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L’ h u m a n i t é e n q u e s t i o n
(Partie 2)
L’humanité en question
(Partie 2)
Histoire et violence
(du XXe au XXIe siècle)
Introduction
1. Délimitation de la notion
Face à ces moi éclatés, face à ces êtres soumis à de multiples pressions, plusieurs
réponses étaient envisageables. Il était possible d'instaurer des débats et de créer
des logiques de médiations et de rencontres en permettant aux opposés de devenir
complémentaires et de mieux se comprendre.
Or c'est le plus souvent la violence et la logique de concurrence qui ont construit
l'histoire des hommes et le refus de se compléter a été la marque de leur histoire
commune. Face à ces bouleversements, au lieu de trouver la paix et le dialogue et de
les défendre conjointement, c'est donc souvent la guerre avec l'autre qu'ils ont
instituée.
Certains penseurs - comme Hegel ou Kant - ont même parfois glorifié la guerre sans
pourtant vouloir la violence. L'un des résultats de ces choix tragiques fut cependant
que de nombreuses guerres ensanglantèrent l'occident et le monde - en partant de
l'occident - et que les guerres et révolutions internes ne cessèrent de se développer.
Alors que les équilibres internes et externes semblent devoir être les maîtres mots,
une certaine sérénité demeure de plus en plus difficile à élaborer et à construire alors
qu'elle est le pendant de toute humanité envisageable dans un monde qui se cherche.
Comme l'a écrit Michel Serres, dans son livre Petite Poucette, dans ce monde en
mutation, nous sommes, en effet, condamnés à devenir intelligents au risque de
disparaître.
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(Partie 2)
2. Distinctions à établir
Comment comprendre les différents génocides, les guerres, les conflits internes qui
ont traversé et traversent encore le XXIe siècle ? Ceux-ci s'expliquent-ils par la
difficulté à créer un débat et par les troubles profonds que les différentes crises
évoquées dans les fiches précédentes peuvent créer ?
Ceux-ci s'expliquent-ils par la complexité d'un monde où tout semble devenir permis
et où il appartient à chacun de se construire un propre horizon, une propre vie alors
qu'il n'en a pas toujours ni la force ni l'envie ?
Après les grandes guerres qui ont traversé le milieu du XXe siècle pouvons-nous dire
qu'il existe désormais des guerres au sein des familles et que les guerres
internationales ont été importées à l'intérieur de chaque territoire obligeant à des
séparations géographiques continuelles via des péages ou des radars dont le seul
objectif ne serait pas de « faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État » comme
l'affirment certains ou « seulement d'assurer la sécurité routière » mais de quadriller
les territoires afin d'éviter que les populations se mélangent pour mieux se rassurer et
rester dans un entre-soi qui protège de l'étranger qui fait de plus en plus peur ?
Que dire des relations qui existent entre les différentes communautés ? Si les
croyances sont devenues premières comment les fédérer sans les dissoudre pour
autant ?
Boyhood. Film de 2014 sur les relations conflictuelles qui peuvent se nouer au sein
des familles aujourd'hui. Familles recomposées et familles décomposées.
La bataille d'Alger, film de 1966 sur la guerre d'Algérie. Réalisateur Gillo Pontocorvo.
A l'ouest Rien de nouveau, roman de Erich Maria Remarque qui raconte la guerre de
14/18 et ses horreurs.
Devons-nous considérer que nous vivons à l'ère des radicalités ? Est-ce que la
violence à la fois physique et morale serait la seule réponse que l'humanité
apporterait à ce monde devenu de plus en plus complexe ?
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Dans le même ordre d'idées, Clausewitz, dans de la guerre, soutient que la guerre
n'est rien d'autre qu'une manière de poursuivre les rapports politiques sous une autre
forme. Une vision « guerrière » de l'homme et de la société se fait jour chez ces deux
auteurs qui restent encore majoritairement étudiés et présents dans les écoles qui
forment les élites des pays occidentaux.
Pourtant la vision de ces auteurs ne doit-elle pas être mise en débat et tel n'est-il pas
le rôle de cette nouvelle matière qu'est HLP qui veut nous aider à penser ce monde
plutôt que de subir la reproduction névrotique du passé ?
Ces philosophies n'ont-elles pas, en effet, par leur pessimisme à l'égard de la nature
humaine, favorisé l'avènement de la seconde guerre mondiale ? En effet, lorsque l'on
pense que l'autre n'est qu'un ennemi et qu'il n'y a pas d'autre issue que la violence
pour le réduire à néant, cette guerre ne surgit-elle pas nécessairement ? Est-elle
même évitable ?
Cette situation conduira ce penseur à soutenir que le bien est exceptionnel et que le
mal est banal. Une vision pessimiste de la nature humaine se construira ainsi
par son truchement, d'autant qu'Arendt constatera que le droit - que les penseurs
libéraux des Lumières pensaient être libérateur - a été l'un des outils utilisés par le
régime nazi pour faciliter les génocides qu'il effectuera.
Comment expliquer cette relative désillusion qui frappa les esprits intellectuels durant
ces périodes ? Pouvons-nous dire que celle-ci est le produit de la crise morale et
intellectuelle qui a marqué l'occident ?
Celui-ci - conscient que les anciens concepts ne pouvaient plus s'appliquer – a- t-il
pratiqué la fuite en avant et la désillusion car il ne croyait plus en sa suprématie ? Au
contraire, pouvons-nous considérer que le siècle des Lumières fut un moment
d'idéalisme et que nous sommes devenus réalistes face à la nature humaine, banale
et peu capable de bien et de justice ?
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Il est difficile de répondre à ces questions et encore moins de savoir si les penseurs
forgent un monde ou si ce ne sont pas eux qui sont forgés par lui.
Ce qu'il est possible d'affirmer avec certitude cependant est que d'une part, notre
époque a moins d'idéal et semble plus « défaitiste » que les précédentes et que
d'autre part, de nos jours, la guerre a changé de nature : elle n'est plus mondiale ni
nécessairement ordonnée autour de canons et de bombes. Elle est localisée dans
certains lieux où les grandes puissances s'affrontent via des groupes qu'ils
manipulent. Elle est aussi souvent plus sournoise, plus diffuse et moins apparente
qu'il n'y paraît. Elle est aussi dans les esprits et cela est aussi sans doute à mettre au
crédit du développement considérable de nos connaissances sur le psychisme
humain ; connaissances qui n'ont pas toujours été utilisées pour permettre la guérison
de l’autre....
Ces thèses ont été soutenues par différents sociologues. Ainsi, pour Christopher
Lasch, dans La culture du narcissisme, le narcissisme étant la maladie de notre
époque, une guerre des sexes s'est établie entre hommes et femmes. Pour Louis
Chauvel, dans son livre, Le destin des générations contemporaine semble être celui
d'une guerre inter-générationnelle : les classes les plus âgées possédant l'intégralité
du pouvoir et du capital et souhaitant de moins en moins partager et les classes plus
jeunes ne désirant plus s'occuper de la retraite des anciens, les unes et les autres
s'opposent fortement.
A ce constat négatif, Pierre-Henry Tavoillot et Stéphane Guérin ont répondu dans leur
texte intitulé, la guerre des générations aura-t-elle lieu, qu'il n'en est rien et qu'au
contraire - face aux nouveaux défis de notre monde - de nouvelles solidarités se
nouent quotidiennement entre générations confrontées chacune à l'obligation de
s'adapter.
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Dans certaines familles, dans certains couples, dans certaines cités, un équilibre a,
en effet, pu se nouer et se construire entre les sexes, les générations, les individus et
les groupes sociaux culturels alors que dans d'autres lieux, il semble que l'inverse qui
se soit produit, créant des groupes, des familles et des individus déstructurés et
défaits de l'intérieur. Les inégalités semblent d'ailleurs s'être de plus en plus
creusées entre ces mondes qui semblent de moins en moins se comprendre :
les uns - les plus démunis - reprochant aux autres leurs privilèges de « bobos »
et les autres - les plus favorisés, ou chanceux - considérant que ces
populations ont refusé de s'ouvrir à ce monde nouveau.
Mais ce travail sur soi de chacun, peut-il être imposé par un État qui semble dépassé
face à l'ampleur du travail à accomplir ? Ses outils d'autrefois - construits autour de la
notion de contrainte - semblent en effet inadaptés pour inciter chacun - par lui-même -
à se « changer ». Ne faut-il pas construire ces nouveaux outils collectifs pour réduire
ces fractures qui ne cessent de se creuser entre les membres d'une même société et
qui laissent les uns dans la violence et les autres dans la sérénité ?
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Pour Krishnamurti, ce travail passe par le fait que nous devons apprendre à équilibrer
nos relations à autrui et nous-mêmes en travaillant notre corps par des exercices
réguliers de méditation mais aussi notre esprit en chassant notre « mental ». Le
mental n'est autre que l'ensemble de nos raisonnements qui est formé par des
habitudes de pensée qui sont routinières. L'un des livres les plus célèbres de cet
auteur est Sortir du connu. Pour être forts et s'adapter au changement perpétuel qui
caractérise nos sociétés et parvenir à cet apaisement intérieur, Krishnamurti conseille
ainsi dans ce texte, de ne pas s'arrêter à ce qui nous est dit, à sortir de nos schémas
habituels de pensée pour ne pas avoir peur de penser autrement et d'accueillir
l'étrangeté.
La plupart du temps, nous nous enfermons au contraire et nous refusons toutes idées
nouvelles et toutes les formes de novation. Seuls certains accepteraient d'ouvrir leur
esprit à la nouveauté, aux idées nouvelles et cette exception seule parviendrait à un
certain équilibre. De ce fait, la réponse est-elle de développer au sein des écoles la
pleine conscience, le yoga, le bien-être ? Certains chercheurs le soutiennent
aujourd'hui et ils se situent notamment dans la lignée du psychiatre Christophe André.
D'autres critiquent cependant cette approche car ils considèrent qu'elle « réduit »
beaucoup trop le sens profond du travail philosophique que chacun doit faire sur lui-
même. Mais un tel travail est-il seulement possible pour le grand nombre ?
Pour sortir des schémas de pensée anciens, d'autres proposent d'autres pistes.
Marshall Rosenberg, dans son livre Les mots sont des fenêtres, publié en 2016,
propose d'instituer ce qu'il appelle la communication non violente.
Dans cet ouvrage, dès le départ, Rosenberg inverse la donne développée dans
l'entre-deux guerres par les penseurs « pessimistes ». Pour lui, contrairement aux
idées des auteurs évoqués plus avant, la nature profonde de l'homme ne serait pas la
« banalité du mal » mais au contraire celle-ci nous porterait à « aimer, donner et
recevoir dans un esprit de bienveillance ».
Avec d'autres, Rosenberg développe l'idée suivant laquelle il est impératif d'établir un
courant de communication avec l'autre en cherchant à comprendre ce que l'autre
désire pour son mieux-être sans hésiter à lui communiquer mes mêmes exigences
sur le sujet.
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La réponse à la question n'est pas simple et la vérité se situe sans doute - comme
toujours - dans la médiane.
On s'étonne, en effet, que si des méthodes ont fait leur preuve dans certains lieux,
elles ne soient pas approfondies et étendues à l'ensemble mais on sait aussi que les
psychismes humains aiment peu le changement et la nouveauté.