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La révolution « Femme, Vie, Liberté »

Dessins de presse de
Kianoush Ramezani et de Mana Neyestani

Depuis l’arrestation et la mort de Jina Mahsa Amini, l’Iran connaît une révolution sans
précédent. Cette exposition présente une sélection de dessins de Kianoush Ramezani et
de Mana Neyestani, deux dessinateurs de presse iraniens en exil en Europe qui couvrent
l’actualité iranienne par des dessins quasi-quotidiens et nous invitent ainsi à entrer en
dialogue avec les Iraniennes et les Iraniens qui se battent depuis un an et demi pour
vivre libres.

Les mots Femme, Vie, Liberté résonnent à bien des égards en écho à notre devise
républicaine Liberté, Égalité, Fraternité. Ils constituent un étendard humaniste susceptible
d’éveiller nos consciences car nous sommes tous concernés quand il s’agit, pour nos
frères et nos sœurs en humanité, de combattre l’injustice et la tyrannie partout dans le
monde.

L’exposition retrace les débuts de la révolution « Femme, Vie, Liberté » et la manière


dont ce mouvement inédit s’inscrit dans l’histoire récente de l’Iran contemporain. Elle
évoque les gestes que la population iranienne a fait siens depuis septembre 2022 et
certaines des personnalités devenues d’autant plus populaires qu’elles ont soutenu
publiquement la révolution de Mahsa.

Un second temps est consacré à la nature répressive d’un régime totalitaire qui a tenté
de contrôler tous les domaines de la vie et jusqu’à l’intimité de la population. En vain et
son tyran en chef est celui dont on se moque le plus volontiers.

Face à l’oppression, qu’elle soit religieuse ou militaire, les Iraniennes et les Iraniens se
servent du rire comme d’une arme qui permet d’inverser le rapport de force. C’est la
malice et la modernité que l’on a vu à l’œuvre dans ce formidable mouvement qui sont au
cœur de cette exposition. Rire haut et fort à la barbe de qui veut les régenter, voilà l’arme
suprême des esprits libres.

Commissariat d’exposition :
Iris Farkhondeh
Laurent Garreau
Simon Cau
Kianoush Ramezani
Né en 1973 à Rasht au nord de l’Iran, Kianoush
Ramezani est un artiste militant réfugié politique qui vit
entre la France et la Finlande. Il a été contraint de quitter
son pays pour la France en décembre 2009, après avoir
apporté son soutien artistique et politique au mouvement
vert qui dénonçait la fraude électorale du clan
Ahmadinejad.

Il prononce en 2014 un discours TEDx intitulé « Cartooning : l'art du danger », quelques


mois avant l'attaque terroriste contre Charlie Hebdo. En 2015, il fonde l’association
internationale United Sketches qui milite pour la liberté d'expression et soutient les
caricaturistes en exil.

Il a présidé en 2018 le jury international du Prix Mémorial coorganisé par le Mémorial de


Caen, United Sketches et Siné mensuel.

Aujourd’hui, ses caricatures sont publiées dans les médias suivants : Courrier
International, La Croix, Arte, Franc-Tireur, Iran Human Rights, The Guardian...
Il est le dernier lauréat du prix LiberPress (2022).

Mana Neyestani
Né à Téhéran en 1973, Mana Neyestani a suivi
des études d’architecture en Iran, avant
d’entamer dès 1990 une carrière de dessinateur
et d’illustrateur, publiant de nombreux dessins
parus dans des magazines culturels, politiques,
littéraires et économiques. Avec l’émergence des
journaux iraniens réformateurs en 1999, il se
lance dans le dessin de presse.

Mana Neyestani est emprisonné en 2006 pour l’un de ses dessins. Il vit aujourd’hui à
Paris où il a bénéficié d’une résidence de l’ICORN (réseau international des « villes
refuges »).

Il est l’auteur des ouvrages suivants, traduits en français, Une métamorphose iranienne
(2012), Tout va bien ! (2013), Petit manuel du parfait réfugié politique (2015) et
L’araignée de Mashhad (2017). En mars 2023, il a publié sa première œuvre de fiction
intitulée Les oiseaux de papier.

Il a reçu de nombreux prix internationaux dont le Prix international du dessin de


presse en 2012.
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Jina Mahsâ Amini et la révolution « Femme, Vie, Liberté »

1 - Mana Neyestani 2 - Mana Neyestani 3 - Kianoush Ramezani


Mahsâ Amini Ceci n'est pas un tableau Pour Mahsâ Amini

Arrêtée le 13 septembre 2022 par la police des mœurs pour un voile « mal mis », battue
au point de tomber dans le coma, Jina Mahsâ Amini décède le 16 septembre. Lors de
ses funérailles, le 17 septembre à Saqqez, au Kurdistan iranien, des femmes enlèvent
leurs voiles et scandent le slogan kurde « jan, jiyan, âzâdi », qui sera repris en persan
partout en Iran au son de « zan, zendegi, âzâdi », « femme, vie, liberté ». Jina Mahsâ
Amini devient malgré elle l’icône de la révolution dite de Mahsâ.

La mort d’une jeune femme de 22 ans ouvre pour de bon les vannes de la colère de la
population iranienne contre l’arbitraire d’un régime symbolisé par un petit personnage de
barbu enturbanné, interdit (dessin 1) ou aux abois (dessin 3), désarmé de ses deux
attributs, une arme à feu et un rosaire (le régime islamique iranien que l’on présente
souvent comme une théocratie est en réalité un régime militaro-théocratique, une sorte
d’ovni politique à la structure complexe).

4 - Mana Neyestani
Tous ensemble

Le dessin 4, intitulé « Tous ensemble » semble illustrer l’un des slogans de la révolution
de Mahsâ, « la révolution ne se fera pas derrière vos fenêtres », invitant les personnes
qui observent de loin les évènements à rejoindre dans la rue ceux qui y manifestent. Il dit
l’unité nécessaire pour pouvoir inverser le rapport de force et voir enfin fleurir les roses de
l’espoir.

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5 - Mana Neyestani 6 - Kianoush Ramezani
Saqqez, Le tourbillon La Révolution Femme, Vie, Liberté

À l’occasion des commémorations de fin de deuil, pratiquées en Iran au quarantième jour


après la mort d’un être cher, une foule innombrable prend le 26 octobre le chemin de
Saqqez pour se réunir sur la tombe de Mahsâ. Mana Neyestani s’inspire dans le dessin 5
de la photographie d’une jeune femme reproduite dans la presse partout dans le monde.

Photographiée de dos, juchée sur le toit d’une voiture, tête nue, elle observe le cortège
qui s’étend à perte de vue et qui lui inspire un geste de victoire. Dans ce dessin, la foule
réunie produit un tourbillon qui fait voler en éclats le symbole qui se trouve au centre du
drapeau officiel de la « république islamique d’Iran », le mot « Allah » stylisé.

7 - Mana Neyestani 8 - Mana Neyestani 9 - Mana Neyestani


La mobilisation des femmes Le lancer La coupe

Dès l’annonce de la mort de Mahsâ, de nombreuses femmes se coupent les cheveux en


public et sur les réseaux (dessins 7 à 9). Ce geste dit tout à la fois la colère, la tristesse,
le deuil, la résistance et le refus de l’objectivation du corps des femmes qui veulent vivre
leur vie librement.

La révolution de 2022 est sans précédent depuis l’instauration de la « république


islamique » en 1979. Il ne s’agit pourtant pas du premier mouvement de révolte des
Iraniens. Les femmes iraniennes et les étudiants iraniens, notamment, ont maintes et
maintes fois dit leur refus du régime islamique.

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12 - Mana Neyestani
1979 - Refus de se soumettre
Non au voile obligatoire
à l'obligation du voile

Le dessin 12 s’inspire de trois photos célèbres de femmes iraniennes tenant tête au


régime pour refuser l’obligation du voile islamique. Dès 1979, des femmes disent haut et
fort qu’elles n’entendent pas se soumettre à cette injonction.
En mai 2014, la journaliste Masih Alinejad fonde le mouvement « My stealthy freedom »,
« ma liberté furtive ». Elle invite des Iraniennes à enlever pour quelques instants leur
voile et à se filmer cheveux au vent. En décembre 2017, la photo de Vidâ Movahed,
juchée tête nue, au cœur de Téhéran, sur une boîte de distribution électrique, agitant un
voile blanc au bout d’un bâton, fait le tour du monde. Elle sera arrêtée.
En 2022, une jeune fille aux cheveux décolorés grimpe sur une voiture pour que son
geste soit bien visible : elle met le feu à son voile. Dans le dessin de Mana, son voile
blanc semble prendre le relais de celui de Vidâ.

On ne compte plus les images de femmes iraniennes jetant leur voile au feu après la
mort de Mahsâ. Déjà en 2018, à l’occasion de la fête du feu qui a lieu juste avant
Nowrouz au printemps, des jeunes filles se filmaient de dos jetant leur voile au feu mais
en 2022, ces images deviennent innombrables et le geste se fait plus franc, déterminé.

11 - Kianoush Ramezani 13 - Kianoush Ramezani


Femmes iraniennes Femmes, Vie, Liberté

Le dessin 11 de Kianoush figure une jeune femme criant sa colère de tout son être,
juchée sur la tête d’un épouvantail symbolisant le bras armé du régime. Il dit
l’impuissance d’un régime qui ne s’est maintenu jusqu’ici que par la répression mais il dit
surtout la fin de la peur. Le dessin 13, de Kianoush également, montre une jeune femme
dont les images sont devenues virales. On la voit dans une vidéo, toute de blanc vêtue,
jeter son voile après avoir virevolté d’une danse joyeuse devant une foule réunie dans la
ville de Sâri dans le nord du pays. Dans ce dessin, c’est dans le feu du turban d’Ali
Khamenei qu’elle jette son voile. Le « guide suprême de la révolution islamique » tient le
pays depuis 1989, succédant à l’ayatollah Khomeyni, premier « guide suprême » de la
«république islamique», de son instauration en février 1979 jusqu’à sa mort.
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Résistances individuelles et collectives

14 - Mana Neyestani 15 - Mana Neyestani 16 - Mana Neyestani 17 - Mana Neyestani


Voria Ghafouri Elnâz Rekâbi Toomaj Salehi Fatemeh Sepehri

La révolution de Mahsâ part de la mort d’une jeune femme qui était initialement une
anonyme. Les foules réunies disent l’engagement de chacun et l’envie de faire nation par
delà la peur. De très nombreuses personnalités prennent position publiquement et
s’inscrivent ainsi dans la révolution de Mahsâ. Si les inconnus risquent bien plus, la
célébrité n’est pas un gage de sureté et l’on ne compte pas les artistes, les sportifs, les
juristes, les journalistes etc. qui sont détenus à la prison d’Evin, tristement célèbre pour
avoir vu défiler de nombreuses générations de prisonniers politiques.

Pour avoir concouru sans voile aux championnats d’Asie d’escalade à Séoul le 16 octobre
2022, Elnâz Rekâbi (dessin 15) disparaît quelques jours avant d’être rapatriée en Iran. Elle
est amenée à dire devant la presse officielle qu’elle n’avait pas retiré son voile de façon
«intentionnelle». Elle aurait été menacée de représailles sur ses proches, un moyen auquel
le régime a régulièrement recours.

En référence à la visite que rend l’équipe de foot iranienne au président Ebrahim Raïssi
avant de partir au Qatar pour la coupe du monde 2022, Mana Neyestani montre dans le
dessin 14 une équipe de foot dont chaque joueur se prosterne devant le président ; alors
que dans les gradins, les supporters se détournent du stade pour se réjouir de voir le
portrait de Voria Ghafouri. Originaire de Sanandaj au Kurdistan iranien, ce joueur est forcé
de quitter son équipe dès juillet 2022 pour ses critiques envers le régime. Il est arrêté et
détenu plusieurs jours au mois de novembre 2022.

Parmi les célébrités qui ont joué un rôle majeur dans la révolution de Mahsâ, le rappeur
Toomaj Salehi (dessin 16). Il avait été arrêté une première fois en septembre 2021 pour
son engagement puis le 30 octobre 2022 pour sa participation aux manifestations. Il a joué
un rôle immense pour faire tomber le mur de la peur parmi la jeunesse iranienne qui tient
énormément à lui. Libéré sous caution le 19 novembre 2023, il est de nouveau emprisonné
le 30 novembre pour avoir dit sans détour, durant ses quelques jours de liberté, les tortures
qu’il avait subies en prison.

Veuve d’un « martyr » de la guerre Iran-Irak (1980-1988), Fatemeh Sepehri (17) signe en
2018, avec 13 autres dissidents, un texte demandant la démission de Khamenei du poste
de guide, puis l’abolition pure et simple de la république islamique et l’instauration d’une
démocratie laïque. Arrêtée en août 2021 et de nouveau le 21 septembre 2022, elle est
mise à l’isolement en octobre 2022 à Mashhad dans un centre tenu par des « gardiens de
la révolution ». Opérée du cœur à l’automne dernier, elle demeure en détention. Son état
de santé s’est fortement dégradé depuis la fin décembre. 7
10 - Mana Neyestani 18 - Mana Neyestani
Pour Khodanour Lajei Mashallah Karami

Mana Neyestani dédie le dessin 10 à Khodanour Lajei, un manifestant du sud-est iranien,


tué durant le massacre de Zahedan, le 2 octobre 2022. La position dans laquelle il avait
été supplicié, attaché à un poteau et privé d’eau, a été mimée partout en Iran et au delà
dans la diaspora pour dénoncer le calvaire auquel il avait été soumis. Pour lui rendre
hommage, parce qu’il était un excellent danseur, des Iraniennes et des Iraniens ont
dansé à la manière de Khodanour devant la tour de la liberté à Téhéran.

Mashallah Karami (dessin 18) a été arrêté le 22 août dernier parce qu’il continuait à
chérir la mémoire de son fils Mohammad Mehdi Karami, un manifestant de 22 ans,
exécuté le 7 janvier 2023. Le jeune homme avait dit quelque temps auparavant à son
père : “Papa, c’est à la mort qu’ils me condamnent, ne dis rien à maman”. Le fils de
Mashallah Karami a été exécuté le même jour que Mohammad Hosseini qui n’avait
personne. Mashallah lui a donné une sépulture et l’a pleuré lui aussi comme un fils.

22 - Mana Neyestani 23 - Mana Neyestani


Armita Garavand L’appel de la rose

Le 1er octobre dernier, la jeune Armita Garavand, 16 ans, tombe dans le coma, après une
altercation musclée dans le métro pour non port du voile obligatoire. On la savait en état
de mort cérébrale depuis le 12 octobre mais ce n’est que le 28 octobre que la nouvelle de
sa mort est rendue officielle. Ses proches n’ont pas eu l’autorisation de lui rendre visite à
l’hôpital. Un jour que son père lui disait de faire attention à elle parce qu’elle sortait sans
voile, Armita lui répondit : “sache qu’un jour mes cheveux feront ta fierté”.

Mana Neyestani la représente ici dans la gueule d’un serpent qui sort de l’une des épaules
de Khamenei. Les Iraniens comparent très souvent le “guide suprême” à Zahâk, ce
personnage du Livre des Rois de Ferdowsi qui devait donner chaque jour deux jeunes
gens à manger aux serpents juchés sur chacune de ses épaules.
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19 - Mana Neyestani 20 - Mana Neyestani 21 - Kianoush Ramezani
Saeed Roustaee Le barrage Cinéma iranien

Le régime iranien ne se montre créatif que pour réprimer sa population. La répression ne


saurait avoir raison toutefois de l’aspiration des Iraniens à vivre libres. Le dessin 20
montre un barrage qui craquèle et qui ne manquera pas de céder : le guide finira tôt ou
tard par se noyer dans la rivière de sang qu’il fait couler.

Pour contourner la censure, les cinéastes iraniens tels que Jafar Panahi, Mohammad
Rasoulof et Saeed Roustaee se montrent sans cesse plus créatifs pour dire les travers
de la société iranienne. En août dernier, le réalisateur Saeed Roustaee (dessin 19) est
condamné à six mois de prison et interdit de faire des films durant cinq ans. Cette
condamnation fait suite à la projection de son film “Leila et ses frères” au Festival de
Cannes en 2022.

Parmi les actrices engagées, Taraneh Alidoosti et d’autres encore ne sont plus
autorisées à jouer dans des films depuis qu’elles se sont montrées publiquement sans
voile. L’un des plus grands réalisateurs iraniens, Dariush Mehrjui a été assassiné à l’âge
de 83 ans en octobre dernier. La population iranienne est persuadée que le régime est
responsable du meurtre de cet artiste engagé.

Le guide ne tient qu’à un fil

24 - Mana Neyestani 28 - Kianoush Ramezani


L’exécution des Kurdes A cheval sur la faucheuse

La section de l’exposition consacrée à la nature répressive et totalitaire du régime


débute avec un dessin intitulé l’exécution des Kurdes (24). La république islamique fait
payer le prix fort aux Kurdes iraniens qui résistent. Pour ne donner que deux noms (mais
il y en aurait hélas bien d’autres), les prisonniers politiques kurdes Mohayeddin Ebrahimi
et Himan Mostafayi ont été pendus le 17 mars et le 21 juin 2023.

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25 - Kianoush Ramezani 26 - Kianoush Ramezani 27 - Kianoush Ramezani
Le guide Croqueur croqué Hilare

La première œuvre de ce triptyque (25) montre un guide creux, inconsistant, qui n’est
qu’une corde de potence entortillée. Sur la seconde, Croqueur croqué (26), on voit le
dessinateur lui-même, Kianoush Ramezani, travaillant à sa table de dessin installée
dans la gueule du guide. Ce dessin dit avec force l’envie de vivre sa vie et de défendre
la liberté de création envers et contre tout, même et peut-être surtout quand on subit la
censure d’un régime totalitaire. Quant au « guide suprême », il n’est hilare que quand il
fait croître des cordes de potence (27).

31 - Kianoush Ramezani 30 - Kianoush Ramezani


Elections du président Raïssi Ce que valent les votes en Iran

32 - Kianoush Ramezani 33 - Kianoush Ramezani


Elections iraniennes Elections iraniennes

Dans les dessins 30 à 33, Kianoush Ramezani donne à voir toute l’absurdité des
élections iraniennes. Tous les quatre ans, les Iraniens sont appelés à voter pour un
président mais le « guide suprême » a son mot à dire sur les candidats qui sont
présélectionnés. Le président n’a qu’un rôle minime dans la structure du régime,
l’homme fort étant le guide qui verrouille le pays. Le groupe paramilitaire des « gardiens
de la révolution » dépend directement de lui.

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35 - Kianoush Ramezani 36 - Kianoush Ramezani
Propagande du guide sur Twitter La chasse au WiFi

Les Iraniens ont pris l’habitude durant ces 45 dernières années de mener une double vie.
Chez eux, ils dansent, boivent et font la fête. Au dehors, ils se savent sous surveillance et
doivent veiller à ce qu’ils font. La révolution en cours fait voler en éclats cette dichotomie :
elle prend le monde à témoin et crie l’envie de vivre sa vie sans avoir à se cacher alors
même que l’on se sait sous surveillance.

Dans le dessin 35, Kianoush singe le guide qui détourne les moyens modernes selon les
besoins de sa propagande, publiant des messages sur twitter à l’attention des « jeunes
de France » pour tenter de nourrir l’antisémitisme en France et s’adonnant à une
«chasse au wifi » (36) quand la jeunesse iranienne veut mettre en ligne les informations
sur les manifestations en cours.

29 - Kianoush Ramezani 34 - Mana Neyestani 37 - Mana Neyestani


Le guide pas vraiment suprême Les cartes se tirent Sur le seuil

Les dessins 29 et 34 figurent un guide vacillant posé nonchalamment sur une arme à feu
ou bien juché sur un château de cartes qui s’effondre. Mana a choisi pour le dessin 35 le
titre suivant : « sur le seuil ». Les potences innombrables dont Khamenei s’est fait
l’ordonnateur vont inévitablement précipiter sa chute.

En 2022, 582 personnes ont été exécutées, ce qui constituait une hausse de 75%. En
2023, il y aurait eu au moins 834 exécutions. Le nombre des exécutions a
particulièrement augmenté depuis la date du 7 octobre, date du pogrom perpétré par le
Hamas en Israël.
Le dernier manifestant à avoir été exécuté à l’heure où nous écrivons ces lignes avait 23
ans : Mohammad Ghobadlou a été pendu le 23 janvier 2024.

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38 - Mana Neyestani 39 - Mana Neyestani 40 - Mana Neyestani
Reza Saghati La chasteté Sous tension

L’homosexualité est passible de peine de mort sous le régime islamique iranien. Et


pourtant, quand éclate en juillet dernier l’affaire de la sextape de Reza Saghati, le « chef
des Affaires religieuses et morales du Guilan » (nord de l’Iran), ce dernier est simplement
licencié. Le dessin 38 montre cette différence de traitement entre les homosexuels
anonymes et ceux qui, comme Saghati, sont protégés par les robes saintes du guide.

41 - Mana Neyestani 42 - Mana Neyestani 43 - Mana Neyestani


Asseyez-vous donc ! Il a peur Même pas peur !

Sous des dehors qui paraissent inébranlables, le régime est une coquille vide dans
laquelle se perd un guide tout riquiqui (dessin 42). Quand une jeune femme déterminée
approche, tête nue, pour sonder son pouvoir, elle le trouve tapi dans l’obscurité : « il a
peur ».
Le rire suprême

44 - Mana Neyestani 45 - Mana Neyestani 46 - Mana Neyestani


Piétiner Salami Mon autorité est complète

Alors que le régime iranien essaie de faire en sorte que la population piétine le drapeau
d’Israël, les gens le contournent pour ne pas le souiller. Dans le dessin 44, ils piétinent
bien plus volontiers qui voudrait les voir dupes de cette idéologie « anti-sioniste ».

Le 29 octobre 2022, le général Hossein Salami (dessin 45), chef des « gardiens de la
révolution » appelle les manifestants à « arrêter la fronde ». Dans le contexte de
bouillonnement intense que vit l’Iran et alors que la jeunesse iranienne n’a plus peur, ses
menaces inopérantes provoquent les éclats de rire. Alors même qu’ils se battent au péril
de leurs vies, les jeunes iraniens brandissent l’humour comme arme suprême.
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47 - Mana Neyestani
Les écolières

Si la révolution de Mahsâ a été initiée par des jeunes de 16 ans et plus, très vite de
jeunes écolières ont rejoint le mouvement, se prenant en photo de dos, les cheveux
défaits, brandissant un doigt d’honneur face au portrait du guide que l’on trouve dans
toutes les salles de classe au dessus des tableaux noirs (dessin 47). Elles vont jusqu’à
arracher son portrait pour placarder à la place le slogan « Femme, Vie, Liberté ». Elles
arrachent sa photo de leurs livres de classe et se filment sautant dessus à pieds joints.

Dès le mois de novembre 2022, on constate des intoxications au gaz dans des écoles de
filles. Plus de 5000 jeunes filles, des écolières, des lycéennes, des étudiantes, ont été
victimes de ces empoisonnements au gaz. En avril 2023, les parents se relaient pour
monter la garde devant les écoles afin que leurs filles puissent suivre les cours.

48 - Mana Neyestani 49 - Mana Neyestani


Défroqué Prison d'Evin

La résistance se poursuit même depuis la prison, notamment depuis la prison la plus


célèbre d’Iran, celle d’Evin (dessin 49). Des femmes détenues signent des pétitions,
organisent des sitting, font des grèves de la faim. Même derrière les murs épais de la
prison, leur détermination fait d’elles d’immenses femmes puissantes alors même que la
répression fait rage.

Depuis l’exécution de Mohammad Ghobadlou le 23 janvier 2024, 61 femmes prisonnières


ont commencé une grève de la faim pour dénoncer les exécutions. Toomaj Salehi a lui
aussi rejoint cette protestation.

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50 - Kianoush Ramezani 51 - Kianoush Ramezani 52 - Kianoush Ramezani
Merci Charlie Salman Rushdie La musique est une arme

Le concours des caricatures du guide initié l’année dernière par Charlie Hebdo a
rencontré un vif succès et des Iraniens de par le monde y ont participé, y compris des
Iraniens vivant en Iran. La caricature que « Ghalamfarsa » a dessinée de Khamenei
depuis l’Iran, une fois publiée par Charlie Hebdo, a été reprise par les manifestants
iraniens. Le dessin de Kianoush qui montre à quel point la musique peut faire mal aux
fesses de certains (52) a été publié dans le fameux numéro de Charlie du 4 janvier 2023.

53 - Mana Neyestani
Non aux mollahs

Le dessin 53, signé par Mana, illustre le véritable sport national qu’est devenu le lancer
de turbans en Iran où on a vu se multiplier des vidéos de jeunes gens, des garçons et
des filles, décoiffant des dignitaires religieux du turban qu’ils arborent.

54 - Kianoush Ramezani
Lieu d'aisance

Dans le dessin 54, daté du 3 octobre 2022, Kianoush fait du turban du guide le lieu
d’aisance des femmes iraniennes modernes. Ce dessin de Kianoush a connu un vif
retentissement en Iran où il a été repris dans les manifestations.

14
Liberté, Liberté, Liberté !

55 - Kianoush Ramezani 56 - Kianoush Ramezani


Ailes se déploient Liberté, Liberté, Liberté !

« Azadi, azadi, azadi », « liberté, liberté, liberté » est le slogan le plus souvent scandé par
les Iraniennes et les Iraniens.

57 - Mana Neyestani 58 - Kianoush Ramezani 59 - Kianoush Ramezani


Narges Mohamadi Victorieuse Pour Atena Farghadani

Le 6 octobre dernier, le prix Nobel de la Paix était décerné à Narges Mohammadi. Elle
n‘a de cesse, depuis des années, de se battre pour l‘abolition de la peine de mort.
Arrêtée une première fois en 1998, elle a séjourné plusieurs fois à la prison d‘Evin où elle
se trouve aujourd‘hui encore. Elle publie régulièrement, depuis la prison, des textes pour
pour soutenir la révolution « Femme, Vie, Liberté » et pour dénoncer haut et fort les
exécutions. Infatigable militante des droits humains, elle est de celles que l‘on qualifie en
persan de « femmes lionnes ».

En juin dernier, Kianoush publie le dessin 59 dans La Croix, en hommage à sa consœur,


la dessinatrice Atena Farghadani. Arrêtée le 7 juin pour une caricature publiée en ligne,
elle a dû être transférée en soins intensifs le 21 juin. Elle est toujours détenue à ce jour.

60 - Mana Neyestani
We can do it ! Femme, Vie, Liberté.

Le dernier dessin de notre exposition est un dessin de Mana Neyestani reprenant la célèbre
affiche « We can do it » de J. Howard Miller publiée en 1943, il y a un peu plus de 80 ans.

Textes : Iris Farkhondeh, Laurent Garreau, Simon Cau


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Le commissariat de l’exposition La révolution «Femme, Vie, Liberté ». Dessins de presse de
Kianoush Ramezani et de Mana Neyestani est assuré par Iris Farkhondeh, Simon Cau et
Laurent Garreau de Garromedia (association fondatrice du Festival Nouvelles Images Persanes),
sur une invitation du Grand Orient de France et du Musée de la franc-maçonnerie. Elle a pour
objet de montrer le travail de deux grands dessinateurs de presse, Kianoush Ramezani et Mana
Neyestani qui, par leurs dessins, donnent à entendre les voix des Iraniennes et des Iraniens.

D’abord porté par la ville de Guingamp, en la personne de son maire, Philippe Le Goff, et
l’ensemble de ses équipes, en partenariat avec le Conseil Citoyen de Guingamp Paimpol
Agglomération, cette exposition a été rendue possible par l’indéfectible engagement de Mana et
de Kianoush qui témoignent d’une liberté de parole et de conscience, y compris dans l’évocation
de leur parcours d’exil, avec un courage et un franc-parler qui suscitent admiration et
reconnaissance. Par leurs œuvres et par leurs parcours, ils nous rappellent l’importance de la
fraternité en cette époque troublée.

Les commissaires de l’exposition remercient chaleureusement le Grand Maître Guillaume


Trichard d’accueillir l’exposition au sein du GODF, honorés qu’ils sont par cette invitation, ainsi
que l’ensemble de l’équipe du musée de la franc-maçonnerie pour leur concours précieux.

Ils remercient également Arnaud Philippe et son équipe au sein d’Armor Enseignes Création pour
le tirage des œuvres.

Cette exposition est un hommage à toutes les victimes de la répression sanglante qui sévit
en Iran depuis plus d’un an, et plus particulièrement à Jina Mahsa Amini, lauréate du prix
Sakharov 2023 à titre posthume, et à Armita Garavand.

Elle est dédiée aux Iraniennes et aux Iraniens qui se battent pour leurs libertés et pour le droit de
vivre leur vie, aux artistes, aux défenseurs des droits, aux journalistes emprisonnés et notamment
à Narges Mohammadi (prix Nobel de la Paix 2023, prix Olof-Palme 2023 et prix Sakharov 2018),
aux journalistes Niloufar Hamedi et Elaheh Mohammadi (lauréates avec Narges Mohammadi
du Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO 2023). Emprisonnées dès septembre 2022
pour avoir couvert l’hospitalisation de Jina Mahsa Amini ainsi que ses obsèques, elles ont été
libérées le 15 janvier 2024 dans l’attente de leur procès en appel.

Nous la dédions également à Atena Farghadani, dessinatrice iranienne (prix Václav-Havel 2016)
arrêtée le 7 juin 2023 pour une caricature publiée en ligne sur les réseaux sociaux. Elle avait été
arrêtée une première fois en 2014 et avait passé alors près de deux ans en prison.

Enfin à tous les proches des victimes, pour certains emprisonnés à leur tour simplement pour
avoir continué à porter la mémoire d’un fils, d’une fille, d’un frère, d’une sœur… tués pour avoir
tenu tête au régime islamique iranien et avoir dit leur souhait de vivre libres.

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