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ENQUÊTE DE LA SEMAINE

LA MENDICITE :
UN PHENOMENE AUX PROPORTIONS
INQUIETANTES conséquences regretables et aux effets
alarmants. Pour enrayer le mal, un dia­
personnes souvent nécessiteuses. Et
c'est justement parce qu’il y a un manque
gnostic sérieux en vue d’une thérapeutie par rapport à un minimum vital que néces­
“Les uns mangent, les autres nécessaire et suffisante s’impose. sairement certaines personnes sont ap­
regardent”. Cette maxime qui tra­ Le problème de la mendicité est très pelées, sinon obligées de frapper à la
duit l’égoïsme de l’homme est à la complexe et difficile à cerner. Car au-delà porte du voisin.
de cette pratique sociale il faut voir des
base d’une pratique sociale dé­
plorable : la mendicité. L’oisiveté,
le sous-emploi, le chômage, les
inégalités sociales et les systè­
mes économiques mal adaptés
constituent autant de maux qui
aujourd’hui militent en faveur de
la persistence de cette mendicité.
La charité et l’aumône que préco­
nisent les prescriptions religieu­
ses sont-elles des solutions véri­
tables pour enrayer le fléau ?
S’il y a une vieille pratique qui garde
actuellement encore la chaleur de son in­
tensité sociale, c’est à n’en point douter la
mendicité. En effet, de par le monde, la
mendicité est un “cas social" et reste une
des expressions de rapports d’inégalité .
entre riches et pauvres. A ce titre, peut-on
parler d’équité et d’équilibre social quand,
dans un groupe donné, la petite minorité
de nantis pèse de tout son poids sur
l’écrasante majorité, pressée comme un
citron et laissée pour compte ? Assuré­
ment non ! Par ailleurs n’est-il pas illu­
soire de penser que du jour au lendemain,
une solution puisse être trouvée au pro­
blème de la mendicité du fait de la persis­
tence de l'individualisme qui favorise le
repliement sur soi-même ? Ce qui est cer­
tain, la mendicité est aujourd’hui un "phé­
nomène social” aux causes multiples, aux La misère humaine oblige certaines personnes du 3ème âge à mendier.
L'ENQUETE DE LA
SEMAINE

La mendicité : un phénomène social


aux proportions inquiétantes
C’est dire donc que le
problème de la mendicité se pose en
des histoires pour se faire acheter à boire.
Enfin, nous avons les mendiants profes­
sont les griots qui, pour subvenir à leurs
besoins sont obligés de mendier. C’est
INTERVIEW
terme économique. D’où les premières sionnels qui eux, à chaque fin de mois, donc au regard de cette réalité que d’au­
causes de la mendicité sont essentielle­ affluent dans les bureaux et autres lieux cuns sont allés jusqu’il confondre men­ Le ministre de l’Essor familial et de la
ment économiques ayant pour origine le de travail, dans l’unique espoir de gober diant et griot qui en fait présentent des
chômage et pour conséquence la misère.
En dehors de cela, il existe des cau­
en passant une pièce de monnaie. Ce
sont là une forme de mendicité à col blanc
différences fondamentales. En effet le
griot traditionnel n’était autre chose que
Solidarité nationale
ses d’ordre sanitaire et social, rituel et
religieux, politique et sociologique, etc. A
ce niveau, les exemples sont nombreux et
que l’on situe dans la catégorie des fonc­
tionnaires.
l’historien d’aujourd’hui. Et en tant qu’his­
torien il avait pour mission de conseiller DES CHAMPS COLLECTIFS
divers. Au plan rituel, certaines coutumes
contraignent des personnes à mendier. POUR LES MENDIANTS
C’est le cas par exemple, dans certaines
sociétés, des mères de jumeaux qui men­ Sidwaya : Peut-on accuser le sys­ douter de canalyser les énergies vers
dient, dit-on, pour sauvegarder la vie de tème capitaliste d’être à la base de ce un idéal positif. Pour le cas des impo­
leurs enfants. C’est également le cas des fléau social qu’est la mendicité ? tents physiques ou mentaux le pro­
circoncis qui eux aussi, mendient, non Josephine Ouédraogo : Dans une blème est tout autre. Et une solution
pas par nécessité mais pour satisfaire à certaine mesure le système capitaliste probable est la création de centres
des prescriptions rituelles. est à la base de la mendicité. Ceci d’accueil pour récupérer tous ces
Au plan social, l’irresponsabilité de parce que les individus sont mainte­ “cas sociaux” afin de leur apprendre
certains parents, la dislocation de certai­ nus dans un système de production à se rendre utile d’une façon ou d'une
nes familles et l’installation progressive qui ne favorise pas le développement autre. De tels centres nécessitent
de l’individualisme dans certaines famil­ harmonieux de la collectivité; un sys­ beaucoup de moyens alors que nos
les confinent bien d’enfants, laissés à leur tème qui repose sur l’exploitation de possibilités dans ce domaine sont très
triste sort, dans les canaux de cette prati­ l'homme par l'homme. Il va s’en dire limitées. D'où la nécessité d'envisa­
que humiliante qu’est la mendicité. que dans un tel système où prédo­ ger l’ouverture d’une caisse ou d’un
Bref, à la base de la mendicité se mine la recherche du profit maximum, guichet dont le but serait par exemple
trouve tout un ensemble de réalités rele­ l’individualisme et l’égoïsme se déve­ la collecte des aides allant dans le
vant même de la nature du mendiant, de loppent au détriment de la solidarité et sens de secourir ces personnes.
certaines croyances rétrogrades, de son de la générosité qui doivent nécessai­ S. : Faut-il alors faire appel à la solida­
environnement social... rement exister entre les hommes. Et rité internationale ?
La mendicité se manifeste essentiel­ dans la mesure où tous les actes sont J.O. : Certes on peut faire appel à la
Assis aux abords des mosquées, ils passent la plupart de leur temps à mendier
lement de deux façons : la mendicité am­ conçus dans le sens de la rentabilité, solidarité internationale, mais elle ne
bulante et la mendicité fixe. les rois ou les hautes personnalités dans s’instaure alors une certaine menta­ pourra jouer positivement que si au
- La mendicité ambulante. Les la hiérarchie traditionnelle. Ce faisant, il lité, celle de “ne penser qu’à soi et pour niveau de ces pays l’on sait véritable­
mendiants vont de porte en porte en se devait de connaître l’histoire, d’étudier soi seul’’. ment ce que l'on veut. Si la solidarité
chantant soit des airs de louange ou de profondément la culture de son milieu Ainsi naît de ce système un prolé­ internationale consiste à “nous aider à
bénédiction, soit des incantations corani­ dans toute sa diversité et sa spécificité, et tariat laissé pour compte, un proléta­ ne pas nous passer de l’aide", alors il
ques. Ils se font souvent accompagner de connaître les différents comporte­ riat marginalisé par l'indifférence de vaut mieux s’en défaire avant qu'il ne
par des musiciens ou en jouent eux- ce même système. Ne pouvant donc soit trop tard. Dans le cas contraire
ments de la société dans laquelle il évo­
mêmes. C’est le cas des garibou par lue. Ainsi le griot ne s’adonnait ni à l’agri­ pas bénéficier des largesses du sys­ nous ne serons que des étemels sou­
exemple. Mais leur mendicité n’est pas culture, ni à aucune autre activité hormis tème dans lequel ils évoluent d’au­ mis. Ce à quoi le CNR se démarque de
toujours une nécessité pour la survie mais celle pour laquelle il avait été formé. Son cuns -personnes démunies issues de façon ferme. Bien sûr nous pouvons
une certaine vie imposée par les coutu­ importance et son utilité étaient connues ce prolétariat- sont amenés à mendier fermer totalement les yeux sur les pro­
mes et la religion (surtout l’ascétisme mu­ afin de pouvoir survivre. blèmes des mendiants et leur donner
de toute sa société. Aussi les différentes
sulman). Aussi trouve-t-on parmi ces ga­ S. : Que préconisez-vous à la place ? à manger tous les jours grâce à cette
cours royales avaient-elles leurs griots.
ribou des fils de riches qui sont obligés de J.O. : De nos jours, ce qu’il faut solidarité internationale; mais sur quoi
Mais de nos jours, le problème est tout
mendier, non pas parce qu’ils sont néces­ c’est apprendre aux individus à être cela déboucherait sinon que nous au­
autre. L’éclatement des structures socia­
siteux en réalité, mais tout simplement non seulement responsables d’eux- rons créé de perpétuels dépendants
les traditionnelles, la civilisation de l’écrit
parce que ce sont des prescriptions reli­ comme source de conservation des tradi­ mêmes mais aussi et surtout des au­ S. : D aucuns préconisent la généro­
gieuses qui les y obligent. tres. Cet esprit de responsabilité doit sité individuelle c’est à dire l'aumône
tions et de l’histoire tend, de plus en plus,
Dans cette catégorie, on peut égale­ à banaliser et à marginaliser l’institution être d'abord institué au niveau familial J.O. : L’élan de générosité fait par­
ment citer les mendiants qui vont de vil­ dans le sens de resserer les liens en­ tie des qualités morales del'homme.
du griot. C’est ainsi que le griot, à un
lage en village ou qui se déplacent de ville tre les différents membres de la famille Et ce élan de générosité, il convient de
en ville, au gré du vent, à la recherche des certain moment, s’est vu contraint sinon
obligé de voler de ses propres ailes parce et, à une échelle plus grande, au ni­ l’encourager, ne serait-ce que pour
bonnes grâces ; et les handicapés physi­ veau national dans la recherche des établir un équilibre social, mais tout en
ques qui se promènent seuls ou le plus que ne jouissant plus des largesses de la
société. Beaucoup de griots se sont donc voies et moyens adéquats pour per­ l’encourageant, nous devons tendre à
souvent guidés par un adulte ou un en­ mettre à chaque individu de se trouver
retrouvé subitement abandonnés à eux- supprimer l’esprit de parasite que cela
fant. C’est le cas des aveugles, obligés de une occupation dans la société, fut-
mêmes, sans aucun pouvoir d’achat. Mis pourrait développer au niveau des
s’adonner à la mendicité pour pouvoir elle manuelle. .
devant cette situation, certains griots op­ mendiants. Il y a des gens, qui, faute
survivre. Sur ce plan le CNR a en vue un de mieux, ne vivent que de l’aumône
A la base de cette mendicité ambu­ tèrent pour la mendicité. Errant de mar­
ché en marché, certains d’entre eux ga­ certain nombre de projets dont celui publique. Vouloir donc supprimer ou
lante, se trouve une réalité liée à la nature de faire participer les mendiais à la
gnent aujourd’hui leur vie au prix de mille empêcher cette générosité indivi­
des hommes dans la société. Cela s'ex­ Ces petits enfants laissés à eux- production nationale. Il s'agira à cet
éloges pompeux et souvent trompeurs. duelle ou collective de se manifester
plique par le fait que les liens de famille mêmes sont obligés de mendier afin effet, de leur attribuer des champs col­ c’est couper l’herbe sous les pieds de
étant un peu relâchés, ces personnes en de survivre lectifs dans lesquels ils pourront soit ces personnes-là. Après tout l’esprit
manque d’affection et d’amour sont cultiver, soit faire de l’élevage ou prati­
MENDICITE ET DELINQUANCE de générosité favorise les rapports so­
contraintes dêtre chaque fois dans la rue Les conséquences de ces deux ty­
quer toutes autres activités d’utilité ciaux surtout quand il se manifeste de
pour tendre la main aux bonnes volontés. pes de mendicité dans la société sont
publique. Cela permettra à n’en point façon discrète et courtoise.
Ils sont le plus souvent habillés en hail­ multiples et multiformes. Parmi ces
lons, inspirant ainsi une sorte de compas­ conséquences l’on peut citer entre autres A priori, délinquance et mendici*é
semblent aller de paire. Et pourtant il y a de cause, ils se mettent à voler ou a com­ tude vous lui jeter une pièce de cinq ou dix
sion. : la délinquance (vagabondage, vol, es­
antinomie entre ces deux concepts. Anti­ mettre d’autres actes de délinquance. francs. Ou encore, devant votre porte,
- La mendicité fixe. Dans ce dernier croquerie, abus de confiance, prostitu­
nomie due au fait que le délinquant nourrit C’est ainsi que beaucoup de mendiants des individus vous appellent aux bonnes
cas, les mendiants ont un coin précis où tion, toxicomanie), la propagation des
l'intention de nuire à la société alors que deviennent progressivement et par la grâces par des chants de bénédiction ou
ils se rendent tous les jours pour y men­ maladies contagieuses (choléra, tubercu­
le mendiant tient aux valeurs morales de force des choses, de véritables délin­ des incantations coraniques. En retour,
dier. Ce sont le plus souvent des lieux lose). De plus, les mendiants forment une
cette même société. La délinquance fait quants. vous leur offrez un "cadeau" sous forme
publics tels que les abords des marchés, couche marginalisée par le reste de la
appel à l’élément moral et la mendicité Mais dès lors que le mendiant com­ d’aumône. Ce genre de scénario est très
des mosquées, des églises, des pharma­ société (manque de considération, com­
aux bonnes règles sociales. On ne peut mence à se livrer à des actes ignobles courant. Mais est-ce là la meilleure solu­
cies, des salles de cinéma, etc. Là en­ passion des uns et aversion des autres).
donc pas dire que le mendiant est un dé­ (vol, viol, abus de confiance, crimina­ tion au problème de la mendicité ? la
core, on retrouve toute sorte de gens : Et puis, la mendicité nuit à l’imagé de
linquant ou inversement. Cependant, lité...), il n'est plus un mendiant mais à la réponse à cette question est à la fois sim­
handicapés physiques ou mentaux, gari­ marque de l’individu lui-même et du pays
dans certains cas, la délinquance peut limité un délinquant. Et en tant que tels, ple et complexe. D’aucuns pensent que
bou, mères de jumeaux... où il se trouve. Elle entraine l’irresponsa­ ces actes sont punis par la loi. Or la men­
engendrer la mendicité et vice versa. Les donner de l’argent à un mendiant c’est le
Il y a aussi de nouvelles formes de bilité et l’inconscience au niveau de ceux dicité quant à elle n’est pas punie par la loi
exemples de ce genre sont nombreux. pousser à persévérer dans la mendicité,
mendicité qui se développent de plus en qui la pratiquent. Enfin les mendiants parce qu'en elle, on ne retrouve pas l’élé­
Dans nos sociétés nous avons des famil­ car, disent-ils, “si on ne lui donne rien. il
plus. Elles consistent pour certains indivi­ constituent dans bien de cas une charge ment moral qui se ramène à l’intention de trouvera bien autre chose à faire. En réalité,
dus bien portant, aptes au travail, à pas­ pour la société. les disloquées pour diverses raisons et
nuire ou de créer un préjudice à le problème est beaucoup plus complexe
ser de maison en maison pour conter dont les enfants sont laissés à eux-
quelqu’un. que cela pour la bonne raison que per­
l’histoire d’un coup du sort imprévu. Ex. : mêmes, sans aucune attache parentale
sonne ne veut être mendiant. On est men­
“je me suis fais voler mes bagages à la gare, LE GRIOT ET LE MENDIANT profonde. L’AUMÔNE, UNE SOLUTION A LA diant parce qu'il n'y a pas d autre issue
alors je demande quelques francs pour Dans un premier temp, ces enfants MENDICITE? pour se tirer d’affaire. Donc le fait de don­
acheter mon billet retour..." ou encore “je essaient d'intégrer la société qui les re­ ner quelque chose à un mendiant ne l’en­
n'ai pas mangé depuis deux jours,
Quand on parle de mendiant, beau­ jette de façon brutale. Faute de mieux, ils courage pas à persévérer dans cette voie.
secourez-moi".
coup de gens voient tout de suite le griot. s'adonnent à la mendicité afin de pouvoir Vous êtes de passage dans la rue. La condition du mendiant est tellement
Ou alors celle qui consiste dans les Cela se justifie aisément dans la mesure survivre. Malheureusement ce n’est pas Quelqu’un vous accoste et vous tend su­ humiliante que s il avait la possibilité de
bars à faire le tour des tables et à raconter où effectivement, de nos jours, nombreux toujours pour eux le péron. En désespoir bitement la main. En réponse à sa sollici­ ne pas mendier il ne le ferait pas parce
(Suite page 5)
L'ENQUETE DE LA
SEMAINE

LA MENDICITE : UN PHENOMENE SOCIAL


AUX PROPORTIONS INQUIETANTES (Suite de la page 4)
que peu compatible avec son honneur et dans le pire des cas, n'offre pas toujours La mendicité, voilà une pratique hu­
sa dignité. Et ce n'est certainement pas Dans le cadre limité de la famille, il fondes. Au rang de ces efforts l’on peut
aux pays en question, la capacité et le miliante à laquelle le Burkina dit non. Non,
parce qu’aujourd’hui on lui jette quelques s’agit d’entretenir la chaleur des liens du citer la création de centres de reéducation
réflexe nécessaires pour analyser la por­ parce que ce pays, sous la direction du
miettes en passant que si demain il avait sang en favorisant l’entr-aide familiale. et de formation professionnelle pour jeu­
tée humiliante de leur acte. Conseil national de la révolution, a choisi
une "daba”. il refuserait d’aller au champ Mais la solution à la mendicité ne se situe nes inadaptés sociaux à Orodara et à Sal­
d'abord et avant tout de compter sur la pas au niveau strictement familial. A une bisgo ; la mise en place de centres privés
si toutefois sa conditions physique le lui Mais après tout, n’est-il pas préféra­ force de travail des masses poopulaires
permet. échelle plus grande, elle nécessite l’inter­ de formation professionnelle pour handi­
ble pour ces pays là, au lieu de passer tout mobilisées au sein des CDR, et sur les vention des pouvoirs étatiques. Et dans capés à Tenkodogo, Koupéla, Bobo-
Mais ne plaidons pas trop pour la leur temps à tendre la main, de prendre capacités de son peuple à trouver lui- cet esprit, il appartient aux différents res­ Dioulasso, Nongtaba, Dissin et Ouaga­
•cause des mendiants ! Car parmi eux, conscience de leur véritable rôle vis-à-vis même les solutions à ses problèmes. Et à dougou. Il est à signaler également l’exis­
certains ne font pas l’effort de travailler. d’eux-mêmes et vis-à-vis de leur avenir. tous les niveaux de réalisations économi­ tence de centres de promotion sociale à
Sinon comment comprendre que des per­ Toutefois, si le niveau économique est si ques et sociales, l'expérience a démontré caractère socio-éducatif et le projet de
sonnes. physiquement aptes à tous tra­ bas que ces pays soient obligés de frap­ que le Burkina peut et doit compter Somgandé dont la mission essentielle est
vaux, s'adonnent de façon consciente et per à certaines portes, il convient de le d'abord sur ses propres forces. C’est là d'encadrer les détenus en vue de les sen­
persistante à la mendicité ! Il est évident faire mais avec un honneur et une dignité une attitude responsable qui a permis à sibiliser aux activités de production. Deux
que donner à ces pseudo-nécessiteux, qui reposent sur le respect mutuel de la notre pays de quitter le terrain humiliant autres projets sont à inscrire à l’actif du
c’est les encourager à demeurer dans valeur humaine. Evidemment, sur la de la mendicité internationale afin de ministère de l’Essor familial et de la soli­
leur état de mendicité désolante. scène internationale, il existe des pays chercher à voler de ses propres ailes A darité nationale. Il s'agit notamment du
D’une manière générale, venir en qui exigent que les Etats nécessiteux preuve, l'ardeur au travail des masses projet d'insertion sociale des rapatriés
aide aux mendiants par le système de viennent se prosterner sinon se prostituer populaires s’insérant dans un cadre d'ac­ dont l’objectif poursuivi est de trouver des
l’aumône ne résout pas véritablement les avant de recevoir d’eux une aide quelcon­ tion commun, le Programme populaire de activités rémunératrices aux détenus, et
problèmes auxquels ces mendiants sont que. Qu'à cela ne tienne ! Mais c’est là développement (PPD). La réalisation pro­ le projet de coopérative artisanale afin de
confrontés. Et dans la mesure où l’au­ une honte pour ces pays "donateurs" et gressive de cet ensemble de program­ stimuler et d’encourager les travaux ma­
mône ne constitue qu’une solution par­ pour ces pays receveurs. Pour les pays mes d'investissements sectoriels à
tielle, spontanée et éphémère à la mendi­ nuels.
"donateurs" parce qu’ils ignorent tout de l’échelle nationale et régionale permet
cité, il convient de savoir l’apprécier à sa la dignité humaine ; pour les pays rece­ aujourd'hui de répondre en partie aux
juste valeur. Pour mieux cerner cet "épi­ veurs parce que leur acte déshonore leur préoccupations premières des masses QUELLE CONCLUSION ?
phénomène” il faut se situer dans la men­ rurales et urbaines. Il s'agit, entre autres,
peuple.
talité des personnes qui donnent. Deux Pratiquer la politique de la main ten­ des besoins en eau et en produits vivriers,
attitudes sont alors observées. D’un côté, due est-ce vraiment mendier ? Cette . en logements et en infrastructures socio- Que dire de plus sinon que la mendi­
il y a celles qui donnent par esprit de suffi­ - question difficile à cerner peut être néan­ économiques de base. C'est dans ce cité - qu'elle provienne des individus ou
sance ; de l’autre, celles qui donnent par moins interprétée de deux manières : sens qu’il convient de situer les différents des Etats - est une plaie sociale dont la
sympathie ou par compassion pour le - ou bien l’aide est donnée sans au­ mots d’ordre du CNR et des CDR qui gérison dépend d’une thérapeutie effi­
mendiant. Le premier cas est une façon cune arrière pensée et dans l’intérêt des visent à encourager et à élever chaque cace. Il faut donc savoir aborder le pro­
de signifier au mendiant l’écart social qui pays ou des personnes assistées. jour davantage le niveau de conscience blème de la mendicité la tête froide car,
existe entre eux. D’où leur attitude hau­ - ou alors l’aide est donnée avec une politique et l’esprit d’initiative des masses “les mendiants n'ont certainement pas ras­
taine et finalement moqueuse. Dans le contre-partie aliénante acceptée, auquel laborieuses en vue de faire d'eux les pro­ semblé leurs dernières fortunes pour ache­
second cas, les donateurs évitent autant cas c’est une manifestation concrète de pres artisans de leur développement. ter leur état". C’est donc une question de
que possible de susciter chez le mendiant mendicité. “Compter sur ses propres moyens" certes, conscience absolument collective qui né­
un quelconque complexe d’infériorité. Dans l’un ou l’autre cas, est-il possi­ mais cela ne veut pas dire que le Burkina cessite. entre autres, des analyses pro­
Ainsi par exemple, dans la société tradi­ ble d’éviter la politique de la main ten­ rejette systématiquement toute forme fondes et sérieuses au plan sociologique,
tionnelle mossi, il était interdit à un due dans un pays où les gens meurent de d'aide qu’il reçoit ou serait amené à rece­
homme à cheval de rester sur sa monture economique, politique, statistique et des
faim et de soif ? Certainement oui ! Toute­ voir des pays amis dans le cadre de la
pour donner quelque chose à un men­ études scientifiques - afin de connaître les
fois l’expérience a montré qu'il est très solidarité internationale ou renie la fran­
diant. vraies causes et les fondements réels de
difficile pour un pays très nécessiteux che coopération qui existe entre lui et les
d’éviter de recourir à cette solution de la la mendicité dans chaque société déter­
autres pays. Toutefois, à propos de l’aide, minée - à partir desquels on peut, à défaut
facilité. Difficile certes, mais pas impossi­ fa position du Burkina est très claire : d’une solution radicale, trouver une solu­
POLITIQUE DE LA MAIN TENDUE : ble pour la bonne raison qu’il suffit de “l'aide doit aider à assassiner l’aide". C’est
UNE MENDICITE ETATIQUE ? La mendicité est humiliante tion adéquate. Et pour le cas des handica­
savoir s'organiser dans un plan d’action dire donc que notre pays n’entend pas pés physiques ou mentaux, il ne faut sur­
cohérent et conséquent, en vue d’un dé­ recevoir des “cadeaux empoisonnés" de tout pas les considérer comme des reje­
Le problème de la mendicité qui veloppement véritablement adapté aux quelque Etat que ce soit car “l'aide qui ponsables, à quelque niveau que ce soit, tons de la société ou des erreurs divines
préoccupe les individus se retrouve au réalités du pays. Et, en prenant ses res­ engendre l'aide” conduit tout droit certains de faire l’analyse de la situation socio- et les traiter comme tels. Mieux, l’on peut
niveau des Etats. C’est ainsi que l'on peut ponsabilités à tous les niveaux, chaque pays receveurs vers la dégénérescence économique avec ses incidences afin de toujours leur trouver une occupation.
pays - fut-il le plus pauvre - peut trouver morale, le suicide économique et le chaos déterminer les véritables causes qui
faire un parallèle entre la mendicité et la
politique de la main tendue. Ceci parce une bonne solution au problème de là politique. poussent les gens à la mendicité. Une
qu’effectivement - et c'est fort dommage mendicité. analyse qui doit déboucher sur la création Somme toute, la mendicité ne sera
d'ailleurs - dans notre monde, on a des Cependant, il y a lieu de ne pas de nouveaux emplois, la création de cen­ véritablement vaincue dans les pays en
pays qui, sur la scène internationale, bra­ envisager la mendicité des personnes et QUELS REMEDES tres pour handicapés, la mise en place de voie de développement que si des dispo­
dent leur propre dignité pour avoir gain de celle des Etats sous un même angle. La structures adéquates d’encadrement des sitions à moyen ou long terme sont prises.
cause. Cette attitude peut par moments première peut avoir des causes sociologi­ jeunes, etc. En somme, toute une politi­ Il s’agit du développement des produc­
Freiner la mendicité n’est pas un pro­ que générale de réduction des écarts so­
se comprendre dans la mesure où un Etat ques ou religieuses tandis que la seconde tions agro-pastorales, de la création des
blème de sanction ponctuelle et on ne ciaux. Dans cette immense œuvre collec­
qui se noie, peut, par panique, s’accro­ a un fondement essentiellement écono­ retenues d’eau pour une utilisation plus
peut en aucun cas l’empêcher par coups tive, chacun de nous peut et doit jouer un judicieuse des eaux de pluie ; de la créa­
cher à un caïman, prenant celui-ci pour un mique et politique qui se résume en terme
de décrets encore moins d’ordonnances. rôle important et actif. La conscience in­
tronc d'arbre. Un état de panique qui, de dépendance. tion des systèmes d’irrigation ; de l’amé­
Par conséquent, pour mettre fin à la men­
ternationale doit également se pencher lioration des méthodes de travail des pay­
dicité il faut opérer un ensemble de trans­ sur la question qui, après tout, peut dé­
formations en matière d'économie, d'em­ sans ; de la réduction du chômage par la
passer le cadre strictement national. création d’emplois et de la création de
LA PAROLE AUX MENDIANTS ploi, de formation professionnelle, d’édu­
cation sociale et d’orientation scolaire. Et codes de famille et planning familial là où
les remèdes peuvent être efficaces à plu­ Dans notre pays, un grand effort est ces structures font défaut. Malheureuse­
En vérité, nul ne peut expliquer la de gagner ma vie à la sueur de mon
ment dans certains pays, les mendiants
sieurs niveaux : familial, collectif, étati­ en train d’être fait afin d’attaquer efficace­
situation des mendiants mieux que les front. Que me reste-t-il à faire sinon
que, national et international. ment lé fléau à ses racines les plus pro­ ne semblent pas constituer une préoccu­
mendiants eux-mêmes. C’est pour mendier. Mais c'est tellement humiliant
pation nationale. Pourtant, nous pensons
cette raison que nous avons causé que si mon accident ne m'avait pas han­
que la mendicité peut être combattue. Et
avec certains d'entre eux afin de sa­ dicapé des jambes, je n’aurais jamais
“le jour où les Etats, notamment ceux du
voir pourquoi ils s’adonnent à la men­ pensé à ça.. Alors que les gens nous Tiers-monde, chercheront à compter
dicité. comprennent car n'importe qui est un d abord sur leurs propres forces en tenant
mendiant en puissance compte de leurs réalités concrètes : le jour
T.M. (élève coranique) : Notre P.K. (lépreux) : Se prosterner à où le mal voyant ou le paralytique se sentira
maître a beaucoup d'élèves à tel point tout passant n'est pas chose aisée. Mais
traiter sur le même pied d'égalité que les
qu’il n'arrive pas à nous nourrir tous. hélas je n’ai pas le choix sinon je vais autres membres de la société ; le jour où le
C'est la raison pour laquelle, chaque mourir de faim petit garibou délaisé sera recueilli par cette
four, je sors avec ma boite à la recherche C.J. (vieille femme) : Que faire ! même société ; le jour où les ressources
des reliefs de repas. La rareté des pluies a contraint mes en­ nationales seront équitablement reparties
B.K. (garibou) : Je mendie parce fants à gagner la ville. Je n'ai plus per­
que les presciptions de l’école corani­ sonne pour m’aider, alors je suis obligé de manière à ce que chacun en bénéficié.
que m'y obligent. Sinon j’ai une famille de tendre la main aux passants. alors, ce jour là, un grand pas sera fair dans
riche.
M.S. (un garçon) : J’ai 20 ans et la bataille engagée ça et contre la mendi­
Z.E. (aveugle) : Mon état physi­ je ne travaille pas. Alors je ne pense que cité".
que ne me permet pas de travailler. Ma m’adonner pour le moment à la mendi­
famille me rejette parce que je suis im­ cité. Ce n’est pas facile parce que les
productif. Résultat, je me fais tous les gens ne sont pas toujours compréhen­ SitaTARBAGDO
jours conduire par un petit enfant aux sifs.
abords des marchés, espérant quelques H.A. : Si la société n'était pas faite
francs des personnes de bonne volonté. d’injustice, je ne serai pas là,
R.J. (handicapé physique) : Ma aujourd’hui à mendier. Je pense
condition physique ne me permet plus qu'avec la révolution ça ira mieux.

Les bonnes grâces pour avoir à manger

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