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Journal de pensées 10

Avant le cours

Dans le chapitre cinq, Aristote questionne à savoir s’il y a des hommes


fondamentalement esclaves : « il faut examiner s’il existe ou non quelqu’un qui est ainsi
par nature, s’il est meilleur et juste pour quelqu’un d’être esclave, ou si cela ne l’est pas,
tout esclavage étant contre nature »1. Déjà, c’est un questionnement qui me paraît
problématique. Je vais être anachronique, mais imaginer comme possible l’idée que
certains soient des biens possédés par d’autres humains met en doute l’idée de droits de
l’homme, il me semble. Probablement que je me trompe, il doit y avoir une complexité
autour de la notion aristotélicienne d’esclave qui m’échappe, mais le terme en soi
m’agace profondément.

Je pense que c’est le fait d’appartenir à d’autres humains qui m’énerve. Appartenir à la
philosophie comme Platon, ou appartenir à Dieu comme pour Saint-Augustin, ce sont
deux pensées sur l’incomplétude qui ne me dérangent moins, voire même que je trouve
belles. L’être en vient à se placer aux ordres de grandeurs inhumaines, il n’y a pas cette
hiérarchisation naturelle entre les hommes. On pourrait affirmer qu’il y en a une, parce
que certains n’ont pas la force pour se placer sous la connaissance ou la divinité, mais en
même temps, elle est moins naturelle. Il y a un travail à faire pour gagner sa place parmi
les philosophes, plus qu’une nature à posséder, il me semble, même si dans le Phèdre,
Platon parle d’êtres plus sensibles à la beauté.

En même temps, clairement que ma réflexion est inspirée de l’époque actuelle, où l’on
s’appartient complètement et s’équivaut aux autres dans cette complétude. Ces esclaves
décrits par Aristote sont probablement des êtres quand même. Il dit lui-même qu’ils sont
humains : « celui-là est esclave par nature ; et est l’être humain d’un autre »2. Ils doivent
vivre une vie bonne, du moins je l’espère. Il reste que j’ai hâte au cours pour éclairer
cette notion et peut-être m’ouvrir plus facilement à Aristote.

1
ARISTOTE, Les Politiques, Paris, GF Flammarion, 2015, p. 116.
2
Ibid. p. 115
Après le cours

Voilà, je pense avoir compris plus. Durant la discussion, il a été affirmé que l’esclave
ressemble plus à un fonctionnaire, ou à un travailleur qui ne touche pas à la sphère
politique de la cité. Dans le monde moderne, des tels hommes pourraient être n’importe
quel technicien, ou employé de l’état. Je serais esclave, finalement, parce que j’étudie,
mais je n’appartiens pas au monde gouvernemental. Je vote, mais ce n’est pas suffisant
pour affirmer que je suis un animal politique.

En fait, l’esclave est celui qui n’a pas le temps d’être un animal politique. Il passe ses
moments aux autres taches, pour laisser au citoyen le plein espace de s’occuper de la cité,
comme moi qui étudie pour occuper un emploi différent de politicien. En ce sens, puisque
l’humain est un animal politique, il ne développe pas son humanité, il la laisse à un autre
membre de la famille, afin que la cité puisse perdurer et prospérer.

Ainsi, la question est plus à savoir s’il y a des humains moins enclins à êtres des hommes
politiques. S’il y a des êtres pour qui effectuer une tâche qui sort de la légifération de la
cité est mieux. C’est un débat qui me paraît différent que celui à savoir s’il y a des êtres
qui sont faits pour être esclave au sens moderne du terme. Il me semble même tout à fait
légitime, peut-être qu’il y a des hommes pour qui êtres cuisinier est favorable à être
politicien. La question se pose très bien.

Dans un contexte grec par contre, elle reste quand même problématique. Il serait mieux,
que tout le monde puisse développer son humanité, sa nature d’animal politique, mais
c’est impossible, sinon la cité déborderait de citoyens et personne ne ferait les autres
taches. Bref, l’esclavage est un mal, mais il est nécessaire au bien-être de ce qui ordonne
la cité, ce qui permet le bien commun, le politique.
Journal de pensées 11

Avant le cours

Dans le livre III, Aristote énonce deux nécessités pour être bon citoyen et une nécessité
pour être excellent : « le bon citoyen doit savoir et pouvoir obéir et commander, et
l’excellence propre d’un citoyen, c’est de connaître le gouvernement des hommes libres
dans ces deux sens »3. En ce sens, le bon citoyen est un homme qui sait comment et qui
réussit à suivre des ordres, suivre le pouvoir de la cité, mais qui, en même temps, sait
comment et réussit à commander des ordres. Cette double fonction du citoyen me paraît
très juste. Je suis d’accord avec Aristote sur ce point, l’homme politique doit être capable
de se plier à la cité. Lorsqu’il y a une loi, l’accepter est la moindre des choses pour le
bien commun. Néanmoins, en même temps, cet homme politique doit être capable de
commander des lois et entrainer les autres à suivre la vie bonne.

La pensée d’Aristote par contre, s’oppose-t-il me semble à la pensée militantisme plus


extrême bien présent dans ma génération. Elle est en contradiction avec l’idée de
manifester son désaccord en brimant les lois, en arrêtant d’y obéir, comme on peut voir
parfois dans les manifestations où les groupes deviennent violents avec la police. Par
contre, je ne pense pas qu’obéir aux lois signifie qu’on doit absolument arrêter de les
contester lorsque nécessaire. Justement, l’homme politique doit suivre celles-ci, mais
savoir commander son désaccord lorsqu’elles paraissent mauvaises au bien commun.

En ce sens, Aristote s’opposerait aux révolutions, à l’idée de renverser le pouvoir, j’en


suis certain, mais peut-être qu’il serait prêt à accorder une place à un certain militantisme.
Je suis mitigé sur cette question, parce que c’est vrai que le militant n’est pas un citoyen
en soi, mais en même temps, si seulement les gens au pouvoir représentent des citoyens,
notre propre liberté d’action est bien maigre. Aussi, qui est citoyen aujourd’hui est sujet à
une réflexion complexe en soi.

Bref, Aristote laisse paraître une dualité qui me semble nécessaire pour le bien commun
soit s’assurer d’obéir aux lois, tout en étant capable de commander et même d’illustrer
3
Ibid. p. 233
son désaccord, lorsqu’on est citoyen. Il permet de fait même d’instaurer une voie vers des
êtres plus ordonnés dans une cité plus ordonnée, mais il s’oppose, en un sens, à la révolte
populaire.

Après le cours

Pendant la discussion, il a été question du bien commun et de sa définition. Il a été dit


qu’il était ce qui lit les citoyens en tant que membre d’une constitution politique. Je
trouve cette idée de bien commun très juste en soi. Elle me paraît composer un idéal pour
la cité tout à fait supérieur aux biens individuels. Par contre, ce bien commun relève
quand même plusieurs problématiques.

D’abord, le définir plus précisément m’apparaît comme une tache extrêmement


fastidieuse et complexe. Rapidement, le bien individuel, ou de certains groupes, peut être
passé avant celui de la cité, de ce qui lit les citoyens. Il faut être vigilant, dans les
aspirations à un bien commun à ne pas proposer un idéal profitant à l’être seul, ou à une
classe particulière.

Aussi, ce bien commun doit être apporté à partir d’une constitution, mais déterminer
laquelle choisir paraît encore être une tâche complexe, trompeuse et parfois
démoralisante. De fait, tous candidats pour établir le bien commun possèdent
nécessairement des problèmes en soi. Il me semble impossible qu’une constitution ne
possède que des avantages, ou sinon une majorité d’avantages. Il y a dans la démocratie,
comme dans le l’Aristocratie, des failles majeures qui vont nécessairement entrainer une
perte du bien commun.

Bref, le bien commun paraît comme un idéal beau et bon en soi, mais le définir et
l’atteindre me semble extrêmement complexe. Il faut du temps, beaucoup de temps et de
réflexions pour définir un bien commun comme il se doit et trouver une constitution pour
y arriver. Puis après, il me semble absolument nécessaire d’être conscient des failles de la
constitution en place et surtout ne jamais l’idolâtrer. C’est, je pense, l’un des pièges de
l’idéologie, pour ce que j’en connais. On en vient à tellement croire en le système en
place qu’on perd une vigilance, une conscience de ses problèmes.
Journal de pensées 12

Avant le cours

Dans le chapitre IV, Aristote énonce la différence entre une oligarchie et une démocratie :
« Mais il y a démocratie quand une majorité de gens libres mais modestes sont les maîtres
du pouvoir, et oligarchie quand ce sont les gens riches et mieux nés en petit nombre »4. Je
me demande si aujourd’hui dans notre système où il y a principalement des gens riches et
bien nantis qui sont au pouvoir, on peut vraiment affirmer qu’on vit dans une démocratie.

De fait, dans les derniers premiers ministres, tous provenaient certainement d’une élite. Je
pense à François Legault, Philippe Couillard, Pauline Marois. En ce sens, on est bien loin
aujourd’hui, même au Québec, où la pensée se veut le plus démocratique possible, d’une
constitution où une majorité de gens libres, mais modestes sont au pouvoir. On pourrait
affirmer que cette majorité à le droit de vote, certes, mais c’est tellement un pouvoir
politique minime qu’il ne change pas grand-chose finalement à notre absence de
démocratie.

Je ne sais si c’est une bonne ou mauvaise chose que notre démocratie soit autant tournée
vers l’oligarchie. Si les gens au pouvoir provenaient tous du peuple, il y aurait clairement
des problématiques aussi. On est dépendant aux gens plus riches et laisser tout le pouvoir
à leur opposant reviendrait à prendre un énorme risque de voir ces richesses économiques
partir.

En même, il y quelque chose de profondément frustrant à laisser seulement des élites au


pouvoir. La démocratie parfaite, même si elle est un idéal peut être inatteignable, me
paraît tellement plus satisfaisante. Voir des minorités au pouvoir engendre chez moi un
profond sentiment de bien-être, de justice, je pense. J’ai l’impression que la société
s’équivaut un peu plus, qu’on offre une opportunité à des êtres trop souvent oubliés.

4
Ibid. 300
Après le cours

Pendant le cours, il a été question de savoir s’il était mieux d’avoir une cité divisée ou
unie. Pour ma part, malgré ce que j’ai affirmé en classe, il me semble qu’une cité unie
soit bien plus profitable qu’une cité divisée. Je suis profondément tanné de la polarisation
politique. Les angles gauches et droits m’épuisent parce qu’on perd, au final, l’essence du
dialogue dans des éternels débats et même dans de la colère.

En fait, tenter s’accorder pour que la cité aille d’un pas plus uni me paraît un idéal
fondamental. Mon expérience dans des camps me l’a illustré. De fait, même si le camp
Saint-François est loin d’une cité, il y a quand même cette nécessité de prendre des
décisions ensemble couramment, de s’accorder et les plus beaux étés sont facilement
ceux où les gens réussissent à avoir une vision unie du bien commun. Toujours diviser les
groupes entraine forcément à une perte d’ordre. On s’éloigne de l’idéal, d’une stabilité,
parce qu’on déchire les décisions. Même qu’un été peut devenir pénible, s’il y a deux
groupes dans l’équipe de moniteur. Les luttes des classes touchent aussi le camp Saint-
François et elles entrainent nécessairement un désordre dans la gestion de l’été.

Bref, il me semble nécessaire comme citoyen de parfois rejeter ses idéaux propres pour
s’accorder à une vision du bien commun. Il faut être en état de juste analyser ce qui est
mieux pour le collectif et comprendre que ce n’est pas nécessairement la recherche
absolue de justice, parce que celle-ci entraine forcément au déchirement, au désordre. Il
faut se plier à la cité, autant que possible, pour qu’elle continue de se développer et
d’entrainer chacun à vivre une vie bonne.

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