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Journal de pensées semaine 5

Avant le cours
Dans le chapitre XII de la troisième partie, Tocqueville soutient que les hommes et les
femmes sont égaux en Amérique, mais qu’ils ont des destinées différentes. Les
différences physiques et morales entre les sexes ont poussé les Américains à leur attribuer
à chacun des tâches propres. Par exemple, les femmes s’occupent de la famille et les
hommes de la politique, ou des rudes travaux sur le terrain: « Vous ne voyez point
d’Américaines diriger les affaires extérieures de la famille, conduire un négoce, ni
pénétrer la sphère politique ; mais on n’en rencontre point non plus qui soient obligées de
se livrer aux rudes travaux du labourage ni à aucun des exercices pénibles qui exigent le
développement de la force1. »

Le philosophe estime cette différenciation des sexes et la préfère à une tendance


européenne de son époque à les voir comme semblables et donc à leur accorder des droits
et des devoirs similaires : « On peut aisément concevoir qu’en s’efforçant d’égaler ainsi
un sexe à l’autre, on les dégrade tous les deux ; et que de ce mélange grossier des œuvres
de la nature il ne saurait jamais sortir que des hommes faibles et des femmes
déshonnêtes2. » Il soutient même que la prospérité du pays provient « de la supériorité de
ses femmes3. »

Enfin, ce chapitre a très mal vieilli. Je suis évidemment en désaccord avec Tocqueville,
bien que les hommes et les femmes soient différents, ils sont tout aussi compétents pour
la politique, ou pour s’occuper d’une famille. Leurs différences sont trop tenues pour
favoriser un sexe sur l’autre dans ces domaines. On le voit très bien dans le monde autour
de nous. Je suis déçu que le penseur n’ait pas compris la grandeur de ces mouvements
européens et l’influence qu’ils allaient avoir sur les États-Unis par après. Un bon coup
des Américains me semble justement d’avoir avancé ces idées progressistes durant les
deux premières vagues féministes, surtout dans le milieu militant. Bref, Tocqueville
aurait dû prévoir que l’égalité des conditions allait continuer dans le domaine des sexes

1
Alexis De Tocqueville, De la Démocratie en Amérique II, Paris, Gallimard, 1961, p. 292.
2
Ibid., p. 292.
3
Ibid., p. 296.
aux États-Unis, que ces mouvements européens allaient toucher le nouveau pays, en
même temps, il a tellement prévu qu’il a droit à l’erreur.

Après le cours

Durant le cours, nous avons parlé beaucoup de la mobilité des places en démocratie et du
caractère angoissant du choix. De fait, puisqu’il n’y a plus de classes sociales aussi
solidement préétablies, que chacun est semblable, l’homo-démocraticus se voit obligé de
prendre sa place dans la société. Il en vient à devoir choisir entre plusieurs options de
carrières, de femmes, ou de maisons. Ce sont des choix angoissants qui définissent
souvent notre futur et qui rendent probablement les gens en démocratie plus stressés. Tel
que dit pendant la discussion : « Les gens en démocratie aiment avoir le choix, mais ils
n’aiment pas choisir. »

Je le vis moi-même. Il faut que je choisisse les fondements de mon futur, comme une
bonne partie de ma classe, et c’est stressant. En même temps, je vais en philosophie, un
domaine que j’aime de tout mon cœur et cela me rend heureux. Je n’aurais sûrement pas
pu y aller en aristocratie. Mes parents auraient dirigé mon choix de vie et ils ne
m’auraient certainement pas guidé dans une telle direction. Il y a donc quand même une
grandeur au fait de choisir, si on sait ce qu’on veut. D’où vient la nécessité de bien se
connaître en démocratie.

Par contre, une telle tâche est difficile. Comme le soutient Montaigne dans son essai De
l’inconstance de nos actions, nos désirs sont très souvent plus disparates qu’on le pense :
« Nous flottons entre divers avis : nous ne voulons rien librement, rien absolument, rien
constamment4. » En ce sens, l’humain est très bon pour ne pas savoir ce qu’il veut. Ses
ressorts le poussent inconsciemment dans des pensées contradictoires. Il ne me semble
donc pas que la démocratie soit toujours adaptée à l’homme et à son cœur, nous sommes
trop indécis. Je pense, par contre, qu’on peut y vivre une belle vie quand même, en
exerçant le dur travail de se connaitre dans sa complexité et d’y trouver certaines passions
à exercer comme métier.

Journal de pensées, semaine 6

4
Michel De Montaigne, Les Essais, Paris, Livre de Poche, 2001, p. 540.
Avant le cours

Dans le chapitre VI de la quatrième partie, Tocqueville soutient que la démocratie


menace le monde d’un nouveau despotisme moins violent et concentré que celui des
tyrans, mais plus sournois : « il serait plus étendu et plus doux, et il dégraderait les
hommes sans les tourmenter5. »

Ce nouveau despotisme est ensuite bien imagé par Tocqueville. Dans la première partie
de sa description, le philosophe le perçoit comme une foule d’humains sans classes qui
agissent peu et pour des petits plaisirs sous un pouvoir tutélaire : « je vois une foule
innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour
se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme 6. » Déjà, cette
image me semble actuelle. Je tourne sur moi-même, en ce sens où je ne fais aucune chose
marquante, vraiment, pour le monde. Je répète mon train de vie quotidien et travaille pour
me procurer des plaisirs vulgaires comme des jeux vidéo. Bon, je fais plus à cause du
certificat, mais c’est, je pense, une échappatoire au doux despotisme de la démocratie.

Je tiens à comparer ce mouvement de l’homme démocratique de tourner sur soi-même


avec ceux que donne Montaigne dans son essai De la présomption : « Chacun regarde
devant soi, moi, je regarde dedans moi : Je n’ai affaire qu’à moi, je me considère, je me
contrôle, je me goûte. Les autres vont toujours ailleurs, s’ils y pensent bien : ils vont
toujours avant, moi, je me roule en moi-même7. » En ce sens, nous différons de l’humain
selon le philosophe et de Montaigne lui-même. Nous tournons sur nous-mêmes, c’est-à-
dire que nous n’allons ni vers l’avant, vers de grandes actions, mais nous n’allons ni vers
nous-mêmes, vers la compréhension de notre complexité. Le quotidien de la vie
démocratique nous enferme dans une existence inactive, mais aussi irréfléchie.

Ce quotidien pour Tocqueville est causé en grande partie par un gouvernement centralisé.
Ce dernier agit déjà pour l’humain, il s’occupe de ses besoins pour qu’il puisse vivre une
vie facile, répétitive, où un travail et la consommation de plaisirs l’occupent : « il [le
gouvernement] pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leur besoin, facilite leurs
plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions,
5
Alexis De Tocqueville, De la Démocratie en Amérique II¸ Paris, Gallimard, 1961, p. 432.
6
Ibid., p. 434.
7
Michel De Montaigne, Les Essais, Paris, Livre de Poche, 2001, p. 1015.
divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine
de vivre8 ? » C’est une vision noire de la démocratie qui est dépeinte, mais je pense
qu’elle cadre au pire qu’on peut y retrouver. J’ai peu de solutions pour la combattre, à
part peut-être d’essayer de rouler en moi-même, comme Montaigne, pour comprendre un
peu plus la complexité humaine et mieux vivre par après. Enfin, pour ce qui est de
comment agir pour éviter d’être inactif en démocratie, la question me dépasse.

Après le cours

Pendant la discussion, Frédérique a parlé du fait que nous valorisons beaucoup l’enfance
aujourd’hui et qu’on en vient à faire moins d’adultes. Les gens restent trop attachés à ces
idéaux de ne pas avoir de responsabilités comme un enfant et s’empêchent d’en acquérir.
C’est une remarque qui m’a beaucoup fait réfléchir. Je pense qu’elle a raison. Moi le
premier, je valorise souvent l’enfance et cette liberté enfantine qu’on retrouve chez
certaines personnes. Il me semble que j’ai tort.

En même temps, il y a quelque chose qui m’énerve dans le mot « adulte ». Il est gris et
beaucoup moins coloré que « enfant ». Il me fait penser à des gens qui se prennent trop
au sérieux, qui sont bêtes. C’est peut-être l’idéal démocratique qui joue dans ma tête et
me pousse à moins aimer ces titres de responsabilité. On est tellement confronté à des
adultes strict et trop autoritaire dans les fictions qui nous entourent. Juste sur netflix, le
format « enfant gentil » contre « adulte méchant » revient souvent, surtout dans les films
pour enfants justement. Je pense à Coraline, par exemple, où la jeune fille s’enfuit de son
monde avec des adultes ennuyants, pour rejoindre un univers où sa mère paraît gentille,
mais est finalement dangereuse.

En tous les cas, Tocqueville m’a beaucoup fait réfléchir au concept de responsabilité en
démocratie. Je pense qu’être un adulte dans un tel système est difficile, parce qu’on est
toujours porté à s’oublier et à vivre sans grandes responsabilités, à se laisser porter par un
système doux et contrôlant. C’est une lecture que j’ai trouvé difficile, parce qu’elle me
confrontait beaucoup, mais que je veux refaire un jour, pour me remémorer les grandes
menaces qu’elle prévient.

8
Alexis De Tocqueville, De la Démocratie en Amérique II¸ Paris, Gallimard, 1961, p. 434.
Journal de pensées, semaine 8

Avant le cours

Dès le prologue, la lecture d’Arendt est bouleversante. Cette idée que l’amélioration de
nos technologies va nous entrainer à vivre une vie de travailleurs sans travail est
terrifiante : « C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaines du travail,
et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour
lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté 9. » Enfin, je crois que la penseuse a
raison, si on enlève les emploies à la population actuelle, la vie leur devient misérable.
J’ai la pandémie en tête où pendant un instant, plusieurs vivaient sans travail et écoutaient
netflix à journée longue.

Le fait qu’Arendt refuse de donner des réponses à ces problèmes, mais préfère
« reconsidérer la condition humaine du point de vue de nos expériences et de nos craintes
les plus récentes10 » est mystérieux. Enfin, on est habitué à une longue réponse après une
problématique exposée dans un prologue. On s’attend à ce que le livre réponde à ce mal.

En même temps, il y a quelque chose de rafraichissant à ce qu’Arendt s’attarde à notre


condition humaine. Comme s’il fallait revenir vers l’essentiel en un temps d’incertitudes
et de nouveautés, « penser ce que nous faisons 11. »

Qu’est-ce que nous faisons ? J’ai hâte de le savoir. La lecture de Tocqueville me fait
penser que l’on ne fait pas grand-chose, que l’on tourne sur nous-mêmes dans une vie
démocratique trop souvent guidée par un pouvoir extérieur. J’ignore si Arendt a le même
point de vue, ou si elle croit l’homme moderne capable d’actions véritables.

Après le cours

9
Hannah Arendt, L’humaine Condition, Paris, Quarto Gallimard, 2012, p. 62.
10
Ibid., p. 62.
11
Ibid., p. 62.
Pendant le cours, nous avons cherché ce qu’était la vie privée dans l’œuvre d’Arendt. Elle
semble être une place dans le monde, où dans notre vie, où l’on se prive des facultés les
plus hautes, où l’on se cache de la vie publique pour mieux y revenir.

J’ignore si j’ai vraiment une vie privée aujourd’hui. C’est horrible, je suis tellement
souvent sur les réseaux sociaux. Dès que je rentre dans ma chambre, c’est automatique, je
pense à aller voir mes messages. Il y a quelque chose de malsain dans cette habitude, j’en
suis conscient, en même temps, elle est ancrée en moi et m’en départir est plus facile à
écrire qu’à faire. Je trouve terrible qu’on ait aussi peu de moments à nous seuls. Ce dont
Montaigne parle, « se rouler en soi-même », me semble être une activité de vie privée,
par laquelle on peut mieux se comprendre. Une activité où l’on pense seul à ce qu’on a
fait pendant la journée, à nos penchants, pour mieux ressortir par après, en meilleur
contrôle de notre être.

Enfin, à part les toilettes, une des fois où on jouit de la vie privée est quand on se fait
chicaner à l’enfance. Alors, les parents nous privent d’ordinateurs, d’amis, et nous
obligent à rester dans la chambre. On jouit d’un moment seul pour réfléchir. Je trouve
bizarre qu’un tel exemple me vienne en tête quand je veux penser à vie privée, je trouve
ça triste, en un sens, comme s’il fallait se faire chicaner pour pouvoir être seul avec soi et
repenser à nos actions.

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