises, dont 11 sont des comptoirs de deux grandes maisons anglaises : la
Jardine Matheson et Cie et la Dent et Cie. Ces deux maisons évincent souvent leurs
rivaux en ne leurs offrant pas le service d’assurance maritime.3 La première agence
d’assurance américaine, China Mutual Ins et Cie ne se crée qu’en 18564, et la première
agence d’assurance de France ne fonctionne en Chine qu’après l’année 1863.
3. En dehors de la rivalité des grandes maisons anglaises et américaines, le
Ministre a mentionné un autre élément qui a énormément empêché l’installation des
maisons françaises en Chine : les frais d’installation très élevés. Le ministre n’a pas
indiqué le montant concret pour créer et dérouler une maison à Shanghai. Cependant,
on pourrait estimer que des dépenses pour un comptoir ou une maison en Chine doivent
être assez importantes pour des maisons qui ne possèdent pas beaucoup de capitaux ou
de chiffre d’affaires. A l’époque, le salaire d’un seul représentant commercial Henri
Meynard atteint 8 000 francs par an (hors dépenses d’entretien).5 Pour la totalité des

1 F. H.H.King. Money and Monetary Policy in China 1845-1895. Cambrige. Harvard University Press. 1965. p. 98.
2 North China Herald. Le 7 août 1842.Fonds de bibliothèque de Shanghai. (« 北华捷报 »,1842年8月7日,上海
图书馆馆藏资源。)
3 J.K. Fairbank. Trade and Diplomacy on the China Coast. Stanford. Stanford University Press. 1953. p. 238.
4 North China Herald. Le 5 janvier 1856. Fonds de bibliothèque de Shanghai. (« 北华捷报 »,1842年1月5日,上

海图书馆馆藏资源。)
5 J.Fredet. Charles de Montigny consul de France. Revue de l’histoire des colonies françaises. 1953. p.282.

195
frais d’installation d’un comptoir en Chine, en dehors des salaires des représentants, il
faut ajouter les loyers, les impôts, les frais de transport, les capitaux d’inscription et des
fonds de roulement, etc. De plus, il faut compter qu’une maison étrangère à Shanghai
aura besoin un grand montant de fonds de roulement pour faire fonctionner ses affaires
avant la mise en œuvre du mandat télégraphique, que nous allons préciser dans la
section suivante. D’après les données du tableau III-7 de la prochaine section, les
« chiffres d’affaires annuels » des petites maisons françaises à Shanghai ne comptent
que 200 000 – 250 000 francs par an. Autrement dit, il est très difficile d’assumer le
coût d’installation en Chine et de gagner du profit pour ces petites maisons françaises
(c’est une cause importante de la vitesse des ruines et des maisons françaises à Shanghai,
sur laquelle nous allons revenir). Le consul français à Shanghai nous a confirmé ce fait
dans une lettre de Shanghai 20 septembre 1864 :
« On comprend qu’un fabricant préfère acheter à Londres les soies qui lui sont
nécessaires du moment que l’entretien à Shanghai d’un agent qui les lui expédierait
directement entraînerait une dépense égale et probablement supérieure aux frais de
commission, de transport et autres qu’occasionne l’achat de ces soies sur le marché
anglais. »1

D Fin de la réexportation de la soie chinoise de Londres en France


Nous avons déjà appris par le texte du Chapitre II ce qui se passerait ultérieurement.
La prospérité du marché de soie de Londres se maintient jusqu’aux années 1870. La
quantité d’importation directe de soies chinoises en France a dépassé celle-ci en
Angleterre en 1875 (voir le Graphique III-6) avec l’ouverture du Canal de Suez, de la
diminution du frais de transport des navires français, etc. Après cela, de moins en moins
de soies chinoises affluent en Europe en passant le marché du Londres. En revanche,
en remplaçant l’Angleterre, la France devient le plus grand marché de soies en Europe.
Les français n’ont plus besoin du marché de Londres comme intermédiaire
d’importation des soies chinoises.

1 Archives du Ministères des Affaires Etrangères. Shanghai 307CCC 5. p. 74. Lettre du consul français à Shanghai
du 20 septembre 1864.
196
Graphique III-6 Comparaison des quantités des exportations directes de la soie chinoise
en France et en Angleterre. (1845-1913)1

45000
40000
Quantités(piculs)

35000
30000
25000
20000 Angleterre
15000
10000 France
5000
0

Années

Mais il nous faut expliquer : pourquoi développer le commerce de soie direct avec
la Chine après les années 1850, et pas avant cette date ? La réponse à cette question est
en réalité liée à l’évolution du coût du commerce avec la Chine. Regardons d’abord une
question : si les Français importent les soies chinoises indirectement par Londres, quel
est le montant des frais supplémentaire ?
Un rapport d’un autre délégué commercial en Chine, Isidore Hedde nous a offert
le moyen de calcul de la totalité des frais supplémentaires pour importer la soie chinoise
en France par Londres :2 en 1845, les soies grège de Canton de première qualité coûtent
environ 300 dollars le picul, qui représente, par kilogramme, une valeur de 27 francs
50 centimes sur le marché de Chine. Si un kilogramme de cette soie envoyé à Londres,
il faut :

1 Le chiffre en 1846 provient des Annales du commerce extérieur de Shanghai. Shanghai. Shanghai. p. 567. (《上
海对外经济贸易志》 ,第567页。
Le chiffre de la quantité des soies exportées en France en 1852 proviennent de Ch.-B. Maybon et J.Fredet. Histoire
de la concession française de Shanghai. Paris. Librairie Plon. 1929.p. 215
Le chiffre de la quantité des soies exportées en Angleterre en 1852 provient du tableau V-1-b.
Les autres données proviennent de 中国历史第二档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料》 ,02卷第
584-585页(1865),03卷第526-527页(1868) ,04卷 第324-325页(1870) ,06卷第9页(1875) ,07卷第199
页(1877), 08卷第665页(1880),11卷第240页(1885) ,13卷第258页(1887) ,16卷第288页(1890) ,22
卷第328页(1894) ,23卷第314页(1895) ,31卷第399页(1900) ,62卷第255页(1913) 。 Archives nationales
de Chine (deuxièmes), le bureau général de la douane de Chine. Les archives des douanes anciennes de Chine,
Beijing. Rapport commercial de Shanghai Vol 2. pp. 584-585(1865) ; Vol 3.p. 526(1868) ; vol 4.pp. 324-325(1870) ;
Vol 6. p. 9(1875) ; Vol 7. p. 199(1877) ; Vol 8. p. 665(1880) ; Vol 11. p. 240(1885) ; Vol 13. p. 258(1887) ; Vol 16.
p. 288(1890) ; Vol 22.p. 328(1894) ; Vol 23.p.324(1895) ; Vol. 31. p.399(1900) ; Vol 62. p.225(1913).
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12. p. 91.


197
Droit de sortie……………………4.5% 1.25 franc le kilo
Assurance ……………...……….. 3.5%
Commission d’achat ……………..2%
Fret……………………………….0.5% 125 francs le tonneau par navire anglais
Intérêt de 5 mois…………………2.5% 4.5 mois est la moyenne de la traversée
De Canton en France
Bénéfice et frais divers
à Londres……………………….5.5%

En d’autres termes, selon Isidore Hedde, il faut ajouter en total au moins 18.5%
(soit environ 5 francs par kilogramme) de frais sur le prix à Canton lorsque ce genre de
soie chinoise arrive à Londres. Si l’on réexporte ces soies de Londres en France, il faut
ajouter des frais supplémentaires de 6.5% au prix original.

Commission…………………....3%
Intérêt de 3 mois à 4% par an….1%
Condition………………………2%
Voiture………………………..

Emballage……………………. 0.5%

Droits…………………………

On devra rajouter les frais 13.5% d’escompte ou de terme. Donc, l’ensemble des
frais pour importer des soies chinoises par Londres sont environ 38.5% du prix.
Comme indiqué dans le chapitre II, avant la pébrine européenne, la plupart des
matières de soie utilisées par les fabricants lyonnais proviennent de la région
méditerranéenne. Les frais supplémentaires de 38.5% sont assez élevés par rapport au
commerce direct, mais supportables pour les marchands français, puisque les quantités
nécessaires sont limitées (du fait de la production de soie grège en France et en Italie).

198
De ce fait, il ne vaut pas la peine d’assumer le coût très élevé d’installer ses propres
comptoirs en Chine. Au début des années 1860, de plus en plus de soies chinoises sont
mises dans des moulins français, ce qui signifie qu’il faut payer de plus de plus en plus
de frais supplémentaires aux courtiers anglais à Londres. A partir de cette date, il est
plus rationnel, pour des marchands de soies français, d’établir leurs propres comptoirs,
ou de trouver leurs propres commissionnaires à Canton et à Shanghai qui peuvent
représenter l’intérêt de l’industrie du tissage français. Le Ministre du Commerce
encourage passionnément ses compatriotes à créer leurs agents de soies en Chine : «
Cette dépense, qu’une seule maison ne peut supporter, se réduirait pour les
commanditaires d’un vaste comptoir à des proportions peu considérables. Il suffirait,
pour mettre cette idée à exécution, que nos importateurs de soies s’entendissent sur le
choix d’un petit nombre d’agents qui, au lieu de représenter tel ou tel acheteur
concentreraient tous les ordres de la fabrique et y donnerait suite. La France, en
définitive, consommant et mettant en œuvre beaucoup plus de soies que l’Angleterre,
arriverait, en centralisant ses opération sur la place de Shang-Haï, à prendre le premier
rang dans l’exportation à exercer sur les cours de la matière première l’influence,
l’ascendant même qui appartiennent naturellement au plus fort débouché d’un
produit. »1 C’est pourquoi, avec l’augmentation de l’utilisation de la soie chinoise à
Lyon, de plus en plus de soie chinoise est importée directement vers la France. Le rôle
de centre de distribution des matières de soies de Londres est pris par Lyon après les
années 1870.

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°35 p. 73-74.
199
III-2 Rôles des maisons françaises et des maisons étrangères dans le

commerce direct de la soie grège franco-chinois

Nous avons montré dans la dernière section que presque tous les échanges de soie
franco-chinois s’effectuent par le marché de Londres pendant la première moitié du 19e
siècle. Cependant, à partir des années 1850, de plus en plus des soies chinoises sont
envoyés directement de Chine en France sans passer par Londres. Jusqu’à la fin des
années 1870, Shanghai, Canton---Marseille, en remplaçant Shanghai, Canton---
Londres---Le Havre, devient graduellement la principale voie de transport de la soie
de Chine vers la France. En montrant l’évolution des maisons françaises de soies
pendant tout le 19e siècle en Chine, nous allons discuter dans cette section, d’un côté,
l’influence de la croissance du commerce direct de la soie entre la Chine et la France
sur l’installation et le développement des maisons françaises en Chine. De l’autre côté,
nous aborderons le rôle que des maisons étrangères jouent dans le commerce direct de
la soie entre la France et la Chine. Est-ce que des maisons françaises en Chine sont les
principales intermédiaires dans le commerce de la soie entre la France et la Chine ?
Ou bien existe-t-il d’autres intermédiaires, par exemple, des maisons anglaises,
allemandes et suisses, qui jouent un rôle plus important ?

A Représentants français à Canton avant les années 1850


Nous avons déjà relaté dans le Chapitre I qu’après le retour du consul De Guignes
le Fils en France le 4 août 1801, aucun représentant français ne séjourne à Canton qui
protège l’intérêt commercial de France en Chine. Avant le départ du consul vers son
pays natal, il confie sa responsabilité et la factorerie française à un marchand suisse,
Charles de Constant. Mais quatre ans plus tard (1804), le suisse sous-loue la factorerie
française à un Anglais. A partir de cette date, le drapeau tricolore ne flotte plus devant
la factorerie1 française à Canton, et il n’est pas arboré à nouveau jusqu’à l’année 1832,

1 Le mot « factorerie » proviennent du mot d’anglais « factory ». Pendant l’époque du commerce extérieur de
Canton, des habitations et des mouvements commerciaux des négociants étrangers sont limités à une petite région
200
où Benoît Gernaert refait fonctionner le consulat dans le factorerie française à Canton.

Plan des factoreries étrangères à Canton avant l’année


1842

La vérité de toutes ces histoires est reconfirmée par William C. Hunter, négociant
américain qui reste à Canton de 1825 à 1844. Ce dernier témoin mentionne dans ses
mémoires sur son séjour à Canton que « nous pouvons voir de loin que les pavillons
d’Angleterre, de Pays-Bas et d’Espagne sont arborés devant leurs factoreries en 1825.
Le pavillon espagnol représente en réalité la maison de Philippine. Après une
intermittence de trente ans, le pavillon français est arboré encore une fois le 13
décembre 1832. Mais il ne représente que le consulat français à Canton, car le
commerce de France à Canton est moins que rien. »1 Hunter n’exagère pas. En effet,
aucune note n’a été trouvée du mouvement commercial des français à Canton de l’année
1801 à 1832. Il n’y a que deux négociants, Edward Bovet et Charles Bovet qui parlent
français et habitent à Canton en 1826, mais ils sont tous les deux horlogers d’origine

dans la ville de Canton. Dans cette région, les représentants administratifs ou négociants étrangers de chaque pays
sont promis de louer un bâtiment comme leurs logements ou bureau. On appelle ce bâtiment « factory ». Il faut
signaler que la factorerie ne signifie pas « l’usine » ici.
1 H.C. William. The Fankwae at Canton before Treaty Days, 1825-1844. London: Kegan. Paul, Trench& Co. 1882.

p. 35.
201
suisse. 1 En comparant des résultats de deux recensements des adultes étrangers à
Canton en 1832 et en 1837 publiés par le Chinese Repository2, on découvre qu’il n’y a
qu’un français qui habite à Canton en 1832 et en 1837, qui est le consul français à
Canton. Le rapport sur des recensements nous font connaître également que les autres
étrangers qui habitent dans la factorerie française sont des négociants provenant
d’Angleterre, des Indes et des États-Unis. 3 D’après une statistique d’un historien
anglais, après la fin du monopole de la Compagnie anglaise des Indes, le nombre des
maisons étrangères à Canton s’accroît de 66 en 1833 à 150 en 1837, mais aucune
n’appartient aux négociants français.4 Autrement dit, du début de la réouverture du
consulat français à Canton à la fin de la guerre d’opium, il n’existe toujours pas de
maison française qui représentent l’intérêt de France en Chine.
Cette situation ne s’améliore guère au début de la période des ouvertures des cinq
ports au commerce international de Chine. Dans la liste générale des maisons de
commerce établies dans les ports chinois en 1845 publiée par le ministère du commerce
et de l’agriculture de France, on n’a trouvé qu’une maison française à Canton, la Durran
et Cie, dont le domaine d’exercice principale est l’importation les vins et l’eau-de-vie
de France en Chine.5 Si l’on ajoute la maison que Rémi créée en 1843 qui vend des
horloges et des vins à Canton6, il n’existe au total que deux maisons françaises en Chine
au début de l’ouverture de Chine. En ce cas, des délégués français regrettent « qu’en
Chine il se soit établi aussi peu de maisons françaises, que nos ports n’y aient ni
comptoir, ni factorerie ; c’est ce qui explique pourquoi le commerce n’a eu jusque dans
ces derniers temps que des données vagues, contradictoires même, sur les éléments de
l’importation et du retour, sur les goûts de la consommation indigène, et était à peine
fixé sur les foyers des affaires et les centres d’action. Il ne suffit pas que quelques

1 LIN Rizhang. Activités économiques avant et après la Guerre de l’opium. Mémoire de Master soutenu à
l’Université normale de Fujian. 2001. p. 15. (林日杖: 《鸦片战争前后外国在华洋行经济活动初探》 ,福建师范
大学硕士学位论文,2001年,第15页。)
2 Chinese Repository (《中国丛报》 ,又称《澳门月报》) était une revue mensuelle créée par des négociants anglais
à Canton en 1832.
3 Chinese Repository. Janvier 1837. p.23.
4 M.Greenberg. British Trade and the Opening of China 1800-42. Cambridge. Cambridge University Press. 1951.

p. 170.
5 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°10. p. 417.


6 Ch.-B. Maybon et J.Fredet. Histoire de la concession française de Shanghai. Paris. Librairie Plon. 1929. p. 34.

202
armateurs soient renseignés par leur correspondance mensuelle sur les faits relatifs à
leurs spéculations ; il importe qu’on possède une source commune et permanente
d’informations, en même temps que des agences où les consignations puissent être
dressées en tout sûreté. »1
La performance des maisons françaises est tellement discrète à l’instant que des
fabricants et des commerçants français en France sont obligés d’acheter les
marchandises chinoises par des maisons étrangères installées en Chine. « Les premières
maisons du commerce étranger en Chine sont celles de MM. Jardine, Matheson et Cie,
Dent et Cie et Russell et Cie… Il sera donc sage, prudent et, pour ainsi dire,
indispensable que les négociants français qui se décideront sérieusement à ouvrir des
relations avec la Chine, aient dans ce pays un bon agent choisi parmi les maisons qui y
sont depuis longtemps établies, afin de bien se renseigner avant d’y faire un envoi (au
moyen d’une correspondance mensuelle) sur la situation du commerce et le cours des
marchandises. Mais nous pensons qu’il faudra bien se garder de choisir cet agent parmi
les maisons de premier ordre, et surtout parmi celle qui s’occupent en grand du
commerce de l’opium, commerce important et exclusif qui absorbe tous les soins de
ceux qui s’y livrent… Autant que possible, le choix d’un tel agent doit se faire parmi
les maisons dont les produits nationaux ne sont pas de nature à faire une concurrence
directe aux nôtres, telles, par exemple, que les maisons hollandaises, allemandes,
portugaises et même belges, et parmi elles se distinguent à Macao et à Canton, les
maisons Reynvaan et Cie (hollandaise), depuis long temps en relation avec la France ;
Tielman et Cie (belge), de Païva et Cie (portugaise), toutes deux aussi en relation avec
la France. »2

B Installation des maisons françaises à Shanghai depuis 1848


Arone et Rémi sont les premiers deux commerçants français qui font du business

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°12. p. 424.
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°10. p. 410-411.


203
à Shanghai. Arone loue une pièce de terre dans la concession anglaise 1 et y crée une
maison en mai 1848 : Bac Arone et Cie (公生号), laquelle est la première maison
française à Shanghai. Mais cette dernière maison n’exporte pas de soie. En se
spécialisant sur le commerce des munitions, elle se ruine trois ans plus tard (1851) 2.
Dominique Rémi, qui faisait l’affaire d’horloge à Canton depuis 1843, arrive à
Shanghai avec ses deux commis en juin 1848, et ensuite rétabli son magasin dans la
concession française à Shanghai en 1849.3 Au début, l’horloge et le vin sont les seuls
marchandises d’échange dans sa maison. En 1852, Rémi envoie 85 balles de soies de
Shanghai en France, ce qui est le premier essai d’export de soies directement de
Shanghai à Lyon. Après ce premier essai, il met l’accent de ses affaires sur l’exportation
des soies chinoises. Avec l’aide de son neveu Edouard François Schmidt, Rémi
augmente la taille de sa maison et la renomme comme Remi Schmidt et Cie (利名洋
行) à partir du 1er janvier 1855.4 La valeur d’échange annuelle de cette compagnie
atteint 12 000 000 francs en 1862, étant la deuxième plus élevée parmi toutes les
maisons françaises à Shanghai à ce moment-là, juste derrière celle (20 000 000 francs)
du Comptoir d’Escompte de Paris à Shanghai. Influencé par la crise financière d’Europe
au milieu des années 18605, la Rémi Schmidt et Cie est obligé de s’unir à la Dent et Cie
(宝顺洋行 anglaise) en 1865, en modifiant encore une fois son nom à Rémi de
Montigny et Cie.6 L’année suivante, cette compagnie devient un comptoir de la Dent
et Cie.7 Désormais, le nom de la maison de Rémi a disparu dans la liste des maisons
françaises à Shanghai.

1 La concession française à Shanghai n’existe pas encore à ce moment-là.


2 G.Brossollet.. Les Français de Shanghai. 1849-1949. Paris. Editions Belin. 1999. p. 29.
3 WAHG Chuifang. L’histoire des commerçants étrangers : Shanghai 1843-1956. Shanghai. Editions de l’Académie

des sciences sociales de Shanghai. 2007. p. 131. (王垂芳: 《洋商史:上海1843-1856》 ,上海:上海社会科学院


出版社,2007年,第131页。)
4 Académie des sciences sociales de Shanghai. Annales du commerce extérieur de Shanghai. Shanghai. Shanghai.

p. 567. (上海社会科学院: 《上海对外经济贸易志》 ,第567页。)


5 Une crise financière a déjà lieu avant la Grande Dépression de 1873-1896. Certains établissements bancaires

importants avaient déjà fait faillite au milieu des années 1860, comme le Crédit mobilier des Frères Pereire en France
en 1867, tandis qu’un premier black Friday, le 11 mai 1866, avait secoué la Bourse de Londres.
6 Archives des affaires étrangères. Shanghai 1864-1866, 307CCC 5. Le 20 mars 1864 Lettre du Ministre des affaires

étrangères au ministre du commerce et de l’agriculture.


7 CAO Shengmei. Les mouvements des négociants français à Shanghai pendant la dernière période de la dynastie

de Qing (1847-1910), rassemblé dans les Archives municipale de Shanghai. Recherches de l’histoire des archives à
Shanghai. Shanghai. Editions de Sanlian. 2006. p.123. (曹胜梅:晚清时期法商在沪经营活动述略1847-1910,
载于上海市档案馆编: 《上海档案史研究·第一辑》 , 上海三联书店,2006年,第123页。)
204
A la suite de la chute de la récolte des cocons depuis 1853, quelques négociants
français sont envoyés de France en Chine pour développer le commerce de la soie avec
ce dernier pays. Etant représentant commercial de la Chartron-Brisson et Cie, Eugene
Buissonnet arrive pour la première fois à Shanghai en avril 1854. « Malgré son jeune
âge, il jouit dans la communauté de la réputation d’un homme entendant lier les
affaires. »1 Ayant voyagé fréquemment entre la France et la Chine pour le commerce
de soies pendant les années 1850, il institue enfin sa propre maison, Buissonnet et Cie
(比索内洋行), à Shanghai à l’année 1860, spécialisant sur l’exportation de la soie
chinoise en France. La valeur d’échange de cette nouvelle maison atteint 9 000 000
francs depuis son ouverture. Grâce à ses succès commerciaux et ses contributions
lorsqu’il charge des responsabilités administratives dans la concession française 2 ,
Benoît Adan, le consul français à Shanghai, a demandé au gouvernement français un
titre honorable pour Buissonnet.3 On lui confère ensuite un titre de chevalier par le
gouvernement français le 22 juin 1862. En 1870, Buissonnet est obligé de retourner en
France au sommet de son carrière à Shanghai à cause d’un problème de santé, tandis
que sa boutique ferme après son départ.4
Henri Meynard est un autre négociant français de soies très connu à Shanghai. Il
vient acheter les cocons à Shanghai de la part d’une entreprise française (qui est montée
par Henri Maynard, son cousin Marius Maynard, et les Fleurier Bovet frères selon une
convention signée le 15 novembre 1855) en 1856 avec un salaire de 8 000 francs par
an.5 Sa propre entreprise à Shanghai, la Meynard Cousins et Cie s’ouvre en 1859. Ayant
été enregistrée comme une simple société d’importation de « vins et articles de Paris »,
elle s’occupe en réalité principalement de l’exportation des cocons et des soies de
Shanghai en France. 6 Henri Meynard est membre du conseil d’administration

1 Archives des affaires étrangères. Shanghai 1851-1856, 307CCC 2. 15 juillet 1855. Les maisons étrangères à
Shanghai en 1855.
2 De 1854 à 1862, Buissonnet a chargé l’assesseur du tribunal de la concession française à Shanghai, le président

du Conseil d’Administration Municipale de la Concession française à Shanghai et le chef de l’armée française de la


concession française pendant la rébellion de Taiping.
3 Archives des affaires étrangères. Shanghai 1861-1864, 307CCC 4. Le 2 mars 1864. Lettre du consul français au

Ministre du commerce et de l’agriculture.


4 Ch.-B. Maybon et J.Fredet. Histoire de la concession française de Shanghai. p. 313.
5 J.Fredet. Charles de Montigny consul de France. Revue de l’histoire des colonies françaises. 1953. p.282.
6 E. Hamaide. La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle. 2.6. Vers une filière Sino-Lyonnaise de la soie

205
municipale de la concession française de Shanghai pendant les années 1862-1865. A
cause du conflit entre le conseil municipal de la concession française et le consul
français à Shanghai1, sa carrière administrative ainsi que son commerce à Shanghai
commencent à pencher vers son déclin à partir de l’année 1865. En 1870, il abandonne
enfin ses affaires à Shanghai et retourne en France.2
Deux autres marchands français, Henry Chabert et J. Durren arrivent à Shanghai
pour importer les soies en France en 1855, mais ils n’ont pas institué leurs maisons
commerciales à Shanghai. Henry Chabert est le représentant de l’Eymond et Cie de
Bordeaux et retourne définitivement en France en 1865. J.Durren est le délégué
commercial envoyé par des fabricants des soieries de Lyon, qui séjourne seulement
pendant deux ans à Shanghai.3
Trois autres maisons de soie françaises s’ouvrent à Shanghai au début des années
1860. Elles sont Fajard et Cie (法雅行) créée par E. Fajard en 1860, Maniquet et Cie
(马凯行) établie par Jean Maniquet en 1861, Streicher et Cie(斯特雷行)instituée par
Streicher en 1862.4 Jusqu’à la fin de l’année 1863, on a installé 11 maisons françaises
à Shanghai, dont 6 spécialisées sur l’exportation de la soie chinoise en France. Selon
les statistiques dans le tableau III-7, les chiffres d’affaires annuels des maisons
françaises qui exportent les matières des soies (27 950 000 francs) prennent un avantage
absolu par rapport ceux des maisons françaises qui n’exportent pas de soie (400 000) à
ce moment-là (si l’on ne compte pas le comptoir d’escompte et la Messagerie maritime).
Le premier groupe occupe environ 98.59% de la totalité des chiffres d’affaires parmi
toutes les maisons commerciales françaises à Shanghai (sans calculer ceux du Comptoir
d’escompte et la Messagerie maritime). C’est-à-dire que, l’exportation des soies
chinoises est la plus importante activité commerciale pour les maisons françaises à
Shanghai à l’époque. De plus, on constate une concentration géographique des maisons
de soies de France à Shanghai à ce moment-là. Selon les sources qu’on maîtrise, il

1 Le consul français de Shanghai Brenier de Montmorand accuse les membres des conseils d’administration
municipale de la concession française de Shanghai sous une charge d’abus de ses autorités, puis détient les membres
du conseil et les met à l’amende.
2 G.Brossollet.. Annuaire des Français à Shanghai (1842-1955). Editions Rive Droite. 2002. p.52.
3 CAO Shengmei. Les mouvements des négociants français à Shanghai pendant la dernière période de la dynastie

de Qing(1847-1910). p.124.(曹胜梅:晚清时期法商在沪经营活动述略1847-1910,第124页。)
4 Idem.

206
n’existe aucune maison française qui exporte la soie aux autres ports ouverts chinois
avant les années 1870. Même à Canton, qui est le deuxième grand port d’exportation
de soies de Chine, la première opération de l’exportation des soies date seulement de
l’année 1876, par la Lacroix cousins et Cie.1

Tableau III-7 Maisons françaises à Shanghai en 18632

Noms Dates de création chiffres d'affaires temps Domaine d'exercice


annuels(francs) d'existence(Ans)
D.Rémi 1849 12 000 000 18 Horloges, Vins, soies
Vaucher frères et Cie 1857 200 000 15 articles parisiens,soies
Legrand Frères et Cie 1857 200 000 articles de Paris
vins, articles parisiens
Maynard cousins et Cie 1859 2 500 000 11 soies
Buissonnet et Cie 1860 9 000 000 10 soies
Fajard et Cie 1860 2 500 000 soies
Comptoir d'escompte de Paris 1860 20 000 000 37 banque
Salabelle et Cie 1860 200 000 vins
Maniquet et Cie 1861 1 500 000 3 soies
Streicher et Cie 1862 250 000 2 soies
poste, navigation,
Messagerie maritime et Cie 1863 80 000 000 99 assurance

Un phénomène intéressant est que presque toutes les premières maisons françaises
créées avant l’année 1865 ferment ou prononcent leurs faillites avant ou au début des
années 1870. Après la fermeture de la Vaucher frères et Cie en 18733, les anciennes
maisons de soie françaises ont complètement disparu à Shanghai. Leurs fermetures ont
sans doute des liens avec des rivalités des grandes maisons anglaises ou américaines,
avec la crise financière européenne au milieu des années 1860 et avec des causes
personnelles diverses, mais il ne faut pas négliger deux éléments plus profonds :
premièrement, le mode du commerce international à cette époque-----le commerce de

1 Archives du Ministères des affaires étrangères. Canton 3. 1866-1877 67CCC3, 10 mai 1878. Lettre du consul
français à Canton au Ministère des affaires étrangères. Création d’une nouvelle maison à Canton. pp. 342-344
2 Les informations dans ce tableau proviennent des contenus dans Ch.-B. Maybon et J.Fredet. Histoire de la

concession française de Shanghai. Paris. Librairie Plon. 1929; G. Brossollet. Annuaire des Français à Shanghai
(1842-1955) ; Académie des sciences sociales de Shanghai. Annales du commerce extérieur de Shanghai. Shanghai.
(上海社会科学院:《上海对外经济贸易志》) CAO Shengmei. Les mouvements des négociants français à
Shanghai pendant la dernière période de la dynastie de Qing (1847-1910)( 曹胜梅:晚清时期法商在沪经营活动
述略1847-1910。)
3 Le nom de Vaucher frères et Cie est apparu dans la liste de des maisons françaises à Shanghai en 1872 sur la lettre

de Ministre des affaires étrangères à Ministre du commerce (Archives nationales de France. F12.7058. 29 septembre
1872.), mais disparu dans la liste de 1874(Archives nationales de France. F12.7058. 31 décembre 1874). Donc on
estime que cette maison doive se fermer en 1873.
207
« revente » ; deuxièmement, la lenteur des communications entre l’Asie et l’Europe.
L’échange de soies est déjà l’un des mouvements commerciaux à plus haut risque à
cause ses grands valeurs et de sa saisonnalité1 Ces deux derniers éléments augmentent
encore le risque pour ces maisons. D’un côté, bien que quelques patrons de ces maisons
françaises de soies aient été des représentants des compagnies en France, mais les
maisons qu’ils ont créées à Shanghai sont des sociétés indépendantes (aucun rapport
avec les anciennes entreprises qui les ont embauché) au lieu des filiales de leurs anciens
employeurs. Ces maisons de commerce ne sont pas forcément capables de trouver les
clients en France. Même si elles possédaient des acheteurs stables en France, elles
devraient payer pour les soies qu’elles achètent en avance, et ensuite leurs clients (s’il
y en a) en Europe vont leurs payer « au moyen de traites à six mois de vue ».2 Ce mode
de commerce international est le commerce de « revente », lequel non seulement ajoute
tant la précarité des clients mais aussi prolonge la période du cycle des capitaux.
Comparativement, des maisons anglaises et américaines (surtout des grandes maisons
parmi eux, comme Jardine Matheson et Cie et Dent et Cie) se déroulent aussi comme
les maisons indépendantes avant les années 1870 (et même après), mais leurs capitaux
sont plus abondants et leur domaine d’exercice principal est souvent l’importation de
l’opium en Chine, ce qui les aide à baisser le risque commercial.3 De l’autre côté, la
sujétion de la transmission des messages entre l’Asie et l’Europe augmente encore la
chance de l’échec de l’écoulement des matières des soies en Europe. Avant les années
1870, la communication entre la Chine et l’Europe est assurée par des navires postaux.
Même après l’ouverture du canal de Suez, il faut encore 6 semaines de voyage pour le
plus rapides des navires postaux d’Europe vers la Chine.4 En conséquence il n’est pas

1 Le prix et la quantité de la soie dépendent de qualité et la quantité de la production de la soie, lesquelles sont très
variées selon de différentes saisons.
2 N.Rondot. Chambre de commerce de Lyon. Commerce de la France avec la Chine. Délibération prise sur le rapport

de M. Rondot Séance du 12 janvier 1860.


3 XIONG Yuezhi. L’histoire de Shanghai. L’économie de la dernière époque de Qing. Shanghai. Editions des

peuples de Shanghai. 1999. p. 209. (熊月之: 《上海通史·晚清 j 经济》 ,上海:上海人民出版社,1999年,第


209页。)
4 Quelques grandes maisons étrangères en Chine envoient souvent de rapides bateau à Singapore pour qu’ils puissent

disputer le premier à connaître la situation du marché de l’Europe. Le Jardine Matheson et Cie a installé un poste
d’observation (渣甸瞭望台) au sommet du mont de Dongjiao à Hongkong pour obtenir des informations de Londres
plus tôt. « Lorsque l’observateur constate des mats des navires en provenance de Londres ou des Indes qui
apparaissent sur la vaste mer, il signifie immédiatement à la compagnie d’envoyer un bateau rapide pour rapporter
des messages. » Pour plus de détails sur la transmission des messages entre l’Europe et la Chine, consulter FENG
208
possible pour des maisons européennes à Shanghai de connaître exactement la demande
du marché européen lorsque de nouvelles soies chinoises sont mises à la vente. En ce
cas, ces maisons de soies à Shanghai sont obligées d’abord d’acheter rapidement des
nouvelles soies (car la quantité des soies dans une saison est limitée) sans information
sur le marché européen, et ensuite cherchent des clients pour ces soies. Si la quantité de
soies demandées par l’Europe est très inférieure à celle prévue, une maison à Shanghai
sera probablement en faillite.

C Modification du mode commercial euro-asiatique et évolution des maisons


françaises en Chine après 1870
Un des événements les plus importants dans l’histoire commerciale entre l’Europe
et l’Extrême-Orient se déroule au début des années 1870 : la mise en oeuvre de la
télécommunication entre ces deux régions.
Au printemps de l’année 1871, la China Submarine Telegraph Company à
Londres a prolongé des câbles marins anglais à Shanghai. La télécommunication entre
Londres et Shanghai est ouverte le 17 avril 1871, tandis que celle entre Londres et
Hongkong est mise en œuvre deux mois plus tard (2 juillet 1871). 1 La ligne de
télégraphe entre la Chine et la Russie par Vladivostok est connectée aussi le 1er janvier
1872, ce qui concrétise la liaison télégraphique continentale euro-asiatique.2
Comme ce que beaucoup d’historiens ont déjà conclu, la connexion télégraphique
conduit à un renforcement du niveau d’intégration des marchés internationaux. 3
L’accélération de la transmission des informations rapproche également les marchés
des deux côtés du continent euro-asiatique. Désormais, il ne faut qu’une journée pour
la transmission d’un message entre l’Europe et la Chine, qui avait besoin de plusieurs

Bangyan. Les consortiums anglais à Hongkong. Hongkong. Editions de Sanlian. pp. 17-20. (冯邦彦: 《香港英资财
团》 ,香港:三联书店,1996年,第17-20页。)
1 A.T.Rixon. Telecommunications of China with Foreign Countries. The Public Opinion Quarterly. Vol.2. n°3. 1983.

p.478.
2 D.R.Headrick. The tentacles of Progress: Technology Transfer in the Age of Imperialism, 1850-1940. Oxford.

Oxford University Press. 1988. p.107.


3 Beaucoup d’historiens affirment que la connexion télégraphique a augmenté le niveau de convergence du prix sur

les marchés de Londres et de New-York. Consulter K.D.Garbade and W.L.Silber. Technology, Communication and
the Performance of Financial Markets: 1840-1965. The Journal of Fiance. Vol 33. n°3. 1978; R.C.Michie. London
and New York Stock Exchanges 1850-1914. London. Allen and Unwin. 1987.
209
semaines même plusieurs mois. Cela permet à tous les négociants de Shanghai de
connaître les informations les plus récentes sur le marché européen.1 « Si les demandes
de Londres ont dépassé les fournitures aujourd’hui, la partie supplémentaire va être
satisfaite immédiatement. »2 Pour le commerce de la soie, des exportateurs de la soie
en Chine n’a besoin que d’un message télégraphique pour connaître des quantités et la
qualité de soies demandées par les acheteurs en Europe, et ensuite achètent et envoient
exactement les soies selon la commande. La liaison du télégraphe a diminué
l’aveuglement des commerçant du marché lointain, et donc a réduit risque du commerce
de soie entres le monde oriental et celui occidental.
En même temps, le mandat télégraphique remplace graduellement le mandat
postal dans le commerce international, ce qui diminue considérablement la durée de
traite. Avant les années 1870, des exportateurs à Shanghai devaient payer en avance
pour des marchandises, puis les acheteurs en Europe effectueraient des paiements avec
des traites postales en vue de plusieurs mois. Après la mise en œuvre de la
télécommunication, des exportateurs en Chine peuvent recevoir immédiatement des
traites télégraphiques lorsqu’ils envoient des marchandises en Europe. Après de vendre
ces traites dans le marché de change, ils obtiendront immédiatement des capitaux de
circulation pour la prochaine commande.3 Le risque commercial est encore largement
diminué.
La mise en place de la télécommunication conduit, d’après les recherches des
historiens, notamment celles de WANG Jingyu et de WANG Xiang, à une évolution du
mode commercial entre l’Europe et la Chine. En remplaçant le commerce de « revente »,
par le commerce de « commande » qui devient le principal mode commercial pour
l’exportation de Chine en Europe après les années 18704. Grâce à la mise en place de

1 C.Hoag. The Atlantic Telegraph Cable and Capital Market Information Flows. The Journal of Economic History.
Vol 66. N°2. 2006. p.342.
2 Daily News (UK). 16 October 1888.p. 367.
3 T.R.Banister. A History of the External Trade of China 1834-1881. Shanghai. Maritime Customs Decennial

Reports 1922-1931. Vol. I. pp.77-78.


4 Consulter WANG Jingyu. Activité financière des capitaux étrangers en Chine moderne. p.108. (汪敬虞: 外国资

本在近代中国的金融活动 ,第108页。) ; WANG Xiang. Une comparaison entre les modernisations de l’industrie
de la soie de Chine et du Japon. pp. 426-428. (王翔: « 中日丝绸业近代化比较研究 »,第426-428页。). Selon
leurs recherches, il y a aussi un changement du mode de commerce au niveau de l’importation de l’Europe en Chine.
Après les années 1870, le commerce de consignation devient le format principal pour exporter des articles européens
en Chine. Nous discuterons ici seulement le changement du mode de commerce sur l’exportation de Chine vers
210
la télécommunication, des acheteurs en Europe n’ont plus besoin d’amasser une grande
quantité de marchandises en dépôt à cause de l’inquiétude de l’insuffisance de
fourniture des matières premières. S’ils en ont besoin, il suffit de prendre contact
directement avec une maison commerciale (souvent leurs agences ou partenaires) en
Chine et envoyer leurs commandes par le télégraphe en joignant des traites
télégraphiques. Leurs besoins vont être satisfaits tout de suite par les maisons aux ports
ouverts de Chine. Pour les maisons commerciales aux ports chinois, il n’est plus
nécessaire d’acheter aveuglement de matières premières et d’effectuer les paiements en
avance. Ce qu’elles ont besoin de faire est de prendre des commandes des compagnies
en Europe, d’acheter exactement certaines quantités ou qualités des marchandises
demandées dans les commandes, de payer pour ces marchandises avec des monnaies
envoyées par des compagnies en Europe et d’envoyer des marchandises en Europe. Des
bénéfices gagnés par des exportateurs aux ports chinois ne sont plus des bénéfices
d’échange, mais des frais de commission. Avec ce type de commerce de « commande »,
d’un côté, de plus en plus d’entreprises européennes établissent leurs comptoirs en
Chine, car la communication entre le siège et les agences peut être assurée par le
télégraphe ; de l’autre côté, de plus en plus de maisons indépendantes en Chine
deviennent graduellement des commissionnaires des acheteurs en Europe.
Quelle influence un tel changement du mode commercial a-t-il eu sur le
développement des maisons françaises, surtout au développement des maisons
françaises de soies en Chine après les années 1870 ? Le nombre total des maisons
étrangères en Chine commence à monter plus rapidement après les années 1870, et une
croissance remarquable apparaît au début du 20e siècle. Les statistiques dans les
tableaux III-8 nous indiquent que le nombre total des maisons étrangères en Chine
s’accroît de 343 à en 1872 à 3 239 en 1911, soit une augmentation de presque 10 fois.
Deux explications pour ce développement : d’un côté, comme on a indiqué, plus
d’entreprises européennes ouvrent leurs agences en Chine après la mise en œuvre du
télégraphe. De l’autre côté, comme ce qu’on a montré au-dessus, pendant la période du

Europe lequel concerne le sujet de cette thèse.


211
« commerce de commande », les maisons commerciales en Chine n’ont plus besoin de
payer par avance pour les marchandises qu’elles vont exporter vers l’Europe. Les
acheteurs européens les payent par mandat télégraphique, et les maisons payent à leurs
fournisseurs à la suite. Cela se traduit par une importante diminution des fonds de
roulement et des capitaux demandés pour l’installation des maisons étrangères en Chine.
En conséquence, de plus en plus de « petites maisons » étrangères indépendantes
apparaissent dans les ports commerciaux de Chine. Avec de telles impulsions, le
nombre des maisons françaises s’accroit très vite après les années 1870. Il monte de 17
à 37 entre 1872 à 1898, et ensuite constate une croissance très forte pendant les dizaines
années suivantes. A la veille de la grande guerre, le nombre des maisons françaises en
Chine atteint 110. Des domaines d’exercice de ces nouvelles maisons françaises sont
très divers : les agences des banques, les sociétés d’assurance, les compagnies de
navigation, les sociétés d’exploitations de mines, les importateurs d’articles français
(vins, articles de Paris, alimentations, bijouteries, horlogeries, etc), les maisons de
charbons, les restaurants, les hôtels, les coiffeurs, et évidemment, les exportateurs de
soies, etc.1

Tableau III-8-A Nombres de personnes et de maisons en Chine de pays

divers 1872-18982

1 Archives du Ministère des affaires étrangères. 148CPCOM678. Chine. Relation commerciale avec la France 1900-
1901. 29 décembre 1900. Rapport du commerce français en Chine.
2 Statistiques commerciales des douanes de Chine de 1872 à 1978, cité de YAO Xiangao. Les sources de l’histoire

du commerce extérieur de Chine pendant l’époque moderne 1840-1895. pp. 1000-1003. (姚贤镐: 《中国对外贸易
史资料1840-1895》 ,第1000-1003页。)
212
France Angleterre Etats-Unis Toutes les maisons étrangères
Nombe de Nombre de Nombre de Nombre de Nombe de Nombre de Nombe de Nombe de
Années maisons personnes maisons personnes maisons personnes maisons maisons
1872 17 244 221 1780 42 538 343 3673
1873 9 338 215 1530 52 518 345 3457
1874 7 307 215 1537 50 530 340 3489
1875 6 211 211 1611 46 541 343 3579
1876 10 298 226 1616 45 536 358 3607
1877 8 176 218 1851 37 383 349 3817
1878 9 224 220 1958 35 420 351 3814
1879 20 228 299 2070 31 469 451 3995
1880 16 164 236 2085 31 476 385 4051
1881 8 274 289 2292 21 406 422 4792
1882 12 335 298 2402 24 410 440 4894
1883 12 332 220 2463 18 423 354 5297
1884 14 424 229 2704 21 621 380 6364
1885 23 443 233 2534 27 761 396 6698
1886 24 471 256 3438 29 741 421 7695
1887 18 515 252 3604 28 855 420 7905
1888 19 467 297 3682 29 1020 521 8269
1889 20 551 290 3276 27 1061 474 7905
1890 19 589 327 3317 32 1153 522 8107
1891 24 681 345 3746 27 1209 547 9067
1892 29 862 363 3919 31 1312 579 9945
1893 33 786 354 4163 30 1336 580 9891
1894 32 807 350 3989 31 1294 552 9350
1895 31 875 361 4084 31 1325 603 10091
1896 29 933 363 4362 40 1439 672 10855
1897 29 698 374 4929 32 1564 636 11667
1898 37 920 398 5148 43 2056 773 13421
1899 76 1183 401 5562 70 2335 933 17193
1900 82 1054 424 5471 81 1908 1006 16881
1901 64 1361 427 5410 99 2292 1102 19119
1902 71 1263 426 5482 108 2461 1189 18962
1903 71 1213 420 5662 114 2542 1292 20404
1904 67 1734 436 5981 106 3220 1602 27227
1905 77 2143 434 8493 105 3380 1693 38001
1906 94 2189 492 9256 112 3447 1837 38587
1907 99 2201 490 9205 115 2862 2595 69852
1908 88 2029 487 9043 109 3545 2407 77960
1909 84 1818 502 9499 113 3168 2801 88310
1910 110 1925 601 10140 100 3176 3239 141868
1911 112 1925 606 10256 111 3470 2863 153522
1912 107 3133 592 8690 133 3869 2328 144754
1913 106 2292 590 8966 131 5340 3805 163827
1914 113 1864 534 8914 136 4365 3421 164807

Tableau III-8-B Différentes nationalités étrangères représentées en Chine

en 19101

1 Archives du Ministère des affaires étrangères. 148CPCOM678. Chine. 1897-1914. 28 août 1911. Les différentes
213
Maisons de Nombre de Maisons de Nombre de
Nationalité commerce Personnes Nationalité commerce personnes
Japonaise 1 601 65 434 Autrichienne 26 227
Britannique 601 10 140 Italienne 22 274
Russe 298 49 395 Hollandaise 18 150
Allemande 238 4 106 Belge 13 225
Française 110 1 925 Danoise 8 260
Américaine 100 3 176 Norvégienne 8 188
Espagnole 84 400 Hongroise 3 28
Portugaise 57 3 337 Suédoise 1 166
Puissances
Coréenne 46 2 256 sans traité 5 141

D Les maisons étrangères dans le commerce de la soie grège entre la Chine et la


France
Toutefois, le développement des maisons françaises occupant le commerce de la
soie grège est beaucoup plus discret par rapport à la croissance de l’ensemble des
maisons françaises en Chine. Parmi toutes les maisons étrangères qui exportent de la
soie à Shanghai, il y en a seulement quatre sous le pavillon français en 1872. Ils sont :
Vaucher frères et Cie, la seule maison de soie créée depuis les années 1850 qui n’est
pas encore fermée; Ulysse Pila et Cie, qui est une agence la Ulysse Pila et Cie de
Marseille ouverte à Shanghai en 1869 ; Nachtrieb Leroy et Cie, une agence de la
Chartron Monnier et Cie de Lyon créée par Adolphe Edouard Nachtrieb à Shanghai en
1868; Lacroix Cousins et Cie, une agence d’une autre entreprise de Lyon ouverte à la
fin des années 1860. 1 Dans la liste de l’année 1874, il ne reste que trois maisons
françaises car la Vaucher frères et Cie a fermée durant l’année 1873.2 Deux ans plus
tard (1876), la Nachtreb Leroy et Cie a disparu aussi dans la liste à cause du retour en
France de A.E.Nachtrieb.3 Le nombre de maisons françaises qui exporte des soies de

nationalités étrangères représentées en Chine 1911.


1 Archives nationales de France. F 12.7058. 29, septembre 1872. Lettre du Ministre des affaires étrangères au

Ministre du commerce. Liste des maisons de soies étrangères à Shanghai.


2 Archives nationales de France. F 12.7058. 31. décembre 1874. Liste des principales maisons commerciales à

Shanghai.
3 Archives nationales de France. F 12.7058. 12. avril 1877. Liste des maisons étrangère à Shanghai.

214
Shanghai remonte à quatre en 18801, mais ce chiffre tombe encore une fois à deux en
1887 (ces deux maisons sont des agences de la Ulysse Pila et Cie à Shanghai et de
Conzon et Giraud et Cie à Shanghai.). 2 En 1900, il y a 24 maisons françaises qui
s’installent à Shanghai, dont 7 maisons s’occupent des affaires d’exportation de la soie.
Elles sont : Ulysse Pila et Cie, Conzon et Giraud et Cie, Brunet et Cie, Racine
Ackermann et Cie, Olivier et Cie, Tillot et Cie, Chauvin, Chevalier et Cie. Parmi ces 7
maisons, la Ulysse Pila et Cie et la Conzon et Giraud et Cie sont déjà apparues dans la
liste des maisons françaises de 1887, qui sont les agences à Shanghai de deux
compagnies françaises. Les autres cinq maisons françaises à Shanghai sont également
les agences des entreprises avec des sièges à Paris ou à Lyon.3
A Canton, la situation des maisons françaises de soies n’est pas meilleure qu’à
Shanghai. La première maison de soies, l’agence de Lacroix Cousins et Cie, est
instituée à Canton en 1876 4 ; ensuite, plusieurs compagnies françaises apparaissent
successivement dans cette ville. Jusqu’à l’ouverture d’une nouvelle maison de soies, E.
Pasquet et Cie, en 1892, il n’y a que 5 maisons françaises au total à Canton à Canton,
dont 4 exportent les soies. Ces quatre maisons sont : l’agence de la Lacroix Cousins et
Cie à Canton ; l’agence de l’Ulysse Pila et Cie à Canton, l’agence de Cozon et Giraud
à Canton ; la nouvelle compagnie de soies créée par « MM. Pasquet et Tamet, qui
étaient inspecteurs de soies à la grande maison américaine, Russell et Cie ».5 En 1902,
sur la liste des maisons étrangères qui exportent les soies à Canton, nous avons constaté
trois maisons françaises dedans : E. Pasquet et Cie, Boyer, Mazet, Guilliée et Cie, et
Varenne et Cie.6 Dix ans plus tard, Boyer Mazet, Guilliée et Cie, Gérin Rykébus et Cie,
Albert et Wullschleger et Cie, La générale soies et Cie sont les maisons qui apparaissent
dans la liste.7

1 Archives nationales de France. F 12.7058. 8 mai 1880. Rapport du consul français à Shanghai au Ministère des
affaires étrangères.
2 Archives nationales de France. F 12.7058. 12, octobre 1887. Liste des maisons commerciales françaises à Shanghai.
3 Archives du Ministères des affaires étrangères.148CPCOM563 Chine, relation commerciale avec la France 1900-

1901 29 décembre 1900. Rapport du commerce de France en Chine. pp. 65-66.


4 Archives du Ministères des affaires étrangères. Canton 3. 1866-1877 67CCC3, 10 mai 1878. Lettre du consul

français à Canton à Ministère des affaires étrangère. Création d’une nouvelle maison à Canton. pp. 342-344
5 Archives du Ministères des affaires étrangères. Canton 5 1889-1900 67CCC5. 20 août 1892. Une nouvelle maison

française à Canton.
6 Archives nationales de France. F 12.7056. Canton. Rapport commercial de Canton en 1902.
7 Archives nationales de France. AN F12. Canton 1907-1914. 31 mars 1912. Les exportations des soies à Canton

215
Il n’y a pas de maisons françaises qui s’occupent du commerce des soies dans les
autres ports ouverts au commerce international. Dans la province du Sichuan, où se
trouve la troisième grande région de production de soies de Chine, la première maison
de soies française, la Compagnie de Sin India, ne s’y installe qu’en 1911. La même
année, une ancienne maison française qui se situe dans cette ville, la Compagnie
française de l’Orient, décide aussi de prendre en charge le commerce de soies en
abandonnant ses anciennes affaires.1 Shandong est la province qui exporte le plus de
soie grège depuis la fin du 19e siècle. Cependant, la première maison française
exportant les soies s’installe dans cette province seulementen 1922, lorsqu’Olivier et
Cie crée un comptoir près du port de Tchefou (le plus important port de Shandong).2
Après les années 1870, les maisons françaises de soies en Chine, présentent deux
caractéristiques évidentes ; tout d’abord, ces maisons, surtout à Shanghai et Canton,
sont des comptoirs établis par des compagnies établies en France, ce qui reflète le
changement du commerce international et en particulier l’essor des maisons étrangères
en Chine comme dans d’autres pays. En second lieu, le nombre de maisons françaises
de soies est très limité entre le début des années 1870 et jusqu’à la veille de la Grande
Guerre. De plus, le taux de faillite est assez élevé. Très peu de ces maisons sont
ouvertes dix ans après leur création.
La faible présence des maisons françaises de soies avant les années 1870 est en
partie expliquée par la prospérité du marché de Londres, la concurrence des grandes
maisons anglaises, et le risque commercial très élevé. Mais pourquoi le nombre des
maisons françaises de soies ne s’accroît-il guère même avec l’expansion du marché de
Lyon et le développement du commerce de la soie direct entre la France et la Chine
après les années 1870 ?
Nous avons trouvé quelques pistes dans les lettres du consul français à Shanghai et
du Ministre des affaires étrangères.

pendant l’année 1911-1912.


1 En dehors des deux maisons françaises dans le texte, il y a une autre maison française qui exporte la soie de porc

(猪鬃) à Chongqing en 1911. Consulter Archives du Ministère des affaires étrangères. 148CPCOM566 Chine.
Relation commerciale avec la France 1910-1911. 2 Juillet 1911. Maisons françaises à Tchong-king.
2 SONG Yu-e. La colonisation de Tchefou et des maisons étrangères. Histoire mondiale. 1987. n°6. pp.112-113. (宋

玉娥:外国洋行与烟台的殖民地化, 《世界历史》 ,1987年第6期,第112-113页。)


216
Le 29 novembre 1898, le consul français à Shanghai dépose un rapport au Ministre
des affaires étrangères :
« Ce qui concerne le commerce d’exportation de Chine à destination de la France,
la situation est la même que pour la représentation de nos établissements industriels en
Extrême-Orient, c'est-à-dire que les intérêts des grandes maisons françaises, acheteur
des soies sont également confiés, pour la plus grande partie, à des intermédiaires de
nationalité étrangère. »1
Etant au courant, le Ministère du commerce, de l’Industrie, des Postes et des
Télégraphes croit que les collaborations des marchands de Lyon avec les maisons
étrangères en Chine ont déjà empêché l’intérêt commercial des maisons françaises à
l’Extrême-Orient. Ces collaborations « font subir au commerce français la tendance de
certains grands industriels et d’importants établissements de la métropole, à négliger le
concours de nos compatriotes fixés à l’étranger et qui paraissent tout naturellement
qualifiés pour leur servir d’intermédiaires. »2 Immédiatement, ce dernier département
exerce une pression à la Chambre de commerce de Lyon en suggérant les marchands
de Lyon à collaborer avec leurs compatriotes à Shanghai :
« Les agents diplomatiques et consulaires de France signalent fréquemment dans
leurs rapports que de grands établissements industriels et d’importantes maisons de
commerce de la Métropole confient leurs intérêts au dehors à des étrangers alors même
qu’ils pouvaient s’adresser à des maisons françaises offrant, tout au moins des garanties
égales. Mon attention a été tout particulièrement attirée sur la place de Shanghai où il
existerait, m’assure-t-on, un grand nombre d’ingénieurs et de commissionnaires
français présentant toutes les garanties de capacité et d’honorabilité.
Je ne méconnais pas, Monsieur le président, que des considérations multiples et
des circonstances particulières peuvent obliger les maisons françaises dont il s’agit à
choisir leurs représentants parmi les négociants d’autres nationalités établis sur place ;
mais j’estime cependant, avec M. le Ministre des affaires étrangères, qu’il convient

1 Archives du Ministère des affaires étrangères. 148CPCOM562 Chine relation commerciale avec la France 1898-
1899. 29 novembre 1898. Représentation du commerce français en Chine. pp.122-123.
2 Archives du Ministère des affaires étrangères. 148CPCOM562 Chine relation commerciale avec la France 1898-

1899. 30 décembre 1898. Représentation du commerce français en Chine. p.138.


217
d’éclairer nos commerçant sur le préjudice que fait subir au commerce français cette
tendance à négliger le concours de nos compatriotes fixés à l’étranger et qui paraissent
tout naturellement qualifiés pour leur servir d’intermédiaires.
Je vous serai obligé, Monsieur le Président, de faire connaître aux maisons
intéressées de notre circonscription les observations de nos consuls à ce sujet et j’ai
l’espoir que leur patriotisme leur suggérera le moyen de concilier leurs intérêts
particuliers avec les intérêts généraux du commerce français. »1
Le petit nombre des maisons françaises à Shanghai est-il effectivement dû, comme
ce que le consul et le Ministre ont écrit, à la concurrence des maisons étrangères et à la
collaboration commerciale des marchands de soie lyonnais avec les maisons étrangères
à Shanghai ?
En réalité, bien que la destination des soies chinoises exportées se déplace
graduellement de Londres à Lyon après les années 1870, ce sont encore les maisons
étrangères qui maîtrisent le commerce de soies entre la Chine et la France (anglaises,
allemandes et suisses). Elles envoient toujours une quantité considérable de soies
chinoises de Chine en France.
Les anglais ont déjà commencé à envoyer les soies de Chine directement en France
pendant les années 1850. Dans l’ouvrage publié en 1856, S.Lamb indique que « la
Compagnie anglaise péninsulaire et orientale importait à Marseille deux ou trois cents
balles directement de Shanghai. Cette année, cette importation mensuelle est de 4 à 500
balles…Toutes les soies qui entrent à Marseille de sorte y sont adressées par des
maisons anglaises qui achètent pour le compte de marchands français. Ces derniers, on
en compte un ou deux à Marseille, trois ou quatre à Lyon, ont chacun un représentant à
Shanghai qui agit auprès des comptoirs anglais, pour le compte particulier de la
maison. »2 La relation commerciale entre des marchands français et des comptoirs
anglais à Shanghai est assurée par des représentants français envoyés auprès des
maisons anglaises à Shanghai ou à Canton. En 1865, parmi les 43 000 balles de soies

1 Archives du Ministère des affaires étrangères. 148CPCOM562 Chine relation commerciale avec la France 1898-
1899. 27 décembre 1898. Représentation du commerce français en Chine. pp.140.
2 S.Lamb. La soie, c’est de l’or. Lyon. Bureaux du courrier de Lyon. 1856. pp.69-71.

218
exportées de Chine, 7 300 balles de soies sont transportées directement de Shanghai en
France, dont seulement 2 500 balles sont adressées par les maisons françaises. Tout le
reste est expédié par des maisons anglaises.1
La mise en œuvre de la télégraphie entre l’Europe et la Chine non seulement
renforce le lien entre les comptoirs français et leur siège en Europe, mais encourage
aussi les collaborations entre les négociants anglais en Chine et les marchands de soies
en France. Le seul changement est la fin du monopole des grandes maisons anglaises,
puisqu’elles ne possèdent plus l’avantage des informations du marché et que les
capitaux demandés pour s’engager dans le commerce de soies ont été énormément
diminués. Beaucoup de petites maisons anglaises en Chine commencent à devenir les
commissionnaires des marchands en France. En même temps, plusieurs maisons
allemandes participent aussi dans la concurrence. Tout cela conduit à la croissance du
nombre d’exportateurs de soies de Chine et à la dispersion des quantités de soies
chinoises exportées, ce qui se traduit en même temps à un renforcement de concurrence
commercial sur le marché d’exportation de la soie de Chine. Prenons l’exemple de
l’exportation des soies chinoises en juillet 1872 :

Tableau III-9 Liste des exportateurs des soies de Chine du 1er au 26 Juillet 18722

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°40. p. 5-6. Rapport de M.P.Gicauel.
2 Archives nationales de France. F 12.7058. 29, septembre 1872. Lettre du Ministre des affaires étrangères au

Ministre du commerce. Liste des maisons de soies étrangères à Shanghai.

219
Noms des compagnies Nationalités Balles
Adamson, Bell & Co Anglaise 124
Balfour. F. H Anglaise 126
Barnet Geo & Co Anglaise 203
Blain & Co Anglaise
Birley, Worthington & Co Anglaise 174
Birt & Co Anglaise
Borntraeger & Co Anglaise
Bourjau, Hubener & Co Allemande 264
Bovet, Brothers & Co Anglaise 46
Bower, Hanbury & Co Anglaise 968
Bradwell Brothers & Co Anglaise
Brand, Brothers & Co Anglaise
Bull, Purdon & Co Anglaise 95
Butterfield and Swire Anglaise 620
Carter & Co Anglaise 17
Chapman, King& Co Anglaise 70
Dent & Co Anglaise 30
Dickinson & Co Anglaise 50
Essex & Co Anglaise 756
Fogg H & Co Anglaise 19
Findlay Wade & Co Anglaise
Framje Hormusjee & Co Anglaise
Gamwell, R F Anglaise
Gibb, Livingston & Co Anglaise 384
Gilman & Co Anglaise
Heard, Augustine & Co Américaine 201
Helbling & Co Anglaise 80
Holiday Wise & Co Anglaise 30
Hogg, Brothers Anglaise
Jardine, Matheson & Co Anglaise 497
Jarvie, John & Co Anglaise 309
Lacroix Cousins & Co Française 872
Lindsay, Head & Co Anglaise 17
Meartens, A H Anglaise 636
Milsom and Tod Anglaise
Nachtrieb, Leroy & Co Française 336
Pila & Co Française 701
Pustau, Wm & Co Anglaise
Reiss & Co Anglaise 1 329
Robison, J S Anglaise
Russell & Co Américaine 576
Sassoon, David, Sons & Co Anglaise 674
Scheibler, Matthaei & Co Anglaise 123
Shaw, Brothers & Co Anglaise 320
Siemssen & Co Allemande 143
Skeggs, C J & Co Anglaise 30
Smith, Archer & Co Américaine 136
Taylor & Bennett Anglaise 10
Tlge Nölting & Co Allemande 48
Textor & Co Anglaise 1 221
Thorne, Brothers & Co Anglaise
Vaucher frères & Co Française 53
Westall, Brand & Co Anglaise 374
Wright, Burkill & Co Anglaise 549
Vogel Hagedorn & Co Anglaise 45
Chinois 141
Divers 5 618
Total 19 198
220
Cette longue liste de maisons exportant la soie chinoise en juillet 1872 se compose
de 45 maisons anglaises, 4 maisons françaises, 3 maisons allemandes et 3 maisons
américaines. Les trois plus grandes maisons étrangères en Chine, la Jardine Matheson
et Cie (anglaise), la Dent et Cie (anglaise) et la Russell et Cie (américaine) envoient
seulement 1 103 balles de soies de Chine, soit un 1/19 de la totalité. La Reiss et Cie
(anglaise), la Textor et Cie (anglaise) et la Bower, Hanbury & Cie (anglaise) sont les
trois maisons qui expédient le plus de soies (soit ensemble 3 518 balles) pendant le mois
de juillet 1872, mais ce chiffre compose seulement 18.32% de la quantité d’exportation
totale, loin du niveau de monopole. La dispersité des soies dans chaque maison est très
remarquable dans cette liste. Certaines maisons exportent seulement une dizaine de
balles de soies à l’étranger, ce qui est évidemment le résultat du commerce de
commande. Les quatre maisons françaises achètent 1 962 balles de soies de Chine,
même moins que la quantité de 1’année 1865. L’exportation du reste de la soie pour la
France devraient être opérée par les maisons anglaises et allemandes.
Il y a encore de nombreuses statistiques qui prouvent le fait que des maisons
étrangères continuent à jouer un rôle assez important dans le commerce de la soie entre
la France et la Chine. Par exemple, pendant l’année commerciale 1876-1877, Shanghai
exporte 73 000 balles de soies, dont 33 000 sont expédiées en France et 31 000 en
Angleterre. La part envoyée par les maisons étrangères de Shanghai dans l’ensemble
des exportations destinées en France peut être évaluée à 21 000 balles, parmi lesquelles
la plupart sont opérées par des maisons anglaises.1 A Canton, on expédie 4 683 balles
de soies du 1er juin 1888 au 31 mai 1889 pour la France, dont seulement 1 456 balles
sont opérées par les maisons françaises. Le reste sont envoyé en France par trois
maisons allemandes (Gunbold Konberg et Cie, Carlowitz et Cie, ainsi que Siemssen et
Cie) et trois maisons anglaises (Dent et Cie, Reiss et Cie ainsi que Rowe et Cie). 2
L’avantage des maisons étrangères persiste jusqu’à 20e siècle. Pendant la saison 1902-
1903, 45 594 balles de soies sont exportées de Canton, dont 30 000 balles pour Lyon, 4

1 Archives nationales de France. F 12.7058. 20 août 1877. Lettre du Ministre des affaires étrangères au Ministre du
commerce.
2 Archives nationales de France. F 12.7056. Rapport du commerce et la navigation de Canton 1888-1889.

221
000 balles pour milan et 1 000 balles pour Londres. A ce moment, le commerce des
soies entre la Chine et l’Europe est opéré 12 maisons étrangères, dont 6 sont sous le
pavillon anglais (Dent et Cie, T.E.Griffith et Cie, Jardine Matheson et Cie, Jewett and
Bent et Cie, Reiss et Cie ainsi que Rowe et Cie), 3 maisons sont sous le pavillon français
(Boyer, Mazet, Guilliée et Cie, E. Pasquet et Cie ainsi que Varenne et Cie), et 3 maisons
sont sous le pavillon allemand (Arwhold Karbey et Cie, Carbowitz et Cie ainsi que
Siemssen et Cie). 1 31 368 balles de soies filées, déchets de soie et cocons sont
transportées en Europe pendant la saison 1911-1912, dont 23 325 balles sont expédiées
par les maisons anglaises, allemandes et Suisse.2
En dehors de devenir des commissionnaires des marchands français à Lyon ou à
Paris, certaines maisons étrangères (notamment anglaises) à Shanghai commencent à
instituer directement leurs agences à Lyon ou à Paris pour y exporter les soies à partir
des années 1870. Un procès très connu dans l’histoire du commerce extérieur de Chine
qui se passe en 1873 concerne les erreurs de deux grandes banques étrangères en Chine
(le Comptoir d’escompte de Paris et Hongkong et Shanghai Banc of China anglaise)
qui ne devaient pas refuser d’escompter un effet télégraphique pour 25 balles de soies
entre la Milson et Berry & Cie (anglaise) à Lyon et la Milson et Tod & Cie(anglaise) à
Shanghai. 3 Ces dernières deux compagnies, la Milson et Berry et Cie à Lyon et la
Milson et Tod et Cie à Shanghai sont justement deux compagnies de frères qui
s’occupent du commerce de la soie entre Shanghai et Lyon. La loi de 1880 de France
stipule que des compagnies anglaises peuvent bénéficier des même droits que les
compagnies françaises en France4, ce qui encourage encore les installations des maisons
anglaises en France. Dans la lettre du consul français à Canton au Ministre des affaires
étrangères, on lit que : « Ils ont des chances favorables de devenir les représentants d’un
grand nombre de nos maisons françaises et sont, par conséquent, appelés à faire une
concurrence sérieuse aux maisons étrangères qui ont des agences à Lyon et

1 Archives nationales de France. F 12.7056. Rapport commercial de Canton 1902.


2 Archives nationales de France. F 12.7223. 31 mars 1912. Les exportations des soies de Canton pendant l’année
1911-1912.
3 XUE Er. 1873. la riposte des marchands de l’Empire. Histoire nationale. 2008. N°24. pp.29-30. (雪珥:1873:

帝国商人反击战, 《国家历史》,2008年第24期,第29-30页。)
4 Archives nationales de France. F 12.6499. Report: licenses required by commercial travelers in France. 1897.

222
approvisionnent le marché de cette ville en même temps que celui de Londres et de
New-York. »1
En conclusion, avant les années 1870, Londres était le plus grand centre
distribution des soies de l’Europe. A ce moment-là, plusieurs grandes maisons anglaises
ont maîtrisé les expéditions des soies chinoises en Europe. Les pays d’Europe
continentale, comme la France, achètent souvent les soies provenant du marché lointain
par Londres. Avec la croissance d’importation des quantités de soies asiatiques après
l’explosion de la pébrine, les commerçants ne veulent plus assumer les frais
supplémentaires d’importation des soies par Londres. La création de ligne d’Extrême-
Orient des Messageries Maritimes de France et l’ouverture du Canal de Suez ont
beaucoup diminué l’avantage du transport maritime de l’Angleterre (il en sera discuté
précisément dans le prochain chapitre). En conséquence, de plus en plus de soies
chinoises sont envoyées directement en France. Cependant, la mise en œuvre de la
télécommunication euro-asiatique renforce la concurrence sur le marché d’exportation
de la soie de Chine, et la majorité du commerce direct entre la Chine et la France est
toujours dans les mains des maisons étrangères. À cause d’une concurrence provenant
de ces maisons étrangères, les maisons françaises envoient moins d’un tiers des soies
exportées en France chaque année. On peut affirmer que les maisons anglaises,
françaises et allemandes partagent l’échange de la soie entre la Chine et la France après
les années 1870.
Cependant, il faut aussi indiquer que les soies chinoises doivent passer souvent par
un circuit assez compliqué avant leurs exportation : il existe en effet un grand nombre
de intermédiaires entre le lieu de production de soies et les maisons étrangères en Chine,
ce que nous allons présenter dans les prochaines sections.

1 Archives nationales de France. F 12.7056. 20 août 1892. Une nouvelle maison est instituée à Canton pour l’achat
des soies.
223
III-3 Les intermédiaires chinois

Des négociants chinois sont des intermédiaires très importants entre les maisons
de soie étrangères installés dans les ports ouverts de Chine et des producteurs situés
dans les régions de productions à l’intérieur du pays. Avant exportation, la soie
chinoise passe souvent par un processus de circulation très complexe à l’intérieur de
Chine : elle s’échange de mains en mains entre des maisons de soie locales, des
magasins de soie des marchands du port, des Tongshi (通事), des compradors1 de soie
(丝楼买办), etc. Ces intermédiaires chinois assurent presque toute la fourniture des
soies aux maisons étrangères pendant le 19e siècle. Dans cette section, nous allons
observer le processus de la circulation de la soie chinoise à l’intérieur de Chine avant
son exportation. Nous étudierons le rôle des intermédiaires chinois dans un tel
processus, les relations internes entre eux (les moyens de communication, leurs modes
de transaction), ainsi que la relation entre les intermédiaires chinois entretenaient avec
des maisons étrangères.

A Monopole de l’exportation de la soie chinoise par des marchands de « Co-hong »


avant 1842
Avant la guerre d’opium (1840-1842), des négociants étrangers ne peuvent faire
d’échanges commerciaux qu’avec des marchands de Cohong (公行) à Canton. Ces
derniers bénéficient du monopole dans le commerce extérieur de Chine. Toutes les soies
chinoises destinées à l’échanger doivent passer par le port de Canton et d’être vendu
par les marchands de Cohong aux négociants étrangers. À l’intérieur de Chine, les
principaux fournisseurs de soie pour les Cohongs sont des marchands cantonais (粤商).
Ceux-ci achètent les produits de la terre à l’intérieur de Chine puis les vendent à Cohong
à dessein d’exportation. Ils envoient à Cohong tant les soies de Guangdong (广东 —
dont des quantités de production sont faibles) que les soies de Zhejiang (浙江丝). Selon
les notes des nouvelles critiques textuelles de la dynastie de Qing (《清朝续文献通

1 Nous allons détailler les définitions de Tongshi et de compradors dans cette section.
224
考》) de Liu Jintang (刘锦藻), la soie de Jili (辑里丝)1 a déjà fait son apparition dans
le marché européen en 1825. « la soie de Jili est si ténue, si éclatante, et si tenace, qu’elle
est admirée par les étrangers…… ce genre de soie s’écoule pour environ 50 000 ou
60 000 balles par ans. ».2. À ce moment-là, plus de cinquante maisons de soies se sont
créées dans la ville de Nanxun (南浔) autour de laquelle se trouve la plus importante
région de production de soie de la province du Zhejiang. La majorité de ces maisons
appartenaient à des représentants officiels des ateliers textiles gouvernementaux de
Nanjing (京庄) ou à des négociants cantonnais transportant les soies de Zhejiang à
Canton (广庄) pour l’exportation3. Le processus de circulation de la soie à l’intérieur
de Chine consistait alors dans l’achat par les négociants locaux de Zhejiang de petites
quantités à des paysans locaux, puis en la revente à ces maisons de Nanjing ou Canton.
Les Règles des décrets impériaux (《乾隆上谕条例》) indiquent que « les négociants
cantonnais achètent une grande quantité de soies chaque année, dont la valeur est
souvent plus d’un million taëls. Au minimum ces achats ne devraient représenter moins
que 80 000 taëls. »4
Les négociants locaux de Zhejiang commencent également à essayer d’envoyer
directement leurs soies à Canton au début de 19e siècle. En effet, les marchands
cantonais baissent souvent le prix d’achat aux régions de production de soies pour
augmenter leurs profits. Cela aboutit à l’insatisfaction des marchands locaux. « Après
que la Compagnie des Indes anglaises fut venue développer la relation commerciale
avec la Chine, certains marchands locaux de Zhejiang s’aventuraient à Canton en navire
pour faire les échanges avec les négociants anglais par Cohong. Tous ces marchands
ont alors accumulé des grandes richesses. » 5 Ces marchands de Zhejiang qui

1 La soie de Jili (辑里丝) s’appelle aussi la soie de Qili(七里丝). La distance du lieu originaire de production de
cette soie est 7 miles chinois (七里, égale 3.5 kilomètres ) de la commune de Nanxun ( dans la province de Zhejiang),
ainsi on l’appelle la soie de Qili ou Jili. Toutes les soies produites dans la commune de Nanxun sont nommées comme
soies de Jili plus tard. Ce genre de soie est très connu sur marché européen après l’ouverture de Chine en 1842 grâce
à sa meilleure qualité.
2 LIU Jinzao, nouvelles critiques textuelles de la dynastie de Qing. Shanghai. Editions de Shangwu. 1936. Vol. 379.

Economie II. (刘锦藻: 《续文献通考》 ,上海:商务印书馆,1936年,卷379,《实业二》 。)


3 XU Faxiang. Les causes du déclin des capitalistes de Nanxun. Mémoire de Master soutenu à l’Ecole centrale du

parti communiste chinoise. 2009. pp.8-9. (许发祥: 《近代民族资本浔商衰落原因新探》 , 中共中央党校硕士学


位论文,2009年,第8-9页。)
4 Revue des sources historiques, Beijing. Bibliothèque du musée de la Cité interdite. 1932. n° 35. p.33. (《史料旬

刊》第35期,北京:故宫博物院文献馆,1932年,第33页。)
5 LIU Dajun. L’économie rurale de Zhejiang. Shanghai. Editions de Wenrui de Shanghai. 1939. p.259. (刘大钧:

225
transportent des marchandises ou installent leurs magasins à Canton sont nommés
« Zou Guang Zhe Shang » (走广浙商, les colporteurs de Zhejiang à Canton). Zhang
Xinxian (张新贤)1, créateur du premier magasin de soies à Shanghai, Mei Rongji (梅
鸿吉)2, marchand très connu spécialisé dans l’amélioration de la soie de Jili faisaient
alors tous partie de ces colporteurs.

B Apparition des magasins (comptoirs) de soie à Shanghai après l’ouverture de la


Chine
Le traité de Nanjing prévoit la fin du monopole commercial du Cohong en Chine.
L’ouverture du port de Shanghai modifie le parcours de circulation de la plupart du
commerce de la soie à l’intérieur de Chine avant exportation. Il n’est plus nécessaire de
transporter les soies de Zhejiang à Canton. De grandes maisons étrangères de Canton
transfèrent leurs nouveaux comptoirs à Shanghai tandis que certaines emménagent
directement à Shanghai en abandonnant leurs affaires à Canton. Shanghai, en dépassant
Canton, devient graduellement le plus grand port d’exportation de soies en Chine. Dans
de telles circonstances, un grand nombre d’anciens marchands locaux de Zhejiang
commencent à essayer d’établir une relation commerciale directe avec les maisons
étrangères en créant leurs propres magasins de soies à Shanghai (丝栈)3. Les marchands
de Zhejiang remplacent immédiatement les marchands cantonais comme les plus
grands fournisseurs de soie des maisons étrangères.
Le premier magasin de soie à Shanghai est un comptoir appartenant à la
Compagnie de Dunli ( 敦 利 外 贸 商 号 ), laquelle est la première maison chinoise
spécialisée dans le commerce extérieur de la ville. Cette compagnie est créée
conjointement par un marchand de Zhejiang (Zhang Xinxian 张新贤) et deux autres

《吴兴农村经济》 ,上海:上海文瑞印书馆,1939年,第259页。)
1 Demande du marchand Zhang Xinxian pour la création de la Compagnie de Dunli spécialisée le commerce avec

les anglais(« 商人张新贤为禀请开设敦利号以与英商贸易事 »). Fonds de la Bibliothèque Britannique, O R 7418.


A
2 ZHOU Qingyun. Les Annales de Nancun., Vol 21. Personnage 4. Mei Baochu. p.16. publié en 1922. (周庆云:

《南浔志》 ,卷二十一, 《人物四·梅宝楚传》 ,第16页,1922年。) Fonds de la bibliothèque de l’Université de


Waseda.
3 Il faut remarquer qu’on utilise le mot « magasin »(栈) au lieu de « maison »(行) pour décrire des compagnies de

soies chinoises à Shanghai, parce que ces compagnies de soies fonctionnent plutôt comme des entrepôts au lieu des
sociétés. Nous allons discuter les détails plus tard.
226
marchands cantonais (陈春圃,卞博山) le 23 octobre 1843. Ceux-ci colportent souvent
les soies de Zhejiang à Canton avant l’année 1842.1 À la fin de l’année 1843, un autre
marchand de Zhejiang, Shen Hao (沈浩) ouvre à Shanghai un autre magasin de soie, le
Magasin de soie de Tong Yi (通亿丝栈), avec 10 000 taëls de capital. Il devient le
deuxième magasin de soie à Shanghai. 2 Selon les notes commerciales des maisons
chinoises à Shanghai de mars à août de l’année 1844, il y a alors déjà quarante-six
compagnies chinoises installées à Shanghai, parmi lesquelles seize qui spécialisées ou
vendant de la soie.3

Tableau III-10 Magasins de soie chinois à Shanghai en 1844


Natures des Quantités Quantités
marchandises de soies Nautres des de soies
Noms exportées vendues Noms marchandises exportées vendues
本号 thé, soie de Zhejiang,
Compagnie officielle alun, plâtre 687 balles 华记Huaji et Cie soie de Zhejiang, Musc 14 balles
敦利 Dunli et Cie thé, soie de Zhejiang 67 balles 位记 Weiji et Cie soie de Zhejiang, plâtre
通亿 Tongyi et Cie Thé 29 balles 怡利Yili et Cie soie de Zhejiang 80 balles
soie de Zhejiang,
广利 Guangli et Cie soie de Zhejiang 48 balles 名利Mingli et Cie tissu de cotton
porcelaine, Bronze,
Rhubarbe, soie de
怡生 Yisheng et Cie soie de Zhejiang 551 balles 长益Changyi et Cie Zhejiang 20 balles
thé, soie de Zhejiang,
公正Gongzheng et Cie tissu de coton 6 balles 义记Yiji et Cie soie de Zhejiang 87 balles
和记Heji et Cie soie de Zhejiang 隆记 Longji et Cie soie de Zhejiqng 28 balles
soie de Zhejiang,
仁记 Renji et Cie plâtre 和山Heshan thé, soie de Zhejiang 57 balles

Nota : 1 la Compagnie officielle est une maison créée par la mairie de Shanghai qui se
charge des affaires de communications entre le gouvernement et d’autres maisons.
2 Toutes ces compagnies achètent les marchandises étrangères de maisons étrangères
en même temps. On n’a pas formulé les natures et les quantités des marchandises
achetées par ces maisons.

1 Admission du maire de Songjiang à la création de la Compagnie de Dunli spécialisée dans le commerce


extérieur(« 苏松太道谕准商人开设敦利号承办中外贸易事 »), le 23 octobre, 23ème année de Daoguang(1843),
fond de la Bibliothèque Britannique, O R 7418. B.
Sinologue J.King croit que la première maison chinoise à Shanghai était la Compagnie de Esang(ou Esang Hong),
qui était créées par un comprador, A lum(阿林), avec l’aide des anglais au début de l’année 1844. Il semble que ce
point de vue ne représente pas la réalité historique parce que la compagnie de Dunli a été ouverte à Shanghai à la fin
de l’année 1843.
2 Les Annales du commerce extérieur de Shanghai. p.132. (《上海对外经济贸易志》 ,第132页。)
3 Les natures et les quantités des marchandises importées ou exportées par des maisons chinoises à Shanghai du

février au juillet de la 24ème année de Daoguang (calendrier chinois) (« 道光二十四年二月至七月敦利等各商号


进出口货物品种数量等录 »). Fond de la bibliothèque Britannique. O R 7400. (« 道光二十四年二月至七月敦利
等各商号进出口货物品种数量等录 »).
227
Presque tous ces magasins qui vendent les soies sont institués par les marchands
de soies de Zhejiang, qui possèdent en même temps une ou plusieurs maisons de soie
dans les régions de production. Selon un autre document officiel dont le sujet est les
quantités de soies reçues et envoyées par des magasins de soie à Shanghai en 1862, le
nombre des magasins de soies à Shanghai augmente à vingt-quatre cette année-là, dont
une majorité toujours tenue pas des marchands de Zhejiang. 1 Une enquête de
l’histoiren Ge Yuanxi (葛元熙) qui vit à la fin de la dynastie des Qing nous indique que
le nombre des magasins de soies à Shanghai de monte à soixante-quinze en 1876, parmi
lesquels soixante-deux sont tenus par des marchands de Huzhou (湖州)2. Huzhou est
seulement une des régions de production de la soie de la province de Zhejiang. Cela
signifie que la proportion des magasins de soie à Shanghai tenus par des marchands de
Zhejiang devrait être encore plus élevée. Avec le développement de l’industrie de la
soie dans la région de Yangzi à la fin du 19e, de plus en plus de commissionnaires font
leurs apparitions à Shanghai et assurent le lien entre les filatures mécaniques et les
maisons étrangères. Les boutiques créées par ces commissionnaires s’appellent
« comptoirs de soie (丝号) » (parce que les comptoirs de soies ne possèdent pas de
dépôt comme des magasins). D’après une autre enquête de Ge Yuanxi, le nombre de
magasins de soies et de comptoirs de soies atteint quatre-vingt-onze à Shanghai au
début du 20e siècle, dont 70% appartiennent à des marchands de Huzhou.3 En revanche,
les marchands du Sichuan et de Shandong n’y installent leurs propres magasins de soies
qu’à la veille de la Première Guerre mondiale.4
Ces magasins de soies à Shanghai rapportent beaucoup aux marchands de Zhejiang
durant la deuxième moitié du 19e siècle. Les plus grands marchands à Nanxun sont
nommés selon leurs fortunes : 4 éléphantes, 8 bœufs et 72 chiens. On décrit les
marchands qui possèdent plus d’un million taëls par des éléphantes, plus de

1 Archives historiques du Royaume de Taiping. Collections des archives de Wuxi, Nanjing. Editions des peuples de
Jiansu. Vol 6. p.507. Mes quantités des soies reçues et envoyées par des magasin de soies à Shanghai. (太平天国历
史档案馆:《吴煦档案选编》第6册,南京:江苏人民出版社,1983年,第507页, 上海各栈丝经到数及销
售数。)
2 Huzhou(湖州) est seulement une ville de la province de Zhejiang. Nanxun(南浔) est une commune de Huzhou.
3 GE Yuanxi. L’évolution de Shanghai. Shanghai. Editions des documents classiques de Shanghai. 1989. pp. 80-81.

(葛元熙: 《沪游杂记》 ,上海:上海古籍出版社,1989年,第80-81页。)


4 Les Annales du commerce extérieur de Shanghai. p.132. (《上海对外经济贸易志》 ,第132页。)
228
500 000 taëls par des bœufs et plus de 100 000 taëls par des chiens. Presque tous ces
riches marchands ont réalisé leurs fortunes originaires par le commerce de la soie, bien
qu’ils investissent parallèlement des capitaux dans d’autres affaires.

Tableau III-11 Les plus riches marchands à Nanxun pendant le 19e siècle.1
Noms Mouvements commerciaux
LIU Guanjing 刘贯经 Colporteur de soies avant l’ouverture de Shanghai. Pendant la rébellion de Taiping. il
crée successivement la compagnie de soies de Liu Heng Shun ( 刘 恒 顺 丝 行 ), la
compagnie d’organsins de Liu Zheng Mao (刘正茂经行) et le magasin de soies de Liu
Guan Ji. (刘贯记丝栈) pendant la rébellion de Taiping. Il institue plus tard plusieurs
prêts sur gagess et banques.
GU Chunchi 顾春池 Créateur de la compagnie de soies de Gu Feng Sheng (顾丰盛丝行). Il établit l’entrepôt
municipal et le quai de Shiliupu (十六铺码头) à Shanghai. Certains de ses descendants
deviennent des compradors des maisons étrangères et créent des filatures mécaniques
avec elles.
ZHANG Zhuzhai 张竹斋 Patron des grandes charcuteries de Nanxun. Il crée la compagnie de soies de Zhang Heng
He (张恒和丝行). Il s’engage aussi dans le commerce de sel et institue plus tard
plusieurs prêts sur gages.
PANG Yungao 庞芸皋 Apprenti dans la compagnie de Chen Yu Chang. Il crée sa propre compagnie de soies, la
Compagnie de Pang Yi Tai (庞怡太丝行) pendant les années 1850. Puis il investit ses
richesses dans les maisons de riz, de charcuteries, les vineries, des prêts sur gages, des
banques, des filatures, etc.
QIU Xiancha 邱仙槎 Créateur de la compagnie de soies de Xiu Qi Chang (邱启昌丝经行). Propriétaire de
plusieurs prêts sur gages.
MEI Yuecha 梅月槎 Créateur de la compagnie de soies de Mei Heng Yu (梅恒裕丝行), il possède plusieurs
prêts sur gages en même temps. Plus tard il fonde la Filature de Heng Yu (恒裕丝厂).
XING Ziyuan 邢子园 Hérite la compagnie de soie de Xing Zheng Mao (邢正茂丝行), son grand père, il est
propriétaire de plusieurs prêts sur gages.
SHAO Yisen 邵易森 Créateur de la Compagnie de soies de Shao Sen Da (邵森大丝行) et propriétaire de
plusieurs prêts sur gages.
ZHU Landi 朱兰弟 Fondateur de la Compagnie d’organsins de Zhu Hong Mao (朱宏茂经行) après la
rébellion de Taiping.
ZHOU Weiliu 周味六 Créateur de la Compagnie d’organsins de Zhou Shen Tai (周申太经行). Propriétaire de
plusieurs prêts sur gages.
ZHANG Peikun 张培坤 Créateur de la Compagnie de soies de Zhang Yuan Tai (张源太丝行).

1 Pour les détails sur ces grands marchands à Nanxun, consulter : ZHOU Qingyun. Les Annales de Nancun., Vol 21
et Vol. 22. Personnage 3 et Personnage 4. Publié en 1922. Fonds de la bibliothèque de l’Université de Waseda. (周
庆云: 《南浔志》 ,卷二十, 《人物三》 ,卷二十一, 《人物四》,1922年,早稻田大学图书馆藏书。)
Commission des Annales de la commune de Nanxun. Les Annales de la commune de Nanxun. Shanghai. Editions
des documents scientifiques de Shanghai. 1995. (南浔镇志编委会: 《南浔镇志》 ,上海:上海科学文献出版社,
1995年。)
229
JIN Qinyuan 金沁园 Créateur de la Compagnie d’organsins de Jin Cheng De (金承德丝行)

La totalité des fortunes des douze marchands cités ci-dessus atteint 60 à 80


millions de taëls durant les années 1870. La seule famille de Liu en possède 20 millions,
et la famille de Zhang 12 millions.1 Cela représente un chiffre assez impressionnant,
car le revenu des finances annuel de l’Empire de Qing n’est alors que de 70 millions
taëls.
Les magasins de soies à Shanghai jouent ainsi un rôle essentiel dans l’échange
entre des négociants chinois et des maisons étrangères. Pour étudier le réseau d’échange
de soie à l’intérieur de la Chine, il nous faut observer trois relations : celles des
magasins de soies à Shanghai avec les maisons de soies des régions de productions (ou
la relation des comptoirs de soies avec des filatures mécaniques) ; celles à l’intérieur
des magasins de soies (ou comptoirs de soies) ; celles des magasins de soies (ou
comptoirs de soies) avec les maisons étrangères à Shanghai.

C Relation des magasins de soie à Shanghai avec les maisons de soie des régions
de productions
Avant d’aborder la relation entre les magasins de soies à Shanghai et la maison de
soies des régions de production (ainsi que celle entre les comptoirs de soie à Shanghai
et les filatures mécaniques), nous allons étudier d’abord la circulation des soies à
l’intérieur des régions de production. Avant l’introduction de la filature mécanique,
l’unité de production de soie en Chine est la famille de paysans. Ayant achevé le travail
de filature, les paysans livraient alors par les canaux leurs soies aux maisons de locales
qui situés dans le Xiangs ( 乡 ) 2 . L’armateur qui transporte les soies sert souvent
également d’intermédiaire entre les paysans et les maisons de soie. Ils présentent les
paysans à une maison de soie offrant un prix plus élevé pour gagner un peu d’argent en

1 CHEN Yonghao, TAO Shuimu. Le plus grand groupe de marchands de soies pendant l’époque moderne,
Hangzhou. Editions des peuples de Zhejiang. 2001. p.1. (陈永浩,陶水木: 《中国近代最大的丝商群体》 ,杭州:
浙江人民出版社,2001年,第1页。)
2 Xiang(乡), une unité administrative plus haute que le « village »(村) mais plus basse que le « Bourg »(镇) en

Chine. L’échelle administrative en Chine est (de bas à haut) : villag e(村), Xiang (乡), Bourg (镇), District (县),
Ville (市), province (省).
230
dehors des frais de transport.1 Ayant collecté une certaine quantité de soies, les maisons
de Xiangs les vendent aux Bourgs (镇), où se trouvent de nombreuses maisons de soie
de taille plus importante. Ces dernières classent les soies reçues selon leurs natures et
de qualités. Elles en assurent par la suite le transport vers Shanghai et ses magasins de
soie.2 Grâce à la croissance de l’exportation de l’organsin chinois (surtout l’organsin
de Jili à Huzhou) sur le marché international, de plus en plus de maisons d’organsin
sont fondées dans les bourgs des régions de production de soie à partir des années 1870.
Cela conduit à une petite évolution du mode de circulation au-dessus : ayant acheté les
soies, une partie des maisons des bourgs vendent leurs soies aux maisons d’organsins
au plutôt qu’aux magasins de soies à Shanghai. Des maisons d’organsins distribuent les
soies grèges aux artisans qualifiés pour le redévidage et le moulinage (grâce auxquels
la soie grège deviendra l’organsin), et transportent ensuite les organsins aux magasins
de soies à Shanghai.3 Un autre nouveau changement se produit dans le processus de
circulation de la soie depuis les régions de production après l’introduction de la filature
mécanique en Chine. Avec l’augmentation de la demande des filatures mécaniques en
cocons, un grand nombre de maisons de cocons s’installent dans les communes de
Zhejiang et Jiangsu à la fin du 19e siècle (c’est notamment que nous avons montré dans
le chapitre précédent). Ces dernières achètent les cocons aux paysans, et ensuite les
vendent aux filatures mécaniques des régions de productions ou des ports. Les paysans
n’ont désormais plus besoin de faire le dévidage par eux-mêmes, et donc vendent de
moins en moins de soies aux maisons de soies à côté de chez eux. Avec la diminution
de la soie manuelle produite par les paysans, il y a de moins en moins de maisons de
soie à l’intérieur même des régions de production au début du 20e siècle.4
Les magasins de Shanghai ne sont pas les acheteurs de la soie. Cette activité est

1 Bureau de communication de Xingya du milieu de la Chine. Rapport des enquêtes sur la soie chinoise--- des
ressources importantes pour la défense nationale de Chine. Taibei. Bibliothèque de l’Université nationale de Taiwai.
1978. p.27. (兴亚院华中联络部: 《中支那重要国防资源生丝调查报告》 ,台北:国立台湾大学图书馆,1978,
第27页。)
2 G.Federico. An Economic History of the Silk Industry, 1830-1930. Cambridge: Cambridge University Press. 1997.

p.164.
3 XU Xinwu. Histoire de l’industrie de la soie de Chine pendant l’époque moderne. pp.277-278. (徐新吾: 《中国
近代缫丝工业史》, 第277-278页。)
4 SUN Xiaoying. Compétitivité de l’industrie de la soie de Chine à la fin de l’Empire de Qing---Une comparaison

avec celle de Japon. Mémoire de Master soutenu à l’Université de Qinghua. 2010. p.40. (孙晓莹: 《晚晴生丝业国
际竞争力研究------兼与同期日本比较》 ,清华大学硕士论文,2010年,第40页。)
231
assurée par les commissionnaires qui font l’intermédiaire entre des maisons étrangères
et les maisons de soie (maisons d’organsins) des bourgs des régions de production. Les
négociants de soies venant de régions de productions logent dans un magasin de soies
à Shanghai et stockent leurs soies au dépôt du magasin. Le magasin de soie écoulera
ces soies dans les maisons étrangères par l’intermédiaire des Tongshi ( 通 事 , on
présentera ce métier plus tard). Si le magasin de soie réussit à vendre les produits en
question, les négociants en soie venant des provinces devront payer une commission de
2 à 5% sur la valeur totale d’échange au magasin de soie (les frais d’alimentation,
d’hébergement et d’entreposage inclus).1 Par ailleurs, les comptoirs de soies font office
de commissionnaires entre des filatures mécaniques et des maisons étrangères. Ils
embauchent aussi les Tongshi pour prendre contact avec ces dernières. La seule
différence avec les maisons de soie est qu’ils ne disposent pas de dépôts de stockage.
Après le succès d’une transaction, ils prennent une commission de 2-5% aux
négociants.2

D Relation à l’intérieur du groupe des magasins de soie à Shanghai


Passons à la relation à l’intérieur des magasins chinois de soie à Shanghai.
Beaucoup de chercheurs ont déjà contribué aux recherches sur les relations à l’intérieur
des groupes des marchands chinois. Ces recherches portent notamment sur
l’organisation sociale et économique des marchands dans les colonies chinoises d’Asie
du Sud-est lors des 19e et 20e siècles.3 Nous allons étudier ici les relations entre les
marchands chinois en Chine métropolitaine.
Il n’est pas difficile d’imaginer que chaque magasin de soie à Shanghai représente
un rival pour les autres. Tous font des efforts pour gagner la confiance des maisons

1 Les Annales du commerce extérieur de Shanghai. p.140. (《上海对外经济贸易志》 ,第132页。)


2 M.L.LI. l’industrie et l’exportation de la soie de Chine pendant l’époque moderne. p.169. (李明珠: 《中国近代
蚕丝业及外销》 ,第169页。)
3 Par exemple, Ju-K’ang T’ien. The Chinese of Sarawak. A Study of Social Structure. London School of Economics

Monographs on Social Anthropology. N°12. London. Lund Humphries. 1953.


J.T.Omohundro. Chinese Merchant Families in Iloilo: Commerce and Kin in a Central Philippine City. Quezon City.
Ateneo de Manila Press. 1981.
A.R.Wilson. Ambition and Identity: Chinese Merchant Elites in Colonial Manila 1800-1916. Honolulu. University
of Hawai’i Press. 2004;
232
étrangères et écouler plus de soie ainsi que pour trouver des fournisseurs qui leur offrent
les soies au meilleur prix et de la meilleure qualité. Toutefois, il faut remarquer que, les
négociants chinois en soie à Shanghai forment de façon concomitante une alliance afin
de se protéger contre le gouvernement et défendre leurs intérêts communs. Il s’agit
notamment pour eux de monopoliser ensemble la fourniture de soies aux maisons
étrangères à Shanghai, et de lutter contre la capacité de ces dernières à imposer leurs
exigences en termes de prix et de qualité des soies. Selon notre recherche, il existe deux
types d’alliances entre les négociants de soies pendant la deuxième moitié du 19e siècle.
La première est l’Union des marchands. Avec la croissance de l’exportation de la
soie et du thé, les négociants de soie et les négociants du thé instituent une Chambre de
commerce de la soie et du thé de Shanghai (上海丝茶业会馆) en 1854.1 Mais cette
Chambre se divise bientôt en différentes Chambres de commerce au regard des
différences structurelles entre les commerces des deux produits. En 1860, une Chambre
de commerce spécialisée dans les soies de Jili (辑里丝丝业会馆) s’ouvre Rue du
Shanxi (山西路) à Shanghai. Elle devient la plus importante union de marchands de
soie à Shanghai d’alors. Cependant, il ne s’agit pas d’une organisation qui représente
l’intérêt de tous les marchands de soies à Shanghai. Elle se compose principalement de
marchands de soies de Zhejiang vendant les soies de Jili. En même temps, « d’autres
genres de marchands spécialisés sur les cocons, la soie jaune, la soie sauvage possèdent
leurs propres Unions de marchands. »2 De plus, le déclin de la soie de fabrication
manuelle réduit son influence. Grâce au développement des filatures mécaniques, les
chiffres d’affaires des maisons de cocons et des filatures de soie deviennent de plus en
plus importants à la fin du 19e siècle. Dans une telle circonstance, la Chambre de
commerce générale des filatures et des cocons (上海丝厂茧业总公所) est créée à
Shanghai en août 1910. Cette dernière chambre de commerce est composée par des

1 Archives Municipales de Shanghai. De la Chambre de commerce de soies à l’Union de l’industrie de la soie----


l’Evolution de l’Union de marchands de soies à Shanghai. Collection des mémoires sur des Chambre de commerce
et des Unions de marchands à Shanghai. Shanghai. Editions de l’Académie des sciences sociales de Shanghai. 2011.
Vol 1. p.49. (上海市档案馆:从丝业会馆到缫丝业同业会----浅析近代上海缫丝也同业团体变迁, 《上海会馆
史研究论丛第一辑》收录,上海社会科学院出版社,2011年,第49页。)
2 Archives municipales de Shanghai. B168-1-798. Les enquêtes des Unions de marchands et des Chambres de

commerce de l’industrie de la soie à Shanghai. 22 août 1950. (上海市档案馆:上海丝业会馆填报调查表,1950


年8月22日,档号 B168-1-798。)
233
marchands et des industriels de la soie en provenance des trois provinces — Zhejiang
(浙江), Jiangsu (江苏) et Anhui (安徽) — donc elle est une organisation des marchands
relativement représentative.1
Malgré les différences entre les membres, et même les différences de formes,
presque toutes les organisations de marchands de soies à Shanghai possèdent trois
fonctions communes : premièrement, déterminer les prix des soies au regard des prix
du marché national et international ; deuxièmement, maintenir une bonne réputation des
membres enregistrés à cette Chambre de commerce ; troisièmement, imposer le Likin 2
pour le compte du gouvernement.3 Au regard de ces trois fonctions, ces Unions de
marchands ou Chambres de commerce aideront leurs membres à maintenir de très
bonnes relations avec le gouvernement, leurs fournisseurs et leurs clients.
La deuxième sorte d’alliances est fondée sur les liens de la famille et du sang.
Autrement dit, les grands négociants de soies se font fort de maintenir leurs alliances
par les mariages entre familles. Prenons l’exemple du groupe des marchands de Nanxun
(南浔), dans lequel on a établi un réseau de mariages très typique :

Graphique III-12 Réseaux de mariages des grands marchands de Nanxun4

1 Archives municipales de Shanghai. S37-1-9, les régles de la Chambre générale de commerce des filatures et des
cocons de Shanghai. Septembre 1915.
2 Likin est une taxe imposée sur presque toutes les marchandises qui se vendent ou se transportent à l’intérieur de

Chine. Elle existe des années 1850 aux années 1930. (上海市档案馆:上海丝厂茧业总公所章程,1915年9月,
档号 S37-1-9。)
3 Shih Min-hsiung. The Silk Industry in Ch’ing China, Center for Chinese Studies, Ann Arbor. The University of

Michigan Press 1976. p.77.


4 ZHOU Qingyun. Les Annales de Nancun., Vol 21 et Vol. 22. Personnage 3 et Personnage 4. publié en 1922. Fonds

de la bibliothèque de l’Université de Waseda. (周庆云: 《南浔志》 ,卷二十, 《人物三》 ,卷二十一, 《人物四》 ,


1922年,早稻田大学图书馆藏书。)
CHEN Yonghao, TAO Shuimu. Le plus grand groupe de marchands de soies pendant l’époque moderne,
p.15,p16,p.17,p.20,p.43,p.46,p.69,p.112,p.134,p.138,p.151,p.238.(陈永浩,陶水木: 《中国近代最大的丝商群体》 ,,
第15,16,17,20,43,46,69,112,134,138,151,238页。)

234
Notes : 刘氏:Famille de LIU Guanjing (刘贯经), 张氏:Famille de ZHANG Zhuzhai (张竹斋), 庞氏:Famille
de PANG Yungao (庞云皋), 周氏:Famille de ZHOU Weiliu (周味六), 梅氏:Famille de MEI Yuecha (梅月槎),
金氏:Famille de JIN Qinyuan (金沁园), 蒋氏:Famille de JIANG Xishen (蒋锡绅), 邢氏:Famille de XING
Ziyuan (邢子园), 邱氏1 :Famille de QIIU Xiancha (邱仙槎), 李氏:Famille de LI Weikui (李惟奎), 俞氏:
Famille de YU Tongxuan (俞桐轩), 邱氏 :Famille de QIU Yimao (邱奕茂)

La majorité des familles représentéess dans le dessin ci-dessus ont déjà été
présentées dans le tableau III-11, lequel présentait les plus riches familles de Nanxun.
Dans ce graphique-ci, on constate que de grandes familles originaires du bourg de
Nanxun ont formé un réseau familial bien plus large et plus puissant que chaque
négociant individuel.
Par ces alliances familiales, les négociants de soie de Nanxun partagent des
informations sur le marché (international ou national), s’entraident afin d’évider les
risques et d’emprunter les capitaux d’autres négociants lorsqu’ils en ont besoin. Toutes
ces activités sont essentielles pour le succès des négociants de soie de Zhejiang sur le
marché de Shanghai. De plus, afin de garder une bonne relation avec le gouvernement,
ce dernier groupe étend même son réseau de mariage aux fonctionnaires du
gouvernement local et du gouvernement central. Par exemple, la fille de Liu Guanjing
se marie avec XU Huaxiang (徐华祥), dont le père est le mandarin de première classe
XU You (徐邮), tandis qu’un des petits fils de Liu Guanjing se marie avec la fille de
Sheng Xuanhuai (盛宣怀), qui était le ministère du Transport et des postes de l’Empire

235
des Qing. De même, un des petits fils de Zhang Zhuzhai (张竹斋) qui s’appelle Zhang
Jingjiang (张静江) se marie avec Yao Hui (姚慧), qui est la fille d’un membre de
l’Académie de l’Empire de Qing. 1 Avec une telle combinaison de mariage, les
négociants de soie profiteront de soutien du gouvernement et accéderont à un statut
social plus élevé.

E Relation des magasins de soie à Shanghai avec les maisons étrangères


Discutons maintenant de la relation entre les magasins chinois de soies et les
maisons étrangères. On a déjà montré que les magasins chinois de soie représentent des
intermédiaires entre des maisons étrangères et des fournisseurs de soie situés dans les
régions de production. Toutefois, il s’agit à présent de se demander pourquoi les
maisons étrangères n’achètent pas les soies directement dans les régions de production
à Zhejiang ou Jiangsu. En réalité, beaucoup d’entre elles achètent effectivement les
soies directement dans les régions de production pendant les trente premières années
suivant l’ouverture de Shanghai, car les soies sont moins chères dans les régions de
production (sans compter qu’il y a une réduction des taxes intérieures pour les
négociants étrangers à partir de la signature de du Traité de Tianjin en 18582), et que la
fourniture de soies y est plus sûre. Lorsque un négociant anglais se rappelle ses
expériences en Chine pendant les années 1850, il indique que : « nous envoyons
souvent les Chinois (compradors) à l’intérieur de la Chine pour les achats de thé et de
soie en leur confiant un grand montant d’argent, cela est déjà devenu une habitude à
Shanghai et à Fouzhou (福州). Le commerce de Canton fonctionne aussi comme ça
dans un moindre degré. » 3 Un douanier de Shanghai constate en 1867 que : « des
négociants étrangers n’attendent plus les produits du sol au marché (de Shanghai). En
revanche, leurs compradors descendent souvent en provinces en emportant de grandes
sommes d’argent. Ils payent d’avance aux maisons locales, et puis signent un contrat

1 PAN Zhongxiang. Evolution du pouvoir central des communes dans la région de Yangzi------exemple de Nanxun.
Mémoire de Master soutenu à l’Université normale de Shanghai. 2011. pp.43-44. (潘中祥: 《近代江南市镇权力中
心的演变------以湖州南浔为例》 ,上海师范大学硕士学位论文,2011年,第43-44页。)
2 Voir la troisième section du chapitre IV.
3 H.M.Scarth. Twelve Years in China. The people, the Rebels, and the Mandarins. By a British Resident (J. Scarth).

With illustrations. London. British Library. 2011. pp.110-111.


236
avec elles. »1
Cependant, dès la fin des années 1860, les maisons étrangères abandonnent
graduellement l’achat de soies directement aux régions de production. La plupart
d’entre elles choisissent alors de les acheter dans des magasins ou comptoirs de soie à
Shanghai. En conséquence, les magasins et les comptoirs du port de Shanghai
deviennent les principaux fournisseurs des maisons étrangères. Concomitamment,
chaque maison étrangère dispose d’un ou plusieurs magasins ou comptoirs de soies
comme fournisseurs stables.

Tableau III-13 Principales maisons étrangères exportant les soies à

Shanghai et leurs fournisseurs au début du 20e siècle.2


Noms Soie mécanique Soie manuelle Soie de Sichuan Soie de Shandong
Jardine Matheson Comptoirs de Comptoir de Magasin de Tong Magasin de He
et Cie (Anglaise 怡 Ding Yu (鼎余丝 Zheng Tai (正 Kang Tai ( 同 康 Ju(合聚栈)
和洋行) 号) 太丝号) 泰丝栈) Magasin de Yi
Comptoir de XU Feng (益丰栈)
Feng (绪丰丝号)
Comptoir de Ding
Feng (鼎丰丝号)
Mitsui et Cie Comptoir de Lu Magasin de
Magasin de Tong Magasin de Heng
(Japonaise 三井洋 Run (陆润记) Zhen Chang
Kang Tai ( 同 康 Xiang Tong (恒祥
行) 泰丝栈) (震昌丝栈) 同)
Comptoir de
Magasin de Tai Magasin d Heng
Zhengtai ( 正
Kang Xiang ( 太 Cheng Gong( 恒 成
康详丝栈) 太丝号) 公)
Magasin de Yi
Magasin de Rui Magasin de Yi
Cheng ( 怡 成
Sheng Xiang (瑞 FengChang (益丰
生祥丝栈) 丝栈) 长)
Magasin de Bao
Yuan Xiang ( 宝
源祥丝栈)
Madier, Ribet et Comptoir de Xu Magasin de Magasin de Tong Magasin de Heng
Cie (Française 信 Feng (绪丰丝号) Zhen Chang Kang Tai ( 同 康 Xiang Tong (恒祥

1 Archives Nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la douane de Chine : les archives de la douane
ancienne de Chine, Vol 3. 1867-1868. p.156.
2 Département économique de l’Académie des Sciences Sociales de Shanghai. Le commerce extérieur de Shanghai

1840-1989. Shanghai. Editions de l’Académie des Sciences Sociales de Shanghai. 1989. pp.276. (上海社会科学院
经济研究所: 《上海对外贸易1840-1949》, 上海:上海社会科学院出版社,1989年,第276页。)
237
孚洋行) (震昌丝栈) 泰丝栈) 同)
Magasin de Magasin de Yi
Zhengt Tai FengChang ( 益 丰
(正太丝号) 长)

Rayner Heusser et Comptoir de Zhen Magasin de Magasin de Tong Magasin de Heng


Cie (Suisse 连纳洋 Yu Xiang ( 振 裕 Zhen Chang Kang Tai ( 同 康 Xiang Tong (恒祥
行) 祥) (震昌丝栈) 泰丝栈) 同)
Magasin de Magasin de Yi
Zhengt Tai FengChang ( 益 丰
(正太丝号) 长)

Plusieurs raisons expliquent une telle évolution : d’abord, la mise en œuvre de la


nouvelle méthode pour le Likin (l’acquittement avant la vente). Sur la soie de Zhejiang
et Jiansu à partir de l’année 1864 1 , des négociants étrangers ne profitent plus du
privilège de la réduction des taxes intérieures en Chine. À partir de ce moment, les
profits retirés d’un acheminement sans intermédiaires sont beaucoup réduits. Il est donc
plus pratique d’importer la soie depuis le magasin de soie juste à côté. Ensuite, on a
constaté qu’avec la croissance du nombre des magasins et soies chinois et des comptoirs
de soies chinois à Shanghai, leurs patrons forment une coalition d’intérêts qui
monopolise graduellement la fourniture de soies. En ce cas, il n’est pas toujours facile
de trouver des fournisseurs dans des régions de production pour des maisons étrangères.
Le troisième élément est le plus essentiel. Après les années 1870, la plupart des maisons
étrangères à Shanghai deviennent graduellement des commissionnaires d’acheteurs en
Europe. Dans ce cadre, elles achètent la soie sur commande des acheteurs européens.
Aussi leurs bénéfices proviennent de frais de commission fixés en proportion de la
valeur d’exportation. Pour elles, il n’est plus nécessaire d’acheter une grande quantité
de soies en vue de constituer des stocks en avance ni d’envoyer leurs compradors dans
les régions de production pour trouver le meilleur prix. Les marchands de soies en

1 Le Likin sur soie devient un des plus importants revenus fiscaux du gouvernement chinois avec la croissance
l’exportation de la soie de Chine au milieu du 19e siècle. Afin de lutter contre le privilège de l’affranchissement de
la taxe de Likin des négociants étrangers pendant le transport des soies obtenu par le Traité de Tianjing de 1858, le
gouvernement chinois applique une politique de « l’acquittement avant la vent » sur le Lijin de soie, qui signifie le
Likin devait être déjà payé par les paysans (ou plus tard par les filatures mécaniques) avant l’échange des soies.
Cette nouvelle méthode transfère l’acquittement de Likin de l’étape de circulation à l’étape de production, et les
négociants étrangers doivent payer le Likin n’import qu’ils transportent les soies par eux-mêmes ou pas.
238
Europe, par contre, leur demandent d’envoyer les soies commandées dans les meilleurs
délais. Aussi, l’achat des soies à l’intérieur de Shanghai devient le meilleur choix pour
les maisons étrangères.
Deux modes de transaction existent entre les magasins de soie et les maisons
étrangères. La première est l’opération à terme. Ce mode de transaction est souvent
utilisé dans les trois premières décennies après l’ouverture de Shanghai (1843-1870).
Dans ce cas-là, des maisons étrangères doivent payer les magasins chinois en avance
par crainte du déficit de la fourniture de soies sur le marché. Les magasins chinois sont
obligés d’envoyer les soies à leurs clients à terme1. Le deuxième mode est l’opération
au comptant, dont on se sert plus fréquemment après les années 1870. Les magasins
livrent les soies aux maisons étrangères, qui vont contrôler la qualité et ensuite discuter
le prix. Ayant décidé d’acheter ces soies, les maisons étrangères noteront les détails de
cette transaction dans un document d’échange sans rien payer. Ensuite, leurs navires
pour l’Europe seront chargés directement aux dépôts des magasins de soie chinois. Le
payement pour la transaction attend souvent que les maisons étrangères à Shanghai
obtiennent le mandat des acheteurs européens.2 L’opération au comptant est aussi le
mode le plus courant pour la transaction entre des comptoirs de soie et des maisons
étrangères (sauf que les comptoirs de soie ne possèdent normalement pas de dépôt à
Shanghai). Mais, de temps en temps, des maisons étrangères avancent une certaine
somme de capitaux aux filatures de soies, avec laquelle ces dernières achèteront des
cocons. La raison de ces prêts tient dans le fait que la soie mécanique est encore une
marchandise relativement demandée avant la Première Guerre mondiale dans la région
de Yangzi. Les maisons étrangères cherchent à garantir leur fourniture en soie
mécanique en empruntant un peu l’argent aux filatures. En même temps, les filatures
de leur côté vont rembourser les capitaux empruntés par leur production à terme de soie,

1 NIE Baozhang. La naissance de la classe de compradors en Chine. Editions de l’Académie des sciences sociales
de Chine .1878. p.139. (聂宝章: 《中国买办资产阶级的发生》 ,中国社会科学院出版社,1978年,第139页。)
2 Comité de Shanghai du parti démocratique de Chine, Chambre de commerce et de l’industrie de Shanghai. Des

marchands étrangers et des compradors dans l’ancien Shanghai. Les sources historiques de Shanghai. N°56.
Shanghai. Editions des peuples de Shanghai. 1986. pp.18-19. (中国民主建国会上海市委员会、上海市工商业联
合会:旧上海的外商与买办, 《上海文史资料》 ,第56辑,上海:上海人民出版社,1986年,第18-19页。)
239
lesquelles peuvent être moins chères que les prix du marché.1
Tant les magasins chinois que les maisons étrangères disposent d’intermédiaires
pour établir des relations commerciales entre eux. Tout d’abord, les magasins chinois
emploient souvent des Tongshis (通事) pour communiquer avec les maisons étrangères.
Le Tongshi n’est pas un nouveau métier qui suivrait l’ouverture de Shanghai. Il existait
déjà avant la guerre d’opium à Canton, mais remplissait des missions très différentes.
Pendant l’époque du commerce de Canton, ce sont les représentants officiels nommés
par le gouvernement qui se chargent de la communication avec des industries étrangères.
Par exemple, ils transmettaient des correspondances entre le gouvernement local, les
Cohongs et des industries (ou des navires) étrangères ; ils assuraient la communication
entre le bureau de douane et les factoreries (ou navires) étrangères pour ce qui est des
droits de douane. Par ailleurs, ils accompagnaient les négociants étrangers lorsqu’ils
marchaient dans la ville de Canton. 2 Après l’abolition du système de Cohong, les
missions des Tongshis sont tout à fait différentes. Parlant un peu d’Anglais 3 , ils
deviennent des commissionnaires envoyés aux maisons étrangères par des maisons
chinoises dans le cadre de négociations commerciales afin de discuter du prix et de la
quantité des échanges, etc. Après qu’un accord fut conclu, les Tongshis ont même le
droit de signer des contrats avec des maisons étrangères de la part de leurs patrons4. Ils
jouent un rôle très important dans les échanges entre les maisons chinoises et les
maisons étrangères. Presque tous les magasins de soie (ou les comptoirs de soie)
emploient alors un ou plusieurs Tongshis. Le président de la chambre de commerce

1 Département économique de l’Académie des Sciences Sociales de Shanghai. Le commerce extérieur de Shanghai
1840-1989. Shanghai. Editions de l’Académie des Sciences Sociales de Shanghai. 1989. pp.277. (上海社会科学院
经济研究所: 《上海对外贸易1840-1949》, 上海:上海社会科学院出版社,1989年,第277页。)
1 North China Daily. 25 septembre. 1852. Fond de la bibliothèque de Shanghai.
2 C.W.Hunter. the Fankwae at Canton before Treaty Days, 1825-1844. London: Kegan. Paul, Trench& Co. 1882. p.

35.
3 De fait, la plupart de Tongshis ne parlent que le « pidgin », dit l’anglais de Yangjingbang (洋泾浜英语). Ils peuvent

prononcer et connaître les principaux mots concernant le commerce. Ce sont gens qui viennent de Canton qui
monopolisent des postes de Tongshis de Shanghai au début de l’ouverture du port, mais de plus en plus de Tongshis
de Zhejiang apparaissent à Shanghai avec le développement du commerce de la soie plus tard. Pour les détails de
l’évolution des Thongshis, consulter YAO Gonghe. L’histoire de Shanghai. Shanghai. Editions des documents
classiques de Shanghai. 1989. pp.104-105. (姚公鹤: 《上海闲话》 ,上海:上海古籍出版社,1989年,第104-105
页。)
4 Département économique de l’Académie des Sciences Sociales de Shanghai. Le commerce extérieur de Shanghai

1840-1989. Shanghai. Editions de l’Académie des Sciences Sociales de Shanghai. 1989. pp.152-153. (上海社会科
学院经济研究所: 《上海对外贸易1840-1949》, 上海:上海社会科学院出版社,1989年,第152-153页。)
240
d’Angleterre à Shanghai affirme ainsi que : « en réalité, signer un contrat avec ces
commissionnaires (Tongshis) est devenu une habitude à Shanghai. »1
Bien que les Tongshis soient nominalement des employés des maisons chinoises,
ces dernières n’assurent que les dépenses de nourriture et de transport. Les revenus des
Tongshis proviennent principalement des frais de commission lors des échanges.
Cependant, des Tongshis peuvent accumuler beaucoup d’argents grâce aux
commissions. Certaines Tongshis créent leurs propres magasins de soies. Le patron de
magasin de soies de Yi Cheng (怡成丝栈) était ainsi auparavant un Tongshis du
magasin de soies de Da Cheng (大成丝栈).2
De l’autre côté, les maisons étrangères embauchent souvent des compradors
chinois pour tisser des liens avec les maisons de soies chinoises. Le mot « comprador »
provient de portugais « comprador », qui signifie « des acheteurs des
approvisionnements ». La traduction chinoise de ce mot est « 买办 », qui a existé déjà
pendant la dynastie de Ming (明朝,1368-1644), laquelle indiquait les fournisseurs des
produits nécessaires à la vie de la cour. 3 Des industries étrangères à Canton ont
commencé déjà à employer des compradors avant l’année 1842. Pourtant, alors que les
Cohong monopolisaient le commerce extérieur, leurs missions n’avaient aucun rapport
avec des opérations commerciales entre les Chinois et les étrangers. À ce moment-là,
leurs responsabilités étaient principalement d’acheter des approvisionnements pour des
négociants étrangers dans les industries (ou les navires) étrangères, de se porter garants
pour les autres employés chinois 4 et de prendre soin des biens (de l’argent et des

1 North China Daily. 25 septembre. 1852. Fonds de la bibliothèque de Shanghai. (« 北华捷报 »,1852年7月3日,
上海图书馆馆藏资源。)
2 HU Guilong. Des Tongshi et des compradors au début de l’ouverture de Shanghai. Histoire. 1996.n°4. p.73. (吴

桂龙:论上海开埠初期的通事和买办, 《史林》 ,1996年第4期,第73页。)


3 Dans l’Histoire officielle de la dynastie de Ming, nous pourrions constater les phrases : « 大学士彭时亦言: ‘光
禄寺委用小人买办,假公营私,民利尽为所夺。请照宣德、正统间例,斟酌供用,禁止买办。 ’» Consulter
Histoire officielle de la dynastie de Ming. Beijing. Editions de Zhonghua. 1974. p.1990.(《明史》 ,卷八十二《食
货六》 ,北京:中华书局1974年版,第1990页。)
4 Avant l’année 1820, les négociants étrangers à Canton ne sont pas autorisés à embaucher les autres domestiques

chinois. Consulter Les Archives Nationales de Chine (premières). Rapports à la cour. 25 octobre 24 e année de
Qianlong. Rapport de Li Shiyao, Vice-roi de Guangdong et Guangxi(中国第一历史档案馆:宫中硃批奏折,乾隆
二十四年十月二十五日,两广总督李侍尧奏)。. Après cette année, l’embauche des chinois est permise, mais
encore limitée : chaque factorerie) étrangère (ou des navires) ne peut embaucher au minimum que deux suisses,
quatre porteurs d’eau ; chaque négociant étranger n’a permission d’embaucher qu’un porteur de marchandises.
Consulter。LIANG Tingzhan. Les Annales de douane de Canton. Vol.29. Marchands étrangers 4. (粱廷枬: 《粤海
关志》 ,卷29,夷商四)
241
dossiers importants) pour leurs employeurs étrangers, etc. 1 Après l’année 1842,
l’embauche des « compradors » devient encore plus importante (c’est même une
nécessité) pour les négociants étrangers qui comptent développer leurs affaires en
Chine 2 . Bien que l’abolition de monopole leur amène la liberté commerciale, ce
changement leur fait en effet également rencontrer plusieurs problèmes.
Premièrement, le problème de la langue. « L’intermédiaire, le comprador, en
particulier, est nécessaire d’abord au regard des difficultés de la langue »3. Pendant
l’époque du commerce de Canton, ce sont les Tongshis qui se chargent des affaires de
communication entre des négociants étrangers, les Cohongs, le gouvernement local
chinois et la douane chinoise. Parlant très peu de Chinois, les négociants étrangers
auront besoin des interprètes et traducteurs pour assurer le bon déroulement de leurs
commerces en Chine après la fin des Cohongs et les Tongshis officiels.
Deuxièmement, le trouble monétaire qui marque cette l’époque en Chine. L’unité
monétaire chinoise est le « taël » en argent pendant la dynastie des Qing. Mais il existe
plusieurs différentes sortes de taëls en même temps dans tout l’Empire, parmi lesquelles
quatre sortes sont le plus usités : le taël du Trésor (库平两), taël de douane (海关两),
taël de Canton (广平两) et le taël du canal (漕平两). Néanmoins, toutes ces unités de
taëls sont simplement les standards de calcul, mais n’existent guère dans la réalité. Les
titres des argents en circulation sont très différents d’une province à l’autre. De plus,
avec le développement de la communication commerciale entre la Chine et l’étranger,
les piastres étrangères (la piastre espagnole, la piastre Mexique, la piastre des États-
Unis et d’autres piastres) sont fréquemment utilisées pour les échanges dans les ports
chinois. Mais chaque type de piastre contient différents pourcentages d’argent, ce qui

1 Pour les détails des fonctions des compradors avant les années 1842, consulter W.C. Hunter. The Fankwae at
Canton before Treaty Days, 1825-1844. London: Kegan. Paul, Trench& Co. 1882. p. 61-64.
ZHANG Xiaotang. Les lois du commerce international pendant la dynastie de Qing. Thèse soutenue à l’Université
des sciences politiques et juridiques de Chine. 2007. pp.71-72. (张晓棠:清朝对外贸易法治研究,中国政法大学
博士论文,2007年9月,第71-72页。)
2 De fait, le phénomène de comprador n’existait pas seulement en Chine pendant le 19ème siècle. Il y a aussi au Japon

des marchands qui écoulent les marchandises étrangères ou achètent des produit du sol pour les maisons étrangères
qui s’appellent les « Banto »(番头), ou aux Indes des marchands qui font les ventes, les achats ou les garanties pour
les maisons étrangères , qui s’appellent « Banian ». Leurs fonctions dans le commerce extérieur ressemblent
beaucoup à celles des compradors.
3 Archives des affaires étrangères. 148CPCOM563. Chine, relation commerciale avec la France 1900-1901. 4,

janvier 1900. Lettre du Ministre du commerce au Ministre des affaires étrangères. p. 2.


242
renforce encore la complexité des changes en Chine. 1 Cela conduit les maisons
étrangères en Chine à embaucher les compradors qui connaissent très bien le système
monétaire chinois pour évaluer ou changer les monnaies chinoises ou étrangères.
Troisièmement, bien que le traité de Nanjing fasse ouvrir cinq ports chinois au
commerce international après l’année 1842, les négociants étrangers n’ont pas le droit
de pénétrer à l’intérieur de Chine avant la signature du Traité de Tianjin (1858). Limités
aux ports, ils auront donc besoin d’envoyer des compradors chinois pour effectuer les
ventes et les achats en provinces dans ces premières décennies de l’ouverture de Chine.
En héritant de toutes leurs anciennes fonctions d’avant 1842, les compradors se
voient également confier plusieurs nouvelles avec l’essor du port de Shanghai. Ils sont
des interprètes et des traducteurs pour les négociants étrangers durant les transactions ;
ils s’occupent non seulement de la conservation des fortunes, mais aussi de la
comptabilité et de la caisse de leurs patrons étrangers ; ils recueillent des fonds dont ces
derniers ont besoin en faisant des emprunts aux banques chinoises (钱庄) ; etc.2 En
dehors de toutes les fonctions déjà évoquées, il y a des missions particulièrement
importantes pour ces compradors qui travaillent dans les maisons étrangères exportant
la soie.3 En premier lieu, il est de leur responsabilité de contacter les fournisseurs de
soie pour les maisons étrangères. Pour cela, ils doivent parfois établir une relation stable
avec les magasins à Shanghai dont le prix des soies n’est pas très élevé ; parfois
également, il leur faut pénétrer à l’intérieur de Chine et signer un contrat avec des
maisons dans les régions de production. De plus, ils se chargent aussi des autres
opérations pendant une transaction ; notamment le débat du prix, la signature du contrat
ou le payement aux fournisseurs, etc.4 Ensuite, de temps en temps, ils doivent avancer

1 Pour les détails des types et l’évolution des monnaies circulées dans l’Empire de Qing, consulter :
PENG Xinwei. Histoire des monnaies en Chine. Shanghai. Editions des peuples de Shanghai. 1958. pp. 537-556.
(彭信威: 《中国货币史》 ,上海:上海人民出版社,1958年,第537-556页。)
ou bien H.B.Morse. Currency in China. Shanghai. Kelly & Walsh. 1906.
2 Lindsay Yong. Compradors pendant le 19ème siècle---le pont entre l’Orient et l’Occident. Shanghai. Editions de

l’Académie des sciences sociales de Shanghai. 1988. pp.77-88. (郝延平: 《十九世纪买办---中西间桥梁》 ,上海:
上海社会科学院出版社,1988年9月,第77-88页。)
3 Les compradors qui se chargent des affaires de soies pour les maisons étrangères sont alors nommés comme

« compradors de soies(丝楼买办) ».
4 HUANG Yifeng, JIANG Duo. Classe de comprador en ancienne Chine. Shanghai. Editions des peuples de

Shanghai. 1982. p. 44-45. (黄逸峰、江铎: 《旧中国的买办阶级》 ,上海:上海人民出版社,1982年,第44-45


页。)
243
l’argent pour les soies achetées lorsque les fonds de roulement de leurs patrons ne sont
pas suffisants. D’après les souvenirs des compradors qui travaillent dans la Madier,
Ribet et Cie (Française 信孚洋行), les patrons (H. Madier et J. Madier) de cette
Compagnie française sont deux vagabonds au début de leur débarquement à Shanghai.
Les avances des leurs compradors jouent un rôle très important au démarrage de leurs
carrières à Shanghai comme exportateur de soies.1 Par ailleurs, lorsque leurs patrons
étrangers leur demandent de garantir le prix et la qualité des soies fournies par les
maisons (magasins ou comptoirs) chinoises, les compradors jouent aussi un rôle de
garants des fournisseurs.2 Ce rôle est de plus en plus important après les années 1870,
où il y a de plus en plus de fraudes dans le commerce de soie.3 Enfin, beaucoup de
compradors gèrent en même temps des filatures mécaniques appartenant aux maisons
étrangères.4 Par exemple, le neveu de Gu Chunchi (顾春池), Gu Mianfu (顾勉夫) est
un comprador dans la Russell et Cie américaine, qui gère la filature de soie pour cette
compagnie 5 . Les responsables de la filature créée par l’Arnhold Karberg et Cie
allemande sont aussi ses compradors (LI Songjun 李松 — et WU Shaoqin 吴少卿)6.
En résumé, les activités des compradors concernent chaque étape du commerce de
la soie à Shanghai. Un consul français à Shanghai témoigne ainsi lorsqu’il mentionne
des compradors à Shanghai : « Les compradors chinois sont très importants comme
intermédiaires avec les fournisseurs chinois pour les maisons françaises… Acheter les
produits chinois directement du producteur, les maisons européennes établies sur les
lieux n’y peuvent pas songer elles-mêmes. Aucune transaction ne se fait sans que le

1 Comité de Shanghai de la partie démocratique de Chine, Chambre de commerce et de l’industrie de Shanghai. Des
marchands étrangers et des compradors dans l’ancien Shanghai. Les sources historiques de Shanghai. n°56. pp.17-
18. (中国民主建国会上海市委员会、上海市工商业联合会:旧上海的外商与买办,《上海文史资料》,第56
辑,第17-18页。)
2 XIAO Chuxiong. Evolution du système de Conghong au Système de comprador. Mémoire de Master soutenu à

l’Université de Guangzhou. 2009. pp. 25-26. (肖楚熊:行商制度到买办制度变迁研究,广州大学硕士毕业论


文,2009年,第25-26页。)
3 Nous allons aborder ce problème dans le chapitre suivant.
4 L.S.Bell. From Comprador to County Magnate: Bourgeois Practice in the Wuxi County Silk Industry. Selected in

Joseph W. Esherick and Mary Backus Rankin. Chinese Local Elites and Patterns of Dominance. California.
University of California Press. 1900. pp. 123-124.
5 CHEN Yonghao, TAO Shuimu. Le plus grand groupe de marchands de soies pendant l’époque moderne, p.5. 陈

永浩,陶水木: 《中国近代最大的丝商群体》 ,第5页。


6 NIE Haochun. Les compradors et le développement de l’économie chinoise dans l’histoire moderne. Thèse

soutenue à l’Université normale du milieu de la Chine. 2007.p.60. (聂好春:《买办与近代中国经济发展研究1840-


1927》 ,华中师范大学博士论文,2007年,第60页。)
244
comprador n’intervienne. C’est lui qui attire les producteurs, présente leurs produits au
patron, débat les prix. Le rôle de l’Européen chef de maisons se borne à traiter l’affaire
avec son comprador d’une part ; en dehors de son ou de ses compradors il ne peut
connaître pratiquement aucun commerçant chinois ».1
Ayant constaté les modes de transaction et les moyens de communication entre des
magasins chinois et des maisons étrangères, il nous reste encore à traiter d’une dernière
question : y a-t-il des magasins chinois qui exportent directement les soies en Europe
sans intermédiaire des maisons étrangères ? Autrement dit, les maisons étrangères sont-
elles indispensables pour l’exportation de la soie de la Chine vers l’étranger durant le
19e siècle ? La réalité est qu’il n’y a pas de soie chinoise qui arrive en Europe sans
passer par les mains des négociants étrangers avant la Première Guerre mondiale. Trois
Chinois, LI Weibi (李惟弼) LU Huanwen (芦煥文) et YU Fengshao (俞凤韶)2 ont
réalisé les premières études sur le marché de soies en France pendant la première
décennie du 20e siècle.3 Un rapport sur ces premières enquêtes est publié en 1909, dont
le titre est Enquêtes du marché de soies en France, représente le premier rapport sur la
situation du marché de soies en Europe fait par les Chinois. 4 La première maison
chinoise qui exporte la soie directement en France est la Hua Tong et Cie (华通公司),
qui est fondée à Shanghai en 1918 et s’engage dans les affaires de l’exportation de la
soie à partir de 1920.5 Plusieurs maisons chinoises se spécialisent dans l’exportation
de soies à l’étranger et s’installent dans les ports de Chine pendant les années 1920.
Ensuite certaines parmi elles font faillite durant les années 1930. Dans des statistiques
officielles du Ministère de l’Industrie du gouvernement chinois, on constate qu’il y a
au total quarante-trois compagnies (étrangères et chinoises) qui exportent la soie dans
les pays occidentaux et au Japon en 1936 à Shanghai. Trois d’entre elles appartiennent

1 Archives des affaires étrangères. 148CPCOM565. Chine, relation commerciale avec la France 1907-1909. 21,
avril 190à. Les organisations commerciales à Shanghai. p. 15.
2 Tous les trois sont employés de la Yu Tong et Cie(运通公司) chinoise à Paris, laquelle est un magasin d’Antiquités

créé en 1901 par ZHANG Jingjiang(张静江), le Ministre plénipotentiaire chinois en France.


3 24, juillet 1910, journal de Shen. Fonds de la bibliothèque de Shanghai. (《申报》 ,1910年7月14日。上海图书
馆馆藏资源。)
4 ZHOU Dehua. Le pionnier de l’amélioration de la soie chinoise---YU Fengshao, Soie de Jiangsu. 2006. n°5. p.51.

(周德华:蚕丝改良先驱---俞凤韶, 《江苏丝绸》 ,2006年第5期,第51页。)


5 LI An, MOU Zhongxiu. L’industrie de la soie pendant les vingt dernières années. Journal du commerce

international. n°1. Vol 2. 1931. (李案,缪钟绣:二十年来之蚕丝业, 《国际贸易导报》 ,1931年第二卷第一号。)


245
à des négociants chinois et quarante à des négociants étrangers. La valeur des soies
exportées par les trois maisons chinoises compose environ 25% de la valeur totale des
exportations des soies en 19361.
Le commerce de la soie n’est pas le seul secteur du commerce extérieur chinois
maîtrisé par les maisons étrangères. En réalité, pendant le 19e siècle, presque toutes les
transactions avec le monde extérieur sont opérées par l’intermédiaire des maisons
étrangères. Le cas du commerce direct entre les négociants chinois et les maisons
commerciales en France est très rare. Les seuls exemples d’échange direct à cette
époque sont l’importation des médicaments de France aux pharmacies créées par des
Chinois. 2 L’apparition des maisons chinoises spécialisées dans le commerce direct
avec les importateurs ou exportateurs en Europe ne débute qu’au début du 20e siècle.
La Lie Feng et Cie (列丰行) de Shanghai, créée par HE Jifan (何积藩) en 1906, qui fut
comprador pour plusieurs maisons étrangères, est la première compagnie chinoise qui
vend des marchandises étrangères commissionnée directement par les exportateurs en
Europe. La première maison chinoise créée en France pour vendre directement des
articles chinois aux clients est la Yun Tong et Cie (运通行) à Shanghai, laquelle est le
fournisseur du Magasin d’Antiquités de Yun Tong fondé à Paris par le ministre
plénipotentiaire chinois en France en 19013. Le nombre des maisons chinoises ayant
une relation commerciale directe avec des maisons en Europe ou aux États-Unis ne
dépasse pas cinq en Chine à la veille de la Première Guerre mondiale. Aucune maison
parmi elles n’occupe le secteur de la soie4.
Les raisons de la mauvaise performance des négociants chinois dans les échanges
entre la Chine et d’autres pays sont différentes selon les domaines. Toutefois, tous les

1 LI Zejin. Aperçu des maisons d’exportation et d’importation en Chine. Département du commerce international
du Ministère de l’industrie. p.29.Fond de la Bibliothèque nationale de Chine. (李泽晋: 《全国进出口商行要览》 ,
实业部国际贸易局,1937年,第29页。中国国家图书馆馆藏资源。)
2 Les annales du commerce extérieur de Shanghai. Shanghai. Editions de l’Académie des sciences sociales de

Shanghai. 2000. p.158. (《上海对外经济贸易志》 ,上海:上海社会科学院出版社,2000年,第158页。)


3 Département d’économie de l’Académie des sciences sociales de Shanghai. Le commerce extérieur de Shanghai

1840-1949. Shanghai. Edition de l’Académie des sciences sociales de Shanghai. 1989. p.224. (上海社会科学院经
济研究所: 《上海对外贸易1840-1949》 ,上海:上海社会学院出版社,1989年,第224页。)
4 La première maison chinoise qui exporte la soie directement en France est la Hua Tong et Cie(华通公司), qui s’est

institué à Shanghai en 1918 et s’est engagé dans l’exportation de la soie à partir de 1920. Consulter LI An, MOU
Zhongxiu. L’industrie de la soie pendant vingt dernières années. Journal du commerce international. N°1. Vol 2.
1931. (李案,缪钟绣:二十年来之蚕丝业, 《国际贸易导报》,1931年第二卷第一号。)
246
négociants chinois qui cherchent à développer le commerce direct avec des marchands
occidentaux au cours du 19e siècle rencontreront deux problèmes. Premièrement, il est
difficile de trouver des partenaires (exportateurs ou importateurs) dans les pays
occidentaux. Cette difficulté provient en partie du monopole des informations
commerciales détenu par les maisons étrangères en Chine, ce qui représente un
phénomène évident surtout avant la mise en service du télégraphe entre l’Europe et
l’Asie-Orientale en 1871. Tous les navires postaux appartiennent aux compagnies
postales étrangères. Certaines grandes compagnies occidentales possèdent leurs propres
vaisseaux de liaison postale. De l’autre côté, très peu de commerçants chinois maîtrisent
des langues étrangères pendant la plus grande partie du 19e siècle. Même s’il y a des
Chinois qui peuvent parler quelques mots, ils préfèrent travailler dans des maisons
étrangères comme comprador. De ce fait, la communication directe avec l’Europe ou
les États-Unis reste difficile. Deuxièmement, persiste toujours le problème du
règlement des changes pour les maisons chinoises. Pendant le 19 e siècle, les bureaux
de change en Chine se trouvent presque tous dans les maisons étrangères ou dans les
banques étrangères. Celles-ci ne changent pas les devises étrangères pour les négociants
chinois. Même après l’institution des premières banques chinoises à la veille de la
Première Guerre mondiale, les commerçants chinois doivent déposer une forte somme
comme fonds de garantie.1 Mais cela est sans doute très difficile pour la plupart des
maisons chinoises dont les capitaux et le chiffre d’affaires restent très modestes.
En sus de ces difficultés, les maisons de soie chinoises sont confrontées à des
obstacles face au contrôle exercé par les maisons étrangères. De fait, ce sont ces
dernières qui disposent du contrôle de la qualité de la soie en occident 2 . Nous
préciserons ce point dans le chapitre V. Sans l’existence d’aucune institution publique
pour contrôler la qualité de la soie en Chine durant le 19e siècle, les marchands de soies
en Europe n’achètent que les soies authentifiées et signées par des contrôleurs des

1 Comité de Shanghai du parti démocratique de Chine, Chambre de commerce et de l’industrie de Shanghai. Des
marchands étrangers et des compradors à ancien Shanghai. Les sources historiques de Shanghai. N°56. Shanghai .
Editions des peuples de Shanghai. 1986. pp.27-28. (中国民主建国会上海市委员会、上海市工商业联合会:旧
上海的外商与买办, 《上海文史资料》 ,第56辑,上海:上海人民出版社,1986年,第27-28页。
2 On discutera les détails sur le contrôle de la qualité des soies chinoises exportées dans le Chapitre V.)

247
maisons étrangères. En revanche, l’authentification de qualité signée par les contrôleurs
chinois n’est guère reconnue pendant cette époque1. Il en résulte que tous les négociants
chinois doivent commissionner les maisons étrangères pour écouler leurs soies en
Europe afin d’obtenir leurs authentifications de qualité. Le monopole du contrôle de
qualité est un autre moyen d’exercer l’hégémonie sur l’exportation de soie pour les
maisons étrangères. C’est là une raison essentielle de l’absence des maisons chinoises
dans les échanges de soie entre la Chine et la France durant le 19e siècle.
Pour résumer tous les réseaux d’échange dans le commerce, nous pouvons établir
un schéma décrivant comment une balle de soie chinoise provenant d’un paysan en
Chine arrive dans les mains d’un moulinier ou d’un tisseur en France. D’un côté, les
maisons étrangères (anglaises, françaises, allemandes, suisses) monopolisent les
échanges internationaux et représentent le chaînon essentiel entre tous les
intermédiaires de ce processus commercial. Tous les négociants chinois sont obligés
d’exporter leurs soies en Europe en passant par eux. D’un autre côté, des maisons
étrangères n’ont guère réussi à pénétrer à l’intérieur de Chine durant tout le 19e siècle.
Elles ne peuvent obtenir la matière première de la soie chinoise qu’en établissant une
relation commerciale stable avec des magasins, des comptoirs et des maisons locales.
Ces dernières sont les intermédiaires indispensables pour la circulation des soies à
l’intérieur de Chine. La composition de ces intermédiaires dans le commerce de la soie
entre la France et la Chine est complexe, ce qui est le résultat à la fois de leur
concurrence et de leur collaboration. Cependant, ce sont justement eux qui sont à
l’origine du développement important de ce commerce entre la Chine et la France
pendant le 19e siècle.

Graphique III-14 Processus d’échange de la soie entre la Chine et la France

Paysans chinois

1Comité de Shanghai du parti démocratique de Chine, Chambre de commerce et de l’industrie de Shanghai. Des
marchands étrangers et des compradors à ancien Shanghai. Les sources historiques de Shanghai. n°56. p.28. (中国
民主建国会上海市委员会、上海市工商业联合会:旧上海的外商与买办,《上海文史资料》,第56辑,第28
页。)
248
Soie cocons
s
Maisons de soies Maisons de cocons
aux Xiangs aux communes

Maisons de soies Maisons d’organsins Filatures mécaniques


aux communes aux communes

Magasins chinois Comptoirs de soies


de soies aux ports aux ports

Maisons anglaises, françaises, allemandes


et suisses aux ports de Chine

Ré-exportateur de Maisons de soies


Londres en France

Usines textiles en
France

249
Chapitre IV Rôles du changement des politiques
douanières et de l’amélioration des conditions de
transport

Nous avons étudié, dans le chapitre précédent, les réseaux d’intermédiaires du


commerce de la soie entre la France et la Chine. Dans ce nouveau chapitre, nous allons
continuer à analyser les conditions du commerce de longue distance, concernant le rôle
de deux facteurs dans la croissance du commerce de la soie entre la France et la Chine :
les changements de politique du commerce extérieur, l’amélioration du transport.
Dans la première section, nous allons débattre de l’évolution du droit d’entrée de
la soie en France pendant le 19e siècle et son impact sur l’importation de la soie vers la
France. La deuxième section montrera les changements de politique du régime de
douane de la Chine avant et après la guerre de l’opium, essentiellement l’évolution du
tarif de douane sur la soie exportée, ainsi que ses effets sur l’échange de la soie avec la
France. L’amélioration des conditions de transport est considérée par K.H.O’Rourke,
J.G.Williamson et d’autres historiens économiques comme l’une des impulsions les
plus essentielles pour l’intégration de l’économie euro-américaine. Afin de vérifier si
cet élément est aussi important dans l’évolution du commerce euro-asiatique, la
troisième section de ce chapitre analysera les influences de la mise en œuvre de la
Compagnie des Messageries Maritimes de l’Extrême-Orient et l’ouverture du Canal de
Suez sur le commerce de la soie entre la Chine et la France. De même, un autre
problème notable, l’impact des changements de la politique commerciale et de la baisse
du coût de transport sur la convergence des prix sur les différents marchés euro-
asiatiques, sera abordé à la fin de la troisième section.

250
IV-1 Evolution du tarif de douane de la soie en France et ses influences

commerciales et économiques

Pendant une longue période, la doctrine de P.Bairoch a représenté l’opinion


conventionnelle sur la périodisation et l’influence économique de la politique du
commerce extérieur de la France. D’après ses recherches, la période du libéralisme en
France n’a commencé qu’après la signature du Traité du Gobden-Chevalier avec
l’Angleterre en 1860, et elle s’est terminée après la mise en application du « tarif du
Méline » en 1892. La France, un pays typique de l’Europe continentale, a poursuivi
une politique du commerce extérieur beaucoup plus protectionniste que celle de
l’Angleterre depuis des années 1840 et jusqu’à la fin du 19e siècle. 1 Ainsi, les
expansions du commerce extérieur et de l’économie ont été généralement plus rapides
durant les périodes protectionnistes que durant la période libérale, la baisse des
barrières de douane jouant donc un rôle négatif pour les croissances du commerce
extérieur et de l’économie de la France.2
P. Bairoch a-t-il raison ?
Ces conclusions sont remises en question par de nombreuses recherches d'autres
historiens économiques, dont la plus représentative est la thèse de J.V.Nye, « War, Win,
and Taxes : The politicial Economy of Anglo-French Trade 1689-1900 ». 3 En
examinant les évolutions du tarif moyen de la douane en France et celui de l’Angleterre,
J.V.Nye découvre que le premier a été plus bas que le dernier du début du 19e siècle
jusqu’à la fin des années 1870. Cela, d’après l’auteur, prouve que la politique
douanière de la France a été plus libre que celle de l’Angleterre pendant la plus grande
partie du 19e siècle, au lieu du cas contraire dans la conclusion de P.Bairoch. La thèse
de J.V.Nye n’est pas non plus parfaite, mais elle a initié des débats plus étendus sur les

1 P.Bairoch. Mythes et paradoxes de l’histoire économique. Paris. La Découverte. 1994. pp.38-39.


2 P.Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. Paris. Éditions
Mouton. 1976. p.162.
3 J.V.Nye. War, Wine and Taxes: The Political Economy of Anglo-French Trade, 1689-1900. Princeton and

Oxford. Princeton University Press. 2007


251
politiques commerciales du protectionnisme et du libéralisme en l’Europe. Ce débat de
P.Bairoch et J.V.Nye est poursuivi par J-P.Dormois1 et P.Verley en France, qui tente de
clarifier des questions telles que: les pays du continent européen sont-ils aussi
protectionnistes que P.Bairoch l’a décrit ? Comment mesurer le niveau de protection
du tarif de douane d’un pays ? Comment mesurer l’impact du tarif sur la croissance ?
Ce même débat, sur le rôle du protectionnisme, a aussi eu lieu en dehors de la France
notamment entre K.H.O’Rourke, A. Estevadeordal, A.T.Junguito, D.A.Irwin, F.Capie,
A.Vamvakidis, J.Foreman-Peck, B.Dedinger autour de ces problèmes.
À l’aide du fruit de leurs recherches, nous allons essayer, dans cette section, de
répondre aux questions sur l’évolution et les impacts du tarif d’entrée de la soie en
France: comment le tarif d’entrée de la soie de France évolue-t-il pendant le 19e siècle ?
Est-ce que son évolution ressemble à ce que P.Bairoch a décrit sur l’évolution du tarif
général en France ? Le tarif d’entrée de la soie en France est-il protectionniste ? Quels
sont les impacts du tarif sur l’importation de la soie et la croissance de l’économie de
la soie ? La plupart des données du tarif de douane que nous allons citer proviennent
des archives. Afin de combler les lacunes et d’assurer l’exactitude des archives de
certaines périodes, nous allons également consulter les rapports officiels et les
ouvrages de l’époque et actuels, comprenant notamment les discours de N.Rondot
devant le Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce 2 ,
Histoire économique de la soie 3 de A.Beauquis, An Economic History of the Silk
Industry 4 de G.Federico, Contracutal relation, tariffs and customs in the Lyon silk
industrie in the Nineteenth century de P. vernus5, etc.

1 J-P.Dormois. The impact of late-nineteenth-century tariffs on the productivity of European industries (1870-
1930) . In J-P. Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York
Routledge. 2006.
2 N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce. Rapport sur l’industrie des

soies et des soieries. .p. 11.


3 A.Beauquis. Histoire économique de la soie. Grenoble. Grands établissements de l’imprimerie générale. 1910
4 G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930. Cambridge. Cambridge University Press.

2003.
5 P. Vernus. Contractual relations, tariffs and customs in the Lyon silk industrie in the Nineteenth Century. In

Alessandro Stanziani. Labour, Coercion, and Economic Growth in Eurasia. 17th-20th Centuries. Studies in Global
Social History. Leyde. Brill. 2013.
252
A Baisse du tarif de douane sur les matières de soie en France de 1814 à 1862
La chute du Premier Empire en France est suivie par une très courte période de
libéralisation du système douanier à partir de d’avril 1814, mais celle-ci ne dure que
quelques mois. L’institution de la loi du 17 décembre 1814 signée par le roi Louis XVIII
symbolise la restauration du protectionnisme en France. Cette législation permet au Roi
de prendre par ordonnance des mesures destinées à interdire l’importation ou
l’exportation de marchandises étrangères.1 Quelques produits agricoles ou industriels
français ont l’interdiction de circuler sur le marché international immédiatement, et
d’autres sont imposés de droits de douane très élevés. La politique du protectionnisme
est renforcée à plusieurs reprises en 1816 et 1817. En 1819, la politique douanière
agricole de « l’échelle mobile des céréales » qui avait été supprimée en 1814 est
réintroduite en France. Pendant toutes les années 1820, on perçoit l’atmosphère
protectionniste : le Roi promulgue plusieurs lois en 1820, 1822 et 1826 pour renforcer
le système douanier protectionniste tant sur les produits industriels qu’agricoles.2
Dans de telles circonstances, une augmentation des tarifs douaniers est effectuée
sur les matières de soie après le Premier Empire. Pendant cette période, le Piémont et
la Ligurie3 faisaient partie de la France, ce qui permettait aux fabricants lyonnais de
recevoir en franchise de l’Italie la majorité des soies dont ils avaient besoin. Mais cette
situation a complètement changé à la suite de l’année 1814. Selon l’ordonnance de
Louis XVIII de 1814, il fallait payer 50 centimes pour importer un kilogramme de soie
grège et 2 francs 4 centimes pour un kilogramme de soies moulinées.4 Ces derniers
tarifs montent ensuite, par une convention qui date de 1816, à 1 franc 2 centimes par
kilogramme pour la soie grège et 2 francs 4 centimes par kilogramme pour les soies
moulinées. Ces droits, ajoutés à une série de mauvaises récoltes de cocons, survenues
au cours des années 1815, 1816 et 1817, jettent les fabricants lyonnais dans une
véritable détresse : la matière première devient plus rare, et par suite plus coûteuse ; les
organsins montent de 60-64 francs le kilogramme en 1814 à 88-120 francs le

1 M.Cliquenois. Droit public économique. Paris. Éditions Ellipses. Coll. Université-Droit. 2001. p.8.
2 P.Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. p. 7.
3 Deux régions produisant abondamment des matières soyeuses qui se situent au nord de l’Italie.
4 N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce. Rapport sur l’industrie des

soies et des soieries. p. 10.


253
kilogramme en 1816. La Restauration, émue de cette détresse, consent à abaisser les
droits d’entrée prévus pour la soie par les tarifs de 1816, à 0 franc 13 centimes par
kilogramme pour les soies grèges et à 0 franc 51 centimes par kilogramme pour les
soies ouvrées à partir de 1817.1 Pourtant, cette concession est consentie pour trois ans
seulement. Après son expiration en l’année 1820, les droits sur l’importation des soies
continuent à être perçus aux tarifs de 1816.
Selon la théorie ricardienne du commerce international, chaque pays pratiquant
l’échange avec d’autres pays est obligé d’affronter un dilemme lorsqu’il institue un tarif
de douane : si l’on élève le droit d’entrée des matières premières ou si l’on baisse le
droit de sortie des matières premières, les industriels vont être insatisfaits ; si l’on
institue une politique douanière contraire, l’intérêt des producteurs de matières
premières (souvent les paysans) va être détérioré.2 Pendant la première moitié du 19e
siècle, le gouvernement français a effectivement connu un tel dilemme. D’un côté, la
production séricicole française s’accroît très rapidement pendant la première moitié du
19e siècle. Rappelons les données démontrées dans le chapitre précédent, la production
de soie en France bondit de 308 157 kilogrammes en 1815 à 659 398 kilogrammes en
1830.3 Il faut donc élever son droit d’entrée pour que cette croissance séricicole puisse
se prolonger. De l’autre côté, malgré une croissance très forte, le volume de production
séricicole française ne satisfait toujours pas la demande de l’industrie textile de la soie.
Seulement 6.89% de la soie utilisée par l’industrie textile française provient de
l’étranger en 1815, mais cette proportion augmente à 32.5% entre 1831-40.4
Afin d’acquérir suffisamment de matières premières, les fabricants de soieries
demandent au gouvernement de laisser entrer, en franchise totale, toutes les soies grège
étrangères après l’année 1820. Ils font valoir, à l’appui de leur demande, que leur
production va sans cesse croissante, et que la sériciculture nationale, malgré les nets et
rapides progrès qu’elle réalise à partir de 1820, ne peut pas suivre Lyon dans son

1 A.Beauquis. Histoire économique de la soie. Grenoble. Grands établissements de l’imprimerie générale.


1910.p.273.
2 N.G.Mankiw. Principales of Economics. Nashville. South-Western College Pub.2011. pp.182-184
3 Pour l’amélioration et la propagation de l’industrie de la soie en France. Annales de la société séricicole. N° 1.p.

47.
4 G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930..pp.214-215.

254
développement, et qu’elle ne peut fournir la soie nécessaire au tissage, ni en qualité, ni
en quantité. Pourtant, cette demande, combattue énergiquement par les sériciculteurs
du Midi, par les représentants des grandes industries de la Métallurgie, des Cotons, et
par les Agriculteurs, etc. (tous protectionnistes), est toujours rejetée par le
gouvernement de la Restauration, et les droits sur les soies, continuent à être perçus
conformément aux tarifs de 1816. Lyon n’accepte pas sans protester cette défaite ; et
elle n’en continue pas moins la lutte pour conquérir la franchise de ses matières
premières, dont elle consomme chaque année une plus grande quantité.1 Après une
lutte d’une dizaine d’années, elle remporte enfin ses premières victoires au début de la
Monarchie de Juillet (1830-1848).
Au niveau du régime général, la Monarchie de Juillet hérite la loi de 17 décembre
1814, ce qui confère le droit de modification des tarifs de douane au Roi. Pourtant,
Louis Philippe, à la différence de Louis XVIII, commence à affaiblir la politique
douanière protectionniste. Globalement, certaines prohibitions sont remplacées par des
droits très élevés de même que certains droits de douane sont réduits par une série de
lois de 1833 à 1836. Bien que l’administration de Louis Philippe relève les tarifs de
douane de quelques marchandises par les lois de 1841 et 1845, notamment sur les
branches de l’industrie lourde et des biens d’équipement, les tarifs sur quelques produits
agricoles et matières premières commencent à diminuer considérablement à partir de
cette époque.2 Quant à la politique douanière sur la soie, dans le décret du 29 juin 1833,
le gouvernement de Louis Philippe fait réduire les tarifs de douanes sur quelques
produits agricoles (rhubarbe, cacao, etc.), et en même temps met la soie dans une liste
d’articles dont « les droits seront aussi provisoirement modifiés ». La réduction des
tarifs d’entrée de douane des soies prend effet définitivement par la loi du 2 juillet 1836.
Le droit sur la soie grège diminue à 5 centimes le kilogramme, et le droit sur les soies
ouvrées diminue à 10 centimes. Cette loi stipule simultanément que les droits pour
l’exportation sur les deux produits soyeux ci-dessus baissent respectivement à 3 francs

1 A.Beauquis. Histoire économique de la soie.p.273.


2 G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930 .pp.214-215.
255
et 2 francs par kilogramme.1
Selon la loi de 2 juillet 1836 mentionnée ci-dessus, l’administration de Louis
Philippe a évidemment choisi de soutenir son industrie textile en diminuant le droit
d’entrée sur la soie grège à 5 centimes le kilogramme. La conséquence de cette décision
est que, d’un côté, les fabricants lyonnais peuvent importer aisément la soie italienne
ou la soie chinoise réexportée d’Angleterre avec 5 centimes par kilogramme de droit
d’entrée. De l’autre côté, les sériciculteurs, les filatures et les moulinages, ne peuvent
que travailler comme les fournisseurs de l’industrie textile française, parce qu’il est très
difficile d’exporter leurs produits soyeux avec un droit d’exportation relativement élevé.
Une telle politique commerciale est certainement appréciée par les fabricants des
soieries de Lyon, qu’ils considèrent comme une mesure de prévoyance. En 1861,
N.Rondot remarque dans un discours devant le Conseil supérieur de l’agriculture des
manufactures et du commerce que : « Si le droit d’entrée qui frappait les soies
étrangères n’avait pas été réduit des quatre cinquièmes il y a vingt-quatre ans, notre
industrie des soieries, pendant les mauvaises récoltes qui se sont succédé depuis sept
ans, eût diminué au moins de moitié, tandis qu’elle a doublé. »2
Du fait de belles récoltes de cocons à la fin des années 1840 et au début des années
1850, le nouveau gouvernement du Second Empire commence à équilibrer les intérêts
des producteurs de soies et des fabricants de soieries. Dans un premier temps, il
supprime le droit de sortie pour toute la soie écrue en 1852.3 A la suite de cette mesure,
le volume de la production de la sériciculture française atteint son sommet historique
en 1853 : une quantité de 26 millions de kilogrammes.4 Dans un deuxième temps, en
1853, une pétition des fabricants de soieries français est également accordée par
Napoléon III, dans laquelle est déclarée la suppression de l’interdiction (l’ordonnance
de cette interdiction a été promulguée le 8 féviers 1826) de l’importation d’Angleterre
des crêpes d’origine chinoise5, lesquels avaient été souvent transférés en France pour

1 Archives Nationales de France. F12. 2552. 29 juin 1833 et de 1836. Le tarif de douane de 1833 et de 1836.
2 N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce. Rapport sur l’industrie des
soies et des soieries. p. 11.
3 Idem. p.10.
4 L.Pasteur. Étude sur la maladie des vers à soie : notes et documents. p. 38.
5 Archives Nationales de France. F12 6894. 7 mars 1853. Suppression de l’interdiction de l’Angleterre des crêpes

d’origine chinoise. p. 325-339.


256
la teinture et réexportation par la contrebande. Pourtant, les fabricants de soieries
français ne sont toujours pas satisfaits. La cause en est que, en premier lieu, le droit
reste toujours très élevé sur les crêpes d’origine chinoise par l’Angleterre : 34 francs le
kilogramme par navire français et 37.4 francs le kilogramme par navire étranger ;1 de
plus, le tarif d’entrée de la soie reste toujours à 5 centimes par kilogramme, plus élevé
que le droit d’exportation déjà affranchi, ce qui est un fait inacceptable pour les
fabricants de soieries français.
La croissance de la sériciculture française a pris fin avec la maladie des vers à soie,
qui a explosé en 1854. Cette catastrophe a non seulement ruiné la sériciculture française
immédiatement, mais était également en train de menacer la prospérité de l’industrie
textile de la soie en France à cause d’un déficit encore plus considérable de matières
premières. En ce cas très urgent, le gouvernement de Napoléon III doit faire un choix
encore plus difficile que celui qui avait été fait par Louis Philippe. D’un côté, il faut
laisser entrer les soies étrangères avec un tarif d’entrée encore plus bas que 5 centimes
afin que l’insatisfaction du besoin de cette matière première soit remplie ; d’un autre
côté, on doit aussi garder la possibilité de restauration de la sériciculture, qui était très
prospère et qui est alors très fragile. Enfin, une mesure de compromis est prise par
l’administration : successivement, elle laissait entrer en franchise d’autres matières
utilisées par l’industrie textile de la soie en France sauf la soie grège. Napoléon III
promulgue un décret en 1855 qui a prononcé que les crêpes d’origine chinoise pour la
teinture seraient importées en franchise sous condition de réexportation dans les six
mois après la teinture. Cet avantage s’est prolongé en 1857.2 En 1859, le droit d’entrée
sur la bourre filée écrue (dite fleuret) a diminué à 1.25 franc le kilogramme par navire
français et 1.35 franc le kilogramme par navire étranger, et celui de la bourre teinte ou
azurée a diminué à 3.25 francs le kilogramme par navire français et 3.55 francs par
navire étranger.3 Une convention du 16 novembre 1860 entre la France et la Grande-
Bretagne fait baisser le droit à 10% de la valeur sur les rubans de soie ou de bourre de

1 Archives Nationales de France. F12 6894. Tableau comparatif des prix de crêpe de Chine et de crêpe de Lyon. p.
10.
2 Archives Nationales de France. F12 6894. Admission temporaire de crêpe de Chine. p. 287-315.
3 Archives Nationales de France. F12 6894. 22 mai 1859 ; projet de modification au tarif des douanes. La bourre

et autre déchet de soie filés dit fleuret.


257
soie mélangée, qui sont des matières nécessaires pour la fabrication de certains tissus
mélangés.1
Malgré tous ces efforts du gouvernement, les fabricants de soieries français
n’obtiennent toujours pas ce qu’ils veulent depuis les années 1820 : l’entrée en
franchise totale de toutes les soies grèges étrangères. Ils se plaignent que le droit
d’entrée de 5 centimes sur la soie grège étrangère n’est toujours pas supprimé, et que le
gouvernement est toujours partial envers les producteurs de soie. Les discours du
délégué de Chambre de commerce de Lyon, N.Rondot, ont représenté les voix du cœur
des fabricants de soieries. Dans une conférence du 12 janvier 1860 à la Chambre de
commerce de Lyon, il a ainsi dit:
« Le commerce actuel de la France avec l’Inde, la Chine et l’Australie est
considérable ; il dépasse quatre cents millions. Il est arrêté dans son développement par
les droits de douane sur les matières premières. »2
Dans son autre rapport sur l’industrie des soies et des soieries pour le Conseil
supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce en 1861, il a également
remarqué :
« La filature française est impuissante à subvenir à la consommation, c’est un fait
avéré ; les fabricants français sont forcés de s’adresser la filature étrangère, car ils ne
peuvent pas se procurer en France les sortes et les quantités de fils dont ils ont besoin ;
il y a un intérêt considérable à assurer l’alimentation de nos fabriques.
« Nous ajouterons que l’importation a été en décroisant depuis 1857 et à 388 000
kilogrammes en 1858 ; la diminution est de 15% en deux ans. Enfin, plusieurs filateurs
ont atteint à une telle perfection, que leurs produits sont préférés à ceux de l’Angleterre
et de la Suisse, et que leur production toute considérable qu’elle est ne suffit jamais aux
demandes. »3
Lyon exerce sans cesse sa pression sur le gouvernement. A la fin de l’année 1862,
le gouvernement central est obligé de lever la dernière protection sur la sériciculture

1 Archives Nationales de France. F12 6894. 15 septembre 1866. Direction générale de douane, tarif conventionnel
avec la Grande Bretagne. p. 179.
2 N.Rondot. Chambre de commerce de Lyon. Commerce de la France avec la Chine. p.22-23.
3 N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures et du commerce. Rapport sur l’industrie des

soies et des soieries. pp. 12-13.


258
française afin de satisfaire la demande des fabricants de soieries français. Le 24
décembre, Napoléon III promulgue un décret abolissant définitivement le droit de
l’importation des soies grège et moulinées.1
Cette suppression du droit d’entrée brut facilite à nouveau la pénétration des soies
étrangères en France. D’un côté, une grande quantité de soies étrangères, notamment
chinoises, affluent sur le marché de Lyon. Avec des matières chinoises qui sont très
abondantes et très bon marché, la prospérité de l’industrie des soieries française peut se
prolonger. De l’autre côté, ayant perdu la protection du droit de douane, de plus en plus
paysans arrêtent de planter des mûriers ou d’élever des vers à soie. Le nombre des
sériciculteurs passe de 297 130 en 1868 à 200 538 en 1872, puis à 180 506 l’année
suivante.2 Des filatures sont en faillite à cause de bénéfices très bas. Le volume de
production de la soie tombe au plus bas pendant les années 1860. Cette situation ne
change guère après l’invention de la méthode de prévention médicale de Louis Pasteur
en 1869. Après une petite reprise, le volume de production de la soie en France se
stabilise vers 600 000 kilogrammes après les années 1870.3 En remplaçant les soies
indigènes, les soies d’origine chinoise deviennent les matières premières les plus
utilisées par les fabricants de soieries françaises. Leur domination sur le marché de
Lyon dure jusqu’à la Première Guerre mondiale.4
Revenons à deux questions de l’introduction de cette section. Comment le tarif
d’entrée de la soie de France évolue-t-il pendant le 19e siècle ? Son évolution
ressemble-t-elle à ce que P.Bairoch a décrit sur l’évolution du tarif général de la France ?
Ayant observé l’évolution des tarifs de douane sur les matières de soie de France, il est
déjà possible pour nous de confirmer la réponse à cette question. Il est vrai que la
signature du traité de commerce franco-anglais de 1860 (Traité Cobden-Chevalier) est
un jalon historique très important pour la transformation du protectionnisme au libre-
échangisme pour la France, et même pour toute l’Europe : selon ce Traité, l’Angleterre

1 Archives Nationales de France. F12 6894. 24 décembre 1862. Décret de Napoléon III pour affranchir
l’importation de soie grège. p. 493.
2 E.Hamaide. La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle. 7 .1. Le colonialisme lyonnais.
3 Lshii Kanji. L’histoire de la sériciculture du Japon. Tokyo. Éditions de l’Université de Tokyo. 1972. p. 21 (石井

寛治: 《日本蚕丝业史分析》 ,东京:东京大学出版会社,1972年,第21页。)


4 G.Federico. An Economic History of the silk Industry, 1830-1930. pp.214-215.

259
doit laisser entrer en franchise un grand nombre de produits français ; les droits de
douane sur les vins et les soieries, deux des principales marchandises exportées de
France vers l’Angleterre, sont réduits de plus de 80% ; dans le même temps, la France
doit supprimer toutes les prohibitions et les remplacer par des droits de douane qui ne
doivent pas dépasser 30% des valeurs d’échange (25% à partir du 1er octobre 1864) ; la
plupart des droits de douane sur les matières premières et les produits alimentaires sont
également abolis entre les deux pays ; à la suite de ce Traité franco-anglais, la France
signe une série de traités avec d’autres pays européens, et ces traités réduisaient
considérablement les droits d’entrée des matières dont l’industrie française avait besoin
(par exemple, le traité 1862 entre la France et la Prusse amène une réduction de 25%
sur le droit de douane du fer brut).1
Cependant, le processus de réduction du tarif de douane des matières de soie nous
prouve que, pour certaines marchandises, la réduction de droit de douane avait déjà
commencé bien avant le Traité Cobden-Chevalier et non après ce Traité. Le tarif de
douane sur la soie grège baisse à 5 centimes le kilogramme en 1836, et la prohibition
d’importation ou les tarifs sur d’autres matières de soie sont respectivement annulés ou
réduits. Le passage du protectionnisme au libre-échangisme à partir du début du 19e
siècle est, comme le cas de la soie, lente et graduelle, au lieu d’une mutation historique.
Le traité franco-anglais en 1860 n’est, en conséquence, qu’un chaînon important dans
une telle évolution, au lieu d’un point de départ. La thèse de P.Bairoch sur le rôle
historique du traité en 1860 ne correspond donc pas à l’évolution des tarifs douaniers
de la France, au minimum pas à celle de toutes les natures de marchandises du début
du 19e siècle aux années 1860.

B Restauration du droit de douane sur la soie de France à partir de 1872


Conventionnellement, la restauration du protectionnisme en Europe à la fin du 19e
siècle est symbolisée par la reprise des droits de douane protectionnistes en l’Allemagne
en juillet de l’année 1879. Bien que ce rôle de symbole de l’Allemagne sur le chemin

1P.Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. Paris. Mouton.
EHESS. 1976. p. 11.
260
de la restauration du protectionnisme en Europe soit souvent contesté par beaucoup
d’historiens1, de même que le critère pour mesurer protectionnisme et le niveau du
protectionnisme dans certains pays soit souvent remis en question2, il faut reconnaître
que, à partir des années 1870, les principales puissances mondiales (l’Angleterre, les
États-Unis, la Russie, la France et l’Italie, etc.) commencent à relever - plus ou moins -
leurs tarifs de douane l’un après l’autre.
D’après les recherches de P.Bairoch, « la France, elle, ne retourne qu’au
protectionnisme avec le tarif dit le Méline de 1892. Cette dernière réforme du régime
de douane française signifie une croissance moyenne de 40% des tarifs de douane de
toutes les marchandises importées ou exportées en France. »3On constate que P. Bairoch
considère la transformation du libre-échangisme au protectionnisme en France comme
une mutation historique qui a lieu en 1892, comme le changement historique avant et
après 1860. Cette description de P.Bairoch sur le changement de politique douanière de
la France pendant les dernières décennies du 19e siècle est-elle correcte? À nouveau,
nous allons la vérifier en étudiant l’évolution des tarifs de douanes en France sur les
matières de soie.
De fait, le gouvernement français tente déjà de restaurer des droits de douane sur
les matières de soie dès début de la fondation de la Troisième République. Le 11 mai
1871, une lettre provenant du Ministère des Finances invite le président de la Chambre
de commerce de Lyon à se rendre au sein du Comité consultatif des arts et manufactures
afin d’étudier les moyens de convertir un droit de 20% sur les soies brutes. 4 Cette
dernière proposition du gouvernement étonne les fabricants de soieries français, et
provoque immédiatement, à nouveau, leurs protestations. Ernest Pariset réclame dans

1 Le rôle de l’Allemagne dans la restauration du protectionnisme sur le continent européen est toujours un débat
ouvert. Beaucoup d’autres historiens argumentent que les tarifs de douane de l’Allemagne ne sont pas plus élevés
que d’autres pays européens même après 1879. Pour les détails, consulter B. Dedinger. From virtual free-trade to
virtual protectionism. Did protectionism have any part in Germany’s rise to commercial power? 1850-1913. In J-P.
Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York. Routledge. 2006.
pp.219-241. A.T.Junguito. Assessing the protectionist intensity of tariffs in nineteenth century European trade
policy. In J-P. Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York
Routledge. 2006. pp.99-120.
2 Nous allons d’aborder ce point plus loin.
3 P.Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. Paris. Mouton.

EHESS. 1976. p. 12.


4 E.Pariset. Chambre de commerce de Lyon, Question du droit d’entrée. Dans la séance du 15 juin 1871. Fonds de

la Bibliothèque nationale de France. p.1.


261
une réunion de la Chambre de commerce de Lyon, représentant les points de vue de la
plupart des membres d’alors :
« Londres reçoit directement 2 500 000 kilogrammes de soies chinoises,
japonaises et bengalaises, transitant par l’Égypte, et représentant une valeur de 135
millions de francs. Il s’en exporte en France pour 90 millions de francs, dont 75 millions
en soies grèges destinées aux moulins français, suisses et italiens.
À Marseille arrivent de l’extrême Asie des grèges évaluées à 80 millions de francs
environ, et les contrées méditerranéennes lui envoient des grèges pour 60 millions de
francs, sans parler des cocons qui sont estimés 17 millions. Si une partie des soies
asiatiques va en Angleterre, les grèges de Brousse, de Syrie, d’Andrinople, de Messine,
de Naples et d’Espagne restent entre les mains des mouliniers français, de même que
les cocons alimentent les filatures françaises.
L’Italie, dont la récolte est estimée 170 millions de francs, expédie par le Mont
Cenis et par la Suisse en France pour 110 millions de soie ou bourres de soie.
Qu’on ajoute à ces quantités la récolte française, évaluée 90 millions de francs, et
on trouvera que la matière première circulant en France représente un capital d’environ
440 millions de francs.
Mettre un droit d’entrée sur la matière première ne sera-ce pas éloigner toutes les
soies qui ne s’adressent pas immédiatement à la consommation ? Ne sera-ce pas
restreindre l’esprit d’entreprise si favorable à l’industrie, nuire aux mouliniers français,
en ne mettant pas à leur disposition un grand choix de grèges et leur impossible la lutte
avec le moulinage anglais, éloigner enfin de Lyon le mouvement commercial des soies,
qui ne tarderait pas à se diriger vers Milan, où déjà vont s’approvisionner la Suisse et
l’Allemagne ? »1
Bien que les fabricants lyonnais veuillent bien maintenir la franchise douanière sur
la soie qui entre en France, ils font enfin une concession au gouvernement central.
D’après le discours d’Ernest Pariset, la Chambre de commerce de Lyon offre un tarif
qu’elle pourra accepter au Ministère des Finances:

1 Idem. p.14-15.
262
« la Chambre de commerce de Lyon, accepte, comme moins préjudiciable aux
intérêts de l’industrie, et comme assurant d’ailleurs au Trésor un revenu plus certain,
un droit spécifique minime fixe, qui serait par exemple :
0 franc 10 centimes par kilo. Pour les bourres de soie ;
0 franc 20 centimes par kilo pour les bourres cardées ;
0 franc 50 centimes par kilo pour les bourres filées ;
1 francs 25 centimes par kilo pour les soies grèges ;
2 francs 50 centimes par kilo pour les soies ouvrées. »1
À cause de la lutte de Lyon contre la proposition initiale, le Ministère arrive à un
accommodement avec les fabricants de soieries français. Un tarif de 2.5% sur toutes
espèces des soies asiatiques s’applique depuis l’année 1872.2 À la suite de la mise en
œuvre de ce nouveau tarif de soie, les maisons françaises de soie à Shanghai, dont les
intérêts ont déjà été violés par les droits intérieurs de la Chine, expriment tout de suite
leur sentiment d’insatisfaction au consul français à Shanghai. Ayant reçu la lettre du
consul de Shanghai, le Ministre des Affaires étrangères transmet l’opinion des maisons
de soies à Shanghai au Ministre des Finance, et relate simultanément la nocivité de la
restauration du droit de douane sur la soie grège :
« Monsieur et cher collègue, le gérant du consulat général de France à Shanghai
vient de me rendre compte de l’effet produit dans celle ville par la nouvelle qu’un droit
de douane de 2.5% a été établi sur les soies à leur entrée sur notre territoire.
« D’après M. de Chappedelaine, on craint que cette mesure n’ait pour résultat
d’arrêter la tendance de commerce, bien marquée depuis quelque temps, à importer la
soie directement de Shanghai en France, et d’empêcher Lyon de devenir le grand
marché de ces matières premières, en les détournant vers la Suisse, ou en leur faisant
reprendre la route de Londres, qui commençait à être abandonnée. »3
Mais tous ces conseils et ces protestations n’ont rien changé. Le Ministère des
Finances n’a pas changé sa décision. Plus tard, après que l’Allemagne ait adopté des

1 Idem. p.20.
2 Archives Nationales de France. F12 7058. 29 septembre 1872. Lettre du Ministre des affaires étrangères au
Ministre du commerce.
3 Idem.

263
droits de douane plus protectionnistes en 1879, le gouvernement de la Troisième
République met également en application un système de « préférence impériale » avec
ses colonies pendant les années 1880.1 Cette mesure signifie peut-être une protection
pour certaines branches industrielles françaises, mais une catastrophe pour l’industrie
des soieries. D’un côté, les colonies françaises ne produisent guère de matières de soie,
cependant les plus grandes régions de production de la soie sont ségrégées à l’extérieur
de ce système de « préférence impériale », ce qui va sans doute augmenter le coût de
production et affaiblir la compétitivité des soieries françaises : les soies asiatiques, qui
composent environ 50-60% de la consommation des fabricants de soieries français,
avait déjà été imposées d’un droit de douane de 2.5% pour entrer en France depuis
1872 ; la soie grège italienne, qui compose un autre 20-30% de la consommation
française, est aussi imposée d’un droit de douane de 1 franc par kilogramme à partir de
1888.2 D’un autre côté, les débouchés des soieries françaises vont être limités, car les
autres pays européens et américains, étant les principaux consommateurs des soieries
françaises, vont fermer leurs portes aux soieries françaises en élevant aussi leurs droits
de douane comme mesure de rétorsion. À la fin du 19e siècle, les tarifs de douanes sur
les soieries de l’Angleterre, de la Russie et des États-Unis montent respectivement à
75%, 225% et 300-400%.3
Ainsi, lorsque le Ministère des Finances rediscute le problème de l’élévation des
droits de douane en mars 1891, un débat très fougueux a lieu à la Chambre des députés.
La commission des douanes propose un tarif général de 6 francs sur les soies grège et
ouvrée, mais une partie des députés (notamment les députés qui viennent de régions de
production des soieries) refuse d’accepter cette proposition. La tension dans la chambre
des députés se manifeste de façon évidente dans le discours ci-dessous prononcé par
des adversaires de Lyon :
« Lyon, fidèle à ses principes de liberté commerciale et montrant l’heureux effet

1 L’économie mondiale, Statistique historique. Paris. OCDE. Organisation de coopération de développement


économique. 2003. p. 64.
2 L.Gueneau. Lyon et le commerce de la soie. Thèse soutenue devant la Faculté de droit de l’Université de Lyon.

Lyon. Imprimerie L. Bascou. 1923. p.120.


3 G.Federico. An Economic History of The Silk Industry. 1830-1930. Cambridge. Cambridge University Press.

1997. pp.175-176.
264
de la liberté sur ses affaires, proteste contre tout droit… Il est certainement fort heureux
pour la France que les Lyonnais aient détrôné Londres pour la soie au profit de Lyon.
De telles victoires sont rares.
Bien que, en trois ans, depuis l’établissement en 1888 d’un droit sur les soies
grèges italiennes, Lyon ait vu baisser son importation de soies italiennes de 350 000
kilogrammes de soie grège et 450 000 kilogrammes de soie ouvrée (rapport de M.
Grand George à la Commission des valeurs en douanes), Lyon reçoit encore et vend
6 500 000 kilogrammes de soies sur 12 500 000 offerts à la consommation par
l’ensemble de tous les pays producteurs. Sur ces 6 500 000 kilogrammes, moitié de la
production totale, 4 100 000 restent aux mains des fabriques françaises, soit le tiers de
la production totale…Voilà bien établie la puissance de Lyon, puissance précieuse pour
l’intérêt français…
Avec un droit de douane sur les grèges, si faible eût-il été disent les fabricants,
nous perdions notre réputation de produire dans des conditions aussi favorables que nos
rivaux ;
En résumé, comme le dit notre collègue, M. Neyrand, député de Loire, compétent
et impartial, dans une note pleine de bon sens et remarquablement claire, il serait sage
d’imposer les tissés en laissant libre l’entrée des grèges. »1
Le projet d’une élévation excessive sur les droits de douane du Ministère des
Finances en 1891 échoue encore une fois à cause de l’opposition des représentants des
fabricants de soieries de Lyon. Dans la nouvelle loi du 11 janvier 1892, des tarifs
d’entrée sur la soie grège et les cocons sont abolis encore une fois (voir le tableau ci-
dessous). Pourtant, ces tarifs de 1892 ne sont pas le succès unilatéral de Lyon, mais

Tableau IV-1Tarif d’entrée sur les soies en France en 18922

1 Archives Nationales de France. F12 6854. Chambre des députés, cinquième législature, session de 1891. n°
1354. Le 21 mars 1891.
2 Archives Nationales de France. F12 6854. La séance du 12 novembre 1891. Rapport de la commission de

douanes de fils de soie, fils de soie artificielle au Sénat.


265
Natures des soies Unité Tarif général
Soie grège exempt
Soie ouvrée 1 kilo 3 francs
35 francs
Fils de bourre de (moins de 80 500 mètres)
100 kilos
soie simple
50 francs
(plus de 80 5000 mètres)
40 francs
Fils de bourre (moins de 80 500 mètres)
100 kilos
de soie retorse 66 francs
(plus de 80,500 mètres)
Fils de bourre Mêmes droits
de soie teints augmentés de 75 francs

Fils de soie à coudre à brode


A passementerie, mercerie et écrus : 400 francs
100 kilos
autres

teints : 600 francs

Fils de bourrette(fils de déchet simples 35 francs


100 kilos
et de bourre de soie)
retors 40 francs

également un compromis entre les fabricants lyonnais et les sériciculteurs du Midi. Le


gouvernement, pour compenser la perte des sériciculteurs dans le nouveau régime de
douane, promulgue une loi le 13 janvier 1892 (seulement deux jours après la nouvelle
loi des tarifs de douanes), laquelle offert une prime aux sériciculteurs. Sous le régime
de cette loi, la prime est de 50 centimes par kilogramme de cocons frais recueillis. Bien
que cette prime n’ait guère exercé d’ influence bienfaisante sur l’évolution économique
de la sériciculture (comme on l’a démontré dans le chapitre précédent, la production de
celle-ci, après être montée à plus de 11 millions de kilogrammes en 1894, redescend à
une moyenne 6.5-7.5 millions de kilogrammes pendant les années suivantes), elle est
renouvelée encore deux fois en 1898 et en 1909, tandis que, sous les derniers deux
régimes, la prime versée à chaque éleveur est relevée à 60 centimes par kilogramme de

266
cocons frais recueillis.1 Comme résultats de compromis, les deux nouveaux régimes
établis en 1892, les nouveaux tarifs de douane des soies et la prime séricicole restent en
vigueur jusqu’à la Première Guerre mondiale.
L’évolution des tarifs de douane sur les matières de soie dans les dernières
décennies du 19e siècle nous a démontré que, la restauration du régime de douane du
protectionnisme en France, au minimum pour une partie de marchandises, n’est pas un
simple retournement immédiat que P.Bairoch a décrit, mais une transformation plus
complexe. Tout d’abord, les droits d’entrée sur certaines marchandises, comme sur les
matières de soie, commencent déjà à s’élever pendant les années 1870. Autrement dit,
le protectionnisme revient en France en fait beaucoup tôt que la date qu’il avançait.
Ensuite, la fondation des droits protectionnistes n’est pas arrivée d’un seul coup, et n’est
pas une tendance irréversible. Dans le cas de la soie grège, le tarif de douane établi en
1872 est enfin aboli en 1892, et ce tarif en franchise se maintient jusqu’à la Grande
Guerre. De plus, si l’on observe l’évolution du tarif de douane d’entrée sur la soie grège
pendant tout le 19e siècle (voir le graphique III-2), nous allons découvrir qu’elle est
différente de la formule conventionnelle « élevé (période du protectionnisme pendant
1814-1860)---bas (période du libre-échangisme pendant 1860-1892)---élevé (période
du protectionnisme pendant 1892-1913) », mais se manifeste comme une courbe plus
capricieuse : elle monte de 0.5 franc à 1.02 franc de 1814 à 1816, descend à 0.13 franc
en 1817, remonte à 1.02 franc en 1820, redescend à 0.05 franc en 1836 et à 0 à partir
de 1862, remonte à 1.25 franc en 1872 et descend de nouveau à 0 à partir de 1892, et
comprend trois sommets et trois régressions.

Graphiques IV-2 Évolution du tarif de douane d’entrée de la soie grège vers la France
1814-19122

1 A.Beauquis. Histoire économique de la soie. Grenoble. Grands établissements de l’imprimerie générale.


1910.pp.51-52.
2 Les données pendant 1814-1815 proviennent de N.Rondot. Conseil supérieur de l’agriculture, des manufactures

et du commerce. Rapport sur l’industrie des soies et des soieries. p. 10.


Les données pendant 1815-1832 proviennent d’A.Beauquis. Histoire économique de la soie. Grenoble. Grands
établissements de l’imprimerie générale. 1910. p.273.
Les données pendant 1833-1861 proviennent des Archives Nationales de France. F12. 2552. 29 juin 1833 et de
1836. Le tarif de douane de 1833 et de 1836.
Les données pendant 1862-1871 proviennent des Archives Nationales de France. F12 6894. 24 décembre 1862.
267
1.4

francs/kilogramme 1.2

0.8

0.6

0.4

0.2

0
1814 1821 1828 1835 1842 1849 1856 1863 1870 1877 1884 1891 1898 1905 1912
Années

C. Mesurer le niveau de protection du tarif de douane de la soie grège


Nous allons aborder, à la fin de cette section, deux questions concernant des
débats fondamentaux sur les recherches du protectionnisme du 19e siècle :
premièrement, les droits sur la soie grège en France, malgré tous les conflits entre des
différents groupes pour ses modifications, sont-ils « protectionnistes » pendant le 19e
siècle ? Deuxièmement, quelles sont les relations entre le tarif de douane sur la soie
grège et de la croissance de l’industrie de la soie en France ? La première question
concerne le problème sur « comment mesurer la protection », et la deuxième question
souligne « l’impact de tels tarifs de douane ».
De fait, les questions portant sur « comment mesurer la politique du
protectionnisme » ont déjà été abondamment discutées par les historiens récents. Les
recherches de J.V.Nye, qui lancé un défi aux conclusions conventionnelles selon
lesquelles l’Angleterre est le pays le plus libre dans le commerce international du 19 e
siècle et la France est relativement protectionniste, ont provoqué un large débat sur la
question de « comment mesurer la protection ». Son argument se fonde sur deux

Décret de Napoléon III pour affranchir l’importation de soie grège. p. 493.


Les données pendant 1872-1892 proviennent des Archives Nationale de France. F12 7058. 29 septembre 1872.
Lettre du Ministre des affaires étrangères au Ministre du Commerce. Il faut remarquer que le droit de douane la
soie grège chinoise est perçue par 2.5% de la valeur à ce moment-là. Pendant cette vint année, le prix moyen de la
soie grège chinoise est de 50 francs le kilo, donc le tarif de douane sur la soie grège chinoise compte environ 1.25
franc par kilo.
Les données pendant 1892-1914 proviennent des Archives Nationales de France. F12 6854. Chambre des
députés, cinquième législature, session de 1891. n° 1354. Le 21 mars 1891.
268
méthodes pour mesurer le niveau d’ouverture des deux pays : les tarifs moyens des deux
pays (proportion du revenu douanier dans la valeur totale d’importation) ainsi que
l’évidence des niveaux des tarifs dans certaines catégories de marchandises. Après la
comparaison, J.V.Nye a trouvé que le tarif moyen de l’Angleterre est plus élevé que
celui de la France jusqu’à la fin des années 1870.1 La conclusion de J.V.Nye provoque
non seulement beaucoup de discussions sur les niveaux de protection de l’Angleterre et
de la France pendant le 19e siècle2, mais aussi beaucoup de débats autour la question
du moyen de mesurer le niveau de protectionnisme. Des chercheurs critiquent que le
tarif moyen ne représente pas parfaitement le niveau d’ouverture ou le niveau de
protection d’un pays, parce que les variations des quantités d’échange selon des
différents tarifs et des différentes élasticités de demande ne peuvent pas se manifester
sur le tarif moyen que J.V.Nye utilise. Par exemple, dans le cas extrême, si un tarif
d’une marchandise est tellement élevé que l’importation de telle marchandise est exclue,
la part de cette marchandise descend à zéro, et le tarif de telle marchandise ne
contribuera plus à l’index du tarif moyen. Afin de surmonter l’imperfection de la
méthode ci-dessus, des historiens et économistes ont proposé de nombreux autres
moyens de calcul. K.H.O’Rourke, dans son article « Measuring protection : A
cautionary tale » en 1997, a essayé de mesurer la protection par le TRI (Trade
Restrictiveness Index). Il a conclu que la France était un pays plus libéral pour les
échanges des marchandises avec l’élasticité plus haute ( surtout pour les produits de
luxe et les produits d’exotiques ), tandis que l’Angleterre était relativement un pays plus
libéral pour les échanges de marchandises avec l’élasticité plus basse (surtout pour les
produits manufacturés ).3 Dans une publication de la même année, A.Estevadeordal a
utilisé un autre modèle---trade intensity ratio---pour mesurer la protection des
principaux 18 pays développés au début du 20e siècle. Selon son calcul, la France est

1 Pour les détails du point de vue de J.V.Nye, consulter J.V.Nye. The myth of free-trade Britain and fortress
France : Tariffs and trade in the Nineteenth Century. The journal of Economic History. Vol. 51. n°1. 1991. p. 23-
46; J.V.Nye. War, Wine and Taxes : The Political Economy of Anglo-French Trade, 1689-1900. Princeton and
Oxford. Princeton University Press. 2007; etc.
2 Par exemple, le point de vue de J.V.Nye et son moyen de calcul ont été strictement critiqués par D.A.Irwin. Pour

les détails, consulter D.A.Irwin. Free trade and protection in nineteenth-century Britain and France revisited : A
comment on Nye. Journal of Economic History. Vol. 53. n°1. pp. 146-152.
3 K.H.O’Rourke. Measuring protection. À cautionary tale. Journal of Development Economics. n°53. 1997. pp.

169-183.
269
l’un des pays les plus protectionnistes d’entre eux à ce moment-là, et l’Angleterre est
l’un des pays les plus libres.1 Un autre chercheur, A.T.Junguito, souligne qu’il faut tenir
compte de l’influence des tarifs douaniers des « produits fiscaux »2 lorsqu’on estime
le niveau de protection de la politique douanière d’un pays. En enlevant la partie des
produits fiscaux dans le tarif moyen, l’auteur a conclu que la France est plus libérale
que l’Angleterre avant le milieu des années 1840, et plus protectionniste après la
promulgation de « the corn laws » que l’Angleterre.3
Nous allons mesurer le niveau de protection de la France sur la marchandise qui
nous intéresse --la soie grège. Comme notre but est de mesurer le niveau de protection
sur une seule nature de marchandises (au lieu du niveau général de protection d’un
pays), nous n’aurons plus besoin de tenir compte de la variation de la proportion de
telle nature de marchandise dans la valeur totale de l’importation avec le flottement du
prix. Puisque l’inconvénient le plus important de la méthode de calcul tarif moyen (que
J.V.Nye et A.T.Junguito ont utilisé) n’existe plus dans ce cas pour mesurer la protection
d’une seule nature de marchandise, nous allons décrire ici le niveau de protection du
droit de douane d’entrée de la soie grège vers la France avec cette méthode.

Graphiques IV-3 Comparaison des tarifs de douane moyens d’entrée en France de la


soie grège, avec toutes les marchandises, à l’exception des produits fiscaux4

1 A.Estevadeordal. Measuring protection in the early twentieth century. European Economic History Review. n°1.
1997. pp. 89-125.
2 Des produits fiscaux signifient des produits sans substitutions domestiques (tabacs, sucres, etc.). Le

gouvernement impose des droits de douane sur tels produits seulement pour le revenu fiscal au lieu de pour la
protection des productions domestiques.
3 A.T.Junguito. Assessing the protectionist intensity of tariffs in nineteenth century European trade policy. In J-P.

Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York Routledge. 2006. pp.99-
120.
4 Les données du tarif moyen sur toutes les marchandises proviennent de J.V.Nye. The myth of free-trade Britain

and fortress France : Tariffs and trade in the Nineteenth Century. The journal of Economic History. Vol. 51. n°1.
1991. p. 26.
Les données du tarif moyen sur toutes les marchandises excluant des produits fiscaux proviennent
d’A.T.Junguito. Assessing the protectionist intensity of tariffs in nineteenth century European trade policy. In J-P.
Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York Routledge. 2006. p.103-
104.
Les données du tarif moyen sur la soie grège proviennent des données des premières deux sous-sections. Le droit
de douane sur la soie entrée ver la France pendant 1814-1861 est perçu par le volume (le poids) au lieu de par la
valeur. Donc le pourcentage du droit de douane de la soie grège sur la valeur totale d’importation de ce produit
démontré dans ce graphique est obtenu en divisant le droit réel d’un kilo de soie par le prix moyen d’un kilo de
soie de l’année.
270
30
25 la soie grège
20
Pourcentage

15
toutes les
10
marchandises
5
0 produits
fiscaux exclus
Années

La série la plus haute dans le graphique IV-3 représente le tarif moyen de douane
de toutes les marchandises entrées en France, indiquée par J.V.Nye dans sa thèse. La
France impose des droits d’entrée relativement élevés sur des produits exotiques et
coloniaux (thé, sucre, café, etc., dits des produits fiscaux) pendant le 19 e siècle, cette
série est donc plus élevée que la série centrale, qui représente le tarif moyen de douane
des marchandises entrées en France excepté les produits fiscaux. La série centrale est
considérée par A.T.Junguito plus adaptée pour représenter le niveau de protection de la
France, parce que, en enlevant l’effet des produits fiscaux, elle se manifeste surtout le
tarif moyen des produits de manufacture, d’agriculture et de matières premières, sur
lesquels les droits d’entrée ont vraiment pour but de protéger les productions
domestiques. La série la plus basse dans le graphique représente le tarif de douane (en
pourcentage) sur la soie grège pendant toutes les périodes du 19e siècle. Évidemment,
sur ce dernier produit est perçu un droit de douane beaucoup plus bas que le niveau
moyen du tarif d’entrée de douane pendant la plupart des périodes du 19e siècle (sauf
dans les années de 1872, 1873, 1874, 1876, 1878). Cela signifie que le niveau de
protection des droits de douane sur la soie grège est beaucoup plus bas par rapport à la
plupart de marchandises importées en France. De plus, la longue crise de la sériciculture
pendant la seconde moitié du siècle nous prouve que ses effets de protection sont très
modestes. Ainsi la réponse à la première question sera : les tarifs de douane sur la soie
grège ne sont pas, ou ne sont pas assez protectionnistes pendant le 19e siècle.

271
D Impact des tarifs de douane sur le commerce de la soie et sur l’économie de la
soie en France
Les recherches sur « l’impact des tarifs de douane sur la croissance » sont
également assez abondantes jusqu’à présent. Au niveau de la théorie du commerce
international, des théoriciens libre-échangistes affirment que l’effet du tarif de douane
sur l’économie nationale est négatif. Leurs modèles démontrent que, en ajoutant un
droit de douane sur le prix d’une marchandise, la situation des consommateurs s’est
détériorée : ils disposent d’une quantité de bien plus faible à un prix plus élevé, alors
que celle des producteurs s’est améliorée : ils vendent une quantité de marchandises
plus forte à un prix unitaire plus important. Cependant en comparant la diminution du
surplus du consommateur et les profits supplémentaires des producteurs, il y a
globalement une perte nette pour l’économie nationale, comme sous le nom de « perte
de bien-être ».1 En revanche, des théoriciens protectionnistes soulignent que le tarif de
douane est nécessaire pour des « jeunes nations » afin de protéger « ses industries dans
l’enfance ». 2 D’après eux, les premiers producteurs d’une « jeune nation » opèrent
avec des coûts supérieurs à ceux des concurrents étrangers déjà installés dans la
production, en raison d’économies d’échelle, d’effets d’apprentissage, etc. Il est donc
indispensable de protéger les débuts d’une industrie afin qu’elle puisse exister.
Parmi les recherches empiriques sur ce problème, la plus connue devrait être
l’investigation de P.Bairoch sur le lien entre les tarifs et la croissance pendant les
dernières décennies du 19e siècle. Dans ses ouvrages, il a comparé le taux de croissance
pendant les périodes du libre-échangisme et du protectionnisme de la France et de
l’Europe. Sa conclusion était que les économies de la France et de l’Europe se
développaient plus vite pendant la période du protectionnisme et le libre-échange a

1 C.Kindleberger et P. Lindert. Économie internationale. Economica. Paris. 1981. p.170.


2 Ce point de vue était initialement exprimé par F.List dans son Système national d’économie politique de 1841, et
puis est largement hésité par des théoriciens du protectionnisme suivants. D’ailleurs, depuis les années 1980,
beaucoup de théoriciens, par exemple, J.Culbertson et P. Krugman, recommencent à aborder dans leurs recherches
le rôle du protectionnisme dans le nouvel environnement du commerce international depuis la fin de la deuxième
guerre mondiale avec de nouveaux instruments d’analyse, et ils ont obtenu la conclusion similaire avec la théorie
traditionnelle du protectionnisme. Pour les détails, consulter J.Culbertson. The Folly of Free Trade. Harvard
Business Review. Septembre-octobre. 1986. P.Krugman. Introduction: New Thinking about Trade Policy. in
P.Krugman. Strategic Trade Policy and the New International Economics. Cambridge. The MIT Press. 1986
272
ralenti la croissance économique.1 Bien que le point de vue de P. Bairoch soit sujet à
débattre, il est toujours considéré comme une référence non négligeable sur ce sujet
pour les économistes et les historiens. Tout d’abord, certains historiens nient
complètement le point de vue de P.Bairoch. F.Capie, dans son ouvrage Tariffs and
Growth : some Illustrations from the World Economy publié en 1994, soutient qu’il n’y
a pas d’évidence qui prouve que les tarifs accélèrent la croissance économique de
l’Europe à la fin du 19e siècle.2 La thèse de F.Capie est appuyée par D.A.Irwin dans
son article « Interpreting the tariff-groth correlation of the late nineteenth century ».3 Il
argumente que, premièrement, beaucoup de pays, comme la croissance de certains pays,
tels les États-Unis, le Canada et l’Argentine, n’a aucun lien avec les tarifs ;
deuxièmement, un grand nombre de pays élevent les tarifs douaniers uniquement pour
augmenter le revenu fiscal et non pour protéger les industries locales. Ensuite, beaucoup
de chercheurs acceptent en partie la conclusion de P.Bairoch. Ces chercheurs refusent
de reconnaître que c’est la protection qui a accéléré la croissance économique et que
c’est le libre-échange qui l’a ralentie pendant le 19e siècle, mais ils affirment que, selon
leurs calculs, il existe effectivement une « corrélation » entre les tarifs et la croissance.
Les recherches les plus représentatives de cette conclusion sont celles de A.Vamvakidis
et de K.H.O’Rourke. Le premier a trouvé que la Corrélation de Spearman 4 entre des
tarifs moyens et la croissance, en employant les données de 11 pays, était positive ;5 le
dernier a utilisé la même méthode de calcul, mais des données différentes (les données
de PIB de Maddison), et son résultat soutenait également celui d’A.Vamvakidis.6 Enfin,

1 Pour les détails, consulter P.Bairoch. Free trade and european economic development in the 19th century.
European Economic review. Vol. 3. n°3. 1972. pp. 211-245;
P.Bairoch. Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle. Paris. Mouton. 1976 ;
P. Bairoch. Mythe et paradoxes de l’histoire économique. Paris. La découverte. 1994.
2 F.Capie. Tariffs and Growth : Some Illustrations from the World Economy Trade. Manchester. Manchester

University Press. pp.1-24.


3 D.A.Irwin. “Interpreting the tariff-growth correlation of the late nineteenth century”. In J-P. Dormois, P. Lains,

eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York Routledge. 2006. pp.153-158.
4 La corrélation de Spearman (nommée d’après Charles Spearman) est étudiée lorsque deux variables statistiques

semblent corrélées sans que la relation entre les deux variables soit de type affine. Elle consiste à trouver un
coefficient de corrélation, non pas entre les valeurs prises par les deux variables, mais entre les rangs de ces
valeurs. Elle permet de repérer des corrélations monotones. Il faut également souligner que la corrélation de
Spearman utilise les rangs plutôt que les valeurs exactes. Cette corrélation est utilisée lorsque les distributions des
variables sont asymétriques.
5 A. Vamvakidis. How robust is the growth-openness connections ? Historical evidence. Journal of Economic

Growth. Vol. 7. n°1. 2002. pp. 57-80.


6 K.H.O’Rourke. Tariffs and growth in the late nineteenth century. Economic Journal. N°110. 2000. pp. 456-483.

273
il y a d’autres historiens ou économistes qui argumentent que la relation entre les tarifs
et la croissance était une corrélation négative. Par exemple, J-P.Dormois, en étudiant la
corrélation entre le niveau de « l’intensité de protection » et la productivité du travail
de l’Allemagne, l’Italie et la France de 1871 à 1930, a affirmé que « la protection ne
crée pas la croissance, au contraire, elle la détruit »1 ; J.Foreman-Peck a cherché à
résumer un modèle du développement de l’économie européenne pendant les dernières
décennies du 19e siècle, et il a conclu que les tarifs moyens étaient négativement liés à
la production par habitant. 2 Dans une autre recherche empirique, B. Dedinger a
argumenté que l’industrie de l’Allemagne, considérée conventionnellement comme
l’un des pays qui profitent le plus du protectionnisme, allait se développer encore plus
vite si l’on y poursuivait la politique du libre-échangisme après les années 1880.3
Dans le cas que nous étudions, la corrélation positive entre le tarif de douane non-
protectionniste et la croissance de l’importation de la soie en France est assez
remarquable. Le droit de douane très bas a donné la possibilité à plus en plus de soies
étrangères d’entrer en France. Sous une telle condition de libre-échange, la quantité de
soie grège importée en France augmente de 22 975 kilogrammes de l’année 1815 à
198 636 kilogrammes de l’année 1832, 4 puis à 1 095 000 kilogrammes en 1850, à
6 000 000 kilogrammes en 1892 5 et à 8 195 300 kilogrammes en 1910, soit une
multiplication par 367 au cours du 19e siècle.6 Lyon devient l’un des marchés de la
soie les plus dynamiques au monde pendant cette période. En 1865, la quantité de soie
échangée sur le marché de Lyon atteint 2 900 000 kilogrammes, dépassant déjà les
2 850 000 kilogrammes sur le marché de Londres. En 1895, 6 250 000 kilogrammes de

1 J-P.Dormois. The impact of late-nineteenth-century tariffs on the productivity of European industries (1870-
1930). In J-P. Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York
Routledge. 2006. pp.160-192.
2 J.Foreman-Peck. A model of later-19th-century European economic development. Revista de Historia

Economica. Vol.8. n°3. 1995. pp.441-471.


3 B.Dedinger. From virtual free-trade to virtual protectionism: or, did protectionism have any part in Germany’s

rise to commercial power 1850-1913. In J-P. Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914.
London and New York Routledge. 2006. pp.219-241.
4 Archives Nationales de France. F12. 2552. Commerce spécial de soie, résumé de 1815 à 1832.
5 N.Rondot. L’industrie de la soie en France. Lyon. Imprimerie Mougin-Rusand. 1894. pp. 14-15.
6 GU Guoda, BINQI Shi, YUSHAN Man, La structure du marché mondial de la soie dans l’histoire moderne

(1842-1945), Journal académique de l’Institut de Soie de Zhejiang. Vol 10. n°3. 1993. p.106. (顾国达,滨崎实,
宇山满:近代(1842-1945年)世界生丝市场的结构, 浙江丝绸工学院学报,1993年,第10卷,第3期,第
105页。)
274
soie sont vendus par le marché de Lyon, beaucoup plus que les 3 300 000 kilogrammes
sur le marché de New York.
Toutefois, par rapport à la réponse à la question de « l’impact du tarif » sur le
commerce, la réponse à la question de « l’impact du tarif » sur la croissance de
l’économie est beaucoup moins évidente. D’un côté, l’application des tarifs (de
protection ou de libre-échange, peu importe) va sans doute améliorer la situation d’une
partie des branches de production d’un pays ; de l’autre, beaucoup d’autres branches de
production seront en même temps affectées, voire ruinées exactement par les mêmes
tarifs de douane.
De même, la politique de douane de libéralisme sur la soie que le gouvernement a
poursuivie pendant un siècle influe positivement sur la croissance de l’économie de la
soie1 en France. Dans le cas de nos recherches, les tarifs très bas sur l’entrée de la soie
grège en France, comme ceux décrits plus hauts, ont conduit à la dépression de la
sériciculture française pendant toute la deuxième moitié du 19e siècle ; simultanément,
la même politique de douane a assuré et augmenté la fourniture des matières premières,
abaissé le coût de production et enfin fait prolonger la prospérité de l’industrie textile
de la soie en France jusqu’à la fin du 19e siècle. Dès lors, avec une telle complexité,
comment estime-t-on l’impact des tarifs sur l’ensemble de l’économie de la soie ? Le
libéralisme sur l’entrée des soies étrangères en France convenait-il vraiment à la
croissance économique de France ?

Tableau IV-4 Volumes de la production séricicole, de la production des soieries et du


commerce de la soie grège en 1853 et en 1900 (kilogramme)2

1 Ici, l’économie de la soie signifie la totalité des activités des productions de la soie grège et des soieries. Elle
comprend tant la production des matières premières que la production manufacturée.
2 Les données concernant les quantités de la production séricicole en France proviennent de L.Pasteur. Étude sur

la maladie des vers à soie : notes et documents. p. 38. et de LSHII Kanji. L’histoire de la sériciculture du Japon.
p.21.(石井宽治: 《日本蚕业史分析》 ,第21页。)
Les données concernant les quantités de l’importation de la soie grège chinoise en France proviennent de Bulletin
des soies et des soieries de Lyon-Revue Hebdomadaire Lyonnaise. Lyon. Administration. 1886-1910. n° 403-
n°1390. et de Ch.-B. Maybon, Jean Fredet, Histoire de la concession française de Shanghai, Paris. Librairie Plon.
1929. p. 215.
Les données concernant les quantités de l’importation de la soie grège étrangère en France sont obtenues en
divisant les quantités de l’importation de la soie chinoise en France par la proportion de la soie chinoise dans la
totalité de l’importation de la soie grège en France offerte dans G.Federico. An Economic History of the silk
Industry, 1830-1930. Cambridge. Cambridge University Press. 1997. pp.214-215
275
1853 1900
production de la soie grège en 2 529 182 650 000
France
importation de la soie grège 5 950 3 343 275
chinoise en France

importation de la soie grège 1 083 935 7 267 989


étrangère en France
production 2 500 000 5 759 750
des soieries en France

Comparons la croissance de l’industrie textile en France et la perte de la


sériciculture française sous une telle politique de douane à long terme. Comme il a été
analysé, la France a poursuivi une politique relativement libre sur l’importation de la
soie grège pendant le 19e siècle. Avec les tarifs de douane très peu protecteurs, la
production de la soie grège en France ne revient jamais au niveau d’avant l’explosion
de l’épidémie des vers à soie, et ne reste qu’à un quart de la valeur de 1853 à la fin du
19e siècle. En revanche, l’importation de la soie grège et la production des soieries
connaissent respectivement des croissances notables pendant la même période. Les
données du Tableau IV-4 nous démontrent, bien qu’une partie de l’économie de la soie
en France---la sériciculture française---soit affectée par les tarifs bas sur l’importation
de la soie grège, que la perte de cette forme de production est déjà bien compensée, puis
très largement dépassée, par l’autre partie de l’économie---l’industrie textile en France.
Le sommet de la production de la soie grège est atteint en 1853, où l’on a fabriqué
2 529 182 kilogrammes de soie grège dans toute la France, avec une valeur d’environ
288 millions1 de francs. Cette valeur de sommet est même plus basse que celle de la
fabrication des soieries françaises pendant la période de creux---291 millions francs par
an en moyenne pendant la décennie 1877-1886. Hormis cette décennie, la valeur de

Les données concernant les quantités de la production des soieries en France proviennent de R.Lee. France and
exploitation of China 1855-1901. P.23. et de E.Hamaide. La relation entre Lyon et la Chine au XIXe siècle. p.9.
1 On obtient ce chiffre en multipliant la quantité de production de la soie grège en France par le prix moyen des

soies grèges en France en 1853. Le prix moyen des soies grèges de 1 e et 2e ordres est de 114 francs/kilo en France
à ce moment-là.
276
production de l’industrie textile de la soie varie toujours entre 400 millions et 650
millions par an pendant la seconde moitié du 19e siècle, beaucoup plus élevée que celle
de la production séricicole en France. De plus, il faut tenir compte que presque la totalité
de la production de la soie grège française est destinée au marché local, et qu’il est très
difficile pour cette nature de matière première française d’entrer dans la concurrence
internationale. Au contraire, 70-80% des soieries françaises sont destinées au marché
international. 1 Autrement dit, la perte de la sériciculture pour la France est bien
compensée, et même largement dépassée par la croissance de l’industrie textile de la
soie pendant le 19e siècle. L’ensemble de l’économie de la soie en France se manifeste
par un progrès spectaculaire sous la politique du libéralisme sur l’entrée des soies
étrangères.

1 Toutes les données de ce paragraphe proviennent de la deuxième section du Chapitre II.


277
IV-2 Evolution du droit de douane de la soie exportée depuis la Chine

et son influence commerciale

L’évolution de la politique du commerce extérieur de Chine avant et après la


guerre de l’opium a été déjà citée, présentée ou discutée par beaucoup de chercheurs.
Par exemple, dans l’article « The Old Canton System of Foreign Trade » de R.Edwards,
l’auteur a présenté avec précision la politique extérieure de l’Empire de Qing pour
trouver l’origine de la politique de fermeture de la République populaire de Chine
pendant des années 1970 1
P.Bairoch, afin de justifier la catastrophe que le
libéralisme avait amenée au tiers-monde, a évoqué les évolutions du
« protectionnisme » au « libéralisme » de la Chine pendant les 18e et 19e siècles dans
son ouvrage Mythes et paradoxe de l’histoire économique 2
dans l’ouvrage de
l'Histoire comparative entre les politiques économiques de Chine et du Japon publié
par GAO Shujuan et FENG Bin, « le système de Canton » et le nouveau régime de
douane chinois sont concernés dans les recherches sur la comparaison entre les
économies modernes de la Chine et du Japon 3
pour souligner le rôle essentiel de
certains ports pour le commerce extérieur et l’économie de l’Asie de l’Est et de l’Asie
du Sud-est, F. Gipouloux a discuté les effets de l’ouverture forcée des ports sur le
commerce extérieur chinois dans son ouvrage la Méditerranée asiatique 4
dans un
article très récent, « Asian globalizations : market integration, trade and economic
growth, 1880-1938 », les auteurs D. Chilosi et G.Federico ont également mentionné la
limitation et l’ouverture du commerce extérieur de la Chine, afin de vérifier l’effet de
la barrière commerciale sur l’intégration du marché Orient-Occidental,5etc.
Dans la plupart des recherches historiques sur ce sujet, la Chine est

1 R.Edwards. the Old Canton System of Foreign Trade. in V.H.Li. Law and Politics in China’s Foreign Trade.
Seattle and London. University of Washington Press. pp. 360-378.
2 P.Bairoch. Mythes et paradoxe de l’histoire économique. Paris. Éditions La Découverte. 1994. pp. 50-51.
3 GAO Shujuan et FENG Bin. Histoire comparative entre les politiques commerciales de Chine et du Japon.

Beijing. Éditions de l’Université de Qinghua. 2003. (高淑娟,冯斌: 《中日对外经济政策比较史纲》 ,北京:


清华大学出版社,2003年)
4 F.Gipouloux. La Méditerranée asiatique. Paris. Éditions CNRS. 2007. pp. 173-185.
5 D.Chilosi and G.Federico. Asian Globalizations: Market Integration, trade and economic growth. 1800-1938.

Economic History Working Papers. n°123. 2013. p.21.


278
conventionnellement définie comme un pays fermé ou semi-fermé avant la guerre de
l’opium, et comme un pays de plus en plus ouvert après cette guerre. Ainsi, l’échange
extérieur de la Chine est souvent considéré être freiné par « le régime de fermeture »
avant 1842, et être beaucoup plus dynamique grâce à l’ouverture de la Chine par la
guerre de l’opium. Cependant, il faut remarquer que les validités des deux conclusions
conventionnelles restent toujours à prouver: premièrement, si l’on mesure par le tarif
de douane, la Chine est-elle véritablement plus ouverte après 1842 qu’avant cette date ?
Deuxièmement, la croissance de l’exportation de la soie chinoise après la guerre de
l’opium est-elle véritablement liée aux changements du tarif de douane ? Est-elle
également liée à d’autres éléments dans les changements du régime de douane ? Dans
cette présente section, nous allons y répondre en étudiant le cas de l’évolution du tarif
sur la soie exportée de Chine et sa relation avec la croissance du commerce de la soie
avant et après la guerre de l’opium. En observant cette évolution, nous allons confirmer
le rôle des changements du régime de douane sur la soie dans la croissance de
l’échange de la soie entre la France et la Chine.
De plus, les recherches de cette section nous aideront à clarifier certaines
questions dans les domaines de l’histoire globale et de l’histoire coloniale.
Premièrement, quel rôle le gouvernement a-t-il joué dans la dynamique économique
chinoise et pour la fermeture de Chine avant 1842? Lorsque les historiens
contemporains cherchent à expliquer la divergence entre la Chine et l’Europe du 19e
siècle (non seulement les historiens qui soulignent la spécificité à l’intérieur de
l’Europe ---la religion, l’institution, la technique, le capital,etc--- représenté par
M.Weber1, F.Braudel2, I.Wallerstein3, P.Brien4, E.L.Jones5, mais aussi les historiens qui

1 M.Weber. l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Paris.Gallimard. 2003.


2 F.Braudel. Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle. Paris. Armand Colin. 3 vol.
1979.
3 I. Wallerstein. The modern world-System.Vol. I. Capitalist Agriculture and the origins of the European World-

Economy in the Sixteenth Century. New York and London. Academic Press. 1974.
I. Wallerstein. The modern world-System.Vol. II. Mercantilism and the Consolidation of the European World-
Economy. 1600-1750. New York. Academic Press. 1980.
I. Wallerstein. The modern world-System.Vol. III. The Second Great Expansion of the Capitalist World-Economy.
1730-1840’s. San Diego. Academic Press. 1989.
I. Wallerstein. The modern world-System.Vol. IV. Centrist Liberalism Trumphant. 1789-1914.
Oakland .University of California Press. 2011.
4 P.O’Brien. European Economic Development. The Contribution of the Periphiry. Economic History Review.

n°35. 1982. pp.1-32.


5 E.L.Jones. The European Miracle: Environements, Economies and Geopolitics in the History of Europe and

279
mettent l’accent sur les différences à l’extérieur ---la colonie--- entre l’Europe et la
Chine comme K.Pomeranz1 et B.Wong,2etc. ), ils s’accordent tous sur rôle négatif du
gouvernement chinois contre la dynamique économique chinoise avant le 19e siècle. Ils
supposent que le système politique du fort centralisme en Chine est l’opposé du
développement économique de la Chine et de l’intégration de la Chine au monde. Nous
allons étudier à nouveau dans cette section le rôle du gouvernement chinois dans
l’évolution de la politique de douane de la soie avant la guerre de l’opium.
Deuxièmement, quel est le rôle des pays d’Europe, surtout de l’Angleterre, dans
l’ouverture de la Chine du 19e siècle ? Leurs expansions économiques en Chine sont-
elles fondées sur le libre-échange soutenu par les théoriciens libre-échangistes
(A.Smith, ricardiens H.O.S) ? Ou bien est-ce que la Chine est ouverte par des pressions
politiques, diplomatiques, ou même militaires comme ce que les historiens, D.Twitchett,
J.K.Fairbank3, M.Greenberg4, J.Lovell5, Huang Yiping(黄逸平), Zhang Fuji(张复纪)6,
Zhou Chonglin(周重林) et Tai Junlin(太俊林)7 ont décrit ? Nous allons répondre cette
question en montrant les efforts des anglais pour l’ouverture de Chine du 18e siècle au
milieu du 19e siècle.

A Ancien régime de droits de douane de la Chine et le quota d’exportation de la


soie chinoise
Afin d’éliminer des rébellions dans les régions côtières, l’Empire de Qing(清帝国
1664-1912) a poursuivi une politique de « l’interdiction maritime »(海禁) au début de
sa domination. À cette époque, la cour de Qing interdit toutes les communications des

Asia. Cambridge: Cambridge University Press. 1981.


E.L.Jones. Growth Recurring: Economic Change in World History. New York. Oxford University Press. 1988.
1 K.Pomeranz. The Great Divergence: China, Europe and the Making of the Modern World Economy. Princeton.

Princeton University Press. 2000. p. 328-330.


2 R.B.Wong. China transformed: Historical Change and the Limits of European Experience. Ithaca. Cornell

University Press. 1997.


3 D.Twitchett and J.K.Fairbank. The Cambridge History of China. Cambridge and New York. Cambridge

University Press. 1978.


4 M.Greenberg. British Trade and the Opening of China 1800-42. Cambridge University Press. 1951.
5 J.Lovell. The opium war: drug, dreams and the making of China. Basingstoke and Oxford. Picador. 2011.
6 HUANG Yiping. ZHANG Fuji. Le conflit commercial sino-étranger et la guerre de l’opium. Revue mensuelle de

l’académie. N°11. 1990. pp. 50-57. 黄逸平,张复纪:中外贸易冲突域鸦片战争, 《学术月刊》,1990年第11


期,第50-57页。
7 ZHOU Chonglin et TAI Junlin. La guerre du thé. Wuhan. Editions de l’Université scientifique et technique du

milieu de Chine. 2012. (周重林、太俊林; 《茶叶战争》 ,武汉:华中科技大学出版社,2012年。)


280
Chinois avec les étrangers sur la voie maritime, tant au niveau politique qu’au niveau
commercial.1 Cette politique, qui a débuté en 1655 avec l’Empereur de Shunzhi(顺治
帝), prend fin trente ans plus tard (1685) avec son fils, l’Empereur de Kangxi (康熙
帝).2 C’est à partir de cette date, que l’Empire de Qing commence officiellement à
établir une relation commerciale avec l’étranger, en créant quatre douanes à la ligne
maritime du sud-est de Chine : la douane de Jiangsu à Songjiang (松江,江海关), la
douane de Zhejiang à Ningbo (宁波,浙海关), la douane de Fujian à Xiamen (厦门,
闽海关) et la douane de Guangzhou à Canton (广州,粤海关). 3 Cependant, cette
politique commerciale dure moins d’un siècle. De crainte de l’invasion des étrangers,
l’Empereur de Qianlong (乾隆帝) ferme encore une fois les douanes de Jiangsu, de
Zhejiang et de Fujianà partir de l’année 1757. 4 En conséquence, Canton devient
désormais le seul port chinois ouvert au commerce étranger.
Sous « le régime d’un seul port au commerce extérieur »(“ 一 口 通 商 ”), le
gouvernement de Qianlong a hérité du régime de droits de douane appliqué depuis le
règne de Kangxi, dont la composition est assez compliquée. Selon L’histoire de la
douane de Canton, sous le régime de douane de Canton, on percevait sur les
marchandises quatre catégories de droits à partir de cette période5:
1. Le droit permanent. (正饷), qui est un droit ordinaire imposé en tous temps sur
toutes les natures de marchandise. Des tarifs de ce type de droit sont consultables sur
les règlements de douane (《海关税则》) publiés par le Ministre des Finances de
l’Empire, ces tarifs sont donc relativement stables et légers. Les moyens pour percevoir
ce droit sont différents selon les différentes natures marchandises importées ou

1 WANG Jingyu. L’interdiction de communication maritime au début de la dynastie de Qing. Recherches de


l’histoire économique et sociale. 1983. n°2. pp.23-24. (汪敬虞:论清代前期的禁海闭关, 《中国社会经济史研
究》 ,1983年第2期,第23-24页。)
2 Pour les détails, consulter DENG Yibing. Recherches sur le système de douane pendant la première partie de

Qing. Beijing. Edition de Yanshan. 2008.(邓亦兵: 《清代前期关税制度研究》 ,北京:燕山出版社,2008年。)


3 Pour l’instant, il existe des différents points de vue entre les historiens sur l’emplacement de la douane de Fujian.

On adopte ici le point de vue de XIA Xiurui, Sun Yuqin. XIA Xiurui, Sun Yuqin. L’histoire du commerce extérieur
de la Chine. Beijing. Éditions de l’Université du commerce extérieur de Chine. 2001. Vol 1. p. 360. (夏秀瑞,孙
玉琴: 《中国对外贸易史》第一册,北京:对外经济贸易大学出版社,2001年,第360页。)
4 Archives Nationales de Chine (premières). Notes de Qing. L’Empereur Qianlong. Beijing. Éditions de

Zhonghua.2008. Novembre de 22e année-Juillet 24e année de Qianlong. (中国第一历史档案馆: 《清实录·高宗纯


皇帝实录》 ,北京:中华书局,2008年,乾隆二十二年十一月至二十四年7月。)
5 LIANG Tingzhan. L’histoire de la douane de Canton, Canton. Éditions des peuples de Guangdong. 2002. pp.

150-172. ( 梁廷枬: 《粤海关志》 ,广州:广州人民出版社2002年2月,第419页。)


281
exportées, soit sur le prix, soit à la pièce, soit sur le volume (le poids). Le bureau de
douane devra déposer les revenus de ce droit aux finances nationales (Ministère des
finances et cour de Qing).
2. Les impôts supplémentaires, qui comprennent principalement trois types de
taxes. Premièrement, les frais de change (加耗). Cela signifie les frais produits par la
conversion des piastres espagnoles en taëls chinois. Le tarif légal de cette taxe se monte
à 1.6 Qian(钱) 1 par taël, mais on acquitte en réalité 3 Qian au bureau de douane.
Deuxièmement, le frais de picul (担费). Selon les règlements de douane, il faut payer
0.38 Qian de taxe supplémentaire pour chaque picul d’article. Mais on paye en fait
normalement 1.5 Qian par picul pour l’importation et 2 Qian par picul pour
l’exportation. Troisièmement, la taxe du prix des marchandises exportées (出口货物从
价税). Les négociants étrangers doivent payer légalement un droit de 6% des prix
estimés pour toutes leurs marchandises exportées. La partie légale de ces trois types
d’impôts sera également soumise aux finances nationales. Le bureau de douane gardera
la partie en excès.
3. La taxe de bateau (船钞). Les deux premiers types de droits ci-dessus sont
imposés sur des marchandises d’échange, mais ce droit-là est imposé sur des bateaux
transportant des marchandises. La taxe de bateau est perçue selon la taille du navire,
dont les tarifs sont aussi écrits dans les règlements de douane. Par exemple, un navire,
quelles que soient les marchandises qu’il transporte, avec 25 mètres de longueur et 8
mètres de largeur doit acquitter 1 400 taëls pour taxe de bateau ; un navire avec 23
mètres de longueur et 7 mètres de largeur doit payer 1 100 taëls pour cette taxe, etc. La
la taxe de bateau sera destinée aux finances nationales.
4 Frais divers. Cela comprend principalement Gui Li (归礼), Hang Yong (行用),
Si Li (私例). « Gui Li » signifie les bénéfices offerts aux personnels douaniers. Les
négociants étrangers doivent payer ce type de frais à tous les personnels de la douane
(du plus haut niveau comme le superviseur général au plus bas niveau comme les
navigateurs). Le montant de ce frais est souvent très élevé : 1 950 taëls par navire en

1 Qian, l’unité du poids de Chine. 1 Qian = 0.1 taël


282
moyenne. « Hang Yong » est un frais pour payer des dépenses du fonctionnement des
Cohongs (公行), qui monopolisent le commerce extérieur de Chine à cette époque. Il
se monte normalement à 3-6% de la valeur totale des marchandises importées ou
exportées. « Si Li » sont des ristournes qu’on offre aux commerçants de Cohong dans
chaque affaire. Comme cela est un genre de ristourne, il n’y a pas de tarif fixe.
Dans ce régime de douane, les droits perçus réels sur des marchandises entrées ou
sorties par la douane de Canton sont souvent plus chers que les tarifs légaux. Les tarifs
« des frais divers » ne sont pas fixes dans les règlements de douane, ce qui donne aux
douaniers et aux Cohongs la possibilité d’augmenter les frais en abusant de leurs
pouvoirs. Même quand des négociants étrangers acquittent les impôts supplémentaires
(deuxième type ci-dessus), dont les tarifs sont indiqués dans les règlements de douane,
il faut aussi payer des excédents entre les tarifs légaux et les tarifs réels.1
Les droits de douane sur la soie grège---la marchandise étudiée dans cette thèse--
-suivent justement des tels principaux d’imposition. A la veille de la Guerre de l’opium,
le tarif du « droit permanent » de la soie en provenance de Zhejiang (deuxième classe)
se fixe à 5.4 taëls pour cent catties 2dans les règlements de douane. En ajoutant les
impôts supplémentaires, la taxe de bateau et les frais divers légaux, on doit acquitter
15.276 taëls par cent catties. Mais, en réalité, il faut payer au total 23.733 taëls pour
cent catties de soies de Zhejiang au bureau de douane.3 Pour cent catties de soie de
Canton (première classe), on a besoin de payer seulement 1 taël 4 comme droit
permanent. Mais on doit acquitter 8.765 taëls si l’on additionne tous les frais légaux.
Avec les bénéfices des douaniers et des Cohong, il faut acquitter 10.57 taëls par cent
catties.5 Il est évident que les deux tarifs réels sont plus élevés que les tarifs légaux, et
beaucoup plus élevés que les tarifs du droit permanent.

1 CHEN Zhengping. La formation du système de la douane de la Chine moderne et son influence sur l’économie
chinoise. Chine moderne. Shanghai, Académie des Sciences Sociales de Shanghai. 2005. p. 199. (陈争平:不平等
条约下近代关税制度的形成及对中国经济的影响, 《近代中国》 ,上海:上海社会科学院出版社,2005年,
199页。)
2 LIANG Tingzhan. L’histoire de la douane de Canton, p. 174. (梁廷枬: 《粤海关志》 ,第174页。) Catties,
unité de poids chinoise. 1 catties = 0.5 kilogrammes.
3 H.B.Morse . The International Relations of the Chinese Empire. p.348.
4 LIANG Tingzhan. L’histoire de la douane de Canton, p. 174. (梁廷枬: 《粤海关志》 ,第174页。)
5 H.B.Morse . The International Relations of the Chinese Empire. p.348.

283
De plus, dès le début de l’époque du commerce de Canton, l’exportation de la soie
grège chinoise commence à subir une politique de limitation de la quantité exportée. La
mise en œuvre de cette limitation provient d’une augmentation du prix des matières de
soie sur marché intérieur en Chine. À cause de l’expansion de l’industrie textile de la
soie dans la région de Jiangnan1 pendant la première moitié du 18e siècle, on constate
une considérable augmentation du prix des matières soyeuses chinoises à l’époque. La
soie de Zhejiang coûte seulement 130 taëls par picul au début du 18e siècle, mais le prix
monte à plus de 300 taëls par picul au milieu du siècle. 2 Certains mandarins du
gouvernement central croyaient que c’était la croissance de l’exportation des soies qui
aboutissait au déficit de la soie au marché intérieur et donc à la hausse du prix de la soie
chinoise. Ils proposent donc au Ministère des finances (户部) d’interdire l’exportation
de la soie pour que le prix de celle-ci baisse :
« Pendant les dernières années, des trafiquants exportent une grande quantité de
soie pour le bénéfice, ce qui conduit au prix élevé de la soie sur le marché intérieur. Je
vous prie donc d’ordonner à la douane d’interdire l’exportation de cette marchandise.
S’il y a des dérogations, il faut réprimander selon l’article sur l’exportation du riz... »3
Le 17 août 1759, le Ministère des Finances de l’Empire a approuvé cette
proposition, et l’a soumise à l’Empereur. Enfin, l’Empereur Qianlong promulgue un
décret d’interdiction de l’exportation de la soie à la fin de 1759 :
« Lu et approuvé la vingt-quatrième année de Qianlong : les matières de soie aux
provinces de Jiangsu et Zhejiang sont de plus en plus chères à cause de l’exportation de
la soie depuis la route maritime. Dès maintenant, les vice-rois et les gouverneurs dans
les provinces côtières des mandarins doivent ordonnent aux mandarins d’interdire
l’exportation de la soie. S’il y a des commerçants (chinois ) dérogeant à cet ordre, ceux
qui exportent plus de 100 Jins(斤)4 seront contraints à l’exil, ceux qui exportent moins

1 La région de Jiangnan comprend la province de Jiangsu (江苏省) et la province de Zhejiang (浙江省).


2 LIU Yonglian. Des caractères et des règles du marché d’exportation de soie à Canton pendant l’époque moderne.
Journal académique de l’Université de Jinan. 2006. 06. p.42. (刘永连:论近代粤丝出口的市场规律和特征,
《暨南学报》 ,2004年第6期,第42页.。)
3 Mémoire de Qing. L’Empereur de Qianlong. Beijing.Librairie de Zhonghua. 2008. Vol 591. p.328. (《清实

录》 ,《高宗实录》 ,北京:中华书局,2008年,卷五百九十一,第328页。)
4 Jin(斤), l’unité du poids de Chine. Un Jin est égal à 0.5 kilogramme.

284
de 100 Jins seront prisonniers pendant trois ans, et ceux qui exportent moins de 10 Jins
seront détenus pendant un mois… »1
Cependant, la partie exportée ne compose qu’une petite proportion dans la
production totale de la soie chinoise (nous l’avons déjà montré dans le chapitre II). La
politique de prohibition de l’exportation n’arrive donc pas à baisser le prix de la soie
sur le marché intérieur. De plus, l’interdiction du commerce de soie, laquelle était l’une
des natures de marchandises les plus exportées depuis la Chine, a réduit énormément
les revenus financiers des gouvernements locaux, les chiffres d’affairse des
commerçants, et en même temps a gêné l’intérêt des mandarins chinois dans le
gouvernement local du sud-ouest qui ne peuvent plus tirer le bénéfice du commerce
extérieur. Cette politique est donc mise en question par de nombreux mandarins chinois
après son application. En 1764, leurs représentants, le vice-roi de Fujian et Zhejiang et
le gouverneur de Fujian, proposent ensemble à l’Empereur que :
« Après la prohibition de la soie, nous estimions que le prix de la soie allait
diminuer graduellement. Mais en réalité, ce prix ne baisse pas depuis la vingt-quatrième
année de Qianlong (1759) jusqu’à présent. En revanche, cette politique d’interdiction
conduit aux oppositions des négociants étrangers qui nous prient constamment de
reprendre le commerce extérieur de la soie, et conduit au déficit de l’argent utilisé
comme la monnaie principale dans notre pays… Nous vous prions donc de promulguer
un autre décret pour permettre de l’exportation de la soie. »2
Ayant réfléchi sur cette proposition, l’Empereur de Qianlong décide de remplacer
la politique d’interdiction par la politique de limitation en 1764. Selon le nouveau décret,
la soie grège de Zhejiang (première classe) sera toujours totalement interdite
d’exportation ; l’exportation de la soie (ou organsin) de Zhejiang (deuxième classe) ne
devra pas dépasser une quantité de 500 kilogrammes par navire, tandis que l’exportation
la soie de Guandong (ou la soie sauvage et les fils de soie) ne devra pas non plus

1 Les documents historiques de la dynastie de Qing. Hangzhou. Edition de Guji de Zhejiang. 2001. Vol. 33. p15.
(《清朝文献统考》 ,杭州:浙江古籍出版社,2001年,卷33,第15页。)
2 Les institutions de la dynastie de Qing. Taibei. Editions de Wenhai. Vol.108. p.2854. (《皇朝圣典类纂》 ,台
北:文海出版社,卷一百一十八,2854页。)
285
dépasser 500 kilogrammes par navire. 1 Dès lors, la Chine a établi un régime de
limitation pour le commerce extérieur, composé principalement de la complexité des
droits de douane, du quota sur certaines marchandises (notamment sur la soie, le riz, le
fer, le soufre, etc.), du monopole de Cohong2 dans l’échange extérieur et d’un seul port
ouvert au commerce extérieur.
Même si l’échange de la Chine avec les pays étrangers n’est donc pas
complètement interdit, il faut reconnaître que son régime de commerce extérieur est
assez fermé et conservateur avant la Guerre de l’opium. Tout d’abord, comme ce qui a
été montré, les droits de douane imposés en réalité sont plus élevés que ceux qu’on
devait légitimement imposer, ce qui signifie que la protection réelle en Chine est plus
forte qu’il ne se manifeste les règlements officiels (les règlements de douane). De plus,
dans le cas des droits de douane sur les soies exportées, on constate que la plupart
(environ 2/3-4/5) des droits perçus sur la soie sont destinés aux finances étatiques. En
d’autres termes, le but du régime de douane est plutôt de soutenir le revenu du
gouvernement central que les finances et le développement locaux. Enfin, le quota des
marchandises et le monopole de Cohong limitent également la quantité d’éhange de la
Chine avec les autres pays. Nous pouvons donc confirmer que la Chine est
effectivement un pays semi-fermé avant les années 1840.
Cependant, il n’est pas raisonnable non plus de simplifier la relation entre le
gouvernement chinois et la dynamique économique de la Chine à l’époque. En réalité,
les mandarins dans le gouvernement ne sont pas tellement unanimes sur la politique à
adopter, tandis qu’il existe souvent une tension entre l’intérêt du gouvernement central
et celui du gouvernement local. Concernant la politique du commerce extérieur sur la
soie (comme montré ci-dessus), le gouvernement central propose d’interdire
complètement le commerce avec l’étranger à cause de la sécurité économique de l’état,
et les gouvernements locaux demandent à redémarrer le commerce de la soie chinoise
avec les étrangers pour les finances et développement économique locaux. Le décret

1 《Les documents historiques de la dynastie de Qing. Hangzhou. Edition de Guji de Zhejiang. 2001. Vol. 33.
p16.( 清朝文献统考》 ,杭州:浙江古籍出版社,2001年,卷33,第16页。)
2 Nous allons aborder Gonhong dans un autre chapitre traitant des intermédiaires du commerce entre la France et

la Chine.
286
final de l’Empereur est un compromis entre les deux groupes de mandarins. On constate
que ce ne sont pas tous les mandarins chinois qui insistent pour adopter des politiques
contre le développement économique et la communication extérieure de la Chine, et
que de différentes voix provenant de différents groupes de mandarins jouent tous des
rôles importants dans le processus de la mise en place des politiques de l’état chinois à
l’époque.

B Protestations des étrangers


L’ouverture de la Chine clarifie la question sur le rôle des pays européens dans le
processus de l’intégration des pays orientaux au monde. Comme ce qui a été montré
dans l’introduction de cette section, certains économistes et historiens affirment que
l’expansion économique des pays d’Europe, surtout celle de l’Angleterre, est fondée
sur le libre-échange. Mais ce qui se passe pendant l’ouverture de Chine prouve que leur
réussite commerciale se base en fait sur les pressions politiques, diplomatiques, et
même militaires.
Le régime de la politique commerciale conduit à l’insatisfaction des pays
d’échange avec la Chine, surtout à celle de l’Angleterre. À partir des années 1750, ce
dernier pays, comme plus grand partenaire commercial avec la Chine à ce moment, a
demandé de nombreuses fois à la cour de Qing une politique plus ouverte du commerce
international, tant de la part du gouvernement que de la part de Compagnie des Indes
orientales, que de la part des commerçants individuels.
Un événement de protestation très connu, dit « l’Événement de P.Flint »(洪仁辉
事件), a lieu juste un an après que la cour de Qing ferme les ports de Ningbo, Songjiang
et Xiamen(en 1758). P.Flint est délégué commercial de la Compagnie des Indes
Orientales de l’Angleterre. Chargeant la mission de la Compagnie d’ouvrir un comptoir
au port de Ningbo, il arrive pour la première fois à ce port en 1755. Pendant 1755-1756,
il a importé quantité de marchandises du port Ningbo vers l’Angleterre, et a fait
beaucoup de profit pour la Compagnie. En 1757, le Vice-Roi de Guangdong et Fujian
l’avertit de ne plus aller au port de Ningbo parce que ce port est déjà fermé aux

287
négociants étrangers selon le nouveau décret de l’Empereur chinois. Croyant qu’il a le
droit de commercer en Chine, P.Flint n’a pas pris en compte l’avertissement du
mandarin chinois, et a navigué à Ningbo en 1758. Après son arrivée à Ningbo, il est
expulsé du port de Ningbo par le gouvernement local, tandis que des marchandises déjà
embarquées sur son navire sont en même temps détenues. Cependant, par la suite, il ne
revient pas au port de Canton comme ce que les mandarins de Ningbo ont proposé, mais
continue à naviguer au nord, vers la capitale de l’Empire chinois pour demander à la
cour de Qing d’ouvrir le port de Ningbo. La même année, il arrive au Tianjin(天津), le
port qui se situe juste à côté de Beijing et qui n’est jamais ouvert à l’étranger. Le
gouverneur de Tianjin promet à P.Flint de soumettre sa pétition à l’Empereur, et lui
propose de retourner à Canton en attendant la réponse. P. Flint suit le conseil du
gouverneur de Tianjin et retourne à Canton, mais il est arrêté par le gouvernement de
Canton immédiatement après son arrivée à cause de sa pénétration à Tianjin. Détenu
pendant trois ans à l’île de Macon (澳门), P. Flint est enfin expulsé de Chine et n’a
jamais été autorisé à y retourner.1 La protestation de P.Flint n’a pas changé la politique
du commerce extérieur de la cour de Qing. En revanche, depuis cet événement, le
gouvernement chinois se méfie plus des commerçants étrangers. En 1760, la cour de
Qing promulgue une nouvelle ordonnance pour contrôler les activités des négociants
étrangers, y compris des articles pour limiter le lieu d’habitation des étrangers, les
contrats des étrangers avec les Chinois et la navigation des bateaux étrangers sur la mer
chinoise, etc.2
Malgré cet échec, les Anglais n’abandonnent pas leur tentative d’élargir la porte
du commerce avec la Chine. Dans la lettre du 30 novembre 1787 au Lieutenant
C.Cathcart, le premier ambassadeur officiel envoyé par le Royaume vers la Chine, le
gouvernement anglais souligne que :
« Pendant une longue période, les négociants anglais sont obligés de faire les

1 Archives Nationales de Chine (premières). Les archives des commerces sino-occidentaux au cours des dynasties
de Ming et de Qing. Éditions des Archives. 2010. Vol 2. p. 766-770. Affaire de l’accusation du commerçant anglais
P. Flint contre l’inspecteur de la douane de Canton. (中国第一历史档案馆: 《明清宫藏中西商贸档案02》 ,北
京:中国档案出版社,2010年6月,第766页,英商洪仁辉控告粤海关监督李永标案)
2 ZHANG Yan : Histoire économique de la dynastie de Qing. Xinbei. Editions de Yunlong. 2002. p.435. (张研:

《清代经济简史》 ,新北:云龙出版社,2002年,第435页。)
288
échanges avec la Chine en sacrifiant leurs intérêts. Le dernier règlement du
gouvernement chinois stipule que Canton est le seul port où nous avons le droit
d’installer des maisons commerciales, ce qui a déjà imposé des restrictions au
commerce de la Compagnie des Indes Orientales avec la Chine. Le libre-échange au
marché de Canton a été déjà détruit par l’union des marchands chinois (Cohong). De
plus, les négociants anglais n’ont pas un statut égal devant un tribunal chinois…
Vous devriez annoncer à l’Empereur chinois : premièrement, le commerce sino-
anglais est conforme aux intérêts des deux pays…Deuxièmement, nous demandons un
endroit sécurisé pour déposer nos marchandises…Troisièmement, il faut remarquer que
la demande de l’Angleterre est nettement en faveur du commerce et pas pour des
ambitions territoriales. Nous n’allons pas installer notre défense, mais seulement prier
le gouvernement chinois de défendre nos commerçants et nos délégués…
Si l’Empereur chinois promet de laisser un endroit à l’Angleterre, il faut faire
attention à la position de l’endroit, qui doit convenir à la demande des navires anglais
pour la sécurité et la commodité, pour que l’Angleterre puisse vendre ses marchandises
et acheter le thé et des matières premières---situé environ entre 27-30 degrés de latitude
nord…
Si la demande de l’endroit est refusée, vous devriez vous efforcer d’obtenir plus
de privilèges au marché de Canton et essayer de faire modifier les règlements qui lèsent
les intérêts des négociants anglais…
Vous deviez remarquer que le gouvernement chinois sera susceptible de vous poser
une condition : l’Angleterre ne s’occupera plus du commerce de l’opium, lequel est
interdit par la loi chinoise…Si le gouvernement vous demande officiellement, ou bien
cherche à ajouter un article dans le traité futur, que nous ne transporterons plus d’opium
en Chine, vous seriez obligé de l’accepter. Ne pas sacrifiez notre intérêt fondamental
pour le libre-échange de cette nature de marchandise… »1
Nous constatons que les buts du gouvernement anglais à ce moment-là sont de
demander un nouvel endroit ouvert au commerce anglais en dehors de Canton et de

1 H.B.Morse. the Chronicles of the East India Company Trading to China. 1635-1834. Vol. 2. pp.160-165.
289
modifier des règlements du commerce extérieur de la Chine. Jusqu’alors, la méthode
de l’Angleterre est très pacifique, surtout par la négociation diplomatique. Pour que les
négociants anglais obtiennent des droits égaux commerciaux en Chine, le
gouvernement anglais accepte même d’arrêter d’exporter l’opium en Chine, lequel est
la marchandise la plus exportée en Chine par l’Angleterre pendant cette période.
Le Lieutenant C.Cathcart n’a pas pu accomplir sa mission : il est décédé de
maladie sur le trajet de l’Angleterre en Chine. La présentation de la première lettre de
créance du Roi anglais à l’Empereur chinois est donc retardée à 1793, quand le
deuxième ambassadeur anglais---V.Macartney, Baron de Lissanonron--- arrive à
Beijing. Dans cette lettre de créance, l’Angleterre a ajouté plusieurs demandes:
premièrement, l’Angleterre a le droit d’installer l’ambassade dans la capitale
chinoise (Beijing); deuxièmement, la Chine est priée d’ouvrir Ningbo, Zhushan(珠山)
et Tianjin au commerce anglais, et de promettre de laisser les négociants anglais
installer des comptoirs à Beijing, capital de la Chine; troisièmement, la Chine est priée
d’exempter ou de diminuer le droit de douane des négociants anglais ; les missionnaires
anglais seront autorisés de propager la religion chrétienne en Chine, etc.1
L’Angleterre avait déjà demandé de modifier l’ancien régime des droits de douane
dans cette première lettre de créance. Cependant, selon la réponse de l’Empereur
chinois à V.Macartney la même année, toutes les demandes que l’Angleterre a faites
sont intégralement refusées par la cour de Qing. Concernant le régime des droits de
douane, l’Empereur chinois répond : « Il y a des règlements de douane à Canton sur les
droits de douane que les négociants doivent acquitter. Tous les pays étrangers sont
égaux devant ces règlements. Nous ne pouvons pas diminuer vos droits à cause de
l’avantage pour votre commerce avec la Chine par rapport aux autres pays.»2
En 1816, le troisième ambassadeur d’Angleterre---William Pett Lord Amherst---
est envoyé par le prince-régent George (soit le Roi George IV plus tard) en Chine. Avant
son départ, il avait reçu une lettre de la part de Lord V.Castelereagh, Ministre des

1 LIANG Tingzhan. L’histoire de la douane de Canton, Canton. Éditions des peuples de Guangdong. 2002. pp. 5-
12. (梁廷枬: 《粤海关志》 ,广州:广州人民出版社2002年2月,第5-12页。)
2 Idem. p. 12.

290
Affaires étrangères. Dans la lettre, Lord V.Casteleragh demandait de nouveau à Lord
Amherst de négocier avec la cour chinoise des privilèges commerciaux pour
l’Angleterre en Chine. Toutefois, cette fois-ci, la lettre de créance de l’Angleterre n’a
pas pu arriver dans la main de l’Empereur chinois, car Lord Amherst refusa de se
présenter devant l’Empereur chinois en se prosternant.1 Ce fut la dernière tentative du
gouvernement anglais pour modifier le régime du commerce extérieur de la Chine avant
la guerre de l’opium.
Après la perte du contact officiel de l’Angleterre avec le gouvernement central de
Chine en 1816, des négociants privés continuèrent à essayer d’améliorer leurs
conditions commerciales en déposant des pétitions aux mandarins locaux de Canton.
En 1832, deux négociants anglais, H.H.Lindsay et C.Gutslaff, annoncent au
gouvernement local de Canton que les négociants anglais se font souvent extorquer par
la douane et qu’il faut souvent payer beaucoup de l’argent en plus des droits
conventionnels, ce qui va léser les intérêts commerciaux des deux pays. Mais leur
pétition est négligée par le gouvernement de Canton et sans réponse. En 1836, trente-
huit des principaux négociants étrangers qui résident à Canton déposent une pétition au
gouverneur de Canton afin d’annuler la restriction d’exportation de la soie. « Obligés
d’une part à n’embarquer qu’une quantité restreinte sur chaque bâtiment, de l’autre à
payer des doubles droits sur les soies indépendamment du prix élevé de cet article, les
pétitionnaires ne pourront pas satisfaire à telle exigence. »2 Dans la lettre de réponse,
le gouverneur de Canton affirme que la permission d’exportation de la soie en 1764 a
déjà été une grâce aux étrangers, et il ne faut pas demander plus. Après les échecs de
toutes ces négociations depuis plus d’un demi-siècle, les Anglais décident d’atteindre
leurs buts par la violence---par la guerre de l’opium en 1840.

C Régime des droits de douane chinois et tarif sur la soie exportée après 1842
La Chine commence à perdre sa souveraineté douanière après la guerre de l’opium
avec l’Angleterre. Tout d’abord, le dixième article du Traité de Nanjing entre la Chine

1 H.B.Morse. the Chronicles of the East India Company Trading to China. 1635-1834. Vol. 2. pp.278-284.
2 Archives Nationales de France. F12. 6498. le 8 septembre.1836. Le commerce des soies en Chine.
291
et l’Angleterre (le 4 août 1842) stipule que « Pour tous les droits que les négociants
anglais devraient acquitter, le gouvernement chinois doit formuler des tarifs fixes en
observant la justice. (英商应纳进口出口货税、饷费,均宜秉公议定则例) »1 En
d’autres termes, les tarifs de tous les droits acquittés par les commerçants anglais
devraient être formulés dans un règlement de douane fixe, et ces droits devraient être
justes et rationnels. Par la suite, deux ans plus tard, la Chine a signé le Traité de Wanghia
le 3 juillet 1844 avec les États-Unis et le Traité de Whampoa le 14 août 1844 avec la
France. On écrit dans ce premier traité que « si la Chine voudra changer les tarifs de
douane, il faut obtenir le consentement des consuls américains. (“中国日后欲将税例
变更,须与和中国领事等管议允”)»,2 et le dernier formule que « la Chine ne peut
modifier les tarifs de douane qu’après la permission de la France. (“应与佛兰西会同
议允后,方可酌改”)».3 Depuis ces deux traités, la Chine est obligée de formuler ses
tarifs de douane en négociant avec les pays étrangers, ce qui symbolise la perte de la
souveraineté de formulation de ses droits de douane.
Ayant obtenu la concession de Hongkong, ouvert quatre ports commerciaux
supplémentaires et aboli le monopole du Gonghong du commerce extérieur de la Chine
par le Traité de Nanjing de 1842, les anglais réussirent enfin à régler les problèmes
concernant les quotas et les droits de douane dans le commerce extérieur de la Chine
par les annexes du Traité de Nanjing ( dit 《中英五口通商章程》, les règles du
commerce des cinq ports ) signé en 1843. Selon ce nouveau traité, la Chine est obligée
de stipuler un nouveau régime des droits de douane du commerce avec l’Angleterre,
comprenant plusieurs modifications importantes : premièrement, des quotas sur
certaines marchandises du commerce extérieur de la Chine ont été annulés ;
deuxièmement, le tarif de douane est fixé à un tarif moyen de 5% des valeurs des

1 Archives Nationales de Chine (premières). Les archives des commerces sino-occidentaux au cours des dynasties
de Ming et de Qing. Éditions des Archives. 2010. Vol 6. p. 722. Traité de Nanjing entre Chine et Angleterre. (中
国第一历史档案馆: 《明清宫藏中西商贸档案06》 ,北京:中国档案出版社,2010年6月,第722页,中英南
京条约稿本。)
2 Archives Nationales de Chine (premières). Les archives des commerces sino-occidentaux au cours des dynasties

de Ming et de Qing. Éditions des Archives. 2010. Vol 7. p. 3783. (中国第一历史档案馆: 《明清宫藏中西商贸档
案07》 ,北京:中国档案出版社,2010年6月,第3783页,中英南京条约稿本。)
3 Archives Nationales de Chine (premières). Les archives des commerces sino-occidentaux au cours des dynasties

de Ming et de Qing. Éditions des Archives. 2010. Vol 7. p. 3882. (中国第一历史档案馆: 《明清宫藏中西商贸档
案07》 ,北京:中国档案出版社,2010年6月,第3882页,中英南京条约稿本。)
292
marchandises ; troisièmement, les taxes supplémentaires sont abolies ; quatrièmement,
les taxes de bateau seront acquittées par tonneau et non d’après la taille de navire---les
tarifs de chaque tonneau seront 0.5 taël par tonne pour les bateaux plus de 150 tonneaux
et 0.1 taël par tonne pour les bateaux moins de 150 tonneaux, ce qui est beaucoup moins
élevé que celui imposé par l’ancien standard ; cinquièmement, pour les « frais divers »,
les négociants anglais n’auront besoin de payer que les frais de pilotage.1
Sous ce nouveau régime de douane, les limitations sur le commerce extérieur
chinois ont été annulées, la composition des droits de douane a été simplifiée, et des
tarifs de droit ont diminué. Au niveau des tarifs de douane de l’importation, le taux
moyen de 5% fait désormais de la Chine l’un des pays les plus libre-échangistes dans
le monde de l’époque (d’après la méthode de mesure de la protection de J.V.Nye). Selon
les données du graphique IV-5, pendant les années 1864-1879 (période où a lieu le
creux des tarifs moyens de douane dans les pays d’Europe), le tarif de douane chinois
se situe presque au même niveau que l’Angleterre, la France et l’Allemagne, dont les
tarifs moyens sont les plus bas parmi des grands pays européens. Après les années 1880,
lorsque les tarifs de douane de la plupart des pays européens remontent, celui de la
Chine continue à se maintenir au niveau moyen de 5%. Ce dernier taux moyen de tarif
est même plus bas que celui de l’Angleterre, pays considéré comme le plus libre-
échangiste en Europe à l’époque. Sur le long terme, le tarif de moyen d’importation de
la Chine reste toujours à un niveau très modeste par rapport aux pays européens.

Graphique IV-5 Comparaison des tarifs moyens de douane (importation) entre la Chine,
l’Angleterre, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et les États-Unis.2

1 WANG Tieya. Collection des Traités entre la Chine et les étrangers. Shanghai. Éditions de Sanlian. 1957. Vol 1.
pp.34-35. (王铁崖: 《中外旧约章汇编》 ,上海:三联书店,1957年,第一册,第35页。)
2 Les données du tarif moyen de Chine proviennent de ZHONG Weimin. Effets des commerces du thé et de

l’opium sur l’économie de Chine du 19e siècle. Recherches des histoires économique et sociale. n°1. 1994.
p.133.(仲伟民:茶叶、鸦片贸易对19世纪中国经济的影响, 《社会经济史研究》 ,1994年底1期,第133
页。)
Les données des tarifs moyens de l’Angleterre et de la France proviennent de J.V.Nye. “The myth of free-trade
Britain and fortress France : Tariffs and trade in the Nineteenth Century”. The journal of Economic History. Vol.
51. N°1. 1991. p. 26.
Les données des tarifs moyens de l’Italie et de l’Espagne proviennent de A.T.Junguito. Assessing the
protectionist intensity of tariffs in nineteenth century European trade policy. In J-P. Dormois, P. Lains, eds.
Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York Routledge. 2006. p.110.
Les données du tarif moyen des États-Unis proviennent de B.Dedinger. “From virtual free-trade to virtual
293
50
45 Chine
40 Angleterre
35
Pourcentage

30 France
25 Allemangne
20 Italie
15
Espagne
10
5 Etats-Unis
0
1864 1869 1874 1879 1884 1889 1894
Années

Graphique IV-6 Comparaison des Tarifs moyens de douane d’exportation et


d’importation de la Chine 1864-18941

Pourcentage

14
12
10
8 importation
6 exportation
4
2
0

Années

Au niveau des droits d’exportation, la Chine continue à garder un tarif moyen de


8-12% sur la plupart des marchandises exportées dans le nouveau régime des droits de
douane (voir Graphique IV-6). Les droits d’exportation étaient également d’importantes
ressources financières pour les pays européens pendant le 17e et le 18e siècle. Toutefois,

protectionism: or, did protectionism have any part in Germany’s rise to commercial power 1850-1913”. In J-P.
Dormois, P. Lains, eds. Classical Trade Protectionism, 1815-1914. London and New York Routledge. 2006. p.231.
1 ZHONG Weimin. Effets des commerces du thé et de l’opium sur l’économie de Chine du 19e siècle. Recherches

des histoires économique et sociale. n°1. 1994. p.133.(仲伟民:茶叶、鸦片贸易对19世纪中国经济的影响,


《社会经济史研究》 ,1994年底1期,第133页。)
294
ayant connu l’effet négatif des droits d’exportation sur la compétitivité des produits
nationaux sur le marché extérieur, ces derniers pays ont annulé progressivement la
plupart des droits d’exportation pendant le 19e siècle. En Chine, presque toutes les
natures de produits locaux pour l’exportation doivent être imposées de droits de douane
par l’état1 avant 1840, et ce principe est hérité par le nouveau régime après la guerre
de l’opium. Afin d’apaiser des rébellions civiles, de rembourser les indemnités des
guerres extérieures et de financer la modernisation militaire et industrielle, le
gouvernement chinois est obligé de maintenir les tarifs d’exportation pendant la
deuxième moitié du 19e siècle. Toutefois, les tarifs d’exportation du nouveau régime ne
sont pas tout à fait identiques à ceux de l’ancien régime. Beaucoup de nouveaux
éléments et de nouvelles caractéristiques ont été compris dans le nouveau système des
tarifs d’exportation, ce qui se manifeste parfaitement par l’évolution des tarifs
d’exportation des matières de soie dans les deux régimes.

Tableau IV-7 Changement des tarifs de douane des soies en Chine en 1843 (taëls/cent
catties)2
ancien tarif ancien tarif ancien tarif proportion du droit de
Nature du droit permanent du droit légal du droit réel tarif en 1843 prix en 1843 douane dans le prix 1843
Soie de Zhejiang 5.4 15.276 23.733 10 350 3%
Soie de Canton 1 8.576 10.5702 10 200 5.00%
Soie sauvage 1.8 4.0866 4.1436 2.5 75 3.30%
organsin 5.4 12.7271 12.7841 10 400 3.30%
fil de soie 1.8 8.1068 8.1638 10 400 2.50%
ruban de soie 0.75 8.6202 8.6776 10 400 2.50%

Premièrement, des quotas sur l’exportation de beaucoup de natures de

1 Consulter LIANG Tingzhan. L’histoire de la douane de Canton, Guangzhou. Éditions populaires de Guangzhou.
2002. pp. 150-260. « Règlements des droits 1-6 ». (梁廷枬: 《粤海关志》 ,广州:广州人民出版社,2002,第
150-260页,“税则一至六”。)
2 Les données de l’ancien tarif du droit permanent proviennent de LIANG Tingzhan. L’histoire de la douane de

Canton, p. 174. (梁廷枬: 《粤海关志》 ,广州:广州人民出版社2002年2月,第5-12页。)


Les données de l’ancien tarif légal proviennent de YAO Xiangao. Les sources de l’histoire du commerce de Chine
pendant l’époque moderne 1840-1895. Vol 1. p.390 (姚贤镐:中国近代对外贸易史资料1840-1895,第1卷,第
390页。).
Les données en 1843 proviennent des Archives nationales de Chine (deuxièmes). China Maritime Customes.
Treaties, Conventions, etc. Between China and Foreign States. Statistical Department of the Inspectoral General of
Customs. 1917 Vol I. (中国第二历史档案馆, 中国海关: 《中外条约》 ,帝国海关统计部,1917年,第一
卷。 )
295
marchandises ont été annulés dans le nouveau régime. Selon le décret de 1764, il a été
complètement interdit d’exporter la soie grège de Zhejiang (première classe),
l’exportation de la soie (ou organsin) de Zhejiang (deuxième classe) ne doit pas
dépasser une quantité de 500 kilogrammes par navire, et l’exportation la soie de
Guandong ( ou la soie sauvage et les fils de soie) ne doit pas non plus dépasser 500
kilogrammes par navire dans l’ancien régime de douane. Cette limitation et des quotas
sur d’autres marchandises ont été enfin annulés par les annexes du Traité de Nanjing,
et remplacé par de nouveaux tarifs de douane (dans le tableau ci-dessus).
Deuxièmement, les tarifs d’exportation dans le nouveau régime sont bien plus
uniformes et standardisés que ceux de l’ancien régime. Nous avons déjà mentionné
précédemment qu’il y a de grands décalages entre le droit permanent, le droit légal et
le droit réel dans l’ancien régime, ce qui a augmenté la complexité de l’imposition. Cela
correspond parfaitement au cas des tarifs sur les matières de soie. On doit payer 5.4
taëls pour cent catties de la soie de Zhejiang comme le droit permanent, 15.276 taëls
comme droit légal selon les règlements de douane de l’ancien régime, mais en réalité il
faut payer 23.773 taëls en passant la douane. Le même phénomène existe
universellement pendant l’imposition sur les autres natures de matières de soies. Au
contraire, dans le nouveau régime des droits de douane, tout d’abord, il n’existe plus
différents droits (permanent, légal et réel) sur la même nature de marchandise, et le droit
sur chaque nature de soie est unique. De plus, on impose 10 taëls par cent catties sur
presque toutes les natures de matières de soie (sauf sur la soie sauvage dont le prix est
beaucoup moins élevé que d’autres). Ces deux changements ont considérablement
simplifié la méthode d’imposition des droits.
Troisièmement, les tarifs d’exportation sur certaines natures marchandises dans le
nouveau régime ont beaucoup diminué. Selon les données du tableau ci-dessous, le
nouveau tarif sur la soie de Zhejiang a nettement diminué (de 23.733 taëls à 10 taëls)
par rapport à celui de l’ancien régime. Quant aux autres natures de matières de soie, les
changements entre les anciens et les nouveaux tarifs ne sont pas très évidents : le tarif
sur la soie de Canton descend de 10.5702 taëls à 10 taëls, celui sur la soie sauvage
descend de 4.1436 taëls à 2.5 taëls, l’organsin descend de 12.7841 taëls à 10 taëls, et
296
les tarifs des fils et des rubans sont un peu plus élevés que ceux de l’ancien régime.
Cependant, la quantité absolue de l’exportation de la soie grège de Zhejiang, de la soie
grège de Canton, de la soie sauvage et de l’organsin dépasse très largement celle du fil
de soie et du ruban de soie (voir les données de la section 4 du Chapitre II). De façon
générale, les droits de douane sur l’ensemble des matières des soies ont donc été
largement réduits dans le nouveau régime.
Les annexes du traité de Nanjing de 1843 ont construit les principes fondamentaux
du nouveau système de droits de douane après la guerre de l’opium. Malgré certaines
modifications, les grands principes des tarifs des soies de 1843 ont toujours été
respectés pendant le reste du 19e siècle. Ainsi, de nouveaux tarifs d’exportation des
matières de soie (montrés dans le tableau IV-7) établis à partir de ce moment-là se
maintiennent également à un niveau très stable après l’année 1843, sauf quelques
ajustements pendant les périodes suivantes :
(1) En 1844, la France a obtenu des privilèges identiques à ceux des Anglais par
le traité de Traité de Whampoa(《黄埔条约》). Les tarifs de 1843 sont généralement
hérités par ceux stipulés dans ce nouveau traité: ils s’y fixent généralement à 10 taëls
par cent catties. Néanmoins, il faut remarquer qu’il y a deux petits changements dans
ce nouveau traité. Tout d’abord, les natures des soies y sont mieux précisées. Certaines
natures de soie, la soie jaune de Sée-tchuen, la soie doupion, le déchet de soie, la soie à
coudre de Canton sont apparues indépendamment dans la liste au lieu d’être comprises
dans d’autres natures de soie, etc. Ensuite, certains tarifs, comme la soie de doupion, le
déchet de soie et la soie à coudre de Canton, y sont encore une fois réduits (voir le
tableau ci-dessous, une partie du tableau joint à la suite du Traité de Whampoa.).

Tableau IV-8 Comparaison entre les tarifs de douane des soies exportées de Chine dans
les Annexes du Traité de Nanjing et dans le Traité de Whampoa (taëls/cent catties)1

1 Archives Nationales de France. F12. 6498. 15 mars 1845. Traité de 1844 et tarifs de douane.
297
tarif des annexes Tarif du traité
Natures des soies du traité anglais français Différence
Soie grège et ouvrée 10 10 0
Soie jaune de Ssé-tchuen 10 7 3
Soie de doupions 10 5 5
Soie grège sauvage 2.5 2.5 0
Déchet de soie 2.5 1 1.5
Soie à coudre de Canton 10 4.3 5.7
Soie à coudre d'autres provinces 10 10 0
fil de soie 10 10 0
Organsin de toutes espèces 10 10 0
Rubans cordonnets 10 10 0
Tissus de toutes espèces 12 12 0
Tissus du Ssé-tchuen 12 4.5 7.5
Tissus de Chan-tong 12 4.5 7.5
Bonnets de soie non donnée 0.9 0
Mélange de soie et de coton 3 5.5 2.5

(2) Dans les règlements de douane formulés en 1843, les tarifs de douane sont
calculés par l’unité de quantité. À cause de ce standard de calcul de « quantité », les
tarifs de douane restent inchangés malgré une tendance générale de baisse des prix qui
apparaît dans l’Empire chinois pendant les années 1850. Lors de la négociation pour le
Traité de Tianjin (天津条约) en 1858, les représentants anglais et français demandent
au gouvernement chinois de recalculer les tarifs de douane selon les nouveaux prix des
marchandises si bien que le principe de « la moyenne du tarif de 5% » peut être
respecté.1 Sous la pression des deux puissances, le gouvernement chinois a accordé de
renouveler ses tarifs de douane dans le Traité de Tianjin2, et les tarifs de douane de la
plupart des articles descendent effectivement encore3. Cependant, d’après les nouveaux
tarifs joints dans le traité de Tianjin (voir tableau dessous), les droits de douane des
soies ne se modifient plus guère. Le seul changement est que le gouvernement chinois

1 F. WRIGHT Stanley. China’s Struggle for Tariff Autonomy 1843-1938. Michigan. Kelly and Walsh Limited.
1938. p. 53.
2 Archives Nationales de France. F12. 6498. Traité de 1858 avec la Chine.
3 Pour les détails, consulter Archives nationales de Chine (deuxièmes). China Maritime Customs. Treaties,

Conventions, etc. Between China and Foreign States. Statistical Department of the Inspectorate General of
Customs. 1917 Vol I. p.435-443.
298
a annulé la prohibition d’exportation des cocons dans ce dernier traité et leur impose un
droit d’exportation de 3 taëls par cent catties.

Tableau IV-9 Droit de douane des soies dans les Règlementations de Douane de 1858
(taël)1
Tarifs de douane prix en moyen
Natures Unité en 1858 en 1858 proportions
Soie de Zhejiang cent catties 10 278 3.60%
Organsin de toute espèces cent catties 10 278 3.60%
Déchet de soie cent catties 1 28 3.60%
Soie sauvage cent catties 2.5 70 3.60%
Cocons cent catties 3 116 2.60%
Soie à coudre de Canton cent catties 4.3 120 3.60%
Soie à coudre d'autres provinces cent catties 10 278 3.60%
Soie jaune de Sse-tchuan cent catties 7 125 5.60%
Soie de doupions cent catties 5 125 4.00%
trame de toutes espèces cent catties 10 278 3.60%
Rubans cordonnets cent catties 10 278 3.60%
Tissus de toutes espèces cent catties 12 335 3.60%
Bonnets de soie cent 0.9 24.5 3.70%
Melange de soie et de coton cent catties 5.5 150 3.70%

(3) Selon le 27e article du Traité de Tianjin sino-anglais signé en 1858, les deux
pays ont la possibilité d’ajuster les nouveaux règlements des droits de douane dans les
10 ans après sa signature. 2 À partir du 2 janvier 1868, la Chine et l’Angleterre
reviennent donc à la table de négociation pour les intérêts de leurs gouvernements
respectifs : la Chine cherche à augmenter son revenu financier en élevant les tarifs de
douane sur des principales marchandises de son commerce international, et l’Angleterre
compte obtenir le droit d’exploitation des sources minérales chinoises et le droit
d’habitation à l’intérieur de Chine.3 Après une longue négociation pendant 22 mois, le
Ministère des Affaires étrangères de Chine ( 总 理 衙 门 ) a signé enfin avec le
représentant anglais Alcock Rutherford (Ministre britannique en Chine) une Révision

1 Archives nationales de Chine (deuxièmes). China Maritime Customes. Treaties, Conventions, etc. Between China
and Foreign States. Statistical Department of the Inspectorate General of Customs. 1917 Vol I. p.442.
2 WANG Tieya. Collection des Traités entre la Chine et les étrangers. Shanghai. Éditions de Sanlian. 1957. Vol 1.

p.99. (王铁崖: 《中外旧约章汇编》 ,上海:三联书店,1957年,第一册,第99页。)


3 Pour les détails du contexte de la signature de la Révision du Traité de Tianjin, consulter FEI Chi et LIU

Xiaodong. « La négociation pour la Révision du traité de Tianjin pendant 1868-1869 ». Journal académique des
sciences sociales de l’Université de Jilin. n°2. 2002. pp.123-128. (费驰,刘晓东:1868-1869年《中英新修条
约》谈判评述, 《吉林大学社会科学学报》 ,2001年,第2期,第123-128页)
299
du Traité de Tianjin (《中英新修条约》) entre l’Angleterre et la Chine le 24 octobre
1869. Par cette dernière révision, la Chine a fait monter le droit d’exportation de
l’opium de 30 taëls à 50 taëls par cent catties et a fait doubler les tarifs de douane sur
la soie grège de toutes espèces au prix de l’ouverture deux ports commerciaux
supplémentaires, du droit de l’exploitation des mines dans trois villes chinoises et du
droit de se loger aux hôtels des ports non ouverts.1
De toute évidence, Alcock Rutherford a élargi les nouveaux privilèges de
l’Angleterre en Chine en sacrifiant les intérêts des négociants d’opium et de soie. Cela
amène immédiatement la protestation des marchands de soie de Lyon. Dans cette
protestation, ils montrent tout d’abord que les Anglais ont atteint leur but en sacrifiant
l’intérêt de la France : « Si l’ambassadeur anglais a consenti à cette énorme
aggravation, c’est que, d’une part, la consommation des soies en Angleterre suit une
marche décroissante ; ses fabriques d’étoffes, depuis la suppression des droits d’entrée
sur les soieries (françaises), ne peuvent soutenir la concurrence des nôtres ; c’est, d’une
autre part, que sir Alcok a obtenu en compensation, des facilités et des avantages
considérables pour le débouché des cotonnades. »2
Ils soulignent ensuite les dommages que les nouveaux tarifs vont causer au
commerce franco-chinois : « Il suffit de rappeler que la consommation des soies
chinoises qui en 1855 était à peine de 250 000 kilogrammes, s’est élevée en 1859, à
Lyon seulement, à près de 1 000 000 de kilogrammes »3… « Nous voyons que ces soies
ont payé en Chine, en droits de sortie et de circulation, de 750 à 800 000 francs ; ce
serait donc, si le droit était doublé, un nouvel impôt de 750 000 francs, au moins,
prélevé sur notre industrie. »4 À la fin, ils demandent : « que le Représentant de la
France, en Chine, reçoive les instructions nécessaires pour qu’il s’oppose à l’élévation
des droits de sortie des soies et se refuse aux concessions que le gouvernement chinois

1 Archives Nationales de France. F 12.6498. 24 Octobre 1869. Convention supplémentaire au Traité de commerce
et de navigation de juin 1858 entre la Grande-Bretagne et la Chine.
2 Archives Nationales de France. F 12.6498. 30 mars 1870. Lettre du président de l’Union des marchands de soie

de Lyon aux membres de la Chambre de commerce de Lyon.


3 Idem.
4 Archives Nationales de France. F 12.6498. 22 février 1870. Lettre de la chambre du commerce de Lyon au

Ministre du commerce.
300
a obtenues de l’Envoyé britannique. »1 et formulent leur vœu « que les droits stipulés
dans le traité de Tien-Tsin soient maintenus avec la garantie efficace de n’être plus
surchargés de taxes arbitraires de transit ou d’octroi si souvent imposées par les
mandarins. » 2 Le président de la Chambre de commerce envoie cette pétition au
Ministre du Commerce, qui transmet ces observations au Ministre des Affaires
étrangères.3 À cause des pressions en provenance du gouvernement français4, et en
même temps de la part des négociants d’opium anglais, le gouvernement anglais a
déclaré le 25 juillet 1870 refuser la nouvelle Révision signée par Alcock Rutherford
avec le gouvernement chinois.5 Il en résulte que la négociation sino-anglaise à la fin
des années 1860 n’arrive pas à changer les tarifs de douane des soies de 1858.
(4) Le dernier ajustement (c’est le dernier changement du tarif d’exportation de la
soie chinoise jusqu’à l’année 1914.) des tarifs des soies exportées de Chine est lié aux
signatures des conventions commerciales après la guerre franco-chinoise entre 1883-
1885. Après la guerre de 1870, la politique du commerce extérieur de la Troisième
République retourne graduellement au protectionnisme. Dans l’objectif d’une
restauration de la croissance économique, le nouveau gouvernement cherche en même
temps à activer le commerce entre l’Indochine et le sud-est de Chine. A la suite de la
conquête de l’Indochine par la France, une nouvelle Convention commerciale entre la
France et la Chine (《越南边界通商章程》) est signée le 25 avril 1886 afin de « régler
les conditions dans lesquelles s’effectuera le commerce par terre entre le Tonkin et les
provinces méridionales de l’Empire de Qing. » Selon cette convention, les tarifs de
douane des articles exportés de Chine au Tonkin par la frontière terrestre diminueront
généralement d’un tiers par rapport à ceux du Traité 1858. Les tarifs des douanes des
soies se réduiront aussi aux 2/3 du précédent si l’on les transporte par la frontière
terrestre entre la Chine et le Tonkin.6

1 Idem.
2 Archives Nationales de France. F 12.6498. 30 mars 1870. Lettre du président de l’Union des marchands de soie
de Lyon aux membres de la Chambre de commerce de Lyon.
3 Archives Nationales de France. F 12.6498. 5 mai 1870. Lettre du Ministre du commerce au président de la

Chambre de commerce de Lyon.


4 S.F.Wrignt. China’s Strauggle for the tariff autornomy 1843-1938. Shanghai. Kelly&Walsh. 1938. p.235.
5 H.B.Morse. L’histoire des relations de l’Empire chinois avec les étrangers. Vol II. p. 238.
6 WANG Tieya. Collection des Traités entre la Chine et les étrangers. Convention commerciale entre la France et

la Chine. p. 220-227. (王铁崖: 《中外旧约章汇编》 ,北京:三联书店,1982年,第一册,第220-227页。).


301
Tableau IV-10 Droits de douane des soies dans la Nouvelle Convention Franco-
Chinoise de 1886(taël)1

Tarifs de douane Tarif par la frontière


Natures Unité en 1858 Tonkin après 1886
Soie de Zhejiang cent catties 10 6.6
Organsin de toute espèces cent catties 10 6.6
Déchet de soie cent catties 1 0.7
Soie sauvage cent catties 2.5 1.7
Cocons cent catties 3 2
Soie à coudre de Canton cent catties 4.3 2.8
Soie à coudre d'autres provinces cent catties 10 6.6
Soie jaune de Sse-tchuan cent catties 7 4.6
Soie de doupions cent catties 5 3.3
trame de toutes espèces cent catties 10 6.6
Rubans cordonnets cent catties 10 6.6
Tissus de toutes espèces cent catties 12 8
Bonnets de soie cent catties 0.9 0.6
Melange de soie et de coton cent catties 5.5 3.6

Cependant, cette réduction des droits de douane ne s’applique qu’au commerce


par la frontière du sud-ouest de la Chine. Dans les autres ports maritimes commerciaux,
les tarifs de douane sur la soie ne sont pas modifiés. De plus, le commerce de la soie
entre l’Indochine et la frontière du sud-est de Chine n’est toujours pas très dynamique.
Si l’on se rappelle l’exposé du chapitre II, sur les statistiques de la douane de Long-
tchéou, la soie ne fait son apparition dans la liste d’articles qu’après l’année 1900 : la
quantité d’exportation est seulement de 119 piculs,2 A Ssê-mao, le commerce de la soie
n’est pas non plus très important. On en exporte seulement un picul en 18993 et 12
piculs en 19014. Trois maisons françaises s’installent à Mongtze en 1903. Une travaille
comme agent de la Compagnie Lyonnaise d’Indochine, mais elle n’occupe pas du
commerce de la soie, tandis que les autres deux sont dans les travaux de chemin de fer.5

1 Archives nationales de Chine (deuxième). China Maritime Customes. Treaties, Conventions, etc. Between China
and Foreign States. Statistical Department of the Inspectorale General of Customs. 1917 Vol I. p.442.
2 Archives Nationales de France. F12. 7057. 12 janvier 1901. Rapport de commerce de Long Tcéou en 1900.
3 Archives Nationales de France. F12. 7057. 20 avril 1899. Rapport du commerce de Ssê-mao en 1898.
4 Archives Nationales de France. F12. 7057. 27 avril 1903. Rapport du commerce de Ssê-mao en 1901 et 1902.
5 Archives Nationales de France. F12. 7057. 29 octobre 1903. Maisons de commerce français à Mongtze.

302
Sur la voie maritime, l’importance de Haiphong dans le commerce de la soie dans l’Asie
du Sud-Est est très modeste par rapport à celle de Hongkong, et très peu nombre de
navires français arrivent à Haiphong après l’occupation française. Le nouveau privilège
de France sur le tarif de douane après la guerre de l’Indochine ne favorise donc guère
le commerce des soies entre la France et la Chine.
Nous pouvons, dès à présent, répondre à la première question de l’introduction de
cette section : avec l’abolition du quota d’exportation, l’uniformisation des impositions
des droits et la réduction des tarifs, la Chine, à l’échelle de l’exportation des soies, est
effectivement plus ouverte sous le régime de douane de 1843 que sous le régime du
commerce de Canton. De plus, ce régime d’ouverture établi en 1843 évolue très peu
durant le siècle. Autrement dit, la soie s’exporte de Chine dans un régime de douane
plus libre-échangiste après les années 1840. Dès lors, il nous reste à répondre à la
deuxième question. Quelle est la relation entre le nouveau régime de douane et la
croissance du commerce de la soie entre la France et la Chine ?

D Impacts de l’évolution du régime des droits de douane sur le commerce de la


soie entre la France et la Chine du 19e siècle.
Comme il a été dit dans l’introduction de cette section, le point de vue
conventionnel de l’impact de l’évolution du régime douane avant et après la guerre de
l’opium sur le commerce extérieur chinois est que : l’ancien régime de douane a
énormément freiné le commerce extérieur chinois avant la guerre de l’opium, et les
échanges extérieurs de la Chine sont beaucoup plus dynamiques sous le nouveau régime.
Généralement, cette conclusion est plutôt raisonnable, ce qui peut être prouvé par
l’évolution de la valeur du commerce extérieur chinois à long terme. Selon les données
du graphique IV-11-A, la valeur totale annuelle d’échanges extérieurs de la Chine
s’accroît beaucoup plus lentement pendant la période du commerce de Canton (1757-
1842) par rapport celle du le nouveau régime de douane. De l’année 1757 au début du
19e siècle, cette valeur monte de 23 millions taëls à 73 millions taëls, puis stagne entre
65-75 millions taëls jusqu’à la veille de la guerre de l’opium. Autrement dit, pendant

303
les 85 années du système du commerce de Canton, le commerce extérieur chinois s’est
multiplié par un peu plus de 3, ou 50 millions de taëls au niveau de la valeur absolue.
Pendant la période du nouveau régime de douane, les échanges extérieurs de la Chine
atteignent 168 millions taëls à la veille de la guerre sino-japonaise de 1894, puis une
croissance très forte a lieu de 1894 à 1913 avec l’ouverture de l’intérieur de la Chine.
Depuis la mise en œuvre du nouveau régime de douane à la veille de la Première Guerre
mondiale (environ 70 ans), le commerce extérieur chinois est multiplié par 10, et une
croissance de 650 millions taëls est réalise en valeur absolue. Évidemment, cette vitesse
de croissance a très largement dépassé celle du commerce extérieur sous l’ancien
régime de douane.

Graphique IV-11-A Évolution de la valeur totale du commerce extérieur de la Chine


1758-1912 (valeurs moyennes par période 10 ans)1

800
700
millions taëls

600
500
400
300
200
100
0
1758- 1768- 1778- 1788- 1798- 1808- 1818- 1827- 1843- 1853- 1863- 1873- 1883- 1893- 1902-
1767 1777 1787 1797 1807 1817 1827 1837 1852 1862 1872 1882 1892 1902 1912

Périodes

Graphique IV-11-B Évolutions des valeurs d’exportation de la Chine 1817-19142

1 Les données pendant les années 1758-1837 proviennent de HUANG Qichen. « Le commerce extérieur de
Canton pendant la dynastie de Qing d’avant 1842 ». Recherches de l’histoire économique de la Chine.N°4.
1988.p.78. (黄启陈:清代前期广东的对外贸易,中国经济史研究,1988年第4期,第78页。)
Les données pendant les années 1843-1858 proviennent de SHU Yuqin. Histoire du commerce extérieur de Chine.
Beijing. Éditions de l’Université de l’économie et du commerce extérieur. 2004. Vol.2.p.332.(孙玉琴 : 《中国对
外贸易史》 ,第2册,北京:对外经济贸易大学出版社,2004年,第332页。)
Les données pendant les années 1859-1912 proviennent des Archives Nationales de Chine (deuxième), le bureau
général de la douane de Chine : les archives de la douane ancienne de Chine, Vol 1-60.(中国第二历史档案馆,
中国海关总署办公厅:中国旧海关史料,第1-60卷。)
2 Les données pendant les années 1817-1833 proviennent de YAO Xiangao. Les sources de l’histoire du commerce

extérieur de Chine à l’époque moderne 1840-1895. Beijing. pp.254-257.(姚贤镐: 《中国近代对外贸易史资料


1840-1895》 ,第254-257页。)
Les données pendant les années 1843-1858 proviennent de SHU Yuqin. Histoire du commerce extérieur de
Chine. Beijing. Éditions de l’Université de l’économie et du commerce extérieur. 2004. Vol.2. p.332.(孙玉琴 :
304
1200
1000
millions taëls

800
600 importation
400 exportation
200
0
1817
1821
1825
1829
1833
1846
1850
1854
1858
1862
1866
1870
1874
1878
1882
1886
1890
1894
1898
1902
1906
1910
Années

De plus, cette conclusion est également valable pour la relation entre le


changement des régimes de douane et la valeur de l’exportation de la Chine du 19e
siècle. Selon le graphique IV-11-B, l’exportation chinoise augmente très lentement du
début du siècle jusqu’aux années 1840, et sa croissance ne commence à accélérer
qu’après la mise en œuvre du nouveau régime de douane. De 1817 à 1843, l’exportation
de la Chine s’accroît de 19 millions taëls à 25 millions taëls, soit seulement une
croissance de 6 millions en 26 ans. De 1843 à 1913, la valeur d’exportation de la
Chine monte de 25 millions de taëls à 404 millions de taëls, soit une multiplication de
12 et une croissance absolue de 379 millions, ce qui prouve que l’exportation chinoise
est beaucoup plus dynamique sous le nouveau régime de douane.
Cette conclusion est-elle, alors, toujours incontestable pour notre histoire --- les
impacts de l’évolution du régime des droits de douane chinois sur l’échange de la soie
entre la France et la Chine? L’exportation de la soie chinoise vers la France est-elle
freinée par la politique de quotas d’exportation, et s’accroît-elle plus rapidement après
la simplification et la baisse des droits d’exportation de 1843 ?
Le cas des impacts du changement de régime douanier sur l’échange de la soie
entre les deux pays est plus complexe que le cas du commerce général. Révisons

《中国对外贸易史》 ,第2册,北京:对外经济贸易大学出版社,2004年,第332页。)
Les données pendant les années 1859-1912 proviennent des Archives Nationales de Chine (deuxième), le bureau
général de la douane de Chine : les archives de la douane ancienne de Chine, Vol 1-60 (中国第二历史档案馆,
中国海关总署办公厅:中国旧海关史料,第1-60卷。)

305
l’évolution de l’exportation directe de la soie chinoise en France de la première moitié
du 19e siècle (Tableau II-6). Nous avons déjà précisé dans le chapitre II que, à cause
d’une offre suffisante des matières de soies dans la région méditerranéenne, la France
n’importe que très peu de soie de l’Extrême-Orient pendant la première moitié du 19e
siècle. À cette époque, l’échange de la soie entre la France et la Chine était donc presque
nul, et la quantité n’était pas loin d’atteindre le quota du gouvernement chinois. Cet état
ne change qu’après les années 1850 (10 ans après la mise en œuvre du nouveau régime
de douane en Chine), où a lieu le ravage des pébrines sur la sériciculture européenne.
Autrement dit, l’échange de la soie entre la France et la Chine est effectivement très
peu important pendant l’époque du commerce de Canton, mais cela n’est pas à cause
de l’ancien régime de douane chinois ; l’exportation de la soie chinoise vers la France
s’accroît effectivement plus rapidement pendant l’époque de nouveau régime de douane,
mais la cause principale n’est pas non plus la mise en œuvre du nouveau régime.
Toutefois, il ne faut pas affirmer que la croissance de l’exportation de la soie
chinoise en France n’a aucune relation avec le nouveau régime des droits. Tout d’abord,
l’abolition du quota sur l’exportation des soies chinoises depuis 1843 donne la
possibilité d’exporter les soies chinoises en grande quantité, ce qui a sans doute éliminé
un obstacle important pour l’augmentation du commerce de la soie entre la France et la
Chine ultérieurement. Nous allons démontrer dans la section suivante que le nombre
des navires français sortis de Chine ne se monte qu’à 50-100 par an pendant les années
1860-1890, alors que les quantités annuelles d’importation de la soie chinoise vers la
France atteignent déjà 2 000 000-4 000 000 kilogrammes. Si le quota du gouvernement
chinois sur l’exportation de la soie---maximum 500 kilogrammes par navire--- n’est pas
encore annulé, il est impossible pour la France d’importer autant de soie que ce dont
elle aurait besoin : pour transporter 2 000 000-4 000 000 kilogrammes de soie vers la
France, il faudrait 4 000-8 000 navires par an, ce qui aurait très largement dépassé la
capacité de navigation entre la France et l’Extrême-Orient de l’époque.
Ensuite, la baisse des tarifs de douane sur les soies grège dans le nouveau régime
de douane a renforcé l’avantage du prix d’exportation des soies chinoises, ce qui a
assuré la compétitivité des soies chinoises sur le marché français pendant la deuxième
306
moitié du 19e siècle. Dans l’ancien régime, les tarifs de douane sur les soies grèges
comptent pour environ 5-6.5% 1 (selon les différentes sortes) de leur prix avant
l’exportation. Cette proportion diminue à 2-4% après les années 1840,2 et se maintient
jusqu’à la Première Guerre mondiale. En d’autres termes, le tarif de douane sur la soie
a diminué sous le nouveau régime de douane à environ la moitié de celui de l’ancien
régime, soit de 10 taëls par picul ou 2 francs par kilogramme. Si la différence de 2
francs par kilogramme n’est pas vraiment indispensable pour le débouché des soies
chinoises qui possèdent un avantage de prix relativement large sur le marché français
pendant les années 1850-1860, cette différence sera très importante pour la croissance
successive de l’exportation des soies chinoises vers la France après les années 1870,
quand l’avantage du prix se fait de plus en plus modeste. Nous allons démontrer dans
la prochaine section que, à partir des années 1870, le décalage des prix des soies
chinoises avec celles d’autres pays devient de plus en plus réduit, parfois seulement
quelques centimes. Vis-à-vis de la concurrence des soies d’autres pays, surtout des soies
japonaises, la diminution des tarifs de douane de sortie de 2 francs par kilogramme à
partir des années 1840 a assuré la prolongation du statut de domination des soies
chinoises sur le marché français après les années 1870.
En conclusion, même si le nouveau régime de douane sur la soie mis en œuvre à
partir de 1843 n’est pas la cause principale du démarrage de la croissance du commerce
de la soie entre la France et la Chine depuis 1850, elle sera une condition fondamentale
pour l’augmentation du commerce pendant les décennies suivantes. Grâce à l’abolition
du quota, l’échange des soies entre les deux pays est possible et devient de plus en plus
prospère pendant les années 1850-1860 ; tandis que cette prospérité peut se prolonger
après les années 1870 grâce à la baisse du tarif de sortie. Ces deux dernières mesures
de côté de la Chine, avec des tarifs d’entrée relativement bas sur la soie du côté de la
France, ont fortement réduit les barrières à la circulation des soies entre les deux pays,
et ont rendu possible l’échange des soies en grande quantité entre les deux pays.
Jusqu’à ici le rôle de l’un des deux éléments des plus importants qui fait avancer

1 Cette proportion est calculée selon les données du tableau III-7.


2 Cette proportion est calculée selon les données du tableau III-7 et du tableau III-9.
307
l’intégration du marché global souligné par K.H.O’Rourke et J.G.Williamson, a été
confirmé---les barrières de douane---dans la croissance de l’échange de la soie entre la
France et la Chine pendant le 19e siècle. Nous allons considérer le rôle de l’autre
élément---l’amélioration des moyens de communication et de transport au 19e siècle---
dans la section suivante.

308
IV-3 Amélioration des moyens de transport entre la France et la Chine

et convergence du prix des soies sur le marché international

Le 19e siècle connaît une véritable Révolution dans le transport maritime. D’un
côté, la Révolution industrielle s’appuie sur la vapeur permettant de faire fonctionner
des bateaux à vapeur, ce qui permet des innovations techniques se poursuivant tout au
long du 19e siècle : en 1819, la première traversée transatlantique par un bateau doté
d’une machine à vapeur est réalisée l’hélice remplace les roues à aubes à partir de
1837 le fer se substitue au bois pour la construction de la coque au milieu du 19e
siècle la technique des doubles hélices commence à se vulgariser dans la construction
des bateaux pendant la seconde moitié du siècle, etc. Toutes les innovations ont fait
baisser considérablement le coût du transport et en même temps ont réduit largement
le temps de ce transport : les frais de transport sur les liaisons internationales ont été
divisés par quatre entre 1820 et 1850, et le trajet de Londres à New York diminue de 30
jours à 9 jours entre 1840 et 1890. Par ailleurs, de nombreux Canaux (le Canal de Suez,
le nouveau Canal de Kiel, le Canal d’Erié, etc.) sont construits pour relier des rivières,
des lacs, des mers et des océans, ce qui a encore fait diminuer de beaucoup le temps de
trajet et les frais de transport maritime.
Pendant les dernières deux décennies, les effets économiques de la Révolution de
transport maritime ont attiré de plus en plus l’attention des historiens économiques. En
1995, P.Krugman a publié un article sur la question « pourquoi le commerce mondial
s’est accru », et affirme que, théoriquement, la croissance du commerce mondial est
forcément liée aux innovations techniques de transport.1 Sa conclusion est plus tard
mise en question par S.L.Baier et J.H.Bergstand en 2001. D’après leur calcul, la
contribution de la réduction du coût de transport à la croissance économique est très
limitée.2 K.H.O’Rourke et J.Williamson étudient la relation entre la baisse du coût de

1 P.Krugman. “Growing World Trade: Causes and consequences”. Brookings Papers on Economic Activity. 1995.
N°1. 327- 377
2 S.L.Baier and J.H.Bergstrand. “The Growth of World Trade: Tariffs, Transport Costs, and Income Similarity”.

Journal of International Economics. Vol 53. N°1. 2001. pp.1-27.


309
transport et l’évolution des prix de différents marchés atlantiques, et déterminent la
corrélation entre convergence des prix et baisse du coût de transport 1
dans un autre
ouvrage auquel K.H.O’Rourke a collaboré avec R.Findlay publié en 2007, les auteurs
démontrent que la baisse de coût de transport aboutit non seulement à la croissance du
volume du commerce international, mais aussi à la variation de nature des
marchandises transportées 2
en 2010, D.S.Jacks et K.Pendakur ont publié un article
pour réexaminer le problème de corrélation entre croissance du commerce et coût de
transport. Ils ont comparé les données de différentes époques, et concluent que le coût
de transport joue un rôle important pour la croissance du commerce international
pendant certaines périodes au lieu d’être un facteur constant. 3 Dans une récente
publication de 2013, D.Chilosi et G.Federico ont repris le problème des facteurs de
l’intégration de marché international. En observant le cours de l’intégration des
marchés d’Asie avec le reste du monde pendant une période assez longue (1800-1938),
les auteurs ont trouvé que la baisse de coût a joué un rôle très important dans la période
1870-1838 plutôt qu’à toutes les époques.4
L’influence des activités maritimes sur l’évolution économique de la Chine est en
même temps un thème largement discuté par les historiens. Par exemple, les deux
ouvrages Nanhai I and the Maritime Silk Road5 et The Seaside World: Studies on the
History of Trade in South China Sea and Sino-Foreign Relations de Chine 6 de Li
Qingxin, la publication Wen-China. Chinese Circulations: Capital, Commodities and
Networks in Southeast Asia7 de E.Tagliacozzo et le travail The Maritime Culture of the
South China Sea de de Situ Shangji8 ont tous abordé sur la relation entre les activités

1 K. H. O’Rourke and J. Williamson. Globalization and History. Cambrige et London. The MIT Press.1999.
2 R. Findlay and K.H.O’Rourke. Power and Plenty. Princeton and Oxford. Princeton University Press. 2007
3 D.S.Jacks and K.Pendakur. Global trade and the maritime transport revolution. The review of Economics and

Statistics. Vol 92. n°4. 2010. pp. 745-755


4 D.Chilosi and G.Federico. Asian Globalizations : Market Integration, trade and economic growth. 1800-1938.

Economic History Working Papers. N°123. 2013.


5 LI Qingxin. Nanhai I and the Maritime Silk Road. Beijing. China Intercontinental Press. 2010.(李庆新: 《南海
一号与海上丝绸之路》 ,北京:五洲传播出版社,2010年。)
6 LI Qingxin. The seaside world : Studies on the History of Trade in South China Sea and Sino-Foreign Relations.

Beijing, Zhong Hua Shu Ju.2010 (李庆新: 《濒海之地:南海贸易与中外关系史研究》 ,北京:中华书局,


2010年。)
7 E.Tagliacozzo. Wen-China. Chinese Circulations: Capital, Commodities and Networks in Southeast Asia. Duke

University Press. 2011.


8 SITU Shangji. The Maritime Culture ofa Sea. Zhongshan University Press. 2009 (司徒尚纪: 《中国南海海洋
文化》 ,广州:中山大学出版社,2009年。)
310
maritimes dans Nanhai et le développement l’économie chinoise.
Nous allons analyser, dans cette section, la relation de la Révolution des transports
avec l’intégration de l’économie euroasiatique en observant le cas du commerce de la
soie entre la France et la Chine. Pour cela, nous allons d’abord discuter le rôle de la
mise en service de la Compagnie des Messageries Maritimes et de l’ouverture du Canal
de Suez dans la croissance du commerce de la soie entre la Chine et la France, et
ensuite analyser tous les facteurs (y compris les conditions de transport) qui sont
susceptibles de conduire à la convergence du prix, un symbole important de
l’intégration économique, dans les marchés des soies eurasiatiques et leur importance.

A Infériorité de la navigation française avec la Chine par rapport à l’Angleterre


avant les années 1860
« Les opérations absolument directes de France en Chine et de Chine en France
sont l’exception, et n’ont véritablement, dans l’état actuel des choses, qu’un intérêt
secondaire… Fauteuil s’étonne que ce choix porte exceptionnellement sur un navire
français, lorsque, sur les quatre cents bâtiments qui appareillent chaque année de
Shanghai, on n’en compte que trois ou quatre sur lesquels flotte notre pavillon. Ce n’est
pas d’ailleurs pour la mer de Chine que nos ports arment leurs meilleurs clippers, et
quand il s’en trouve dans les eaux du Wousoung ou Tchou-kiang, leur retour est
rarement direct. Je ne dis rien de la différence du prix du fret. De sorte que, pour ne
parler que des soies de Chine, elles nous arrivent toute autre façon que par navires
français en droiture ; soit, c’est le cas plus ordinaire et le plus favorable, par les
streamers de la Compagnie Péninsulaire et Orientale1, à Marseille, via over land, soit
par les mêmes streamers, mais jusqu’à Southampton, de Southampton à Londres, et de
Londres à Lyon ; soit par navire à voiles anglais, ou par d’autres bâtiments à voiles,
jusqu’à Londres.»2 Ces dernières remarques de Natalis Rondot nous ont transmis à
quel point la navigation entre la Chine et la France se situe encore véritablement dans

1 La Compagnie Péninsulaire et Orientale a été créée en 1837. Elle est l’une des plus grandes compagnies des
bateaux à vapeur anglaise à l’époque.
2 N.Rondot. Chambre de commerce de Lyon. Commerce de la France avec la Chine. p.22-23.

311
un état sous-développement du 18e siècle jusau’au début des années 1860, ce qui est en
même temps confirmé par les statistiques maritimes.

Graphique IV-12 Comparaison du nombre des navires dans les commerces anglais-
chinois et franco-chinois1

120
Nombre des navires

100
80 Nombre des navires
anglais
60
Nombre des navires
40 français
20
0
33 37 41 53 77 84 87 90 02 28 31 38 41
17 17 17 17 17 17 17 17 18 18 18 18 18
Années

Rappelons-nous la comparaison faite au début du Chapitre I : le nombre des


navires français se situe à une position inférieure absolue par rapport à ceux de
l’Angleterre sur la mer de Chine avant les années 1840 (elle se manifeste plus
clairement dans le diagramme ci-dessus). De plus, la quantité d’échange et les
navigations directes entre la Chine et la France pourraient même être plus modestes que
les chiffres mentionnés ci-dessus puisque, premièrement, les navires français arrivés en
Chine sont souvent des « petits bateaux », dont les tonnages sont compris entre 300 et

1 Le chiffre de 1698 provient de P.Pelliot. L'origine des relations de la France avec la Chine. Le premier voyage de
l'Amphitrite en Chine.p.115.
Le chiffre de 1701 provient de YANG Yuanhua. L’histoire de la relation entre la Chine et la France. p.9.
Les chiffres de 1704, de 1713 et de 1714 viennent de ZHANG Yanshen. Les études sur l’histoire de la relation
diplomatique entre la Chine et la France. p. 17.
Les chiffres de 1716 à 1833 proviennent du tableau de comparaison entre les navires commerçaux d’angleterre et
de France de 1716 à 1833, YAO Xiangao. Les données du commerce extérieur de la Chine moderne 1840-1895.
Beijing. Librairie de Zhonghua. 1982 p. 300(姚贤镐: 《中国近代对外贸易史料,1840-1895》 ,北京:中华书
局,1982年版,第 300页。 )
Les chiffres de 1837 à 1840 proviennent du tableau de la Navigation directe d’Angleterre, d’Etats-Unis et de France
de 1837 à 1840, Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine,
Faits commerciaux n°1, Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852. pp. 82-83.
Les chiffres de 1841 à 1842 proviennent du tableau de la Navigation directe dans les mers des Indes-orientale et de
l’Indochine de 1839 -1842, Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine
et Indochine, Faits commerciaux n°4, Paris. Imprimerie et Librairie administrative de Paul Dupont. 1852, p.2.
Le chiffre de 1843 provient des Archives du Ministère des affaires étrangères Canton 1 1824-1844 67CCC
1.pp.111-114. Lettre de C.Alex.Challaye.
Le chiffre de 1844 provient des Archives du Ministère des affaires étrangères, Canton 2 1845-1865 67CCC 2. pp.
1-2 : 1er Janvier 1845, lettre de Charles Lefevre de Bécourt.
312
400 tonneaux, certains même de moins de 300 (voir le Diagramme IV-12).1 Ces « petits
bateaux » non seulement limitent les quantités d’échange, mais augmentent également
et sont plus soumis aux risques d’accidents maritimes. Deuxièmement, en observant les
origines et les destinations dans le tableau ci-dessus, on trouve que les navires français
font escale à Manille avant d’arriver en Chine, et que certains navires sont même
originaires de Manille. De fait, les vaisseaux français s’arrêtent souvent au milieu du
trajet pour la Chine. Leurs escales peuvent être Manille, Singapore, les pays des Indes,
etc. Pendant leurs escales, ils se ravitaillent, mais aussi vendent la plupart des
marchandises apportées. Le Capitaine de corvette commandant l’Héroïne relate son
expérience du commerce avec l’Asie dans son rapport en 1843 :« Nos navires passent
tous à Manille et souvent à Batavia avant d’arriver à Macao ; il leur est facile d’y
débarquer les 3 sur 5 de leurs cargaisons provenant de France, de les remplacer par du
riz, qui est à vil prix à Manille, et est presque toujours d’une facile défaite à Canton ».2
Certaines notes sur des compositions des valeurs d’échange des bateaux français vers
l’Asie au milieu du 18ème siècle confirment l’estimation du Capitaine. « L’Auguste »
part pour la Chine le 18 novembre 1751. Ayant vendu 511 299 livres de marchandises
à Pondichéry, il lui reste seulement 420 livres de cargaisons quand il arrive à Canton.
Le « Puysieux », qui est parti le 21 octobre 1752, emporte trois cargaisons : « 108 337
livres pour l’Île-de-France, la seconde, d’une valeur de 66 437 livres pour l’île Bourbon,
et, la troisième pour la Chine, celle-ci avec une somme de 188 402 livres ».3

Tableau IV-13 Navigation française en Chine pendant l’année 18444

1 Il est facile de trouver d’autres notes sur les tonnages des navires français, qui remarquent aussi qu’ils sont
souvent de moins de 400 tonneaux. Par exemple, du 1 er juillet 1842 au 1er juin 1843, le tonnage total des 10 navires
français (entrée et sortie) est 3428 tonneaux, moins de 350 tonneaux en moyenne pour chaque navire. Voir
Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°9. pp. 33-36.
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°5. p.17


3 J.Meyer. La France et l'Asie : essai de statistiques - 1730-1785 : état de la question. Histoire, économie et

société. 1982, 1e année, n°2. p. 306.


4 Archives du Ministère des affaires étrangères Canton 1 1824-1844 67CCC 2. p.144

313
Bâtiments Arrivés de Parties Pour Tonnages
Lèocadie 20 janvier Manille et Bordeaux 298
Sospel 8, févier Bordeaux par Manille 4 mai Bordeaux 246.07
Méloé 14, mai Manille et Iles Marquises 26 mai Singapore 378
Orient 25 juin Manille 1er juillet Bordeaux 321
Icolas 17 novembre Le Havre par Manille 377.64
Panurge 20 novembre Le Havre par Manille 28 décembre Manille 389.12
Tonnage
1181.83 Tonnage de sortie 1692.19
d’entrée

L’ouverture de Chine à la France après 1844 n’améliore guère l’infériorité de la


navigation de la France vers la Chine. Bien que, selon les statistiques du tableau IV-11,
les mouvements des navigations entre la Chine et la France connaissent un certain
progrès pendant les deux premières décennies de l’ouverture de la Chine à la
France (tant par le nombre de navigations que par les tonneaux totaux de transport entre
les deux pays se sont multipliés, presque par 10 de 1845 à 1863), il faut remarquer que,
pendant cette période, la capacité de navigation des bâtiments sous pavillon français est
toujours très faible par rapport à celle d’autres pays occidentaux, surtout par rapport à
celle de l’Angleterre. Cela se manifeste par, d’une part, les quantités absolues des
marchandises que des navires français transportent, qui sont relativement modestes. Par
exemple, 21 094 tonnes de marchandises sont transférées par 53 vaisseaux français
entre la Chine et la France en 1863 ; mais pendant cette année, 379 bâtiments sous
pavillon anglais naviguent entre la Chine et la grande Bretagne en portant 213 114
tonnes de marchandises.1 D’autre part, la navigation directe entre la France et la Chine
est souvent dominée par les pavillons étrangers. Citons le fait que, en 1860, les tonneaux
totaux des navigations directes entre la Chine et la France se montent à 77 563, mais le
pavillon français en occupe seulement 35 810, soit seulement 46% de la totalité.2

Tableau IV-14 Mouvement de la navigation directe entre la France et la Chine sous


pavillon français 1845-18633

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°37, p.7
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°20, p.7


3 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

314
Années Entrée Sortie Total
Navires tonneaux Navires tonneaux Navires tonneaux
1845 4 872 4 1249 8 2121
1846 4 1280 4 1280 8 2560
1847 6 2015 14 4560 20 6575
1848 10 3625 2 604 12 4229
1849 3 863 2 756 5 1609
1850 2 819 2 819
1851 5 1444 5 1444
1852 3 912 3 785 6 1697
1853 5 1825 32 10156 37 11981
1854 5 2205 17 5600 22 7805
1855 37 13655
1856 10 4105 17 7679 37 11784
1857 3 1326 1 702 4 2006
1858 9 3842 8 4406 17 8248
1859 4 1690 50 25749 54 27439
1860 7 2772 62 33038 69 35810
1861 5 1953 25 12093 30 14046
1862 1 170 28 16650 29 17120
1863 5 1819 48 19275 53 21094

Cette performance défavorable des navires français dans les mouvements de


navigation sur la mer de Chine n’est nullement un hasard. Un élément très important
est la rapidité moindre des navires français, conduite par leur sous-développement au
niveau du système énergique en comparaison avec ceux de l’Angleterre de l’époque.
Avant les années 1860, presque tous les vaisseaux français naviguant sur la mer de
Chine sont encore des bateaux à voiles, mais l’Angleterre a déjà mis en service des
navires à vapeur. Le premier inconvénient de ces bateaux à voiles est une durée de
voyage trop longue sur un trajet de longue distance. Limitée par la force du vent et le
courant de l’océan, la vitesse de navigation des bateaux à voiles est largement inférieure
à celle des navires. Pendant les années 1850, la vitesse maximum des grands navires à
voiles ne dépasse pas 7.5 miles marins par heure, quand celle des navires à vapeur peut

commerciaux n°11, p.14, Fait 14. p.11. fait 16. p. 12. Fait 23, p. 10. Fait 24.p.37. Fait 26, p.19. Fait 27. p.15. Fait
31. p. 12. Fait 33. p. 20. Fait 36. p. 72.
315
atteindre 12 miles marins par heure. De plus, pour recharger les approvisionnements,
les bateaux à voiles doivent effectuer plus d’escales pendant le trajet, ce qui va
prolonger leur durée de navigation. Un rapport du Ministère du Commerce et
l’agriculture français remarque que « L’état stationnaire de notre navigation à voiles
dans ces contrées de l’Extrême-Orient tient à ce qu’aucun bâtiment ne vient de France
sans faire escale dans tous les ports intermédiaires, ce qui rend la durée du voyage si
considérable que les négociants renoncent généralement à se servir de navires
français. » 1 « Ils s’arrêtent, soit à Manille, soit à Vampoo, soit à Singapore, et ils
stationnent dans ces rades jusqu’à ce que leur chargement soit effectué »2. Avec une
vitesse moindre et plus d’escales, en conséquence, un vapeur a seulement besoin de 50
à 60 jours pour le trajet de Shanghai en France, quand il faut 4 à 5 mois pour un bateau
à voiles pour le même trajet au milieu du 19e siècle.3
Le deuxième inconvénient des navires à voiles est un fret plus élevé. Le fret d’un
vaisseau à voiles français qui navigue entre la France et la Chine coûte beaucoup plus
cher que celui de l’Angleterre. Selon des rapports des délégués français en Chine, le
fret d’un navire français se monte en moyenne à 200 francs la tonne de Bordeaux à
Shanghai en 1845, tandis que la moyenne du fret des navires anglais et américains se
monte seulement de 3 livres 1/2 à 4 livres sterling ( 87 francs 50 centimes à 100 francs)
pour le même trajet 4 ; en 1854, il faut payer 4 livres sterling (115 francs) à un navire
anglais ou 16 piastres (88-96 francs ) à un navire américain si l’on cherche à transporter
une tonne de marchandises, mais le fret du navire français s’accroît alors à 220 francs
la tonne.5 Beaucoup de délégués français, à l’époque, attribuent la hausse du fret des
navires français à la forte rémunération des armateurs français. Par exemple, lorsqu’un
délégué français en Chine, J.-G. Houssaye, a évoqué la question « pour la même
destination et la même nature de marchandises, pourquoi une différence aussi

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°37. p.8.
2 Archives Nationales de France. F12. 6498. Réflexions sur notre commerce avec la Chine. p. 9.
3 N.Rondot. Chambre de commerce de Lyon. Commerce de la France avec la Chine. p.16.
4 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°10. p.500.


5 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°22. p.15.


316
énorme ? », il a répondu : « Les gages de nos matelots, les appointements de nos
capitaines ne sont pas aussi élevés que chez nos voisins ; les approvisionnements se
font à meilleur marché dans nos ports que dans les leurs ; mais nos craintifs armateurs
veulent gagner cent pour cent ; que leur importe la question des intérêts généraux,
pourvu qu’ils réalisent promptement des bénéfices gigantesques. »1 Cependant, la forte
rémunération des armateurs n’est pas le seul élément conduisant au fret élevé des
navires français à l’Extrême-Orient. La cause essentielle pour ce fret élevé ramène au
problème de la petite taille des navires francais vers la Chine. D’après les données du
le tableau IV-11, les vaisseaux à voiles sous pavillon français naviguant sur la mer de
Chine sont des bateaux entre 300 et 400 tonneaux. Mais les navires anglais sont souvent
beaucoup plus larges, souvent dépassant 1 000 tonneaux par navire. Avec de petits
bateaux à voiles, plus d’approvisionnement aux escales va sans doute augmenter le coût
de transport des navires français. En même temps, le moyen particulier de percevoir le
« droit de navire » en Chine augmente encore le coût des petits navires, parce que
lorsqu’un navire entrait dans un port chinois, « ces droits étaient aussi élevés pour un
bâtiment de 400 tonneaux que pour un de 1 400 » 2 . En conséquence, les frais de
transport pour chaque tonne de marchandise sont alors beaucoup plus élevés pour des
navires français que pour les navires anglais.

B Mise en service de la Compagnie des Messageries Maritimes vers l’Extrême-


Orient et fin du monopole de l’Angleterre sur le transport maritime euro-asiatique
La faiblesse de la navigation entre la France et la Chine restreint sévèrement la
croissance commerciale des deux pays. Surtout, afin d’assurer a production des soieries,
il est nécessaire pour les fabricants français d’importer la soie chinoise après les ravages
de la pébrine en France en 1854, mais l’absence de moyen de transport convenable
freine réellement l’importation de la soie chinoise en France. D’un côté, comme il a été
démontré ci-dessus, le fret des vaisseaux français est trop élevé, tandis que leurs durées

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°22. p.15.
2 Archives Nationales de France. F12. 6498. Réflexions sur notre commerce avec la Chine. p. 10.

317
de voyage sont trop longues. De l’autre côté, bien que le fret des vapeurs anglais soit
moins cher et leurs durées soient plus courtes, la capacité de transport de la Compagnie
Péninsulaire et Orientale de l’Angleterre, (seul service à vapeur de Chine en Europe
pendant les années 1850) est souvent insuffisante pour les commerçants de soie français.
La cause est que « la soie est une marchandise légère, que le tonneau d’encombrement
ne pèse guère que trois cents kilogrammes, et que l’on ne peut donner à un steamer un
chargement entier de soies, parce que les risques seraient trop élevés pour être couverts
par les Compagnies d’assurances… donc, on ne charge que deux milles à deux mille
cinq cents balles par bateau à vapeur». De plus, cette Compagnie anglaise privilégie
souvent les propriétaires de cargaison anglais, ce qui conduit au fait que « cette
insuffisance est plus marquée pour les Français ». En conséquence, l’importation des
soies du marché de Londres devient le seul moyen d’achat des soies chinoises pour les
fabricants des soieries français, bien qu’il faille payer des droits de douane très élevés
en Angleterre et en France pendant l’âge du protectionnisme (nous avons déjà précisé
la composition du prix de la soie chinoise réexporté de l’Angleterre en France dans le
chapitre III). Avec l’espérance du commerce direct avec la Chine, les Lyonnais
soupirent que « Lyon, qui est le premier marché des soies, n’est pas le plus grand
entrepôt de cette riche matière ! » La création d’une ligne maritime régulière entre la
France et la Chine, logiquement, devient une affaire des plus urgentes pour l’industrie
des soieries de France.
La Chambre de commerce de Lyon transmet l’une de ses délibérations qui
mentionnent toutes les difficultés sur le transport des matières de soies au Ministre de
l’agriculture et du commerce, et le gouvernement répond qu’il va « établir un service
direct de transports par bateaux à vapeur entre la France, l’Inde et la Chine avec tous
les moyens en son pouvoir ».1
Le 1er janvier 1863, la Compagnie des Messageries Impériales2 ouvre une ligne
directe entre Hong-Kong et Marseille, ce qui est le symbole de la création de la ligne

1 N.Rondot. Chambre de commerce de Lyon. Commerce de la France avec la Chine. p.14-17


2 Cette compagnie est renommée en « la Compagnie des Messageries Maritime » depuis 1871.
318
maritime régulière entre la France et la Chine.1 Une ligne annexe de Hong-Kong et
Shanghai est mise en œuvre simultanément pour assurer la navigation entre Shanghai
et Marseille par réexpédition. Mais il n’y a qu’un steamer, l’« Hydaspes » de 584
tonneaux qui dessert cette ligne annexe, ce qui est évidemment insuffisant pour la
demande des commerçants français. Deux paquebots plus grands, tels que la
« Bourdonnais » et le « Dupleix » de 900 tonneaux environ participent ultérieurement
à cette ligne maritime, cette insuffisance ne diminuant guère. On crée ensuite une ligne
directe entre Shanghai et Marseille en 1865, assurée par des énormes navires comme le
« Yarra » et le « Salazie » ayant plus de quatre mille tonneaux de jauge brute. 2
Shanghai devient, à partir de ce moment, l’un des plus importants terminus de la grande
ligne de Marseille en Extrême-Orient. Des navires de la ligne de Shanghai à Marseille
desservent aussi à Hong-Kong, on appelle aussi cette ligne Shanghai---Hong-Kong---
Marseille ; elle deviendra la plus importante ligne de transport de la soie chinoise vers
la France pendant tout le reste du 19e siècle.3

Tableau IV-15 Cours moyen général du fret et des Assurances maritimes de la soie du
port de Shanghai pour l’année 1875 (balle).4

Navires à vapeur français Navires à vapeur anglais


Pays de Destination
Fret(taëls) Assurance Fret(taëls) Assurance
Marseille 3.11 1.50% 3.11 1-1.5%
Londres 3.11 1.50% 3.11 1-1.5%

Tous les navires qui desservent la ligne orientale sont désormais de grands bateaux
à vapeur, ce qui signifie un moins élevé fret et une plus grande vitesse. La moyenne du
coût de transport de Marseille à Shanghai diminue immédiatement à 70 francs la tonne,
ce qui est presque le meilleur prix de transport entre les deux ports.5 Surtout, les frets

1 YAN Zhongping. L’histoire économique de la Chine pendant l’époque moderne 1840-1814. p.309.(严中平: 《中
国近代经济史1840-1914》 ,第309页。)
2 Archives Nationales de France. F12. 7508. Rapports consulaires antérieurs Chine 1809-1906(3).
3 La Compagnie des Messageries Maritimes installe aussi ses agences à Tianjin en 1865 et à Chefou en 1888, mais

ces lignes au nord de la Chine sont toujours moins dynamiques.


4 Archives Nationales de France. F12. 7508. Rapports consulaires antérieurs Chine 1809-1906(3).
5 Archives Nationales de France. F12. 7508. Rapports consulaires antérieurs Chine 1809-1906(3).

319
des navires sous pavillon français transportant la soie descendent progressivement au
même niveau que ceux de l’Angleterre (voir le Tableau IV-15). La durée de voyage
entre les deux ports se réduit aussi à 50-60 jours. Afin de diminuer encore la durée de
navigation de cette ligne, la Compagnie supprime les escales de Manille et Penang sur
la suggestion du gouvernement, ce qui réduit de 8 376 milles marins le trajet de
Shanghai en France. 1 Après l’ouverture du canal de Suez, la durée de voyage se
raccourcit à 40 jours. Cette durée est à peu près la même que celle des vapeurs anglais.2
Le service de navigation de la Compagnie est au départ mensuel. Avec la croissance des
échanges entre la France et la Chine, la Compagnie ajoute une ligne bimensuelle.3 Les
navires du service mensuel sont paquebots-poste au départ de Marseille à destination
de Yokohama (par Hong-Kong et Shanghai) ; les navires de la ligne bimensuelle sont
des cargo-boats au départ d’Anvers desservant Dalian, Tsingtau, Hankow, Shanghai, et
le Japon.4 Ces deux lignes garantissent la capacité du transport et la régularité du trafic
entre la Chine et la France. La Compagnie renouvelle souvent les navires qui desservent
cette ligne pour lutter contre la rivalité d’autres compagnies maritimes étrangères. Elle
est la première compagnie qui se sert de la vapeur de doubles hélices sur la mer de
Chine, ce qui élève la vitesse de navigation à 16 miles. 5 Avec ces vapeurs, il faut
seulement d’environ 30 jours pour le trajet de Marseille à Shanghai.
Simultanément, la Compagnie des Messageries Maritimes a institué la première
agence d’assurance française en Chine. Par suite de la prédominance des voies
maritimes, les assurances maritimes ont un rôle prépondérant. Ces assurances couvrent
divers dangers : l’avarie, la perte, le vol de la marchandise, etc. De plus, à cause du rôle
de plus en plus important des banques sur le commerce international, l’assurance du
transport maritime est non seulement une précaution, mais dans la plupart des cas, est
une obligation, les banques, qui offrent le service des traites aux maisons européennes,

1 YAO Xiangao. Les sources de l’histoire du commerce de Chine pendant l’époque moderne. pp. 309-310. (姚贤
镐: 《中国近代对外贸易史资料1840-1949》 ,第309-310页。)
2 Archives Nationales de France. F12. 7224. 12 avril 1907. Durée des traversées de Marseille à Shanghai.
3 Les statistiques des navigations étrangères en Chine. Journal de Shen. 29. novembre. 1926. (《外商在华行业之

统计》 (中), 《申报》 ,1926年11月29日。)


4 Archives Nationales de France. F12.7224. Shanghai. 1907-1908. 14 mai 1912. Rapport sur la situation

commerciale et industrielle de Chanhai en 1911.


5 M.F.Berneron-Couvenhes. Les Messageries Maritimes. L’essor d’une grande compagnie. Paris. Presses de

l’Université Paris-Sorbonne. 2007. p.190.


320
exigeant le certificat d’assurances pour éviter toute difficulté en cas de naufrage. En
1844 (juste après la Guerre de l’opium), il existe déjà 25 établissements offrant le
service d’assurances maritimes aux ports chinois, mais ils appartiennent tous aux
entreprises anglaises. Deux des plus grandes maisons anglaises, la Jardine Matheson et
Cie et la Dent et Cie en possèdent 11 parmi les 25 établissements.1 Autrement dit, le
service d’assurances maritimes des ports chinois est complètement monopolisé par les
Anglais au début de l’ouverture de la Chine. Il n’existe aucune compagnie ou agence
d’assurance française en Chine à la veille de la création de la Compagnie des
Messageries Maritimes.2 Les navires français sont obligés d’acheter leurs assurances
aux agences d’assurances étrangères, mais ces derniers offrent souvent des avantages
aux commerçants domestiques. Cela conduit souvent à une infériorité pour les
commerçants français lorsqu’ils concourent avec les étrangers. À plusieurs reprises,
l’Union des marchands cherche à organiser des assurances mutuelles, mais ce projet
n’a pas abouti, car les marchands n’étaient pas assez nombreux.3 Pour résoudre cette
difficulté pour les commerçants lyonnais et stimuler ses nouvelles affaires en
l’Extrême-Orient, la Compagnie des Messageries Impériales décide d’offrir également
le service d’assurance maritime aux propriétaires de cargaison à partir de 1863 comme
un service coordonné du service de navigation.4 En conséquence, les envois directs
entre la France et la Chine sont de plus en plus fréquents, et de plus en plus commerçants
Français préfèrent envoyer leurs marchandises avec les navires français.5
La création de la ligne orientale de la Compagnie des Messageries Maritimes met

1 LIN Rizhang. Activités économiques avant et après la Guerre de l’opium. Mémoire de Master à l’Université
normale de Fujian. 2001. p.49. (林日杖: 《鸦片战争前后外国在华洋行经济活动初探》 ,福建师范大学硕士学
位论文,2001年,第49页。)
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°10, p.401.


3 L.Gueneau. Lyon et le commerce de la soie. p. 185.
4 Institut d’économie de l’Académie des Sciences Sociales de Shanghai. Le commerce extérieur de Shanghai

1840-1989. p. 86.
5 Selon Lyon et le commerce de la soie de L.Gueneau, il existe deux moyens de payement pour les marchandises

importées sur le marché international : F.O.B ou C. A.F. Les initiales F.O.B correspondent à l’expression anglaise :
free on bord. La valeur étrangère livre simplement à bord du navire. Le fret, l’assurance et toutes les autres
dépenses accessoires sont à larges de l’acheteur. L’expression C.I.F (en anglais : cost, insurance, freight), ou C.A.F
veut dire coût, assurance, fret. Le vendeur étranger accepte un prix à forfait, qui englobe ces trois éléments. Cette
dernière méthode supprime, pour l’acheteur, tout imprévu et toute démarche supplémentaire. Cependant, une
campagne se dessine en France en faveur du système F.O.B, de manière que l’acheteur puisse choisir des navires
français, dans l’intérêt de leur maritime et de leur échange. En Extrême-Orient, les négociants lyonnais en soie
n’utilisent guère que le système C.A.F et il est difficile de faire autrement.
321
fin au monopole des navires anglais sur la navigation des soies entre l’Europe et le
monde oriental. En concluant la performance de l’échange direct de la soie entre la
France et la Chine en 1863 (première année de la création de la ligne orientale de la
Compagnie des Messageries Impériales), un rapport du Ministère du Commerce et de
l’Agriculture remarque que «Les expéditions directes pour France des soies de
l’extrême Orient ont été jusqu’à présent peu en rapport avec les besoins de notre
consommation. Il y a lieu cependant de constater que ces envois ont doublé depuis 1859.
L’établissement de la ligne de paquebots français qui relie aujourd’hui Marseille à la
Chine favorisera cette heureuse tendance et amènera, il faut l’espérer, dans le commerce
de soies, le déplacement rationnel que réclame cette branche vitale de notre industrie. »1

Tableau IV-16 Exportations des soies grèges et moulinées de Chine et du Japon (balle)2

Années Angleterre France Total


1859-60 63 706 5 431 69 137
1860-61 80 295 8 439 88 754
1861-62 67 653 5 669 73 332
1862-63 72 844 10 420 83 264

En 1868, une autre grande Compagnie maritime de l’Angleterre, Ocean


Steampship Company, s’engage dans la concurrence avec la Compagnie des
Messageries Maritimes et la Compagnie Péninsulaire et Orientale.3 Afin d’éviter la
rivalité et de gagner plus de bénéfice, ces trois grandes Compagnies maritimes en Chine
(citées ci-dessus) signent une convention entre elles et établissent une « Alliance de
Navigation » en 1879. 4 Selon la convention, les tarifs des frets de toutes les
compagnies dans cette alliance seront standardisés, tandis que les trois compagnies

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°37, p.28.
2 Idem
3 YAN Zhongping. L’histoire économique de la Chine pendant l’époque moderne 1840-1894. p.1206. (严中平:

《中国近代经济史1840-1914》 ,第1206页。)
4 F.E.Hyde, J.R.Harris. BLUE FUNEL : a history of Alfret Holt and Company of Liverpool From 1865 to 1914.

Liverpool. Liverpool University Press. 1957. p. 56.


322
devront répartir des quantités des marchandises transportées dans l’Alliance. 1 Pour
lutter contre les compagnies extérieures, l’Alliance prend une mesure appelée « la
ristourne dilatoire ». Cela signifie que tous les propriétaires qui transportent leurs
cargaisons avec des navires de l’Alliance peuvent obtenir une ristourne égalant 10% du
fret déjà payé, sous la condition d’employer des navires de l’Alliance pour transporter
leurs marchandises dans les prochains 6 mois.2 Le but de cette mesure est de maintenir
la « loyauté » des propriétaires de cargaison, et de faire toujours appel aux services des
navires de l’alliance. Les propriétaires accepteront logiquement une telle condition,
parce qu’ils profiteront du transport au meilleur prix offert par l’Alliance. Le transport
des marchandises entre l’Europe et l’Extrême-Orient est désormais largement maîtrisé
par l’Alliance, qui est en réalité une nouvelle organisation de monopole. À cause de la
concurrence de l’Alliance, les compagnies maritimes plus petites sont ruinées l’une
après l’autre. Un délégué commercial anglais rappelle que :« La navigation sur la mer
de Chine est maitrisée entièrement par l’Alliance. L’année dernière, un très beau navire
qui s’appelle le Philipe a été obligé de partir de Hankou puis de Shanghai sans aucune
marchandise. Aucun navire en dehors de l’Alliance ne vient à Shanghai ou Hankou pour
transporter des marchandises. » 3 Grâce au soutien de l’Alliance de navigation, la
Compagnie des Messageries Maritimes monopolise progressivement le transport entre
la Chine et la France. Sur les 8 453 837 kilogrammes de soies transportée de Canton en
France en 1911, 7 421 164 kilogrammes sont transportés par la Compagnie des
Messageries Maritimes, 984 984 balles par la Compagnie Péninsulaire et Orientale
(anglaise), 25 000 par le Hamburg Amerika Line (allemande), et 23 400 par le Nippon
Yuaen Kaisha (japonaise).4 La proportion de la Compagnie des Messageries Maritimes
atteint 87.78%.
Néanmoins, il faut aussi remarquer que, en assurant le transport direct des soies

1 A.J.H.Latham. The international economy and the underdeveloped world, 1865-1914. London. Croom Helm
Ltd. 1978. p.23.
2 F.E.Hyde, J.R.Harris. BLUE FUNEL : a history of Alfret Holt and Company of Liverpool From 1865 to 1914.

Liverpool. Liverpool University Press. 1957. p. 56.


3 NIE Baozhang. Les sources de l’histoire des navigations de Chine pendant l’époque moderne. Vol 1. p.699. (聂

宝璋: 《中国近代航运史资料》,上册,第699页。)
4 Archives du Ministère des Affaires étrangères. 148CPCOM567 Chine, relation commerciale avec la France

1912-1915. pp. 9-10.


323
entre la Chine et la France, le monopole de la Compagnie des Messageries Maritimes
conduit aussi au déclin de l’ensemble du nombre de navigations françaises. De fait,
lorsque de plus en plus de compagnies maritimes anglaises, américaines, allemandes et
japonaises sont créées par les commerçants à la fin du 19e siècle malgré la concurrence
de l’Alliance1, il n’existe toujours qu’une compagnie de navigation au long cours sous
pavillon français en Chine. Un consul français se rappelle que, en 1892, « seulement un
navire français qui ne lui (Messageries Maritimes) appartient pas. C’est un vapeur
chargé de porter à Tiensin des matériaux de construction à des industriels français qui
y ont entrepris des travaux pour le gouvernement chinois. »2 Jusqu’à la fin du 19e siècle,
les navires français en Chine en dehors de la Compagnie des Messageries Maritimes
sont toujours en majorité des bateaux à voiles, 3 qui se chargent seulement des
transports à courte distance entre les ports chinois. 4 La création de la deuxième
compagnie (la Compagnie Asiatique de Navigation) des vapeurs français n’a lieu qu’en
1903, et ses vapeurs desservent seulement le Fleuve de Yangzi. 5 En 1907, la
Compagnie Française des Indes et de l’Extrême-Orient crée une Compagnie des
Messageries Cantonaises à Canton, dont les vapeurs naviguent seulement entre Hong-
Kong et Canton. 6 Les mouvements des navigations de France en Chine sont, en
conséquence, toujours beaucoup moins dynamiques que ceux de d’Angleterre,e t même
moins dynamiques que ceux d’Allemagne (voir le tableau IV-17).

Tableau IV-17 Mouvements des navigations des pavillons français, anglais allemands
et japonais en Chine 1866-1913 (ensemble d’entrées et de sorties)7

1 Il existe beaucoup de conflits à l’intérieur de l’Alliance après sa création, l’Alliance ne fonctionne donc pas de
façon stable que prévu. Pour se dégager de la restriction de l’alliance, les commerçants commencent aussi à utiliser
les navires hors de l’Alliance qui sont moins chers.
2 Archives Nationales de France. F12. 7058 Rapports consulaires antérieurs Chine. 1809-1906(3). 18 janvier 1893.

Navigation des ports ouverts de Chine 1892


3 Archives du Ministère des Affaires étrangères. Pékin 242CCC 4 1869-1877. p. 314.
4 Archives du Ministère des Affaires étrangères. Pékin 242CCC 4 1869-1877. pp. 107-112.
5 North China Herald. 21. août 1903. p. 401. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai.
6 A. Right. Twentieth Century Impressions of Hong Kong, Shanghai and other Treaty Ports of China. London.

Lloyd’s. Greater Britain publishing Company. 1908. pp. 208-209.


7 Les archives nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la douane de Chine : les archives de la

douane ancienne de Chine. Beijing. Editions de Jinghua. 2001. Vol 3-63.(中国第二历史档案馆,中国海关总署


办公厅: 《中国旧海关史料》 ,北京:京华出版社,2001年,第3-63卷。)
324
Français Anglais Allemand Américain Japonnais
navires tonneaux navires tonneaux navires tonneaux navires tonneaux navires tonneaux
1866 234 108918 8276 3921851 2248 620322 3602 1957687 4 1996
1867 217 112587 7964 3711080 2232 611841 2926 1673754 1 809
1868 249 139165 7165 3332092 1772 467087 3623 2237327 12 4168
1869 218 109173 6727 3052320 2387 666266 4165 2746515 2 476
1870 194 79824 6577 3125590 1304 370607 4547 3004746 …. ….
1871 277 135829 7160 3330881 1480 428747 4600 3187643 …. ….
1872 223 164346 8360 3954130 1976 607948 5174 3471293 14 5108
1873 189 151233 6935 3645557 1702 492033 5001 3483203 3 734
1874 145 137253 7382 4738793 1638 530377 4279 3184360 2 480
1875 239 165551 8277 5167435 1577 561577 3836 2777367 92 96533
1876 228 170749 8604 5181643 1587 661668 3547 2410421 125 117134
1877 167 163389 9042 6497352 1376 496908 1446 556112 106 115263
1878 174 160073 9973 7439373 1983 743457 1018 341942 126 123887
1879 164 154993 10609 8126004 1907 721046 931 270632 157 138208
1880 128 150207 12397 9606156 1501 632044 1070 287396 201 167902
1881 103 135734 13416 10332248 1632 728207 870 224730 227 185892
1882 192 172381 14337 10814779 1864 882856 762 167801 250 194584
1883 177 181056 14205 11003269 1610 774017 593 150703 256 194861
1884 48 93963 14141 12132949 1758 939763 2381 2140741 296 215105
1885 46 73355 13522 11842255 2230 1217685 2524 2261750 286 211585
1886 123 158400 16193 14006720 2702 1499296 413 143799 380 270002
1887 121 180890 15917 14171810 2749 1480083 255 66593 409 306169
1888 176 268644 15115 14069260 2762 1570035 234 84455 326 281900
1889 179 269002 15763 14903750 2656 1582648 178 75977 528 411667
1890 174 239700 16897 16087895 2140 1343964 155 82946 629 505181
1891 172 264660 17718 17438995 2520 1911897 133 67093 76 98221
1892 144 252920 18973 19316815 2016 1466133 111 61328 84 111570
1893 167 259687 19365 19203978 2142 1508015 63 78175 101 132613
1894 293 348291 20527 20496347 2429 1983605 107 129127 92 138472
1895 266 341345 19579 20525798 2684 2422185 92 86127 90 130218
1896 427 434413 19711 21847082 2000 1945019 143 165578 546 565992
1897 464 423112 21140 21891043 1838 1638094 333 269780 653 660707
1898 477 420078 22609 21265966 1831 1685098 743 239152 2263 1569134
1899 822 613191 25350 23338230 2078 1854246 716 310107 3712 2839741
1900 978 664987 22818 23052459 3527 4032147 1311 474479 4917 3871559
1901 1208 733041 23012 26151332 6641 7542829 1241 898063 6115 5518376
1902 1511 833759 24758 26950202 6046 7220146 1295 493831 6898 7350513
1903 2569 1178200 25297 28122987 6424 7310427 1736 559686 7554 7965358
1904 2647 1264320 31298 32933873 6841 7602304 2716 924809 5755 4290350
1905 6184 1699121 30442 35095659 7337 8187871 689 1293416 25850 6238918
1906 5514 3125749 28192 33450560 6315 7477518 582 1351200 25108 11376430
1907 5072 4712188 27495 33316618 5864 6639767 549 1045899 29296 15598213
1908 3901 5071689 28445 34405761 5496 6585671 653 998775 30708 18035138
1909 5141 4919889 27699 34026704 5854 7243742 815 806523 30808 18949404
1910 3766 4923492 28000 34253439 5361 7060521 1286 725279 31187 18903146
1911 2602 3154157 28885 34712440 4848 6849069 1373 712161 21259 19172727
1912 1836 1634468 31909 38106732 4778 6171684 1622 715001 20091 19913385
1913 1020 1232763 32186 38120300 5382 6320466 2458 898750 22716 23422487

C Ouverture du Canal de Suez et avantage de la France sur l’importation de la


soie chinoise
Le Canal de Suez est mis en œuvre au début de l’année 1870, et le premier
bâtiment via le Canal arrive en Chine le 19 mars.1 Évidemment, cet événement est très

1 North China Herald. A Retrospect of Political and Commercial Affairs in China. 1868-1872. p.127. Fonds de la
Bibliothèque municipale de Shanghai.
325
significatif pour l’amélioration du transport entre l’Europe et l’Extrême-Orient : d’un
côté, la longueur absolue de la ligne du Canal du Suez entre l’Extrême-Orient et
l’Europe se réduit à environ 2/3 de celle de la ligne de Bonne Espérance. De l’autre
côté, sans suffisamment de stations de charbons autour du continent africain, il n’était
pas possible pour de petits bateaux à vapeur de voyager jusqu’aux pays asiatiques par
la ligne de Bonne Espérance.1 L’ouverture du Canal de Suez donne à tous les bateaux
à vapeur la possibilité de s’approvisionner en charbons par Gibraltar, Malta et le Port
Saïd, ce qui accélère la propagation de l’énergie à vapeur dans la navigation occident-
orientale. 2 En conséquence, les bateaux à voiles sont remplacés très vite par des
bateaux à vapeur dans la ligne entre l’Extrême-Orient et l’Europe, et la durée de voyage
diminue à 30-40 jours entre les deux continents.3
L’ouverture du Canal de Suez est aussi significative pour le commerce international
de la soie pendant les dernières décennies du 19e siècle. Elle met fin à la position
inférieure de la France sur l’importation des soies asiatiques par rapport à l’Angleterre.
On a déjà vu que Londres était le plus grand entrepôt des soies d’Europe grâce à sa
prédominance dans la navigation maritime entre l’Europe et la Chine. Les fabricants
des soieries dans les pays continentaux, surtout en France, devaient importer la soie
chinoise par Londres en payant un droit de douane très élevé. Grâce à la création de la
ligne maritime directe entre Marseille et la Chine, on a brisé le monopole de navigation
de l’Angleterre sur la ligne maritime orientale, mais il faut remarquer le fait que les
quantités d’importation directe des soies chinoises en France sont encore bien
inférieures à celles de l’Angleterre après l’ouverture de la ligne orientale de la
Compagnie française. Si l’on établit que la mise en service de la Compagnie des
Messageries maritimes était une condition importante pour le commerce direct des soies
entre la France et la Chine, c’est l’ouverture de Canal de Suez en 1870 qui redresse
définitivement la situation inférieure de Marseille. Avant l’ouverture du Canal, les

1 C.Sichko. The Influence of the Suez Canal on Steam Navigation. Thèse soutenue à l’University of Colorado
Boulder. 2011. p.488.
2 M.E.Fletcher. The Suez Canal and World Shipping. 1869-1914. Journal of Economic History. 1958. N°18.

p.560.
3 WANG Xiang. La transformation de l’industrie de la soie de Chine pendant l’époque moderne. p .68.(王翔:

《中日丝绸业近代化比较研究》,第68页。)
326
navires à destination de la France (et même certains navires français) s’habituent à faire
escale d’abord à Londres, puis continuent à naviguer pour Le Havre. À cause de la mise
en œuvre du Canal du Suez après 1870, la distance de Shanghai à Marseille devient
plus courte que celle de Shanghai à Londres. En conséquence, la plupart des navires
pour Londres sont obligés de passer la méditerranée, et parfois même font escale à
Marseille ou à Bordeaux.1 Désormais, les soies chinoises transportées en Europe n’ont
plus besoin de passer par Londres. Au contraire, elles sont envoyées directement à
Marseille, qui est plus proche des vendeurs (Shanghai) et des acheteurs
(Lyon). Révisons les données qui ont été démontrées dans le deuxième chapitre (tableau
II-10). Cinq ans après l’ouverture du Canal (1875), la quantité d’importation des soies
chinoises en France dépasse celle de l’Angleterre. Lyon devient, désormais, le plus
grand marché et le plus grand entrepôt de la soie au monde, jusqu’au début du 20e siècle.
La conclusion de K.H.O’Rourke et J.G.Williamson sur le rôle positif de
l’amélioration des moyens de transport pour la croissance du commerce international
est de nouveau prouvée par le cas du commerce de la soie entre la France et la Chine.
La mise en service des Messageries Maritimes a élargi l’importation directe de la soie
chinoise en France, tandis que l’ouverture du Canal de Suez offre définitivement à la
France l’avantage sur le commerce de la soie avec la Chine. Nous pouvons conclure
que les deux éléments que K.H.O’Rourke et J.G.Williamson ont soulignés, la baisse
des barrières de douane et l’amélioration des conditions de transports, sont aussi
significatifs pour la croissance du commerce de la soie eurasiatique que celle du
commerce atlantique.
Cependant, il reste encore une question : entre les deux éléments, tarif de douane
et amélioration des conditions de transport, lequel est plus important pour la
croissance du commerce international ? K.H.O’Rourke et J.G.Williamson n’ont pas
répondu à cette question lorsqu’ils ont étudié le commerce atlantique. Quant au
commerce asiatique, ils ont écrit que « peut-être le plus grand tremblement de
globalisation à l’Asie ne concerne en rien du tout la révolution du transport », mais est

1NIE Baozhang. Les sources de l’histoire des navigations de Chine pendant l’époque moderne. Vol 1. p.662.(聂
宝璋:中国近代航运史资料,上册,第662页。 )
327
principalement dû à l’ouverture à l’occident par la force.1
Il est vrai que les deux éléments sont indispensables pour cette croissance : le
commerce de la soie entre les deux pays ne peut s’accroître autant sans l’annulation du
quota d’exportation du côté chinois, et il n’est pas non plus possible d’avoir une
performance aussi spectaculaire sans l’avantage du transport de la France par rapport à
l’Angleterre, comme O’Rourke et Williamson l’ont indiqué. Néanmoins, il faut
remarquer que l’effet de l’amélioration des conditions de transport sur la croissance de
cet échange est beaucoup plus direct et plus efficace que la baisse des barrières de
douane. Si l’on révise le graphique de l’évolution de l’échange de la soie entre la France
et la Chine(Graphique II-6), on va découvrir que la courbe de la quantité d’échange est
beaucoup plus sensible à l’élément du coût de transport après les années 1860 qu’à
l’annulation du quota d’exportation de la soie en Chine après les années 1840 ou au
niveau très bas du tarif d’entrée sur la soie en France. Pour la croissance du commerce
eurasiatique, le rôle de l’amélioration de la condition de transport est donc plus essentiel
que celui des tarifs de douane.

D Convergence du prix des soies sur le marché international


Les recherches sur l’influence des barrières de douane et du coût de transport sur
l’évolution des prix dans le commerce international sont représentés par le travail de
K.H.O’Rourke et J.G.Williamson. Les deux auteurs ont, dans leur ouvrage
Globalization and History, comparé les prix de nombreuses natures de marchandises
(tant agricoles que non-agricoles, y compris blé, orge, seigle, avoine, viande, café, laine,
coton textile, acier, cuivre, étain, charbon, etc.) sur des marchés des deux côtés de
l’océan Atlantique (surtout ceux de l’Angleterre et des États-Unis) pendant 1870-1913.
En observant les données, ils ont découvert que les écarts des prix de ces marchandises
dans les marchés des deux côtés de l’Atlantique ont fortement diminué sous l’influence
des baisses des tarifs de douanes et du coût de transport.2 Ils ont enfin conclu qu’une
tendance de convergence du prix des marchandises s’est manifestée avec évidence dans

1 K.H.O’Rourke and J.G.Williamson. Globalization and History. p.54.


2 K.H.O’Rourke and J.G.Williamson. Globalization and History. pp.43-53.
328
les ports de deux côtés de l’Atlantique à cause des changements du tarif de douane et
du coût du transport. K.H.O’Rourke et J.G.Williamson estimaient que cette conclusion
est toujours valable au-delà du commerce atlantique, surtout dans le commerce
eurasiatique Mais ils ne l’ont pas vérifié.
La lacune du travail de K.H.O’Rourke et J.G.Williamson est d’une certaine façon
comblée par les recherches récentes de D.Chilosi et G.Federico, publiées en 2013 sous
le titre de « Asian globalisation : market intergration trade and economic growth, 1800-
1938 »1 . Par rapport aux recherches de K.H.O’Rourke et J.G.Williamson, celles de
D.Chilosi et G.Federico ont non seulement élargi les objets de recherche du commerce
atlantique (marchés de l’Angleterre et des États-Unis) au commerce occident-oriental
(marchés de l’Angleterre, des États-Unis, de l’Inde, de l’Indonésie, de Chine, et du
Japon ), mais aussi prolongé la période de recherche, de 1870-1913 à 1800-1938. De
plus, ils ont non seulement démontré le phénomène de la convergence des prix dans le
commerce occident-oriental, mais aussi analysé la corrélation des principaux éléments
(tarif de douane, révolution du transport, etc.) avec la convergence du prix. Quant aux
marchandises à comparer, D.Chilosi et G.Federico ont souligné que les marchandises
étudiées devaient être de même qualité, et elles devaient être représentatives du flux
commercial d’alors. Cela est important pour la recherche de comparaison du prix des
marchandises dans le commerce international, mais négligé par K.H.O’Rourke et
J.G.Williamson. En tenant compte de tous les éléments ci-dessus, D.Chilosi et
G.Federico concluent qu’il existe autant une convergence du prix pendant l’époque de
la « première globalisation (1800-1870)» que pendant « l’époque de la deuxième
globalisation (1870-1938)». La convergence pendant la première époque est
principalement due au changement de politique commerciale (de monopole du
commerce au commerce libéral dans les pays asiatiques), et celle pendant la deuxième
époque est déterminée par la baisse du coût de transport après 1870.
Malgré toutes ces contributions, les recherches de D.Chilosi et G.Federico ne sont
pas parfaites non plus. La conclusion ci-dessus est plutôt valable pour le commerce de

1 D.Chilosi and G.Federico. Asian Globalizations : Market Integration, trade and economic growth 1800-1938.
Economic History Working Papers. n°123. 2013.
329
l’Inde avec l’Angleterre et celui de l’Indonésie avec les Pays-Bas, parce qu’elle se
fonde principalement sur les données d’échange des quatre pays. Il y a beaucoup moins
de données sur le commerce de l’Occident avec l’Extrême-Orient, lesquelles ne
concernent que des échanges de deux marchandises : celle du thé entre Canton et
l’Angleterre, ainsi que celle de la soie de la Chine et du Japon avec l’Europe et les États-
Unis. Surtout, pour le commerce de la soie entre l’Extrême-Orient et l’Occident, les
auteurs n’ont adopté que les données entre 1876 et 1914. Le résultat qu’ils ont obtenu,
qui démontre que le décalage des prix entre Lyon et Shanghai ne diminue que de 2.07%
pendant cette période, ne peuvent donc pas refléter exactement la réalité de la
convergence du prix dans le commerce de l’Extrême-Orient avec l’Occident avant et
après la révolution du transport.
Afin de réparer l’inconvénient des recherches de D.Chilosi et G.Federico, nous
allons observer l’évolution des prix des soies sur les marchés de la Chine et ceux de la
France et de l’Italie pendant une durée plus longue, de 1857 à 1914. Nous avons choisi
le milieu des années 1850 comme notre date de départ, parce que cette date est le début
du flux des grandes qualités de soie asiatique sur le marché de l’Europe continentale,
alors que le prix des soies en Europe continentale commence à être sous l’influence de
celui des soies asiatiques. Pour unifier la qualité des soies que nous allons comparer,
nous n’adopterons que les prix des soies de meilleure qualité dans chaque marché. De
plus, il faut remarquer que le prix de la soie change toutes les semaines, il est donc très
variable à l’intérieur d’une même année. Pour réaliser la comparaison à un long terme,
les prix des soies qu’on utilise sont les prix moyens de chaque année.

Graphique IV-18 Évolution du prix des soies de quatre pays dans les marchés
domestiques (francs/kilogramme) 1

1 Les données pendant 1857-1882 proviennent de Bulletin des soies et des soieries de Lyon-Revue Hebdomadaire
Lyonnaise. Lyon. Administration.6, Janvier 1883.
Les données pendant 1883-1887 proviennent de Bulletin des soies et des soieries de Lyon-Revue Hebdomadaire
Lyonnaise. Lyon. Administration. 7, Janvier 1888.
Les données pendant 1888-1899 proviennent de Bulletin des soies et des soieries de Lyon-Revue Hebdomadaire
Lyonnaise. Lyon. Administration. 5, Janvier 1901.
Les données pendant 1900-1904 proviennent de Bulletin des soies et des soieries de Lyon-Revue Hebdomadaire
Lyonnaise. Lyon. Administration. 4, Mars 1905.
Les données pendant 1905-1908 proviennent de Bulletin des soies et des soieries de Lyon-Revue Hebdomadaire
330
160
140
120
100
Prix

80
60
40
20
0
1860
1857

1863
1866
1869
1872
1875
1878
1881
1884
1887
1890
1893
1896
1899
1902
1905
1908
1911
1914
Soie française(Lyon)
Années Soie Italienne(Milan)
Soie chinoise(Shanghai et Canton)
Soie japonaise(Tokohama)

Selon les données du tableau IV-18, les prix de la soie française, de la soie
italienne et de la soie chinoise évoluent presque parallèlement avant l’année 1865.
Pendant cette période, la soie française de premier ordre au marché de Lyon est toujours
40-50 francs plus chère que Tsatlées par kilo, la meilleure soie chinoise du marché de
Shanghai. Il existe également 20-30 francs de décalage entre un kilo de soie italienne
et un kilo de soie chinoise pendant cette période. Cela prouve que les changements de
la politique commerciale chinoise depuis 1840 n’ont guère d’influence durable sur
l’évolution du prix de la soie en Chine et à l’étranger. Autrement dit, l’élément de la
politique commerciale contribue très peu à la convergence des prix des soies sur les
différents marchés internationaux de la seconde moitié du 19e siècle.
Les marchands de soie français commencent à résister à la soie chinoise à cause
de la détérioration de la qualité des soies chinoises à partir de la fin des années 1860,

Lyonnaise. Lyon. Administration. 1er, Mai 1909.


Les données pendant 1909-1912 proviennent de Bulletin des soies et des soieries de Lyon-Revue Hebdomadaire
Lyonnaise. Lyon. Administration. 5, Avril 1913.
Les données pendant 1913-1914 proviennent de Bulletin des soies et des soieries de Lyon-Revue Hebdomadaire
Lyonnaise. Lyon. Administration. 10, Juin 1916.
Le prix de la soie française est celui de la soie grège de France de 1er ordre ; le prix de la soie italienne est celui
de la soie grège de l’Italie et de Piémont de 1er ordre ; le prix de la soie chinoise est celui de la soie de Tsatlées(辑
里丝) pendant 1857-1877, celui de la soie filature de Canton pendant 1878-1899, et celui de la soie filature de
Shanghai pendant 1900-1914, lesquelles des représentent les meilleures qualités de soie pendant les différentes
périodes ; le prix de la soie japonaise est celui de la soie filature du Japon.
331
ce qui conduit à la baisse du prix des soies chinoises sur le marché de Shanghai et sur
le marché international (nous allons revenir sur cet événement dans le chapitre suivant).
À cause de cette crise de la qualité de la soie chinoise 1 , la différence entre la soie
chinoise et la soie européenne s’est même élargie pendant une courte période après
l’amélioration des conditions de transport entre l’Extrême-Orient et l’Europe. Le
décalage des prix atteint 70 francs entre la soie chinoise et la soie française, et 50 francs
entre la soie chinoise et la soie italienne autour de 1870. La différence du prix de la soie
chinois avec ceux des soies européennes atteint son maximum de la seconde moitié du
19e siècle.
Cependant, c’est aussi à partir de ce moment que les prix des soies européennes
commencent à converger avec celui de la soie chinoise. Le décalage de leurs prix
reviennent tout d’abord au niveau d’avant la crise pendant 1871-1875 : de 70 francs à
50 francs entre la soie chinoise et la soie française et de 50 francs à 30 francs entre la
soie chinoise et la soie italienne. De 1876 à 1880, la différence entre le prix de la soie
chinoise et celui de la soie française diminue de 50 francs à 20 francs, et avec celui de
la soie italienne, diminue de 30 francs à 10 francs, soit une diminution de 3/5 et 2/3 en
5 ans. La décennie après l’ouverture du Canal de Suez devient donc une période où la
convergence des prix des soies sur les marchés orientaux et occidentaux. Ce fait
confirme de nouveau l’importance de l’élément de la baisse du coût de transport pour
la convergence des prix sur les marchés internationaux du 19e siècle.
Les prix des soies sur les marchés orientaux et occidentaux continuent à
converger progressivement pendant les deux dernières décennies du 19e siècle. Selon
le graphique, à partir de l’année 1900, il n’existe guère de différence du prix sur les
différents marchés de soie des deux côtés du continent eurasiatique. De 1900 à 1914,
les courbes des prix des soies sur les marchés de Lyon, de Milan et de Shanghai sont
presque combinées. En d’autres termes, la convergence des prix des soies sur le marché
international est déjà terminée à la fin du 19e siècle.

1 Les marchands de soie de France résistent la soie chinoise à cause de la détérioration de la qualité des soies
chinoises à partir de la fin des années 1860, ce qui conduit à la baisse du prix des soies chinoises au marché de
Shanghai et au marché international. Nous allons préciser cet événement dans un autre chapitre.
332
La convergence de 1880-1900 est certainement liée à l’effet durable de la
révolution du transport. Comme il a été montré, le remplacement des navires à voiles
par les navires à vapeur dans le transport de haute mer est un processus historique assez
durable. Jusqu’à 1880, la moitié du volume de transport de l’Angleterre et la France est
encore assurée par les navires à voile.1 De plus, une proportion considérable de navires
à vapeur dans le transport de haute mer sont encore ceux du modèle ancien avant les
années 1880. Beaucoup de nouvelles techniques, par exemple, les doubles hélices, ne
sont mises en œuvre dans les navires à grande échelle qu’après 1880.2 La propagation
des navires à vapeur et l’application des nouvelles techniques dans le transport maritime
eurasiatique abaissent successivement le coût de transport pendant les dernières deux
décennies du 19e siècle, ce qui conduit à la convergence durable des prix des
marchandises entre les différents marchés.
Cependant, l’amélioration des conditions de transport n’est pas le seul élément
essentiel qui aboutit à cette convergence des prix de la fin du 19e siècle. Un autre
élément tout aussi important, mais négligé par K.H.O’Rourke, J.G.Williamson,
D.Chilosi et G.Federico, est la convergence des qualités des marchandises à cause de
l’industrialisation à l’échelle du monde. Il n’existe pas encore de critère comparable
entre les soies européennes et les soies françaises pendant le 19e siècle. Même si on a
adopté les meilleures soies sur les marchés de France, de l’Italie et de Chine comme
nos objets à comparer, il y a toujours une différence entre ces trois types de soie au
niveau de la qualité. Cependant, ce qu’on peut comparer, est que la soie de Tsatlées, la
meilleure soie chinoise avant la mise en œuvre de la filature mécanique en Chine, est
une nature de soie manuelle. Elle n’est pas aussi homogène que les soies mécaniques
et moins compatible avec les métiers à tisser mécaniques en Europe, on considère donc
que sa qualité est moindre que les soies mécaniques européennes (nous allons préciser
les différences entre la soie manuelle et la soie mécanique dans le prochain chapitre). Il
en résulte que son prix est toujours beaucoup plus bas que les soies mécaniques
européennes, et il n’existe guère de convergence des prix des soies sur les marchés

1 T.May. An Economic and social History of Britain, 1760-1970, London. Longman. 1987. p.109.
2 W.R.Laird. The Scope of Renaissance Mechanic. Osiris. Chicago. University of Chicago Press. Vol.2. p.60.
333
chinois et européen avant l’année 1870. A cause de la détérioration de la qualité de
Tsatlées, le décalage entre les prix de la soie chinoise et les soies européennes voire
s’est élargi autour 1870.
Avec la vulgarisation de la filature mécanique dans la province de Guangdong
après les années 1870 (nous allons préciser la mécanisation de l’industrie de la soie en
Chine dans le prochain chapitre), la soie mécanique sur le marché de Canton remplace
Tsatlées comme la meilleure soie chinoise. Avec une qualité proche, les prix des soies
européennes se rapprochent graduellement de celui de la soie chinoise après les années
1870. Toutefois, les machines de filature de Guangdong ne sont pas encore similaires à
celles de l’Europe. Elles sont semi-mécaniques et semi-manuelles, et la soie cantonaise
n’a pas la même qualité que les meilleures soies européennes non plus. Ainsi il existe
toujours un décalage entre les prix des soies européennes et la soie chinoise avant les
années 1890.
La diffusion de la filature mécanique est plus tardive dans la région de Yangzi que
celle de la province de Guangdong. Jusqu’à l’année 1895, il n’y a que 12 filatures
mécaniques à Shanghai, et pas de filature mécanique dans les provinces de Zhejaing et
Jiangsu. Cependant, ce que les premières filatures mécaniques à Shanghai utilisent sont
des machines de filature de modèle italien, qui sont importées depuis l’Europe en Chine.
La soie mécanique de Shanghai, qui possède la même qualité que celle de l’Europe,
devient donc tout de suite la meilleure soie chinoise après sa fabrication. À la fin du 19e
siècle et au début du 20e siècle, de plus en plus de filatures mécaniques sont installées
dans la région de Yangzi pour fournir de la soie à l’Europe. Le flux de la soie chinoise
moins chère, mais avec la même qualité sur marché européen, fait descendre les prix
des soies européennes définitivement au même niveau de la soie chinoise, et la
convergence des prix des soies sur les marchés de l’Europe et de Chine est enfin à son
terme.
L’effet de la convergence des qualités sur la convergence des prix des soies sur les
différents marchés eurasiatiques peut être aussi prouvé par le cas de la soie japonaise.
Nous allons préciser dans le prochain chapitre que la soie fabriquée avec la filature
occidentale prend déjà une proportion considérable dans la production de la soie au
334
Japon depuis les années 1880. La convergence du prix de la soie japonaise avec celui
des soies européennes, selon ce que montre le graphique IV-15, est déjà terminée après
les années 1880. Il est évident que la convergence des prix entre la soie japonaise et la
soie européenne a un lien incontestable avec la convergence de leurs qualités.
En conclusion, la baisse du tarif de douane, qui est un élément important
conduisant à la convergence des prix des grains dans l’économie atlantique, n’a pas
autant d’importance pour la convergence des prix des soies dans l’économie
eurasiatique. En revanche, l’autre élément que K.H.O’Rourke et J.G.Williamson ont
souligné, la baisse du coût de transport, jouait effectivement un rôle essentiel pour la
convergence des prix de l’économie eurasiatique pendant la seconde moitié du 19e
siècle. Cela correspond à la conclusion de l’article de D.Chilosi et G.Federico. Mais
elle n’est pas le seul élément essentiel pour la convergence des prix de l’économie
eurasiatique. Un autre élément négligé par les historiens précédents, la convergence de
la qualité des produits parmi les différents pays avec l’industrialisation à l’échelle
globale, est une autre impulsion importante pour la convergence des prix sur les
marchés eurasiatiques, ce qui a été prouvé par nos recherches sur le cas des prix des
différentes soies de l’économie eurasiatique. Dans le chapitre suivant, nous allons
préciser ce dernier élément essentiel qui peut influencer considérablement la
convergence du prix des soies chinoises avec ceux d’autres pays : le parcours de la
mécanisation de l’industrie de la soie en Chine et sa relation avec le commerce extérieur
de la soie.

335
Chapitre V Impact industriel du commerce de la soie
entre la France et la Chine au 19e siècle

Nous avons évoqué, dans le chapitre précédent, les effets des tarifs de douane et la
baisse du coût du transport sur la croissance du commerce de la soie entre la France et
la Chine pendant le 19e siècle. Dans le présent chapitre, nous allons aborder un autre
élément qui influe très probablement sur l’évolution de l’échange de la soie entre les
deux pays : les industrialisations en France et en Chine.
De fait, la relation entre l’industrialisation et la croissance commerciale est une
question très classique déjà discutée par beaucoup d’historiens et d’économistes. Au
niveau de l’influence de la relation commerciale sur l’industrialisation des pays
occidentaux, P. Bairoch a examiné, dans son article le commerce international et genèse
de la révolution industrielle anglaise, 1
la contribution du commerce extérieur au
démarrage de l’industrialisation dans le cas de Grande-Bretagne d’après cinq critères,
et a conclu que le commerce extérieur n’avait joué qu’un rôle marginal dans les débuts
de l’industrialisation anglaise. Son point de vue n’est qu’en partie accepté par R.Findlay
et H.O’Rourke dans leur ouvrage plus récent Power and Plenty2. Ces deux derniers
auteurs affirment que le commerce extérieur n’est pas à l’origine de la Révolution
industrielle anglaise, mais qu’il serait plutôt un des facteurs de l’expansion de
l’industrialisation en Angleterre. Dans l’ouvrage Histoire économique de la France du
XVIII siècle à nos jours3, J-C. Asselain analyse pour le cas français l’effet industrialisant
du commerce extérieur et constate que le grand commerce a exercé un « effet
industrialisant » non négligeable.
Au niveau de l’impact commercial occidental sur l’industrialisation des pays
asiatiques, l’opinion conventionnelle (par exemple, affirmée par P.Bairoch dans son
ouvrage Mythes et paradoxes de l’histoire économique) est que l’échange avec les pays

1 P.Bairoch. Commerce international et genèse de la révolution industrielle anglaise. Annales, Economies, Société,
Civilisations, n°2, mars-avril 1973, p.541-571.
2 R.Findlay. H.O’ROURKE Kevin. Power and plenty. Trade, war, and the world economy in the second

millennium. New Jersey. Princeton University Press. 2007.


3 Jean-Charles Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. Éditions du Seuil. 1984.

336
occidentaux amène une désindustrialisation aux pays asiatiques à la suite de l’époque
de la Révolution industrielle. 1
Ce point de vue a été examiné par d’autres historiens.
Dans un article publié en 1990, Sanjay Subrahmanyam affirme que le déclin de
l’industrie textile du coton indien avait déjà commencé avant l’afflux des produits
industriels anglais.2 G.Riello souligne à la fin de son ouvrage Coton : The Fabric that
Made the Modern World que la relation commerciale conduit enfin à une convergence
du développement industriel entre l’Occident et l’Orient.3 Mau Chuan-Hui a montré
dans sa thèse et ses recherches4 que la communication des savoir-faire franco-chinois
et la mécanisation de l’industrie textile de la soie en Europe ont fait progresser les
techniques de l’industrie de la soie en Chine. Dans ce présent chapitre, nous choisirons
un nouvel angle---interaction des industrialisations des deux pays--- pour analyser la
relation entre l’industrialisation et le commerce extérieur au 19e siècle :
l’industrialisation des pays occidentaux a-t-elle un impact positif ou négatif sur
l’industrialisation des pays asiatiques ? Ces interactions ont-elles une influence sur
l’évolution du commerce entre les deux pays et si oui, de quelle manière ? Ou au
contraire, la dynamique du commerce de la soie entre les deux pays a-t-elle également
des effets sur les interactions des industrialisations de deux pays ?
La première partie du chapitre présentera les métiers traditionnels de la production
de soie en Chine. Avant les années 1850, toutes les soies chinoises exportées en Europe
sont fabriquées par ces métiers. La deuxième section se concentre sur la tension entre
les anciens métiers de production des soies chinoises et la mécanisation de l’industrie
des soieries en France. La révolution industrielle a lieu tout d’abord dans les pays

1 P.Bairoch. Mythes et paradoxes de l’histoire économique. p.79.


2
Sanjay Subrahmanyam. Rural Industry and Commercial Agriculture in the Late Seventeenth-Century South-
Eastern India. Past&Present. N°126. 1990. 107-108.
3 G.Riello. Cotton: The Fabric that Made the Modern World. New York. Cambridge University Press. pp.292-294.
4 MAU Chuan-Hui. L’industrie de la soie en France et en Chine de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle :

échanges technologiques, stylistiques et commerciaux. Paris. EHESS. 2002. 2 Vol.


Mau Chuan-Hui. L’introduction en Chine des sciences et des techniques européennes concernant l’industrie de
la soie après la guerre de l’Opium. Etudes chinoises. Vol. XX. N°1-2.
Les techniques séricicoles chinoises dans le développement de la sériciculture française de la fin du XVIIIe
siècle au début du XIXe siècle. Cahier d’Histoire et de Philosophie des Sciences. N°52. Lyon. ENS Editions.
2004.
Mau Chuan-Hui. Modernisation de la sériciculture à la fin de Qing et au début de République- entre « tradition »
et « modernité ». Recherche des cultures des métiers chinois – Héritage des techniques et des savoir-faire. Beijing.
Editions de la Bibliothèque Nationale. 2010. (毛传慧:清末民初的蚕桑改良-传统与现代之间,《中国近现代
行业文化研究-技艺和专业知识的传承与功能》 ,北京:国家图书馆出版社,2010年)

337
occidentaux, et la mécanisation de l’industrie des soieries françaises s’accélère après
les années 1870. Les matières de soies offertes par la Chine ne satisfont plus aux besoins
des productions mécaniques en France, il y a donc de plus en plus de critiques sur la
détérioration de la qualité de la soie chinoise de la part des commerçants et des
fabricants lyonnais. La troisième section montrera la réaction de Chine : afin de
satisfaire la demande du marché extérieur, la production de la soie en Chine commence
son chemin vers la modernisation depuis les années 1860, tandis que les modernisations
de la sériciculture et le système du contrôle qualitatif de la Chine démarrent également
plus tard. La relation entre la croissance du commerce de la soie entre la France et la
Chine et les interactions des industrialisations des deux pays seront très clairement
démontrées par les liens entre ces trois sections.

338
V-1 Techniques de production et Critère qualitatif de l’industrie 1

traditionnelle de la soie en Chine à la veille de l’époque de la

mécanisation

Pour clarifier quel changement la mécanisation amène à l’industrie de la soie en


Chine et pourquoi la mécanisation a lieu, il faut connaître précisément son état
d’origine avant cette mécanisation. L’ancienne production et l’ancien critère qualitatif
de l’industrie, deviennent ainsi les premiers éléments qui vont être abordés dans la
première section du chapitre.
Avant d’entrer dans les détails, il nous faut déjà définir notre périmètre de
recherches, car « l’industrie de la soie en Chine » est un terme qui comprend des
contenus assez vastes. Techniquement, l’industrie de la soie se compose de trois grands
départements de production : la sériciculture, la filature de la soie et le tissage des
tissus de soie, tandis que chaque département pourrait se diviser encore en plusieurs
branches de production. La sériciculture est, dans la Chine du 19e siècle, une activité
agricole qui se compose de la plantation des mûriers et de l’élevage des vers à soie.
Les produits finaux de la sériciculture sont les cocons, lesquels sont les matières
primaires de l’industrie de la filature. La filature de la soie est le processus de la
fabrication des fils et des faisceaux de soie, laquelle se compose de deux étapes : le
tirage et le dévidage. Avant la première moitié du 19e siècle, ces deux dernières activités
de production sont également finies chez les paysans chinois (autrement dit, la filature
de la soie n’y est pas encore devenue une branche industrielle indépendante avant
l’introduction de la filature mécanique). En revanche, l’industrie textile de la soie qui
produit des tissus de soie commence déjà à sortir de la production agricole depuis
l’ancienne époque chinoise.2 Jusqu’au 19e siècle, une grande partie des activités de
production des textiles de soie en Chine sont effectuées par des artisans de la ville et

1 « L’industrie traditionnelle » représente les anciennes activités de production de la soie avec des métiers
traditionnels qui s’utilisent en Chine très couramment jusqu’à la fin du 19e siècle, à l’inverse de « la production
mécanique » qui prospère après la révolution industrielle.
2 Il existe déjà des notes sur des ateliers textiles chinois dans le Tai Ping Guang Ji 《太平广记》, l’ouvrage

publié pendant la dynastie de Song.


339
non par des paysans dans les campagnes.
Ce qui nous intéresse dans cette thèse, ce sont les deux premiers départements : la
sériciculture et la filature, car le commerce de la soie entre la France et la Chine
concerne principalement les échanges de fils de soie, et le développement de ces deux
départements influe directement sur la quantité et la qualité des fils de soie échangés
entre les deux pays. Afin de mieux expliquer les détails, nous allons diviser des activités
de ces deux départements en plusieurs petites étapes. Géographiquement, les niveaux
de développement de l’industrie de la soie sont très différents dans diverses régions
chinoises. Dans nos recherches, nous allons nous concentrer sur les industries de la
soie dans les plus importantes régions de production de Chine : la région de Yangzi, la
région de Guangdong et la région de Sichuan, qui sont à l’origine de la plupart des
soies chinoises exportées en France. Pour le choix de la période, nous allons
uniquement aborder l’état de la production des soies et le critère de la qualité des soies
à la veille de la modernisation de la sériciculture chinoise, au lieu de préciser toute
l’évolution technique de la plantation des mûriers en Chine.

A Répartitions géographiques et technique de plantation des mûriers en Chine


avant les années 1840
Les mûriers ne sont pas un type de culture difficile. Ils peuvent s’adapter à presque
toutes les natures de terre et à n’importe quelle sorte de climat. 1 C’est pourquoi,
jusqu’au milieu du 19e siècle, ce genre d’arbre se plante déjà dans presque toutes les
régions en Chine (du plein sud comme la province de Guangdong, au plein nord comme
la province de Liaoning). De plus, on considère généralement que, sauf dans les vallées,
cette plante peut pousser en tous lieux dans la campagne.2
Malgré la forte adaptabilité des mûriers, la majorité de la production séricicole
chinoise ne se concentre que dans plusieurs provinces pendant le 19e siècle : la région
de Yangzi (les provinces de Zhejiang et de Jiangsu), la région de Guangdong, et la

1L.Duran. Raw silk: a practical hand-book for the buyer. New York. Silk Publishing Company. 1921. pp.13-14.
2HUANG Shiben (dynastie Qing). Manuel bref de la sériciculture. Beijing. Editions de Beijing. 1998. p.5. (黄世
本:《桑蚕简明辑说》 ,北京:北京出版社,1998年,第5页。)
340
Région de Sichuan (selon les données du Chapitre II, ces trois régions ont produit 80-
90% des cocons de toute la Chine). Cela est dû, tout d’abord, aux différentes qualités
des feuilles et des troncs des différentes espèces de mûriers qui s’adaptent mieux aux
différents climats ou terres de diverses régions. Des conditions de végétation très
différentes décident des natures des mûriers chinois qui sont tout aussi variées. Selon
trois standards de classification, un agronome chinois, WEI Jie(卫杰), a énuméré les
principales 18 natures de mûriers chinois du 19e siècle dans son ouvrage la Collection
des essais sur la sériciculture :

Selon leur origine géographique, les mûriers se divisent en :


Mûrier de Huzhou (湖桑), mûrier de Sichuan(川桑), mûrier de Shandong (鲁桑),
mûrier de Jing (荆桑) ;
Selon les différentes espèces, il existe :
le mûrier de fils(子桑), le mûrier féminin(女桑), le mûrier de fleur(花桑), le mûrier
de mûre(椹桑), le mûrier de Cap-Jasmine(栀桑), le mûrier de feu(火桑), le mûrier de
Yesheng (业生桑), le mûrier de soleil (富阳桑), le mûrier de terre(地桑) et le mûrier
de montagne(山桑) ;
Selon les modes de plantation, nous avons :
le mûrier déplacé(移桑), le mûrier greffé(接桑), le mûrier pressé(压桑) et le mûrier
entortillé(蟠桑).1

Cependant, il n’y a que quelques espèces de mûrier--- le mûrier de Shandong, le


mûrier de Jing, le mûrier de Huzhou et du mûrier de feu--- qui produisent des feuilles
de meilleure qualité et qui sont plus faciles à entretenir. Ces dernières espèces de mûrier
s’adaptent mieux à l’environnement des trois dernières régions qu’à celui des autres
régions chinoises. Le mûrier de Lu (鲁桑) (appelé également le mûrier domestique 家
桑), dont les feuilles de bonne qualité sont plus grandes et plus grosses, est d’origine de
la province de Shandong. Toutefois, il pousse mieux dans la région de Yangzi, il y est

1WEI Jie. Collection des essais sur la sériciculture. 1894. p. 14. Fonds de la Bibliothèque nationale de Chine. (卫
杰:《蚕桑萃编》 ,1899,第一卷,第14页,中国国家图书馆馆藏资源。)
341
donc planté amplement. Dans la région de Yangzi, on plante également une grande
quantité de mûriers de Jing (荆桑) qui possèdent des troncs plus solides et qui sont plus
facile à entretenir.1 Le mûrier de Huzhou(湖桑) est une espèce de greffe entre le mûrier
de Shandong et le mûrier de Jing. On ente les branches du mûrier de Shandong au tronc
du mûrier de Jing si bien que l’avantage du premier (les feuilles plus grandes et grosses)
et l’avantage du dernier (le tronc plus solide) peuvent être combinés. Dans la région de
Zhejiang de l’ouest, notamment à Huzhou, où ce mode de greffe est utilisé le plus
fréquemment, il est ainsi nommé mûrier de Huzhou.2 La feuillaison du mûrier de feu
est plus hâtive que d’autres variétés de mûriers pendant la saison de végétation, les
paysans dans la région de Yangzi en
plantent donc souvent une petite
quantité afin de nourrir les bébés des
vers à soie. 3 Dans la province de
Guangdong, ce sont les mûriers de
Jing qui composent la majorité
(environ 80%) des mûriers.4 Mais il
se trouve également beaucoup de
Cueillette des feuilles de mûriers
mûriers de feu qui poussent dans cette
dernière région. Dans la province de
Sichuan, la plupart des paysans préfèrent planter les mûriers de Lu. Toutefois, plusieurs
autres variétés, par exemple, le mûrier d’herbe(草桑) et le mûrier de roche (磐桑),
lesquels possèdent pour spécificité une résistance à l’humidité, y sont autant cultivées.5
Les facteurs économiques sont également importants pour la concentration de la

1 M.L.LI. L’industrie et l’exportation de la soie de Chine à l’époque moderne. Edition de l’Académie des sciences
sociales de Shanghai. 1996. p.12. (李明珠: 《中国近代蚕丝业及外销》 ,上海:上海社会科学院出版社,
1996,第12页)
2 ZHANG Xingfu. Taibei. Résumé séricicole. Editions de Yiwen. 1996. p. 8. (张行孚: 《蚕事要略》 ,台北:兿
文出版社,1996年,第8页。)
3 YIN Liangying. L’histoire de la sériciculture de Chine. Nanjing. Association de la sériciculture de l’Université

centrale nationale. 1947. p.205. (尹良莹: 《中国蚕业史》 ,南京:国立中央大学蚕业学会,1947年,第205


页。)
4 YE Chao. Enquêtes sur l’industrie de la soie au delta du fleuve de Zhu. La soie chinoise. Vol. II. n° 5. pp.108-

121. (葉超:广东珠江三角洲蚕丝业调查, 《中国蚕丝》 ,第2卷第5期,1936年,第108-121页。)


5 YIN Liangying. L’histoire de la modernisation de la sériciculture de Sichuan. Shanghai. Editions de Shangwu.

1947. pp.27-28. (尹良莹: 《四川蚕业改进史》 ,上海:商务印书馆,1947年,第27-28页。)


342
sériciculture dans les trois régions. Nous avons vu dans le chapitre II (section III) qu’il
y a trois facteurs économiques pour la croissance de la quantité de production séricicole
en Chine du 19e siècle : l’expansion de la main-d’œuvre, le bénéfice élevé de la
sériciculture par rapport aux autres activités agricoles et la prolongation de la durée de
travail. En réalité, ces facteurs servent également à expliquer le développement des
séricicultures dans les trois régions à l’époque. Cependant, il faut remarquer que
l’explosion de la main-d’œuvre est le plus essentiel des trois facteurs, car c’est la
tension entre la croissance démographique et la faible expansion de la surface cultivée
qui conduit les paysans à prolonger leurs durées de travail et à s’engager dans les
activités agricoles avec plus de bénéfices. De fait, l’influence démographique sur
l’évolution économique moderne en Chine a déjà largement retenu l’attention des
chercheurs. P. Huang, dans une série d’ouvrages et d’articles publiés en chinois et en
anglais1, explique la stagnation de l’agriculture traditionnelle chinoise en introduisant
le terme de « l’involution »2. P.Huang affirme que la forte croissance démographique
rurale en Chine depuis le 17e siècle conduit à une grande pression sur la survie des
paysans chinois à cause de la limite de la capacité d’expansion des surfaces cultivées,
les paysans chinois étant obligés d’exploiter d’autres activités agricoles demandant plus
de main-d’œuvre que la culture des grains (plantation des cotons, des mûriers, des
tabacs, etc.). Ce dernier changement (l’involution) mène à une expansion de l’économie
agricole chinoise au niveau de la quantité, mais une diminution du profit marginal par
jour ouvré par paysan : il empêche donc finalement la modernisation de l’agriculture
traditionnelle chinoise. Bien que la conclusion de P.Huang ait été remise en question
par un grand nombre de chercheurs (par exemple, M.Ramon, détermine que P.Huang a

1 P.Huang. The peasant Economy and Social Change in North China, 1350-1988. Stanford. Stanford University
Press. 1990.
P.Huang. L’involution et la modernisation dans la campagne chinoise : enjeux et solution. Shanghai. Editions des
sciences sociales de Shanghai. 1992.(黄宗智: « 中国农村的过密化与现代化:规范认识危机及出路 »,上
海:上海可会科学出版社,1992年)
P.Huang. Le paradoxe de l’histoire économique chinoise et la crise cognitive. Recherches de la théorie historique.
N°1. 1993. pp.42-60. (黄宗智 :中国经济史中的悖论与当前规范认识的危机, « 史学理论研究»,1993年第1
期,第42-60页。)
2 Dans les recherches sur la plantation du riz de l’île de Java, C.Geertz a utilisé pour la première fois le

mot « l’involution » pour décrire la décroissance du profit marginal avec la surabondance de main-d’œuvre.
Consulter C.Geertz. Agricultural Involution: The Processes of Ecological Change in Indonesia. Berkeley and Los
Angeles. University of California Press. 1963.
343
exagéré les effets négatifs de la croissance démographique chinoise sur la
modernisation de l’agriculture chinoise ; 1 R.B.Wong remarque qu’il est difficile de
distinguer la commercialisation d’origine de la pression démographique et celle
d’origine du bénéfice2.), son point de vue sur la corrélation positive entre la croissance
démographique et l’augmentation des activités agricoles auxiliaires à haute
concentration de main-d’œuvre a été largement acceptée par la plupart des historiens.3
En effet, Yangzi, Guangdong et Sichuan sont trois des régions subissant le plus la
pression démographique en Chine de la fin du 15e siècle au début 19e siècle. De 1393 à
1816, la population du Delta de Yangzi est multipliée par 3, mais sa surface cultivée ne
s’accroît guère. La surface de champs per capita descend de 3.5 mu à 1.2 mu, soit une
diminution de deux tiers sur plusieurs siècles. 4 La densité démographique de la
province de Guangdong se multiplie par 6 du 14e siècle à 1820, et la surface cultivée
per capita y descend à 1.6 mu.5 A Sichuan, bien que le chiffre absolu de la surface
cultivée par capita, 3.8 Mu, soit beaucoup plus élevé que celui de Yangzi et Guangdong,
il faut savoir que la croissance démographique (720%) est 4.2 fois plus rapide que
l’expansion des champs (170%) du début du 18e siècle au début du 19e siècle, soit une
diminution des trois quarts de la surface cultivée per capita pendant un siècle.6 Face à
une telle tension entre la croissance de la population et la stabilité des surfaces cultivées,
les paysans des trois régions sont obligés de s’engager dans les activités agricoles

1 M.Ramon. “How Did the Modern Chinese Economy Develop? ---A Review Article.” Journal of Asia Studies.
Vol.50. N° 3. 1991. pp. 604-628.
2 R.B.Wong. “Chinese Economic History and Development: A Note on the Myers-Huang Exchange. Journal of

Asia Studies. Vol.51. N° 3. 1991. pp. 600-611.


3 Cela a été discuté et déjà prouvé par les recherches des historiens chinois. Consulter CONG Hanxiang. La

densité démographique et ses effets économiques pendant la dynastie de Ming. Recherches de l’histoire chinoise.
N°3.1984. (从翰香:论明代江南地区的人口密度及其对经济发展的影响, « 中国史研究» ,1984年第3
期。)
LI Bozhong. La compétition entre la culture du riz et la plantation des mûriers et la croissance de l’intensité de
main-d’œuvre dans la Région de Yangzi pendant les dynasties de Ming et Qing. Histoire agricole de Chine. N°1.
1985.(李伯重:桑争稻田与明清江南农业生产集约程度的提高,«中国农史»,1885年第1期。 )
MA Xueqiang. L’involution de l’économie chinoise et le déplacement de main-d’œuvre de Chine des dynasties
de Ming et Qing. Histoire. N°1. 1993. (马学强:试论明清江南社会经济内变迁与劳动力转移, « 史林 »,
1993年第1期。)
4 P.Huang. The Peasant Family and Rural Development in the Yangzi Delta, 1350-1988. pp. 341-342.
5 LIANG Fangzhong. Statistiques des foyers, des champs et des impôts de toutes les dynasties chinoises.

Shanghai. Editions populaires de Shanghai. 1981. pp.458-462.( 樑方仲: « 中国历代户口、田地、田赋统


计 »,上海:上海人民出版社,1981年,地458-462页。)
6 WANG Di. Problème de la population, des surfaces cultivées et des grains dans la province de Sichuan. Première

partie. Journal académique de l’Université de Sichuan. N°3. 1989. pp. 34-35. N°4. 1989. p.81. (王笛 :清代四川
省人口、耕地及粮食问题,四川大学学报,1989年第3期,第102页,1989年第4期,第81页。)
344
demandant un haute concentration de main-d’œuvre mais amenant plus de bénéfice
comme la sériciculture.
Bien que la plantation des mûriers se manifeste par une concentration régionale
très forte, jusqu’au milieu du 19e siècle, les niveaux de spécialisation de la culture des
mûriers ne sont toujours pas très élevés en Chine. Même dans les principales régions
séricicoles, les parcelles de terres se spécialisant dans la plantation des mûriers sont
encore très rares. Dans le delta de Yangzi, la culture du riz se situe encore en position
dominante jusqu’au milieu de la dynastie de Ming (16e siècle). A cause de l’évolution
démographique chinoise (mentionnée ci-dessus), de plus en plus de paysans
commencent à cultiver ou à planter d’autres produits agricoles depuis le 17e siècle.1
Cependant, la plantation des mûriers n’est qu’un des choix parmi beaucoup d’activités
de bénéfice élevé pour les paysans. Dans la zone du lac de Tai(太湖) dans le nord-ouest
de la région Yangzi, beaucoup de paysans cultivent le colza et la paille de natte à côté
de leurs champs de riz ; le coton, le soja et l’indigo sont cultivés dans la zone du nord-
est au bord de la mer comme activités agricoles complémentaires ; dans le sud-est du
delta de Yangzi on plante le thé et le bambou ; même dans le sud-ouest de Zhejiang où
la sériciculture est la plus importante activité auxiliaire des paysans, la plupart des
mûriers y sont plantés en dispersement aux interstices des champs. 2 Un manuel
séricicole publié au milieu du 19ème siècle décrit que « dans chaque foyer ou dans
chaque village, il y a toujours des interstices à l’intérieur des murs d’enceinte ou entre
les différentes morceaux de champs où on plante des mûriers. »3 Les notes de voyage
du botaniste britannique Robert Fortune sur des villages à côté de Hangzhou à la même
période (les années 1850) nous confirment encore une fois ce mode de plantation des
mûriers : « Les mûriers sont plantés dans de petites parcelles de terre sur des collines,

1 ZHANG Jiayan. La différence des structures économiques entre le delta de Yangzi et la région des deux lacs.
Histoire d’Argriculture. n°3. 1996. p.99. (张家炎:明清长江三角洲地区与两湖平原经济结构演变探异, 《中
国农史》 ,1996年第3期,第99页。)
2 CHEN Zhongping. La variété de l’économie dans la région de Yangzi. Histoire agricole de Chine. n°3. 1989

p.34. (陈忠平:论明清江南经济的多样化发展, 《中国农史》 ,1989年第3期,第34页。)


3 SHEN Lian et ZHONG Angting. La théorie supplémentaire de la sériciculture. Beijing. Librairie de Chine.

2008. p. 48. (沈练,仲昂庭: 《广蚕桑说辑补·第二卷》 ,北京:中国书店,2007,第48页。) L’auteur de la


sériciculture générale (《广蚕桑说》) est SHEN Lian(沈练), mais il est mort en 1855, avant la publication de cet
ouvrage. La première édition de cet ouvrage est publiée par le fils de SHEN Lian en 1863. Au début du règne de
Guangxu (1875-1908), ZHONG Angting (仲昂庭) republie cet ouvrage avec certains contenus supplémentaires
etavec un nouveau titre, La sériciculture générale supplémentaire. C’est cette édition que nous consultons.
345
tandis que les riz sont cultivés dans des dépressions plus basses. ». 1 Les grandes
surfaces de champs de mûriers font leur apparition à partir des années 1860, avec
l’augmentation des besoins du marché extérieur. Sur les rapports économiques officiels
ou non-officiels, on trouve beaucoup de notes sur les achats de grandes quantités de
pépinières de mûriers plantées dans de grandes surfaces de champs. Par exemple, les
Annales de Wuxi et Jingui décrivent que Yan Ziqin( 严紫卿,officier de Justice de la
province de Gansu ) « a acheté trois mille pépinières de mûriers et les a fait planter dans
trente Mu de champs. » en 1871 ;2 En 1872, Hua Yilun(华翼纶) a planté des mûriers
dans 15 Mu de Champs, etc.3 Toutefois, même pendant la deuxième moitié du 19e
siècle, les champs de mûriers ne se trouvent que dans la zone sud-ouest dans la région
de Yangzi. En 1902, un enseignant japonais à l’école agricole de Wuhan indique dans
son rapport sur la sériciculture chinoise que « sauf dans certains villages de Huzhou et
Jiaxing (嘉兴), les champs qui se spécialisent sur la plantation des mûriers sont très
rares dans la région de Yangzi »4 Autrement dit, en dehors de Huzhou et Jiaxing, la
plantation des mûriers reste alors toujours dispersée dans la plus grande partie de la
région de Yangzi.
Le niveau de concentration des mûriers dans la province de Sichuan est même
beaucoup plus faible que celui de la région de Yangzi. Selon les statistiques officielles
du bureau de l’agriculture de Sichuan, jusqu’à la fin du 19ème siècle, le riz occupe plus
de la moitié des surface cultivées du Sichuan, tandis que les cultures du soja, du blé,
des pommes de terre, des céréales, sont les activités agricoles les plus courantes. La
surface de plantation des mûriers, qui n’est qu’une activité agricole qui se fait souvent
pendant les vacances ou pendant la morte-saison, compte seulement pour moins de 0.36%
de la surface cultivée totale de cette province.5 Les paysans n’y plantent des mûriers

1 R.Fortune. Two visits to the Tea Countries of China. London. J.Murry; 1853 Vol I. p.274.
2 Les Annales de Wuxi et Jingui, 1881, fonds de la bibliothèque de Wuxi. 《无锡金匱县志》 ,无锡市图书馆馆
藏资源。
3 YAN Jinqing. Les manuscrits de Yan Lianfang. Manuscrits précieux de la bibliothèque municipale de Beijing.

Vol. 174. p .461.(严金清:严廉访遗稿年谱, 《北京图书馆藏珍本年谱丛刊》 ,第174册,第461页。)


4 KUFIKA Hitawa. Résumé de l’industrie de la soie de l’empire de Qing. Tokyo. Editions de l’Asahi Shimbun.

1902. p.73. (峰村喜藏: 《清国蚕丝业大观》 ,东京:朝日新闻出版社,1902,第73页。)


5 Bureau de l’agriculture de Sichuan. Quatrième statistique de l’agriculture de Sichuan. 1910. Fonds de la

bibliothèque de Sichuan. (四川劝业道: 《四川第四次劝业统计表》 ,1910年,四川省图书馆馆藏资源。)


346
qu’à côté des rues, qu’à côté des champs ou qu’à côté de leurs logements afin de
satisfaire les besoins de la production de soie pour eux-mêmes. 1 Même dans les
préfectures où l’industrie de la soie est plus productive, par exemple Tongchuan(潼川)
et Santai(三台), il n’existe guère de champs de mûriers spécifiques. Dans d’autres
régions du Sichuan, « souvent, on ne voit aucun mûrier pendant un trajet de cent
kilomètres »2
Le niveau de spécialisation de plantation des mûriers à Guangdong est plus élevé
que ceux du Yangzi et du Sichuan pendant la première moitié du 19e siècle, grâce à un
mode spécifique d’agriculture---le « champ-bassin » (基塘农业), qui signifie qu’on
développe la pisciculture dans un bassin et qu’on plante des arbres sur le limon autour
du bassin. Ce mode d’agriculture, combinant la plantation et la pisciculture dans le
même écosystème, existe déjà dans certaines régions de la province de Guangdong
depuis la dynastie de Ming (明代, 1368-1644),3 car la culture du riz n’est déjà plus
capable d’absorber la surabondance de main-d’œuvre avec la croissance
démographique depuis lors. 4 Cependant, à cause du bon écoulement des fruits
tropicaux cantonais sur les marchés du nord de la Chine, on plante alors plutôt des
arbres fruitiers (litchi, orange, clémentine etc ) au lieu des mûriers dans les champs
autour du bassin. 5 La Nouvelle Histoire de Guangdong (« 广东新语 »), l’ouvrage
historique publié à l’époque, décrit que « beaucoup de paysans plantent exclusivement
le litchi dans leurs champs, et il y a quelques cents mille arbres (de litchi) dans un seul
village. D’autres paysans plantent l’orange et la clémentine… Tous les bateaux venant

1
JIANG Qingxiang. LI Shouyao. La sériciculture de Sichuan. Chengdu. Bureau des recherches sur l’économie et
la banque de la province de Sichuan. 1946. p.22. (姜庆湘,李守尧:四川蚕丝业,成都:四川省银行经济研究
处,1946,第22页。)
2 CHEN Wanxi. Conseils de sériciculture. Version manuscrite. Fonds de la bibliothèque de Santai. (陈宛溪: 《劝
桑说》 ,手抄本,三台县图书馆藏书。)
3 Les Archives de Shunde. Les Annuaires des communes de Shunde. Vol. 10. Divers. n° 9. (顺德区档案馆:万历

《顺德县志,》 ,卷10, 《杂志》第9)


4 YE Xian-en. Le problème démographique au delta de Zhujiang pendant les dynasties de Ming et Qing.

Recherches de l’histoire de la dynastie de Qing. Beijing. Editions du journal de Guangming. 1988. Vol.6. pp.324-
325. (叶显恩 :明清珠江三角洲的人口问题, 《清史研究集》 ,第6辑,光明日报出版社,1988年,第324-
325页。)
5 WU Jianxin. Les modes des écoagricultures de Guangdong depuis les dynasties de Ming et Qing. Histoire

agricole de Chine, n°3. 2005. p.86. (吴建新:明清以来广东的生态农业类型, 《中国农史》 ,2005年第3期,


第86页。)
347
du nord sont pour emmener les litchis. ». 1 Le développement de la plantation des
mûriers ne débute qu’au milieu du 18e siècle. Grâce à la mise en œuvre de la limite des
exportations des soies de Zhejiang et du monopole du commerce extérieur du port de
Canton (voir la section 2 du chapitre III), la soie cantonaise devient très demandée sur
le marché extérieur après les années 1760. En conséquence, de plus en plus de champs
d’arbres fruitiers et de rizières sont modifiés en champs de mûriers. Les Annuaires de
la Xiang de Longshan(《龙山乡志》) notent que « presque tous les paysans dans cette
Xiang (à Shunde 顺德县) modifient leurs champs en jardins de mûriers depuis le
milieu du 19e siècle »2, et ce phénomène s’étend progressivement aux autres zones de
Guangdong.3
Techniquement, les paysans chinois possèdent déjà des méthodes matures pour
planter des mûriers au 19e siècle. En 1880, un commissaire de douane de Zhenjiang (镇
江关), F. Kleinwachter dépose un rapport d’enquêtes sur la sériciculture de la région de
Yangzi, dans lequel il décrit précisément la méthode de plantation des mûriers dans
cette province à l’époque.4 On sélectionne les bonnes graines de mûrier de Jing en
mettant toutes les graines dans l’eau. Il faut n’utiliser que celles qui ne flottent pas sur
l’eau pendant les semailles. Ces bonnes graines sont habituellement semées pendant le
mois de juin dans les terres, qu’on recouvre simultanément de cendres de bois ou
d’herbe ainsi que d’un peu d’argile pour les protéger. En arrosant et en fumant les
pépinières constamment, on greffe des branches de mûrier de Lu normalement en avril
ou en mai de l’année suivante, lorsque le diamètre du tronc de mûrier de Jing atteint
trois centimètres. En décembre de la troisième année, les mûriers greffés seront
transplantés sur les terres des sériciculteurs. Deux ou trois ans plus tard, les
sériciculteurs pourront cueillir les feuilles de mûrier ayant grandi pour nourrir les vers
à soie. Après la transplantation, la fertilisation, l’élagage et le serfouissage, et le

1 QU Dajun : La nouvelle histoire de Guangdong. Vol.2. Histoire de l’agriculture. (屈大均: 《广东新语》 ,卷2,
地语)
2 Les Annuaires de la Xiang de Longshan, Edition de République de Chine, 1913. Vol 1. p.44. Fonds de la

bibliothèque de Zhongshan à Canton. (民国 《龙山乡志》 ,1913 ;卷1,第44页,广州中山图书馆馆藏。)


3 Consulter Les Annuaires de Shunde. République de Chine. Taibei. Editions de Chengwen. 1966. Vol 1. p.19. (民

国《顺德县志》 ,卷1, 台北:成文出版社,1966,第19页。)


4 F. Kleinwachter. Rapport des enquêtes sur la sériciculture de la douane de Zhenjiang en 1880. La soie de

Jiangsu. 2001. n°3. pp.41-43.


348
traitement insecticide est très important pour la végétation des mûriers. Les choix
d’engrais sont très variés, mais celui qui est préféré par les paysans est la vase, non
seulement parce que cet engrais comprend des nutriments abondants, mais aussi parce
qu’il est facile à obtenir dans la région de Yangzi où les fleuves sont très compacts.
Cette opinion est également appuyée par les phrases dans un ancien ouvrage agricole
suppléments du manuel de l’agriculture : « l’infortune d’une famille est due au manque
de concert ; la fanure des mûriers est due au manque de vase. ».1 Afin de récolter plus
de feuilles, l’élagage des mûriers est obligatoire. Dans la région de Yangzi, on taille
souvent des mûriers à la forme ronde afin de limiter la hauteur de l’arbre. Selon
l’explication du résumé de la sériciculture(《桑蚕简明辑说》) de HUANG Shiben(黄
世本), cela est fait non seulement pour densifier les feuilles, mais aussi pour qu’on
puisse cueillir des feuilles sans échelle.2 Il faut aussi décompacter la terre des mûriers
pendant leur végétation. Robert Fortune a eu la même expérience lorsqu’il observait la
sériciculture en Chine : « on constate que les chinois paient souvent beaucoup
d’attention à décompacter la terre après élagage, ce qui conduit à l’état excellent des
mûriers ».3 Finalement, de crainte du ravage des insectes, on arrose les troncs et les
branches des mûriers avec de l’eau bouillante mélangée avec des feuilles de tabac.
Après cela, les larves des insectes seront tuées immédiatement. Les méthodes de
plantation dans la région de Yangzi sont plus avancées que dans d’autres régions
séricicoles chinoises. Beaucoup de ces méthodes, par exemple le greffage et l’élagage,
ne sont pas encore complètement mises en application dans d’autres régions au début
du 20e siècle.4
Les quantités de production des feuilles sont différentes selon les régions
séricicoles chinoises au cours du 19e siècle. On peut cueillir en moyenne 812

1 Le texte d’origine est que « 家不兴,少心齐;桑不兴,少河泥。». Consulter ZHANG Lvxiang (dynastie


de Ming). Suppléments du manuel de l’agriculture. Beijing. Librairie de Zhonghua. 1958. Vol. 1. p. 13. (张履祥:
《补农书》 ,北京:中华书局,1958,第1卷,第13页。)
2 HUANG Shiben (dynastie de Qing), Résumé de la sériciculture. Beijing. Editions de Beijing. 1998. p.8. (黄世

本: 《蚕桑简明辑说》 ,北京:北京出版社,1998,第8页。)
3 R.Fortune. Three Years Wanderings in the Northern Provinces of China. Including a visit to the Tea, Silk and

Cotton Countries. London. J. Murray. 1847. p. 359.


4 YE Chao. Enquêtes sur l’industrie de la soie au delta du fleuve de Zhu. pp.108-121. (葉超:广东珠江三角洲蚕

丝业调查,第108-121页。) YIN Liangying. L’histoire de la modernisation de la sériciculture de Sichuan. pp.27-


28. (尹良莹: 《四川蚕业改进史》 ,第27-28页。)
349
kilogrammes de feuilles de mûrier par Mu (亩, 1Mu ≈0.0667 hectare) par an dans la
région de Yangzi;1 la moyenne de production par Mu dans la région de Guangdong est
de 1800 kilogrammes par Mu par an;2 la récolte des feuilles de mûrier ne se monte qu’à
300 kilogrammes par Mu par an dans la région de Sichuan.3 De fait, les écarts de ces
trois dernières quantités sont non seulement dus au décalage de technique de plantation
des mûriers dans différentes régions, mais aussi à cause d’autres éléments. Par exemple,
on ne peut récolter les feuilles à Yangzi ou à Sichuan que deux fois par an (une fois en
printemps et une fois en été), mais les feuilles de mûriers poussent pendant toute l’année
à Guangdong (six fois par an) à cause du climat plus chaud. C’est pour cela que la
quantité de production à Guangdong est plus élevée que dans les autres régions. Une
autre cause est que l’engrais de vase est très abondant à Yangzi et Guangdong, mais on
ne répand guère cette sorte d’engrais à Sichuan parce qu’il y est plus difficile à obtenir.
La quantité de production de Sichuan est donc moins élevée que celle des autres deux
régions. De plus, les différents écarts entre les différents mûriers ont aussi une influence
sur la quantité de feuilles produites. A Jiaxing (嘉兴, région séricicole de Zhejiang), on
n’obtient souvent que 400-1400 kilogrammes de feuilles par Mu par an dans les jardins
spécialisé en monoculture, mais 2 500-3 700 kilogrammes de feuilles par Mu par an si
l’on plante des mûriers en dispersion.4

B Elevage des vers à soie et production des cocons pendant le 19e siècle
Les chinois ont publié nombre d’ouvrages mémorisant les expériences d’élevage
séricigène traditionnelles à la fin de la dynastie de Qing (清朝1644-1911). Les plus
importantes comprennent le compendium de materia médical(《本草纲目》1578) de
LI Shizhen(李时珍), l’exploitation des travaux naturels(《天工开物》1637) de SONG

1 La moyenne de la quantité de la production des feuilles de mûrier est calculée des chiffres donnés dans LI.
M.L.Li. L’industrie et l’exportation de la soie de Chine pendant l’époque moderne. p.12. (李明珠: 《中国近代蚕
丝业及外销》 ,第15-16页。)
2 CHEN Ciyu. L’industrie du tirage de la soie de Chine pendant l’époque moderne. Taibei. Département de

l’histoire moderne de l’Académie centrale. 1989. p. 160. (陈慈玉: 《近代中国机械缫丝工业(1860-1945) 》


,台
北:中央研究院近代史研究所,1989年,第160页。)
3 YIN Liangying. L’histoire de la sériciculture de Chine. p.205. (尹良莹: 《中国蚕业史》 ,第205页。)
4 CHEN Hengli, WANG Da, Recherches sur les suppléments du manuel de l’agriculture, Beijing. Editions de

Zhonghua. 1958. pp.36-39. (陈恒力,王达: 《补农书研究》 ,北京:中华书局,1958年,第36-39页。)


350
Yingxing (宋应星), l’encyclopédie agricole (《农政全书》1639) de XU Guangqi(徐
光启), les suppléments du manuel de l’agriculture(《补农书》) de ZHANG Lvxiang
(张履祥), le résumé des principaux traites chinois sur la sériciculture(《蚕桑辑要
1896》) de SHEN Bingcheng (沈秉成), les théories de la sériciculture(《桑蚕说》
1896) de ZHAO Jingru(赵敬如), la collection des essais sur la sériciculture(《桑蚕萃
编》1899) de WEI Jie(卫杰), etc. Par ordre du gouvernement royal français, le savant
sinologue Stanislas Julien a donné un résumé des méthodes d’éducation séricigène
traditionnelles chinoises en 1837, ce qui a fait connaître la plupart des faits séricicoles
chinois en France pour la première fois. 1 Selon cet ouvrage ainsi que les rapports
renvoyés par délégués français de l’industrie de la soie, le Ministère de l’agriculture et
du commerce de France a publié un résumé sur l’éducation des vers à soie en Chine
dans ses Annales en 1847. 2 D’après les observations de Kleinwachter en 1880, la
majorité des principes et des méthodes mentionnés dans les ouvrages cités plus haut
sont amplement respectés et utilisés dans les activités d’élevage des vers à soie des
paysans dans la région de Yangzi à l’époque.3 Tous les livres ci-dessus pourront nous
aider à retrouver les procédés de l’élevage des vers à soie en Chine à la veille de
modernisation.
Le nombre des saisons de l’éducation des vers à soie dépend du nombre de récoltes
de feuilles de mûrier pendant l’année. Dans la région de Yangzi, les activités liées à
l’éducation des vers à soie ont lieu seulement deux fois par an chez les paysans (une
fois au printemps et une fois en été), parce qu’il n’y a que deux saisons de récolte de
feuilles de mûrier pendant l’année. De plus, la plupart des paysans de cette région
abandonnent souvent l’élevage des vers à soie de la saison d’été pendant le 19e siècle,
du fait que la récolte d’été des feuilles de mûrier est beaucoup moins abondante que
celle du printemps, et que d’autres travaux agricoles occupent tout leur temps en cette
saison ( souvent pour les semailles du riz ).4 ZHANG Lvxiang a également indiqué

1 J.Stanislas. Résumé des principaux traités chinois sur la culture des mûriers et l’éducation des vers à soie. Paris.
Imprimerie royale. 1837. p.1.
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12, p. 95.


3 F. Kleinwachter. Rapport des enquêtes sur la sériciculture de la douane de Zhenjiang en 1880. La soie de

Jiangsu. 2001. N°3. p.43.


4 Contrôle de la soie international de Shanghai. Enquêtes de l’industrie de la soie au centre de la Chine (1). La

351
que l’éducation des vers à soie en été est une chose à « perdre un profit important pour
essayer d’en sauver un petit » dans son œuvre les suppléments du manuel de
l’agriculture. 1 La période d’élevage séricigène dans la province de Sichuan est
identique à celle de la région de Jiangnan.2 Celle de Guangdong est beaucoup plus
longue (5-6 fois par an) que dans les deux autres régions à cause des nourritures
abondantes pour les vers à soie dans cette province.3 Les espèces des vers dans ces
trois dernières régions sont aussi différentes. Les vers à Yanngzi produisent la soie
blanche qui est plus propre et plus brillante ; ceux de Guangdong appartiennent les
espèces tropicales, qui produisent la soie blanche plus souple ; la majorité des soies
produites par les vers à Sichuan possèdent une couleur jaune, sont plus grosses mais
avec une ténacité plus forte.4
Il faut compter plus de 40 jours pour chaque cycle d’élevage des vers à soie dans
la région de Yangzi pendant le 19e siècle. La période est composée de : 6-7 jours pour
l’éclosion, 28-29 jours pour l’élevage, 5 jours pour le processus de formation du cocon,
10 jours sous forme du cocon, et encore trois jours pour que les papillons pondent des
œufs.5 Ce cycle est plus court au sud de la Chine où on n’a besoin de que 16-17 jours
de l’éclosion à la veille de formation du cocon (soit 10 jours de moins qu’au centre de
la Chine au total).6 Toutefois, les procédés au cours de l’éducation séricigène sont aussi
complexes à Guangdong qu’à Yangzi pour que les vers à soie puissent grandir
rapidement et sainement. Ils sont :
Éclosion des graines. Selon la théorie supplémentaire de la sériciculture, «

soie. 1999. n°10. p.44. (上海万国生丝检验所:华中蚕丝业调查(1) ,《丝绸》 ,1999年第10期,第44页。)


1 ZHANG Lvxiang (dynastie de Ming). Suppléments du manuel de l’agriculture. Vol. 1. p. 20. (张履祥: 《补农
书》 ,第1卷,第20页。)
2 YIN Liangying. L’histoire de la modernisation de la sériciculture de Sichuan. Shanghai. p.6. (尹良莹: 《四川蚕
业改进史》 ,第6页。)
3 Howard Hothwell. Enquêtes de l’industrie de la soie en Chine du sud. Hongkong. Editions de Shanghwu. 1925.

p.66. (霍华德·伯斯韦: 《华南丝绸业调查》 ,香港:商务印书馆,1925年,第66页。)


4 Ce sont les cas généraux. En réalité, il existe beaucoup d’espèces des vers à soie dans chaque différente région

en Chine qui produisent les différents types de soie. Pour les espèces des vers à soie en Chine, consulter CHEN
Ciyu. L’industrie du tirage de la soie de Chine pendant l’époque moderne. p. 160. p.157. (陈慈玉: 《近代中国机
械缫丝工业(1860-1945) 》,第58,157页。) YIN Liangying. L’histoire de la modernisation de la sériciculture
de Sichuan. Shanghai. p.67. (尹良莹: 《四川蚕业改进史》 ,第67页。)
5 Contrôle de la soie international de Shanghai. Enquêtes de l’industrie de la soie au centre de la Chine (1). p.45.

(上海万国生丝检验所:华中蚕丝业调查(1) ,第45页。)
6 La sériciculture de Guangdong. Magazine d’économie de Chine. Vol. 5. n°2. août 1929. p.723. (广东蚕, 《中国
经济杂志》 ,第5卷第2期,1929年8月,第723页。)
352
lorsque la taille des feuilles de mûrier est celle d’une pièce de monnaie ronde en cuivre1,
on pouvait mettre à incuber les graines des vers à soie ».2 A ce moment-là, les paysans
doivent sortir leurs papiers de graines, les mettre dans un lieu tiède et ensuite attendre
l’éclosion des graines. Pour mieux les incuber, la plupart des paysans mettent les
papiers de graines à l’intérieur de leurs couvertures de lit pendant leur sommeil pour
que les graines puissent obtenir la chaleur supplémentaire exhalée par leurs corps. 3
Dans de telles conditions, des graines deviendront des bébés des vers à soie en 6-7 jours.
Chauffage des claies. Quand les vers ont éclos, ils sont placés sur des tablettes de
bambou où on leur donne à manger des feuilles de mûrier coupées menu. Cela signale
le commencement de l’élevage des vers à soie. Pendant toute la période d’élevage, il
faut respecter plusieurs principes : on les tient chaudement dans la chambre tandis
qu’on doit éviter de faire du bruit autour d’eux. De plus, il ne faut pas leur donner de
l’eau où même les mettre dans une ambiance humide.4
Cueillette de la feuille. On doit toujours se servir de ciseaux pour cueillir les
feuilles de mûrier. De même, il est recommandé de cueillir de préférence les feuilles les
plus hautes et les plus tendres du mûrier, parce que ce sont celles que les vers préfèrent.5
Quatre mues des vers à soie, dit « quatre sommeils »(四眠) en chinois. Il faut que
les vers mangent les feuilles dans l’intervalle de chaque sommeil. Pendant les deux
premiers sommeils, les feuilles seront coupées en morceaux très fins avant qu’elles
soient ajoutées dans des claies. On donne normalement 5-6 fois par jour des feuilles
aux vers. Après le troisième sommeil, les vers prennent des repas plus consistants et ils
peuvent manger les plus gros morceaux de feuilles. A ce stade, on en ajoute 6-7 fois
pendant la journée et 2 fois pendant la soirée. A la suite de la quatrième mue (on
l’appelle aussi le grand sommeil 大眠), les vers consomment beaucoup plus de feuilles
qu’auparavant. La fréquence d’ajout des feuilles monte à 10 fois par jour et il n’est plus

1 Le diamètre de la monnaie de cuivre chinoise est de presque deux centimètres.


2 HUANG Shiben (dynastie de Qing), Résumé de la sériciculture. Beijing. p.22. (黄世本: 《蚕桑简明辑说》 ,第
22页。)
3 F. Kleinwachter. Rapport des enquêtes sur la sériciculture de la douane de Zhenjiang en 1880. p.43.
4 HUANG Xingzeng (dynastie de Ming). Les vers à soie. Beijing. Editions de l’histoire et de la littérature de
Chine. 1999. p.72. (黄省曾: 《蚕经》 ,北京:中国文史出版社,1999年,第72页。)
5 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12, p. 96.


353
nécessaire de les couper.1 A chaque sommeil, il faut déliter, c’est-à-dire nettoyer les
vers et changer fréquemment la claie. De plus, lorsque les vers grandissent, il est
obligatoire d’employer un plus grand nombre de tablettes afin de leur donner l’espace
nécessaire à leur développement. 2 Les vers à soie consomment une quantité
considérable de feuilles avant de coconner. Selon les statistiques du rapport de
Kleinwchter, on a besoin de 20 piculs (soit environ 1 200 kilogrammes) de feuilles de
mûriers pour élever 1 Taël 3 Qian3 (soit environ 49.14 grammes) de bébés vers. Avec
une telle nourriture, la quantité de vers à soie ci-dessus produira seulement 160-200
Taëls de cocons au final.4

Éducation des vers à soie dans la famille

Formation des cocons. Il faut choisir avec soin les vers mûrs parmi tous les vers
dans les claies quand l’occasion se présente. « L’occasion » de cette démarche est très

1 SHEN Lian et ZHONG Angting. La théorie supplémentaire de la sériciculture. Vol 2. pp. 7-15. (沈练,仲昂
庭: 《广蚕桑说辑补·第二卷》,第7-15页。)
2 SONG Yingxing (dynastie de Ming). L’exploitation des travaux naturels. Shanghai. Editions des peuples de

Shanghai. 1976 p.38. (宋应星: 《天工开物》 ,上海:上海人民出版社,1976年,第38页。)


3 Le « Taëls » utilisé ici est une ancienne unité du poids au lieu de l’unité d’argent, 1 taël=10 Qian≈31.25

gramme.
4 F. Kleinwachter. Rapport des enquêtes sur la sériciculture de la douane de Zhenjiang en 1880. p.43.

354
importante pour cette activité : si un ver sélectionné est encore trop jeune, il n’arrivera
pas à produire assez de soie pour un cocon complet ; si un ver sélectionné est trop vieux,
il a peut-être déjà commencé à coconner dans la claie, ce qui va l’empêcher de produire
un cocon de bonne qualité à la fin.1 Après avoir sélectionné les vers mûrs, on doit les
déplacer sur une meulette sur laquelle ils vont coconner tranquillement ( ce qu’on
appelle l’escalade 上蔟 en Chine). 2 On met un peu de feuilles de mûriers sur la
meulette afin que le ver puisse manger s’il a encore faim avant de coconner. En
attendant les cocons complets, il faut entretenir dans la chambre une douce chaleur pour
que les vers puissent coconner activement.3 Quand les cocons sont faits (normalement
en 5 jours), on les enlève et les conserve dans les claies situées dans une chambre fraîche.
A ce moment-là, tous ces cocons complets sont déjà prêts pour la démarche suivante--
----la filature.
Accouplement des papillons. Avant la filature, on sort les meilleurs cocons pour
préparer les graines de l’année suivante. Pour avoir de bonnes graines, il faut enlever
avec soin les frisons qui enveloppent l’extérieur des cocons. Dix jours plus tard, les
papillons sortiront de leurs coques, les sexes se rapprocheront et l’on obtiendra de la
graine.4
Conservation des graines. On met les graines fraîches sur des papiers, on les sèche
en les suspendant dans la chambre (jusqu’à ce qu’ils deviennent noirs), on répand un
peu d’eau de chaux sur les papiers et on les conserve dans une chambre froide. En
attentant la prochaine saison de l’éclosion, on sort les papiers de graines conservées et
on les lave soigneusement avec de l’eau salée ou de l’eau de thé froide (afin de tuer les
graines plus faibles). Ensuite, tous ces papiers seront conservés jusqu’à l’éclosion.5
Il faut remarquer qu’il existe déjà des marchés de graines des vers à soie en Chine
depuis une époque ancienne. Néanmoins, jusqu’à la veille de la naissance des

1 F. Kleinwachter. Rapport des enquêtes sur la sériciculture de la douane de Zhenjiang en 1880. p.41.
2 XU Guangqi (dynastie de Ming). L’encyclopédie agricole, Beijing. Librairie de Zhonghua. 1956. Vol 31. p.10.
(徐光启: 《农政全书》 ,北京:中华书局,1956年,第31卷,第10页。)
3 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12, p. 97.


4 Idem. p.96.
5 HUANG Shiben (dynastie de Qing), Résumé de la sériciculture. Beijing. p.20-21. (黄世本: 《蚕桑简明辑说》 ,
第20-21页。)
355
laboratoires modernes de graines à la fin du 19e siècle, la plupart des paysans préfèrent
utiliser des graines de vers fabriquées chez eux. La principale cause en est que les
paysans n’ont pas confiance en la qualité des graines circulant sur le marché, qui sont
fabriquées par d’autres paysans. 1 Les marchés de cocons ne font leur apparition
qu’après la prospérité des filatures mécaniques en Chine (nous y reviendrons dans la
troisième section). Avant cela, ayant produit les cocons, les paysans chinois les
garderont normalement pour la filature de la soie chez eux.

C Filature de la soie à la veille de la révolution industrielle chinoise


La filature mécanique apparaît en Chine (plus précisément, dans la région de
Yangzi) à partir des années 1860, puis se diffuse graduellement dans d’autres régions
chinoises. Avant cela (et même longtemps après), on fait la filature avec les métiers
traditionnels (variés selon les différentes régions).
Avant le commencement de la filature traditionnelle, il y a encore deux travaux de
préparation à faire :
Le premier est le triage des cocons. Après avoir mis de côté ceux qui sont destinés
pour la graine, on doit aussi séparer les bons cocons des mauvais ; s’il y en a des doubles
ou à plusieurs chrysalides, ils seront mis à part. Seulement ceux qui sont plus serrés et
plus petits avec une chrysalide seront sélectionnés pour la filature. 2 Néanmoins, les
cocons éliminés ne seront pas gaspillés. Habituellement, on fabrique avec ce genre de
matières premières la bourre de soie, laquelle est un très bon bourrage pour des
couvertures et des vêtements résistant au froid.3
Le deuxième est de faire périr la chrysalide. Le ver à soie s’est changé en
chrysalide dans le cocon, et en sortira sous une nouvelle forme---le papillon. Pour sortir
de sa demeure, le papillon ne se borne pas pratiquer une ouverture en écartant
soigneusement les fils qui en forment le tissu. Au contraire, il les déchire et le cocon ne

1 USAKO Akira. Situation générale de la sériciculture de l’Empire de Qing. Tokyo. Contrôle de la soie du
Ministère de l’agriculture et du commerce. 1911. 57-60. (紫藤章: 《清国蚕丝业一斑》 ,东京:农商务省生丝检
查所,1911,第57-60页。)
2 ZHANG Xingfu. Taibei. Résumé séricicole. p. 14. (张行孚: 《蚕事要略》 ,第14页。)
3 WANG Rizhen (dynastie de Qing). Commentaires des vers à soie de Huzhou. Beijing. Editions de Zhonghua.

1965. pp. 70-71. (汪日桢: 《湖蚕述》 ,北京:中华书局,1965年,第70-71页。)


356
peut plus être filé. La chrysalide a besoin d’environ 10 jours pour finir cette dernière
métamorphose, ce qui signifie que le cocon sera déchiré 10 jours après sa formation.
Donc, s’il est impossible de filer en entier la récolte de cocons pendant une période
aussi courte, on doit tuer la chrysalide dans le cocon pour qu’ils puissent être filés. Les
chinois emploient souvent quatre moyens pour atteindre ce but dans la première moitié
du 19e siècle. Dans la région de Guangdong, on utilise la chaleur du soleil, ou bien on
les stratifie en les mettant par couches alternatives avec du sel et des feuilles de
nénuphar dans de grandes jarres qu’on prend soin de boucher hermétiquement.
L’avantage de ces dernières deux méthodes est qu’on ne sabote guère la qualité du
cocon pendant le processus visant à tuer la chrysalide, mais le risque est qu’on n’assure
pas la mort de toutes les chrysalides.1 A Yangzi, il existe deux autres méthodes pour
faire périr les chrysalides. On les fait mourir en plaçant les cocons dans un four chaud.
Ce procédé présente aussi de grands inconvénients. Si la chaleur n’est pas assez forte,
les chrysalides des cocons placés au milieu des corbeilles ne meurent pas. Si la chaleur
est trop forte, le brin de soie en est altéré. Dans ces deux hypothèses on nuit à la quantité
comme à la qualité des cocons, les paysans de Yangzi préfèrent donc l’autre méthode--
-----tuer la chrysalide en employant la vapeur d’eau bouillante. On prépare un fourneau
sur lequel on pose une chaudière traversée par une croix en fer, sur laquelle on place un
tamis rempli de cocons. On le couvre au moyen d’un couvercle en bois rembourré sur
les bords pour qu’il ne laisse échapper aucune vapeur. On a soin de ne placer le tamis
qu’au moment où l’eau qui est contenue dans la chaudière, et qui ne doit s’élever qu’aux
deux tiers du récipient, est à son plus haut degré d’ébullition. On l’y laisse 8 à 10
minutes, et ce temps suffit pour faire périr toutes les chrysalides. En employant ce
moyen, on n’a plus à craindre que le brin du cocon soit altéré pour être resté trop
longtemps exposé à l’action de la vapeur. Pourtant, il résulte de l’emploi de ce moyen
un inconvénient : la vapeur qui s’élève de la chaudière, après avoir passé à travers les
cocons, se condense au couvercle qui recouvre le tamis, et retombe ensuite en gouttes

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°12. p. 97.
357
tâchant les cocons, ce qui porte préjudice à la nuance de la soie. 1 On constate que
chaque méthode possède sa propre imperfection, ainsi dans les régions où la main-
d’œuvre est plus abondante, notamment dans la région de Yangzi, la démarche de tuer
la chrysalide est souvent sautée. Autrement dit, les paysans commencent
immédiatement le travail de la filature après le triage des cocons sans tuer les
chrysalides.2 En ce cas, ils doivent finir de filer tous les cocons en 10 jours.
Les démarches de la filature de la soie sont analogues dans différentes
pays pendant le 19e siècle: faire dépelotonner le cocon dans l’eau chaude par la
dissolution de l’enduit gommeux qui entoure le fil afin d’obtenir un faisceau qui
constituera le fil de la soie grège. Toutefois, dans chaque pays, et dans chaque région
d’un même pays, on possède ses propres méthodes et ses propres instruments pour filer
les cocons. 3 En Chine, l’asple classique est construit directement au-dessus d’une
bassine large dans laquelle les cocons sont bouillis. Une longue planche en bois posée
sur la bassine soutient deux piliers auxquels sont attachés deux petits rouleaux
cylindriques dont le diamètre est de 6.6 centimètres et la longueur de 16.5 centimètres.
Un tube de bambou est suspendu au dessous de chaque rouleau cylindrique pour faire
l’encroisure. On met les cocons dans l’eau chaude qui est normalement bouillie par le
feu doux au dessous de la bassine, et ensuite on tire le faisceau d’un cocon jusqu’au
bout (cette démarche s’appelle tirage de la soie). Après que les faisceaux traversent les
tubes de bambou, on les fait enrouler autour des rouleaux cylindriques, où ils sont
transmis à un dévidoir ou un rouet plus large dont le diamètre mesure 14.85 centimètres
et la longueur 52.8 centimètres. Autour ce dernier dévidoir ou rouet il y a quatre piliers,
dont les deux piliers avant sont plus bas que les deux piliers arrière. On installe un
crochet sur chaque pilier avant pour séparer les faisceaux puis on les transmet au
dévidoir soutenu par les deux piliers derrière. Dans le dévidoir ou rouet, les faisceaux
sont dévidés à la forme du brin (cette démarche s’appelle dévidage de la soie). Les brins
que le dévidoir produisent se divisent en la soie fine (réunie par 5 faisceaux) et la soie

1 L. De Teste. Du commerce des soies et soieries en France. Considéré dans ses rapports avec celui des autres
états. Avignon. Lithographie de la ville. 1830. pp.43-45.
2 A.J.Sargent. Anglo-Chinese commerce & Diplomacy. Oxford. The Clarendon Press. 1907. pp.217-218.
3 A. De Laberge. Les industries de la soie en France. Revue des Deux Mondes. Tome 101. 1890. p.6

358
grosse (réunie par 12 faisceaux ou plus). On fabrique les tissus plus précieux avec la
première, et les tissus ordinaires avec la dernière. Il y a également un petit réchaud
derrière le dévidoir sur lequel on fait sécher la soie de crainte que les faisceaux ne se
collent.1 A ce moment, la soie est prête pour le marché.
L’énergie de tout l’instrument provient d’un mécanisme de transmission lié au
dévidoir ou rouet. Lorsqu’on fait tourner la roue, tout l’instrument tournera à la même
vitesse. En Chine, il existe différents types de mécanismes de transmission qui offrent
l’énergie pour le dévidoir à l’époque dans les différentes régions : on préfère faire rouler
le dévidoir avec la pédale à pied dans la région de Yangzi, tandis qu’on utilise souvent
la manivelle attachée à la roue du dévidoir dans les régions de Guangdong et Sichuan2
(Le dévidoir avec pédale à pied n’est vulgarisé dans la région de Guangdong qu’après
les années 18703, dans la région de Sichuan seulement après les années 1890 4). Le
premier est plus avancé que le deuxième, parce qu’il a libéré les deux mains du dévideur,
ce qui lui permet de tirer soigneusement le faisceau dans la bassine. Également, les
tailles des dévidoirs avec pédale à pied dans la région de Yangzi sont différentes. Pour
ceux qui sont plus petits, une fileuse suffit pour alimenter son fourneau, entretenir sa
bassine, battre ses cocons et tourner l’asple. Pour ceux qui sont plus grands, il faut 2 à
4 personnes pour finir tous ces travaux.5

1 LI Ba. Commentaires de la sériciculture. Rassemblé dans la Collection des œuvres de l’Empire. Vol 37.
Agriculture. p. 55. (李拔: 《蚕桑说》 , 《皇朝经世文编》卷三十七《农政》 ,第55页。)
2 LI. Lillian.M. L’industrie et l’exportation de la soie de Chine pendant l’époque moderne. p.12. (李明珠: 《中国
近代蚕丝业及外销》 ,第15-16页。)
3 Les Annuaires de Shunde. République de Chine. Vol 1. p.19. (民国《顺德县志》 ,第1卷,第25页。)
4 ZHANG Xiaomei. Les sources de l’économie de Sichuan. Shanghai. Institut de l’économie de Chine. 1939.

p.23. (张肖梅, 《四川经济参考资料》 ,上海:中国国民经济研究所,1939年,第23页。)


5 XU Guangqi(dynastie de Ming). L’encyclopédie agricole, p.15. (徐光启: 《农政全书》 ,第15页。)
359
Le dévidoir avec pédale à Le dévidoire à manivelle
pied
L’émergence des marchés de cocons à Yangzi et à Guangdong n’a lieu que dans
les années 1870 (le problème du marché des cocons sera abordé dans la troisième
section). Sans la fourniture de matières premières, l’existence d’ateliers d’artisanat ou
d’usines mécaniques spécialisées la filature de la soie est impossible à Yangzi et à
Guangdong.1 Cela signifie que, avant les années 1870, les procédures de l’éducation
des vers à soie et de la filature se pratiquent intégralement dans une famille de paysans,
par l’unité familiale. Cette organisation de production des soies n’évolue qu’après la
création des filatures mécaniques et des maisons de cocons, qui sera précisée dans la
troisième section de ce chapitre.

D Ancien critère de la qualité des soies


Il existe déjà un système pour distinguer des différentes qualités des soies sur le
marché domestique chinois dans la première moitié du 19e siècle. À cette époque, ce
dernier système sert aussi à identifier la qualité des soies pour le marché d’exportation.
Dans ce système, le critère principal pour classifier les différentes qualités des soies est

1 ZHANG Xuejun. ZHANG Lihong. L’histoire industrielle de Sichuan. Chengdu. Editions des peuples de
Sichuan. 1990. p.120. (张学君,张莉红: 《四川近代工业史》 ,成都:四川人民出版社,1990年,第120页。)
360
leur lieu de production. Entre les soies produites en un même lieu, on les subdivise en
plusieurs ordres selon leurs spécificité (l’élasticité, la ténacité, la couleur, l’éclat, la
finesse, etc.). Dans un rapport d’Isidore Hedde (délégué de l’industrie de la soie
française en Chine) au Ministère du commerce et de l’agriculture, se trouve une liste
indiquant la classification des qualités des soies circulant sur le marché de Canton en
1845 :

Tableau V-1 Classification de la qualité des soies circulant sur le marché

de Canton en 1845.1

Dollars/ picul2
n° 1………………………. 500
Tsat-li…....…......................... 2……………………….. 490
3……………………….. 480
n° 1………………………. 490
Taysaam……………………. 2……………………….. 480
3……………………….. 470
n° 1………………………. 420
Taysaam…………………….. 2……………………….. 410
3……………………….. 400
n° 1………………………. 410
Sse-tchuen…………………. 2……………………….. 400
3……………………….. 390
n° 1………….Long-kong 350
Canton supérieur…………... 2……………Long-shann 340
3……………Lak-lao 330

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°12, p. 102.
2 Les « dollars » ici devraient être les piastres espagnoles

361
n° 4……………Kom-tchou 300
5…………..Wong-linn 280
6…………..Hang-tann 250
Canton inférieur…………… 7…………..Siou-tann 250
8…………..Hwei-tchok 230
9………….Kaou-kong 180

Selon les prix marqués à gauche de la liste, les meilleures soies chinoises à cette
époque sont Tsat-li, Yune-fa et Tayssam, toutes provenant de la région de Yangzi. La
qualité des soies de Sichuan est moins bonne que celle des soies de Yangzi, mais
meilleure que celle des soies de Canton. Les prix des soies de Canton sont les plus bas,
de même que leurs qualités sont les plus inférieures. De plus, on divise chaque sorte de
soie en plusieurs numéros pour distinguer les différentes qualités des soies en
provenance du même lieu. Voici les descriptions des spécificités des principales natures
des soies chinoises dans la liste :
1. La tsat-li, en chinois mandarin qi-li(七里丝,辑里丝). La qi-li est une grège
d’un blanc argenté, filée à sept cocons, ce qui lui a valu son nom. 1 Elle est très
remarquable par son aspect métallique et sa blancheur. Elle tourne très bien au dévidage
et fait peu de déchet : ses flottes se divisent parfaitement. Ses principaux emplois, en
Chine, sont pour les foulards unis d’une grande beauté, pour les belles soies torses et
floches de Ningpo, ainsi que pour les beaux tissus de crêpe unis, sur lesquels reposent
les élégantes broderies des grands châles, etc.2 Elle est aussi la soie la plus demandée
par les marchands occidentaux. Dans le rapport de Isidore Hedde, il note avec
admiration « sont très rares et recherchées……Elle est une soie produite par des
procédés plus perfectionnés que ceux qui sont employés dans la province de Kwuang-
tong……Elle est considérée comme supérieure à toutes les soies que nous recevons du
Levant, pour son brillant et pour ses qualités à l’emploi. Elle est plus propre, moins

1 Pour les détails de la situation la qi-li, consulter JI Fagen. L’origine de la soie de qili. Archéologie agricole.
2003. n°3. pp.184-192. (嵇发根:湖丝------辑里湖丝源流考, 《农业考古》 ,2003年第3期,第184-192页.)
2 Archives de la province de Zhejiang. Annuaires de Huzhou pendant le règne de Tongzhi. 1874. Vol. 31. pp.22-

23. (浙江省档案馆:同治《湖州付志》 ,同治十三年,卷三十一 ,第22-23页。)


362
duveteuse, et perd moins au décreusage que toutes les soies ordinaires, même celles de
France. »1
2 La yune-fa, en chinois madarin yun-hua(云华丝). Cette soie grège est aussi
remarquable que la précédente par sa blancheur, sa finesse et sa netteté. Elle est
également croisée, mais la nature de la soie est moins bonne, le brin est plus irrégulier,
le dévidage en est moins facile ; elle donne, par conséquent, plus de déchet. Ses flottes
sont souvent coiffées, c’est-à-dire qu’elles sont d’un brin plus gros à l’extrémité qu’au
commencement ; au dévidage et à l’emploi, elle est beaucoup plus cassante que la
précédente.2 Isidore Hedde indique que « cette soie est encore peu connue en France,
peut-être n’en a-t-on pas employé les meilleures qualités. On assure qu’en Chine elle
est destinée aux usages les plus relevés, et sa finesse la fait même préférer, pour certains
emplois, à la tsi-li. »3
3. La taysanm, en chinois mandarin da-can (大蚕), c’est-à-dire de gros vers, parce
qu’elle est produite par les gros vers de Zhejiang. Cette soie grège est bonne pour tous
les articles qui réclament des matières de moins bonne qualité.4 « Elle est plus connue
en France que la yune-fa, et elle y montée en trames et poils qui sont d’un excellent
usage. »5
4. Les soies de Sse-tchuen. Les soies de Sse-tchuen possèdent souvent une couleur
jaune, on les appelle donc aussi les soies jaunes. Ces dernières soies sont célèbres pour
avoir plus de ténacité et pour être spécifiquement moins lourdes que d’autres soies
blanches.6 Néanmoins, selon Isidore Hedde, « elles ne sont pas connues en Europe. »7

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°12, p. 93.
2 LUO Suxiu. Annuaires de Wucheng pendant le règne de Qianlong. Shanghai. Editions des anciens documents de

Shanghai. 1995. Vol 13. Production. p.136. (罗愫修:乾隆《乌程县志》 ,卷十三, 《物产》 ,上海:上海古籍
出版社,1995年,第136页。)
3 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12, p. 94.


4 WANG Rizhen. Annuaires municipaux de Nanxun pendant le règne de Xianfeng. Shanghai. Editions de la

science, de la technique et du document. 1995. Vol 24. Production. p.5. (汪曰桢:咸丰《南浔镇志》 ,卷二十
四, 《物产》 ,上海:上海科学技术文献出版社,1995年,第5页。)
5 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12. p. 94.


6 KUFIKA Hitawa. Résumé de l’industrie de la soie de l’empire de Qing. p.734. (峰村喜藏: 《清国蚕丝业大
观》第734页。)
7 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12. p. 95.


363
5. Les soies de Canton. Toutes les soies de Canton de qualité supérieure (N°1, 2,
3) sont produites dans le district de Shunde (顺德) et portent les noms des villages de
Shunde. Ces soies sont plus fines que lesquelles de Yangzi et Sichuan, mais moins
régulières et plus bouchonneuses. Les autres soies de qualité inférieure sont les
productions d’autres villages du district de Shunde, qui possèdent des couleurs diverses
et une qualité encore moindre que les trois premiers numéros.1 Les commentaires de
Isidore Hedde sur les soies produites à Canton sont :« Elles ont le défaut de n’être pas
croisées et d’être gommées sur l’asple, ce qui cause beaucoup de déchet et en rend le
dévidage difficile, surtout sur nos guindres cylindriques, où la soie fatigue plus que sur
les dévidoirs horizontaux des Chinois……Les soies du Levant, telles que les Mestoup,
Brousses et autres, dont la filature s’est beaucoup améliorée depuis quelques années,
doivent faire diminuer le prix des soies de Canton, ou plutôt éloigner celles-ci de nos
marchés. »2
Nous constatons que, avec de tels critères, les qualités des soies se distinguent
selon leur lieu de production, et chaque nature de soie produite en un certain lieu
possède ses propres caractéristiques. « L’indice principal à l’aide duquel se distinguent
les soies grèges est un cartouche en caractères chinois qui accompagne toujours
chacune de ces sortes et indique les lieux de fabrication, la qualité (numéro), les
quantités, les dates d’envoi, les noms de l’expéditeur et du consignataire ». 3 En
d’autres termes, la plus grande spécificité du critère ancien de la qualité des soies
chinoises est son bas niveau de standardisation.
Nous avons déjà mentionné que la production de soie monte de 123 930 piculs en
1840 à environ 150 000 en 1870. Selon les données du chapitre II (tableau II-1-A et
tableau II-29-A), une moitié de ces soies produites en Chine est destiné au marché
étranger, dont environ 50% (un quart de la totalité) arrive directement ou indirectement
en France. Quantitativement, la production de la soie de Chine satisfait parfaitement la

1 LIU Kexiang. L’histoire brève de l’industrie de la soie en Chine. Beijing. Editions des documents en sciences
sociales. 2011. p.183. (刘克祥: 《桑蚕丝绸史话》 ,北京:社会科学文献出版社,2011年,第183页。)
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12. p. 91-92.


3 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12. p.94.


364
demande du marché français. Mais qualitativement ? Avec de tels métiers de production
et un tel critère de qualité, la qualité des soies chinoises satisfait-elle toujours le besoin
des fabricants français ? La réponse est négative. Nous allons constater ci-dessous que
les soies chinoises (de tous les classes) ont une très mauvaise réputation sur le marché
international, y compris sur le marché français à partir des années 1870. Quels sont
alors les principaux problèmes qualitatifs des soies chinoises ? Et s’il existe des
problèmes qualitatifs, pourquoi la qualité des soies chinoises est-elle moins critiquée
avant 1870, et plus critiquée après ? Nous allons répondre à ces questions dans la
section suivante.

365
V-2 Mécanisation de l’industrie des soieries en France et qualité

« insuffisante » des soies du sol chinoises

On a découvert parmi nos sources qu’un grand nombre de lettres d’avertissement


officielles ont été adressées aux marchands chinois par des acheteurs de soie français
à partir des années 1870, dans lesquelles ces derniers acheteurs reprochent strictement
les mauvaises qualités des soies chinoises exportées en France. Cela indique que, dès
les années 1870, la spécificité des soies chinoises est de moins en moins adaptée à la
demande de qualité de la soie sur le marché français. Pourquoi ces avertissements
officiels adressés directement aux marchands chinois apparaissent-ils à partir des
années 1870, et pas plus tôt, alors qu’il existe déjà beaucoup de fraudes ?1 Pourquoi
les soies chinoises ne s’adaptent-elles plus à la demande des acheteurs
occidentaux après les années 1870 ? Y a-t-il un lien entre la mécanisation de l’industrie
textile des soieries en France et la qualité insuffisante des soies en Chine ? Si oui, quel
est le lien entre les deux ? Dans cette section, nous allons répondre à toutes ces
questions sur la détérioration de la qualité des soies chinoises circulant sur le marché
international.

A Réclamations des marchands de soie de Lyon


Dans l’assemblée générale du 6 févier 1872, l’Union des marchands de soie de
Lyon, préoccupée de la détérioration de la qualité des soies de Chine de la récolte de
1871, a nommé une Commission composée de Chamonard, Arlès-Dufour, Chartron,
Milsom et Lacroix2, chargée d’en étudier les causes. Lisons une partie de leur rapport
intitulé Détérioration des soies de Chine de la saison de 1871 qui a été présenté au

1 Certes, il y a aussi des critiques sur la mauvaise qualité et des fraudes des soies chinoises avant les années 1870.
Mais elles apparaissent souvent dans les rapports des délégués commerciaux ou dans les rapports des consuls
français envoyés à l’organisation officielle ou non-officielle en France. Les avertissements adressés directement
aux marchands chinois sont très rares avant les années 1870.
2 Certains membres de cette commission, par exemple, Arlès-Dufour et Lacroix, sont en même temps les

commerçants de soies qui ont installé des maisons commerciales en Chine. Voir le chapitre III.
366
syndicat des marchands de soie dans la séance du 2 avril 18721 :
« Au mois d’août 1871, le marché de Lyon était depuis longtemps dépourvu de
soies de Chine de belle qualité ; aussi y reçut-on avec satisfaction celles de la nouvelle
récolte, dont la qualité s’annonçait très bonne. Le triage laissait bien un peu à désirer,
par suite sans doute de l’empressement des marchands chinois à expédier promptement
sur le marché de Shanghai les premières soies filées ; mais on espérait, d’après les
lettres et circulaires des explorateurs que les envois qui suivraient seraient mieux
préparés.
« Malheureusement il n’en fut pas ainsi ; au contraire, les arrivages successifs
étaient formés de soies de moins en moins bonnes, comme nature, et de plus en plus
mal triées.
« C’est ainsi, qu’après la réception des premières malles, la grande masse des soies,
des tsatlée surtout, a été trouvée mélangée, dans une proportion plus ou moins grande,
suivant les lots, mais parfois très-forte, de flottes très-irrégulières et costeuses ; d’autres
duveteuses à l’excès, bouchonneuses, et même doupionnées ; d’autres encore, de
mauvaise couleur, et quelques-unes enfin, si mal filées, qu’elles étaient presque
indévidables.
« Tous ces défauts proviennent, et du manque de soins à la filature de la soie, et de
l’abondance exceptionnelle de la deuxième récolte, dont la qualité est toujours
inférieure à celle de la première ; on peut même supposer que les plus mauvaises flottes
viennent de districts qui d’habitude n’exportent pas leurs produits.
« Indépendamment des plaintes auxquelles ont donné lieu ces défectuosités, dont
il sera peut-être difficile de prévenir la continuation, il s’en est produit d’autres, non
moins fondées et non moins générales, sur le peu de soins apportés par les marchands
chinois, à l’assortiment et à l’empaquetage des soies ; ce qui a rendu plus graves encore
les conséquences des négligences de la filature de la soie. Ainsi, les paquets sont formés
de soies de mérites différents ; beaucoup, qui sont couverts avec des flottes de bonne
nature et qualité, bien filées, contiennent, à l’intérieur, d’autres flottes, telles que celles

1 Archives Nationales de France. F12. 7058. Union des marchands de soie de Lyon. 2, avril 1872.
367
qui viennent d’être d’écrites, et il n’est pas possible de s’en rendre compte, sans défaire
complètement les paquets. Dans certains lots, ces mélanges constituent une véritable
fraude, et il en résulte des difficultés nombreuses entre les vendeurs et les acheteurs
consommateurs.
« Ces faits ont d’autant plus de gravité, qu’ils se sont produits non-seulement sur
des soies de qualité courante, mais aussi sur celles qui jusque-là étaient classées
parfaitement par leurs chops, et très appréciées des consommateurs. Ces soies classées
se sont détériorées progressivement pendant toute la campagne, au point que dans bien
des cas, un tsatlée n° 3 de la fin de la saison, vaut à peine un n° 4 du même chop du
début.
« Il est on ne plus important de se rendre sérieusement compte des résultats
funestes d’un pareil état de choses ; le commerce, confiant dans le mérite connu des
soies classées, avait profité des facilités apportées par l’ouverture du télégraphe. Pour
faire des affaires considérables à livrer, en soies de chops bien connus et appréciés ;
mais par le fait de l’altération de la qualité des soies livrées et expédiées sous le couvert
de ces chops, il est résulté de grandes déceptions de ces affaires. Aussi, la confiance
dans la plupart des chops est-elle à peu près complètement perdue aujourd’hui, et les
consommateurs ne veulent plus acheter, comme autrefois, sur la simple désignation du
chops ; Ils veulent non seulement voir la marchandise, mais encore visiter l’intérieur
des paquets, même les faire essayer, et les envoyer aux moulins ayant de traiter ; la perte
de temps qui en résulte ralentit et entrave considérablement les affaires.
« De plus, le chops n’étant plus une garantie de la qualité, la spéculation
s’éloignera forcément d’un commerce rendu si dangereux, tandis que la consommation,
dégoûtée par mauvaise qualité de la grande masse des soies de Chine s’en détournera,
et finira par les abandonner, comme elle avait depuis plusieurs années à peu près
abandonné les soies du Japon (Mybash), ce qui a déterminé une diminution de 20/25 %
de leur valeur.
« Cette appréhension n’a rien d’exagéré, et elle est d’autant plus fondée, que par
suite de l’amélioration progressive des résultats des récoltes séricicoles en Europe, nos
soies indigènes deviennent chaque année plus abondantes et meilleur marché
368
relativement, que celles de Chine (c’est ainsi que l’année dernière, les soies de bonnes
filatures courantes d’Italie ne sont pas revenues aux fleurs à plus de 65/70 fr. le
kilogramme, parité de 23/6 à 25/.) D’un autre côté, les Japon (Mybash) commencent à
s’améliorer, et comme les prix en sont très bas (22/ à 25/), la consommation des soieries,
qui emploie depuis longtemps les trames d’Italie, presque à l’exclusion de celles de
Chine, commence à y revenir, ce qui créera aux soies de Chine deux concurrences au
lieu d’une.
……
« En résumé, si l’on n’apporte pas, la saison prochaine, une véritable amélioration
dans la filature, le triage, et le classement des soies de Chine, leur avenir nous paraît
sérieusement menacé ; il importe donc à toutes les parties intéressées dans ce commerce,
de faire tous leurs efforts pour éviter que les Chinois continuent à traiter leurs soies
aussi mal en 1872, qu’ils l’ont fait en 1871. Aussi, ne saurions-nous trop énergiquement
engager la Chambre de Commerce de Shanghaie, à user de toute son influence auprès
des marchands Chinois, pour couper le mal dans sa racine.
« Pour y arriver, il nous paraît que la Chambre de Commerce de Shanghaie devrait
convoquer tous les représentants des grands maisons chinoises (Hongs), leur exposer le
danger que court leur commerce de soies, par suite des négligences à la filature ; du
mélange de flottes inférieures à l’empaquetage, et de la dégradation du classement.
« Les adjurer dans leur intérêt, et celui de leur pays, de s’entendre entre eux, pour
réagir cette année, d’une façon énergique, contre les négligences et les fraudes signalées
pendant la dernière saison.
…….
« Mais nous espérons que l’autorité de la Chambre de Commerce de Shanghaie,
sera assez efficace pour éclairer les marchands Chinois sur leurs véritables intérêts, et
que les soies de 1872 feront revenir les consommateurs de la mauvaise impression que
leur laissent celles de 1871 ; le danger qui menace le commerce de ces soies serait ainsi
conjuré. »
Ce long rapport a reflété de façon vive la situation de la détérioration de la qualité

369
des soies du sol1 chinoises exportées en France au début des années 1870, ainsi que,
avec ce dernier cas, l’insatisfaction des marchands de soie de Lyon. Plus tard, ce dernier
rapport a été adressé au Ministre de l’agriculture et du commerce.2 Très vite, par le
Ministère des affaires étrangères3, le Ministre plénipotentiaire français en Chine connaît
le problème, et transmet le rapport des Lyonnais à la Chambre de commerce de
Shanghai. 4 La Chambre de commerce composée des représentants des maisons
étrangères à Shanghai, fait publier ce rapport sur le journal de Shen (申报, le plus grand
journal en chinois à Shanghai) le 22 mai 18725 et sur le North China Herald ( 北华捷
报, le plus grand journal en anglais à Shanghai ) le 25 mai 1872,6 afin de faire parvenir
ces informations aux marchands de soie chinois. C’est la première fois que les
marchands de Lyon font des reproches officiellement et sérieusement aux marchands
de Shanghai sur la question de la détérioration de la qualité des soies chinoises.
Après la publication de ce dernier rapport, la qualité des soies manuelles chinoises
ne s’améliore guère. En revanche, on entend désormais de plus en plus de plaintes sur
ce problème de la part des marchands de soie occidentaux. Non seulement les soies
chinoises des classes inférieures, mais aussi celles des classes supérieures, sont souvent
critiquées. Au mois de mai de l’année 1873, les reproches de l’Union de marchands de
soie de Lyon apparaissent encore une fois sur le North China Herald : « les soies
chinoises ne sont ni propres, ni régulières, difficiles à être dévidées ; il sera impossible
de vendre les étoffes tissées par les soies chinoises, parce qu’elles sont très
bouchonneuses et que leurs couleurs ne sont pas uniformes. » 7 En décembre de la
même année, dans un rapport de la Chambre de commerce de Shanghai, on

1 On appelle la soie produite par la filature manuelle comme la « soie du sol (土丝)» en Chine, afin de se
différencier de la soie produite par la filature mécanique « la soie mécanique(厂丝) ».
2 Archives Nationales de France. F12. 7058. Lettre de la Chambre de commerce de Lyon au Ministre de

l’agriculture et de commerce. 13, avril 1872.


3 Archives Nationales de France. F12. 7058. Lettre du Ministre de l’agriculture et du commerce au Ministre des

affaires étrangères. 20 avril 1872.


4 Archives Nationales de France. F12. 7058. Lettre du Ministre des affaires étrangères au Ministre de l’agriculture

et du commerce. 6 septembre 1872.


5 Journal de Shen. Le 22 mai 1872. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《申报》 ,1872年5月22
日,上海图书馆馆藏资源。)
6 North China Herald. Le 25 mai 1872. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《北华捷报》 ,1872
年5月25日,上海图书馆馆藏资源。)
7 North China Herald. Le 5 mai 1873. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《北华捷报》 ,1873年
5月5日,上海图书馆馆藏资源。)
370
constate que : « à la suite d’une seconde communication de l’Association des
marchands de soie de Lyon concernant la mauvaise préparation des soies de Chine, la
chambre a renouvelé ses recommandations aux producteurs mais sans succès. Les soies
de la dernière récolte présentent les mêmes défauts que celles des années précédentes
et il n’est pas probable qu’on obtienne de meilleurs produits tant que les étrangers se
monteront disposés à acheter ceux qui leur sont offerts. »1 Trois mois plus tard, une
autre lettre d’avertissement en provenance de l’Union des marchands de soie de Lyon
est publiée sur le journal de Shen : « si les marchands chinois ne peuvent pas améliorer
la qualité des soies exportées et rétablir la réputation de leurs marques, l’industrie des
soieries françaises va refuser de laisser entrer les soies chinoises en France. »2
Les marchands français ne sont pas le seul groupe qui formule une objection contre
la mauvaise qualité des soies chinoises. Des acheteurs de soie d’autres pays déclarent
leurs critiques presque en même temps. En janvier 1873, le consul d’Angleterre à
Shanghai envoie un courrier au Maire de Shanghai SHEN Bingcheng (沈秉成) afin
d’informer le gouvernement chinois de la gravité des problèmes de qualité existant
parmi les soies exportées de Chine. Il conseille que « les marchands chinois doivent
souligner d’abord leur réputation, éviter les troubles dans les processus de production
et d’échange, et faire un commerce loyal avec les négociants étrangers. »3 Le 23 août
de la même année, le North China Herald a publié une lettre provenant de l’Union des
marchands de soie des États-Unis, dans laquelle les américains ont également exprimé
leur insatisfaction sur la mauvaise qualité des soies chinoises.4
Qu’est-ce qui a stimulé les critiques de tant de marchands occidentaux sur la
qualité des soies chinoises exportées ? En d’autres termes, quels sont les éléments qui
ont conduit à la détérioration de la qualité des soies exportées de Chine ?
On trouve déjà certaine pistes dans le premier rapport que nous avons cité. Selon

1 Archives du Ministère des affaires étrangères(Nantes). Shanghai. Cartons roses. n°5.


2 Journal de Shen, le 22 mars 1874. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《申报》 ,1874年3月22
日,上海图书馆馆藏资源。)
3 Archives Nationales de Chine (deuxième), Bureau général de la douane de Chine. Les archives des anciennes

douanes de Chine. Vol 5. p.55. (中国第二历史档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料,05卷》 ,第


55页。)
4 North China Herald. Le 23 août 1873. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《北华捷报》,1873

年8月23日,上海图书馆馆藏资源。)
371
ce rapport, la détérioration de la qualité des soies chinoises, qui est aussi le fait le plus
souvent mentionné, est causée par les fraudes1 dans les échanges des soies. En réalité,
les cas de fraude commerciale émergent déjà au début de l’ouverture de la Chine
pendant les années 1840 dans l’échange des soies. Dans un rapport publié en 1845 par
le Ministère de l’agriculture et du commerce, on lit que « on doit bien faire attention,
en Europe, quand arrivent ces marchandises, car elles sont souvent coiffées, c’est-à-
dire que les parties intérieures ont été garnies de soies costeuses, veinées,
bouchonneuses, inégales, inférieures, enfin, à celles qui les entourent à l’extérieur. »2
Ce phénomène est de plus en plus commun à partir de ce moment, et devient une
importante cible de critiques dans les rapports commerciaux écrits par des négociants
étrangers. On a écrit dans le rapport du commerce extérieur de Chine en 1865 : « Une
certaine quantité (de soie chinoise) affectée par des pluies torrentielles, se trouva
humide et, livrée trop vite aux steamers, arriva en Europe frappée de détérioration ; un
peu de fraude de la part des paysans qui pour rendre les balles plus lourdes, en auraient
mouillé l’intérieur, pourrait bien aussi s’être ajouté aux effets de l’humidité du
temps. » 3 Le Ministère de l’Agriculture, du commerce et des Travaux publics de
France a fait insérer l’avis suivant dans ses Annales publiées en 1869 : « un nouveau
genre de fraude pratiqué sur les cartons de graines de vers à soie a été découvert par le
consul général de France à Shang-haï. Des cartons vides étaient importés du Japon en
Chine pour y être recouverts de graines de vers à soie chinoises et réexpédiés au Japon
pour y recevoir le timbre du Consulat de France avant d’être adressés en Europe. »4
Les cas similaires sont déjà très nombreux dans les rapports commerciaux avant les
années 1870. Il est vrai que les fraudes commerciales sont également une cause
importante du problème de la qualité des soies chinoises après 1870. Cependant, il faut
expliquer, puisque les fraudes commerciales existent déjà dans le commerce des soies

1 Il y a beaucoup de types de fraudes dans l’échange de la soie. Pour les détails sur les fraudes, consulter P.Vernus.
Contrôler et définir la fraude dans la soierie lyonaise (au XIXe siècle et au début du XXe siècle). dans G.Béaur,
H.Bonin et C.Lemercier. Fraude, contrefaçon et contrebande de l’Antiquité à nos jours. Genève. Librairie Droz.
2007.
2 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits

commerciaux n°12. p. 101.


3 Archives Nationales de France. F12. 7057. Rapports du commerce extérieur de Chine en 1865. p.82.
4 Ministère de l’agriculture et du commerce et des travaux publics, Document sur le commerce extérieur, Chine et

Indochine, Faits commerciaux n°45. p. 93.


372
à partir des années 1840, pourquoi les premiers avertissements officiels des marchands
lyonnais n’apparaissent qu’après le début des années 1870.
De fait, bien que les fraudes commerciales soient la cause la plus mentionnée par
les lyonnais, elles ne sont pas l’élément le plus essentiel pour les réclamations sur la
détérioration de la qualité des soies de Chine. Un autre facteur qui conduit
définitivement à la crise de qualité des soies chinoises depuis les années 1870 n’est
guère mentionné dans le rapport : l’accélération de la mécanisation de l’industrie textile
des soieries en France depuis les années 1870.

B Accélération de la mécanisation de l’industrie des soieries en France depuis 1870


En France, les innovations des métiers de tissage des soieries débutent dès le
cours du 18e siècle. Le tissage de soie est
une opération assez longue et délicate avant
le 18e siècle, car chaque coloris du motif
doit être introduit pas sa propre navette. À
cette époque, il faut que plusieurs tisseurs
manipulent un seul métier pour assurer la
fabrication. Le métier à tisser de soie est
tout d’abord simplifié par Basile Bouchon,
qui utilise un ruban perforé pour
programmer un métier à tisser en 1725.
Trois ans plus tard, cette invention est
perfectionnée par Jean-Baptiste Falcon
Métier à tisser de Jacquard
(assistant de Bouchon) qui remplace le ruban
perforé par une série de cartes perforées permettant de mieux commander la machine
textile.1 De 1745 à 1755, un autre inventeur, Jacques Vaucanson, améliore de nouveau
les métiers de Bouchon et Falcon en les automatisant par hydraulique et en le

1 J-C. Heudin. Les créatures artificielles : des automates aux mondes virtuels. Paris. Editions Odile Jacob. 2008.
p.73.
373
commandant par des cylindres analogues à ceux de ses automates.1
Mais c’est l’invention du métier à tisser semi-automatique de Joseph-Marie
Jacquard au début du 19e siècle qui remarque le début de la modernisation de l’industrie
des soieries. Ayant étudié la mécanique à Lyon, Joseph-Marie Jacquard met au point le
métier à tisser Jacquard, dit métier Jacquard, en 1801. Cette machine combine les
techniques des aiguilles de Bouchon, les cartes perforées de Falcon et le cylindre de
Vaucanson.2 Enfermé dans un coffre en partie supérieure du métier, le dispositif de
Jacquard comporte quatre éléments principaux. Une traverse retient suspendus des
crochets amovibles. Sous la traverse, des aiguilles horizontales, tordues sur elles-
mêmes, forment chacune une boucle : les tiges des crochets, avant d’être reliées aux
fils de chaîne, passent dans ces boucles. Appuyées sur la gauche comme un ressort, les
aiguilles sont poussées vers la droite devant un carré mobile autour d’un axe dont les
côtes portent des trous. Enfin, une suite de cartes perforées attachées les unes aux autres
est soutenue et entraînée par le carré : ces perforations déterminent l’exécution du
dessin. Le système fonctionne de la manière suivante. Mis en rotation, le carré a une
face recouverte d’un carton. Quand les trous coïncident de part et d’autre, les aiguilles
s’enfoncent. Au contraire, les pleins de la carte repoussent les aiguilles, et ce recul
provoque la chute des crochets correspondants, pris dans les bouches. Dès lors, on peut
lever la traverse ne retenant plus que certains crochets, ceux-là mêmes qui vont soulever
les fils de chaîne. Les perforations de la carte commandent ainsi l’enfoncement des
aiguilles, la sélection et la levée automatique de ces fils, entre lesquels doit passer la
navette. Le tisserand dispose d’un carton par duite et manœuvre sa traverse du pied. Le
métier Jacquard rend possible la manipulation du métier à tisser par un seul ouvrier au
lieu de cinq auparavant, ce qui élève considérablement l’efficacité du tissage. 3 Il
produit donc au minimum de trois à quatre fois plus que le métier à bras. Par ailleurs,
il facilite considérablement l’apprentissage des ouvriers, et permet l’emploi illimité des
femmes et des jeunes filles, ce qui n’était pas sans intérêt pour le prix de revient de la

1 H. Jorda. Le métier, la chaîne et le réseau : petite histoire de la vie ouvrière. Paris. Harmattan. 2002. p.22.
2 B.Gille. Histoire des techniques. Paris. La Pléiade. 1978. p.718.
3 Archives municipales de Lyon. II 0250 1. J.Huchard. Soierie. Etude biographique de Joseph-Marie Charles dit

Jacquard, inventeur, mécanicien en soierie, 1752-1834.


374
main-d’œuvre. L’invention de ce métier marque les prémices de la révolution
industrielle en France. La contribution de Joseph-Marie Jacquard lui ramène aussi
beaucoup de prix et d’honneurs. Le métier Jacquard est encore amélioré par un autre
lyonnais, Jean-Antoine Breton en 1806 et en 1817, qui fait grandement baisser le coût
de construction de la machine.1 Par la suite, beaucoup d’autres innovations dans la
fabrique lyonnaise de soieries voient le jour pendant le reste du 19e siècle, et même au
début du 20e siècle.2
Cependant, il faut remarquer que la diffusion de cette innovation est très lente en
France, et a duré pendant tout le 19e siècle. Malgré son efficacité, le métier Jacquard
était très difficile à vulgariser au début de son invention.3 Une cause importante est
qu’il est mal reçu par les ouvriers de la soie (les Canuts) qui voient en lui une cause
possible de chômage. De nombreux mouvements sociaux ont eu lieu pour résister à la
propagation de cette innovation en France, dont le plus connu est la Révolte des canuts
en 1831.4 C’est pour cela en 1834, trente-trois ans après l’invention, qu’il n’y a que
2 885 métiers Jacquard parmi 40 000 métiers à tisser en France, soit seulement 7.21%
de la totalité.5
La tension sociale n’est pas la seule raison pour la diffusion lente des métiers
mécaniques. Bien que beaucoup d’historiens, comme P. Verley et P. Cayez, aient essayé
d’expliquer que les fabricants français tentaient de préserver leur image de qualité et le
caractère artistique exceptionnel de leurs produits mécaniques devant l’accroissement
de la demande et la montée de la concurrence étrangère 6, il faut reconnaître que la

1 J.Huchard. Entre la légende et la réalité. Le véritable inventeur de la mécanique dite à la Jacquard. Bulletin
Municipal de la ville de Lyon. n° 5520. 10 mai 1998.
2 Pour les détails, consulter P.Vernus. Art, luxe et industrie. Bianchini Férier, un siècle de soieries lyonnaises,

1888-1992. Grenoble. Presses universitaires de Grenoble. 2006.


P. Vernus. L’innovation dans la fabrique lyonnaise de soierie au tournant du XIXe et du XXe siècle. L’exemple de
Bianchini Férier. Lyon innove. Inventions et brevets dans la soierie lyonnaise au XVIIIe et XIXe siècle. Lyon.
EMCE. 2009.
3 Dans l’ouvrage Métiers Jacquard et hauts fourmeaux aux origines de l’industrie lyonnaise. Lyon. Presses

Universitaires de Lyon. 1878. de P.Cayez, l’auteur écrit que « la première moitié du XIXe siècle vit une large
diffusion du Jacquard amélioré». Le fondement quantitatif de cette conclusion est le triplement du nombre des
métiers mécaniques en France (pp.144-145) De fait, bien que le nombre des métiers Jacquard a triplé pendant la
première moitié du 19e siècle, sa proportion dans la totalité des métiers à en France est encore très modeste, ce
qu’on va montrer de suite. Il est donc difficile d’affirmer le succès de la vulgarisation de la première moitié du
siècle.
4 J.Perdu. La révolte des canuts : les insurrections lyonnaises, 1831-1834. Paris. Spartacus. 2010. p.2.
5 G.Chauvy. La dure condition des forçats du luxe. Historia. n° 648, décembre 2000. p.74.
6 Consulter P.Cayez, Métiers Jacquard et hauts fourmeaux aux origines de l’industrie lyonnaise. p.107.

P.Verley. Spécialisations industrielles, structures sociales, activités financières et intégration économique


375
qualité des soieries mécaniques, surtout au niveau de la valeur artistique, est plus basse
que celle des soieries manuelles. D’après des recherches de J.Rojon, avant les années
1860, les motifs des soieries (surtout les riches soieries façonnées) produites dans les
fabriques traditionnelles lyonnaises sont dessinés souvent par les dessinateurs qui
possèdent un talent d’art exceptionnel qui exécutent souvent les missions royales. Pour
économiser de l’argent, les usines mécaniques emploient souvent par la suite des
artistes moins reconnus qui font les dessins plus rapidement, ce qui a considérablement
simplifié les modèles des fabrications des soieries lyonnaises. Par ailleurs, afin
d’adopter la fabrication par métiers mécaniques en série, la teinture des soieries en fils
est remplacée par la teinture en pièce, tandis que le nombre de couleurs est bien réduit.
Tout cela diminue encore la valeur artistique des produits des soieries.1 Au cours de la
première moitié du 19e siècle, les soieries manuelles de Lyon sont toujours préférées
par les noblesses et les cours royales. Chaque souverain, Napoléon Ier, Louis XVIII,
Louis Philippe, s’empresse de passer souvent de généreuses commandes auprès des
fabricants lyonnais. 2 Les étoffes soyeuses de haute qualité sont également très à la
mode parmi les classes riches en Europe et aux États-Unis. Pour eux, les soieries ne
signifient pas seulement des vêtements, mais c’est également un marqueur social. 3
Grâce à leur haute valeur artistique et à sa signification sociale, les noblesses et la classe
riche préfèrent acheter les produits de métiers à bras au lieu de ceux de métiers
mécaniques. Ils forment un groupe de consommation très solide pour les soieries
manuelles françaises. En conséquence, les soieries manuelles conservent toujours une
proportion considérable sur le marché de soieries, tandis que les métiers à bras ne sont
pas remplacés par les métiers mécaniques pendant une longue période.
Cette situation évolue à partir des années 1870. D’un côté, à cause du renforcement

internationale au XIXe siècle : le cas de la Grande-Bretagne et de la France. Revue d’histoire du XIXe siècle. N°23.
2001. p.56.
1 J.Rojon. Les soieries lyonnaises dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle : du produit

artisanal de luxe au produit industriel de (demi-) luxe. Art & Industrie. Paris. Editions Picard. 2013. pp. 123-126.
2 Pour les détails, consulter M. Bouzard-Tricou. Les relations Lyon-Russie, à travers les archives de soierie

lyonnaise, aux XVIIIe et XIXe siècle. Cahiers d’histoire. n°3-4. 1990. p.303-319. et M. Bouzard-Tricou. Analyse
et catalogue raisonné de la production des frère Grand, fabricants de soieries à Lyon. 1807-1871, d’après les
archives de la maison Tassinari et Chatel. Mémoire de Master. Université Lumière-Lyon 2. 1986. Vol 1. pp.21-25.
3 H.Medick. « Une culture de la considération. Les vêtements et leurs couleurs à Laichingen entre 1850 et 1920 ».

Annales HSS. N°4. 1995. pp.753 -774.


376
de la concurrence des produits à bon marché dans d’autres branches de l’industrie
textile, les fabricants de soieries sont obligés de baisser le prix de leurs produits. Une
crise de fabrication des soieries a lieu au début des années 1870, résultant de la guerre
et de la révolution ouvrière de 1870-71. Pendant et après cette crise, les riches étoffes
sont délaissées et le terrain perdu par la soie dans la confection des vêtements est gagné
par les lainages. Selon la description de A.Beauquis, l’inspecteur du travail à Grenoble
à l’époque, « la Mode est, d’ailleurs, aux vêtements très ajustés… Cette Mode est
adoptée par toutes les classes de la société, qui ne se distinguent plus entre elles… Peu
importe la qualité de la matière première. » 1 Cette tendance peut être également
confirmée par les statistiques. La valeur de production des étoffes de soie en France
descend de 561 millions de francs au début des années 1870 à 291 millions de francs
au début des années 1880, alors que la valeur de production de laines augmente de 666
millions de francs à 780 millions de francs.2 Dans une telle conjoncuture, les tisseurs
français, qui ont paru se désintéresser des métiers mécaniques, sont obligés de faire
baisser le prix des produits de soieries pour réoccuper le marché. De plus, il a été précisé
dans le chapitre II qu’une baisse brutale du prix des matières premières de soie après
les années 1870 a conduit à une expansion du marché des soieries françaises, ce qui
demande à l’industrie textile de la soie d’augmenter la quantité de production. Afin de
baisser le coût et d’augmenter la quantité de production simultanément, les fabricants
de soieries françaises se mettre à employer la nouvelle technique à plus grande échelle
à partir des années 1870.

Tableau V-2-A Nombre de métiers à tisser mécaniques des soieries en France 1801-
19143

1 A.Beauquis. Histoire économique de la soie. Grenoble. Grands établissements de l’imprimerie générale. 1910.
p.217.
2 M. Levy-Leboyer et F. Bourguignon. L’économie Française au XIXe siècle. Analyse macro-économique. p.59.
3 Les tableaux II-14 sont faits selon les données de P.Clerget. L’industrie de la soie de France dans la Vallée du

Rhône. Les Etudes rhodaniennes. Vol.5. n°1.1929. p.22. p.25.


377
50000

40000
Nombre

30000

20000

10000

0
1801 1817 1834 1846 1871 1873 1878 1880 1894 1900 1914 1924
Années

Tableau V-2-B Proportion des métiers à tisser mécaniques de soie en France 1801-1924

Années 1801 1834 1871 1900 1914 1924


Nombre de métiers
Mécaniques 1 2 885 5 000 30 638 40 766 45 454
Nombre de métiers
à bras 6 999 37 115 115 000 56 043 17 270 5 413
Total 7 000 40 000 120 000 86 681 58 036 50 876
Taux de mécanisation ≈0% 7.21% 4.17% 35.61% 70.24% 89.34%

Graphique V-2-C Proportion des métiers à tisser mécaniques des soieries en France
1801-1924
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1801 1834 1871 1900 1914 1924

Nombre de métiers Nombre de métiers


Mécaniques à bras

Tableau V-2-D Répartition des métiers mécaniques des soieries en France en 1880-1914

378
Départements 1880 1894 1900 1914
Ain 378 655 1 215 1 147
Ardèche 773 1 469 1 710 2 719
Drôme 706 1 075 1 310 1 421
Gard 0 0 0 0
Isère 11 336 12 438 15 315 18 747
Loire 2 421 3 604 4 691 8 844
Haute-Loire 0 0 0 495
Puy-de-Dôme 0 50 80 0
Rhône 1 604 3 778 4 312 5 137
Saône-et-Loire 116 531 595 885
Svoie 1 046 798 810 1 031
Haute-Savoie 448 650 650 350
Totaux 18 828 25 008 30 688 40 766

Selon les données du tableau V-2-A, de 1834 à 1870, le nombre de métiers


mécaniques monte de 2 885 à environ 5 000, soit une augmentation de 2 115. En
revanche, après cette année, les métiers mécaniques à tisser se diffusent très vite en
France. Le nombre de métiers mécaniques en France passe de 5 000 au début des années
1870 à 10 000 à la fin de cette décennie, puis dépasse 20 000 en 1880. Par la suite, il
monte à 30 000 au début du 20e siècle et atteint 40 000 avant la Grande Guerre. Au
niveau du taux de mécanisation de l’industrie textile de la soie française, la croissance
nette ne se manifeste également qu’après 1871. De 1871 à 1914, la proportion de
métiers mécaniques monte de 4.17% à 70.24%, soit une expansion de 17 fois. La
procédure de mécanisation dure jusqu’après la Grande Guerre. Jusqu’à 1924, il y a
seulement environ 10% de métiers à tisser en France qui ne sont pas mécaniques.
Géographiquement, la diffusion des métiers mécaniques s’accompagne d’une vive
poussée de l’industrie textile de la soie dans les départements périphériques autour du
Rhône (où se trouve la ville de Lyon). Nous avons évoqué ci-dessus qu’un avantage
important du métier mécanique est qu’il facilite considérablement l’apprentissage des
ouvriers et abaisse grandement la demande de la qualification aux tisseurs, ce qui fera
379
diminuer le coût de main-d’œuvre pour la production des soieries. En cherchant de la
main-d’œuvre à bon marché, beaucoup de fabriques lyonnaises déménagent leurs
nouvelles fabriques dans les départements périphériques. Langjahr, propriétaire d’une
fabrique de soieries, écrit à la fin d’année 1879 : « ce qui me déciderait en faveur de
L’Argentière, c’est que la main-d’œuvre est excessivement bon marché dans le pays…
La journée des ouvriers est de 1 F à 1.25 F tandis qu’à Vizille, Bourgoin, Voiron nous
payons une journée régulière 2.25 à nos dévideurs et 2.5 à nos tisseuses. »1 Selon les
statistiques du tableau II-9-D, de 1880 à 1914, l’Isère représente à elle seule presque la
moitié des métiers mécaniques de la région de la vallée du Rhône. La Loire devient le
deuxième grand centre de la production mécanique des soieries en dépassant le Rhône
également après 1900. La diffusion de la nouvelle technique de tissage est également
remarquable dans d’autres départements comme l’Ain, l’Ardèche, la Drôme, la Saône-
et-Loire, la Savoie, etc.
De plus, la quantité absolue des métiers mécaniques de l’industrie des soieries
françaises est la plus élevée du monde jusqu’à la fin du 19e siècle (même les
pourcentages des métiers mécaniques en France sont inférieurs à ceux des Etats-Unis
et de l’Allemagne, voir le tableau V-3 ). En 1871, il y a en totalité 17 000 métiers
mécaniques à tisser dans le monde, dont 5 000 sont utilisés en France. Le nombre total
des métiers mécaniques s’élève à 82 600 en 1893, la France en possède 26 000. Les
autres 56 600 métiers mécaniques se répartissent comme suit : 15 000 aux États-Unis,
12 000 en Allemagne, 8 000 en Autriche, 7 200 en Suisse, 3 600 en Italie, 1 600 en
Russie, etc.2 En 1898, il y a 30 638 métiers mécaniques en France. Cette qualité est
toujours très supérieure à celles d’autres pays. Ces métiers mécaniques, en plus d’une
grande quantité de métiers à bras, assurent la place de premier producteur de soieries
au monde pendant le 19e siècle.3

1 P.Cayez. Crises et croissance de l’industrie lyonnaise 1850-1900. Paris. Editions CNRS. p.59.
2 V-V. Germaine. L’industrie de la soie dans les Alpes du Nord. In. Revue de géographie alpine. pp.131-132.
3 Pourtant, il faut remarquer que l’avantage sur le chemin de la mécanisation par rapport à d’autres pays n’est

maintenu que jusqu’à la fin du 19e siècle. Au niveau de la proportion des métiers mécaniques, la France est déjà
dépassée par quelques pays rivaux dans les dernières années du 19 e siècle. Avec la compétition des États-Unis, la
supériorité de France sur la quantité absolue des métiers mécaniques, par la suite, est également perdue avant la
Grande Guerre.
380
Tableau V-3 Niveaux de mécanisation de l’industrie textile de la soie de quelques pays
industriels dans le monde en 1898 et en 1910.1

1898 1910
Métiers Métiers Taux Métiers Métiers Taux
mécaniques à bras Total mécanique mécaniques à bras Total mécanique
France 30638 56043 86681 35.61% 40766 17270 58036 70.24%
Etats-Unis 16000 10000 26000 61.54% 78000 3000 81000 96.30%
Allemagne 10000 9600 19600 51.02% 32000 9000 41000 78.05%
Suisse 11000 23000 34000 32.35% 20000 6000 26000 76.92%
Russie 8000 17000
Italie 5500 14000
Angleterre 12500 8000

Simultanément, une tendance à la concentration de la production se manifeste dans


l’industrie des soieries en France avec l’accélération de la mécanisation pendant tout le
19e siècle. Selon les données du tableau V-2-A, le nombre total des métiers (à bras et
mécaniques) monte de 7 000 à 120 000 pendant les années 1801-1871, puis descend à
86 681 en 1900 avec la décroissance du nombre des métiers à bras, soit une
multiplication par 12.4 fois pendant un siècle. En comparaison, le nombre de fabriques
en France s’accroît très lentement. Il monte de 220 de 1801 à 236 en 1900, soit
seulement une augmentation de 7%. La quantité moyenne des métiers par fabrique en
France, en conséquence, monte de 32 en 1801 à 367 en 1900 (le nombre des métiers
mécaniques monte de 0 à 130 au cours du siècle), ce qui signifie une concentration de
production flagrante pendant cette période. Autrement dit, la taille des fabriques de
soieries en France croît très vite pendant le 19e siècle, où l’organisation de la production
se transforme, des ateliers aux grandes usines.

Tableau V-4 Nombre de métiers et de métiers mécaniques par établissement dans


l’industrie textile de la soie en France 1801-19242

1 A. Beauquis. Histoire économique de la soie. Grenoble. Grands établissements de l’imprimerie générale. 1910.
p. 266-267.
2 Les dénombrements d’établissements de 1801 et 1834 proviennent de P.Cayez. Métiers Jacquard et hauts

fourmeaux aux origines de l’industrie lyonnaise. p.167.


Les dénombrements de 1871 viennent de P.Cayez. Crises et croissance de l’industrie lyonnaise 1850-1900. Paris.
Editions CNRS. p.70
Les dénombrements d’établissements de 1900, 1914 et 1924 proviennent de P.Clerget. L’industrie de la soie de
France dans la Vallée du Rhône. Les Etudes rhodaniennes. Vol.5. n°1.1929. p.22.
381
Années 1801 1834 1871 1900
Nombre de métiers
Mécaniques 1 2 885 5 000 30 638
Nombre de métiers
à bras 6 999 37 115 115 000 56 043
Total 7 000 40 000 120 000 86 681
Taux de mécanisation ≈0% 7.21% 4.17% 35.61%
Nombre d'établissements 220 422 386 236
Nombre de métiers
mécaniques par
établissement 0 7 13 130
Nombre de métiers
par établissement 32 95 311 367

C Incompatibilité de la soie du sol chinoise avec l’industrie textile mécanique


française
Revenons vers le problème de la qualité des soies chinoises. Pourquoi
l’accélération de la mécanisation de l’industrie textile des soieries en France depuis les
années 1870 a-t-elle conduit à la qualité insuffisante des soies chinoises ? Quelle est la
relation entre les deux ?
(1) Dans un autre rapport des lyonnais, on relève l’opinion suivante : « on a
souvent représenté la Chine comme possédant des procédés industriels très
perfectionnés et une population d’une intelligence médiocre. C’est le contraire : les
métiers, les produits, spécialement pour les soies et soieries, y sont en général inférieurs
aux nôtres. »1 De leur point de vue, l’industrie de la soie chinoise qui avait une grande
réputation devient de plus en plus vieille et de plus en plus obsolète. De fait, ce n’est
pas la qualité des soies chinoises qui se dégrade, mais l’appréciation des français sur la
qualité des soies a changé depuis 1870. Avec l’élévation du niveau de mécanisation du
tissage des soieries en France pendant le 19e siècle, les tisseurs français font
progressivement évoluer leur demande sur les caractéristiques des matières soyeuses

1 Ministère de l’agriculture et du commerce. Document sur le commerce extérieur, Chine et Indochine, Faits
commerciaux n°12. p. 149.
382
qu’ils utilisent : plus régulière, moins bouchonneuse, plus tenace, etc. À cause des
défauts existants tant dans les procédés de l’ancienne industrie de la soie que dans les
critères qualité en Chine, ces caractéristiques les plus demandées par les acheteurs
occidentaux sont justement ce qui manque aux soies manuelles chinoises. C’est pour
cela les marchands lyonnais se plaignent que le sous-développement de l’ancienne
industrie de la soie en Chine conduit directement à la mauvaise qualité de la soie
chinoise. Nous allons montrer, par la suite, les principales insuffisances des anciens
métiers de fabrication de la soie et dans le système de classification des qualités des
soies en Chine, qui conduisent à l’incompatibilité avec l’industrie textile des soies en
France.
Dans les procédés de production de la soie, premièrement, la mauvaise qualité des
graines de vers à soie chinoises a une influence néfaste sur la qualité des soies. La
sélection des graines est la première étape de l’éducation des vers à soie. Les graines
de bonne qualité sont la condition la plus basique pour une belle récolte de cocons.
Pendant le 19e siècle, toutes les graines chinoises sont fabriquées par les paysans. Bien
qu’il existe déjà certaines méthodes traditionnelles pour éliminer les graines plus faibles,
la qualité de celles qu’ils fabriquent est assez inférieure. Selon les observations d’un
savant japonais, avant le 20e siècle, le taux d’infection de l’épidémie des vers à soie est
élevé, en moyenne 30-40%.1 Avec ces mauvaises graines, la quantité de production des
cocons par unité en Chine est assez limitée : même au début du 20e siècle, on ne peut
récolter que 35 kilogrammes en moyen de cocons pour 1 taël de graines à Yangzi,
encore 10% de moins à Sichuan, et 20 kilogrammes à Canton. 2 Ces quantités de
production sont de loin inférieures à celles du Japon pendant la même période, soit en
moyen 63 kilogrammes pour 1 taël de graines3, sans compter que cela inclut beaucoup
de cocons inutiles.
Deuxièmement, comme il a été mentionné dans la section précédente, avant

1 USAKO Akira. Aperçu de la sériciculture de l’Empire de Qing .p. 57. (紫藤章: 《清国蚕丝业一斑》 ,第57
页。)
2 WANG Xiang. La transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine pendant l’époque moderne.

pp.140-141. (王翔:《近代中国传统丝绸业转型研究》 ,第140-141页。)


3 UEHARA Shigemi. La soie de Sichuan de Chine. Tokyo. Syndicat des marchands de soie. 1927. p.15. (上原重

美, 《支那四川省的蚕丝》东京:蚕丝业同业组合中央会,1927,第15页。)
383
l’introduction de la technique parfaite pour tuer la chrysalide en 1875 1, les paysans de
Yangzi préfèrent faire de la filature de la soie avec les cocons frais. Cela signifie qu’il
faut finir tous les travaux de filature en 10 jours, sans quoi les papillons vont sortir en
abîmant les cocons. Dans une aussi courte période, il est difficile pour les paysans de
sélectionner et classifier les cocons, ce qui conduit souvent à l’irrégularité des soies au
niveau de la couleur et de la finesse dans la même balle de soie.2 De plus, la hâte des
dévideurs pendant cette courte période fait souvent baisser le niveau de soin de la
filature, ce qui va aussi détériorer la qualité de la soie.3
Troisièmement, l’asple (ou le dévidoir) traditionnel chinois tourne par l’énergie
humaine (la pédale à pied ou la manivelle), sa vitesse de rotation n’est donc pas
parfaitement stable et régulière. Ce dernier défaut aboutit souvent à l’irrégularité de la
finesse ainsi qu’à la faiblesse de la ténacité de la soie. De plus, à cette époque, la bassine
dans laquelle on faisait le titrage des cocons était souvent chauffée par un fourneau à
feu traditionnel, ce qui ne pouvait pas assurer la stabilité de la température de l’eau dans
la bassine. La variation de température de l’eau aura une influence négative sur
l’homogénéité de la couleur de la soie. En conséquence, la couleur de la soie chinoise
peut être variable y compris dans le même lot. Tous ces problèmes vont affecter
l’homogénéité de la soie, qui est une spécificité importante demandée par le tissage
mécanique occidental. 4 Dans le domaine de l’industrie textile moderne, le mot «
l’irrégularité » de la soie est presque le synonyme des mots « mauvaise qualité ».
Finalement, dans les conditions anciennes de production de la soie en Chine, la
qualité de celle-ci dépend directement de l’habileté du dévideur. « Avec la même
quantité de cocons, un dévideur qualifié ou une fileuse qualifiée peut produire plus de
soies, dont la finesse est plus homogène et la couleur est plus brillante. »5 La rébellion

1 En 1875, un commerçant de soie qui s’appelle XU Shou(徐寿) a introduit la méthode moderne pour tuer la
chrysalide en Chine.
2 ZHU Xinyu. LI Xichou. Histoire de la soie de Zhejiang. Hangzhou. Editions des peuples de Zhejiang. p.247. (朱

新予,李锡畴: 《浙江丝绸史》,杭州:浙江人民出版社,第247页。)
3 Annuaires de Wuxi. Nanjing. Editions des peuples de Jiangsu. Vol 2, P.945. (《无锡县志》(第二册),南京:江

苏人民出版社,第945页。)
4 FEI Xiaotong. Economie rurale. Beijing. Editions de Shangwu. 2003. pp.179-180. (费孝通: 《江村经济》 ,北
京:商务印书馆,2003,第179-180页。)
5 ZHOU Xuejun (dynastie de Qing). Annuaires de Huzhou. Le règne de Tongzhi. Taibei. Editions de Chengwen.

1970 .Vol. 31. p.973. (周学浚:同治《湖州府志》 ,卷31,台北:成文出版社,1970年,第973页。)


384
de Taiping qui ravage la région de Yangzi jusqu’au milieu des années 1860 y a fait
réduire sérieusement le nombre des fileuses qualifiées. Le manque de ces fileuses
qualifiées devait être une autre cause majeure au niveau technique, entraînant la
détérioration de la qualité de la soie chinoise à partir de la seconde moitié des années
1860.1
(2) Au niveau du critère qualitatif, les problèmes principaux existant dans l’ancien
système de classification des qualités des soies en Chine sont qu’on ne peut pas juger
exactement la spécificité et la qualité de certaines natures de soie selon ce critère, et
que les soies ne sont pas forcément homogènes dans une même classe, y compris dans
une même balle, comme ce qu’un consul français à Shanghai indique dans son
rapport : « chacune des balles renferme des éléments bien divers sous le rapport de la
qualité, du titre, de la couleur et des parties gommeuses ou défectueuses qu’on y
rencontre ; il serait difficile qu’il en fût autrement puisque chacune se compose de la
récolte annuelle d’un grand nombre de cultivateurs ; dans chaque village un ou deux
petits marchands achètent en détail ces récoltes qu’ils vendent ensuite à des marchands
en gros, lesquels trient les qualités des différentes soies et les mettent en balles avec une
telle adresse pour y glisser quelques parties de plus basses qualités qu’il faut beaucoup
d’expérience pour les discerner. »2 Ces défauts montrent que, tout d’abord, l’ancien
critère de classification des qualités de la soie chinoise ne s’adapte plus à la demande
de la production des soieries dans les pays occidentaux pendant la seconde moitié du
19e siècle, où le tissage mécanique demandant l’homogénéité des matières premières y
est de plus en plus répandu, comme nous avons déjà indiqué plus haut; et de plus, que
l’ancien critère des chops de soies de Chine ne pourra plus continuer à être utilisé dans
le commerce international après les années 1870, parce que « les affaires à livrer » qui
prospèrent après la connexion de la télégraphie entre l’Europe et l’Asie de l’Est en 1871
demandent des chops de soies échangées bien précis.
Les avertissements de la part des marchands occidentaux pendant les années 1871-

1 SUZUKI Jisho. Recherches des mouvements de modernisation en Chine. Tokyo. Librairie de Jigu. 1992. p.293.
(铃木智夫: 《洋务运动の研究》,东京:汲古书院,1992年,第293页。)
2 Archives du Ministères des affaires étrangères. Shanghai 1856-1860. 307CCC 3. p.106.

385
1873 n’arrivent pas à attirer immédiatement l’attention des marchands sur les
problèmes de qualité et du critère qualitatif de leurs soies, ce qui conduit à l’écoulement
difficile et à la baisse de prix des soies chinoises sur le marché européen à partir du
troisième trimestre de l’année 1874. Selon un reportage du journal de Shen, « l’année
dernière (1872), la soie de la marque de Chuling (春翎牌) s’écoulait très facile à 520-
522 taëls par balle au marché de Shanghai ou 26 Shillings par balle au marché de
Londres ; maintenant son prix a baissé à 400-405 taëls à Shanghai et 20 Shillings à
Londres, mais ce genre de soie est encore très difficile à vendre. C’est pour cela que la
quantité totale des soies en entrepôt montait seulement à 7 500 balles à Shanghai durant
l’année dernière, mais cette quantité a maintenant dépassé 10 000 balles à Shanghai.
Les marchands occidentaux achètent activement d’acheter les soies chinoises à
Shanghai l’année dernière, mais ils hésitent beaucoup maintenant. » 1 Selon la
statistique de la douane chinoise, l’état languissant du débouché des soies chinoises sur
le marché international se poursuit à partir de cette année-là, et leur prix n’a guère
dépassé 400 taëls (sauf en 1876) jusqu’à la fin du 19ème siècle. Cela est en partie dû à
la baisse des frais de transport et au renforcement de la compétition sur le marché de
soie d’Europe (après la prospérité de l’industrie de la soie japonaise et la restauration
de celle d’Italie), mais également aux défauts de qualité des soies chinoises.

Tableau V-5-A Évolution des prix moyens de la soie grège à Shanghai

(taëls de douane/ piculs)2

1 Journal de Shen, le 5 juillet 1873. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《申报》 ,1873年7月5
日,上海图书馆馆藏资源。)
2 Maritime Customs Decennial Reports, Decennial Reports, 1892-1901, Appendix 1. dans Wangxiang. La

transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine à l’époque Moderne. pp.78-79.(王翔:《近代中国


传统丝绸业转型研究》 ,第78-79页。)
386
Annnés Prix Annnés Prix Annnés Prix Annnés Prix
1862 350 1870 515 1878 330 1886 300
1863 350 1871 503 1879 321 1887 320
1864 499 1872 490 1880 300 1888 306
1865 420 1873 500 1881 350 1889 315
1866 500 1874 300 1882 307 1890 340
1867 485 1875 285 1883 320 1891 281
1868 517 1876 443 1884 273 1892 306
1869 465 1877 340 1885 272 1893 315

Graphique V-5-B Évolution des prix moyens de la soie grège à

Shanghai(taëls de douane/ piculs).

600
500
400
Taëls

300 Prix
200
100
0
62 64 66 68 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92
18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18 18
Années

L’Union des marchands de soie de Shanghai promulgue un projet de réforme du


commerce de la soie au début des années 1880, qui demande l’interdiction du
phénomène de la fraude dans le procédé d’échange des soies, l’emballage des soies
strictement d’après leurs chops et la restauration de la réputation des soies sur le marché
international, etc.1 Désormais, le nombre de cas des fraudes diminue graduellement
dans le processus de circulation commerciale des soies2.
Pourtant, la fraude est un problème général existant à partir des années 1840.

1 Journal de Shen, le 6 février 1873. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《申报》 ,1873年2月6
日,上海图书馆馆藏资源。)
2 Dans nos sources, on ne peut guère trouver d’avertissement pareil à ceux-ci dans les années 1870 après cette

réforme.
387
Comme ce qu’A.Stanziani analyse dans ses publications, c’est un problème général lié
à l’entrée sur des marchés nouveaux, dont les changements peuvent être liés à
l’évolution juridique ou par réglementation. 1 Les insuffisances fondamentales des
soies chinoises existent encore du fait du procédé de production et de la méthode de
classification des qualités des soies. Si la Chine veut continuer à garder sa compétitivité
sur le marché mondial et sur le marché français, il lui faut évoluer vis-à-vis de la
révolution industrielle dans le monde.

1 Pour en savoir plus sur la relation entre des fraudes, l’économie du marché, et l’environnement juridique sur la
qualité des produits, consulter A.Stanziani. Histoire de la qualité alimentaire, 18e-20e siècles. Paris. Seuil. 2005.
A.Stanziani. « La fraude dans l’agro-alimentaire. Genèse Historique : La falsification du vin en France 1880-
1905 ». Revue d’histoire moderne et contemporaine. N°2.2003.
A.Stanziani. « Information and norms in the coordination of markets. Commercial fraud in France. 1871-1905. »
In Analisis de Redes en Historia economica. CD-Rom. Bellaterra. Enero.2005.
A.Stanziani. « La fraude : un équipement juridique de l’action économique. L’exemple du marché du vin en
France au XIXe siècle ». In G.Béaur, H. Bonin et C.Lemercier. Fraude, contrefaçon et contrebande de l’antiquité
à nos jours. Genève. Droz. 2006.

388
V-3 Réaction à la révolution industrielle de l’occident : la

modernisation de l’industrie de la soie en Chine

On constate dans la section précédente que l’incompatibilité entre les métiers


traditionnels de l’industrie de la soie chinoise et l’industrie textile mécanique des
soieries occidentales aboutissent à une insuffisance de la qualité. Nous allons, dans
cette présente section, préciser la réaction des producteurs de soies en Chine face à
cette incompatibilité. De fait, afin de s’adapter à la spécificité qualitative des
producteurs de soieries occidentaux (surtout aux demandes des marchés de France
et des États-Unis, où se trouvent la plupart des acheteurs des soies chinoises),
l’industrie de la soie en Chine a également commencé son processus de modernisation :
les usines utilisant la filature mécanique font leur apparition à Yangzi dès les années
1860 et à Guangdong dès les années 1870 la sériciculture chinoise commence à
évoluer vers la modernité après la fin du 19e siècle le premier établissement de
contrôle de la qualité de la soie fait également son apparition depuis la fin des années
1870. En montrant le processus et le résultat de la modernisation de la filature de soie
en Chine avant les années 1914, nous répondrons à plusieurs questions essentielles du
chapitre : quel est le résultat de la mécanisation de l’industrie de la filature de la
soie chinoise ? Qu’apporte la modernisation à la production des soies chinoises au
niveau de l’organisation ? La diffusion de la science séricicole en Chine a-t-elle fait se
développer la sériciculture chinoise ? Quand et comment la Chine a-t-elle établi un
système de contrôle de la qualité des soies ? Quelle est la relation entre la
modernisation de l’industrie de la soie chinoise (de la filature de soie, de la
sériciculture et des contrôles qualitatifs des soies en Chine) avec l’exportation de la
soie ?

389
A. Modernisation de l’industrie de la filature de la soie à Yangzi
Un article, dont l’intitulé est De la filature mécanique (机器缫丝说)1, est publié
sur le journal de Shen le 5 févier 1882, ce qui aboutit à un débat sur la nécessité de la
mécanisation de l’industrie de la filature en Chine. Du 5 févier 1882 au 2 décembre
1882, des supporteurs et des contradicteurs ont une discussion sur les avantages et les
inconvénients de la mécanisation de l’industrie de la filature de la soie en Chine en
faisant paraître une série d’articles sur le journal de Shen.2 Dans ce débat, des partisans
croient que l’emploi de la filature à vapeur est dans le sens du progrès, et que l’adoption
de cette nouvelle technique va améliorer la qualité de la soie chinoise et donc renforcer
sa compétitivité sur le marché international, etc ; des contradicteurs considèrent que la
compétition des filatures mécaniques va conduire au chômage des artisans, que le fait
que les hommes et les femmes travaillent ensemble va conduire à la décadence de la
moralité sociale, et que l’inexistence de l’impôt sur les cocons et sur la soie mécanique
vont entraîner une perte fiscale pour le gouvernement, etc. L’explosion de ce débat
indique que la mécanisation est déjà devenue une tendance irrésistible, qu’il faut que
les chinois réfléchissent et discutent.
Lorsque les chinois discutent du problème de la nécessité de mécanisation de la
filature de soie, les négociants de soies étrangers commencent déjà leurs tentatives de

1De la filature mécanique, Journal de Shen, le 5 févier 1882. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai.
(《机器缫丝说》 , 《申报》 ,1882年2月5日,上海图书馆馆藏资源。)
2 Ces articles publiés dans le Journal de Shen sont :

De la filature mécanique, Journal de Shen, le 5 févier 1882. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai.
(《机器缫丝说》 , 《申报》 ,1882年2月5日,上海图书馆馆藏资源。)
Des avantages et des inconvénients de la filature mécanique, Journal de Shen, le 4 juin 1882. Fonds de la
bibliothèque municipale de Shanghai. (《论机器缫丝妨利后》 ,《申报》 ,1882年6月4日,上海图书馆馆藏资
源。
Une visite dans une filature mécanique, Journal de Shen, le 3 août 1882. Fonds de la bibliothèque municipale de
Shanghai. (《观缫丝局记》 ,《申报》1882年8月3日,上海图书馆馆藏资源。)
Trois avantages de la filature mécanique, Journal de Shen, le 9 août 1882. Fonds de la bibliothèque municipale de
Shanghai. (《缫丝三利说》 ,《申报》 ,1882年8月9日,上海图书馆馆藏资源。 。)
Des inconvénients de la filature mécanique, Journal de Shen, le 2 septembre 1882. Fonds de la bibliothèque
municipale de Shanghai. (《机器缫丝为害论》 , 《申报》 ,1882年9月2日,上海图书馆馆藏资源。 。)
Les discussions d’un industriel de Fujian de l’Ouest sur la filature mécanique, Journal de Shen, le 20 octobre
1882. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《闽西友论缫丝局后》 ,《申报》 ,1882年10月20日,
上海图书馆馆藏资源。 。)
Critique de la filature mécanique, Journal de Shen, le 23 octobre 1882. Fonds de la bibliothèque municipale de
Shanghai. (《再论机器缫丝》 , 《申报》 ,1882年10月23日,上海图书馆馆藏资源。 。)
Des usines de la filature mécanique, Journal de Shen, le 28 novembre 1882. Fonds de la bibliothèque municipale
de Shanghai. (《照译论缫丝局书》 , 《申报》 ,1882年11月28日,上海图书馆馆藏资源。 。)
Bénéfices de la filature mécanique aux chinois, Journal de Shen, le 2 décembre 1882. Fonds de la bibliothèque
municipale de Shanghai. (《机器缫丝有益于华民说》 , 《申报》 ,1882年12月2日,上海图书馆馆藏资源。 。)
390
création des filatures modernes en Chine.
La première tentative de création d’une filature mécanique en Chine est effectuée
par la Jardine Matheson et Cie anglaise (怡和洋行) à Shanghai. Ayant constaté que le
prix de la soie mécanique est 6 shillings plus élevé que celui de la soie manuelle par
picul sur le marché de Londres, James Whittall, le responsable du comptoir de la Jardine
Matheson et Cie à Shanghai, adresse en 1859 une requête au siège de la compagnie à
Hongkong pour la création d’une filature mécanique à Shanghai.1 En 1861, une usine
de filature mécanique appartenant à cette compagnie est ouverte à Shanghai, dont le
nom est « l’Établissement de Filature de Shanghai » (en anglais, Silk Reeling
Establishment, en chinois 上海纺丝局). Cette filature possède 100 dévidoirs en fer
avec énergie à vapeur fabriqués à Hongkong et on y embauche plusieurs fileuses
françaises expérimentées pour la formation de nouvelles employées. 2 Grâce à leur
qualité supérieure, les soies produites par cette filature sont très demandées sur le
marché international ; 100 dévidoirs sont donc ajoutés dans cette filature l’année
suivante (1863). 3 Pourtant, la Filature de Shanghai tombe bientôt dans l’impasse à
cause de l’insuffisance d’approvisionnement en cocons, car, à cette époque, il n’existe
guère de négociant qui s’occupe du commerce de cocons sur le marché de Yangzi pour
fournir les cocons à filature mécanique. La cause de la rareté de ce genre de négociant
est, tout d’abord, que les chinois n’ont pas encore de méthode parfaite pour tuer les
chrysalides et conserver les cocons, ce qui est un grand obstacle pour la formation du
marché des cocons (comme ce qui a été montré précédemment, les méthodes
traditionnelles pour tuer les chrysalides en Chine vont porter préjudice à la qualité des
cocons). De plus, l’écoulement des cocons n’est pas assuré parce que les clients (la
filature mécanique) qui achètent les cocons sont très rares pendant les années 1860. En
1866, la Jardine Matheson et Cie envoie Huang Jipu (黄吉甫), comprador chinois à la
Jiaxing (嘉兴, une ville dans la province de Zhejiang, qui est une importante région

1 Archives Nationales de France. F12.7058. Rapports consulaires antérieurs Chine 1809-1906(3). 10, mars 1896.
Les filatures à Shanghai. p.5.
2 Annuaires de l’industrie de la soie de Shanghai. Shanghai. Éditions de l’Académie des sciences sociales de

Shanghai. 1998.p156. (《上海丝绸志》 ,上海:上海社会科学院出版社,1998年,第156页。)


3 SUN Xiaoying. La compétitivité de l’industrie de la soie à la fin de l’Empire de Qing------une comparaison avec

celle de Japon. p.32. (孙晓莹: 《晚晴生丝业国际竞争力研究------兼与同期日本比较》 ,第32页。)


391
séricicole de la province), qui tente de créer une agence de cocons équipée de fours,
afin de résoudre le problème de la fourniture des cocons. Toutefois, cette agence ne
réussit pas à ouvrir à cause de l’opposition du gouvernement local de Zhejiang. Enfin,
ce premier établissement de filature en Chine est obligé de fermer la même année (1866)
à cause de l’insuffisance d’approvisionnement des matières premières.1 Bien que cette
première tentative se solde par un échec, elle a montré aux chinois un premier exemple
d’organisation et de fonctionnement d’une usine de filature moderne. De plus,
l’écoulement des soies produites par l’Établissement de Filature de Shanghai confirme
que les soies mécaniques seront l’avenir du marché d’exportation de Shanghai. En
même temps, la première tentative de la division du travail de titrage des cocons et de
la sériciculture permettait de décharger les éleveurs des soucis techniques du titrage de
la soie qui entravaient aussi le développement de cette sériciculture.2
En 1875, Xu Shou(徐寿), scientifique et traducteur chinois, introduit la technique
occidentale pour tuer la chrysalide et sécher les cocons en Chine.3 La nouvelle machine
à étouffer les chrysalides réunit un nombre de tiroirs, qu’on pousse dans les rainures
qui doivent les recevoir. Quand tous sont garnis, et que tout est hermétiquement fermé,
on ouvre un robinet qui laisse échapper la vapeur qui provient d’une chaudière dont
l’eau est en ébullition. Cette vapeur remplit toute la machine, et peu de minutes après
on en retire les cocons dont toutes les chrysalides sont étouffées. Après l’étouffage, les
cocons sont portés dans des greniers ; on les pose sur des clayons pour qu’ils y sèchent.4
Cette nouvelle machine permet l’étouffage des chrysalides par la vapeur en évitant de
mouiller les cocons, ce qui améliore la qualité des cocons séchés. Grâce à ce progrès,
on a éliminé un grand obstacle technique pour la fourniture des matières premières à la
filature mécanique en Chine, comme ce que publie le North China Herald : « les
chinois ont introduit le moyen de conservation des cocons à long terme, ce qui sera un

1 Annuaires de Zhejiang, section de Likin. 1919. Vol 1. p. 55. Fonds de la bibliothèque de Zhejiang. (《浙江通志
厘金门稿·浙厘上》 ,1919年,第55页,浙江图书馆馆藏资源。)
2 Mau Chuan-Hui. L’introduction en Chine des sciences et des techniques européennes concernant l’industrie de

la soie après la guérre de l’Opium. Etudes chinoises. Vol. XX. n°1-2. pp. 210-211.
3 North China Herald. Le 1er avril 1875. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《北华捷报》 ,1875
年4月1日,上海图书馆馆藏资源。)
4 Pour les détails de la technique moderne d’étouffage des chrysalides, consulter L. De Teste. Du commerce des

soies et soieries en France, considéré dans ses rapports avec celui des autres états. Avignon. Lithographie de la
Ville. 1830. pp. 45-46.
392
élément essentiel pour la réussite de l’industrie de la filature en Chine. »1
L’industrie de la filature mécanique à Yangzi, corrélativement, connaît sa première
période prospère depuis la fin des années 1870. En 1878, la Russell et Cie américaine
( 旗昌洋行 ) crée une usine de filature mécanique à Shanghai, la Filature de Qichang
(en anglais, KeiChong Filature Association, en chinois, 旗昌丝厂). Cette filature
invite un français, Paul Brunat comme technicien, de même qu’elle est équipée de 50
dévidoirs de modèle européen. En 1881, le nombre des dévidoirs dans cette filature
s’accroît à 200 grâce au succès de ses produits sur le marché d’exportation.2 La Jardine
Matheson et Cie anglaise réessaye d’établir une filature mécanique à Shanghai en 1882
(vint ans après sa première tentative) avec 200 bassines. La même année (1881),
l’Iveson et Cie anglaise (公平洋行) ouvre une autre filature, la Filature d’Iveson à
Shanghai, qui possède 104 dévidoirs de modèle européen. Elle est imitée plus tard par
la Glimour et Cie anglaise en 1891, par Dyce et Cie américaine en 1892, par E. Bavier
et Cie française en 1893, et par l’Arnhold Karberg et Cie allemande en 1894. En 1891,
la Filature de Qichang est vendue à son technicien français Paul Brunat à cause de la
faillite de la Russell et Cie américaine, se transformant ainsi en société anonyme sous
le nom de « la Filature limitée de Shanghai » en anglais, The Shanghai Silk Filature
Limited, en chinois, 宝昌丝厂 » avec un capital de 2 000 actions de 100 taëls dont
1 619 sont souscrites. Par la suite, cette société n’a fait que prospérer et reprend en bail
la filature de l’Iveson et Cie anglaise, ce qui lui donne deux établissements, avec 958
bassines produisant 1 580 piculs de soie par an et en fait la plus grande société de
filature en Chine à l’époque.3

1 North China Herald. Le 1er avril 1875. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《北华捷报》 ,1875
年4月1日,上海图书馆馆藏资源。)
2 Past and Present, Shanghai. North China Herald office. p. 10. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai

(« 今与昔 »,北华捷报社,第10页,上海图书馆馆藏资源。)
3 Les informations sur les ouvertures des filatures mécaniques avec des capitaux étrangers proviennent de :

Archives Nationales de France. F12.7058. Rapports consulaires antérieurs Chine 1809-1906(3). 10, mars 1896. Les
filatures à Shanghai. p.6.
SUN Shutang. Les industries avec des capitaux étrangers en Chine avant la guerre sino-japonaise de l’année 1894.
Collection des essais sur l’histoire économique chinoise pendant les trois derniers siècles. Hongkong. Librairie de
Chongwen. n°5. pp.187-188. (孙毓棠:中日甲午战争前外国资本在中国经营的近代工业, 《中国近三百年社会
经济史论集第5集》 ,香港:崇文书店,1974年,第187-188页。)
SHI Minxiong. L’évolution de l’industrie de la soie pendant la dynastie de Qing. Taibei. Comité d’encouragement
des œuvres académiques. 1868. pp.83-84. (施敏雄: 《清代丝织工业的发展》 ,台北:中国学术著作奖助委员会,
1968年,第83-84页。)
UEHARA Shigemi. Aperçu général de l’industrie de la soie en Chine. Tokyo. Editions de Gangttian Rirong. 1929.
393
Par ailleurs, des filatures au capital chinois apparaîssent également dans la région
de Yangzi à partir des années 1880. La première filature mécanique à Shanghai est
établie par Huang Zhuoqing (黄佐卿) en 1882, qui est « un négociant de soie d’origine
de Zhejiang », 1 « un comprador d’une compagnie anglaise » 2 , et « un leader de la
Corporation des négociants de soie de Shanghai » 3. Cette filature est nommée « Gong-
he-yong » ( 公 和 永 丝 厂 ), équipée par 100 dévidoirs de modèle européen à son
ouverture. Cette filature chinoise invite un ingénieur étranger, Ang.H.Maertens, pour
diriger les affaires techniques. 4 Dix ans plus tard,(1892) grâce à la prospérité des
affaires, le nombre de dévidoirs de cette filature augmente à 442. À la même époque,
Huang crée une nouvelle filature (la Filature de Xinxiang, 新 祥 丝 厂 ) avec 416
dévidoirs dans un autre arrondissement de Shanghai.5 Ces deux filatures le font devenir
l’un des plus grands industriels en Chine à l’époque. A la suite de l’ouverture de la
Filature de Gong-he-yong, plusieurs autres filatures mécaniques sont successivement
établies à Shanghai : la Filature de Kunji(坤记丝厂) ouverte en 1884, la Filature de
Yuncheng (裕成丝厂) ouverte en 1886, la Filature de Yangchang (延昌丝厂) en 1890,
la Filature de Lunhua(纶华) ouverte en 1892, la filature de Jinhua(锦华丝厂) ouverte
en 1892, la Filature de Xinchang (信昌丝厂, achetée de l’ancienne filature appartenant
à la Dyce et Cie américaine ) ouverte en 1893, la Filature de Zhenghe(正和丝厂)
ouverte en 1894 et la Filature de Qiankang (乾康丝厂) ouverte en 1894.6 Jusqu’à la

p.233-241. (上原重美: 《支那蚕业大观》 ,东京:岡田日榮堂,1929年,第233-241页。)


FUJIMOTO Fuga. Recherches sur l’industrie de la soie en Chine. Tokyo. Institut de l’Asie de l’Est. pp.124-125. (藤
本实也: 《支那蚕丝业研究》 ,东京:东亚研究所,1943年,第124-125页。)
1 Journal de l’agriculture et du commerce. 1915. n°16. p.14. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《农

商公报》 ,1915年第16期,第14页。)
2 WANG Jingyu. Analyses sur la création et l’évolution du capitalisme chinois dans l’industrie de filature de la soie,

fondées sur la transformation du commerce extérieur de la soie de Chine. Recherches de l’histoire économique.
2001.N°2. p.30. (汪敬虞:从中国对外生丝贸易的变迁看缫丝业中资本主义的产生和发展,《中国经济史研
究》 ,2001年第2期,第30页。)
3 North China Herald. Le 16 juillet 1902. p. 131. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《北华捷报》 ,
1902年7月16日,上海图书馆馆藏资源。)
4 Sources de l’histoire de Shanghai. Shanghai. Bureau des Annuaires de Shanghai. 1936. p.5. (《上海研究资

料》 ,上海:上海通志馆,1936年,第5页。)
5 Journal de l’agriculture et du commerce. 1915. N°16. p.14. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai.

(《农商公报》 ,1915年第16期,第14页,上海图书馆馆藏资源。)
6 Les informations sur les ouvertures des filatures mécaniques avec des capitaux chinois proviennent de :

Archives Nationales de France. F12.7058. Rapports consulaires antérieurs Chine 1809-1906(3). 10, mars 1896.
Les filatures à Shanghai. p.9.
XU Xinwu. L’histoire de l’industrie de la filature pendant l’époque moderne. pp.140-141. (徐新吾: 《中国近代
缫丝工业史》 ,第140-141页。)
PENG Zeyi. Sources de l’histoire de l’artisanat de Chine pendant l’époque moderne. 1840-1919. p.1430. (彭泽
394
fin de l’année 1894, il y a 15 filatures mécaniques encore en activité dans la région de
Yangzi.

Tableau V-6 Filatures mécaniques dans la Région de Yangzi à la fin de

l’année 1894.1
Adresses Nombre de bassines Production(piculs) Proprétaires et dissignations
The Shanghai silk filature limited Rue du pont des déchets,
(North Suzhou creek) Shanghai 上海垃圾桥 Paul Brunat, français
Iveson et Cie anglaise,
The Shanghai silk filature limited Rue du Li-Hongkou,Shanghai mais
(South Suzhou creek) 上海里虹口 958 1 580 prise en bail par Brunat
Rue du Xinzha,Shanghai Jardine Matheson et Cie
Jardine Matheson & Co Silk Filature 新闸路 400 660 anglaise
E. Bavier & Co Silk Filature Rue d'Amoy,Shanghai
厦门路 252 420 E. Bavier, français
Gilmour & Co Silk Filature 188 Glimour, anglais
Ruelle des Tangs,Shanghai Arnold Karberg et Cie
Arnold Karberg & Co 唐家弄 344 570 allemande
黄佐卿Huang Zuoqing,
公和永 Kung-Ho-yun Rue du Xinzha,Shanghai comprador d'une maison
Steam Silk Filature 新闸路 anglaise
新祥Xin-Xiang Steam Filature Yangtsepoo,Shanghai 杨树浦 858 1 340 黄佐卿Huang Zuoqing
Embarcadère de Fanhuang
信昌Xin-Chang Silk Filature Limited 梵皇渡 312 520 马建忠MA Jianzhong
Ruelle des Tangs,Shanghai
纶华Lun-hua Silk Filature 唐家弄 388 640 叶澄衷Ye Chengzhong
Rue du Xinzha,Shanghai
锦华 Jin-Hua Silk Filature 新闸路 208 340 陶吉斋 Tao Jizhai
坤记 Kun-ji Silk Filature 168 280
沈志云Shen Zhiyun
吴少圃Wu Shaopu,
Avenue des Pierres,Shanghai compradors de la E.
乾康Qian-kan Silk Filature 石子街 180 300 Bavier et Cie
正和Zheng-he Silk Filature 60 75
杨信之, Yang Xinzhi,
Rue du pont des déchets, comprador d'une maison
延昌恒Ya-chang-heng Silk Filature Shanghai 上海垃圾桥 220 238 italienne

On constate que les maisons étrangères jouent un rôle très important pour les
créations des premières filatures mécanique à Yangzi : les filatures avec des capitaux

益: 《中国近代手工业史资料1840-1919,第二卷》 ,第1430页。)
SUZUKI Jisho. Recherches sur le mouvement de modernisation en Chine. p.342. (铃木智夫: 《洋务运动の研
究》 ,第342页。)
Les affaires de Chine du sud. Tokyo. Comité de traductions de l’Asie de l’Est. (Japonais) 1919. pp.150-152. (《江
南事情·经济》 ,东京:日本东亚同文会,1919年,第150-152页。)
Néanmoins, les points de vue sont divergents sur ces différentes sources aux niveaux des noms et des dates
d’ouverture de ces filatures avec des capitaux chinois. Nous croyons que les notes dans la lettre du consul français
à Shanghai rédigées en 1896 (la première source citée) est plus fiable, on a donc gardé les informations données
par cette lettre lors des divergences.
1 Archives Nationale de France. F12.7058. Rapports consulaires antérieurs Chine 1809-1906(3). 10, mars 1896.

Les filatures à Shanghai. p.9.

395
étrangers occupent une part considérable parmi toutes les filatures avant l’année 1894 ;
même pour certaines filatures chinoises, leurs propriétaires sont les compradors qui
travaillent en même temps dans les maisons étrangères. Il y a deux causes à ce dernier
phénomène. Premièrement, la création des nouvelles filatures mécaniques à Yangzi
aura besoin de soutien technique et en capital, et les maisons étrangères possèdent des
avantages tant au niveau de la technique qu’au niveau des capitaux. Un exemple typique
est que, lors de l’ouverture de la Filature de Gong-he-yong, le propriétaire chinois,
Huang Zuoqin(黄佐卿), est obligé de demander du soutien technique aux deux filatures
étrangères. Ensuite, A.H.Maertens, l’ingénieur qui travaille dans la Filature de Jardine
Matheson et la Filature d’Iveson, est envoyé à la Filature de Gong-he-yong pour la
direction technique.1 La deuxième cause est que les maisons étrangères profitent de
l’extraterritorialité en Chine. En même temps, elles peuvent offrir la protection de
l’extraterritorialité aux industriels chinois. Cette cause est même plus importante que la
première, car avant la signature du Traité de Shimonoseki sino-japonais(《马关条约》)
en 1895, il est très difficile de créer une usine moderne dans la région de Yangzi du fait
de l’obstruction des conservateurs (ce point sera revu en détail). C’est aussi la raison
expliquant, géographiquement, la concentration de toutes ces filatures à Shanghai où il
est plus facile d’obtenir la protection des étrangers.
Revenons au débat concernant l’impact commercial occidental sur
l’industrialisation des pays asiatiques. L’exemple classique que les historiens adoptent
pour étudier cette question est souvent l’évolution de l’industrie du coton indien sous
influence commerciale avec l’Angleterre. L’opinion conventionnelle (par exemple,
affirmée par P.Bairoch dans son ouvrage) est que l’échange avec les pays occidentaux
amène une désindustrialisation de l’Inde à la suite de la Révolution industrielle. 2
Ce
point de vue a été questionné par beaucoup d’historiens. Dans un article publié en 1990,
S.Subrahmanyam affirme que le déclin de l’industrie textile du coton indien avait déjà
commencé avant l’afflux des produits industriels anglais.3 G.Riello souligne dans son

1Journal de Shen, le 23 septembre 1888. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《申报》


,1888年9月
23日,上海图书馆馆藏资源。)
2 P.Bairoch. Mythes et paradoxes de l’histoire économique. p.79.
3 S.Subrahmanyam. Rural Industry and Commercial Agriculture in the Late Seventeenth-Century South-Eastern

396
ouvrage Coton : The Fabric that Made the Modern World que la relation commerciale
conduit enfin à une convergence du développement industriel entre l’Occident et
l’Orient. 1 Mau Chuan-Hui a montré dans sa thèse et ses recherches 2 que la
communication des savoir-faire franco-chinois et la mécanisation de l’industrie textile
de la soie en Europe font progresser les techniques de l’industrie de la soie en Chine.
En observant le commerce avec les pays occidentaux sur l’industrialisation de la filature
de soie en Chine, nous pouvons déjà confirmer que ce sont les maisons commerciales
étrangères installées en Chine qui ont initié ou aidé à initier le processus de
l’industrialisation des filatures chinoises. Cela prouve déjà le rôle positif du commerce
extérieur pendant la création de l’industrie moderne de Chine. La poussée du commerce
extérieur sur l’industrialisation chinoise ne s’arrête certainement pas à la création des
premières usines, ce que nous allons voir ci-après.
Le sixième article du Traité de Shimonoseki sino-japonais(《马关条约》) en 1895
fait ouvrir quatre nouveaux ports à l’intérieur de la Chine3 et stipule que « les japonais
sont autorisés à établir des usines et importer des machines dans tous les ports ouverts
chinois ». 4 En profitant de la clause des pays les plus favorisés, les puissances
occidentales obtiennent officiellement la légitimité d’établir leurs industries à
l’intérieur de la Chine (aucun traité sino-étranger n’a abordé officiellement le droit de
création des usines de pays étrangers en Chine). Pour résister à l’infiltration
économique des étrangers et faire accroître sa recette fiscale, l’Empereur Guangxu (光
绪帝1871-1908) promulgue un décret le 11 août 1895 qui encourage des capitalistes

India. Past&Present. n°126. 1990. 107-108.


1 G.Riello. Cotton: The Fabric that Made the Modern World. New York. Cambridge University Press. pp.292-294.
2 MAU Chuan-Hui. L’industrie de la soie en France et en Chine de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle :

échanges technologiques, stylistiques et commerciaux. Paris. EHESS. 2002. 2 Vol.


Mau Chuan-Hui. L’introduction en Chine des sciences et des techniques européennes concernant l’industrie de la
soie après la guerre de l’Opium. Etudes chinoises. Vol. XX. N°1-2.
Les techniques séricicoles chinoises dans le développement de la sériciculture française de la fin du XVIIIe siècle
au début du XIXe siècle. Cahier d’Histoire et de Philosophie des Sciences. N°52. Lyon. ENS Éditions. 2004.
Mau Chuan-Hui. Modernisation de la sériciculture à la fin de Qing et au début de République- entre « tradition »
et « modernité ». Recherche des cultures des métiers chinois – Héritage des techniques et des savoir-faire. Beijing.
Editions de la Bibliothèque Nationale. 2010. (毛传慧:清末民初的蚕桑改良-传统与现代之间,《中国近现代行
业文化研究-技艺和专业知识的传承与功能》 ,北京:国家图书馆出版社,2010年)
3 Ce sont Hangzhou(杭州), Suzhou(苏州), Shashi(沙市) et Chongqing (重庆).
4 WANG Tieya. Collection des anciens Traités de Chine avec des pays étrangers. Beijing. Éditions de Sanlian. 1957.

pp.618-619. (王铁涯: 《中国旧约章汇编》 ,北京:三联书店,1957年,第618-619页。)


397
chinois à créer des usines privées chinoises.1 Le changement d’attitude de l’autorité
chinoise stimule considérablement le développement de l’industrie de la filature de la
soie dans la région de Yangzi après l’année 1895. De 1895 à 1899, quarante nouvelles
filatures mécaniques sont établies dans la région de Yangzi, avec une somme de
capitaux de 5 263 000 piastres espagnoles. Parmi ces 40 nouvelles filatures, 18 se
trouvent à Shanghai et 22 se dispersent à Zuzhou(苏州), Wuxian(吴县), Zhenjiang (镇
江) de la province de Jiangsu et Hangzhou(杭州), Xiaoshan(萧山), Jiaxing (嘉兴),
Jiashan(嘉善), Shaoxing (绍兴), Fuyang (富阳), Haiyan(海盐), Pinghu(平湖), Xia
shi(硖石) de la province de Zhejiang.2 Pendant la première décennie du 20e siècle, 36
nouvelles filatures sont ouvertes dans la région de Yangzi avec une somme de
capitaux de 4 476 000 piastres espagnoles, dont 21 se trouvent à Shanghai et 15
s’installent dans d’autres villes de Jiangsu et Zhejiang.3
Il faut remarquer que toutes les filatures qui apparaissent après l’année 1895 sont
créées par les chinois.4 Toutefois, cela ne signifie pas que les maisons étrangères sont
complètement sorties de la filière de production de la soie mécanique en Chine à partir
de cette date. En revanche, elles continuent à s’engager indirectement dans la
production de la soie mécanique en prêtant des capitaux aux filatures chinoises. Selon
une enquête effectuée à Shanghai en 1917, toutes les filatures de Shanghai ont emprunté
14.7 millions taëls pour des fonds de roulement, dont 6 millions proviennent des
Qianzhuang (钱庄, la banque traditionnelle chinoise), 8.5 millions proviennent des
maisons étrangères, et 0.2 million provient de la banque de Jiangsu. 5 En d’autres
termes, les maisons étrangères fournissent plus de la moitié des capitaux de roulement
aux filatures chinoises. Ce changement de rôle des maisons étrangères dans la

1 ZHU Shoupeng (dynastie de Qing). Décrets pendant le règne de Guangxu. Beijing. Éditions de Zhonghua. 1984.
Vol.4. p.3637. (朱寿朋: 《光绪朝东华录》(四),北京:中华书局,1984年,第3637页。)
2 DU Xuncheng. Capitalisme chinois et gouvernement de l’ancienne Chine (1840-1937). Shanghai. Editions de

l’Académie en sciences sociales de Shanghai. pp.323-327. (杜恂诚: 《民族资本主义与旧中国政府(1840-


1937)》. 上海:上海社会科学院出版社,1991年,第323-327页。)
3 WANG Jingyu. Sources de l’histoire de l’industrie chinoise pendant l’époque moderne. Beijing. Editions de

science. 1957. pp. 896-898. (汪敬虞: 《中国近代工业史资料》 ,第二辑,北京:科学出版社,1957年,第


896-898页。)
4 WANG Jingyu. L’histoire moderne de l’économie de la Chine 1895-1927. Beijing. Editions populaires. 2012.

p.1634. (汪敬虞: 《中国近代经济史1895-1927》下卷,北京:人民出版社,2012年,第1634页。)


5 Bureau d’enquêtes du Ministère de l’agriculture et du commerce du Japon. Aperçu des enquêtes de l’industrie de

la soie en Chine. 1918. pp.35-36. (日本农商务省临时产业调查局: 《支那蚕丝业调查概要》 ,1918年,第35-


46页。)
398
production de la soie mécanique en Chine est dû au risque très élevé dans cette branche
industrielle. Puisque les maisons étrangères peuvent percevoir un bénéfice considérable
en exportant la soie mécanique qui a une meilleure qualité, il ne vaut plus la peine de
continuer à s’engager directement dans la filière de production. La participation
indirecte dans la production en prêtant de l’argent permet aux maisons étrangères, d’un
côté, d’éviter de prendre un risque et, de l’autre côté, de profiter d’une partie des
bénéfices de la filière de production en percevant un intérêt.
Géographiquement, Shanghai reste toujours, pendant cette période, la ville dont
l’industrie de filature se développe le plus vite dans la région de Yangzi. Jusqu’à l’année
1914, il y a au total 56 filatures mécaniques en fonctionnement à Shanghai, soit 4.7 fois
le nombre des filatures de 1895 (voir le tableau V-7). Simultanément, les premières
filatures dans les provinces de Zhejiang et Jiangsu font aussi leur apparition. Parmi
toutes les villes de Yangzi, Wuxi (无锡, dans la province de Jangsu) est une autre ville,
en dehors de Shanghai, où le développement de l’industrie de la filature a une
performance remarquable. La première filature mécanique, la Filature de Yuchang (裕
昌丝厂 créée par Zhou Shunqing 周舜卿) ne s’y ouvre qu’en 1904,1 mais cette branche
industrielle y évolue très vite pendant les années suivantes. En 1910, il existe déjà 7
filatures avec 1 914 dévidoirs à vapeur et une somme de capitaux de 623 000 piastres
(soit 14% des investissements totaux de l’industrie de la filature dans la région de
Yangzi ) à Wuxi,2 ce qui la fait devenir la deuxième grande ville industrielle à Yangzi,
juste après Shanghai.

Tableau V-7 Évolution des filatures mécaniques à Shanghai 1895-1914.3

1 QIAN Zhonhan. Zhou Shunqing, Série des livres des histoires de l’industrie et du commerce. Beijing. Editions
des sources historiques et littéraires. 1984. pp.105-107. (钱钟汉: 《周舜卿》 , 《工商经济史料丛刊》 ,第4辑,北
京:文史资料出版社,1984年,第105-107页。)
2 GAO Jingyue. YAN Xuexi. Sources sur l’histoire de l’industrie de la soie à Wuxi pendant l’époque moderne.

Nanjing. Editions populaires de Jiangsu. 1987. 38-51. (高景岳,严学熙: 《近代无锡蚕丝业资料选辑》 ,南京:


江苏人民出版社,1987年,38-51页。)
3 Les chiffres de 1895 à 1910 proviennent des Archives municipales de Shanghai. L’Union des industriels des

Filatures mécaniques de Shanghai. S37-1-96. N°90. (上海市档案馆:上海市缫丝工业同业公会档,S37-1-


96,第90号。)
Chinese Economic Monthly (anglais), mars 1925. pp. 3-7. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《中
国经济月刊》(英文),1925年3月号,第3-7页。)
Les chiffres de 1911 à 1914 proviennent de D.K Lieu. The Silk Industry of China. Kelly and Walsh edition. 1940.
399
Années Nombre des filatures Indice Nombre des bassines Indice
1895 12 100
1896 17 142
1897 25 208 7 500 100
1898 24 200 7 700 103
1899 17 142 5 800 77
1900 18 150 5 900 79
1901 23 192 7 830 104
1902 21 175 7 306 97
1903 24 200 8 526 114
1904 22 183 7 826 104
1905 22 183 7 610 101
1906 23 182 8 026 107
1907 28 233 9 686 129
1908 29 242 10 006 133
1909 35 292 11 085 148
1910 42 350 12 554 167
1911 48 400 13 738 183
1912 48 400 13 392 179
1913 49 408 13 392 179
1914 56 467 14 424 193

Au niveau technique, les premières filatures mécaniques à Yangzi emploient des


dévidoirs de modèle italien, dont le principal mécanisme est un asple imprimé par
l’énergie de la vapeur au dessus de la bassine.1 La fileuse s’assoit devant la bassine,
tire le faisceau de cocons avec les baquettes et le fait entourer le rouet qui tourne et
dévide les faisceaux aux filets de soie. L’eau dans la bassine est également fournie par
la vapeur, ce qui la fait se maintenir en une température entre 71-76°C.2 Grâce à l’asple
imprimé par la vapeur, la vitesse de rotation du rouet est presque uniforme, ce qui peut
garantir l’homogénéité de la finesse ainsi que la ténacité de la soie ; de plus, la stabilité
de la température de l’eau assure l’homogénéité de la couleur de la soie. Avant la fin

p.94.
1 SUN Shutang. Sources de l’histoire de l’industrie chinoise pendant l’époque moderne. Beijing. Editions de

science. 1957. Vol 1. p. 971. (孙毓棠: 《中国近代工业史资料》,第一辑,北京:科学出版社,1957年,第


971页。)
2 WANG Tianyu. Connaissance de la sériciculture. Beijing. Editions de l’agriculture. 1986. p.109. (王天予: 《丝
蚕学》 ,北京:农业出版社,1986年,第109页。)
400
des années 1880, tous les nouveaux dévidoirs sont importés d’Europe ou de Hongkong.
A partir de l’année 1888, la compagnie des machines de Yongchang de Shanghai(永昌
机器厂) commence à fabriquer le moteur des dévidoirs à vapeur, dont l’acheteur est
principalement la Filature de Gong-he-yong. 1 Six ans plus tard (1894), plusieurs
compagnies réussissent déjà à fabriquer une imitation du dévidoir de modèle italien.
Dès l’année 1913, toutes les filatures mécaniques à Shanghai arrêtent d’importer des
dévidoirs fabriqués à l’étranger.
Autrement dit, tous les dévidoirs
achetés par les filatures mécaniques à
Shanghai sont fabriqués en Chine. 2
Des dévidoirs de modèle italien sont
utilisés dans les filatures mécaniques
à Yangzi jusqu’à la fin des années
1920. Le renouvellement technique
Le dévidoir de modèle italien n’y débute qu’à la fin des années 1920,
quand Wang Wanqing introduit le
dévidoir de modèle japonais en 1929.3
Avec la prospérité de l’industrie de filature de la soie, le marché des matières
premières de cette branche industrielle ----le marché des cocons--- commence à se
former dans la région de Yangzi. On n’a pas trouvé d’informations précises sur la date
de l’apparition des premières maisons des cocons. Toutefois, la date du début de l’impôt
sur les cocons échangés dans la province de Zhejiang (par promulgation des Règlements
de la taxe de Likin sur les cocons de Zhejiang en 1883)4 nous prouve que l’émergence
des échanges de cocons à grande échelle doit dater du début des années 1880. De plus,

1 Chambre de l’industrie et du commerce de Shanghai. L’industrie des machines de Shanghai. Shanghai. Editions
de Zhonghua. 1996. Vol 1. p.99. (上海市工商行政管理局: 《上海民族机器工业》上册,上海:中华书局,
1966年,第99页。)
2 CHEN Zhi. L’industrie de la filature. Shanghai. Librairie de Hongbao. 1902. p.45. (陈炽: 《论缫丝业》 ,上
海:鸿宝书局,1902年,第45页。)
3 XIAO Aili. L’introduction et l’innovation des techniques textiles à Shanghai pendant l’époque moderne. Thèse

soutenue à l’Université de Chine de l’Est. 2012. p.27. (肖爱丽: 《上海近代纺织技术的引进与创新》 ,东华大学


博士论文,2012年1月,第27页。)
4 Règlements de la taxe de Likin sur les cocons de Zhejiang. Version de Guangxu. Fonds de la bibliothèque

municipale de Shanghai. (《浙江省茧捐章程》 ,光绪刻本,上海图书馆藏。)


401
selon un reportage du journal de Shen, les patrons de la filature de Gong-he-yong et de
la filature de Lunhua ont ouvert tous les deux plusieurs agences pour acheter les cocons
dans la province de Zhejiang en 1882, 1 ce qui nous fait estimer qu’une proportion
considérable de maisons de cocons à Yangzi sont ouvertes directement par des usines
de filature de Shanghai, qui ont besoin de résoudre le problème de la fourniture des
matières premières. Avec l’accroissement des échanges de cocons, les maisons
spécialisées dans la vente de cocons apparaissent à la fin des années 1880. Selon un
rapport d’un délégué japonais en 1897, la proportion des maisons de cocons ouvertes
par les propriétaires locaux atteint déjà 90% de toutes les maisons de cocons à Zhejiang
et Jiangsu, tandis que celles appartenant directement aux filatures comptent seulement,
en proportion, pour 10%.2 Cela signifie que, depuis la fin du 19e siècle, la plupart des
maisons de cocons qui jouent un rôle d’intermédiaire entre les paysans et les filatures
sont déjà indépendantes. Un autre rapport d’une enquête sur le marché de Wuxi nous
décrit une scène sur les échanges des cocons à Wuxi : « pendant la saison de la récolte
des nouveaux cocons, les discussions du prix sont très vivantes dans les maisons de
cocons. Des paysans et des colporteurs doivent écouler leurs cocons en une semaine de
crainte que des papillons ne sortent des cocons dans 10 jours, tandis que les maisons
doivent acheter des millions de taëls de cocons pendant cette courte période et n’ont
donc pas le temps pour contrôler précisément la qualité des cocons, donc on croit que
l’échange des cocons est l’étape avec le plus de risque dans le commerce de la soie en
Chine. »3 Cela nous confirme les relations entre les paysans, les maisons de cocons et
les usines de filatures sur le marché de Yangzi tandis que l’organisation de la production
des soies de cette région à la fin du 19e siècle : à la suite des achats de cocons aux
paysans, les maisons de cocons doivent tuer les chrysalides dans les jours qui suivent,
faire sécher les cocons et les conserver en attendant les achats des filatures mécaniques.

1 Journal de Shen, le 26 juin 1895. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《申报》 ,1895年6月26
日,上海图书馆馆藏资源。)
2 TAKATSU Jirou. Observations sur l’industrie de la soie de l’Empire de Qing. Ministère de l’agriculture et du

commerce du Japon. 1897.p.27. (高津仲次郎: 《清国蚕丝业观察报告书》 ,农商务省农务局,1897年,第27


页。)
3 Observations des nouveaux ports chinois. Chambre de commerce de Kyoto. 1897. p.221. (《清国新开港场视察

调查》 ,京都商业会议所,1897年第221页。)
402
Schéma V-8 Circulation des cocons dans la région de Yangzi à la fin du 19e

siècle
Cocons frais Cocons séchés Soies mécaniques Soies mécaniques
Paysans ou Maisons Filatures Maisons Marché
Colporteur de cocons mécanique de soies international
s s
Au sein de la région de Yangzi, le marché de cocons de la province de Jiangsu se
développe plus vite que celui de Zhejiang. Zhejiang est la plus grande province
séricicole chinoise (voir tableau V-9-A) où la quantité de production de soie manuelle
est beaucoup plus élevée que celle de la province de Jiangsu pendant le 19e siècle (voir
tableau V-9-B). Toutefois, l’avantage de cette province sur la production de la soie
manuelle devient justement son plus grand obstacle contre sa modernisation dans la
filière de l’industrie de filature. Le progrès de la nouvelle industrie de filature et le
développement du marché de cocons sont plus remarquables dans la province de
Jiangsu, où la tradition de l’ancienne industrie de la soie est relativement faible. On a
mentionné plus haut que Wuxi (dans la province de Jiangsu) est devenu le deuxième
grand centre de la filature mécanique dans la vallée du Fleuve de Yangzi. Cette dernière
ville est devenue, en même temps, le plus grand marché de distribution des cocons à
Yangzi au début du 20e siècle. En dehors de Wuxi, les marchés de cocons se sont déjà
formés dans plusieurs autres villes de Jiansu.

Tableau V-9-A Quantités de production des cocons frais dans chaque

province en Chine1

1 Chambre de contrôle de la soie de Shanghai. Enquêtes sur la sériciculture des provinces au centre de la Chine en
1925. La soie. 1999. N°10. p.55. (上海万国生丝检验所:1925年华中蚕丝业调查, 《丝绸》 ,1999年第10期,
第55页。)
403
Noms des Provinces Quantités de production(piculs) Proportions(%)
江苏 Jiangsu 350 000 10.5
浙江 Zhejiang 1 000 000 30
广东 Guangdong 1 000 000 30
四川 Sichuan 600 000 18.1
安徽 Anhui 30 000 0.9
湖北 Hubei 100 000 3
湖南 Hunan 20 000 0.6
山东 Shandong 60 000 1.8
河南 Henan 100 000 3
其他 Autres 70 000 2.1
Total 330 000 100

Tableaux V-9-B Quantités de production des cocons séchés et des soies

manuelles dans les provinces de Zhejiang et Jiangsu1


régions de Quantités de production Quantités de production
Provinces production des cocons séchés(piculs) des soies manuelles(piculs)
无锡Wuxi 55 000
常州 Changzhou 30 000
苏州 Suzhou 15 000 3 000
苏北 Subei 11 000 2 000
Total
江苏Jiangsu Jiangsu 111 000 5 000
嘉兴 Jiaxing 30 000 20 000
辑里 Jili 10 000 35 000
绍兴 Shaoxing 25 000 5 000
Total
浙江 Zhejiang Zhejiang 65 000 60 000

Tableaux V-9-C Provenances des cocons séchés sur le marché de Shanghai2

1 Chambre de contrôle de la soie de Shanghai. Enquêtes sur la sériciculture des provinces au centre de la Chine en
1925. p.55. (上海万国生丝检验所:1925年华中蚕丝业调查,第55页。)
2 USAKO Akira. Aperçu de la sériciculture de l’Empire de Qing. 1911. 57-60. (紫藤章: 《清国蚕丝业一斑》 ,
第57-60页。)

404
Provinces Régions de Production Année 1908 Année 1909 Année 1910
无锡 Wuxi 49 000 60 000 48 000
常州 Changzhou 12 000 10 000 7 000
江阴 Jiangyin 12 000 10 000 8 000
苏州 Suzhou 3 000 2 100
江苏 其他 Autres 1 000 800
Jiangsu Total Jiangsu 73 000 84 000 65 900
嵊县 Shengxian 11 000 13 000 9 100
萧山 2 000 7 000 5 600
嘉兴 2 000 3 000 2 400
杭州 1 000 800
海宁 1 000 3 000 2 100
湖州 3 500 7 000 5 600
余杭 700 5 00 1 600
塘栖 2 000 2 000 1 600
浙江 其他 Autres 1 000 3 000 2 300
Zhejiang Total Zhejiang 23 000 39 000 29 000
Total 96 200 123 500 95 800

B. Modernisation de l’industrie de la filature de la soie dans la région de


Guangdong et d’autres parties de la Chine.
La première filature mécanique à Guangdong, dont le nom est Ji-chang-long (继
昌隆), est installée par Chen Qiyuan(陈启沅), un commerçant cantonais, dans la
Préfecture de Nanhai(南海县) en 1873. Cette filature est également la première filature
créée par les chinois (9 ans plus tôt que la Filature de Gong-he-yong à Shanghai). Selon
les mémoires de Chen publiés en 1876, il est « allé dans les ports des pays de l’Asie du
sud-est lorsqu’il était jeune pour y faire le commerce en 1854… Pendant son séjour en
Annam, il a mené des observations sur des filatures mécaniques françaises et essayé de
connaître la structure du nouveau dévidoir… Ayant accumulé une grande richesse, il a
décidé de retourner dans sa patrie et d’y apprendre aux paysans la nouvelle méthode de
filature en automne de l’année 1873. »1 Ensuite, d’après ce que les mémoires d’un
descendant d’un collaborateur de Chen Qiyuan indiquent, « Chen Qiyuan a amené au
village de Jian (简村, un village de district de Nanhai, pays natal de Chen Qiyuan) un

1CHEN Qiyuan. Manuel de l’industrie de la soie de Guangdong. 1876. Fonds de la bibliothèque de Zhongshan de
Canton. Avant-propos. pp.1-3. (陈启沅: 《广东蚕桑谱》 ,自序,1876年,第1-3页,广州市中山图书馆馆藏资
源。)
405
moteur d’un ancien bateau à vapeur et l’a transformé en une machine à vapeur pour la
filature. La Filature de Ji-chang-long a été installée au village en 1873 et mise en
opération l’année suivante. »1
Contrairement au cas de la région de Yangzi où l’ouverture des premières filatures
mécaniques se concentre dans les métropoles, la première filature mécanique de
Guangdong apparaît dans un petit village. Au début, Chen pensait ouvrir sa filature à
Canton, où il était plus facile d’obtenir une direction technique et du soutien financier2,
mais il renonça finalement à cette idée. La raison principale est peut-être que les
obstructions provenant du gouvernement local et des corporations seraient plus grandes
dans la métropole. De plus, plusieurs avantages du village ont attiré l’attention de Chen :
bien que le village soit plus loin du marché de la vente, il est juste à côté de la région
de production des cocons ; la main-d’œuvre y est moins chère que celle de Canton ;
Chen y connaît mieux les élites locales villageoises que celles de Canton, etc. Toutefois,
dans la société traditionnelle chinoise de l’époque, il est difficile d’ouvrir une usine
moderne dans laquelle les hommes et les femmes travaillent ensemble, même dans son
pays natal. 3 Pour la création de cette première filature, Chen a fait beaucoup de
préparatifs : il a doté des travaux publics, offert des aliments et des médicaments aux
pauvres, et a essayé de convaincre les élites locales de créer des filatures avec lui, etc.4
Tout cela lui a conféré une bonne réputation, ce qui a gagné la confiance des membres
du village. Ayant dépensé tant une grande somme d’argent que beaucoup de vigueur,
Chen réussit à créer la première filature moderne à capitaux chinois en Chine en 1873.
Cette filature n’a connu que prospérité après son ouverture. Les Annuaires de
Nanhai notent que « la qualité de la soie produite par la Filature de Ji-chan-long est

1 CHEN Gungun. Chen Liantai et la situation de la Compagnie de machine de Junan. Sources historiques et
littéraires de Guangdong. Canton. Editions populaires de Guangdong. 1965. p.54. (陈滚滚: 《陈联泰和均和安机
器厂的概况》 ,《广东文史资料》第20辑,广州:广东人民出版社,1965年,第54页。)
2 WANG Jingyu. Quelques sources sur la Filature de Ji-chang-long et plusieurs problèmes importants. Recherches

académiques. 1962. N°6. p. 96. (汪敬虞:关于继昌隆丝厂的若干史料及值得研究的几个问题,《学术研究》 ,


1962年第6期。第96页。)
3 Par exemple, un reportage de North China Herald, 13 juin 1874 publie que : « les chinois croit que les fileuses

vont être blessées par des machines, que des machines sont très bruyantes et que les cheminées des usines vont
affecter la géomancie (Feng Shui, 风水) d’un village, etc. »
4 SU Yaochang. La région séricicole du sud de la Chine------la transformation de l’histoire locale et la théorie du

système mondial. Zhengzhou. Editions des anciens documents de Zhongzhou. 1987. pp. 155-156. (苏耀昌: 《华南
丝区------地方历史的变迁与世界体系理论》 ,郑州:中州古籍出版社,1987年,第155-156页。)
406
bien meilleure que d’autres soies cantonaises, ce genre de soie est donc très demandé
au marché, de même que son prix est plus élevé, ce qui amène un gros bénéfice à son
patron. » 1 Encouragés par Chen Qiyuan et excités par les bénéfices, d’autres
commerçants cantonais installèrent successivement leurs filatures mécaniques dans le
delta du Fleuve de Zhu : en 1874, 4 nouvelles filatures mécaniques s’y ouvrirent ; en
1880, il y avait au total 10 filatures avec 2 400 nouveaux dévidoirs qui produisaient
950-1 000 piculs de soies par an ;2 en 1881, il existait déjà 14-15 filatures mécaniques
dans la province de Cuangdong, dont 11 situées au district de Nanhai et 3-4 à Shunde
(顺德,un autre district de Guangdong).3 Ce qui est remarquable est que toutes ces
premières filatures à Guangdong ont été créées sans la protection des étrangers (comme
le cas de Yangzi ). A la différence du cas de Shanghai, l’industrie de la filature à
Guangdong est établie par les chinois eux-mêmes.
Avec l’accroissement du nombre de filatures mécaniques à Guangdong, la
contradiction entre la production industrielle et la production de la manufacture devient
de plus en plus évidente, comme ce qui s’est également souvent passé dans le reste du
monde. Ce qu’il nous faut remarquer, c’est que la prospérité de l’industrie de la filature
n’a guère lésé les intérêts des paysans qui produisent la soie manuelle, car ce dernier
groupe peut toujours faire des bénéfices en fournissant les cocons aux filatures
mécaniques, ou travailler directement dans l’usine comme fileuses. En réalité, les
ressentiments les plus vifs contre les filatures mécaniques proviennent des tisseurs de
soieries traditionnelles qui travaillent dans des manufactures textiles, du fait que la
prospérité de la filature mécanique leur fait désormais manquer de matières premières.
D’un côté, à cause du développement des filatures mécaniques, les paysans à Nanhai
vendent leurs cocons aux filatures mécaniques et donc ne fournissent plus de soie
manuelle aux tisseurs de soieries manuelles ; de l’autre, la soie mécanique produite par

1 Annuaires de Nanhai (règne de Xuantong), Vol 21. Biographie 8. Section Arts et métiers. Chen Qiyuan. Fonds de
la bibliothèque municipale de Nanhai. (宣统《南海县志》 ,卷21,列传8,艺术,陈启沅条,南海图书馆馆藏
资源。)
2。Archives nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la douane de Chine. Les archives des anciennes

douanes de Chine. Vol 09. p.214. (中国第二历史档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料09》 ,第


214页。)
3 WANG Xiang. La transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine pendant l’époque moderne.

p.103. (王翔: 《近代中国传统丝绸业转型研究》 ,第103页。)


407
les nouvelles filatures est destinée au marché étranger au lieu du marché intérieur. En
conséquence, de moins en moins de soie manuelle est fournie aux manufactures textiles
à Guangdong. L’insuffisance de la fourniture des matières de soie conduit à la fermeture
d’un grand nombre de manufactures textiles et au chômage des tisseurs traditionnels.
Un serie d’événements violents entre des tisseurs et des filatures a lieu à partir de 1875.1
L’événement de 1881 marque le sommet des mouvements contre la mécanisation des
filatures à Guangdong. Le 5 octobre 1881, après une réunion à la corporation, plus de
deux milles tisseurs pénètrent dans les filatures à Nanhai, abîment des dévidoirs et
détruisent les locaux des usines.2 Les industriels de Nanhai demandent la protection du
gouvernement du district. Le maire de Nanhai Xu Gengbi(徐赓陛) réprime la sédition3,
mais décide en même temps d’interdire la réouverture des filatures mécaniques de
crainte de l’expansion du chômage et d’une seconde sédition. 4 Dans ce cas, les
premiers capitalistes de Nanhai sont obligés de déplacer successivement leurs filatures
mécaniques à Macon(澳门).5
L’ordre d’interdiction de la création des filatures à Nanhai est aboli en 1886. 6
Avec l’augmentation de la demande des soies mécaniques sur le marché international,
la prospérité de l’industrie de la filature refait son apparition dans la province de
Guangdong dès la seconde moitié des années 1880. Selon un rapport de la douane
cantonaise, « il existe déjà, en 1991, plus de cinquante usines de filature mécanique

1 North China Herald. Le 19 octobre 1875. Le 26 octobre 1875. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai.
(《北华捷报》 ,1875年10月19日,1875年10月26日,上海图书馆馆藏资源。)
2 Annuaires de Nanhai (règne de Xuantong), Vol 26.Divers. La filature mécanique. Fonds de la bibliothèque

municipale de Nanhai. (宣统《南海县志》 ,卷26,杂录,机器缫丝条,南海图书馆馆藏资源。)


North China Herald. Le 19 octobre 1875. Le 26 octobre 1875. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai.
(《北华捷报》 ,1875年10月19日,1875年10月26日,上海图书馆馆藏资源。)
3 North China Herald. Le 7 novembre 1881. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《北华捷报》 ,
1881年11月7日,上海市图书馆馆藏资源。)
Journal de Shen, le 8 novembre 1881. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《申报》 ,1881年11月8
日,上海市图书馆馆藏资源。)
4 Pour les contenus de l’ordre de la maire de Nanhai, consulter XU Gengbi. Notes dans la salle de Bu-zi-qian.

Ouvrages sur le district de Hanhai. 1882. Vol.6.p.21. Collecté dans SHEN Yunlong. Collections des sources de
l’histoire moderne de Chine. Taibei. Editions de Wenhai. 1994. Vol 78. section 733. (徐赓陛: 《不自慊斋漫存》 ,
南海书牍,卷6,1882年,第21页,收录于沈云龙: 《中国近代史料从刊》 ,第78辑第773种,台北:台湾文
海出版社,1994年。)
5 Selon le North China Herald, le 22 avril 1882, p.424. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai, trois

filatures mécaniques ont été déplacées de Nanhai à Macao pendant l’année 1882, la filature de Chen Qiyuan
incluse. (《北华捷报》 ,1882年4月22日,上海市图书馆馆藏资源。)
6 ZHANG Zhidong . Œuvres complètes de Monsieur Zhang Wenxiang. Taibei. Editions de Wenhai. 1963. Partie

des Motions, Vol 35. p.23. (张之洞: 《张文襄公全集》 ,奏议,卷35,台北:文海出版社,1963年,第21


页。)
408
dans le delta du Fleuve de Zhu»1. La tendance à l’expansion des usines de filature
mécanique dans la province de Guangdong se maintient jusqu’au début du 20ème siècle.
En 1902, « le nombre des usines de filature mécanique atteint 86 dans le district de
Shunde, sans compter qu’il y a d’autres filatures dans les autres districts dans la
province de Guangdong » 2 Jusqu’à 1906, on a créé au total 176 usines de filature
mécanique dans la province de Guangdong (celles déjà fermées incluses), dont 124 se
situent dans le district de Shunde (qui compte plus de 70% de la totalité du nombre des
filatures), 45 dans le district de Nanhai, 4 dans le district de Xinhui( 新会), 2 au
Sanshui(三水) et 1 dans le Zhongshan(中山).3 Parmi les 109 filatures en opération à
Guangdong en 1910, 82 se situent à Shunde(75% de la totalité), 21 à Nanhai, 5 à Xinhui,
et 1 à Fanpan(番禺). Grâce à l’encouragement du gouvernement républicain, le nombre
des usines de filature mécanique à Guangdong augmente, de 109 en 1910 à 162 en 1912
(soit une croissance de 49%), de même que le nombre des nouveaux dévidoirs s’accroît
de 42 100 à 65 000 pendant ces deux années (soit une croissance de 54.39%).4 En 1918,
il y a au total 147 usines de filature mécanique à Guangdong, dont 114 se trouvent à
Shunde (78% de la totalité), 30 se trouvent à Nanhai, 1 à Sanshui, 1 à Xinhui et 1 à
Fanpan.5 Autrement dit, les nouvelles usines de filature mécanique cantonaises créées
depuis les années 1880 gardent toujours les mêmes caractéristiques que celles des
premières filatures créées pendant les années 1870 : au niveau de la composition des
capitaux, elles sont toutes créées par les industriels chinois, aucune par l’étranger. Au
niveau de la répartition géographique, elles se trouvent encore dans la campagne au lieu
de concentrer dans la métropole de Canton ou dans la concession. De plus, on constate,

1 Rapports des décennies des douanes de Chine (1882-1931). Beijing. Editions de la douane chinoise. 2009. Port
de Canton.p.577. (《五十年各埠海关报告(1882-1931) 》,北京:中国海关出版社,2009年,广州口,第
577页。)
2 WANG Xiang. La transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine pendant l’époque moderne.

p.111. (王翔: 《近代中国传统丝绸业转型研究》 ,第111页。)


3 Les Annuaires de Shunde. Période de la République de Chine. Canton. Editions de l’Université de Zhongshan.

1993. Vol 1. Production. La soie. p.21. (民国《顺德县志》 ,卷1,物产,丝部,广州:中山大学出版社,1993


年,第21页。)
4 USAKO Akira. Aperçu de la sériciculture de l’Empire de Qing. p. 213. (紫藤章: 《清国蚕丝业一斑》 ,第213
页。)
5 Rapports du commerce extérieur. Tokyo. Bureau du commerce du Ministère des affaires étrangères du Japon.

1906. N°38. p.12. Fonds de la bibliothèque de l’Université de Wuhan. (《(通商彚纂》 ,东京:外务省通商局,


1906年,第38号,第12页,武汉大学图书馆馆藏资源。)
409
pendant cette période, une tendance à la concentration des filatures cantonaises à
Shunde, où se trouve également la plus grande région de production de cocons de la
province de Guangdong. En revanche, le nombre de filatures dans le pays d’origine des
filatures modernes chinoises, Nanhai, est beaucoup plus modeste quand on entre dans
le 20e siècle.1
Techniquement, les nouveaux dévidoirs que les premières filatures cantonaises
emploient sont différents que ceux de Yangzi. Selon les mémoires de Chen Qiyuan, la
machine à vapeur et les
dévidoirs utilisés dans la
Filature de Ji-chang-
long sont dessinés par
lui-même, au lieu de les
importer de l’étranger. 2
D’après le dessin des
machines( 机 器 大 偈
图)3 qui se trouve dans
Dessin des machines
ses mémoires,
l’adaptation d’un nouveau système de croisure, la croisure à la Chambon, et l’usage de
la vapeur, permettent l’amélioration de la soie tirée ; un seul chaudron approvisionne
plusieurs bassines, permettant ainsi une économie de chauffage. Simutanément,
l’atmosphère de la salle d’opération est chauffée par le même générateur qui aide les
brins dévidés à sécher plus rapidement. Dans cette installation, le mouvement de l’asple
n’est plus imprimé par les fileuses qui pouvaient dès lors se concentrer sur le tirage des
cocons permettant d’obtenir un fil de soie mieux tiré.4
Cependant, l’énergie qui fait tourner des dévidoirs ne provient pas de la vapeur

1 PANOSOXI Sarou. Rapport des enquêtes sur l’industrie de la soie en Chine. Tokyo. Département agricole du
Ministère de l’agriculture et du commerce du Japon. 1918. p.41. (松下宪三郎: 《支那制丝业调查复命书》 ,东
京:农商务省农务局,1918年,第41页。)
2 CHEN Qiyuan (Qing). Manuel de l’industrie de la soie de Guangdong. Fonds de la bibliothèque de Zhongshan

de Canton. Avant-propos. pp.1-3. (陈启沅: 《广东蚕桑谱》 ,自序,第1-3页,广州市中山图书馆馆藏资源。)


3 CHEN Qiyuan (Qing). Manuel de l’industrie de la soie de Guangdong. Fonds de la bibliothèque de Zhongshan

de Canton. (陈启沅 : 《广东蚕桑谱》 ,广州市中山图书馆馆藏资源。)


4 Mau Chuan-Hui. L’introduction en Chine des sciences et des techniques européennes concernant l’industrie de

la soie après la guérre de l’Opium. Etudes chinoises. Vol. XX. N°1-2. p.213.
410
dans la Filature de Ji-chang-long. Quant à provenance de l’énergie des dévidoirs, le
petit-fils de Chen Qiyuan, Chen Tianjie( 陈 天 杰 ), mentionne dans ses mémoires
que « ce sont les fileuses qui tiraient les faisceaux de cocons dans la bassine, les
menaient à l’asple et faisaient tourner l’asple en pédalant, actionnant une baquette en
fer. »1 Autrement dit, la Filature de Ji-chan-long est seulement une filature équipée
d’une machine à vapeur au lieu d’utiliser l’énergie de la vapeur. Selon le rapport de Lv
Xuehai(吕学海), les filatures ouvertes par la suite sont intégralement construites en
imitant le modèle de Ji-chang-long.2 Cela nous confirme que les premières usines de
filature mécanique à Guangdong ne sont pas exactement des « usines mécaniques »,
mais des ateliers entre l’industrialisation et la manufacture. De fait, les premières
filatures qui utilisent l’énergie de la vapeur ne font leur apparition dans la province de
Guangdong qu’au début de l’année 1890.3 Cette innovation n’est diffusée dans toutes
les filatures cantonaises qu’au début de 20e siècle4.
Des marchés de cocons existent aussi dans la province de Guangdong, mais de
forme différente de ceux de Yangzi. Selon les notes des Annuaires de Shunde et des
Annuaires de Nanhai, dans le delta du Fleuve de Zhu, il n’existe aucune « maison de
cocons » qui joue un rôle d’intermédiaire entre les paysans et les filatures comme dans
le cas du commerce des cocons à Yangzi. La raison de l’absence de ce genre
d’intermédiaire est que presque toutes les usines de filature cantonaises s’installent dans
la campagne, soit juste à côté, soit au sein même de la région de production des cocons.
En ce cas, les maisons de cocons, qui servent à sécher, conserver et transporter les

1 LIN Jinzhi. ZHANG Weiji. Sources de l’histoire moderne des investissements des chinois d’outre-mer en Chine
Fuzhou. Editions populaires de Fujian. 1989. Vol de Guangdong. p.244. (林金枝,庄为玑: 《近代华侨投资国内
企业史资料选集》(广东卷),福州:福建人民出版社,1989年,第224页。)
2 LV Xuehai. Rapport des enquêtes de l’industrie de la soie de Shunde. Cité de PENG Zeyi. Sources de l’histoire

moderne de manufacture en Chine. p.44. (吕学海: 《顺德丝业调查报告》 ,引自彭泽益: 《中国近代手工业史


资料》 ,第44页。)
3 Actuellement, il existe deux points de vue sur la date de naissance de la première filature utilisant l’énergie de

vapeur dans la province de Guangdong parmi les historiens chinois. Le premier point de vue provient de XU
Xinwu. Etudes sur la première usine chinoise dans l’histoire moderne. Science sociale. 1981. N°3(徐新吾:我国
第一家民族资本近代工业的考证, 《社会科学》 ,1981年第3期。), qui croit que cette innovation a eu lieu pour
la première fois dans une autre Filature de Shi-chang-lun(世昌纶) créée par Chen Qiyuan à Nanhai en 1891 ;
l’autre point de vue provient de WANG Jingyu. Analyses sur la création et l’évolution du capitalisme chinois dans
l’industrie de filature de la soie, fondées sur la transformation du commerce extérieur de la soie de Chine.
Recherches de l’histoire économique. 2001.N°2. (汪敬虞:从中国生丝对外贸易的变迁看缫丝也中资本主义的
产生和发展, 《中国经济史研究》 ,2001年第2期。), qui pense que l’énergie de la vapeur est employée pour la
première fois à Guangdong dans une filature du district de Sanshui en 1993.
4 J. G. Kerr. Guide to the City and Suburbs of Canton. Hong-kong. Kelly&Walsh. 1904. Excursion 5. p.14.

411
cocons, ne sont pas indispensables. En revanche, ce qui lie les vendeurs et les acheteurs
de cocons sont les foires qui ont lieu régulièrement. Ces foires de cocons sont ouvertes
par des commerçants locaux, qui doivent normalement investir 20 mille taëls pour louer
un terrain et pour établir des infrastructures. Les détails du processus de l’échange des
cocons dans les foires sont les suivants: des paysans vont à la foire afin de vendre leurs
cocons ; des acheteurs envoyés par des usines de filature, ou des courtiers qui
s’appellent « Shui Tou »(水头) y viennent simultanément et achètent les cocons des
paysans ; si un échange est conclu, les acheteurs ou les courtiers doivent payer 3% de
la valeur d’échange aux créateurs de cette foire, et les paysans doivent leur payer 1.5% ;
à la suite des échanges, les acheteurs envoyés par les filatures vont emmener les cocons
dans leurs propres filatures, tandis que les courtiers vont chercher immédiatement des
filatures qui ont besoin de cocons et vont les leur revendre ; enfin, l’étouffage et le
séchage des cocons seront faits dans des usines de filature.1 A partir de la fin du 19e
siècle, il existe beaucoup de ce genre de foires de cocons, surtout au district de Shunde
et Nanhai. Selon une enquête d’un délégué japonais, dans la région de Guangdong, il y
a 10 foires de cocons dont la valeur d’échange est au-delà de 1 million piastres, et le
nombre de foires dont la valeur d’échange est moins de 1 million piastres atteint 19 au
début du 20e siècle. 2 La prospérité de ces foires fournit la possibilité aux filatures
mécaniques cantonaises d’obtenir assez de matières premières, ce qui est un élément
très important pour le développement de cette branche industrielle à Guangdong.

Schéma V-10 Circulation des cocons dans la région de Guangdong à la fin

du 19e siècle

1LesAnnuaires de Shunde. Période de la République de Chine. Canton. Editions de l’Université de Zhongshan.


1993.Vol 3. Institution. Marché. p.7. (民国《顺德县志》 ,卷3,建制,墟市,广州:中山大学出版社,1993
年,第7页。)
Annuaires de Nanhai (règne de Xuantong), Vol 26.Production. Les vers à soie. Fonds de la bibliothèque
municipale de Nanhai. (宣统《南海县志》 ,卷4,物产,蚕部,南海图书馆馆藏资源。)
2 XIAOSHANJIU Zuoweimen (japonais), Rapport des enquêtes sur l’industrie de la soie en Chine du sud.

Publication à ses propres frais. 1993. p.31. dans WANG Xinsheng. Comparaison des filatures mécaniques entre
Guangdong de Chine et Nagano du Japon. Recherches historiques. 1993. N°3.pp.94-95. (小山久作卫门: 《南清
制丝业视察复命书》 ,1906年自费出版,第31页,转引自王新生:广东与长野器械缫丝业比较研究, 《历史
研究》 ,1993年第3期,第94-95页。)
412
Cocons frais Cocons séchés Soies mécaniques Soies mécaniques

Paysans Foires de Filatures Maisons Marché


cocons mécaniques de soies international

L’apparition du marché des cocons est le résultat de la mécanisation de la filature


de la soie, laquelle aboutit à une évolution importante de l’organisation de production
de la soie. Avant l’introduction de la filature mécanique en Chine, presque toutes les
démarches de production de la soie se finalisaient dans une famille de paysans, et
c’étaient les paysans qui entretenaient une relation commerciale directe avec le marché
de la soie. Avec l’apparition de la filature mécanique, la filature devient une activité de
production spécialisée dans les usines de filature, et les paysans s’occupent
exclusivement la production des cocons. Sur le marché de la soie, la production et la
vente de soies est transférée des paysans aux usines de filature. Deux activités de
production---la production des cocons et la filature de la soie---sont liées par des
intermédiaires commerciaux, soit les maisons de cocons à Yangzi, soit les marchés de
cocons à Canton.
Les développements de l’industrie de la filature mécanique sont très modestes dans
d’autres régions chinoises. La première filature mécanique apparaît également très tôt
dans la province de Shandong, où la production de la soie sauvage est la plus abondante
en Chine. La Crasemann & Hagen et Cie allemande installe une usine de filature
mécanique à Zhifu (un arrondissement de la ville de Yantai 烟台 dans la province de
Shandong ) en 1877------ qui s’appelle la Filature de Yantai(烟台缫丝局), équipée par
des dévidoirs de modèle français.1 Plus tard (1882), cette dernière filature commence
à absorber des capitaux chinois à cause de ses dettes 2 , et est ensuite vendue au
gouvernement chinois, en 18853. D’autres usines de filature mécanique ne font leur

1 Archives nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la douane de Chine. Les archives des anciennes
douanes de Chine. Vol.14 p.214. (中国第二历史档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料14》 ,第83
页。)
2 Archives des actions chinoises, n°114, actions de la Filature de Yantai. Fonds du Musée national de Chine. (中国

股票档案,第114号,烟台缫丝局股票,藏于中国国家博物馆。)
Journal de Shen, le 25 juillet 1883. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《申报》 ,1883年7月25
日,上海市图书馆馆藏资源。)
3 C’était Shen Xuanhuan(盛宣怀), un soutien très célèbre des « mouvements de modernisation » (洋务运动) de

Chine, qui a acheté la Filature de Yantai de la part du gouvernement chinois. Pour les détails, consulter Journal de
Shen, le 5 Février 1887. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (《申报》 ,1887年2月5日,上海图书
413
apparition qu’au début du 20e siècle dans la province de Shandong. Jusqu’en 1911, il
n’y a que trois filatures mécaniques à Shandong, qui se concentrent toutes au port de
Yantai.1 Au centre de la Chine, le Vice-roi de Hubei et Hunan, Zhang Zhidong (张之
洞)2 crée la Filature de Hubei(湖北缫丝局) à Wuhan(武汉) en 1894. Toutefois, à cause
de problèmes de financement, seulement une partie de la filature est mise en opération
à partir de l’année 1895.3 Désormais, aucune autre filature mécanique n’apparaît dans
la province de Hubei jusqu’à la chute de la dynastie de Qing. Dans la province de
Sichuan, la filature moderne ne voit le jour qu’en 1905, se distinguant par l’équipement
de 100 dévidoirs de modèle italien par Chen Kaizhi(陈开沚) dans sa filature------la
Filature de Pinong (裨农丝厂) au district de Santan(三台县).4 En 1911, Chen Kaizhi
installe deux autres filatures mécaniques---la Filature de Bichuan( 敝 川 丝 厂 ) à
Chongqing, et la Filature de Huaxin à Jiading (嘉定).5 Zhang Senkai(张森楷) est un
autre industriel qui fait de nombreuses contributions à la modernisation de l’industrie
de la soie à Sichuan, et crée successivement deux filatures mécaniques en 1908 et 1911.6
Malgré tous ces efforts, le nombre de filatures mécaniques à Sichuan est encore très
modeste : seulement 5 jusqu’en 1914. Il n’y a pas d’usine de filature mécanique dans
d’autres provinces chinoises avant l’année 1914. Autrement dit, en dehors des
provinces de Jiangsu (Shanghai appartient alors également à Jiangsu), Zhejiang,
Guangdong, Shandong, Hubei et Sichuan, l’influence de l’industrie de la filature
moderne est presque nulle dans toutes les autres régions chinoises à cette époque.
On pourrait donc conclure que la répartition de l’industrie de la filature se
manifeste par une concentration géographique très forte avant l’année 1914. La

馆馆藏资源。)
1 Rapports des décennies des douanes de Chine (1882-1931). Beijing. Editions des douanes chinoises. 2009. Port

de Yantai.p.229. (《五十年各埠海关报告(1882-1931) 》 ,北京:中国海关出版社,2009年,烟台口,第229


页。)
2 Zhang Zhidong est un autre soutien des mouvements de modernisation de la Chine à l’époque.
3 ZHANG Zhidong. Œuvres complètes de Monsieur Zhang Wenxiang. Taibei. Editions de Wenhai. 1963. Partie

des Motions, Vol 35. p.21. (张之洞: 《张文襄公全集》 ,奏议,卷35,台北:文海出版社,1963年,第21


页。)
4 Journal officiel de Sichuan. Vol 4. février 1904. Nouvelles, n°5. Fonds de la Bibliothèque nationale de Chine.

(《四川官报》 ,第四册,1905年2月新闻第5号,中国国家图书馆馆藏资源。)
5 ZHANG Xuejun. ZHANG Lihong. Histoire moderne de l’industrie de Sichuan. Chengdu. Editions populaires de

Sichuan. 1990. p.120. (张学军,张莉红: 《四川近代工业史》 ,成都:四川人民出版社,1990年第120页。)


6 CHEN Ciyu. L’industrie de la soie de Chine pendant l’époque moderne. Taibei. Département de l’histoire

moderne de l’Académie centrale. 1989. Taibei. p.208. (陈慈玉: 《近代中国的机器缫丝工业1860-1945》 ,台


北:中央研究院近代史研究专刊,1989年,第208页。)
414
modernisation de l’industrie de la filature de la soie a lieu seulement dans quelques
provinces avant 1914. De plus, parmi ces provinces, la plupart des nouvelles filatures
se situent dans la région de Yangzi et la région de Guangdong, d’où on accède plus
facilement au marché extérieur, à la fourniture des matières premières, à la nouvelle
technique de filature et aux capitaux. A l’intérieur de la région de Yangzi, l’industrie de
la filature mécanique se concentre sur deux villes : Shanghai et Wuxi, tandis que plus
de 90% des filatures mécaniques de Guangdong se concentrent sur deux districts :
Shunde et Nanhai.

C Résultat de la modernisation de l’industrie de la filature en Chine avant l’année


1914
La proportion de la quantité de la soie mécanique dans la quantité totale des soies
produites dans un pays est un standard important pour évaluer son niveau de
modernisation de l’industrie de la filature. Toutefois, comme il a été montré dans le
chapitre II, les sources statistiques sur les quantités de productions totales de toute la
Chine avant l’année 1914 sont très limitées, ce qui est un obstacle pour calculer cette
proportion. Nous allons donc estimer le niveau quantitatif de la modernisation de la
filature soyeuse en Chine à l’époque en calculant une autre proportion : la proportion
de la quantité de la soie mécanique exportée dans la quantité totale de l’exportation des
soies de Chine.

Tableau V-11-A Proportions de la soie mécanique dans toutes les soies

exportées de Guangdong, de Shanghai et de toute la Chine1

1 Les données de l’année 1904 proviennent des Archives nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la
douane de Chine. Les archives des anciennes douanes de Chine. Vol.39 p.211. p.595, Vol.40.p.59-60. (中国第二历
史档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料》第39卷,211页,595页,第40卷,第60页。)
Les données de l’année 1905 proviennent d’Idem. Vol.41. p.227.p.499. p.629.
Les données de l’année 1906 proviennent d’Idem. Vol.43. p.272.p.497. p.627.
Les données de l’année 1907 proviennent d’Idem. Vol.45. p.266.p.517. p.662.
Les données de l’année 1908 proviennent d’Idem. Vol.47. p.288.p.555. p.713.
Les données de l’année 1909 proviennent d’Idem. Vol.49. p.340.p.383. p.624. Vol. 50. p.71.
Les données de l’année 1910 proviennent d’Idem. Vol.52. p.377. p.414. p.662. Vol. 53. p.138.
Les données de l’année 1911 proviennent d’Idem. Vol.55. p.306. p.346. p.605. Vol. 56. p.145
Les données de l’année 1912 proviennent d’Idem. Vol.58. p.297. p.345. p.625. Vol. 59. p.132
Les données de l’année 1913 proviennent d’Idem. Vol.61. p.503. p.564. Vol. 62. p.254 p.567
415
Exportation des soies Exportation des soies Exportation des soies
de Canton(piculs) de Shanghai(piculs) de Chine(piculs)
Quantités de la Quantités totales des Quantités de la Quantités totales Quantités de la Quantités totales
soie mécanique de soies exportées de soie mécanique des soies exportées soie mécanique des soies exportées
Années Canton Canton Proportions de Shanghai de Shanghai Proportions de Chine de Chine Proportions
1904 34531 38529 89.60% 12751 54135 23.60% 47771 114027 41.90%
1905 32378 35083 92.20% 12813 46935 27.30% 46606 111870 41.70%
1906 33622 35076 95.90% 12236 52931 23.20% 46345 118195 39.20%
1907 36746 38397 95.70% 13640 56535 24.10% 51486 101219 50.90%
1908 34558 37200 92.30% 14702 61126 24.10% 49458 128117 38.60%
1909 34590 36313 95.30% 17184 63028 27.30% 51674 139235 37.10%
1910 36595 38272 95.60% 21641 67670 32.00% 63969 110184 58.10%
1911 34178 36663 93.20% 21339 61133 34.90% 55416 96094 57.00%
1912 33721 36277 93.00% 25017 90072 28.00% 59157 126463 47.00%
1913 45429 47701 95.20% 23634 73446 32.20% 69541 144640 48.10%
1914 33042 35194 93.90% 23775 54927 43.30% 56869 108486 52.40%

Nota : 1. On n’a pas distingué la soie mécanique avec d’autres natures de soie grège
dans les statistiques de la douane de Canton avant l’année 1904, notre tableau
commence donc à partir de 1904.
2.La soie mécanique exportée de Chongqing ne fait son apparition dans les statistiques
de la douane de Chongqing qu’après l’année 1909, donc : de 1904 à 1908, la quantité
totale de soie mécanique de Chine comprend les soies mécaniques exportées de
Guangdong, Shanghai et Yantai(烟台). De 1909 à 1914, la quantité totale de soie
mécanique de Chine comprend les soies mécaniques exportées de Guangdong,
Shanghai Yantai et Chongqing.
3. Dans les statistiques des douanes chinoises, les natures des soies exportées
comprennent : la soie grège manuelle, la soie jaune manuelle, la soie sauvage manuelle,
la soie re-dévidée manuelle, la soie grège de filature mécanique, la soie jaune de filature
mécanique, la soie sauvage de filature mécanique.

Diagramme V-11-B Proportions de la soie mécanique dans toutes les soies

exportées de Guangdong, de Shanghai et de toute la Chine1

Les données de l’année 1914 proviennent d’Idem. Vol.61. p.503. p.564. Vol. 65. p.235 p.567
1 Toutes les données de l’année 1904 proviennent du Tableau VI-7-A.

416
120.00%
Proportions de la
100.00% soie mécanique exporté
e de Canton
Proportions

80.00%
Proportions de la
60.00% soie mécanique exporté
e à Shanghai
40.00%
Proportions de la
20.00% soie mécanique exporté
e de Chine
0.00%
04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
19 19 19 19 19 19 19 19 19 19 19
Années

D’après le tableau ci-dessus, on constate que la proportion de la soie mécanique


atteint déjà environ 50% de toutes les soies exportées de Chine à la veille de l’année
1914. La progression de la mécanisation de la filature est très évidente dans la région
de Yangzi pendant la période 1904 à 1914, où la quantité de soie mécanique exportée a
presque doublé. Cependant, son niveau de mécanisation des filatures est largement
inférieur à celui de la région de Guangdong : la soie mécanique à Guangdong est
supérieure à 90% (sauf pour l’année 1904, 89.60%), mais la proportion de soie
mécanique dans toutes les soies exportées de Yangzi ne dépasse jamais 45% à l’époque
(pour la plupart des années elle ne compte que pour 20-30%). Autrement dit, pendant
cette période, la soie manuelle occupe constamment une position dominante dans la
soie exportée de Shanghai. Si l’on ajoute la quantité de soies manuelles absorbées par
le marché intérieur de Chine, la proportion des soies mécaniques dans toutes les soies
produites à Yangzi devrait être encore bien moindre que les données des tableaux.
Deux faits peuvent expliquer le bas niveau de mécanisation de la filature dans la
région de Yangzi. La première obstruction contre la progression de la filature
mécanique de Yangzi provient de l’opposition des conservateurs. La prospérité de la
fabrication mécanique de la soie lésera les intérêts des groupes dont les métiers
concernant l’échange de la soie manuelle, et provoque forcément leur opposition. À
Guangdong, il existe également des groupes d’opposition, mais les contradicteurs y
sont composés principalement par des artisans textiles, qui possèdent moins de fonds
financiers et moins de liens avec le gouvernement. Différents du cas de Guangdong, les
417
contradicteurs à Yangzi sont composés principalement des négociants de soie manuelle,
qui maîtrisent beaucoup de sources sociales et financières et qui entretiennent une
relation plus privilégiée avec le gouvernement local, les filatures mécaniques y ont donc
rencontré une résistance beaucoup plus tenace qu’à Guangdong. Nous avons mentionné
plus haut ce que la première filature en Chine------ l’Etablissement de Filature de
Shanghai------subit pendant les années 1860. De fait, à partir de la fermeture de cette
première filature de soie à Yangzi, on entend constamment des voix contre le
développement de cette nouvelle branche industrielle, de même qu’on constate qu’une
série de mesures limite son développement. En septembre 1882 ( soit pendant le débat
sur la nécessité d’introduction de la filature mécanique dans le journal de Shen en 1882
mentionné au début de cette section), le Gouverneur de la province de Jiangsu Wei
Rongguang(卫荣光) donne son instruction au Maire de Shanghai Shao Youlian(邵友
濂) pour faire fermer la Filature de Qichang américaine( 旗昌丝厂) et la filature
d’Iveson anglaise(公平 丝厂 ). 1 Deux mois plus tard (en novembre), le Maire de
Shanghai reçoit un autre ordre provenant du Vice-roi de Jiangzu, Jiangxi et Anhui qui
indique qu’il faut « fermer immédiatement les deux filatures ». Heureusement, les deux
filatures sont sauvées par les protestations des consuls anglais et américain à Li
Rongzhang(李鸿章, leader important du mouvement de modernisation de la dynastie
de Qing). 2 En octobre 1882, le gouvernement de Jiangsu refuse les demandes des
filatures de Shanghai qui cherchent à y ouvrir des maisons de cocons. 3 Dans les
Règlements de la taxe de Likin sur les cocons de Zhejiang mis en application en 1883,
le gouvernement promulgue qu’on ne peut ouvrir une maison de cocons à Zhejiang
qu’avec la garantie d’une maison de soie,4 ce qui donne la discrétion d’ouverture des
maisons de cocons dans les mains de leurs plus grands compétiteurs-----les maisons de
soie. Après la Guerre sino-japonaise de 1894, le gouvernement central chinois

1 Ordre de fermer des filatures. Journal de Shen. 15 septembre 1882. (《奉阻缫丝》 ,《申报》 ,1882年9月15
日,上海市图书馆馆藏资源。)
2 Prohibition des filatures mécanique. Journal de Shen. 15 novembre 1882. (《议禁缫丝》 ,《申报》 ,1882年11月
15日,上海市图书馆馆藏资源。)
3 Notes des instructions. Journal de Shen. 19, octobre 1882. (《禀批照录》 ,《申报》 ,1882年10月19日,上海
市图书馆馆藏资源。)
4 Règlements de la taxe de Likin sur les cocons de Zhejiang. Version de Guangxu. Fonds de la bibliothèque

municipale de Shanghai. pp. 7. (《浙江省茧捐章程》 ,光绪刻本, ,上海市图书馆馆藏资源。)


418
commence à encourager la création des usines privées, mais les contradicteurs locaux
à Yangzi possèdent encore une autre façon contre l’évolution de l’industrie de la filature.
D’après une lettre du Vice-roi de Jiangsu, Jiangxi et Anhui, le Likin sur les cocons
destinés aux filatures mécaniques de Shanghai compte 12 taëls par picul à Zhejiang et
9 taëls par picul à Jiangsu, soit 240% et 180% de celui-ci sur un picul de cocons destinés
à la soie manuelle (qui est seulement de 5 taëls par picul).1 En 1908, des filatures de
Shanghai proposent de créer un établissement de contrôle de la qualité des soies à
Shanghai (nous le préciserons ci-après), mais ce plan échoue à cause de l’opposition
des magasins de soie manuelle à Shanghai.2 Pour limiter l’évolution des maisons de
cocons, en 1910, le gouvernement de la province de Jiangsu stipule qu’il est interdit
d’ouvrir des nouvelles maisons de cocons dans les districts où s’en trouvent déjà plus
de cinq. La même année, le gouvernement de la province de Zhejiang stipule qu’on ne
peut créer qu’une maison de cocons dans un rayon de 10 kilomètres.3
Le deuxième fait qui empêche la croissance du taux de la production mécanique
des soies dans la région de Yangzi est la restauration des manufactures textiles de la
soie dans cette région. Comme il a été dit, les manufactures textiles traditionnelles y
ont décliné pendant la rébellion de Taiping, mais une tendance à leur restauration
apparaît dans les trois centres de manufactures textiles de Yangzi (ils sont Nanjing,
Hangzhou et Suzhou) à partir de l’année 1880. Au début de cette décennie, il n’y a que
5 000 métiers à tisser à Nanjing, 5 500 à Suzhou et 3 000 à Hangzhou.4 Jusqu’à la fin
de la première décennie du 20e siècle, ces derniers trois chiffres remontent à 10 000,
9 000 et 4 300, tandis que les quantités de production des tissus de soie atteignent
respectivement 200 000 rouleaux, 160 000 rouleaux et 105 000 rouleaux. 5 Si l’on

1 Liu Kunyi. Collection des textes de Liu Kunyi. Beijing. Librairie de Zhonghua. 1959. Vol 4. Collection des
lettres à l’Empereur n°26, 22-07-1896(calendrier chinois), p.1543. (刘坤一: 《刘坤一遗集》 ,第4卷,奏疏二十
六, 《遵查被劾道员据实复陈折》 ,光绪二十二年七月二十九日,北京:中华书局,1959年,第1543页。)
2 De fait, ce projet ne devient la réalité qu’après l’année 1921. Consulter Robert Yeok-Yin Eng. Economic

Imperialism in China: Silk Production & Exports, 1861-1932. Institute of East Asia Studies of the University of
California. pp.185-186.
3 WANG Xiang. La transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine pendant l’époque moderne.

p.131. (王翔: 《近代中国传统丝绸业转型研究》 ,第131页。)


4 Ces données proviennent du Tableau 21 de Lillian. M. Li. L’industrie et l’exportation de la soie en Chine

pendant l’époque moderne. p. 131. (李明珠: 《中国近代蚕丝业及外销》 ,第187页。)


5 YANG Dajin, Annuaires de l’industrie de Chine. Changsha. Editions de Shangwu. 1928. Vol. 1. p.146. pp.148-

149. (杨大金: 《现代中国实业志》 ,长沙:商务印书馆,1928年,第一卷,第146页,第148-149页。)


419
prend en compte la production des manufactures textiles dans d’autres villes de Yangzi,
l’échelle de la production des tissus de soie devrait être même plus grande. Dans leurs
procédures de fabrication des tissus, presque toutes ces manufactures textiles de Yangzi
emploient la méthode traditionnelle et utilisent la soie manuelle comme matière
première. Le besoin à grande échelle du marché intérieur de la région de Yangzi assure
donc l’écoulement de la soie manuelle, ce qui freine considérablement le
développement des filatures mécaniques. La demande de soie manuelle ne commence
à diminuer qu’après les années 1920, quand les métiers à tisser modernes deviennent
dominants dans la production des tissus de soie.
Si l’on évalue le niveau de modernisation de l’industrie de la filature en Chine
avant l’année 1914 d’après les standards de qualité, le résultat n’est pas parfait non plus.
Comme il a été montré ci-dessus, l’énergie de la vapeur n’est utilisée qu’au début du
20e siècle dans les filatures mécaniques dans la province de Guangdong. Bien que la
soie mécanique y occupe une supériorité quantitative absolue sur le marché
d’exportation, sa qualité est toujours la cible de critique des étrangers. Le consul
français à Canton remarque dans son rapport commercial de 1908 : « D’une manière
générale il semble que l’industrie soyeuse dans la région de Canton soit en décadence.
Les européens acheteurs de soie se plaignent de la qualité inférieure des soies
filatures. » 1 Selon les études d’un historien japonais, l’ordre des qualités des soies
mécaniques sur le marché international avant la première guerre mondiale est (du plus
élevé au plus bas) : la soie mécanique française, la soie mécanique italienne, la soie
mécanique de Yangzi, la soie mécanique japonaise, la soie mécanique cantonaise.2 En
d’autres termes, la qualité de la soie mécanique cantonaise est la pire parmi toutes les
principales natures des soies mécanique. Le prix de la soie mécanique cantonaise est le
plus bas parmi toutes les soies mécaniques à cause de sa qualité inférieure. Sur le
marché de Lyon en 1896, les soies mécaniques de France et d’Italie valent toutes les

1 Archives Nationales de France. F12.7223. Canton 1907-1914. Rapport du consul de Canton au Ministère du
commerce. 19 novembre 1909. p.22D.
2 SUZUKI Jun. Le développement de l’industrie de la filature à vapeur de la soie. Revue de l’historiographie.

Vol.101. n°7. 1992. p.43. (铃木淳: 《机械丝用气罐制造的发展》,《史学杂志》 ,第101编,第7号,1992年,


第43页。)
420
deux 38 francs le kilo, le prix de la soie mécanique japonais est de 35 francs le kilo, et
la soie mécanique cantonaise ne coûte que 28 francs le kilo. 1 Un réformiste de
l’industrie de la soie de Guangdong écrit dans son rapport d’enquêtes : « La soie
mécanique exportée de Canton a une très mauvaise réputation parmi les tisseurs
étrangers. L’Association textile des États-Unis nous a déjà conseillé d’améliorer sa
qualité à plusieurs reprises. Néanmoins, à cause des événements politiques qui se
passent fréquemment, le gouvernement n’a pas eu le temps de s’en occuper ; les
industriels de la filature n’écoutent pas ces conseils non plus ; des négociants font même
des fraudes pour gagner plus de bénéfices. Tout cela conduit à l’échec de la soie
cantonaise sur le marché international. »2 Bien que la qualité de la soie mécanique
produite à Yangzi soit meilleure que celle de Guangdong, l’innovation et l’introduction
des nouvelles techniques dans les filatures y sont encore bien plus faibles que celles
d’Italie et de France, et même que celles du Japon pendant cette période. Par exemple,
on a inventé le dévidoir à multi-croisures au Japon en 19033, mais ce type de machine
n’est introduit en Chine qu’après l’année 1929.4
Il faut remarquer que l’infériorité de la qualité des soies fabriquées dans les
filatures mécaniques chinoises provient d’un modèle de gestion dans ces filatures -----
-le modèle du bail. Cela signifie que : le propriétaire de la filature mécanique ne
s’occupe pas la production de la soie mécanique par lui-même ; en revanche, il loue les
locaux et les équipements de son usine de filature à quelqu’un qui veut s’engager dans
la fabrication et dans le commerce de la soie mécanique; en dehors du loyer de l’usine,
le locataire paye les salaires des ouvriers, des capitaux pour les cocons, des charges
diverses. Il garde tous les bénéfices de la fabrication de la soie mais assume également
lui-même la responsabilité des pertes.5 Le modèle du bail fait son apparition en Chine

1 LSHII Kanji. Analyses de l’industrie de la soie du Japon. Tokyo. Editions de l’Université de Tokyo. 1972.p.35.
(石井宽治: 《日本蚕丝业史分析》 ,东京:东京大学出版社,1972年,第35页。)
2 LIU Boyuan. Rapport des enquêtes sur la sériciculture de Guangdong. Canton. Champs d’essai de l’agriculture

et de la sylviculture de la province de Guangdong. 1922. p.89. (刘伯渊: 《广东省蚕业调查报告书》 ,广州:广


东省地方农林实验场,1922年,第89页。)
3 G.Federico. An Economic History of the silk Industry. 1830-1930. p.104.
4 XIAO Aili. L’introduction et l’innovation des techniques textiles à Shanghai pendant l’époque moderne. Thèse

soutenue à l’Université de Chine de l’Est. 2012. p.27. (肖爱丽: 《上海近代纺织技术的引进与创新》 ,东华大学


博士论文,2012年1月,第27页。)
5 Pour les détails du modèle du bail de la filature mécanique en Chine, consulter WANG Jingyu. Analyses sur la

création et l’évolution du capitalisme chinois dans l’industrie de filature de la soie, fondées sur la transformation
421
au début du 20e siècle, et devient de plus en plus courant pendant les décennies
suivantes. Selon un rapport d’enquêtes publié en 1928, seulement 9 filatures
n’emploient pas le modèle du bail parmi les 93 filatures de Shanghai pendant l’année
1927.1 De fait, d’après l’observation d’un chercheur chinois, ce modèle est également
à la mode à Wuxi et dans la province de Guangdong à cette époque. 2 Evidemment, la
large diffusion de ce modèle de gestion est due à ses avantages. D’un côté, il va
diminuer le risque du propriétaire de l’usine, qui peut gagner chaque année une somme
de loyer équivalant environ 15% de la totalité des capitaux investis dans les locaux et
les équipements de l’usine3 qu’importe si la production de la soie mécanique gagne des
bénéfices ou perd ses capitaux. De l’autre côté, le locataire peut réduire une grande
somme de dépenses pour acheter les locaux et les équipements de l’usine de filature.
Pourtant, le modèle du bail a une très mauvaise influence sur la progression technique
de l’industrie de la filature de la soie en Chine : la plupart des propriétaires ne veulent
guère renouveler les équipements dans leurs usines ; les locataires s’intéressent
seulement aux bénéfices de l’année où ils s’engagent dans la fabrication. En
conséquence, la technique de la filature en Chine est de plus en plus sous-développée.
Malgré tous ces problèmes, la progression de l’industrie de la filature en Chine a
une réelle influence sur le commerce de soie entre la Chine et la France. La soie
mécanique occupe une proportion de plus en plus élevée grâce à la modernisation de
l’industrie de la filature de la soie en Chine pendant plusieurs décennies. Selon les
données du Tableau V-12-A, bien que la quantité totale des soies exportées de Chine en

du commerce extérieur de la soie de Chine. pp.31-32. (汪敬虞:从中国对外生丝贸易的变迁看缫丝业中资本主


义的产生和发展,第31-32页。)
ZHANG Di-en. L’influence du monopole d’exportation de la soie par les maisons étrangères sur l’industrie de la
filature de la soie à Shanghai 1894-1937. p.113. (张迪恩:外国雁行垄断生丝输出对上海地区丝厂业的影响
1894-1937,第113页。)
CHEN Ciyu. L’industrie de la filature de la soie en Chine pendant l’époque moderne. p.31. (陈慈玉: 《近代中国
机械缫丝工业1860-1945》 ,第31页。)
1 Enquêtes des filatures mécaniques de la soie à Shanghai. Revue bimensuelle d’économie. Vol. 2. N°12. 15 juin

1928. (《上海丝厂之调查》 , 《经济半月刊》 ,第2卷,第12期,1928年6月15日。)


2 ZHANG Guohui. Le développement et la stagnation de l’industrie de la soie en Chine pendant les quarante ans

après la Guerre sino-japonaise de 1894. pp. 101-102. (张国辉:甲午战后四十年间中国现代缫丝工业的发展和


不发展,第101-102页。)
3 Ce pourcentage est donné par l’ouvrage de LE Bingtong d’après ses calculs. Consulter LE Tongbing. La soie

chinoise. Shanghai. Librarie du monde. 1935. pp.38-39. (乐嗣炳: 《中国蚕丝》 ,上海:世界书局,1935年,


第38-39页。)
422
France n’augmente guère pendant les vint années avant la grande guerre, la quantité
absolue de soie mécanique dans le commerce franco-chinois monte de 1 387 piculs en
1894 à 11 258 piculs en 1914, sa proportion dans la totalité croît de 4.69% à 76.79%.
Si l’on ajoute la soie mécanique cantonaise exportée en France par Hong-Kong, la
croissance devrait être même plus forte. Cette évolution de la proportion de la soie
mécanique dans le commerce franco-chinois signifie que, malgré une stagnation
quantitative, il existe une progression qualitative dans le commerce de la soie entre la
Chine et la France pendant les deux décennies avant la première guerre mondiale.

Tableau V-12-A Proportion de la soie mécanique dans toutes les soies

exportées de Chine en France (piculs).1

1 Archives nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la douane de Chine. Les archives des anciennes
douanes de Chine. Vol.22 p. 328. pour l’année 1894 ; Vol.23. p.314. pour l’année 1895 ; Vol.24. p.336 pour l’année
1896 ; Vol. 25. p.339 pour l’année 1897 ; Vol 27. p.347. pour l’année 1898 ; Vol 29. p.393. pour l’année 1899 ; Vol
31. p.399 pour l’année 1900 ; Vol 33. p. 397 pour l’année 1901 ; Vol 35. p.474. pour l’année 1902 ; Vol 37. p.528
pour l’année 1903 ; Vol 39. p.595 pour l’année 1904 ; Vol 41. p. 499 pour l’année 1905 ; Vol. 43. p.298 pour
l’année 1906 ; Vol. 45. p.517 pour l’année 1907 ; Vol 47. p.555 pour l’année 1908 ; Vol.49.p.35 pour l’année
1909 ; Vol. 52. p.662 pour l’année 1910 ; Vol.55. p.39 pour l’année 1911 ; Vol 58.p.39 pour l’année 1912 ; Vol 61.
p.93 pour l’année 1913 ; Vol 64. p.88 pour l’année 1914. (中国第二历史档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国
旧海关史料》第22卷, 328页;第23卷,第314页;第24卷,第336页;第25卷,第339页;第27卷,第347
页;第29卷,第393页;第31卷,第399页;第33卷,第397页;第35卷,第474页;第37卷,第528页;第
39卷,595页;第41卷,第449页;第43卷,第298页;第45卷,517页;第47卷,第555页;第49卷,第35
页;第52卷,第662页;第55卷,第39页;第58卷,第39页;第61卷,第93页;第64卷,第88页。)
423
la soie mécanique destinée toutes les soies destinées
Années en France en France Proprotions
1894 1387 29592 4.69%
1895 1894 35021 5.41%
1896 2277 23433 9.72%
1897 5093 31953 15.94%
1898 3904 28491 13.70%
1899 5560 38854 14.31%
1900 3386 28734 11.78%
1901 7309 27154 26.92%
1902 6383 25953 24.59%
1903 7258 17404 41.70%
1904 5765 20147 28.61%
1905 6442 15533 41.47%
1906 7958 21250 37.45%
1907 8281 23790 34.81%
1908 9519 22681 41.97%
1909 12348 24234 50.95%
1910 15292 24779 61.71%
1911 13448 21140 63.61%
1912 13930 28248 49.31%
1913 17264 27428 64.26%
1914 11258 14661 76.79%
Nota : Les quantités des soies réexportées par Hongkong ne sont pas comprises dans
les données de ce tableau.

Graphique V-12-B Proportion de la soie mécanique dans toutes les soies

exportées de Chine en France1

1 Toutes les données de l’année 1904 proviennent du Tableau V-12-A.


424
90.00%
80.00%
70.00%
Proportions

60.00%
50.00%
40.00%
30.00%
20.00%
10.00%
0.00%

Années

TABLEAU V-12-C Proportions de la soie mécanique dans les soies

vendues depuis la Chine aux pays divers en 1910(piculs)1

1 Archives nationales de Chine (deuxième), le bureau général de la douane de Chine. Les archives des anciennes
douanes de Chine. Vol.52 p. 662. ( 中国第二历史档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料》第52
卷, 662页 。)
425
Acheteurs Soies mécaniques Totalité des soies Pourcentage
Grand Bretagne 5 1036 1%
Hongkong 42453 44682 95%
Indochine de France 0 0 0%
Indes 0 8154 0%
Amérique anglaise 15 85 18%
Etats-Unis 3604 14405 25%
Australie 0 0 0%
Belgique 0 0 0%
Egypt 0 2107 0%
France 15292 24779 62%
Allemagne 0 401 0%
Italie 2431 9630 25%
Japon 107 468 23%
Corée 0 1 0%
Mexico 0 89 0%
Russie 61 269 23%
Espagnole 0 37 0%
Suisse 0 130 0%
Turquie 0 2480 0%
Alegérie 0 62 0%
Macao 0 375 0%
Canada 15 75 20%
Chine 2 1800 0%
Total 63969 110184 58%

Comparativement, la mécanisation de l’industrie de la filature de la soie chinoise


a beaucoup moins d’influence sur le commerce de la soie entre la Chine et d’autres pays,
même sur celui avec les États-Unis. De fait, la France est le plus grand bénéficiaire de
la modernisation de l’industrie de la filature de la soie chinoise. Déjà, selon ce que nous
avons montré dans le deuxième chapitre (section 1), elle se maintient comme plus grand
importateur des soies chinoises dans le monde depuis l’année 1875 jusqu’à l’explosion
de la Grande Guerre de 1914, qui en absorbe 40-60% à l’époque. Comparativement, la
proportion de l’ancien grand importateur, l’Angleterre, descend de 72.6% à 1.3% de
1870 à 1910, et celle des États-Unis ne s’accroît de 11% en 1875 qu’à 25% pendant la
même époque. De plus, la France est le plus grand importateur de soies mécaniques
chinoises avant l’année 1914. Prenons l’exemple de l’année 1910 (voir le tableau V-8-
C). Au niveau de la quantité absolue, la France a importé 15 292 piculs de soies
426
mécaniques chinoises pendant cette année, ce qui est plus élevé que la totalité importée
par tous les autres pays. Au niveau de la proportion, 62% des soies chinoises importées
par la France sont des soies mécaniques, beaucoup plus que celles des États-Unis, de
l’Italie, du Japon, de la Russie, de l’Angleterre et l’Amérique anglaise variant de 1% à
25%. Cette distribution des soies mécaniques chinoises s’explique par le niveau de
mécanisation de l’industrie textile de la soie des différents pays d’importation. La
France possède plus de métiers à tisser mécaniques, elle préfère donc importer depuis
la Chine plus de soies mécaniques que les autres pays avec moins métiers à tisser
mécaniques des soieries, comme l’Angleterre, l’Indochine, les Indes, l’Algérie, la
Turquie ou l’Égypte. Cependant, cette explication n’est pas parfaite, car les États-Unis,
dont le niveau de mécanisation de l’industrie textile de la soie est plus élevé que la
France, importent moins de soies mécaniques chinoises que la France. Pourquoi les
États-Unis importent moins de soie chinoise que la France ? De fait, la performance de
l’échange international des produits industriels s’avère être également un problème de
différents besoins ou critères de chaque pays. Nous allons revenir sur cette question
dans la sous-section E.
En même temps, il faut remarquer que, selon les données du tableau V-12-C, la
Chine ne garde guère de soies mécaniques qu’elle a produites. En d’autres termes,
presque toutes les soies mécaniques chinoises sont destinées à l’étranger pendant cette
période. L’industrie de filature de la soie chinoise est une branche de production avec
forte orientation d’exportation. Sa prospérité provient intégralement des besoins du
marché occidental. Le commerce extérieur a non seulement offert les soutiens de
technologie et de capital à l’industrie de la filature mécanique chinoise pendant la
période de démarrage, mais également le marché permettant son renforcement.

D Début de la diffusion de la science moderne de la sériciculture en Chine


La modernisation de l’industrie de la soie chinoise se manifeste non seulement par
l’introduction des nouvelles machines et des techniques de la filature, mais aussi par la
diffusion de la science moderne de la sériciculture en Chine. De fait, l’introduction des

427
sciences modernes en Chine commence déjà dans le « Mouvement de
modernisation »(洋务运动, 1861-1995). Piloté par le gouvernement chinois à partir des
années 1860, le Mouvement de modernisation est limité au renforcement militaire.
Ainsi les écoles ou les établissements 1 de traduction établis par le gouvernement
s’intéressent surtout à l’introduction des sciences militaires occidentales. Liang Qichao
(梁启超)2 a expliqué dans les commentaires sur la réforme(《变法通议》) que ce
dernier phénomène est dû à l’ancien concept de modernisation des mandarins dans le
mouvement de modernisation : « l’avantage des pays occidentaux par rapport à Chine
est leurs industries militaires, qui est l’origine de notre échec dans les guerres. Si nous
apprenons leurs techniques militaires, notre ennemi sera sans doute battu. » 3
Après les
années 1870, la modernisation industrielle reçoit une attention croissante, et le
renforcement de l’économie devient un autre but du Mouvement. Dès lors, de plus en
plus de connaissances sur l’industrie textile, l’industrie métallurgique et les sciences
naturelles sont introduites.4 Bien que la diffusion des connaissances moderne pendant
cette période (1872-1895) concerne très peu l’agronomie, l’introduction de ces
connaissances, surtout celles des sciences naturelles, offre la base scientifique pour les
diffusions des connaissances séricicoles dans l’avenir.
La première personne qui réalise la nécessité de l’amélioration de la sériciculture
traditionnelle chinoise est un étranger. En 1886, F. Kleinwachter, allemand qui est le
commissaire de la douane de Ningbo, propose au gouvernement local de Zhejiang de
se préserver des épidémies et d’étudier les vers à soie en introduisant les méthodes
scientifiques occidentales, mais ses conseils doués d’une grande prévoyance sont

1 Il existe déjà plusieurs établissements officiels spécialisés dans la traduction des ouvrages étrangers en Chine à
partir des années 1860, parmi lesquels l’Ecole de traduction de Beijing (京师同文馆), l’Ecole des langues de
Shanghai(上海广方言馆), l’Ecole des langues de Canton (广州广方言馆), le Bureau de traduction de l’Arsenal du
sud de Chine (江南制造总局翻译馆) sont les plus célèbres.
2 Politicien et réformiste dans la réforme de Wuxu (戊戌变法) en 1898.
3 Le texte d’origine est « 中国官局旧译之书,兵学几居其半。中国素未与西人相接,相接者兵已。于是震动

与其屡败之烈,忧然以西人之兵法为可畏,谓彼所驾我者,兵也,吾但能师其长技,他不足敌也。故其所
译专以兵为主。» Consulter LIANG Qichao. Commentaires de la réforme. Collections des mémoires rédigés dans
la Salle de Yinbing. Beijing. Librairie de Zhonghua. 1989. Vol. 1 p.64 (梁启超:变法通议, 《饮冰室合集》 ,第一
册,北京:中华书局,1989年第64页。).
4 Consulter TANG Juping. Les effets du Mouvement de modernisation sur l’évolution des sciences et des techniques

en Chine. Shanghai. Mémoire de Master de l’Université de l’Est de Chine. 2006.(汤菊平: « 洋务运动对中国近


代科学技术的影响研究 »,上海:东华大学硕士毕业论文,2006年。)
428
refusés par les mandarins chinois.1 Trois ans plus tard(1889), poussée par ce dernier
commissaire douanier, la douane de Zhejiang envoie un élève chinois, Jiang
Shengjin( 江 生 金 ) en France afin d’apprendre de nouvelles méthodes séricicoles.
Malheureusement, à cause de l’insuffisance de ses connaissances en sciences naturelles,
le résultat de l’apprentissage de Jiang n’est pas idéal. Après 7 mois il ne réussit à
maîtriser que la méthode de Pasteur pour la sélection des œufs sains dans le grainage et
la méthode basique pour la conservation des graines, lesquelles sont loin d’être
suffisantes pour diriger la réforme de la sériciculture chinoise.2
La diffusion des connaissances séricicoles modernes en Chine ne débute qu’à la
fin des années 1890. D’un côté, après l’échec de la Guerre avec le Japon de 1894-95,
certains mandarins et intellectuels chinois commencent à se rendre compte du sous-
développement des systèmes politique et économique de la Chine par rapport à ceux du
Japon. De l’autre, après les années 1890, l’industrie de la soie de la Chine est de plus
en plus menacée par celle du Japon qui a déjà commencé à introduire les connaissances
modernes séricicoles occidentales. Dans de telles circonstances, l’amélioration de la
sériciculture chinoise attire logiquement plus d’attentions des réformistes pendant le
mouvement de la réforme économique de la fin du 19e siècle au début du 20e siècle en
Chine. Un grand nombre de réformistes se sont engagés dans des pratiques de
modernisation séricicole chinoise, ainsi que le gouvernement de Qing et le
gouvernement républicain, qui ont pris une série de mesures pour améliorer cette
branche économique 3 Précisément, les efforts de modernisation de la sériciculture
chinoise concernent principalement des aspects ci-dessous durant cette période.
Tout d’abord, la traduction des ouvrages étrangers et la publication des journaux
agricoles. Après la Guerre sino-japonaise, certains traducteurs chinois réalisent qu’il est
nécessaire d’introduire les nouvelles techniques agricoles étrangères, et ils pensent

1 De fait, F. Kleinwachter a envoyé une lettre comprenant 15 propositions au gouvernement chinois. Pour les
détails de toutes ces propositions, consulter YIN Liangying. L’histoire de la sériciculture de Chine. pp.56-59. (尹
良莹: 《中国蚕业史》 ,第56-59页。)
2 ZHOU Guping. De l’histoire moderne de l’éducation séricicole à Zhejiang. Revue académique de l’Université de

Hangzhou. 1997. N°1. pp. 108. (周谷平: 《浙江近代蚕丝教育之历史研究》 ,《杭州大学学报》 ,1997年第1


期,第108页。)
3 De fait, la plupart des mesures mises en pratiques pendant la réforme économique de la dynastie de Qing de la

fin de 19e siècle au début du 20e siècle sont héritées par le gouvernement républicain.
429
que « la traduction et la publication d’ouvrages et de revues sont les meilleurs moyens
d’introduction des nouvelles méthodes dans l’agriculture chinoise ». 1 En 1896, des
lettrés qui soutiennent la réforme politique forment une association destinée à
l’amélioration de l’agriculture chinoise2, et cette dernière association fonde en 1897 la
première revue d’agriculture chinoise------Journal d’agronomie (农学报) à Shanghai.3
Le but de cette revue est de diffuser des connaissances agricoles modernes en Chine par
la traduction des plus récents ouvrages agronomiques étrangers. Avant l’arrêt de sa
publication en 1905, plus de 700 articles traduits des mémoires étrangers ont été publiés
dans ce journal, dont ceux qui concernent la sériciculture composent une grande
proportion. La diffusion de cette revue est soutenue par les autorités locales qui en
ordonnent la lecture à leurs subordonnées et y abonnent toutes les écoles traditionnelles.
Le contenu des différents numéros témoigne de l’intérêt marqué par les élites novatrices
aux techniques étrangères et au commerce mondial de la soie.4
Pendant la réforme politique en 1898, l’Empereur de Guangxu( 光 绪 帝 )
promulgue un décret : « l’agriculture est la base économique d’un pays, donc il faut
redresser ce département de production immédiatement……Les écoles dans chaque
province doivent traduire des ouvrages agronomiques étrangers pour faciliter
l’apprentissage des nouvelles techniques agricoles étrangères. »5 Malgré l’échec de la
plupart des projets dans la réforme en 1898, la politique soutenant la traduction des
ouvrages agronomiques de la cour de Qing se poursuit jusqu’à la fin de la dynastie.
Grâce à l’encouragement du gouvernement, les lettrés chinois ont déclenché un élan de
traductions des articles d’agriculture étrangers dans tout l’Empire. Dans un premier
temps, les établissements de traductions officielles de chaque province commencent à

1 Cette phrase provient des vœux de Liang Qichao dans la préface au premier numéro du Journal d’agronomie.
Consulter Journal d’agronomie. N°. 1. 1897. p.1. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai. (《农学
报》 ,第1期,第1页,1897年。上海图书馆馆藏资源。)
2 Pour les détails de la fondation de cette association, consulter Association de l’historiographie de Chine. Réforme

en 1898. Shanghai. Editions de Shen Zhou Guo Guang. 1953. Vol.4. p.427-431. (中国史学会: 《戊戌变法》 ,上
海:神州国光社,1953年,第四卷,第427-431页。)
3 Journal d’agronomie. N°. 1. 1897. p.7. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai. (《农学报》 ,第1
期,第7页,1897年。上海图书馆馆藏资源。)
4 Mau Chuan-Hui. L’introduction en Chine des sciences et des techniques européennes concernant l’industrie de

la soie après la guerre de l’Opium. Etudes chinoises. Vol. XX. N°1-2. p.223.
5 Collections des sources historiques pendant le règne de Guangxu. Beijing. Librairie de Zhonghua. 1858. p.4105.

(《光绪朝东华录》 ,第四册,北京:中华书局,1958年,第4105页。)
430
traduire les ouvrages d’agriculture étrangers. Par exemple, le Bureau de traduction de
l’Arsenal du sud de Chine(江南制造总局翻译馆) a traduit 7 ouvrages d’agriculture
étrangers pendant les années 1898-1902, l’ouvrage très connu italien Storia deibachida
setagovernati coinuovi metodi nel 1816 nel regno Lombardo-Veneto(en chinois 《意
大利蚕书》) de Danadolo y inclus.1 Dans un deuxième temps, beaucoup de traductions
des ouvrages de sériciculture sont publiées par les organisations non-gouvernementales.
Des associations d’agriculture et des écoles d’agronomie dans différentes provinces ont
fondé au total 11 nouvelles revues agricoles de 1897 à 1911, dont 4 revues spécialisées
sur la sériciculture. (Voir le tableau V-13). Destinés aux intellectuels, aux élèves et au
bureau d’agriculture du gouvernement local, ces journaux permettent aux chinois
d’accéder aux plus récentes connaissances séricicoles du monde et de les appliquer aux
activités agricoles des paysans.

Tableau V-13 Liste des Journaux et des Revues à la fin de la dynastie de

Qing.2

1 Ferdinand Dagenais. The John Fryer Papers. Guangxi. Editions de l’Université Normale de Guangxi. 2010. Vol
2. Chapitre 8. John Fryer’s chinese translations 1869-1911.
2 Toutes les informations sur ces revues proviennent de SHI He, YAO Fushen. YE Cuidi. Liste des revues

chinoises pendant l’époque moderne. Fuzhou. Editions populaires de Fujian. 1991. (史和,姚福申,叶翠娣:
《中国近代报刊名录》 ,福州:福建人民出版社,1991年。)
431
Noms des Publications Dates de fondation Lieu de fondation Fondateur
农学会 Association
农学报 Journal d'agronomie 05/1897 上海 Shanghai d'agronomie
湖北农学报 Journal d'agronomie de 湖北农业学堂 Ecole
Hubei 06/1897 武昌 Wuchang d'agriculture de Hubei
北直农话报 Journal 直隶高等农业学堂 Ecole
d'agriculture de Hebei 02/1905 保定 Baoding supérieure d'agriculture de Hebei
农桑学杂志 Revue
de sériciculture 06/1906 东京 Tokyo 益群书社Librairie de Yiqun
吉林农报 Journal 吉林 省农学会 Association
agricole de Jilin 1908 吉林 Jilin d'agronomie de Jilin
蚕学报 Journal 广州蚕学堂 Ecole
de sériciculture 1908 广州 Canton de sériciculture de Canton
农工杂志 Revue de 浙江农工研究会 Association
l'agriduclture et de des études de l'agriculture et
l'industrie 12/1909 杭州 Hangzhou de l'indsutrie
蚕从 Revue de
vers à soie 12/1909 成都 Chengdu
湖北农报 Journal d'agriculture de 湖北农务总会 Union
Hubei 1910 武昌 Wuchang d'agriculture de Hubei
中国蚕丝业会报 Journal
de la corporation de 中国商业研究会 Association
l'industrie de la soie des études du commerce
de Chine 09/1910 东京 Tokyo de Chine
福建农工商官报 Bulletin 福建农工商局Bureau
de l'agriculture de de l'agriculture de
l'industrie et du commerce l'industrie et du commerce
de Fujian 12/1910 福州 Fuzhou de Fujian

Nota : la Revue de sériciculture et le Journal de la corporation de l’industrie de la soie


de Chine sont fondés à Tokyo au Japon, mais leurs fondateurs sont chinois de même
que les textes sont également en chinois.

Tableau V-14 Sommaire du premier numéro du Journal de sériciculture de

Canton.1
1. Carte de la sous préfecture de Nan Hai(南海)
2. Classification des terres propices à la sériciculture
(1) Des terres propices à la sériciculture
(2) De la nature et de la constitution des terres favorables à la sériciculture des parties
méridionales de Shatou(沙头), Nanpan (南畔)
(3) De la nature et de la constitution des terres favorables à la sériciculture au sommet
de la montagne de Xi Qiao(西樵)
(4) De la nature et de la constitution des terres favorables à la sériciculture de Jian
Cun Pao(简村堡)

1 Actuellement, on ne peut plus trouver l’original du Journal de sériciculture de Canton dans les bibliothèques et
les Archives en Chine. Les contenus cités ici proviennent des Archives Nationales de France. F12. 7223 Canton.
1907-1914. Lettre du Ministre des affaires étrangères au Ministre du commerce. Le 10 mai 1909.
432
……
3. Méthode des plantations des muriers
(1) Des différentes espèces de muriers. (2) Élevage des plants.
4. Procédés locaux d’élevage des vers à soie.
(1) Magnaneries (2) Installations pour les vers (3) Nettoyage (4) Hachage des
feuilles (5) Façon de donner les feuilles (6) Délitements. (7) Suspensions de nourritures
(8) Des sommeils (9) Suralimentation (10) Des provisions de feuilles (11) Mise sur
claies
5. Informations sur les maladies des vers.
(1) Maladies des vers (2) Raideur des vers (3) Gale des vers (4) Inconstance des
vers (5) Maladie des raies noires (6) Le blanc (7) La corne noire (8) Les vers tournés
en liquide (9) Les taches sur la queue
6. Procédés locaux de filatures
(1) Instruments de dévidage (2) De l’eau employée (3) Du degré de chaleur pour
faire bouillir les cocons (4) Du degré de chaleur pour le dévidage (5) Conservation des
cocons (6) Conservation de la soie (7) De la forme des flottes (8) Causes de la facilité
ou de la difficulté du dévidage (9) Importance des déchets (10) Procédés d’achat des
cocons (11) Variétés de soie (12) Filatures (13) Prix de la main-d’œuvre (14) Élasticité
(15) Résistances (16) Finesse (17) Nœuds (18) Humidité
7. Traduction des journaux Japonais
(1) De l’influence du chauffage sur l’élevage des vers------extrait de la « Gazette
séricicole » de Tokyo.
(2) Du rapport des espèces de vers avec les filatures------extrait de la même gazette
(3) De l’élevage des vers à soie en Amérique------ extrait de la même gazette.
8. Traduction de traités japonais
(1) Des engrais, traduit par Lin Ying-sin à Hiang-chen
(2) Des vers et des filatures, traduit par Wang Houen
(3) Des moyens les plus nouveaux pour porter remède aux maladies des vers,
traduit par Pan Po
(4) Principes essentiels des filatures, traduit par Li Yuan
433
9. Dialogue
Une planche hors texte, montrant comment la soie doit être dévidée suivant les
recommandations de la « silk association of America ».
10. Les vers à soie sauvages

En observant les sommaires du journal de sériciculture de Canton dans le Tableau


V-14, nous pouvons voir l’orientation scientifique de cette revue. D’ailleurs, nous avons
constaté qu’il y a deux rubriques spécialisées sur « les traductions des journaux et des
traités japonais » dans ce journal. De fait, c’est un phénomène très courant dans toutes
les nouvelles revues agricoles de l’époque. Les ouvrages et articles séricicoles
provenant du Japon occupent une partie considérable dans tous les ouvrages et articles
d’agriculture étrangers traduits de l’étranger en chinois. Selon les études des chercheurs
chinois, la proportion entre le nombre d’articles traduits du Japon et celui des articles
traduits des pays occidentaux dans le Journal d’agronomie est environ 7.6 : 1,1 sans
compter que beaucoup d’ouvrages occidentaux sont retraduits de la langue japonaise.
La préférence des traducteurs chinois pour les ouvrages et articles en japonais est
d’abord due à similarité des langues des deux pays. De plus, ayant vu une progression
soudaine de la sériciculture japonaise sur une très courte période, les intellectuels
chinois veulent bien imiter le modèle de développement du Japon, qui s’est trouvé lui
aussi dans une position passive dans la relation économique avec les pays occidentaux.
De fait, ces connaissances séricicoles introduites du Japon servent de références
importantes aux chinois pour établir la sériciculture moderne en Chine. Par exemple,
en consultant la traduction d’un article japonais « des méthodes du contrôle des graines
des vers à soie »(蚕种检验法)2 publiée dans le numéro 13 du Journal d’agronomie,
des agronomes chinois commencent à se rendre compte de la relation entre la mauvaise
récolte séricicole et la mauvaise qualité des vers à soie chinois et de la nécessité de la

1 YI Baozhong Guo Xinwang. Tengtian Fengba et l’introduction d’agronomie occidentale en Chine. Forum de
l’Asie du Nord-est. 2004. N°3. p.80. (衣保中,郭欣旺:藤田丰八与清末中国西方农学引进, « 东北亚论
坛 »,2004年第3期,第80页。)
2 Le texte d’origine du japonais est publié dans le journal de l’Union agricole du Japon(《日本农会报》), et cet

article est traduit en chinois par TENGTIAN Fengba (藤田风把), un agronome japonais.
434
fondation un système du contrôle des vers à soie en Chine.
Les Chinois tentent également de réaliser la modernisation de la sériciculture en
établissant l’éducation moderne séricicole et en envoyant les étudiants à l’étranger.
Constatant le sous-développement de la production de la soie manuelle et la
compétitivité provenant des soies japonaises, Lin Qi(林启), le Maire de Hangzhou, prie
au début de 1897 le gouverneur de Zhejiang de lui permettre de former des nouveaux
sériciculteurs qui vont aider à vulgariser les méthodes séricicoles en Chine.1 Avec le
soutien du Gouverneur provincial et les efforts de Lin, les travaux pour la construction
de la première école séricicole moderne chinoise------l’Ecole séricicole de Zhejiang(浙
江蚕学馆)------ sont mis en œuvre au milieu de la même année. Cette école ouvre en
avril 1898, et les cours comprennent la physique, la chimie, la biologie, la météorologie,
la pédologie, la plantation des mûriers, la physiologie des vers à soie, la dissection des
vers à soie, l’éducation des vers à soie, l’opération du microscope, l’élevage des graines,
le contrôle des graines, le contrôle de la soie, etc.2 La durée d’études de l’École est de
deux ans, et le système d’examen est élaboré en imitant le système d’unités de valeur
pratiquées à l’École agricole japonaise.3 Au début de l’ouverture de l’École, c’est Jiang
Shengjin ( qui a appris de nouvelles techniques séricicoles en France) qui assume la
charge de directeur d’études de l’École. Après sa démission, ce poste est
successivement assuré par trois professeurs japonais recommandés par le consul
japonais à Hangzhou.4 A la suite de l’expiration des contrats des professeurs japonais,
les étudiants qui ont étudié la sériciculture au Japon continuent à donner des cours dans
cette école.5 Dans la première promotion d’études, il y a 25 élèves à l’École, provenant

1 Journal d’agronomie. N°. 21. p.1. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai. (《农学报》 ,第21册,第
1页。上海图书馆馆藏资源。)
2 Journal d’agronomie. N°. 41. p.3. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai. (《农学报》 ,第41册,第
3页。上海图书馆馆藏资源。)
3 Journal d’agronomie. N°. 10. p.12. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai. (《农学报》 ,第10册,
第12页, 。上海图书馆馆藏资源。)
4 Ces trois professeurs japonais s’appellent TODOROKI Nasa (轰木长) et MAEJIMA Jirou(前岛次郎) et

NISHIRAHATarou(西原德太郎). DONG Weili. L’Ecole séricicole de Zhejiang et le développement de la


technique de sériciculture en Chine pendant l’époque moderne. Mémoire de Master à l’Université de Zhejiang.
pp.15-16. (董伟丽: 《浙江蚕学馆与中国近代蚕业科技的发展》,浙江大学硕士学位论文,第14-15页。)
5 Rapports des décennies des douanes de Chine (1882-1931). Beijing. Editions des douanes chinoises. 2009. Port

de Shanghai.p.48. (《五十年各埠海关报告(1882-1931) 》,北京:中国海关出版社,2009年,上海口1902-


1911,第48页。)
435
principalement des lettrés qui avaient passé l’examen de fonctionnaire de Chine. À la
fin de la période d’études, 16 élèves ont obtenu leur diplôme, dont la plupart exercent
plus tard comme enseignants dans les associations séricicoles dans d’importants
districts séricicoles de la région de Yangzi. 1 L’ouverture de l’École séricicole de
Hangzhou marque le départ de l’éducation séricicole moderne chinoise. Jusqu’à la fin
de la dynastie de Qing, cette école forme environ 150 élèves qualifiés 2, qui servent
presque tous dans les établissements d’enseignement et de recherches séricicoles, ce
qui a préparé les conditions des formations des personnels et les conditions techniques
à la modernisation séricicole en Chine.
Hormis l’École séricicole de Zhejiang, une autre école, l’École privée de
sériciculture de filles de Shanghai(上海私立女子桑蚕学堂) créée par Shi Liangcai(史
量才) en 1903 a aussi une grande influence sur la progression de l’éducation séricicole
en Chine. Cette école offrait trois types de formations séricicoles : la classe préparatoire
pendant 2 ans, la classe régulière pendant 3 ans et la classe supplémentaire pendant 0.5
an. Toutes les filles de 15-30 ans étaient autorisées à faire des études à l’École.3 Afin
de faire assimiler systématiquement les connaissances séricicoles scientifiques aux
élèves, le système d’enseignement et son programme de cours dans cette école sont déjà
très modernes (voir le tableau V-15). Avec un tel système, les élèves maîtriseront la
plupart des connaissances nécessaires lorsque leurs études seront terminées.

Tableau V-15 Cours de la classe régulière de l’École privée de sériciculture

de filles de Shanghai (heures par semaine)4

1 XU Zheang et YUAN Xuanping. Histoire de la soie de Hangzhou. Beijing. Editions des sciences sociales de
Chine. 2011. p.130. (徐铮,袁宣萍: 《杭州丝绸史》 ,北京:中国社会科学出版社,2011年,第130页。)
2 Idem. p.130.
3 ZHU Youhuan. Les sources de l’histoire du système d’enseignement de Chine pendant l’époque moderne.

Shanghai. Editions de l’Université normale de l’Est de Chine. 1986. p.634. (朱有瓛:《中国近代学制史料》 ,第


二辑·下,上海:华东师范大学出版社,1986年,第634页。)
4 Idem. p.635.

436
Première année heures Deuxième année scolaire heures Trosième année scolaire heurs
Moralité 2 Pathologie 3 Education des vers à soie 4
Chinois 12 Plantation des mûriers 3 Filature des soies 4
Mathématique 4 Physique(mine) 6 Chimie 4
Japonais(compréhension Japonais(compréhension
Dissection des vers 4 écrite) 3 orale) 3
Biologie des vers 3 Engrais 2
Microscope 2 Economie 3
Physique(plantes
et animaux) 9 Dessin(machine) 3
Pédologie 2

Cette école séricicole de filles devient une école publique et se déplace à


Suzhou(苏州) en 1913, offrant l’éducation, la nourriture et le logement gratuits aux
élèves. Son nouveau nom est l’École provinciale de sériciculture de filles de Jiangxu(江
苏省立女子蚕业学校). Grâce à plusieurs réformes du gouvernement républicain, cette
école devient l’un des importants établissements d’éducation et terrain
d’expérimentation après les années 1918. Beaucoup d’élèves de cette école deviendront
ultérieurement des cadres pendant la réforme de la sériciculture chinoise.1
D’autres écoles se spécialisant dans l’éducation séricicole sont fondées
successivement avant ou après l’ouverture des dernières deux écoles : l’Association de
sériciculture de Wuxi (蚕学会)en 1899, l’École municipale de filles de sériciculture de
Hangzhou(杭州府桑蚕女子学堂) en 1907, l’École normale primaire de sériciculture
de Qiantiang(钱塘县蚕桑初级师范学堂) en 1908, etc.2 Par ailleurs, des départements
séricicoles sont également fondés dans quelques écoles d’agriculture à la même époque,
y compris le département de sériciculture à l’École agricole de Suzhou(苏州农校)
ouvert en 1907 3 , le département séricicole de l’École secondaire d’agriculture de
Zhejiang(浙江中等农业学堂) ouvert en 19104, etc. Différentes de l’École séricicole de

1 Pour les détails sur cette école consulter FEI Xiaotong. Economie rurale : la vie des paysans chinois. Beijing.
Editions de Shangwu. 2001. p.205-209. (费孝通: 《江村经济:中国农民的生活》 ,北京:商务印书馆,2001
年,第205-209页。)
2 Equipe des études de l’histoire agricole du lac de Tai du bureau des études des patrimoines agricole de Chine.

L’histoire de l’histoire agricole de la région du lac de Tai. Beijing. Editions d’agriculture. 1990. p.201. (中国农业
遗产研究室太湖地区农业史研究课题组: 《太湖地区农业史稿》 ,北京:农业出版社,1990年,第201页。)
3 Pour les détails sur l’Ecole agricole de Suzhou, consulter Association des formations professionnelles de Chine.

Aperçu des écoles professionnelles de Chine. Editions de Shangwu. 1935. p.150. (中华职业教育社: 《全国职业
教育概况》 ,商务印书馆,1935年,第150页。)
4 Pour les détails sur l’Ecole secondaire d’agriculture de Zhejiang, consulter WANG Zhuangmu. Histoire des soies

437
Zhejiang et l’École privée de sériciculture de filles de Shanghai, ces dernières écoles
séricicoles et ce dernier département séricicole soulignent plutôt l’enseignement des
pratiques séricicoles, les vulgarisations des méthodes séricicoles modernes et la
formation des nouveaux sériciculteurs.
Une caractéristique remarquable de ces écoles et départements séricicoles créés à
la fin de Qing est que leur répartition géographique se limite à la région de Yangzi. La
diffusion de l’enseignement de la sériciculture moderne aux autres régions chinoises ne
se réalise qu’après la fondation de la République de Chine en 1912. Le Ministère
d’éducation du gouvernement républicain de Beijing1 promulgue les Règlements des
écoles agricoles le 7 décembre 1912, qui divisent les cours dans les nouvelles écoles
agricoles en cinq grandes disciplines : l’agronomie, la sylviculture, la science
vétérinaire, la sériciculture et la science des pêches. Les cours fondés dans la discipline
de la sériciculture sont re-divisés en deux sous-disciplines : la sériciculture et la
fabrication de la soie, qui comprennent :

I. La sériciculture
1. Mathématique 2. Anglais 3. Physique 4. Chimie 5. Zoologie 6. Botanique
7. Théorie de l’agronomie 8. Théorie de la sériciculture 9. Économie 10.
Météorologie 11. Pédologie 12. Engrais 13. Ravage des insectes 14. Bactériologie
15. Anatomie des vers à soie 16. Biologie des vers à soie 17. Pathologie des vers à soie
18. Éducation des vers à soie 19. Théorie de la fabrication de la soie 20. Plantation des
mûriers 21. Économie séricicole 22. Les règlements et les lois de l’industrie de la soie
23. Théorie des vers à soie sauvage 24. Théorie de la soie artificielle 25. Pratique
de la fabrication des instruments séricicole 26. Pratiques de l’aseptisation des
instruments séricicole et de la salle séricicole 27. Pratique de l’éducation des vers à
soie 28. Expérimentation de l’épidémie des vers à soie 29. Pratiques de l’étouffement
des chrysalides, du séchage des cocons et de la fabrication de la soie 30. Pratiques de

et des soieries pendant l’époque de République de Chine. Beijing. Editions textiles de Chine. 1995. p.105. (王庄
穆: 《民国丝绸史》 ,北京:中国纺织出版社,1995年,第105页。)
1 Le gouvernement républicain de Beijing existe de 1912 à 1927, puis il est remplacé par le gouvernement du

Kuomintang.
438
la fabrication et du contrôle des graines
31. Pratiques des contrôles des cocons et de la soie 32. Expérimentation des analyses
chimiques 33. Pratique de la plantation des mûriers 34. Expérimentation des
bactéries 35. Pratiques d’anatomie des vers à soie 36. Français (cours d’option)
II. La fabrication de la soie
1. Mathématique 2. Anglais 3. Ingénierie industrielle 4. Physique 5. Chimie 6. Chimie
analytique 7. Théorie du commerce 8. Théorie de l’industrie 9. Théorie de l’industrie
de la soie 10. Economie 11. Théorie de l’éducation des vers à soie 12. Fabrication de la
soie 13. Mécanique 14. Théorie du tissage de la trame
15. Théories du tissage et de la teinture 16. Direction de l’usine 17. Le règlement et les
lois de l’industrie de la soie. 18. Méthode d’enregistrement 19. Théories de
l’étouffement des chrysalides et du séchage des cocons 20. Méthodes de contrôles des
cocons et de la soie 21. Théorie de la soie artificielle 22. Dévidage de la soie sauvage
23. Utilisation des déchets de la soie 24. Pratiques de l’étouffement des chrysalides, du
séchage des cocons et de la fabrication de la soie 25. Pratique de l’ingénierie industrielle
26. Pratiques des contrôles des cocons et de la soie 27. Pratique de l’emballage de la
soie 28. Pratique de la chimie analytique 29. Stage de commerce 30. Pratiques du
tissage et de la teinture 31. Français (cours d’option)1

Le Ministère de l’éducation sort un autre décret le 4 août 1913, qui classifie des
écoles agricoles futures en trois catégories : l’École du premier type(甲种学校), l’École
du deuxième type(乙种学校) et l’École de filles(女子学校). Des départements de
sériciculture composent sans exception une des plus importantes parties dans les trois
types d’écoles, dont les programmes de cours séricicoles sont tous fondés d’après les
Règlements des écoles agricoles du 7 décembre 1912. La plus grande différence des
sections séricicoles dans ces trois types d’écoles sont leurs périodes d’études : 4 ans

1 Archives nationales de Chine (deuxième) : Collection des archives pendant l’époque de la République de Chine.
Nanjing. Editions de Phénix. 1991. Vol 3. Gouvernement de Beijing. Section d’éducation. P.98-100. (中国第二历
史档案馆: 《中华民国史档案资料汇编·第三辑北洋政府·教育》 ,南京:凤凰出版社,1991年,第98-100
页。)
YIN Liangying : Histoire de la sériciculture de Chine. Nanjing. Commission de la sériciculture de l’Université
centrale. 1947. pp.60-63. (尹良莹: 《中国蚕业史》 ,南京:国立中央大学蚕业学会,1947年,第60-63页。)
439
pour l’École du premier type, 3 ans pour l’École du deuxième type et 2 ans pour l’École
de filles. D’ailleurs, les gouvernements locaux fondent également plusieurs « Écoles de
la formation séricicole publique(蚕业讲习所) » dans certaines provinces. Différentes
des trois premiers types d’écoles, celles-ci mettent l’accent sur la formation
fondamentale aux pratiques séricicoles : leur objectif pédagogique est plutôt de former
des paysans ou des sériciculteurs.1 Jusqu’à l’année 1918, les écoles spécialisées dans
la sériciculture, les écoles agricoles possédant des sections séricicoles et les écoles de
formation séricicole publiques se répartissent déjà dans de nombreuses provinces de la
République.

Tableau V-16 Répartition de l’éducation séricicole en Chine en 19182

1 Archives nationales de Chine (deuxième) : Collection des archives pendant l’époque de la République de Chine.
Nanjing. Editions de Phénix. 1991. Vol 3. Gouvernement de Beijing. Section d’éducation. pp.101-104. (中国第二
历史档案馆: 《中华民国史档案资料汇编·第三辑北洋政府·教育》 ,南京:凤凰出版社,1991年,第101-
104页。)
YIN Liangying : Histoire de la sériciculture de Chine. Nanjing. Commission de la sériciculture de l’Université
centrale. 1947. pp.64-69. (尹良莹: 《中国蚕业史》 ,南京:国立中央大学蚕业学会,1947年,第64-69页。)
2 Idem. p.101-104. Il faut remarquer que l’éducation séricicole moderne commence dans la province de

Guangdong plus tard que dans les autres régions séricicoles chinoises. Elle ne s’établit à Canton qu’après l’année
1918, quand est fondé le département sériciculture à l’Université de Lingnan(岭南大学). Cependant, la fondation
du département séricicole à l’Université de Lingnan en 1918, avec la fondation du département séricicole à
l’Université de Nanjing la même année marquent le début de l’éducation supérieure de sériciculture en Chine. Pour
plus d’informations sur la fondation des premières formations supérieures en Chine, voir Huang Yongan.
Etablissements d’amélioration de la qualité de la soie à l’Université de Lingnan et échec de réforme de l’industrie
de la soie dans la province de Guangdong. Sources historiques et littéraires de Guangdong. Canton. Association
des sources historiques et littéraires de Guangdong. 1964. Vol. 13. p.195. (黄永安,岭南大学的蚕丝改良机构与
广东制丝改良失败, 《广州文史资料》 ,广州:中国人民政治协商会议广州市委文史资料研究委员会,第13
辑,1964年,195页。)
Bureau international de contrôle de la qualité de la soie de Shanghai. Enquêtes de l’industrie de la soie de Chine
centrale en 1925 (3). La soie. 1999. n°12. pp.48-49. (上海万国生丝检验所:1925年华中丝业调查(3), 《丝
绸》 ,1999年第12期,第48-49页。)
440
Noms des provinces Ecoles agricoles type 1Ecoles agricoles type 2 Ecoles de feilles Ecoles de la formation
直隶 Zhili 1 1
奉天 Fengtian 1 1 1
山东 Shandong 3 47
河南 Henan 9 40
山西 Shanxi 2 4
江苏 Jiangsu 1 1 1
安徽 Anhui 1 2 3
福建 Fujian 1
浙江 Zhejiang 1 5 1
湖北 Hubei 1 8 1
湖南 Hunan 3 5 1 1
陕西 Shanxi 1 4 1
广西 Guangxi 1
云南 Yunnan 1 32
贵州 Guizhou 1 2
四川 Sichuan 3 1
江西 Jiangxi 1
Total 27 114 5 8

Dans le même temps, le gouvernement chinois (tant central que local) envoie un
grand nombre d’élèves chinois à l’étranger afin d’apprendre et d’introduire la plus
récente technique séricicole en Chine. Pour former des instituteurs de l’École séricicole
de Zhejiang, le maire de Hangzhou, (Lin Qi 林启) envoie deux élèves, Ji Kan(嵇侃) et
Wang Youling (汪有龄) au Japon à la fin de l’année 1897, qui sont les premiers deux
élèves qui font des études d’agriculture au Japon financées par le gouvernement.1 En
août 1899, le Ministère des affaires étrangères de la cour de Qing promulgue les
Règlements des élèves faisant les études à l’étranger, qui mentionne « qu’il faut
envoyer les élèves qualifiés aux écoles de l’agriculture, de l’industrie et du
commerce »2, ce qui signifie que le gouvernement central commence aussi à attacher
de l’importance à l’envoi des élèves chinois à l’étranger pour l’apprentissage des
techniques agricoles étrangères. En juin 1901, le Vice-roi de Zhejiang et Jiangsu, Anhui
et Jiangxi Liu Kunyi(刘坤一) et le Vice-roi de Hunan et Hubei Zhang Zhidong (张之

1 Ji Kan et Wang Youling sont partis pour le Japon le 1er novembre 1897 (calendrier chinois). Cette date est
antérieure à la date d’ouverture de l’Ecole séricicole de Zhejiang. Journal d’agronomie. N°. 120. p.12. Fonds de la
Bibliothèque municipale de Shanghai. (《农学报》 ,第120册,第41页。上海市图书馆馆藏资源。)
2 ZHU Youhuan. Les sources de l’histoire du système d’enseignement de Chine pendant l’époque moderne. p.935.

(朱有瓛: 《中国近代学制史料》,第二辑·下,第935页。)
441
洞) déposent ensemble une pétition, dans laquelle ils conseillent au gouvernement
central de «donner des postes officiels aux élèves qui ont obtenu des diplômes aux
écoles agricoles japonaises selon leurs notes à l’étranger. »1 Avec l’encouragement et
le soutien financier du gouvernement, de plus en plus d’élèves chinois se déplacent au
Japon ou dans les pays occidentaux pour acquérir des connaissances agricoles et
séricicoles. Cependant, il faut remarquer que la plupart des élèves chinois choisissent
souvent le Japon, au lieu des pays occidentaux comme pays d’étude à cause des
dépenses plus basses ainsi que la langue et la culture plus similaires. Selon une
statistique des rapports de l’Association des élèves chinois au Japon, il y a déjà plus de
300 élèves chinois qui font des études sur la sériciculture dans les écoles japonaises
pendant l’année 1908, dans des écoles très réputées comme l’Université impériale de
Tokyo, l’École agricole de Sapporo, l’École séricicole de l’Asie-est, l’École séricicole
de Shinano, l’École supérieure de l’agriculture et de la sylviculture de Morioka, l’École
agricole municipale d’Osaka, etc.2 En revanche, parmi les 180 élèves chinois envoyés
en Europe en 1910, seulement 15 élèves y apprennent l’agriculture et la sériciculture.3
La troisième mesure prise par les chinois pour moderniser la sériciculture est
d’améliorer la qualité les graines des vers à soie. L’économiste chinois Qian Chenxu(钱
承绪) affirme que « la plus grande infériorité de l’industrie de la soie chinoise est le
ravage de l’épidémie des graines». 4 En effet, comme il a été mentionné dans la
deuxième section de ce chapitre, le taux d’infection de l’épidémie des vers à soie est
assez élevé au début du 20e siècle en Chine, en moyenne 30-40%.5 La mauvaise qualité
des graines des vers à soie en Chine est, en conséquence, un obstacle majeur pour la

1 ZHU Youhuan. Les sources de l’histoire du système d’enseignement de Chine pendant l’époque moderne. p.940.
(朱有瓛: 《中国近代学制史料》,第二辑·下,第940页。)
2 Association des élèves chinois au Japon. Rapports de l’Association des élèves chinois au Japon. Cité de Wang

Xiang. La transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine pendant l’époque moderne. p.184. (清国
留学生会馆编: 《清国留学生会馆历次报告》 ,转引自王翔: 《近代中国传统丝绸业转型研究》,第184页。)
3 LIU Zhen, Wang Huanshen. Education à l’étranger------Sources historiques des élèves chinois à l’étranger.

Taipei. Editions nationales de rédaction et de traduction de Taiwan. 1980. Vol 1. pp.236-237. (刘真,王焕深: 《留
学教育------中国留学教育史料》 ,台北:台湾国立编译馆,1980年,第一册,第236-237页。)
4 QIAN Chengxu, L’introspection des problèmes de l’industrie de la soie en Chine. Première partie. Recherches

d’économie. Vol. 1. N°9. Mai, 1940. p.135. (钱承绪: 《中国蚕丝业问题之总检讨》 ,上, 《经济研究》第一卷
第9期,1940年5月,第135页。)
5 USAKO Akira. Aperçu de la sériciculture de l’Empire de Qing .p. 57. (紫藤章: 《清国蚕丝业一斑》 ,第57
页。)
442
croissance de la quantité de la récolte séricicole. L’amélioration de la qualité des graines
devient logiquement nécessaire et urgente pour le développement de la sériciculture
chinoise.
Les premiers établissements chinois qui tentent de perfectionner des espèces des
vers à soie apparaissent également dans la région de Yangzi. Selon le journal
d’agronomie publié en juillet 1898, l’École séricicole de Zhejiang possède un
laboratoire de graines des vers à soie, qui est le premier laboratoire de graines des vers
à soie en Chine. « Les graines élevées dans le laboratoire de l’École proviennent de
l’Italie, de France, du Japon, des communes chinoise de Xinchang(新昌)Fenghua(奉
化) et Yuhang(余杭). Toutes les espèces de graines sont très bonnes, sauf que le taux
d’infection de la pébrine des graines de Yuhang est très élevé……le laboratoire fabrique
des graines en sélectionnant les meilleurs cocons. Il a obtenu mille feuilles de graines,
dont cinq cents feuilles sont déjà commandées par des sériciculteurs. »1 D’après le
texte ci-dessus, le laboratoire de l’École séricicole de Zhejiang commence déjà à
sélectionner des espèces pures des graines non porteuses de l’épidémie en 1898. Le
deuxième laboratoire de graines chinois est fondé à Shanghai par l’Association agricole
de Shanghai à la fin de l’année 1898. Un japonais, Iharakaku Tarou(井原鹤太郎) est
employé comme directeur de recherche dans ce laboratoire, qui essaye de sélectionner
des graines saines en comparant des graines chinoises et des graines japonaises. 2
Beaucoup d’autres laboratoires s’établissent successivement pendant les dernières
années de la dynastie de Qing dans la région de Yangzi(consulter tableau V-17),

Tableau V-17 Laboratoires des graines des vers à soie dans la région de

Yangzi pendant les dernières années de la dynastie de Qing3

1 Journal d’agronomie. N°. 40. p.2. Fonds de la Bibliothèque municipale de Shanghai. (《农学报》 ,第40册,第
2页。上海图书馆馆藏资源。) Le texte d’origine est « 馆中所饲之种,为意大利、法兰西、中国之新昌、奉
化、余杭等处,各种皆佳,惟余杭种含微粒子毒最多……馆中选佳茧制种,计春蚕种千余纸,民间预定来
购者,已五百余纸。 ».
2 BAI Hewen. DU Fuquan. MIN Zongdian. Histoire moderne des sciences et des techniques de l’agriculture de la

Chine. Beijing. Editions de science et de technique de l’agriculture. 1995. p.323. (白鹤文、杜富全、闵宗殿:


《中国近代农业科技史稿》 ,北京:中国农业科技出版社,1995年,第323页。)
3 ZHANG Yingli. L’introduction des nouvelles techniques de la sériciculture japonaise en Chine et leur influence

443
Nombres des feuilles des
Noms des laboratoires Adresses Dates de fondation graines fabriquées par an
laboratoire de l'Ecole séricicole Lac de l'Ouest
de Zhejiang de Hangzhou杭州西湖 1898 1 000
laboratoires de l'Association Shanghai et Huan'an de
agricole de Shanghai Jiangsu 上海和江苏淮安 1898
laboratoire de Tongxiang Tongxiang桐乡 1900 300-500
laboratoire de Wuzhen Wuzhen 乌镇 1900 100-500
latoratoire de Chongde Chongde 崇德 1900 300-500
laboratoire de l'Ecole municipale de
filles de sériciculture de Hangzhou Hangzhou杭州 1907 500-700
laboratoire de l'Ecole normale
primaire de sériciculture de
Qiantang District de Qiantang钱塘县 1908 500-700

Toutefois, le travail d’amélioration des graines des vers à soie se trouve encore
dans un état très primaire pendant les dernières années de la dynastie de Qing.
Géographiquement, ce genre de tentative se propage très discrètement dans d’autres
régions séricicoles de l’empire : les expérimentations d’amélioration des graines des
vers à soie constituent seulement une petite partie de toutes les expérimentations
agricoles effectuées dans des laboratoires agricoles de Zhili(直隶), Shandong(山东),
Shanxi(山西), Liaoning(辽宁), Beijing(京师)1, et n’existent pas du tout dans d’autres
provinces. Techniquement, le niveau des recherches scientifiques sur l’amélioration des
graines des vers à soie des chinois est beaucoup moins développé : leurs recherches se
limitent à la purification d’une certaine espace de graine, au lieu de l’éducation des
nouvelles espèces croisées qui possèdent une immunité plus forte. Malgré tous les
efforts, le sous-développement technique de la sériciculture chinoise ne s’améliore
guère avant la ruine de la dynastie de Qing. Quantitativement, selon les enquêtes faites
à l’époque déjà montrées et discutées dans le chapitre II (tableau II-24), la production
des cocons de Chine en 1915 (trois ans après la ruine de la dynastie de Qing) compte

pendant les dernières années du 19e siècle et les premières années du 20e siècle. Agricultures ancienne et moderne.
2005. N°4. p.59. (张英丽:十九世纪末二十世纪初中国对日本蚕业新科技的引进和影响, 《古今农业》 ,
2005年第4期,第59页。)
1 Parmi les laboratoires agricoles fondés en Chine à la fin de la dynastie de Qing, seuls ces derniers laboratoires

s’appliquent aux recherches séricicoles. Les laboratoires agricoles de Zhili s’établissent en 1902, les laboratoires
agricoles de Shandong et Shanxi s’établissent en 1903, les laboratoires agricoles de Liaoning et Beijing
s’établissent en 1906. Pour plus de détails, consulter SHI Yuanchun. Encyclopédie de l’académie de Chine dans le
20ème siècle : Science de l’agriculture. Fuzhou. Editions d’éducation de Fujian. 2001. p.639. (石元春: 《二十世纪
中国学术大典:农业科学》 ,福州:福建教育出版社,2001年,第639页。)
444
2 779 911 piculs, désormais presque au même niveau de celle de l’année 1898 (début
de la diffusion des connaissances scientifiques de la sériciculture en Chine), 2 819 000
piculs. La stagnation de la quantité de production de la sériciculture chinoise est
confirmée par les études de Nakano Akila. Selon son estimation, du début du 20e siècle
à l’année 1918, elle monte de 2 833 000 piculs à 2 999 811 piculs, soit une
augmentation légère de 5.89% (voir le tableau IV-17). Qualitativement, la productivité
de la sériciculture reste encore à un niveau bas par rapport aux autres pays. À la fin de
la dynastie de Qing, la plupart des connaissances modernes séricicoles sont destinées
aux agronomes, aux élèves des écoles agricoles ou aux recherches dans les laboratoires.
Le groupe qui s’occupe directement la production séricicole------les paysans, dont le
taux d’illettrisme dans les campagnes chinoises est assez élevé, ne sont pas capables
d’accéder directement aux journaux et revues. Bien que certaines provinces aient établi
des « Écoles de la formation séricicole publique( 蚕 业 讲 习 所 ) » dont le but est
d’enseigner les nouvelles connaissances et pratiques directement aux paysans, le
nombre (seulement 8 dans toute la Chine jusqu’à 1918) et l’échelle de ce type
d’établissement sont loin du besoin de diffusion des connaissances aux paysans. La
plupart des paysans utilisent encore les méthodes traditionnelles pour la plantation des
mûriers et l’éducation des vers à soie.1 De plus, à ce moment-là, on n’a pas encore
établi des établissements spéciaux qui fabriquent et distribuent les graines améliorées
en grande quantité aux paysans. Ainsi, jusqu’aux années 1910, la plupart des paysans
chinois utilisent encore les anciennes espèces de graines fabriquées chez eux ou
achetées sur le marché agricole traditionnel. En 1916, il n’y a que 1 000 feuilles de
nouvelles graines distribuées aux paysans (par les écoles agricoles et les laboratoires
agricoles) dans la province Zhejiang, tandis que les quantités de distribution dans
d’autres provinces chinoises sont même bien inférieures.2 Le reste des graines adoptées
par les paysans sont encore d’anciennes graines dont le taux d’infection des maladies

1 ZHANG Yingli. L’introduction des nouvelles techniques de la sériciculture japonaise en Chine et leur influence
pendant les dernières années du 19e siècle et les premières années du 20e siècle. Agricultures ancienne et moderne.
2005. n°4. p.58. (张英丽:十九世纪末二十世纪初中国对日本蚕业新科技的引进和影响, 《古今农业》 ,2005
年第4期,第58页。)
2 WANG Zhuangmu. L’histoire de la soie pendant la République de Chine. Beijing. Editions textiles de Chine.

1995. p.13. (王庄穆: « 民国丝绸史 »,北京:中国纺织出版社,1995年,第13页。)


445
des vers à soie atteint 30-40%, 1 ce qui conduit à une très faible productivité de la
sériciculture chinoise. 1 Liang(两)2 de graines produit en moyenne seulement 2 020
Liangs de cocons dans la région de Yangzi, 1 920 Liangs dans la région de Sichuan et
1 200 Liangs dans la région de Guangdong, bien inférieurs aux 3 850 Liangs au Japon.3

Tableau V-18 Évolution des quantités de la production de cocons des

différentes provinces chinoises(Piculs)4

Enquêtes du début Enquêtes de l'année Enquêtes de l'année


Provinces du 20ème sicèle 1918 1929
江苏Jiangsu 350000 266745 500000
浙江Zhejiang 1017000 876766 1140000
安徽Anhui 30000 30000 100000
湖北Hubei 102000 100000 123000
湖南Hunan 25000 16000
四川Sichuan 317000 640000 470000
山东Shandong 45000 70000 110000
河南Henan 142000 57000
广东Guangdong 717000 768300 1000000
广西Guangxi 12000 55000
其它D'autres 72000 95000
Total 2833000 2999811 3700000

Les insuffisances des mesures mises en application par le gouvernement de Qing


sont compensées par les efforts du gouvernement de la République, qui continue le
travail de modernisation de la sériciculture chinoise depuis sa création en 1912. Dans
un premier temps, afin de faire accéder plus de paysans et de sériciculteurs directement
aux nouvelles connaissances séricicoles, et maîtriser les nouvelles méthodes séricicoles,
un grand nombre de « zones d’amélioration de sériciculture » sont créées dans la

1 USAKO Akira. Aperçu de la sériciculture de Qing. Tokyo. Institut de la condition de la soie du Ministère de
l’agriculture et du commerce. 1911.pp.57-60. (紫藤章:«清国蚕丝业一斑 »,东京:农商务省生丝检查所,
1911年,第57-60页。)
2 1 Liang = 50 grammes.
3 CHEN Ciyu. L’industrie de la Filature de la soie de la Chine moderne (1860-1945). Taibei. Revue de l’histoire

moderne de l’Institut Académique central. N°58. 1989. p.179. (陈慈玉:«近代中国的机械缫丝工业(1860-1945)


»,台北:中央研究院近代史研究专刊,1989年,第58期,第179页。)
4 NAKANO Akila. Development of Capitalism in China. Tokyo. The Japan Council of Pacific Relations. 1931.

p.95
446
plupart des provinces chinoises. Chaque « zone d’amélioration de sériciculture »
possède un « Institut de sériciculture » qui apprend directement de nouvelles techniques
séricicoles aux sériciculteurs. Jusqu’aux années 1930, les zones séricicoles chinoises
ont toutes installé des « zones d’amélioration de sériciculture » et possèdent leurs
propres « Instituts de sériciculture ». Par exemple, la province de Jiangsu a installé une
centaine de « zones d’amélioration de sériciculture » sur son territoire, qui se
répartissaient dans ses 26 principales préfectures séricicoles en 1935. 1 Dans un
deuxième temps, le gouvernement encourage des entrepreneurs à créer des « fabriques
de graines», qui fabriquent et vendent les meilleures graines des vers à soie aux
sériciculteurs et aux paysans. Selon la statistique des Annales de l’industrie de Chine
publiée en 1933, il existe déjà 115 « fabriques de graines » dans la province de Jiangsu,
et la quantité de production des nouvelles graines dans la région de Yangzi atteint 2
millions feuilles. 2 En 1933, au minimum 50% des paysans de Jiangsu et 30% des
paysans de Zhejiang ont adopté les nouvelles graines fabriquées par les « fabriques de
graines ». 3 Jusqu’à l’année 1937, presque tous les paysans de Jiangsu utilisent les
nouvelles graines, le taux d’adoption à Zhejiang monte à 50%.4 Avec les nouvelles
graines, les paysans peuvent produire 400 Liangs de cocons par Liang de graines, soit
à peine deux fois de la quantité de production de cocons d’origine.5 À l’échelle de toute
la Chine, on constate une croissance de 25-30% de la qualité de production des cocons
à la fin des années 1920 par rapport à celle de l’année 1915 (Selon les données du
Tableau II-24). À long terme, la diffusion de la science séricicole moderne a
effectivement favorisé le développement de la sériciculture chinoise.

1 YU Junjuan. Histoire de la sériciculture de Jiangsu. Revue de sériciculture. N°5. 1947. p.48. (俞筠蠲:江苏蚕
丝业之今昔观 , « 蚕业杂志»,1947年5月,第48页。)
2 Bureau du commerce du Ministère de l’industrie, Annales de l’industrie de Chine. Nanjing. Ministère de

l’industrie. Province de Jiangsu. Sériciculture. 1933. (实业部贸易局: « 中国实业志 »,南京:实业部,1933年


江苏省,蚕桑。)
3 JIANG Guohong. Des progressions et des insuffisances de l’amélioration des graines des vers à soie à

Guangdong au début de la République de Chine. Revue académique de l’Université de Nantong. N°6. 2012. p. 64.
(蒋国宏:民国前期广东蚕种改良的绩效与不足, « 南通大学学报 »,2012年第6期,第64页。)
4 TAN Xihong. L’industrie de la soie pendant les 10 dernières années. Beijing. Editions de Zhonghua. 1948. p.7.

(谭熙鸿: « 十年来之蚕丝实业 »,中华书局,1948年,第7页。)


5 WANG Xiang. La transformation de l’industrie de la soie traditionnelle de Chine à l’époque moderne. p. 188.

(王翔: « 近代中国传统丝绸业转型研究 »,第188页。)


447
E Création du système moderne du contrôle de la qualité de la soie
Nous avons montré dans la première section de ce chapitre qu’on utilisait le critère
classique chinois (qui juge la qualité de la soie par le lieu de production) pour distinguer
les différentes qualités des soies sur le marché d’exportation de la Chine avant le milieu
du 19e siècle. Cependant, après les années 1870, cet ancien critère de classification de
la qualité des soies chinoise n’est plus adapté à l’évolution du marché international de
la soie : tout d’abord, avec la vulgarisation du tissage mécanique dans les pays
d’importation de la soie, l’homogénéité à l’intérieur d’une même classe de matières
soyeuses est de plus en plus demandée ; ensuite, « les affaires à livrer (le commerce de
commande) » qui prospère après la connexion de la télégraphie entre l’Europe et l’Asie
de l’Est demande également des chops de soies échangées bien précisés. En
conséquence, l’introduction d’un nouveau système du contrôle de la qualité des soies
en Chine devient désormais une affaire très urgente pour le commerce de la soie de
Chine avec les pays occidentaux.
La première tentative d’introduction d’un nouveau système du contrôle de la soie
s’effectue à Canton. A cause du climat humide dans la province de Guangdong, il est
nécessaire d’examiner le conditionnement de la soie avant de les mettre sur le marché.
C’est la Chambre de commerce de Hong-kong qui prit l’initiative de fonder une
Condition des soies à Canton en 1860.1 Ce dernier projet ne se réalise qu’à l’année
1879, où des maisons étrangères à Canton y établissent une « Condition des soies »
sous la direction d’un ancien employé de la Condition des soies de Lyon qui s’appelle
Knaff. 2 Cependant, les fraudes dans les échanges des soies à Canton ne diminuent
guère après la fondation de cette condition. Jusqu’à l’année 1909, on lit encore ces
phrases sur un rapport du consul français à Canton : « d’un manière générale, il semble
que l’industrie soyeuse dans la région de Canton soit en décadence. Les européens
acheteurs de soie se plaignent de la qualité inférieure des soies de filatures et la soie

1 THENG Tse-sio. Les relations de Lyon avec la Chine. Thèse soutenue devant la Faculté des lettres de
l’Université de Lyon. Paris. L.Rodstein. p.77.
2 DAI Xinlan, CHEN Qingguan, XIA Yonglin. Evolution du contrôle de la qualité de la soie en Chine. Soie de

Sichuan. 2004.N°04. p.46. (戴新兰,陈庆官,夏永林:中国生丝检验的变革, 《四川丝绸》 ,2004年第4期,


第46页。)
448
brute ».1 La cause pour cela est que la plupart des soies n’y sont pas envoyées pour être
conditionnées. Par exemple, en 1881, seulement moins d’un tiers des soies échangées
sur le marché d’exportation de Canton ont été mises à la condition (voir le tableau V-
19).

Tableau V-19 Soies passées à la Condition du 1er Janvier au 31 Décembre

18822
Nombre des balles Nombre des balles
Types des soies conditionnées représentées Proportions

Statlées(soie manuelle) 1 129 4 744 23.80%


Filautres 420 655 64.12%

Redevidées 426 1 405 30.32%

Total 1 975 6 804 29.03%

La création et le développement d’un établissement de contrôle de qualité de la


soie à Shanghai sont même bien plus difficiles que pour celles de Canton. Le projet de
fondation d’un tel établissement à Shanghai n’est pas proposé jusqu’au début du 20e
siècle. En 1908, le ministère de l’agriculture du commerce et de l’industrie de Chine
suggère d’établir un bureau d’inspection des soies à Shanghai afin d’éviter la
détérioration de la qualité des soies chinoises exportées. Mais ce projet est mis de côté
sans résultat.
La cause principale pour la difficulté avant et après l’ouverture des conditions en
Chine, selon l’analyse du consul français à Canton dans un rapport au ministère des
affaires étrangères, est que « les commerçants chinois avaient d’assez mauvais œil
s’établir un contrôle tel que la ‘Condition’ qui coupant court à toute fraude, ne leur
permettait plus comme précédemment de vendre leurs soies humides et partant plus
lourdes au même prix que la soie sèche. Ils se coalisèrent pour ruiner la ‘Condition’ et

1 Archives Nationales de France. F12. 7223 Canton 1907-1914. Rapport du Consul de Canton au Ministère du
commerce. 19 novembre 1909.
2 Idem.

449
convinrent entre eux de ne passer aucun marché au poids conditionné ».1 Ce point de
vue est soutenu par certains historiens. Lorsque Robert Yeok-Ying, historien américain,
explique la cause pour le projet de fondation d’un bureau d’inspection à Shanghai en
1908, il affirme que « cette proposition est opposée vivement par des marchands de
soie chinois à Shanghai. Ils se justifient qu’il n’y a aucune fraude parmi les soies
échangées à Shanghai. Le nouveau système de contrôle leur fera changer les emballages
des soies, ce qui va augmenter le prix de leurs soies ; de plus, ils vont perdre certaine
qualité de soie et beaucoup de temps pendant le contrôle, ce qui va réduire la
compétitivité de leurs marchandises sur le marché. »2
Il est vrai que la résistance des commerçants chinois est un obstacle important qui
gêne la création et le fonctionnement des établissements du contrôle de la qualité des
soies en Chine, mais celle-ci n’est pas le seul obstacle. De fait, après la prospérité du
« commerce de commande » (à partir des années 1870), beaucoup de grandes maisons
étrangères qui exportent la soie établissent successivement des « bureaux du contrôle
de la qualité des soies » chez eux. Selon le souvenir des anciens compradors, ce genre
de bureau du contrôle s’appelle le « cabinet à détisser des soies (摇丝间)», où se
trouvent des appareils pour examiner les indices de chaque aspect qualitatif des soies
(condition, titrage, couleur, régularité, ténacité etc).3 On prélève cinq petits « paquets »
dans chaque balle de soie (le poids de chaque petit paquet compte environ 100 grammes)
comme des échantillons à examiner après que certaines balles de soie soient arrivées
dans des maisons étrangères à Shanghai ou à Canton. Ensuite, des techniciens (souvent
des chinois) de ces maisons vont retirer un certain nombre de faisceaux de soie dans
chaque « paquet » et les détisser aux fils de soie. Des contrôleurs de qualité des soies
(丝检员, souvent des étrangers) de ces maisons vont examiner la qualité de ces fils et
estimer le grade de toutes les balles de soie selon le résultat du contrôle. Après le

1 Archives Nationales de France. F12 7056. Rapports consulaires Chine 1809-1906. Rapport du commerce Canton
en 1882.
2 R.Yeok-Ying. Eng. Economic Imperialism in China------Silk Production and Exports. 1861-1932. Berkeley.

University of California. 1986. pp. 185-186.


3 Comité de Shanghai de la conférence consultative politique des peuples chinois. Collection des sources

historique et littéraire de Shanghai. n°56. Des marchands et des compradors de l’ancien Shanghai. Shanghai.
Editions populaires de Shanghai. p.22. (中国人民政治协商会议上海市委员会文史资料工作委员会编: 《上海
文史资料选集》 ,第56辑, 《旧上海的外商与买办》 ,上海:上海人民出版社,第22页。)
450
contrôle, ces maisons vont envoyer des rapports à leurs clients en Europe ou aux États-
Unis en joignant des paquets d’échantillons de soie.1 Avant d’exporter ces soies, ces
maisons vont imprimer leur nom sur chaque balle afin de déclarer que ces soies ont déjà
été contrôlées par elles. Ces étiquettes mentionnent : M.F.C (Madier Frères et Cie,
inspection française) ; J.M.C (Jardine, Matheson et Cie, inspection anglaise) ; S.R.C
(Sulzer. Rudolph et Cie, inspection suisse), etc.2 À cette époque, il n’y a pas de standard
unifié de qualité pour les soies chinoises exportées.3 Pour les acheteurs en Europe ou
aux États-Unis, le contrôle de qualité de la soie par ces intermédiaires étrangers à
Shanghai ou à Canton signifie une garantie de la qualité des soies chinoises, ils préfèrent
donc importer les soies chinoises avec des étiquettes de contrôle. Comme il a déjà été
mentionné, les vendeurs chinois n’ont pas de moyen d’exporter directement les produits
chinois en Europe ou aux États-Unis. La plupart de leurs soies sont exportées en Europe
ou aux États-Unis par les négociants étrangers de soie à Shanghai. En conséquence, le
monopole du contrôle de qualité devient un autre moyen de maîtriser l’exportation des
soies chinoises pour les maisons étrangères en Chine. Afin de prolonger ce genre de
monopole, les intermédiaires étrangers composent un autre groupe qui s’oppose
vivement à la fondation de l’établissement public du contrôle de la qualité des soies en
Chine. L’abandon du projet de 1908 est ainsi due à la résistance des maisons étrangères
à Shanghai.4
L’ouverture du premier établissement public de la qualité des soies à Shanghai, le

1 Les détails sur le contrôle de la qualité de la soie chinoise dans les maisons étrangères proviennent de 吴
L’interview de Wu Shenbo et de Huang Yangzhi qui étaient responsable d’une filature chinois à Shanghai,
l’interview deZhu Shushen qui était comprador à la Mitsui et Cie japonaise, l’interview de Xu Yushen qui était
employé à la maison de soie de Zhengtai chinoise, l’interview de Wu Xilin qui était comprador à la Madier Frères
et Cie française, l’interview de Xu Jichang qui était comprador à la Rayner Heusser et Cie suisse, cité du
Département d’économie de l’Académie en Sciences Sociales de Shanghai. Le commerce extérieur de Shanghai
1840-1949. Shanghai. Editions de l’Académie en Sciences Sociales de Shanghai. 1989. p.278-279. (申伯访问录,
黄仰之访问录,三井洋行买办朱书绅访问录,正太丝号职员徐毓申访问录,信孚洋行职员吴锡麒访问录,
连纳洋行职员徐继昌访问录,转引自上海社会科学院经济研究所: 《上海对外贸易1840-1949》 ,上海:上
海社会科学院出版社,1989年,第278-279页。)
2 L.Gueneau. Lyon et le commerce de la soie. Thèse soutenue devant la Faculté de droit de l’Université de Lyon.

Lyon Imprimerie L. Bascou. 1923. p.172.


3 Le standard unique de qualité des soies chinoises n’est établi par le gouvernement de la République de Chine

qu’après l’année 1929.


4 Comité de Shanghai de la conférence consultative politique des peuples chinois. Collection des sources

historique et littéraire de Shanghai. N°56. Des marchands et des comprador de l’ancien Shanghai. Shanghai.
Editions populaires de Shanghai. p.23. (中国人民政治协商会议上海市委员会文史资料工作委员会编: 《上海
文史资料选集》 ,第56辑, 《旧上海的外商与买办》 ,上海:上海人民出版社,第23页。)
451
Bureau international d’inspection des soies de Shanghai(万国生丝检验所), est retardé
jusqu’à 1922. Afin d’importer la soie chinoise avec une meilleure qualité et de briser le
monopole du contrôle qualitatif des intermédiaires commerciaux à Shanghai, l’Union
des marchands de soie des États-Unis envoie à Shanghai ses délégués qui travaillent
dans le Bureau d’inspection des soies de New York le février 1920, pour discuter avec
les principaux industriels des filatures chinoises de la création d’un établissement
public à Shanghai. Deux ans plus tard, le Bureau international d’inspection des soies,
organisé et financé par l’Union des marchands de soie des États-Unis et la Coopération
de l’industrie de la soie de Shanghai (chaque organisation contribuant pour 150 000
Yuans), s’établit à Shanghai pour assurer la qualité de la soie chinoise exportée. C’est
le Bureau d’inspection des soies de New York qui offre le soutien technique, ce qui
permet à son certificat de qualité d’être reconnu par tous les Bureaux de contrôle de
qualité des soies aux États-Unis.1
Le Bureau international d’inspection des soies de Shanghai rencontre très vite un
problème financier après sa fondation, du fait que la plupart des soies à Shanghai n’y
sont pas envoyées pour contrôler leur qualité. D’un côté, les frais de contrôle sont payés
par les marchands de soie, ils ne veulent donc pas faire contrôler leurs soies par le
Bureau de contrôle. De l’autre, afin de garder leur monopole du contrôle de la qualité
de soie, les maisons commerciales étrangères à Shanghai font leur possible pour
persuader les commerçants chinois de ne pas contrôler la qualité de leurs soies par ce
bureau public, ce qui provoque même un débat sur un journal entre l’organisateur du
Bureau et des maisons étrangères. 2 Le 31 octobre 1929, le Bureau international
d’inspection des soies de Shanghai est acheté par le gouvernement de la République de
Chine, devenant une partie du Bureau d’inspection des marchandises de Shanghai. À
partir du 1er novembre 1929, le Bureau d’inspection des marchandises de Shanghai
remplace le Bureau international d’inspection des soies de Shanghai comme le seul

1 Journal de Shen, le 2 avril 1922. Fonds de la bibliothèque municipale de Shanghai. (« 申报 »,1922年4月2


日,上海图书馆馆藏资源)
2 Comité de Shanghai de la conférence consultative politique des peuples chinois. Collection des sources

historiques et littéraires de Shanghai. n°56. Des marchands et des comprador del’ancien Shanghai. Shanghai.
Editions populaires de Shanghai. p.23. (中国人民政治协商会议上海市委员会文史资料工作委员会编: 《上海
文史资料选集》 ,第56辑, 《旧上海的外商与买办》 ,上海:上海人民出版社,第23页。)
452
établissement public qui contrôle la qualité des soies exportées depuis Shanghai. Au
début, le dépôt des soies à cet établissement pour contrôler la qualité est volontaire. Le
11 janvier 1930, le Bureau d’inspection des marchandises de Shanghai sort la
Réglementation d’inspection des soies(« 生丝检验细则 »), qui stipule qu’à partir de
1er avril 1930, toutes les soies à exporter doivent obligatoirement être envoyées au
Bureau pour contrôler le poids, et cette inspection est gratuite. Cependant, jusqu’alors,
l’inspection de la qualité des soies (homogénéité, finesse, ténacité, etc.) est toujours
volontaire et payante, il n’y a donc toujours que peu de soies qui sont mises au contrôle
de qualité par l’établissement. Afin d’encourager le contrôle de la qualité, le ministère
de l’industrie chinois permet au Bureau d’affranchir des frais du contrôle de la qualité
des soies à exporter en 1932. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la plupart des
soies chinoises passent au contrôle de qualité par un établissement public. En consultant
les standards de classification des soies au Japon et aux États-Unis, le Bureau
d’inspection des marchandises de Shanghai sort les Critères de la classification de soies
(« 生丝检验分级标准 ») en 1936, et annonce que toutes les soies exportées depuis
Shanghai sont obligées de fixer leurs prix selon le certificat de classification livré par
le Bureau après les contrôles du poids et de la qualité des soies. Des critères d’inspection
unifiés et modernes ne commencent à s’établir en Chine qu’à ce moment-là.1
Nous avons, jusqu’à présent, bien démontré les processus et les résultats de la
modernisation la filature de la soie, la sériciculture et le contrôle qualitatif de la soie de
Chine, ainsi que leurs influences sur l’organisation de la production de la soie. À l’aide
de tous ces éléments, nous pouvons revenir vers une des problématiques les plus
importantes de cette thèse : la relation entre la croissance du commerce extérieur et
l’industrialisation.
Comme nous l’avons montré au début de ce présent chapitre, la relation entre le
commerce extérieur et l’industrialisation est un sujet déjà traité par l’historiographie.
Au niveau de l’impact commercial occidental sur l’industrialisation des pays asiatiques,

1 Annuaires locaux de Shanghai. Annuaire spécial, la soie de Shanghai. L’industrie de la soie avant 1949. Chapitre
I. Filature. Section 4. Bureau international d’inspection des soies. Collecté par le Bureau des Annuaires de
Shanghai. (上海市地方志办公室 : 《上海市地方志》 :专业志,上海丝绸志,第三篇解放前的丝绸工业,第
一章缫丝业,第四节万国生丝检验所。)
453
l’opinion conventionnelle (par exemple, affirmée par P.Bairoch dans son ouvrage) est
que l’échange avec les pays occidentaux amène une désindustrialisation des pays
asiatiques à la suite de l’époque de la Révolution industrielle. 1
Cependant, ce point de
vue a été questionné par d’autres historiens. Dans un article publié en 1990, Sanjay
Subrahmanyam affirme que le déclin de l’industrie textile de coton l’inde a déjà
commencé avant l’afflux des produits industriels anglais.2 G.Riello souligne à la fin de
son ouvrage Coton : The Fabric that Made the Modern World que la relation
commerciale conduit enfin à une convergence du développement industriel entre
l’Occident et l’Orient.3
Le cas de l’industrialisation de la filature de soie chinoise soutient sans doute les
points de vue de Subrahmanyam et G.Riello : le commerce avec les pays occidentaux
a évidemment des impacts positifs sur la mécanisation de l’industrie de filature de la
soie chinoise. Tout d’abord, l’industrialisation de la filature de la soie a pour origine la
modification du besoin de qualité de la soie dans le commerce extérieur, qui provient
de l’accélération de mécanisation de l’industrie textile dans les principaux pays
acheteurs de soie (surtout celle de la France). Si l’industrie de la soie chinoise n’avait
pas eu de lien avec le marché étranger, la mécanisation de cette branche industrielle
n’aurait pas eu lieu, ou aurait lieu beaucoup plus tard. L’exigence des clients dans le
commerce extérieur est la condition suffisante pour la mécanisation de l’industrie de la
filature de la soie. De plus, le commerce extérieur offre non seulement les capitaux et
les soutiens techniques dans l’étape de démarrage de la mécanisation de la filature de
soie en Chine, mais encore lui offre le débouche extérieur pour la production
industrielle, composante des conditions nécessaires pour l’industrialisation d’un pays
moins développé. Servant en même temps comme la condition suffisante et les
conditions nécessaires, le commerce extérieur joue évidemment le rôle le plus
dynamique dans l’industrialisation de la filature de soie chinoise.
Il existe également des débats autour l’influence commerciale sur les pays

1 P.Bairoch. Mythes et paradoxes de l’histoire économique. p.79.


2 SANJAYy Subrahmanyam. Rural Industry and Commercial Agriculture in the Late Seventeenth-Century South-
Eastern India. Past&Present. N°126. 1990. 107-108.
3 G.Riello. Cotton: The Fabric that Made the Modern World. New York. Cambridge University Press. pp.292-294.

454
occidentaux. Dans l’ouvrage The Industrial Revolution in the Eighteenth Century
publié en 1962, P.Mantoux affirme qu’il existe une relation étroite entre le commerce
extérieur et l’origine de la révolution anglaise : « les graines (de la révolution dans
l’industrie de coton) étaient de fait amenées en Angleterre sur les navires de la
Compagnie de l’Inde de l’Est,» tandis que cette nouvelle industrie était « l’enfant du
commerce de l’Inde de l’Est ». 1 Il indique que la possibilité de l’exportation des
cotonnades à l’Inde est l’impulsion la plus forte pour les innovations et l’avancement
de l’industrie du coton de l’Angleterre.2 Le point de vue de P.Mantoux a été nié par P.
Bairoch, qui a réexaminé, dans son article publié en 1973 le commerce international et
genèse de la révolution industrielle anglaise,3 la contribution du commerce extérieur
au démarrage de l’industrialisation anglaise au 18ème siècle à partir de cinq critères :
------ la demande directement liée à l’activité commerciale et à la navigation.
------l’ouverture de débouchés extérieurs pour la production.
------l’investissement dans l’industrie de profits d’origine commerciale ;
------le développement d’une infrastructure bancaire ;
------les emprunts techniques.
D’après le calcul de P.Bairoch, les taux de contribution du commerce extérieur
sont très bas (moins de 20%) pour les cinq critères. Il en conclut que le commerce
extérieur n’a joué qu’un rôle marginal dans les débuts de l’industrialisation anglaise.
Si l’on examine la contribution du commerce extérieur à l’industrialisation de la
France à l’aune des critères de P. Bairoch, la conclusion sera sans doute que le
commerce avec la Chine ne sert guère à accélérer l’industrialisation française.
L’exportation des produits français en Chine est très modeste, donc le commerce
franco-chinois ne contribue guère à l’ouverture de débouchés pour la production
française, ni à l’augmentation de l’investissement dans l’industrie de profits d’origine
du commerce franco-chinois, ni pour le développement d’une infrastructure bancaire
en France, ni pour l’emprunt technique de l’industrie française. Il est vrai que la

1 P.Mantoux. the Industrial Revolution in the Eighteenth Century. New York. Harper Torchbooks. 1962. p.203.
2 Idem. p.204.
3 P.Bairoch. Commerce international et genèse de la révolution industrielle anglaise. Annales, Economies, Société,

Civilisations, n°2, mars-avril 1973, p.541-571.


455
prolongation de la ligne de navigation à l’Extrême-Orient de la Compagnie Messageries
Maritimes de France a augmenté la demande de navires à vapeur, mais le nombre de
navires de la ligne de navigation de Chine reste minime par rapport à la totalité du
nombre de navires à vapeur fabriqués en France ou par rapport au nombre de navires à
vapeur employés dans le commerce de France avec d’autres pays.
Cependant, si l’on évalue la contribution du commerce franco-chinois à
l’industrialisation française avec un autre critère---la fourniture des matières premières
à la production--- la conclusion est complètement différente. En effet, J.C. Asselain
indique dans son ouvrage Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos
jours qu’un facteur d’impulsion du commerce extérieur pour l’industrialisation omis
par P. Bairoch est la fourniture de matières premières.1 Pour prouver son point de vue,
il prend l’exemple des industries de sucre, des distilleries, des manufactures de tabac,
des tanneries à Bordeaux, qui ont besoin d’une grande quantité de matières premières
en provenance de l’étranger. De fait, l’exemple de la relation entre l’importation de la
soie chinoise pour l’industrie des soieries de France sera plus typique pour prouver le
rôle essentiel de l’importation des matières premières dans le processus de
l’industrialisation.
L’industrie de la soierie est l’un des plus importants secteurs industriels français
du 19e siècle : la soierie est la marchandise la plus exportée de France jusqu’aux années
1870 (32.7% de la totalité de la valeur de l’exportation en 1858 et 21% en 18732 ).
Cependant, la sériciculture française ne satisfait toujours pas la demande de son
industrie textile depuis les premières décennies du 19e siècle. Elle s’affaiblit encore
considérablement après les années 1850 à cause des maladies des vers à soie. La chute
de la sériciculture de toute la région méditerranéenne après 1860 a coupé la dernière
fourniture de soie du marché proche. À ce moment-là, la Chine est le seul pays capable
de fournir une grande qualité de soie au marché européen. C’est la soie chinoise qui a
sauvé l’industrie textile de la soie de France et complété son insuffisance en matières
premières après le ravage de la maladie des vers la soie en Europe. La mécanisation de

1 J-C. Asselain. Histoire économique de la France du XVIIIe siècle à nos jours. p.69.
2 M. Levy-Leboyer et F.Bourguignon. L’Economie française au XIXe siècle. p.65.
456
l’industrie textile de la soie en France s’accélère de 1870 à 1913, mais la déficience de
matière première devient de plus en plus grave pendant cette période : seulement 10-
20% de la soie consommée par l’industrie textile française est produite en France.
Pendant cette période, plus de 50% de la soie utilisé par l’industrie textile française
provient de Chine, ce qui assure sa demande en croissance sur la matière première en
processus de mécanisation. S’il n’y a pas d’importation de la soie chinoise, les métiers
mécaniques manqueront de matières à tisser, et la mécanisation de l’industrie textile de
la soie ne peut plus s’étendre aussi rapidement en France. R.Findlay et K.H.O’Rourke
montrent dans leur ouvrage Power and Plenty que l’importation de coton depuis les
États-Unis pendant le 19ème siècle est un élément indispensable à l’industrialisation du
coton en Angleterre.1 De fait, l’importation de la soie chinoise est tout aussi importante,
et même une condition nécessaire pour l’industrialisation de la France, que
l’importation du coton pour l’industrialisation de l’Angleterre.

1R,Findlay et K.H.O’Rourke. Power and plenty. Trade, war and the world economy in the second
millennium.p.334.
457
Conclusion

Cette thèse porte sur le commerce de la soie entre la Chine et la France pendant le
19e siècle, avec l’ambition de clarifier certaines spécificités du commerce euro-
asiatique au cours de la globalisation du 19e siècle. Des problématiques essentielles de
cette thèse sont le rôle, l’évolution, des impulsions, des intermédiations commerciales
et des impacts industriels de l’échange de la soie entre les deux pays.

I Importance de l’échange de la soie dans la croissance du commerce

franco-chinois du 19e siècle

Quel est le rôle de l’échange de la soie dans le commerce franco-chinois du 19e


siècle ? En réalité, l’échange de la soie entre la France et la Chine joue un rôle essentiel
non seulement dans le commerce franco-chinois, mais constitue également une partie
très importante dans les échanges multilatéraux du monde.
La valeur des exportations des produits français en Chine est toujours très modeste
pendant le 19e siècle. La cause principale pour l’infériorité du commerce de la France
avec la Chine avant les années 1840 est l’influence à long terme des conflits entre la
France et l’Angleterre à partir de la Grande Révolution. Après l’ouverture de la Chine,
le monopole de l’Angleterre sur le commerce de la cotonnade et de l’opium avec la
Chine et l’inadaptation des exportations de la France et de la Chine aux marchés l’un
de l’autre continue à empêcher la croissance du commerce franco-chinois.
En revanche, la valeur des exportations des produits chinois vers la France
s’accroît très rapidement après l’année 1844, et surtout après les années 1860, grâce à
la croissance de l’importation de la soie chinoise. Au niveau de la proportion, la valeur
de l’échange de la soie compose toujours la plupart de la totalité de la valeur du
commerce franco-chinois à partir des années 1860, jusqu’au début du 20e siècle. Au
458
niveau de la quantité absolue, la valeur du commerce de la soie entre la France et la
Chine est très considérable par rapport à la valeur de l’échange de la soie entre la Chine
et d’autres pays, et même par rapport aux valeurs des échanges dans le marché mondial
de la soie. Ainsi on peut dire sans exagération que la soie joue un rôle dominant dans le
commerce franco-chinois.
De plus, à partir des années 1860, l’échange de la soie entre la France et la Chine
est une importante partie des échanges multilatéraux mondiaux de l’époque. La France
exporte ses tissus de soie vers l’Angleterre pour payer l’importation des mâtereaux de
soie de Chine, l’Angleterre exporte les cotonnades vers la Chine pour payer les tissus
de soies fabriqués en France, et la Chine exporte ses matières de soie vers la France
pour acheter les cotonnades de l’Angleterre. Les économies des pays sur différents
continents s’intègrent les unes aux autres par le commerce international, et le commerce
franco-chinois se développe justement dans le contexte de ces échanges multilatéraux.

II Croissance du commerce de la soie entre la France et la Chine :

l’origine de l’augmentation durable de la demande en France et une

forte capacité d’offre de la Chine

Parmi les trois grands fournisseurs de soie grège du monde au 19e siècle (Italie,
Chine et Japon), la proportion de la soie d’Italie manifeste une tendance au déclin dans
les principaux marchés d’importation de soie du monde (Londres, Lyon et New-York)
pendant tout le 19e siècle ; en revanche, le taux d’occupation du marché de la soie de
Chine augmente durablement dans les marchés des trois importateurs, et finalement
domine ces trois marchés jusqu’à la fin du 19e siècle ; La soie japonaise ne prend le
rôle de la soie chinoise qu’au début du 20e siècle. Il n’est pas exagéré de dire que la
Chine joue le rôle essentiel pour la fourniture de matière soyeuse au marché mondial
pendant le 19e siècle. Parmi les trois grands acheteurs de soie grège, l’Angleterre joue

459
plutôt un rôle d’intermédiaire entre les grands acheteurs(la France et les États-Unis) et
les grands vendeurs(l’Italie et la Chine), et sa quantité d’importation de soie diminue
très nettement après les années 1870 ; la France, comme plus grand exportateur des
tissus de soie du monde, devient aussi le plus grand importateur du monde de la soie à
partir des années 1850; sa place n’est dépassée par les États-Unis qu’après le début du
20e siècle. La Chine et la France sont donc le plus grand exportateur et le plus important
acheteur de soie au monde pendant le 19e siècle, ce qui constitue une très importante
partie du commerce mondial de la soie.
Le volume d’échange de la soie entre la France et la Chine est très limité avant les
années 1850, devient régulier après l852, s’accroît rapidement de 1860 à 1885, prospère
de 1886 à 1903 et stagne après 1904. Autrement dit, l’échange de la soie franco-chinois
a traversé une croissance ramarquable et durable pendant la seconde moitié du 19e
siècle.
La croissance du commerce est souvent liée à une relation harmonieuse de l’offre-
demande. Du côté de la demande en France, l’élévation générale du pouvoir d’achat
dans l’ensemble des pays d’Europe et aux États-Unis, la diminution du prix de la
matière de soie en Europe et la diffussion des soieries mélangées pendant le 19e siècle
permettent à l’industrie des soieries françaises d’élargir son marché international. À
cause de cette expansion du marché des soieries françaises en Europe (surtout en
Angleterre) et aux États-Unis, la production des soieries françaises, qui se concentre
aux départements de la vallée de Rhône, maintient une tendance de croissance jusqu’à
la fin des années 1870 tant au niveau de la valeur qu’au niveau de la quantité. Bien
qu’un déclin évident apparaisse pendant la crise de 1876-1893 au niveau de sa valeur
de production à cause d’une chute du prix des soieries, sa quantité de production
poursuit toujours la tendance croissante. À la fin des années 1890, la valeur de cette
production remonte au niveau des années 1870, et la quantité continue à augmenter. En
conséquence, l’industrie textile de la soie en France a besoin d’une quantité
considérable de matières de soie pour sa production de tissus croissante.
Pourtant, la sériciculture française ne peut jamais satisfaire cette demande.
Pendant la crise séricicole de France qui commence au milieu du 19e siècle, le déficit
460
entre la consommation et la fourniture de la matière de soie devient de plus en plus
important. Bien que Louis Pasteur ait trouvé la précaution contre la maladie des vers à
soie et qu’elle soit mise en application depuis 1869, la quantité de production séricicole
française reste toujours largement inférieure à celle d’avant l’épidémie. La cause en est
que la soie chinoise qui est entrée sur le marché français pendant le ravage des maladies
des vers à soie en Europe, a graduellement détruit la sériciculture française avec un prix
beaucoup plus bas, ce qui prolonge la crise séricicole en France jusqu’à 20e siècle.
Du côté de la capacité de l’offre de Chine, grâce à l’abondance de la main-d’œuvre,
le bénéfice élevé de la sériciculture et les politiques d’encouragement du gouvernement,
la Chine garde toujours son avantage sur la quantité de production de la soie dans le
monde pendant le 19e siècle. Cependant, la croissance de l’offre de la soie chinoise sur
le marché mondial est non seulement due à l’augmentation de la production séricicole,
mais aussi au prix de la diminution de l’utilisation de la matière de soie en Chine.
L’industrie textile de la soie chinoise est presque complètement détruite par les guerres
civiles pendant la rébellion de Taiping, tandis qu’elle ne se rétablit pas jusqu’à la fin du
siècle. En conséquence, à partir des années 1850, beaucoup plus de soie chinoise est
tout à coup disponible pour le marché extérieur, et le taux d’exportation de l’industrie
demeure très élevé pendant le reste du siècle.
Avec l’important déficit de la matière de soie qui débute dans les années 1850, les
fabricants de soieries français décident d’augmenter l’importation de cette matière de
l’étranger. À ce moment précis, l’offre de la Chine correspond justement à la demande
de la France, ce qui est l’origine de la prospérité du commerce de la soie entre les deux
pays.

III Relation complexe entre les maisons chinoises, les maisons

françaises et les autres maisons étrangères

Qui a pratiqué le commerce de la soie entre la France et la Chine ? Quel est leur
461
relation ? Avant les années 1870, Londres était le plus grand centre de distribution des
soies de l’Europe. À ce moment-là, plusieurs grandes maisons anglaises monopolisaient
les expéditions des soies chinoises et avaient évincé leurs concurrents en maîtrisant une
grande quantité de vaisseaux, beaucoup de capitaux et les marchés de la finance, de
change et d’assurance. Les pays d’Europe continentale, comme la France, achètent
souvent les soies provenant du marché lointain par Londres. Avec la croissance
d’importation des quantités des soies asiatiques après l’explosion de la pébrine, les
commerçants ne veulent plus assumer les frais supplémentaires d’importation des soies
par Londres.
La création de la ligne d’Extrême-Orient des Messageries Maritimes de France et
l’ouverture du Canal de Suez ont nettement diminué l’avantage du transport maritime
de l’Angleterre. Il résulte que de plus en plus de soies chinoises furent envoyées
directement en France au lieu de passer par le marché de Londres. Cependant, la mise
en œuvre de la télécommunication euro-asiatique a renforcé la concurrence sur le
marché d’exportation de la soie de Chine, et la majorité du commerce direct entre la
Chine et la France était toujours dans les mains d’autres maisons étrangères (anglaises
ou allemandes). A cause d’une concurrence provenant de ces maisons étrangères, les
maisons françaises ne pouvaient envoyer que moins d’un tiers des soies exportées en
France chaque année. Ainsi, on dit que les maisons anglaises, françaises et allemandes
partageaient l’échange direct de la soie entre la Chine et la France.
A part les maisons commerciales étrangères, les maisons commerciales chinoises
jouaient aussi un rôle important mais différent dans le commerce de la soie franco-
chinois. Les négociants de soie chinois se divisaient en plusieurs parties, dont les plus
cruciales étaient les magasins de soie à Shanghai, parce qu’ils étaient les intermédiaires
entre les maisons étrangères et les maisons de soie chinoises (maisons d’organsins) dans
les régions de production. A l’intérieur des magasins de soie à Shanghai, ils formaient
en même temps une alliance par des Unions de marchands et des réseaux de mariage
afin de se protéger contre le gouvernement pour leur intérêt commun, afin de
monopoliser ensemble la fourniture de soies aux maisons étrangères à Shanghai, et afin
de lutter contre la domination des maisons étrangères au niveau du prix et de la qualité
462
des soies.
D’un côté, les maisons étrangères qui monopolisaient les échanges internationaux
(anglaises, françaises, allemandes, suisses) étaient le chaînon essentiel parmi tous les
intermédiaires dans les processus du commerce de soies entre la Chine et la France.
Tous les négociants chinois étaient obligés d’exporter leurs soies en Europe par ce
dernier groupe. De l’autre, les maisons étrangères n’ont guère réussi à pénétrer à
l’intérieur de Chine pendant le 19e siècle. Elles ne pouvaient obtenir les matières de
soies chinoises qu’en établissant une relation commerciale stable avec des magasins de
soies, des comptoirs de soies et des maisons de soies, lesquels étaient les intermédiaires
indispensables pour la circulation des soies à l’intérieur de Chine. La composition des
intermédiaires dans le commerce de la soie entre la France et la Chine étaient complexe,
ce qui résultait de la concurrence et de la collaboration de tous ces intermédiaires.
Cependant, ce sont ces intermédiaires qui se concurrençaient et collaboraient, qui
réalisaient le développement de ce commerce.

IV Impulsion du changement des politiques douanières et de

l’amélioration de la condition de transport sur le commerce de la soie

Les deux éléments les plus importants impulsant l’intégration de l’économie


Atlantique souligné par K.H.O’Rourke et J.G.Williamson, le changement des politiques
de douane et l’amélioration des conditions de transport, ont-ils des rôles similaires pour
la croissance du commerce franco-chinois de la soie ?
Pour confirmer l’influence du changement des politiques sur le commerce, il faut
d’abord mesurer le niveau de protection de la politique de douane de la soie. Afin de
mesurer le niveau de protection du tarif de douane d’entrée sur la soie en France, nous
avons adopté les méthodes de calcul de J.V.Nye et de A.T.Junguito. Le résultat est que
sur la soie est perçu un droit de douane beaucoup plus bas que le niveau moyen du tarif
d’entrée de douane pendant la plupart des périodes du 19e siècle. Autrement dit, le
463
niveau de protection des droits de douane sur la soie grège est beaucoup plus bas par
rapport à la plupart de marchandises importées en France. Les tarifs de douane sur la
soie grège ne sont pas, ou ne sont pas assez, protectionnistes pendant le 19e siècle. Le
droit de douane très bas a donné la possibilité aux soies étrangères d’entrer en France.
La corrélation positive entre le tarif de douane non-protectionniste et la croissance de
l’importation de la soie en France est assez remarquable. Sous une telle condition du
libre-échange, on constate une croissance notable de la quantité de l’importation de la
soie grège en France pendant le 19e siècle. Lyon devient alors l’un des marchés les plus
dynamiques marchés du monde.
En Chine, même si l’échange commercial des chinois avec des pays étrangers
n’est pas complétement interdit, il faut reconnaître que le régime du commerce extérieur
est assez fermé et conservateur avant la Guerre de l’opium. Tout d’abord, comme ce
qui a été montré, les droits de douane imposés en réalité sont plus élevés que ceux qu’on
devait légitimement acquitter, ce que signifie que la protection réelle en Chine est plus
forte qu’il se manifeste les règlements officiels(les règlements de douane). De plus,
dans le cas des droits de douane sur les soies exportées, on constate que la plupart
(environ 2/3-4/5) des droits perçus sur la soie sont destinés à la finance étatique. En
d’autres termes, le but du régime de douane est plutôt de soutenir le revenu du
gouvernement central que la finance et le développement local. Enfin, le quota des
marchandises et le monopole de Cohong limitent également l’échange de Chine avec
d’autres pays. Nous pouvons donc confirmer que la Chine est effectivement un pays
demi-fermé avant les années 1840.
Cependant, il n’est pas raisonnable non plus de simplifier la relation entre le
gouvernement chinois et la dynamique économique de la Chine à l’époque. Beaucoup
d’historiens affirment que le gouvernement chinois avec un système de fort centralisme
joue un rôle négatif (au minimum ne joue pas un rôle positif) sur le développement
économique. Mais en réalité, les mandarins dans le gouvernement ne sont pas tellement
d’avis uniforme sur la politique à adopter, tandis qu’il existe souvent une tension entre
l’intérêt du gouvernement central et celui du gouvernement local. Concernant la
politique du commerce extérieur sur la soie (comme ce qui a été montré ci-dessus), le
464
gouvernement central propose d’interdire complètement le commerce de la soie avec
l’étranger à cause de la sécurité économique de l’État, et les gouvernements locaux
demandent à redémarrer le commerce de la soie chinoise avec les étrangers pour la
finance locale et développement économique local. Le décret final de l’empereur est un
compromis entre les deux groupes de mandarins. On constate que ce ne sont pas tous
les mandarins chinois qui insistent pour adopter des politiques contre le développement
économique et la communication extérieure de la Chine, et que différentes voix
provenant de différents groupes de mandarins jouent toutes des rôles importants dans
le processus de prise des politiques de l’État chinois à l’époque.
Après la Guerre de l’opium, de nombreux nouveaux éléments et de nouvelles
caractéristiques ont été inclus dans le nouveau système des tarifs d’exportation, ce qui
se manifeste parfaitement par l’évolution des tarifs d’exportation des matières de soie
dans les deux régimes. Premièrement, des quotas sur l’exportation de beaucoup
d’espèces de marchandises ont été annulés dans le nouveau régime. Deuxièmement, les
tarifs d’exportation dans le nouveau régime sont beaucoup plus uniformes et
standardisés par rapport à ceux de l’ancien régime. Troisièmement, des tarifs
d’exportations sur certaines natures marchandises dans le nouveau régime ont beaucoup
diminué. Il est vrai que l’exportation de la soie s’accroît plus rapidement après la mise
en œuvre du nouveau régime de douane. Pourtant, il est difficile de confirmer que
l’évolution du régime de douane de Chine soit à l’origine de la croissance de
l’exportation de la soie chinoise vers la France. Du fait de l’offre suffisante des matières
de soies dans la région méditerranéenne, la France n’importe que très peu de soie de
l’Extrême-Orient pendant la première moitié du 19e siècle. Ainsi, à cette époque,
l’échange de la soie entre la France et la Chine était presque nul, et la quantité n’était
loin d’atteindre le quota du gouvernement chinois. Cet état ne change qu’après les
années 1850(10 ans après la mise en œuvre du nouveau régime de douane en Chine),
quand a lieu le ravage des pébrines sur la sériciculture européenne. Autrement dit,
l’échange de la soie entre la France et la Chine est effectivement très peu important
pendant l’époque du commerce de Canton, mais cela n’est pas à cause de l’ancien
régime de douane de Chine ; l’exportation de la soie chinoise vers la France s’accroît
465
effectivement plus rapidement pendant l’époque de nouveau régime de douane, mais la
cause principale n’est pas non plus la mise en œuvre du nouveau régime.
Il ne faut pas non plus affirmer que la croissance de l’exportation de la soie
chinoise en France n’a aucune relation avec le nouveau régime des droits. Tout d’abord,
l’abolition du quota sur l’exportation des soies chinoises depuis 1843 donne la
possibilité de les exporter en grande quantité, ce qui a sans doute éliminé un obstacle
important pour l’augmentation du commerce de la soie entre la France et la Chine
ultérieurement. Ensuite, la baisse des tarifs de douane sur les soies grège dans le
nouveau régime de douane a renforcé l’avantage du prix d’exportation des soies
chinoises, ce qui a assuré la compétitivité des soies chinoises sur le marché français
pendant la seconde moitié du 19e siècle, surtout après les années 1870. Même si le
nouveau régime de douane sur la soie mis en œuvre à partir de 1843 n’est pas la cause
principale pour le début de la croissance du commerce de la soie entre la France et la
Chine depuis 1850, elle sera une condition fondamentale pour l’augmentation du
commerce pendant les décennies suivantes.
La mise en service des Messageries Maritimes a élargi l’importation directe de la
soie chinoise en France, tandis que l’ouverture du Canal de Suez offre définitivement à
la France l’avantage sur le commerce de la soie avec la Chine. La conclusion de
K.H.O’Rourke et J.G.Williamson sur le rôle positif de l’amélioration des moyens de
transport pour la croissance du commerce international est prouvée de nouveau par le
cas du commerce de la soie entre la France et la Chine. Les deux éléments que
K.H.O’Rourke et J.G.Williamson ont souligné, la baisse des barrières de douane et
l’amélioration des conditions de transport, sont tout aussi significatifs pour la
croissance du commerce de la soie eurasiatique que celle du commerce atlantique.

V Commerce de la soie et interaction des Révolutions industrielles en

France et en Chine

466
Quel est la relation entre le commerce de la soie franco-chinois et
l’industrialisation des deux pays ?
L’industrialisation de la filature de la soie est à l’origine de la modification du
besoin de la qualité de la soie dans le commerce extérieur, qui provient de l’accélération
de la mécanisation de l’industrie textile dans les principaux pays acheteurs de soie
(surtout celle de la France). Si l’industrie de la soie chinoise n’a pas de lien avec le
marché étranger, la mécanisation de cette branche industrielle n’aurait pas eu lieu, ou
aurait lieu beaucoup plus tard. L’exigence des clients dans le commerce extérieur est la
condition suffisante pour la mécanisation de l’industrie de la filature de la soie. De plus,
le commerce extérieur offre non seulement les capitaux et les soutiens techniques dans
l’étape de démarrage de la mécanisation de la filature de soie en Chine, mais encore lui
offre le débouche extérieur pour la production industrielle, composant des conditions
nécessaires pour l’industrialisation d’un pays moins développé. Servant en même temps
comme la condition suffisante et les conditions nécessaires, le commerce extérieur joue
évidemment le rôle le plus dynamique l’industrialisation de la filature de soie chinoise.
L’importation de la soie chinoise a assuré la modernisation de l’industrie textile
de la soie en France. L’industrie de la soierie est l’un des plus importants secteurs
industriels de la France du 19ème siècle. Cependant, la sériciculture française ne
satisfait toujours pas la demande de son industrie textile depuis les premières décennies
du 19e siècle. Elle s’affaiblit encore considérablement après les années 1850 à cause
des maladies des vers à soie. La chute de la sériciculture de toute la région
méditerranéenne après 1860 a coupé la dernière fourniture de soie du marché proche.
À ce moment-là, la Chine est le seul pays capable de fournir une grande qualité de soie
au marché européen. C’est la soie chinoise qui a sauvé l’industrie textile de la soie en
France et complété son insuffisance de matières premières après le ravage de la maladie
des vers la soie en Europe. La mécanisation de l’industrie textile de la soie de France
s’accélère de 1870 à 1913, mais le déficit de matières premières devient de plus en plus
grave pendant cette période : seulement 10-20% de la soie consommée par l’industrie
textile française est produite en France. A cette époque, plus de 50% de soie utilisée par
l’industrie textile française provient de Chine, ce qui assure sa demande croissante sur
467
la matière première en processus de mécanisation.
Dans l’autre sens, la modernisation de l’industrie de la soie contribue aussi à
l’intégration de l’économie eurasiatique. Grâce à la modernisation de la filature de la
soie en Chine, la qualité de la soie chinoise est proche ou similaire de la soie dans
d’autres pays industriels du monde. La convergence de la qualité des soies, en plus de
la baisse des tarifs de douane et l’amélioration du transport que les historiens ont
soulignées, est un autre facteur important conduisant à la convergence du prix, laquelle
est un des plus importants symboles de l’intégration économique du monde.
Le graphique ci-dessous nous montre les relations du commerce, des
industrialisations, de la convergence de la qualité et de l’intégration économique au
cours de la globalisation économique du 19e siècle. Le commerce accélère la
convergence de la qualité par l’interaction des industrialisations. La convergence de la
qualité aboutit à la convergence du prix et à l’intégration de l’économie, laquelle fait
progresser la dynamique commerciale. Les quatre éléments ci-dessus forment un cercle
fermé marqué par une influence positive sur l’un l’autre.

Dynamique commerciale

Convergence du prix, Interaction de


L’intégration économique l’industrialisation

Convergence de
la qualité

468
Bibliographie

I Sources en Europe et aux États-Unis

1 Archives

Archives Nationales de France (AN)

AN F12 2552
29 juin 1833 tarif de douane de 1833
Relevé des soies écrues expédiées de Lyon en transit 1816-1824
Les soies expédiées de Milan et Naples 1828-1832
Tableau des valeurs des soieries exportées de France aux divers pays 1821-1831
Commerce spécial des soies en 1832
Tableau de l'importation et de l'exportation des soies de 1820 à 1827

AN F12 6341
Lettre de Forth-Rouen au Ministre des Affaires étrangères du 4 avril 1849

AN F12 6498
3 septembre 1829, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie
et du commerce
4 novembre 1839, lettre de la Chambre de Commerce au Ministre de l’industrie et du
commerce
15 mars 1845, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie et du
commerce, traité 1844 et tarif de douane
20 février 1846 lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie et
du commerce
21 juin 1833, journal de Paris
1836, le commerce des soies en Chine
1840, lettre à Messieurs les députés
1843, lettres des chambres du commerce au Ministre de l’industrie et du commerce
1939, réflexions sur notre commerce avec la Chine
1860-1882, commerce franco-chinois et commerce anglo-chinois
Traité de 1858

AN F12 6499
22 mai 1897, rapport de la Chambre de commerce de Shanghai
1897, notes sur la finance, Chine, douanes maritimes, Likin etc
Circulation monétaire, M. de Brandt, Ministre d'Allemagne en Chine
Décret du 12 janvier 1860, droit à l'importation sur la soie
29 avril 1894, prohibition d'importer des machines en Chine
469
1883, Bulletin de Statistique et de Législation comparée, M.F
Pétition par M. Richou à la Chambre des Députés
Tarif douanier Chine 1883
Traité de 1858
Traité de 1860

AN F12 6894
N° 9 : 18 janvier 1919, l'industrie de la soie de Japon de 1913 à 1917
N°23, 24, 25, 26, 27, 28, 29 : 8 mai 1906 Pétition des maisons d'exportation de Shanghai
N°53 : Chambre des députés cinquième législature session de 1891, n°1354, le 21 mars
1891
N°58 : séance du 12 novembre 1891, rapport de la commission de douanes de fils de
soie, fils de soie artificielle au Sénat
N°70 : exportation des tissus de soie de France en 1890
N° 86 87 : le 8 juin 1892, renseignements sur la réduction douanier des filés soie de
Chine
N°158 : 22 mai 1859, projet de modification du tarif des douanes : la bourre et autres
déchets de soie filée dite fleuret
N°167 : 23 juillet 1854, demande de l'admission exceptionnelle 117 de pièces de tissus
de soie importées d'Angleterre d'origine chinoise
N°179 : 15 septembre 1866, Direction générale de douane, tarifs conventionnels avec
la Grande Bretagne
N°259 : juin 1858, augmentation de l'exportation des rubans de soie de France 1853-
1857
N° 287, 288, 289, 291, 292, 293, 294, 295, 297, 314, 315 : 1853-57, admission
temporaire de crêpe de Chine
N° 325, 327, 328, 329, 334, 335, 337, 339 : suppression de l'interdiction de
l'importation de l'Angleterre d'origine chinoise le 25 févier 1853
N° 355, 356, 357, 358 : destinations des tissus de soie française 1839-1843
N° 493 : 24 décembre 1862, décret de Napoléon III pour affranchir l'importation de
grège de soie

AN F12 6951
N°68, 179, 193 : 1865-1910, admission temporaire de fils de bourre de soie et tissus de
soie aux maisons des Chambre de commerce de Lyon et du département du Haut-Rhin

AN F12 7056
13 août 1904, consommation des soies en France 1868-1877
6 septembre 1894, rapport commercial Canton 1893
10 novembre 1890, bulletin commercial Canton 1890
12 septembre 1878, exportation des soies de Canton en France janvier à juillet 1878
20 août 1892, une nouvelle maison est établie à Canton pour l'achat des soies
Rapport du commerce et la navigation Canton 1889
Rapport commercial Canton 1902

470
Rapport commercial Canton 1882
Le marché des soies à Canton en 1891 et 1892
Rapport de la navigation Canton 1877
Rapport du commerce et de la navigation Canton 1891
31 octobre 1894, commerce de thé à Foutchéou
6. octobre 1903, lettre du consul de Hankéou au Ministre des Affaires étrangères
L’exportation des soies à Hankéou 1885-1888
19 Juillet 1879, les maisons étrangères à Hong Kong 1879
Navigation des étrangers à Shanghai 1874, 1875, en Chine 1874

AN F12 7057
Report on the trade of China, Hankow 1865
9 février 1892, rapport du commerce de Mongtze en 1891
15 février 1893, rapport de commerce de Long tchéou en 1892
19 février 1903, 27 avril 1903, rapports du commerce de Mongtze, Ssemao,TchengYue
1902
20 avril 1899, rapport du commerce de Ssê-mao pendant le quatrième trimestre 1898
19 février1903, 27 avril 1903, rapports du commerce de Mongtze, Ssemao,TchengYue
25 mars 1891, rapport du commerce de Pakhoi, 1890 1891 1892
25 mai 1903, rapport du commerce avec Yunhan et Guangsi 1901
26 janvier 1893, 31 mai 1895, rapports du commerce de Mongtze 1892, 1893, 1894
29 octobre 1903, maisons de commerce françaises à Mongtze
30 octobre 1889, rapport du commerce de Pakhoi 1883-1888
Augmentation de la navigation française à Pakoi 1896-1902
Rapport du commerce de Pakhoi 1891, 1892 et 1899
Rapport du commerce de Long Tchéou 1900 et 1901
2 février 1876, lettre de légation de France en Chine au Ministre des Affaires étrangères
11 novembre 1864, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie
et du commerce
25 juin 1886, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie et du
commerce
31 décembre 1868, rapport du consul anglais
Navigation des pays divers en Chine, 1903
6 septembre 1866, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie
et du commerce
1863, première maison française établie à Shanghai
Le commerce de réexportation des soies japonaises de Chine en France 1865
Les marchandises d'échange entre la France et la Chine en 1865 et les navigations
Rapports on the trade of China, Shanghai 1865, soie
Shipping trade with China, divers countries 1865

AN F12 7058
17 novembre 1876, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie
et du commerce

471
2 avril 1872, Union des marchands de soie de Lyon
La navigation de Shanghai 1875 par pays destination et provenance
12 avril 1877, liste des maisons étrangères à Shanghai
Fret et des assurances maritimes du port de Shanghai pour l'année
Liste of members of Shanghai General Chamber of commerce 1876
Liste of members of Shanghai General Chambre of Commerce 1877
14 janvier 1884, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie et
du commerce
Marchandises exportées des 14 ports chinois 1875
31 janvier 1876, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie et
du commerce
20 août 1877, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie et du
commerce
29 septembre 1872, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie
et du commerce
Quantité d'échange des soies à Shanghai 1874-1878 par pays
29 mai 1884, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie et du
commerce
8 mai 1880, rapport du Consul de Shanghai au Ministre des Affaires étrangères
Rapport du commerce des soies de Shanghai 1883
Commande du gouvernement chinois de 1886 à 1890
31 décembre 1874, liste des principales maisons de commerce à Shanghai
12 octobre 1887, liste des maisons de commerce françaises à Shanghai
1 janvier 1872, lettre du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie et
du commerce
10 mars 1896, rapports consulaires antérieurs Chine 1809-1906(3). Les filatures à
Shanghai
3 janvier 1906 importation des machines en Chine et au Japon
10 mars 1896, les filatures à Shanghai
11 août 1893, North China Daily News
14 janvier 1884, réponse aux questions sur les vers à soie chinois, M. Pila
Annual meeting and report Shanghai général chamber of Commerce 1889
18 janvier 1893, navigation des ports ouvertes de Chine 1892
La navigation française à Shanghai pendant le 4ème trimestre 1884
La navigation française à Shanghai, troisième trimestre 1883

AN F12 7223 Canton 1907-1914


3 septembre 1908, décision de la corporation des marchands de soie de Canton
8 janvier 1912, situation du commerce du Lappa 1909
10 mai 1909, lettre de du Ministre des Affaires étrangères au Ministre de l’industrie et
du commerce
10 mars 1914, exportations cantonaises pour la France et les colonies françaises 1913
17 janvier 1912, exportations de Canton pour la France et les colonies françaises
19 novembre 1909, consul de Canton au Ministre de l’industrie et du commerce
29 mars 1912, commerce du district de Lappa en 1910
472
31 mais 1912, exportations des soies de Canton pendant l'année 1911-1912
28 avril 1913, exportations des soies de Canton pendant l'année 1912-1913

AN F12 7223 Fouchéou 1907-1915


14 novembre 1908, commerce extérieur de Foutchéou
18 féviers 1909, marché du thé à Fou-tchéou pendant l'année 1908-1909
19 mars 1909, lettre aux exportateurs français

AN F12 7223 Hankéou 1907-1912


8 juin 1907, lettre du consul de Hankéou à M.A.E

AN F12 7224 Mong Tseu, Teng Yue, Sseu Mao Hoï hao 1907-1920
26 août 1907, rapport commercial de Mongtseu, Teng Yue, Sseu mao Hoï hao 1906

AN F12 7224 Pékin 1907-1918


6 mars 1907, rapport de la légation de Chine
9 mai 1913, lettre de M.A.E à M.C

AN F12 7224 Shanghai 1907-1918


4 octobre 1908, concurrence de la marine commerciale japonaise
12 avril 1907, durée des traversées Marseille-Shanghai
14 mai 1912, rapport sur la situation commerciale et industrielle de Changhai en 1911

AN F12 7225 Swatow 1907-1918


Rapport commercial de Swatow, 1906, 1907

AN F12 7225 Tchéfou 1907-1912


7 décembre 1909, rapport commercial de Tchéfou 1908
12 novembre 1908, rapport commerciaux de Tchéfou 1907
23 mars 1910, rapport commercial de Tchéfou 1909
16 avril 1912, exportation des soies par le port de Tchéfou en 1910 et 1911

AN F12 7225 Tchentou 1911-1920


13 novembre 1911, Envoi d'échantillons de soie

AN F12 7225 Tchongking 1907-1917


31 décembre 1907, rapport commercial de Tchongking 1906
18 septembre 1909, commerce général de Tchongking en 1908
2 juin 1910, la création d'une nouvelle maison française à Tchongking 1910
31 mars 1910, le commerce français à Tchongking 1909
4 octobre 1910, échantillons envoyés à chambre de commerce de Lyon
Le commerce de Tchongking en 1914

AN F12 7288

473
N°1 Lettre de Rouher à Desgrand du 4 avril 1862, AN, F12 7288 (Dossier Maison
Desgrand) et AN, F12 6767 (Dossier Cie des Messageries Impériales)

AN F12 7414
1 mars 1898, les français à Canton 1898
25 octobre 1893, les français à Canton 1893

AN F12 7595
19 novembre 1816, Considération sur le commerce de Chine
4 octobre 1818 Pétition au Ministre du commerce, au Ministre chargé de la navigation
et au Ministre de l’intérieur pour le commerce avec la Chine

Archives du Ministère des Affaires Etangères (M.A.E)

M.A.E Canton 1824-1844 67CCC 1


N°34, 37 : 23 mai 1829, rapport de Benoît Gernaert sur le navire saisi par la police
chinoise
N°46 : 30 octobre 1829, lettre du Ministère des Affaires Etrangères au consul de Canton,
Comte Dussumier, en mentionnant vers à soie chinois
N° 57, 58 : 20 novembre 1830, lettre du consul de Canton au Ministère des Affaires
Etrangères
N°59, 60, 61, 62 : 24 novembre 1830, deux lettres entre le consul de Canton et le
Ministère des Affaires Etrangères
N°65, 66 : 10 décembre 1851 lettre du consul de Canton au Ministère des Affaires
Etrangères
N° 92, 95 : 26, novembre 1835, lettre du consul au Ministère des Affaires Etrangères
N°105 : Canton pas de correspondance 1838 et 1839
N°108 : 1840, lettre de chancelier J.P.Nanloffells (Hollandais) du consulat à Canton au
Ministère des Affaires Etrangères
N°111, 114 : 24 septembre 1840, Macao lettre de C.Alex.Challaye au Ministère des
Affaires Etrangères
N°118, 119 : 29, janvier 1841, lettre de C.Alex.Challaye au Ministère des Affaires
Etrangères : présentation de Hong-Kong
N° 120 : Macao, 28 février 1841, lettre de C.Alex.Challaye au Ministère des Affaires
Etrangères
N°185 Traité de Nanking
N°206, 207 : Macao, 23 janvier 1843, lettre de C.A.Challaye au Ministère des Affaires
Etrangères sur manifeste de navire du trois mats (l'Elisabeth) de l'orient à Bordeaux via
Manille
N°210 : l'exportation de thé et de soie de Chine à l'Angleterre de 1er juillet 1842 à 1 er
mars 1843
N°212(a, b) Macao, 20 et 26 mars 1843, lettre de C.A.Challaye au Ministère des
Affaires Etrangères sur les natures et les valeurs des marchandises transportés par deux
navires français

474
N°288, 293 : 20 septembre 1843, comte de Ratti Menton au Ministère des Affaires
Etrangères en joignant la lettre du Vice-Roi de Canton
N°301, 317 : Le 22 et le 26 jour de la 8e lune de 23ème année de Dao Guan, traduction
de la déclaration du vice-roi du droit des commerçants français à 5 ports comme les
anglais
N°318, 328 : le 8 octobre 1843 dernier traité en 17 articles entre la Chine et l'Angleterre
N°419, 422 : Macao, 24 mars 1844, lettre de Ch. Lefebvre de Bécout au Ministère des
Affaires Etrangères sur le navire français (le Josephe) à Macao
N°434 le 12 juillet lettre de Ch. Lefebvre de Bécourt à M.A.E sur trois navires français
visitant Chine pendant le 2ère trimestre en 1844
N°460, 461 : Macao, le 9 novembre 1844, lettre de Lefebvre de Bécourt au Ministère
des Affaires Etrangères sur aucun navire français venant en Chine pendant le 3ème
trimestre 1844

M.A.E Canton 2 1845-1865 67CCC 2


N°1, 2 : 1er Janvier 1845, lettre de Charles Lefevre de Bécourt au Ministère des Affaires
Etrangères
N°23, 24 : 7 Avril 1845, Lettre de ch. Lefevre Bécourt au Ministère des Affaires
Etrangères
N°33, 34 : 3, juillet 1845 lettre de Ch. Lefevre de Bécourt au Ministère des Affaires
Etrangères
N°50 :17, octobre, 1845, Ch. Lefevre de Bécourt au Ministère des Affaires Etrangères

M.A.E Canton 1866-1877 67CCC 3


N°244, 245 31 : décembre 1872, Mouvement des navires de commerce français pendant
l'année 1872
N°371, 372 : 31 décembre 1876, mouvement de la navigation française à canton
pendant l'année 1876
N°380 : 9 mars 1877 lettre d’Edmond de Lagrené au Ministère des Affaires Etrangères :
exportation de soie de Canton de 1873 à 1877
N°342, 344 : 10 mai 1876, lettre de Dabry de Thiersant au Ministère des Affaires
Etrangères : création d'une nouvelle maison à Canton

M.A.E. Canton 1878-1889 67CCC 4


N°395, 433: 25 septembre 1889, commerce et navigation en 1888
N°24, 26 : 31 décembre 1878, mouvement des soies dans la province de Canton en
1878
N°115 : 25 août 1884, interdiction de l'entrée de la rivière de Canton aux navires
français
N°133, 137 : 2 août 1886, réclamation de paix du vice roi de deux Guang
N°310, 331 : 10 juillet 1888, rapport sur le commerce de Canton en 1887
N° 388 : renseignements sur Guanxi Tchongqing, Si kang Long théou

M.A.E Canton 1889-1900 67CCC5

475
N°63-70 : 25 novembre 1892, rapport commerciaux Commerce et navigation de Canton
en 1892
N°94-101 : 28 juillet 1894, rapports commerciaux Commerce et navigation de Canton
en 1893
N°221-238 :14 janvier 1897, commerce et navigation de Canton 1895
N°257-276 : 24 août 1897, commerce et navigation de Canton en 1897
N°321-338 : rapport, commerces et navigation de Canton
N°60, 61 : 20 août 1892, une nouvelle maison français à Canton
N°288 : 31 mai 1898, note sur le commerce de Saint-rhouï

M.A.E Shanghai 1847-1851 707CCC 1


N°60-64 : 19 septembre 1848, lettre de Montigny au Ministère des Affaires Etrangères :
commande des tissus français des catholiques à Southow
N°98-101 : 16 janvier 1849, commande de catholiques chinois à l'industrie française

M.A.E Shanghai 1851-1856 707CCC 2


N°254-259 : rapport commercial du port de Shanghai premier trimestre 1855
N°140 : 25 août 1853, état du marché de Shanghai à la date de ce jour
N°266-276 : 15 Juillet 1855, maisons étrangères à Shanghai en 1855
N°340-351 : 6 février 1856, rapport de commerce et navigation de Shanghai

M.A.E Shanghai 1856-1860 307CCC 3


P430 : 27 juin 1860, droit de sortie de soies chinoises

M.A.E Shanghai 1861-1864 307CCC 4


P57 : 6 avril 1861, vente du navire français Madras
P59 : 19 avril 1861, maisons françaises dans la concession française de Shanghai
P183 : maisons de commerce de France à Shanghai 1861
P367 : exportation des soies grèges et moulinées de Chine et du Japon en Angleterre et
en France
P387-389 : 25 décembre 1863, création de la compagnie des Messageries Maritimes
P422-424 : mouvement de la navigation de bâtiments français dans le port de Shanghai

M.A.E Pékin 1858-1863 242CCC 1


P1 : 12 févier 1858 ouverture du port de Canton

M.A.E Pékin 242CCC 2 1864-1866


P24 : 24 avril 1864 la voie de terre du commerce de soie
P85-88 : 28 Juin 1864, les commerces avec la Chine par pays divers en 1863
P157-158 : une maison du commerce de soies de France à Shanghai
P225-P231 : 1er août 1865, commerce français avec la Chine en 1864
P242-P243 : 5 septembre 1865, permis des bâtiments français venant de la Cochinchine
et du japon d'entrer en Chine comme canotage

476
M.A.E Pékin 1869-1877 242CCC 4
P314-326 : 2 février 1876, commerce de France en Chine 1875
P107-112 : 10 avril 1870, rapport du commerce de Suantow 1869
P113-114 : 22 mai 1870, rapport du commerce de Tche-fou 1869
P206 : 20 décembre 1872, étude sur l’éducation des vers à soie de Chan-tong
P228-237 19 juillet 1873, amélioration de régime de douane chinois
P287-288 6 janvier 1875, maison française arrêtée à Hangzhou pour payer encore une
fois le droit de transit
P305-307 : 4 janvier 1876, l'importation des soies en France a dépassé l'Angleterre en
1875
P371-372 16 décembre 1876, un procès entre Lacroix Cousin à Canton et une maison
chinoise

M.A.E Pékin 1878-1886 242CCC 5


P21-45 : 7 juin 1878, rapport sur Likin en Chine
P435-438 : 12 mars 1886, résumé des résultats des négociations

M.A.E Pékin 1886-1889 242CCC 6


P114-116 : 5 avril 1886, présentation des produits du Se-tchuan M. de Bezaure 1886
P159-169 : 25 avril 1886, convention entre la France et la Chine 1886
P258-262 : 24 avril 1887, projet d'ouverture de la navigation entre Tchongqing et Y
Tchang
P348 : 20 avril 1888, projet des maisons françaises pour créer des filatures de soie à
Shanghai
P350-351 : 17 mais 1888, difficultés rencontrées par les filatures

M.A.E Pékin 1896-1898 242CCC 8


P156-158 et P224-232 : rapport de la chambre générale de commerce de Shanghai sur
la taxe et réponse

M.A.E Pékin 1898-1901 242CCC 9


P47-57 : rapport commercial de Shandong 1897
P108-109 : navigations de Canton, Swantow et Pakhoi 1897
P131-134 : rapport commercial de Se-tchuan
P146-149 : rapport commercial de la soie en Chine
P270-279 : statistique de la douane française sur le commerce franco-chinois 1899

M.A.E Tchongking 1896-1907


P2 : 2 février 1897, une commande des soies de sabans par une maison de Tchonking
P3-9 29 juillet 1897 rapport de commerce de Tchongking en 1896 et 1897
P13-P29 : mission Baux à Se-tchuan
P41-42, P47-48 : commerce de Tchongking 1896-1897
P121 et P127 : 31 mars 1900, rapport du commerce de Tchongking, 1900

477
M.A.E Thefou 1897-1901
P2-9 : 3 février 1897, rapport commercial de Tchefou 1896
P17-18 : 8 mai 1897, exportations des produits de Tchefou en 1896
P74-75 : 1er août 1899, exportations de Tchefou et les pays qui l'opèrent 1898
P105-108 : 18 août 1900, exportations de Tchefou 1899
P137-139 : 5 juillet 1901, exportations de Tchefou en 1900

M.A.E 148CPCOM599 Chine, relations commerciales avec la France, 1896


P1-92 : mission lyonnaise en Chine 1896
P141 et P147-159 : exposition des échantillons français dans la boutique d'un Chinois

M.A.E 148CPCOM560 Chine, relations commerciales avec la France, 1896-1897


P4-14 : 20 octobre 1986, mission de Lyon, l'exportation Tchonking, Foutchou et
Yunnan
P32 : plan de la rivière de Tonkin à Yunnan
P121 et P127 : 30 octobre 1896, mission lyonnaise, rapport du Consul Rocher

M.A.E 148CPCOM561 Chine, relations commerciales avec la France, 1897


P44-P49 17 féviers 1897 délégué de la mission de Lyon arrivé à Shanghai
P57-P59 18 mai 1897 Route du Tonkin à Yunnan fou
P206-239 rapport général de la Mission lyonnaise d'exploration commerciale en Chine

M.A.E 148CPCOM562 Chine, relations commerciales avec la France, 1898-1899


P122-123, P138-140 et P201-202 : 11 novembre 1898, lettre du Ministre de l’industrie
et du commerce au Ministre des Affaires étrangères
P78-79 : 26 août 1896, navigation de Lao-kay à Hanoi
P91-94 : 19 septembre 1898, concurrence des maisons étrangères avec lesquelles
française en Chine
P105-106 : 28 septembre 1898, filature de soie à Tchenjiang
P142-143 : 10 janvier 1899, demande de l'ouverture de Tchentou
P172-177 : pénétration de Tonkin à Sechuan

M.A.E 148CPCOM563 Chine, relations commerciales avec la France, 1900-1901


P60-87 : 29 décembre 1900, rapport du commerce français en Chine
P2-4 : 4 janvier 1900, lettre du Ministre de l’industrie et du commerce au Ministre des
Affaires étrangères
P11-41 : mission envoyée par le Crédit Lyonnais 1898-1899
P88-130 : 5 janvier 1901, rapport du commerce entre la France et la Chine
P138-142 : 28 mai 1901, texte sur le New York Times

M.A.E 148CPCOM564 Chine, relations commerciales avec la France, 1902-1906


P40-44 : 5 mai 1902, rapport de la légation français à Beijing
P45-51 et P111-114 : mai 1902, opinion de la chambre de Lyon sur le problème de Likin
P58, P64 et P65 : 23 août 1902, lettre de la Compagnie lyonnaise d’Indochine

478
P131-135 : commerce franco-chinois 1903
P140-141 : 21 mars 1905, conclusion éventuelle d'un nouveau traité de commerce
P149 : 24 Juin 1905, navire anglais avec des marchandises chinoises

M.A.E 148CPCOM565 Chine, relations commerciales avec la France, 1907-1909


P1-6 : 24 janvier 1907, échange de la France avec l'Extrême-Orient en 1905
P15 : 21 avril 1908, note sur l'organisation commerciale à Shanghai
P47 : 5 Juin 1908, commerce entre Swantoz et l'Indochine Française
P162-186 : 19 mars 1909, conseils aux exportations françaises en Chine

M.A.E 148CPCOM566 Chine, relations commerciales avec la France, 1910-1911


P17-20 : 26 avril 1910, commerce entre la France et la Chine
P149-158 : 30 mai 1911, voyage pour examiner l'état de la production de Sse tchuan
P159-170 et P180-188 : juin 1911, maisons françaises à Tchongking
P194 : 12 août 1911, l'envoie des échantillons des soies de Sse tchuan en France

M.A.E 148CPCOM567 Chine, relations commerciales avec la France, 1912-1915


P6-19 : 17 janvier 1912, exportations de Canton en France en 1911
P25-29 : 17 févier 1912, création d'une nouvelle maison française
P80-98 : 30 janvier 1913, exportations de Canton en France 1912
P144-167 : 10 mars 1914, exportations de Canton en France 1913
P172-208 : 24 octobre 1914, débouchés pour le commerce français en Chine
P218 : 19 décembre 1914, commerce allemand de produits français en Chine
P226-231 : 4 mais 1915, intérêts français à Hankou

M.A.E 148CPCOM568 Chine, relations commerciales avec la France, 1916-1917


P42-50 : 9 août 1916, rapport de la chambre de commerce française de Chine

M.A.E 148CPCOM578 Chine riz, thé, soie, etc. marché extérieur et intérieur 1907-
1908
P11-13 : 25 avril 1907, exportation des soies du Japon et de Chine
P27-34 : 3 mai 1907, nomenclature des marchandises expédiées à Tchentou
P122-123 : 25 novembre 1907, crise commercial en Chine
P246-247 : 9 juillet 1908, envoi d'un échantillon de soie de Tchentou en France

M.A.E 148CPCOM579 Chine riz, thé, soie, etc. marché extérieur et intérieur 1909-
1911
P25-32 : 23 févier 1909, création de CanXueBao à Canton
P132-P133 : 28 juillet 1910, exportation des soies grèges de Canton

M.A.E 148CPCOM580 Chine riz, thé, soie, etc. marché extérieur et intérieur 1912-
1917
P12-20 : 6 avril 1912, exportation de la soie à Tchefou en 1910
P21-25 : 9 avril 1912, influence de la révolution sur l'exportation des soieries Canton

479
P35- 49 : 31 mai 1913, exportation des soies à Canton saison 1911-1912

M.A.E 148CPCOM676
Chine, renseignements commerciaux des consuls, 1912-1917
28 août 1913, exportations de soies campagne 1912-1913

M.A.E 148CPCOM677 Chine 1897-1914


15 novembre 1907, rapport commercial Tchongking 1906
1 octobre 1907, commerce de Tchefou 1906-1907
Rapport sur le commerce extérieur de la Chine en 1907
Rapport commercial Tchongking 1908
18 juillet 1908, rapport commercial de Tchefou pour 1907
Mouvement commercial et maritime de Tchefou en 1911
30 octobre 1909, rapport commercial de Tchefou pour 1908

M.A.E 148CPCOM678 Chine 1897-1914


19 janvier 1910, rapport sur le commerce extérieur de la Chine 1908
30 avril 1917, rapport commercial de Tchongking 1916
9 septembre 1910, statistique du commerce et de la navigation de Tchefou en 1909
12 mai 1912, rapport sur la situation commerciale et industrielle de Changhai 1911
8 octobre 1915, commerce de la Chine avec divers pays 1914
28 août 1911, maisons de divers pays en Chine

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中国第一历史档案馆: 《明清宫藏中西商贸档案07》,北京:中国档案出版社,2010
年6月
P3783-3791 钦差大臣江南总督奢英奏折
米利坚等过通商章程业经议定
P3802-3813钦差大臣江南总督奢英奏折
大西洋意大里亚过通商章程议定
P3873-3875 两广总督奢英奏折
法公使请减丁香及酒说并准其所谓
P3876-3889 军机大臣穆彰阿奏折
遵议酌定法国通商章程
P4104-4111 英法美各国商约条款准驳清单
P4168-4190 广东巡抚奢龄奏折
洋人在广东省城及澳门等地设馆招工拐卖人口

Les Archives nationales de Chine. Les archives des commerces de Canton. Hong-kong

491
et Amoy pendant la dynastie de Qing. Beijing. Librairie de Chine. 2002. (中国第一历
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Les Archives Nationales de Chine (premières). Rapports à la cour. 25octobre 24ème


année de Qianlong. Rapport de Li Shiyao, Vice roi de Guangdong et Guangxi (中国第
一历史档案馆:宫中硃批奏折,乾隆二十四年十月二十五日,两广总督李侍尧奏)

03-0524-049 奏报查明丝斤实在价值情形事 乾隆二十五年十二月十七日


03-0629-041 奏报丝斤等货出洋无夹带事 乾隆二十八年三月二十四日
03-0813-024 奏为请驰当丝之禁事 乾隆十二年五月三十日
03-0822-016 奏报春花蚕丝收成分数事 乾隆三十四年四月二十五日
03-0824-023奏报春花蚕丝收成分数事 乾隆三十九年四月十八日
03-0828-020奏报春花蚕丝收成分数事 乾隆四十一年四月十九日
03-1076-052 奏报查明闽省各海口并无私带丝斤等出洋事 乾隆五十八年十月十
九日
03-1102-029 复奏并无出洋私贩丝巾等情形乾隆四十二年十一月二十八日
03-1004-012 奏请本港出洋船只府照外洋夷商之例配代土丝绸缎事情 乾隆二十
九年三月十七日
03-1104-014 复奏出洋丝巾驰禁事 乾隆二十九年三月初八日
03-1104-015 复奏出洋丝巾毋庸禁止事 乾隆二十九年三月初四
03-1104-015 遵旨议奏丝斤出洋情形事 乾隆二十九年三月初九
03-1104-021 奏报并无违例贩运丝斤等物出洋情形事 乾隆二十九年十一月十一

03-1390-003 奏请严谨丝出外洋事 乾隆二十五年正月二十九日
03-1748-098 奏请驰查海运以通商贩事 嘉庆十二年八月初二日
03-1853-35 奏陈西洋岛人与中国通商贸易等事 嘉庆四年十月
03-2734-014 奏为通商全局告遵旨核实酌情保举出力各员事 道光二十三年九月
二十二日
03-2734-015呈通商案内尤为出力文武员并职名单 道光二十三年九月二十二日
03-2854-009 奏报通商章程税则各批折仍未奉到事 道光二十三年闰七月三十日
03-3167-011 奏为上海通商添雇人役并增设税卡巡以资稽查事 道光二十四年三
月初五日
03-3168-062 奏报江海关上一年期满征收西洋各国税钞并内地丝商补纳税银数
事 道光二十七年三月初一日
03-3169-035 奏为上海通商酌筹经费并增设要卡以资稽查事 道光二十九年九月
二十日
03-3169-047 奏报江海关一年期满周瘦西航税钞并内地丝商补纳税银事 道光三
十年二月二十九日
03-4163-106 呈为王有龄奏派署藩司麟趾随同办理通商事物事拟旨单 咸丰十一

03-4382-004 奏报江海关税收一年期满并征收洋税及内地丝商补纳税银个数目
事 咸丰八年十二月二十六日
03-4384-035 奏为开办新关根据英法国议定新章无论洋货土货有外国船只贩运
来津者均归新关征税等事 咸丰十一年九月十二日

492
03-4610-055 著派恒祺作为全权大臣汇同驻津三口通商大臣办理通商事宜谕旨
同治二年五月十七日
03-4927-093 呈法国为大清国赔款办法致恭亲王照会照录单 同治四年十一月二
十六日
03-5446-076 奏为闽船厂政与法国领事就延用洋员工匠限薪费等项议订合同事
光绪三十一年十二月初一日
03-5451-012 奏为出使法国兼使日斯巴尼亚国两馆参随及学生人等三年期满照
章请奖事 光绪三十一年十月十六日
03-5737-004 著为李鸿章张荫桓为全权大臣分别与法国日本使臣办理条约与妥
议通商事谕旨 光绪二十四年
03-6392-040 奏报镇南关通商第一百三十七结期满征收洋商税银等各款数目事
光绪二十一年四月二十四日
03-6402-060 奏为遵旨议奏再通商口岸仿行印花税事 光绪二十四年五月十六日
03-7120-016 为署江督张之洞奏请将息借商款开设缫丝纺纱二厂派员经理一片
录旨查照事致军机处咨文 光绪二十二年二月二十二日
03-7120-024 奏为在籍绅士前国子监祭酒经理苏州缫丝纺纱两厂益臻妥善事 光
绪二十四年闰三月二十八日
03-7122-076 奏报整顿福建船政延聘法国洋员情形及议定各洋员薪费数目事 光
绪二十二年九月十三日
03-7123-018 奏为福州船厂为法国东京西贡总督代制浅水小轮船情形事 光绪二
十五年七月二十日
03-7224-005 奏为船政第四届派复发国肄业学生请交出使大臣管理以节靡费事
员工需额是留年三月初九日
03-7128-054 奏为江苏在籍绅士侯选道周廷弼独办机器缫丝长桌有成效请破格
奖励事 光绪三十年十一月初二日
04-01-01-1039-036 奏为浙省饷需奇绌请将抽捐丝商外省赈捐改作本省防饷事
光绪二十六年六月二十二日
04-01-06-0012-010 奏为办理江苏开办缫丝纺织两厂应还息借商款移作上午股份
未协事 光绪朝
04-01-12-0539-109 奏为法国新任使臣李梅到京并送国书事 光绪是三年七月初
十日
04-01-30-0127-006 奏为新任四川督臣琦善函开以英夷如果前来恳请定界通商原
折事 道光二十七年
04-01-30-0127-019 奏为遵旨严加防范英夷进口通商密饬文武妥为办理事 道光
三十年五月二十八日
04-01-35-1192-017 奏请弛禁海运以通商贩事 嘉庆十二年八月初二日
04-01-36-0006-029 奏为丝价日昂请严谨出洋事 乾隆二十四年闰六月二十五日
04-01-36-0118-053 奏为候选郎中祝承租包办苏州缫丝仿纱公司并委总董助理事

Archives Nationale de Chine (Nanjing)中国第二历史档案馆(南京)

Archives nationales de Chine (Deuxième) et le bureau général de la douane de Chine.


Les archives des douanes anciennes de Chine. Beijing. Jinghua. 2001. Vol. I. (中国历
史第二档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料,01卷》,北京:京华

493
出版社,2001年)
P81 P91 烟台生丝贸易统计
P81之前 广州上海生丝贸易统计
P101 P118 P171 P183 P296宁波生丝贸易统计
P147,165,167 广州生丝贸易统计
P467,485 P494 P53-78 1864上海转口丝与内产丝出口到英国与法国情况

Archives nationales de Chine (Deuxième) et le bureau général de la douane de Chine.


Les archives des douanes anciennes de Chine. Beijing. Jinghua. 2001. Vol. II. (中国历
史第二档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料,02卷》,北京:京华出
版社,2001年)
P53-78 1865上海转口丝与内产丝出口到英国与法国情况
P291 P319 1865广东大部分生丝经由香港出口
P449-469 1865烟台出口丝织品
P555-585 1866年上海出口生丝
P847-895 1866年广州出口生丝

Archives nationales de Chine (Deuxième) et le bureau général de la douane de Chine.


Les archives des douanes anciennes de Chine. Beijing. Jinghua. 2001. Vol. III. (中国
历史第二档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料,03卷》,北京:京华
出版社,2001年)
P51-62 P225 1867 广州生丝出口
P153-197 1867上海向英法生丝出口量
P424 1867烟台出口到上海
P526 1868上海向英法生丝出口量
P531 P540 1868广州出口生丝

Archives nationales de Chine (Deuxième) et le bureau général de la douane de Chine.


Les archives des douanes anciennes de Chine. Beijing. Jinghua. 2001. Vol. IV. (中国历
史第二档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料,04卷》,北京:京华出
版社,2001年)
P21 P45 1869上海向英法生丝出口量
P49 P59 1869广州向英法生丝出口量
P307 P325 1870 上海向英法生丝出口量
P329 P339 1870广州生丝出口
P581 P600 1871 上海生丝出口
P605 P615 1871 广州生丝出口

Archives nationales de Chine (Deuxième) et le bureau général de la douane de Chine.


Les archives des douanes anciennes de Chine. Beijing. Jinghua. 2001. Vol. V. (中国历
史第二档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料,05卷》,北京:京华出
版社,2001年)
P31-51 1872 上海生丝对外出口量
P59-71 1872广州

494
P223 1868-1872烟台生丝出口量
P309 P331 1873上海
P337 P353 1873 广州
P537 P551 1869-1873烟台
P627 P649 1874 上海
P655 P671 1874 广州

Archives nationales de Chine (Deuxième) et le bureau général de la douane de Chine.


Les archives des douanes anciennes de Chine. Beijing. Jinghua. 2001. Vol. VI. (中国
历史第二档案馆,中国海关总署办公厅: 《中国旧海关史料,06卷》,北京:京华
出版社,2001年)
P29 P59 1875年上海生丝出口英美量
P65-79 1875 广州
P359 P381 1876年上海生丝出口英美量
P387 P401 1876年广州生丝出口

Archives nationales de Chine (Deuxième) et le bureau général de la douane de Chine.


Les archives des douanes anciennes de Chine. Beijing. Jinghua. 2001. (中国历史第二
档案馆,中国海关总署办公厅:《中国旧海关史料,07卷》,北京:京华出版社,
2001年)
P75 P89 1873-1877 烟台生丝出口量
P177 P199 1877 上海生丝向英法出口生丝量
P345 P359 1877 广州出口生丝量
P469 P483 1874-1878烟台生丝出口
P585 P611 1878 上海生丝出口
P755 P770 1878 广州生丝出口

Archives nationales de Chine (Deuxième) et le bureau général de la douane de Chine.


Les archives des douanes anciennes de Chine. Beijing. Jinghua. 2001.Vol,VIII-
LXVI(中国历史第二档案馆,中国海关总署办公厅:《中国旧海关史料》,北京:
京华出版社,2001年)
各国航船数1866-1913
中法贸易量1905-1914
中国向各国出口丝量1904-1914

Archives nationales de Chine(deuxième) : Collection des archives pendant l’époque de


la République de Chine. Nanjing. Editions de Phénix. 1991. Vol 3. Gouvernement de
Beijing. Section d’éducation. P.98-100. (中国第二历史档案馆:《中华民国史档案资
料汇编·第三辑北洋政府·教育》,南京:凤凰出版社,1991年,第98-100页)

Archives municipales de Shanghai(Shanghai)上海市档案馆(上海)

Archives Municipales de Shanghai. De la Chambre de commerce de soies à l’Union

495
de l’industrie de la soie----l’Evolution de l’Union de marchands de soies à Shanghai.
Collection des mémoires sur les Chambres de commerce et les Unions de marchands
à Shanghai. Shanghai. Editions de l’Académie des sciences sociales de Shanghai.
2011. Vol 1. (上海市档案馆:从丝业会馆到缫丝业同业会----浅析近代上海缫丝
也同业团体变迁,《上海会馆史研究论丛第一辑》收录,上海社会科学院出版
社,2011年)

Archives municipales de Shanghai. B168-1-798. Les enquêtes des Unions de


marchands et des Chambres de commerce de l’industrie de la soie à Shanghai. 22 août
1950. (上海市档案馆:上海丝业会馆填报调查表,1950年8月22日,档号 B168-
1-798。)

Archives municipales de Shanghai. S37-1-9, les règles de la Chambre générale de


commerce des filatures et des cocons de Shanghai. septembre 1915. (上海市档案
馆:上海丝厂茧业总公所章程,1915年9月,档号 S37-1-9。)

上海市档案馆:上海市缫丝工业同业公会档,S37-1-96,第90号。 Archives
municipales de Shanghai. L’Union des industriels des Filatures mécaniques de
Shanghai. S37-1-96. n°90.

Archives municipales de Shunde(Shunde) 顺德县档案馆(顺德)


Les Archives de Shunde. Les Annuaires de la commune de Shunde. Vol. 10. Divers 9.
(顺德区档案馆:万历《顺德县志,》,卷10, 《杂志》第9)

Archives provinciales de Zhejiang(Hangzhou)浙江省档案馆(杭州)


Archives de la province de Zhejiang. Annuaires de Huzhou pendant le règne de
Tongzhi. Vol. 31. 1874. (浙江省档案馆:同治《湖州付志》,同治十三年,卷三十
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2 Publications

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Annuaires de Junan de la préfecture de Shunde. Fonds de la bibliothèque de
Zhongshan. (《顺德均安志》,第37页,中山图书馆馆藏资源)
Annuaires de l’industrie de la soie de Shanghai. Shanghai. Editions de l’Académie
des sciences sociales de Shanghai. 1998.(《上海丝绸志》,上海:上海社会科学院
出版社,1998年)
Annuaires de la préfecture de Nanhui. 2009. Vol 20. Photocopies du bureau des
Annuaires locaux de l’arrondissement de Pudongde Shanghai. (民国《南汇县续志》,
卷二十,2009年,上海市浦东新区地方志办公室影印。)
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Annuaires de Wuxi. Nanjing. Editions des peuples de Jiangsu. (《无锡县志》第二
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