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THÈSE DE DOCTORAT

Réflexion sur le cadre juridique des


marchés publics internationaux dans les
stratégies de développement

Alassane SAKO
Laboratoire de Droit International et Européen (LADIE)

Présentée en vue de l’obtention Devant le jury, composé de :


du grade de docteur en droit M. Syméon KARAGIANNIS, Professeur à
d’Université Côte d’Azur l’université de Strasbourg
M. Bertrand du MARAIS, Conseiller d’État,
Dirigée par : M. Alain PIQUEMAL chercheur associé au CRDP de l’université Paris
Ouest Nanterre
Soutenue le : 08 juin 2022 M. Alain PIQUEMAL, Professeur émérite,
ancien doyen de l’Institut du Droit de la Paix et
du Développement, Conseiller d’État de la
Principauté de Monaco
M. Philippe SAUNIER, Professeur de droit
public à l’université Nice Côte d’Azur
1
2

Réflexion sur le cadre juridique des marchés publics internationaux


dans les stratégies de développement

Jury :

Rapporteurs
M. Syméon KARAGIANNIS, Professeur, Université de Strasbourg
M. Bertand du MARAIS, Conseiller d’État, chercheur associé au CRDP, université Paris Ouest Nanterre

Examinateur
M. Philippe SAUNIER, Professeur de Droit public, Université Côte d’Azur

Directeur de thèse
M. Alain PIQUEMAL, Professeur émérite, ancien doyen de l’Institut du Droit de la Paix et du Dévelop-
pement, Conseiller d’État de la Principauté de Monaco, Université Côte d’Azur
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Réflexion sur le cadre juridique des marchés publics internationaux dans les stratégies de dévelop-
pement

Résumé :
Les marchés publics internationaux (MPI) occupent une place importante dans les flux de l’aide publique au
développement. En tant que le canal d’exécution des projets de développement, ils sont un trait d'union entre
les États et entités bénéficiaires des financements et les détenteurs desdits financements, qu'il s'agisse des
institutions multilatérales spécialisées ou dans le cadre de relations bilatérales. Dans le même sens, ils sont au
carrefour des relations entre les acteurs précités et ceux du secteur privé qui rentrent en compétition pour
l’obtention de ces marchés.
Notre étude vise à cerner dans sa formulation, son contenu et son orientation, le cadre juridique de cet instru-
ment phare des stratégies de développement, tout en le questionnant par rapport aux enjeux dudit dévelop-
pement.
Il ressort de notre analyse que la formulation et l'évolution du cadre juridique des marchés publics internatio-
naux sont déterminées par de nombreux enjeux. Ceux-ci s'étendent au-delà du développement des pays béné-
ficiaires pour embrasser les enjeux globaux du commerce international et ceux particuliers de la préservation
des intérêts des parties prenantes au financement. Il s’ensuit que c'est un cadre juridique marqué par une forte
empreinte des singularités du droit économique international. Il est également caractérisé par une tendance
nette à l'harmonisation.
Dans le cadre des marchés publics internationaux, il est notoire que l’harmonisation internationale emprunte le
canal régional qui facilite la mise en œuvre des objectifs des acteurs internationaux tout en répondant à cer-
taines problématiques propres aux niveaux nationaux. Dans cette perspective, les organisations d’intégration
économique régionales préexistantes jouent un rôle fondamental.
Le choix de l’étude du cadre juridique de l’harmonisation des marchés publics de l’UEMOA nous permet
d’analyser cette tendance. L’analyse du cas singulier de la Côte d’Ivoire fait ressortir les enjeux et les défis liés à
la transposition de ce cadre juridique au niveau national. Il apparaît que même si les réformes régionales te-
nant compte des exigences internationales ont été largement appliquées, des défis demeurent.
Enfin, dans l’optique d’un développement économico-social reflétant la vision et les enjeux propres aux pays
concernés, la transposition symétrique des modèles internationaux au niveau national n’est pas toujours op-
portune. Ils doivent être adaptés au contexte particulier.

Mots clés :
Marchés publics internationaux- Marchés publics- Développement- Droit international économique- Droit
international du développement- Financement du développement- Coopération internationale- Stratégies de
développement- Instrumentalisation des marchés publics- Gouvernance du développement- Pouvoir de l’État-
Soft law- Lex mercatoria- Conditionnalités- Efficacité de l’aide au développement- Corruption dans les marchés
publics- Banques de Développement- Agences bilatérales de développement- Contrats internationaux- Com-
merce International- OMC- CNUDCI- OCDE- Banque Mondiale- Objectifs de développement durables (ODD)-
Droit des investissements internationaux-Partenariats Public-privés- Arbitrage dans les marchés publics- Autori-
té de régulation- UEMOA- Harmonisation internationale- réforme des systèmes de marchés publics- Côte
d’Ivoire- Appropriation du développement
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Reflection on the legal framework of international public procurement in the development strate-
gies

Abstract:
International public procurement holds a central role in official development assistance flows. As the channel
for the execution of development projects, it is a link between the States and entities benefiting from the fi-
nancing and the holders of those financing, whether they are specialized multilateral institutions or within the
framework of bilateral relations. In the same way, it stands at the crossroads of relations between the afore-
mentioned actors and those of the private sector which compete to obtain these markets.
Our study aims to identify in its formulation, its content and its orientation, the legal framework of this flagship
instrument of development strategies, while questioning it in relation to the challenges of said development.
Our analysis shows that the formulation and evolution of the legal framework for international public pro-
curement are determined by many issues. These extend beyond the development of the beneficiary countries
to embrace the global issues of international trade and those specific to the preservation of the interests of the
stakeholders in the financing. It follows that it is a legal framework marked by a strong imprint of the singulari-
ties of international economic law. It is also characterized by a clear trend towards harmonization.
In the context of international public procurement, it is notable that the international harmonization of the
legal framework uses the regional channel which facilitates the implementation of the objectives of interna-
tional actors while responding to certain problems specific to national levels. In this perspective, the pre-
existing regional economic integration organizations play a fundamental role.
In order to analyze this trend, we choose to study the harmonization process of the public procurement legal
framework of WAEMU. Then, the analysis of the singular case of Côte d'Ivoire highlights the issues and chal-
lenges related to the transposition of this legal framework at the national level. It appears that even if regional
reforms taking into account international requirements have been widely implemented, challenges remain.
Finally, with regards to an economic and social development reflecting the vision and challenges specific to the
beneficiary countries, the symmetrical transposition of international models at the national level is not always
appropriate. They must be adapted to the particular context.

Key words:
International public procurement- Public procurement- Development- International economic law- Interna-
tional development law- Development financing- International cooperation- Development strategies- Instru-
mentalization of public procurement- Development governance- State power- Soft law- Lex mercatoria-
Conditionalities- Effectiveness of development aid- Corruption in public procurement- Development Banks-
Bilateral development agencies- International contracts- International Trade- WTO- UNCITRAL- OECD- World
Bank- Sustainable Development Goals (SDGs) – International investment Law- Public-private partnerships-
Arbitration in public procurement- Regulatory authority- WAEMU- International harmonization- reform of
public procurement systems- Côte d'Ivoire- Appropriation of development
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Avertissement

Le contenu et les opinions exprimés dans cette thèse n’engagent que leur auteur. Ils n’engagent pas
l’Université Côte d’Azur, la Banque Ouest-Africaine de Développement, la Direction Générale des
Marchés Publics de Côte d’Ivoire, l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics de Côte
d’Ivoire.
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8

À ma mère,
À mon père,
À mon oncle, Dr SAKO Mamadou.
9

REMERCIEMENTS
« L’homme n’est rien sans les hommes, il vient dans leurs mains et s’en va dans leurs mains », disait
l’écrivain Seydou Badian KOUYATE.

À l’issue de ce périple intellectuel et humain, le constat est d’évidence : aucune œuvre humaine,
surtout, celle de la nature d’une thèse ne se construit, seul. Au moment d’adresser ces remercie-
ments, je sais par avance que je ne pourrai pas citer tous les noms de ceux qui m’ont aidé et inspiré,
car l’espace est limité. Mais, que ceux que je n’ai pas cités ne doutent pas du témoignage de mon
infinie reconnaissance et de mes prières les plus bienveillantes à leur endroit.

Primo, je souhaite remercier spécialement :

*Mon directeur de thèse, M. Alain PIQUEMAL pour son aide précieuse depuis mon inscription en
thèse, sans laquelle rien n’aurait pu voir le jour. Je le remercie pour son soutien, sa patience, son
écoute et sa guidance tout au long de mon parcours doctoral.

*Mme Magali LEHARDY pour sa direction, son aide, sa disponibilité et ses conseils dans les premières
années de thèse.

*Les rapporteurs et les membres du jury, M. Philippe SAUNIER, M. Syméon KARAGIANNIS, M. Ber-
trand du MARAIS qui ont accepté de prendre part à ce jury et d’examiner la thèse. Veuillez voir dans
ces mots l’expression de ma profonde gratitude.

*le LADIE, le laboratoire de recherche auquel je suis affilié et particulièrement Mme Anne MILLET-
DEVALLE, sa directrice pour son précieux soutien et les conseils qu’elle m’a prodigués.

*L’école doctorale DESPEG et son personnel qui ont toujours œuvré à faciliter la vie des doctorants
et à enrichir leurs parcours doctoral.

*Le personnel de la bibliothèque de la faculté de droit qui ne ménage aucun effort pour mettre la
documentation à la disposition des étudiants y compris dans le cadre du prêt entre bibliothèque que
j’ai souvent sollicité. Je pense à la mémoire de Michael qui a toujours été aimable, investi et qui
constituait un repère pour les étudiants à la bibliothèque.

Secundo, j’adresse ma reconnaissance à mes proches qui m’ont soutenu et encouragé de multiples
façons, activement, matériellement, psychologiquement, et souvent en endurant les moments
d’absence et de silence qui ont fait partie de l’aventure doctorale :Mamsis, Stick-Compagnon,Lamine,
Mayascus, Aboubakar, Tomette, Maître, Taylor NNANG, Sabrina OUDA, Jean Sebastien, Justin, Sa-
bryna, Salim, Jamal, Azzedine, Tidiane, Mme Monny, Meite Bahaba, Dan Palazzolo, Ian glennon, Guil-
lermo, Edison.

J’ajoute à cette liste qui n’est pas exhaustive, les amis et membres de la famille qui m’ont apporté
leurs prières et leurs bénédictions, de même que les figures inspirantes qui ont marché avec moi,
dans mon esprit.

Tertio, j’exprime ma gratitude aux institutions qui m’ont permis pendant ma recherche d’effectuer
des stages, expériences professionnelles enrichissantes par le degré d’immersion et la possibilité de
travailler avec les équipes, d’apprendre et de contribuer sur des dossiers courants tout en prenant
part à de nombreuses rencontres et réunions de haut niveau avec les partenaires au développe-
ment.
10

Ces expériences ont été émaillées de rencontres individuelles auprès du personnel et des experts de
passage, qui ont bien voulu m’accueillir pour échanger sur les divers aspects de mon sujet et de leur
vision du développement en tant qu’experts et praticiens des marchés publics. J’exprime à leur en-
droit, ma profonde gratitude.

*À la Direction Générale des Marchés Publics, je remercie particulièrement, les directeurs M. PENA-
GNBA Y. COULIBALY et M BROU Yao Paul, Mme KOUASSI Odile, M. KOUASSI Paul Martin, M KOFFI
Serge-Leclair, M.Tré Koffi, M. KOFFI Cobbold Lapaix, M. SAMASSA Issiaka, M. DJAMA Ngou.

De plus, je remercie tout le personnel de la Direction Générale des Marchés Publics qui a facilité mon
séjour et l’accès à la documentation. Je pense particulièrement aux secrétariats, à la reprographie, au
service du courrier, aux personnels des services techniques et informatiques qui m’ont expliqué pa-
tiemment le rôle et le fonctionnement des outils techniques de suivi de la procédure des marchés
publics et du budget de l’Etat.

*Je remercie également l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics pour son accueil
pendant mon immersion. J’adresse mes remerciements particuliers à M. BILÉ vincent, M. Paulin KO-
NAN, M. DJORO Rodrigue, Mme Anne-Rolande AKPAH.

*Je remercie la Banque Ouest Africaine de Développement, pour m’avoir donné l’opportunité d’y
faire un stage et d’y approfondir mes recherches tout en gagnant en professionnalisme. Je remercie
spécialement les directeurs M. Daouda BERTE, Mme Nimatou Dramane FELIHO, M. Moumouni Ibra-
hima DJERMAKOYE. Toute ma gratitude va aux fonctionnaires de la Banque et aux consultants avec
lesquels j’ai travaillé, eu des discussions stimulantes pour ma thèse et qui ont partagé leurs expé-
riences: M. KIEMAN ALEXIS, M. Hassan Tamboura, M. Assane DIOP, M. Moustapha DIAW, M. Didier
Serge Damit Amany, M. MANI SOULEYMANNE, M. NICOLAS DIENG, Mme MIRANDA de OLIVEIRA
Emilfreda Bianca, M. Fabrice TAHI, M. Joseph DIABATE, M. CISSÉ kanima , M. DIONE.

En sus, je remercie tout le personnel de la Banque, notamment les secrétaires qui m’ont accueilli et
facilité mes rencontres, le personnel des ressources humaines, de la restauration, de l’infirmerie.

Enfin, Je remercie, et je pense qu’on l’oublie souvent, le monde scientifique et intellectuel, la société
civile, les institutions qui, à travers leurs thèses, mémoires, rapports, écrits divers, et autres œuvres
intellectuelles m’ont permis de paver les voies de ma propre réflexion.
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SOMMAIRE
Sigles et principales abréviations
Propos liminaires

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE
Les MPI, un instrument central du financement du développement orienté vers les objectifs de déve-
loppement et ceux du commerce international

TITRE 1- Un cadre juridique transversal et multidimensionnel aux nombreux enjeux pour le dévelop-
pement, fondant la spécificité des marchés publics internationaux

Chapitre 1- Le cadre juridique transversal et multidimensionnel des MPI dans le droit international et
la coopération internationale

Chapitre 2- Le cadre juridique des MPI appréhendé à travers le droit des institutions de financement
du développement

Chapitre 3- L’influence des mécanismes du droit économique international dans le droit des MPI et
les droits internes des États bénéficiaires

TITRE 2- Un instrument tiraillé entre la recherche de l’efficacité et la préservation des intérêts des
parties prenantes

Chapitre 1- Une recherche d’efficacité à travers les principes de base et les facultés d’orientation
stratégiques des procédures, contrastant avec les éléments de conditionnalités imposés par les dé-
tenteurs des financements

Chapitre 2- Une recherche d’efficacité confirmée à travers l’exigence de bonne gouvernance et la


lutte contre la corruption

DEUXIÈME PARTIE
Un cadre juridique caractérisé par une recherche d’harmonisation des règles menée à travers des
réformes indispensables

TITRE 1- Une volonté d’harmonisation internationale propulsée par des réformes régionales

Chapitre 1- Dynamiques de l’harmonisation internationale et de la régionalisation des réformes : cas


de l’UEMOA

Chapitre 2- La matérialisation des objectifs du PRMP-UEMOA UEMOA dans les actes de la réforme
des marchés publics

TITRE 2- Les réalités contrastées de la mise en œuvre de la réforme de l’UEMOA dans les états
membres : cas de la Côte d’Ivoire

Chapitre 1- état de la transposition en Côte d’Ivoire des principes phares de la réforme

Chapitre 2- La transformation du cadre institutionnel au regard des exigences des directives de


l’UEMOA et des standards internationaux

BIBLIOGRAPHIE
INDEX
ANNEXES
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SIGLES ET PRINCIPALES ABRÉVIATIONS


AAI Autorité Administrative Indépendante
AA-HJF Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones
ACP (pays) Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique
ADB African Development Bank
AID Association Internationale de Développement
AMGI Agence Multilatérale de Garantie des Investissements
ANRMP Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics
AOI Appel d’Offres International
AOO Appel d’Offres Ouvert
AOR Appel d’Offres Restreint
APA Approved Procurement Arrangements
APE Accord de Partenariat Economique
APD Aide Publique au Développement
BAD Banque Africaine de Développement
BAsD Banque Asiatique de Développement
B-BBBE act Based Black Economic Empowerment act
BCEAO Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest
BEI Banque Européenne d’Investissement
BERD Banque Européenne pour La Reconstruction et le Développement
BID Banque Islamique de Développement
BIRD Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement
BM Banque Mondiale
BOAD Banque Ouest Africaine de Développement
BOMP Bulletin Officiel des Marchés Publics
BP Bank Procedures
C. Cass Cour de Cassation
CAC Commission Administrative de Conciliation
CADA Commission d’Accès aux Documents Administratifs
CCAG Cahier des Clauses Administratives Générales
CCAP Cahier des Clauses Administratives Particulières
CCI Chambre de Commerce Internationale
C.E Conseil d’État
CEDEAO Communauté Économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
CEDH Cour Européenne des Droits de l'Homme
CEPICI Centre de Promotion des Investissements en Côte d’Ivoire
CETA Comprehensive Economic and Trade Agreement
CFR Code Of Federal Regulations
CIJ Cour Internationale de Justice
CIRDI Centre International pour le Règlement des Différends liés aux Investissements
CJCE Cour de Justice des Communautés Européennes
CJUE Cour de Justice de l'Union Européenne
CNPPP Comité National de Pilotage des Partenariats Public-Privés
CNUCED Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
CNUDCI Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International
COJO Commission d’Ouverture et de Jugement des Offres
CPAR Country Procurement Assessment Report
CPIJ Cour Permanente de Justice Internationale
CRA Comité de Règlement Administratif
CRD Comité de Règlement des Différends
CRS Cellule Recours et Sanctions
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DAO Dossier d’Appel d’Offres


DCMP Direction Centrale des Marchés Publics
DID Droit International du Développement
DGMP Direction Générale des Marchés Publics
DSP Délégation de Services Publics
DSRA Dossier Standards Régionaux d’Acquisition
DTAO Dossier Type d’Appel d’Offres
EXW Ex Works (prix au départ d’usine)
FAD Fonds Africain de Développement
FAG Forum Africain de La Gouvernance
FCPA Foreign Corrupt Practices Act
FED Fonds Européen de Développement
FIDIC Fédération Internationale des Ingénieurs Conseils
FMI Fonds Monétaire International
GATS General Agreement on Trade in Services
GATT General agreement on Tariffs and Trade
GRECO Groupe d’États contre la Corruption
IADB Inter-American Development Bank
IBRD International Bank for Reconstruction and Development
ICSID International Center for Settlement of Investment Disputes
IDA International Development Association
IFC International Finance Corporation
SBA Small Business Development Act
MAPS Methodology for Assessing Procurement Systems
MIGA Multilateral Investment Guarantee Agency
MPI Marchés Publics Internationaux
NDB New Development Bank
NDICI Nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopéra-
tion internationale
NEPAD Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique
OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économiques
ODD Objectifs de Développement Durable
OHADA Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
OIG Organisation Intergouvernementale
OMC Organisation Mondiale du Commerce
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
ONU Organisation des Nations Unies
OP Operational Procedures
ORMP Observatoire Régional des Marchés Publics
PED Pays en Développement
PEMFAR Public Expenditure Management and Financial Accountability
PER Programme Économique Régional
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
PPM Plan Prévisionnel annuel de passation des Marchés publics
PPP Partenariat public-privé
PRAG Practical Guide to procurement and Grant Award
PRMP-UEMOA Programme Régional de Réforme des Marchés Publics
PSC Procédure Simplifiée de Demande de Cotation
PSL Procédure Simplifiée à Compétition Limitée
PSO Procédure simplifiée à compétition Ouverte
RTA Regional Trade Agreement
SFI Société Financière Internationale
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SIGMAP Système Intégré de Gestion des Marchés Publics


SPG Système de Préférence Généralisé
TCE Traité instituant la Communauté Européenne
TP Transparency International
UA Union Africaine
UE Union Européenne
UEMOA Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine
UGMP Unité de Gestion des Marchés Publics
UNCITRAL United Nations Commission on International Trade Law
UNIDROIT institut international pour l'Unification du Droit privé
WTO World Trade Organization
15
16

Introduction

Contexte général de l’étude

[N’est-ce pas Eschyle qui disait : « il y a à chaque


époque un sens dans lequel le droit se déplace » ?
J’en dirai autant de la préoccupation des juristes.].

En empruntant ce propos prononcé par M. André Panchaud1, notre étude part d’un questionnement
fondamental qui cherche à cerner dans quel sens se déplace à notre époque le droit des marchés
publics internationaux en tant qu’instrument des stratégies de développement. La réflexion que nous
souhaitons mener vise à cerner son contenu, ses caractéristiques et les enjeux fondamentaux qui
expliquent et justifient ses orientations dans les objectifs de développement et la coopération inter-
nationale.

Les marchés publics internationaux occupent une place importante dans les flux de l’aide publique au
développement (APD). Selon les données de l’Organisation de Coopération et de Développement
Économiques (OCDE)2 ; le flux total de l’aide au développement a atteint 404686.6 millions de dollars
en 2019 dont 310921.5 de part d’aide bilatérale provenant des pays de l’OCDE. S’agissant de la part
des marchés publics dans les dépenses des états en développement, elle représente approximative-
ment, d’après les données de la Banque Mondiale entre 15% à 22% de la part du produit national
brut3.

1
À l’occasion de son allocution tenue pendant la séance de clôture du congrès international de l’arbitrage en
1961. M. André Panchaud était président de section au tribunal fédéral Suisse et président du comité Suisse de
l’arbitrage. Voir : André Panchaud, séance de clôture du congrès international de l’arbitrage, 13 mai 1961, in
revue de l’arbitrage, 1962, pp 146-153
2
Cette estimation comprend les flux de l’APD bilatérale des pays du CAD (Comité d’aide au Développement) et
l’APD transitant par les institutions multilatérales. https://read.oecd-ilibrary.org/development/geographical-
distribution-of-financial-flows-to-developing-countries-2021_a50961e5-en-fr#page816 (consulté le 13 octobre
2021)
3
Voir https://www.worldbank.org/en/topic/procurement-for-development#1 (consulté le 13 oct. 2021); voir
aussi une étude qui a collectionné les données émanant de 123 pays, à moyens ou faibles revenus, sur l’année
2015: Simeon Djankov, Asif Islam, Federica Saliola, how large is public procurement in developing countries,
Peterson Institute for international economics et Worldbank, novembre 2016 https://piie.com/blogs/realtime-
economic-issues-watch/how-large-public-procurement-developing-countries ( consulté le 13 oct. 2021). On
note que la collection des données précises concernant la part exacte des marchés publics dans les dépenses
des États, de leurs démembrements et des entreprises publiques est difficile et présente par conséquent des
lacunes. Il n’existe pas un système international fiable et standardisé qui prenne en compte tous les marchés
publics des États, y compris ceux des sociétés publiques nationales. Cependant, dans le cadre de l’accord de
l’OMC sur les marchés publics, les parties se sont engagées à transmettre des statistiques détaillées sur les
marchés publics nationaux. Voir à ce sujet : Lucian cernat et Zornita Kutlina Dimitrova, international public
procurement : from scant facts to hard data, Robert Schuman Centre for advanced studies research paper
17

Même s’il est difficile d’estimer exactement quelle part de l’aide au développement est dépensée à
travers des marchés publics internationaux, il est admis que la majeure contribution de l’APD con-
siste en des aides via des projets4 qui s’opèrent par le moyen de règles précises (de passation de
marchés) entre les bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires. De fait, la quasi-totalité des prêts-
projets à destination de l’État et des entités publiques sont soumis de façon impérative à l’obligation
de passer marché. Nous précisons donc d’entrée de jeu que dans notre étude, les marchés publics
internationaux dont il sera question bénéficient de financements de la part des institutions ad hoc de
financement du développement dans le cadre de l’aide publique au développement (à l’instar de la
Banque Mondiale, du Fonds Européen de Développement -ci-après FED)- et/ou dans le cadre des
relations bilatérales et multilatérales. À ce titre, l’on pourrait aussi utiliser la notion de « marchés de
développement »5. Suivant la distinction « équivalent-don » établie par l’OCDE depuis 20186, il con-
vient de qualifier d’APD, à l’occasion d’un prêt, uniquement la seule partie prêtée à un taux conces-
sionnel ; la partie prêtée au taux du marché n’étant pas considérée comme une APD. Dès lors, il est
important de préciser pour les besoins de notre étude, que tous les prêts projets dans le cadre des
MPI ne sont pas financés uniquement que par l’APD, surtout, dans des hypothèses de financements
mixtes mêlant des flux concessionnels et non-concessionnels, voire d’origine privée.

Aussi, dans ce contexte, il est important de délimiter le champ de l’aide publique au développement.
Selon le comité d’aide publique au développement de l’OCDE7, il s’agit des flux financiers des États
destinés aux pays et territoires dont la liste est constituée par la Banque Mondiale sur la base du
revenu national brut par habitant(RNB) et ceux appartenant à la catégorie des pays les moins avan-
cés selon la liste établie par des résolutions des nations unies. D’une manière générale, c’est
l’ensemble des contributions qui ont pour but de promouvoir le développement économique et so-
cial des pays en développement8. Ces flux financiers doivent pour satisfaire à ce qualificatif obéir à

n°RSCAS PP, avril 2015 https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2682582## ; également l’étude :


OCDE, la taille des marchés publics, mars 2002 , disponible à l’adresse http://www.oecd-ilibrary.org/industry-
and-services/la-taille-des-marches-publics_9789264296305-fr
4
À côté de l’aide-projet, on peut distinguer l’aide-programme, la coopération technique et l’aide au dévelop-
pement alimentaire. Voir : Focus 2030, comprendre l’aide publique au développement (APD), concepts et
chiffres clés, notes d’analyses N°1, Avril 2021
https://focus2030.org/IMG/pdf/note_d_analyse_no1__comprendre_l_aide_publique_au_de_veloppement_fo
cus_2030.pdf (consulté le 13 octobre 2021)
5
Cf. Roger Mbeumen « les marchés publics internationaux dans les relations Nord-sud », thèse de doctorat,
Université panthéon-Assas, déc. 2003, 583p
6
https://data.oecd.org/fr/oda/apd-nette.htm#:~:text=en%20sont%20exclus.-
,L'aide%20peut%20emprunter%20la%20voie%20bilat%C3%A9rale%2C%20(%C3%AAtre%20fournie,'apports%2
0d'assistance%20technique. (Consulté le 13 octobre 2021)
7
http://www.oecd.org/dac/stats/daclist.htm
8
Pour faire partie de la catégorie « aide publique au développement », elles doivent émaner d’organismes
publics
18

des conditions financières particulièrement favorables. Ainsi, il peut s’agir de dons, ou de prêts à des
taux très concessionnels. Aussi, les modalités de l’aide au développement sont multiples en ce sens
qu’elle peut être directement accordée à l’État ou à d’autres acteurs de son tissu économique
(Banques, ONG etc…), dans le cadre de l’aide bilatérale ou par le biais d’organisations et autres struc-
tures à caractère international.9

En outre, dans ces propos liminaires au sujet de l’APD, il importe de noter que même si les MPI que
nous étudions sont des marchés de développement bénéficiant de financements à des conditions
favorables, ils intègrent les dépenses budgétaires de l’État. À ce titre, ils entretiennent un lien direct
avec sa politique d’endettement public et la soutenabilité de celle-ci, d’autant plus que les crédits qui
sont accordés sont remboursés ; d’où l’importance de l’utilisation efficace de cette aide qui constitue
à la fois un investissement et un passif pour l’état.

Appréhension et définitions des différents concepts du sujet


Afin de délimiter le cadre de notre réflexion et de la préciser, il est opportun dans cette entrée en
matière d’opérer hic et nunc quelques précisions terminologiques et d’approches du sujet :

Le marché public international (MPI)

D’entrée de jeu, l’on met en avant le fait que les MPI sont d’abord des marchés publics.

Dès lors, il apparaît que « Même dans les pays où les contrats de l’administration sont régis par le
droit privé ou par le droit commun, la décision de l’administration de conclure un contrat avec une
entreprise déterminée est apparue comme l’exercice d’un pouvoir administratif consistant à engager
les finances de l’État et exigeant par là même aux autorités le détenant d’agir dans l’intérêt pu-
blic.10 ». Aussi, le professeur Louis Trotabas écrivait que : « Si la complexité de la vie juridique et si
l’unité des notions juridiques et de la science du droit ne permettent pas de séparer, comme deux
mondes distincts, le droit public et le droit privé, les questions ne se posent pas et ne se résolvent pas

9
Pour ce qui est de l’aide bilatérale, elle peut être directe ou transiter par une agence de développement créée
à cette fin, Il peut s’agir de support budgétaire global ou sectoriel , de prêts avantageux concédé à une entre-
prise sans l’aval de l’État (les prêts liés doivent être concessionnels à hauteur de 35% et les prêts déliés à hau-
teur de 25%) ; quant à l’aide multilatérale elle peut transiter par des agences des nations unies qui mettent en
œuvre leurs propres programmes , de même que les institutions de financement du développement (comme
la BM) à caractère international. Voir notamment le site de l’Agence Française de Développement :
https://www.afd.fr/fr/laide-au-developpement (consulté le 13 octobre 2021)
10
Michel Fromont, « l’évolution du droit des contrats de l’administration –différences théoriques et conver-
gences de fait », in R.Noguellou, U. Stelkens (dir.), Droit comparé des contrats publics, Bruxelles Bruylant, col-
lection Droit administratif, 2010, p263.
Voir aussi, Angeliki Charouli, les considérations sociales et environnementales dans la passation des marchés
publics, thèse de doctorat, université paris 1 –panthéon Sorbonne, 2013, 401P, p3
19

de la même manière quand elles mettent en cause, avec l’État ou toute collectivité publique, l’intérêt
public, et quand elles mettent en cause, entre simples particuliers, des intérêts purement privés ».11

Les marchés publics internationaux incarnent cette idée du doyen Louis Trotabas en tant que matière
appartenant à la fois au champ du droit des contrats administratifs en ce que les intérêts publics sont
en jeu et imposent des conceptions particulières liées à la puissance publique tout en ayant un lien
avec les intérêts privés qui ont un impact significatif sur la matière, de sorte que ces deux mondes ne
soient pas exclusifs l’un de l’autre.

Dans notre définition, nous les cernerons selon deux grands angles. D’une part, ce sont des marchés
publics et d’autre part, le qualificatif international que nous employons n’est pas fortuit. Nous préci-
sons également que pour définir les marchés publics, nous mobiliserons principalement le droit fran-
çais et le droit de l’union européenne. Du reste, les codes des marchés publics de plusieurs pays
francophones donnent des définitions semblables à celles des ordres juridiques précités.

Partant, les marchés publics internationaux sont d’abord des marchés publics. Ils se distinguent des
autres contrats de l’administration qui ne sont pas des marchés publics12. ll s’ensuit que la définition
des marchés publics imposerait de les distinguer des autres contrats de la commande publique, no-
tamment des contrats de concession [englobant en droit européen et français, la notion de déléga-
tion de services publics et les marchés publics de partenariat (DSP)13]. Toutefois, pour les besoins de

11
Trotabas Louis, Finances Publiques, 4e Ed, Dalloz : paris, 1970, 869P, spéc. p4.
12
L’administration peut signer des contrats de droit privé ou des contrats administratifs. Mais tous les contrats
administratifs ne sont pas des marchés publics. Un contrat peut être qualifié d’administratif : selon une déter-
mination de la loi lorsqu’elle le qualifie comme tel ou si un texte déclare le juge administratif compétent pour
régler les conflits de l’administration dont il traite. A défaut, la jurisprudence a dégagé des critères supplémen-
taires : l’un des signataires du contrat est une personne publique, le contrat vise l’exécution d’un service public,
le contrat contient des clauses exorbitantes du droit commun. Les marchés publics sont une catégorie de con-
trats administratifs, mais il existe des contrats administratifs qui n’en sont pas ; Par exemple, une convention
d’occupation du domaine public entre l’État et une personne privée.
Sur les contrats privés des personnes publiques, Voir T.confl., 16 oct 2006, caisse centrale de réassurance ;
d’une manière générale, sur les qualifications des contrats des personnes publiques : Marion Ubaud Bergeron,
Droit des contrats administratifs, 3e Ed, Lexisnexis, 2019, 535 P, pp 83-132
13
D’une manière générale, le contrat de concession se distingue des marchés publics par le mode de rémunéra-
tion et/ou le partage des riques. Tandis que dans le cas d’un marché public, le paiement est intégral et immé-
diat et effectué par l’acheteur public, s’agissant d’une concession, la rémunération est tirée de l’exploitation du
service. Voir art L 1121-3 du code de la commande publique français : « Un contrat de concession de services a
pour objet la gestion d'un service. Il peut consister à concéder la gestion d'un service public. Le concessionnaire
peut être chargé de construire un ouvrage ou d'acquérir des biens nécessaires au service. La délégation de ser-
vice public mentionnée à l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales est une concession de
services ayant pour objet un service public et conclue par une collectivité territoriale, un établissement public
local, un de leurs groupements, ou plusieurs de ces personnes morales. ». Nota Bene Depuis le code de la com-
mande publique français de 2018, la notion de « délégation de service publique » ne constitue qu’une sous-
catégorie de celle de « concession » restreinte aux marchés des collectivités territoriales et leurs groupements.
Mais, dans de nombreux pays francophones en développement, c’est la notion de DSP qui est générique. C’est
elle qui engloble tous les marchés publics de partenatiats, y compris les différents modes de concessions. De ce
20

notre étude, nous ferons appel à ces deux notions dont les frontières ne sont pas étanches, et qui du
point de vue des MPI se rejoignent aisément. En effet, même si l’on pourrait, de jure, distinguer les
marchés publics des contrats de concession, ces deux notions appellent des réflexions pertinentes et
dans certains cas identiques, quant à l’objet de l’étude. D’abord, les marchés publics et les conces-
sions forment la « commande publique » d’une manière générale14. Qui plus est, le choix de ne pas
opérer une distinction fondamentale est justifié par ce que les contrats de concession sont suscep-
tibles de bénéficier de financements internationaux d’organismes de financement du développement
et de s’insérer dans un projet de développement à destination d’un PED dans le cadre d’un MPI. En
effet, ces contrats, souvent opérés sous le mode de partenariats publics privés15sont des marchés
publics susceptibles d’intégrer le champ des MPI en tant que moyen privilégié de financement plé-
biscité par les pays en développement et soutenu par les institutions multilatérales et bilatérales de
financement du développement.

Ceci étant dit, il convient de définir les marchés publics comme des contrats administratifs16 conclus
à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis au code des marchés publics avec un ou plu-

fait, dans cette thèse, nous pourrons nous référer à la notion de DSP pour qualifier tout marché public impli-
quant une délégation de service public ou un partenariat public-privé.
14
Comme en témoigne l’organisation du code de la commande publique français entré en vigueur le 1er avril
2019. Il associe ces matières dans le même code. D’ailleurs, dans le code en vigueur, les contrats de partena-
riats sont considérés comme des marchés publics. Voir : Philippe Cossalter, Jacques Fournier de Laurière, Phi-
lippe Mazet, Guide de la commande publique : marchés publics-concessions, Le Moniteur, 5e Ed, 2020, 461P, pp
97 et s.
15
« Un contrat de concession est un contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au
présent code confient l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs écono-
miques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit
d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat, soit de ce droit assorti d'un prix.
La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte
que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement théorique ou négli-
geable. Le concessionnaire assume le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales,
il n'est pas assuré d'amortir les investissements ou les coûts, liés à l'exploitation de l'ouvrage ou du service, qu'il
a supportés. », Voir article L1121-1 du code de la commande publique français.
16
L’article L6 du code Français de la commande publique en vigueur depuis 2019 précise que ce sont des con-
trats administratifs « s’ils sont conclus par des personnes morales de droit public ». Voir David Suba, Emma-
nuel Tessier, le droit des contrats administratifs, Enrick .B. Ed, 2019, 557P, pp110-111
Cependant, une jurisprudence constante tendait à considérer qu’au-delà des procédures de passation, le con-
trat liant l’administration dans un marché public peut ressortir du droit privé. Voir cass, Civ, 1 re, 17 décembre
1996, Sté locunivers, Bull. civ. I, n° 464 ; CE, 31 juillet 1912, Sté des granits porphyroïdes des Vosges, Lebon, p.
909, concl. Blum ; CE, 8 novembre 2000, commune de Baie-Mahault, Sté Rhoddlams, BJCP, 2001, N° 15, p. 169.
Néanmoins, cela conduisait à une ambiguïté dans la détermination des compétences respectives du juge admi-
nistratif et du juge judiciaire. L’article 2-1 de la loi N° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures ur-
gentes de réforme à caractère économique et financier fait des marchés passés en application du code des
marchés publics des contrats administratifs , par détermination de la loi. Du moins, cette disposition s’applique
seulement à ceux passés après l’entrée en vigueur de ladite loi. Cf. CE, sect. Avis, 29 juillet 2002, Sté Maj Blan-
chisseries de pantin, RFDA, 2002, p. 1010 ; Voir Stéphane Braconnier, précis du droit des marchés publics, Le
moniteur, 4ème Ed, 2012, 567P, pp. 100 et s ; voir également François Benchendikh, Droit de la commande pu-
blique, Ed. Dalloz, 2019, 448P, pp24 et s.
21

sieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures
ou de services.17 Il importe de préciser d’un point de vue fonctionnel que le terme « acheteur » peut
se référer à une personne de droit public ou privé qui dispose de prérogatives de puissance publique
ou exerce une mission d’intérêt général justifiant la passation d’un marché public. Dans cette lo-
gique, il peut donc s’agir de contrats passés entre des personnes publiques18 ; par une personne mo-
rale de droit privé.19

Par ailleurs, il convient ici, de considérer, à côté du contrat lui-même, le marché public comme une
technique juridique particulière. De fait, le qualificatif « marché » se réfère également à un ensemble
de procédures, de mécanismes budgétaires, de mise en concurrence et de contrôles obéissant à di-
vers objectifs (sociaux, investissements économiques, gouvernance etc…) car, pour autant que tout
marché public soit un contrat, les mots marchés et contrats ne sont pas synonymes ; d’ailleurs tous
les contrats administratifs ne sont pas des marchés publics, même si la théorie des contrats adminis-
tratifs est essentiellement formée par ceux-ci.20

Ensuite, il convient de définir et de préciser les contours de la notion de marché public international
qui sera le cœur de notre étude.

À ce titre, parler de marchés publics internationaux revient à se plonger dans une singularité juri-
dique qui n’est ni précise et finie, ni inconnue. Il apparaît difficile de qualifier juridiquement un mar-
ché public « d’international » en raison de la dévolution du contrat qui le sous-tend au moins en par-

17
Article L2 du code de la commande publique (2019) ; voir aussi Nicolas Charrel Michel Guibal, code pratique
des marchés publics, 9ème Ed, Le Moniteur ; Philippe Mazet et al. Guide de la commande publique : marchés
publics-concessions, Op. Cit. ; François Benchendikh, Droit de la commande publique, ibid. ; David Suba, Emma-
nuel Tessier, le droit des contrats administratifs, Op. Cit.
18
CE, 20 mai 1998, communauté de communes du Piémont de Barr, N°188239, Lebon ; voir aussi Directive
2014-/24/UE du parlement européen et du conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics art 2
19
Dans certaines conditions, les marchés passés par des entités privées peuvent être soumis au code et quali-
fiées selon des critères spécifiques de contrats administratifs, notamment : Les personnes morales de droit
privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre
qu’industriel ou commercial, dont :
a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moi-
tié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ;
d) Les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs
en vue de réaliser certaines activités en commun.
Voir article L 212-1 à l 212-4 du code des marchés publics français relativement aux entités adjudicatrices ;
Sur la qualification des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices, Voir notamment, Stéphane Bra-
connier, précis du Droit des marchés publics, Op. Cit., pp 65 et s.
20
Dans le même sens, lorsque l’on se place dans une perspective économique, les termes « marchés bour-
siers » ou « marchés financiers » ne comportent pas le sens de convention. Voir : Ibrahim Réfaat Mohamed El-
Béhérry, théorie des contrats administratifs et marchés publics internationaux, thèse de doctorat, université de
Nice Sophia Antipolis, Mars 2004, 565P, P 10
22

tie aux règles de droit interne, notamment, celles du droit administratif national. À cet effet, il paraît
utile de rappeler le dictum de la Cour Permanente de Justice internationale (CPJI, devenue la Cour
internationale de Justice CIJ) dans l’affaire des emprunts serbes émis par la France. En l’espèce la
cour affirmait : « En ce qui concerne la question de savoir si c'est la loi française qui régit les obliga-
tions contractuelles de l'espèce, la Cour fait observer ce qui suit : Tout contrat qui n'est pas un contrat
entre des États en tant que sujets du droit international a son fondement dans une loi nationale. La
question de savoir quelle est cette loi fait l'objet de la partie du droit qu'aujourd'hui on désigne le plus
souvent sous le nom de droit international privé ou de théorie du conflit des lois … »21. Cette solution
de la cour vient corroborer le constat selon lequel il ne peut exister de « marchés publics » propre-
ment et exclusivement « internationaux » dans la qualité des parties ou les règles applicables au
marché. Il apparaît alors que le marché public international ne peut s’interpréter comme tel au re-
gard des règles du Jus gentium. Le fait d’être cocontractant d’un État ne fait pas des particuliers des
sujets de droit international.22

Pourtant, certaines considérations justifient l’utilisation du qualificatif international. De fait, l’on ob-
serve que les marchés publics internationaux trouvent leurs sources aussi bien dans l’ordre juridique
national qu’international. Car, même s’il est vrai que les contrats relatifs aux marché contenus dans
les « Cahiers des Clauses Administratives Générales » (ci-après CCAG) et les « Cahiers des Clauses
Administratives Particulières » (CCAP) sont soumis au droit national, cela n’exclut pas la soumission
possible des différends découlant de la mise en œuvre du marché à l’arbitrage d’une institution ex-
tranationale. En outre, les contrats de Prêts et la pratique générale des institutions multilatérales
assujettissent les modalités des dépenses et acquisitions émanant des prêts par elles accordés aux
règles, principes et directives desdites institutions23. Or, même s’il ne s’agit de normes de droit in-
ternational au sens propre de ce terme, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de règles supranatio-
nales qui s’imposent à des États souverains. En sus, les institutions multilatérales veillent à
l’application de ces règles à travers leurs prérogatives de supervision qui se matérialisent entre
autres par l’émission d’avis de non-objection à diverses étapes de la procédure, y compris sur la révi-
sion éventuelle du marché. Cette supervision est assortie de conséquences qui peuvent aller du blo-

21
Affaire relative au paiement en or des emprunts fédéraux brésiliens émis en France, Publication de la Cour
Permanente de justice Internationale, Recueil des Arrêts, Série A-N° 20/21, 1929, p 41 de l’arrêt, disponible sur
le site de la Cour Internationale de justice ; http://www.icj-CIJ.org/fr/cpji-serie-a
22
VEDEL G., « Le problème de l'arbitrage entre gouvernements ou personnes de droit public et personnes de
droit privé », Revue de l’arbitrage, 1962, pp. 116-130
23
Toutes les institutions multilatérales et régionales de financement disposent de règles spécifiques qui gou-
vernent les marchés publics passés dans le cadre des prêts et dons qu’elles attribuent. C’est notamment le cas
de la Banque Mondiale. Voir, Banque Mondiale, Règlement de passation des marchés pour les emprunteurs
sollicitant le financement de projets d’investissements (FPI), version Juillet 2016, (Révisions Novembre 2017 et
Août 2018)
23

cage du décaissement, l’exclusion d’un ou plusieurs soumissionnaires, voire l’annulation pure et


simple de l’octroi financier.

De plus, l’on note, du fait de l’ouverture des appels d’offres à la concurrence internationale
(l’expression appel d’offre international est d’ailleurs employée dans la terminologie de la Banque
Mondiale)24, l’immixtion des règles relatives à la protection des investissements internationaux dans
les marchés publics internationaux.25 Il faut également faire mention de l’impact de certains accords
internationaux (comme l’accord de l’OMC sur les marchés publics) et régionaux, de même que les
directives et règlements des organisations communautaires sur la manifestation de l’appel à concur-
rence et les marges de manœuvre du pouvoir adjudicateur.

Corrélât de ces analyses, il est important de préciser la conception d’un marché public international
au sens de notre étude. Il s’agit de tout projet public financé par le concours d’une institution de
financement multilatérale, régionale ou sous régionale ou instaurée dans le cadre de relations
bilatérales , qui s’exécute par le biais de mécanismes de marchés publics trouvant leurs sources
aussi bien dans les droits nationaux que les règles d’exécution des dépenses propres aux institu-
tions de financement.

Cette définition a l’avantage de circonscrire notre sujet dans lequel nous rappelons la centralité de
l’aspect stratégique des procédures de marchés publics pour l’efficacité, dans l’utilisation des finan-
cements et les objectifs de développement. Elle nous permettra également d’envisager les modes de
financements qui ne sont pas des marchés publics stricto sensu dans leur mise en œuvre ou lato sen-
su dans la contractualisation mais qui servent l’intérêt général et qui bénéficiant du concours de
telles institutions financières, obéissent dans la mise en concurrence aux règles et directives qui gou-
vernent leurs financements. C’est notamment le cas des projets faisant l’objet de partenariat public-
privés et qui occupent une place importante dans les financements étatiques des pays en dévelop-
pement26.

De plus, l’on doit clairement comprendre à travers notre définition que le soutien multilatéral des
institutions de financement du développement n’est pas forcément exécuté par des mécanismes de
marchés publics. De fait, il convient de distinguer plusieurs cas de figures quant à la détermination
des règles qui s’appliqueront au projet final. Ainsi, le critère organique qui permet de qualifier une

24
Voir, Règlement de passation ibid. P48.
25
A ce sujet, l’étude de la CNUCED, intitulée « définition de règles internationales en matière d’investissement-
état des lieux, défis à relever et perspectives : études de la CNUCED sur les politiques d’investissement interna-
tional au service du développement. », publication des Nations unies, UNCTAD/ITE/IIT/2007/3, 2008
26
Voir aussi, sur l’importance des PPP en Afrique dans la foulée de l’internationalisation des contrats et de
leurs sources de financement : Lukas Perichon, les entreprises françaises et la commande publique en Afrique,
thèse de doctorat, Université Paris-sarclay, 2019, 590P, pp200 et s.
24

opération de marché public n’est pas rempli lorsque l’institution de financement prête directement à
une entité privée. Ici, l’exécution du projet repose sur un contrat entre personnes privées, même si le
prêteur multilatéral « encourage » le respect de ses procédures de passation ou de procédures ac-
ceptables. Cela reste vrai, quand même l’État serait garant dudit prêt27. Pour être exhaustif, en com-
plément des règles normalement applicables, il importe de préciser que la Banque Mondiale a entre-
pris une réforme de ses procédures afin d’intégrer plus de flexibilité. Ainsi, dans le cadre l’APA (Ap-
proved Procurement Arrangements), depuis 2016, les bénéficiaires de ses financements dans le
cadre de marchés publics peuvent choisir d’appliquer des règles et procédures d’une autre institu-
tion (multilatérale/ bilatérale) ou des règles et procédures d’une institution ou d’une entité de
l’emprunteur lui-même. De tels arrangements sont conditionnés par l’acception de la Banque Mon-
diale28.

Plusieurs cas de figures se présentent ainsi (voir tableau ci-après basé sur le modèle de la Banque
mondiale) :

27
Voir P. Saunier, le système financier international, non publié, 2006, 92P, p39 ; les cas de la BEI et de la BERD
sont assez symptomatiques en ce sens qu’elles financent principalement le secteur privé
Pareillement, Dans les marchés publics de la Banque Mondiale par exemple, le point 3.13 de la directive sur la
passation des marchés de fournitures, de travaux et de services qui régit l’utilisation des prêts prévoit que
« lorsque les fonds du prêt vont à une institution ou une entité intermédiaire de financement… par exemple, une
caisse de crédit agricole, une société de financement du développement ou un fonds de développement des
infrastructures qui les rétrocèdera à des bénéficiaires-particuliers, entreprises privées, petites et moyennes en-
treprises ou entreprises publiques autonomes gérées sur une base commerciale-… les méthodes habituelles de
passation des marchés des entreprises publiques à caractère industriel et commercial ou des entreprises privées
du pays jugées acceptables par la Banque… » s’appliquent. Voir, directives de passation des marchés de fourni-
tures, de travaux et de services (autres que les services de consultants) par les emprunteurs de la Banque
Mondiale dans le cadre des prêts de la BIRD et des crédits et dons de l’AID, version 2011 (révisée en 2014) (ci-
après les directives de 2011) ; le règlement de passation de 2016 contient des dispositions similaires. Voir Rè-
glement de passation des marchés, point 2.2, Op. Cit.
28
Voir point 2.4 du Règlement de passation des marchés sur les « modalités alternatives de passation des mar-
chés », Ibid. : « À la demande de l’Emprunteur, la Banque (sous réserve de ses politiques et règles, et des exi-
gences fiduciaires et opérationnelles applicables) peut accepter de :
a. convenir de s’appuyer sur les règles et procédures de passation des marchés d’une autre institution ou
organisation multilatérale ou bilatérale et de les appliquer, et accepter qu’une telle partie joue un rôle
de premier plan dans l’appui à la mise en œuvre et le suivi des activités de passation des marchés ; et
b. convenir de s’appuyer sur les règles et procédures de passation des marchés d’une institution ou d’une
entité de l’emprunteur et les appliquer »
25

Bénéficiaire et destina- Règles applicable Qualification


tion

État pour un projet -Directive de l’institution de


d’une personne pu- financement (IFI)
Marché public inter-
blique
-Procédures nationales de national
passation des M.P

Prêt accordé directe- Directive de l’IFI et Procé-


ment à une entité privée dures nationales de passa-
Marchés public in-
dans le cadre d’un projet tions de marchés publics
ternational
de partenariat public- pour l’appel à concurrence
privé
Prêt, dons de Règles aceptables par l’IFI
l’institution de pour les autres aspects fonc-
financement tionnels du marché

Prêt accordé directe- Règles acceptables par la


ment à une entité privée Banque et contrat entre
Pas un marché Pu-
en dehors d’un projet de personnes privées
blic
partenariat public-privé

Prêt consenti à l’État -Méthodes et règles habi-


mais le bénéficiaire est tuelles des entreprises pu-
pas un marché Pu-
un maître d’ouvrage bliques à caractère commer-
blic nécessairement
privé (exemple orga- cial ou des entreprises pri-
nisme intermédiaire de vées acceptées par la
financement29) Banque,

-pas forcément des procé-


dures de marchés publics

Marchés passés par les Contrat type entre emprun- statut hybride / les
institutions des nations teurs et institutions de règles propres de
unies (système Banque l’ONU l’institution
Mondiale) s’appliquent

Dans tous les cas de figures, depuis 2016, l’emprunteur public, peut opter pour des modalités alter-
natives de passation des marchés (APA), conditionnées par l’acceptation de la Banque Mondiale. Les
règles opérationnelles et autres politiques restent néanmoins applicables.

29
Directives de passation (2011), Banque Mondiale Op. Cit., point 3.13, « le document d’information du prêt
doit décrire les principes directeurs applicables au prêt et jugés acceptables par la banque .ces principes doi-
vent entre autres, inclure des dispositions obligatoires interdisant aux bénéficiaires du prêt d’attribuer les mar-
chés à leur société mère ou à des sociétés filiales… approuver des plans acceptables pour la passation des mar-
chés de fournitures, de travaux et de services (autre que les services de consultants… accepter les arrange-
ments relatifs à la supervision et au contrôle » de même que les audits éventuels
26

Quant aux procédures à proprement parler, sur un plan pratique, un marché public international
peut se rapporter à des objets différents : on distingue notamment, des marchés de travaux, de
fournitures et de services. Les marchés de prestations intellectuelles, quoiqu’étant des marchés de
services bénéficient en général, d’une réglementation particulière. Ces différents types de marchés
sont matérialisés à travers une variété de procédures qui sont à la disposition du pouvoir adjudica-
teur en fonction de ses capacités, des circonstances et de ses objectifs etc. Les directives des bail-
leurs de fonds et les règles nationales en matière de marchés publics fixent les conditions, et les mo-
dalités de déclenchement des différentes procédures30. Aussi, conformément à la philosophie des
marchés publics qui est basée sur la mise en concurrence et la transparence, l’appel d’offre ouvert
est la règle. Il peut s’agir d’un appel d’offre ouvert international, régional, national. Dans une telle
procédure, l’appel d’offres est publié dans des conditions de délais et dans certains journaux et sites
web obligatoires pour favoriser la plus large audience possible ; et sauf exclusion spécifique, tout
candidat qui répond aux conditions stipulées dans le dossier d’appel d’offres peut soumissionner. À
côté de la première citée, on peut distinguer également des procédures d’appel d’offres restreintes.
Il s’agit dans ce cas de figure, de limiter la liste des candidats potentiels qui fait l’objet d’une short-list
après une phase de présélection, voire d’une consultation directe d’un ensemble de prestataires
retenus sur la base de critères connus. Cette phase de présélection est mise en œuvre par le biais
d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) ou d’une lettre d’invitation à soumissionner. La sélection
dans les marchés de consultants répond généralement à cette catégorie d’appel d’offres même s’il
n’y a pas de principe général en la matière. Enfin, selon les conditions prévues par la réglementation,
l’autorité contractante peut faire recours au marché de gré-à-gré également appelé d’entente di-
recte qui lui permet de choisir directement un seul candidat sans passer par une mise en concur-
rence31. Le choix de ces procédures dérogatoires par l’État bénéficiaire obéit à des conditions strictes
mentionnées dans les directives des institutions de financement. De plus, il fait l’objet d’un avis de
non objection de la part de celles-ci (de même que le projet de contrat qui en découle) qui peut dé-
cider de le valider ou de l’invalider32.

30
Le code des marchés public maliens de 2015 ( décret N°2015-0604) ( art 9) , fixe le seuil d’application du code
à Cent Millions de francs CFA pour les marchés de travaux, quatre-vingt millions de francs CFA pour les marchés
de fournitures et services courants et soixante-dix millions de francs CFA pour les marchés de prestations intel-
lectuelles.
31
Ces procédures qui sont le substrat des marchés publics peuvent être utilisées dans le cadre de méthodes
particulières telles que des appels d’offres avec concours, des accords-cadres, des marchés de commandes,
marché de conception-réalisation, dialogue-compétitif etc…
Voir pour plus de détails Patrice Cossalter, le guide des procédures des marchés publics, territorial éditions,
décembre 2016, 540P
32
Voir par exemple, dans le cas de la Banque Mondiale, qui impose un examen préalable de la banque dans le
cas des sélections par entente directe. Cet examen préalable est obligatoire au dessus un seuil prédéfini, mais
27

Quant au déroulement de ces procédures citées, de façon sommaire, d’une manière générale, la
procédure d’appel d’offres correspond à un ensemble d’étapes. Il s’agit d’abord, de la préparation et
la publication par l’autorité contractante de l’appel à candidatures à travers le dossier d’appel
d’offres (DAO)33 qui comprend entre autres les termes de références, le règlement de l’appel d’offre,
les critères d’éligibilité, de sélection des offres et les pièces obligatoires que devront fournir les sou-
missionnaires, de même que les clauses du marché etc. Dans le cas d’un appel d’offres restreint,
cette phase est précédée par la publication de l’avis à manifestation d’intérêt ou une lettre
d’invitation à soumissionner quand la liste des entreprises présélectionnée est déjà établie. Ensuite,
ces offres sont réceptionnées dans le délai imparti. Elles seront par la suite évaluées conformément
aux critères retenus dans le DAO en vue de l’attribution du marché à l’offre la mieux-disante34. Le
résultat de l’attribution est également publié dans des supports obligatoires prévus par les textes
nationaux et les directives des institutions de financement. Il convient de préciser que dans la plupart
des cas, le marché ainsi attribué fait l’objet de multiples vérifications relatives à la capacité de
l’attributaire avant son approbation par les autorités ad hoc. Les modalités de ces vérifications sont
déterminées dans les codes des marchés publics nationaux selon le montant de la dépense et sa na-
ture. De plus, il fait l’objet d’avis de non-objection de la part de l’institution prêteuse.

Qu’entendons-nous par stratégie ?

Pour appréhender l’emploi du mot stratégie dans notre réflexion, nous retiendrons d’abord, la défi-
nition du dictionnaire Larousse. Selon ce dictionnaire, la stratégie qualifie l’action de planifier, de
coordonner des actions, manœuvrer habilement pour atteindre un but.

Ensuite, pour une interprétation dans notre contexte spécifique, il est intéressant de prendre comme
exemple l’approche des stratégies de développement telle que développée dans l’accord de COTO-
NOU qui fixe le cadre de la coopération au développement entre l’UE et les états ACP. Dans son titre
I intitulé Stratégies et développement, l’article 19 de l’Accord (chapitre 1 du titre I –stratégies de
développement) tient d’abord compte des objectifs de la coopération. Il s’agit notamment dans ce
cas spécifique de l’éradication de la pauvreté, le développement durable et l’intégration progressive

ne fait pas obstacle à une décision d’examen préalable en dessous dudit seuil. Voir BM, règlement de passation
des marchés, Op. Cit., annexe II
33
La pratique consacre des dossiers types d’appel d’offres qui s’imposent aux pouvoirs adjudicateurs.
Voir aussi pour plus d’informations sur les procédures Patrice Cossalter, le guide des procédures des marchés
publics, Op. Cit.
34
La notion de mieux-disante est une notion complexe qui ne s’appuie pas que sur le prix, même s’il n’est pas
exclu que certains marchés soient attribués selon le critère de l’offre la « moins-disante ». En fait, il existe plu-
sieurs méthodes d’évaluation en fonction de l’importance technique du marché et les critères retenus qui sont
les plus importants pour l’autorité contractante. La détermination des critères fait en effet partie des préroga-
tives d’un pouvoir adjudicateur. Souvent, le vocable d’« offre la plus avantageuse » est également employé.
28

des pays ACP dans l’économie mondiale. Cet objectif passe par la prise en compte spécifique des
réalités de chaque pays ACP. Il est fait mention de l’appropriation locale des réformes économiques
et sociales et l’intégration du secteur privé et de la société civile dans le processus de développe-
ment. L’article 20 du même titre utilise la notion de « stratégies intégrées » combinant « les compo-
santes économiques, sociales, culturelles, environnementales et institutionnelles du développement et
qui doivent être appropriées au niveau local ». Les stratégies ici indiquées s’appuient elles-mêmes sur
les différentes conclusions des conférences des nations unies et les objectifs et programmes
d’actions convenus au niveau international35.

En mettant ces approches définitionnelles en rapport avec la sphère des MPI qui sont institués dans
un but de développement, il ressort ipso-facto que c’est une matière qui implique un aspect haute-
ment stratégique dans la mesure où, les différents objectifs de développement s’appuient sur des
financements et que ceux-ci sont en grande partie, dans le cadre des projets, dépensés via les méca-
nismes de marchés publics internationaux. En outre, certaines missions sont dévolues à l’utilisation
stratégique des marchés publics en tant qu’instrument des politiques économiques et sociales lo-
cales. Cette approche est corroborée par les évolutions règlementaires et jurisprudentielles dans de
nombreux pays développés36. L’un des objectifs de notre étude est de mettre en exergue cet aspect
qui est pertinent, voire indispensable a fortiori dans des pays en développement.

Ainsi, nous entendons par stratégie du développement dans les marchés publics internationaux, la
vision mise en œuvre à travers le moyen des MPI par les États et les institutions, acteurs du finance-
ment du développement, ensemble ou isolément (à travers des politiques nationales) pour faire face
aux défis du sous-développement et réaliser ainsi les divers aspects d’une vie sociale et économique
épanouie pour leurs peuples. Comme nous l’avons évoqué plus haut, les marchés publics apparais-
sent à la fois comme un moyen de la réalisation de l’efficacité dans le financement du développe-

35
Cf. art 19 précité de l’accord de COTONOU
36
La démarche de la commission européenne à travers ses livres vert sur la question afin d’orienter la régle-
mentation des États membres vers plus d’ « instrumentalisation » des marchés, la jurisprudence de la CJUE, le
code de la commande publique français, sans être exhaustif nous renseigne sur ces postures stratégiques. Voir
à cet effet Angeliki Charouli, Les considérations sociales et environnementales dans la passation des marchés
publics, thèse de doctorat, Op. Cit., pp 7et s ; également : commission européenne. Les marchés publics dans
l’union européenne : pistes de réflexion pour l’avenir, Livre vert, adoptée le 27 novembre 1996, sur proposition
de Monsieur Monti; cf. également code des marchés publics français art 6, 14, 53 et s. voir aussi les directive
2004/17/CE, 2004/18/CE, directive 2014/24/UE du parlement européen et du conseil du 26 février 2014 sur la
passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE , voir les considérants se référant à
l’importance de la mise en œuvre des critères sociaux et environnementaux (notamment N°89-91-92-97-98) et
la référence pour leur interprétation relativement à la jurisprudence européenne en la matière, également
l’article 67 sur la possibilité d’introduire des critères sociaux et environnementaux par les pouvoirs adjudica-
teur. Quant à l’interprétation de ces clauses vis-à-vis des règles de concurrence, dans la jurisprudence de la
CJUE : CJCE 20 septembre 1988, Gebroeders Bentjees c/États des Pays-Bas, Aff. 31/87 ; CJCE, Concordia bus
finland Oy Ab, 17 septembre 2002
29

ment et une jauge qui permet d’en assurer le contrôle. Dans ce sens, on peut les considérer comme
« un outil/instrument » du financement du développement. Le cadre juridique de cet instrument
peut être orienté par les acteurs selon leurs objectifs afin de conditionner l’utilisation du finance-
ment qui est une modalité de l’aide au développement. À ce titre, ils impliquent nécessairement un
aspect stratégique aussi bien pour les détenteurs des financements que pour les états en dévelop-
pement. En outre, l’évolution de la réglementation des MPI au niveau international, comporte une
facette hautement stratégique dans la mesure où, conditionnant la réussite des projets de dévelop-
pement, elle fait à la fois l’objet d’une connexité avec plusieurs disciplines du droit et de l’économie
qui font de l’État un acteur du commerce international dans un monde où le libéralisme et les inté-
rêts privés prévalent. Les MPI sont donc un lieu où se manifeste la recherche d’un équilibre entre
plusieurs intérêts à la fois convergents et divergents. Les divergences entre États développés et pays
en développement au sujet de l’accord de l’OMC sur les marchés publics fournissent un exemple de
cette tension37. Il en va de même de la question des marchés liés 38. Nous mettrons en exergue de
multiples aspects de ces connexités et de leurs enjeux pour les objectifs du développement dans
notre réflexion.

D’ores et déjà, cette constatation rappelle comme l’affirmait le professeur Philippe Saunier que « le
financement du développement, dans des conditions particulières en l’espèce est un flux financier qui
s’analyse en crédits de développement quand il transite par les pays emprunteurs et comme une
source de profit quand il se transforme en contrats pour les entreprises. Ce sont les règles de passa-
tion des marchés qui régissent cette métamorphose et qui assurent l’équilibre économique et finan-
cier de l’ensemble du dispositif. »39

Il est donc important de situer notre réflexion sur les marchés publics internationaux dans le con-
texte des enjeux du développement pour bien en épouser la trame, car, nous concevons toute stra-
tégie de développement comme un moyen qui met l’humain au centre de sa conception et en fait la
seule fin. Notre réflexion consistera donc à décortiquer et analyser le cadre juridique actuel des MPI
et ses perspectives d’évolution selon les enjeux actuels et à venir. Ceci, dans le but de rappeler les
obligations qui incombent aux États développés comme en développement, de faire des marchés

37
Voir par exemple, Martin Khor, the « Singapore issues » in the WTO : Evolution and implications for develop-
ing countries, in third world network (TWN) Trade and development series, N°33, 2007, 73P
https://martinkhor.org/wp-content/uploads/2019/10/tnd33.pdf ( consulté en novembre 2021)
38
Voir : Annamaria la chimia, Tied aid and development aid procurement in the framework of EU and WTO law :
the imperative for change, Hart Publishing, 2013, 463P, pp 411-428
39
Par exemple, dans le cas de la reconstruction de l’Irak en 2003, le gouvernement américain a promulgué une
disposition qui énonçait que seulement les États ayant pris part à l’opération militaire « operation Iraqui
Freedom » avaient le droit de compétir pour les marchés afférents à la reconstruction du pays.
Philippe Saunier, le système financier international, Op. Cit. P 39
30

publics un vecteur du développement dans toutes leurs dimensions afin de renforcer le sens attaché
aux politiques et projets de développement qui en dépendent. Une telle analyse pour être objective
ne saurait être aveugle sur les autres enjeux. Partant, elle fera nécessairement ressortir les tensions
suscitées par les différents intérêts en jeu et qui se reflètent dans la formulation et l’évolution du
droit des MPI.

Dans la suite de cette introduction, les objectifs de développement étant au cœur de notre réflexion,
Il nous paraît important d’opérer quelques précisions sur l’importance de la notion de développe-
ment, de son évolution dans la conception de l’aide au développement et la pratique des institutions
de financement du développement, son rapport avec les droits individuels, de même que son inter-
prétation face aux mutations du monde moderne, qui à notre sens, justifient des stratégies telles que
nous les avons évoquées.

Notions de développement et approches stratégiques globales

Au sortir, de la seconde guerre mondiale, la nécessité de qualifier la situation des nations du globe
qui était de fait exclues du processus de développement s’est avérée nécessaire. D’où l’émergence
de la notion de sous-développement qualifiant la partie des pays qui étaient les moins développés
dans le concert des nations.

Pourtant, en dépit du caractère fondamental et de l’utilisation consacrée de la notion de « dévelop-


pement », il demeure malaisé de lui attribuer une définition précise tant la polysémie du mot a don-
né lieu à des interprétations variées. Jusqu’au milieu des années 60 au moins, les termes « dévelop-
pement », « développement économique » et « croissance » étaient généralement synonymes et
utilisés indifféremment. Cette interprétation se fondait sur l’idée que le développement se mesurait
par l’accroissement du produit national Brut « dont les bienfaits se répandaient peu à peu à travers
toutes les couches de la société »40. Puis, la conception que l’on a du développement s’est élargie en
tenant compte de facteurs moins matériels tels que les aspects sociaux et culturels, les droits de
l’homme.

Selon l’économiste François Perroux, le développement est « la combinaison des changements men-
taux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement
son produit réel et global ». Ainsi, même s’il semble irréfutable que le développement est difficile-

40
Voir par exemple WALT WHITEMAN Rostow, les étapes de la croissance économique, 2ème édition , Cambridge
University Press, 1971, 252p ; voir également Rapport du Secrétaire Général, les dimensions internationales du
droit au développement comme droit de l’homme, en relation avec d’autres droits de l’Homme fondés sur la
coopération internationale, y compris le droit à la paix, et ce, en tenant compte des exigences du nouvel ordre
économique international et des besoins humains fondamentaux, ONU, Conseil Economique et Social , trente-
cinquième session, point 8 à l’ordre du jour provisoire,11 décembre 1978, (référencée E/CN.4/1334)
31

ment envisageable en excluant la croissance économique, le premier ne saurait se réduire au second.


Pionnier, dans la conceptualisation d’un développement plus humain, le Programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD) propose quatre critères pour mesurer le niveau de dévelop-
pement d’un pays :

*La productivité qui permet d’enclencher un processus d’accumulation,

*La justice sociale qui promeut le partage de la richesse au profit de tous,

*La durabilité qui vise la prise en compte des générations futures dans le processus de développe-
ment,

*Le développement doit être engendré par la population elle-même et non par une aide extérieure

Par ailleurs, derrière les différentes appellations du sous-développement41, se cachent des réalités
très contrastées. Il existe une catégorie appelée PMA qui qualifie des pays ayant des niveaux de dé-
veloppement très faibles. Mais à côté de celle-ci, on range globalement dans la catégorie des PED,
des pays très avancés dans leur industrialisation et leur évolution concurrentielle avec les pays déve-
loppés. C’est le cas des Nouveaux Pays Industrialisés42 . De plus, du point de vue des indicateurs de
développement43, certains PED se hissent au niveau des pays développés ; c’est le cas des pays
comme l’Argentine, le Chili, Hong-Kong etc. Notons toutefois, que même si ces indicateurs subissent
eux-mêmes des critiques souvent justifiées, ils présentent l’intérêt d’élargir la perception du déve-
loppement à des réalités plus concrètes.44

Plusieurs griefs ont été faits au concept et aux politiques de développement sous l’égide des institu-
tions internationales et des stratégies dessinées par ces dernières.

41
La qualification attribuée aux pays « sous-développés » a évolué au fil du temps et des conceptions politiques
et plus optimistes vers lesquels on a voulu l’orienter : pays sous-développés (Harry Truman- 1949), Tiers-
monde (Alfred Sauvy-1952), Pays en voie de développement (ONU- 1970s), Pays en développement –PED-
(ONU).
42
Notion de l’OCDE qui représente à la fois les Nouveaux Pays Industrialisés Asiatiques (Corée du Sud, Singa-
pour, TAIWAN, Hong-Kong) et les pays émergents comme le Brésil, l’Inde, la Chine, la Malaisie, la Thaïlande
43
Les indicateurs de développement consistent en l’approche qui mesure le développement à partir de critères
qui dépassent la croissance économique. En 1990, le PNUD a créé l’Indice de Développement Humain, qui re-
présente un ensemble de données composite (mesuré sur une échelle de 0 à 1) à partir desquels l’on évalue le
niveau de développement d’un pays. L’IDH combine un indicateur de longévité et de santé basé sur le taux de
mortalité infantile un indicateur du niveau d’instruction évalué à partir du taux d’alphabétisation, un indicateur
du niveau de vie mesuré par le PNB par habitant en parité du pouvoir d’achat.
La conception de l’indice de développement humain par le PNUD s’appuie sur la considération que « le déve-
loppement est le processus qui élargit l’éventail des possibilités offertes aux individus, en s’intéressant plus
généralement à la richesse des vies humaines au lieu de se limiter à la richesse du pays » voir, PNUD, rapport
sur le développement humain, 2015
44
L’IDH ne montre pas par exemple, si le niveau de développement atteint est dû aux efforts intrinsèques du
pays ou de l’aide massive au développement, il ne fait pas ressortir les inégalités sociales de manière satisfai-
sante
32

Les premières critiques se fondent sur l’ossature même du système économique mondial, qui est
caractérisée par la philosophie capitaliste et les relations interdépendantes entre le capital-
l’industrie-l’organisation politique-la force de travail. D’après l’économiste franco-égyptien, Samir
Amin, théoricien de la théorie de la dépendance, les relations entre les pays développés et les pays
sous-développés (qualifiés de « périphérie ») s’organisent autour d’une mondialisation de la logique
capitaliste qui rend nécessaire l’asservissement des seconds aux premiers afin de leur procurer les
matières premières nécessaires et dans une certaine dimension, une force de travail sélective. Par
ailleurs, l’économiste grec Arghiri Emmanuel, renchérit avec la théorie de l’ « échange inégal » qui
met l’accent sur les écarts de salaires qui caractérisent la production dans les zones périphériques,
s’agissant de biens ayants une valeur plus élevée dans le centre .Par conséquent, selon Samir Amin,
le développement de la périphérie ne peut être effectif au sein de ce système. D’où la suggestion de
la nécessité d’une « déconnexion » ; c’est-à-dire une certaine autarcie basée sur le marché inté-
rieur.45

Il est apparu dans d’autres critiques un constat selon lequel les stratégies de développement sont
inventées par le nord, en considération de réalités qui ne sont pas forcément celles des pays en dé-
veloppement. Par ailleurs, l’aide au développement, de par ses aspects visant les réformes structu-
relles a également pour objectif, une insertion des pays en développement dans les mécanismes du
commerce international et les accords de libre-échange. De façon critiquable, elle privilégie pour ce
faire une approche qui n’est pas toujours conciliable avec le rythme de développement inhérent aux
réalités des pays du sud tout en niant les formes de sociétés et de connaissances traditionnelles au
profit de stratégies « d’experts » qui sont censées représenter la meilleure piste pour le développe-
ment. Ces considérations trouvent une exemplification dans les politiques d’ajustements structurels
des années 198046 qui ont détruit une partie importante des structures publiques et intervention-
nistes Étatiques dont les pays en développement ont encore besoin. Il est dorénavant bien admis que
les conséquences sociales en furent désastreuses.47

45
Voir : Samir Amin, l’impérialisme et le développement inégal, Paris Edition de minuit, 1976, 193p ; également,
Samir Amin, l’histoire globale, une perspective afro-asiatique, Edition les Indes savantes, 2013, 273p ;
46
L’on peut envisager les mesures incarnées dans les ajustements structurels menées par les institutions de
breton Woods comme un prolongement de l’orthodoxie économique américaine à l’issue de la guerre froide,
caractérisée par un néo-libéralisme, qui s’est mondialisée de façon unilatérale. Voir notamment la pensée de:
Jan nederveen Pieterse, neoliberal Globalization and the Washington consensus, in International Development
Governance, Ahmed Shafiqul Huque, Habib Zafarullah, Taylor and Francis group Ed., 2005 Pp 91-104.
47
« En effet, le démantèlement forcé des services publics, la réduction des dépenses publiques de santé ou
d’éducation imposées par les critères d’équilibre budgétaire provoquent des reculs importants en termes
d’alphabétisation ou de mortalité infantile dans les pays d’Afrique. La charge de la dette s’accroît et diminue
d’autant les ressources destinées au développement humain de la population »
Philippe Deubel, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, chap 12 : les stratégies de
développement, Pearson Éducation France, 2008, pp 463-513. Disponible à l’adresse :
33

D’où une vague de critiques portées sur les mesures du consensus de Washington48par des écono-
mistes tels que Joseph Stiglitz49 et Armatya Sen, qui préconisèrent une conception du développe-
ment, différenciée selon les pays, fondée sur les aspirations locales et entendue au-delà de la dimen-
sion purement économique.

Les critiques portées contre le consensus de Washington vont entraîner quelques aménagements
dans la pratique des institutions de financement du développement sans nécessairement battre en
brèche, la philosophie libérale et interventionniste qui la caractérise.

Ainsi, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (ci-après FMI), de concert avec plu-
sieurs autres bailleurs de fonds vont promouvoir l’ « initiative pays pauvres très endettés » (ci-après
PPTE) dont le bénéfice consiste en un allègement de la dette des pays pauvres très endettés condi-
tionné par des réformes macro-économiques qui sont prévues dans le cadre de la rédaction d’un
« Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté » (ci-après DSRP). 50 Ces nouvelles approches
se structurent autour de la prise de conscience globale de l’accroissement du phénomène de la pau-
vreté mise en exergue par les rapports successifs de la Banque Mondiale en 1980, 1990, 2000 sur le
développement et singulièrement sur la lutte contre la pauvreté51. On note sur les trois décennies,
un glissement dans la conception de la pauvreté par l’institution initialement considérée comme
corrélée à la croissance économique vers une prise en compte remarquable des facteurs humains et
sociétaux. Dans ce sens, l’initiative PPTE vise donc à dégager plus de moyens pour les politiques so-
ciales des pays concernés en réduisant le fardeau de la dette qui pèse sur eux. Quant aux DSRP, en
tant que partie intégrante des conditions exigées par la Banque Mondiale et le FMI en vue

http://www.pearson.fr/resources/titles/27440100430210/extras/7274_chap12_Analyse-Eco.pdf (consulté en
novembre 2021)
48
Expression de John Williamson désignant l’ensemble des mesures structurelles accompagnant les prêts du
FMI. Ces conditions sont basées sur la libéralisation, la privatisation et la dérégulation. Voir, John Williamson,
what Washington means by policy Reform, in Latin American Adjustment: how much has happened? , William-
son, J., Ed, Peterson Institute for International Economics, Washington Dc , avril 1990, pp. 5-20. Disponible à
l’adresse : https://www.piie.com/commentary/speeches-papers/what-washington-means-policy-reform (con-
sulté en novembre 2021)
49
Ancien économiste en chef de la Banque Mondiale (1997-2000)
50
L’initiative PPTE a été lancée en septembre 1996 par le FMI et la Banque Mondiale
51
- Banque Mondiale, rapport sur le développement dans le monde, 1980, deuxième partie : la pauvreté et le
développement humain, disponible sur le site de l’institution
http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/715881468174892912/pdf/108800v10PUB0FRENCH0Box37
350B01PUBLIC1.pdf (consulté en novembe 2021)
- Banque Mondiale, rapport sur le développement dans le monde, 1990, La Pauvreté
http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/480291468331914086/pdf/PUB85070FRENCH1o0A199510
0101PUBLIC1.pdf (consulté en novembre 2021)
- Banque Mondiale, rapport sur le Développement dans le monde 2000/01 : combattre la pauvreté (dispo-
nible sur le site de la Banque Mondiale)
http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/772221468333939533/pdf/226840FRENCH0W1747201351
X001PUBLIC1.pdf (consulté en novembre 2021)
34

d’atteindre les « points de décision » et « point d’achèvement »52 de l’initiative PPTE, ils s’inscrivent
dans une logique qui veut faire de l’État le responsable de son développement. De même, la concep-
tion des DSRP privilégie une approche participative (intégrant un consensus entre les acteurs locaux,
i.e. Société civile-État) de la réduction de la pauvreté. En outre, les DSRP constituent une étape im-
portante dans l’harmonisation des financements des différents bailleurs de fonds qui peuvent aligner
leurs aides sur les stratégies ainsi déterminées.

Toutefois, la définition des stratégies répond à des critères précis qui sont contrôlés et validés par la
BM et le FMI. Dans ce sens, en dépit de leurs orientations nouvelles, les DSRP ne rompent pas avec la
tradition des conditionnalités mais ne font que l’inverser en l’ « internalisant »53. Dans cette logique,
il va de soi que les pays ayant besoin d’une aide financière feront primer les exigences des bailleurs
de fonds sur les politiques qu’ils jugent adéquates.

En outre, au titre de la plus grande prise en compte des dimensions multiples de la pauvreté, l’on a
pu noter une articulation des stratégies de financement du développement autour de cibles précises
contenues dans les « Objectifs du Millénaire pour le Développement » (ci-après OMD). Les OMD ont
été adoptés par la communauté internationale dans la suite de la signature de la « déclaration du
millénaire pour le développement » en l’an 2000. Ils étaient centrés autour de huit objectifs (délimi-
tés par une échéance précise, voir la liste des échéances dans le tableau sur la page suivante) qui
sont devenus le cadre principal de l’action des Institutions internationales de financement du déve-
loppement.54 Il apparaît clairement que les objectifs du Millénaire pour le développement n’ont pas
été atteints dans une large dimension. Depuis la fin de l’année 2015 qui marque leur échéance glo-
bale, ils ont laissé place aux Objectifs de Développement Durable (ODD). Il s’agit de 17 objectifs décli-
nés en 169 cibles avec un engagement d’une durée de 15 ans comme ce fut le cas pour les OMD. Les
ODD reprennent l’ensemble des objectifs fixés dans les OMD en y ajoutant plus de précisions et en

52
Pour plus d’informations et les critères complets de l’initiative PPTE, voir le site web du FMI :
https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/hipcf.htm
53
D’ailleurs, le processus d’élaboration des DSRP démontre que la capacité de négociation et la représentativi-
té faible de la société civile aux seins des États ne permettent pas d’assurer l’aspect participatif. En tout état de
cause, il appert que ce sont les bailleurs de fonds qui ont la prééminence sur les Ministères des finances qui ont
la charge des DSRP en coordination avec les ministères techniques. Comme l’explique les auteurs de l’article
suivant : Jean-Pierre Cling, Mireille Razafindrakoto, François Roubaud, les documents stratégiques de réduction
de la pauvreté : un renouveau de l’aide au développement ?, in cahiers du GEMDEV n°30-Quel développement
durable pour les pays en développement, janvier 2005
http://www.gemdev.org/publications/cahiers/pdf/30/Cah_30_CLING.pdf (consulté en octobre 2021)
54
Les stratégies de la Banque Mondiale notamment se sont axées sur les différentes cibles contenues dans les
OMD. Voir notamment Martine Nadège Ntolo Bekoa, Banque Mondiale et développement des pays d’Afrique
subsaharienne : l’impact des programmes mis en œuvre au Bénin, au Cameroun et au Togo », thèse de docto-
rat, Université jean Moulin Lyon 3, Décembre, 2014, 609P
35

insistant sur les aspects de développement durable dont sont assortis tous les objectifs55 (voir la liste
des 17 objectifs de développement durable dans le tableau à la page suivante.

Tableau 1 : OBJECTIFS DU MILLENAIRE POUR LE DEVELOPPEMENT : échéances et résultats

OBJECTIFS CIBLES ECHEANCE (s) RESULTATS OBTENUS

En Afrique56

Réduire de moitié la proportion -Réduite de 14% entre 1990 et


de la population qui vit avec 2010 sauf au Maghreb.
Éradiquer l’extrême pauvreté 2015
moins d’un dollar par jour et de
et la faim -sous l’objectif de 28,25%
ceux qui souffrent de la faim

Faire en sorte que tous les 58% des pays ont atteint un
garçons et les filles terminent minimum de 75% 57
l’enseignement pour tous au 2015
le cycle primaire
niveau primaire

Éliminer dans un premier -Les progrès sont encoura-


temps les disparités entre geants mais certaines régions
Promouvoir l’égalité pour tous 2005 et 2015
sexes dans l’enseignement sont en retard.
et l’autonomisation des
primaire et ensuite à tous les
femmes -L’inégalité salariale persiste
niveaux d’enseignement

Réduire de deux tiers le taux de -Progrès significatif de 40%


mortalité chez les enfants de entre 2000-2013
Réduire la mortalité infantile 2015
moins de cinq ans
-mais en deçà des 2/3 visés

55
Voir à ce sujet, Jeffrey D. Sachs, from Millenium Development Goals to Sustainable Development Goals, the
Lancet, Vol. 379, N° 9832, PP 2206-2211, juin 2012, disponible à l’adresse :
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673612606850
qui met en avant le bien fondé des ODD en ce sens qu’ils reprennent certes une bonne partie des OMD , mais
sont beaucoup plus précis et ciblés avec des objectifs à mi-parcours que n’intégraient pas les OMD, de plus , il
argue qu’ils doivent s’appuyer sur l’utilisation des données statistiques et de résultats de développement car
cela est plus fiable et permet de mesurer le taux d’accomplissement des objectifs définis.
56
Les résultats insérés dans ce tableau se basent sur le rapport des nations unies de l’année 2015, visant à
évaluer les progrès réalisés et les défis quant aux objectifs du Millénaire pour le développement. Ils concernent
uniquement l’Afrique. Le rapport se sert des données mises à jour à la date mentionnée émanant de la base de
données officielle de la division statistique des nations unies. Il inclut des données complémentaires émanant
des agences spécialisées y compris de la Banque Mondiale. Il prend également en compte les statistiques de
l’OCDE. Il mentionne que les informations retenues ne sont pas toujours régulières et mises à jour du fait que
certains pays ne produisent pas des données systématiques. Des méthodes spécifiques de réajustement des
résultats ont donc été utilisées par les divisions en charge de l’agrégation des données. Pour plus
d’informations sur la méthodologie d’évaluation, Voir la note sur la méthodologie (p XI du rapport). United
Nations Economic Commission for Africa, MDG report 2015, lessons learned in implementing the Millennium
development goals. (112P)
57
On note des cas exceptionnel tels que la Guinée équatoriale, la Tunisie, la Libye et l’Afrique du sud qui ont
atteint un taux de scolarisation de plus de 95% en 2015.
36

Seulement quelques pays ont


franchi le seuil de 75% de
Améliorer la santé maternelle Réduire de trois-quarts le 2015
réduction d’où des progrès
nombre de femmes qui meu-
important demeurent à
rent à l’accouchement
réaliser.58

Enrayer la propagation du sida, Nette inversion de la courbe


inverser la tendance actuelle et de progression à l’égard de
Combattre le VIH/Sida, le 2015
endiguer la fréquence du ces maladies
paludisme et autres maladies
paludisme et autres fléaux

Intégrer les principes du déve- -De bonnes perspectives mais


loppement durable dans les beaucoup d’efforts restent à
2015
actions politiques et les pro- faire à l’instar du reste du
grammes des pays monde.

Assurer un environnement Réduire de moitié la proportion -L’Afrique du nord a le taux de


durable des gens qui n’ont pas accès à taudis le moins élevé.
2015
l’eau potable

Améliorer nettement la vie


d’au moins 100 millions
d’habitant des taudis
2020

-Poursuivre la mise en place - L’aide au développement a


d’un système commercial et diminué, les objectifs de
financier ouvert qui inclue au rehaussement n’ont pas été
niveau national et international atteints et leur impact sur le
des engagements sur les prin- développement reste discu-
cipes de bonne gouvernance, table. La soutenabilité de la
de développement, de réduc- dette publique demeure
tion de la pauvreté problématique.

-Répondre aux besoins particu- -Les exportations africaines


liers des pays les moins avan- diminuent.
cés et notamment ceux qui
Mettre en place au niveau Échéance à long terme recon- - Il y a des progrès notables en
sont isolés, sans accès à la mer
mondial des partenariats pour duite dans les Objectifs de matière d’utilisation de la
le développement développement durable
-Traiter complètement les téléphonie mobile et de ses
problèmes d’endettement des diverses applications qui ont
PED changé la vie de beaucoup
d’Africains.
-Procurer des emplois conve-
nables à la jeunesse

-Permettre au PED un accès


aux médicaments essentiels de

58
Il s’agit notamment du Cap vert, de la Guinée Equatoriale, de l’Érythrée, du Rwanda. Ces pays ont réduit le
taux de mortalité maternelle à l’accouchement de plus de 75% conformément à l’objectif N°5.
37

concert avec l’industrie phar-


maceutique

-Assurer en coopération avec le


secteur privé, la disponibilité
des nouvelles technologies, en
particulier de l’information et
de la communication

(Source du tableau : l’auteur de la présente thèse59)

Les dix-sept Objectifs de développement durable

Source : site de l’UNICEF60

L’évolution qui a permis de passer du concept d’objectifs du millénaire pour le développement aux
objectifs de développement durable à l’horizon 2030 met en lumière la nécessité d’interpréter le
développement en tenant compte de ses multiples facettes.

Le rôle des MPI à la lumière des objectifs de développement durable (ODD)

La notion de développement durable a fait son apparition à la fin du 20ème siècle. Ainsi, le principe 3
de la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement dispose que « Le droit au dévelop-
pement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et

59
Les informations du tableau sont extraites du rapport des nations unies de 2015 intitulé « Objectifs du Millé-
naire pour le Développement »
60
https://www.unicef.fr/dossier/objectifs-de-developpement-durable-odd
38

à l’environnement des générations futures »61. Ceci étant, la notion de développement durable ap-
pelle quelques observations du point de vue des PED. De fait, dès la conférence de Stockholm de
1972, qui posait les bases et l’assise de cette notion au niveau de la communauté internationale, un
constat de disproportion eu égard à certains aspects du développement durable a été soulevé par
ces derniers. Cette disproportion trouve son origine dans l’étendue du concept de développement
durable lui-même, puisqu’il comporte à la fois, un élément social, humain et écologique. C’est ce
dernier aspect qui fait plus particulièrement l’objet d’une dissociation des PED des objectifs assignés
au développement durable. De fait, ils appréhendent les principaux accords internationaux qui enga-
gent des restrictions sur le plan écologique (comme l’accord de KYOTO de 1997 qui instaure des quo-
tas d’émission de CO2) comme des freins à leur progrès économique légitime. Cette posture s’adosse
sur quelques fondements :

D’abord, la considération selon laquelle les PED ont des besoins à satisfaire du fait de leur retard
économique et leur structure démographique croissante qui peuvent nécessiter une certaine nui-
sance écologique. De plus, ils subissent les conséquences des atteintes à l’environnement par les
pays du Nord, notamment relativement aux changements climatiques. Il apparaît donc naturel qu’ils
mettent en exergue la réflexion sur l’équité dans la répartition des ressources écologiques et écono-
miques.62 Il faudrait mettre ces revendications en perspective avec le fait que les pays développés
ont eu besoin de ces phases de nuisances écologiques pour leur développement et restent au-
jourd’hui les plus grands pollueurs.

Néanmoins, la question du développement durable et de la prise en compte du facteur écologique


dans le développement économique constitue un enjeu majeur pour les pays en développement. Les
Objectifs de Développement Durable (ODD) consacrent quelques piliers qui montrent l’importance
pour les pays en développement comme les pays développés dans une responsabilité et une implica-
tion partagée d’évoluer et de prendre en compte dans une vision d’ensemble incluant les facteurs
sociaux, économiques et environnementaux, les questions de développement. Les marchés publics
internationaux doivent s’inscrire dans cette dynamique.

61
Il s’agit selon l’acception du premier ministre Norvégien Mme Gro Harlem Brundtland en 1987, dans son
rapport intitulé « notre avenir à tous », d’un « développement qui répond aux besoins du présent sans com-
promettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». ces diverses composantes telles
qu’officialisées par les nations unies dans une déclaration à l’issue de la conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement, tenue à Rio de Janeiro au Brésil, du 3 au 14 juin 1992, s’articulent au-
tour de la prise en compte dans l’activité humaine de l’efficacité économique , du facteur de l’équité sociale et
de la soutenabilité écologique. Voir Déclaration de RIO de 1992 sur l’environnement et le développement
(Consultable sur le site des nations unies)
62
Philippe Deubel, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, chap. 12 : les stratégies de
développement, Op. Cit.
39

C’est d’ailleurs la tendance observée au niveau européen à travers l’admission des critères environ-
nementaux, sociaux comme des critères de sélection de la meilleure offre dans les procédures de
passation et d’adjudication. Les institutions de financement du développement admettent égale-
ment la prise en compte de critères secondaires mais cette possibilité n’est que marginale et très peu
explorée dans les pays en voie de développement. L’un des aspects de notre propos sera d’insister
sur cette nécessité qui fait partie de la mission dévolue au pouvoir adjudicateur et des objectifs que
l’on peut assigner à la commande publique.

Droit au développement et marchés publics internationaux

Sans pousser cette hypothèse jusqu’au dogmatisme, il nous semble clair que la multiplicité des orga-
nisations qui financent le développement et impulsent les règles qui gouvernent les marchés publics
internationaux relèvent de la partie active du droit au développement incarnée dans la solidarité
internationale. Elles répondent à la fois à la logique de la coopération internationale et de l’intérêt
mutuel dans un système financier international. Alors, toute étude sur le financement du dévelop-
pement en tant que partie intégrante des stratégies de développement, ne peut s’affranchir de faire
des précisions sur la discussion des concepts et des droits qui fondent la théorie du développement
et qui sont le complément des facteurs politiques et économiques qui en déterminent le finance-
ment. Aussi, puisque les MPI ont un lien direct avec le financement du développement et les finalités
du droit au développement, il nous importe pour mieux les cerner, d’analyser leur rapport avec le
droit au développement.

La paternité de la notion de droit au développement est généralement attribuée au juge Sénégalais,


keba MBAYE63. Elle fait surface avec l’émergence du Nouvel Ordre Économique International dans les
années 60-70. On note néanmoins que la doctrine chrétienne contenait déjà une certaine conception
du droit au développement.64 Consacré au niveau des nations unies, le droit au développement est
considéré comme faisant partie des droits de troisième génération.65 Le professeur Karel VASAK le
conçoit comme « un droit de solidarité » dont la réalisation incombe de façon conjointe aux diffé-
rents acteurs que sont l’individu, l’État, les entités publiques et privées, la communauté internatio-

63
Lors de sa conférence inaugurale à l’institut des droits de l’homme de Strasbourg en juillet 1972, il considère
que le droit au développement est un droit subjectif relevant des droits de l’homme « un processus global,
économique, social, culturel et politique qui vise à améliorer sans cesse le bien-être de l’ensemble de la popu-
lation et de tous les individus, sur la base de leur participation active, libre et significative au développement et
au partage équitable des bienfaits qui en découlent »
64
Voir notamment, Georges Dupuy, pour une lecture juridique de l’Encyclique populorum progressio, RGDIP,
vol. LXXIV, pp. 1970,857-871
65
Les droits civils et politiques étant les droits de première génération et les droits économiques, sociaux et
culturels étant les droits de deuxième génération conformément aux pactes Internationaux relatifs à ces der-
niers approuvés par l’AG de l’ONU en 1966.
40

nale.66 À contrario, le professeur ROBERT PELLOUX considère que le droit au développement est un
droit imprécis qui ne peut pas être considéré comme un vrai droit de l’homme.67 De fait, la complexi-
té de la reconnaissance du droit au développement comme un droit de l’homme réside dans le fait
qu’il est malaisé d’en identifier les titulaires, les débiteurs et son objet réel devant une juridiction.
Ceci est vrai même si d’aucuns68 y voient, un principe semblable à celui de l’équité dont la Cour In-
ternationale de justice précisait qu’elle n’est pas « une représentation de la justice abstraite », mais
« une règle de droit prescrivant le recours à des principes équitables » devant inspirer concrètement
les actions des parties dans le règlement des différends69. Vu sous cet angle, le droit au développe-
ment serait donc un droit-principe qui trouverait sa légitimité juridique et sa mise en œuvre judiciaire
à travers les diverses composantes qui y ont trait. Toutefois, son caractère vaste inclinerait à une
difficulté de définition de son objet. Néanmoins, en tant que principe, l’on pourrait déjà trouver sa
manifestation dans d’autres droits de l’homme reconnus dans la charte de l’ONU et les pactes de
196670.

Cependant, dans son arrêt relatif à la délimitation du plateau continental entre la Libye et Malte, la
CIJ n’a pas retenu le critère du développement économique inférieur du second comme pouvant
influencer l’étendue de la délimitation puisque en l’espèce, elle considère que « de telles considéra-
tions sont tout à fait étrangères à l’intention qui sous-tend les règles applicables du droit internatio-
nal »71. Quoiqu’il en soit, même si le droit au développement apparaît aujourd’hui comme faisant
peser sur les États seulement une obligation « de moyens », il demeure que son évolution au sein des
Nations Unies n’est plus contestable. Dans ce sens, il s’adresse d’abord aux acteurs de la scène inter-

66
Karel VASAK, « Les différentes typologies des droits de l’Homme », in Emmanuelle BRIBOSIA, Ludovic HENNE-
BEL (DIR.), Classer les droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 11-23.
67
Robert Pelloux (1907-1989) était professeur honoraire de Droit public à la faculté jean moulin de LYON, voir
notamment, R. Pelloux, vrais et faux droits de l’homme. Problème de définition et de classification, revue de
Droit public et de la science Politique en France et à l’étranger, 1981, PP53-68.
68
Voir, jean Paul Segihobe Bigira, le Droit au développement dans le contexte de la mondialisation : ambiguïté,
obsolescence et contradictions, travail présenté au cours du séminaire Interdisciplinaire sur la mondialisation et
Droits de l’homme dans le cadre du DES en droit de l’Homme à l’Université Catholique de Louvain, Belgique,
date de publication non communiquée.
http://www.dhdi.free.fr/recherches/gouvernance/articles/segihobemondialisation.htm#_ftnref21 (consulté
en novembre 2021)
Voir également, MAMADOU MEITE, la juridicité des droits de solidarité en droit international : cas du droit à la
paix et du droit au développement, thèse de doctorat, Université Paris 10, Nanterre, 2017, 481P
69
CIJ, Affaire du plateau continental en mer du Nord entre la République fédérale d’Allemagne d’un côté et le
Danemark et les Pays-Bas de l’autre (arrêt du 20 février 1969, p. 46, § 87).

70
Il s’agit du « pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels » et du « pacte inter-
national relatif aux droits civils et politiques » adoptés par l’AG de l’ONU le 16 décembre 1966. Le pacte
garantit d’une manière générale les droits des peuples à jouir d’un niveau de développement et de quiétude
suffisant pouvant s’interpréter comme des droits fondamentaux des individus.

71
Voir CIJ, Affaire du plateau continental (Jamahiriya Arabe libyenne/malte), 3 juin 1985, p41.
41

nationale en termes de droit de solidarité. De fait, on a pu déduire des articles 55 et 56 de la charte


des nations unies qui font du « relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de
progrès et de développement dans l’ordre économique et social » des buts que doivent atteindre
« conjointement » les nations unies, des prémices du droit au développement. Cela justifie d’ailleurs
la mission des « institutions spécialisées » de l’organisation dédiées à ces fins.72Dans cette vision, la
mise en œuvre du droit au développement incombe à toute la communauté internationale.

Ensuite, les dispositions des pactes internationaux précités confirment quelques aspects du droit au
développement comme un droit individuel en faisant peser l’obligation de son respect sur les États
sans nécessairement admettre une contrepartie judiciaire. En outre, de nombreuses résolutions de
l’Assemblée Générale de l’ONU73 appuient la consécration internationale du droit au développe-
ment. Par ailleurs, la déclaration des nations unies sur le droit au développement, adoptée par
l’Assemblée Générale dans sa résolution 41/128 du 04 décembre 1986 constitue l’aboutissement
d’un long processus visant à donner au droit au développement une reconnaissance formelle. Elle
met l’accent sur le rôle des États dans la création des conditions nationales et internationales de la
réalisation du droit au développement (articles 3, 4, 5, 6,7 et 8). Elle le définit comme « un droit ina-
liénable de l'homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de parti-
ciper et de contribuer à un développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous
les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés, et de
bénéficier de ce développement » (art 1). La déclaration affirme par ailleurs le caractère
d’interdépendance et d’indivisibilité qui unit tous les droits de l’homme. De même, l’approche de la
déclaration laisse déjà présager l’émergence de la notion de développement à visage hu-
main théorisée en 1990 par le PNUD.74

En plus de la reconnaissance du droit au développement par les nations unies, il convient de citer le
grand bond que réalise la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (ci-après CADHP).

72
Voir charte des nations unies art 55, 56, 57. Voir aussi , le rapport d’experts de la commission des droits de
l’homme du Conseil Économique et Social lors de sa trente-cinquième session le 11 décembre 1978 intitulé :
« Question de la jouissance dans tous les pays des droits économiques, sociaux et culturels proclamés dans la
déclaration universelle des droits de l’homme et dans le pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels et étude des problèmes particuliers rencontrés par les pays en développement dans les
efforts qu’ils déploient pour la réalisation de ces droits de l’homme ; les dimensions internationales du droit au
développement comme droit de l’homme en relation avec d’autres droits de l’homme fondés sur la coopéra-
tion internationale, y compris, le droit à la paix et ce, en tenant compte des exigences du nouvel ordre écono-
mique international et des besoins humains fondamentaux »,E/CN.4/1334
73
Voir par exemple, les résolutions 32/130, la résolution 34/46 du 23 novembre 1979 sur les autres moyens
qui s’offrent dans le cadre des nations unies pour mieux assurer la jouissance effective des droits de l’homme
et des libertés fondamentales
74
Voir Isabelle Roger, Le droit au développement comme droit de l’homme : genèse et concept, Mémoire de
Master, Institut D’études Politiques de Lyon, 2003, 83P, pp33 et s.
42

Son article 22 dispose en effet que : « tous les peuples ont droit à leur développement économique,
social et culturel, dans le respect strict de leur identité, et à la jouissance égale du patrimoine com-
mun de l’humanité. Les États ont le devoir, séparément ou en coopération, d’assurer l’exercice du
droit au développement »75.

Il demeure en dépit de sa reconnaissance que le droit au développement reste un droit difficile à


mettre en œuvre et à faire valoir devant les organes judiciaires. Néanmoins, il apparaît qu’il s’invite
dans les règles et les jurisprudences relatives aux droits de l’homme à travers son caractère interdis-
ciplinaire. C’est ce que démontre la jurisprudence de la CEDH. Cette influence se fonde sur les inter-
prétations extensives des articles de la convention par la cour de Strasbourg en ce sens qu’elles met-
tent à la charge des États parties à la convention des « obligations positives »76 allant au-delà de la
simple abstention d’ingérence de ceux-ci dans l’exercice du droit protégé77. Comme le rappelle le
professeur Michel Levinet78, cette technique prétorienne, à l’origine d’une extension de l’ordre con-
ventionnel, conduit à vérifier que l’État défendeur a bien adopté les mesures raisonnables et adé-
quates pour protéger les droits de l’individu. Il s’agit de mesures appropriées pour concrétiser les
droits de l’homme, entre autres à caractère social et économique.79

Dans l’évolution des règles relatives aux MPI, on peut observer une telle influence du droit au déve-
loppement. Dans les accords de l’OMC sur les marchés publics à travers la prise en compte des acquis
du droit du développement, comme dans l’évolution des textes des institutions multilatérales et
bilatérales de financement du développement vers l’inclusion des aspects liés au développement
durable. Nous y reviendrons dans notre développement.

Typologie et fonctionnement des institutions de financement des Marchés publics interna-


tionaux

75
La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a été adoptée en juin 1981 par la dix-huitième
conférence des chefs d’États et de gouvernement.
76
Voir F Sudre, « les obligations positives dans la jurisprudence européenne des droits de l’homme », Revue
trimestrielle des droits de l’homme, 1995, pp. 363-384
77
Voir notamment CEDH, James c/Royaume Uni, § 47,21 février 1986 qui précise qu’ « éliminer ce que l’on
ressent comme des injustices sociales figure parmi les tâches d’un législateur démocratique »
78
Michel Levinet, la juridicité problématique du droit au développement de la personne humaine dans la juris-
prudence récente des organes de la convention européenne des droits de l’homme, colloque de l’Institut Euro-
péen des Droits de l’Homme, université de Montpellier 1, 1999.
https://bibliotheque.auf.org/doc_num.php?explnum_id=592 (consulté le 23/10/2021)
79
Voir pour plus de détails sur la protection des droits sociaux par la CEDH : Frédéric Sudre, « la protection des
droits sociaux par la cour européenne des droits de l’homme : un exercice de jurisprudence Fiction» ? , Colloque
organisé à la faculté de droit de Strasbourg sur le thème « les droits sociaux ou la démolition de quelques pon-
cifs », juin 2001. Disponible à l’adresse https://www.erudit.org/fr/revues/rqdi/2020-rqdi06138/1078561ar/
(consulté en janvier 2022)
43

Les agences des nations unies et les États œuvrent de façons diverses et multiples à la mise en œuvre
des objectifs économiques et sociaux en vue de lutter contre le sous-développement. L’importance
de la coordination du système financier international dans le financement du développement est
rappelée par les nations unies. De fait, dans sa résolution 64/190 du 21 décembre 2009 intitulée
« système financier international et développement », l’assemblée générale de l’ONU réaffirme
l’importance de la coopération internationale et la légitimité de l’organisation des nations unies et
des autres institutions multilatérales œuvrant dans le domaine de la finance à prendre part aux ré-
formes visant à améliorer le fonctionnement du système financier international et sa structure80.
L’assemblée générale « invite les banques et fonds de développement multilatéraux et régionaux à
jouer un rôle de premier plan pour aider à répondre aux besoins de développement des pays en déve-
loppement et des pays en transition, notamment par des mesures coordonnées, selon qu’il convient ,
et souligne que les banques de développement et les institutions financières régionales complètent,
grâce à un appui financier souple, les efforts de développement nationaux et régionaux dont
l’appropriation et l’efficacité globale s’en trouvent renforcées et engage à cet égard, la communauté
internationale à veiller à ce que les banques de développement multilatérales et régionales disposent
de ressources financières suffisantes »81

Dans cette logique, il importe de rappeler que l’aide publique au développement est le fait de mul-
tiples institutions, certaines spécialisées à l’instar des banques de développement, de même que des
agences rattachées à l’aide bilatérale et souvent régionales82. Les nations unies disposent également
de programmes et de fonds spécifiques83, qui exécutent sous l’autorité de l’assemblée générale et du
conseil économique et social les mandats définis par l’organisation.

Parmi les organisations rattachées aux nations unies de façon statutaire, L’on peut distinguer notoi-
rement le groupe de la Banque Mondiale (BM). Celui-ci regroupe cinq institutions, à savoir, la Banque
Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), l’Association Internationale de
Développement (AID), la Société Financière Internationale (SFI), l’Agence Multilatérale de Garantie
des Investissements (AMGI), le Centre International pour le Règlement des Différends liés aux Inves-

80
Article 1 de la résolution
81
L’assemblée générale évoque également le rôle crucial du système financier international et des institutions
multilatérales de développement pour répondre aux priorités de la croissance et d’un développement juste et
équitable dans les résolutions 55/186 du 20 décembre 2000 , 56/181 du 21 décembre 2001 ;57/241 du 20
décembre 2002, 58/202 du 23 décembre 2003, 59/222 du 22 décembre 2004, 60/186 du 22 décembre 2005,
61/187 du 20 décembre 2006, 62/185 du 19 décembre 2007 et 63/205 du 19 décembre 2008 (la liste n’est pas
exhaustive)
82
C’est le cas de l’Agence Française de Développement (AFD), l’Agence Canadienne de Développement Inter-
national.
83
Il s’agit par exemple du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Fonds des Nations
Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme Alimentaire Mondial (PAM), le Fonds des Nations unies pour
l’environnement (PNUE).
44

tissements (CIRDI).84 Occupant une place importante dans cette architecture, le Fonds Monétaire
International (FMI) représente avec le groupe de la Banque Mondiale celles que l’on qualifie des
« Institutions de breton Woods »85.

En sus, l’on note l’existence d’une pluralité d’institutions régionales et sous régionales de finance-
ment du développement qui se sont constituées aussi bien sur la base d’objectifs politiques
qu’économiques. Quant aux institutions régionales, les plus importantes sont la Banque Interaméri-
caine de Développement (BIAD), la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque Asiatique
de Développement (BAsD), la Corporation Andine de Développement, la Banque Européenne
d’Investissement (BEI), la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), la
Banque Islamique de Développement (BIsD). Au niveau sous régional, l’on peut mentionner entre
autres la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) dont l’article 2 de ses statuts constitutifs
énonce son ambition de promouvoir l’intégration économique des États de l’Afrique de l’Ouest.86

Dans le même ordre d’idée, les agences de développement, basées sur la coopération bilatérale
jouent un rôle crucial dans le financement du développement. Ce sont des canaux privilégiés dans
l’investissement afférent à l’aide au développement. Elles sont l’un des leviers d’action des politiques
extérieures et de la diplomatie des États dont elles gèrent les actions de financement. À ce titre, elles
sont responsables devant les contribuables de ces États.87. Elles sont nombreuses et il n’est pas né-
cessaire pour notre étude de les citer en intégralité. Néanmoins, on peut mentionner les plus impor-
tantes telles que l’Agence Française de Développement (AFD), l’USAID (l’agence des États-Unis pour
le développement international), la JICA (agence de coopération internationale du japon), la KFW
(l’établissement Allemand de crédit pour la reconstruction), l’AECID (l’agence espagnole pour la coo-
pération internationale au développement), le DFID (le département du développement internatio-
nal du Royaume Uni).

84
Voir : https://www.banquemondiale.org/fr/who-we-are
85
Bretton Woods est située dans le new Hampshire aux États-Unis. La conférence qui y a eu lieu en 1944 a
donné lieu à la signature des accords qui dessinent la structure d’une partie actuelle des finances internatio-
nales. Ils ont notamment donné lieu à la création des institutions de la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire
International
86
La BOAD est la banque commune des états de l’nion monétaire Ouest Africaine (UEMOA), elle a été créée par
un accord du 14 novembre 1973. Ses états membres sont : le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, la Gui-
née-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.
Dans le cadre de ce travail doctoral, nous avons effectué un stage de recherche à la Banque Ouest Africaine de
Développement dont certaines observations seront exploitées dans les développements ultérieurs.
87
Ce rôle éminent englobe à la fois le reflet et le dynamisme de la vision stratégique nationale de l’aide au
développement et l’efficacité des politiques menées. Il y a d’ailleurs une certaine responsabilité de rendre
compte devant les contribuables du bien fondé et du dynamisme de leur activité. Voir à ce sujet : Martin Viela-
jus et al. Le défi de la « redevabilité » des agences de développement dans leurs propres pays et face à leurs
pairs, une étude comparative, Agence Française de Développement, octobre 2010
45

Les fonds de développement constituent également des acteurs importants du système de finance-
ment du développement. Souvent reliés institutionnellement à une banque de développement,
leurs ressources financières sont constituées par leurs donateurs puisqu’ils ne possèdent pas de capi-
tal et n’ont pas la capacité d’emprunter. La particularité des fonds est qu’ils peuvent octroyer des
crédits à des taux d’intérêts très bas (qui équivalent à de simples frais de gestion) et faire des dons.
C’est le cas par exemple de l’Agence Internationale de Développement qui appartient au groupe de
la Banque Mondiale, on note également parmi ceux auxquels nous nous référerons souvent, le fonds
africain de développement et le fonds asiatique de développement.

La coopération étroite entre tous ces « établissements financiers » est importante en ce sens qu’elles
financent souvent des opérations communes ou faisant partie d’une même matrice de projets. Dans
ce contexte, il convient d’insister sur le fait que les institutions financières de développement fonc-
tionnent sur le principe des banques commerciales. Ceci implique qu’elles subissent les contraintes
du marché, de risques dans leurs opérations et sont soumises aux nécessités d’une gestion rigou-
reuse vis-à-vis de leurs actionnaires. Le financement du développement n’implique pas ipso facto la
gratuité ; l’aspect politique de leur constitution n’excluant pas les contraintes économiques. Aussi,
dans certaines institutions de financement, certains produits reflètent les difficultés d’acquisition des
financements. Tel est le cas la BOAD qui finance quelque fois à des taux d’intérêts élevés (7% en
moyenne avec des différés dans le remboursement) des projets d’infrastructures routières,
d’agriculture et de développement rural alors qu’initialement, ceux-ci ne bénéficiaient que des con-
ditions concessionnelles. Ces nouveaux types de prêts dits « souverains à condition de marchés »
sont justifiés par le fait que l’institution doit lever des ressources sur les marchés pour faire face aux
projets d’investissements des États de l’UEMOA dans un contexte de pénurie dans la reconstitution
des ressources concessionnelles88. Cette situation n’est pas l’apanage des banques sous régionales.
Des institutions plus dotées financièrement tel que l’AFD octroient également des prêts souverains
ou non souverains à des conditions bonifiées (concessionnelles) ou de marchés (non-
concessionnelles)89.

Enfin, que les institutions financières prêtent à des taux concessionnels ou des taux du marché, du
point de vue de l’État emprunteur, cela se traduit par une prise en compte de ces flux monétaires
dans son endettement global. Ceci rappelle l’intérêt d’une bonne gestion des prêts alloués aux États

88
C’est le cas du projet malien de réalisation d’un tronçon BAMAKO-KOULIKORO à quatre voies et un pont que
la BOAD finance partiellement à hauteur de 20 milliards à un taux de 7%, le reste du financement de 100 mil-
liards de franc CFA étant assuré par les banques locales.
89
Comme elle l’explique dans son « document de référence au titre de l’année 2014, elle a prêté 1001 millions
d’euros en prêts non souverains non concessionnels. Plus qu’en 2013 où ces prêts s’élevaient à un montant de
947 millions de dollars. Le document est téléchargeable sur le site d’AFD : www.AFD.FR
46

et explique dans une certaine mesure les impératifs de l’assainissement et de la modernisation des
mécanismes de finances publiques. Cela implique également que les institutions multilatérales doi-
vent apporter une assistance aux pays à faible revenu fortement endettés car les ressources conces-
sionnelles et les dons sont importants pour la soutenabilité de leur dette qui reste vulnérable aux
chocs extérieurs.90

À toutes fins utiles, il faudrait également rappeler que les institutions multilatérales et bilatérales de
développement dont les marchés financés seront au cœur de notre étude ne financent pas que des
États directement (prêt souverains). Elles financent des entreprises publiques, des collectivités lo-
cales, des ONG (prêts non souverains) ou garantissent également des intérêts privés 91. Cette pra-
tique se fonde sur l’idée que le développement est l’œuvre conjuguée de plusieurs acteurs et du
renforcement du secteur privé, et non pas seulement de l’État.

Pour notre étude relative aux marchés publics internationaux, nous nous focaliserons sur les finan-
cements qui concernent directement l’État comme bénéficiaire ou emprunteur via des projets (ce qui
exclut de facto les appuis budgétaires aux États) et qui sont opérées par le truchement de règles spé-
cifiques de mises en concurrence.

Problématiques, enjeux et intérêts du sujet

Les MPI occupent une place centrale dans les modalités du financement du développement Aussi, il
est juste d’affirmer que de l’efficacité qu’on attend d’eux, dépend, la réalisation des objectifs de dé-
veloppement qui leurs sont attachés. Dès lors, il est normal qu’une place spécifique soit accordée aux
mécanismes des MPI dans les stratégies de financement, internationales, régionales, nationales et
dans les actions des institutions multilatérales et bilatérales de financement du développement. D’où
un premier enjeu consiste à s’interroger sur : comment se construisent les règles des MPI afin de
converger vers la réalisation du concept d’efficacité qui est fondamental dans la sphère de l’aide
publique au développement ? Quelles sont les interactions de ces règles avec les concepts phares du
droit au développement en tant que finalité des politiques menées ?

90
Rapport de l’assemblée générale A/64/167 de l’AG-Onu du 24 juillet 2009 « pour un règlement durable de la
dette des pays en développement » ; également : Résolution AG Onu A/RES/64-191 du 12 février 2010 « viabili-
té de la dette extérieure et développement »
91
Par le biais par exemple pour ce qui est de la Banque Mondiale de l’Agence Multilatérale de Garantie des
Investissements qui a pour mission, conformément à l’article 2 de son statut de garantir les risques non com-
merciaux dans les investissements directs étrangers. Quant à la Société Financière Internationale, elle s’efforce
de stimuler et de promouvoir les conditions favorisant le courant du capital privé , local et étranger dans les
pays membres.
47

Partant, parler de la construction des règles revient à interroger les fondements théoriques juri-
diques, mais aussi politiques, sociaux et économiques aux niveaux international, régional et national
qui sous-tendent la formulation de ces règles et l’évolution des orientations des MPI dans le temps.

Cette approche acquiert une importance capitale lorsque l’on rappelle que les MPI font intervenir
une multiplicité d’acteurs, qui quoiqu’ayant en commun l’objectif du développement, n’en-ont pas
moins des intérêts propres, souvent divergents, quelque fois contradictoires.

Dans le même ordre d’idée, à la multiplicité d’acteurs, s’additionne la multiplicité des connexités
qu’entretient la matière avec le vaste monde du droit international public et privé et celui du com-
merce international qui est porté vers le libéralisme et son autonomisation face aux doctrines et
structures juridiques Étatiques classiques. De fait, les acteurs Étatiques et institutionnels du finance-
ment du développement, pour certains dotés de personnalité juridique internationale et/ou possé-
dant une souveraineté au sens le plus strict du terme apparaissent à l’égard de ces enjeux comme
des acteurs du commerce international, nonobstant les obligations liées à la recherche de l’intérêt
général qui leurs incombent. Dans ce sens, il est frappant, en analysant le cadre juridique des MPI, de
voir que l’exercice de leur souveraineté ne résiste pas toujours à la nécessaire adaptation surgissant
de leurs interactions avec les acteurs privés.

Par ailleurs, les règles des MPI sont aussi le reflet des positionnements stratégiques entre les États,
dotés de prérogatives souveraines, qui loin d’être à l’unisson dans une éventuelle coalition des ac-
teurs publics, impulsent les règles conventionnelles qui favoriseront le renforcement des acteurs
privés issus de leurs états respectifs dans leurs rapports aux autres états92. Ainsi, à l’instar de nom-
breuses disciplines du droit économique, il nous apparaît que le cadre juridique des MPI est marqué
par une recherche constante d’équilibre. Néanmoins, la recherche d’équilibre met en lumière un
autre enjeu qui est celui de l’inégalité des forces. Les flux monétaires dirigés vers les PED et les règles
gouvernant leurs dépenses sont aussi le lieu d’expression d’une dynamique où les considérations
liées à la souveraineté des pays récipiendaires face aux institutions multilatérales et bilatérales, res-
tent en théorie fortes mais en pratique perdent de leur poids. En dépit de la mise en avant de con-
cepts comme l’appropriation des politiques de développement, l’alignement sur les politiques natio-
nales et l’utilisation des systèmes nationaux de passation des marchés, les contrôles effectués par les

92
Comme le rappelle le professeur Philippe Saunier, les crédits accordés par les institutions multilatérales de
développement répondent selon P. SAUNIER à trois objectifs spécifiques : d’une part, il s’agit pour les prêteurs
de contribuer au développement des pays emprunteurs en optimisant l’utilisation des ressources par la mise
en concurrence ; d’autre part, leurs conditions d’éligibilité favorisent les entreprises des pays développés
membres de ces institutions et contribuent donc à un retour de fonds favorable aux économies de ces der-
niers ; ensuite, ils contribuent à la libéralisation du commerce international en créant les conditions idoines
pour ce faire. Voir Philippe Saunier, le système financier international, Op. Cit.
48

détenteurs de financement et l’obligation d’opérer selon leur volonté sont omniprésents, de même
que leur capacité à impulser, voire imposer des politiques dans les États bénéficiaires. Ce rapport de
force est l’une des caractéristiques des MPI. Il utilise divers canaux qui sont à la fois de nature con-
ventionnelle, contractuelle mais aussi des mécanismes plus subtils attribués à l’émergence du con-
cept de droit administratif global93 comme la soft Law.

Dans un autre registre, des concepts comme ceux du rôle de la société civile, de même que les nou-
veaux enjeux liés à la prise en compte des objectifs de développement durable ont un impact signifi-
catif sur l’orientation et la détermination des règles en la matière. Dans le même sens, un enjeu sup-
plémentaire qui est d’une importance capitale concerne le concept de transparence dans la gestion
et la mise en œuvre du financement du développement. Les MPI sont pensés comme un instrument
permettant, à travers les mécanismes qu’ils impliquent de lutter contre la corruption et de favoriser
une meilleure dépense des fonds alloués. En toile de fond, se trouve l’idée de rendre l’aide au déve-
loppement plus efficace qu’elle ne l’a été dans les décennies précédentes.

Dans ce contexte, notre étude sur le cadre juridique des marchés publics internationaux dans les
stratégies du développement veut rappeler que ceux-ci, constituent en eux-mêmes des modalités de
mise en œuvre de projets devant contribuer au développement en apportant des infrastructures, des
services efficaces aux populations. Cependant, ils doivent également contribuer à créer les conditions
structurelles et intellectuelles propices à l’émergence économique et à un développement durable
basé sur une volonté d’autonomisation et d’indépendance ( de façon à ne plus dépendre à terme de
l’aide au développement) des nations concernées et leur meilleure insertion dans la compétition de
l’économie mondiale. À cette fin, l’un des enjeux de notre sujet, vise à aborder ces dynamiques so-
cio-économico-politico-juridiques à travers les règles qui gouvernent les MPI.

Aborder un tel sujet est nécessairement dense et prendre les PED en général comme objet de l’étude
dénote déjà une certaine difficulté voire une ambiguïté. Mais cette ambiguïté selon nous, caractérise
également le cadre juridique des MPI, voire celui des politiques de développement en général. De
fait, en dépit de la reconnaissance des spécificités des PED et même dans certains cas, de
l’adaptation des politiques de développement selon leur niveau de développement, le droit interna-
tional économique conventionnel utilise souvent ce vocable de façon générique. Paradoxalement,
dans leurs relations avec les entités privées, ces États en développement obtiennent rarement un
quelconque avantage de ce statut, alors que c’est avec ces derniers que se nouent la plupart des
transactions et des opérations de marchés publics qui auront un impact concret sur l’état du déve-

93
Benedict Kingsbury, The Concept of Law in Global Administrative Law, European Journal of International Law,
vol. 20, Issue 1, February 2009, PP 23-57 https://doi.org/10.1093/ejil/chp005
49

loppement. Vu que ces rapports tendent de plus en plus à s’apparenter aux rapports entre personnes
privées contractantes, ce paradoxe semble bien installé dans le droit économique94. Néanmoins, il
est toujours loisible de les questionner sous l’angle des engagements conventionnels des acteurs
étatiques et des organisations internationales qui tout en mettant en avant l’intérêt du développe-
ment , favorisent des règles qui diminuent les marges de manœuvres des PED en faisant de la main
du marché, le moteur principal, par défaut de ce développement, malgré que les retombées d’une
telle approche ont été largement remises en question95. Naturellement, à cet égard, un autre enjeu
de notre sujet se manifeste car l’étude du cadre juridique des MPI laisse entrevoir des rapports ten-
dus entre PED et pays développés face aux tentatives de faire évoluer les règles des MPI dans un
sens purement libéral, notamment au niveau de l’OMC. Dans le même ordre d’idée, l’analyse des
rapports entre le droit des investissements internationaux et les MPI montre également des chemins
qui dessinent les perspectives futures de l’évolution des MPI mais restent teintés de paradoxes si l’on
les analyse par rapport aux impératifs stricts du développement humains et des nations. Notre étude
se place au carrefour de tous ces enjeux.

En conséquence, la réflexion sur les caractéristiques du cadre juridique du MPI du point de vue de sa
place stratégique dans les politiques de développement, induit nécessairement une transversalité
dans l’approche et une posture à la fois explicative mais aussi critique, puisque nous orientons notre
recherche vers les enjeux stratégiques que recèlent les MPI pour les politiques de développement
présentes et à venir. Comme nous l’avons expliqué dans notre définition du mot stratégie, le fait que
de tels enjeux soient attachés à la matière implique ipso facto que l’approche et l’influence des ac-
teurs sur l’orientation des règles présente déjà un aspect stratégique qui aura un impact sur le déve-
loppement. Cet impact est d’abord visible sur les règlementations des marchés publics des pays bé-
néficiaires. De fait, l’analyse du cadre juridique international des MPI montre une tendance forte à
l’harmonisation des procédures à différents niveaux dont le niveau régional et national. Il est intéres-
sant d’analyser la dynamique liant les règles et les procédures aux niveaux international et national

94
Cf. Mayer Pierre, la neutralisation du pouvoir normatif de l’État en matière du contrat d’État, in journal du
droit international, Paris. Année 113. No. 1, Janvier-février-mars 1986, pp. 5-78 ; Prosper Weil, problèmes rela-
tifs aux contrats passés entre un État et un particulier, Académie de droit international, Recueil des Cours, tome
128, 1969(III), PP95-240 ; Mireille Delmas-Marty, la refondation des pouvoirs, Paris : Ed. du seuil, 2007, 299p ;
Kamto, Maurice, La volonté de l’État en Droit international, in: Collected Courses of the Hague Academy of
International Law, Volume 310, 2004, The Hague Academy of International law, 421P, pp 251-261;
http://dx.doi.org/10.1163/1875-8096_pplrdc_ej.9789004145528.009_428 (consulté en novembre 2021)
95
Samir Amin, l’impérialisme et le développement inégal, Op. Cit. ; Également, Samir Amin, l’histoire globale,
une perspective afro-asiatique, Edition les Indes savantes, Op. Cit.; Jan nederveen Pieterse, neoliberal Globali-
zation and the Washington consensus, in International Development Governance, Op. Cit. pp. 91-104;
Philippe Deubel, Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, chap 12 : les stratégies de
développement, pp 463-513. Op. Cit. ; Jean Coussy, libéralisme et développement économique, alternatives
économiques, Hors-série N°110, janvier 2002, en ligne sur : https://www.alternatives-
economiques.fr/liberalisme-economique-developpement/00054599 (consulté en octobre 2021)
50

car les MPI impliquent un enchevêtrement de ces règles. La mise en œuvre des procédures, même
émanant de directives des institutions internationales de financement ne peut être efficace sans le
concours des règles et procédures au niveau national. Le respect des principes fondamentaux de la
commande publique en matière de transparence, de concurrence, de participation et des recours
ouverts aux candidats dépend également de l’organisation interne et des règles étatiques. Dans le
même sens, le marché lui-même en tant que contrat est sous l’empire de la loi nationale. L’analyse
de l’enchevêtrement de ces règles et de la dynamique de l’harmonisation des procédures fait donc
partie intégrante de la réflexion sur l’efficacité. Nous tenterons, à travers des cas concrets de mon-
trer l’évolution des règles régionales et nationales sous l’impulsion des acteurs internationaux. Une
telle dynamique, quoique juridique a naturellement des versants politiques, sociaux et économiques.

En définitive, au titre des problématiques et des enjeux qui fondent l’intérêt de notre recherche, il
convient de rappeler ici que les MPI constituent l’instrument central du financement des projets de
développement et des flux financiers qui sont alloués à cette fin. L’analyse du cadre juridique des
MPI dans les stratégies de développement montre qu’il est important de marteler que les réalités
juridiques du développement cernées par le droit existent d’abord en dehors du droit. Ensuite, il
apparaît que la dynamique de la construction juridique elle-même peut créer de nouveaux rapports
et déterminer les réalités de l’évolution des résultats attendus des actions de développement. Au
regard de ces enjeux, notre étude s’attachera à exposer les règles et faire ressortir les déterminants
et les dynamiques du cadre juridique des MPI en tant qu’instrument au cœur des stratégies de déve-
loppement.

D’autres intérêts du sujet sont manifestes. En fait, s’interroger sur cette question revêt un intérêt
certain dans la mesure où le champ des marchés publics internationaux n’est pas suffisamment ex-
ploré dans ce sens, surtout dans la doctrine francophone. Nous constatons que ces enjeux sont sou-
vent étudiés de façon éparpillées ; ce qui ne permet pas de déceler clairement la dynamique
d’ensemble relativement à l’objectif final du développement. L’intérêt de cette thèse sera certaine-
ment d’y apporter un éclairage supplémentaire.

Choix de la méthode et Annonce du plan

D’abord, notre étude sur le cadre juridique des MPI dans les stratégies de développement se situe à
la fois entre un questionnement sur le cadre juridique existant et ses dynamiques et ses perspectives
d’évolution. En ce sens, il s’agit en grande partie d’une analyse de lege lata mais également de lege
ferenda. Il sera donc indispensable d’exposer les règles, expliquer leurs fonctionnement et leurs inte-
ractions, tout en s’interrogeant sur leur sens et leur efficacité du point de vue des objectifs qui leurs
51

sont assignés. Les dynamiques d’évolution de la matière offrent un champ précieux qui permet de la
situer par rapport aux enjeux du développement.

Ensuite, il est manifeste que le champ géographique de la matière est vaste. Analyser les PED est à la
fois utile mais peut également constituer un écueil. De fait, quelques aspects de la matière permet-
tent d’envisager facilement des angles d’analyse qui s’appliquent aux PED en général. D’abord, il
s’agit du fait que les règles d’une institution de financement soient en général la même en matière
de MPI pour les pays bénéficiaires. Par exemple, les directives de la Banque Mondiale ou de l’Union
Européenne en matière de passation de marché, ne diffèrent pas selon les pays bénéficiaires, même
si quelques ajustements sont possibles du fait des réalités particulières de chaque appel d’offres. En
outre, on trouve des schémas similaires liés à l’harmonisation des procédures entre les institutions
de financement elles-mêmes mais également aux niveaux sous régional et national. En outre, cer-
tains enjeux liés à la libéralisation de la matière à travers des accords internationaux
d’investissement ou de commerce posent des questions semblables dans de nombreux PED. Enfin,
sans être exhaustif dans cet exposé de méthodologie, on peut souligner que les réalités du sous-
développement qui justifient les prêts, dons et le recours aux institutions de financement du déve-
loppement se ressemblent dans de nombreux PED.

Ceci étant dit, il importe de relever que, mener l’étude intégralement sur le vaste champ géogra-
phique des PED pourrait être préjudiciable dans certains pans de l’analyse ou en tout cas, la priver
d’une certaine spécificité qui permettrait d’exemplifier certains enjeux, notamment dans le cadre de
l’harmonisation des législations nationales qui emprunte le canal sous régional. Aussi, un rétrécisse-
ment du champ géographique s’imposera afin de mieux analyser le concept d’harmonisation des
règles des MPI qui est un pan important de la recherche de l’efficacité des financements et de la dy-
namique de l’évolution du cadre juridique des MPI. À ce titre, nous nous focaliserons pour ce qui est
de l’aspect sous régional sur le cas de l’Afrique de l’ouest et plus particulièrement de la zone UEMOA,
de même que sur le cas de l’État de Côte d’Ivoire pour ce qui est de faire ressortir les réalités de la
transposition et de la mise en oeuvre des règles harmonisées au niveau national. Ceci nous permet-
tra d’envisager de façon très concrète, comment les règles émanant de la logique de l’harmonisation,
propulsée par les acteurs internationaux, portés par les blocs sous régionaux, sont appliquées au
niveau des pays. Cette approche sera de nature à mieux exposer les contrastes entre les règles et les
réalités de leur application par rapports aux principes des MPI, aux actions des acteurs et aux objec-
tifs recherchés par ceux-ci.

Qui plus est, nous précisons que dans le cadre de cette thèse, nous avons effectué trois stages dans
un état et une institution de l’UEMOA. Les deux premiers se sont déroulés à la Direction Générale
des Marchés Publics de la Côte d’Ivoire pendant une durée de quatre mois. Celui-ci incluait en plus
52

de ladite direction, une immersion dans l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics de
Côte d’Ivoire (ANRMP). Ces stages nous ont permis de mieux comprendre et d’analyser les procé-
dures, les multiples réalités et difficultés du terrain qui influencent les objectifs des MPI et
l’interaction État-institutions de financement. Nous avons notamment eu des entrevues avec des
acteurs de la société civile96, des PME ; lesquels sont mis au premier plan par les institutions de fi-
nancement comme un aspect important de la transparence et des objectifs de développement.
L’immersion au sein de l’ANRMP a eu pour but de côtoyer les acteurs de la régulation et de
s’immerger dans le règlement des différends, élément central de la transparence et de la concur-
rence, dévolu par le fait des réformes à ladite institution. Le second stage a été effectué auprès de la
Banque Ouest Africaine de Développement afin de mieux cerner le rôle et les contraintes des bail-
leurs de fonds en général et dans cette zone spécifique. Il nous a permis de voir le processus déci-
sionnel lié au financement des projets d’infrastructures, de même que les enjeux liés à leur suivi et la
difficulté de mobilisation des ressources concessionnelles par une banque sous régionale. Il a été
également le lieu de rencontres avec des acteurs impliqués dans les questions environnementales,
d’inclusion sociale et de genres qui travaillent dans le cadre des projets financés pour assurer leur
conformité avec les directives et les règles opérationnelles d’une institution de financement. Ces
politiques font partie des dynamiques qui orientent l’évolution du cadre juridique des MPI au niveau
international. En somme, ces différents facteurs justifient derechef notre choix de la zone UEMOA et
de la Côte d’Ivoire pour une partie de l’analyse.

En outre, il convient de mentionner l’importance du recours au droit comparé dans cette thèse. Cela
se justifie pour plusieurs raisons. En premier lieu, il s’agit de la similitude de certains enjeux entre
MPI et marchés publics nationaux au niveau mondial. Par exemple, sur certaines questions liées à
l’orientation des règles des MPI vers des objectifs directs de développement durable, les enjeux ne
diffèrent guère de ceux qui sont poursuivis dans nombre d’états développés. Partant, hormis des
spécificités liées au niveau de développement qui impliquent des politiques spécifiques, les avancées
en la matière, des pays développés, les législations et les jurisprudences sont un atout pour notre
analyse. En second lieu, il faut préciser qu’étant francophone et travaillant sur des zones franco-
phones, en plus du droit international, nous nous référerons majoritairement (pas exclusivement) au
droit français et francophones, de même qu’au droit européen pour aborder certaines notions. Ce
choix se reflètera également dans les jurisprudences sollicitées.

Enfin, c’est le lieu de préciser que notre thèse s’inscrit principalement dans une étude de droit inter-
national public et plus précisément du droit international économique. Elle s’inscrit aussi principale-

96
Nous avons réalisé un entretien avec le représentant de la coordination de la société civile (voir annexe 1).
53

ment dans l’esprit d’une étude sur la gouvernance et le développement qui fait partie des théma-
tiques de recherches de notre laboratoire de recherche (LADIE97) intégré dans l’Institut du Droit de la
Paix et du Développement (de l’université de Nice Côte d’Azur) dont les enseignements du Master 2 ,
« Gouvernance et financement du développement » nous ont inspirés dans le choix d’une telle thé-
matique. Cette précision étant faite, il s’impose de rappeler que le droit économique par nature, à
travers son caractère transversal et la nature administrative et politique des marchés publics rendent
impossibles le cantonnement de la réflexion aux seuls règles du droit international public et écono-
mique. D’où, la précision ne vise qu’à justifier la raison pour laquelle nous n’allons pas nous attarder
sur l’analyse de certaines thématiques qui ressortissent également d’autres disciplines juridiques.
Même quand nous ferons appel à d’autres branches du droit, ce qui nous importera sera de les saisir
selon l’objet de notre étude.

Dès lors, au vu des énonciations qui précèdent, en substance, ce travail de thèse consistera à exposer
et analyser les caractéristiques, les déterminants et les dynamiques du cadre juridique des MPI à
travers la coopération internationale, régionale et bilatérale, les règles des institutions de finance-
ment du développement. Aussi, cela implique de regarder les MPI selon le rôle qui leur est dévolu
relativement aux objectifs de transparence, de concurrence, de bonne gouvernance et du dévelop-
pement du commerce international. Cette analyse gardera en ligne de mire les objectifs de dévelop-
pement, mais également le positionnement des acteurs en tant que sujet de l’ordre juridique inter-
national et acteurs du commerce international. Dans ce sens, il sera aussi indispensable de question-
ner les marges de manœuvre des États et les rapports avec les questions de souveraineté qui elles-
mêmes in se peuvent influencer les politiques de développement et l’attitude de l’État. Cette ap-
proche induit d’envisager les différentes connexités des MPI avec les disciplines et mécanismes du
droit international économique et du droit du commerce international, ceux-ci étant susceptibles
d’influer sur les objectifs de développement au niveau international et national. Nous nous efforce-
rons, tout en exposant les règles de faire ressortir leurs effets sur ces enjeux. Enfin, au vu de la dy-
namique du cadre juridique des MPI, il sera indispensable de s’intéresser, en nous fondant sur des
exemples concrets, à l’interpénétration des règles et l’effort d’harmonisation vers les niveaux natio-
naux ; lequel se sert du levier sous régional.

Au total, la trame de cette étude appréhendera les MPI comme un instrument central du finance-
ment du développement orienté vers les objectifs de développement et ceux du commerce interna-
tional (première partie). Les différents enjeux soulevés par la matière et la recherche de l’efficacité
produisent une volonté d’harmonisation internationale du cadre juridique des MPI qui est menée à

97
Laboratoire de Droit International et Européen (LADIE UPR 7414) www.ladie.univcotedazur.fr
54

travers l’impulsion, par les acteurs internationaux de réformes des règles internes des États bénéfi-
ciaires de financements (deuxième partie).

Première partie

Les MPI, un instrument central du financement du développement


orienté vers les objectifs de développement et ceux du commerce
international
55
56

Les MPI se présentent comme un instrument phare du financement du développement dans la me-
sure où c’est par ce biais que les dépenses sont effectuées et que les prêts et dons accordés se maté-
rialisent, notamment, dans le cours des projets qui leurs servent de cadre d’exécution. Les modèles
de financements publics de projets de développement contiennent une obligation de passer un mar-
ché. D’où la bonne gestion de celui-ci conditionne l’achèvement d’objectifs primordiaux de dévelop-
pement. Les objectifs de développement se situent à la fois dans le champ national et international à
travers la coopération internationale et s’insèrent, s’agissant des MPI, dans un cadre qui est celui du
commerce international. A l’instar de la « superstructure du droit international économique »98, ceci
implique l’existence d’une diversité d’acteur et la multiplicité des lieux de production des règles qui
gouvernent la matière.

En analysant le cadre juridique des MPI à travers le droit international et la coopération internatio-
nale, de même qu’à travers les règles des institutions de financements du développement, nous met-
trons dans cette partie en exergue le caractère transversal et multidimensionnel des règles gouver-
nant les MPI. Elles sont transversales en ce sens qu’un MPI peut être régulé à partir de règles qui
trouvent leurs sources à la fois dans plusieurs ordres juridiques et dans plusieurs matières du droit
international et les droits nationaux. Le caractère multidimensionnel procède des nombreuses inte-
ractions indispensables entre les acteurs souvent situés à différents niveaux décisionnels ou emprun-
tant des procédés différents. Il s’agira donc de situer les différents cadres juridiques principaux, in-
ternationaux et régionaux, de même qu’institutionnels qui font la richesse et la spécificité du droit
des MPI et justifient la multiplicité des enjeux et des acteurs.

Dans le même temps, en tenant compte des enjeux qu’implique la transversalité de la matière, il
importera de la mettre en lumière (la transversalité) et de l’analyser relativement aux enjeux du dé-
veloppement et des prérogatives et marges de manœuvre étatiques des PED. Dans le même registre
de la dynamique de l’étude de la production des règles qui régissent les MPI, l’on verra que celles-ci
et la pratique des MPI sont influencés, par certains mécanismes du droit économique et du com-
merce international. Ceux-ci indiquent les rapports de force et l’interpénétration des sphères pu-
bliques et privées dans la régulation des MPI. On notera l’influence de la soft-law et de la lex merca-
toria. Par ailleurs, les éléments de l’analyse feront ressortir une orientation libérale de la matière qui
a des avantages et des inconvénients en matière d’objectifs de développement.

98
« Il y a toute une superstructure de droit économique international. Elle ne se réduit pas à un «droit interna-
tional du commerce», mais constitue un droit international du marché...Par ailleurs, les États doivent recon-
naître et tolérer, bon gré mal gré, les pouvoirs privés internationaux. ». Voir : Ullrich, Hanns. « La mondialisation
du droit économique : Vers un nouvel ordre public économique. Rapport introductif », Revue internationale de
droit économique, vol. xvii, no. 3-4, 2003, pp. 291-311., P294
57

Toutefois, même si ces différentes caractéristiques des règles des MPI montrent souvent des contra-
dictions, elles gardent une ligne de mire commune et convergente, qui est la question de l’efficacité.
Celle-ci est entendue comme la dépense des financements de manière optimale de façon à réaliser
les objectifs de développement. Cette recherche d’efficacité se fait à la fois à partir des principes de
bases même des marchés publics99 qui sont reconnues comme ayant certaines vertus. De même, La
lutte contre la corruption est renforcée. Néanmoins, ces approches montrent des limites dont cer-
taines tiennent au fait que tous les enjeux ne peuvent pas se quantifier de manière financière. En ce
sens, le cadre juridique des MPI a évolué et tient de plus en plus compte des objectifs durables spéci-
fiques aux PED. Les autres limites se trouvent dans le fait que les conditionnalités imposées par les
détenteurs de financement ne sont pas toujours en adéquation avec les principes de bases des MPI
et les intérêts du développement.

Titre 1 : un Cadre Juridique transversal et multidimensionnel aux nombreux enjeux pour le déve-
loppement, fondant la spécificité des Marchés Publics Internationaux

Titre 2 : un cadre juridique tiraillé entre la recherche d’efficacité et la préservation des intérêts des
parties prenantes

99
Le principe d’égalité, le prince de transparence, la concurrence et le libre accès à la commande publique.
58

Titre 1
Un cadre juridique transversal et multidimensionnel aux nombreux
enjeux pour le développement, fondant la spécificité des Marchés
Publics Internationaux

Lorsque le droit des MPI est appréhendé à travers le droit international et la coopération internatio-
nale, il reflète des règles qui ont trait aux politiques de développement des États sur le plan interne
et international et s’insère dans les logiques de la programmation des actions de développement
dans la sphère internationale. Cependant, même si les règles conventionnelles et les règles Étatiques
ont une grande importance, une grande partie de la réglementation est portée par les institutions ad
hoc de financement du développement, notamment, les banques de développement, les fonds et les
agences de développement. Partant, le cadre juridique des MPI est constitué de règles qui sont à la
fois de nature conventionnelle entre sujets de droit international mais également techniques,
comme s’agissant des directives et des règles opérationnelles. D’ailleurs, on peut noter que les diffé-
rents niveaux de régulation se complètent même quand il s’agit d’approches différentes de la ma-
tière. En plus, en tant qu’organismes internationaux ayant un fonctionnement de type administratif
et du fait qu’elles procèdent par des mécanismes de recommandations ou d’injonctions directes,
l’action des institutions de financement utilise aussi des procédés de droit recommandatoire (soft
law). Qui plus est, les règles d’origine privées s’imposent dans certains aspects pratiques des MPI.

A ces différentes strates et formes de règles, correspondent des enjeux que l’on peut déceler, liés
aussi bien aux objectifs de développement qu’aux intérêts des parties prenantes internationales et
internes, publiques et privées. Tout en mettant en exergue les principales composantes et les dyna-
miques du cadre juridique qui gouvernent la matière, au sein de chaque chapitre, nous prendrons le
soin de faire ressortir ces enjeux.

Aussi dans le chapitre 1, nous évoquerons le cadre juridique transversal des MPI dans le droit inter-
national et la coopération internationale. Le chapitre 2 sera consacré à l’étude du cadre juridique des
MPI à travers les règles des institutions de financement du développement. Dans un troisième cha-
pitre, il s’agira de réfléchir sur l’influence des particularités du droit économique sur le cadre juri-
dique des MPI au niveau international et interne étatique.
59

Chapitre 1

Le cadre juridique transversal et multidimensionnel des MPI dans le


droit international et la coopération internationale

D’une manière générale, on évoquera dans ce chapitre les différentes règles qui gouvernent les MPI
aux niveaux International et régional. Dans cette perspective, on peut remarquer que certaines
règles se rapportent spécifiquement aux MPI et ont été édictées avec l’idée de réguler la matière en
tant que telle. Cependant, elles n’épuisent pas le champ des règles gouvernant les MPI car le carac-
tère transversal de la matière montre des influences d’autres matières juridiques de nature écono-
mique dans la construction des règles existantes, voire dans la formulation de règles touchant indi-
rectement mais clairement les MPI.

Afin de mettre en lumière ces fondements juridiques des MPI à travers le droit international et la
coopération internationale et régionale, nous nous intéresserons dans un premier temps à analyser
la présence de règles que nous considérons comme médiates mais importantes pour la compréhen-
sion des dynamiques des MPI et leur impact sur les stratégies de développement. Il s’agira notam-
ment de s’interroger sur la présence des règles émanant d’une certaine conception du droit interna-
tional du développement (ci- après DID)100 dans les MPI. Il en ira de même de l’analyse des liens
entre le droit des investissements internationaux et le droit des MPI. (Paragraphe 1).

Ensuite, nous exposerons le cadre juridique international et régional ayant directement trait aux MPI
dans la coopération internationale et régionale en relevant quelques enjeux liés à l’application des
règles qui le composent. (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- L’impact du Droit international du développement et le droit des investis-


sements internationaux sur les MPI

Il s’agit de réfléchir sur l’une des caractéristiques des MPI qui est l’influence de la notion de dévelop-
pement sur la matière. Même si, comme on le verra au fil de notre raisonnement, le développe-
ment, en matière de MPI doit être entendu comme le business du développement en tenant compte
des intérêts politiques et pécuniaires des divers acteurs, on perçoit dans les règles, un impact de ce
que l’on pourrait qualifier d’un droit au développement des peuples. Cette notion de droit au déve-

100
Nous soulignons qu’il s’agit ici du droit international du développement et non du droit au développement
60

loppement reste naturellement très théorique comme nous l’avons évoqué dans l’introduction. Mais
son esprit a influencé des règles et donné lieu à des pratiques en droit international du développe-
ment. Nous souhaitons dans ce paragraphe apprécier si le droit du développement influence les
règles des MPI au niveau international. (I)

Nous nous focaliserons ensuite sur les imbrications entre le droit des investissements internationaux
et les MPI. (II)

I- L’impact du Droit International du Développement sur les MPI

Il s’agira ici d’expliquer l’impact des conceptions de solidarité internationale et la dynamique du droit
au développement sur la formulation des règles que l’on retrouve dans les instruments qui régulent
la pratique des marchés publics internationaux.

Les reflets de la dualité des normes et de la solidarité internationale dans les règles gouvernant les
MPI apparaissent à travers la définition d’un certain cadre normatif international adapté, de même
qu’à travers des instruments propres aux différentes strates de la coopération internationale. On
note donc d’une certaine façon l’existence de règles propres reflétant la condition spécifique des
pays en développement au niveau multilatéral. Ces règles pouvant être temporaires et évolutives.
Celles-ci sont dérogatoires des règles plus générales qui mettent les acteurs sur un pied d’égalité.
Elles émanent donc de l’esprit du droit international du développement. Quoique d’une importance
relative en pratique, on peut considérer que certaines règles matérialisant l’impact du DID sur les
MPI, offrent des marges de manœuvres aux PED dans leurs politiques de développement.

Le droit international du développement peut s’accepter comme l’ensemble des règles de droit in-
ternational adoptées à la suite des changements intervenus dans la société internationale et mani-
festant le poids nouvellement acquis des pays en voie de développement.101 Dans cette perspective,
comme l’énonçait le professeur Michel Virally, lorsqu’on parle de « droit international du dévelop-
pement », on doit désigner l’ensemble des normes de droit international ayant cette finalité102.

Pour analyser l’impact des règles et de la philosophie du droit du développement sur le champ des
MPI, nous exposerons le contexte historique du DID et l’émergence des principes fondant la dualité

101
C’est une définition proposée par Brigitte Stern à l’occasion d’un colloque sur la formation des normes en
droit international du développement. Voir Brigitte Stern, le droit international du développement, un droit de
finalité ?, in la formation des normes en droit international du développement, table ronde franco-maghrébine
Aix-en-Provence, 7 et 8 octobre 1982, centre de recherches et d’études sur les sociétés méditerranéennes, Edi-
tions du CNRS, 1984, pp 43-53
102
Virally M. « vers un droit international du développement », AFDI, 1965, volume 11, pp 3-12
61

des normes et de l’acceptation des inégalités compensatrices pour en rechercher ensuite quelques
spécificités dans ce champ particulier précité.

1- Contexte historique du DID

Les notions de Nord et du Sud sont des expressions identitaires d’usage très courant dans les relations
économiques internationales, précisément depuis l’avènement des indépendances. L’idée identifica-
trice que comportent ces deux notions d’essence géographique porte sur le niveau ou le degré de
développement qui caractérise l’état qu’elles désignent103. Cette conception qui est propre à
l’émergence du concept du développement et sa difficile concrétisation dans des droits subjectifs,
trouve néanmoins son application dans des instruments de solidarité internationale104.

La notion de « droit international du développement » a été forgée par la doctrine105 pour tenter
d’appréhender juridiquement le phénomène de revendication des pays pauvres à l’encontre de
l’ordre international qui leur était défavorable. En effet, après l’acquisition de leurs indépendances,
ces pays vont se coaliser pour tenter d’imposer un nouvel ordre économique international. C’est un
« droit contestataire de l’ordre établi » selon le professeur Alain PELLET qui rappelait à juste titre
que les règles du droit international classique servaient les intérêts des États occidentaux, seuls en
mesure de tirer parti des normes et de la concurrence qu’elles organisaient, relativement à la liberté
des mers, l’obligation de réparer les dommages causés à des biens étrangers etc… les droits des na-
tions « non civilisées » étaient purement niés et ceux-ci intégrés juridiquement à l’état qui les coloni-
sait. Ces territoires étaient considérés en effet comme « sans maîtres » (res nullius)106.

Partant, la revendication des pays du sud s’ébauchait autour de l’égalité souveraine des peuples, qui
devait s’accompagner d’une indépendance économique.

103
Roger Mbeumen « les marchés publics internationaux dans les relations Nord-sud », thèse de doctorat, Op.
Cit.
104
Voir Marie Bouriche, les instruments de solidarité en droit international public, thèse de doctorat, Université
de Nice Sophia Antipolis, 2010, 516P
105
Il s’agit notamment de la doctrine des juristes de langue française, qu’ils soient de nationalité française ou
simplement francophones. Il semble bien que l’idée d’un droit international du développement et l’expression
elle-même ait été lancée par André Philip en 1964. Michel Virally dans son article fondamental « vers un droit
international du développement » en 1965, amorce l’usage construit de cette qualification. « Il annonçait que
le temps paraissait donc venu de jeter les bases d’un véritable droit du développement… en faisant l’inventaire
de ce qui n’était encore que le droit international des inégalités de développement », on note également entre
autres les influences notables de Guy Feuer, H. cassan, Alain Pellet. Les auteurs algériens Majid Benchikh,
Mohamed Bedjaoui qui ont critiqué le caractère insuffisant du droit international du développement. Pour une
étude de l’influence de la pensée francophone dans l’émergence du concept de droit international du dévelop-
pement, voir Guy feuer, Le Droit international du développement, une création de la pensée francophone, in
État des savoirs sur le développement : trois décennies de sciences sociales en langue française, paris Karthala,
1993 pp 87-96 ; voir Michel Virally, « vers un droit international du développement », Op. Cit. ;
106
Alain Pellet, le droit international du développement, Que sais-je, Presses universitaires de France, 2ème Edi-
tion, 1987
62

Dans le même ordre d’idée, il est important de rappeler que, dans la mesure où le droit international
du développement naquit et grandit à la fois dans un contexte politique et de contradiction entre les
Pays du Nord et du SUD, cette réalité caractérise la formation des normes dans ce domaine.

Avant de revenir sur la question normative à proprement parler, il faut rappeler les mouvements et
actions des pays en développement qui ont constitués le cheminement ou eu une influence sur la
formation du droit du développement. À ce titre, l’idéologie du développement sera portée par le
« mouvement des non-alignés »107 et des grandes conférences, telles que celles de Bandung en 1955,
Belgrade en 1961, le Caire en 1964, Lusaka en 1970, Alger en 1973, Colombo en 1976, la havane en
1979, de New Delhi en 1986.

Il faut également mentionner le rôle du « groupe des 77 »108 qui a stimulé l’adoption de résolution
ayant eu un impact sur une plus grande prise en compte du développement par le canal du com-
merce. Le groupe des 77 a joué un rôle de catalyseur dans la promotion des intérêts économiques
des pays en développement lors des différentes Conférences des Nations Unies sur le Commerce et
le Développement (CNUCED).

Cette bataille idéologique qui résulte de la pression exercée par les pays en développement plus
nombreux au sein de l’Organisation des Nations Unies va aboutir à l’émergence d’un processus de
formation des normes assez particulier dans le droit international du développement. Elle fera naître
des règles non contraignantes telles que des déclarations, des résolutions de l’Assemblée Générale,
mais accompagnées de mécanismes de suivis109 qui tendent à leur donner une force coutumière où à
influencer la création d’un droit positif. De cette manière, « le besoin de droit se manifeste par la
formulation de règles souhaitables dans les résolutions des organisations internationales ou, comme
pour le droit de la mer dans un projet de convention qui, en attendant sa ratification par un nombre

107
Il a été fondé en 1961 lors de la conférence de Belgrade. Inspiré par des grandes figures tel l’indien Jawahar-
lal Nehru, le mouvement s’inscrit dans la continuité de l’esprit de la conférence de Bandung. Il symbolise la
contestation par les pays en développement de l’ordre établi qui leur était défavorable. 120 pays en étaient
membres en 2012 et son dix-septième sommet a eu lieu à Téhéran du 13 au 18 septembre 2016. Toutefois, en
contraste avec son activisme dans les premières décennies des indépendances, son influence a drastiquement
diminué.
108
Le groupe des 77 (G77) a eu ses prémices durant les premières négociations de la conférence des nations
unies pour le commerce et le développement (CNUCED) qui s’est réunie à Genève du 23 Mars au 16 juin 1964.
C’est durant cette grande première conférence NORD-SUD consacrée aux questions du développement que les
PED ont parlé d’une seule voix dans leur « déclaration commune des 77 pays » adoptée le 15 juin 1964. Le G77
comptait en avril 2014, 133 membres. (Source, site de l’ONU)
109
On peut citer l’exemple de la charte des droits et devoirs économiques qui prévoit que son application soit
évaluée et mise à l’ordre du jour toutes les cinq sessions de l’ONU.
63

suffisant d’États ne constitue pas moins le texte de référence par rapport auquel tous les pays auront
tendance à se situer »110.

2- L’émergence du principe de dualité des règles dans le Droit international Économique et dans
les instruments de financement du développement

La construction juridique du droit international économique est fondée sur des principes d’égalité
souveraine entre les états. Aussi, les principes de réciprocité et de traitement équitable (non-
discrimination) constituent l’épine dorsale du système commercial. Pourtant, « bien éloigné de
l’égalité des livres, la vie politique ne nous montre qu’inégalités, et cela suffit déjà pour que l’on en
puisse pas dire que l’égalité est un droit fondamental des états »111, d’où la recherche de règles spé-
cifiques tenant compte de la réalité contrastée au sein dudit système. « C’est en effet de l’idée de
spécificité qu’il faut partir si l’on veut comprendre la genèse et l’élargissement de la notion de droit
international du développement… »112

Dans ce sens, La reconnaissance de l’inégalité des pays dans les relations économiques internatio-
nales aboutit à une recherche d’équité ou de correctifs qui est caractérisée par une dualité (relative
plutôt qu’absolue)113 des normes du droit international du développement. Sous la pression de la
CNUCED et des principes qu’elle a édictées en faveur des pays en développement, des nombreuses
résolutions114, déclarations de l’assemblée générale, l’on va assister à une manifestation de la dualité
dans le droit positif. D’abord, en tant que la tribune privilégiée des relations commerciales interna-
tionales, dans le GATT. Aussi, la partie IV du GATT115 issue du Tokyo round, précisément en 1979,

110
Alain Pellet, le Droit international du développement, Op. Cit. p 49
111
Antoine Pillet, cité par Maurice Flory, droit international du développement, PUF, 1977, 333P, p 68
112
Guy Feuer, Le Droit International du Développement, une création de la pensée francophone », Op. Cit.
113
On ne peut en effet parler d’une dualité réelle en ce sens, que le régime dérogatoire est exceptionnel et
souvent temporaire et que les objectifs des institutions multilatérales visent une conformité dans l’application
des règles.
114
Voir notamment la résolution 1707 du 19 décembre 1961 de l’AG ONU, la résolution 21 (II) proposée par la
CNUCED sur le système de préférence Généralisé, adoptée en 1968. Elle sera intégrée au GATT par la décision
du 25 juin 1971 comme une dérogation, bien que temporaire. Elle disposait en effet : « il sera dérogé pour une
période de dix ans aux dispositions de l’article 1er dans la mesure du nécessaire pour permettre aux parties
contractantes développées d’accorder […] un traitement tarifaire préférentiel à des produits originaires de
pays et territoires en voie de développement ». Voir Marie Bouriche, les instruments de solidarité en droit in-
ternational public, thèse de doctorat, Op. Cit., p52
115
General agreement on Tariffs and Trade (accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) est un
traité international signé en 1947 et qui est entré en vigueur le 1er janvier 1948. L’objet de ce traité était de
poser les bases des règles gouvernant le commerce international en favorisant le libre-échange entre les États.
Il fait suite à la charte de la havane instituant une organisation internationale du commerce, négociée au cours
de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et l’emploi tenue à Cuba du 21 novembre 1947 au 24
mars 1948. Celle-ci n’a jamais été ratifiée. En décembre 1994, après l’adoption de l’accord de Marrakech créant
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), les parties contractantes ont décidé (voir la décision PC/12,
L/7583 disponible sur le site de l’OMC www.WTO.org ) de mettre fin au GATT de 1947 (une année après la date
d’entrée en vigueur de l’OMC, soit le 1er janvier 1996) tout en en conservant quelques acquis dans ce qui est
64

illustre-t-elle cela. Cette partie IV du GATT énonce les principes de la non-réciprocité et du traitement
préférentiel accordés aux pays en développement. Cela signifie que « les parties contractantes des
pays développés n’attendent pas de réciprocité pour les engagements pris par elles dans des négo-
ciations commerciales de réduire ou d'éliminer les droits de douane et autres obstacles au commerce
des parties contractantes peu développées»116. Quoiqu’il lui eût été fait le reproche de son inanité en
ce sens qu’elle ne prévoyait pas d’obligations claires incombant aux pays développés117, il est incon-
testable que cette partie IV du GATT constituait une véritable révolution dans la reconnaissance de la
spécificité du statut des pays en développement. « Elle établit en effet un véritable principe de non
réciprocité, contrairement aux simples traitements préférentiels accordés en vertu de la procédure
antérieure de dérogations118 à l’article XXV paragraphe 5 de l’Accord général… qui jusqu’alors
n’étaient pas de droit. »119. Il s’agissait cette fois d’une base juridique permanente consacrant la
dualité de traitement. Celle-ci fut confirmée par la déclaration ministérielle de Punta Del Este du 20
septembre 1986 qui marquait le début des négociations du cycle de l’Uruguay (Uruguay Round en
anglais)120.

appelé le « GATT de 1994 ». Celui-ci est intégré dans l’accord sur L’OMC (entré en vigueur le 1er janvier 1995).
Le GATT de 1947 et celui de 1994 sont juridiquement distincts, selon les termes de l’article II, 4 de l’accord sur
l’OMC. Les dispositions du GATT de 1947, qui sont incorporées dans le GATT de 1994, conservent leur effet
juridique dans le cadre du GATT de 1994, qui fait lui-même partie de l’Accord sur l’OMC. (Source, site web de
l’OMC).
116
Paragraphe 8 de la partie IV du GATT
117
Par exemple, les préférences accordées peuvent être interrompues par différents mécanismes dont les
clauses de sauvegarde.
118
Le système de préférence généralisé instauré précédemment grâce à la décision du 25 juin 1971 précitée
(note de bas de page 114) n’était valable que pour une période de 10 ans et seulement en matière tarifaire. La
clause d’habilitation de 1979, quant à elle constitue une base juridique permanente du système commercial
multilatéral voire régional. De fait, le traitement préférentiel peut s’étendre aux arrangements régionaux et il
inclut un traitement spécial en faveur des pays les moins avancés (PMA). Qui plus est, il s’applique également
aux mesures non-tarifaires susceptibles d’aider les pays en développement à développer leurs capacités tech-
nologiques et structurelles.
119
Cf R. Mbeumen , thèse de doctorat, Op. Cit. p821
120
La déclaration prévoit en effet dans les principes généraux qui gouverneront sa conduite que les parties
contractantes s’engagent à ancrer dans les négociations les dispositions de la partie IV du GATT relatives au
traitement différencié et plus favorable, au principe de réciprocité et à la participation active et totale des pays
en développement.
“The CONTRACTING PARTIES agree that the principle of differential and more favorable treatment embodied
in Part IV and other relevant provisions of the General Agreement and in the Decision of the CONTRACTING
PARTIES of 28 November 1979 on Differential and More Favourable Treatment, Reciprocity and Fuller Partici-
pation of Developing Countries applies to the negotiations. In the implementation of standstill and rollback,
particular care should be given to avoiding disruptive effects on the trade of less-developed contracting parties.
The developed countries do not expect reciprocity for commitments made by them in trade negotiations to
reduce or remove tariffs and other barriers to the trade of developing countries, i.e. the developed countries
do not expect the developing countries, in the course of trade negotiations, to make contributions which are
inconsistent with their individual development, financial and trade needs. Developed contracting parties shall
therefore not seek, neither shall less-developed contracting parties be required to make, concessions that are
65

Ainsi, « le principe de la dualité des normes … tend à devenir l’un des principes de base du droit in-
ternational du développement »121

L’aménagement des règles du commerce international se reflétera dans les relations multilatérales,
bilatérales et régionales122, les différents accords de coopération entre les États du marché commun,
première puissance commerciale mondiale et les pays Africains à travers les accords de Yaoundé I et
II et à partir de 1976, ceux de LOME, et ceux de COTONOU. La convention de LOME I a notamment
intégré le système généralisé de préférence (SGP) introduit par la deuxième CNUCED en 1970123. De
fait, celle-ci reconnaît des préférences spéciales aux pays associés, sans réciprocité pour les états
membres de la Communauté Economique Européenne (ci-après CEE). Ces préférences spéciales
s’articulent avec les préférences générales accordées aux PED dans le système multilatéral. Les pays
ACP peuvent choisir les conditions préférentielles générales à conditions que celles-ci leur apportent
des avantages au moins égaux à ceux qui préexistent, sans remettre en cause leurs engagements.124

Les pays en développement ont également la possibilité d’organiser des préférences entre eux, no-
tamment par le biais d’accords régionaux ou d’envergure multilatérale. C’est notamment le cas de
l’ « accord sur le système global de préférences commerciales » (SGPC) entre PED. Sur la base de cet
accord, les PED peuvent s’accorder des préférences tarifaires et non-tarifaires. L’objectif visé réside

inconsistent with the latter's development, financial and trade needs.” Voir déclaration de Punta Del este.
Disponible sur le site de l’OMC.

121
Maurice Flory, Droit international du développement, Op. Cit. p 253
122
Il existe en effet plusieurs types de préférences, générales, ou spéciales ; dans des cadres multilatéraux,
d’autres dans des cadres régionaux, voire bilatéraux. Par exemple, le « trade act américain » de 2002 prévoit
un système généralisé de préférence au profit d’un nombre défini de PED en instaurant une franchise sur cer-
tains produits. Un rapport du secrétariat de l’OMC (doc. WT/TPR/S/200) du 5 mai 2008 estimait les importa-
tions au titre de cette régulation équivalaient à 1.6 % des importations totales des États-Unis d’Amérique.
Quant au CANADA, il a mis en place trois types de préférences générales : il s’agit du tarif de préférence géné-
ral pour les PED, le tarif pour les pays les moins développés et un tarif pour les pays antillais du Common-
wealth. Quant au système européen, Basé sur l’article 133 du TCE, il prévoit trois régimes de préférences : un
régime général qui s’applique à tous les PED qui exonère ou aménage les droits de douanes sur les produits
concernés selon qu’il s’agisse de produits considérés comme sensibles ou non-sensibles. (La sensibilité d’un
produit étant jugée par rapport à son degré de concurrence avec des produits similaires dans l’UE). Le second
régime général basé sur une « conditionnalité positive » attribue des préférences supplémentaires aux États
qui satisfont aux conditions prévues par certaines normes internationales relatives notamment au travail ou à
l’environnement. Quant à la troisième catégorie, elle concerne uniquement les PMA. Elle permet de fait à ceux-
ci d’accéder aux marché européen sans taxe, ni quota, sauf pour les armes jusqu’en 2007, le sucre et le riz
jusqu’en 2009. En sus de ces préférences s’opèrent autour de produits qui font l’objet d’une liste. Elles peu-
vent être limitées dans le temps et suspendues à tout moment. Ce qui n’est pas le cas des préférences spé-
ciales accordées par voie de traité comme ceux des accords de COTONOU. Dans tous les cas, parce qu’ils sont
contraires au principe de non-discrimination, les préférences spéciales non généralisées, doivent être validées
par l’OMC. Ce sont des régimes dérogatoires
Voir Marie Bourriche, thèse de doctorat, Op. Cit. p 54 et s.
123
Résolution 21 (II) de la deuxième session de la CNUCED adoptée à new Delhi à New Delhi, Op. Cit.
124
Voir Droit international du développement, Maurice Flory, Op. Cit. p256
66

dans la promotion du commerce mutuel et le développement des relations économiques entre ces
pays.125

L’on retrouve aussi une application du traitement différencié dans les différents accords spécifiques
de l’OMC. Ainsi, l’article XII de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) autorise les PED
et les pays en transition à appliquer des restrictions au commerce des services en cas de difficultés
liées à leurs balances de paiement. Il en va de même pour l’Accord sur les Aspects des Droits de Pro-
priété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC). Ses article 66 et 67 accordent respective-
ment aux PMA un délai pour la mise en œuvre des dispositions de l’Accord et la fourniture d’une
assistance technique.126

Dans la même veine, la reconnaissance des besoins des pays en développement s’est matérialisée
par la création de mécanismes de stabilisation des recettes d’exportations127, de même que la dyna-
misation des mécanismes qui facilitent le commerce extérieur et les importations.

La nécessité de la prise en compte du statut particulier des pays en développement se manifeste


également dans la création ou l’orientation attribuée à certaines institutions multilatérales. On peut
distinguer le PNUD128.

De plus, la Banque Mondiale en tant que groupes d’institutions de financement du développement a


opéré une réorientation stratégique, singulièrement sous la houlette de son ancien président Robert
Mc Namara. Il s’est agi de réformes tendant à une augmentation substantielle des prêts à l’endroit
des pays d’Amérique latine et ceux d’Afrique subsaharienne, de même que la définition d’une straté-
gie globale visant à renforcer la cohérence des projets et programmes financés. Il faut ajouter à cela
la formation des pays en développement pour aider ces derniers à mieux ficeler leurs projets pour

125
Voir art 2 du SGPC, signé le 12 avril 1988 et entré en vigueur en 1989
126
D’une manière générale, la coopération technique fait partie des modes de prise en compte du retard des
PED. Elle vise à leur donner des outils qui leurs permettront de s’intégrer davantage dans le commerce interna-
tional et à s’adapter aux règles de l’OMC. Elle est financée par le budget ordinaire ou par des fonds spécifiques
tel que « le fonds global d’affectation spéciale pour le programme de DOHA pour le développement ».
L’assistance technique se fait également par le biais d’autres institutions internationales. Il s’agit de former les
PED sur les normes techniques, le règlement des différends, les obstacles techniques au commerce etc…
127
C’était notamment le cas du système de stabilisation des recettes d’exportation (STABEX) introduit en 1975
dans la convention de LOME I (art 16 à 24).
128
Programme des Nations Unies pour le Développement. Créé en 1966 par la résolution 2029 de l’AG ONU, Il
émane de la fusion entre le Programme Élargi d’Assistance technique (PEAT) et le Fonds spécial des nations
unies (FSNU). Son rôle est de promouvoir la gouvernance démocratique, la réduction de la pauvreté, la préven-
tion des crises, le développement durable et de promouvoir le développement humain. Il assure la promotion
des objectifs de développement durable. D’une manière générale, il se donne pour mission d’assurer égale-
ment la coordination sur le terrain des différentes agences de l’ONU.
67

une éligibilité à des dons ou des prêts de l’institution.129 On peut également noter la création de
l’AMGI visant à garantir les investissements privés par la couverture des risques politiques.130

Ainsi, tantôt par le truchement de la lex feranda, tantôt par la lex lata, le droit international du déve-
loppement a dessiné ses sillons dans les tranchées du droit international. Pourtant, la question de
son effectivité reste largement débattue.

De fait, le droit international du développement reste un droit relatif et dans une certaine mesure
temporaire. Car d’après une certaine partie de la doctrine, il s’agit bien d’un droit de « concessions »
qui tendent à approuver le système global en ne lui admettant que des dérogations. Celles-ci ne
changent pas la répartition du pouvoir car le traitement spécial et différencié demeure un privilège
accordé par les pays développés et il est de surcroît, soumis à de nombreuses restrictions et possibili-
tés de suspension. À ce sujet, le professeur A Mahiou affirmait que « par l’acceptation des excep-
tions, les pays en développement adhèrent consciemment ou non à la norme de base. On retrouve
ainsi , en jeu des apparences, que l’on croyait avoir chassées, en laissant croire que les états du tiers-
monde sont associés à l’élaboration des normes internationales alors qu’ils sont simplement parties
prenantes des exceptions qu’on a bien voulu introduire pour leur faire accepter les règles établies »131

En tout état de cause, il n’est pas conforme en pratique, aux aspirations des pays du tiers-monde
telles qu’elles étaient formulées dans leur volonté d’instaurer un nouvel ordre économique interna-
tional. Néanmoins, en dépit des réserves que cela suscite de la part d’une certaine partie de la doc-
trine, il est loisible de considérer le droit du développement comme un droit positif132. Il existe des

129
François Luchaire, Cours de Droit international du développement, les cours de Droit 1969-1970, 297p.
Bien qu’il est reconnu que la Banque Mondiale a prêté beaucoup plus en cinq ans sous l’ère de MC Namara
qu’elle ne l’avait fait depuis sa création, une partie de la doctrine estime que ces prêts ont alourdi la dette des
pays en développement et ne constituait au demeurant qu’un moyen de mainmise géopolitique destiné à af-
fermir le capitalisme dans un contexte de guerre froide. Voir à ce sujet, Eric Toussaint, Damien Millet, Robert
McNamara, artisan de la mise au pas des peuples, Comité pour l’Abolition des Dettes illégitimes, 9 juillet 2009,
article disponible sur le site du comité : http://www.cadtm.org/Robert-McNamara-artisan-de-la-mise#nh8
(consulté en novembre 2021)
130
Le préambule de la convention instituant l’AMGI précise le besoin de renforcer la coopération en vue du
développement économique. L’art 2(b) de la même convention précise que le rôle de l’institution est de mettre
en œuvre les activités complémentaires appropriées en partenariat avec les autres institutions de la Banque
Mondiale en vue de promouvoir le flux des investissements vers et entre les pays en développement membres
de la Banque Mondiale. Voir la convention établissant l’Agence Multilatérale de Garantie des Investissements,
signée le 11 octobre 1985 et entrée en vigueur le 12 avril 1988. Elle a été amendée le 14 novembre 2010. Dis-
ponible sur le site de l’institution www.miga.org
131
Ahmed Mahiou, « une finalité entre le développement et la dépendance », in la formation des normes en
droit international du développement, Op. Cit. Pp 16-27, p24
132
Voir notamment une analyse de Jean d’Aspremont, professeur à l’université de Manchester et d’Amsterdam
à l’occasion du colloque tenu à LYON 3 en 2014, par la Société Française de Droit International. Cf. Jean
d’Aspremont, « Droit international et développement : les instruments et les sources », in Société française pour
le Droit International, Colloque de Lyon, Droit international et développement, Editions A. Pedone, 503 p,
pp157-170
68

normes concrètes sur le plan international et des mécanismes de contrôle et de règlement des diffé-
rends liés à certaines dispositions qui rentrent dans le champ de ce droit133.

Partant, le constat est net. D’une part, certains auteurs critiquent l’actualité du droit international du
développement , en arguant de son caractère obsolète, en ce sens que les relations économiques
internationales se déterminent dans un cadre mondialisé et un néolibéralisme laissant peu de
marges aux considérations se fondant sur l’inégalité des partenaires134. De plus, il appert que la mul-
tiplication des règles privées, et notamment de l’arbitrage135 a pris le pas sur les considérations af-
firmant une souveraineté absolue. D’autre part, il ne serait pas complètement justifié de considérer
le droit international du développement dans une optique complète de dualité des normes, puisqu’il
ne s’agit que d’une manifestation de l’esprit et des règles du droit international général. De fait,
comme le faisait remarquer le professeur Mahiou, le droit international du développement ne « doit
plus se considérer comme un chapitre spécial du droit international, regroupant des règles spécifiques
aux pays en développement, mais le nouveau droit international général s’appliquant à toute la so-

133
La pratique démontre que le fonctionnement de l’OMC s’est juridicisé et que le règlement des différends
dans le cadre des groupes spéciaux et de l’organe d’appel a acquis un impérium suffisant. L’article 17/14 du
mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, dispose qu’ « Un
rapport de l'organe d'appel sera adopté par l'ORD et accepté sans condition par les parties au différend ».
Cette tendance est confirmée par l’acceptation des décisions produites par ces organes. De nombreuses déci-
sions portent ainsi sur des différends relatifs à l’interprétation des dispositions du traitement spécial et diffé-
rencié. C’est le cas dans l’affaire du « programme de financement des exportations pour les aéronefs » oppo-
sant le CANADA (plaignant) au Brésil (défendeur). L’organe d’appel a fait une interprétation de l’article 27 de
l’accord sur les mesures compensatoires relativement au traitement spécial et différencié. Pareillement, dans
l’affaire opposant les Communautés Européennes (défendeur) à l’Inde (demandeur), le groupe spécial a conclu
que les Communautés européennes avaient agi d’une manière incompatible avec l’article 15 de l’accord Anti-
Dumping relativement au traitement spécial et différencié en ne répondant pas à l’Inde lorsque celle-ci avait
manifesté le souhait d’offrir des engagements. Sur le même article , dans l’affaire des « Mesures antidumping
et compensatoires appliquées aux tôles en acier en provenance de l’Inde » opposant l’Inde (demandeur) aux
États-Unis (défendeur), le Groupe spécial a rejeté l’allégation formulée par l’Inde au titre de la première phrase
de l’article 15, indiquant que cette disposition n’imposait aux États-Unis aucune obligation, spécifique ou géné-
rale, d’entreprendre une action particulière en rapport avec le statut de pays en développement de l’Inde. Il a
également rejeté l’allégation formulée par l’Inde au titre de la deuxième phrase de cet article, indiquant que
cette disposition faisait uniquement obligation aux autorités administratives d’explorer les possibilités de solu-
tions constructives et ne pouvait pas être interprétée comme exigeant un résultat donné.
Voir OMC, le règlement des différends dans le cadre de l’OMC : un différend, une page. 1995-2014, édition de
l’OMC. Disponible sur le site de l’OMC à l’adresse :
https://www.WTO.org/french/res_f/booksp_f/dispu_settl_1995_2014_f.pdf consulté en novembre 2021 ; voir
aussi Hélène Ruiz Fabri, « le règlement des différends au sein de l’OMC :Naissance d’une juridiction, consolida-
tion d’un Droit », in souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20ème siècle, A propos de 30 ans
de recherche du CREDIMI, mélanges en l’honneur de Philippe Kahn, Université de Bourgogne, Ed. LITEC, Année
2000, 728P, pp 303-334.
134
Cf. Maurice Kamto, requiem pour le droit international du développement, in S. Doumbé-Billé, H. Ghérari et
R. kheras (dir.), droit, liberté, paix et développement. Mélanges en l’honneur de Majid Benchick, Paris, pedone,
2011,
135
Rycx J. F., clauses d’arbitrages et règles interarabes en matière de développement, in La formation des
normes en droit international du développement, Op. Cit. Pp 351-360
69

ciété internationale… »136 . Partant, il serait trompeur de croire qu’il existerait une double strate de
normes impliquant « une normativité relative en droit International 137 »

En définitive, Il semble bien que l’activité intense qui a marqué les trois décennies postcoloniales et a
révélé de façon catégorique la disparité entre les pays du Nord et Sud, conduit à l’émergence d’un
corpus de règles pouvant caractériser le droit du développement, a vécu. Mais le droit du dévelop-
pement a-t-il pour autant disparu ou a-t-il cessé d’influencer les relations internationales entre pays
en développement et pays développés ? Il est difficile d’évaluer l’effectivité des règles émanant du
droit du développement sur le développement, mais il est évident qu’il influence encore de nom-
breux textes internationaux.

En effet, Comme le déclarait le professeur, Pierre Marie Dupuy en 2014 dans la conclusion de
l’ouvrage relatant les actes du colloque sur le droit international du développement qui s’est tenu à
l’université de LYON 3 en mai 2014, « après une période faste ,au moment historique de son surgis-
sement, comme revendication d’une réforme radicale du droit international , le droit du développe-
ment, s’est progressivement intégré dans le corpus du droit international contemporain pour être
désormais associé à d’autres branches de ce droit, dont chacune a des objectifs non pas concurrents,
mais complémentaires, tels en particulier, que celui du respect des droits de l’homme et celui de la
protection de l’environnement. Le droit du développement perd ainsi, grossièrement au milieu des
années 80, une large part de sa centralité ; mais il y gagnera en diffusion de son champ
d’innovation »138.

136
Le professeur Ahmed Mahiou cité par le professeur Stéphane Doumbé Billé dans le propos introductif de
l’ouvrage relatant les actes du 48ème colloque de la Société Française pour le Droit international tenu à Lyon du
22 au 24 mai 2014 . Voir Société française pour le Droit International, Colloque de Lyon, Droit international et
développement, Editions A. Pedone, 503 p, pp11-30
137
Cette expression fait écho à l’article du professeur Prosper Weil qui mettait en avant le fait que le droit
international économique ne peut pas être considéré comme dérogatoire du processus qui a toujours constitué
le sous-bassement du droit international. il remet en cause le caractère exceptionnel de la formation spécifique
des normes en droit international du développement qui se sont inscrites souvent dans un processus
d’acceptation tacite et différée d’actes déclaratoires et de résolutions, plutôt que par des larges consensus
entre pays du Sud et du Nord. Selon lui, l’on pourrait même à ce titre remettre en cause l’existence d’un droit
international économique spécifique exorbitant du schéma du droit international général, car la soft law ne fait
pas le droit international. D’ailleurs, celui-ci ne méconnaît pas les rapports de force qui ne peuvent donc pas
être considéré de fait dans le cadre du droit international du développement comme originaux. Cet article a
suscité de nombreuses critiques de la part des zélateurs du droit international du développement. (Voir no-
tamment les actes de la table ronde franco-maghrébine Aix-en-Provence, 7 et 8 octobre 1982, Op. Cit.) A ce
titre, il précise dans sa réponse aux critiques qui ont été émises que l’on ne peut pour autant nier que les rap-
ports de force entre États et les réalités d’un monde nouveau jusque-là inconnues dans le droit international,
caractérisées par l’immixtion sur la scène internationale d’États décolonisés confrontés aux réalités d’un droit
international qui ignorait superbement leurs spécificités, ont eu une emprise sur l’évolution du droit interna-
tional. Voir P. WEIL, « vers une normativité relative en Droit international », RGDIP, 1982, pp 5-47
138
Voir Pierre-Marie Dupuy, grandeur et servitudes du droit du développement, in Droit international et déve-
loppement, Société française pour le Droit International, Colloque de Lyon, Op. Cit. Pp 491-499
70

Dans notre réflexion, il convient de rechercher si le droit des marchés publics internationaux contient
des principes et règles qui se rapportent directement ou indirectement aux actes qui fondent le droit
international du développement.

3- Une dualité des règles dans le champ des MPI ?

L’inégalité entre les états en matière de développement ne remet pas en cause leur souveraineté
dans leur qualité de sujet du droit international, mais vise plutôt la reconnaissance d’un déséquilibre
dans leurs niveaux de développement. Dès lors, l’acceptation du principe d’une inégalité compensa-
trice implique des objectifs à atteindre au moyen de règles nouvelles139. Aussi, on peut identifier
dans divers instruments internationaux régulant les MPI, l’impact des principes émanant du DID.

Rechercher un traitement différencié et plus favorable en matière de marchés publics internatio-


naux, doit être mis en relation d’une part avec les marges de manœuvres des États en développe-
ment et d’autre part avec les principes qui gouvernent la matière, notamment, la concurrence et le
principe d’égalité entre les candidats. Ces derniers ne sont pas directement des sujets du droit inter-
national économique ou du droit du développement, mais en matière de marchés publics, on peut
les envisager comme faisant partie des récipiendaires des accords internationaux prônant l’égalité et
la non-discrimination entre les états dans le commerce international. Cette égalité se manifeste à
travers des instruments diversifiés dans le champ général des relations commerciales internationales
par l’application à eux, sous-couvert des États, des principes de non-discrimination et la règle de la
nation la plus favorisée. Dès lors, elle trouve à s’appliquer dans tous les secteurs commerciaux fai-
sant intervenir un élément d’extranéité où se croisent des acteurs émanant des différents pays signa-
taires des accords de libres échanges. Tel est le cas des MPI. Dans ce sens, les MPI, faisant l’objet de
règles de la part des sujets de droit international tels que les États et les OIG avant leur mise en
œuvre nationale, on peut rechercher dans quelle mesure ces règles tiennent compte de l’inégalité
entre états et des besoins de développement de ceux reconnus comme moins avancés. Nous recher-
cherons l’impact des règles du traitement préférentiel et des inégalités compensatrices dans l’accord
des marchés publics de l’OMC et dans les accords de coopération régionale.

a) Un traitement différencié évident dans l’Accord sur les Marchés Publics de l’OMC

L’Accord sur les Marchés Publics de l’OMC (ci-après AMP), à l’instar de toutes les réglementations de
l’OMC est basée sur les principes de la non-discrimination et du traitement national pour les marchés
qui entrent dans son champ d’application. De plus, s’agissant des marchés publics, spécifiquement,

139
FEUER G., CASSAN H., Droit international du développement, Précis Dalloz, Paris, 1985, 644P, P 34.
71

ces principes s’articulent avec les règles de concurrence et d’égalité de traitement de tous les candi-
dats et soumissionnaires.

Cependant, l’AMP contient des principes et des règles qui se réfèrent directement aux principes du
droit international du développement, notamment les règles des inégalités compensatrices que nous
avons évoquées.

À ce titre, l’article V de l’accord reconnaît le principe consistant à tenir compte du niveau de déve-
loppement des pays dans sa mise en œuvre, relativement aux besoins des pays en développe-
ment140. Dans ce sens, il prévoit des possibilités pour les PMA et les autres pays en développement
de bénéficier d’un traitement spécial et différencié en lien avec les besoins de leur développement.

Ces règles concernent les rapports entre le pays en développement et les autres pays, parties à
l’accord et les rapports entre les pays en développement eux-mêmes.

*Dans les rapports entre pays développés parties et pays non développés

Il s’agit de prime abord d’une obligation d’accorder automatiquement le traitement le plus favorable
au PED qui devient partie à l’accord. Ainsi , le paragraphe 2 dispose que « Dès qu'un pays en dévelop-
pement accédera au présent accord, chaque Partie accordera immédiatement aux marchandises,
services et fournisseurs de ce pays le champ d'application le plus favorable qu'elle accorde au titre des
annexes de l'Appendice I la concernant à toute autre Partie au présent accord, sous réserve de toutes
modalités négociées entre la Partie et le pays en développement en vue de maintenir un équilibre de
possibilités approprié au titre du présent accord. ».

Ensuite, l’accord prévoit un certain nombre de mesures en faveur des PED qui sont des exceptions
relativement aux principes et règles qu’il contient.

Il en va ainsi des mesures transitoires que les PED peuvent mettre en œuvre lors de leur accession à
l’accord. L’adoption de ces mesures requiert l’accord des autres parties et leur teneur dépend des
besoins de développement du pays concerné. Les mesures transitoires prévues par l’accord peuvent
porter sur : un programme de préférences en matière de prix141, une opération de compensation142,

140
art V-1 « Dans les négociations en vue de l'accession au présent accord, et dans la mise en œuvre et dans
l'administration de celui-ci, les Parties accorderont une attention spéciale aux besoins en termes de développe-
ment, de finances et de commerce, et à la situation des pays en développement et des pays les moins avancés
(ci-après dénommés collectivement les «pays en développement», à moins qu'ils ne soient spécifiquement dési-
gnés d'une autre façon), en reconnaissant que ces besoins et situation peuvent différer notablement d'un pays à
l'autre. Conformément aux dispositions du présent article et si demande leur en est faite, les Parties accorderont
un traitement spécial et différencié »
141
La préférence ne peut porter que sur « la partie de la soumission qui incorpore des marchandises ou des
services originaires du pays en développement appliquant la préférence ou des marchandises ou des services
72

l'inclusion progressive d'entités ou de secteurs spécifiques143 et une valeur de seuil de marché qui
est plus élevée que sa valeur de seuil permanente144.

Dans le même ordre d’idée, les parties peuvent convenir avec un PED de différer l’application de
certaines obligations, lors de son accession à l’accord. Cette dérogation n’est valable que dans un
temps limité qui n’excède pas cinq ans pour les PMA et trois ans pour les autres pays145. Cependant,
à la demande du PED et sur avis du comité des marchés publics, ces mesures et périodes transitoires
peuvent être étendues ou renégociées et modifiées au-delà de ce qui avait été négocié lors de
l’accession à l’accord146.

Enfin, le traitement spécial et différencié au titre de l’AMP peut se décliner dans la possibilité pour le
PED de demander une assistance technique et de renforcement des capacités lors de la négociation
en vue de son accession ou dans la mise en œuvre de l’accord147.

*Dans les rapports entre les PED eux-mêmes

Les dispositions prévues au titre de l’art V susmentionné permettent aux PED de développer dans
leurs marchés publics, entre eux des systèmes de préférences basés sur les produits ou les services,
dans des accords préférentiels. Ces systèmes peuvent faciliter la fortification de zones d’intégrations
régionales à visées économiques. On note que ces dispositions complètent celles de l’AGCS qui
n’interdisent pas d’une manière générale, dans le cadre de l’OMC, la formation de telles entités éco-
nomiques avec des règles préférentielles148. Les PED pourront donc négocier ces dérogations préala-
blement à leur accession à l’accord. De même, conformément au paragraphe 8 de l’art V, même
après l'entrée en vigueur du présent accord, un pays en développement qui y est partie pourra de-
mander au comité de consentir à des exceptions en ce qui concerne certaines entités ou certains

originaires d'autres pays en développement pour lesquels le pays en développement appliquant la préférence a
l'obligation d'accorder le traitement national au titre d'un accord préférentiel, à condition que, dans les cas où
l'autre pays en développement est Partie au présent accord, ce traitement soit soumis à toutes conditions fixées
par le Comité ». Voir AMP, art V-3-a
142
Il convient de préciser que hormis dans ce cas, les opérations de compensation sont interdites par l’AMP.
L’expression «opérations de compensation» s'entend de toute condition ou de tout engagement qui encourage
le développement local ou améliore le compte de la balance des paiements d'une Partie, tel que l'utilisation
d'éléments d'origine nationale, l'octroi de licences pour des technologies, l'investissement, les échanges com-
pensés et les actions ou prescriptions similaires; Voir art IV-6 ; art v-3-b
143
art V-3-c
144
Art V-3-c
145
Art V-4
146
Art V-5-6-7 ; ces modifications peuvent concerner les engagements initiaux, y compris la liste des entités,
produits, services, que le PED a accepté de soumettre à l’AMP.
147
Art V-8
148
Notamment en matière d’union douanière, de zone de libre-échange en matière de commerce des mar-
chandises, voir art XXIV du GATT. En matière d’intégration économique dans le commerce de service (voir art V
de l’AGCS) et d’accord intégration des marchés du travail (voir art V bis de l’AGCS)
73

produits ou services repris dans ses listes d'entités et de services visés, en raison de sa participation à
des arrangements régionaux ou mondiaux entre pays en développement.

En définitive, à travers l’AMP, il est manifeste que les règles gouvernant les MPI sont directement
influencées par les principes du DID. Nonobstant cela, la question de l’efficacité des dispositions pré-
vues par l’AMP en faveur des PED dans le cadre du traitement préférentiel mérite d’être posée. Il
apparaît que de nombreux pays en développement n’ont pas adhéré à cet accord pour le moment et
qu’une conception dominante considère qu’ils auraient plus à perdre qu’à gagner149. Les mécanismes
de mise en œuvre du traitement préférentiel tels que la nécessité d’un accord des parties via le comi-
té des marchés publics préalablement à l’acceptation d’une condition préférentielle, les délais courts
des périodes transitoires ne garantissant pas une contrepartie suffisante et les engagements insuffi-
sants de la part des pays développés pour faciliter l’accession des PED à leurs marchés publics, sont
des raisons considérées. Le grand décalage dans le niveau de développement industriel couplé avec
les normes des pays développés suggèrent que les règles de traitement différentié actuel en matière
de MPI ne sont pas assez larges pour rétablir le grand déséquilibre entre les pays. Ceci aurait pour
conséquence que les PED, en accédant à l’accord perdent complètement la main sur leurs marchés
publics, sans une contrepartie suffisante pour leurs besoins de développement. Or ce secteur est
économiquement et politiquement sensible du point de vue des réalités internes à ces pays. Nous
reviendrons sur les questions spécifiques liées à l’AMP pour les PED et dans le cadre des MPI dans la
partie qui traite spécialement de ces questions (voir les pages 101 et suivants de la thèse).

En sus, le traitement différencié se reflète dans la pratique des MPI dans certains espaces de la coo-
pération régionale et bilatérale. Tel est le cas dans les MPI des relations UE/ACP.

b) Un traitement différencié clair dans les MPI de la coopération régionale UE-ACP

Il apparaît que dans certains accords de coopération et de partenariats économiques, la référence au


traitement préférentiel en faveur des pays en développement est nette150 et que son application

149
Par exemple, Martin Khor, the « Singapore issues » in the WTO : Evolution and implications for developing
countries, Op. Cit. ; Roberto Giraldo estime que l’AMP pourrait porter atteinte au droit au développement des
PED en les plaçant dans des conditions qui ne sont pas compatibles avec le stade de leur développement ac-
tuel. Roberto Lagualdo Geraldo, a critic to the objectives of the global public procurement initiatives in the
context of WTO, revista Colombiana de derecho internacional, junio, N°005, Pontifica Universidad javeriana,
Bogota, Colombia, 2005, PP 217-241 https://www.redalyc.org/pdf/824/82400507.pdf (consulté en janvier
2022)
150
Exemple de l’article 34-4 de l’accord de Cotonou : « La coopération économique et commerciale est mise en
œuvre en parfaite conformité avec les dispositions de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce
(OMC), y compris un traitement spécial et différencié tenant compte des intérêts mutuels des parties et de leurs
niveaux respectifs de développement. Elle vise en outre à remédier aux effets de l’érosion des préférences, en
totale conformité avec les engagements multilatéraux. » ; Également, Myrna Alexander, Charles Fletcher III, the
74

dans les MPI émanant de ces financements est claire. Ainsi, dans l’accord de Cotonou régissant les
relations entre les états ACP et l’UE, dans l’article 26 de l’annexe IV relative aux procédures de mise
en œuvre et de gestion, il est prévu des marges de préférences pour les états ACP dans les marchés
publics. celles-ci visent à « favoriser une participation aussi étendue que possible des personnes phy-
siques et morales des états ACP à l’exécution des marchés financés » au titre de l’accord.

Le traitement préférentiel implique que, lorsque deux offres sont jugées équivalentes, selon les cri-
tères de préférences, celles du soumissionnaire ressortissant d’un état ACP ou celle qui offre le meil-
leur potentiel de renforcement des ressources de cet état sera privilégiée. Ainsi, ce traitement préfé-
rentiel, en ce qui concerne les marchés de travaux, se base dans l’offre des candidats sur la nationali-
té des détenteurs (d’une certaine proportion) du capital ou celle des cadres qui doivent être origi-
naires d’un état ACP151. Quant aux préférences dans les marchés de fournitures, elles se fondent sur
l’origine nationale d’un taux des fournitures qui entrent dans la composition de l’offre des candi-
dats152. Pour ce qui est des marchés de services, les règles de l’accord de Cotonou prévoient des
règles de préférences qui doivent faciliter une insertion plus grande des experts, institutions, bu-
reaux d’études ou entreprises de conseils ressortissantes des états ACP. Ainsi, dans les offres présen-
tant des propositions jugées équivalentes, celle permettant une plus grande utilisation des res-
sources physiques et humaines des états ACP devra l’emporter153. C’est le même principe qui est
appliqué en matière de sous-traitance154. En sus, l’État ACP peut proposer aux soumissionnaires dans
l’appel d’offres, l’assistance de sociétés, d’experts ou de consultants ressortissants des états ACP,

use and impact of the bank’s policy of domestic preferences, background paperreview of the world Bank’s Pro-
curement Policies and Procedures, juillet 2012. Disponible sur :
https://documents.worldbank.org/pt/publication/documents-
reports/documentdetail/917901616391961464/review-of-the-world-bank-s-procurement-policies-the-use-
and-impact-of-the-bank-s-policy-on-domestic-preferences consulté en juillet 2021
151
Accord de Cotonou, Annexe IV, article 26-a « dans le cas des marchés de travaux d’une valeur inférieure à 5
000 000 EUR, les soumissionnaires des états ACP bénéficient, pour autant qu’un quart au moins du capital et
des cadres soit originaire d’un ou de plusieurs états ACP, d’une préférence de 10 % dans la comparaison des
offres de qualité économique et technique équivalente».
152
Art 26-b : « Dans le cas des marchés de fournitures, quel qu’en soit le montant, les soumissionnaires des
états ACP, qui proposent des fournitures originaires des ACP pour 50 % au moins de la valeur du marché, bénéfi-
cient d’une préférence de 15 % dans la comparaison des offres de qualité économique et technique équiva-
lente ».
153
Art 26-c : « dans le cas des marchés de services, la préférence est accordée dans la comparaison des offres de
qualité économique et technique équivalente: i) aux experts, institutions, bureaux d’études ou entreprises con-
seils ressortissants des états ACP ayant la compétence requise; ii) aux offres soumises par des entreprises ACP
individuelles ou en consortium avec des partenaires européens; et iii) aux offres présentées par des soumission-
naires européens ayant recours à des sous-traitants ou des experts des ACP ».
154
Art 26-d : « Lorsqu’on envisage de faire appel à des sous-traitants, le soumissionnaire retenu accorde la pré-
férence aux personnes physiques, sociétés et entreprises des états ACP capables d’exécuter le marché dans les
mêmes conditions ».
75

choisis d’un commun accord. Cette coopération peut prendre la forme d’une entreprise commune,
d’une sous-traitance ou encore d’une formation du personnel en cours d’emploi155.

À travers les accords de Cotonou, on perçoit le lien direct entre les règles de traitement préférentiel
et les MPI. Cependant, on note un manque de flexibilité dans la détermination des règles de préfé-
rences. Celles qui se déclenchent à partir ou en deçà d’un certain seuil et ne s’appliqueront que si ce
seuil est atteint. Cette flexibilité est importante pour que les États ACP puissent utiliser davantage les
marges de préférences qui leurs sont accordées156. Ainsi, la préférence de 10% sur les marchés de
travaux n’est applicable qu’en deçà du seuil de 5.000.000 (cinq millions d’euros) pourvu qu’un quart
au moins du capital et des cadres soient originaires d’un état ACP. Quoiqu’intéressante en la forme,
elle reste rigide car on pourrait imaginer que si la moitié de ces conditions étaient remplies pour une
offre, la préférence puisse être modulée pour être appliquée à moitié ou qu’elle puisse être modulée
par le pouvoir adjudicateur tout en respectant le principe. Cela lui permettrait d’avoir des marges de
manœuvres plus importantes sans dépasser le seuil autorisé. Cette flexibilité pourrait faire la diffé-
rence pour des petites PME ou des entreprises artisanales. Dans la même veine, la préférence de
15% en matière de marchés de fourniture ne se déclenche que si les fournitures proposées par un
soumissionnaire d’un état ACP valent au moins 50% de la valeur du marché. Ce qui implique qu’en
deçà des 50%, il n’est pas possible d’en profiter même en accordant par exemple, une marge de pré-
férence proportionnelle, sans dépasser le quota autorisé.

Enfin, relativement à l’exigence de conformité avec les règles de l’OMC, il sera intéressant de voir
dans quelle mesure subsisteront les règles encourageant un traitement différencié et leur impact sur
les marchés publics, dans le futur accord de partenariat économique (UE-OEACP) qui a déjà été signé
mais n’est pas encore entré en vigueur157.

155
Article 26-e
156
C’est ce que fait ressortir l’étude de l’IEG s’agissant des préférences de la Banque Mondiale qui dans leur
application, suivent les mêmes logiques de seuil de déclenchement et de préférences. Elle a estimé au vu de la
faible utilisation des préférences par les États que l’une des pistes d’amélioration, réside dans une conception
plus flexible de la préférence tout en respectant les quotas maxima. Nous pensons que cette analyse est va-
lable pour les préférences des autres institutions de financements et celles de la coopération. Voir Independent
Evaluation Group (IEG), The World Bank group and Public Procurement—An Independent Evaluation, vol. 2,
achieving development effectiveness through procurement in Bank financial assistance, Washington DC : World
bank, 2014, 80P
https://ieg.worldbankgroup.org/sites/default/files/Data/Evaluation/files/procurement_eval_vol1_updateda.pd
f (consulté en novembre 2021)

157
Voir des détails sur l’accord sur le site de la Commission Européenne et celui de L’organisation des Etats
ACP : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_1552 ; http://www.acp.int/fr/content/l-
oeacp-et-l-ue-paraphent-un-nouvel-accord-de-partenariat-historique
76

Après avoir analysé l’impact du droit du développement sur la formulation des règles gouvernant les
MPI au niveau international, nous allons envisager les relations entre le droit des investissements
internationaux et celui des MPI et en déceler quelques enjeux pour le développement.

II- Les imbrications entre le droit des investissements internationaux et les MPI

Le droit des investissements internationaux présente des points d’interaction avec les MPI. Histori-
quement, de nombreux investissements étrangers ont été considérés comme des contrats de déve-
loppement qui épousaient, bien souvent le mécanisme contractuel des concessions. Il faut préciser
que ces contrats de développement, loin d’être de simples contrats d’investissements entre une
entreprise privée et un État en développement, s’inscrivaient dans un cadre plus global qui tenait
compte des nécessités du développement social et économique du pays hôte158. Ensuite,
l’implication du secteur privé dans les projets a été promue au niveau multilatéral, bilatéral et par les
institutions de financement de développement en tant que stratégie de financement du développe-
ment ; ce qui a favorisé les contrats de Partenariats Public-privé (PPP) financés par ceux-ci. On
trouve une imbrication entre les objectifs, règles et mécanismes des MPI et ces PPP. En outre, le con-
tentieux des investissements en lien avec les contrats publics, montre des influences et pratiques
mutuelles159, entre le droit des investissements internationaux et celui des MPI.

1- L’influence du droit des investissements sur les MPI à travers les contrats de de
développement et les PPP
« La reprise en main de l’économie nationale est une affaire délicate et de longue haleine. Elle a été la
première préoccupation de ces pays, qui après l’indépendance politique, vont s’efforcer de se libérer
des phénomènes de domination économique ; mais conjointement, ces pays ont généralement prati-

158
VOIR Philippe KHAN, « problèmes juridiques de l’investissement dans les pays de l’ancienne Afrique franco-
phone », Journal de Droit international, 1965 (2), PP338-390, p 360. ; pour une autre définition des critères
spécifiques qui caractérisent le contrat de développement, voir Yao Paul Ndré, les contrats de développement :
le cas des États membres du Conseil de l’Entente, thèse de doctorat, faculté de Droit et de sciences écono-
miques de NICE, avril 1984, pp 28 et S., 366P
159
Tant il est incontestable que la notion d’investissement elle-même « est représentative des modifications
économiques et politiques qui ont traversé surtout le vingtième siècle ». Voir, Ali Bencheneb, « Sur l’évolution
de la notion de l’investissement », in LEBEN CH. ; LOQUIN E. ; SALEM M, Souveraineté étatique et marchés in-
ternationaux à la fin du 20ème siècle : à propos de 30 ans de recherche du CREDIMI : Mélanges en l'honneur de
Philippe Kahn, Travaux du centre de recherche sur le droit des marchés et des investissements internationaux,
Dijon, Vol. 20, Ed. Litec, 2000, 728P, p178; Carmen Rodica Zorila, « l’évolution du droit international en matière
d’investissements directs étrangers », thèse de doctorat, faculté de droit et de sciences politiques- école docto-
rale des sciences économiques, juridiques et de gestion université d’auvergne Clermont 1, 574p, p61 et s.;
On peut appréhender les MPI à partir des règles et pratiques du droit des investissements, notamment la perte
de l’omnipotence de l’État du fait de la pratique des clauses de stabilisation, d’intangibilité, d’arbitrage voir
MAYER Pierre., La neutralisation du pouvoir normatif de l’État en matière de contrats d’États, Op. Cit.; Jean-
Marc loncle et amien philibert-Pollez, les clauses de stabilisation dans les contrats d’investissements, Revue de
Droit des Affaires Internationales, N°3, 2009, p 267
77

qué à l’égard des capitaux étrangers une politique d’incitation aux investissements »160. Cette affir-
mation du professeur Maurice Flory, illustre l’une des caractéristiques des premiers grands contrats
publics de développement entre pays développés et pays en développement, surtout dans le con-
texte primaire post indépendances du cheminement vers un Nouvel Ordre Économique International.
Ces premiers contrats de développement, qui comprennent de nombreuses concessions sont compa-
rables avec la pratique des partenariats public-privés actuels aussi bien dans les attentes du pays
d’accueil , la nécessité de faciliter le financement du développement , les risques encourus du fait de
la durée des contrats et des aléas, le rôle de l’investisseur qui se situe entre intérêt privé et exigences
du service public etc. Les modalités de règlement des différends par l’arbitrage qui se sont au-
jourd’hui banalisés font également partie des caractéristiques de ces premiers marchés publics
d’investissements.

Dans ce contexte primaire, l’on note l’immixtion de la pratique législative et réglementaire des codes
des investissements. Comme le note le professeur Philippe Kahn, les premiers textes spécifiques
relatifs à l’investissement sont le fruit des mouvements de décolonisation161. Ces codes
d’investissements visent à la fois à rassurer les investisseurs étrangers en ce sens qu’ils clarifient et
centralisent les dispositions relatives aux conditions de l’investissement étranger qui se trouvaient
éparpillés préalablement. Ils précisent également les différentes facilités qui seront consenties à
l’investisseur. Il s’agit également d’actes politiques qui visent à contrôler et à orienter les investisse-
ments vers les priorités du pays en développement en « annonçant le type de coopération recher-
ché »162.

Dans cette même optique, les gouvernements des pays exportateurs de capitaux font de
l’investissement privé à l’étranger une modalité de leurs relations économiques et d’aide au tiers
monde163. Cette orientation fera partie des missions dévolues aux sociétés d’investissements finan-
ciers sur fonds publics dont certaines sont les prémisses des agences de coopération au développe-
ment. C’est le cas nommément de l’ancêtre de l’Agence Française de Développement (AFD).164

160
Maurice Flory, Droit international du développement, Op. Cit. p188
161
P. Kahn, « problèmes juridiques de l’investissement dans les pays de l’ancienne Afrique francophone », Jour-
nal de Droit international, Op Cit., P345
162
Certaines dispositions des codes d’investissements évoquaient la participation locale en termes de transfert
de connaissance et de direction de l’investissement. Voir Yao Paul Ndré, les contrats de développement : le cas
des États membres du Conseil de l’Entente, thèse de doctorat, Op. Cit.
163
Voir Maurice Flory, Droit international du développement , Op. Cit. p 192
164
L’Agence Française de Développement, héritière de la caisse centrale de la France d’Outre-mer (CCFOM)
deviendra dans la foulée de l’accession des colonies françaises à l’indépendance, la Caisse Centrale de Coopé-
ration Economique (CCCE) en 1958.
Les sociétés d’investissements financiers fournissent des garanties pour la couverture des risques liés aux in-
vestissements, y compris les risques politiques. Elles fournissent également des financements publics à des
entreprises désireuses d’investir dans des pays en développement. C’est le cas de Overseas Private Investment
78

Quant à la pratique des PPP aujourd’hui, en matière de projet de développement, elle est considérée
comme ayant le potentiel de maximiser un effet de levier de l’APD du secteur public sur les autres
sources de financement du développement165. Les institutions publiques de financement de déve-
loppement servent souvent donc comme une garantie supplémentaire dans l’acquisition du finan-
cement. Ces institutions s’associent souvent avec des investisseurs privés en jouant le rôle de chef
de file. Elles constituent pour ces derniers, une garantie de fiabilité de l’investissement opéré et un
vivier de conseils techniques précieux.

Aussi, certaines institutions publiques de financement du développement jouent un rôle prépondé-


rant dans le champ des investissements internationaux en prenant part au financement de MPI sous
la forme de PPP. Ceci leur permet d’intervenir différemment sur les projets de développement de
concert avec leur activité de financement habituel des projets étatiques. Elles utilisent également ce
moyen pour propulser leur philosophie de la concurrence internationale, du libéralisme. Cette ap-
proche politique et économique introduit les PPP en tant que modèle de développement à part en-
tière des MPI166. Ce modèle ne fait pas l’unanimité et n’a pas toujours produit des résultats pro-
bants. Un grand nombre d’infrastructures de bases opérés sous la forme de concession ont conduit à
une augmentation insupportable des coûts de ces services pour les populations les plus vulnérables.
D’où l’importance de choisir le modèle des PPP avec prudence, s’agissant du développement social et
économique. Néanmoins, la pratique est déjà bien ancrée en dépit de nombreuses questions qui
continuent de se poser167. Le modèle des PPP est adoubé aussi bien par les institutions multilatérales
de financement du développement que dans le cadre de la coopération bilatérale. Les institutions et
agences œuvrant dans ce domaine mettent en place les mécanismes facilitant la couverture des
risques. Par exemple, l’Overseas Private Investment corporation (OPIC) des États-Unis prend une part

Corporation (OPIC), qui était l’agence gouvernementale Américaine s’inscrivant dans les objectifs précités. Son
site web est consultable à l’adresse suivante : https://www.opic.gov/
165
Judith Richer, Partenariats public-privé et politique de développement , in Partenariat Public-privé et coopé-
ration Internationale, Annuaire suisse de politique de développement [En ligne], Vol. 24, n°2 ; 2005, 242P, pp
219-241 https://doi.org/10.4000/aspd.332 ; voir aussi AFD, le partenariat public-privé à l’Agence Française de
Développement. Une approche renouvelée, Paris, AFD, août 2002, P8
166
Voir le rapport de la Banque Mondiale : World Bank, World Development Report 1994: Infrastructure for
Development, New York, Oxford University Press, 1994.; la conférence de Monterrey en 2002 insistait égale-
ment sur l’importance des PPP et du financement privé en général pour l’atteinte des objectifs du développe-
ment ; voir aussi : Frédéric Marty, Arnaud Voisin , les partenariats public-privé dans les pays en développe-
ment : les enjeux contractuels, GREDEG ( Groupe de recherche en Droit, Economie et Gestion), Working paper
N°2005-09
167
Pour une analyse critique illustrée avec des projets concrets, voir Christine Eberlein, comment concilier ren-
tabilité et développement ? Une ONG s’interroge, in Partenariats public-privé et politique de développement »,
Annuaire suisse de politique de développement [En ligne], Vol. 24, n°2 ; 2005, op cit. pp. 159-182 ; voir aussi
Frederic Marty, Arnaud Voisin, les partenariats public-privé dans les pays en développement : les enjeux con-
tractuels Op. Cit.
79

active à l’initiative « power Africa » du gouvernement des États-Unis.168 Dans le même ordre d’idée,
la création de l’AMGI par la convention de Seoul, contribue à couvrir le risque politique lié aux inves-
tissements internationaux dans les pays en développement. Elle renforce l’intervention du groupe de
la Banque Mondiale dans ce domaine crucial.
Aussi, les banques et agences de développement financent des MPI-investissements opérés sous la
forme de PPP. Elles font ainsi le lien entre les investisseurs privés et les projets étatiques. Ces con-
trats de PPP qui font intervenir l’intérêt général, répondent dans le processus de leur formalisation à
des règles gouvernant les marchés publics internationaux. Il peut s’agir notamment d’appliquer les
directives qui régissent les marchés financés par l’institution de financement au stade de la sélection
du partenaire privé, voire relativement à d’autres marchés qui seront passés dans le cours du projet.
C’est le cas dans les PPP financés par les institutions de la Banque Mondiale. les directives afférant à
la passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (ci-après, les directives de la BM)
précisent que : lorsque la Banque participe au financement d’un projet ou d’un contrat devant don-
ner lieu à un partenariat public privé (PPP), concessions ou autres formules similaires du secteur privé,
l’Emprunteur doit utiliser pour l’attribution du contrat l’une ou l’autre des procédures prévues pour la
sélection qui doit être décrite dans l’Accord de prêt et détaillée dans le Plan de Passation approuvé
par la Banque. On peut retenir que le partenaire doit être choisi par l’Emprunteur à la suite d’un ap-
pel d’offres concurrentiel ou dans tous les cas maintenir la concurrence en cas de proposition spon-
tanée d’un candidat169. L’entrepreneur attributaire du marché peut passer les marchés relatifs à ses
travaux, fournitures et services selon ses propres procédures, sous réserve que celles-ci soient en
accord avec les critères d’éligibilité de ladite institution.170
On retrouve des dispositions similaires dans les directives relatives à la passation des marchés de
biens, travaux et services (autres que les services de consultants) financés par un prêt ou une avance
de fonds de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD).171 De fait, le point 3.16 de ladite
directive relatif aux marchés passés dans le cadre de partenariats publics privés est formulé dans des
termes semblables172 à ceux des directives de la Banque Mondiale précités.

168
En 2015, l’OPIC a engagé 2,1 milliards de Dollars américains dans cette initiative. Ces engagements concer-
nent des assurances contre les risques financiers et politiques pour 22 projets au profit d’États de l’Afrique
subsaharienne, entre autre, le Kenya, le Ghana.il permettront d’augmenter la productivité globale d’électricité
en Afrique Subsaharienne de 1700 MW. L’OPIC coopère avec des partenaires dont la mission est de financer le
développement tel que l’Agence Américaine d’aide au développement (USAID) voir le site de l’OPIC.
www.opic.gov
169
Voir point 6.42 à 6.45 et annexe XIV. Règlement de passation des marchés pour les emprunteurs sollicitant
le financement de projets d’investissements. Version juillet 2016, révisée en novembre 2017 et août 2018.
170
Idem point 6.45
171
Ci-après, « les directives de la BOAD »
172
« 3.16 Lorsque la Banque participe au financement d’un projet ou d’un contrat devant donner lieu à un
partenariat public privé (PPP) tel qu’un CPT, CET, CPET, concessions ou autres formules similaires du secteur
80

Le financement d’un PPP par une institution publique de financement du développement dans le
cadre d’un investissement privé à vocation d’intérêt général, demeure dans une large mesure un
financement privé dont les risques sont partagés avec l’État bénéficiaire. Il est d’ailleurs souvent con-
senti à des taux supérieurs aux ressources concessionnelles auxquelles prête la Banque lorsque l’État
mène seul le projet. A ces égards, l’on pourrait légitimement se demander pourquoi l’entrepreneur
serait alors contraint d’appliquer des règles de passations de marchés respectant les critères
d’éligibilité validés et contrôlés par l’institution de financement ? Puisqu’en tant qu’entité privée, il
serait libre d’agir comme bon lui semble, pourvu qu’il remplisse les objectifs qui lui sont assignées
dans le cadre du partenariat. La réponse à cette interrogation est que ces obligations se justifient par
la nature particulière du projet d’investissement, de même que celle du prêteur qui est une institu-
tion multilatérale ou bilatérale de développement, créée dans le cadre d’un traité qui prévoit qu’il
poursuive des objectifs de développement économique et social. Ainsi, les considérations liées à la
mission assignée à l’institution de développement lui confèrent des prérogatives qui influencent la
passation des marchés publics dans les projets d’investissements d’un État lorsqu’elle intervient pour
un financement total ou partiel de ceux-ci.

2- L’influence du droit des investissements sur les MPI à travers la réglementation et le conten-
tieux relatif aux investissements internationaux

Le droit des investissements internationaux a un impact sur les MPI à travers les règles de protection
en faveur des candidats et/ou titulaires de marchés publics internationaux orientés vers un investis-
sement, de même que par le biais des modalités de règlement des différends.

*D’une part, d’abord au niveau interne, il a été prouvé que dans les investissements qui font l’objet
de marchés publics, les règles qui s’appliquent, les pratiques de l’administration chargée du proces-
sus de passation-attribution-suivi du contrat et les décisions ont un impact significatif sur la réalisa-

privé, l’Emprunteur doit utiliser pour l’attribution du contrat l’une ou l’autre des procédures suivantes, qui doit
être décrite dans l’Accord ou Contrat de prêt et détaillée dans le plan de passation approuvé par la Banque :
a) l’entreprise ou le concessionnaire avec lequel est conclu un contrat CPT /CET/CPET ou similaire est choisi par
l’Emprunteur à la suite d’un appel d’offres concurrentiel ouvert qui suit les procédures jugées acceptables par
la Banque, en conformité avec les procédures prévues dans la directive n°04/2005/UEMOA portant procédures
de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public de l’UEMOA
disponible sur le site web de la Commission de l’UEMOA, et qui peut inclure plusieurs étapes pour parvenir à la
combinaison optimale de critères d’évaluation, tels que le coût et le montant du financement offert, les spécifi-
cations et normes de performance de installations proposées, le prix qui sera demandé à l’usager final, les
autres recettes que les équipements procureront au concessionnaire ou à l’entreprise, et la période
d’amortissement des équipements. L’entreprise ainsi choisie est alors libre de passer les marchés de fourni-
tures, travaux ou services (autres que les services de consultants) qui lui sont nécessaires pour la réalisation
des installations demandées auprès de sources répondant aux critères d’éligibilité, en utilisant ses propres
procédures.
81

tion, voire la réussite du projet d’investissement173. Cela est dû au fait que des paramètres tels que la
gestion des délais lors de la passation de nombreux marchés publics liés au projet, l’efficacité dans le
choix du co-contractant de l’État, l’évaluation des coûts sont des aspects importants qui vont se ré-
percuter sur les résultats du projet par la suite, voire sur la gestion optimale des risques et des con-
séquences qui lui sont associées174. De ce fait, le succès du projet d’investissement qui est aussi un
projet de développement est lié à la qualité et le respect de la réglementation des MPI.

Ensuite On note un chevauchement entre les principes du droit de la concurrence au niveau interne,
ceux du droit du commerce international (car l’État agit comme acteur du commerce dans le cadre
de ses achats et dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres internationales) et certains principes
du droit des investissements internationaux, notamment les règles de standards minima de traite-
ment. Celles-ci s’emboîtent directement avec les principes phares des marchés publics (transpa-
rence, concurrence, égalité) et génèrent des obligations telles que celle de l’État de mettre à disposi-
tion des investisseurs un cadre juridique propice à un traitement juste et équitable, y compris en
matière de contestations et de règlement des différends175. Lorsque l’État d’accueil s’engage dans un
TBI à créer les conditions favorables et adéquates pour les investisseurs, Il est possible de considérer
que les obligations dues au titre de la concurrence, de la transparence, de l’existence de procédures
judiciaires régulières, de la sécurité juridique font partie des droits de l’investisseur protégés par le
traité. Ces règles qui s’appliquent dans les marchés publics classiques acquièrent donc de ce fait une
protection supplémentaire qui pourrait offrir des voies d’action supplémentaire au titre du TBI à
l’investisseur lésé176.

*D’autre part, certains auteurs émettent l’hypothèse que , dans des pays où les mécanismes de rè-
glement des différends n’étaient pas satisfaisant, les dispositions des traités bilatéraux
d’investissement et autres engagements internationaux des États en matière de protection des in-
vestissements ont rendu logique le recours aux mécanismes de règlement des différends usités en

173
Voir Anand Rajaram, Tuan Minh Le, Kai Kaiser, Jay-Hyung Kim, Jonas Frank, Procurement and Public Invest-
ment Management, in the Power of Public investment management, World bank Group publication, 2014,
pp129-155 (chap 6); voir également: Commission Européenne, increasing the impact of public investment
through efficient and professional procurement, 2017
174
ibidem
175
Sur cette question, voir Marc Bungenberg and Fabian Blandford, International Investment law and Public
procurement : an overview, in European yearbook of international Economical law, special issue : International
Investment law and competition law, Springer, 2020, pp 25-50 , spéc.PP 26-28 ; également : Rania Al Jenni,
Règlement des différends relatifs à l’investissement dans le système de règlement des différends de
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) : Étude comparative entre l’arbitrage investisseur-État et les
mécanismes de règlement des différends de l’OMC , thèse de doctorat , Université Paris-Est, faculté de Droit,
Ecole Doctorale obligations, marchés , Institutions, 513P. Spécifiquement sur le chevauchement entre les textes
internationaux relatifs à l’investissement, au commerce et au commerce des services, 321-421
176
Philippe Coleman, contrats publics et arbitrages d’investissements, LGDJ-Lextenso, 2021, 662P, pp 444 et s.
82

droit des investissements dans les contrats de marchés publics177. Non seulement, évidemment dans
les PPP complexes, mais aussi, selon les circonstances, tout simplement dans des procédures plus
classiques de la commande publique. Dans cette logique, l’offre d’un soumissionnaire ou le marché
s’il lui est attribué bénéficierait indirectement des engagements de l’Etat au titre d’un TBI. Quoique,
dans de nombreux contrats classiques (hors PPP) de la commande publique, les clauses d’arbitrage
soient devenues monnaie courante, il nous a été difficile (à cause de l’absence de documentation
explorant cette voie), bien que tentant, eu égard aux similitudes, de relier directement cette ten-
dance à une pratique qui serait héritée de l’arbitrage dans le droit des investissements internatio-
naux. Cette hypothèse peut donc être discutable en ce qui concerne les marchés publics qui ne pren-
nent pas la forme d’un investissement selon le sens de la notion en droit des investissements178.

En revanche, selon une jurisprudence arbitrale bien établie, il apparaît que la passation d’un marché
public (dans le contexte d’un investissement en formation) et les dépenses qui en découlent peu-
vent, dans certaines circonstances, être protégés par des traités bilatéraux d’investissements ou
d’autres textes protecteurs de l’investissement. La question centrale que pose ces jurisprudences
arbitrales comme base de leur raisonnement est la possibilité de qualifier comme un investissement,
des dépenses faites dans le cadre d’un MPI, voire une offre ou des dépenses faites préalablement
audit contrat, au stade de la sélection de l’offre. Cette question sera d’une importance spécifique,
notamment en matière de compétence devant certains tribunaux arbitraux, comme le CIRDI dont la
compétence ne s’étend qu’aux investissements formalisés179. Dès lors, par ce truchement, des prin-
cipes de protection de l’investisseur étranger (ici candidat ou attributaire définitif) pourraient trouver
à s’appliquer à ces phases de formation du marché. Le tribunal arbitral du CIRDI se déclare incompé-
tent lorsque les phases préalables de l’appel d’offre n’ont pas abouti à la conclusion d’un contrat qui
serait qualifié formellement d‘investissement, même lorsque les candidats potentiels ont consenti
des dépenses financières importantes180. De même, la définition apportée à la notion

177
Marc Bungenberg and Fabian Blandford, International Investment law and Public procurement Op. Cit.
178
Par exemple, un marché de fournitures ou de travaux simple dans lequel une clause compromissoire aurait
été insérée.
179
Nous soulignons. Art 25 de la convention de Washington « La compétence du Centre s’étend aux différends
d’ordre juridique entre un État contractant (ou telle collectivité publique ou tel organisme dépendant de lui qu’il
désigne au Centre) et le ressortissant d’un autre État contractant qui sont en relation directe avec un investis-
sement et que les parties ont consenti par écrit à soumettre au Centre. Lorsque les parties ont donné leur con-
sentement, aucune d’elles ne peut le retirer unilatéralement. » ; Voir aussi sur la notion d’investissement maté-
rialisé, les sentences du CIRDI dans de nombreuses affaires comme F-W oil interest Inc. C. République de Trini-
dad et Tobago (2006) ; Mihaly international corporation c. République démocratique socialiste du Sri lanka
(2002)
180
Voir les deux sentences arbitrales précitées. Tel était le cas dans l’affaire qui a donné lieu à la sentence arbi-
trale du CIRDI, MIHALY international V. Sri Lanka où le contrat matérialisant l’investissement qui n’avait pas
finalement été conclu a néanmoins généré une dépense importante de l’ordre de plusieurs millions de dollars
83

d’investissement dans les textes par lesquels l’État s’est engagé peut avoir un impact sur la compé-
tence d’un tribunal arbitral.

Ainsi, dans le cas d’un engagement final de l’État dans un MPI présentant les caractères d’un inves-
tissement qui s’est matérialisé par un contrat, les phases précontractuelles ayant fait l’objet de mé-
canismes de marchés publics sont prises en compte dans l’appréciation de la responsabilité des par-
ties. C’est ce que confirme la sentence du CIRDI dans l’affaire F-W Oil Interest contre République de
Trinité et Tobago.

En outre, si un contrat d’investissement est formalisé et que l’État ou une entité publique renonce
par la suite au projet, même avant son commencement, l’entreprise lésée pourrait se prévaloir des
dépenses qu’elle a consenties dans les phases d’appel d’offres qui ont précédées la signature for-
melle du contrat annulé181. De fait, bien que le tribunal se déclare incompétent du fait que
l’investissement ne s’est pas matérialisé en dépit du fait que la demanderesse avait remporté l’appel
d’offre initial et avait effectué de nombreuses dépenses de préinvestissement, il affirme qu’il aurait
probablement reconnu la responsabilité de l’État relativement aux dépenses initiales si un investis-
sement avait été reconnu182. Du point de vue de l’imbrication entre le droit des investissements et
les MPI, on note qu’une telle situation ne profiterait donc qu’à l’entreprise attributaire et signataire
du contrat et non pas à toutes celles ayant participées à l’appel d’offres ou aux concours, quand
même elles auraient des griefs à faire valoir, même en ayant été invitées à participer dans le cas
d’une liste restreinte.

Néanmoins, même si cela n’a pas été retenu pour fonder la compétence du tribunal arbitral, les con-
sidérants de certaines sentences arbitrales laissent penser que la définition d’un investissement
pourrait s’étendre aux phases préalables de sélection de l’entreprise, selon les intentions des parties
dans les traités de protection des investissements qu’elles ont conclues et selon les engagements
que l’État auraient pris envers ceux-ci dans le cours de la procédure de passation. Aussi, dans la sen-
tence arbitrale Mihaly contre Sri Lanka, les arbitres relèvent que l’État avait exprimé clairement son

américains. ; voir également : Philippe Coleman, contrats publics et arbitrages d’investissements, Op. Cit. pp
432-444
181
Comme cela est confirmé dans les sentences : CIRDI Malicorp limited c. Egypte du 7 février 2011 paragraphe
113, cas No. ARB/08/18 ; également CIRDI Jan de Nul N.V. and dredging international N.V. contre Arab Republic
of EgyptN° ARB/04/13 ; CIRDI PSEG Global Inc. and Konya Ilgin Elektrik üretim ve ticaret limited sirketi contre
republic of Turkey, décision sur la compétence du 4 juin 2004, cas N° ARB/02/05 Paragraphe 104 et sentence
du 19 janvier 2007, paragraphe 304.
182
Voir paragraphe 207 de la sentence dans l’affaire CIRDI F-W Oil Interest contre République de Trinité et To-
bago. ; voir également, Julien Fouret et Dany Khayat, Jurisprudence du Centre international pour le règlement
des différends relatifs aux investissements (CIRDI), 2009 22-2 Revue québécoise de droit international 231,
2009 CanLIIDocs 292, P233-235, https : //canlii.ca/t/x7g0, consulté le 05/08/2021 ; aussi relativement à la no-
tion d’investissement dans un marché public : Marc Bungenberg and Fabian Blandford, International In-
vestment law and Public procurement : an overview, Op. Cit. p 32 ;
84

intention dans les nombreuses lettres échangées de ne pas s’engager tant qu’aucun contrat n’était
signé et qu’à cet effet, les actes préparatoires et les dépenses ne sauraient être considérées « auto-
matiquement » comme un investissement183. La sentence aurait-elle pu aboutir à une autre conclu-
sion si tel n’avait pas été le cas et que l’attitude de l’État du Sri Lanka avait été différente dans les
phases préalables de sélection, quand même, le contrat final n’aurait pas été conclu ?

Il demeure que les autres sentences que nous avons citées (voir notes de bas de pages) montrent
que le tribunal du CIRDI accorde une importance capitale à la définition de l’investissement et ne
prend en compte les phases précontractuelles, seulement que, si elles ont abouti à un contrat.
Néanmoins, s’agissant du concept même d’investissement, dans la sentence PSEG contre Turquie, le
tribunal arbitral insiste sur le fait que l’investissement ne correspond pas uniquement à la phase
d’exécution post-contractuelle mais qu’il est susceptible de commencer avant184. Cependant, il fonde
derechef sa compétence sur le fait qu’en plus, dans ce cas, ces phases préalables ont abouti à la con-
clusion d’un contrat. Cependant, on peut penser que selon les termes des traités bilatéraux
d’investissements et des textes internationaux et nationaux par lesquels l’État s’engage à protéger
l’investissement, notamment si les questions des marchés publics y sont mentionnées clairement,
ces solutions pourraient être différentes à l’avenir.

Il convient à cet effet de mettre en exergue le fait que de plus en plus de traités de libre échange
s’intéressent directement à la matière des marchés publics en lui appliquant (sous les réserves et
dans la limite des engagements bien circonscrits) les principes de la nation la plus favorisée et du
traitement national185. Ces traités de libre échange marquent une tendance ayant vocation à
s’étendre prochainement aux MPI dans les pays en développement. En ce qui concerne leur impact
sur les marchés publics, il apparaît que, s’appliquant d’une manière générale à toute matière com-
merciale, il est possible que les principes qu’ils contiennent puissent servir de base à des réclama-
tions plus générales que celles faites dans le cadre des arbitrages classiques d’investissement. Dans

183
“the claimant has not succeeded in furnishing any evidence of treaty interpretation or practice of states, let
alone that of developing countries or Sri Lanka for that matter, to the effect that pre-investment and develop-
ment expenditures in the circumstances of the present case could automatically be admitted as “investment” in
the absence of the consent of the host state to the implementation of the project. (…) The tribunal is conse-
quently unable to accept as a valid denomination of “investment”, the unilateral or internal characterization of
certain expenditures by the claimant in preparation for a project of investment”. Voir Paragraphe 60 et s.; éga-
lement Marc BungenBerg et Fabian Blandfort, international investment law and public procurement. Op. Cit. p
37 ; voir aussi l’opinion dissidente de l’arbitre David Suratgar dans l’affaire Mihaly c Sri lanka.
184
“an investment can take many forms before actually reaching the construction stage , including most nota-
bly the cost of negotiations and other preparatory work leading to the materialization of the project, even in
connection with the pre-investment expenditures. Particularly when, like in this case, there is a valid and binding
contract duly executed between parties”, CIRDI PSEG Global contre Turquie, Op. Cit. paragraphe 304.
185
Voir l’article 19 du CETA (EU-CANADA) https://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ceta/ceta-chapter-by-
chapter/ , le chapitre 15 du traité de libre-échange entre l’Australie et les États-unis d’Amérique ; le chap. 15 du
Comprehensive and progressive agreement for trans-pacific partnership (Accord de partenariat transpacifique).
85

ces cas, puisque les phases préliminaires de sélection de l’offre d’investissement qui ressortissent du
champ des marchés publics et de nombreux PPP sont concernées par les principes protégés par les-
dits traités de libre-échange, ils pourraient influencer les MPI. On peut imaginer par exemple que la
condition tenant à la matérialisation d’un investissement final par le CIRDI ne soit pas une exigence
pour protéger un droit se fondant sur la violation des dispositions d’un traité de libre-échange tou-
chant directement à un investissement ou une matière commerciale qui s’y rattache.

Les croisements entre les dispositions de plusieurs accords commerciaux et d’autres textes peuvent
également influencer le contentieux des MPI. Par exemple, dans le cadre de l’AMP de l’OMC, on peut
déceler un chevauchement entre d’éventuelles décisions des instances de règlement des différends
de l’OMC en cas de violation de l’accord en matière de marchés publics et le règlement de différends
relatifs à un investissement. Ainsi, une violation de l’AMP dans un contexte de différends commer-
ciaux entre deux États186 peut être porté devant le système de règlement des différends de l’OMC et
donner lieu à une décision susceptible de remettre en cause ou d’influencer le déroulement d’un
« investissement-marché public ». Dans cette hypothèse, la solution d’un litige émanant de la viola-
tion de dispositions d’un accord international relatif aux marchés publics aura des conséquences sur
la réalisation ou la conception d’un investissement protégé par d’autres instruments. De plus,
l’aboutissement de telles plaintes pourrait avoir une influence sur les comportements futurs de l’État
et de ses entités dans leur appréhension des investisseurs étrangers (par exemple, si elles débou-
chent sur l’obligation de changer une loi considérée comme discriminante187 ). De même , il est réa-
liste de penser que les investisseurs étrangers pourront grâce à l’AMP, à travers les États et les
autres mécanismes qui sont à leur disposition utiliser le système de règlement des différends de
l’OMC pour faire entendre leur voix directement en matière de marchés publics188 mais aussi indi-
rectement pour aboutir à la protection de leurs investissements ; ce qui leur offre une tribune diffé-
rente pour renforcer leurs positions en tant qu’investisseurs dans un marché public. Même si, pour le

186
Conformément à l’article 20 de l’AMP, le gouvernement d’un pays qui estime qu’une entité assujettie à
l’accord, d’un autre pays n’a pas respecté l’accord, il peut saisir les mécanismes de règlement de différend de
l’OMC dans le cadre du mémorandum d’accord sur le règlement des différends.
187
Le but du mémorandum d’accord étant d’arriver à une solution positive du différend, il prévoit entre autres
solutions, la possibilité de retirer les mesures en cause « s’il est constaté qu’elles sont incompatibles avec les
dispositions de l’un des accords visés » (art 3.7). Par ailleurs, « Dans le cas où un groupe spécial ou l’organe
d’appel conclura qu’une mesure est incompatible avec un accord visé, il recommandera que le membre concer-
né la rende conforme audit accord » (art 19)
188
On trouve de nombreuses imbrications entre les différents mécanismes de règlement de différends en droit
des investissements et ceux de l’OMC. Le dernier, de manière directe (notamment par le dépôt de mémoire
d’amicus curiae) ou indirecte (à travers l’État) contient des modalités permettant aux entreprises privées et
groupes d’intérêts de faire valoir leurs droits. Voir, Rania Al Jenni, Règlement des différends relatifs à
l’investissement dans le système de règlement des différends de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) :
Étude comparative entre l’arbitrage investisseur-État et les mécanismes de règlement des différends de l’OMC,
Op. Cit. pp60-84
86

moment, peu d’affaires vont dans ce sens devant l’ORD, ceci à notre avis fait partie de l’une des ten-
dances des MPI, encouragée par les interactions entre les différents instruments de promotion du
libéralisme dans les relations entre les États eux-mêmes et entre eux et les parties privées.

Une telle tendance peut être exemplifiée en faisant un parallèle se fondant sur l’AGCS qui est un
accord de l’OMC, dans un cas porté devant le CIRDI en matière de fourniture de service par un inves-
tisseur. Il s’agit de l’affaire Menzies contre Sénégal189. L’AGCS, à travers son appréhension des ser-
vices est lié à l’investissement. Aussi, en invoquant la clause de la nation la plus favorisée,
l’investisseur dont l’État (le Luxembourg) n’avait pas de TBI avec le SENEGAL a souhaité que le CIRDI
interprète l’engagement dudit État dans cet accord de l’OMC, comme un consentement à l’arbitrage
dont il pourrait bénéficier en raison du traitement plus favorable qu’accorderait le TBI Sénégal-
Hollande à d’autres investisseurs. Le tribunal n’a pas suivi cette voie et s’est déclaré incompétent. En
s’adonnant à une analyse des termes de l’article II de l’AGCS et en recherchant l’intention des par-
ties (dont certaines ont inclus dans leur liste d’exception à cet article la question de l’arbitrage des
investissements), le tribunal a estimé que les États n’ont pas eu l’intention de créer une possibilité
pour les particuliers d’invoquer la CNPF de l’AGCS devant des tribunaux arbitraux étrangers au sys-
tème de l’OMC. On note que l’investisseur et l’État ont eu des interprétations divergentes de la règle
Ejusdem generis sur l’applicabilité de la clause de la nation la plus favorisée de l’AGCS à un TBI190. Le
tribunal accepte l’objection d’incompétence de l’État du Sénégal en estimant que cette clause de
l’AGCS ne saurait être utilisée pour créer un consentement à l’arbitrage lorsque celui-ci n’existe pas
explicitement. De plus, il a estimé qu’un tel consentement ne saurait être recherché en assemblant
des pièces disparates suivant une analyse qui mélangerait la clause NPF de l’AGCS et les offres
d’arbitrages adressées à des investisseurs d’États-tiers. Toutefois, l’affaire a donné lieu à un échange
entre les parties, de même que des analyses par le tribunal qui permettent de voir que les questions
entre droit des investissements et litiges commerciaux sont liées et que les investisseurs tenteront

189
Menzies Middle East and Africa S.A. et Aviation Handling Services International Ltd. c. République du Séné-
gal, Affaire CIRDI n°ARB/15/21, sentence du 05 août 2016 ; voir Sébastien Manciaux, using GATS article II to
resort to investment arbitration, in European yearbook of international Economical law, Op. Cit. pp 223-236 ;
Suzy Nikièma, Un tribunal CIRDI rejette la clause NPF de l’AGCS de l’OMC comme moyen d’importer de TBI tiers
le consentement du Sénégal à l’arbitrage, Investment Treaty News, International Institute For Sustainable
Development, déc. 2016, https://www.iisd.org/itn/fr/2016/12/12/mfn-clause-WTO-gats-importing-consent-
arbitration-third-party-bit-menzies-middle-east-africa-aviation-handling-services-international-senegal/

190
L’investisseur faisait valoir que la clause CNPF de l’AGCS concerne le traitement des investissements étran-
gers et que les mécanismes de règlement des différends entre États dans un TBI étant dans la même catégorie,
ils pouvaient donc ressortir de la CNPF. L’État du SENEGAL fit valoir que le TBI est un traité bilatéral, qui con-
tient des règles dirigées vers des investisseurs tandis que l’AGCS est un accord plus large contenant des règles
s’adressant aux États, qui ne crée pas de droits directs pour les personnes privées, et que les deux accords
n’ont pas le même objet. Il en déduisit la non-pertinence de l’application de la CNPF selon le principe Ejusdem
Juris.
87

souvent de profiter des dispositions larges des traités de libre échange pour obtenir gain de cause,
s’agissant des investissements, dont les PPP qui sont des MPI. Au demeurant, la solution de ce genre
de litige se résume à des questions d’interprétations des tribunaux arbitraux. Mais ils peuvent être
une source d’insécurité juridique et d’instabilité pour les états.

En définitive, notre démarche a consisté à rechercher et à mettre en lumière les influences mutuelles
entre les MPI et le droit international des investissements, sans forcément, a priori, adopter une
posture critique. Pourtant , il s’impose de garder à l’esprit que les règles relatives aux investisse-
ments internationaux sont au carrefour de nombreux enjeux, comme ceux relatifs à l’appréhension
économique et juridique du risque dans un investissement, la capacité d’endettement et la charge de
la dette des pays en développement, mais également de principes comme la souveraineté des états
sur leurs ressources naturelles191. De plus, lorsqu’on analyse l’imbrication entre ces règles et les mar-
chés publics, il est possible à juste titre de considérer qu’une interférence croissante entre les stan-
dards de protection des investissements internationaux ( vu sous le prisme des règles du libéralisme
) et le droit des marchés publics serait préjudiciable aux marges de manœuvres des États les moins
développés dans l’utilisation des marchés publics à des fins socio-économiques en faveur du déve-
loppement à travers les politiques connexes 192. Ceci, en raison du fait que de nombreux traités en-
courageant l’investissement comportent des dispositions telles que la règle de la nation la plus favo-
risée et les standards du traitement national. Partant, les États engagés devraient accorder les
mêmes droits aux candidats étrangers et toute discrimination en faveur du développement local
serait prohibée ou plus compliquée à envisager. Quant aux nouveaux accords régionaux et interna-
tionaux de libre échange qui mentionnent plus fréquemment, la question des marchés publics, ils
établissent, à l’instar de l’AMP, les règles de traitement national et de la nation la plus favorisée en
matière de marchés public et renforcent dans ce champ, ces principes en sus des traités bilatéraux
d’investissements et ceux de niveaux régionaux. En évoquant la matière des marchés publics spécifi-
quement, ils ouvrent la voie à la possibilité d’un contentieux plus direct en la matière en cas de viola-
tion de ces règles par des États ou leurs entités publiques en matière de marchés publics, y compris
dans les phases de sélections préalables à des investissements. Ils influencent également les disposi-
tions des textes nationaux en matière de marchés publics. En dépit des nombreuses exceptions qui

191
Voir notamment aux résolutions 523 de l’AG ONU du 12 janvier 1952, la résolution 1803 du 14 décembre
1962, la résolution 2625 du 24 octobre 1970. Il en va de même de la charte des droits et devoirs économiques
des états du 12 décembre 1974 qui précise dans son article 2 que l’état exerce une souveraineté entière et
permanente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités économiques, y compris la réglementa-
tion des investissements étrangers et le traitement qui leur est appliqué.
192
Comme le met en avant cet article à partir de l’étude de cas de plusieurs pays Africains. Voir : Dominic
Npoanlari Dagbanja, The intersection of public procurement law and policy, and international investment law,
United nations, Transnational corporations, investment and development, vol 27, issue 2, 2020
88

prévalent dans ces accords, ils marquent clairement une tendance à la banalisation du champ des
marchés publics relativement aux standards de non-discrimination et du traitement national. Cette
tendance n’épargnera probablement pas les pays en développement et leurs marchés publics. elle
appelle donc la vigilance des États dans leurs engagements et le soutien nécessaire des institutions
de financement du développement afin de garder le potentiel des MPI en tant qu’un instrument à la
disposition des États dans lequel ils peuvent affirmer leurs choix librement relativement à leurs be-
soins de développement.

Cependant, force est de constater comme nous l’avons évoqué qu’en éludant les tribunaux natio-
naux, la plupart des marchés publics contiennent des clauses d’arbitrages, qu’ils s’agissent de mar-
chés publics d’investissement ou non. On peut y voir une tendance générale matérialisée par
l’emprise de la lex mercatoria (nous y reviendrons dans la suite de notre réflexion) et sa force tran-
quille dans les contrats internationaux de l’État193. De toute évidence, comme l’écrivait le professeur
Pierre Lalive au sujet des contrats internationaux de l’État, en 1975 « la pratique du commerce inter-
national… montre la persistance des formules de « dénationalisation », liées souvent à l’emploi de
clauses très élaborées, d’ajustement des intérêts et de règlement des différends »194. Il va sans dire
que cette tendance a été confirmée et normalisée dans le temps.

Dans ce paragraphe, il a été question de mettre en exergue les connexions étroite des MPI avec
d’autres disciplines du droit international dont le droit du développement et le droit des investisse-
ments internationaux. Ces connexions font apparaître l’influence que peuvent avoir en pratique la
posture de l’État et des parties contractantes dans ces disciplines sur les finalités des MPI. Le droit du
développement influence la formulation des règles dans les instances du libéralisme international et
dans les accords régionaux. Quant au droit des investissements internationaux, il montre
l’importance pour le financement, de la garantie des PPP par les institutions de financement du déve-
loppement, de même que le recours grandissant à ceux-ci dans les projets de développement de
l’État. Cette donnée implique des choix judicieux permettant de les rendre viables pour la dette, eu
égard aux risques et aux aléas à long terme, de même qu’au regard des responsabilités liées à la
fourniture d’un service public aux usagers à des coûts abordables. Ensuite, le droit des investisse-

193
Voir Charles leben, « quelques réflexions théoriques à propos des contrats d’État » in souveraineté étatique
et marchés internationaux à la fin du 20ème siècle, A propos de 30 ans de recherche du CREDIMI, mélanges en
l’honneur de Philippe Kahn, Université de Bourgogne, Ed. LITEC, Année 2000 Op. Cit. Pp 119-175 ; voir égale-
ment Alain pellet, la Lex Mercatoria, « tiers ordre juridique » ? Remarques ingénues d’un internationaliste de
droit public, in idem, PP 53-74
194
Voir Pierre Lalive, réflexions sur l’État et ses contrats internationaux, Institut Universitaires des hautes
Etudes Internationales, Collections conférences, Genève, 1976, N°12, p20, 37P
89

ments internationaux met en lumière une dynamique liée aux engagements de l’État qui peut perdre
des marges de manœuvres à travers ses engagements internationaux et être exposé à de nombreux
contentieux. De fait, l’appréhension de ces engagements constitue, en matière de MPI, une exten-
sion des engagements de l’État à travers des accords de libre-échange formulés de manière générale.
Ceci peut avoir un impact direct sur les objectifs de développement. En retenant le fait que de nom-
breux PED n’ont pas adhéré à l’accord de l’OMC sur les marchés publics (voir les pages 101 et sui-
vants de cette thèse), la couverture des MPI par des traités de protection de l’investissement pour-
rait produire le même effet que l’accord de l’OMC précité. D’où, pour une analyse éclairée sous
l’angle des enjeux du développement, ces disciplines et ces sphères d’engagement et d’action des
États ne peuvent être dissociées.

Dans le paragraphe suivant, il s’agira de continuer la réflexion sur le cadre juridique des MPI. Nous
évoquerons les textes spécifiques qui encadrent et déterminent la dynamique du droit des MPI dans
le droit international, la coopération internationale et régionale.

Paragraphe 2- Les règles encadrant les MPI dans la coopération internationale

Il convient d’effectuer une précision quant au choix du titre de ce paragraphe. Le choix du vocable
« coopération internationale » plutôt que celui de « droit international » correspond à une réalité
observable dans les MPI, qui trouvent leurs fondations à la fois dans des normes dures du droit in-
ternational et d’autres procédés juridiques plus souples de la coopération internationale. En effet,
bien que le droit international ne puisse pas se confondre totalement avec la coopération internatio-
nale et bien que la coopération internationale elle-même ne se limite pas au champ du droit interna-
tional, il reste vrai que le droit international fait partie de la coopération internationale et que celle-ci
emprunte entre autres, les voies du droit international. Par conséquent, les règles que nous allons
étudier ne se limitant pas à des normes dures au sens du droit international, le recours au champ
lexical et juridique de la coopération internationale nous permet ici d’englober toutes les règles per-
tinentes relatives aux MPI dans le droit international et la coopération internationale.

Aussi, on note que le cadre juridique des MPI dans le droit international et la coopération internatio-
nale est pluriel et flexible. On y trouve des règles d’origines conventionnelles mais très flexibles, tan-
dis que la dynamique de la production des règles emprunte des canaux relevant de procédés
d’orientation, voire programmatiques impliquant des instruments intergouvernementaux ou éma-
nant d’organisations spécialisées dans le domaine de la coopération économique. En revanche, au
niveau régional, les règles paraissent beaucoup plus contraignantes. Toutefois, on peut retenir que
malgré leur diversité, les règles encadrant les MPI dans la coopération internationale sont caractéri-
90

sées par un grand niveau d’interactions dans la pratique. Nous les évoquerons directement afin de
faire ressortir leur substance et leur impact sur la matière. Dans ce sens, il s’agit d’aborder le cadre
juridique international pluriel des MPI (I) avant celui de la coopération régionale(II).

I- Un cadre juridique international pluriel des MPI

Les marchés publics internationaux se caractérisent par un aspect multidimensionnel constitué de


règles qui trouvent in fine leur application concrète dans l’ordre juridique interne du pays bénéfi-
ciaire. Toutefois, ils font l’objet d’un processus de fabrication propres de ces règles, qui dépasse ce
cadre interne de l’état. En exceptant , pour le moment , les règles propres des institutions de finan-
cement, du point de vue du cadre juridique international, stricto sensu, on peut noter que ces règles
concernent aussi bien les engagements sur la planification du rôle des MPI au sein de l’architecture
du financement du développement, celles qui servent de modèle et d’orientation pour faciliter
l’harmonisation des règles et celles qui sont promues par les États au titre de la volonté de libéralisa-
tion de la matière.

L’on distinguera ici, au niveau multilatéral, le travail de la Commission des Nations Unies pour le Droit
Commercial International (CNUDCI) (1), l’implication de l’OCDE à travers ses directives dans
l’orientation des règles gouvernant la matière (2), les engagements de la déclaration de PARIS et du
programme d’action d’ACCRA qui ont joué/jouent un rôle capital dans l’évolution des règles (3). En-
fin, l’on étudiera de façon plus spécifique en raison de son actualité et de son importance pour les
enjeux du développement, l’accord de l’OMC sur les marchés publics (4).

1- Les règles de la CNUDCI en matière de marchés publics et contrats de partenariats publics pri-
vés d’infrastructures

a) Le travail d’harmonisation de la Commission des Nations Unies pour le droit


commercial international (CNUDCI)
La Commission des Nations Unies pour le droit commercial international a été créée par l'assemblée
générale de l’ONU en 1966 par la résolution 2205 (XXI) du 17 décembre 1966).195Elle est le principal
organe juridique du système des nations unies en matière de droit commercial international.

Ayant pour objectif de stimuler la croissance par le biais du commerce, elle travaille à la modernisa-
tion, l’harmonisation et l’unification progressive des règles du commerce international. À ce titre, elle
élabore des lois types, des guides, des recommandations juridiques et législatives, de même qu’elle
pourvoit une assistance technique dans le cadre de projets de réforme du droit.

195
La commission est composée de 60 Etats membres élus par l’assemblée générale en tenant compte de la
représentativité au niveau géographique et celle des principaux systèmes juridiques. Ces membres sont élus
pour une durée de 6 ans et la commission est renouvelée de moitié tous les trois ans.
91

Selon les termes de la résolution 2205 précitée, « la commission peut consulter toute organisation
internationale ou nationale, toute institution scientifique ainsi que tout expert, ou faire appel à leurs
services » aux fins de « l’harmonisation et de l’unification progressive du droit commercial internatio-
nal »196

Ainsi, depuis sa création, la CNUDCI a contribué à l’élaboration de nombreuses recommandations qui


peuvent prendre diverses formes. Il peut s’agir notamment de contributions à l’élaboration de con-
ventions internationales adoptées lors de conférences diplomatiques ou de séances plénipotentiaires
de l’assemblée générale, de lois types que les États pourront incorporer dans leur droit national. En
outre, elle propose des guides législatifs et des recommandations, de même que des dispositions
types qui peuvent servir de recommandations pour l’élaboration de conventions à venir ou la modifi-
cation de conventions existantes. Elle propose également des dispositions tendant à normaliser les
clauses contractuelles, notamment, s’agissant du règlement des différends.197

b) L’influence de la Loi type de la CNUDCI sur la passation des marchés publics

L’importance financière et la majeure contribution au développement économique et social des mar-


chés publics constituent un facteur clé en vertu duquel la CNUDCI œuvre pour l’harmonisation et la
modernisation des législations et des pratiques en la matière. Elle œuvre à proposer un régime juri-
dique équilibré, fédérateur et universel198.

À ce titre, elle a élaboré une loi type en matière de passation des marchés publics. Celle-ci a été
adoptée par l’assemblée générale le 9 décembre 2011 par le truchement de la résolution 66/95.
Cette loi type fait partie du cadre normatif des marchés publics internationaux.

Il importe de préciser que la loi type de 2011 sur la passation des marchés publics fait suite à une
version précédente adoptée par l’assemblée générale en 1994199. La loi type de 2011 constitue une

196
Voir les paragraphes 11 et 12 de la résolution de l’AG 2205 du 17 décembre 1966 portant création de la
Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International
197
Voir, Guide de la CNUDCI, L’essentiel sur la Commission des Nations Unies pour le droit commercial interna-
tional, Nations Unies, Vienne, 2013, 70P, https://uncitral.un.org/sites/uncitral.un.org/files/media-
documents/uncitral/fr/12-57492-guide-to-uncitral-f.pdf (consulté en novembre 2021)
198
Vieillard Guillaume., La contribution de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial interna-
tional (CNUDCI) à l’harmonisation et l’uniformisation du droit commercial international, thèse de doctorat,
Université de Bourgogne, mars 2014, 615P, entres autres sur les règles de la CNUDCI relatives aux marchés
publics PP 142, 281, 331
199
Voir loi type de la commission des nations unies pour le droit commercial international sur la passation des
marchés de biens, de travaux et de services. Résolution 49/54, 84ème séance plénière du 9 décembre 1994.
Précisons que la CNUDCI avait d’abord adopté en 1993 une loi type sur les marchés publics. Mais celle-ci se
bornait à la prise en compte des marchés de travaux et de biens. Voir aussi , S. Arrow Smith, public procure-
ment regulation in the 21st century: reform of the UNCITRAL model law on procurement, West, 2009
92

mise à jour de la première pour tenir compte des nouvelles pratiques, en particulier celles résultant
du recours aux communications électroniques dans la passation des marchés publics. Toutefois, les
principes et les procédures principales sont demeurées les mêmes.

En outre, la loi type de la CNUDCI sur la passation des marchés publics est accompagnée d’un guide à
destination des États en vue de son incorporation dans le droit interne. Celui-ci détaille les objectifs,
présente un commentaire détaillé de chacun des articles de la loi type. En se référant aux principes
généraux qui ont permis d’élaborer la loi-type, il s’agit pour la CNUDCI à travers ce guide de laisser
une marge de manœuvre suffisante aux États, tout en détaillant les différentes options qui leurs sont
proposées au sujet des procédures de passation de marché.200

Comme le rappelle la résolution 66/95, la loi type révisée a pour vocation d’aider tous les États, tout
en étant convaincu qu’elle aidera « en particulier les pays en développement et les pays dont
l’économie est en transition, à améliorer leur législation en vigueur en matière de passation de mar-
chés ou à élaborer une telle législation lorsqu’il n’en existe pas, et qu’elle contribuera au développe-
ment de relations économiques internationales harmonieuses et au renforcement du développement
économique ». En cela, elle vise également à créer un cadre favorable à l’élimination des pratiques
discriminatoires et de barrières non tarifaires201. De fait, comme dans la plupart des instruments de
régulation des marchés publics internationaux, l’appel d’offre ouvert reste la règle. Par ailleurs, l’on
peut constater que la loi-type n’interdit pas la mise en place de politiques socio-économiques dans
les marchés publics. Elle recommande toutefois que ces mesures doivent être temporaires de façon à
viser sur le long terme une concurrence totale. En tout état de cause, les dispositions qui limitent la
concurrence doivent être connues et publiées.202 L’on constate ainsi une convergence entre les ob-
jectifs de la CNUDCI à travers les recommandations sur la régulation des marchés publics et le cadre
de régulation de l’Organisation Mondiale du Commerce et d’autres institutions à vocation financières
ou régionales.

Cela s’affirme notamment dans le caractère temporaire et exceptionnel des dérogations autorisées
et les objectifs poursuivis de l’ouverture totale à la concurrence du secteur des marchés publics203.

200
Guide pour l’incorporation dans le droit interne de la loi type de la CNUDCI sur la passation des marchés
publics, New YORK, 2014 (disponible sur le site web de la CNUDCI)
201
Voir Guide pour l’incorporation dans le droit interne de la loi type de la CNUDCI sur la passation des marchés
publics, notamment la section consacrée aux commentaires article par article, plus précisément, le commen-
taire de l’article 9 de la loi type.
202
Voir articles 2, ,8 11 de la loi type CNUDCI de 2011 sur la passation des marchés publics ; voir également le
Guide pour l’incorporation dans le droit interne de la loi type de la CNUDCI sur la passation des marchés pu-
blics, Op. Cit. PP 5 et s.
203
- voir au sujet de la complémentarité dans les objectifs poursuivis par l’OMC et la CNUDCI en matière de
régulation des marchés publics, Caroline Nicholas, « Work of UNCITRAL on government procurement: purpose,
93

Pour corroborer ce propos, il suffit de se référer au guide consacré à l’incorporation de la loi type
dans les ordres juridiques nationaux. Celui-ci précise clairement qu’il a été tenu compte des diffé-
rentes règles régissant les marchés publics auprès des autres institutions « de sorte qu’il puisse être
utilisé sans modification majeure par les parties à ces instruments »204. La CNUDCI se réfère en cela à
la convention des nations unies contre la corruption qui énonce dans son article 9-1 des règles mini-
males obligatoires pour la passation des marchés publics. Cette référence constituerait donc un socle
qui garantisse une harmonisation minimale des aspects essentiels de la passation des marchés pu-
blics205. En s’alignant sur l’objectif précité, la Commission a également tenu compte dans
l’élaboration de la loi type, des directives des bailleurs de fonds et des textes régionaux sur la passa-
tion des marchés publics.

Quant à son obligatoriété, la loi type n’est pas un instrument obligatoire. Aussi, les États demeurent
libres de l’accepter ou de la rejeter. Ils choisissent librement d’en tenir compte, même partiellement,
dans leurs dispositifs de régulation des marchés publics au niveau national. Il constitue un simple

objectives, and complementarity with the work of the WTO » in S. Arrow Smith and RD. Anderson, the WTO
regime on government procurement: challenge and reform, Cambridge University Press, 2011, pp 746-772
204
Voir à la page 12 du guide pour l’incorporation, le point 6 intitulé : Contexte international de la loi type et
promotion de la participation internationale aux procédures de passation des marchés, Op. Cit.
205
Convention des nations unies contre la corruption, Article 9 : Passation des marchés publics et gestion des
finances publiques
1. Chaque État Partie prend, conformément aux principes fondamentaux de son système juridique, les mesures
nécessaires pour mettre en place des systèmes appropriés de passation des marchés publics qui soient fondés
sur la transparence, la concurrence et des critères objectifs pour la prise des décisions et qui soient efficaces,
entre autres, pour prévenir la corruption. Ces systèmes, pour l’application desquels des valeurs seuils peuvent
être prises en compte, prévoient notamment :
a) La diffusion publique d’informations concernant les procédures de passation des marchés et les marchés, y
compris d’informations sur les appels d’offres et d’informations pertinentes sur l’attribution des marchés, suffi-
samment de temps étant laissé aux soumissionnaires potentiels pour établir et soumettre leurs offres ;
b) L’établissement à l’avance des conditions de participation, y compris les critères de sélection et d’attribution
et les règles d’appels d’offres, et leur publication ;
c) L’utilisation de critères objectifs et prédéterminés pour la prise des décisions concernant la passation des
marchés publics, afin de faciliter la vérification ultérieure de l’application correcte des règles ou procédures ;
d) Un système de recours interne efficace, y compris un système d’appel efficace, qui garantisse l’exercice des
voies de droit en cas de non-respect des règles ou procédures établies conformément au présent paragraphe ;
e) S’il y a lieu, des mesures pour réglementer les questions touchant les personnels chargés de la passation des
marchés, telles que l’exigence d’une déclaration d’intérêt pour certains marchés publics, des procédures de
sélection desdits personnels et des exigences en matière de formation. Chaque État Partie prend, conformé-
ment aux principes fondamentaux de son système juridique, des mesures appropriées pour promouvoir la
transparence et la responsabilité dans la gestion des finances publiques. Ces mesures comprennent notam-
ment :
a) Des procédures d’adoption du budget national ;
b) La communication en temps utile des dépenses et des recettes ;
c) Un système de normes de comptabilité et d’audit, et de contrôle au second degré ;
d) Des systèmes efficaces de gestion des risques et de contrôle interne ; et
e) S’il y a lieu, des mesures correctives en cas de manquement aux exigences du présent paragraphe.
3. Chaque État Partie prend, conformément aux principes fondamentaux de son droit interne, les mesures
civiles et administratives nécessaires pour préserver l’intégrité des livres et états comptables, états financiers
ou autres documents concernant les dépenses et recettes publiques et pour en empêcher la falsification.
94

cadre de régulation dont les États peuvent s’inspirer206. D’ailleurs, l’article 3 de la loi-type dispose
que tous les engagements internationaux des États conclus par voie de traité ou avec une organisa-
tion intergouvernementale prévalent sur ses dispositions. Néanmoins, il est admis que, son caractère
largement consensuel dans sa préparation fait de la loi-type, le standard internationalement reconnu
en matière de marchés publics et détermine ainsi la valeur à partir de laquelle les autres législations
sont jaugées.207

c) Le rôle de la CNUDCI en matière d’harmonisation des règles des projets


d’infrastructures à financement privés

En plus de la loi type sur la passation des marchés publics et les divers documents et instructions qui
l’accompagnent, la CNUDCI a effectué un travail sur la question des projets d’infrastructures bénéfi-
ciant de financements privés. Il s’agit notamment d’une part, du Guide législatif de la CNUDCI sur les
projets d'infrastructure à financement privé adopté le 29 juin 2000 et d’autre part des dispositions
législatives types de la CNUDCI sur les projets d’infrastructure à financement privé adoptées en 2003.
(Ci-après les dispositions législatives)

Ces recommandations concernent notamment la réglementation des contrats de concessions.


Comme nous l’avons évoqué plus haut, ceux-ci représentent un intérêt considérable dans
l’architecture des MPI à cause des nombreux avantages mais également des problèmes juridiques,
sociaux et économiques qu’ils soulèvent dans les efforts des pays en développement. De plus cer-
tains de ces projets sont financés par les institutions de financement du développement aux niveaux
multilatéral, régional, et bilatéral.

Les dispositions du guide législatif visent à aider les États à la mise en place d’un cadre juridique favo-
rable à l’investissement privé dans les infrastructures publiques. Il s’agit alors de concilier le souhait
de faciliter la participation du secteur privé aux projets d’infrastructure tout en « répondant à di-
verses préoccupations » du pays hôte.208

Quant aux « dispositions législatives », adoptées par l’assemblée générale au moyen de sa résolution
58/76 du 8 janvier 2004, elles constituent un complément au guide législatif. Il importe de mention-

206
Voir S. Arrow Smith, Steen Treumer, jens Fejo, Lili Jiang, public procurement regulation : an introduction,
Public procurement research group, University of Nottingham, 2011, P 27, 213P; Disponible sur le site de
l’université de Nottingham : https://www.nottingham.ac.uk/pprg/publications/downloads/public-
procurement-regulation-an-introduction.aspx
207
Voir R. Hunja, « the UNCITRAL model law on procurement of goods, construction and services and its impact
on procurement reform” in S. Arrow Smith and Davies, public procurement: global revolution, London, Kluwer
law international, 1998, voir également Sope Elegbe, public procurement and multilateral development banks:
law, practice and problems, Hart Publishing, 2017, 344P, pp 274 et s.
208
C’est ainsi que le guide législatif est présenté sur le Site de la CNUDCI
95

ner qu’à l’instar de la loi-type sur la passation des marchés publics, même si le guide et les disposi-
tions législatives s’adressent à tous les Etats, la CNUDCI espère surtout qu’elle servira de cadre pour
les pays en développement. C’est ce qui ressort du préambule de la résolution 58 /76. Celle-ci est en
effet convaincue que « les Dispositions législatives types de la Commission des Nations Unies pour le
droit commercial international sur les projets d’infrastructure à financement privé aideront égale-
ment les états, en particulier les pays en développement, à promouvoir la bonne gouvernance et à
mettre en place un cadre législatif approprié pour de tels projets ».

Comparativement aux directives des institutions de financement sur les contrats de partenariat pu-
blic privés qui se bornent à encadrer la partie de la négociation relative à la sélection du parte-
naire209, les dispositions types de la CNUDCI sont conçues comme de véritables lois, et à la fois, rédi-
gées à l’instar des dispositions contractuelles qui gouverneront les rapports entre le pays, promoteur
du projet et son partenaire privé. Elles laissent néanmoins les marges de manœuvre à l’État.

De fait, la première partie des dispositions est constituée des recommandations sur le cadre constitu-
tionnel, législatif et institutionnel, l’étendue du pouvoir d’attribuer des concessions, la coordination
administrative. Elle aborde également la problématique de la répartition des risques. Ensuite, la deu-
xième partie se réfère dans un premier temps, aux questions de la sélection des soumissionnaires et
de ses différentes modalités, de même que celles tenant à l’ensemble de la procédure d’évaluation
et d’attribution de la concession. Dans un second temps, il s’agit d’un énoncé clair des dispositions
contractuelles figurant dans un contrat de concession.210 Elle aborde notamment des questions liées
au droit applicable, l’organisation matérielle de la concession, les droits et obligations des parties, sa
durée, la prorogation et la résiliation éventuelle du contrat, de même que les dispositions relatives
au règlement des différends.

Néanmoins, le guide législatif et les dispositions législatives ne couvrent que les projets
d’infrastructures physiques. Il y a donc une carence dans l’activité de la CNUDCI relativement aux
autres secteurs susceptibles de faire l’objet d’un projet de partenariat public privé. De nombreux
contrats de concessions portent sur l’exploitation des ressources naturelles dans les pays en déve-
loppement.211

209
Cf. par exemple point 3.14 des directives de la Banque Mondiale (passation des marchés dans le cadre de
concessions de travaux et/ou de services avec apport financier du secteur privé) (version 2014), également le
point 3.16 des directives de la BOAD (Passation des contrats dans le cadre de Partenariats Public Privé).
210
Voir les parties I et II des dispositions types. En ce qui concerne le contenu et l’exécution du contrat de con-
cession, se référer au III de la partie II, p 22 et suivant des dispositions types.
211
Voir Seungwoo Son, legal analysis on public private partnerships regarding model PPP rules, CNUDCI, juin
2012 ; disponible à l’adresse : https://www.uncitral.org/pdf/english/colloquia/public-private-partnerships-
2013/20120704_Report_on_PPP_legal_IssuesSon_Seungwoover.11.pdf (consulté en novembre 2021)
96

Cette carence s’explique par la volonté de la CNUDCI de laisser une grande marge de manœuvre aux
États quant à l’utilisation des instruments qu’elle met à leur disposition. Par ailleurs, les règles rela-
tives aux partenariats publics privés en matière d’infrastructures peuvent mutatis mutandis servir de
cadre de référence à d’autres types de contrats de partenariats. Cette même flexibilité peut être
observée dans le travail de l’OCDE qui est essentiel dans l’évolution des règles des MPI.

2- L’implication de l’OCDE dans l’orientation des règles gouvernant les MPI

L’Organisation de Coopération et de Développement Économique (ci-après OCDE) joue un rôle ma-


jeur dans l’élaboration des règles et des standards utilisés dans la gestion des marchés publics inter-
nationaux. Son rôle est de donner aux institutions, aux décideurs, aux entreprises et aux acteurs de
la société civile des outils qui leur permettent de faire face aux différentes questions et difficultés qui
peuvent émerger dans l’évaluation et la formulation de leurs législations, lors du cycle de passation
des marchés et dans les phases d’évaluation post-attribution, voire post-exécution. Cette mission est
dévolue au comité de la gouvernance publique de même qu’aux autres comités impliqués dans des
problématiques spécifiques. Il est important de noter que le travail opéré par l’OCDE en matière de
marchés publics n’est pas destiné aux seuls membres de l’organisation, mais également à tous les
autres états212. De fait, L’article 5 de la convention du 14 décembre 1960 relative à l’OCDE, dispose :
« En vue d'atteindre ses objectifs, l'organisation peut : a) prendre des décisions qui, sauf disposition
différente, lient tous les membres ; b) faire des recommandations aux membres ; c) conclure des
accords avec ses membres, des états non membres et des organisations internationales. »

Parmi les instruments de l’OCDE qui impactent les MPI, l’on peut distinguer la convention de l’OCDE
sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales inter-
nationales. Celle-ci comporte des dispositions connexes relatives aux recommandations du comité
d'aide au développement sur les clauses anti-corruption à intégrer dans les contrats relatifs aux
marches financés par l’aide bilatérale.213 Cela permet de constater que l’activité de l’OCDE a un im-
pact direct sur les marchés de développement, financés par ses pays membres.

212
Voir recommandations du conseil de l’OCDE sur les marchés publics, Direction de la Gouvernance Publique
et du développement territorial, OCDE, 2015 ; les recommandations du comité d’aide au développement ont
notamment été prises en compte pour l’élaboration de celles-ci. Disponible à l’adresse :
https://www.oecd.org/fr/gouvernance/ethique/Recommandation-OCDE-sur-les-marches-publics.pdf
213
La convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales de l’OCDE a été signée le 17 décembre 1997 et est entrée en vigueur le 15 février 1999. La re-
commandation du Comité d'aide au développement sur les clauses anti-corruption à intégrer dans les contrats
relatifs aux marchés financés par l’aide bilatérale entérinée à sa réunion à haut niveau qui s’est tenue les 6 et 7
mai 1996.
97

En outre, l’OCDE a aménagé une boîte à outil214 à l’attention des acteurs susmentionnés. Celle-ci
consiste en une répartition des diverses thématiques impliquées dans le cycle des marchés public.
Aussi, fait-elle correspondre à chaque thématique un ensemble de suggestions, de données exploi-
tables et de recommandations.

D’après les données recueillies, l’on peut classer les différentes thématiques dans douze catégories
qui se complètent entre elles. Il s’agit des aspects tenant à la transparence, l’intégrité, l’accès à la
commande publique, l’équilibre (avec les principes clés de la transparence et la concurrence) dans la
prise en considération des politiques socio-économique via les marchés publics, la synergie et la pré-
visibilité dans la participation des acteurs au processus des marchés publics, l’efficacité de la dé-
pense, les questions relatives aux marchés publics électroniques, le renforcement des capacités,
l’évaluation des projets faisant l’objet des marchés et du système des marchés publics lui-même, la
gestion des risques , la responsabilisation des acteurs du système, l’intégration des marchés publics
dans les processus budgétaires.

En rapport avec les thématiques susmentionnées, les outils de l’OCDE consistent dans des recom-
mandations, des documents types, un rappel sur les différentes conventions et règles qui encadrent
les processus de marchés publics au niveau international. Il s’agit également d’outils d’évaluation qui
permettront aux pouvoirs publics de détecter les faiblesses de leur système de passation des mar-
chés publics et de l’améliorer. C’est le cas du MAPS215 qui a eu un impact majeur sur l’évaluation et
l’amélioration des législations relatives aux marchés publics dans de nombreux PED et sur lequel se
fondent d’autres institutions impliquées dans cette tâche d’amélioration du cadre juridique216. En
plus, Il y a les guides recensant les bonnes pratiques et standards internationaux. En guise d’exemple,
on peut mentionner le guide des bonnes pratiques pour des marchés publics durables, le recueil des
bonnes pratiques pour l’intégrité dans les marchés publics, le guide méthodologique d’évaluation des

214
C’est ainsi qu’elle a dénommé l’ensemble des données qui tiennent lieu de sa contribution en la matière.
Voir le site de l’OCDE, public procurement toolbox :
http://www.oecd.org/governance/procurement/toolbox/principlestools/
215
Methodology for Assessing Procurement Systems (Méthodologie d’Evaluation des Systèmes de Passation
des Marchés.)
216
Créée conjointement par un effort conjugué du Comité d’Aide au Développement de l’OCDE et la Banque
Mondiale, La MAPS a été largement utilisée pour évaluer la qualité et l’efficacité des systèmes de passation des
marchés publics, élaborer des stratégies, et mettre en œuvre des réformes sur la base des forces et des fai-
blesses identifiées. Ces efforts ont généralement porté sur la création des bases d’un système opérationnel de
passation des marchés par l’instauration d’un cadre législatif, réglementaire et institutionnel adéquat. Voir :
https://www.mapsinitiative.org/about/ ; voir également la deuxième partie de cette thèse sur l’harmonisation
et les réformes des MPI.
98

systèmes de marchés publics nationaux217, la liste de vérification pour renforcer l’intégrité dans les
marchés publics.

Il apparaît que la plupart des travaux de l’OCDE sur la question des marchés publics consiste dans des
recommandations, des guides et autres documents spécifiques d’évaluation. Cela pourrait laisser
penser qu’ils n’ont aucune influence sur les acteurs des marchés publics internationaux. Toutefois, il
convient d’insister sur le fait que la sphère des MPI évolue régulièrement avec des instruments non-
obligatoires qui influencent et orientent directement par la suite les réglementations et les pratiques
nationales et institutionnelles. De plus, les institutions de financement travaillent en étroite collabo-
ration avec l’OCDE comme avec la CNUDCI dont le travail émane d’une synthèse des bonnes pra-
tiques et des instruments existants.218 Enfin, on note que le travail de l’OCDE en matière de MPI tient
compte des grands cadres internationaux d’engagements multilatéraux et de programmation des
actions de développement. C’est le cas de la déclaration de Paris et du programme d’action d’Accra

3- Les engagements de la déclaration de Paris et le programme d’action d’Accra

La déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement (2005) et le Programme d'Action


d'Accra (2008)219, qui sont aujourd'hui les cadres de référence en matière d'efficacité de l'aide au
développement, visent à définir un ensemble de pratiques communes d’ordres politique et tech-
nique, ainsi que de gestion, destinées à améliorer collectivement la mise en œuvre de l’aide pu-
blique au développement. La déclaration de paris reprend à son compte les recommandations de la
déclaration de Rome sur l’harmonisation de l’aide au développement et celles de la table ronde sur
la gestion et l’efficacité de l’aide en termes de résultats qui s’est tenue à Marrakech en 2004.
Pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée, la déclaration de Paris est constituée de plusieurs en-
gagements de partenariats qui sont incarnés dans les principes suivants : l’appropriation,
l’harmonisation, l’alignement, les résultats et la responsabilité mutuelle des pays développés et des
bénéficiaires. Ces principes sont accompagnés de douze indicateurs qui permettent d’évaluer les

217
Voir dans l’ordre respectif de citation dans le corps du texte, les guides suivants de l’OCDE, « going green :
best practices for sustainable procurement », 2015
https://www.oecd.org/gov/ethics/Going_Green_Best_Practices_for_Sustainable_Procurement.pdf (consulté
en janvier 2022) ; « compendium of good practices for integrity in public procurement » 2013, « Maps metho-
dology for Assessing procurement Systems », 2018
218
Par exemple, dans la boîte à outil de l’OCDE relative aux marchés publics, l’on peut trouver les règles de la
CNUDCI en la matière. Quant à sa collaboration avec les institutions de financement, on peut prendre pour
exemple le guide suivant : OCDE-BAD « Guide de conformité et de lutte contre la corruption pour les entre-
prises africaines », 2016
219
Les ministres des pays en développement et des pays donneurs chargés de la promotion du développement
et les responsables d’organismes bilatéraux et multilatéraux d’aide au développement ont entériné la déclara-
tion d’Accra (Ghana) le 4 septembre 2008 en vue d’accélérer et d’amplifier la mise en œuvre de la
Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide adoptée le 2 mars 2005. (voir texte de la déclaration)
99

résultats accomplis. Quant aux indicateurs eux-mêmes, afin d’en assurer le suivi, la déclaration de
paris s’appuie sur des objectifs cibles qui sont évalués de façon périodique.
En ce qui concerne les marchés publics des pays en développement, dans la déclaration de Paris, les
parties prenantes développées se sont engagées (voir point 3.6 de l’exposé des résolutions) à « défi-
nir des mesures de performance et de reddition de comptes pour les pays partenaires dans les do-
maines de la gestion des finances publiques, de la passation des marchés,… conformément aux
bonnes pratiques généralement acceptées » et à la mise en application rapide et généralisée de
celles-ci. Cet engagement est corrélé au principe de l’alignement sur les priorités nationales et les
législations des pays bénéficiaires, de telle sorte que celui-ci implique à son tour un travail sur la fia-
bilisation des systèmes nationaux de marchés publics.
Il paraît dès lors que ces systèmes devant se conformer aux standards et « bonnes pratiques » inter-
nationales, Par cet engagement pris en 2005 , la déclaration de Paris a eu un impact conséquent sur
l’amorce dans certains cas et la consolidation des réformes entreprises dans plusieurs pays en déve-
loppement et blocs économiques régionaux (à l’instar de l’UEMOA) dans le domaine de la régulation
des marchés publics (voir la deuxième partie de la présente thèse pour plus de détails sur cette ré-
forme). L’évaluation à mi-chemin (2008) de la mise en œuvre des objectifs-cibles relativement à
l’harmonisation des systèmes de passation des marchés dans les « pays partenaires »220 confirmait
déjà cette réalité221. Dans une autre évaluation effectuée en 2011, il a été mis en évidence que la
tendance aux réformes s’est accélérée à partir de l’année 2005 alors qu’elle était plus lente entre
2000 et 2005.222 En outre, l’impact de la déclaration de Paris sur les réformes des marchés publics en
Afrique a été confirmé par la « déclaration de Tunis sur les réformes des marchés publics en Afrique,
soutien au développement économique et à la réduction de la pauvreté » du 17 novembre 2009. De
fait, Celle-ci rappelle dans son préambule les engagements pris au titre de la déclaration de Paris de

220
La déclaration de paris utilise cette appellation pour qualifier les pays en développement concernés, à côté
des Pays développés qui se sont engagés.
221
Une évaluation à mi-chemin (avant 2010 qui était l’année fixée pour la première évaluation globale) réalisée
par le « groupe de travail sur l’efficacité de l’aide » en 2008 confirmait la prise en compte par l’échantillon du
pays des recommandations de la déclaration de Paris, tout en mettant en avant le besoin d’un soutien plus
accru des pays donateurs aux efforts des pays partenaires. Le groupe de travail sur l’efficacité de l’aide est
constitué de membres de plusieurs organisations dont les membres du comité d’aide au développement de
l’OCDE, de plusieurs institutions multilatérales et régionales de développement, d’autres agences des nations
unies impliquées dans le développement de même que des représentants de pays en développement et de
quelques organisations non gouvernementales. Voir la page 55 du rapport relativement aux systèmes de mar-
chés publics. Working party on aid effectiveness, “Aid effectiveness, a progress report on implementing the
Paris declaration”, P55 et s., 167P, 2008. Disponible sur :
http://unpcdc.org/media/15830/better%20aid%20aid%20effectiveness.pdf (consulté en janvier 2022)
222
Voir le rapport : Institut danois d’études internationales, Wood, B; Betts, J; Etta, F ; Gayfer, J; Kabell, D;
Ngwira, N; Samaranayake, M; Sagasti, F; Rapport Final de l’évaluation de la mise en œuvre de la déclaration de
Paris, Phase 2, Copenhague, Juin 2011. Disponible sur le site de l’Agence Française de Développement à
l’adresse : https://www.oecd.org/dac/evaluation/dcdndep/48278425.pdf (consulté en janvier 2022)
100

mars 2005 en vue de « consolider, poursuivre et accentuer les réformes des systèmes de marchés
publics existants afin de les rendre plus performants, efficaces et transparents, en mettant l’accent
sur le développement des capacités institutionnelles et de l’ensemble des acteurs, et sur l’intégrité
des systèmes, en vue de renforcer la bonne gouvernance et la performance des finances publiques, et
obtenir, ainsi, une meilleure qualité des services rendus aux populations et réduire la pauvreté »
(premier engagement de la déclaration de Tunis)223.
Quant au programme d’action d’Accra de 2008, il vient corroborer la dynamique empruntée par la
déclaration de Paris en réaffirmant le besoin de renforcer les réformes entreprises et les actions dans
le sens des engagements pris par les pays en développement.
Depuis 2011, c’est dans le cadre du « partenariat mondial » né du quatrième forum de haut niveau
sur l’efficacité de l’aide de Busan224 (Corée du Sud) que se poursuit l’évaluation et le suivi des enga-
gements formulés dans le cadre de la déclaration de Paris et du programme d’action d’Accra. Tout en
mettant l’accent sur les nouvelles formes de partenariats225et en encourageant ceux-ci, la déclaration
de Busan du 1er décembre 2011, entend s’appuyer sur le cadre d’évaluations indépendantes et de
suivi périodique de la déclaration de Paris, dans un souci d’améliorer les résultats obtenus (voir point
17 de la déclaration de Busan).
Le rapport de 2016 relativement aux engagements du partenariat mondial226, montrait que s’agissant
des systèmes des marchés publics, des efforts restent à faire, mais l’on enregistre des progrès dans
l’utilisation des systèmes nationaux des pays en développement (précisément de leurs mécanismes
de planification et de dépenses budgétaires en général) par les bailleurs de fonds. Toutefois, la plu-
part des bailleurs de fonds utilisent leurs propres systèmes et mécanismes de passation de marchés.
Cela signifie que les réformes vont croissantes vers l’harmonisation qui a été requise par la déclara-

223
La déclaration de Tunis sur les réformes des marchés publics en Afrique fait suite à un forum de haut niveau
réunissant des représentants des pays Africain, des institutions bilatérales et multilatérales de développement,
des organisations régionales, représentant du secteur privé, de la société civile. Ce forum a été organisé par la
Banque Africaine de Développement et ses Partenaires. Le texte de la déclaration est disponible sur le site de la
Banque Africaine de Développement à l’adresse :
https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Generic-
Documents/D%C3%A9claration%20finaleFR%20valid%C3%A9e_SEGL_23-11-09.pdf (consulté en novembre
2021)
224
Il s’est tenu à Busan du 29 novembre au 1er décembre 2011. Il avait pour but de mettre en place
partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement. Le partenariat né de Busan
implique plus d’acteurs comparativement avec le cadre de la déclaration de paris. On peut faire cas de la pré-
sence notoire de la société civile et le rôle des acteurs privés qui a été mis en exergue dans la déclaration de
Busan du 1er décembre 2011.
225
La déclaration de Busan évoque notamment, La coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire, les nou-
velles formes de partenariat public-privé, et les autres instruments et modalités de développement dont elle
reconnaît qu’ils ont pris une place plus importante, complémentaire des formes Nord-Sud de coopération.
226
Voir PNUD , OCDE, Global partnership for effective development cooperation, making development coop-
eration more effective, Progress report, 2016 notamment l’indicateur 9b intitulé “development partners use
countries own public financial management and procurement systems”, pp 66 et s., 170P.
101

tion de Paris mais sont encore poussives et que la plupart des bailleurs de fonds ne font pas encore
suffisamment confiance aux systèmes régionaux et nationaux. D’ailleurs, l’utilisation des systèmes
nationaux semble être l’indicateur le moins appliqué parmi les éléments retenus quant à l’effectivité
de l’aide publique au développement, notamment en matière de marchés publics ; et cela, même si
de telles clauses figurent souvent dans les directives des bailleurs de fonds relatifs à la passation des
marchés financés.227
Il importe de noter que les évaluations du système des finances publiques des pays en développe-
ment dans le cadre de cet indicateur se fondent en grande partie sur les données du système CPIA
(Country Policy and Institutional Assessment) d’évaluation de la qualité des politiques et des institu-
tions nationales de la Banque Mondiale. Ainsi, en matière de MPI, il existe des liens étroits et très
concrets entre les engagements pris par les États et les acteurs multilatéraux et leur traduction dans
les actes des institutions multilatérales, des organisations de coopération et dans les législations éta-
tiques. Ceci reflète la coordination entre les politiques des acteurs internationaux du développement
à ce niveau et leur capacité à agir conjointement à travers des instruments qui sans appartenir à la
catégorie normative elle-même, l’influence directement et orientent sa formulation comme cela est
souvent le cas en droit international économique.228 Toutefois, il demeure à côté de ces engage-
ments multilatéraux émanant de déclarations et de procédés de soft law, un cadre normatif interna-
tional en matière de MPI. Nous nous intéresserons dans le titre qui suit, particulièrement à l’accord
de l’OMC sur les marchés publics qui dessine une dynamique d’évolution de la matière et comporte
de nombreux enjeux pour les pays en développement.

4- Les enjeux de l’accord de l’OMC sur les marchés publics

Nous présenterons dans un premier temps l’accord en faisant ressortir ses éléments principaux pour
ensuite analyser les aspects ayant un impact spécifique sur les MPI et les PED.

a) Présentation des éléments principaux de l’accord

L’article III-8-a du GATT de 1994 prévoit que les dispositions de l’accord relatives au traitement na-
tional et la règle CNPF ne s’appliqueront pas « aux lois et prescriptions régissant l’acquisition par des

227
De fait, même si une telle possibilité est prévue dans les directives de la Banque Mondiale en matière de
passation des marchés, il n’en demeure pas moins que ce sont les règles propres de l’institution qui sont utili-
sées sous son étroit contrôle. Voir S. Williams-Elegbe, public procurement and multilateral development banks,
law, practice and problems, Op. Cit., P 239 et s.
228
Voir Ana Maria la Chimia, donor’s influence on developing countries’ procurement systems, rules and mar-
kets : a critical analysis , in public procurement regulation in Africa , ED. Geo quinot , Sue Arrow Smith, Cam-
bridge University Press, 2013, pp219-260 ; voir aussi dans cette thèse, sur l’impact de la soft-law dans les MPI ;
également dans cette thèse, la partie 2, sur le cheminement de l’harmonisation et des réformes dans les MPI
102

organes gouvernementaux, de produits achetés pour les besoins des pouvoirs publics et non pas
pour être revendus dans le commerce ou pour servir à la production de marchandises destinées à la
vente dans le commerce »
Quant à l’article XVII-2 du même accord , il prévoit que « les dispositions du paragraphe premier du
présent article ne s'appliqueront pas aux importations de produits destinés à être immédiatement ou
finalement consommés par les pouvoirs publics ou pour leur compte et non à être revendus ou à ser-
vir à la production de marchandises, en vue de la vente. En ce qui concerne ces importations, chaque
partie contractante accordera un traitement équitable au commerce des autres parties contrac-
tantes. »
Dans l’AGCS, l’article XIII-1, consacré aux marchés publics prévoit que : « les articles II, XVI et XVII ne
s'appliqueront pas aux lois, réglementations ou prescriptions régissant l'acquisition, par des organes
gouvernementaux, de services achetés pour les besoins des pouvoirs publics et non pas pour être re-
vendus dans le commerce ou pour servir à la fourniture de services destinés à la vente dans le com-
merce… »
Par ces dispositions, le GATT et l’AGCS excluent expressément, de l’application des principes du trai-
tement national et de la nation la plus favorisée, les acquisitions faites par les gouvernements de
produits et de marchandises. La seule obligation qui leur incombe du reste est celui d’un traitement
juste et équitable envers les fournisseurs étrangers. Ainsi, les marchés publics sont exclus des règles
générales, multilatérale de l’OMC. Par conséquent, les négociations relatives à un accord sur les mar-
chés publics se sont faites dans un cadre plurilatéral. Cela implique que tous les membres de l’OMC
ne sont pas tenus d’y adhérer. Elles ont abouti à de nombreux accords successifs dont celui en vi-
gueur depuis 2014 (conclu en 2012).
Rétrospectivement, l’idée de l’ouverture des marchés publics a longtemps été présente et a fait
l’objet de nombreuses négociations. Les premières tentatives de soumettre les marchés publics à des
règles commerciales contraignantes ont eu lieu dans le cadre de l’OCDE. Puis, lors du Tokyo round,
dans le cadre du GATT, la question a été discutée en 1976229. Elle a débouché sur l’adoption d’un
premier accord intitulé « code des marchés publics », signé en 1979 et entré en vigueur en 1981. Il a
été modifié en 1986 et sa version modifiée est entrée en vigueur en 1988. Par la suite, des négocia-
tions se sont poursuivies, parallèlement à l’Uruguay round en vue d’étendre le champ d’application
de l’accord. Celles-ci ont abouti à l’AMP de 1994, signé à Marrakech le 15 avril 1994, en même temps
que l’accord de l’OMC. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1996. Suivant, le principe d’améliorer con-
tinuellement l’accord et d’étendre le plus possible son champ d’application, les négociations se sont
poursuivies et elles ont donné lieu à l’AMP actuel adopté le 04 avril 2012. L’AMP de 2012 et celui de

229
Voir site de l’OMC, au sujet de l’AMP. https://www.WTO.org/french/tratop_f/gproc_f/gp_gpa_f.htm
103

1994 ont coexisté depuis l’entrée en vigueur du premier jusqu’en janvier 2021 où le second a été
définitivement remplacé par le premier. À ce jour, l’accord compte 21 parties représentant 48 états
membres de l’OMC (27 états étant engagés sous la bannière de l’UE). 35 membres de l’OMC et
quatre organisations internationales y participent en tant qu’observateurs. 11 membres de l’OMC
parmi ces observateurs ont engagé le processus d’adhésion à l’accord.230
Concernant le fonctionnement de l’AMP, les obligations de l’accord ne s’appliquent pas systémati-
quement à tous les services publics et tous les produits des Etats parties. De fait, ceux-ci ont la possi-
bilité de spécifier dans les annexes de l’accord la liste des entités publiques qu’ils souhaitent sou-
mettre à son application231. Ils spécifient également les produits qu’ils assujettissent à l’application
de l’accord. Aussi, il apparaît que l’accord s’applique à la plupart des produits achetés par ces entités,
hormis le matériel militaire acquis par les ministères de la défense nationale. En revanche, en ce qui
concerne les services, son champ d’application reste limité. En dehors des services de construction
que toutes les parties y ont inclus, l’application de l’accord aux autres services se fait au cas par cas
selon les intentions des Etats parties232.
Relativement aux grandes lignes de l’AMP, on note qu’elle contient des obligations principales liées
au principe du libéralisme et d’autres règles qui la renforcent en matière de procédures de passation.
Les secondes sont à l’image de celles contenues dans les textes d’harmonisation de la CNUDCI et
ceux des institutions internationales de financement des MPI (que nous étudierons en détails dans la
suite de la réflexion).
Quant aux obligations principales, il s’agit des principes phares qui fondent les accords de l’OMC,
notamment, les règles du traitement national et celle de la NPF. Ainsi, les entités assujetties qui pas-
sent des marchés publics appliquent aux fournisseurs étrangers le même traitement qu’aux natio-
naux ; ceux-ci ne peuvent donc bénéficier d’aucune préférence. De même, elles ne peuvent discrimi-
ner entre les fournisseurs étrangers, qui doivent bénéficier du même traitement 233(On peut mesurer

230
Informations récoltées en août 2021. Pour la liste complète et nominative des parties et membres observa-
teurs, voir le site de l’OMC. https://www.WTO.org/french/tratop_f/gproc_f/memobs_f.htm
231
Voir art II-4 de l’accord. : « Chaque Partie donnera les renseignements suivants dans les annexes de l'Appen-
dice I la concernant: a) à l'Annexe 1, les entités du gouvernement central dont les marchés sont couverts par le
présent accord; b) à l'Annexe 2, les entités des gouvernements sous-centraux dont les marchés sont couverts
par le présent accord; c) à l'Annexe 3, toutes les autres entités dont les marchés sont couverts par le présent
accord; d) à l'Annexe 4, les marchandises couvertes par le présent accord; e) à l'Annexe 5, les services, autres
que les services de construction, couverts par le présent accord; f) à l'Annexe 6, les services de construction
couverts par le présent accord; et g) à l'Annexe 7, toutes notes générales »
232
Ces services sont : Services de conseil de gestion et services connexes; Services d’étude de marché; Services
informatiques et services connexes; Services comptables, d’audit et de tenue de livres; Services de publicité;
Services de nettoyage de bâtiments; et Services d’impression et de publication ; Voir les annexes de l’accord et
site de l’OMC ; Pour une analyse détaillée de l’accord, de ses annexes et de son fonctionnement, voir : Philippe
Pelletier, Révision de 2012 de l'Accord de l'OMC sur les Marchés Publics: Son Contexte et les Dimensions de son
Champ d'Application, Canadian Yearbook of International Law 51 (2013): pp99-164, disponible sur HeinOnline
233
Voir article IV-1 et 2 ; art VII à XVI
104

l’impact de ces dispositions dans les états qui font des marchés publics un instrument de politique
économique et sociale en y introduisant des discriminations ciblées.). Celles-ci sont complétées par la
prohibition des règles d’origine et d’opérations de compensation en ce qui concerne les marchés
couverts234.
Pour ce qui est des autres règles qui concernent directement les procédures elles-mêmes, les parties
doivent utiliser systématiquement la voie de l’appel d’offre lorsque leurs marchés sont supérieurs à
certains seuils. Ces procédures d’appel d’offres doivent être transparentes, équitables envers tous les
candidats et soumissionnaires étrangers235. L’AMP prévoit d’autres conditions de fonds que l’on
trouve généralement dans les modèles de législations internationales relatives aux marchés publics,
telles que la priorité donnée à l’appel d’offres ouverts tout en encadrant strictement le recours aux
autres procédures d’appel d’offres.
En outre, les garanties attachées aux voies de recours internes à la disposition des soumissionnaires
et candidats y sont également énumérées236.
Qui plus est, l’accord prévoit des dispositions relatives à l’utilisation des outils numériques dont il
encourage l’utilisation. Par exemple, il autorise des délais de publication plus courts pour la publica-
tion des avis en cas d’utilisation des outils électroniques237.
De même, il renforce l’efficacité de l’échange d’information entre les parties en prévoyant des obli-
gations de publication de toutes les dispositions juridiques nationales ayant un impact sur les procé-
dures de passation de marchés ou les contrats y afférents, de sorte que les autres parties soient in-
formées238. D’ailleurs, chaque pays devra fournir des explications sur sa réglementation relative au
marché public à toute autre partie sur demande de celle-ci239. Dans le même sens, chaque partie
devra préciser dans les appendices de l’accord réservés à cette fin, les média officiels et sites web sur
lesquels elle fournit ces informations et notifier dans les moindres délais au comité des marchés pu-
blics, toutes modifications apportées240. L’échange d’information ayant été reconnu comme un obs-
tacle à l’application de l’accord , voire à l’adhésion des pays les moins développés ne bénéficiant pas

234
Art IV-5 ET 6 ; art VII à XVI
235
Art IV-4 ; art VII à XVI
236
Art XVIII
237
Art IV-3 ; art XI-5
238
L’article VI-1-a précise que chaque partie publiera dans les moindres délais, toutes lois, réglementations,
décisions judiciaires, décisions administratives d’application générale, clauses contractuelles types prescrites
par la loi ou la réglementation et incorporées par référence dans les avis ou la documentation relative à l'appel
d'offres ainsi que toute procédure concernant les marchés couverts, et toute modification y afférente, dans un
média électronique ou papier officiellement désigné qui a une large diffusion et qui reste facilement accessible
au public.
239
Article VI-1-b
240
Article VI-2
105

des ressources suffisantes pour connaître les réglementations des autres parties, le renforcement de
cette obligation dans l’AMP de 2012 est salutaire241.
Du reste, l’AMP reconnaît explicitement la possibilité pour les autorités contractantes d’intégrer dans
leurs critères d’adjudication, des spécifications techniques visant à protéger les ressources naturelles
ou l’environnement242. Il contient des dispositions spécifiques visant à ce que les gouvernements
endiguent la fraude et les conflits d’intérêts dans leurs marchés. Il précise qu’ils doivent se référer
aux instruments internationaux applicables, notamment, la convention des Nations Unies contre la
corruption243.
De surcroît, l’accord prévoit des procédures pour régler les différends entre les parties aussi bien en
ce qui concerne leurs modalités d’engagements que le respect des obligations de l’accord lui-
même244. Dans le second cas, ils peuvent notamment saisir les mécanismes de règlement de diffé-
rends de l’OMC, lorsque le gouvernement du pays d’origine du fournisseur étranger estime que les
règles de l’accord n’ont pas été respectées par l’entité qui a passé le marché.
Enfin, l’accord contient des dispositions spécifiques s’agissant de la situation liée à l’adhésion et au
traitement des pays en développement. C’est un corpus de règles reflétant le traitement différencié
qui leur est appliqué (nous avons évoqué plus longuement la question du traitement différencié à
travers l’AMP dans le paragraphe précédent. -Voir les pages 70 et s.-). Ces règles répondent à un
objectif double : d’une part, tenir compte des situations particulières des pays en développement et
des PMA en leur donnant des possibilités d’aménagement et une plus grande flexibilité et d’autre
part, elles visent à les inciter à adhérer à l’accord. Pourtant, à ce jour, très peu de pays en dévelop-
pement y ont adhéré. Le motif principal de cette non-adhésion est que les règles relatives au traite-
ment national et à la nation la plus favorisée seraient préjudiciables à leurs économies et leurs
marges de manœuvres en tant qu’acheteurs et décideurs publics et du fait des conditions de leur
situation de pays en développement. Les enjeux liés à l’AMP pour les pays en développement sont
donc nombreux et méritent d’être regardés de près, dans notre étude sur les MPI.

241
Sur l’importance de l’échange d’information entre pays sur et le grand désavantage des pays les moins riche,
influant sur leurs capacités de négociations et d’engagements, Christopher R. Yukins et Johannes s. Schnitzer
présentent comment la disponibilité des informations et des systèmes d’information des pays comme Les
États-unis leur procure un avantage dans la connaissance des enjeux, de façon à pouvoir négocier et ajuster
leurs engagements dans les accords de libre-échange comme l’AMP. Christopher R. Yukins & Johannes s.
Schnitzer, GPA accession: lessons learned on the strengths and weaknesses of the WTO government procure-
ment agreement, in trade law and development, vol 7, N°1, 2015, pp89-119, and spec. p108-109.
242
Art X-6
243
Voir le préambule de l’accord ; aussi l’article IV-4
244
Respectivement Art XIX et art XX
106

b) Les enjeux de l’accord pour les MPI et les pays en développement

Dans son étude sur les objectifs assignés à la commande publique, le professeur Trepte insistait sur la
diversité des raisons pour lesquelles les gouvernements adoptent des régulations des marchés pu-
blics. En se basant sur plusieurs observations, il déduisait que bien que les législations ont quelques
points en commun, il ne s’agit pas toujours des mêmes objectifs recherchés. Ces objectifs sont fonc-
tion de la réalité de chaque pays. En ce sens, il mettait en garde contre la tentation de créer des mo-
dèles uniques. Il faisait également ressortir le fait que les régulations internationales des marchés
publics sur le modèle libéral qui privilégient les aspects économiques et les relations internationales
ne suffisent pas à embrasser les réalités des marchés publics auxquelles doit faire face un État (no-
tamment, la justice sociale, l’équité, le bien-être des citoyens, etc.). Aussi, pour lui, les réglementa-
tions internationales vont à rebours des possibilités pour les États d’utiliser les marchés publics aux
fins qui importent le plus pour eux et leurs populations. Il estime que les principes de non-
discrimination contenus dans ces textes s’opposent aux marges de manœuvre des États245.
Les arguments développés dans cette analyse qui ne s’applique pas qu’aux PED constitue le point
central des enjeux liés pour la plupart des pays à l’AMP. Ils acquièrent cependant une signification
particulière s’agissant des pays en développement dont les capacités de bénéficier des avantages de
l’accord sont moindres par comparaison aux autres pays bénéficiant d’industries de pointes capables
de se projeter plus aisément dans la compétition internationale promue par les promesses du libéra-
lisme que sous-tendent l’accord.
En effet, de nombreux pays (développés et en développement) utilisent les marchés publics à des
fins sociales, économiques et d’autres considérations selon leurs réalités historiques et présentes246.
C’est le cas de l’Afrique du Sud qui à travers le BBE-act (based black economic empowerment act) de
2003 corrige des inégalités sociales héritées de la période de l’Apartheid. Il s’agit de discriminations
positives qui se déclinent dans de nombreux secteurs dont les marchés publics. Dans les législations
de nombreux pays en développement, comme tel est le cas en Afrique de l’Ouest dans la zone UE-
MOA ( voir par exemple l’article 73.2 du code des marchés Publics ivoirien de 2019 sur la préférence
en faveur des PME locales), les réglementations sur les marchés publics contiennent des préférences
dont les objectifs sont entre autre de dynamiser l’économie locale à travers l’octroi de marchés pu-
blics aux entreprises locales et de favoriser l’utilisation des produits locaux dans les marchés publics.
Il existe d’autres modalités d’utilisation des marchés publics par les PED à travers la flexibilité de la

245
Peter Trepte, regulating procurement, understanding the ends and means of public procurement regulation,
Oxford university Press, 2004, 432P, spec. p137-142 et p385-391
246
Pour plus de détails, dans cette thèse, notre réflexion sur sur l’utilisation des MPI pour des enjeux directs de
développement, voir les pages 255 et s.
107

régulation qui sont généralement cités par les détracteurs de l’AMP247, car ses règles qui introduisent
des préférences au profit des acteurs et des produits en raison de leurs origines, rentrent directe-
ment en collision avec les règles de l’AMP relatives au traitement national et la clause de la nation la
plus favorisée. L’application de ces principes signifierait que de telles préférences n’aient plus lieu ou
qu’elles soient étendues à tous les candidats, peu importe leur origine. Dès lors, il apparaît que ce
sont des questions extrêmement importantes de justice sociale, de stabilité politique et économique
qui sont en jeu à travers les privilèges accordés via les marchés publics248. D’où, à ce stade, un large
consensus parmi les pays en développement tend à considérer que l’AMP est moins profitable pour
eux que leur situation actuelle.
Il convient de préciser que la réticence et la résistance à adhérer à l’AMP s’étend également aux né-
gociations relatives à l’adoption d’un accord intérimaire de transparence sur les marchés publics. De
fait, à La conférence de Singapour de 1996, il a été décidé de créer un « groupe de travail de la trans-
parence des marchés publics ». Celui-ci a pour but d’examiner la possibilité de négocier à l’OMC un
accord intérimaire sur la transparence des marchés publics. Cet accord serait un accord multilatéral
et obligatoire qui ne contiendrait pas les obligations sur le traitement national et la CNPF, mais seu-
lement des dispositions de procédure considérées comme susceptibles d’accroître la transparence
dans les marchés publics. Vu que l’un des objectifs affiché de cette initiative est de faire adhérer à
termes les pays en développement à l’AMP et de créer par étapes des obligations qui les lieraient, de
nombreux pays sont opposés à l’idée de cet accord intérimaire. Ils estiment que cet accord sera déjà
une limitation à leurs marges de manœuvres249. Cet argument semble donc de nature politique,

247
La favorisation des fournitures et produits locaux est un instrument important de gouvernance écono-
mique ; les politiques visant à favoriser les entreprises locales visent à booster l’économie locale et à créer une
justice sociale , source d’apaisement des tensions politiques par l’octroi d’une part des marchés de l’État à
toutes les couches sociales ; le fait de pouvoir utiliser les préférences permet de créer un équilibre au profit des
groupes sociaux ou ethniques marginalisés de la société comme c’est le cas en Afrique du SUD ; s’agissant des
marchés de concessions , la discrimination peut permettre de réaliser de meilleures coopération en choisissant
le partenaire selon les intérêts de la nation, par exemple en raison des relations entre États ou dans le cadre
d’une zone d’intégration économique régionale.
248
C’est notamment le cas de la Malaisie qui applique un système de préférence généralisé dans toutes les
sphères de la vie publique afin de rééquilibrer les disparités économiques et sociales entre la partie chinoise et
les indigènes. Ces préférences ont été renforcées et ont obtenu un statut particulier dans la constitution (elles
sont intangibles et non attaquables en justice) après les émeutes sociales de 1969 qui ont fleuri à cause des
disparités sociales sur fond de divisions ethniques. Ceci explique les causes du refus d’adhésion à l’AMP de ce
pays. Pour plus de détails, voir Christopher Mccrudden, Stuart Gross, WTO Government Procurement Rules and
the Local Dynamics of procurement Policies: A Malaysian Case Study, in European Journal of International Law,
N° 17, PP151-185, Mai 2006. Disponible sur : https://www.researchgate.net/publication/228183682 (consulté
en novembre 2021)
249
La majorité des PED a refusé que les futures négociations sur cet accord intérimaire soient au programme
des cycles de discussions de l’OMC. Bien que suite à la mise en place du groupe de travail sur la transparence
des marchés publics lors de la conférence ministérielle de Singapour, il a été prévu à la conférence de Doha en
2001, que les négociations sur un accord intérimaire relatif à transparence dans les marchés publics serait dis-
cutée après la cinquième conférence ministérielle (c’est-à- dire la suivante , à Cancun), à la condition d’un
108

puisque dans les faits, les nombreuses réformes des marchés publics sous les impulsions diverses des
accords de libres échanges régionaux, bilatéraux et des instituions de financement du développe-
ment, ont déjà dans de nombreux pays abouti à l’instauration des principes de transparence et
d’égalité dans les procédures de passation et de gestion des MPI250.
Néanmoins, dans le même ordre d’idée, les négociations sur les marchés publics de services prévues
par l’article XIII.2 de l’AGCS, n’ont pas évolué à cause des désaccords profonds entre les États sur la
portée et les effets collatéraux des obligations de transparence en la matière251.
Par ailleurs, cet argument doit être lu de pair avec un autre qui est le peu d’avantage que tirerait les
pays en développement les moins évolués sur le plan économique, financier et technologique du fait
de leurs difficultés à obtenir en contrepartie de leurs engagements des parts significatives de mar-
chés dans les Pays développés. Le retard de développement industriel s’accompagne entre autres de
l’absence de liquidités et des taux de change défavorables pour l’exportation. En outre, les règles
relatives aux normes et spécifications techniques font partie des barrières qui limitent la compétitivi-
té des PME, de ces pays sur les marchés internationaux252.

« consensus explicite » des États à la mener . Par manque d’un consensus explicite entre les États sur la ques-
tion (comme le prévoyait la déclaration ministérielle de la conférence de DOHA), la question n’a pas été discu-
tée lors des autres conférences, en dépit des efforts des pays développés de la faire avancer. voir sur les enjeux
de l’accord intérimaire sur les marchés publics : Martin Khor, why developing countries cannot afford new is-
sues in the WTO seattle conference, exposé prononcé à la 9ème conférence ministérielle du groupe des 77 à
marrakech le 16 septembre 1999 https://martinkhor.org/wp-content/uploads/2020/10/marrakech-mk-
speech.pdf ; également Martin Khor, the « Singapore issues » in the WTO : Evolution and implications for deve-
loping countries, Op. Cit. spéc. sur les enjeux pour les PED des négociations de l’accord intérimaire sur les mar-
chés publics pp 46-49 ; sur cette question et la question des enjeux de l’AMP en général : Sue Arrow Smith et
Robert D. Anderson, the WTO regime on government procurement : past, present and future, in the WTO re-
gime on government procurement : challenge and reform, Sue Arrow Smith et Robert D. Anderson (Ed.), Cam-
bridge University Press, pp 1-58, 858P
; Roberto Lagualdo Geraldo, a critic to the objectives of the global public procurement initiatives in the context
of WTO, Op. Cit. PP 217-241
250
Comme nous l’exposons dans la seconde partie de cette thèse en détaillant le cas de la zone UEMOA.
Quant à l’influence des traités bilatéraux de libre-échange et d’investissement, S. Kayonde analyse l’exemple de
l’accord de libre-échange entre les USA et le MAROC de 2004 qui met les deux parties sur un même pied quant
aux marchés publics couverts. Voir KAYONDE SUSAN, towards an international standard on government procu-
rement in the WTO: assessing the role of rta’s in entrenching the principles of the WTO’s agreement on go-
vernment procurement in developing countries, Master of law research paper, University of the Western Cape,
2007, 56P disponible à l’adresse : https://etd.uwc.ac.za/handle/11394/2409 (consulté en novembre 2021);
voir le chapitre 9 de l’accord de libre-échange entre le MAROC et les États-unis d’Amérique. En ce qui concerne
les marchés couverts, les mesures de compensation et celles relatives aux règles d’origines sont interdites (ar-
ticle 9.2).
251
il est prévu par cet article que les parties négocient sur la question des marché publics des services dans un
délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de l’accord de l’OMC. Ces négociations devraient donc
avoir lieu depuis 1997. Voir Sue Arrow Smith et Robert D. Anderson, the WTO regime on government procu-
rement : past, present and future, Op. Cit.
252
Pour les enjeux relatifs à l’industrialisation, au renforcement des économies locales dans le cas de pays Afri-
cains, etc. voir par exemple : Commission de l'Union africaine/OCDE (2018), « L'intégration de l'Afrique dans
l'économie mondiale », dans Africa's Development Dynamics 2018 : Growth, Jobs and Inequalities, Éditions
OCDE, Paris/Commission de l'Union africaine, Addis Ababa. 256P, PP 34-70
109

Partant, cet aspect de l’analyse revêt une importance capitale dans l’explication du refus d’adhérer à
l’AMP, lorsqu’il est mis en relation avec les modalités d’adhésion à l’accord ; celui-ci n’obligeant en
principe les États que dans la mesure de leur volonté253 et assorti de surcroît pour les PED des règles
du traitement différencié. De fait, vu sous cet angle, il serait logique de penser que ceux-ci pourraient
se contenter de s’engager selon leurs réalités en modulant leurs engagements254. Mais sur le plan
pratique, les difficultés liées aux négociations, la gestion ultérieure de l’adaptation des législations
nationales aux règles de l’AMP, la porte ouverte aux différentes contestations de la part des autres
parties, constituent des dangers pour un dosage adéquat des engagements.
Ainsi, puisqu’il est évident que la plupart des pays développés qui se sont engagés et qui incitent les
pays en développement à en faire de même, tirent des avantages réels et substantiels (nous faisons
ici allusion aux aspects économiques, politiques et sociaux) de l’ouverture des marchés publics aux
règles du traitement national et de la CNPF, il est en revanche clair que l’inverse est contestable dans
le cas de la plupart des pays en développement, surtout les plus pauvres. Ceux-ci ont, par consé-
quent, très peu à gagner et beaucoup à perdre255. Il est donc difficile d’imaginer comment ceux-ci
pourraient trouver un intérêt à l’accord dans les circonstances actuelles, si les pays développés ne
leurs garantissent pas des parts intangibles dans leurs marchés publics.
Pour corroborer cette analyse, on doit insister, comme nous l’avons déjà évoqué dans notre déve-
loppement sur les influences mutuelles entre le droit des investissements et les MPI (voir les pages
76 et s.) sur le fait que, bien que conditionné par l’étendue des engagements des États, l’AMP entre-
tient des liens évidents avec les engagements dans le domaine des investissements. Ces liens éma-
nent de la définition que l’AMP donne des marchés couverts potentiellement par son champ
d’application, mais également du fait qu’il est courant que des investissements opérés sous forme de
concessions et d’autres formes de partenariats public-privé, utilisent des mécanismes de marchés
publics pour le choix du cocontractant de l’État. Aussi, l’AMP dans sa version actuelle a augmenté
son champ d’application en matière de services. Il en résulte la liste des services de l’annexe 5 mais
également l’adjonction des services de constructions de l’annexe 6 qui couvre une grande partie des
PPP d’infrastructures. Toutes les parties à l’accord s’engagent automatiquement en matière de ser-
vices de construction, sur la base de la liste de services de construction décrits dans la division 51 des

DOI : https://doi.org/10.1787/9789264302525-6-fr
253
Les pays développés eux-mêmes appliquant des politiques de préférences ont pris le soin d’exclure des
entités, de préciser les programmes qui ne seront pas couverts par les règles du traitement national et de la
CNPF de l’AMP. C’est le cas du CANADA, de la Corée du Sud, des États-unis d’Amérique.
254
Certains émettent d’ailleurs cette hypothèse pour justifier le fait que le risque est minime, eu égard à la
flexibilité que permet l’accord dans les engagements. Voir Sue Arrow Smith et Robert D. Anderson,the WTO
regime on government procurement : past, present and future, Op. Cit. p47;
255
Martin Khor, the « Singapore issues » in the WTO: Evolution and implications for developing countries, in
third world network (TWN) Trade and development series, N°33, 2007, 63P. Op. Cit.; Roberto Lagualdo Geral-
do, a critic to the objectives of the global public procurement initiatives in the context of WTO Op. Cit.;
110

CPC256 des Nations unies. Ceux-ci couvrent une large gamme d’infrastructures de construction qui
sont souvent l’objet de marchés publics de concessions et qui sont régis par les régimes spécifiques
d’investissement dans de nombreux pays en développement. Il en résulte que ces contrats
d’investissements considérés comme des marchés publics seraient sous l’empire de l’AMP257. Or,
dans l’arène de l’OMC, de nombreux pays, y compris des pays en développement ont déjà exprimé
des réticences vis-à-vis de l’inclusion des investissements dans les accords de l’OMC en raison de ses
nombreux enjeux liés à leurs besoins de souveraineté et de développement258. Ainsi, à travers les

256
Provisional Central Product Classification (CPCprov), Classification centrale de produits provisoire des Na-
tions unies.

*Exemple des engagements de l’annexe 6 des États-Unis D’Amérique :


List of construction services (Division 51, CPC Prov.):
1 Unless otherwise specified and subject to paragraph 2, this Agreement covers all construction services listed
in Division 51 of the Provisional Central Product Classification (CPC), which is found
at: http://unstats.un.org/unsd/cr/registry/regcs.asp?Cl=9&Lg=1&Co=51.
2 This Agreement does not cover procurement of dredging services.
Source : site de l’OMC https://e-
gpa.WTO.org/fr/Annex/Details?Agreement=GPA113&Party=UnitedStates&AnnexNo=6&ContentCulture=fr

*Exemple des engagements de l’annexe 6 du Japon :


All services listed in Division 51.
Procurement with regard to a construction project within the scope of the Act on Promotion of Private Finance
Initiative as of 30 November 2011 is covered.
Source : site de l’OMC : https://e-
gpa.WTO.org/fr/Annex/Details?Agreement=GPA113&Party=Japan&AnnexNo=6&ContentCulture=fr

*Exemple des engagements de l’annexe 6 de l’UE


1 Construction Services
All services listed in Division 51.
2 Works concessions
Works concessions contracts, when awarded by Annex 1 and 2 entities, are included under the national treat-
ment regime for the construction service providers of Iceland, Liechtenstein, Norway, the Netherlands on be-
half of Aruba, Switzerland, Montenegro and the United Kingdom, provided their value equals or exceeds
5,000,000 SDR and for the construction service providers of Korea; provided their value equals or exceeds
15,000,000 SDR.
Source : site de l’OMC : https://e-
gpa.WTO.org/fr/Annex/Details?Agreement=GPA113&Party=EuropeanUnion&AnnexNo=6&ContentCulture=fr

257
Sous réserve des engagements de l’État qui peut émettre des restrictions spécifiques. Il convient de noter
également les membres actuels de l’AMP ont précisé que les engagements dans les services au titre des an-
nexes 5 et 6 de l’accord sont soumis aux limites qu’ils ont fixés dans l’AGCS au sujet desdits services. En ce sens,
l’AMP fixe son champ d’application en matière de services mais l’AGCS reste l’accord général sur les services
qui ne sont pas des marchés publics. L’article IV-7 de l’AMP précise que l’accord ne s’applique pas au com-
merce des services non couverts par son champ d’application.
258
On note qu’il y a un blocage des négociations quant à la conclusion d’un accord de l’OMC spécifique aux
investissements. Voir : Arnaud de Nanteuil, Droit international des investissements et droit de l’OMC, in Droit
International des investissements et de l’arbitrage transnational, sous la direction de Charles Leben, Ed. A.
Pedone, 2015, 1141P, PP 581-611 (chap 15) ; Marc Bacchetta, les investissements directs dans l’OMC, Revue
française de Droit Economique, 1997, 12-4, pp 71-93. Disponible sur : https://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-
0479_1997_num_12_4_1034 (consulté en novembre 2021)
111

champs couverts par l’AMP, de même que les mécanismes de règlement des différends de l’OMC,
cette sphère protégée et stratégique pour les États pourrait se trouver fragilisée en cas d’adhésion à
l’accord.
Quant aux marchés spécifiquement financés par les institutions multilatérales et bilatérales de finan-
cement du développement et en général de l’aide au développement, il est difficile d’affirmer caté-
goriquement qu’ils échappent ou échapperont au champ d’application de l’AMP. De fait, même si
une lecture simple des articles II-3-b et II-3-e de l’accord indique qu’ils le sont en principe, la formula-
tion de l’article II-3 précise que cela dépendra de la volonté des États exprimée dans l’appendice I qui
contient l’étendue de leurs engagements ; il s’ensuit qu’ils peuvent déroger à l’exclusion de prin-
cipe259. Ceci signifie qu’une telle exclusion pourra faire l’objet de négociations de la part des autres
parties dans une optique de sauvegarder des intérêts réciproques. Sachant que ces marchés sont
d’un grand intérêt pour les entreprises étrangères et en particulier des grandes multinationales dans
le domaine des grands projets d’infrastructures, les pays développés auront un intérêt à inclure ces
matières dans le champ des marchés couverts par l’AMP. pour un PED partie à l’accord, dans un do-
maine couvert, on peut également se poser la question du régime juridique sous lequel seront ces
marchés en cas de cofinancements entre une institution publique d’aide au développement et un
financier privé, comme tel est souvent le cas dans les PPP. Le marché sera-t-il alors couvert complè-
tement par l’AMP ou seulement partiellement du fait de la part du financement privé ? Cela est envi-
sageable mais probablement plus difficile dans la pratique lorsque le projet est un tout260.
À notre sens, en tout état de cause, l’exclusion de principe de ces marchés financés par les institu-
tions multilatérales et bilatérales de financement du développement et en général de l’aide au déve-

259
article II-3 « À moins que les annexes de l'Appendice I concernant une Partie n'en disposent autrement, le
présent accord ne s'applique pas :… b ) aux accords non contractuels, ni à toute forme d'aide qu'une Partie
fournit, y compris les accords de coopération, les dons, les prêts, les participations au capital social, les garan-
ties et les incitations fiscales; e) aux marchés passés: i. dans le but spécifique de fournir une assistance interna-
tionale, y compris une aide au développement, ii. Conformément à la procédure ou condition particulière d'une
organisation internationale, ou financés par des dons, des prêts ou une autre aide au niveau international dans
les cas où la procédure ou condition applicable serait incompatible avec le présent accord. »
260
Cette question peut se poser par exemple si un PED membre de l’AMP octroie un projet de construction
d’infrastructure cofinancé (entre une institution multilatérale ou bilatérale de financement du développement
et une Banque privée ou tout autre mécanisme de financement privé), par le biais d’un marché de gré à gré
dans un domaine qu’il aurait choisi de ne pas soumettre à l’AMP au titre de l’article II-3. Dans cette hypothèse,
en dépit de l’obtention de l’aval de l’institution publique de financement pour la réalisation de ce marché de
gré-à-gré et du respect des procédures habituelles en la matière, une entreprise originaire d’un pays membre
de l’AMP pourrait estimer qu’il y a une violation de l’accord et soumettre le cas (via les mécanismes étatiques
prévus) au système de règlement des différends de l’OMC. Dans un tel cas de figure, en raison du caractère
privé d’une partie du financement, même si l’État membre peut arguer du fait que ce marché n’est pas couvert
puisqu’il émane en partie d’un financement lié à la coopération internationale et l’aide au développement, le
cofinancier étant privé, il se pourrait que cet argument ne prospère pas. De ce fait, un marché financé par
l’aide au développement et non-couvert par principe (sauf stipulation contraire), peut dans certaines hypo-
thèses donner lieu à la possibilité de contester les actes du projet cofinancé devant le système de règlement
des différends de l’OMC.
112

loppement, du champ d’application de l’accord présente à la fois des avantages et des désavantages
pour les PED. On peut les envisager comme suit :
D’une part, au titre des avantages, vu qu’une grande partie des marchés publics, des projets gou-
vernementaux et d’infrastructure dépendent entièrement ou contiennent des parts de financements
émanant des institutions multilatérales et bilatérales de financement du développement, ces mar-
chés pourraient échapper aux règles du traitement national et à l’application de la règle de la nation
la plus favorisée pour les PED, tout en étant partie à l’AMP. Ceci permettrait aux États bénéficiaires
de sauvegarder ces marchés hors du champ de l’AMP et de pouvoir y conserver la relative marge de
souveraineté et de préférences qui y demeurent. Encore faut-il que le pouvoir de négociation inégal
entre pays n’aboutisse pas à une introduction dans la liste des engagements des PED, de marchés
publics stratégiques émanant de l’aide et la coopération, au cas par cas, de façon (pour les pays dé-
tenteurs de financements) à bénéficier des avantages de l’exclusion de principe de ces marchés, tout
en évitant ses contraintes ( notamment celle de cesser l’aide liée, comme nous l’expliquons dans les
lignes qui suivent).
D’autre part, au titre des désavantages, nous pointons spécifiquement celui relatif à une opportunité
manquée de mettre fin aux pratiques protectionnistes de financements liés. De fait, l’aide liée est
une conditionnalité du financement261 qui impose de nombreuses restrictions incompatibles avec le
principe du traitement national et celui de la nation la plus favorisée. De ce fait, l’AMP pourrait avoir
l’avantage de mettre fin à cette pratique dans les MPI262, d’autant plus qu’une portion significative
d’aide au développement implique la passation de marchés publics. Or, en excluant les marchés pu-
blics émanant de financement octroyés dans le cadre d’une aide au développement ou de la coopé-
ration de son champ d’application, les négociateurs de l’AMP ont éludé cette question qui est pour-
tant d’actualité et qui a un impact avéré sur l’efficacité de l’utilisation des financements et des
marges de manœuvres des entités publiques bénéficiaires dans les PED.
En réalité, l’évolution de l’accord montre une intention des parties développées, lors des négocia-
tions de ne pas mettre fin à la pratique des financements liés par le biais des principes de l’OMC. Ceci
est matérialisé dans l’accord de 1994. De fait, a priori, l’accord de 1994 selon sa formulation, sem-
blait ne pas exclure par principe, explicitement, tous les marchés de l’aide au développement et de la

261
Nous évoquons plus en détails l’aide liée dans cette thèse dans la partie de notre réflexion sur le concept
d’efficacité dans les MPI face aux conditionnalités imposées par les détenteurs de financement (voir les pages
249 et s.)
262
Voir à ce sujet : Sue Arrow Smith et Robert D. Anderson, the WTO regime on government procurement :
past, present and future, Op. Cit. p53; voir également: Annamaria La Chimia, Untying aid through the Agree-
ment on Government Procurement: a means to encourage developing countries’ accession to the Agreement
and to improve aid effectiveness?, in the WTO regime on government procurement: challenge and reform, Sue
Arrow Smith et Robert D. Anderson (Ed.), Cambridge University Press, Op. Cit. pp 390-426; voir aussi : Vinod
Rege, Transparency in government procurement : issues of concern and interest to developing countries, journal
of World trade, N°35-4, 2001, pp489-515 (disponible sur Heionline.)
113

coopération internationale263 de son champ d’application. Pourtant, même si sa formulation, pouvait


s’interpréter dans ce sens, un aspect de celui-ci révélait déjà l’intention de ses négociateurs de ne
pas mettre fin à la pratique de l’aide liée. En effet, une exception contenue dans la note de fin inté-
grée à l’accord remettait clairement en cause le principe de l’application des règles libérales à l’aide
liée. De fait, cette note de fin excluait expressément de son champ d’application, les marchés dans
lesquels les parties auraient l’intention de pratiquer une aide liée264. Ceci démontre l’intention des
parties qui n’étaient pas encore prêtes à cesser la pratique de l’aide liée, qui, il faut le rappeler cons-
titue un protectionnisme contraire aux principes phares de l’OMC et de l’AMP.
Dans l’AMP actuel, il apparaît que l’exclusion générale de tous les marchés de l’aide au développe-
ment, de la coopération et toute assistance internationale, quoique, pas spécifique sur la question de
l’aide liée, renforce la même logique en prenant le soin de l’envelopper dans une enveloppe plus
large. Or, comme le pensent certains spécialistes des marchés publics des PED, l’AMP pourrait consti-
tuer une aubaine de mettre fin à cette pratique et une telle orientation peut inciter les pays en déve-
loppement à y trouver un intérêt pour adhérer à l’accord265. De ce fait, il s’agit d’une opportunité
ratée que les futures négociations devraient avoir l’ambition de corriger.
En définitive, puisque l’accord permet de déroger à cette exclusion de principe et que les règles du
traitement différencié prévues par l’article V offrent de nombreuses possibilités de dérogations aux
PED, il appartiendra à chaque état en développement d’évaluer l’intérêt d’inclure les marchés publics
financés par les institutions multilatérales et au niveau bilatéral dans ses marchés couverts par
l’AMP. Tout ceci démontre derechef qu’une adhésion massive des PED dans l’AMP dépendra du ni-
veau de prise en compte de leurs intérêts, puisqu’il apparaît comme nous l’avons exemplifié, qu’il y
aurait un grand déséquilibre entre leurs pertes et leurs gains en l’état actuel des circonstances éco-
nomiques et politiques et des réalités qu’impose la mondialisation. Puisque l’AMP est perçue comme
déséquilibrée et comme un véritable danger pour leur développement, il nous semble pertinent de
faire une proposition dans les lignes suivantes.

263
Voir art I de l’AMP de 1994
264
La note de fin était rédigée comme suit : « Article premier, paragraphe 1 Eu égard aux considérations de
politique générale relatives à l'aide liée, et notamment à l'objectif des pays en développement visant le retour à
une aide non liée, le présent accord ne s'appliquera pas aux marchés passés dans le cadre d'une aide liée appor-
tée aux pays en développement, aussi longtemps qu'elle sera pratiquée par des Parties ».
265
Voir Annamaria La Chimia, Cui bono ? Scope, rationales and consequences of the exemption for development
procurement in the revised text of the GPA, in trade law and development, vol 7, N°1, 2015, pp156-184; égale-
ment, Annamaria la chimia, Tied aid and development aid procurement in the framework of EU and WTO law :
the imperative for change, Op. Cit., pp 411-428; aussi Sue Arrow Smith , Annamaria lachimia, addressing tied
aid : towards a more development-oriented WTO ?, journal of international economical law, vol. 12, issue 3,
septembre 2009, pp 707-747
114

C) Notre proposition sur la question de l’adhésion des PED à l’AMP

En rappelant en plus des lignes qui précèdent, que dans la déclaration ministérielle de Doha en 2001,
les pays développés se sont engagés à consentir des « efforts positifs » afin que les PED, notamment
les moins avancés bénéficient d’une part d’une commerce international266, nous pensons que des
stratégies supplémentaires pourraient être mises en œuvre au niveau international afin d’assurer
que les PED tirent parti de l’AMP. Par exemple, les pays développés pourraient prendre des engage-
ments à leurs endroits en vue de leur réserver des parts de marchés inconditionnelles et intangibles,
dans leurs marchés publics nationaux. Ces engagements devront être traduits dans des accords in-
ternationaux contraignants et répercutés dans les instruments régionaux, telles que les directives de
l’UE sur les marchés publics, afin que les États développés les transposent dans leurs législations et
prévoient des moyens pour leur mise en œuvre.
De fait, certaines entreprises des PED (et des PMA) possèdent des qualités pour intégrer les marchés
des pays développés si une assistance technique leur est apportée et que des lots adaptés à leurs
compétences sont déterminés au sein de marchés publics larges. Cela permettrait à terme de déve-
lopper plus d’expertises, par la coopération internationale et d’augmenter le niveau de compétitivité
de ces pays au niveau international, de sorte que l’AMP profite à toutes les parties.
Cette solution peut être accompagnée par un programme spécifique visant à introduire des per-
sonnes qualifiées dans des portions définies des marchés publics internationaux et internes des pays
développés. Ceci afin de faciliter un transfert de compétence et d’expériences.
On peut à ce titre rappeler que certaines conventions de coopération dans les années 60 incluaient
des transferts de main d’œuvre. Il en allait ainsi de la convention franco-marocaine du 1er juin 1963
et la convention franco-tunisienne du 9 août 1963. En reproduisant le schéma de ces conventions
dans les marchés publics des pays développés tout en l’adossant à un objectif de formation et de
retour, il est possible de l’orienter vers la formation de la main d’œuvre qualifiée en vue de créer des
expertises qui serviront ensuite dans les PED.
Notre proposition constitue une façon d’œuvrer pour le développement à long terme, de favoriser
l’inclusion des entreprises et experts des pays en développement dans un système libéralisé du
commerce international et des marchés publics et d’équilibrer les avantages que l’AMP procure aux
uns par rapport aux autres. En outre, elle permettra de faciliter l’adhésion des PED et d’atteindre
plus facilement le but de libéralisation et de l’intérêt de toutes les parties recherché dans un tel ac-

266
« Rappelant le Préambule de l'Accord de Marrakech, nous continuerons à faire des efforts positifs pour que
les pays en développement, et en particulier les moins avancés d'entre eux, s'assurent une part de la croissance
du commerce mondial qui corresponde aux besoins de leur développement économique. Dans ce contexte, un
meilleur accès aux marchés, des règles équilibrées, ainsi que des programmes d'assistance technique et de ren-
forcement des capacités bien ciblés et disposant d'un financement durable ont des rôles importants à jouer. »
115

cord, à court terme et sur le long terme. La coopération internationale et la circulation des savoirs
s’en trouveront également solidifiés. Enfin, cette stratégie devrait avoir un impact positif en matière
de migration économique incontrôlée sur le long terme ; une thématique incontournable dans les
rapports Nord-SUD.
Après avoir évoqué le cadre juridique des MPI dans la coopération internationale, il convient de rap-
peler que c’est une matière dont la régulation se situe à plusieurs strates qui sont interconnectées.
C’est ce que nous démontre le cadre normatif de la coopération régionale.

II- Le cadre normatif de la coopération régionale


Nous évoquerons, le cadre juridique des MPI dans la coopération UE/ACP, celui de l’UEMOA et celui
de l’Amérique latine et des Caraïbes.

1- Les MPI dans la coopération UE/ACP


Le cadre prévoyant le champ de la coopération au développement de l’union Européenne est déter-
miné dans l’article 208 du Traité sur le fonctionnement de l’union Européenne267. Quant à la coopé-
ration entre l’union européenne et les états ACP de façon plus spécifique, elle est fondée sur les ac-
cords de coopération et d’assistance technique. Ces accords ont évolué au fil du temps pour
s’adapter au contexte international et aux intérêts des différents partenaires.
Les diverses conventions ayant régulé les relations UE-ACP sont des règles générales qui touchent
tous les domaines de la coopération. Elles mettent notamment l’accent sur les rapports commer-
ciaux, en évoquant les questions liées aux exportations. À ce titre, on y trouve des dispositions rela-
tives au traitement spécial et différencié accordé par les pays de l’UE aux états ACP. En distinguant
parmi ceux-ci les états insulaires et les PMA qui bénéficient d’un régime dérogatoire particulier au
sein de l’OMC.
Ainsi, on distingue plusieurs conventions :
La première Convention de Yaoundé fut signée entre l’Europe des Six et les « états africains et Mada-
gascar Associés » (EAMA) le 20 juillet 1963. Par la suite, Yaoundé II sera signée le 29 juillet 1969 ; Elle
inclut L’accord d’Arusha du 24 septembre 1969 qui intègre trois états membres du Commonwealth
dans la Convention de Yaoundé268.
La convention de LOME I intervint dans le contexte de la création du système de préférences généra-
lisées (SPG) institué dans le cadre de la CNUCED.

267
Le titre III du traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er décembre 2009 fixe les
termes de la « coopération avec les pays tiers et l’aide humanitaire ». Voir les articles 2O8 et suivants.
268
Il s’agit de LA REPUBLIQUE D’OUGANDA, la REPUBLIQUE UNIE DE TANZANIE, LA REPUBLIQUE DU KENYA
116

Aussi constitua-t-elle une révolution en ce sens qu’elle acta l’inégalité des partenaires en prenant en
compte ce système de préférence non-réciproques. Celles-ci furent traduites en partie dans la pre-
mière Convention de Lomé qui entra en vigueur en 1975. La convention consacra l’abandon de la
réciprocité de la préférence commerciale et la création du fonds de stabilisation des recettes
d’exportation. On dénombre au total quatre conventions de LOME.269
Enfin, l’accord de Cotonou qui est le cadre en vigueur actuellement a été signé en 2000270.
Ces différents accords contiennent des dispositions relatives aux marchés publics internationaux,
tout en admettant des variations dans leurs approches de la question.
D’abord on peut noter que dans tous les cas, les marchés publics ont tenu et tiennent encore une
place significative au sein de ces différentes conventions, en ce sens que c’est par ce moyen que sont
mis en œuvre les projets financés dans la relation entre les partenaires.
De plus, ces règles sont complétées par les réglementations financières générales des différents
Fonds Européen de Développement271
Ainsi dans la convention de Yaoundé I, l’article 25 disposait que pour les interventions dont le finan-
cement est assuré par le fonds ou par la banque, la participation aux adjudications, appels d’offres,
marchés et contrats est ouverte, à égalité de conditions, à toutes les personnes physiques et morales
ressortissantes des états membres et des états associés.

On y voit la matérialisation du principe de la mise en concurrence et de la transparence. Dans les


conventions de Yaoundé, les États partenaires disposaient d’une plus grande liberté quant aux pro-
cédures qu’ils devaient appliquer, pourvu qu’ils respectassent ces principes généraux de la transpa-
rence et de la mise en concurrence. Cette attitude semble aller de pair avec la pratique des institu-
tions de financement à cette époque qui n’avaient pas encore de réglementation et directives con-

269
LOME I (1975-1980), LOME II (1980-1985), LOME III (1985-1990), LOME IV (1990-2000)
Voir Roger BLEIN, « des conventions de YAOUNDE à l’accord de COTONOU : 40 ans de « je t’aime, moi, non
plus » ! », Grain de sel, N°39, juin-août 2007 https://www.inter-reseaux.org/wp-content/uploads/2intro.pdf
(consulté en novembre 2021)
270
Signé le 23 juin 2000. Il est conclu pour une durée de 20 ans et il prévoit une révision quinquennale. Il réunit
79 pays ACP et les 28 pays de l’union Européenne. Il est entré en vigueur le 1 er avril 2003.
Il importe de mentionner la tendance actuelle qui est celle de la signature d’accords de coopération entre l’UE
et ses partenaires ACP. Ces accords décriés par une grande partie de la doctrine des états ACP visent selon l’UE
à diriger sa politique de coopération vers une plus grande conformité avec les principes de l’OMC. Voir notam-
ment : ADJE COUZAHON C.., l’accord de partenariat de COTONOU : vers une nouvelle forme de coopération
entre l’union européenne et les pays D’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ?, thèse de doctorat, université
paris Est , 2013, 327P ; NDOYE Cheikh M., La coopération entre l’union Européenne et les états ACP : l’exemple
du SENEGAL , thèse de doctorat, Ecole Doctorale des Sciences de l’Homme et de la Société ;Université de
REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE, 2O12, 389P, pp 85 et S.,
271
Le FED est l’instrument financier de la coopération de l’UE avec ses partenaires des pays ACP. Le premier
FED avait été instituée en 1958 afin de financer les projets d’infrastructures dans les pays et territoires d’outre-
mer (PTOM).
117

traignantes pour la passation des marchés par eux financés272. En ce sens, on note que le chapitre 1
du protocole N°5 à la convention de Yaoundé I relatif à la gestion des aides financières prévoyait
que « Pour le financement des actions visées à l’article 17 paragraphe 1 de la convention, les gouver-
nements des états associés établissent, autant que possible dans le cadre d’un plan de développe-
ment, des projets d’infrastructure économique et sociale, des projets à caractère productif d’intérêt
général, des projets à caractère productif et à rentabilité financière normale ainsi que des demandes
d’assistance technique liée aux investissements… Toutefois, la Communauté peut, en cas de besoin,
établir au profit d’un état associé et avec son accord, des projets d’assistance technique liée aux in-
vestissements »273. L’article 5 du protocole précisait que « les autorités compétentes des états asso-
ciés sont responsables de l’exécution des projets présentés par leur gouvernement et financés par la
Communauté.». Même si les pays ACP bénéficient à ce jour d’une certaine marge de manœuvre dans
la détermination de leurs projets, l’exécution de ceux-ci est étroitement encadrée dans les procé-
dures de passations des marchés publics des bailleurs de fonds.

La convention de Yaoundé II fit également des marchés publics un élément central de l’aspect finan-
cier du partenariat. Son article 16 disposait en effet que « les clauses et conditions générales appli-
cables à la passation et à l'exécution des marchés publics financés par le Fonds, font l'objet d'une
réglementation commune qui, sur proposition de la Commission, est arrêtée par décision du conseil
d'association lors de sa première session après la date d'entrée en vigueur de la convention ».
L’article 26 complètait cette disposition en prévoyant que «. Pour les interventions dont le finance-
ment est assuré par la Communauté, la participation aux adjudications, appels d'offres, marchés et
contrats est ouverte, à égalité de conditions, à toutes les personnes physiques et morales des états
membres et des états associés… les dispositions du paragraphe 1 ne font pas obstacle aux mesures
propres à favoriser la participation d'entreprises de travaux ou de promotion industrielle ou artisanale
de l'état associé intéressé ou d'un autre état associé de la même région, à l'exécution de marchés de
travaux d'importance limitée ou de marchés de fournitures pour lesquelles il existe une production
locale. ». Ainsi, les conventions de Yaoundé mirent l’accent sur les marchés publics et en firent le
moyen privilégié de l’exécution des octrois financiers de la communauté européenne. Ces disposi-
tions introduisirent également d’une part l’idée de l’éligibilité limitée des soumissionnaires basée sur

272
Par exemple, les premières règles contraignantes relatives aux financements de la Banque Mondiale sont
intervenues près de Vingt ans après le début de son activité. En outre, l’introduction des règles spécifiques
visant la lutte contre la corruption et s’accompagnant de sanctions ont eu lieu en 1995. Notons toutefois que
les règles et principes de compétition existaient bien avant, à l’instar de l’ICB « international competitive bid-
ding » introduit en 1951 et formalisé en 1964. Voir: Sope-Williams ELEGBE, public procurement and multilateral
development banks: law, practice and problems, Op. Cit. , p 15 et S.; voir également: JEDRZEJ GORSKI, the re-
form of the worldbank’s procurement rules, centre for Financial Relation and Economic Development ,Working
paper N° 20, octobre 2016
273
Article premier du protocole
118

des conditions telles que l’appartenance géographique à un état associé ou l’origine des ressources
financières. D’autre part, on y perçoit l’idée d’une utilisation des marchés publics vers d’autres fins
du développement, notamment en matière d’intégration économique régionale.

Dans la convention de LOME IV, les règles en matière de marché publics étaient prévues dans les
articles 280 suivants. Celui-ci disposait en effet que « Sous réserve des dispositions du présent cha-
pitre, la passation des marchés de services et les règles en matière de concurrence et de préférences
sont fixées conformément au chapitre 5 section 5 ». Ledit chapitre se prononçait notamment en
matière de programmation des dotations financières et de la programmation des projets. L’article
295 précisait que « les états ACP et la Commission prennent les mesures nécessaires pour assurer, à
égalité de conditions, une participation aussi étendue que possible aux appels d'offres pour les mar-
chés de travaux, de fournitures et de services et notamment, le cas échéant, des mesures visant à: a)
assurer, par la voie du Journal officiel des Communautés européennes et des journaux officiels de tous
les états ACP, ainsi que par tout autre moyen d'information approprié, la publication des appels
d'offres; b)éliminer les pratiques discriminatoires ou les spécifications techniques qui pourraient faire
obstacle à une participation étendue à égalité de conditions; c) encourager la coopération entre les
sociétés et entreprises des états membres et des états ACP; d) assurer que tous les critères de sélec-
tion figurent dans le dossier d'appel d'offres et e) assurer que l'offre retenue répond aux conditions et
aux critères fixés dans le dossier d'appel d'offres. »

En vertu de l’accord, il incombait au délégué274de la commission dans les états ACP de préparer, ins-
truire et exécuter les projets et programmes, notamment avec les états ACP dans le respect des pro-
cédures de passation des marchés.275L’on constate encore que les états ACP étaient considérés
comme les détenteurs des projets et programmes. Néanmoins, leur mise en œuvre se faisait par le
biais de mécanismes de passation de marchés qui étaitent obligatoires.

Ces dispositions étaient confirmées et explicitées par la décision N° 3/90 du conseil des ministres
ACP-CEE portant adoption de la réglementation générale, des cahiers généraux des charges et des
règlements de procédure de conciliation et d’arbitrage , relatifs aux marchés de travaux, de fourni-
ture et de services financés par le septième Fonds Européen de Développement. L’article 2 de la
décision étendait ces dispositions de façon rétroactive aux marchés financés sur les ressources du
cinquième et du sixième Fonds couvertes par les précédentes conventions de LOME. Concrètement,

274
La Commission est représentée dans chaque État ACP ou dans chaque groupe régional qui en fait la de-
mande expresse par un délégué agréé par l'État ou les États ACP concernés. 2. Dans le cas où un délégué est
désigné auprés d'un groupe d'États ACP, des mesures appropriées sont prises pour que ce délégué soit repré-
senté par un agent résidant dans chacun des États où le délégué n'est pas résident. Voir art 316 convention de
LOME IV
275
Art 317 idem
119

la décision précitée prévoyait, les principes, les règles, les différents types de documents, les déroga-
tions et procédures qui s’appliquaient dans le cadre des marchés financés entre les états ACP et la
CEE.

Ainsi, dans la convention de Lomé IV, les dispositions relatives à la mise en œuvre des marchés pu-
blics étaient plus encadrées et faisaient l’objet de règles précises avec la mise en place de documents
types d’orientation à destination des parties prenantes.276 Elles ne reposaient plus uniquement sur la
responsabilité des États ACP comme cela était le cas dans les accords de YAOUNDE. Cela démontre
l’importance de la dimension prise par les procédures d’exécutions des dépenses dans la philosophie
des relations entre la CEE et ses partenaires ACP. Cette tendance allait se poursuivre avec la conven-
tion de COTONOU.

Dans ce sens, dans la convention de Cotonou, il est prévu que les États ACP et la communauté euro-
péenne ont la responsabilité conjointe d’assurer l’égalité des conditions de participation aux appels
d’offres et aux marchés. En outre l’accord prévoit dans son article 33 un volet institutionnel qui
évoque la réforme des procédures de marchés publics. L’on observe un glissement de la dialectique
des rapports en matière de marchés publics qui s’oriente, en plus de la définition de documents
types pour les marchés financés par l’union européenne vers une réforme au niveau interne. Celle-ci
s’inscrit en avance dans les objectifs ultérieurs des accords de Paris relatifs à l’alignement des dona-
teurs sur les procédures internes des pays en développement. Or, comme nous le soulignerons plus
loin, ces réformes sont en vérité une harmonisation des procédures basées sur les « meilleures pra-
tiques » internationales adoubées par les bailleurs de fonds.

L’article 20 de l’accord fixe les conditions d’éligibilité à la procédure d’appel d’offre. La décision de
celle-ci appartient à la commission selon ses rapports avec les autres partenaires internationaux. Si la
participation des personnes morales et physiques des états ACP et ceux de la communauté euro-
péenne et de l’espace économique européen est de plein droit, il en va différemment dans les autres
cas. Ainsi, l’alinéa b de l’article 20 prévoit que « La participation aux procédures de passation de con-
trats ou d’octroi de subventions financés par le cadre financier pluriannuel de coopération au titre du
présent accord est ouverte à toutes les personnes physiques ou morales ressortissantes ou établies
dans un pays autre que ceux visés au paragraphe 1, lorsqu’un accès réciproque à l’assistance exté-
rieure a été établi. L’accès réciproque dans les pays les moins développés, tels que définis par les Na-

276
L’article 1er de la décision N°3/90 du conseil des ministres ACP-CEE du 29 mars 1990 précise que l’exécution
des marchés financés sur les ressources du Fonds, seront régies par les cahiers de charges prévus par ladite
décision pour chaque type de marchés. Le préambule de la décision faisait d’ailleurs de cette prévisibilité une
nécessité eu égard à la résolution commune entre les États ACP et la communauté européenne sur le « bilan
des dix ans » de LOME qui « prévoit une information maximale des soumissionnaires ».
120

tions Unies, est automatiquement accordé aux membres du CAD/OCDE .L’accès réciproque est établi
par une décision spécifique de la Commission concernant un pays donné ou un groupe régional de
pays donné. La décision est adoptée par la Commission en accord avec les États ACP et reste en vi-
gueur au moins une année ». Les fournitures et les matériaux acquis suivent également les mêmes
conditions d’éligibilité277. Au vu de ces dispositions, les termes de l’accord ne sont pas totalement
compatibles avec la stratégie internationale de déliement de l’aide. Il est vrai que l’article 22 prévoit
des dérogations dans des cas exceptionnels aux critères d’éligibilité de l’article 20 mais cela ne
change pas l’esprit général de cette section. Du reste, ces dérogations doivent faire l’objet de de-
mande adressées par l’état ACP ou de l’organisation ou organisme pertinent au niveau régional. Il
appartient à la commission au vu des justificatifs d’autoriser ou de refuser la demande de déroga-
tion.

Enfin, il faut préciser que le cadre de la coopération UE-ACP a connu une énième évolution. Il s’agit
notamment de l’émergence des accords de partenariats économiques (APE) régionaux entre l’UE et
ses partenaires ACP. Pour expliquer cette évolution, dans les faits, plusieurs raisons sont à mention-
ner. D’abord, il apparaît que sous l’ère des conventions de Lomé, la plupart des économies ACP n’ont
pas réussi à gagner des parts de marchés supplémentaires, ni à diversifier leurs productions. En sus,
dans les négociations ultérieures, notamment celles de l’accord de Cotonou278, l’UE a insisté sur la
nécessité de rendre le régime commercial entre elle et les pays ACP compatibles avec les règles de
l’OMC. De fait, l’accord de Cotonou, comme avant lui, la Convention de Lomé IV bis, a admis des dé-
rogations aux règles du GATT et de l’OMC, afin de permettre à l’union européenne d’octroyer un
régime commercial préférentiel au groupe ACP jusqu’au 31 décembre 2007. A contrario, dans les
APE, l’on assiste à un basculement de la relation entre l’UE et les états ACP qui tend vers
l’amoindrissement des préférences consenties. En d’autres termes, cela signifie que les pays ACP
doivent procéder à l’ouverture progressive de leurs marchés aux produits européens dans des condi-
tions de réciprocité, afin que l’essentiel des échanges commerciaux entre l’UE et les pays ACP soient
libéralisés dans un délai raisonnable279.

277
Article 20-1-b
278
Le cadre des Accords de Partenariat Economique actuel était déjà prévu dans l’accord de COTONOU (art 36
et 37)
279
Ces accords sont perçus comme une déréglementation des économies africaines. Voir Elimane Mamadou
Kane, les accords de partenariats économiques, à l’épreuve des relations entre l’Afrique et l’union Européenne,
recherches internationales, N°85, janvier-mars 2009, PP 67-87 ; voir aussi Axel Borman, Harald G., Georg K., The
WTO compatibility of the EPA’S between the EU and the ACP countries », Intereconomics, Volume 41, n° 2, pp.
115-119. DOI : 10.1007/s10272_006_0179_2 ; Voir également : ADJE Couzahon Clémence, L’Accord de partena-
riat de Cotonou : vers une nouvelle forme de coopération entre l’Union Européenne et les pays d’Afrique, des
Caraïbes et du Pacifique ?, thèse de doctorat, Op. Cit. P79 et S.
121

Ainsi, de Yaoundé à Cotonou, et à travers les APE280, les dispositions sur les marchés publics ont tou-
jours été au cœur des règlementations et des différents dispositifs financiers et politiques entre les
états de la communauté Européenne et leurs partenaires des pays ACP. Cette réalité confirme leur
caractère central et incontournable et le moyen d’influence qu’ils constituent par ailleurs pour les
intérêts de parties prenantes.

2- Le cadre juridique des MPI dans l’UEMOA281


Les marchés publics internationaux évoluent dans un système tendant vers une harmonisation. Celle-
ci s’opère par une généralisation des normes et standards adoubés au niveau multilatéral et par les
bailleurs de fonds internationaux. Dans ce contexte, le niveau régional constitue l’un des canaux par
lesquels les législations des États s’adaptent, à travers les orientations, les politiques et les actes juri-
diques adoptés dans les organisations économiques régionales.
L’Union Économique et Monétaire ouest Africaine a été créée le 10 janvier 1994 à DAKAR. Elle vise
l’intégration des économies des pays membres par une harmonisation croissante des législations et
des procédures. Ses objectifs comprennent la favorisation de la libre circulation des personnes, des
capitaux, des biens, des services et des facteurs de production, ainsi que la liberté d’établissement
pour les professions libérales, de résidence pour les citoyens sur l’ensemble du territoire de la com-
munauté.282
Dans le domaine des marchés publics, l’UEMOA a entrepris un projet de réforme. Celui-ci est le résul-
tat d’une volonté politique des états membres conformément aux objectifs de ladite union. Le traité
modifié de l’UEMOA de 2003 insiste sur la nécessité d’instituer une coordination des politiques sec-
torielles et d’harmoniser les législations des états membres. Le domaine des marchés publics consti-
tue un pan important de cette harmonisation. À cet effet, un ensemble d’actes spécifiques ont été
mis en œuvre pour parvenir à réformer le cadre juridique des marchés publics dans l’UEMOA.
De fait, ces moyens visent à corriger les défaillances des systèmes de passation en vue de
l’assainissement des finances publiques. Ceux-ci étaient caractérisés par l’absence de règles claires

280
Les APE ont vocation à couvrir également le domaine qui est celui des marchés publics. En ce sens, ce sont
plus que des accords commerciaux. Voir : Anna LIPCHITZ, Les accords de partenariat économique : des accom-
pagnements nécessaires, Agence Française de Développement, document de travail N° 36, janvier 2007, 37P.
https://www.afd.fr/fr/ressources/les-accords-de-partenariat-economique-des-accompagnements-necessaires
consulté en novembre 2021
281
Il ne s’agit ici que d’une présentation sommaire de ce cadre juridique. Nous l’analysons plus en détails dans
la deuxième partie de la thèse, où nous illustrons à travers lui, l’harmonisation et la réforme du système juri-
dique des MPI.
282
L’UEMOA est constituée de huit États qui ont une monnaie commune, le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire,
la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. L’UEMOA couvre une superficie de 3 506 126 km2 et
compte 112 millions d’habitants. Le taux de croissance du PIB, à prix constant, était de 7% en 2015. Voir le
traité modifié de l’UEMOA signé le 29 janvier 2003 ; pour plus de détails sur l’union, ses objectifs, ses institu-
tions : http://www.uemoa.int/fr/presentation-de-luemoa (consulté en novembre 2021)
122

de nature à garantir la transparence. La non dissociation des fonctions de contrôle, d’exécution et de


régulation des marchés publics283. Qui plus, on notait une très faible participation du tissu écono-
mique local, notamment les PME au processus de passation des marchés publics et une divergence
importante dans les règlementations des états membres, au détriment de l’accomplissement d’une
intégration économique régionale effective.
La réforme des marchés publics au sein de l’UEMOA est basée sur une série de textes qui incarnent la
volonté et la vision des chefs d’États et de gouvernement de l’Union. Ainsi, suivant les instructions de
la conférence des chefs d’États et de gouvernement de l’UEMOA, le conseil des ministres a adopté le
29 juin 2000 la Directive N°2/2000/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des
finances publiques au sein de l’UEMOA284. Ce code a été révisé en 2009 par la Directive N°01
2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de
l’UEMOA. Il Précise dans son préambule : « La réglementation applicable aux passations de marchés
publics et de délégations de service public est conforme au présent Code de transparence ainsi
qu’aux normes et meilleures pratiques internationales ». Cette disposition nous donne des indica-
tions sur les influences internationales sur l’orientation des réformes entreprises au niveau régional.
En sus, un programme régional de réforme des marchés publics au sein de l’UEMOA (PRMP-UEMOA)
a été mis en place en avril 2003. Celui-ci a été préparé et approuvé par la commission de l’UEMOA
avec l’aide des institutions internationales285. De fait, « Avec la Banque Mondiale et la Banque Afri-
caine de Développement (BAD), dans le cadre de la définition et de la mise en œuvre des actions ré-

283
Toutes ces fonctions étaient par exemple avant le code des marchés publics de 2009 dévolues à la Direction
Générale des Marchés Publics en Côte d’Ivoire. Cette situation a évolué avec l’adoption du nouveau code des
marchés publics tenant compte des directives de l’UEMOA. Voir la deuxième partie, titre 2 pour une analyse
plus détaillée des effets de la réforme sur le système des marchés publics Ivoirien.
284
Celui-ci se prononçait dans son article 2 sur les critères souhaitables en matière de passation des marchés
publics en ces termes : « s’agissant plus particulièrement des procédures de passation des marchés publics, les
états membres s’efforceront de passer et de faire exécuter les marchés publics dans de bonnes conditions
d’économies, de transparence et d’efficacité, en donnant à tous les soumissionnaires répondant aux critères de
sélection, la possibilité de concourir, et encourageant la participation des entrepreneurs, fabricants et consul-
tants ressortissants de l’union »

285
Le PRMP-UEMOA est l’émanation d’un processus en amont, notamment, la décision N°1 du conseil des mi-
nistres de l’UEMOA du 29 juin 2000 portant adoption du document de conception du projet de réforme des
marchés publics des États membres de l’UEMOA. Ce programme s’inspire également des actions des bailleurs
de fonds. Il s’agit notamment de la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, le Fonds Moné-
taire International. Concernant la réforme des marchés publics, le programme prévoyait « la réforme du cadre
juridique, en vue d’éliminer les pratiques discriminatoires, d’assurer un traitement équitable à tous les partici-
pants, d’accroître la transparence et de développer au maximum la concurrence pour plus d’économie et
d’efficacité ; - un appui institutionnel, afin d’accroître l’efficience des structures nationales responsables de la
gestion des marchés publics ; - la formation et le développement du cadre professionnel, pour l’émergence et
la valorisation de spécialistes en passation de marchés afin de soutenir durablement les réformes engagées ». A
ce sujet, voir UEMOA, rapport de la commission de l’UEMOA présenté à la 5 ème réunion de la conférence des
chefs d’État et de Gouvernement de l’UEMOA à BAMAKO, le 14 décembre 2000, p 42 et s.
http://www.uemoa.int/sites/default/files/bibliotheque/rapport2000com_0.pdf (consulté en novembre 2021)
123

pondant aux besoins de réformes des systèmes des marchés publics des états membres, la Commis-
sion a poursuivi au courant de l’année 2000 sa coopération avec la Banque Mondiale et la Banque
Africaine de Développement. Les travaux de la BAD, de la Banque Mondiale et de la Commission ont
permis d’élaborer, au début de l’année 2000, le document de conception du projet de réforme des
marchés publics des états membres de l’UEMOA, adopté par le Conseil des Ministres en juin 2000.
»286
Ainsi, le cadre communautaire actuel est incarné par les directives N°O4/2005/CM/UEMOA287 (por-
tant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de
services publics dans l’UEMOA) et N°05/2005/CM/UEMOA288 (portant contrôle et régulation des
marchés publics et des délégations de service public dans L’UEMOA).

Ces deux directives reprennent dans leurs considérations préliminaires l’idée que « l’hétérogénéité
des règles de passation des marchés publics et délégations de service public au sein de l’union est
préjudiciable au processus d’intégration et qu’il convient de les harmoniser ». Elles sont corroborées
par la directive N°04 du 28 septembre 2012 entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Celle-ci est « rela-
tive à l’éthique et à la déontologie dans les marchés publics et les délégations de service public au
sein de l’union économique et monétaire Ouest-Africaine ».289

Afin de faire face aux lacunes générées par la multiplicité des documents intégrant le processus de
passation et d’exécution des marchés publics, ces directives ont été complétées par un certain
nombre de décisions (adoptées par le Conseil des Ministres de l’UEMOA) plus spécifiques instituant
des modèles290. Il en est ainsi de la décision N° 12/2012/CM/UEMOA portant adoption des DSRA de
prestation intellectuelles. En sus, la décision N°13/2012/CM/UEMOA portant adoption des DSRA de
travaux, de fourniture, de services courant. Ces décisions contiennent également des modèles types
de rapports d’évaluation.

286
Voir page 42 du rapport de l’UEMOA, ibid.
287
Cette directive a été adoptée par le conseil des ministres de l’UEMOA le 9 décembre 2005. Elle est entrée en
vigueur le 1er janvier 2006. La directive comprend quatre titres. Ils concernent successivement, les dispositions
générales, les procédures de passation, l’exécution et le règlement des marchés publics, les dispositions finales
288
Elle a été adoptée également le 9 décembre 2005 par le conseil des ministres et est entrée en vigueur le 1er
janvier 2006. Celle-ci comprend trois titres. Le premier se réfère au contrôle et à la régulation des marchés
publics et des délégations de service public, le second concerne la discipline, les sanctions et les voies de re-
cours. Quant au dernier, il se rapporte aux dispositions finales.
289
« La présente Directive a pour objet d’harmoniser les règles d’éthique et de déontologie applicables aux
acteurs publics et privés intervenant dans le cadre des procédures de passation, d’exécution, de contrôle, de
règlement et de régulation des marchés publics et des délégations de service public. La présente directive pré-
cise également les règles gouvernant les conflits d'intérêts qui constituent un élément central des valeurs
d’éthique et de déontologie en matière de passation des marchés publics et des délégations de service pu-
blic. » cf. art 1 de la directive
290
Il s’agit de Dossiers Standards Régionaux d’Acquisition (DSRA)
124

Il apparaît que le cadre juridique de la réforme des marchés publics dans l’UEMOA est bien ancré
dans une série d’actes juridiques, certains ayant des effets d’application directe (les décisions) et
d’autres qui ont été transposées par les États dans les termes qui leur conviennent sans en dénaturer
les objectifs (les directives )291. Dans ce sens, il est loisible de dire que le choix des directives et des
décisions démontrent l’importance et l’intérêt d’une telle réforme. En sus, l’on peut apprécier son
caractère urgent d’après le délai de transposition que la directive laissait aux États membres de
l’UEMOA. Ainsi, entrés en vigueur concomitamment le 1er janvier 2006, il est prévu dans les direc-
tives N°4 et N°5 (précités, voir page précédente) que les États membres prennent les dispositions
législatives, réglementaires et administratives dans un délai de deux ans292, soit avant janvier 2008.
On peut noter que même si ce délai n’a pas scrupuleusement été respecté, il n’a été dépassé que de
quelques mois et a été observé dans la plupart des cas. En vue de se conformer aux dispositions des
directives, la plupart des pays de l’UEMOA ont adopté entre 2007 et 2009 des nouveaux codes des
marchés publics. Beaucoup de ces codes ont connu de multiples révisions en fonction des contextes
dans les pays ou pour se rapprocher davantage des exigences internationales et communautaires.293
In fine, le cadre juridique des marchés publics dans la zone UEMOA s’est affiné et progresse conti-
nuellement. Nous reviendrons en détails sur le contenu et les enjeux de cette réforme dans la se-
conde partie de cette thèse.

3- Aperçu du cadre juridique des MPI En Amérique Latine et dans les Caraïbes

Le cadre juridique de la réglementation des marchés publics internationaux en Amérique Latine


trouve sa source dans plusieurs instruments. Il importe d’observer d’entrée de jeu, qu’il n’y n’existe

291
Conformément à l’article 19 du traité de l’UEMOA modifié de 2003, « La Conférence des Chefs d'État et de
Gouvernement prend, en tant que de besoin, des actes additionnels au Traité de l'Union. Les actes additionnels
sont annexés au Traité. Ils complètent celui-ci sans toutefois le modifier. Leur respect s'impose aux organes de
l'Union ainsi qu'aux autorités des états membres. » ; En plus selon l’art 43 du même traité, « Les règlements
ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans
tout état membre. Les directives lient tout état membre quant aux résultats à atteindre. Les décisions sont
obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires qu'elles désignent. Les recommandations et les avis
n'ont pas de force exécutoire. »
292
Voir respectivement les articles 93 de la directive N°4 et l’article 14 de la directive N° 5.
293
Bénin-loi N° 2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et des délégations de service pu-
blique modifié de multiples fois. Le code en vigueur à ce jour est la loi N° 2020-26 du 29 septembre 2020 por-
tant code des marchés publics ; Burkina Faso- décret N° 2008-173 du 16 avril 2008 portant réglementation
générale des marchés publics et des délégations de service public, modifié par la loi N°039-2016 du 2 décembre
2016 portant réglementation générale de la commande publique ; Côte d’Ivoire : Ordonnance n° 2019-679 du
24 juillet 2019 portant Code des marchés publics ; Guinée Bissau- décret portant code des marchés publics du
25 août 2011 ; Mali- décret N°08-485/P-RM du 11 août 2008, abrogé par le décret N°2015-0604/P_RM du 25
septembre 2015 portant code des marchés publics ; Niger-décret N° 2007-545 du 25 avril 2007 , modifié à
plusieurs reprises, le code des marchés publics en vigueur actuellement est le décret N° 2016-641/PRN/PM du
1er décembre 2016 ; TOGO-Loi n° 2009-013 du 30 juin 2009 relative aux marchés publics et délégations de ser-
vice public, et le Décret 2009-277 du 11 novembre 2009 portant Code des marchés publics et des délégations
de service public ; SENEGAL décret n° 2014 -1212 du 22 septembre 2014 portant code des marches publics.
125

pas de cadre global régional ou sous régional contraignant comme c’est le cas dans l’Union Euro-
péenne ou dans les pays de l’UEMOA, en dépit des initiatives qui sont menées dans ce sens294. Il
existe donc une multitude de cadres qui ne sont pas harmonisés. Nous souhaitons relever quelques
aspects singuliers.

À ce titre, il apparaît que certains pays font mention dans leur constitution des principes clés de la
commande publique. C’est les cas du Brésil, du Costa-Rica (art 182, constitution de 1949 amendée en
2011), du Honduras (art 360, constitution de 1982, amendée en 2013), du Mexique (art 25, constitu-
tion de 1917 amendée en 2015), Panama (art 266, constitution de 1972 amendée en 2004), du Pérou
(art 76, constitution de 1993 amendée en 2009), de l’Équateur (art 288, constitution de 2008). En
outre, dans la plupart des pays, il existe des organismes nationaux chargés de la coordination des
procédures de marchés publics.295 Il apparaît par ailleurs, que les pays des Caraïbes ont implémentés
moins de réformes, comparativement aux autres pays de la Région.296Aussi, Certains pays n’ont pas
encore de lois autonomes relatives aux marchés publics, les réglementations y afférentes étant com-
prises dans des règles générales de finances publiques. C’est le cas de la Barbade.297

Les pays de la zone ont néanmoins commencé des réformes sous l’impulsion de la Banque Mondiale
et de ses évaluations (CPAR)298. Ces évaluations étant actualisées sur une base quinquennale, la plu-

294
On note quelques initiatives de la Banque Inter-Américaine de Développement, de l’Organisation des États
Américains (OAS) et du « réseau Inter-Américain sur les marchés publics gouvernementaux » (Inter-American
network on government procurement-RICG).
295
En argentine : www.argentinacompra.gov.ar; en Bolivie : http://www.economiayfinanzas.gob.bo/ ; au Chili :
www.chilecompra.cl ; au Costa-Rica : www.hacienda.go.cr/scripts/criiiext.dll?UTILREQ=COMPRARED; en Équa-
teur : http://portal.compraspublicas.gob.ec/sercop/. ; En Guyane : http://www.npta.gov.gy/. ; voir José Luis
Benavides, María Cecilia M’Causland Sánchez, Catalina Flórez Salazar, Maria Eugenia Roca, public procurement
in latin America and the Caribbean and IDB-financed Projects : a normative and comparative Study, Inter-
American Development Bank technical note N° IDB-TN-1162, décembre 2016
296
Voir le rapport de l’organisation inter-gouvernementale des pays d’Amérique Latine et des Caraïbes issu de
sa réunion régionale tenue à QUITO (EQUATEUR) sur les systèmes de marchés publics dans la zone citée : SELA,
Public procurement as a tool for development in Latin America and the Caribbean, regional meeting on Public
procurement systems in Latin America and the Carribean, Quito , Ecuador, 15 and 16 july 2015. L’organisation
SELA (Système Economique Latino-américain et des Caraïbes) a été fondée le 17 octobre 1975 par la conven-
tion de PANAMA et inclue 26 pays d’Amérique Latine et des Caraïbes : Argentina, Bahamas, Barbados, Belize,
Bolivia, Brazil, Colombia, Cuba, Chile, Ecuador, El Salvador, Guatemala, Guyana, Haiti, Honduras, Jamaica, Mexi-
co, Nicaragua, Panama, Paraguay, Peru, Dominican Republic, Suriname, Trinidad & Tobago, Uruguay and Vene-
zuela). Son siège est situé à CARACAS au VENEZUELA.
297
La réglementation en matière de marchés publics dans ce pays est comprise dans la part XVII de la loi de
management et des audits financier de 2011 (financial management and audit act). Un projet d’élaboration
d’une réglementation spécifique aux marchés publics est en cours cependant. Voir rapport SELA 2015, P40. Op.
Cit.
298
Country procurement assessment reviews.
126

part des pays ont entrepris des réformes pour améliorer leur score et se conformer davantage aux
attentes de la Banque Mondiale.299

De plus, au niveau institutionnel, on note l’influence des directives et du travail fait par la Banque
Interaméricaine de Développement, de l’Organisation des États Américains (OAS) et du « réseau In-
teraméricain sur les marchés publics gouvernementaux » (Inter-American network on government
procurement-RICG).

Partant, il y a des avancées majeures du point de vue de la transparence et de la célérité des procé-
dures, notamment, dans la mesure où la plupart des pays ont adopté largement les méthodes élec-
troniques. Le chili constitue un bon exemple dans ce cas. En outre, ces changements se sont avérés
très profitable pour les petites et moyennes entreprises.
Par ailleurs, on note un emboîtement difficile entre les accords internationaux et les pratiques au
niveau de la région. De fait, il existe de nombreux accords de libre-échange qui se juxtaposent aux
règles qui gouvernent la commande publique à l’échelon national. La professeure Kamala Dawar
estime que ces accords commerciaux doivent servir à jouer un rôle dans la mise en place de systèmes
harmonisés et transparents en matière de marchés publics dans la région. Selon elle, il y va de
l’efficacité des politiques économiques et sociales prônées par ces accords et dont ont besoin ces
pays.300
Toutefois, l’immixtion des accords commerciaux dans des matières sensibles comme les marchés
publics, notamment, lorsque les dispositions de ces accords introduisent des principes qui repren-
nent ceux de l’accord plurilatéral de l’OMC sur les marchés publics, est décriée par une partie de la
doctrine. De fait, il a été noté qu’une grande partie des accords de libre-échange conclus récemment
en Amérique Latine avec les États-Unis ou l’Union Européenne intègrent des dispositions qui visent à
terme l’ouverture complète du secteur, incarnée au niveau multilatéral par l’accord plurilatéral de
l’OMC sur les marchés publics. Alors que, pour le moment, aucun pays d’Amérique Latine n’a adhéré

299
Voir Paul R. Schapper and Joao N. Veiga Malta, Public procurement reform in Latin America and the Carib-
bean, World bank , 2011, http://hdl.handle.net/10986/27460 (consulté en novembre 2021)
300
Voir Dr Kamala Dawar, public procurement policies for equitable development : the role of trade agreements,
article présenté à la conference sous-régionale sur les marchés publics caribéens qui s’est tenue à Trinité et
Tobago du 23 au 27 juin 2014
127

à cet accord301. Cette analyse se vérifie également dans le cas de l’accord de partenariat économique
(APE) entre l’union européenne et les Pays du caraïbes302.

301
Sur l’adhésion des ces pays à l’AMP, l’information est vérifiée jusqu’en novembre 2021 ; elle est susceptible
de changer. Voir aussi : Audrey Nelzin-DE Pizzol, Les relations Entre L’union Européenne et les organisations
d’intégration économique Régionale D’Amérique Latine et des Caraïbes – Quelles Mutations ?, thèse de
doctorat, École doctorale pluridisciplinaire « Santé, Environnement et Sociétés dans les Amériques », Université
des Antilles et de la Guyane, 2011, 509P, pp-295et s- p367 et s.
302
Il s’agit de l’« Accord de Partenariat Économique entre les États du Cariforum, d'une Part, et la Communau-
té Européenne et ses États Membres, d'autre part » (entré en vigueur le 29 décembre 2008). Il prévoit dans
ses articles 167 à 171, des dispositions tenant à la transparence dans les marchés publics, le principe du traite-
ment national y est consacré. Certains estiment qu’il s’agit d’un moyen indirect de préparer les conditions
d’accession des fournisseurs européens aux marchés publics de la Caraïbe. Voir Idem pp 370 et s.
128

Conclusion du chapitre 1

Ce chapitre premier a mis en avant le cadre juridique des MPI à travers le droit international et la
coopération internationale. Il apparaît que c’est un cadre juridique qui est ancré aussi bien dans des
matières connexes qui l’influencent directement, que dans des instruments spécifiques aux MPI.
Quant aux matières connexes, nous avons mis en exergue l’impact du droit international du dévelop-
pement sur la régulation des MPI et l’imbrication entre le droit des investissements internationaux et
la matière. À ce titre, il est apparu que le droit du développement influence la formulation de cer-
taines règles des MPI dans des instruments internationaux tels que l’accord de l’OMC sur les marchés
publics et ceux de la coopération internationale et régionale, à l’instar de l’accord de Cotonou. Pour
ce qui est du droit des investissements internationaux, il entretient un lien direct avec les grands
contrats de MPI, notamment sous la forme des PPP, qui, nous l’avons souligné, sont encouragés et
appuyés par les institutions multilatérales et bilatérales de financement et adoubés par les États. En
plus, les règles du droit international des investissements en matière de standards de protection des
investissements et le contentieux qui en découle à travers les engagements conventionnels des États
influencent également la matière. Il est apparu clairement, au fil de la réflexion que ces matières
connexes au MPI ont un impact direct sur les enjeux de développement et tracent, pour le droit des
investissements, certaines dynamiques d’évolution future de la matière.

Ensuite, s’agissant du cadre juridique spécifique des MPI dans le droit international et la coopération
internationale, nous l’avons exposé et commenté. Il est caractérisé par sa variété et sa flexibilité au
niveau international et se compose à la fois d’instruments de droit dur et d’instruments de droits
mous, de même que d’instruments programmatiques d’origines multilatérales. Toutes ces compo-
santes du cadre juridique s’emboîtent et interagissent pour orienter et déterminer les règles con-
crètes des États en matière de MPI. Par ailleurs, dans de nombreux PED, notamment en Afrique sub-
saharienne, ces règles sont promues par des blocs régionaux qui servent de truchement pour leur
adoption de façon à ce qu’elles soient harmonisées, transposées, de façon plus contraignante, dans
les législations nationales. Ce procédé est fait sous l’impulsion des institutions de financements et
des instruments de la coopération internationale que nous avons évoqués. Cette méthodologie nous
a permis d’aborder sommairement l’importance de l’harmonisation des procédures et des réformes
dans le champ des MPI, sur laquelle nous reviendrons en détails dans la seconde partie de cette
thèse. Enfin, ce premier chapitre a gardé en ligne de mire l’impact de ces différentes configurations
de règles sur le développement. Il a été mis en lumière, entre autres, l’impact de la dynamique du
droit des investissements internationaux et des règles libérales de l’accord de l’OMC sur les enjeux
concrets de développement dans les PED. Il s’est agi donc pour nous de manifester ces enjeux en
129

même temps que nous évoquions le cadre juridique et ses dynamiques d’évolution. Ceci, afin de
garder à l’esprit que le droit sert ici, dans les MPI d’instrument pour réaliser des politiques de déve-
loppement et d’autres intérêts des parties prenantes.

Dans le chapitre qui suit, il sera question d’aborder spécifiquement le cadre juridique des MPI selon
l’activité des institutions de financement du développement. Celui-ci offrira un éclairage supplémen-
taire sur les règles applicables, leurs formulations et leurs implications pour le développement.
130

Chapitre 2

Le cadre juridique des MPI appréhendé à travers le droit des institu-


tions de financement du développement

D’entrée de jeu, il convient de préciser que les institutions multilatérales et bilatérales de finance-
ment sont nombreuses. Aussi, il n’est pas possible de les étudier toutes individuellement. Toutefois,
elles présentent quelques similitudes. Nous nous servirons principalement du cas du groupe de la
Banque Mondiale (BM) dans ce chapitre.

Les textes fondateurs des institutions multilatérales de financement ne font pas mention de la «
notion de « marché public » en elle-même. Toutefois, de l’avis de la doctrine et au vu de la pratique,
certains articles du statut de la BM et des statuts de ses organisations affiliées peuvent expliquer
l’instauration des mécanismes spécifiques aux MPI.

Le statut de l’Agence Internationale de Développement (AID) dispose – article V section 1-g :


« l'Association prendra des dispositions en vue d'obtenir que les sommes provenant de ses prêts
soient consacrées exclusivement aux objets pour lesquels elles ont été accordées, compte dûment
tenu des considérations d'économie, de rendement, et de concurrence commerciale internationale, et
sans laisser intervenir des influences ou considérations politiques ou extra-économiques. »

Le statut de la Banque Mondiale art 3 section 5(b) contient une disposition similaire : « La Banque
prendra des dispositions en vue d’obtenir que le produit d’un prêt soit consacré exclusivement aux
objets pour lesquels il a été accordé, compte dûment tenu des considérations d’économie et de ren-
dement et sans laisser intervenir des influences ou considérations politiques ou extra-économiques. »

De fait, il existe une panoplie de règles qui gouvernent le financement des MPI. Au-delà des actes
immanents à la constitution et au fonctionnement des institutions de développement (les statuts, les
règles relatives aux immunités et privilèges) qui ont des incidences sur la conception de leurs activi-
tés et partant sur certains aspects des MPI, nous nous focaliserons sur les règles clés et celles com-
plémentaires qui concernent directement la matière du point de vue des aspects réglementaires et
opérationnels des marchés financés.

Tout MPI est la résultante d’un octroi financier (prêt ou dons) dont l’acte contractuel détermine
entre autres conditions, celles, liées au projet qui matérialisera les dépenses y relatif. Aussi, le para-
graphe 1 sera consacré à l’étude de l’accord de prêt. Dans le second paragraphe, nous analyserons la
nature et l’impact des directives et procédures opérationnelles qui s’imposent aux bénéficiaires et à
131

travers lesquels les institutions de financement déterminent plus spécifiquement les modalités selon
lesquelles se réalisent les marchés passés en tenant compte des considérations éthiques, écono-
miques, sociales, environnementales à prendre en compte à cette fin.

Paragraphe 1- L’accord de prêt

Les dispositions relatives au financement d’une opération de prêt par une institution multilatérale de
financement sont contenues dans un document qui tient lieu d’accord entre les parties. Il s’agit de
l’accord de prêt. D’une manière générale, les immunités et les privilèges dont jouissent les États au
niveau international ne sont pas invocables en matière de prêts dont ils bénéficient par le truche-
ment des institutions multilatérales de financement. Par ailleurs, les mécanismes contractuels utilisés
par les institutions de financement du développement et les techniques juridiques associés à leurs
prêts s’apparentent à ceux des institutions privées et conduisent à une efficacité comparable. Cette
tendance est confortée par le recours fréquent aux modes de financements conjoints. À travers ceux-
ci, l’on retrouve des dispositions croisées qui lient et conditionnent mutuellement les parties dans
l’exécution de leurs obligations et vis-à-vis de leurs avantages respectifs. L’exemple des clauses
d’entrée en vigueur croisées, les clauses de défaut croisées, les negative pledge clauses contenues
dans les accords de prêts sont éloquents à ce titre303.

Il importe de mentionner que la pratique de la Banque Mondiale en la matière en tant que pionnière
a fortement influencé celle des autres institutions de financement. On note une grande similitude
entre la rédaction des dispositions dans les accords de prêts des différentes institutions multilaté-
rales et celles de la Banque Mondiale. Néanmoins, comme nous le verrons, il existe quelques diffé-
rences dans les approches et selon la nature des parties, qu’elles soient des personnes privées, des
entités publiques n’ayant pas la personnalité juridique internationale ou l’État lui-même. Ainsi, selon
les intérêts recherchés, la loi à laquelle sera soumis l’accord de prêt et les dispositions relatives au
règlement des différends fluctuent. Enfin, il faut souligner le fait que l’accord de prêt se réfère régu-
lièrement à d’autres types de documents faisant partie de l’arsenal juridique de la banque, notam-

303
Voir par exemple, Conditions générales des prêts de la BIRD, 2012, art VI, section 6.02 (negative pledge).

Quant au fonctionnement des clauses de solidarité, d’une manière générale, il convient de marquer une
nuance sur le fonctionnement de ces garanties, dans la mesure où : « Cette solidarité entre prêteurs est rela-
tive. Tout d’abord parce que la suspension du prêt multilatéral en cas d’impayés sur les prêts privés n’est pas
automatique. Ensuite, cette clause ne transforme pas les prêts privés en dette souveraine. Enfin, la clause de
manquement croisé ne permet pas d’exclure les prêts privés d’un rééchelonnement négocié par les États em-
prunteurs. ». Voir Philippe Saunier, le système financier international, Op. Cit. P29.
132

ment, les conditions générales applicables aux prêts, les directives opérationnelles et autres docu-
ments nécessaires à la relation contractuelle et l’atteinte des objectifs assignés au prêt.

I- Le processus de signature et de validation de l’accord de prêt

« L’expression « Accord de Prêt » désigne l’accord conclu aux fins du Prêt entre la Banque et
L’Emprunteur, tel qu’amendé, le cas échéant ; cette expression désigne également les présentes
Conditions Générales, telles qu’elles s’appliquent à l’Accord de Prêt, toutes les annexes à l’Accord de
Prêt et tous les accords complétant l’Accord de Prêt »304

1- L’accord de prêt comme l’aboutissement d’un processus : le cycle du projet

Dans le cas des prêts accordés aux États membres ou à des entités publiques issus de ceux-ci,
l’accord de prêt fait partie intégrante d’un processus qui s’articule autour du « cycle du projet »305.
Celui-ci doit s’entendre comme les phases préliminaires qui permettent de vérifier le bien-fondé du
projet, sa faisabilité, sa rentabilité et les capacités de financement de l’emprunteur. Les institutions
publiques de financement de développement doivent en effet s’assurer de conduire leurs opérations
en tenant compte des répercussions économiques, sociales et environnementales à moyen et longs
termes des projets qu’elles financent.306 Globalement, le cycle du projet s’articule autour de plu-
sieurs phases qui s’étendent jusqu’à l’achèvement de l’exécution du projet et du rapport
d’achèvement ou de l’audit subséquent. En ce qui concerne l’accord de prêt cependant, il émerge à
l’issue de la phase de négociation qui suit celle de l’identification et de l’évaluation du projet. (Voir
schéma complet du cycle du projet à la page 134).
L’identification et l’évaluation du projet consistent en une étude économique globale ou spécifique à
des secteurs réalisée sur le terrain par les experts de l’institution de financement. L’objectif est de
déceler et analyser l’opportunité de projets fiables. Cette identification qui peut s’appuyer égale-
ment sur les plans de développement des États eux-mêmes et leurs objectifs prédéfinis307 peut don-

304
Article 2.37 Conditions Générales Applicables aux Accords de Prêt et de Garantie Pour les Prêts à Spread
Fixe, 1er septembre 1999 ; voir la même définition dans les conditions générales révisées de 2012 dans la partie
finale dédiée aux définitions.
305
Terminologie de la Banque Mondiale, elle est également utilisée dans d’autres institutions multilatérales et
bilatérales de financement du développement.
306
Voir à cet effet, par exemple, l’art 1 du statut de la BIRD, l’art 2 du statut de la BAD, relatifs aux objectifs
poursuivis par ces institutions.
307
Ce principe qui répond à celui de l’alignement sur les objectifs de développement des États n’est pas tou-
jours respecté car de nombreuses institutions de financements ont des domaines spécifiques dans lesquels ils
investissent prioritairement. Il existe également des critiques tenant au fait que les politiques strictes de finan-
cement des institutions obligent les États à orienter leurs projets dans le sens souhaité par les premiers. Voir
133

ner lieu à une assistance technique de la part de la Banque et l’intervention de cabinets de consul-
tants.

Le projet ainsi identifié est évalué par la suite308. Cette phase vise à confirmer la fiabilité du projet sur
les plans économiques, sociaux, environnementaux et est sanctionnée par la rédaction d’un rapport.
Le rapport d’évaluation (qui est également dénommé proposition de prêt309) en ce sens qu’il sera le
document de référence lors des négociations avec l’emprunteur est un document qui comporte
l’essentiel des données relatives au projet. Il contient notamment des données sur le contexte et
l’environnement du projet, sa justification, ses avantages et les risques inhérents à sa mise en œuvre,
l’organisation institutionnelle du projet, son plan de financement, le calendrier de la réalisation et
des décaissements y relatifs. Le rapport ainsi rédigé fera l’objet d’examens successifs par les organes
internes de l’institution de financement, en prélude à la négociation avec l’emprunteur.

Quant à la négociation avec l’emprunteur. Elle a lieu entre le ministère concerné (ou l’agence gou-
vernementale bénéficiaire du prêt) et l’institution de financement. En cas de cofinancements, les
cofinanceurs doivent également confirmer leurs engagements. Cette phase débouche sur la mise en
place des dispositions finales de l’accord de prêt. Celui-ci est signé par l’autorité Étatique ou par
l’agence qui dispose du pouvoir approprié selon les règles nationales ou celles de l’entité. En défini-
tive, il appartient au conseil d’administration de l’institution de financement d’approuver cet accord
de prêt. A ce stade, il faut noter que l’entrée en vigueur de l’accord est soumise à d’autres considéra-
tions plus spécifiques, tel que sa ratification si cela est nécessaire au niveau national310.

Assad Ullah Omer, le Financement international public du développement : aspects juridiques (avec référence
spéciale à l’Afghanistan), thèse présentée à la faculté de droit de l’université de Genève, thèse n° 632, librairie
Droz, Genève, 1979, 219 P, p68, pp 153 et S.
308
L’évaluation comporte de nombreux aspects, le concours des autorités publiques, des ministères des bud-
gets ou des finances des États bénéficiaires, des ministères techniques concernés, etc… Dans la pratique, il
existe au sein des institutions, des manuels opérationnels détaillant la marche à suivre pour chaque phase du
cycle du projet.
309
C’est le cas à la BOAD
310
L’entrée en vigueur de l’accord est souvent soumise à des prérequis qui sont énumérés de façon claire. Par
exemple, les conditions générales applicables aux prêts de la BIRD prévoient dans la Section 12.01. « L’accord
de Prêt et l’accord de garantie n’entrent en vigueur que lorsque la Banque a reçu des preuves, jugées satisfai-
santes par elle, établissant :a) que la signature et la remise de l’accord de prêt et de l’accord de garantie au
nom de l’emprunteur et du garant ont été dûment autorisées ou ratifiées conformément aux normes adminis-
tratives et statutaires qui leur sont applicables ; b) si la Banque le demande, que la situation de l’emprunteur
(quand il ne s’agit pas d’un État membre de la Banque), telle que celle-ci est décrite ou attestée à la Banque à la
date de l’accord de prêt, n’a subi aucune détérioration grave après cette date ; et c) que tous les autres faits
spécifiés dans l’accord de prêt comme conditions d’entrée en vigueur sont survenus.
La section 12.03 précise que « a) À moins que la Banque et l’emprunteur n’en conviennent autrement, l’accord
de Prêt et l’accord de garantie entrent en vigueur à la date à laquelle la Banque envoie à l’Emprunteur et au
garant notification de son acceptation des preuves fournies en vertu de la Section 12.01. b) Si, avant la date
d’entrée en Vigueur, il se produit un fait qui aurait permis à la Banque de suspendre le droit de l’emprunteur de
procéder à des retraits du compte de prêt si l’accord de prêt était entré en vigueur, ou si la Banque juge qu’une
134

Identification du projet

Evaluation ex post
(rapport Evaluation
d'achèvement; audit)

Négociation-Accord de
Fin d'exécution
financement

Supervision du projet
pendant son exécution

Cycle du projet. Synthèse de la pratique des différentes institutions


Source : L’auteur de la présente thèse

2- La validité de l’accord de prêt : l’importance de la condition tenant à la ratifica-


tion
Comme nous l’avons déjà souligné, l’accord de prêt peut prévoir de nombreuses conditions préa-
lables à son entrée en vigueur. Ces conditions sont des obligations qui incombent à l’État ou à
l’entité bénéficiaire du prêt et font partie des engagements de ce dernier envers l’institution. La mise
en œuvre de ces conditions préalablement à l’entrée en vigueur subséquente de l’accord de prêt fait
souvent l’objet d’un délai dont le non-respect peut entraîner la caducité dudit accord. La ratifica-
tion311 de l’accord de prêt par l’organe compétent de l’État fait partie de ces conditions. Nous choi-

situation exceptionnelle au sens de la Section 3.10 (a) existe, la Banque peut retarder l’envoi de la notification
mentionnée au paragraphe (a) de la présente Section jusqu’à ce que ce fait ou ces faits ou la situation prennent
fin.
311
La « ratification » désigne l'acte international par lequel un État indique son consentement à être lié par un
traité, si elle est la manière dont les parties au traité ont décidé d'exprimer leur consentement. Dans le cas de
traités bilatéraux, la ratification s'effectue d'ordinaire par l'échange des instruments requis ; dans le cas de
traités multilatéraux, la procédure usuelle consiste à charger le dépositaire de recueillir les ratifications de tous
les États et de tenir toutes les parties au courant de la situation. L'institution de la ratification donne aux États
le délai dont ils ont besoin pour obtenir l'approbation du traité, nécessaire sur le plan interne, et pour adopter
la législation permettant au traité de produire ses effets en droit interne.
[Art. 2, par. 1, al. b), art. 14, par. 1 et art. 16, Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités]
135

sissons ici, parmi les autres conditions, de souligner ici son importance dans la mesure où le prêt
accordé à l’État aura un impact sur ses finances publiques, notamment en matière d’endettement
public. Il nous paraît important à ce titre, d’évoquer la capacité d’engager l’État en gardant en ligne
de mire le fait que cet engagement international, soit soumis à un droit de regard des instances dé-
mocratiques de l’État au niveau interne. Cette question est d’autant plus importante que le contrat
conclu entre la banque et l’emprunteur s’apparente à un contrat d’adhésion dans lequel l’État est la
partie faible.312
A ce stade, il faut préciser que l’entrée en vigueur de l’accord de prêt n’exige pas impérativement un
acte de réception ou d’approbation sur le plan interne. Ce sont les règles de l’État qui déterminent
selon la matière, la capacité d’un de ses organes à l’engager valablement et également celles liées à
la nécessité ou non d’une approbation par l’organe législatif sur le plan interne, avant la ratification
proprement dite.
En outre, quant à l’effet de l’engagement international au niveau interne, il existe une distinction
entre les États de tradition dualiste et moniste en matière de validité des engagements internatio-
naux dans l’ordre juridique interne. Les premiers exigent (en principe) un acte interne spécifique de
réception desdites normes. Celles-ci doivent être reçues, incorporées et naturalisées par un acte
interne pour pouvoir produire des effets de droit dans l’ordre interne. En revanche, les États de tradi-
tion moniste admettent en principe l’insertion des normes internationales dans leur ordre interne
sans qu’il n’y ait impérativement besoin d’acte de réception. Dans ce cas, leur publication est au
moins nécessaire pour les rendre opposable au niveau interne. La détermination spécifique du pro-
cédé choisi relève de la constitution313.
Il convient de mettre en exergue quelques exemples pour observer les disparités relatives à
l’intervention du pouvoir législatif dans le processus de ratification d’un accord de prêt. On observe

Voir : https://treaties.un.org/
312
Il est notoire que les marges de manœuvre de l’État dans la négociation des conditions tenant à l’accord de
prêt sont limitées. Même s’il y a bien une négociation, l’emprunteur ne peut pas remettre en cause les disposi-
tions substantielles des conditions standards. Il ne peut notamment pas remettre en cause les conditions géné-
rales du prêt établies par le conseil d’administration de la Banque sur autorisation du conseil des gouverneurs.
Les clauses standards relatives au contrôle de la Banque, aux directives sur la passation des marchés etc. Elles
sont en théorie modifiable, mais en pratique, l’institution de financement pose les conditions et l’emprunteur a
la faculté de les accepter ou de les refuser. La Banque n’accorde de prêts que si l’emprunteur se plie à ses con-
ditions. Voir notamment, à ce sujet Assad U. Omer, le financement international public du développement :
aspects juridiques, thèse de doctorat, Op.cit p.65 ; voir également Aaron Broches, « international legal aspects
of the operation of the World bank », recueil des cours, 1959, vol 98, P. 344 ; voir aussi H. T. Adam « les accords
de prêts de la banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement » R.G.D.I.P., 1951, pp 60-61 ;
voir également, J. Salmon, le rôle des organisations internationales en matière de prêts et d’emprunts. Pro-
blème juridique, Stevens, Londres, 1958, P. 227
313
Voir notamment Patrick Jacob, la mise en œuvre des normes et opérations de l’organisation internationale,
in Traité de droit des organisations internationales , LGDJ Lextenso Editions, 2013, 1197P, PP 861-890; voir
aussi : Joe verhoeven, la notion d’applicabilité directe du droit international, RBDI, 1980, pp 243-264.
136

que dans certains pays, chaque accord de prêt doit être ratifié suivant une autorisation du parle-
ment, dans d’autres cas, une telle autorisation n’est pas nécessaire puisque la constitution confère ce
pouvoir directement à l’exécutif.
À titre d’exemple, les articles 53 et suivants de la constitution française prévoient le principe selon
lequel certains accords qui engagent les finances de l’État ne peuvent être ratifiés ou approuvés
qu’après l’autorisation du parlement (en vertu d’une loi).314 L’article 91 de la constitution de la répu-
blique centrafricaine prévoit une disposition rédigée dans des termes similaires à ceux de l’art 53 de
la constitution française315. Ce qui signifie qu’un accord de prêt formé avec une institution multilaté-
rale ou bilatérale, étant donné qu’il entraîne un endettement de l’État, devra être ratifié par l’organe
exécutif suivant une autorisation du parlement.
Toutefois, la constitution française (art 52) et la constitution Centrafricaine (art 91) prévoient des
hypothèses dans lesquelles certains accords sont dispensés d’office (lorsque la loi le prévoit en
amont) de la procédure de ratification (voir l’article 91 à la note de bas de page N° 315). Néanmoins,
tel n’est pas le cas pour les traités engageant les finances de l’état. De ce qui précède, il apparaît que
l’intention du constituant centrafricain est que l’accord de prêt soit ratifié avec un droit de regard du
parlement.
Quant à la constitution malgache, elle prévoit également des dispositions tendant à l’intervention du
législateur dans le processus de ratification de l’accord de prêt. De fait, aux termes de l’article 137,
paragraphe II de la constitution de la république de MADAGASCAR, « la ratification ou l’approbation
des traités qui engagent les finances de l’État doit être autorisée par la loi ». Il en va ainsi de la loi

314
Article 53 de la constitution française
« Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux
qui engagent les finances de l'État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont rela-
tifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être
ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.
Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés.
Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations
intéressées. »
Voir également la circulaire du 30 mai 1997 relative à l’élaboration et à la conclusion des accords internatio-
naux (disponible sur le site gouvernemental
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000200416&fastPos=1&fastReqId=1399
882282&categorieLien=id&oldAction=rechTexte )
315
Art 91 de la constitution de la république centrafricaine du 13 décembre 2015, promulguée le 30 mars
2016 : « Le président de la république négocie, signe, ratifie et dénonce les accords et traités internationaux.
la ratification ou la dénonciation ne peut intervenir qu’après l’autorisation du parlement, notamment en ce qui
concerne les traités de paix, les traités de défense, les traités de commerce, les accords et traités relatifs à
l’environnement et aux ressources naturelles ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui enga-
gent les finances de l’État, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état
des personnes et aux droits de l’homme, ceux qui comportent cession ou adjonction de territoire.… la loi déter-
mine les accords internationaux dispensés de la procédure de ratification. Le président de la république et le
parlement sont informés de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international non soumis à
ratification »
137

N°2017-016 du 30 juin 2017 autorisant la ratification de l’Accord de prêt relatif au financement du


projet de réhabilitation de la route « Soanierana Ivongo - Vahibe» conclu le 05 mai 2017 entre la
république de Madagascar et le Fonds Saoudien de Développement (FSD).316
En revanche, il en va différemment de la constitution ivoirienne. Celle-ci prévoit comme dans les
exemples précédents, dans son article 119 que le président de la république négocie et ratifie les
traités. Néanmoins, l’article 120317 n’oblige l’intervention de la loi de ratification que dans les cas des
traités de paix, ceux relatifs à la création d'organisations internationales, ceux qui modifient les lois
internes de l'État. Ceci implique que la ratification des traités qui engagent les finances de l’État re-
lève exclusivement du pouvoir du président de la république et aux personnes à qui il aura délégué
ce pouvoir.
Ainsi, en Côte d’Ivoire, un accord de prêt conclu avec une institution multilatérale ou bilatérale de
financement du développement, qu’importe le montant peut être ratifié par le pouvoir exécutif, sans
l’aval du pouvoir législatif. Ceci est de nature à réduire la vigilance démocratique sur l’endettement
de l’Etat.
Néanmoins, il convient d’observer que selon les dispositions de l’article 119 de la constitution ivoi-
rienne, si un traité engageant les finances de l’État, tel qu’un accord de prêt, inclut des clauses qui
« modifient les lois internes » de l’État, il devrait être soumis à l’approbation du parlement. Certains
accords de prêts portant sur le financement de grands projets structurants contiennent des engage-
ments pour l’État à prendre des mesures législatives et réglementaires spécifiques afin de créer le
cadre propice à la mise en œuvre efficace du financement ou d’atteindre tout autre objectif poursui-
vis par lesdits accords. Peut-on alors considérer que du simple fait que ces accords exigent la création
de normes au niveau étatiques, ils influencent de facto les lois internes de l’État (entendues comme
l’émanation d’ une activité législative ou la prise de mesures réglementaires qui ressortissent du
domaine de la loi) ou ces dispositions relatives à la modification d’une loi interne de l’État ne doivent
s’entendre seulement que comme s’agissant d’une stipulation de l’accord international modifiant le
contenu d’une loi préexistante ? À notre sens, les instances législatives devraient pouvoir, préala-
blement à toute ratification d’un accord de prêt, donner leur autorisation dans tous les cas. C’est-à-
dire lorsque l’engagement financier atteint certaines proportions et lorsque l’accord de prêt inclut

316
Voir loi N° 2017-016 autorisant la ratification de l’Accord de Prêt relatif au financement du Projet de réhabi-
litation de la route « Soanierana Ivongo - Vahibe» conclu le 05 mai 2017 entre la République de Madagascar et
le Fonds Saoudien de Développement (FSD). Disponible sur : https://www.assemblee-nationale.mg/wp-
content/uploads/2020/10/Loi-n%C2%B02017-016_Soanierana-Ivongo-Ivahibe_fr.pdf consulté en novembre
2021
317
Article 119. « Le Président de la République négocie et ratifie les traités et les accords internationaux. Le
Président de la République est informé de toute négociation tendant à la conclusion d'un accord international
non soumis à ratification ». Article 120. « Les traités de paix, les traités ou accords relatifs à la création d'orga-
nisations internationales, ceux qui modifient les lois internes de l'État ne peuvent être ratifiés qu'à la suite
d'une loi. La loi d'autorisation en vue de la ratification est soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.»
138

des dispositions obligeant l’État à prendre des mesures législatives ou réglementaires préalables ou
ultérieures à son entrée en vigueur.
Dans le registre ci-dessus exposé, il apparaît que les accords de prêts dans les marchés publics inter-
nationaux peuvent contenir des dispositions spécifiques qui instituent un lien original du point de
vue de l’implication du droit interne de l’État. Le domaine de la loi applicable à ces contrats de prêts
n’échappe pas à cette remarque.

II- Le choix de la loi applicable aux accords de prêts

1- La détermination de la « loi propre » de l’accord de prêt

En raison de la quasi-uniformité des pratiques entre les banques de développement, notre analyse
portera principalement sur le modèle de la BIRD. Il sera alors intéressant d’utiliser la méthode com-
parative pour faire ressortir quelques disparités et originalités quant à loi applicable aux accords de
prêts entre les institutions internationales publiques de financement du développement. En outre, il
faut préciser ici que s’agissant de la loi applicable à l’accord de prêt entre l’État et la BIRD, il s’agit
également d’un contrat de prêt (il faut entendre par là que la convention peut-être à la fois un ac-
cord international in se et un contrat de prêt). Même si cette conception laissera apparaître quelques
nuances, le raisonnement mené ici sera teinté de cette assimilation.
L’on constate de prime abord que contrairement à l’usage en droit des contrats internationaux,
l’accord de prêt de la BIRD ne laisse pas le choix de la loi applicable au contrat entre la banque et le
pays emprunteur à une possible soumission au droit national de ce dernier ou à tout autre droit na-
tional. Certains auteurs estiment que cette particularité provient du fait que l’institution entend
écarter toute interprétation qui émanerait de l’imprévision engendrée par le changement d’une loi
nationale ou une contradiction entre cette dernière et l’obligation d’appliquer les directives de la
Banque Mondiale lors des opérations qui concourent à la mise en œuvre du projet. Il s’agit égale-
ment pour elle de s’assurer du remboursement de ses crédits.318

Cette idée est clairement exprimée dans les conditions générales applicables aux accords de prêts de
la BIRD (rappelons que dans la pratique des institutions, les clauses standards des conditions géné-
rales des prêts sont incorporées dans l’accord de prêt et ont une valeur juridique). Dans l’article VIII à
la première section desdites conditions générales : « Les droits et obligations de la Banque, de

318
Voir notamment, Head, John W. Evolution of the Governing Law for Loan Agreements of the World Bank
and Others Multilateral Development Banks. American Journal of International Law, 1996, vol.90, N°2, pp 214-
234
139

l’Emprunteur et du Garant au titre de l’Accord de Prêt et de l’Accord de Garantie s’appliquent et ont


force obligatoire conformément à leur teneur, nonobstant toute disposition contraire du droit d’un
État ou d’une de ses subdivisions politiques. Ni la Banque, ni l’Emprunteur, ni le Garant ne peuvent
soutenir, lors d’une action quelconque intentée en vertu du présent Article, qu’une disposition quel-
conque des présentes Conditions Générales, de l’Accord de Prêt ou de l’Accord de Garantie est nulle
ou n’a pas force obligatoire en raison d’une disposition quelconque des Statuts de la Banque. »319
Monsieur Aron Broches estime que cette disposition formulée de façon négative vise non seulement
à faire échapper le contrat conclu entre la banque et l’emprunteur à l’emprise du droit national, mais
également, elle entend soumettre celui-ci complètement à l’emprise du droit international public.
Dans ce sens, il argue que l’accord de prêt conclu entre la BIRD et un État est en l’espèce un traité
international320. Cette position, quoique critiquée par une partie de la doctrine pourrait se justifier au
vu de l’article 2.1 de la convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations in-
ternationales ou entre organisations internationales de 1986321. Monsieur Assad Omer corrobore ce
point de vue en se basant sur l’intention des parties comme critère de détermination de la loi appli-
cable. De fait, en considérant que le droit international régit normalement les rapports entre sujets
de droit international, les parties ont la possibilité de choisir de soumettre leur rapport à un autre
droit ; dans ce sens, si elles ne le font pas , la présomption pour l’application du droit international
demeure322.

Cette position, quoique logique mérite d’être analysée sous une autre facette de la relation entre la
BIRD et l’État. De fait, elle fait face à une certaine limite dans la mesure où les accords de prêts peu-
vent être conclus entre la Banque et une « entité » contractante publique de l’État qui n’a pas la per-
sonnalité juridique internationale. Néanmoins, il convient de préciser que même dans un tel cas, le

319
Voir : Banque Internationale pour la reconstruction et le développement, Conditions générales des prêts, 12
mars 2012. Il est à noter que des formulations similaires existent dans les conditions générales de prêt d’autres
organismes de financement : voir les conditions générales des prêts de La BERD de décembre 2012 (section
8.01), la Banque Asiatique de Développement et la Banque Inter-américaine de développement, Banque Afri-
caine de Développement. Voir Assad Ullah Omer, le Financement international public du développement :
aspects juridiques (avec référence spéciale à l’Afghanistan), thèse, Op. Cit.
320
Voir Aron Broches, International Legal Aspects of the Operations of the World Bank, Op. Cit.
321
« Aux fins de la présente Convention :
L’expression « traité » s’entend d’un accord international régi par le droit international et conclu par écrit :
i) Entre un ou plusieurs États et une ou plusieurs organisations internationales; …. Que cet accord soit consigné
dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomina-
tion particulière », voir également Aron Broches ibid.
322
Il se réfère pour ceci au commentaire de la commission du droit international relatif à l’article 2 de la con-
vention de Vienne qui confirme cette présomption. Cela justifierait le fait que dans la plupart des contrats à
caractère économique et financier entre sujets de droit international, aucune mention expresse n’est faite à
l’application du droit international. Voir ASSAD U. OMER, le financement international public du développe-
ment : aspects juridiques, thèse Op. Cit. p81
Nous constatons que la pratique a évolué et beaucoup d’accords sont plus explicite sur cette question que cela
n’était le cas auparavant.
140

constat est que le choix de la loi applicable obéit aux mêmes conditions que celles d’un accord de
prêt conclu avec l’État comme emprunteur. La relation juridique est soumise aux dispositions géné-
rales de la convention de base qui lie la Banque à l’État auquel appartient cette entité contractante. Il
s’agit notamment de l’article III, section 4 du statut de la BIRD relative aux conditions auxquelles la
banque peut garantir ou accorder des prêts à une entité politique, d’un État-membre, toute entre-
prise commerciale, industrielle ou agricole établie sur les territoires d’un État-membre. Selon les
termes du point (i) de cet article, « Lorsque l’État-membre sur les territoires duquel le projet doit être
réalisé n’est pas lui-même l’emprunteur, l’État-membre ou la Banque centrale ou quelque organisme
analogue de cet État-membre, agréé par la Banque, doit garantir intégralement le remboursement du
principal et le service des intérêts et autres charges afférentes au prêt. ». Il en ressort que même
dans le cas de figure où l’État n’est pas le signataire de l’accord de prêt et que ladite convention ne
peut pas être qualifiée de traité international au sens où l’entend Aron Broches, c’est encore l’État
qui garantit le prêt et que les dispositions de l’accord sont sous l’empire du droit international, à
l‘exclusion de tout droit national (en vertu de l’article VIII section 1 des conditions générales appli-
cables aux accords de prêt de la BIRD précité). L’État demeure une partie contractante et un codébi-
teur à l’accord principal au titre de l’accord de garantie qui le lie à la Banque.323

En revanche, l’on fait remarquer que les prêts de l’AID sont soumis en première analyse à des dispo-
sitions semblables à celles de l’article VIII. Section 1 des conditions générales applicables aux prêts de
la BIRD (précitée, p137). Or, contrairement aux dispositions du statut de la BIRD qui font peser sur
l’État, l’obligation de garantir un prêt attribué à une de ses entités publiques, les statuts de l’AID
n’imposent pas la même obligation lorsque l’association étend ses crédits à des entités publiques ou
privées d’un État membre.324 Dans ces cas précis, on peut imaginer que la loi applicable puisse être
une loi nationale et qu’en matière d’interprétation, c’est la loi du contrat entre l’entité emprunteuse
et l’AID qui déterminera le sens des dispositions contractuelles et éventuellement celles liées au rè-
glement des différends. La doctrine fait valoir qu’une telle formulation est logique dans la mesure où
la raideur des dispositions contractuelles découragerait certainement les co-contractants privés de
l’association. De plus, l’exécution du contrat avec les personnes privées peut s’avérer plus facile et

323
voir Georges R. Delaume, legal aspects of international lending and economic development financing , Par-
ker school of foreign and comparative law, Columbia University of New York, Oceana Publications, 1967, pp 82
et s.; voir encore George R. Delaume, « des stipulations de droit applicables dans les accords de prêt et de dé-
veloppement économique et de leur rôle », Revue Belge de Droit International, 1968, N°2, 371P, p.341
324
Voir notamment le statut de l’AID, article V, section 2 : c) L'Association pourra fournir des moyens de finan-
cement à un État membre, au Gouvernement d'un territoire couvert par une affiliation à l'Association, à une
subdivision politique de l’un ou de l'autre, à une entité publique ou privée sur les territoires d'un ou de plu-
sieurs États membres, ou à un organisme officiel international ayant vocation pour l'ensemble ou pour une
région du monde. d) Dans le cas d'un prêt consenti à une entité autre qu'un État membre, l'Association pourra,
à sa discrétion, exiger une ou plusieurs garanties appropriées, gouvernementales ou autres (nous soulignons).
141

plus efficace en recourant au droit interne du lieu où se situe la personne elle-même, du lieu où est
réalisé l’investissement, ou les autres intérêts tels que les sûretés accompagnant le prêt.

En définitive, il semble eu égard à la pratique dans les autres banques multilatérales de financement
du développement que l’application à titre principal du droit international public à l’accord de prêt
n’est majoritairement vérifiée que lorsque c’est l’État lui-même qui est l’emprunteur. S’agissant des
entités publiques, l’obligation de garantie intégrale pesant sur l’État formulée de manière impérative
à la BIRD apparaît comme une exception325. En effet, comme nous le mettrons en exergue, les dispo-
sitions contenues dans les statuts et les conditions générales applicables aux prêts dans plusieurs
banques de développement sont formulées de manière telle que s’agissant des entités publiques, le
recours à la garantie de l’État est une simple faculté, donc pas une obligation.

Ainsi, la section VIII du statut de la Banque Interaméricaine de Développement (ci-après IADB), fait
état de la possibilité pour elle de prêter à des entités publiques non gouvernementales, et d’exiger
que le gouvernement se porte garant lorsqu’elle juge cela nécessaire326. Il est à noter que la formula-
tion est sous une forme optionnelle, ce qui signifie qu’il pourrait également s’agir d’une autre forme
de garantie. Dans ce cas, l’on se rapproche clairement des dispositions contenues dans le statut de
l’AID (précité, voir note de bas de page 324) qui laisse entrevoir que la loi applicable ne serait pas
forcément, principalement le droit international public comme c’est le cas dans les prêts de la BIRD.
Qui plus est, il faut noter que cette interprétation est renforcée par l’existence de la différenciation
des modèles de conditions générales applicables aux prêts consentis par la Banque Interaméricaine
de Développement. À ce titre, l’institution distingue les conditions générales relatives aux prêts
d’investissements avec garantie souveraine (nous soulignons) et les cas de prêts sans garantie souve-
raine, fussent-ils accordés à des entités publiques. Dans le premier cas, l’on retrouve la clause (ar-
ticle 11.05) qui précise qu’aucune loi nationale ne saurait faire obstacle à la validité des obligations
contenues dans l’accord de prêt327. Dans le second cas, l’on ne retrouve pas cette clause dans les

325
Or, c’est elle qui fait dire que ces accords de prêts sont soumis directement au droit international égale-
ment, l’État étant considéré comme codébiteur de l’obligation principale.
326
Section 8. Optional Conditions for Making or Guaranteeing Loans (a) In the case of loans or guarantees of
loans to nongovernmental entities, the Bank may, when it deems it advisable, require that the member in
whose territory the project is to be carried out, or a public institution or a similar agency of the member ac-
ceptable to the Bank, guarantee the repayment of the principal and the payment of interest and other charges
on the loan. (b) The Bank may attach such other conditions to the making of loans or guarantees as it deems
appropriate, taking into account both the interests of the members directly involved in the particular loan or
guarantee proposal and the interests of the members as a whole.
327
Cette disposition est rédigée dans les mêmes termes que celle des conditions générales applicables aux
prêts de la BIRD précitée. Voir, IADB, GENERAL CONDITIONS FOR INVESTMENT LOANS CHARGEABLE TO ORDI-
NARY CAPITAL RESOURCES FOR REPUBLICS AND OTHER ENTITIES WITH SOVEREIGN GUARANTEE “ARTICLE
11.05. Validity. The rights and obligations established in this Contract are valid and enforceable in accordance
with the terms agreed upon herein, regardless of the laws of any given country”
142

conditions générales applicables au prêt. Ce qui implique qu’une loi nationale pourrait être choisie
par les parties à l’accord de prêt pour régir leur relation.

Les statuts de la Banque Asiatique de Développement (ci-après ADB) prévoient des dispositions com-
parables à ceux de l’IADB en ce qui concerne le caractère optionnel de la garantie de l’État membre
pour les prêts faits aux entités publiques328. Dans la même logique, les conditions générales appli-
cables à ses prêts n’excluent la loi nationale en tant que loi de l’accord de prêt que lorsque
l’emprunteur est un État membre. Ce critère est mentionné clairement dans ses conditions générales
relatives aux prêts329.

La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque Africaine de


Développement procèdent comme l’IADB et l’ADB.

Il importe de préciser que la détermination de la loi applicable à l’accord de prêt ne concerne que la
loi propre dudit contrat, car, même quand celui-ci est soumis au droit international public, certaines
dispositions de l’accord sont soumises à des lois nationales. Il s’agit par exemple de celles se rappor-
tant à la monnaie, au lieu de paiement330 etc. À ce titre, on constate que relativement à la loi appli-
cable dans leurs accords de prêt, les institutions prêteuses font souvent usage de la technique dite de
« dépeçage ».

Quant aux institutions bilatérales de développement, elles désignent en général expressément la loi
de leurs pays de rattachement comme la loi du contrat. C’est le cas notamment de l’Agence Améri-
caine d’aide au développement (USaid). Le paragraphe 240.16 du code des règles fédérales (code of
federal regulations) fixant les règles standard s’appliquant aux garanties des prêts souverains prévoit

328
Voir Art XV, section 2 du statut de la Banque Asiatique de Développement : “Where the recipient of loans or
guarantees of loans is not itself a member, the Bank may, when it deems it advisable, require that the member
in whose territory the project concerned is to be carried out, or a public agency or any instrumentality of that
member acceptable to the Bank, guarantee the repayment of the principal and the payment of interest and
other charges on the loan in accordance with the terms thereof”.
329
Section 10.01. Des conditions générales pour les prêts relatifs aux operations spéciales. “The rights and
obligations of ADB and the Recipient under the Grant Agreement shall be valid and enforceable in accordance
with their terms and, where the Recipient is a member, notwithstanding the law of any state or political or
administrative subdivision thereof to the contrary.”
330
Par exemple, dans les conditions générales des prêts de la BIRD : Section 3.12. Mode de Paiement
a) Tout paiement qui, en vertu de l’Accord de Prêt ou de l’Accord de Garantie, doit être fait à la Banque dans la
monnaie d’un pays quelconque doit l’être dans les formes prescrites et au moyen de montants de ladite mon-
naie acquise de la manière prescrite par la législation applicable à ladite monnaie aux fins dudit paiement et du
versement de ladite monnaie au compte de la Banque chez un dépositaire de la Banque autorisé à accepter des
dépôts dans ladite monnaie.
143

que la garantie est gouvernée et interprétée selon les lois régulant les contrats et les transactions
commerciales des États-Unis d’Amérique331.

En définitive, d’une manière générale, hormis les prêts accordés à l’État lui-même, la loi applicable
aux accords de prêts entre les Banques de financement du développement et les entités publiques
ou privées peut être flexible et varier selon les intérêts en jeu332. Quid du choix de juridiction relati-
vement aux différends émanant de l’accord de prêt ?

2- Le choix de juridiction et le règlement des différends émanant de l’accord de prêt

Le choix de la juridiction compétente est une question aussi cruciale que celle du choix de la loi appli-
cable à l’accord de prêt. Le choix d’une juridiction compétente est une garantie pour les institutions
internationales de financement dans le mesure où elle leur permet de ne pas se soumettre à des
systèmes juridiques qui ne leurs seraient pas favorables. Pendant longtemps, les prêteurs internatio-
naux publics comme privés privilégiaient les juridictions et la loi des pays qui leurs étaient les plus
proches. Cette situation pratique se vérifiait par le fait que pendant longtemps, les États ont fait
usage de leur immunité pour remettre en cause le remboursement d’un prêt ou ralentir la procédure
judiciaire découlant du non-respect de leurs obligations. Par la suite, la situation des prêteurs s’est
améliorée, suivant l’émergence du principe « l’immunité relative » plutôt que « l’immunité abso-
lue ». D’après cette doctrine, il importait de faire la différence entre les actes « jure imperii » et les
actes « jure gestionis ». Cette classification distingue respectivement les actes accomplis par l’État
dans l’exercice de la puissance publique et ceux relevant des relations de droit privé. Si la nature de
la procédure visait des actes de la seconde catégorie, l’immunité de l’État pouvait être levée et
l’action en justice du prêteur pouvait prospérer.333 Il est fréquent que les institutions internationales

331
Voir 22 CFR 240.16 « This Guarantee shall be governed by and construed in accordance with the laws of the
United States of America governing contracts and commercial transactions of the United States Government.”
disponible sur le site électronique des textes fédéraux (electronic code of federal regulations) : www.ecfr.gov
332
Voir Georges R. Delaume , legal aspects of international lending and economic development financing, Op.
Cit. p85
333
Dans son arrêt du 24 novembre 1920 (Clunet, 1921, 271) concernant une action intentée contre la Cou-
ronne britannique à la suite d'un abordage en mer, la Cour d'appel mixte d'Alexandrie a déclaré que les actes
accomplis dans l'exercice de la souveraineté d'un État étranger n'étaient pas soumis à la juridiction d'un tribu-
nal municipal mais que la situation était tout à fait différente lorsqu'un acte, c'est- à-dire un quasi-délit dans
l'affaire à l'examen, avait été accompli par les préposés d'un État étranger dans l'exercice d'un intérêt privé et
sans aucun rapport avec ses activités politiques. Reconnaître l'immunité de juridiction dans une telle affaire
consisterait en une négation de la justice car elle priverait de la protection de la loi les personnes dont les inté-
rêts seraient en conflit avec les intérêts privés de L'État intéressé. Pour la référence à cet arrêt, voir Commis-
sion du Droit international des Nations Unies, Immunités juridictionnelles des États et de leurs biens - Informa-
tions et documentation présentées par les gouvernements : Additif sujet : Immunités juridictionnelles des États
et de leurs biens, Document : A/CN.4/343/Add.2, 1981, 172P, spéc. p33
https://legal.un.org/ilc/documentation/french/a_cn4_343_add2.pdf (consulté en novembre 2021)
144

publiques de développement soumettent leurs litiges à des tribunaux nationaux lorsqu’ils contrac-
tent avec des entités privées. Cela se justifie par des aspects pratiques et d’efficacité. Notamment
lorsque les garanties liées au prêt ou l’investissement concerné se trouvent dans l’État dont le choix
des tribunaux sera adopté. Cela facilitera par exemple les saisies exécutions, l’opposabilité de
l’hypothèque, ou la saisie immobilière.

Dans le cas des prêts consentis par les institutions internationales publiques aux États et aux entités
publiques, la question se complexifie, dans la mesure où aussi bien l’une que l’autre des parties bé-
néficient d’immunités de juridiction et d’exécutions en vertu du droit international. De plus,
l’immunité bénéficie également aux banques et autres personnes privées agissant comme agent de
l’État emprunteur. Dès lors, l’on comprend que les prêteurs incluent dans les accords de prêts des
clauses par lesquelles les États renoncent à leur immunité de juridiction en cas de différend sur les
obligations y afférents. En outre, lorsqu’une solution amiable n’est pas trouvée, l’arbitrage est la
solution largement usitée pour trancher les différends survenant dans les prêts entre les institutions
publiques de financement du développement et les États ou leurs entités publiques. Cette pratique
se justifie également par la rapidité, la discrétion et la simplicité de la procédure arbitrale. Qui plus,
Monsieur Delaume fait remarquer qu’il n’existe pas de juridiction judiciaire au niveau international
pour connaître de tels différends, la CIJ n’étant compétente d’après son statut que pour les diffé-

En droit Français, Jusqu’au vingtième siècle, l’immunité de juridiction de l’État étranger a été considérée
comme absolue, sans qu’il ne soit fait de distinction selon la nature des actes de l’État étranger évoqués devant
les tribunaux français. Cette jurisprudence est illustrée notamment par l’arrêt de la Cour de cassation du 22
janvier 1849 Voir, Cass. 22 janv. 1849, Gouvernement espagnol c/ lambège, in Alain Pellet, Alina Miron, les
grandes décisions de la jurisprudence française de Droit International Public, Dalloz, 2015, 784P ;
Néanmoins, cette posture de l’immunité absolue sera remise en cause dans le droit français, voir Procureur
Général de la Cour de cassation c/ Vestwig et autres" (Req. 5 février 1946 - Sirey 1947.1 p. 137) ; voir aussi cass.
19 décembre 1961, société Bauer Marchal c. Ministre des finances de Turquie J.C.P, 1962, II, 12489. La cour de
cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de paris (29 janv., 1957, J.C.P. 1957, II, 19779 ; Clunet 1957, 392) qui
avait estimée que relativement aux bonds émis par la ville de Constantinople et garantis par le gouvernement
turque, bien que le débiteur principal (la ville) soit assujetti à la juridiction des tribunaux français, l’État de
Turquie en tant que garant pouvait invoquer son immunité de juridiction en ce sens que le fait d’avoir accepté
de garantir un prêt ne constituait pas un renoncement à son immunité de juridiction. En se prononçant ainsi, la
cour d’appel n’avait pas caractérisé la nature d’acte jure imperii excluant le caractère d’acte jure gestionnis.
L’arrêt subséquent de la cour d’appel de renvoi (C.A. ROUEN, 10 février, 1965, 655) retint qu’il s’agissait en
l’espèce d’un acte jure gestionis et que l’État turque ne pouvait invoquer son immunité de juridiction en la
matière.
Pour plus de détails sur l’évolution de la notion et la distinction opérée entre les différents actes en matière
d’immunité des États, voir cass, mixte, Mme Naira c Ecole Saoudienne de Paris et autre, n°0045-629, n° 00-
45.630, arrêt N° 220 du 20 juin 2003. disponible sur
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007047239 ; voir également la note du
premier avocat général M. Régis de Gouttes sur le site de la cour de cassation : et le rapport de la cour de cas-
sation de 2003 pp 219-235
https://www.courdecassation.fr/files/files/Publications/Rapport%20annuel/rapport-annuel_2003.pdf (consulté
en novembre 2021) ; voir également G. R. Delaume, legal aspects of international lending and economic deve-
lopment financing Op. Cit. P154 et S. ;
145

rends impliquant des États334. Les institutions internationales de financement font figurer dans leurs
accords des clauses compromissoires.

Ainsi, la section 8.04 des conditions générales applicables aux prêts de la BIRD prévoit que « Tout
différend entre les parties à l’Accord de Prêt ou à l’Accord de Garantie, ou toute revendication formu-
lée par une partie à l’encontre d’une autre partie en vertu de l’Accord de Prêt ou de l’Accord de Ga-
rantie, qui n’a pas été réglé à l’amiable entre les parties, est soumis à l’arbitrage d’un Tribunal Arbi-
tral… »335 « Les dispositions de la présente Section concernant l’arbitrage tiennent lieu de toute autre
procédure pour le règlement de tout différend entre les parties à l’Accord de Prêt et à l’Accord de
Garantie, ou de toute revendication relative auxdits Accords formulée par une partie à l’encontre
d’une autre partie. »336.

Les conditions générales relatives aux prêts de l’IADB, de l’ADB, de la BERD, de la BAD prévoient des
dispositions similaires.337Certains accords de prêts de la BOAD prévoient que tout différend ou toute
revendication entre les parties (personnes publiques) qui ne sera pas réglé à l’amiable ou par tout
autre mode de règlement sera soumis aux fins de règlement définitif au conseil des ministres de
l’UEMOA et en dernier ressort à celui de la conférence des chefs d’États et de gouvernements de
l’union.338

Quant au droit applicable à la procédure arbitrale, d’une manière générale les conditions générales
applicables aux accords de prêts optent pour le droit international public.

La Banque Européenne pour la reconstruction et le développement (ci-après BERD) précise expres-


sément dans ses statuts qu’en cas de différend relatif à l’accord de prêt et dans la mesure où
l’arbitrage intervient dans la résolution dudit différend, le droit international public sera applicable.
Cette disposition est contenue dans la section 8.04 des conditions générales relatives aux prêts de la
BERD. Lesdites conditions générales précisent par la suite que la loi applicable pour le règlement des
différends est le droit international et citent nommément à cet effet, les sources dont le tribunal

334
Voir art 34 du statut de la CIJ ; voir également : DELAUME Georges R., Ibid.
335
Conditions générales applicables aux prêts de la BIRD, 2012, Op. Cit. Section 8.04.a
336
Idem , Section 8.04.j
337
IADB : voir art 9 des conditions générales “ordinary capital policy-based loans republics or other public enti-
ties” et art 12 “ general conditions for investment loans chargeable to ordinary capital resources for republics
and other entities with sovereign guarantee” ; versions de mai 2016
ADB : art 10.04.g “ordinary operations (concessional) loan regulations”; art 10.03, “ Externally Financed Grant
Regulations »; art 11.04.g “Ordinary Operations Loan Regulations”; versions de janvier 2017
BAD : section 10.04 « Conditions générales applicables aux accords de prêt, de garantie et de dons de la
Banque Africaine de Développement et du Fonds africain de développement », version de février 2009.
BERD : section 8.04 des conditions générales applicables aux prêts, version de 2012

338
Voir conditions générales applicables aux accords de prêts de la BOAD, art XV, version de Mars 2000
146

arbitral devra tenir compte.339 On retrouve des dispositions identiques dans les conditions générales
de prêt de l’ADB et de la BAD340. Quant à l’IADB, l’art 9 de la condition générale précise que le tribu-
nal arbitral statue Ex aequo et Bono341.

La sentence arbitrale est définitive. Son exécution doit se faire de bonne foi. Néanmoins, l’exécution
d’une sentence arbitrale dans le cas de cette relation spécifique peut poser quelques questions.
D’une part les différentes parties (État et organisations internationales) bénéficient de privilèges et
d’immunités d’exécution342. L’exécution des sentences arbitrales pourraient se heurter à celles-ci.
Bien entendu, à l’occasion de la procédure arbitrale, comme le prévoient les articles 18 et 19 de la
convention des nations unies sur les immunités juridictionnelles des États, les États peuvent renoncer
spécifiquement, par écrit à leurs privilèges sur certains biens à l’occasion de la procédure arbitrale343.
Par ailleurs, les statuts des banques multilatérales de développement prévoient en général que les
États membres ne peuvent pas les attraire devant les tribunaux344. Il apparaît en vertu de ces règles

339
Section 8.04.b.Vi (tel que traduit par nous ; le document officiel étant écrit langue Anglaise) le tribunal
arbitral devra appliquer le droit international public, dont les sources à retenir pour la cause incluent : A)
l’accord établissant la BERD et toutes obligations pertinentes émanant des traités liant réciproquement les
parties B) les dispositions appropriées de toutes conventions internationales et traités (liant directement ou
non les parties) généralement reconnues comme étant codifiées ou ancrées en tant que règles contraignantes
coutumières applicables aux États et aux institutions financières internationales. C) d’autres formes de cou-
tumes internationales, y compris la pratique des États et des institutions financières internationales, ayant un
caractère général, régulier, et une longévité de sorte à créer des obligations juridiques, et D) les principes géné-
raux du droit en vigueur.
340
Voir références aux articles note de bas de page N°337
341
Idem
342
Voir conventions des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États (art 19) ; convention sur les
immunités et privilèges des institutions spécialisées art III. ; voir aussi les statuts des différentes Banques multi-
latérales de développement.
343
Article 19
Aucune mesure de contrainte postérieure au jugement, telle que saisie, saisie-arrêt ou saisie-exécution, ne
peut être prise contre des biens d’un État en relation avec une procédure intentée devant un tribunal d’un
autre État excepté si et dans la mesure où :
a) L’État a expressément consenti à l’application de telles mesures dans les termes indiqués :
i) Par un accord international ;
ii) Par une convention d’arbitrage ou un contrat écrit ; ou
iii) Par une déclaration devant le tribunal ou une communication écrite
faite après la survenance du différend entre les parties; ou b) L’État a réservé ou affecté des biens à la satisfac-
tion de la demande qui fait l’objet de cette procédure; ou c) Il a été établi que les biens sont spécifiquement
utilisés ou destinés à être utilisés par l’État autrement qu’à des fins de service public non commerciales et sont
situés sur le territoire de l’État du for, à condition que les mesures de contrainte postérieures au jugement ne
portent que sur des biens qui ont un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée.
344
Voir statut de la New Development Bank (NDB) art 30 et 31 ; Voir statut de l’IADB, art 11 section 3 para-
graphe 2, Statut de la BIRD par exemple, l’art VII, section 3 du statut de la BIRD
-Section 3- Situation de la Banque au point de vue des poursuites judiciaires :
La Banque ne peut être poursuivie que devant un tribunal ayant juridiction sur les territoires d’un État-membre
où elle possède un bureau, a désigné un agent chargé de recevoir les significations ou notifications de somma-
tions ou a émis ou garanti des titres. Aucune action judiciaire ne pourra cependant être intentée par des États-
membres ou par des personnes agissant pour le compte desdits États, ou faisant valoir des droits cédés par
ceux-ci. Les biens et avoirs de la Banque où qu’ils soient situés et quel qu’en soit le détenteur, seront à l’abri de
147

que seuls les créanciers et partenaires privés de la Banque peuvent demander des mesures
d’exécutions aux tribunaux nationaux pour l’exécution d’une sentence arbitrale à l’encontre de
l’institution de financement. Néanmoins, à rebours de ce principe général, le professeur Aaron
Broches estime que le consentement à un arbitrage peut être considéré ici comme une renonciation
de l’organisation à son immunité de juridiction en ce qui concerne la possibilité pour l’État de faire
exécuter la sentence arbitrale par le biais de n’importe qu’elle juridiction compétente345.

Quant aux institutions bilatérales de financement, on peut citer quelques exemples. Les termes stan-
dards applicables aux garanties de prêts souverains de l’USaid prévoient que l’arbitrage sera le mode
de règlement des différends d’après les termes de l’article 240.14 du titre 22 du code des régulations
fédérales (CFR)346. Le lieu de l’arbitrage est Washington et la sentence peut être exécutée dans tous
tribunaux compétents (y compris non américains).

toute forme de saisie, d’opposition ou d’exécution tant qu’un jugement définitif n’aura pas été prononcé contre
la Banque.
-Section 4 : Insaisissabilité des avoirs
Les biens et avoirs de la Banque, où qu’ils soient situés et quel qu’en soit le détenteur, seront à l’abri des perqui-
sitions, réquisitions, confiscations, expropriations ou toute autre forme de saisie de la part du pouvoir exécutif
ou législatif.
-Dans l’affaire Lutcher S.A. Celulose e Papel Candoi Parana Brazil v. Inter-American Development Bank, 28 mars
1966, la cour d’appel du district de columbia avait estimé que le statut de l’IADB, art XI section 3 ne pouvait
s’interpréter que, comme n’ouvrant des voies de recours qu’à ses seuls cocontractants privés dans le cadre de
ses relations commerciales extérieures. Aussi, si l’action du demandeur a été analysée dans le fonds et que la
cour a reconnue sa compétence, en dépit de l’immunité de juridiction de ladite Banque, c’est justement parce
qu’elle a, dans ses statuts levé son immunité envers ses partenaires privés. De surcroît, la cour a estimé qu’une
telle interprétation est compatible avec les intérêts de la Banque.
Elle confirme cette approche dans un raisonnement inverse. Voir United States Court of Appeals, District of
Columbia, Mendaro contre Banque Mondiale, 27 septembre 1983. la cour confirme le jugement de première
instance en rejettant les arguments de Madame Mendaro (qui poursuit la banque en temps qu’employée pour
un cas de harcèlement sexuel et le fait que le statut de consultante lui soit injustement refusé), en se déclarant
incompétente, du fait que les voies d’actions contre la banque (BIRD) ouverte dans le statut ne concernent que
les investisseurs privés et les transactions commerciales de la Banque.
En suivant ces raisonnements, et s’agissant de la fermeté de l’immunité qui semble claire vis-à-vis des États,
madame Marta Meireless estime qu’il y a un paradoxe. Puisque l’OIG lève son immunité dans ses relations
commerciales envers les particuliers, pour le bon fonctionnement de ses activités, il n’y a aucune raison
d’admettre que les États s’engageraient dans des relations d’affaires envers la Banque s’ils estimaient être
totalement à sa merci. Voir Marta de castro Meireles, The World Bank Procurement regulations: a critical
analysis of the enforcement mechanism and of the application of secondary policies in financed projects, thèse
de doctorat, Université de Nottingham, 2006, 378P, pp 32 et S.
345
A. Broches, « international legal aspects of the operation of the World bank », Op. Cit. P 374
346
CFR 22, 240.14 : “Any controversy or claim between USAID and any Noteholder arising out of this Guaran-
tee shall be settled by arbitration to be held in Washington, DC in accordance with the then prevailing rules of
the American Arbitration Association, and judgment on the award rendered by the arbitrators may be entered
in any court of competent jurisdiction.”
148

Dans le même sens, les accords conclus entre les différents États et l’État Français pour le compte de
l’Agence Française de Développement prévoient la résolution des différends nés des activités de
l’AFD en lien avec l’accord par voie de négociation ou de consultation entre les parties.347

En définitive, il apparaît que l’accord de prêt, étape cruciale du cycle de projet, renferme de par sa
nature des caractéristiques qui influencent directement le projet de développement et détermine le
positionnement des États face aux institutions prêteuses. Il trouve lui-même son rattachement dans
le droit international public (pour les institutions multilatérales) ou dans le droit des États prêteurs
dans l’hypothèse des prêts bilatéraux, tout en comportant des règles fonctionnelles qui rattachent le
règlement de certaines questions à d’autres ordres juridiques. Quant au règlement des différends qui
en émanent, la voie diplomatique et amiable, est la plus usitée, du fait des relations continues et
indispensables entre les institutions prêteuses et les États bénéficiaires. Quoique prévue dans les
accords, l’arbitrage reste rarement sollicité pour régler les différends émanant de l’accord de prêt.
Nous avons également évoqué les questions complexes qui émergent de l’exécution des sentences
arbitrales du fait des immunités qui couvrent les activités des organisations internationales.

L’accord de prêt précité n’est pas le seul instrument qui régit les relations entre les institutions multi-
latérales et bilatérales de financement du développement et les États en développement. Il fait réfé-
rence en pratique à d’autres types de règles qui sont considérées comme intégrées à lui. Celles-ci ont
un contenu plus directif qui impacte directement les objectifs et la mise en œuvre des MPI. Il s’agit
notamment des directives et des autres réglementations opérationnelles.

Paragraphe 2- Les directives et réglementations opérationnelles orientant la procédure

Nous distinguerons d’une part les directives relatives à la passation des marchés et d’autre part les
directives opérationnelles ayant une incidence sur le processus de marché public.

I- Les directives de passation des marchés des institutions de financement348

347
Voir par exemple, l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République de Cuba relatif à l'établissement et aux activités de l'Agence Française de Développement et de
Proparco dans la République de Cuba, signé à La Havane le 29 juillet 2016. article 11.3 « Tout différend entre
les Parties sur l'interprétation ou l'application du présent Accord, des accords complémentaires ou de toute
question relative au Groupe AFD, au Bureau de représentation ou aux relations entre Cuba et la France en
liaison avec le présent Accord, sera résolu à l'amiable au moyen de négociations directes par voie de consulta-
tions ou de négociations entre les Parties. » ; l’article 10.3 de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de Géorgie relatif à l'établissement et aux activités de l'Agence Française de
Développement et de la Société de promotion et de participation pour la coopération économique en Géorgie,
signé à Tbilissi le 13 mai 2014 prévoit des dispositions similaires
149

Chaque accord de prêt peut déterminer de façon plus spécifique les modalités de passation et
d’exécution des marchés publics ; ainsi, dans l’accord de prêt du 7 septembre 1988, du crédit n° 1938
accordé à l’État malien par l’AID, l’annexe 3 est consacrée aux règles de passation des marchés de
bien et de travaux. Sa partie A, précise qu’à l’exception des dispositions de la partie C (qui admet
d’autres types de procédures négociées et à un échelon local conformément au paragraphe 3 des
directives et à la satisfaction de l’AID), les fournitures seront acquises en conformité avec les sections
I et II des directives de passation de marchés de la Banque Mondiale. Il y est également précisé le
seuil de prix à prendre en compte pour chaque appel d’offre de travaux349.

L’application des directives sur les marchés ou de règles de passation jugées acceptables (en général
répondant aux mêmes principes et surtout admis pour les emprunteurs privés) emporte une con-
trainte pour les personnes publiques bénéficiaires de prêts. Le respect de la directive est obligatoire
car cela constitue une condition d’annulation de l’engagement financier de l’institution de finance-
ment.350

Pourtant, il n’existe pas à proprement parler une mention des directives dans les statuts des banques
de Développement. Toutefois, en pratique, la détermination des directives de passation de marchés
par la Banque se conçoit en vertu du rôle statutaire qui est dévolu à celle-ci de de veiller « à ce que
le produit d’un prêt soit consacré exclusivement aux objets pour lesquels il a été accordé, compte
dûment tenu des considérations d’économie et de rendement et sans laisser intervenir des in-
fluences ou considérations politiques ou extra économique »351. À ce titre, l’accord de prêt établit

348
Nous précisons que s’agissant des directives de la Banque Mondiale en matière de passation de marché,
nous nous référons à la directive la plus récente dénommée « Règlement de passation des marchés pour les
emprunteurs sollicitant le financement de projets d’investissements- passation des marchés dans le cadre du
financement de projets d’Investissement- Fourniture, travaux, services autres que des services de consultants
et services de consultants ». Celle-ci date de 2016 (et a des versions ultérieures révisées) et a vu le jour dans le
cadre de la réforme des règles. Toutefois, nous nous référerons également aux directives qui l’ont précédé,
d’une part parce que certaines s’appliquent toujours aux projets qui se sont déroulé sous leur empire et
d’autre part, parce qu’elles sont explicites sur certains sujets dans leur rédaction. Il s’agit notamment de la
directive de 2011 et de sa version révisée de 2014.
349
Voir, Republic of MALI-IDA, developement credit agreement (public enterprise institutional development
project) , number 1938-MLI, september 7th, 1988
350
« La Banque ne finance pas les dépenses effectuées au titre des marchés de fournitures et de travaux qui
n’ont pas été passés conformément aux dispositions de l’Accord de prêt et détaillées dans le Plan de passation
des marchés. Dans ces cas, la Banque déclare la passation de marché non conforme et elle a pour principe
d’annuler la fraction du prêt affectée aux fournitures et aux travaux qui n’ont pas été acquis conformément à
ces procédures. La Banque peut en outre exercer d’autres recours prévus dans l’Accord de prêt. Même lorsque le
marché est attribué après émission de « l’Avis de non-objection » de la Banque, la Banque peut encore déclarer
la passation de marché non conforme si elle conclut que « l’Avis de non-objection » a été émis sur la base
d’informations incomplètes, inexactes ou trompeuses fournies par l’Emprunteur ou que les termes et conditions
du marché ont été modifiés sans l’approbation de la Banque. » Voir section 1.12 Directives travaux et section
1.14 directives consultant, version 2014
351
Statuts de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, Article III, Section 5 (b) et
les Statuts de l’AID, Article V-Section 1(g)
150

clairement que les marchés passés en application dudit accord seront soumis aux procédures de
l’institution de financement352. Dans ce sens, en tant que responsable de l’exécution du projet, il
incombe à l’emprunteur de respecter les directives relatives à la passation des marchés émises par
ladite institution. Ainsi, les directives sont justifiées d’une part par des impératifs de bonne gestion et
d’efficacité économique qui eux-mêmes passent par le respect de conditions de transparence. En
outre la directive constitue un moyen pour la banque de s’assurer que tous les soumissionnaires
éligibles (qu’ils viennent de pays en développement ou de pays développés) jouissent du même ni-
veau d’information et de chances égales de concourir pour l’adjudication des marchés de fourni-
tures, de travaux et de services qu’elle finance. Par ailleurs, la directive est dépeinte par les institu-
tions de financement comme un moyen d’encourager l’entreprenariat local et les fabricants du pays
de l’emprunteur.353

Il importe alors de se demander ce qu’est une directive, son rôle et son fonctionnement.

La directive consiste en un corpus de règles, de « politiques »354 qui déterminent les modalités selon
lesquelles une procédure doit se dérouler. Elle détermine les conditions et le cadre général auquel
sont soumis les différents marchés passés dans le cadre de l’accord de prêt et du projet dont il assure
le financement. À ce titre, eu égard à la diversité des types de marchés et des procédures, la directive
de passation de marchés contient différentes rubriques. Elle est un élément de l’accord de prêt, mais
se distingue de celui-ci. L’accord de prêt régit les relations juridiques entre l’Emprunteur et la
Banque, et les directives s’appliquent à la passation des marchés de fournitures, de travaux et de
services requis pour le projet dans les conditions fixées par l’accord. Les droits et obligations entre
l’emprunteur et les soumissionnaires/titulaires des marchés de fournitures, de travaux et de services
sont régis par les dispositions des dossiers d’appel d’offres et des contrats conclus entre
l’emprunteur et les titulaires des marchés de fournitures, de travaux et de services.

À côté de celles-ci, on note que les marchés de consultants sont régis par des règles spécifiques in-
corporées dans les directives ou faisant l’objet de directives spécifiques, selon les institutions355. Les
marchés de consultants sont des marchés particuliers dans la mesure où l’élément central considéré
n’est pas toujours l’efficacité économique. En prenant l’exemple de la directive relative au marché de
consultant de la Banque Mondiale, il apparaît que, « La Banque estime que, dans la majorité des cas,

352
Voir par exemple, l’accord de prêt N° 8724-MA de la BIRD au Royaume du MAROC signé le 16 juin 2017,
annexe 2 section 3
353
Voir Directives de passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (autres que les services de
consultants) par les emprunteurs de la Banque Mondiale dans le cadre des prêts de la Bird et des crédits et
dons de l’AID, Janvier 2011, révisé en 2014.
354
Vocable utilisé dans les directives de passation de marchés de la BIRD, version 2014
355
Voir pour la Banque Mondiale, règlement de passation des marchés, Banque Mondiale, Op. Cit. Section VII,
version 2016 ;
151

le meilleur moyen de prendre en compte ces considérations est de mettre en concurrence des consul-
tants qualifiés en utilisant une liste restreinte, puis de choisir entre eux sur la base de la qualité tech-
nique de la proposition et, le cas échéant, du coût des services devant être fournis. ». La présence
d’une firme sur cette liste ne constitue pas une condition sine qua none pour la sélection d’un con-
sultant. Néanmoins, la banque doit préalablement valider la liste restreinte de consultants établie
par l’emprunteur aux fins de la pré-qualification. Aussi, les directives prévoient selon la méthode de
qualification retenue des critères de pondération des notes des soumissionnaires qui offrent des
pourcentages variables et adaptés. On note plusieurs méthodes de sélections. La plus usitée est la
sélection fondée sur la qualité et le coût (SFQC)356. Il y a aussi la sélection fondée sur la qualité357, la
sélection dans le cadre d’un budget déterminé358, la sélection au « moindre coût »359, la sélection
fondée sur les qualifications des consultants360, la sélection par entente directe361. S’agissant des
marchés de consultants, la Banque Mondiale encourage le développement et l’utilisation des consul-
tants nationaux dans les pays en développement.

Aussi, chaque accord de prêt est accompagné d’un plan de passation de marché que l’institution de
financement approuve362. Celui-ci établit la chronologie et spécifie les différents marchés à passer
dans le cours du projet. Le plan de passation des marchés précise la méthode (type de procédure de
marché) qui sera appliqué dans chaque cas.

La directive détermine les conditions d’éligibilité aux marchés, les règles relatives aux soumissions
par les groupements d’entreprises, les règles relatives aux sanctions des cas de fraude et de corrup-
tion. De même, la directive détermine les différents types d’appels d’offres et leurs procédures res-

356
Voir section 2 directives consultants, 2011-version 2014.
357
Section3.2, idem
358
Section 3.4, idem
359
Section 3.6
360
Section 3.7
361
Section 3.9
362
« Le Plan de passation des marchés, ainsi que ses mises à jour, doivent établir au minimum i) une brève
description des fournitures, des travaux et/ou des services (autres que les services de consultants) nécessaires
au projet et devant faire l’objet d’une procédure de passation pendant la période en question ; ii) les méthodes
de passation des marchés proposées telles qu’autorisées dans l’Accord de Prêt ; iii) toute disposition relative à
l’application de la marge de préférence conformément au paragraphe 2.55 ; iv) les exigences et les seuils des
examens effectués par la Banque ; et v) le calendrier des procédures de passation principales, et toute informa-
tion que la Banque peut raisonnablement demander. Les marchés similaires et de taille réduite peuvent être
groupés. Pour les projets ou leurs éléments qui sont déterminés par les besoins, tels que le Développement
communautaire participatif (DCP) ou l'Approche sectorielle élargie (Swaps), etc., lorsque des marchés précis ou
leurs calendriers ne peuvent pas être établis à l'avance, un modèle adéquat de Plan de passation des marchés
doit être convenu avec la Banque pour la supervision et l'exécution de la procédure de passation. Si le Projet
prévoit la sélection de consultants, le Plan de passation des marchés doit aussi inclure les méthodes de sélec-
tion des consultants en application des Directives pour la sélection et l'emploi de Consultants par les Emprun-
teurs de la Banque dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et des Dons de l'AID » art 1.18, Directives
marchés de la BM, Version 2014
152

pectives. Elle contient également des dispositions sur le dossier d’appel d’offres (la pratique consacre
des dossiers-types d’appels d’offres – DTAO-. Section 2 directives). La directive se prononce sur le
droit applicable au règlement des litiges entre l’emprunteur et le contractant attributaire du marché
(point 2.43) pour lesquels elle requiert outre les modes de conciliation et de médiation, le recours à
l’arbitrage sauf si elle-même consent à une dérogation expresse pour des motifs justifiés tels que
« l'équivalence des dispositions nationales et des procédures d'arbitrage ou lorsque le marché a été
attribué à un soumissionnaire du pays de l'Emprunteur ». La directive se prononce sur les conditions
d’application des règles de préférence et leurs barèmes. En outre, elle énonce les règles relatives aux
prérogatives de contrôles et de suivi effectués par la Banque.363

Quant aux procédures de passations, l’appel d’offre international ouvert est considéré comme la
procédure normale, et celle recommandée. Dans cette perspective, l’obligation de publicité incom-
bant à l’emprunteur implique l’émission d’un avis d’appel d’offres qui sera publié dans au moins un
journal national et le portail internet de l’autorité chargée des marchés publics aux fins d’une consul-
tation libre et gratuite. En plus, la Banque Mondiale publie l’avis d’appel d’offres dans sa revue, le
« development business online » et sur son site internet. D’autres méthodes telles que l’appel
d’offres international restreint, l’appel d’offres national (pour les cas ou en raison de sa nature et de
son ampleur, le marché ne serait pas intéressant pour des candidats étrangers), la consultation de
fournisseur dans le cas des produits et services d’un montant très limité, l’accord-cadre, l’entente
directe , la régie, le cas des marchés passés directement auprès d’institutions des nations unies ap-
pliquant une procédure propre jugée adéquate, la passation de marchés dans le cadre de partena-
riats publics-privés.

Le guide pratique des marchés financés par le budget européen et le Fonds Européen de Dévelop-
pement contient des procédures similaires364. D’une manière générale, les directives des institutions
de financement du développement en matière de passation des marchés sur les financements
qu’elles octroient contiennent les mêmes procédures. On y distingue toujours notamment, la procé-
dure de passation ouverte, celles restreintes avec une préqualification et les autres procédures spé-
ciales.

Il est intéressant de noter que la directive relative à la passation des marchés de travaux et des four-
nitures et celle relative à la sélection des consultants (de la Banque Mondiale) contiennent des

363
Voir directive consultants section 1.14 ; directives travaux et fournitures, section 1.11 (versions 2014)
364
Voir Procurement and Grants for European Union external actions – A Practical Guide (PRAG) point 2.5.1-
version août 2018
153

clauses portant sur la fraude et la corruption.365 Elles imposent notamment aux différentes parties
prenantes (Emprunteurs -y compris les bénéficiaires de ses prêts- ainsi qu’aux soumissionnaires,
fournisseurs, entrepreneurs et leurs sous-traitants) « d’observer, lors de la passation et de l’exécution
de ces marchés, les règles d’éthique professionnelle les plus strictes ». Dans ce sens, des sanctions
sont prévues pour punir tout acte de corruption. La Banque se réserve alors le droit de rejeter la
proposition d’attribution entachée de corruption, d’annuler la fraction du prêt attribuée à un mar-
ché, de sanctionner une entreprise en l’excluant temporairement ou définitivement de tous les mar-
chés financés par elle, faire auditer les documents et comptes des soumissionnaires. Nous revien-
drons plus en détails sur les questions liées à la corruption dans les MPI dans le titre 2 (voir les pages
281 et s.).

L’obligation pour les emprunteurs de respecter les directives de passation de marchés des institu-
tions de financement n’échappent pas à certaines critiques.

Ainsi, il est formulé le reproche selon lequel l’application des directives et la supervision de la banque
sur chaque étape de la passation des marchés alourdit en retarde le processus. De même, le respect
des procédures a un coût qui peut être prohibitif pour des opérateurs nationaux qui bien qu’ayant
les moyens d’exécuter le marché lui-même ne peuvent pas supporter ce coût. D’autres critiques con-
cernent le fait que l’appel d’offre ouvert international soit la procédure normale, car, elle privilégie
les investisseurs étrangers ; ceux-ci étant dotés de moyens et de technologies supérieures. Il est vrai
que cela permet d’apporter une qualité supplémentaire dans l’exécution des marchés alloués, mais
en définitive, s’il n’y a pas de transfert de connaissance et de technologies, les dépenses de l’État à
travers ses marchés publics, ne lui permettent pas d’asseoir les bases d’une économie autonome à
long terme.

Par ailleurs, bien que les institutions de financement supervisent et orientent le processus à travers
leurs directives opérationnelles, elles n’assument aucune responsabilité quant à la mise en œuvre de
la procédure. Les plaintes éventuelles des soumissionnaires et les différends surgissant des obliga-
tions contractuelles liées à l’exécution du marché sont soumis à des procédures internes de règle-
ment des différends et celles prévues dans les contrats concernés. Pourtant, l’action de la banque au
regard de ses dispositions anti-corruption et son contrôle de la procédure emporte une incidence sur
la validité et l’exécution du contrat passé entre l’emprunteur et l’entreprise attributaire du marché.
C’est le cas par exemple lorsqu’elle annule une fraction du prêt allouée au marché, ou qu’elle fait
auditer (par le biais d’une clause qu’elle oblige les parties à insérer dans leur contrat afin d’en avoir

365
Voir section 1.14 directive passation de marché et fournitures et section 1.22 directive sélection de consul-
tants, version 2014 ; règlement de passation, section 3.32 et annexe IV, version 2016 révisée en 2018.
154

l’autorisation) les documents comptables de l’entreprise co-contractante de l’emprunteur. Cette


position est critiquée par une partie de la doctrine366.

À titre de comparaison, notons que dans le cadre de l’aide au développement de l’union Euro-
péenne, il existe des cas où la commission européenne est le pouvoir adjudicateur. Dans ces circons-
tances, il a été admis la possibilité d’engager sa responsabilité devant la cour de justice de l’union
européenne367. Pour faire évoluer sa jurisprudence sur ce point, la cour de justice s’est fondée sur les
dispositions de l’article 173 du traité sur l’Union Européenne : « Toute personne physique ou morale
peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire,
et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adres-
sée à une autre personne, la concernent directement et individuellement »368. Il importe d’observer
dans les cas d’espèces que, les décisions attaquées (quoique relevant de relations contractuelles
entre les États et organismes bénéficiaires des prêts et les entreprises impliquées dans le processus
de marchés publics) émanaient directement de la commission européenne et influençaient
l’attribution du marché au requérant de telle sorte que la décision d’attribution en la faveur du re-
quérant soit annulée au profit d’un autre soumissionnaire (notamment dans l’affaire Geotronics SA v.
EC Commission).

Sur la même question, S’agissant du financement accordé par l’agence d’aide bilatérale des États-
Unis (USAid), la règle générale est que les contrats passés dans le cadre du marché financé par elle
ne peuvent faire l’objet de recours que selon les clauses contractuelles et que la responsabilité de
l’institution ne peut être engagée à ce titre. Néanmoins, il existe des affaires dans lesquelles, un re-
cours en annulation d’une décision ayant un effet direct sur le soumissionnaire a été jugé recevable
par les juridictions américaines.369

366
Voir par exemple, S Arrow Smith, John Linarelli and Don Wallace Jr., regulating public procurement, national
and international perspectives, Kluwer law international, 2000, 856P, pp 147 et s.
367
La cour de justice de l’union Européenne avait elle aussi pendant longtemps insisté sur le fait que les rela-
tions entre les soumissionnaires et les États bénéficiaires ne pouvaient engager la responsabilité de la commis-
sion même lorsqu’elle avait pris des décisions pouvant influencer le cours de la procédure. Voir les affaires
suivantes : Cas 126/83, STS Consorzio per Sistemi di Telecomunicazione vis Satellite SpA c EC Commission, 1984
ECR 2769 ; Cas C-257/90, Italsolar SpA c EC Commission, 1993 ECR I-0009 ; C-182/91 Forafrique Burkinabé SA c
EC Commission, 1993 ECR I-2161. Cette position a évolué notamment au vu de certaines affaires. La cour a
notamment estimé que la lettre adressée à la requérante (située dans l’UE) par la commission avait des effets
juridiques contraignants et directs sur celle-ci, de telle sorte qu’elle était admise à former un recours en annu-
lation au titre de l’article 173 du traité de Maastricht. Cette lettre remettait en cause l’attribution déjà acquise
du marché à la requérante. Voir notamment les affaires C-395/95, Geotronics SA v. EC Commission, 26 octobre
1995 ; C-386/96, DREYFUS c Commission, 5 mai 1998.
368
Article 265 TCE
369
Dans cette affaire, le bureau de l’agence d’aide à Washington a considéré que la société requérante ne pou-
vait pas obtenir le marché, alors même que son bureau régional, les cosignataires de l’accord de prêt (la
Banque centrale américaine pour l’intégration économique en tant qu’intermédiaire du financement, le gou-
155

In fine, pour revenir à la Banque Mondiale et à ses directives opérationnelles, il convient de men-
tionner, que la supervision de la banque s’étend en cas de cofinancement aux règles applicables aux
portions des marchés cofinancés par elle. Dans ce sens, elle s’assure que les règles sont satisfaisantes
pour elle. Ceci étant, la plupart des institutions de financements ont harmonisé leurs règles et procé-
dures en matière de passation de marché ; ce qui est de nature à réduire l’application d’une multipli-
cité de règles par l’emprunteur dans un même projet. L’application d’une multiplicité de règle peut
retarder l’exécution du projet et générer des coûts importants pour le bénéficiaire.

Les directives concernant directement les procédures de passation sont complétées par d’autres
directives opérationnelles qui traitent de questions qui doivent être prises en compte dans la phase
de préparation du projet, dans la détermination des critères de sélection , dans le contrat final, dans
le suivi et la phase post-exécution du marché.

II- Les autres règles opérationnelles

D’une manière générale, l’accord de prêt oblige les parties prenantes emprunteuses à se soumettre
aux directives et aux règles opérationnelles de l’institution de financement. Comme nous l’avons vu
précédemment, les directives sur la passation des marchés font parties de ces règles. À côté de
celles-ci, il existe de nombreuses autres directives et règles opérationnelles qui régulent les marchés
auxquels sont affectés les financements alloués. On peut également mentionner l’existence de dos-
siers-types et modèle-types qui sont mis à la disposition des emprunteurs dans le cours de la procé-
dure de marché. Dans certains cas, leur utilisation est obligatoire.370

Ces règles et dossiers-types sont des instruments contraignants par le truchement desquels les orga-
nisations internationales s’érigent en véritables législateurs. On peut, dans une certaine mesure les
comparer à des règles de droit administratif interne371. Ces règles emportent divers qualificatifs dont
celles de « directives », « politiques opérationnelles », « procédures ».

vernement du Nicaragua) avaient tous évalué positivement son offre. L’accord de prêt prévoyait que les deux
institutions prêteuses devaient approuver les attributions de contrat au titre dudit prêt. Voir notamment Us
Court of appeals, District of Columbia circuit, Constructores Civiles de Centroamerica S.A. v. John Hannah et al.,
459 F.2D 1183, N° 24357, 14 mars 1972. L’arrêt est disponible à l’adresse suivante :
https://openjurist.org/459/f2d/1183/constructores-civiles-centroamerica-v-hannah (consulté en novembre
2021)
370
Voir par exemple la mention relative au dossiers-types, section 2 des directives de passation de marchés de
la Banque Mondiale, version 2014 ; voir également Règlement de passation version 2016
371
Voir notamment Daniel D. Bradlow et Andria Naudé Fourie, The Evolution of Operational Policies and Proce-
dures at International Financial Institutions: Normative Significance and Enforcement Potential, International
law association: Study Group: Responsibility of International Organisations, American University Washington
College of Law, working papers , avril 2011, disponible à l’adresse :
https://digitalcommons.wcl.american.edu/do/search/?q=The%20Evolution%20of%20Operational%20Policie
s%20and%20Procedures%20at%20International%20Financial%20Institutions%3A%20Normative%20Significa
156

Il n’y a pas de hiérarchie établie au sujet de ces règles. Toutefois, il apparaît que, d’une manière gé-
nérale, certains documents sont plus détaillés que d’autres et édictent des étapes et des instructions
très spécifiques. C’est le cas des documents de politiques opérationnelles reconnus sous la dénomi-
nation de BP et OP à la Banque Mondiale. En revanche, les documents mettant en lumière les bonnes
pratiques fonctionnent comme des recommandations. D’ailleurs, le mandat du panel d’inspection de
la Banque Mondiale (qui est chargé de vérifier la conformité des activités de l’institution avec ses
propres directives et règles opérationnelles) exclut ceux-ci du champ de ses vérifications.372

En nous fondant sur les cas de la BM, de l’IADB, l’ADB, la BAD et la BERD, on peut constater que les
règles opérationnelles couvrent un domaine étendu selon les objectifs des institutions de finance-
ment et les conséquences possibles de leurs activités. Au nombre de celles-ci, on peut distinguer
dans toutes les institutions multilatérales ou bilatérales de financement, les politiques environne-
mentales373, les politiques de lutte contre la corruption et les règles relatives à l’éthique, les règles
relatives à l’information du public etc. On note également des règles spécifiques à certains types de
projets ou selon la région et le pays.

En outre, comme nous l’avons évoqué précédemment, la procédure de passation et d’exécution des
marchés se fonde sur de nombreux documents opérationnels dont certaines sont des règles internes
à l’institution de financement, tandis que certaines s’appliquent aux emprunteurs. Elles représentent
des instructions que doivent suivre les différentes parties prenantes lors de la procédure. Il s’agit
entre autres, notamment des manuels de supervision, les manuels de décaissement, qui fixent res-
pectivement les règles, formes, modalités et délais selon lesquels l’institution de financement assure-
ra la supervision du projet et le décaissement progressif des fonds alloués.

nce%20and%20%20Enforcement%20Potential&start=0&context=1039267&facet= consulté en novembre


2021
372
« For purposes of this Resolution, "operational policies and procedures" consist of the Bank's Operational
Policies, Bank Procedures and Operational Directives, and similar documents issued before these series were
started, and does not include Guidelines and Best Practices and similar documents or statements. » voir les
résolutions No. IBRD 93-10 et No. IDA 93-6 établissant le panel d’inspection. 22 septembre 1993, Paragraphe
12. ; voir également Résolutions des administrateurs No. IBRD 2020-0004 et No. IDA 2020-0003 sur le panel
d’inspection de la Banque Mondiale, le 08 Septembre 2020
373
Celles-ci peuvent comprendre plusieurs procédures opérationnelles couvrant différents domaines
d’interventions. Par exemple, les politiques environnementales de la Banque Mondiale impliquent 11 procé-
dures clés : l’évaluation environnementale (OP/BP 4.01), le plan d’action environnementale, les normes de
performance pour les activités du secteur privé, les procédures relatives à la sauvegarde des Habitats naturels
(OP/BP 4.04), les forêts (OP/BP 4.36), les plans relatifs aux peuples autochtones (OP/BP 4.12), les procédures
de sauvegarde ressources culturelles et matérielles OP/BP 4.11), les instructions relatives à la réinstallation
volontaire (OP/BP 4.12), les politiques relatives à la sécurité des barrages (OP/BP 4.37), les projets dans les
territoires sous litiges (OP/BP 7.60), les projets relatifs aux voies d’eau internationales OP/BP 7.50)
157

La diffusion au public de certaines directives et procédures opérationnelles constitue pour les institu-
tions de financement un moyen par lequel elles font valoir leur responsabilité sur des questions cru-
ciales. Il leur a souvent été fait le reproche de l’opacité dans leur responsabilité vis-à-vis de leurs
obligations quant aux conséquences des projets qu’elles financent. Cette critique étant renforcée par
le fait que ces organisations ne sont en général pas parties aux conventions relatives au droit de
l’homme et aux questions environnementales.374 En ce sens, la mise à jour régulière de ces manuels
et procédures permet de prendre en compte les leçons apprises et les suggestions émanant des par-
ties prenantes extérieures aux institutions de financement (tel que la société civile, les audits indé-
pendants). De plus, il s’agit pour elles de piloter la procédure de mise en œuvre du financement en
ce sens qu’elles édictent par ce biais des règles détaillées, prévisibles sur lesquelles peuvent se fon-
der l’efficacité recherchée.

Outre le fait qu’elles doivent être respectées par les États et les emprunteurs bénéficiaires, la mise
en œuvre des procédures opérationnelles se fait au niveau interne concernant les départements
opérationnels des institutions de financement elles-mêmes. En cas de non-respect de leurs propres
procédures, la plupart des institutions ont créé des instances qui ont pour mission d’enquêter sur de
telles allégations. C’est le cas de l’ « inspection panel » de la Banque Mondiale375, le « project com-

374
Tandis qu’elles sont fréquemment signataires des conventions internationales en matière économique et
financière.
R. Keohane établit une différence entre la responsabilité interne et celle externe des institutions internatio-
nales. Dans la seconde, il fait ressortir le fait que les conséquences de l’action interne se manifestent aussi à
l’extérieur de l’organisation interne de l’institution. Celles-ci pourtant n’ont pas tendance à vouloir se sou-
mettre à un contrôle. Néanmoins, l’asymétrie qui est créée par une telle situation ne peut se rétrécir que si
l’institution elle-même consent à prendre en compte dans son organisation interne les demandes émanant de
l’extérieur. voir notamment, Robert O. Keohane, Global Governance and Democratic Accountability, in David
Held and Mathias KoenigArchibugi, (éd.), Taming Globalization: Frontiers of Governance, Cambridge: Polity,
2003, pp. 130-59 ; RUTH W. GRANT ,ROBERT O. KEOHANE , Accountability and abuses of power in world poli-
tics, American political science review, vol 99, N° 1, février 2005 ; l’institution de ces mécanismes vient renfor-
cer l’importance de l’accès à l’information et procurer une voie de recours supplémentaire lorsqu’il y a eu un
manquement à cette obligation. Voir à ce sujet Marie Esther Lacuisse, Les mécanismes de plainte des banques
multilatérales de Développement comme voie d'accès à l'information Environnementale en Amérique latine :
limites et Conditions, dans Gautreau Pierre et Monheburrun Nitish (dir), Direito á informação ambiental na
América do sul, Brasilia, Presses de l’Université de Brasilia, 2016, publié sur HALArchives-ouvertes.fr, réf. <hal-
01314701>
375
« The Panel’s role 1. The Inspection Panel serves as an independent forum to provide accountability and
recourse for people affected by IBRD and IDA-financed projects. They can bring their concerns to the Panel in
the form of a written complaint. A complaint is referred to as a “Request for Inspection” and those who submit
a Request are referred to as “Requesters”. When it carries out an investigation, the Panel reports to the Board
on whether the harm, as alleged by the Requesters, has totally or partially resulted from failure of the Bank to
comply with its policies and procedures, including social and environmental safeguard policies, during design,
appraisal and implementation of Bank-financed projects (also where the Bank is alleged to have failed in its
follow-up on the borrower's obligations under loan agreements with respect to such policies and proce-
dures).”, voir : the Inspection Panel, Worldbank, Operating procedures 2021, point 1.1
158

plaint mechanism » de la BERD, la division de la conformité et de la réglementation à la BOAD376, le


« compliance advisor ombudsman » à la SFI et l’AMGI, le mécanisme indépendant de consultation et
diInvestigations de la BID377. La vérification par des entités internes d’évaluation du respect par les
institutions de financement de leurs propres procédures concourt à une plus grande responsabilisa-
tion de leur part. Ainsi, toutes les institutions accordent une importance capitale à la publication des
procédures et politiques opérationnelles comme un gage de transparence qui renforce la crédibilité
de leur engagement de conformité.

Néanmoins, il importe d’observer que la plupart des banques régionales ne disposent que de très
peu d’affaires relatives à la vérification de la conformité, ce qui ne permet pas l’établissement de
véritables précédents. Quant à la Banque Mondiale dont l’activité de l’ « Inspection Panel » est plus
longue (depuis 1994-on dénombre 155 affaires en 2021)378, il apparaît que même si l’institution dis-
pose d’une vraie indépendance pour faire ressortir les cas de non-conformité, il ne s’agit que de re-
commandations ; la décision finale relative aux mesures effectives revient à la direction exécutive et
la présidence de la Banque. Il n’en demeure pas moins que l’ « Inspection Panel » a remis en cause
dans ses rapports certaines décisions managériales de la Banque arguant de la non-conformité de
leur interprétation avec les règles379. Ceci étant, le travail du panel a permis de préciser le sens à at-
tribuer à certaines dispositions contenues dans les directives et règlementations opérationnelles.380

376
Le manuel de Politique et Procédures de vérification de la conformité de la BOAD, précise notamment que
«Le but d'un processus de contrôle de l'application des directives est d'évaluer si l'institution a satisfait à ses
obligations, si une non-conformité a porté préjudice au requérant et comment l'institution peut remédier à la
non-conformité… Le processus de contrôle de l'application des directives doit être en mesure d'examiner la
conformité avec les politiques, procédures, directives, règles ou les engagements pris par la BOAD. Le champ
d'application pourrait également inclure les engagements pris dans le cadre des programmes ou des projets de
financement, ainsi que les obligations imposées par le droit international. », PP 7- 8. Disponible sur le site de
la BOAD
377
Pour une étude comparative et détaillée des différentes politiques et procédures opérationnelles des
banques multilatérales de développement, voir Harvey Himberg, Comparative Review of Multilateral Develop-
ment Bank Safeguard Systems, Main Report and Annexes, Mai 2O15. Disponible sur le site de la Banque Mon-
diale :
https://consultations.worldbank.org/sites/default/files/consultation-template/review-and-update-world-
bank-safeguard-policies/en/related/mdb_safeguard_comparison_main_report_and_annexes_may_2015.pdf
(consulté en janvier 2022)
378
Voir site web de l’”Inspection Panel” : https://www.inspectionpanel.org/panel-cases consulté en novembre
2021
379
Voir résolutions établissant l’inspection panel, Op. Cit. Point 22 ; il est fait aussi le reproche aux directives et
procédures opérationnelles de contenir des dispositions qui impliquent une décision managériale discrétion-
naire de telle sorte que ces décisions ne puissent être remises en cause. Dans de nombreux cas, l’ “Inspection
panel” a utilisé cet argument : voir le rapport de l’inspection panel dans l’affaire « China western poverty re-
duction project », 28 avril 2000, paragraphe 11 et 12. https://www.inspectionpanel.org/panel-cases/western-
poverty-reduction-project consulté en novembre 2021 ; Néanmoins, parallèlement, notamment sur les ques-
tions environnementales, l’ “inspection panel” a remis en cause l’interprétation faites par des décisions mana-
gériales des procédures opérationnelles. C’est le cas dans les affaires Pakistan National Drainage Program
Project ,2004; Cambodia Forest Concession Management and Control Pilot Project, 2005 ; China Western Pover-
159

Quant aux emprunteurs, les règles et procédures opérationnelles s’imposent à eux, en tant qu’elles
font partie des conditions du financement et peuvent selon les étapes du projet conditionner son
décaissement ou faire l’objet d’instructions spécifiques à respecter, selon le contexte précis, de la
part de l’institution de financement. En ce qui concerne les autres parties prenantes, notamment la
société civile et les populations potentiellement affectées par les projets, l’existence de mécanismes
internes d’évaluation leur permet d’avoir une tribune où faire valoir leurs droits, face à l’institution
elle-même et aux États qui portent les projets sans nécessairement être conditionnées par des re-
cours aux voies judiciaires internes381 qui ne sont pas toujours fiables en la matière.

ty Reduction Project, rapport du panel, paragraphe 152 ; Chad Petroleum Development & Pipeline Project, rap-
port du panel, paragraphes 26 & 37. Voir Daniel D. Bradlow et Andria Naudé Fourie, the Evolution of Opera-
tional Policies and Procedures at International Financial Institutions: Normative Significance and Enforcement
Potential, Op. Cit. p 18 et s.
380
Par exemple, sur le sens à attribuer à la notion de « conformité » dans l’évaluation environnementale et le
respect des directives opérationnelles y relatives, le panel précise que les agents de la Banque ont l’obligation
de s’assurer que les procédures ont été respectées aussi bien dans la marche à suivre que dans l’aspect qualita-
tif et répondent aux standards de qualité professionnelle acceptables. “in appraising compliance, Management
had an obligation to satisfy itself not only that the process and procedures mandated by the policies had been
followed, but also that the work under review met professionally acceptable standards of quality. In other
words, both process and quality were essential components of compliance.” voir China Western Poverty Re-
duction Project ,rapport du panel ,Op. Cit. , paragraphes 180 à 186
381
Voir à ce sujet : D. Hunter, Using the World Bank Inspection Panel to Defend the Interests of Project Affected
People, Chicago Journal of International Law, Vol. 4, N° 1, article 14(2003) … disponible à l’adresse :
https://chicagounbound.uchicago.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1203&context=cjil (consulté en novembre
2021)
160

Conclusion du chapitre 2

Le cadre juridique des MPI appréhendé à travers les réglementations des institutions de financement
du développement montre l’existence d’une pléiade de règles qui se rattachent à diverses sources du
droit et font intervenir des règles et procédés de nature administrative. Ainsi, les accords de prêts
ressortissent à la fois du droit international public tout en utilisant des procédés souvent attribués au
droit des contrats internationaux, comme le dépeçage dans le choix des lois gouvernant diverses
obligations. En outre, quant au règlement des différends émanant de l’accord de prêt, avec les États,
il privilégie les voies amiables ou celles de l’arbitrage. Ces dispositions font partie des conditions gé-
nérales adoptées par lesdites institutions et doivent être acceptées par les États bénéficiaires. Aussi,
Il est loisible d’affirmer qu’une partie essentielle de l’accord de prêt est comparable à un contrat
d’adhésion épousant les conditions générales de prêts de l’institution auxquelles l’État bénéficiaire
doit adhérer. Cette posture est susceptible d’influencer son autonomie dans la définition des aspects
liés à la définition et la mise en œuvre de ses projets de développement. Cela peut être le cas lors-
qu’il n’a pas le choix quant au type de marchés qu’il passe, notamment lorsque l’appel d’offres ou-
vert international doit être utilisé.

Par ailleurs, L’accord de prêt est l’aboutissement d’un processus dans lequel il s’insère. Celui-ci com-
prend l’identification du projet, son évaluation et s’étend au-delà de la phase d’attribution du mar-
ché, de son exécution et de son suivi. Il a donc un aspect opérationnel. Aussi, contient-il des disposi-
tions qui se réfèrent aux autres documents opérationnels de l’institution qui le complètent, en étant
obligatoires. Parmi ceux-ci, on trouve notamment les directives de passation des marchés qui indi-
quent les règles et méthodes à adopter pour la passation des marchés financés par l’institution.
Ceux-ci font également référence à des dossiers-types et modèles types que doivent utiliser les béné-
ficiaires. Ces directives sont complétées par d’autres règles opérationnelles qui peuvent être des
règles de procédures portant, par exemple , sur la mise en œuvre des contrôles, des décaissements
et tout autre aspect pertinent dans la relation contractuelle. Ces règles sont aussi celles qui explici-
tent des aspects importants conditionnant le financement, tels que l’évaluation environnementale,
les questions sociales dont doit tenir compte le bénéficiaire et qui engagent la responsabilité, au
moins morale de l’institution de financement.

En ce sens, le cadre juridique des MPI à travers les institutions internationales de financement est
fondamental dans l’optique de la réussite d’un projet de développement et d’une manière générale
dans les stratégies de développement à long terme d’un État. De fait, c’est lui qui détermine les con-
ditions dans lesquelles l’État contracte les emprunts relatifs au projet et a donc un impact sur ses
finances et leur utilisation efficace. Il comprend également les règles qui permettent la prise en
161

compte du développement durable et celles se rapportant aux marges de manœuvres de la société


civile pour interagir avec les décisions relatives au projet. Il en va de même de l’appréciation de la
responsabilité des institutions de financement dans leurs actions, à l’occasion des projets financés.
En plus, lorsque l’on considère les objectifs des institutions de financement relativement à la libérali-
sation des marchés publics, les dispositions contenues dans les accords de prêts, les directives et les
règles opérationnelles déterminent le cheminement vers ces objectifs.

De ce point de vue, ce cadre juridique matérialise la phase concrète pendant laquelle les divers en-
jeux liés aux MPI sont calibrés et transformés en rapports contractuels, y compris avec les parties
privées. Cela nous rappelle que les MPI demeurent une matière économique et commerciale épou-
sant de nombreux intérêts en dépit des enjeux de développement. L’accord de prêt et les règles con-
nexes, les directives, règles opérationnelles, voire le contrat du marché lui-même reflètent ces divers
enjeux et n’échappent pas aux particularités du droit économique. Ces particularités se reflètent
également dans les rapports entre les États bénéficiaires et les institutions de financement. Sur cette
lancée, le chapitre suivant se propose, d’analyser l’impact de certaines particularités du droit éco-
nomique d’abord, sur le cadre juridique général des MPI et dans son interaction avec les réglementa-
tions nationales.
162

Chapitre 3

L’influence des mécanismes du droit économique international dans


le droit des MPI et les droits internes des États bénéficiaires

D’entrée de jeu, on peut souligner que le droit économique est un droit vaste qui s’exprime à travers
diverses disciplines juridiques et un fonctionnement singulier. Les difficultés à délimiter son péri-
mètre et à le définir de manière précise (donc restrictive) font partie de ses caractéristiques
propres.382Tout au moins peut-on convenir avec le professeur Jean-Baptiste Racine qu’il s’agit de
« l’ensemble des règles de droit, d’où qu’elles proviennent qui permettent au droit d’appréhender les
phénomènes économiques, les rapports économiques.383».
Quant au droit économique international, il fait partie du droit économique. Il est basé à la fois sur
les rapports économico-juridiques internationaux émanant des activités économiques et juridiques
des acteurs privés entre eux, des acteurs Étatiques/publics entre eux et entre les acteurs privés et les
acteurs Étatiques/publics. Ses sources sont à la fois d’origines conventionnelles multilaté-
rales/plurilatérales/bilatérales, nationales et basées sur des usages et pratiques contractuelles (pri-
vées ou mixtes) internationales. Sans être exhaustif, on peut y ajouter la jurisprudence, notamment
arbitrales et celle des institutions internationales économiques384. Dans le même temps, les acteurs
Étatiques portent, du point de vue du droit économique une double étiquette. Ils sont à la fois ac-
teurs du commerce international engagés dans des relations privées dans lesquelles, le contrat est la
source des obligations, mais également endossent-ils une posture dans laquelle les considérations
d’ordre public de l’État et sa posture d’État souverain ne sont pas complètement occultées385. Ainsi,

382
Comme l’exprime si bien le professeur Jean-Baptiste Racine, « il reste que le droit économique est toujours
regardé avec scepticisme par nombre de juristes. La raison essentielle est qu’il n’y a pas d’accord sur sa défini-
tion ou son périmètre… comme le pensait Gérard farjat, le droit économique vit sans définition. Et il n’est plus
question aujourd’hui de se demander si le droit économique existe ou non. » dans Jean Baptiste racine Dir., le
droit économique au XXIème siècle : notions et enjeux, LGDJ, 2020, 726P. spécifiquement l’introduction, PP 9-
21
383
Ibid.
384
Sur les sources du droit international économique, voir par exemple : Pascale Deumier, les sources du droit
économique, dans le droit économique au XXIème siècle, ibid. pp 23-37.
385
Par exemple, l’État, partie à un contentieux faisant l’objet d’un arbitrage est traité comme son co-
contractant, de manière égale. Néanmoins, on peut noter sous un autre angle qu’en matière de reconnaissance
des sentences arbitrales, l’ordre juridique interne, joue un rôle éminent, les institutions Étatiques endossant ici
un autre rôle. De même au niveau international, oeuvre des États du fait de leurs compétences, il existe des
conventions d’harmonisation internationales comme la convention de New-York pour la reconnaissance des
sentences arbitrales étrangères (1958). Cette fonction représente une autre posture de l’État dans le Droit
économique international. A contrario, dans le droit international privé qui traite de rapport intégrant la
sphère du droit économique international, même si la méthode conflictuelle implique le juge de l’État, voire le
respect de ses lois de police, a priori, celui-ci n’a qu’un rôle subsidiaire dans la mesure où c’est la volonté des
163

le droit économique international apparaît-il comme un droit qui ne correspond pas aux catégorisa-
tions droit privé-droit public. C’est un droit conventionnel, contractuel, international mais basé en
partie sur un cadre juridique national qui doit s’adapter à ses enjeux. Il est plus juste de dire que c’est
un cadre juridique autonome et hybride qui a ses propres codes et qui est caractérisé par une cer-
taine transversalité et des rapports de force dans sa formation et son fonctionnement. Qui plus, il a
un versant politique386. En tout état de cause, l’une de ses caractéristiques les plus fortes est qu’il
s’agit d’un droit de finalité. Il trouve sa raison d’être dans l’accroissement et la complexification de la
vie économique et des rapports de droit entre ses acteurs à l’échelle nationale et internationale.
Le droit économique international englobe le droit international économique mais ne se limite pas à
lui. Cependant, si le second est l’apanage des acteurs publics et notamment ceux dotés de la person-
nalité juridique internationale, aussi bien dans la formulation des actes conventionnels que des ins-
truments qui en procèdent, il est loisible de constater une interpénétration entre les autres sphères
du droit économique et du droit international économique, notamment au stade de la mise en
œuvre pratique (des règles interétatiques et celles des institutions internationales).
Évoquer les MPI sous l’angle du droit économique revient nécessairement à prendre en compte dans
cette analyse, la transversalité et la particularité de ce droit qui brasse divers rapports sociétaux,
juridiques et économiques. Ces rapports et la façon de les appréhender ont forcément un impact sur
les marchés publics du développement, des points de vue juridique, économique et politique. A
l’instar du droit économique international, le droit du développement s’attache à appréhender un
phénomène hétéroclite et vivant. Ceci est le fruit de l’interpénétration des diverses sphères juridico-
économico-sociales et des intérêts des acteurs qui composent le droit économique et singulière-
ment, dans notre étude, les MPI.
Plus précisément, s’agissant des organisations multilatérales et bilatérales de financement du déve-
loppement et des MPI qu’elles financent, cette interpénétration se matérialise dans la formulation
de leurs règles directrices et des modèles types de contrats, mais aussi dans les procédés administra-
tifs utilisés par elles pour aboutir aux finalités qui guident leurs actions. Ainsi, nous notons une im-
mixtion de règles et principes ressortissant de la lex mercatoria dans les règles gouvernant les MPI.
De plus, l’on peut relever en tant que procédé du droit économique international et du droit interna-
tional économique, l’emprise de la soft-law en tant que canal complémentaire d’exécution des déci-

parties et le droit qu’elles ont choisi qui prime. Évidemment, cette conception n’est vraie que dans une certaine
mesure puisque l’ordre public international du juge du for peut faire obstacle à l’application d’une loi choisie
ou de certaines de ses dispositions. Voir : Mahmoud Mohamed Salah, Droit Economique et Droit international
privé, Revue Internationale de Droit Economique (RIDE), 2010/1, t. XXIV, pp 9-36 disponible sur :
https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2010-1-page-9.htm (consulté en novembre
2021)
386
Il peut être vu comme le lieu où s’effectue la conciliation des valeurs marchandes et des valeurs non-
marchandes. Voir Jean-Baptiste Racine, le droit économique au XXIème siècle. Op. Cit.
164

sions et des actions afférentes aux contrats de prêts et autres règles, dans les relations entre États
bénéficiaires des financements et les institutions de financement. La soft-law est également un
moyen utilisé pour agir sur le cadre juridique institutionnel des MPI dans les États bénéficiaires. Dans
le même ordre d’idées, les règles et pratiques des MPI ont un impact sur l’ordre juridique interne des
États et les aspects de celui-ci relativement à leur souveraineté en matière contractuelle et dans la
détermination de leurs politiques économiques. Une analyse exhaustive du rapport droit écono-
mique-MPI irait certainement au-delà des points que nous avons choisi de soulever, mais nous nous
limiterons à ceux-ci dans le cadre de ce chapitre.
Ceci étant dit, afin d’expliciter l’entrée en matière qui précède, dans ce chapitre, nous étudierons
l’impact du droit économique international sur les MPI à travers une réflexion sur l’influence de la lex
mercatoria et de la soft-law dans la matière (section 1). En outre, il s’agira de s’interroger sur les rap-
ports entre les règles des MPI et les réglementations internes des États bénéficiaires (section 2).

Section 1- Analyse de l’influence de la Lex Mercatoria et de la Soft-Law dans le


champ des MPI

Paragraphe 1- Marchés Publics Internationaux et lex mercatoria

Parler de la lex mercatoria dans les MPI peut générer un certain étonnement, tant il est vrai que la
lex mercatoria depuis ses origines est considérée comme la loi des marchands et ressortit très certai-
nement du droit privé387, tandis que les marchés publics internationaux sont l’œuvre d’acteurs pu-
blics, donc sont nécessairement rattachés au droit public, qu’il soit international ou interne.
D’ailleurs, le qualificatif « public » ne plaide-t-il pas dans ce sens ? Pourtant, si l’on considère que la
lex mercatoria est la loi des marchands et qu’elle trouve son essence dans la pratique commerciale
prise dans son sens le plus large, il apparaîtra ipso facto que les commerçants ne sont pas exclusive-

387
La plupart des articles pionniers et des manuels en matière de lex mercatoria sont issus de réflexions sous
l’angle du droit international privé ou de droit du commerce international. Ce sont également des privatistes
qui ont étudié en profondeur la question. Voir notamment : Clive M. SCHMITTHOFF, International Business
Law: A New Law Merchant, Current Law and Social Problems, University of Toronto, 1961, pp.129 ss cité par
Berthold GOLDMAN, « Frontières du droit et Lex Mercatoria », Archives de Philosophie du Droit 1964.9, pp177-
192; Philippe FOUCHARD, L’arbitrage commercial international, Paris, Dalloz, 1965; Clive SCHMITTHOFF, « The
Law of International Trade, its Growth, Formulation and Operation », dans The Sources of the Law of Interna-
tional Trade (International Association of Legal Science), Colloque de Londres, 24-27 septembre 1962, Stevens
and sons Ltd, 1964, 292P, pp- 3-38 ;
Voir aussi : Strenger Irineu, “La notion de lex mercatoria en droit du commerce international ”, Collected
Courses of the Hague Academy of International Law, The Hague Academy of International Law. Volume : 227,
Ed. Brill | Nijhoff, Leiden | Boston, 1991, 149P.
Disponible à l’adresse : http://dx.doi.org/10.1163/1875-8096_pplrdc_ej.9780792317852.207_355
165

ment des personnes privées , et surtout que le commerce entre personnes privées et personnes pu-
bliques n’est plus exclusivement régi par des règles de droit public. Il suffit pour s’en convaincre de
voir le nombre d’arbitrages intervenus entre des États et des entreprises privées dans lesquelles les
arbitres avaient une liberté d’appréciation ou ont pu juger selon d’autres règles que le droit de l’État
partie, ou encore les clauses contenues dans les contrats d’États qui neutralisent la toute-puissance
des États388. Le professeur Maurice Kamto exprime cette réalité en ces termes : « L’État assujetti à ce
droit en tant que partenaire commercial international doit descendre de son piédestal et se fondre
dans la banalité des rapports entre protagonistes des rapports marchands. Sa volonté souveraine si
souvent exigeante et dont il est habituellement si jaloux se fait humble et disparaît devant le diktat
d’un ordre juridique dont il ne peut qu’accepter les règles, parce qu’elles lui échappent ».389
Dans la même logique, les institutions de financement du développement qui édictent les règles à
appliquer en la matière (MPI) s’immiscent dans les relations entre les États et les entreprises char-
gées d’exécuter la commande publique. Elles créent390 et impulsent à la fois des règles nouvelles et
pérennes, largement suivies du fait de leur pouvoir financier et politique, qui influencent les rapports
entre elles et les États et entre ces derniers et les commerçants.
Dès lors, est-il inconcevable de considérer les États eux-mêmes et ces institutions internationales
comme faisant partie de la société mercatique et contribuant à ce titre, au moins indirectement au
fonctionnement de celle-ci ? Pour nous, la réponse affirmative semble évidente au vu de notre rai-
sonnement précédent. Il nous importera par suite de faire ressortir les dynamiques qui lient les États
et les institutions de financement du développement et leurs régulations dans le cadre des MPI à la
lex mercatoria.
Avant, il s’impose de définir brièvement la lex mercatoria en l’appréhendant dans sa genèse, ses
composantes et sa quintessence actuelle au regard de l’état du droit.

388
Cf. Mayer P., la neutralisation du pouvoir normatif de l’État en matière du contrat d’État, Op. Cit. ; P. Weil,
Problèmes relatifs aux contrats passés entre un État et un particulier, Op. Cit. ; Mireille Delmas-Marty,
la refondation des pouvoirs, Op. Cit. ;
389
Kamto, Maurice, La volonté de l’État en Droit international, Op. Cit. , pp 251-261
390
Voir Merle Marcel, Le pouvoir réglementaire des institutions internationales. In : Annuaire français de droit
international, volume 4, 1958. pp. 341-360 ; voir également Saba. H., “L'activité quasi-législative des institu-
tions spécialisées des Nations Unies (Volume 111)”, in : Collected Courses of the Hague Academy of Internatio-
nal Law, 1964, pp 603-727
166

I- Le concept de lex mercatoria

La notion de lex mercatoria semble avoir connu plusieurs phases dans son évolution. En effet, il au-
rait déjà existé dans le Jus gentium romain391 un ensemble de règles conçues par les peuples et ac-
ceptées de tous, et qui s’appliquaient à leurs transactions commerciales. Ensuite, il existât un âge
d’or de la lex mercatoria à l’époque médiévale. Il s’agissait de règles coutumières uniformes, à
l’échelle européenne, qui permirent aux commerçants de contourner les droits féodaux caractérisés
par des lacunes et une trop grande rigidité392. Aussi, cette lex mercatoria permettait de trancher les
différends devant des juges marchands, voire devant certains juges locaux. Monsieur William Tetley
fait mention notamment dans le cas de l’Angleterre de la juridiction des Pied-poudre (court of
piepowders) qui appliquait la lex mercatoria.393 De plus, l’application des jugements était assurée de
manière informelle par l’opprobre que pouvait subir les récalcitrants de la part de leurs pairs.394 Il
s’agissait ainsi d’un système légal et codifié, ayant ses propres institutions. Cette lex mercatoria a
disparu à la renaissance dans un contexte d’exacerbation des nationalismes qui a perduré jusqu’au
20ème siècle et qui a favorisé l’essor des règles de conflits de lois dans le règlement des différends
transfrontaliers. Plus tard, on assistera à un renouveau de la lex mercatoria s’accompagnant d’une
production doctrinale dense de la part de certains pionniers aussi bien dans le monde anglophone
que francophone395.

Pour définir la lex mercatoria en tenant compte de son contenu moderne, l’on peut se référer à la
pensée du professeur Berthold Goldman. Il évoquait en 1979 en parlant de la lex mercatoria,

391
Avant l’édit de Caracalla de 212, qui accorda la citoyenneté romaine à tous les hommes libres, il y avait une
distinction dans le droit romain entre les citoyens romains et les pérégrins (homme libres non citoyens). Le jus
gentium, constituait alors le droit, juxtaposé au ius civile qui permettait de régler les litiges, notamment com-
merciaux entre les citoyens romains et les étrangers. Son acceptation était due à la nature de ses règles consi-
dérées comme raisonnables et conformes à la nature. Voir la définition dans l’encyclopédie Universalis.
Pour cette référence, voir également : Goldman Berthold, la lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage
internationaux : réalité et perspectives. In : Droit international privé : travaux du Comité français de droit inter-
national privé, 2e année, 1977. 1980. pp. 221-270 ; Accessible sur : http://www.persee.fr/doc/tcfdi_1140-
5082_1980_num_2_1977_1843 (consulté en novembre 2021)
392
Voir Antoine Leduc, l’émergence d’une nouvelle lex Mercatoria à l’enseigne des principes d’Unidroit relatifs
aux contrats du commerce International : thèse et antithèse, revue juridique Thémis, Université de Montréal,
2002, P434-451. Disponible à l’adresse : consulté en novembre 2021
https://ssl.editionsthemis.com/uploaded/revue/article/rjtvol35num1_2/leduc.pdf
393
William TETLEY, « Mixed Jurisdictions: Common Law vs Civil Law (codified and uncodified) », (1999) 4 Rev.
dr. unif. 591-619, 877-906, à la page 885. cité par Antoine Leduc Op. Cit. (Note de bas de page précédente)
394
En effet, « La sanction du monde des affaires est la même que celle de l’Église : il peut prononcer une exclu-
sion, un boycottage, dont les effets sont redoutables » voir P. Reuter, le Droit économique international, Paris,
cours polycopié IHEl, 1952-1953, p. 26. Cité par Alain Pellet, La Lex Mercatoria, tiers ordre juridique, remarques
ingénues d’un internationaliste de droit public, Op. Cit., p73
395
La découverte de la lex mercatoria contemporaine date des années Cinquante. Voir également pour un
historique de la redécouverte de la notion, P. Kahn, la Lex Mercatoria, point de vue français après quarante ans
de controverses, Mc Gill Law Journal, 1992, 37 R.D. McGill 413 (p 414).
167

« l’hypothèse de règles transnationales, que les partenaires des échanges économiques internatio-
naux se donneraient progressivement à eux-mêmes, notamment dans le cadre de leurs organismes
professionnels et que les arbitres, contractuellement désignés pour résoudre les litiges, constatent,
et par là-même, précisent, voire élaborent à leur intention »396. C’est donc une « loi des marchands »
qui chercherait à acquérir certaines caractéristiques d’une règle de droit positif, c’est-à-dire, la géné-
ralité, la prévisibilité, l’accessibilité et la jouissance d’une applicabilité emprunte d’une force coerci-
tive397. Cette conception de la lex mercatoria ne fait pas l’unanimité et a suscité un vif débat qui n’est
pas encore clos. En effet, La question de savoir si elle est constitutive d’un ordre juridique spécifique
n’est pas tranchée. Entre autres critiques, il lui est reproché par les adeptes du positivisme juridique
de ne tirer sa légitimité d’aucune source ou autorité supérieure, si bien que sa juridicité en tant
qu’elle remplisse les critères fondant la règle de droit ne serait pas vérifiable 398.

Pourtant, même si toutes les questions qui se posent à son sujet ne sont pas encore tranchées, no-
tamment celle de savoir si elle constitue un ordre juridique à part entière, plusieurs décennies plus
tard, il est indéniable que la lex mercatoria a gagné du terrain. Ainsi, dans son rapport faisant suite au
XVIIe congrès de l’association internationale de droit comparé tenu en 2006, la professeure Lena
Ganagé posait ce constat d’évidence : « …Or, il est remarquable de constater que sur ces deux ter-
rains, une évolution intéressante permet d’envisager désormais sous un jour différent la question de
l’application du droit non étatique aux contrats internationaux. D’une part, en effet, les objections
d’ordre théorique adressées à la lex mercatoria se sont considérablement apaisées. La question de
savoir si elle est constitutive d’un ordre juridique ne retient plus guère l’attention tant il est vrai “qu’il
n’est nullement établi que pour faire valablement l’objet du choix des parties, des règles doivent né-
cessairement être organisées en un ordre juridique.” Corrélativement, la juridicité des règles d’origine
non étatique s’affirme de manière incontestable. Elles trouvent, certes, leur domaine d’élection dans
les litiges soumis à l’arbitrage international. Mais il est remarquable de constater que ce sont les
ordres étatiques qui contribuent à en favoriser l’essor par l’adoption de législations et d’instruments

396
Goldman Berthold. La lex mercatoria dans les contrats et l'arbitrage internationaux : réalité et perspectives,
Op. Cit.
397
“What is lex mercatoria? For our present purposes, I would take it to mean more or less the following: The
principles of developing transnational or international law-merchant, capable of being applied by decision mak-
ers (judges or arbitrators) as a source of legal rules, in order to give content to decisions, in much the same way
that decision makers would apply a real legal system such as the lex fori or the lex loci arbitri”. Voir K. Height, «
The Enigma of the Lex Mercatoria », Tulane L. Rev, vol 63 (3), 1989, pp 613-617 ; cité par Antoine Leduc,
l’émergence d’une nouvelle lex Mercatoria à l’enseigne des principes d’Unidroit relatifs aux contrats du com-
merce international : thèse et anti-thèse, Op. Cit.
398
D’aucuns estiment que cette caractéristique ne constitue pas un obstacle à sa juridicité du point de vue du
pluralisme des sources juridiques. Voir sur ce débat : Sur ce débat, v. Bruno Oppetit, La notion de source du
droit et le droit du commerce international, archives de Philosophie du Droit , Vol 27, Sirey, 1982, P43 et s.
168

internationaux relatifs à l’arbitrage qui reconnaissent aux parties, mais aussi à l’arbitre, la possibilité
de s’affranchir de toute loi étatique lors de la détermination du droit applicable au fond du litige »399.

Ainsi, quoiqu’affranchie des droits étatiques dans son mode d’élaboration et son succès dans les
arbitrages commerciaux, les États gardent une certaine ascendance de principe sur la lex mercatoria
dans les relations internationales, puisque le pouvoir de donner un effet aux décisions leur revient,
en dernier recours. L’autonomie des parties dans leur faculté de s’y référer, n’équivaut pas à consi-
dérer le contrat dans son orientation vers la lex mercatoria comme échappant, ipso facto complète-
ment à toute loi nationale. Cette idée rappelle la théorie du contrat sans loi qui entretient quelques
liens avec la lex mercatoria et avec les MPI à travers les contrats d’État qui ont suscité sa formulation.
D’où il convient d’expliquer les limites du contrat sans loi qui a suscité diverses interprétations dans
le sillage de la lex mercatoria.

 la lex mercatoria, le contrat sans loi et les contrats d’États

Selon une première acception, le contrat sans loi serait un contrat soumis à la seule volonté des par-
ties, dont les stipulations seraient laissées à leur entière discrétion, en dehors de l’application de
toute loi Étatique.

D’entrée, il convient de préciser que d’une manière catégorique, la jurisprudence et une grande par-
tie de la doctrine s’accordent à dire qu’un contrat ne peut exister in vacuo, se suffire à lui-même en
dehors d’un ordre juridique organisé et reconnu. Le dictum de la CPJI dans l’affaire des emprunts
serbes400est péremptoire à ce sujet. Dans le même ordre d’idée, ces dispositions avaient été réaffir-
mées par la cour de cassation française précédemment dans son arrêt sur les messageries maritimes
du 21 juin 1950401 . Enfin, la sentence arbitrale dans l’affaire Aramco contre Arabie Saoudite se posi-
tionne nettement en faveur du rattachement des relations contractuelles en général à une loi natio-
nale ou au Jus gentium. Il ressort de ladite sentence qu’ « il est certain qu’un contrat quelconque ne
peut pas exister in vacuo, mais doit reposer sur un droit ; ce n’est pas une opération pleinement
abandonnée à la volonté des parties ; elle est nécessairement fondée sur un droit positif donnant des

399
Léna Gannagé, Le contrat sans loi en droit international privé, electronic journal of comparative law, Vol.
11.3, Décembre 2007
400
« Tout contrat qui n'est pas un contrat entre des États en tant que sujets du droit international a son fon-
dement dans une loi nationale... » (Voir la page 21 de cette thèse pour une citation plus longue de ce dictum).
CPJI, affaire concernant le paiement de divers emprunts serbes émis en France ; Affaire relative au paiement
en or des emprunts fédéraux brésiliens émis en France, Publication de la Cour Permanente de Justice Interna-
tionale, Recueil des Arrêts, Série A-N° 20/21, 1929, p 41 de l’arrêt Op. Cit. , disponible sur le site de la Cour
Internationale de justice ; http://www.icj-CIJ.org/fr/cpji-serie-a ;
401
« Attendu que, si tout contrat international est nécessairement rattaché à la loi d’un État, la cour d’appel,
interprétant souverainement le contrat litigieux, relève... », COUR DE CASSATION, Ch. civ. sect. Civ., 21 juin
1950, messageries maritimes, paragraphe 3.
169

effets juridiques aux manifestations réciproques et concordantes de la volonté des cocontractants.


Sans un droit qui préside à sa création, la convention n’est même pas concevable. La volonté ne peut
engendrer de rapports conventionnels que si le droit dont elle relève lui en donne préalablement le
pouvoir »402.

À côté du refus péremptoire de cette première acception, il existe une autre conception du contrat
sans loi dans la possibilité qu’ont les parties de choisir le droit ou les principes applicables (au-delà de
ce qu’il convient d’appeler la loi-propre du contrat) aux différents aspects de leur contrat. Elles peu-
vent ainsi choisir de soumettre la résolution de leurs litiges à l’arbitrage, tout en en choisissant les
règles de fonds. Dans ce cas, elles pourraient choisir des règles de droit non nationales. Également,
suivant le même raisonnement, elles peuvent laisser l’arbitre désigner le droit applicable au litige et
celui-ci pourrait, trancher en vertu d’une autre loi ou d’un autre système de droit. Cependant, il ne
faudrait pas en déduire que leur liberté serait absolue ou qu’elle remettrait fondamentalement en
cause le pouvoir du juge. Car, d’une part, même si les parties décident de soumettre leur litige à
l’arbitrage, le choix d’un ensemble de règles de droit étatiques ou non par elles ou l’arbitre comme
règle de fond de l’arbitrage a souvent été interprété comme de simples stipulations contractuelles
(théorie de l’incorporation) par le juge qui désigne lui-même la loi objectivement applicable au con-
trat et veille au respect de ses dispositions impératives403. D’autre part, si la clause compromissoire
désigne une loi nationale en vue de trancher le fond, l’arbitre devra respecter les dispositions impé-
ratives de cette loi. D’où, on constate que même si la capacité de choisir la loi applicable à leur con-
trat permet aux parties d’échapper un tant soit peu à l’emprise immédiate d’une loi nationale, il n’en
demeure pas moins, que celle-ci n’est jamais vraiment écartée404. Ensuite, l’exécution d’une sentence
arbitrale nécessite l’intervention du juge étatique qui s’assurera que ladite sentence respecte l’ordre
public de l’État. En outre, les règles de conflits conventionnelles ou nationales désignent dans leur
grande majorité une loi nationale, en l’absence de choix de loi par les parties405.

De ce point de vue, toute disposition choisie par les parties, y compris, le choix d’un droit non-
étatique ne permet pas en l’état actuel du droit de reconnaître une existence au contrat sans loi,
d’où « En définitive, il apparaît que la réception éventuelle du droit non étatique dans les ordres juri-
diques nationaux ne va pas sans difficultés. La dualité de statuts du contrat sans loi, qui reçoit un

402
Arabie Saoudite c. Arabian American Oil Company (ARAMCO), sentence du 23 août 1958
403
Cela signifie que les dispositions des règles choisies seront écartées si elles portent atteintes aux règles im-
pératives de la lex contractus.
404
Certains contrats particuliers sont régis, au moins en partie par des règles prédéterminées (dans le Droit
national ou conventionnel) visant des objectifs d’ordre public et de protection de la partie faible. C’est dans ce
sens que vont les dispositions des articles 3 à 9 du règlement (CE) No 593/2008 du parlement européen et du
conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I)
405
Voir règlement ROME I ibid. ; voir également l’article 42.1 de la convention CIRDI
170

traitement différent devant l’arbitre et devant le juge n’est pas supprimée. Elle est simplement atté-
nuée. C’est sans doute le signe que justice étatique et justice arbitrale ne sont pas prêtes d’être fon-
gibles. »406.

Existe-t-il un lien possible et objectif entre la théorie du contrat sans loi et les MPI ?

Une telle hypothèse paraît a priori peu réaliste, en ce sens que les stipulations de droit applicable en
tant que la lex-contractus dans les MPI sont toujours des références à un droit national407. On note
que même si certains principes de droit appartenant également au droit transnational s’y trouvent,
c’est d’abord parce que ces principes trouvent leur affirmation dans les droits nationaux ou au moins
dans leur conception de l’ordre public international.

Néanmoins, on peut se poser la question vis-à-vis des contrats d’États dans les pays en développe-
ment, d’autant plus que l’émergence de la théorie du contrat sans loi a un lien direct avec ces con-
trats de développement et d’investissements. Les entreprises cocontractantes des États en dévelop-
pement au moment de leur indépendance voulaient se soustraire au droit desdits États dans leurs
relations contractuelles. Dès lors, les juristes occidentaux ont tenté eu-égard à cette situation de
développer ces théories. Comme l’a mis en avant le professeur Paul Yao NDRE dans sa thèse, on peut
noter l’approche qui eût lieu de la part des professeurs Alfred Verdross et Maurice Bourquin qui ont
tenté de justifier l’idée selon laquelle les contrats d’États conclus avec les pays en développement
serait complètement autonome de tout ordre juridique national. Il s’agirait selon l’expression utilisée
par le professeur Alfred Verdross d’un contrat « quasi-international » qui sécréterait son propre
ordre juridique. Il n’est pas nécessaire de cheminer longuement sur cette voie car cette conception
est restée minoritaire et ne correspond pas à l’état du droit, comme nous l’avons déjà expliqué408.

406
La professeure Lena ganagé faisant la synthèse des différents rapports nationaux issus de la rencontre orga-
nisée sur le thème « Contracts without a proper law in private international law and non-state law. », aboutis-
sait à ce constat. Voir Lena Ganagé, le contrat sans loi en droit international privé, Op. Cit. P30. Voir également,
la critique de Monsieur Antoine Leduc à ce sujet. Antoine Leduc, l’émergence d’une nouvelle lex mercatoria à
l’enseigne des principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce International : thèse et anti-thèse, revue
juridique Themis, Université de Montreal Op. Cit. ;
407
Cette position est notamment défendue par, Georges R. DELAUME, The Proper Law of State Contracts and
the Lex Mercatoria : A reappraisal, ICSID Review - Foreign Investment Law Journal, Volume 3, Issue 1, 1 March
1988, Pages 79–106, P 82, disponible à l’adresse : https://doi.org/10.1093/icsidreview/3.1.79 consulté en no-
vembre 2021
408
Voir Maurice BOURQUIN, Arbitration and Economic Development Agreements, the business lawyer, Vol 5,
N°4, 1960, p. 860-872; d’après Alfred Verdross, le contrat d’État pourrait suffire comme ordre juridique souve-
rain sans aucun rattachement sauf s’il en décide lui-même : “The contract, created by a quasi-international
agreement, is an independent legal order, regulating between the parties exclusively. Nationally, the lex con-
tractus may refer, for its interpretation or the filling up of eventual gaps, to the legal order of the contracting
state, or of the other party, or to international law. But these legal order can only be applied in as much as they
are delegated by the lex contractus, because it is the mutual rights and duties of the parties”. Voir: Alfred von
VERDROSS, The status of foreign. Private interests stemming from economic development agreements with
arbitration clauses, in the southwestern legal foundation, New York, Matthew Bender et Co, 1964, p. 117 –
171

Bien que ces contrats contiennent des clauses qui peuvent délocaliser certains rapports, ils restent
ancrés dans une loi interne qui est souvent la loi de l’État co-contractant.

Cependant, il importe d’émettre quelques observations, tant il est vrai, la sacralité de la souveraineté
paraît basculer dans le cas des contrats d’États ; la doctrine s’accorde à dire que c’est d’ailleurs pour
contourner les législations nationales de certains États en développement, qu’ont poussé les pre-
miers bourgeons de la lex mercatoria moderne409. De fait, certaines dispositions impératives de la lex
contractus (ici la loi de l’État) y sont volontairement atténuées ou exclues. Par exemple, les États
renoncent à certains de leurs privilèges en matière de contrats d’États et sont considérés comme des
cocontractants à égalité avec les entreprises privées410. Toutefois, les codes des investissements dans
les pays en développement ont depuis évolué et présentent des garanties suffisantes pour les inves-
tisseurs étrangers. Les principales causes qui conduisent à leur préférer d’autres systèmes de droit ne
sont plus liées aux garanties qu’elles offrent, mais à d’autres considérations, tels que l’aléa naissant
de l’hypothèse d’un changement dans la législation pendant la période d’exécution contractuelle411.
Cependant, ces causes ne leurs sont pas spécifiques, car ce sont les mêmes que celles qui sous-
tendent le succès de la lex mercatoria à l’échelle mondiale.

137 ; voir aussi : Yao Paul Ndré, Robert Charvin (dir.), les contrats de développement : le cas des États membres
du Conseil de l’Entente, thèse de doctorat, Op. Cit. P 112 et S ; voir également la réflexion critique : Pierre
mayer, le mythe de l’ordre juridique de base (ou Grundlegung), in le Droit des relations économiques interna-
tionales, Études offertes à Berthold Goldman, Litec, 1982, 427P, pp 199-216
409
Voir Paul Yao Ndre ibid. p 220 ; voir aussi P. Weil, problèmes relatifs aux contrats passés entre un État et un
particulier, Op. Cit.p122 ; Philippe kahn, Droit international économique, droit du développement, lex mercato-
ria : concept unique ou pluralisme des ordres juridiques ? », In Le droit des relations économiques internatio-
nales (Études offertes à B. Goldman), Lite, Paris, 1982, pp. 97 et s
410
Monsieur Delaume cite pour exemple cette clause contenue dans un contrat d’État entre le Kuwait et la
kuwait shell Petroleum Company: « The Emir shall not by general or special legislation or by administrative
measures or by any other act whatever annul this agreement... No alteration shall be made in the terms of this
agreement by either the Emir or the company except in the event of the Emir and the company jointly agreeing
that it is desirable in the interest of both parties to make certain alterations, deletions or additions to this
agreement.» ; On constate ici que les prérogatives classiques de l’administration, telles que le pouvoir de résili-
ation unilatérale, voir le fait du prince sont a priori conditionnées par l’accord de son cocontractant. Alors que
dans la pratique classique du droit international, celui-ci devrait normalement se contenter de recevoir une
indemnisation en cas de survenance de tels évènements. Voir George R. Delaume, des stipulations de droit
applicables dans les accords de prêt et de développement économique et de leur rôle, Op. Cit, spéc. p.356
411
Voir sur ce sujet, l’analyse de Flavien Lalive. Elle remonte à quelques décennies mais reste d’actualité sur
cette question. Lalive Jean-Flavien, “Contrats entre états ou entreprises étatiques et personnes privées : déve-
loppements récents”, in : Collected Courses of the Hague Academy of International Law, Vol 181, The Hague
Academy of International Law, 1983
Disponible sur : http://dx.doi.org/10.1163/1875- 8096_pplrdc_ej.9789024729876.009_283 (consulté en no-
vembre 2021)
172

 Le contenu de la lex mercatoria

Il existe certes un lien entre les notions de contrat sans loi et la lex mercatoria mais elles ne se con-
fondent pas pour autant. Les limites de la première ne sont pas les frontières de la seconde. De fait,
le concept de lex mercatoria se réfère à un système juridique. Il apparaît qu’il trouve un ancrage so-
lide dans la pratique du commerce international et semble à certains égards jouir d’une réelle auto-
nomie. Sa légitimité à régir les rapports contractuels comme choix de loi par les parties a été affirmée
par la jurisprudence dans maintes affaires dont quelques-unes des plus célèbres comme « Norsolor »
et « Valenciana »412. Partant, il y a peu d’objections à ce jour sur l’existence de la lex mercatoria en
tant qu’un processus singulier dans la sphère juridique. La véritable question qui demeure concerne
son statut en tant qu’ « ordre juridique autonome ». Cette question ne peut pas être séparée de
l’analyse de celle de ses sources et de son contenu.

Il nous semble opportun à ce titre de relater quelques réflexions appuyées par le débat doctrinal.
Pour certains comme le professeur Paul Lagarde413, elle ne remplit guère les caractéristiques d’un
ordre juridique et elle ne tire son existence que des droits nationaux et du droit international public,
de telle sorte qu’il n’est guère besoin de la considérer comme se détachant de ceux-ci. D’autres, éga-
lement critiques, estiment qu’elle ne remplit pas les critères d’un ordre juridique, car elle est consi-
dérée comme éparse et contient des règles qui manquent de généralité (car dérivant souvent de
pratiques contractuelles corporatistes spécifiques) et sont accessoiristes (en ce sens que bon nombre
de contrats, et de décisions arbitrales ne sont pas publiés).

412
Aff. Norsolor c/ Pabalk , Cass. Civ. 1ère, 9 octobre 1984, Bull. 1984, N° 248
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007014185 ; Sté Valenciana de Cemen-
tos Portland c/ Sté Primary Coal, Cass. Civ. 1ère, 22 octobre 1991, Bulletin 1991, N° 275 p. 182,
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007027310 . S’agissant, de cet arrêt, le
professeur Berthold Goldman précise une évolution de la juridiction dans son approche terminologique en
affirmant : « L'arbitre avait parlé des principes, des règles et des usages ; la Cour de Paris le rappelle, mais ne
retient, semble-t-il, que les principes et les usages ; la Cour de Cassation déclare enfin que l'arbitre s'est référé à
l'ensemble des règles du commerce international dégagées par la pratique. Terminologique, l'hésitation est-elle
aussi conceptuelle ? On peut le penser, mais l'on peut supposer aussi qu'en ne retenant de la sentence que la
référence aux règles, la Cour de cassation a entendu embrasser dans une notion unique et couvrir d'un seul
vocable l'ensemble des éléments constitutifs de la lex mercatoria. Le terme "règles" paraissant alors le plus
approprié, car il met le mieux en lumière le caractère juridique de tous ces éléments. » : Voir Goldman, Berthold,
Nouvelles Réflexions sur la Lex Mercatoria, in : Festschrift Pierre Lalive, Basel, Frankfurt a.M. 1993, at 241 et
seq.
413
Voir P. Lagarde, Approche critique de la lex mercatoria : Etudes offertes à Berthold Goldman, Op. Cit. PP125-
150 ; Emmanuel Gaillard, Trente ans de Lex Mercatoria Pour une application sélective de la méthode des prin-
cipes généraux du Droit , Journal du Droit International, 122e année, N°1, 1995, pp 5-30 ; voir également Cass.
1ère Ch.civ. 22 oct. 1991, Valenciana, note LAGARDE, Rev. De l’arbitrage, 1992, 457 ; Voir encore le débat entre
Bruno Oppetit, Paul Lagarde, B. Goldman à l’occasion de la journée commémorative du cinquantenaire du
comité Français de Droit International Privé. Oppetit Bruno, Le développement des règles matérielles, dans :
Droit international privé : travaux du Comité français de droit international privé, hors-série, 1988. Journée du
Cinquantenaire. pp. 121-139 ; disponible sur Persée : https://www.persee.fr/doc/tcfdi_1140-
5082_1988_hos_1_1_950 (consulté en novembre 2021)
173

C’est pourtant l’antithèse de cette idée que soutient le professeur Berthold Goldman, opposé au
professeur Paul Lagarde sur cette question dans sa critique suivante : « Or, on refuse à la lex merca-
toria le statut d'ordre juridique, sans doute parce que l'on pense qu'elle n'est pas un système, ni
même un ensemble de règles, mais se compose d'usages épars, que ne relie aucune conception d'en-
semble, ni aucune prise en compte réciproque et coordonnée. On ne paraît pas non plus envisager
qu'elle est élaborée et appliquée par une autorité; et surtout, on estime qu'il n'y a pas une societas
mercatorum globale et cohérente, ayant des besoins et des comportements communs qui auraient pu
provoquer l'édiction et l'application, par une autorité l'encadrant, de règles également communes,
mais une pluralité de sociétates, partageant chacune de simples usages communs, d'objet limité. »414.

Quant au professeur, Alain Pellet, il soutient qu’il serait légitime de se demander si la lex mercatoria
n’est pas un « tiers ordre » juridique et qu’il serait facile de l’admettre du point de vue d’un « inter-
nationaliste de droit public ». Tentant de battre en brèche, certaines critiques qui lui sont adressées
(à la lex mercatoria), Il affirme qu’elle emprunterait dans cette perspective certaines caractéristiques
au droit international public. De fait, selon lui, primo, il s’agit d’un corpus juris non territorialement
situé ; deuzio, une place importante y est accordée aux principes généraux du droit (ici déduits aussi
bien des droits internes que du droit international sans se fondre avec ou s’arrêter à ceux-ci car elle
génère des principes généraux spécifiques, propres à la pratique mercatique, qu’il appelle les « prin-
cipia mercatoria ») à l’instar du DIP415. Enfin, les « principia mercatoria » [issus de l’application parti-
culière par les arbitres des règles émanant des principes généraux du droit, des contrats (qui peu-
vent être une source de droit du point de vue de la lex mercatoria) et des autres règles auxquelles se
réfèrent les arbitres en général] peuvent être revêtus de l’élément matériel et temporel qui caracté-
rise l’application répétée et constante des règles coutumières , de l’élément psychologique qui leur
est inhérent de sorte à former les « usages mercatiques ». À leur tour, ces usages mercatiques, dans
les mêmes conditions, se transforment en coutumes mercatiques416.

414
Le professeur Goldman était un partisan de l’existence de l’ordre juridique mercatique. Voir Goldman, Ber-
thold, Nouvelles Réflexions sur la Lex Mercatoria, Op. Cit. (p249)
415
Il invoque à ce propos Michel Virally selon qui, les PGD constituent une forme de bouée de sauvetage pour
tout droit qui se cherche et qui a besoin de combler ses lacunes et imprécisions éventuelles dont le juge ne
peut se prévaloir pour ne pas juger. Ce qui est le cas de la lex mercatoria. Les arbitres se réfèrent plus souvent
aux PGD pour trancher les différends que le juge international.
416
Selon lui, une telle conception se justifie au regard du droit international dans la jurisprudence de la CPJI, au
regard de laquelle, les lois nationales ne sont que de simples faits. Il cite notamment l’arrêt de la CPJI : CPJI,
arrêt du 25 mai 1926, certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, fond, série A, N°7, p 18
Alain pellet, La Lex Mercatoria, tiers ordre juridique, remarques ingénues d’un internationaliste de droit public,
Op. Cit.
174

Une nouvelle tendance consiste à voir dans les règles de UNIDROIT417 la preuve de la capacité de la
lex mercatoria à prétendre au statut d’ordre juridique. Elle est partagée par le professeur klaus Peter
Berger. Il s’appuie notamment sur la « codification » des règles de Unidroit et la base de données
TransLex.418. il cite au support de son argumentation quelques sentences arbitrales , notamment, la
sentence N°9797 de la chambre de Commerce Internationale qui dispose en ces termes au sujet de la
loi applicable au litige : « The UNIDROIT Principles of International Commercial Contracts are a re-
liable fonti of international commercial law in international arbitration for, they “contain in essence a
restatement of those ‘principes directeurs’ that have enjoyed universal acceptance and, moreover,
are at the heart of those most fundamental notions which have consistently been applied in arbitral
practice.”»419. Ces dispositions au sujet de lex mercatoria confirment celles précédemment affirmées
par la sentence arbitrale N°7110 de la CCI de 1995 rendue dans un litige relatif à un contrat d’État
liant un État du Moyen orient à une société Anglaise, au sujet de l’application du corpus de principes
d’Unidroit. Le tribunal arbitral a considéré que les principes d’Unidroit pouvaient être considérés
comme la loi propre (proper law) de ce contrat en expliquant pourquoi ils étaient légitimes en ce
sens. Ils soulignent notamment que les principes d’Unidroit sont le noyau des principes généraux du
droit en matière d’obligations contractuelles et font l’objet d’un large consensus420.

417
UNIDROIT est l’Institut international pour l'unification du droit privé
418
Voir Klaus P. Berger, The creeping codification of the lex mercatoria, Kluwer law international , The Hague,
London, Boston 1999, 376P; également K.P.Berger, the creeping codification of the new lex mercatoria , Wol-
ters Kluwer law , 2010, 422P
419
Nous le traduisons en ces termes : « Les principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce interna-
tional sont une source fiable de droit commercial international en matière d'arbitrage international car ils
« contiennent essentiellement une réaffirmation de ces « principes directeurs » qui ont bénéficié d'une accep-
tation universelle et, de plus, sont au cœur des notions les plus fondamentales qui ont toujours été appliquées
dans la pratique arbitrale. ". Voir la sentence N° 9797 de la cour internationale d’Arbitrage de Genève du 28-07-
2000. Le texte de la sentence est disponible sur
www.unilex.info/principles/case/668 consulté en novembre 2021
420
“The reasons why this tribunal considers the Unidroit Principles to be the central component of the general
rules and principles regarding international contractual obligations and enjoying wide international consensus,
which constitute the proper law of the Contracts, are manifold:
(1) the Unidroit Principles are a restatement of international legal principles applicable to international com-
mercial contracts made by a distinguished group of international experts coming from all prevailing legal sys-
tems of the world, without the intervention of states or governments, both circumstances redounding to the
high quality and neutrality of the product and its ability to reflect the present stage of consensus on interna-
tional legal rules and principles governing international contractual obligations in the world, primary on the
basis of their fairness and appropriateness for international commercial transactions falling within their pur-
view;
(2) at the same time, the Unidroit Principles are largely inspired (by) an international uniform law text already
enjoying wide international recognition and generally considered as reflecting international trade usages and
practices in the field of the international sales of goods, which has already been ratified by almost 40 countries,
namely, the 1980 Vienna Convention on the International Sale of Goods;
(3) the Unidroit Principles are specially adapted to the contracts being the subject of this arbitration, since they
cover both the international sale of goods and supply of services;
175

Ainsi, comme nous l’avons exposé, le concept de lex mercatoria a éclot dans un environnement éco-
nomique particulier et constitue encore un phénomène juridique dont l’existence et le raffermisse-
ment sont indéniables mais dont les contours restent discutés par la doctrine. Aussi, en tant qu’un
droit transversal et transnational qui aspire à la fois à l’unité et à l’indépendance vis-à-vis des ordres
juridiques classiques, nous avons exposé les contours de son contenu et évoqué les controverses
doctrinales qui sont liées à son statut particulier en ce sens qu’il reste nécessairement lié à ces ordres
juridiques. Par ailleurs, s’agissant de son lien direct avec le contexte du développement économique,
il apparaît que sans être l’apanage des contrats d’États des nations en développement après leurs
indépendances, il est manifeste que ce contexte a fortement influencé son émergence. Dans la suite
de l’analyse, au regard du droit des MPI actuels et dans les contrats qui en découlent, qu’est-ce qui
caractérise la manifestation de la lex mercatoria ?

II- La manifestation de la lex mercatoria dans les MPI

Le propos qui nous intéresse n’est pas celui de dire que le cadre juridique des marchés publics inter-
nationaux constitue fondamentalement une application des principes de droit mercatiques. Néan-
moins, nous notons sans conteste que la matière n’y échappe pas ou en embrasse-t-elle-même sou-
vent les principes. D’entrée de jeu, il est évident que l’enjeu lié aux flux financiers colossaux et le
principe fondamental de la matière qui impose par principe l’appel d’offres ouvert et la plus large
concurrence internationale fait de ces contrats un enjeu de commerce international. Partant, ceci
implique bien souvent que l’État s’en remette à des règles qui appartiennent aux usages du com-
merce international quitte à renoncer à certains de ses privilèges. Par exemple, le recours à
l’arbitrage est systématique dans bon nombre de MPI de grande envergure financière, les clauses de
stabilisation et celles d’intangibilité marquent également une certaine conception qui diminue la
toute-puissance de l’État dans ces contrats. En plus, il apparaît que les procédés usités en droit inter-
national économique et qui sont également ceux des MPI dans les processus décisionnels et les
règles qui s’appliquent dans les différents accords de prêts et leurs conditions particulières, y compris

(4) the Unidroit Principles (see their preamble) have been specifically conceived to apply to international con-
tracts in instances in which, as it is the case in these proceedings, it has been found that the parties have agreed
that their transactions shall be governed by general legal rules and principles; and
(5) rather than vague principles or general guidelines, the Unidroit Principles are mostly constituted by clearly
enunciated and specific rules coherently organized in a systematic way ...
The precisions given by this Tribunal in preceding paragraph should suffice to dispel many concerns as to the
enforceability of an award made in these proceedings on the basis of the general legal rules and principles ap-
plicable to international obligations on account of the vagueness or lack of precision of such principles. Learned
opinions indicate that the present trend in England points towards the admissibility and enforceability in that:
jurisdiction of arbitral awards based on lex mercatoria or general principles of law, particularly when the award
has not been rendered in England or is not subject to english law and the laws of the national jurisdiction in
which the award is made do not render invalid an award made on such terms”. Voir Cour International
d’arbitrage, Sentence arbitrale N°7110 : www.unilex.info/principles/case/713 (consulté en novembre 2021)
176

les réglementations liées au contrôle des dépenses et du financement, empruntent aux mécanismes
de la Soft law et comportent des éléments qui s’inspirent du monde des affaires à l’instar de la lex
mercatoria.

Dans les nombreux litiges résultant de ces marchés qui sont soumis à des arbitrages, s’appliquent des
règles ressortissantes de la lex mercatoria. De plus, comme le rappelait le professeur Philippe kahn,
en dépit des critiques suscitées par la notion de lex mercatoria, son application dans le système ban-
caire fonctionne de manière plus efficace. Ainsi, celui-ci élabore des documents contractuels ou ré-
glementaires, dispose d’un pouvoir disciplinaire, de moyens de coercition sur les personnes et les
institutions qui gravitent autour de lui.421 Or, dans une large mesure, de nombreuses institutions
internationales de financement du développement fonctionnent comme des banques commerciales
et emploient des procédés semblables422. En ce sens, la lex mercatoria n’est pas le propre des rela-
tions entre acteurs privés puisque, dans les MPI, elle s’immisce dans les relations contractuelles liant
les sujets de droit international public que sont les États à des sujets de droit privés en favorisant
l’application de règles propulsées et adoubées par les seconds.

Dans le même ordre d’idées, l’on peut noter une référence bien organisée et bien ancrée de règles
issues de la lex mercatoria dans les MPI à travers les contrats de construction et de travaux publics,
notamment, par le biais des clauses contenues dans les dossiers types d’appels d’offres qu’ont
l’obligation d’utiliser les emprunteurs pour les projets financés par la Banque Mondiale. Il s’agit plus
précisément de l’incorporation à celles-ci, des règles dégagées par la Fédération Internationale des
Ingénieurs Conseils (FIDIC). Ainsi, le dossier type d’appel d’offres relatif à la passation des marchés de
travaux de la (Banque Mondiale) mentionne que « Les procédures et pratiques qu’il propose sont le
fruit d’une large expérience internationale, et sont conformes aux Directives susmentionnées. Par
ailleurs, la Banque a publié à l’intention des emprunteurs à tradition juridique anglo-saxonne (Com-
mon law) un dossier type d’appel d’offres dans lequel les Conditions du Marché sont celles publiées
par la Fédération Internationale des Ingénieurs Conseils (FIDIC). L’utilisation du DTAO est obligatoire
pour les travaux dont le montant est estimé à plus de 10 millions de dollars des États-Unis… »423. Il

421
P. Kahn, la Lex Mercatoria, point de vue français après quarante ans de controverses, Op. Cit.
422
Les syndications de prêts, les clauses de défaut croisées, d’entrée en vigueur croisées ou des clauses suspen-
sives de prêts en témoignent. Ces techniques particulières qui sont l’émanation du système bancaire classique
(certains projets sont d’ailleurs financés conjointement avec des banques privées) utilisent les modèles règle-
mentaires, les documents types propres à celui-ci. De la même manière, ils génèrent des règles de contrôle
propres, plus ou moins uniformisées que répliquent les différents acteurs. Ces règles de contrôle et de gestion
des risques qui sont d’origines corporatistes peuvent se manifester par l’imposition de certains comportements
aux bénéficiaires des prêts et susciter une création de règles subséquentes.
423
Voir le dossier type d’appel d’offres de passation des marchés de travaux (Droit Civil) de la Banque Mondiale
, version de 2007 http://siteresources.worldbank.org/INTPROCUREMENT/Resources/CivilWorks-03-07.pdf
consulté en novembre 2021 ; le professeur Klaus Peter Berger note l’immixtion de la lex mercatoria dans les
177

apparaît ici que, la notion de « large expérience internationale », accompagnée de celle faisant
nommément référence aux règles du FIDIC nous renseigne sur l’impact de la lex mercatoria sur les
MPI. En pratique, en sus des clauses générales et principales afférents à de tels contrats, les contrats
FIDIC proposent des modèles de garanties, de soumissions, de règlements concernant l’adjudication
et de résolution des différends, de même que des contrats-types pour les diverses catégories de pro-
jets de construction. Le fait que l’utilisation des dossiers types de l’institution de financement soit
obligatoire pour les États bénéficiaires implique une expansion des règles mercatiques à travers
l’activité de financement du développement.

Par ailleurs, d’une part, vis-à-vis de l’internationalisation des contrats d’États et les questions juri-
diques qu’ils soulèvent424 les remarques que nous avons faites concernant le contrat sans loi sont
également pertinentes ici. En effet, même si l’État est le cocontractant, ce sont des contrats d’une
nature particulière. Bien souvent, il est clair que, la lex contractus est la loi de l’État où a lieu
l’investissement. Tel est le cas en général dans les concessions portant sur la construction de grands
ouvrages publics. Mais, une grande partie des rapports contractuels est soumise à une autre loi ou à
plusieurs lois. Cela se vérifie a fortiori en cas de dépeçage des obligations contractuelles. C’est éga-
lement le cas lorsque les deux parties conviennent que l’arbitrage sera le mode de règlement de
leurs différends. Dans ce cas précis, pour faire un parallèle avec la seconde interprétation du « con-
trat sans loi » (que nous avons développée, voir la page 169), les arbitres ont souvent la possibilité
d’appliquer dans le cas d’un différend résultant d’un contrat d’Etat (ou d’un MPI d’investissement)
plusieurs lois différentes, voire des règles de droit non Étatiques comme celles dégagées par des
organismes d’arbitrages internationaux.

D’autre part, la verticalité du rapport de puissance entre les États emprunteurs et les institutions de
financement du développement entérine la création de règles particulières propres au processus de
création normatif du droit économique. Celles-ci, quoique régulant les relations entre sujets de droit
international public, n’en rappellent pas moins les règles en œuvre dans les relations entre commer-
çants. Elles appliquent des règles d’origines particulières à leurs activités, des contrats types, des
documents types, formes d’usages qu’elles s’efforcent aussi d’harmoniser entre elles et leur atta-
chent des conséquences juridiques et des moyens de contraintes financières qui s’imposent aux

activités des institutions publiques internationales. Voir, K. P. Berger, the creeping codification of the new lex
mercatoria, Op. Cit. , P286
424
Le Professeur P. Weil avait déjà fait l’ébauche de ces problèmes et de l’internationalisation croissante de ces
contrats qui impliquent bien souvent une dénationalisation ou au moins une entorse consentie de l’État a son
pouvoir souverain, sans pour autant renoncer à celui-ci. Voir, P. Weil, problèmes relatifs aux contrats passés
entre un État et un particulier, Op. Cit.
178

États. Quant aux différends pouvant survenir entre elles et ces États dans l’application de ces règles,
elles font en sorte que ceux-ci soient tranchés à l’amiable et par voie d’arbitrage le cas échéant.

Au-delà de ces comportements imitant les règles mercatiques, d’une manière générale, c’est égale-
ment dans ce sens que s’orientent les procédés de la soft-law qui ont une place prépondérante dans
le droit et la pratique des MPI.

Paragraphe 2- La soft Law dans le champ des MPI

Il convient de recadrer ce paragraphe dans la trame globale de notre réflexion. En parlant des MPI
dans les stratégies de développement, notre objectif est de faire ressortir leur place et leurs spécifici-
tés dans le financement du développement et ses objectifs en tant que le moyen privilégié de mise
en œuvre des stratégies de financement.
Ce moyen (les marchés publics) consiste dans un ensemble de règles, de procédés. Ceux-ci sont le
reflet d’une politique qui vise des objectifs, à savoir, la transparence, l’efficacité, la concurrence, le
développement humain, économique, social, l’expansion du commerce international.
Dès lors, ces règles conditionnent l’achèvement de cet objectif qui devient par là même une respon-
sabilité partagée entre bailleurs de fonds et les États. Pourtant, ces deux entités ne se situent pas au
même niveau d’intérêt, de souveraineté, de conception des règles, de fluidité et de pesanteur de
l’action et ne disposent pas des mêmes moyens, ni des mêmes structures décisionnelles.
Partant, comment peuvent-elles coopérer pour atteindre leur objectif commun en matière de déve-
loppement ?
D’emblée, on peut affirmer que les règles des bailleurs de fonds sur les marchés publics sont priori-
taires et orientent le processus.
Cela appelle quelques observations. Les marchés publics internationaux sont basés sur des opéra-
tions de prêt mais ces prêts sont soumis à une philosophie et un fonctionnement distinct de ceux des
prêts classiques au niveau des prérogatives et des obligations mises à la charge des parties. Ainsi, on
peut constater que dans un contrat de prêt classique, les seules prérogatives d’un prêteur visent à
assurer l’obtention du remboursement du capital principal et des intérêts. Ceci lui donne le droit de
prendre des garanties et autres sûretés pour renforcer la probabilité d’occurrence de son rembour-
sement. Néanmoins, l’on imagine mal le prêteur imposer des règles de vie, de bonnes hygiènes cor-
respondant à la conception qu’il en aurait, d’une façon de vivre à son débiteur. Tout au plus, est-il
fondé à assortir le prêt de conditions tenant à la souscription de contrats d’assurances qui pourraient
le prémunir face aux négligences de l’emprunteur quant à son hygiène de vie, les risques sanitaires,
179

personnels, émotionnels et les vicissitudes de la vie de l’emprunteur qui pourraient affecter la capa-
cité de ce dernier à rembourser le prêt. Partant, il est évident que toute clause qui tendrait à obliger
l’emprunteur à se réveiller tous les jours à l’aube pour aller travailler, ou à faire ses achats dans un
magasin faisant du « hard-discount » plutôt que d’une autre qualité etc. serait prohibée. En défini-
tive, le prêteur n’aurait d’autres choix que d’effectuer une analyse juste des risques préalablement
au prêt, de souscrire de bonnes assurances et de se fier au sens de la responsabilité de son cocon-
tractant.
Pourtant, il est curieux de constater que cette logique de bon sens juridique qui devrait s’élargir à un
État du fait de sa souveraineté, ne s’applique pas dans le cas des contrats de prêts entre les pays en
développement et les institutions multilatérales de développement. De fait, les prêteurs dictent aux
États les règles à appliquer à leurs contrats ; la conduite à tenir dans la gestion de leurs finances pu-
bliques ; y mènent des audits réguliers et impulsent la création de normes pouvant aboutir à des
comportements préservant leurs intérêts. C’est par exemple le cas des ajustements structurels, des
réformes des systèmes de passation des marchés publics.
Il est vrai que cette logique qui est celle du rapport de force économique est difficile à contourner.
L’histoire nous montre que les nations Européennes, lors de la conclusion du plan Marshall avec les
États-Unis d’Amérique ont eu à faire face à des conditions léonines425.
Naturellement, dans le contexte des MPI, on pourrait s’interroger sur la légitimité d’une telle réalité.
De même, il convient de poser certaines questions afin d’éclairer cette problématique. Force est de

425
Il apparaît que cette logique est la même dans les accords du plan Marshall (Programme de rétablissement
Européen). Il en ressort que les américains ont tenté d’imposer des conditions intrusives allant à l’encontre de
la souveraineté des États bénéficiaires lors des négociations. Notamment, dans le cas de la France, celles te-
nant à la quasi-tutelle américaine sur le Budget Français, la mise en place d’un plan de stabilisation écono-
mique , la dénationalisation de certaines entreprises françaises, la fixation du taux de change par le FMI et
l’entrée en consultation du gouvernement français avec ladite institution si le gouvernement Américain esti-
mait que le taux de change de la monnaie française augmentait le prix de l’aide Américaine, la soumission ex-
clusive de la France à la juridiction internationale de la CIJ pour les affaires concernant l’aide , sans réciprocité
Américaine, la demande de garantir la liberté de transfert des bénéfices des investisseurs privés Américains en
France vers les USA (voir première copie de l’accord bilatéral du 28 juin 1948 proposée par les autorités Améri-
caines) etc… ces premières citées ont été évitées par la France du fait d’une résistance opiniâtre des négocia-
teurs français menés notamment par M. Georges Bidault, le ministre des affaires étrangères. Toutefois, des
procédures très inquisitoriales demeurèrent, notamment, relativement au contrôle des marchandises impor-
tées confiées à « la Société Générale de Surveillance », puis à « Edward. T. Robertson and Sons ». Ceci impli-
quait un contrôle et un décompte minutieux des cargaisons que les douanes françaises devaient accepter. De
plus, les négociateurs français durent accepter l’interdiction de faire transaction des produits du plan Marshall
avec les pays de l’Europe de l’Est communistes. L’exigence d’adopter La CNPF vis-à-vis du commerce avec
l’Allemagne fut exigée et maintenue en dépit des réticences françaises.

Voir à ce sujet : Gérard Bossuat, les aides américaines économiques et militaires à la France, 1938-1960 : une
nouvelle image des rapports de puissance, Paris : Ministère de l’Economie et des Finances, comité pour
l’histoire économique et financière de la France, DL ,2001 », chap. VI Les conditions de l’assistance Marshall à la
France, pp. 147-185, disponible sur http://books.openedition.org/igpde/2023
180

constater alors qu’il existe un certain fonctionnement des mécanismes de régulation, au moins dans
l’approche initiale des différents acteurs (étatiques et internationaux). Quelles sont ces différences ?
Il se pose donc la question de leur coexistence, les rapports de hiérarchisation, de compatibilité et
des influences mutuelles qu’elles entretiennent entre elles.
Il apparaît que les rapports qu’entretiennent ces deux règles différentes ne se situent pas simple-
ment dans le cadre des procédés du droit international classique. Elles font appel naturellement à
des procédés du droit international économique. Ce qui implique une spécificité dans la conception
de la règle, sa diffusion et son application. Cette question fait émerger ipso facto celle de la soft-Law
en droit international économique qui prend des proportions singulières s’agissant des marchés pu-
blics de développement. D’où il devient légitime d’analyser la production normative des MPI à l’aune
du présupposé de soft Law qui la caractérise.
L’analyse de ces questions revêt une importance capitale, car d’une part, l’appréhension de la nature
des rapports entre ces règles va constituer une caractéristique essentielle des marchés publics inter-
nationaux. D’autre part, une telle conception emporte quelques conséquences sur les rapports de
force en œuvre, la responsabilité et le rôle des acteurs et l’efficacité du financement pour les objec-
tifs de développement. Dès lors, qu’est-ce que la soft-law et comment se manifeste-elle dans les
MPI ?

I- La notion de soft-law en droit international

L’expression soft-law serait attribuable à Lord McNair, qui l’a formulée pour qualifier « le droit en
forme de propositions ou principes abstraits, par opposition à la hard-law, le droit concret, vécu ou
opératoire, issu de l’épreuve judiciaire »426. Plus tard, cette notion a été reprise en lui donnant un
sens plus élargi allant au-delà du rôle de la jurisprudence dans la précision de ces propositions et
principes abstraits. Même si le contenu de la notion est critiqué et ne fait pas l’unanimité, son appel-
lation est bien ancrée, notamment en droit international économique. Cette appellation évoque celle
d’un « droit souple427 » qualifié ainsi parce que sa création se fait en marge de la conception clas-
sique de ce que doit être le processus de création normative en droit international (selon une vision

426
Cf. ABI SAAB GEORGES, cours général de droit international public, recueil des cours de l’académie de droit
international de la Haye, vol 207, 1987, p 206., 461P ; Ainsi, dans son intention primaire, ce qualificatif visait
plus à délimiter les frontières entre la lex ferenda et la lex lata. Voir Jean d’ Aspremont, Softness in internation-
al law : a self-serving quest for new legal materials, The European Journal of International Law (EJIL) Vol. 19
no.5, 2008, PP 1075-1093, p108
427
Notons que le qualificatif « soft » en Anglais peut également se traduire par tendre, doux ,flexible, mal-
léable, moelleux, faible, léger, facile, tempéré, délicat.
181

positiviste). Son extension concerne la nature de ce droit, ses sources, son effectivité. À ce titre, par-
ler de soft law, c’est d’abord s’interroger sur les sources du droit international.
Les contours des sources du droit international lui-même dans l’évolution d’un monde en perpétuel
changement, est une question ambivalente. Sans rentrer dans les débats, opposant les positivistes et
ceux qui optent pour le pluralisme des sources du droit, on peut se référer à l’article 38 du statut de
la CIJ qui donne le ton en la matière.
D’après ledit article qui est une référence en la matière, les sources du droit international dont tient
compte ladite juridiction internationale sont : « Les conventions internationales, soit générales, soit
spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les États en litige ; la coutume interna-
tionale comme preuve d'une pratique générale, acceptée comme étant le droit ; les principes géné-
raux de droit reconnus par les nations civilisées ». À cela, s’ajoute de manière subsidiaire « les déci-
sions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen
auxiliaire de détermination des règles de droit. »428
Certains actes unilatéraux et les résolutions des organisations internationales sont considérés
comme étant des sources supplémentaires.429
Il est admis qu’à l’égard d’un sujet de droit international, les actes unilatéraux peuvent créer des
obligations. Elles auront un effet « immédiat » dans les hypothèses où, soit l’État s’engage et crée
des obligations à son égard, soit qu’il renonce expressément à la jouissance d’un droit (bien que leurs
destinataires éventuels puissent par la suite en décliner le bénéfice). Quant à ceux qui portent une
prétention vis-à-vis d’un tiers, leurs effets dépendent de la réaction de celui-ci. Toutefois, suivant
l’arrêt de la CIJ, des essais nucléaires, de telles obligations juridiques émanant d’actes unilatéraux ne
peuvent être considérés que comme subjectifs et non ayant une portée générale430.
Comment la soft-Law se positionne-t-elle vis-à-vis de cette conception classique des sources du droit
international public ? À cet égard, elle semble faire preuve d’une certaine compatibilité avec la con-
ception du droit et les sources ci-dessus mentionnée, mais elle s’en détache dans le même temps par
son mode spécifique de création, de diffusion et son contenu. C’est la conception de la doctrine posi-
tiviste de la création du droit et de son effectivité dans le système juridique qui nous en donne le
contraste le plus évoqué par la doctrine431.

428
Voir article 38 du statut de la CIJ
429
Voir notamment, ABI SAAB GEORGES, cours général de droit international public, Op. Cit. p 188-209
430
Voir Ibid. p 194 ; voir également sur la question des actes unilatéraux : Pierre-Marie DUPUY, Yann KERBRAT,
Droit international public, DALLOZ, 15ième Ed., 2020, 962P, pp 346-357 ; également : Kamto, Maurice, La volonté
de l’État en Droit international, Op. Cit, p 114 ; voir aussi : DECAUX Emmanuel, de FROUVILLE Olivier, Droit
international public, DALLOZ, Hypercours, 12ième Ed., 2020, 684P, pp68-74
431
Voir Jean d’’Aspremont, Softness in international law: a self serving quest for new legal materials, Op. Cit.
182

Ainsi, pour appréhender la soft-Law selon la conception de la doctrine positiviste, il faut considérer la
question sous l’angle de la distinction entre les faits juridiques et les actes juridiques. Id est, entre ce
qui est voulu et ce qui est fortuit ou subi. D’après cette conception positiviste, seuls les actes juri-
diques pourraient recevoir conformément à la volonté de leur auteur le sceau du qualificatif de soft-
law.
Ensuite, quant à la qualité de « soft » de l’acte juridique, il convient de faire la différence sur les deux
éléments constitutifs de celui-ci. Le negotium, (c’est-à-dire, la partie de l’acte qui manifeste la volon-
té des parties) et l’instrumentum (c’est-à-dire, le support de l’acte, l’instrument dans lequel l’acte
prend forme). Chacun de ces éléments peut revêtir une caractéristique soft ou hard432. La caractéris-
tique soft de l’instrumentum consisterait dans le fait de déposer une volonté pouvant produire des
effets juridiques dans un instrument souple. Un tel choix au regard du negotium reviendrait au choix
par les parties à donner un caractère non-contraignant à leur manifestation de volonté, de telle sorte
que leur engagement n’entame pas leur liberté.
Il y a là un contraste du point de vue de la doctrine positiviste.
De fait, en ce qui concerne le caractère soft de l’instrumentum, elle lui reproche de considérer que la
loi peut être et produire des effets même là où les parties elles-mêmes ne l’ont pas voulues expres-
sément. elle estime que dans ce cas, les effets qui en découlent ne devraient être considérés que
comme des faits juridiques et donc en dehors du domaine de la soft-law, selon la dichotomie opérée
entre faits et actes juridiques. En ce sens, il ne pourrait pas vraiment exister de soft-law, car soit la loi
est ferme, soit elle n’est pas une loi.
En revanche, s’agissant de la nature de soft-law d’un acte dont le negotium serait souple mais dont
l’instrumentum serait solide, la doctrine positiviste admet la validité d’un tel acte en tant qu’elle sa-
tisfasse aux critères d’une norme ; ici les parties auront voulu donner du sens à leur engagement en
assumant leur volonté que celui-ci produise des effets à leur égard. Qui plus, elle estime que le carac-
tère contraignant des dispositions internes (negotium) d’une norme n’est pas un prérequis pour sa
validité.
Cette conception peut appeler quelques commentaires au regard de la jurisprudence.
Ainsi, La CIJ s’est prononcée sur la validité du contenu d’une règle conventionnelle qui pourrait pré-
tendre à rentrer dans le processus de création de normes coutumières en estimant que dans une
telle hypothèse, il faudrait que les parties aient voulu lui attacher des effets forts (Dans l’affaire du
plateau continental de la mer du nord, 1969, paragraphe 72). Elle a estimé que tous les engagements
d’un accord international ne peuvent pas être lus comme instituant de véritables obligations juri-

432
Pour une analyse plus détaillée de ces notions, voir : DMOCHOWSKI Piotr, Soft Law Internationale, Tome 1,
force contraignante du negocium, Varsovie APD Ed., 2001, 973P ; DMOCHOWSKI Piotr, Soft Law Internationale,
Tome 2, Validité juridique et « autorité » politique de l’instrumentum, APD Ed., 2004, 977P
183

diques. Il en va ainsi des dispositions purement indicatives ou suggestives qui ne formulent pas
d’obligations. Les préambules des traités qui proclament des principes de paix, d’amitié. la CIJ dans
l’affaire des activités et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci note que l’article 3d de la charte
des États Américains, ne contenait aucune obligation pour les parties433. Il en va de même dans son
jugement sur les objections préliminaires dans l’affaire des plateformes pétrolières entre l’Iran et les
USA, elle a estimé que l’article 1 du traité d’amitié de 1955 en ce qu’il disposait que « there shall be
firm and enduring peace and sincere friendship” ne contenait pas d’obligations allant dans le sens du
but du traité et ne pouvait à ce titre être interprétée comme incorporant des obligations contrai-
gnantes entre les parties.434 Il en va également de même pour les accords qui ne se suffisent pas à
eux-mêmes mais nécessitent des accords complémentaires qui précisent leur contenu. C’est le cas de
certaines conventions cadres dans le droit environnemental.
Cette posture vis-à-vis de la force attachée au contenu de la norme est partagée par le juge Hersch
Lauterpacht à travers ses avis dissidents (dans différentes affaires jugées par la CIJ) qui minimisent la
portée des déclarations unilatérales des États face à la compétence de sa compétence de la CIJ que
les mêmes États ont acceptés à travers un acte contraignant, en l’occurrence son statut435.
En outre, même dans un acte juridique, il pourrait exister des aspects qui relèvent de la soft-law et
d’autres qui sont moins soft. Dans ce sens, certains voient dans le recours à des procédures de conci-
liation plutôt qu’à des voies judiciaires auxquelles se réfèrent certains traités pour le règlement des
litiges, une forme de soft law. Le professeur Alan Boyle parle par exemple de « soft-enforcement ».
C’est le cas de quelques conventions relatives à la protection de l’environnement. Ainsi, le protocole
additionnel de Montreal de 1987 à la convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone du
22 mars 1985 consacre une procédure qui prévoit que, lorsqu’une partie ou le secrétariat dénonce la

433
Cet article dispose en ces termes «La solidarité des États américains et les buts élevés qu'ils poursuivent
exigent de ces États une organisation politique basée sur le fonctionnement effectif de la démocratie représen-
tative », voir CIJ, affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.
États-Unis d’Amérique), arrêt du 27 juin 1986, recueil des arrêts. Avis consultatifs et ordonnances paragraphes
259 à261 https://www.icj-CIJ.org/public/files/case-related/70/070-19860627-JUD-01-00-FR.pdf
434
Voir paragraphes 24-28
435
Opinion individuelle du juge Lauterpacht concernant l’arrêt du 6 juillet 1957 dans l’affaire Certains emprunts
norvégiens (France c. Norvège) paragraphe 49 : “However that may be, the acceptance of the Optional Clause
is an instrument purporting to bring about, as between the accepting State and any other State which has ac-
cepted or may accept that text, reciprocal rights and obligations. If the acceptance does not, in law, amount to
an assumption of an obligation effectively binding upon the Government concerned, it is not a valid instrument
upon which the accepting State can rely and of which the Court can take cognizance. If a Government declares
that it accepts the compulsory jurisdiction of the Court unless, in cases which cover potentially the entire field
of possible disputes, it determines, after the dispute has come before the Court, that the Court has no jurisdic-
tion, then the declaration thus made constitutes no legal undertaking and cannot be treated as a legal instru-
ment constituting an undertaking”. https://www.icj-CIJ.org/public/files/case-related/29/029-19570706-JUD-
01-03-EN.pdf (consulté en novembre 2021) ; voir également son avis dissident dans l’affaire interhandel (Suisse
c. États-Unis d'Amérique), CIJ, arrêt du 21 mars 1959 https://icj-CIJ.org/public/files/case-related/34/034-
19590321-JUD-01-08-FR.pdf (consulté en novembre 2021)
184

violation des obligations y contenues, l’affaire est portée devant un comité constitué des représen-
tants de 10 parties choisies sur des bases géographiques équitables. Celui-ci a pour but de trouver
une solution amiable qui sera soumise à l’approbation de toutes les parties en vue d’arrêter des me-
sures définitives. Il en va de même pour l’article 18 du protocole de KYOTO qui ne prévoit aucun re-
cours judiciaire ou arbitral en cas de violation du traité, mais consacre simplement des voies de con-
ciliation interne entre les parties.436
À rebours de ces positions très tranchées sur la juridicité ou non de la soft-law, l’on peut adopter une
position intermédiaire qui consiste à lui accorder une place dans le processus de formation du droit
et dans la nécessité d’adaptation des solutions à certains contextes politiques et économiques. Dans
ce sens, la soft-law fait partie de l’évolution du droit et confirme sa capacité à être flexible, dans son
souci d’appréhension des phénomènes sociaux et économiques. Dans la mesure où le droit se forme
par étapes progressives, avant sa consécration formelle par un acte ou un organe habilité, il existe
une zone grise difficile à qualifier qui marque le passage du pré-droit au seuil du droit. Celle-ci est
susceptible de déterminer une orientation ou de correspondre elle-même au « produit le plus ap-
proprié pour l’utilisation instrumentale qu’on envisage pour elle »437. La soft-law concourt à la forma-
tion des normes de droit international en soutenant la solidité des pratiques coutumières par le ren-
forcement de l’opinio juris. Cela peut être le cas avec les résolutions de l’assemblée générale. Une
telle conception a été mise en avant dans les arrêts de la CIJ dans les affaires des activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci438. De plus, certains instruments de soft-law sont un
continuum d’instruments de hard-law qui prévoient des engagements ou des directives à venir qui
utiliseront le canal du premier. Dans certains cas, il y a des instrumentum souples qui contiennent
des obligations que l’on trouve aussi dans les instruments contraignants, à l’instar des mécanismes
de supervision (que l’on retrouve systématiquement dans les MPI). Ainsi, on peut parler de complé-
mentarité entre la soft-law et la hard-law plutôt qu’une opposition systématique.
Encore, l’utilisation des procédés de soft-law est symptomatique de la bureaucratisation des institu-
tions internationales qui donne lieu à un recours massif à des réglementations informelles à travers
des programmes d’actions et autres procédés de nature administrative liés à leurs objectifs. Les dé-
tails techniques, le besoin de flexibilité de celles-ci permet une participation plus active des acteurs

436
Voir Alan Boyle, some reflections on the relationship of treaties and soft-law, International & Comparative
Law Quarterly , Volume 48 , Issue 4 , October 1999 , pp. 901 – 913.
437
Cf Abii Saab Georges, cours général de droit international public, Op. Cit. p211
438
« Il est bien évident que la substance du droit international coutumier doit être recherchée en premier lieu
dans la pratique effective et l'opinio juris des États, même si les conventions multilatérales peuvent avoir un
rôle important à jouer en enregistrant et définissant les règles dérivées de la coutume ou même en les déve-
loppant. (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/ Malte), C. I.J. Recueil 1985, p. 29-30, par. 27.) »
On peut considérer que même avec un negotium soft, les conventions multilatérales peuvent participer à la
formation de règles coutumières ; voir CIJ, affaire des activités militaires et paramilitaires au nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), recueil des arrêts. avis consultatifs et ordonnances, 1986
185

non étatiques intégrés dans le processus, qui est beaucoup plus difficiles dans le cas des instruments
plus contraignants439.

II- La manifestation de la Soft-Law dans les MPI

Le croisement entre la soft-Law et les MPI se fait à travers plusieurs moyens.


D’une part, l’on peut chercher ce lien dans le pouvoir réglementaire des institutions internationales.
Cette réalité qui a été observée depuis plusieurs décennies trouve un écho particulier en matière de
MPI.
D’autre part, ce pouvoir réglementaire donne lieu à un ensemble d’instruments qui régulent le pro-
cessus de financement et de passation des MPI par la voie de la soft-Law ; il s’agit notamment des
règles et documents standards. Le recours à ceux-ci répond non seulement à une logique
d’harmonisation, mais également à une recherche de flexibilité et d’efficacité comme tel est souvent
le cas lorsque la soft-Law est utilisée dans le contexte du droit international administratif.

1- À travers le pouvoir réglementaire des institutions multilatérales de financement du dévelop-


pement
Le phénomène d’administration globale des organisations internationales qui sont instituées par voie
de traités ou d’accords entre États a engendré ce que l’on peut qualifier de droit des organisations
internationales. C’est l’une des composantes du « droit administratif global ». Madame Anne-
Charlotte Martineau affirme à ce sujet que l’idée de droit administratif global constate l’existence de
nouveaux modes de régulation sur la scène mondiale. Il s’agit d’une activité normative, de nature
administrative, qui se distingue de celle ayant trait aux aspects d’extranéité de l’activité des adminis-
trations nationales, gérée par des institutions internationales instituées par traité. Les institutions
internationales de financement du développement recourent à ces procédés.
Il importe de préciser que cette activité de droit administratif global concerne également des entités
privées transnationales ou souvent nationales produisant des normes qui s’appliquent à des entités
publiques. C’est le cas par exemple de l’ISO (international Standardization Organization) qui a produit
des milliers de normes. C’est aussi le cas de l’Agence Mondiale anti-dopage qui est enregistrée sous
le droit suisse mais dont la mission est publique en matière de lutte contre le dopage dans le sport.
Elle a adopté un code qui fait autorité en la matière. Celui-ci, même s’il n’est pas formellement con-

439
C’est notamment l’avis partagé par le professeur Shelton de l’université de Georges Washington, émis lors
d’un colloque organisé par l’American Society of International Law de droit international (ASIL). Voir Dinah
Shelton, law, non-law and the problem of soft law, In commitment and Compliance : the role of non-binding
norms in the international legal system (Dinah Shelton ed., 2000), pp 2-18;
186

traignant, inspire les législations nationales et le tribunal arbitral du sport s’y réfère comme une
norme obligatoire440.
Les activités des Institutions de financement dans leurs relations avec les États bénéficiaires produi-
sent une pléthore de réglementations qui ne se limitent pas aux accords et conventions classiques.
Celles-ci peuvent prendre différentes formes telles que des consultations, des avis, des recommanda-
tions, des expertises, etc.441 Ces méthodes sont considérées comme moins formalistes et permettent
plus de flexibilité. Il va de soi que c’est un moyen par lequel l’institution de financement exerce un
pouvoir puisque ce sont ces règles qui vont déterminer les conditions particulières et directes dans
lesquelles les marchés se dérouleront. De même, il est évident que ces procédés peuvent donc poser
des questions quant à leur légitimité et en matière de responsabilité des institutions de financement.
À cet effet, On pourrait évoquer plusieurs hypothèses :
La première est liée à la contrepartie en termes de responsabilité, de redevabilité et de transparence
de ces institutions. En ce sens, pour gagner en légitimité dans leur pouvoir de régulation, les institu-
tions de financement de développement doivent elles-mêmes s’astreindre à une obligation de bonne
gouvernance442. À ce propos, on note que La création des structures internes d’auto évaluation et de
contrôle en leur sein vise à répondre aux plaintes de la société civile d’obtenir plus de visibilité et de
redevabilité (accountability). Elles doivent être plus participatives, transparentes, leurs décisions
doivent être raisonnables et motivées et susceptibles de recours. Il s’agit par exemple de l’inspection
panel de la Banque Mondiale, le « project complaint mechanism » de la BERD, la Division de la Con-
formité et de la Réglementation à la BOAD, le « compliance advisor ombudsman » à la SFI et l’AMGI,
le Mécanisme Indépendant de Consultation et d’Investigations de la BID.
La seconde hypothèse nous ramène à celle du transfert de compétence des États aux institutions de
financement à travers leur adhésion aux actes constitutifs de celles-ci. Notons que cette délégation
de compétence, s’il en est, n’est pas aussi claire en matière de MPI que dans le cas des transferts de
compétences des États, en faveur de certaines institutions disposant d’un pouvoir réglementaire
accru, comme l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) l’UPU (Organisation Postale
Universelle), l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Néanmoins, certaines dispositions conven-
tionnelles ont été interprétées dans ce sens, c’est le cas de l’art III, section 5.b du statut de la BIRD

440
Voir : Anne-Charlotte Martineau, Une analyse critique du débat sur la fragmentation du droit international,
thèse de doctorat, Université Paris I- Panthéon Sorbonne, 2013, 472P, pp 284 et s. voir également, Merle Mar-
cel. Le pouvoir réglementaire des institutions internationales. Op.cit. ; voir aussi, Saba. H., L'activité quasi-
législative des institutions spécialisées des Nations Unies, Op. Cit. Avant l’émergence du concept de droit ad-
ministratif global, il évoquait pour qualifier ces normes d’un nouveau genre, l’expression de « normes non
ratifiées »
441
Idem, p286
442
Sur ce concept en ce qui concerne les acteurs du droit administratif global. Benedict Kingsbury, « The
Concept of Law in Global Administrative Law », Op. Cit.
187

qui dispose que « La Banque prendra des dispositions en vue d’obtenir que le produit d’un prêt soit
consacré exclusivement aux objets pour lesquels il a été accordé, compte dûment tenu des considéra-
tions d’économie et de rendement et sans laisser intervenir des influences ou considérations poli-
tiques ou extra-économiques ».
La dernière hypothèse pourrait questionner la validité de ces règles du point de vue des sources du
droit international public et de l’engagement des États. Sans trop s’étaler sur ce point, nous consta-
tons qu’en dehors des références qui y sont faites pour rappeler le contexte historique ou dans les
discussions doctrinales théoriques relatives à la validité des règles de droit international et de ses
sources443, la question de la validité de ces règles ne se pose plus, d’un point de vue fonctionnel. Il est
désormais bien admis que les institutions internationales créent du droit et influencent l’évolution du
droit international. De plus, depuis bien longtemps, contrairement au principe tiré de l’arrêt de la
CPJI dans l’affaire du Lotus, la source de l’opposabilité d’une norme à un État ne se situe plus forcé-
ment, exclusivement, dans sa volonté exprimée dans des conventions ou des usages acceptés
comme consacrant des principes de droit.444 D’ailleurs, l’extension des pouvoirs des organisations
internationales en matière normative a été reconnue dans un avis consultatif de la CIJ sur la licéité de
l’utilisation des armes nucléaires. La cour a en effet estimé que « les compétences conférées aux or-
ganisations internationales font normalement l’objet d’une formulation expresse dans leur acte cons-
titutif. Néanmoins, les exigences de la vie internationale peuvent mettre en lumière la nécessité pour
les organisations de disposer, aux fins d’atteindre leurs buts, des compétences subsidiaires non ex-
pressément prévues dans les textes fondamentaux qui gouvernent leur activité. Il est généralement
admis que les organisations internationales peuvent exercer de tels pouvoirs dits « implicites » »445.
Comme nous l’avons évoqué en parlant de la lex mercatoria dans les MPI, à bien des égards, les États
sont des acteurs comme tout autre dont le pouvoir se dilue lorsqu’il s’agit des relations économiques
et commerciales à l’échelle internationale. Le recours réguliers des institutions de financement du
développement à des standards de nature réglementaire qui s’imposent aux États concomitamment
aux financements qu’ils octroient corrobore cette idée.

2- Le recours aux standards : une manifestation de la soft law dans les MPI

443
On pense notamment aux critiques du professeur P.Weil quant au danger d’une normativité relative en
droit international. Voir P.WEIL, « Vers une normativité relative en droit international ? », Op. Cit. pp. 5-47 ;
444
CPJI, Affaire du Lotus, arrêt du 7 septembre 1927, recueil des arrêts de la CIJ, série A- N°10, p18
445
CIJ, Essais nucléaires (Australie c. France ; Nouvelle-Zélande c. France), Arrêts du 20 décembre 1974, Recueil
1974, paragraphe 25 de l’avis ; voir également : Geir Ulfstein, Les Activités normatives de l’organisation inter-
nationale, In : Evelyne Lagrange & Jean-Marc Sorel (Ed.), Droit des organisations internationales. L.G.D.J., 2013
chap. 23. Pp 737 – 755, p740
188

La mondialisation et la montée en puissance des pouvoirs économiques ont entraîné une redéfinition
des modes de création du droit446. Cette tendance est vraie aussi bien dans le cadre des relations
entre acteurs privés et publics comme nous l’avons vu avec l’essor de la lex mercatoria, mais égale-
ment dans les relations entre les sujets primaires du droit international que sont l’État et les institu-
tions internationales. Dans ce sens, « l’évolution des pratiques juridiques au niveau international a
conduit à ce que le droit dur ne soit pas l’instrument juridique le plus typique »447.
C’est ce qui ressort de la pratique des MPI qui induit des rapports particuliers entre États et institu-
tions multilatérales de financement. De fait, sur le plan juridique, ces rapports sont marqués par le
recours systématique à des règles qui mettent en avant le pouvoir réglementaire des institutions
multilatérales. Il s’agit bien souvent de règles standards qui sont à la fois des instructions, orienta-
tions, des incitations. Ils peuvent également prendre la forme d’actes complémentaires à des enga-
gements ou enclencher un processus qui peut être la matérialisation de celui-ci.
Par exemple, dans la déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, les États déve-
loppés et ceux en développement se sont engagés à mettre en œuvre une « harmonisation » des
réglementations448. Le recours aux standards répond à l’un des critères évoqués plus haut qui justifie
la prééminence de la soft-law en droit international économique,449 Id est, le besoin de trouver la
règle qui s’adapte le plus à la situation. L’idée de standard est corrélée à celle de normalité, de nor-
malisation. Aussi, si comme le mentionne Madame Anaïs Lagelle, « les standards servent à assouplir
la rigidité des règles traditionnelles, à les rendre adaptables aux différents lieux dans lesquels elles
s’appliquent en fonction des époques et des circonstances ou à emporter l’approbation de tous lors de
la formulation de la règle. »450; dans le cas des MPI, ils procèdent également de la vision des Institu-
tions multilatérales selon laquelle les législations des États bénéficiaires sont lacunaires ou inadaptés
aux objectifs de la commande publique sur financement international.

446
La professeure Mireille Delmas Marty évoque bien cette réalité dans son œuvre. L’ordre mondial ne se li-
mite plus aux institutions politiques et juridiques traditionnelles. Il passe nécessairement également par un
rééquilibrage entre acteurs économiques (les entreprises) et acteurs civiques (organisations non gouvernemen-
tales), sans négliger l’importance, au croisement des savoirs, d’une mondialisation des acteurs scienti-
fiques. Voir Mireille Delmas Marty, les forces imaginantes du droit (III) : la refondation des pouvoirs, Ed. du
seuil, paris, 2007, 299p
447
Chatzistavrou F., « l’usage de la soft law dans le système juridique international et ses implications séman-
tiques et pratiques sur la notion de règle de droit », le portique, 2007, p2 http://leportique.revues.org/591
consulté en novembre 2021
448
Voir Déclaration de paris sur l’efficacité de l’aide au développement, indicateur 9
449
Voir notamment Dinah Shelton, law, non-law and the problem of soft law, commitment and Compliance:
the role of non-binding norms in the international legal system, Op. Cit.
450
Voir ANAIS Lagelle, les standards en droit international économique : contribution à l’étude de la normativité
internationale, thèse de Doctorat, université de Nice Sophia Antipolis, 2012, p28 et s., 468P
189

Ainsi, les standards dans les MPI se déclinent en des règles impératives ou non-impératives. Tout est
fonction de l’intention du législateur. Leurs critères d’application sont précisés au moment de leur
détermination et laissent peu de marge à l’interprétation.
S’agissant des instruments obligatoires, on peut se référer d’abord, par exemple aux directives sur la
passation des marchés et des documents types qu’ils contiennent ; les États bénéficiaires acceptent
obligatoirement le principe que ces documents seront utilisés pour la passation des marchés en si-
gnant l’accord de prêt. Ils n’ont donc pas d’autres choix. Ces règles standardisées sont approuvées
par l’institution multilatérale et s’appliquent indistinctement à tous les emprunteurs telles qu’elles
sont en vigueur. Ensuite, les règles qui visent à la supervision par les banques de développement des
projets des États à toutes les étapes de la procédure sont instituées par référence aux accords de
prêts et prennent forme dans des documents internes qui fixent les règles applicables, les délais et
les modalités de mise en application. Il en va ainsi à la Banque Mondiale de tous les documents opé-
rationnels et ceux relatifs aux procédures de la Banque (Operational policies et Bank Procedures). On
peut citer en guise d’exemple, les procédures standards relatives à l’évaluation environnementale
(OP/BP 4.01). Le préambule du document précise que « Les présentes PO et PB sont applicables à
tous les projets pour lesquels un document d’information aura été publié après le 1er mars 1999. »451.

Quant aux règles non contraignantes en matière de MPI, elles constituent des recommandations et
répondent souvent à l’idée du standard de « best practice ». En dépit de leur caractère recommanda-
toire, elles n’en restent pas moins très influentes. Cette forme de Soft-law dans les MPI se reflète par
exemple dans les instruments internationaux qui servent à guider les États dans la formulation et la
mise en œuvre de leurs législations. C’est le cas des nombreuses recommandations de l’OCDE452, les
loi-types de la CNUDCI en matière de passation de marchés publics et des projets d’infrastructures à
financement privés (partenariats publics-privés) destinés à l’incorporation par les États dans leurs
législations453.
Quid de la légitimité de ces règles à gouverner le processus de passation, de supervision des MPI ?

451
Voir OP/BP 4.01, sur le site des ressources documentaires de la Banque Mondiale, 1999
452
Voir par exemple Beth, E. et A. Hrubi (2008), « Renforcer l’intégrité dans les marchés publics : Étude
d’apprentissage mutuel au Maroc », document interne, Direction de la Gouvernance publique et du dévelop-
pement territorial, OCDE, Paris ; également, OCDE, Recommandation du conseil de l’OCDE sur les marchés
publics., 2012 Disponible à l’adresse : https://www.oecd.org/fr/gouvernance/ethique/Recommandation-
OCDE-sur-les-marches-publics.pdf
453
Loi type de la commission des nations unies pour le droit commercial international sur la passation des mar-
chés de biens, de travaux et de services. Op. Cit. ; Guide pour l’incorporation dans le droit interne de la Loi type
de la CNUDCI sur la passation des marchés publics, New YORK, 2014 ; Guide législatif de la CNUDCI sur les pro-
jets d'infrastructure à financement privé adopté le 29 juin 2000 et d’autre part des dispositions législatives
types de la CNUDCI sur les projets d’infrastructure à financement privé adoptées en 2003
190

La réponse à cette question dépend naturellement de la considération que l’on accorde à la légitimi-
té du canal dont émane ou par lequel est appliquée la règle. Ainsi, quant aux recommandations, elles
acquièrent une force juridique suffisante lorsqu’elles sont appropriées par les États eux-mêmes, en
intégrant les codes des marchés publics par exemple. Le cas échéant, leur application reste faculta-
tive.
Pour ce qui est des directives et les règles opérationnelles, la question se pose différemment. On
pourrait alléguer qu’elles sont le prolongement des engagements internationaux de l’État en ce sens
qu’il en accepte le principe soit en adhérant au statut des Banques de développement ou accord de
partenariats avec les agences bilatérales, ou au moins en acceptant la force probante des documents
opérationnels lors de la signature de l’accord de prêt. Par exemple, dans l’accord de prêt numéro
8724-MA conclu entre le Royaume du MAROC et la BIRD454, il est précisé dans la section III relative
aux marchés publics que ledit État accepte la soumission desdits marchés aux directives opération-
nelles de la Banque en la matière. Toutefois, il est loisible de penser qu’en dépit de l’accord de l’État,
il demeure évident que les pays en développement n’ont pas un choix étendu et doivent accepter ces
règles s’ils veulent bénéficier des crédits qui y sont attachés, pour le financement de leurs projets.
Cela met en évidence le fait que principalement en matière de MPI, « les standards sont la formula-
tion contemporaine de la soft law »455. Elles constituent une nouvelle méthode de création du droit.
D’ailleurs, ici, la traduction en français de procurement « guidelines » par « directives » sur la passa-
tion des marchés , ne doit pas tromper puisqu’à l’inverse des directives (dans le cadre des organisa-
tion régionales d’États regroupés) qui laissent aux États destinataires le choix du moyen à utiliser
pour arriver au résultat en se bornant à leur indiquer une orientation, les « directives » des institu-
tions de financement en matière de marchés publics s’appliquent directement et sont contraignantes
dans toutes leurs dispositions.
À ce propos, l’on peut rappeler les mots de Monsieur Gérard Cornu selon qui, les standards repré-
sentent du point de vue des organisations internationales telles que le FMI, « certaines règles qui,
sans avoir la force d’une véritable norme juridique, ne sont pas dépourvues de tout caractère obliga-
toire »456. De fait, si l’on sort de la conception kelsénienne pyramidale qui établit une hiérarchie entre

454
“All goods and non-consulting services required for the Project and to be financed out of the proceeds of
the Loan shall be procured in accordance with the requirements set forth or referred to in Section I of the Pro-
curement Guidelines, and with the provisions of this Section.”… “All consultants' services required for the
Project and to be financed out of the proceeds of the Loan shall be procured in accordance with the require-
ments set forth or referred to in Sections I and IV of the Consultant Guidelines and with the provisions of this
Section”
Voir Loan agreement (n° 8724-MA) -financing innovative start-ups and small and medium Enterprises project-
between Kingdom of Morocco and International Bank for Reconstruction and Development, 6 juin 2017 , sec-
tion 3
455
Anais lagelle, Op. Cit.
456
G. Cornu, vocabulaire juridique, Edition PUF, 8e edition, paris 2007, p 750. Voir Anaïs lagelle, ibid. p 45
191

les normes et ne reconnaît la légitimité des celles inférieures que relativement à celles supérieures et
en vertu de la sanction qui leur est associée, une vision fonctionnelle nous montre incontestable-
ment que l’ordre juridique international économique reconnaît une certaine force aux normes selon
leur finalité et l’autorité dont elles émanent. Cela est d’autant plus vrai si l’on considère que « la no-
tion de contrainte et par conséquent, celle de sanction, n’est pas un élément constitutif mais un élé-
ment fonctionnel du système juridique international »457
Même si les instruments de soft-law peuvent être considérés comme un complément des règles de
droit classiques, force est de constater que dans le domaine des MPI, ce sont eux qui presque exclu-
sivement gouvernent la matière. De ce point de vue, on pourrait y voir un certain modernisme, car le
recours au standard n’est-il pas considéré comme une méthode de soft-Law permettant d’aboutir à
une solution adaptée ?

Néanmoins, quoique probant à une certaine échelle, il convient de nuancer ce propos dans le cas
des MPI. Le recours systématique à la soft-Law en droit international économique ne peut être qu’à
l’image des relations économiques elles-mêmes. Les pays en développement étant faibles et désireux
d’obtenir les financements, ils se conforment, sans tenir suffisamment compte des particularités de
leurs contextes économiques et de leur développement à long terme, aux exigences et aux règles
créées et impulsées par les institutions internationales. Celles-ci, conscientes de leur force profitent
de leur position de détentrice des financements pour imposer des modèles économiques forçant les
barrières protectrices des pays bénéficiaires. Elles sont mues par une forme de légitimité de la force
économique qui s’additionne à celle du savoir et de l’expérience avérée ou supposée de ce que l’on
qualifie des meilleures pratiques et des expertises. De surcroît, lorsque les États veulent faciliter au
niveau interne l’application de ces règles imposées, ils emploient le plus souvent le canal réglemen-
taire.458 Or, le recours excessif à la soft-Law dans les MPI pour contourner les méthodes plus démo-
cratiques et participatives représente un danger, dans ce domaine où les pouvoirs régaliens dont
dépendent la survie de millions de personnes se soumettent à la loi des pouvoirs financiers, qui on le
sait, ne sont pas toujours motivés par l’intérêt général459.

457
Filippa Chatzistavrou, « l’usage de la soft law dans le système juridique international et ses implications sé-
mantiques et pratiques sur la notion de règle de droit », Op. Cit., p9
458
Cas de l’instruction 192 du 22 septembre 2008 du ministère de l’économie et des finances relative aux pro-
cédures et modalités d’exécution des dépenses des projets d’investissement cofinancés par la Banque Mon-
diale. Elle s’appliquait à titre transitoire aux marchés financés par les bailleurs de fonds en Côte d’ivoire et
prévoyait des modalités d’exécution des dépenses spécifiques et exceptionnelles. Voir Instruction n°
192/MEF/CAB/DGBF/DAS-SDSD du 22 septembre 2008. L’instruction 192 a été remplacée par un décret de
2015.
459
Voir à ce propos le commentaire du professeur Ignaz S. H.: “this spirit will tempt anybody engaged in eco-
nomic activities in a planned as well as in a market economy to seek his profit right up to the utmost limit im-
192

La section présente nous a permis de réfléchir sur l’impact de la lex mercatoria et de la soft-law qui
manifestent certains aspects de la particularité du droit économique dans les MPI. Cette manifesta-
tion emporte des conséquences sur les objectifs du développement, dans les rapports de force et
dans les choix des parties prenantes. Dans le même sens, les règles des MPI se matérialisent dans les
législations des États aussi bien du point de vue de l’État unitaire que par le biais de son apparte-
nance à un groupement régional. Dans la section suivante, il s’agira de s’interroger sur les rapports
entre les règles des MPI et les réglementations internes des États bénéficiaires.

Section 2- Les rapports entre les règles des MPI et les réglementations in-
ternes des États bénéficiaires

On peut considérer que les règles des MPI se situent à plusieurs niveaux qui tout en étant distincts
formellement s’influencent mutuellement dans la pratique. Ainsi, un premier niveau de ces rapports
réside dans le lien qui lie l’institution de financement avec les États bénéficiaires en tant qu’elles
adhèrent à ses statuts et en sont membres (cas des banques de développement) ou dans les traités
et accords bilatéraux qui constituent les accords de bases entre États et qui définissent le cadre gé-
néral de leur coopération. Le deuxième niveau a trait à l’accord de prêt conclu directement entre ces
parties prenantes susmentionnées dans le cadre du financement d’un projet. On peut considérer que
le troisième niveau, celui qui est la matérialisation du MPI, se situe entre l’État et l’entreprise attribu-
taire du marché. Les dispositions des couches supérieures influencent le niveau inférieur.

Pour autant, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les MPI relèvent d’une singularité
du droit international économique, en ce sens qu’ils trouvent à la fois leurs sources dans le droit in-
ternational et le droit interne. De fait, un accord de prêt signé entre une institution multilatérale et
un État, contient de nombreuses clauses dont certaines renvoient directement à l’application du
droit national, en dépit du caractère international de l’accord de prêt. Il s’agit par exemple des dispo-

posed by rules restricting freedom of action. A mere appeal to moral principles, fairness and equitable feelings
may be more effective in many other fields of human relations than where money is at stake”.
Voir Ignaz Seidl hohenveldern, international economical soft law, Collected Courses of the Hague Academy of
International Law Volume: 163, p182, ED. Brill | Nijhoff, Leiden | Boston, 1979.
Le grand fiasco des ajustements structurels promus par les institutions de financement internationaux à
l’égard des pays en développement nous en a donné la prévue. On ne saurait se borner à une prétendue sa-
gesse (qui ne fait pas totalement défaut) des institutions internationale de financement pour assourdir le pou-
voir de l’État là où des intérêts financiers majeurs sont en jeu. Il est le rempart légitime pour sa population
contre d’éventuelles dérives et la participation de la société civile est une garantie supplémentaire.
193

sitions liées à la monnaie et au paiement du principal et des intérêts du prêt, celles liées à la constitu-
tion de sûretés réelles ou personnelles, à la législation fiscale etc.460

Par ailleurs, l’exécution de l’accord de prêt lui-même peut donner lieu à de nombreuses interactions
indirectes mais déterminantes, entre le sujet du droit international, notamment le bailleur de fonds
et celui de droit interne (par exemple, l’entreprise attributaire du marché), dans le cadre des MPI,
même si, ceux-ci, financés par l’institution internationale, se matérialisent par des contrats entre un
État et un entrepreneur.

Quelques questions se posent alors, quel est alors le cadre juridique de ces contrats d’exécutions ?
Quelles sont les interactions possibles entre le droit interne et les réglementations imposées par
l’institution de financement ? Dans la mesure où l’institution de financement supervise et influence
ces opérations en prenant des décisions qui influencent le cours du processus, engage-t-elle sa res-
ponsabilité vis-à-vis des entrepreneurs en ce qui concerne ces contrats ? Quid de l’ordre juridique et
des attributs juridiques de la souveraineté de l’État qui agit comme pouvoir adjudicateur ? Nous en-
visagerons dans un premier temps le rapport entre les règles internationales, le contrat du MPI et le
droit interne de l’État bénéficiaire (paragraphe 1). Ensuite, il sera intéressant de s’intéresser aux rap-
ports entre le cadre juridique des MPI et les prérogatives régaliennes des États bénéficiaires.

Paragraphe 1- Les rapports entre le cadre juridique international des MPI, les contrats et le
droit interne de l’État bénéficiaire

Les entreprises publiques et privées, les consultants individuels, participent dans ce qui constitue la
partie opérationnelle d’un MPI. C’est par leur biais que se réalisent les projets dont les modalités de
financement font l’objet de l’accord de prêt entre le pays ou l’entité bénéficiaire et l’institution de
financement. Stricto sensu, le marché public est celui qui est conclu dans le cadre de la réalisation de
ce projet entre l’entité publique bénéficiaire et ces entreprises ou ces consultants individuels. Elles
sont donc un maillon de la chaîne au niveau de l’exécution, à l’occasion des relations juridiques et
économiques entamées en amont entre l’État et l’institution de financement. Il serait logique de
considérer d’emblée qu’elles sont concernées par le cadre juridique institué dans ce rapport pri-
maire. Toutefois, du point de vue contractuel, elles n’entretiennent qu’un lien indirect avec

460
Voir par exemple, section 3.12 des conditions générales relatives aux prêts de la BIRD, Op. Cit. ; également,
art 8 « Policy on Loans with Sovereign Guarantee » de la NDB ; section 4.03 des Ordinary Operations (Conces-
sional) Loan Regulations, de la Banque Asiatique de Développement. ; voir également G. R. Delaume, des stipu-
lations de droit applicable dans les accords de prêt et de développement économique et de leur rôle, Op. Cit.
p342 ; également G.R. Delaume, legal aspects of international lending and economic development financing,
Op. Cit. p134- p138-140
194

l’institution de financement. Cependant, l’attitude et les décisions de cette dernière influencent de


façon déterminante le sort de ce contrat ; elles sont même susceptibles de le remettre en cause.

D’une manière générale, celle-ci exige que l’emprunteur exécute le projet de façon diligente et effi-
cace en respectant les standards et les meilleures pratiques en la matière.461 Cette obligation se re-
flète également dans l’obligation faite à l’emprunteur de recourir aux règles de l’institution de finan-
cement relative à la passation des marchés publics. Dans tous les cas, il doit soumettre les règles qu’il
entend faire appliquer aux marchés publics à cette dernière qui seule peut décider d’admettre une
exception.462 Ce rapport contractuel ainsi déterminé entre ces deux personnes juridiques internatio-
nales se situe à un niveau supérieur (relativement à l’attributaire du marché). Au-delà de ces rap-
ports qui représentent l’influence de l’institution de financement dans ce champ contractuel, le con-
trat d’exécution est conclu entre l’État et l’entreprise qui est sélectionnée aux fins de l’attribution du
marché. Cette entreprise peut être basée dans un autre pays, ce qui est une conséquence logique de
la mise en concurrence internationale. Il est alors intéressant de s’interroger sur le droit applicable
dans de pareils contrats. S’agira-t-il du droit international ? Peut-on considérer que les règles de
l’institution de financement qui octroie le financement ont vocation ou suffisent à encadrer ces con-
trats ?

I- Le régime juridique du contrat d’exécution du MPI : contrat national ou international ?

La question de l’internationalisation des MPI se pose pour tous les contrats comportant un facteur
d’extranéité en ce qui concerne la personne du cocontractant. De même, elle se pose avec plus
d’acuité s’agissant des grands MPI d’investissement impliquant une société étrangère, souvent quali-
fiés de contrats d’États. C’est une catégorie dans laquelle, on peut ranger les grands contrats de dé-
veloppement prenant la forme de concessions aujourd’hui463. D’abord, il convient de préciser qu’Il
est ici fait allusion à la loi propre du contrat, celle de l’ordre juridique de base dans lequel le contrat
trouve sa source et sa validité (Grundlegung). Partant, au vu de la pratique actuelle aussi bien dans
les contrats que dans les MPI classiques, on retiendra d’entrée de jeu qu’il s’agit de contrats natio-
naux, pouvant comporter des éléments d’extranéités. Néanmoins, la question de leur internationali-
té s’est posée et elle mérite donc d’être discutée464. Nous évoquons donc, pour les mettre en lu-
mière, certaines hypothèses qui stipulent leur internationalité afin de les rejeter dans le cadre de

461
Voir section 4.02 des conditions générales de prêts de la BERD Op. Cit.
462
Voir section 4.03 des conditions générales de la BERD Op. Cit.
463
Voir à ce sujet l’analyse du professeur Jean Flavien Lalive, “Contrats entre États ou entreprises étatiques et
personnes privées : développements récents (Volume 181)”, in : Collected Courses of the Hague Academy of
International Law, The Hague Academy of International Law, 1983, 283P, pp 163-230
464
Voir par exemple, Assad Ullah Omer, le Financement international public du développement : aspects juri-
diques, op.cit p88 et s.
195

cette analyse que nous continuerons ensuite en montrant le domaine de l’application du droit in-
terne dans les MPI. Aussi, telles sont les hypothèses de leur caractère international qui méritent
d’être évoquées :

Primo, l’hypothèse concernant la possibilité du choix par les parties de soumettre certains aspects de
leurs rapports contractuels au droit international. Elle est tout à fait possible en considération du
principe d’autonomie de la volonté mais ne fait pas du contrat un contrat de droit international. En
outre, cette précision s’impose également au regard du dictum de l’avis consultatif de la CIJ dans
l’affaire de la « réparation des dommages subis au service des nations unies », sur la base duquel l’on
a pu inférer que le cocontractant d’un État, fut-il une personne privée pourrait bénéficier de certains
attributs de l’internationalité sans pour autant être lui-même considéré comme un sujet de droit
international465, comme l’a corroboré l’arbitrage Texaco Calasiatics en se référant à ce dictum466. En
tout état de cause, il est aisé de comprendre que cela ne fait pas dudit cocontractant un sujet de
droit international et ne fait pas du droit international public, ipso jure, la loi propre du contrat. Dans
ce sens, la portée d’une telle notion pourrait se limiter par exemple au choix par les parties des
règles relatives au règlement des différends qui peuvent très bien dans le cadre d’un tel contrat res-
sortir du recours à l’arbitrage international et l’application possible du jus gentium à la résolution du
différend par le biais d’une clause compromissoire, voire de mécanismes d’arbitrages instaurés au
niveau international pour protéger les investissements et qui peuvent trouver à s’appliquer par le jeu
des traités bilatéraux d’investissements entre les États d’origines et celui où l’investissement est réa-
lisé. C’est le cas de la convention CIRDI. De fait, la convention de Washington du 18 mars 1965 insti-
tuant l’institution et son arbitrage prévoit dans son article 42 qu’elle peut appliquer au différend, les
«principes de droit international en la matière ».

Secundo, il convient d’écarter ici, derechef467 l’hypothèse du caractère auto-suffisant du contrat468


comme une partie de la doctrine l’avait souhaitée, notamment les professeurs Alfred Verdross et
Maurice Bourquin. Cela signifierait que le contrat n’a de lien ni avec le droit interne, ni avec le droit
international. Cette hypothèse, basée sur la considération selon laquelle, l’État, en traitant avec un

465
Selon ce dictum « Les sujets de droit, dans un système juridique, ne sont pas nécessairement identiques
quant à leur nature ou à l'étendue de leurs droits ; et leur nature dépend des besoins de la communauté. Le
développement du droit international, au cours de son histoire, a été influencé par les exigences de la vie inter-
nationale, et l'accroissement progressif des activités collectives des États a déjà fait surgir des exemples d'ac-
tions exercées sur le plan international par certaines entités qui ne sont pas des États. »Réparation des dom-
mages subis au service des Nations Unies, Avis consultatif du 11 avril 1949 : C. I. J. Recueil 1949. p. 174 et s. voir
p8 de l’avis
466
Voir LALIVE, Op. Cit. p127
467
Voir déjà dans la thèse, la réflexion sur la théorie du contrat sans loi vis-à-vis des MPI (voir les pages 168 et
suivants)
468
C’est-à-dire autonome de tout ordre juridique de base car considéré comme sécrétant son propre ordre
juridique.
196

particulier dans un contrat d’État, appréhende celui-ci comme sujet du droit international et confère
au contrat un caractère « quasi international », n’a pas prospéré. Il ne s’est agi que d’une tentative
(vaine) de cette partie de la doctrine de dénationaliser, voire internationaliser purement et simple-
ment ces contrats afin de faciliter la mise en œuvre de la responsabilité internationale des États en
développement. elle correspond à un souci de cette époque pour répondre aux inquiétudes des in-
vestisseurs face aux risques de changement des législations dans le cadre des projets
d’investissements et les vélléités des États opérant dans un contexte marqué par les revendications
du nouvel ordre économique international comme le révèle les grands arbitrages pétroliers. Elle ré-
sulte également de l’idée que ces lois nationales n’étaient pas suffisamment élaborées pour contenir
les garanties suffisantes, eu égard aux risques pris par les investisseurs.

Cet extrait de la sentence arbitrale Sapphire résume ces considérations: « Under the present agree-
ment, the foreign company was bringing financial and technical assistance to Iran, which involved in
its investments, responsibilities, and considerable risks. It therefore seems natural that they should be
protected against any legislative changes which might alter the character of the contract, and that
they should be assured of some legal security. This could not be guaranteed to them by the outright
application of Iranian law, which it is within the power of the Iranian State to change… It is in the
interest of both parties to such agreements that any disputes between them should be settled accord-
ing to the general principles universally recognized and should not be subject to the particular rules of
national laws, which are very often, unsuitable for solving problems concerning the rights of the State
where the contract is being carried out, and which are always subject to changes by this State and are
often unknown or not fully known to one of the contracting parties. »469.

Pourtant, comme nous l’avons déjà précisé, il apparaît que, quoiqu’engagés dans une relation con-
tractuelle avec un État et en dépit des risques liés à l’investissement réalisé, les entreprises cocon-
tractantes de l’État bénéficiaire ne sont pas les destinataires automatiques de l’ordre juridique inter-
national.

469
«Par le présent contrat, la société étrangère apportait à l'État iranien une aide financière et technique, com-
portant pour elle des investissements, des responsabilités et des risques étendus. Il apparaît dès lors normal
qu'elle soit protégée contre des modifications législatives susceptibles de modifier l'économie du contrat et
qu'une certaine sécurité juridique lui soit assurée. Ce que ne pourrait lui garantir l'application pure et simple du
droit iranien, qu'il est au pouvoir de l'État iranien de modifier… Il est de l'intérêt des deux parties à de tels ac-
cords que les litiges pouvant les diviser soient soustraits aux particularités des droits nationaux, le plus souvent
inaptes à donner une solution s'agissant du droit de l'État où le contrat s'exécute, toujours sujets à des modifi-
cations de la part de cet État et souvent ignorés ou mal connus de l'un des contractants» Voir sentence arbi-
trale, Sapphire international petroleums ltd vs national Iranian oil company du 15 mars 1963, pp31 et 35. Voir
aussi : Prosper Weil, problèmes relatifs aux contrats passés entre un État et un particulier, Op. Cit. P 150
197

Enfin, il convient de constater d’un point de vue philosophique que l’État est le garant de l’intérêt
général et que les MPI et d’autres contrats d’investissements qu’il noue avec des sociétés étrangères
ne devraient pas suffire à accorder à celles-ci un statut identique au sien. D’où, la notion de contrat
inter pares ne peut pas placer complètement un État, même le plus faible sur un pied d’égalité avec
une telle société dont l’activité est motivée essentiellement par le profit470.

Au regard de l’analyse qui précède, d’entrée de jeu, on peut écarter l’hypothèse du caractère inter-
national de ces contrats, car les entreprises, fussent-elles des multinationales ne sont pas des sujets
de droit international.471 Néanmoins, comme nous l’avons évoqué précédemment, il est tout à fait
envisageable que des règles appartenant à la lex mercatoria soient choisies par les parties dans le
cadre de cette relation contractuelle472. Il s’agira d’usages mercatiques en cours dans un secteur par-
ticulier ayant trait au MPI concerné, qu’il s’agisse d’usages en matière de travaux d’infrastructures,
ou de marchés de fournitures ou de services. Il en va de même pour l’application des principes du
droit international à de tels contrats qui sont rédigés de façon à pouvoir faire intervenir l’ordre juri-
dique international473. Toujours est-il que l’on note que même si certains principes de droit apparte-
nant également au droit transnational y figurent, c’est d’abord parce que ceux-ci trouvent leur affir-
mation dans les droits nationaux ou au moins dans leur conception de l’ordre public international.474

Si le droit international ne peut pas être considéré comme la lex contractus d’un contrat dans un
MPI, il reste à s’interroger sur le champ de l’application du droit interne dans cette matière.

470
Voir Prosper Weil, ibid. p80
471
La sentence Aramco l’affirmait avec force dans le sens où le tribunal arbitral avait estimé que la convention
ayant été conclue entre un État et une compagnie privée Américaine, elle ne saurait relever du droit interna-
tional public. Voir sentence Aramco, Op. Cit. ; Voir également Assad OMER, le financement international public
du développement, thèse de doctorat, Op. Cit. p 89
472
Voir dans cette thèse, notre paragraphe sur la lex mercatoria et les MPI (aux pages 164 et suivants)
473
Ia formulation des clauses relatives à la loi applicable dans de nombreux contrats d’États inclue systémati-
quement les principes généraux du droit y compris ceux développés par les juridictions internationales. C’est le
cas d’un contrat passé entre Texaco et le Pakistan en novembre 1990: “This agrement shall be governed by and
interpreted in accordance with and shall be given effect under the laws of Pakistan to the extent of such laws
and interpretations are consistent with generally accepted standards of International Law including Principles
as may have been applied by international tribunals”. C’était également le cas de la concession Texaco-
Calasiatics dans son article 28 qui précisait que : « la présente concession sera régie et devra être interprétée
conformément aux principes du droit libyen en ce que ces principes peuvent avoir de commun avec les principes
du droit international ; en l'absence de point commun entre les principes du droit libyen et les principes du droit
international, la concession sera régie par les principes généraux du Droit et interprétée conformément á eux, y
compris ceux des principes généraux dont il est fait application par des juridictions internationales ». voir Sen-
tence arbitrale du 17 janvier 1977. Affaire Texaco Calasiatic c/ Gouvernement Libyen
Pour la référence à ces contrats et sentences, Voir Mohamed Ibrahim El Refaat, théorie des contrats adminis-
tratifs et marchés publics internationaux, thèse de doctorat, Op. Cit., p 338 et s.
474
Voir Yao Paul Ndré, les contrats de développement : le cas des États membres du Conseil de l’Entente, thèse
de doctorat, Op. Cit. P 112 et S. ; Georges R. DELAUME, The Proper Law of State Contracts and the Lex Mercato-
ria : A reappraisal, Op. Cit. ; Assad U. Omer, le financement international public du développement, thèse de
doctorat, Op. Cit. p88
198

II- Domaine de l’application du droit interne dans le MPI

Les accords de base entre États ou l’adhésion au statut d’une institution internationale de finance-
ment du développement, de même que l’accord de prêt entre ces sujets du droit international et le
contrat entre l’État bénéficiaire d’une part et les entreprises qui exécutent le marché constituent le
fondement juridique des MPI. En ce sens, il existe un lien manifeste entre ces différentes conven-
tions, même si leur teneur ne se rapporte pas strictement aux mêmes objets.

Comme nous l’avons déjà évoqué, l’accord de prêt précédant le financement d’un projet de dévelop-
pement mentionne clairement les modalités selon lesquelles seront exécutées les marchés rattachés
au dit financement de même que les règles d’acquisition qui en découlent. Cette donnée implique
également le contrôle et la supervision de toute la procédure de réalisation du MPI par l’institution
de financement. L’État s’engage à utiliser les ressources et piloter les procédures et l’exécution du
marché de façon diligente. Dans cette perspective, il est juste de dire que l’inexécution d’une obliga-
tion contractuelle par l’État ou l’entité publique bénéficiaire du prêt, dans son rapport avec le presta-
taire attributaire du marché peut également s’interpréter comme un manquement à ses obligations
internationales découlant de ses relations susmentionnées avec l’institution de financement. Cette
dernière est habilitée à ne pas effectuer des décaissements si un tel manquement est manifeste.

Pourtant, juridiquement, l’institution de financement n’est pas considérée comme une partie au
contrat d’exécution d’un MPI qui lie l’État à un entrepreneur. Comme le précise l’article 1.1 des di-
rectives applicables aux marchés de travaux de la Banque Mondiale : « L’accord de prêt régit les rela-
tions juridiques entre l’Emprunteur et la Banque, et les Directives s’appliquent à la passation des mar-
chés de fournitures et de travaux requis pour le projet dans les conditions fixées par l’Accord. Les
droits et obligations de l’Emprunteur et des soumissionnaires/ titulaires475 des marchés de fournitures
et de travaux sont régis par les dispositions des dossiers d’appel d’offres et des contrats conclus entre
l’Emprunteur et les titulaires des marchés de fournitures et de travaux, et non par les présentes Direc-
tives ou par les accords de prêt »476.

Partant, le droit interne de l’État régit les MPI dans leur aspect concret, id est le contrat conclu entre
l’État et l’entrepreneur attributaire du marché. Ce contrat trouve sa place dans le dossier d’appel
d’offre dans les parties intitulées CCAG et CCAP477. Ici, il s’agit moins du code des marchés publics
que des règles qui régissent les contrats habituellement dans l’État bénéficiaire. Dans le dossier type
d’appel d’offres relatif aux marchés de travaux de l’État de Côte d’Ivoire, on trouve dans les CCAG, la

475
Les présentes Directives emploient indifféremment les termes « soumissionnaires » et « candidats. »
476
Voir Directives version 2014 Op. Cit. ; voir Règlement de passation, section 2.1 , version 2016-2018
477
Cahier des clauses administratives générale ; cahier des clauses administratives particulières ;
199

mention suivante : « En l’absence de disposition figurant au CCAP, le droit applicable pour


l’interprétation et l’exécution du présent marché est le droit de la République de Côte d’Ivoire. »478.
Cette clause fait clairement apparaître qu’en vertu du principe de l’autonomie de la volonté, les par-
ties pourraient décider de soumettre le marché à la loi d’un autre pays. Néanmoins, le centre de gra-
vité du contrat et son point de rattachement le plus proche dans un tel cas demeurerait le droit de
l’État de Côte d’Ivoire. Il faut ajouter que l’institution de financement précise en amont, soit dans
l’accord de prêt, soit dans les directives qui sont incorporés à celui-ci certaines clauses qui doivent
absolument figurer dans le contrat qui lie les parties et fournit des modèles types de dossiers
d’appels d’offres (incluant les CCAG et les linéaments des CCAP)479. Ainsi, les directives de passation
des marchés de travaux et fournitures financés par les prêts de la BIRD et de l’AID précisent dans la
section 2.38 relative aux clauses et conditions du marché que : « Les documents du marché doivent
définir clairement les travaux à réaliser, les biens à fournir, les droits et obligations de l’emprunteur et
du fournisseur ou de l’entrepreneur, ainsi que, le cas échéant, les fonctions et pouvoirs de l’ingénieur-
conseil, de l’architecte ou du maître d’ouvrage délégué en ce qui concerne la supervision et le suivi de
l’exécution du marché. Les cahiers des clauses administratives générales sont toujours complétés par
un cahier des clauses administratives particulières applicables aux fournitures ou travaux faisant
l’objet du marché et au lieu d’implantation du projet. Les conditions du marché doivent prévoir une
répartition équilibrée des risques et responsabilités ».

De plus, dans la mesure où les marchés publics sont des contrats administratifs, les règles de l’État
relatives aux recours administratifs s’appliquent également. Cela a une importance capitale car la
régularité de la procédure, sa célérité et l’atteinte des objectifs fixés dans le document du projet peu-
vent être fortement influencés par les aspects du droit administratif interne. Si les délais de recours et
les principes permettant d’obtenir une satisfaction des soumissionnaires sont lacunaires ou peu res-
pectés, cela peut déboucher sur le retardement, voir l’échec de la réalisation du projet. C’est en pre-
nant en considération ces réalités que les institutions de financement ont impulsés la création

478
Voir DTAO marchés de travaux de la République de Côte d’Ivoire, section VII point 2.1, version de décembre
2012
479
Tel est le cas de la section 2.43 des directives de passations de marchés de travaux et de fournitures de la
BIRD qui précise dans son segment dédié au droit applicable au marché que « Les clauses et conditions du mar-
ché doivent indiquer le droit applicable et l’instance compétente pour le règlement des litiges. L’arbitrage com-
mercial international présente certains avantages pratiques par rapport à d’autres modes de règlement des
litiges. C’est pourquoi la Banque recommande que les Emprunteurs aient recours à cette forme d’arbitrage pour
les marchés de fournitures et de travaux. La Banque ne doit pas être désignée comme arbitre, ni être invitée à
en désigner un. Dans le cas de marchés de travaux, de marchés de fourniture et installation et de marchés clés
en main, les dispositions concernant le règlement des litiges doivent également prévoir le recours à des méca-
nismes de conciliation ou de médiation mis en place pour accélérer le règlement des litiges. ». , voir directives
de passation des marchés de la BIRD, version 2011 révisée en 2014 ; voir également la mention des dossiers
types dans le règlement de passation des marchés de la BM, version 2016, Op. Cit.
200

d’organes ad hoc et indépendants chargés de recevoir et analyser les recours des parties prenantes au
processus de passation de marchés publics. Tel est le cas des Agences Nationales de Régulation des
Marchés Publics ( ANRMP) que l’on retrouve depuis quelques années dans de nombreux pays afri-
cains, suite aux réformes des marchés publics (voire deuxième partie de la thèse). La création de ces
institutions, comme nous le verrons plus loin, fait partie des actions des bailleurs de fonds pour ins-
taurer plus de transparence et représentent à la fois le concours des gouvernements bénéficiaires aux
exigences de bonne gouvernance qui leurs sont adressées comme conditions préalable à l’obtention
d’un financement.

En outre, les règles de l’État s’appliquent dans les matières liées à sa propre politique économique et
sociale. On pense notamment aux règles qui visent une plus grande participation des entreprises lo-
cales à travers des mécanismes comme la sous-traitance ; les règles relatives à la fiscalité nationale.
Toutefois, il convient de préciser que l’institution de financement a la capacité d’influencer
l’application ou l’exclusion de ces règles en imposant en amont les conditions que devra respecter
l’État, y compris en matière d’exemption fiscale ou quant à la possibilité ou non de favoriser ses en-
treprises locales. C’est ce qui ressort des directives de la Banque Mondiale en matière de passation
des marchés financés par elle480. C’est également ce que l’on peut déduire de la section 3.3 des direc-
tives481 relativement à la possibilité de recourir aux appels d’offres nationaux. De fait, Celle-ci prévoit
que dans certains cas bien déterminés, l’appel d’offre national sera la procédure de passation la
mieux adaptée pour passer des marchés de fournitures ou de travaux qui en raison de leur nature ou
de leur ampleur, ont peu de chances d’intéresser des candidats étrangers. Cela signifie que c’est seu-
lement dans ces cas précis que la banque accepte que les procédures nationales soient appliquées.
Concomitamment, les directives mentionnent que dans ce cas, la procédure nationale appliquée par
l’État ou l’entité publique bénéficiaire devra être approuvée par elle après un examen et une modifi-
cation éventuelle.

En tenant compte du fait qu’il s’agit de procédures légiférées dans les codes de marchés publics et
accompagnés de dossiers types ayant valeur légale au niveau national, on peut s’interroger valable-
ment sur la légitimité dont dispose l’institution de financement pour engager une telle modification
unilatérale. C’est probablement pour contourner cette interrogation naturelle que la section 3.3 des
directives précise que « toutes ces modifications devront être mentionnées dans l’accord de prêt »482.
Certes, l’accord de prêt ne prévoit qu’un cadre général qui permet les modifications envisagées et ne

480
Voir par exemple, les cas dans lesquels la préférence nationale est admise : point 2.55 et annexe N°2 des
directives de la Banque Mondiale (version 2014) et annexe 2 du règlement de passation (2018)
481
Version de 2014, voir aussi point 5.3 du règlement de passation (2018)
482
Voir la note de bas de page n°62 dans le point 3.3 des directives (version 2014)
201

rentre pas dans le détail des clauses contenues dans les codes des marchés publics nationaux devant
réguler ces marchés dont la procédure de passation n’a pas encore été lancée ; toutefois, juridique-
ment, cela suffit à justifier l’intervention directe de la Banque pour modifier ces dispositions légales.
Du point de vue philosophique et eu égard à la souveraineté de l’État, cela est plus discutable.

Néanmoins, par analogie, afin de prendre en compte cette particularité, relativement aux procé-
dures de passation, on peut noter que de nombreuses législations prévoient expressément en ce qui
concerne leurs codes des marchés publics que les procédures de l’institution internationale de finan-
cement priment en cas de contradiction ou si celle-ci soumet le marché à l’exigence de leur utilisa-
tion. Ainsi, dans le Public Procurement and Disposal of Public Assets (PPDPA) Act de l’Ouganda qui est
entré en vigueur en 2014, la section 4 de la partie 1 dispose que “Where the Act conflicts with an obli-
gation of the Republic of Uganda arising out of an agreement with one or more states, or with an in-
ternational organization, the provisions of the agreement shall prevail over this Act”483. L’article 4 du
code de marchés publics de la République de Côte d’Ivoire de 2019 contient des dispositions simi-
laires. Il précise que « Les marchés financés par des ressources extérieures sont soumis aux dispositions du
présent code, sous réserve des dispositions prévues par les accords de financement »484. Quant au code
des marchés publics sénégalais de 2014, il prévoit une disposition semblable. Elle se présente comme suit :
« les marchés passés en application d’accords de financement ou de traités sont soumis aux dispositions du
présent décret, sous réserve de l’application de dispositions contraires résultant des procédures prévues par
lesdits accords ou traités internationaux »485. Enfin, l’article 7 du code des marchés publics malien stipule que
« les marchés financés par des ressources extérieures sont soumis aux dispositions du présent décret, dans la
mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions des accords de financement ».

La formulation de ces différents textes en ce qui concerne les règles applicables aux marchés financés par les
institutions internationales publiques de financement du développement renseigne sur le fait que ces mar-
chés sont considérés comme très spéciaux, quoique le budget de l’État soit impliqué dans la capacité
d’emprunt et le remboursement de l’État concourant à son endettement et que dans la logique d’un État
souverain, il devrait pouvoir en disposer comme bon lui semble. Lorsque l’État lève des fonds sur les marchés
privés pour financer ses projets publics en application de son code des marchés publics, celles-ci ne lui impo-
sent pas les règles à respecter pour la passation des marchés et notamment, l’obligation de recourir par prin-

483
« En cas de conflit entre la présente loi et une obligation de la République de l'Ouganda découlant d'un
accord avec un ou plusieurs États ou avec une organisation internationale, les dispositions de l'accord prévalent
sur la présente loi »
484
Voir l’article 4 du code en vigueur de 2019 : « Les marchés financés par des ressources extérieures sont
soumis aux dispositions du présent Code, sous réserve des dispositions prévues par les accords de finance-
ment. »
485
Voir article 3 du décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics de la Répu-
blique du Sénégal
202

cipe à un appel d’offres international. Dès lors, il est frappant de constater dans ces législations, que, hormis
cette catégorie susmentionnée, les seuls marchés qui sont exclus du champ d’application de ces codes sont
les marchés de travaux , de fournitures ou de services qui concernent les besoins de défense , de sécurité
nationale exigeant le secret ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’État est incompatible
avec des mesures de publicité. On peut en déduire que le respect par ces États des procédures des institu-
tions financières internationales est considéré comme sensible et vital, car cela conditionne l’acquisition des
financements à des taux préférentiels. Cette information , a priori banale, revêt une importance capitale en
ce sens qu’elle justifie l’acceptation des conditionnalités, des rapports de forces et la capacité d’intervention
et d’influence des institutions de financement dans la définition des politiques économiques, juridiques ,
sociales etc. des États bénéficiaires.

C’est dans cet ordre d’idée que se poursuivra l’analyse du rapport entre le cadre juridique international des
MPI et le droit interne. Nous nous interrogerons dans le prochain paragraphe sur les influences du cadre
juridique des MPI sur les marges de manœuvre de l’État vis-à-vis de ses prérogatives régaliennes et de ses
attributs de sa souveraineté ?

Paragraphe 2- L’influence du cadre juridique des MPI sur les attributs régaliens de l’État

Nous analyserons spécifiquement les caractéristiques du fait du prince dans les contrats de MPI (I) et
l’impact du cadre juridique général des MPI sur l’ordre constitutionnel et l’orientation de la politique
socio-économique des États bénéficiaires(II).

I- Le fait du prince dans les MPI


1) Notion de fait du prince

Notion protéiforme qui incarne la puissance publique dans ce qu’elle peut avoir d’imprévisible et
d’autoritaire486, la notion de fait du prince est une notion aux contours imprécis en droit administratif
Français. Elle est fondée sur les prérogatives reconnues à la personne publique de porter atteinte
unilatéralement au contrat, de façon à le résilier, provoquer un déséquilibre significatif ou modifier
substantiellement les obligations de son co-contractant. Loin d’être un simple arbitraire, seul un mo-
tif d’intérêt général peut donner lieu à un tel acte. Du fait du principe d’indisponibilité des compé-
tences, une personne publique ne peut renoncer par voie contractuelle à ses prérogatives de puis-
sance publique487. La notion de fait du prince implique un pouvoir de résiliation et de modification

486
Marion Ubeaud-Bergeron, Contrat administratif, fait du prince et responsabilité administrative, AJDA, N°43,
déc. 2019, P 2553 ;
487
« Les autorités administratives sont contraintes par la loi d’exercer leur pouvoir par voie autoritaire et unila-
térale. Il en résulte a contrario qu’elles ne peuvent utiliser la voie contractuelle, au nom de l’idée générale
qu’elles ne peuvent pas disposer à leur guise de leurs pouvoirs et de leurs compétences. La mutabilité inhérente
à l’activité administrative, pour pouvoir modifier à tout moment ce que la satisfaction de l’intérêt général ré-
203

unilatérale par l’administration contractante. Ceux-ci font bien partie des prérogatives de puissance
publique de l’autorité contractante dans le cadre d’un marché public. Cependant, la notion de fait du
prince s’étend au-delà de ceux-ci puisqu’elle peut émaner de causes multiples comme des facteurs
économiques, politiques et donc s’étendre au-delà de l’action de l’autorité contractante elle-même ;
s’agissant par exemple d’une décision gouvernementale ou d’une mesure législative qui influence les
contrats en cours. Nous l’aborderons dans le sens précité qui est large. Néanmoins, il convient
d’exposer sommairement la controverse relative à la détermination de ses limites et de son contenu
en droit français.

Plusieurs approches de la doctrine se confrontent pour déterminer l’étendue du fait du prince qui
reste de l’avis général une notion imprécise et confuse488. Nous évoquerons trois hypothèses.

La première, très large considère que toute mesure légalement prise et portant un préjudice au co-
contractant est un fait du prince. Dans cette définition, il faut comprendre que même si la mesure
émane d’une autorité administrative autre que celle qui est partie au contrat, du moment qu’elle a
un impact significatif sur l’équilibre contractuel, il y a fait du prince489.

Une seconde conception considère qu’il faut définir le fait du prince de manière plus restrictive
comme tout fait imprévisible émanant exclusivement de l’autorité même qui a conclu le contrat490.
Dans ce sens, une interdiction d’importation décidée par l’État, quoique portant atteinte à un contrat
en cours, ne serait pas un fait du prince pour le cocontractant d’une commune491. Dans cette concep-
tion, il est admis en sus que le fait du prince peut émaner d’une mesure de puissance publique géné-
rale prise par l’administration contractante ou d’une mesure spécifique à destination de son co-

clame, exclut que les collectivités publiques puissent renoncer à leur prérogative d’action unilatérale ou
s’engager par avance à l’exercer dans tel ou tel sens en concluant d’illicites « pactes sur décisions futures » »
Voir, Benoît Plessix, Droit administratif général, Lexis Nexis, 3e Ed., 2020, 1741P, PP1074, 1343 et s.
488
Marion Ubeaud-Bergeron, Contrat administratif, fait du prince et responsabilité administrative Op. Cit. ;
Laurent Richer et François Lichère, Droit des contrats administratifs, 11e Ed., 2018, 764P, pp 283-288 ; Marion
Ubeaud-Bergeron, Droit des contrats administratifs, 3e Ed, lexisnexis, 2019, 535P, pp327 et s., P404 et s. ; Hé-
lène Hoepffner, Droit des contrats administratifs, DALLOZ, 2 e Ed, 2019, 968P, pp667-680, pp 646-651 ; Benoît
Plessix, Droit administratif général, Op. Cit. ; Charles-André Dubreuil, Droit des contrats administratifs, PUF, 1e
édition, 2018, 497P, pp355 et s.
489
SAROIT BADAOUI, le fait du prince dans les contrats administratifs en droit français et égyptien, R. Pichon e
R. Durand Auzias Ed., 1954, 242P
490
Ceci exclurait de facto des actes d’ordre public de l’État ou d’une autorité représentant l’État quand même
un tel acte aurait un impact sur l’équilibre du contrat et justifierait une action pour être indemnisé. Il peut
s’agir dans cette hypothèse d’un acte d’un organe de l’État qui n’est pas partie au contrat. C’est le cas d’une loi
votée par le parlement ou d’une ordonnance. C’est également le cas d’un décret gouvernemental, d’une me-
sure préfectorale lorsque l’État n’est pas le cocontractant.
491
C’est notamment la position de André de LAUBADERE. Voir A. de Laubadère, « les éléments d’originalité de
la responsabilité contractuelle de l’administration », In : L'évolution du droit public : études offertes à Achille
Mestre, SIREY, 1956, 574P, P383-394 ; également, Laurent Richer et François Lichère, Droit des contrats admi-
nistratifs, Op. Cit. Pp 283-288,
204

contractant (dans le cadre du contrat), en vertu des pouvoirs contractuels de l’autorité contrac-
tante492.

Une troisième conception, plus restrictive considère qu’il y a lieu de limiter l’acception du fait du
prince aux actes qui émanent de l’administration contractante en distinguant en sus parmi le type de
mesure. Elle ne devrait être limitée qu’aux mesures de l’autorité contractante prises en dehors des
pouvoirs qu’il tient du contrat493. En abondant dans cette conception restrictive, la professeure Ma-
rion Ubaud-Bergeron approche la notion, à partir de l’origine de la mesure et du régime de respon-
sabilité auquel il se rattache. D’après elle, selon l’origine de l’acte et selon le régime de responsabilité
qu’il entraîne, le fait du prince doit se limiter aux seuls actes « licites » émanant de l’administration
partie au contrat (qu’il s’agisse d’une mesure de police générale en dehors du contrat et portant
atteinte aux cocontractants ou de mesures émanant de prérogatives contractuelles). Seuls ceux-ci
font naître une responsabilité contractuelle sans-faute se rapprochant de la théorie du fait du prince.
Quant aux mesures émanant d’une part, d’autorités administratives tierces (comme un arrêté pré-
fectoral) et de l’État (une loi par exemple) et d’autre part, celles de l’autorité administrative contrac-
tante elle-même, non prévues par le contrat (donc irrégulières), elles ressortiraient respectivement
d’un régime de responsabilité extracontractuelle sans faute pour les premières et d’un régime de
responsabilité contractuelle avec faute pour les secondes. Bien que celles-ci puissent faire l’objet
d’indemnisation, il ne s’agirait pas du fait du prince494. Cette conception est difficile à cerner et ne
semble pas correspondre exactement à l’État de la jurisprudence française. D’ailleurs, selon les pro-
fesseurs Laurent Richer et François Lichère, il convient de rejeter la conception la plus large et celles
plus étroites au profit de la seconde conception495.

2) La place étriquée du prince dans les MPI

La place du prince, bien qu’existante dans les MPI paraît étriquée tant elle subit de nombreuses con-
traintes, émanant d’autres puissances que la sienne.

D’entrée de jeu, il est important de mentionner que l’application du droit interne de l’État à des MPI,
notamment dans les grands contrats de concessions est souvent enfermée dans l’espace et dans le

492
C’est cette seconde version qui est la plus adoptée par la jurisprudence sans qu’il n’y ait de bornage strict de
la notion. Laurent Richer et François Lichère ibid.
493
C’est notamment l’avis du professeur Francis-Paul Benoit, voir : Benoit. F. Paul, Le droit administratif fran-
çais, Paris, Dalloz, 1968, 898 p
494
Marion Ubeaud-Bergeron, Contrat administratif, fait du prince et responsabilité administrative, AJDA Op.
Cit. ; aussi, Marion Ubeaud-Bergeron, Droit des contrats administratifs, Op. Cit. pp 327 et s. P404 et s. Dans le
même sens, cette conception doit être retenue selon la professeure Hélène Hoepffner. Voir, Hélène Hoepffner,
Droit des contrats administratifs, Op. Cit. p648
495
François Lichère, Laurent Richer, Droit des contrats administratifs, Op. Cit. p285
205

temps en vue de maintenir les clauses en vigueur au jour de la conclusion du contrat. Ceci se produit
notamment par le biais des clauses d’intangibilité et des clauses de stabilisation. Cette pratique vise à
faire échapper l’investisseur à la possibilité des modifications du droit local ou celles unilatérales du
rapport contractuel. De fait, l’éventualité de modifications constitutionnelles ou législatives, voire la
prise de mesures individuelles ultérieures qui déséquilibrerait les engagements initiaux du contrat ou
pourraient même légitimer l’attaque de certaines clauses pré-consenties est « particulièrement re-
doutée496 ».

Du point de vue de la nature de contrat administratif des MPI, cette pratique (des clauses
d’intangibilité et des clauses de stabilisation) soulève la question des prérogatives exorbitantes de
l’État. Nous faisons ici référence plus précisément à son pouvoir souverain de résiliation ou de modi-
fication unilatérale du contrat. Il est entendu que la modification peut émaner d’une révision intrin-
sèque au contrat par la modification de ses clauses et de ses aspects essentiels. Elle peut également
résulter de l’adoption de mesures extrinsèques au contrat, telles des mesures législatives ou régle-
mentaires qui font peser sur le cocontractant des obligations et des charges de nature à changer la
teneur de ses engagements essentiels initiaux497. En tout état de cause, cette prérogative Etatique
est tout à fait admise du point de vue du droit interne comme nous l’avons précisé préalablement.

À l’instar du droit français où le conseil d’État français a développé une jurisprudence abondante
relative à la reconnaissance des pouvoirs exorbitants de l’État dans le cadre d’un contrat de conces-
sion, de nombreux pays en développement, notamment francophones prévoient les prérogatives du
prince dans leur droit administratif498. Lorsque la résiliation du contrat n’est pas due à la faute du
cocontractant, le juge a généralement veillé à ce que celle-ci s’accompagne d’une indemnisation
juste, gage de l’équilibre entre les pouvoirs exorbitants de l’administration et l’exigence de loyauté
des relations contractuelles499. Le juge administratif veille à cette exigence de loyauté et la partie qui
s’estime lésée peut le saisir pour contester la validité d’une mesure portant atteinte à celle-ci500. « En

496
Voir Prosper Weil, problèmes relatifs aux contrats passés entre un État et un particulier. Op. Cit. p 149
497
Par exemple, l’augmentation des taxes et impôts pesant sur le cocontractant.
498
Voir par exemple, les articles 122, 123, 124, 127, du code des marchés publics ivoiriens de 2019 qui pré-
voient une possibilité de résiliation sans faute pour préserver les intérêts de l’État.
499
Voir par exemple, CE, « Compagnie générale française des tramways », 21 mars 1910. Rec. 1910, p. 216
concl L.Blum. disponible sur legifrance à l’adresse :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CÉTATEXT000007635472 ;
CE, « compagnie générale des eaux », Rec. 1933, p. 508 ; CE, 10 janvier 1902, compagnie Nouvelle du gaz de
Deville-les-Rouens, Lebon 5, note Hauriou in les grands arrêts de la jurisprudence administrative ,16 e édition
2007, p58 ;
500
CE, Ass., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, Rec. p. 509 et CE, Sect. 21 mars 2011, Commune de Bé-
ziers, Rec. p. 117, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CÉTATEXT000022203485; voir
également le discours de Monsieur Jean-Marc Sauvé lors des 4ième états généraux du droit administratif, vice-
président du conseil d’État, L’actualité du contentieux des contrats publics, 27 juin 2014. Disponible sur le site
206

consacrant cette exigence de loyauté, le Conseil d’État a réaffirmé que… la conclusion d’un contrat, en
droit administratif, comme en droit privé, crée entre les parties des relations qui déterminent leurs
droits et obligations …, et il a, partant, revivifié dans le contentieux des contrats publics l’empire de la
règle Nemo auditur propriam turpitudinem allegans »501. Le juge européen veille également à cette
exigence de loyauté matérialisée par le droit à une indemnisation du cocontractant, sans remettre en
cause le pouvoir souverain de l’État de modifier unilatéralement un contrat administratif502.

Il est à noter que les règles régissant les contrats de la puissance publique dans les systèmes franco-
phones et dans les pays en développement qui s’y réfèrent, trouvent leurs équivalents dans les sys-
tèmes d’autres pays en développement. De nombreux systèmes juridiques prévoient, à l’instar du
droit des contrats administratifs français de telles prérogatives. En effet, « Dans les autres systèmes
juridiques, y compris les droits anglo-américains, on retrouve la même réalité derrière la façade d’une
technique différente. Partout, la présence d’une puissance publique agissant de jure-imperii pour la
promotion des intérêts de la communauté nationale se reflète nécessairement par l’élaboration d’un
régime spécial »503. Les systèmes de Common Law prévoient dans les contrats de l’État un ensemble
de règles protectrices pour la personne publique. Parmi ces délimitations inspirées du droit public,
on note l’existence de clauses standards qui accordent à l’État des pouvoirs exorbitants. Ainsi, le
principe de la mutabilité des contrats administratifs est acquis dans tous les systèmes juridiques504.

Ce principe qui semble être lié à la notion même d’engagement contractuel et au principe pacta sunt
servanda (car ce que la volonté fait, elle peut le défaire) ne fait pas défaut dans les relations interna-
tionales économiques et notamment dans les MPI. Toutefois, en raison des contextes politique, éco-
nomique et social particuliers (comme l’invocation de la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles ou le nouvel ordre économique mondial) qui ont pu entourer ces contrats, les questions se
sont différemment posées à maintes reprises comme le démontrent différents arbitrages. On peut se
référer entre autres à : Agip c. gouvernement de la République populaire du Congo (sentence CIRDI
du 30 novembre 1979), l’arbitrage Aminoil (gouvernement du koweït c. American independent Oil
Company du 24 mars 1982), les grands arbitrages sur les nationalisations Lybiennes505. On note que

du conseil d’État à l’adresse : https://www.conseil-État.fr/actualites/discours-et-interventions/l-actualite-du-


contentieux-des-contrats-publics
501
Jean-Marc Sauvé, idem
502
CEDH, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce -13427/87 Arrêt du 9 déc.1994
503
El kosheri A.S., le régime juridique créé par les accords de participation dans le domaine pétrolier, R.C.A.D.I.,
1975, T. 147, v. IV, pp. 219-405 et s. spec. 326. ; voir : Ibrahim Réfaat Mohamed EL-BEHERRY, thèse de docto-
rat, op.cit. p 346
504
Ibid.
505
British petroleum (sentence du 10 oct. 1973 et du 1er août 1974), Texaco overseas petroleum company et
calasiatics (deux sentences du 27 novembre 1975 sur la compétence du tribunal et la sentence au fond du 19
janvier 1977), Liamco (libyan-american oil company- sentence du 12 avril 1977). Voir également pour une ana-
207

la plupart des grands arbitrages en la matière s’agissant des pouvoirs exorbitants de l’État ont porté
sur la résiliation unilatérale du contrat par l’État, qu’il s’agisse de mesures d’expropriations ou de
nationalisations. Monsieur Mohamed El Rééfaat fait remarquer dans sa thèse, que l’absence d’un
droit commun des prérogatives exorbitantes de l’État au droit interne et au droit international fait
que la question des pouvoirs exorbitants de l’État est bien souvent envisagée sous l’angle de la rési-
liation unilatérale dans les MPI.506

Dans ce contexte particulier, quelle peut être l’appréciation d’une clause d’intangibilité ou de stabili-
sation dans un MPI ? Quelle en est la conséquence ? L’État abandonne-t-il son pouvoir exorbitant
lorsqu’il s’engage par le biais d’une clause de stabilisation ou d’intangibilité ?

Il n’est pas certain que l’insertion d’une clause de « pétrification » dans un MPI implique ipso facto
l’absence complète de toute clause exorbitante de droit commun et de l’extinction des prérogatives
de prince de l’État507. Il s’agit de s’interroger sur l’équilibre entre la force obligatoire du contrat et le
pouvoir souverain de l’État.

De ce point de vue, il reste que les pouvoirs exorbitants de celui-ci dans le cadre d’un MPI ne sont
pas exempts de tout encadrement, car ils doivent être justifiés par l’intérêt public sous peine d’être
arbitraire, et doivent s’accompagner, suivant les règles des contrats eux-mêmes et celles relatives au
droit des investissements, d’une juste indemnisation. C’est cet aspect seulement de leurs consé-
quences qui nous paraît devoir faire l’objet de discussion et d’adaptations dans les MPI ; les clauses
d’intangibilité ne pouvant faire échec aux prérogatives exorbitantes de l’État en la matière. La sen-
tence du CIRDI relative au plateau des Pyramides reconnaît que le principe Pacta Sunt servanda ne
s’oppose pas aux prérogatives légitimes de l’État. Néanmoins, elle rappelle que la licéité internatio-
nale d’un comportement de l’État ne s’apprécie pas au regard du caractère légal de son acte dans
son droit interne.508Ainsi, le tribunal prend-t-il soin de préciser qu’il est saisi d’une demande

lyse complète des leçons à tirer de ces grands arbitrages , Lalive Jean Flavien , contrats entre États et entre-
prises Étatiques et personnes privées, développement récents, Op. Cit. pp 72-147
506
Voir, Mohamed El Rééfat Ibrahim, thèse de doctorat Op. Cit. p 161
507
Leducq Xavier, les accords de développement économique, thèse de doctorat, Rouen 1981, cité par Ibrahim
M. Théorie des contrats administratifs et marchés publics internationaux, Op. Cit.p344
508
En l’espèce, l’État égyptien arguait de la violation de son droit interne, en alléguant que plusieurs actes ad-
ministratifs concernant la réalisation du projet et pris par ses démembrements étaient entachés d’irrégularité
(telle l’affectation de plusieurs terrains à l’investisseur au mépris du principe de l’inaliénabilité du domaine
public). Elle soutenait par ce motif qu’elle n’avait fait que se conformer à la légalité interne et qu’aucune in-
demnisation n’était due. Or, le tribunal arbitral rappelle qu’au regard du droit international, d’une part, l’État
est responsable des actes de ses démembrements même entachés d’excès de pouvoir ou d’incompétence et
que d’autre part, même si de telles actions sont légales du point de vue du droit égyptien, elles ne remettent
pas en cause la protection internationale des droits de l’investisseur. Néanmoins, l’État avait le droit souverain
de résilier le contrat pour un motif d’intérêt général, en l’occurrence, la protection de ses richesses archéolo-
giques. Ce qui ne remet pas en cause l’indemnisation juste (fair compensation). Voir notamment, Rambaud
208

d’indemnisation pour expropriation licite (« compensation for lawful expropriation ») et non pas
d’une demande de réparation sous formes de dommages et intérêts pour violation d’un contrat
(« damages for breach of contract »)509. Dans le même sens, la sentence CCI n° 1526 rendue en 1968
dans l’affaire Mojzsez lubelski contre État du Burundi, affirme que le gouvernement est libre de reti-
rer une concession administrative qu’il a accordée ; « il n’appartient alors pas à un juge étranger ou à
un arbitre, même librement accepté, de revoir les motifs de la concession, ni surtout de rétablir le
concessionnaire dans ses droits. »510

Au demeurant, il est opportun de mentionner que les contrats de concession contiennent de nom-
breuses clauses et mécanismes visant à assurer le co-contractant de l’État contre les risques que
comportent de tels contrats qui s’étalent dans le temps. Celles-ci permettent de veiller à l’équilibre
financier du contrat en prévoyant l’intervention de l’État lui-même aux fins de subventions pour as-
surer la continuité du service faisant l’objet de la concession. Elles permettent également de couvrir
certains aspects financiers émanant des investissements opérés par le concessionnaire (voir annexe 2
de cette thèse pour un exemple)511. Cela rappelle que les États en développement, comme les autres
ont intégré tous les principes de protection de l’investissement étranger. Il y va d’ailleurs de leur
survie. Qui plus est, il existe des mécanismes dans certaines institutions de financement du dévelop-
pement, visant à garantir l’investisseur contre les risques souverains. C’est le cas des garanties de
l’AMGI auxquelles les investisseurs font systématiquement appel lors de la signature des grands con-
trats de concessions de MPI.

Ceci étant dit, dans les MPI il faut noter une particularité qui fait que l’État n’est pas le seul décision-
naire dans la mesure où dans les marchés financés par les institutions de financement, toute décision
unilatérale brutale peut avoir une double conséquence financière. Il s’agit de celle liée d’une part à
l’indemnisation du cocontractant qui sera probablement prononcée par un tribunal arbitral en cas de
différend et d’autre part à une privation du financement octroyé pour ledit marché. Il convient de
rappeler que dans le cadre d’un marché financé par elles, les institutions de financement du déve-
loppement se réservent le droit d’annuler tout ou une partie de leur octroi financier si l’État bénéfi-
ciaire prenait des mesures qu’elles estiment contraires à son engagement. Naturellement, si l’État
usait de ses prérogatives de prince pour mettre fin à un projet sans avoir reçu l’aval de l’institution

Patrick, L'affaire des « Pyramides » : suite et fin, In : Annuaire français de droit international, volume 39, 1993.
pp.567-576 ;
509
Idem, p573
510
Voir thèse Ibrahim el Refaat, Op. Cit. p460
511
Annexe 2 pour exemple : la convention de concession pour la conception, le financement, la construction,
l’exploitation et l’entretien du pont Riviera-Marcory à Abidjan-Côte d’Ivoire entre l’Etat de Côte d’Ivoire et la
société cocessionnaire SOCOPRIM S.A. (l’article 46 et ses différents alinéas sur les scénarii d’indemnisation
selon les causes de résiliation).
209

prêteuse, il est possible selon la cause d’un tel acte que ledit projet soit complètement abandonné et
l’État devra rembourser la portion du prêt déboursée.

Ainsi, dans les conditions générales des accords de prêts de la BOAD, l’article VII relatif à l’ « annula-
tion du prêt par la Banque » prévoit des hypothèses d’ « évènements » dans lesquelles celle-ci se
réserve le droit de mettre fin au « droit à mises à dispositions sur tout ou partie du prêt, en spécifiant
dans ce dernier cas le montant concerné ». Parmi ces évènements, l’alinéa c de la première section
de l’article précité mentionne : « Tout évènement d’ordre politique, économique, social ou financier
ou autre survenant après la date de signature de l’accord de prêt qui selon la banque est susceptible
de compromettre ou de rendre improbable… l’exécution et la bonne fin du projet… le respect de
toutes dispositions contractuelles ou des documents de garantie par leurs signataires respectifs ».
L’annulation du prêt en cas de survenance de ces évènements constitue l’un des cas d’exigibilité an-
ticipée prévues dans l’article IX des mêmes conditions générales. Au regard de ces dispositions, on
peut faire remarquer qu’il va de soi qu’en tant que prérogative juridique reconnue à l’État, le pouvoir
de résiliation unilatérale de celui-ci peut dans certaines circonstances se baser sur des évènements
politiques ou au moins relever d’une décision de nature politique ; de plus, dans de telles circons-
tances, l’équilibre financier du contrat serait rompu et des dispositions contractuelles violées. Par
conséquent, la formulation de l’article VII des conditions générales de l’accord de prêt de la BOAD
s’appliquerait et priverait l’État concerné du prêt qui lui est consenti. Toutefois, de telles mesures
n’interviendraient qu’après une tentative infructueuse de négociations entre l’emprunteur et la
Banque d’après la formulation de l’article VII512.

Dans le même ordre d’idée, l’article 1.12 des directives de passation de marchés de la BIRD prévoit
que « La Banque ne finance pas les dépenses effectuées au titre des marchés de fournitures et de
travaux qui n’ont pas été passés conformément aux dispositions de l’accord de prêt …. Dans ces cas,
la Banque déclare la passation de marché non conforme et elle a pour principe d’annuler la fraction
du prêt affectée aux fournitures et aux travaux qui n’ont pas été acquis conformément à ces procé-
dures. La Banque peut en outre exercer d’autres recours prévus dans l’Accord de prêt. Même lorsque
le marché est attribué après émission de « l’Avis de non-objection » de la Banque, la Banque peut
encore déclarer la passation de marché non conforme si elle conclut …que les termes et conditions du
marché ont été modifiés sans l’approbation de la Banque. »513. Au regard de la dernière phrase de
cette disposition, la résiliation ou la modification unilatérale du marché par l’administration consti-
tuera un motif d’annulation du prêt. Il est intéressant de noter que cette disposition est claire sur le

512
Voir article VII des conditions générales applicables aux accords de prêt de la Banque Ouest Africaine de
Développement (BOAD), Mars 2000
513
Voir paragraphe 1.16 ( version 2014)
210

fait que l’État devra d’abord obtenir l’approbation de la Banque s’il souhaite faire usage de ses pré-
rogatives de fait du prince et que l’accord seulement du bailleur lui permettra de conserver le béné-
fice du prêt. Ceci constitue pour sûr une caractéristique particulière des marchés de développement
financés par les institutions multilatérales. On trouve des dispositions semblables dans l’article VII
des conditions générales des prêts de la BIRD. De même Des dispositions similaires sont prévues
dans les conditions générales gouvernant les accords de prêt de la BERD à la section 7.2.c.514 .

D’une manière générale, les institutions prêteuses fixent des conditions que les États bénéficiaires
doivent respecter pour bénéficier de leurs octrois financiers. Comme nous le verrons dans le (II), ces
conditions peuvent impliquer des changements profonds en matière de législation et d’orientation
des politiques socio-économiques dans les états bénéficiaires.

II- L’impact des MPI sur l’Ordre Constitutionnel, les orientations de la politique socio-
économique

Primo, en ce qui concerne, les MPI et les valeurs protégées par une constitution, nous nous référons
pour cette analyse aux constitutions des états francophones. Dans la plupart des systèmes franco-
phones, les traités ont une valeur supérieure à celle des lois mais pas à la constitution. L’article 53 de
la constitution française prévoit que les traités de commerce et ceux qui engagent les finances de

514
Section 7.02. Cancellation by the Bank
(a)If at any time the Bank determines, after consultation with the Borrower and the Guarantor, that an amount
of the Loan will not be required to finance costs of the Project to be financed out of the proceeds of the Loan,
the Bank may, by notice to the Borrower and the Guarantor, cancel such amount of the Loan. On the Last
Availability Date, any remaining Available Amount shall be cancelled automatically.
(b)If the right of the Borrower to make Drawdowns of any part of the Loan shall have been suspended for a
continuous period of thirty (30) days, the Bank may, by notice to the Borrower and the Guarantor, cancel such
amount of the Loan.
(c)If at any time the Bank determines that:
(i)the procurement of any item is inconsistent with the procedures set forth or referred to in the Loan Agree-
ment and the Bank establishes the amount of expenditures in respect of such item that would otherwise have
been eligible for financing out of the proceeds of the Loan; or
(ii)funds drawn down under the Loan have been used for purposes other than those provided for under the
Loan Agreement and the Bank establishes the amount so used; or
(iii)with respect to any contract to be financed in full or in part from the proceeds of the Loan, any representa-
tive of the Borrower, any Project Entity or any other beneficiary of the Loan has engaged in any Prohibited
Practice during the procurement or execution of such contract, without the Borrower or the Guarantor having
taken timely and appropriate action satisfactory to the Bank to remedy the situation, and the Bank establishes
the amount of expenditures in respect of such contract which would otherwise have been eligible for financing
out of the proceeds of the Loan;
The Bank may, by notice to the Borrower and the Guarantor, cancel the equivalent of such amount of the Loan.
Such cancellation shall take effect when notice is given.
(d)If at any time the Bank determines that any representative of the Borrower, any Project Entity or any other
beneficiary of the Loan has been found by a judicial process or other official enquiry to have engaged in any
Prohibited Practice, the Bank may, by notice to the Borrower and the Guarantor, cancel all or part of the Loan.
Such cancellation shall take effect when notice is given.
211

l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative ne peuvent être ratifiés ou approuvés
qu’en vertu d’une loi. Cette loi est elle-même soumise au contrôle de constitutionnalité. En ce sens,
l’article 54 renchérit : «Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le
Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante
sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution,
l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir
qu'après révision de la Constitution. ». L’article 55 précise que les traités ou accords régulièrement
ratifiés ou approuvés ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve
pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. Les articles 120, 122 et 123 de la
constitution ivoirienne sont rédigés dans des termes semblables515.

Qu’adviendrait-il s’il y avait un achoppement entre les dispositions d’un accord de prêt ou les exi-
gences d’une institution de financement du développement et la constitution d’un État bénéficiaire ?
Dans les faits, il est rare que la constitution soit rédigée de façon très détaillée de sorte à pouvoir
inclure toutes les règles qui s’appliquent aux contrats administratifs. Elle se contente de définir les
grands principes qui fondent l’Ééat et son fonctionnement. Ce cadre général rentre rarement en con-
frontation directe avec les activités de l’État. En outre, il est évident que sur certains points, les prin-
cipes des MPI s’accordent avec ceux prévus en général dans les constitutions. Nous rappelons que les
MPI constituent une modalité d’exécution du budget de l’État. Celui-ci doit être équilibré comme le
prévoient la plupart des constitutions et ces dispositions coïncident avec de nombreuses exigences
des bailleurs de fonds liées à l’efficacité dans la dépense des octrois financiers. Néanmoins, les élus
du peuple n’ont pas toujours la possibilité de contrôler les accords de prêts avant leur ratification,
dans certains pays en développement. Pourtant, la ratification des accords de prêts constitue norma-
lement un moyen de contrôle des accords internationaux à caractère économique, par les élus du
peuple lorsque cette procédure est en vigueur. Or, à rebours de ce principe, comme nous l’avons vu
précédemment, ce pouvoir est réservé à l’exécutif (sans le regard du pouvoir législatif) dans certaines
constitutions de pays en développement afin de faciliter le processus d’endettement (Voir les pages
134 et s.) ; ce qui ne garantira pas toujours un contrôle renforcé des principes posés par la constitu-
tion.

515
Article 120. - Les traités de paix, les traités ou accords relatifs à la création d'organisations internationales,
ceux qui modifient les lois internes de l'état ne peuvent être ratifiés qu'à la suite d’une loi. La loi d'autorisation
en vue de la ratification est soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.
Art 122 : Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, le Président de l'Assemblée natio-
nale ou du Sénat ou par un dixième au moins des députés ou des sénateurs, a déclaré qu'un traité ou un accord
international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de le ratifier ne peut intervenir
qu'après la révision de la Constitution.
Article 123. - Les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à
celle des lois, sous réserve, pour chaque traité ou accord, de son application par l'autre partie.
212

Ensuite, même si cela est rare, il est possible d’envisager des hypothèses dans lesquelles certaines
politiques spécifiques propres à un pays et ancrées dans la constitution, pourraient rentrer en con-
tradiction avec les politiques d’une institution de prêt. Cela pourrait être le cas avec des politiques
qui visent à protéger des minorités516 en promouvant de ce fait des règles qui ne satisfont pas les
niveaux d’exigences de mise en concurrence. Cette situation peut également se poser lorsque la
constitution attribue un monopole aux entreprises publiques dans certains secteurs tels que l’énergie
ou autres secteurs sensibles ; ceci d’autant plus que, par exemple, les directives de la Banque Mon-
diale n’autorisent les entreprises publiques nationales à participer à la concurrence dans les marchés
qu’elle finance que de façon exceptionnelle.517 Elles doivent notamment être légalement et financiè-
rement autonomes vis-à-vis du gouvernement ou toute autre entité publique, mener leurs activités
comme toute autre entreprise commerciale régulée par le droit commercial et ne pas recevoir de
subventions de la part de l’État bénéficiaire. Au regard de cette disposition, si dans un contexte éco-
nomique ou politique particulier, la constitution d’un état sollicitant un prêt accordait des préroga-
tives particulières à des entreprises ou nationalisait certaines entreprises dans certains secteurs,
celles-ci ne pourraient pas bénéficier du fruit de l’endettement de cet État par le biais d’un prêt
d’une telle institution, sans considération de la performance de ces entreprises pour exécuter le
marché. Ainsi, certaines institutions de financement des MPI assortissent l’octroi de leurs prêts de
conditions qui constituent une embûche aux marges de manœuvres politico-économiques et straté-
giques de l’État.

Un autre exemple consistait dans les conditions de prêts de la BIRD qui exigeaient initialement que la
concurrence ne soit accessible qu’aux entreprises ressortissantes des états membres de la Banque,
de la Chine ou de Taiwan518. Parallèlement, l’État ne peut pas restreindre (sauf pour cause
d’incapacité technique ou de conflit d’intérêt) sans l’avis de la banque, la concurrence en excluant la
participation des entreprises originaires des états membres de la BIRD à ses MPI. Cette disposition
reste valable, en principe, même lorsqu’il n’existe pas de relations commerciales officielles entre
l’État bénéficiaire et l’État d’origine des entreprises ou consultants. Dans ce cas précis (absence de
relations commerciales officialisées), il existe une exception prévue à la section 1.13, mais une telle

516
Comme c’est le cas en Afrique du sud : Voir section 217 (3) de la constitution de 1996
517
Voir section 1.10.b des directives (version de 2014) : Government-owned enterprises or institutions of the
Borrower’s country may participate in the Borrower’s country only if they can establish that they (i) are legally
and financially autonomous, (ii) operate under commercial law, and (iii) are not dependent agencies of the
Borrower or Sub-Borrower.
518
Tel était le cas avant l’entrée en vigueur des directives de passation de 2004. Les directives suivantes et
celle actuelle ne contiennent pas cette clause.
Voir Directives travaux et fournitures, 2004, point 1.6 ; directives pour la sélection des consultants 2004, point
1.11. Par comparaison avec les directives travaux et fournitures 1999, point 1.6 et les directives pour la sélec-
tion des consultants 1999, point 1.10
213

mesure ne peut être prise qu’à la satisfaction de la Banque519 ; ce qui est un frein à la souveraineté
de l’État et à une action stratégique de sa part qui serait basée sur ses relations internationales et
économiques.

Deuzio, quant à l’impact des règles impulsées par les bailleurs de fonds dans les MPI sur l’orientation
de la politique économique et sociale de l’État, on note que les relations entre l’institution de finan-
cement et le pays bénéficiaire donnent souvent lieu par le truchement des dispositions de l’accord
de prêt à des modifications législatives et réglementaires dans ledit pays. Par ce biais, le prêteur
exige la mise en place de mécanismes lui permettant de contrôler l’investissement réalisé et de
s’assurer que les conditions de sa réalisation sont réunies. Il peut s’agir de modifier des dispositions
de nature fiscale, de privatiser certaines structures, de faire voter une loi sur une question spéci-
fique. Celles-ci ont pour conséquences de modifier la politique économique dudit État et d’entraîner
des changements dans la structure juridique et administrative de grandes entreprises nationales. Les
institutions nationales ne sont pas épargnées également. De telles exigences sont souvent jugées
indispensables pour s’assurer de l’efficacité financière de l’utilisation du prêt. Néanmoins, elles peu-
vent avoir pour conséquence d’amenuiser la part de l’État et ses marges de manœuvres dans des
secteurs qui sans être rentables financièrement sont vitaux du point de vue social.520 C’est le cas en
ce qui concerne les entreprises de distributions d’eau potable, d’électricité ou des domaines liés à
l’éducation.521 La fixation du tarif de ces services d’utilité publique relève pourtant d’une politique à
la fois économique et sociale. Les exigences des bailleurs de fonds peuvent déboucher sur un accrois-
sement des prix qui sont difficiles à supporter pour certaines couches de la population.

519
Voir section 1.8, 1.9, 1.10 des directives pour les marchés de travaux et de fournitures et sections 1.11, 1.12,
1.13 pour les marchés de sélection des consultants, versions de 2014
520
Le professeur David Baldwin met en avant ce contraste entre l’intérêt financier du prêteur et le système
social et économique préexistant à cette relation qui peut apparaître comme inadapté à ces intérêts. “The
point is that in making judgments about what constitutes a "safe" investment they tend to favor certain social
systems…”Indeed, the export of capital to countries previously untouched by capitalistic industrialism necessi-
tates the simultaneous "export" of specialized governmental forms and institutions, such as commercial law,
and specialized economic institutions…”…” voir DAVID A. BALDWIN, foreign aid, intervention, and influence,
World Politics, Volume 21, Avril 1969,pp 425-447, spec. p444
521
Monsieur Assad Omer cite notamment l’exemple d’un accord conclu entre la BIRD et le gouvernement du
Sri-Lanka le 6 juin 1961 relatif à un prêt pour la construction d’une centrale hydraulique thermique. Il y est
exigé que ledit gouvernement crée un office de distribution unique qui assurera le développement, la coordina-
tion, la fourniture, le transfert de l’électricité. L’État y prend également l’engagement d’ajuster ses tarifs de
vente de l’électricité de telle sorte que les recettes lui permettent de couvrir les dépenses d’exploitation et
générer des bénéfices supplémentaires permettant d’assurer l’amortissement de ses dettes à long terme et le
service de paiement des intérêts. De telles exigences débouchent souvent sur l’augmentation des tarifs de ces
services vitaux, creusant ainsi l’écart entre le niveau de revenu des populations et le coût desdits services. Voir
ASSAD OMER, le financement international public du Développement, thèse de doctorat, Op. Cit. p142
214

Conclusion du chapitre 3

En considérant le positionnement du droit des MPI au sein de la discipline générale du droit écono-
mique et plus particulièrement du droit économique international, l’idée que nous avons cherché à
mettre en lumière dans ce chapitre est qu’il existe une immersion des procédés du droit économique
dans les MPI et que ceux-ci ont un impact sur le positionnement stratégique des MPI en tant
qu’instrument du financement du développement.

Aussi, notre réflexion portant sur l’analyse du cadre juridique des MPI, il était important dans un
premier temps de poser ce constat et de l’exemplifier à travers les règles existantes, de la jurispru-
dence et la doctrine. En outre, il ressort que les procédés de droit économique, affaiblissant le pou-
voir de l’État et étant généralement orientés vers la rentabilité et la célérité, ont des avantages mais
aussi des inconvénients qui ont un impact sur le développement d’un état à long terme. Par exemple,
en se soumettant aux arbitrages dans le cadre de la lex mercatoria, l’État bénéficiaire devient un
contractant comme un autre, privé d’une grande partie de son pouvoir. Cela reste vrai même si
l’évolution des pratiques contractuelles dans ce sens procure une certaine sécurité juridique. Ces
procédés sont encouragés par les institutions de financement et sont bien ancrés dans la pratique.
Les procédés du droit économique révèlent également les rapports de force en œuvre dans les MPI,
notamment à travers l’abondance de la soft-law caractérisant le pouvoir réglementaire des institu-
tions internationales de financement. Ces actes de droit mou suscitent et orientent des règles
d’origine législative et réglementaire dans les états bénéficiaires.

Par ailleurs, les interactions singulières entre les règles internationales et celles internes des états
bénéficiaires révèlent d’autres dimensions des MPI. le contrat du MPI, est un contrat de droit natio-
nal, ne générant pas de responsabilité pour l’institution de financement tout en permettant par le
jeu de l’accord de prêt et ses directives que celle-ci puisse prendre des décisions ayant un impact
significatif sur la vie dudit contrat. Cette posture de l’institution de financement se vérifie jusque
dans les prérogatives régaliennes de l’État comme le fait du prince dans le contrat de MPI. Ici, préci-
sément, le prince n’est plus tout à fait prince puisque sa décision peut lui faire perdre le bénéfice des
financements et d’autres conséquences financières s’il n’a pas l’aval de l’institution prêteuse.

Enfin, le cadre juridique international des MPI est susceptible d’orienter les politiques socio-
économiques de l’État bénéficiaire et ses valeurs constitutionnelles en lui imposant des conditions.
Celles-ci, appartenant souvent à l’agenda politique des États qui détiennent le plus de participation
dans les institutions multilatérales, voire des États prêteurs dans le cadre des relations bilatérales, ne
sont pas toujours en faveur de ce que requiert le développement économique embryonnaire d’un
215

état en développement. C’est notamment le cas des mesures imposant la dénationalisation, la parti-
cipation conditionnée des entreprises publiques aux appels d’offres qu’elles financent. En définitive,
à travers ces différents contrastes, le cadre juridique des MPI révèle son orientation vers le dévelop-
pement, mais aussi sa nature d’instrument économique évoluant selon les intérêts des divers ac-
teurs.
216

Conclusion du titre 1

Les marchés publics internationaux présentent un cadre juridique transversal qui emprunte à di-
verses matières du droit international. Cette transversalité influence l’orientation de la matière. À
travers, les interactions entre les principes du droit du développement, le droit des investissements
internationaux, de même que les règles multilatérales du commerce international, nous avons fait
ressortir comment ces matières orientent la formulation des règles des MPI et tracent des perspec-
tives de l’évolution de celles-ci, de même que leurs enjeux pour les pays en développement. Cette
idée est vraie aussi bien pour l’accord de l’OMC sur les marchés publics, que pour les accords régio-
naux ou bilatéraux de protection des investissements.

Quant aux règles qui régissent les MPI stricto sensu, elles démontrent une grande variété dans leur
nature et présentent une grande flexibilité. Elles se situent à diverses strates qui tendent à
s’harmoniser. Les règles des institutions de financement à travers leurs statuts , les accords de prêts,
les directives et documents opérationnels sont celles qui guident concrètement le processus de pas-
sation, de suivi et d’exécution de même que les rapports entre lesdites institutions, les États bénéfi-
ciaires et les entreprises candidates et attributaires.

Mais les règles régissant les MPI en tant qu’instrument stratégique du financement du développe-
ment vont bien au-delà de celles des institutions de financement. En sus, il y a les règles fixant le
cadre international. Certaines sont programmatiques et d’origine multilatérale en ciblant les MPI
comme un aspect de l’efficacité de l’aide au développement. C’est le cas des cadres fixés par la dé-
claration de Paris et le programme d’action d’Accra. On y trouve également des modèles types
comme ceux de la CNUDCI et des recommandations émanant d’institutions telles que l’OCDE qui ont
un impact majeur sur la dynamique de la régulation et les pratiques des MPI dans les stratégies de
développement. Ces diverses règles s’additionnent avec les cadres juridiques régionaux et ceux de la
coopération bilatérale. On note qu’elles se conjuguent dans une tendance à l’harmonisation tout en
préservant leurs particularités selon les sources de financement et les intérêts en jeux.

La multiplicité de ces intérêts est corroborée par l’analyse du cadre juridique des MPI sous l’angle du
droit économique international, entendu comme une branche du droit, transversale, pragmatique,
dynamique et comportant ses propres codes. Dans ce sens, on note l’influence de la lex mercatoria
dans les MPI et celle de la soft-law usitée par les institutions internationales et bilatérales de finan-
cement. Ceci implique une certaine posture de l’État dans l’orientation de son droit interne des mar-
chés publics, en tant qu’acteur du commerce international mais aussi dans l’orientation de ses poli-
tiques économiques et sociales concourant à son développement. Ainsi, le cadre juridique des MPI se
217

présente comme riche et diversifié à travers son ancrage dans diverses matières et procédés du droit
international et du droit économique, transversal et mêlant des sources situées à diverses strates
géographiques. Elles font apparaître son orientation vers les objectifs du développement et la pré-
servation des intérêts des parties prenantes. Le titre suivant sera consacré à l’approfondissement de
cette dernière idée.
218

TITRE 2
Un instrument tiraillé entre la recherche de l’efficacité et la préser-
vation des intérêts des parties prenantes

En matière d’utilisation efficace de l’aide au développement, les marchés publics sont considérés
comme un élément crucial. Les objectifs assignés au financement international du développement se
déclinent dans des aspects économiques, sociaux, culturels, environnementaux, mettant l’humain au
cœur de la définition des stratégies de développement. C’est dans ce sens que s’orientent les actes
de diverses conférences internationales qui ont eu lieu sur la question du financement. Ces préoccu-
pations étaient au cœur des objectifs du millénaire pour le développement et elles occupent une
place importante dans les Objectifs de Développement Durable.

Il s’avère que leur réalisation dépend de multiples facteurs, et la question du financement se re-
trouve dans tous les cas au cœur des efforts à mener. Les politiques nationales, la coopération multi-
latérale, bilatérale, décentralisée, l’assistance technique sont des moyens parmi tant d’autres pour
réaliser les objectifs de développement. Au cœur de ce système, les MPI occupent une place de choix
dans la sphère du financement. Qu’il s’agisse des appuis budgétaires qui peuvent occasionner des
marchés internes ou influencer l’orientation du cadre juridique des marchés publics, comme des
prêts et dons s’appuyant sur des projets, l’efficacité du financement est une question névralgique.

Force est alors de constater que les procédures de marchés publics, constituent l’un des piliers sur
lequel s’appuient les acteurs du développement pour envisager la question de l’efficacité de son
financement522. Celle-ci à ce stade ne doit pas s’entendre uniquement, comme une simple procédure
terminale de la phase de financement, incarnée dans l’appel d’offre et l’attribution du marché. Il
convient de rappeler, comme nous l’avons mis en exergue dans les chapitres précédents, que les MPI
sont une matière transversale qui embrasse plusieurs aspects de la gouvernance. Cette perception
de la matière explique le rôle central qui lui est dévolu. De fait, à travers les MPI, on touche aux ques-
tions de l’efficacité budgétaire, de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption, de
l’ouverture internationale desdits marchés publics et l’expansion du champ du commerce internatio-
nal et bien d’autres enjeux.

522
Cette conception est partagée aussi bien par les acteurs institutionnels et ceux de la société civile Voir par
exemple ce rapport basé sur des études de cas, de l’ONG EURODAD, qui considère que les marchés publics
constituent une pierre angulaire pour le développement. BODO ELLMERS (EURODAD), comment mieux dépen-
ser l’aide : des marchés publics pour une aide plus efficace, Rapport, 2011, 32P, PP10-20.
219

De nombreuses études et rapports mettent en avant cet aspect central du rôle des MPI dans le déve-
loppement. Ainsi, le rapport Sachs de 2005, remis au secrétaire général des nations unies par le pro-
fesseur américain du même nom mentionne à plusieurs reprises l’intérêt des marchés publics en vue
d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement.523

Par ailleurs, les directives de la Banque Mondiale précisent que les procédures de passation détail-
lées qu’elles contiennent ont été élaborées en vue de s’assurer que les objectifs d’utilisation effi-
ciente du produit d’un prêt stipulés dans les articles III, section 5(b) du statut de la BIRD et V section
1(g) du statut de l’AID soient respectés. On constate là encore la place importante dédiée aux MPI
en tant que vecteur d’efficacité pour atteindre les objectifs de financement du développement. Les
MPI sont considérés comme susceptible de jouer un rôle central en tant que canal privilégié du fi-
nancement du développement dans une optique d’efficacité comme l’évoquent les directives de
passation des marchés de la BIRD, à travers un ensemble d’objectifs qui leurs sont assignés. L’article
1.2 mentionne la nécessité de l’efficience économique dans la réalisation du projet financé en préci-
sant que cela concerne notamment les marchés publics de travaux, fournitures et des services (1.2.
a). Ensuite, il s’agit de permettre à tous les potentiels candidats, qu’importe leur origine et sous ré-
serve des règles d’exclusion, de bénéficier du financement que procure l’institution (1.2.b). On re-
trouve ici, l’idée de l’utilisation des marchés publics pour ouvrir le commerce international. De
même, les directives mentionnent l’intérêt, à travers les MPI de dynamiser le secteur industriel des
pays en développement (1.2.c). Enfin, les MPI sont présentés comme un vecteur de transparence
(1.2.d)524. Ce dernier point constitue la pierre angulaire de toute l’idée de passation de marché, car
c’est à travers lui que les autres objectifs peuvent être atteints. Aussi, constitue-t-il l’un des principes
phares des MPI. En fait, tous les principes de base de la commande publique même constituent une
source de garantie en matière d’efficacité de l’utilisation des financements. La loi-type de la CNUDCI
sur la passation des marchés publics contient justement dans son préambule des dispositions qui
renseignent sur l’intérêt, dans la volonté de recherche d’une efficacité économique, d’un traitement
juste et équitable des soumissionnaires, de l’intégrité et la transparence dans la vie publique.525

Toutefois, il est nécessaire de réitérer l’idée selon laquelle, l’efficacité de la commande publique rela-
tivement à l’aspect économique et à la finalité des projets de développement ne constitue pas le seul
enjeu des MPI. Les intérêts des parties prenantes, notamment celles qui détiennent les financements

523
Voir le rapport du professeur Jeffrey D. Sachs au sujet des objectifs du millénaire pour le développement
« Investing in Development, A practical plan to achieve the millenium Development Goals », Millenium Project,
Report to the UN Secretary-General, 356P, Voir spécifiquement : p 117, 123
524
Voir directives passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (autres que les services de
consultants) par les emprunteurs de la Banque Mondiale dans le cadre des prêts de la Bird et des crédits et
dons de l’AID (version 2014).
525
Voir le préambule de la Loi type de la CNUDCI sur la passation des marchés publics (2011)
220

influencent et orientent les procédures. Nous l’avons déjà évoqué et fait ressortir certains enjeux
dans notre introduction et à travers les chapitres précédents. Dans ce titre, pour l’illustrer, nous mè-
nerons une réflexion sur les éléments de conditionnalités dans les marchés publics. De fait, ceux-ci,
tout en matérialisant des procédés qui visent à protéger ces intérêts, démontrent un contraste mar-
qué avec le discours sur la recherche de l’efficacité et des objectifs de développement.

Aussi, au regard de ces propos liminaires, nous ferons ressortir les principes et pratiques qui sous-
tendent le rôle central attribué aux MPI dans la recherche de l’efficacité des financements tout en
soulignant le contraste caractérisé entre ceux-ci et les éléments de conditionnalités dans les MPI
(chapitre 1). En outre, il s’agira de se focaliser spécifiquement sur la question de la bonne gouver-
nance et la lutte contre la corruption qui présente un intérêt particulier s’agissant des objectifs assi-
gnés aux MPI (chapitre 2).
221

Chapitre 1

Une recherche d’efficacité à travers les principes de base et les fa-


cultés d’orientation stratégiques des procédures, contrastant avec
les éléments de conditionnalités imposés par les détenteurs des fi-
nancements

Le dictionnaire Larousse définit l’ « efficacité » comme la qualité d’un produit, une méthode qui pro-
duit l’effet attendu ou qui remplit bien sa tâche, atteint son but526.
Le vocable « efficacité » est souvent utilisé dans le domaine économique et dans celui de la politique
pour juger le bien-fondé ou les résultats d’une politique. Une politique efficace est celle qui a atteint
les objectifs qui lui sont assignés. Ainsi, l’efficacité peut être partielle, complète ou inachevée.
Dans le domaine de la coopération internationale, et principalement de l’aide au développement, la
notion d’ « efficacité » a souvent été utilisée pour jauger les politiques menées pendant les diffé-
rentes décennies par les institutions de financement du développement. Elle concerne également les
effets de l’aide au développement.
Dans le domaine des marchés publics, l’ « efficacité » réside dans la même logique que celle de l’aide
au développement. Dans de nombreux textes qui régulent les marchés publics, elle est considérée
comme un principe fondamental527. De façon pratique, on peut la décliner sous plusieurs dimensions.
D’abord, d’une efficacité relativement aux objectifs fixés globalement (sur le long terme) pour éva-
luer l’impact des projets/ marchés issus de l’aide au développement et relativement à un pays don-
né, selon des objectifs préétablis. Du côté du bailleur, selon ses propres objectifs, on peut concevoir
une autre approche de l’efficacité, entre autre celle qui consisterait à s’assurer que les fonds alloués
sont bien utilisés ou selon les autres objectifs qui justifient l’octroi de son financement. Ensuite, il
s’agit d’une efficacité liée au bon déroulement et à la fiabilité des procédures de passations elles-
mêmes. De cette fiabilité, dépendent d’autres objectifs recherchés à travers les MPI tels que la parti-

526
Le petit Larousse illustré, 2018
527
Le règlement de passation des marchés de la Banque Mondiale, mentionne dans son avant-propos qu’il est
« guidé par les principes fondamentaux suivants de passation des marchés : optimisation des ressources, éco-
nomie, intégrité, adaptation aux besoins, efficacité, transparence et équité.». Voir règlement de passation des
marchés Op. Cit. version juillet 2016 ; l’art 2 de la directive 04 de l’UEMOA place « l’économie et l’efficacité »
au nombre des principes fondamentaux guidant les procédures de passation ; le guide régissant les procédures
de marchés dans le cadre des aides de l’UE mentionne « l’économie et l’efficacité » parmi les principes guidant
les procédures. Voir Procurement and Grants for European Union external actions – A Practical Guide (PRAG)
point 2.5.1- version août 2018
222

cipation la plus large des entreprises à l’échelle internationale, la mise en œuvre d’objectifs de déve-
loppement durables ou autres. L’efficacité peut également concerner des indicateurs de bonne gou-
vernance et de lutte contre la corruption. Enfin, l’efficacité dans les MPI peut également être jaugée
à l’aune d’une gestion budgétaire optimale qui alloue le minimum de ressources tout en atteignant
les objectifs fixés qualitativement et quantitativement dans le cadre d’un projet.
La recherche de l’efficacité dans les MPI se fonde sur une myriade de procédés qui ressortissent de
facteurs politiques, économiques, voire de stratégies internationales. Cependant, au niveau fonc-
tionnel, une attention particulière est portée sur les procédures et leur impact sur l’efficacité dans
l’utilisation des financements et l’achèvement des objectifs de développement. Ici, nous mettrons en
avant les principes de bases dont l’application est considérée comme une condition d’efficacité dans
les MPI (paragraphe 1). Ensuite, nous ferons ressortir des éléments de conditionnalités qui matériali-
sent les intérêts des détenteurs des financements, mais qui dans une certaine mesure amoindrissent
ou contrarient l’efficacité recherchée à travers les principes de bases dans les MPI (paragraphe 2).
Enfin, Il sera intéressant de réfléchir sur la mise en œuvre des nouveaux principes permettant
l’orientation stratégique des procédures dans les MPI vers des objectifs directs de développement
(paragraphe 3).

Paragraphe 1- Une quête d’efficacité indissociable du respect des principes de base des marchés
publics

À l’instar du droit des marchés publics internes, il convient de constater que les principes qui guident
la réglementation des procédures de passation des marchés publics internationaux sont liés entre
eux dans leurs fonctions générales528. La plupart procèdent du principe d’égalité qui jouit d’une con-
sécration jurisprudentielle en droit national et communautaire. Dans le droit des MPI, il est corrobo-
ré et mis en œuvre à travers un autre principe qui est celui de la concurrence. Par ailleurs, dans le
droit du commerce international, il trouve un écho dans d’autres principes (tels que la non-
discrimination, la règle de la nation la plus favorisée) qui servent directement les besoins et les objec-
tifs de cette matière. Partant, l’on trouve dans les principes régissant les MPI un mélange entre la
recherche de l’égalité en tant que fondement de la justice dans l’attribution des marchés de la com-
mande publique et d’autres principes touchant essentiellement à la recherche de la maximisation
économique. Outre, ces objectifs surplombant l’idée des MPI, un autre principe connexe vient se

528
Sur la connexité entre les fonctions des principes fondamentaux de la commande publique, voir par
exemple, Marie-Charlotte BONTRON, les fonctions des principes fondamentaux de la commande publique,
thèse de doctorat, université de Montpellier, novembre 2015, 627P, pp 167 et s.
223

greffer dans le cours de la procédure afin d’en assurer le déroulement conformément aux objectifs
visés. C’est celui de la transparence.

Pour analyser ces principes et faire ressortir leur teneur, qui justifie leur consécration en tant que
valeurs cardinales dans la recherche des objectifs assignés à la commande publique, le droit interne
et le droit comparé nous serviront de point de mire, tout en évoquant le cas spécifique des règles
internationales des MPI. De fait, s’agissant des principes de la commande publique, les fondements
sont similaires, mais le droit interne offre, dans son évolution une vision plus complète et plus pré-
cise sur les principes étudiés. D’ailleurs, une grande partie des MPI dans la phase de préparation, de
passation et d’exécution relève du droit interne de l’état.

I- Le principe d’égalité

1- La teneur de ce principe dans les MPI et en droit interne

Le respect du principe d’égalité en matière de commande publique impose des obligations à l’État et
au pouvoir adjudicateur qui doivent créer les conditions d’une saine concurrence. Ainsi, il lui appar-
tient de mettre en place des moyens adéquats et des procédures transparentes en vue d’assurer la
publicité et de garantir l’accès égal à l’information de tous les potentiels soumissionnaires. De plus,
dans le cours de la procédure de passation, il lui incombe d’assurer un traitement égal des diffé-
rentes soumissions. Le principe d’égalité renferme plusieurs versants. Il s’agit de l’égalité « d’accès à
la commande publique » qui se rattache au principe de mise en concurrence et celui de « l’égalité de
traitement »529 lors de la passation. L’égalité de traitement est une application du principe d’égalité
qui oblige les pouvoirs publics à mettre en place des procédures de passation. Celles-ci établissent
des bases équitables qui permettent de soumettre les candidats aux mêmes conditions depuis
l’information sur les offres jusqu’à l’attribution du marché. Ceci inclut par conséquent les recours qui
sont à leur disposition s’ils s’estiment lésés dans le cours de la procédure. Une grande partie de ces
recours porte sur les actes détachables de l’administration lors de la procédure et sont soumis à ce
titre aux règles habituelles du contentieux administratif. Partant, le principe d’égalité trouve une

529
Le principe d’égalité de traitement des candidats est de longue date reconnu et réaffirmé dans la jurispru-
dence. Voir en droit Français, CE, 25 juillet 1939, Dame Veuve Gautron, rec. P. 529, 3 e considérant « aucune
modification [au traité de concession de pompes funèbres] ne peut, sans enfreindre la règle essentielle de
l’égalité des concurrents, être apportée aux soumissions déposées ». CE 7 novembre 1986, Ville de Toulouse, «
Ainsi, la clause dont il s’agit n’a pas porté une atteinte illégale à l’égalité des candidats aux concours » ; CE 13
mai 1987 Société Wanner Isofi Isolation, rec. p. 171, Dalloz, 1987, même fondée sur une circulaire ministérielle
et visant la défense des PME, l’exclusion d’un candidat au motif que le chiffre d’affaire de la société était trop
important portait « une atteinte injustifiée à l’égalité de traitement qui doit être assurée entre les entreprises
candidates à la présentation de l’offre ». Pour certaines références ici mentionnées, voir Grégory KALFLECHE,
Des marchés publics, à la commande publique, l’évolution du droit des marchés publics, thèse de doctorat,
Université Panthéon Assas (paris II), décembre 2004, 764P, P 506
224

application et une substance au-delà de la procédure de marché public stricto sensu, qu’il s’agisse
des règles de passation des institutions de financement du développement ou de celles contenues
dans les codes de marchés publics. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’État bénéficiaire d’un prêt
ou d’un don qui agit en tant que pouvoir adjudicateur a des obligations qui s’étendent jusqu’à son
cadre législatif et réglementaire qui doivent être propices et adaptés au bon déroulement de la pro-
cédure de passation de marchés. Comme le mentionne l’article V-b des conditions générales relatives
aux prêts de la BIRD, l’emprunteur et l’entité qui est en charge du projet doivent veiller à sa réalisa-
tion de façon diligente et en conformité avec les bonnes pratiques administratives530.

En réalité, le principe d’égalité d’accès à la commande publique et celui relatif à l’égalité de traite-
ment ne sont pas l’apanage du droit international économique, ils rejoignent une certaine interpréta-
tion du principe d’égalité et de ses corollaires reconnu dans tous les systèmes juridiques. On peut y
déceler également le reflet d’autres principes économiques tels que ceux de la liberté
d’entreprendre ou celle du commerce et de l’industrie.

En droit français, le principe d’égalité de l’accès à la commande publique et celui de l’égalité de trai-
tement des candidats ont été reconnus comme ayant une valeur constitutionnelle. C’est ce qui res-
sort de la décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 (loi habilitant le Gouvernement à simplifier le
droit) du conseil constitutionnel. Il y est fait un lien direct entre les principes d’égalité devant la
commande publique et l’instauration des procédures de passation par le biais de la formule suivante
dans le considérant 18 : « la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande
publique ou de la domanialité publique531serait susceptible de priver de garanties légales les exi-
gences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique […] ». Le considérant
10 de la même décision considère que les principes d’égal accès à la commande publique et celui
d’égalité de traitement (et les autres principes) qui sont affirmés dans l’article 1er du code des mar-
chés publics, sont un rappel de la déclaration de 1789 dans ses articles 6 et 14. Dans le même ordre
d’idée, le conseil constitutionnel français avait déjà fait mention de la notion de « principe d’égalité
d’accès à la commande publique » dans le considérant N° 7 de sa décision n° 2002-460 DC du 22 août
2002.

530
Voir article V des conditions générales relatives aux prêts de la BIRD, version de 2012. Op. Cit.
531
Il s’agissait en l’occurrence du fait qu’ « aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose
de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le finan-
cement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services ; qu'aucun principe ou règle de
valeur constitutionnelle n'interdit non plus qu'en cas d'allotissement, les offres portant simultanément sur
plusieurs lots fassent l'objet d'un jugement commun en vue de déterminer l'offre la plus satisfaisante du point
de vue de son équilibre global ; que le recours au crédit-bail ou à l'option d'achat anticipé pour préfinancer un
ouvrage public ne se heurte, dans son principe, à aucun impératif constitutionnel » , voir début du considérant
18 de la décision. Voir la décision sur le site du conseil constitutionnel français à l’adresse :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2003/2003473DC.htm (consulté en novembre 2021)
225

Il est important de comprendre que le principe d’égalité ne doit pas s’entendre de façon absolue. En
ce sens, il peut être fait une différence entre le principe d’égalité devant la loi versus le principe
d’égalité dans la loi. Tous les citoyens sont égaux devant la loi, néanmoins, le juge dans l’application
de la loi tient compte de la différence des situations en créant des catégories au sein desquelles il
veille à faire respecter l’égalité entre les justiciables. C’est le cas notamment en matière de com-
mande publique532. En effet, cette affirmation trouve un écho dans de nombreuses décisions du con-
seil constitutionnel dont celle n° 96-375 DC du 9 avril 1996533. On y retrouve la formule selon la-
quelle, le principe d’égalité « ne s’oppose, ni à ce que législateur règle de façon différente des situa-
tions différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans
l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui
l’établit ».

En outre, il est intéressant de mentionner que le principe d’égalité s’étend au cadre s’appliquant aux
engagements de l’État dans les accords internationaux. Ainsi, pour les pays signataires de l’accord de
l’OMC sur les marchés publics, dans la limite de l’étendue de leurs engagements, il est prévu un accès
réciproque aux commandes publiques desdits États et une égalité de traitement entre les soumis-
sionnaires originaires des états parties. On peut tout à fait considérer que le juge administratif pour-
rait annuler une procédure de passation ne respectant pas ce principe de la commande publique
dans le cas d’un contrôle de « conventionalité »534.

Il existe dans l’esprit du législateur un lien direct entre l’efficacité de la commande publique et les
principes qui régissent la matière. De ce fait, le code de la commande publique français précise dans
son article L3 que « Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la
bonne utilisation des deniers publics535». Parallèlement, ces mêmes principes, en tant que pierre
angulaire de la procédure de passation des marchés publics, sont le garant des objectifs assignés aux
MPI, notamment en matière d’efficacité et de la recherche de l’offre la plus avantageuse économi-
quement. Ils permettent également d’assurer indirectement l’état de droit dans les marchés de l’État

532
Sur le contenu et les interprétations du principe d’égalité, voir O. JOUANJAN, « Logiques de l’égalité », Dos-
sier dans Publications du conseil Constitutionnel, titre VII, N°4- avril 2020, disponible à l’adresse :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/logiques-de-l-egalite (consulté en novembre
2021) ; Également, Grégory Kalflèche , Des marchés publics à la commande publique : l’évolution du droit des
marchés publics, Pierre Devolve Dir. , Université Panthéon Assas (paris II), décembre 2004, 764P, p 474
533
Décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996, Loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Disponible sur le site du conseil constitutionnel français à l’adresse : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/decision/1996/96375DC.htm consulté en novembre 2021
534
En vertu de la supériorité des traités sur les lois consacrée par l’article 55 de la constitution française de
1958 et par la juridsprudence. Voir C. Cass. , chambre mixte 24 mai 1975, Société des Cafés Jacques Vabre ; C.E.
Assemblée plénière, 20 octobre 1989, Nicolo.
535
Voir article L3 du code de la commande publique français de 2019
226

et donc participent à la moralisation de la vie économique536. D’ailleurs, historiquement les marchés


publics ont été institués à la base dans cet objectif.537

Quant au droit Européen, on note que La notion d’égalité est largement soulignée dans la directive
2014-24 du parlement européen et du conseil relative aux marchés publics. Il y est fait régulièrement
allusion dans divers aspects de la directive comme un élément fondamental, lorsque les différentes
modalités d’organisation de la concurrence sont évoquées. L’article 18 dispose que « les pouvoirs
adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et
agissent d’une manière transparente et proportionnée ». L’article 24 fait obligation aux États
membres de prendre les dispositions appropriées aux fins d’éviter les conflits d’intérêts de façon à
éviter toute distorsion de concurrence et d’assurer l’égalité de traitement des opérateurs écono-
miques. Quant à l’article 42, il précise que les spécifications techniques d’un dossier d’appel d’offres
« donnent aux opérateurs économiques une égalité d’accès à la procédure de passation de marché
et n’ont pas pour objet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la con-
currence ». Ces différentes dispositions sont le reflet des objectifs communautaires dont
l’établissement d’un marché intérieur commun538 (et ses présupposés en terme d’efficacité écono-
mique) et de certains principes généraux qui en découlent. On pense notamment à la liberté de cir-
culation, la libre circulation des marchandises, la non-discrimination en raison de la nationalité539 et
la liberté d’établissement et la libre prestation des services.540 Naturellement, en vertu de la citoyen-
neté européenne, certains de ces principes sont uniquement invocables par les citoyens européens

536
On retrouve les mêmes principes dans les codes des marchés publics de plusieurs pays en développement.
Voir par exemple, article 2 du code des marchés publics du Burkina-Faso (2008). Art 2 du code des marchés
publics du Niger (2011) ; article 4 du code des marchés publics de la république du Bénin (2009) ; article 9 du
code des marchés publics de la République de Côte d’Ivoire (2009)
537
Voir le chapitre 1 de la thèse de doctorat de Mme Angeliki Charouli (Op. Cit.) Au sujet du rôle dévolu histori-
quement dans les États Européens aux marchés publics. Hormis le système Allemand, la bonne gestion des
deniers publics avec le souci de la moralisation de la vie publique étaient au cœur de l’institution des systèmes
de marchés publics dans l’Europe du 19ième siècle
538
Voir art 3 paragraphe 3 du traité de Lisbonne (ex article 2 TUE) « L'Union établit un marché intérieur. Elle
œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la
stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au pro-
grès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le
progrès scientifique et technique. »
539
Article 18 du traité sur L’UE (ex article 12 TCE) « Dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice
des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la natio-
nalité.
Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent
prendre toute réglementation en vue de l'interdiction de ces discriminations. »
540
Voir notamment pour l’affirmation de ces principes, spécifiquement dans le cadre des marchés publics, la
directive UE 2014-24 du parlement Européen et du conseil sur les marchés publics dans ses considérants 1, 37,
68, 90, 98,114. Egalement, l’art 18, art 1 de la directive : « Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs
économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et propor-
tionnée. »
227

(y compris les personnes morales, candidates à l’obtention d’un marché public), notamment, celui de
non-discrimination, de la libre circulation et de la liberté d’établissement, en raison de la nationalité
et de leur appartenance à l’Union Européenne. Toutefois, il faudrait également concevoir
l’affirmation du principe d’égalité au-delà de ce périmètre puisque les législations nationales et
même certaines décisions des juridictions européennes qui consacrent celui-ci protègent les soumis-
sionnaires qui ne sont pas issus de l’Union Européenne.

Dans la jurisprudence européenne, le principe d’égalité a une résonnance importante. Les principes
d’égalité de traitement et de non-discrimination imposent que les soumissionnaires disposent des
mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et impliquent donc que ces offres
soient soumises aux mêmes conditions pour tous les soumissionnaires.541 De même, ce principe exige
que des situations comparables soient traitées de façon égales, sauf si un traitement différent est
objectivement justifié, en ce sens qu’il viendrait fausser les règles de la concurrence542.

2- La portée du principe

Le principe d’égalité a une influence à la fois sur les obligations relatives aux libertés reconnues au
candidat de soumissionner et d’être traité comme les autres candidats. Il fait peser sur l’entité béné-
ficiaire, en charge des marchés publics une obligation de mettre en place les conditions idoines pour
ce faire. Cela justifie par exemple, l’obligation d’une large publicité et la mise en place d’un délai
suffisant dans le cas de certains marchés. Même dans le cas des marchés restreints, un avis à mani-
festation d’intérêt est publié. Un minimum de publicité est également respecté dans le cas des pro-
cédures simplifiées lorsque le montant justifiant une procédure formelle de marchés publics n’est
pas atteint. Vu sous cet angle, la publicité satisfait aux exigences de plusieurs principes dans les MPI,
dont celui de la transparence et de la concurrence, car c’est elle qui permet à ceux-ci de trouver un
début de matérialisation. On ne peut en effet concevoir qu’il y ait une concurrence ou une égalité
des chances si l’existence du Marché était gardée secrète. Naturellement, dans une telle hypothèse,
on ne pourrait imaginer une égalité des concurrents s’il y avait une distorsion au niveau de
l’information. Dans le même sens, tout au long de la procédure, elle doit veiller à assurer l’égalité de
traitement des candidats. L’égalité de traitement des candidats implique entre autres, que les cri-
tères de sélection des offres ne soient pas discriminatoires, soient connus de tous les candidats et
soient respectés tels que publiés, et que tout complément de documentation ou de modification
partielle de l’offre intervenant dans le cours de la procédure se déroule sans rompre cet équilibre.

541
Voir par exemple, CJUE, 4 mai 2017, Aff. C-387/14, Esaprojekt sp.zo.o.c/WojewództwoŁódzkie ;
542
Voir CJUE, 3 mars 2005, Fabricom c. Belgique, Aff. C-21/03 et C-34/03; CJUE 10 oct. 2013, Aff. C 336/12-
Ministeriet for Forskning, Innovation og Videregående Uddannelser c. Manova A/S
228

Nous précisons que ce principe connaît des exceptions notamment en ce qui concerne certains mar-
chés relatifs à la souveraineté de l’État comme les marchés relatifs aux besoins de la défense et de la
sécurité nationale, de même que ceux impliquant la protection des intérêts essentiels de l’État. Ces
marchés sont passés selon des procédures exceptionnelles qui excluent l’obligation de publicité. On
estime que la procédure d’appel d’offre ouvert exige la divulgation des information telles que des
termes de références et des objectifs du marché visé comme des spécifications techniques et autres
données qui peuvent dans ce cas précis revêtir un caractère sensible543.

À ce stade, il convient de rappeler comme nous l’avons affirmé tantôt en se fondant sur l’avis du
conseil constitutionnel français que l’égalité de traitement n’exclut pas que des catégories soient
créées. C’est le cas notamment des marchés dans lesquels pour des raisons socio-économiques ou
environnementales, des préférences sont exprimées par le pouvoir adjudicateur544.

Aussi, en raison du principe d’égalité, dans les marchés sur financements internationaux, l’institution
de financement veille à ce que soient respectées les exigences de publicité. Dans le cas des marchés
de la Banque Mondiale, les délais de publication de références sont d’au moins 6 semaines pour un
AOI. Ce délai est rehaussé à 12 mois lorsqu’il s’agit de grands travaux ou de matériels complexes.545
De plus, l’avis d’appel à concurrence doit comporter certaines informations et bénéficier de la plus
large publicité en fonction du type de procédure choisi. C’est ce que fait ressortir les points 2.7 et 2.8
des directives de passation de marchés de travaux et de fournitures de la Banque Mondiale.546

543
Le caractère confidentiel de ces marchés est prévu dans une majorité des codes des marchés publics et des
directives communautaires. Voir par exemple, art 7 du code des marchés publics béninois, art 9 de la directive
n°04_2005 de l’UEMOA
544
Le professeur Georges Vedel rappellait à juste titre que le principe d’égalité, s’entend, toute chose égale
d’ailleurs ». voir, G. Vedel, « préface » in thèse de doctorat , P. DELVOLVÉ, Le principe d’égalité devant les
charges publiques, Paris, LGDJ, 1969, 467P , P13
545
Voir point 2.44 de la directive travaux et fournitures de la Banque Mondiale (version 2014)
546
« Dans tout appel à la concurrence, il est essentiel d’annoncer en temps opportun la possibilité de soumis-
sionner. L’Emprunteur est tenu de préparer et de communiquer à la Banque un Avis Général de Passation de
marchés. La Banque se charge de faire publier cet avis dans Development Business online (UNDB online) et sur
le site internet public de la Banque. Cet Avis Général de Passation doit donner des informations sur
l’Emprunteur (ou l’Emprunteur éventuel) et indiquer le montant et l’objet du prêt, l’objet des marchés corres-
pondant au Plan de Passation des marchés, ainsi que le nom, le numéro de téléphone ou de télécopie et les
adresse(s) des organisme(s) de l’Emprunteur responsable(s) de la passation des marchés, de même que
l’adresse du portail électronique ou du site internet d’usage courant et d'accès national et international libre et
gratuit où seront affichés les avis particuliers de passation des marchés en question. L’avis doit aussi mention-
ner, si elle est connue, la date à laquelle les dossiers de préqualification ou d’appel d’offres seront disponibles.
Les dossiers de pré-qualification ou d’appel d’offres, selon le cas, ne doivent pas être mis à la disposition du
public avant la date de la publication de l’Avis… Chaque marché doit donner lieu à la publication d’un avis parti-
culier de pré-qualification ou d’appel d’offres, selon le cas, qui sera inséré au moins dans un journal de diffusion
nationale du pays de l’Emprunteur ou dans le Journal Officiel, ou sur un portail électronique ou un site internet
d’usage courant et d’accès national et international libre et gratuit, en langue anglaise, française ou espagnole,
ou au choix de l'Emprunteur dans une langue nationale telle que définie dans le paragraphe 2.15. Ces avis doi-
vent en outre être publiés dans UNDB online. Les avis seront publiés suffisamment en avance pour que les en-
229

L’obligation de publicité demeure même dans le cas d’un accord cadre (point 3.6 de la directive) et
d’un marché restreint, dans le cas d’une passation anticipée (1.11) même si elle est adaptée à la cir-
constance. Dans tous ces cas, l’emprunteur communique à la banque en amont, en plus des plans de
passation de marchés, tous les documents qu’il se propose d’utiliser et lui expose les modalités
d’organisation de l’égalité des candidats. Celui-ci doit émettre un avis de non-objection. Cela dé-
montre l’importance que les institutions de financement accordent au respect de ce principe dans le
cadre des MPI. L’emprunteur doit également publier les résultats de l’attribution du marché dans les
mêmes conditions que celles de sa publication aussi bien au niveau international que national selon
le type de marché (voir point7 de l’annexe 1 de la directive). Ceci doit inclure également des informa-
tions exhaustives qui permettent à tous les candidats et les personnes intéressées de comprendre les
justifications de l’attribution du marché.547

Le principe a également un impact sur la vie d’un contrat de la commande publique puisque les mo-
difications ultérieures de celui-ci peuvent constituer un détournement de l’obligation de respecter
l’égalité de traitement entre les candidats. Il s’ensuit que la modification d’un élément substantiel du
contrat entraînerait la conclusion d’un nouveau contrat (après une nouvelle procédure de passation)
et la conclusion ou le renouvellement d’un contrat de la commande publique n’est pas automatique.
Il exige le respect de la procédure de mise en concurrence548. Il est important de noter que le non-
respect de ce principe essentiel de la commande publique entraîne normalement la nullité de toute
la procédure d’adjudication. Néanmoins, le conseil d’État français a déjà fait quelques interprétations

treprises intéressées aient le temps de se procurer le dossier de pré-qualification ou d’appel d’offres, et de pré-
parer leur demande de préqualification ou leur offre. La Banque se chargera de la publication simultanée sur
son site internet public de tous les Avis particuliers de passation des marchés préparés et transmis par les Em-
prunteurs »

547
Les publications doivent inclure l'offre, le numéro de lot et les informations suivantes, si pertinentes et ap-
plicables selon chaque méthode de passation : a) le nom de chaque soumissionnaire qui a soumis une offre ; b)
les prix des offres tels que lus à voix haute lors del’ouverture des plis ; c) les prix évalués de chaque offre qui a
été évaluée ; d) les noms des soumissionnaires dont les offres ont été rejetées car elles n'étaient pas con-
formes aux dispositions du dossier d'appel d'offres ou ne satisfaisaient pas les critères de qualification, ou qui
n'ont pas été évaluées pour les raisons ci-dessus ; et e) le nom du soumissionnaire retenu, le prix total final du
marché, de même que la durée et le résumé de l’objet du marché. Voir point 7 de l’annexe 1 de la directive
548
Cf. avis du conseil d’État , section des finances du 8 juin 2000, n° 141654 , notamment en matière de
restructuration et de cession de contrat où il estime que le contrat doit pouvoir être cédé intégralement à la
nouvelle personne morale tant que les éléments essentiels de celui-ci selon les choix initiaux ne sont pas affec-
tés.
Voir également, article L414-4 du code de la collectivité territoriale : « Tout projet d’avenant à un marché public
entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5 % est soumis pour avis à la commission d’appel
d’offres. Lorsque l’assemblée délibérante est appelée à statuer sur un projet d’avenant, l’avis de la commission
d’appel d’offres lui est préalablement transmis. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque ces
avenants concernent des marchés publics qui ne sont pas soumis à la commission d’appel d’offres.»
230

souples dans des cas où ce principe n’a pas été formellement respecté mais sans porter atteinte à
l’égalité concrète des candidats.549

II- Les autres principes assurant l’efficacité des procédures : la concurrence et la transpa-
rence
1- Le principe de concurrence

Si l’idée de concurrence transcende le droit des marchés publics, ce n’est pas une idée naturelle pour
autant, car il n’est pas illogique de considérer que la puissance publique et le service public ne sont
pas des sujets naturels du droit de la concurrence. La concurrence dans le champ de la commande
publique, s’est progressivement imposée550. Le droit interne nous sert ici encore de point de mire,
car, il existe une similitude entre les causes qui justifient l’instauration de ces principes en droit in-
terne des marchés publics et dans le droit international des MPI.

En France, de nombreuses décisions du conseil d’État ont contribué à asseoir l’essence de la libre
concurrence dans le droit de la commande publique551. Historiquement, certains textes faisaient déjà
référence à la concurrence en tant qu’élément central dans les marchés de l’État. Ainsi, l’ordonnance
des 4-7 décembre 1836 portant règlement sur les marchés passés au nom de l’État disposait dans
son article 1 que « tous les marchés au nom de l’État seront faits avec concurrence et publicité, sauf
les exceptions mentionnées à l’article suivant (marché de gré à gré) »552. A de nombreuses reprises, le
principe de concurrence a ainsi été présenté comme une règle essentielle de la commande publique.
Il se rattache généralement à l’idée de la liberté d’entreprise, la liberté de commerce et d’industrie
qui a été reconnue par le conseil d’État553 et qu’on lie généralement au décret des 2 et 17 mars 1791

549
CE 6 novembre 1998, Assistance publique – Hôpitaux de Marseille, rec. p. 1019, 1032 et 1098 ; BJCP
1999, n° 3 p. 277, spé. p. 279, concl. C. BERGEAL, obs. R.S. Il s’agissait en l’occurrence de l’absence de légalisa-
tion d’une photocopie ; CE 17 déc. 1972, Ville de Cayenne, req. 78728 en l’espèce, l’une des entreprises avait
déposé son offre à 8h55 et l’autre à 9h10 alors que la date limite de dépôt était fixée à 9heures. Toutefois, la
séance publique d’ouverture des offres étant fixée à 11h20, la juridiction a estimé que cela n’avait pas eu
d’impact sur l’égalité de traitement des candidats. Voir Grégory KALFLECHE, Des marchés publics, à la com-
mande publique, l’évolution du droit des marchés publics Op. Cit. p511-512 et notes de bas de page
550
Voir Benoît Delauney, Droit public de la concurrence, LGDJ, lextenso Ed. DL, 2018, 550P, pp15 et s.
551
CE, 24 décembre 1926, Société anonyme l’entreprise de l’Est, rec. P 1172 ; CE 10 mars 1937 Société Robiou
du Pont et Henri Martin, rec. P 294
552
Voir G. Kalflèche, Des marchés publics, à la commande publique, l’évolution du droit des marchés publics,
thèse de doctorat, Op. Cit. p517, notes de bas de page 170 et 171,
553
CE sect. 28 octobre 1960, Sieur Martial de Laboulaye, Rec. P.570 : la liberté de commerce et d’industrie doit
être protégée comme une des libertés publiques reconnues à l’article 34 de la constitution. ; CE, Ass. 22 juin
1951, N°590, Sieur Daudignac, publié au recueil Lebon. Le conseil d’État précise dans un considérant que le fait
de soumettre l’exercice de la photographie sur la voie publique à certaines conditions, l’arrêté ne saurait,
« sans méconnaître la loi précitée du 16 juillet 1912 et porter atteinte à la liberté d’industrie et du commerce
garantie par la loi, subordonner l’exercice de ladite profession à la délivrance d’une autorisation… »
231

dit décrets d’Allarde554. La concurrence implique d’une part que les opérateurs puissent compétir
librement et de façon égale dans un système dans lequel l’État n’entrave pas cette liberté par le biais
de prescriptions. D’autre part, elle sous-entend de plus en plus que l’État lui-même ne doit pas user
de prérogatives de puissance publiques pour s’immiscer dans cette concurrence ou la rompre555. En
ce sens, à travers les règles de passation des marchés publics, l’État organise la concurrence. De fait,
pour qu’il existe une véritable concurrence, l’idée sous-jacente est qu’elle doit être libre et égale. Il
en va de même dans le droit des marchés publics. Dans cette conception de la concurrence fondée
sur le dogme libéral et de l’idée d’un marché qui s’auto régule, l’État, tout en gardant ses préroga-
tives de puissance publique ne doit pas interférer de manière à distordre le jeu de la concurrence
entre les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées.

Cette conception de la concurrence, également acquise en droit interne et en droit communau-


taire556 pourrait expliquer la disposition contenue dans les directives de la Banque Mondiale et de
plusieurs institutions internationales de financement des MPI interdisant, sauf sous certaines condi-
tions, la participation des entreprises nationales aux appels d’offres.557 Ces dispositions marquent
dans le même temps l’imprégnation importante du principe d’égalité dans celui de la concurrence
car, la question qui est posée se résume moins à la participation des entreprises publiques aux appels
d’offres qu’au fonctionnement intrinsèque de celles-ci en tant qu’elles sont soumises aux règles du
marchés et au droit commercial de l’État. Cela est corroboré par la directive de la Banque Mondiale
sur ce point qui précise que ces entreprises ne doivent pas recevoir de subventions publiques. Il y a
dans cette conception l’idée qu’en dehors de ces conditions, les entreprises publiques bénéficie-
raient de conditions favorables de la part de l’État qui viendrait rompre le jeu de la concurrence libre
et égale si elles participaient à un appel d’offre avec d’autres acteurs privés. De ce point de vue, vis-
à-vis des règles de la commande publique, l’État et les acteurs privés sont mis sur un pied d’égalité

554
Notamment dans son article 7 qui disposait : « il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer
telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon ; mais elle sera tenu de se pourvoir auparavant d’une pa-
tente, d’en acquitter le prix […], et de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits. »
555
Voir par exemple CE Sect. 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers. En l’espèce, le
conseil d’État a estimé qu’en l’absence de circonstances particulières, rien ne justifiait que le préfet de la Nièvre
organise un service public de ravitaillement dans la ville de Nevers car « les entreprise ayant un caractère com-
mercial restent, en règle générale, réservées à l’initiative privée... »
556
L’art 90 du traité de Rome évoquait déjà cet aspect. voir également, les directives de l’union Européenne de
2014 sur ( directives sur la passation des marchés publics, directives sur l’attribution des contrats de conces-
sion, directive relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de
l’énergie, des transports et des services postaux)
557
Voir point 1.10 b des directives précitées. « Les entreprises publiques ou les institutions du pays de
l’Emprunteur sont admises à participer aux marchés lancés dans le pays Emprunteur uniquement si elles peu-
vent établir : i) qu’elles jouissent de l’autonomie juridique et financière, ii) qu’elles sont gérées selon les règles
du droit commercial et iii) ne sont pas des agences qui dépendent de l’Emprunteur ou de l’Emprunteur secon-
daire ». (Version 2014) ; article 3.23-b du règlement de passation (version 2016)
232

dans la concurrence. L’idée phare derrière l’institution des marchés publics internationaux est de
mettre en concurrence plusieurs fournisseurs afin de favoriser l’accomplissement des besoins du
pouvoir adjudicateur au meilleur coût et selon la meilleure qualité possible. Aussi, ce principe est-il
consubstantiel de l’idée même d’efficacité dans les MPI. En ce sens, il jouit d’une affirmation claire et
répétée dans les divers textes qui gouvernent la matière. Le principe de concurrence va de pair avec
celui de transparence.

2- Le principe de transparence

Il est aussi vital que les principes précédents. Ainsi, dans l’accord plurilatéral de L’OMC sur les mar-
chés publics , après avoir reconnu le caractère vital des systèmes de passation de marchés pour une
« gestion efficiente et efficace des ressources publiques, aux résultats des économies des Parties et
au fonctionnement du système commercial multilatéral », l’accord met en avant la transparence et
l’impartialité des procédures en faisant référence aux textes internationaux applicables , notamment
la convention des nations unies contre la corruption558. De cette façon, il apparaît que la transpa-
rence emporte des conséquences, non seulement pour le bon déroulement du processus de marchés
public in se, mais également relativement à l’intégrité des autres aspects de la vie de l’État et pour le
bon fonctionnement des engagements du commerce international. Ce souci de la transparence se
retrouve également dans l’accord en ce qui concerne les préférences qu’il permet s’agissant des pays
en développement. Toute préférence envisagée doit être transparente et son application au marché
doit être clairement décrite dans l’avis de marché envisagé.559 Les obligations de transparence impo-
sent que les candidats soient informés suffisamment et de façon égale aussi bien sur les conditions
requises avant la remise de leurs offres que sur les résultats de l’attribution du marché. Ils ont à ce
titre la possibilité d’obtenir à leur demande, les justifications du choix d’attribution du marché au
candidat retenu.560

Il apparaît que ces obligations liées à la transparence et au traitement égalitaire des candidats con-
tribuent à matérialiser une concurrence juste entre eux. Toutefois, certaines données peuvent rester
confidentielles si leur divulgation peut faire obstacle à l’application d’une loi, favoriser une concur-
rence déloyale entre fournisseurs, porter un préjudice aux intérêts commerciaux particuliers y com-
pris dans le cadre de la protection de la propriété intellectuelle.561

Dans les MPI financés par l’Union Européenne, on retrouve ces mêmes exigences de concurrence et
de transparence. Déjà, l’accord de Cotonou définit la bonne gestion des affaires publiques comme

558
Voir le préambule de l’Accord révisé sur les marchés publics de l’OMC , voir également les articles IV.3
559
Art V de l’AMP révisé
560
ART XVI
561
Art XVII
233

« la gestion transparente et responsable des ressources humaines, naturelles, économiques et finan-


cières en vue d’un développement équitable et durable ». Cette conception influence tout le système
du financement du FED.

L’accord de Cotonou contient de nombreuses références à la transparence dans l’activité budgétaire


et spécifiquement en matière de contrats publics. Ainsi, l’article 19.c insiste sur le fait que « les pro-
cédures de passation de contrats et d’octroi de subvention dans l’état ACP ou la région bénéficiaire »
ne peuvent être usitées par la commission que lorsqu’une évaluation conjointe a déterminé qu’elles
sont « conformes aux principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de
non-discrimination et excluent tout conflit d’intérêts ».

Les textes du FED renchérissent sur la notion de transparence en précisant que « Le … FED est exécu-
té et fait l'objet d'une reddition de comptes conformément au principe de transparence»562. Le nou-
veau cadre financier pluriannuel Européen qui remplace le FED depuis 2021, l’instrument de voisi-
nage, de coopération au développement et de coopération internationale (NDICI) conçoit le principe
de transparence comme un aspect important de l’efficacité dans la poursuite de ses objectifs563. Dans
cette perspective, il apparaît que l’obligation de transparence existe en amont en tant qu’une exi-
gence rattachée à la mise en œuvre de l’instrument (obligation de transparence incombant à l’UE) 564
et à la jouissance des fonds qui en découlent (obligation de transparence incombant aux bénéfi-
ciaires).

Le paragraphe 48 du jugement rendu le 13 décembre 2013 par la première chambre du tribunal de


l’UE dans l’affaire European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki c. la commission Euro-
péenne, concernant un marché financé dans le cadre de l’instrument d’aide de pré-adhésion565 est

562
L’article 13 du règlement financier du 11ème FED
563
« La coopération entre l’Union et les états membres, d’une part, et les pays partenaires, d’autre part, a pour
fondement et promeut les principes d’efficacité du développement, lorsqu’il y a lieu, à savoir l’appropriation
des priorités de développement par les pays partenaires, la priorité accordée aux résultats, des partenariats
pour le développement ouverts à tous, ainsi que la transparence et la responsabilité mutuelle. L’Union encou-
rage une mobilisation et une utilisation des ressources efficaces et efficientes. ». Voir : proposition RÈGLEMENT
DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL établissant l’instrument de voisinage, de coopération au dévelop-
pement et de coopération internationale
564
Une jurisprudence constante insiste sur les obligations de transparence et d’équité qui pèsent sur les institu-
tions de l’Union, notamment la commission européenne en tant que pouvoir adjudicateur. Voir entre autres :
Tribunal de l’UE, 1ière chambre, 13 déc. 2013, Aff. T-165/12 Européen Dynamics Luxembourg SA and Evropaïki
Dynamiki - Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE v European Commission. Para.
48 ; également CJCE, 29 avril 2004, Aff C-496/99 Commission c. CAS Succhi di frutta, point 108
565
Il s’agit d’un appel d’offre ayant pour objet des services de soutien au ministère de l’innovation et des tech-
nologies de l’information et de la communication albanaise et à l’agence nationale de la société de
l’information albanaise. Nous rappelons que l’Albanie a officiellement demandé son adhésion à l’UE.
L’instrument d’aide de préadhésion fait partie de l’aide extérieure de l’UE et est régi par les procédures appli-
cables aux marchés financés dans les actions extérieures de l’UE. Il est créé et régi par le règlement CE n°
1085/2006 du conseil du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion.
234

clair sur ce point. Il précise que « ce principe de transparence a essentiellement pour but de garantir
l’absence de risque de favoritisme et de comportement arbitraire du pouvoir adjudicateur. Il im-
plique que toutes les conditions et modalités de la procédure de passation soient formulées de ma-
nière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier de charge. » En l’espèce, sur
le deuxième moyen, le tribunal a estimé que la commission n’avait pas suffisamment motivé sa déci-
sion quant aux informations qui ont été requises par les requérants après l’attribution du marché.
Elle a donc « violé son obligation de motivation au titre de l’article 100, paragraphe 2, du règlement
financier, de sorte qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée »566.

L’obligation de transparence pèse donc sur tous les acteurs, y compris, la commission Européenne et
les autres acteurs financiers du FED. Par voie de conséquence, l’application du même principe
s’impose aux pouvoirs adjudicateurs dans les pays bénéficiaires et se matérialise par la formulation
des objectifs dictés dans le règlement financier. Il s’agit notamment de l’article 11 du règlement fi-
nancier du FED énonçant les « principes de bonne gestion financière » en précisant qu’ils visent les
objectifs d’efficience, d’efficacité et d’économie. Ceux-ci seront mesurables dans le cadre de chaque
action (et spécifiquement les marchés financés) à travers des finalités spécifiques, mesurables et des
indicateurs de performances.567

Afin d’atteindre ces objectifs, le guide pratique des procédures applicables aux marchés financés
dans le cadre des actions extérieures de l’Union Européenne précise dans son article 2.5.1 que les
principes qui s’appliquent à ces marchés sont la transparence, le traitement équitable et la non-
discrimination, la concurrence, la proportionnalité vis-à-vis des objectifs poursuivis et la bonne ges-
tion financière568. Le guide précise qu’il y va de la protection des intérêts financiers de l’union elle-
même. Les principes à l’œuvre dans les MPI servent ainsi à protéger les intérêts des pays en déve-

566
Voir le paragraphe 96 du jugement
567
Voir art 11 du règlement (UE) 2015/323 DU CONSEIL du 2 mars 2015 portant règlement financier applicable
au 11e Fonds européen de développement ; également L’article 30, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE,
Euratom) no 966/2012 qui est lu conjointement avec le précité. Voir le document sur le site de L’UE à
l’adresse (version anglaise) :
https://eur-lex.europa.eu/legalcontent/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32015R0323&from=EN (consulté en no-
vembre 2021)
568
Voir procurement and grants for European Union external actions-A practical guide (PRAG), version de 2018.
Art 2.5. disponible sur le site de la commission européenne (version anglaise) :
http://ec.europa.eu/europeaid/prag/?header_description=DEVCO+Prag+to+financial+and+contractual+proced
ures+applicable+to+external+actions+financed+from+the+general+budget+of+the+EU+and+from+the+11th+E
DF&header_keywords=ePrag%2C+europa (consulté en novembre 2021)
cette obligation concerne également les délégations de service public : CJCE, 7 décembre 2000, Cas C-324/98,
Telefonadress GmbH v Telekom Austria AG, para. 62 : l’arrêt est disponible sur
http://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf?text=&docid=45859&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ
=first&part=1&cid=511376 (consulté en novembre 2021)
235

loppement, mais sont institués par les prêteurs eux-mêmes en vue de protéger également leurs
propres intérêts financiers et moraux.

Dans le même ordre d’idée, les directives de la Banque Mondiale et de l’AID mettent la concurrence
et la transparence des procédures au cœur de leurs règles de passation des marchés publics. L’idée
que la concurrence la plus large est l’élément clé pour atteindre les objectifs assignés aux marchés
financés par l’institution est centrale. Elle apparaît à travers différents aspects. À cet effet,
l’institution de l’appel d’offres international ouvert en tant que la méthode prioritaire et normale de
passation des marchés est un indicateur incontestable569. Même dans les cas où l’AOI n’est pas la
méthode choisie, les formalités de publicité relatives aux conditions du marché, les exigences d’un
cadre national administratif et réglementaire570 adéquat participent à la matérialisation des canaux
que constituent la transparence et la concurrence pour atteindre les objectifs liés aux marchés pu-
blics internationaux. D’ailleurs, les principes de concurrence et de transparence sont présentés non
seulement comme des moyens pour parvenir aux objectifs politiques et économiques visés par la
Banque, mais ils sont eux-mêmes présentés comme des objectifs à part entière dans chaque marché.
Ils sont cités nommément comme faisant partie des quatre considérations essentielles qui détermi-
nent les conditions requises par la Banque571. Cela met l’accent sur leur importance dans la philoso-
phie qui anime les MPI.

La recherche de la transparence est également liée à la lutte contre la fraude et la corruption. Dans
ce sens, l’OCDE a mis en place avec les différents États et les institutions de financement des proposi-
tions ciblées permettant de renforcer l’intégrité dans les marchés publics572. Il s’agit de quelques
principes axés sur les conditions politiques, institutionnelles et juridique dans les états concernés ; de
même que des propositions pour renforcer la vigilance à toutes étapes de la procédure de passation,
surtout, lorsque des procédures dérogatoires à l’appel d’offres ouvert sont utilisées. La nécessité de
transparence impose des obligations, même dans les phases qui suivent l’attribution du contrat. De
fait, il est toujours possible lors de l’exécution du marché d’adopter des attitudes de nature à entraî-
ner une rupture d’égalité ou à détourner les règles de concurrence. Des avancées majeures ont été
faites au niveau de l’accent mis sur le recrutement d’un personnel adéquat et bien formé pour gérer

569
Point 1.3 des directives « La concurrence ouverte est essentielle à une passation efficace des marchés pu-
blics. Les Emprunteurs doivent sélectionner la méthode la mieux adaptée à la passation spécifique des mar-
chés. Dans la plupart des cas, le lancement d’un appel d’offres international (AOI) est le meilleur moyen de
satisfaire à cet ensemble d’exigences »
570
Voir article V-b, IBRD, general conditions for loans, and 2012: “The Borrower and the Project Implementing
Entity shall carry out their Respective Parts of the Project…” in conformity with appropriate administrative,
technical, financial, economic, environmental and social standards and practices…”
571
Voir les considérations générales énoncées dans les directives, point 1.2 b et d. (version 2014)
572
Voir OCDE, Principes de l’OCDE pour renforcer l’intégrité dans les marchés publics, 2010
236

les procédures de marchés car c’est une des conditions pour s’assurer que les règles, fussent-elles
bien pensées soient bien appliquées au cas par cas. En pratique, un audit est toujours réalisé à l’issue
de chaque marché afin de vérifier son impact et le respect des procédures, voire de tirer des leçons
pour le futur. Il est apparu toutefois que l’un des inconvénients majeurs de l’audit est qu’il est réalisé
postérieurement ou lorsqu’une grande partie du marché est exécuté, de telle sorte que tout dysfonc-
tionnement qui caractériserait celui-ci serait difficilement corrigible même s’il était mis en
exergue573. Ceci appelle une vigilance étalée sur le cycle du projet, qui impose par exemple des re-
vues périodiques, des mécanismes de suivi-évaluation574. Par ailleurs, les décaissements des fonds du
projet par les institutions de financement en fonction de l’avancement dans la réalisation du marché
sont un moyen de contrôler sa bonne réalisation à travers le respect des règles et des cahiers de
charge. De plus, il importe de dire que les principes dégagés par l’OCDE en matière d’intégrité ont
influencé l’adaptation des législations et des procédés lors de la passation dans de nombreux pays.

Nonobstant l’importance du principe de transparence pour que les MPI soient un vecteur
d’efficacité, Il est possible que les exigences y liées aient un impact négatif sur l’efficacité écono-
mique d’un marché. Il s’agit notamment du respect des délais de publicité, des va-et-vient entre les
emprunteurs et les institutions de financements qui émettent des avis de non-objection à de nom-
breuses étapes de la procédure et qui par voie de conséquence peuvent objecter et émettre des
instructions nouvelles à prendre en compte par les premiers, des délais liés aux recours éventuels.
Dans de nombreux marchés, les longs délais, le manque de personnel adéquat ou suffisant pour me-
ner de façon diligente la procédure ont entraîné des délais très longs dans la phase de passation
comme le révèle une étude de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics de Côte
d’Ivoire575.

573
Il est possible qu’un marché soit annulé ou que l’emprunteur doive rembourser en cas de grandes irrégulari-
tés et de négligence, mais cela est sûrement complexe lorsque le marché est déjà exécuté. Voir Marta
Meireles, thèse de doctorat, Op. Cit. p110
574
La mise en place de mécanisme de suivi-évaluation facilite l’organisation du contrôle a priori et a posteriori,
il permet de fixer les responsabilités des parties prenantes et de s’assurer de leur fixation en amont. Il permet
une meilleure utilisation des ressources et une gestion transparente. Voir à ce sujet le rapport du groupe
d’évaluation indépendant de la Banque Mondiale : Banque Mondiale, Independent Evaluation Group (IEG),
Keith Mackay, comment mettre en place des systèmes de S&E pour améliorer les performances du secteur pu-
blic, 2007 ; voir également au sujet du rôle du suivi évaluation dans le cycle de projet de la BM, Martine Nadège
Ntolo Bekoa, Banque Mondiale et développement des pays d’Afrique subsaharienne : l’impact des
Programmes mis en œuvre au Bénin, au Cameroun et au Togo, thèse de doctorat, op.cit. p264-289
575
Un rapport d’audit sur les délais de passation des marchés publics en Côte d’ivoire, y compris ceux financés
par les institutions multilatérales faisaient ressortir les longs délais pouvant s’étaler sur un semestre avant
l’approbation effective d’un marché. Ce délai est dû à l’ensemble des étapes de la procédure et leur ralentis-
sement par les lourdeurs administratives, de même que l’impact des règles strictes visant à respecter les prin-
cipes de la commande publique. Voir résumé des rapport d’audit de l’ANRMP, deuxième partie : résumé du
rapport d’audit des delais sur la chaine de passation des marches publics, 2013 (disponible sur le site de
l’ANRMP (www.ANRMP.ci)
237

En définitive, il apparaît que tous ces principes forment un bloc. Nous avons vu mis en exergue dans
ce paragraphe l’importance du principe d’égalité qui se décline à travers les aspects de l’égal et libre
accès à la commande publique et celui de l’égalité de traitement des candidats. Cette exigence se
cumule avec d’autres grands principes qui fondent la raison d’être de la commande publique. La con-
currence est au cœur des procédures et elle ne peut être garantie que dans la transparence. En
outre, le but de la concurrence est de valoriser cette notion chère aux MPI qui est l’économie à tra-
vers la sélection de l’offre la plus concurrentielle, bien souvent, celle la mieux-disante, qui n’est pas
toujours la moins disante. Ceci implique une détermination précise et une diffusion transparente et
exhaustive des conditions du marché à tous les candidats potentiels.

Il apparaît, à travers le droit comparé que ces principes, valorisés par les institutions publiques de
financement du développement, sont les mêmes dans la plupart des systèmes juridiques en matière
de passation des marchés publics. Par ailleurs, dans le paragraphe qui suit, la question de l’efficacité
est remise en cause au regard des exigences par les détenteurs de financement, de conditionnalités
liés à leurs financements. Dans certains cas, ces conditions présentent un contraste avec les objectifs
assignés aux principes sus-évoqués.

Paragraphe 2 - L’immixtion de conditionnalités contrastant avec les principes de bases

La conditionnalité peut s’accepter comme le caractère conditionnel d’une disposition, d’une régle-
mentation, d’une loi. En droit interne, l’obligation conditionnelle est une obligation dont la naissance
ou l’extinction sont subordonnées à la survenance d’un évènement prévu par les co-contractants.
Ceci implique que tant que cette disposition n’est pas respectée, la conséquence ou l’action attendue
ne sera pas délivrée ou sera annulée. Cet évènement est futur et incertain. En ce sens, la condition a
pour effet d’être suspensive ou résolutoire576. De façon similaire, une clause conditionnelle dans un
marché public de développement assujettit l’État ou l’entité publique bénéficiaire à la réalisation ou
au respect d’une ou plusieurs obligations dont dépend le bénéfice du financement.

En outre, dans les relations entre les États et les institutions financières internationales de dévelop-
pement, certaines clauses de conditionnalité ne dérivent pas directement du marché lui-même mais
d’autres dispositions des accords-cadres et des accords liées aux aides structurelles. Elles concernent

576
Fiches d’orientation DALLOZ : https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=DZ%2FOASIS%2F001518
; l’obligation conditionnelle est prévue dans les articles 1304 à 1304-7 du code civil français, ordonnance
N°2016-131 du 10 février 2016. L'article 1304 nouv. du code civil énonce que : « L'obligation est conditionnelle
lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain. La condition est suspensive lorsque son accomplisse-
ment rend l'obligation pure et simple. Elle est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l'anéantisse-
ment de l'obligation. »
238

entre autres, le cadre juridique et politique et celui des finances publiques. Néanmoins,
quoiqu’indirectes, elles influencent grandement la relation contractuelle du MPI entre l’État et
l’institution de financement. L’un des arguments évoqués par les institutions financières est que ces
éléments de conditionnalités permettraient de s’assurer que les fonds seront utilisés efficacement.
Ce qui paraît contraster avec la réalité des conditionnalités. Vu sous cet angle, il existe une pléthore
de conditionnalités possible. On ne pourra pas toutes les énumérer.

Comme le professeur Baldwin le faisait remarquer dans un article très inspirant, il existe plusieurs
façons pour un donateur ou un pays d’avoir une influence sur un autre à travers l’aide internationale.
Ces moyens d’influence peuvent relever de l’action ou l’abstention. En outre, il est notoire que beau-
coup de donateurs suspendent leurs financements présents ou ultérieurs à certaines conditions.
Certaines paraissent plus légitimes ou au moins objectives parce que faisant partie du contrat accep-
té par les deux parties, tandis que d’autres sont plus subjectives. Il s’agit de celles qui dépendent de
la politique voulue ou de la vision que promeut le donateur577. Par exemple, durant les années 50, il y
a eu des décisions tendant à restreindre volontairement l’aide apportée à certains pays afin que les
investissements privés américains puissent y prospérer. Dans le sillage de cette attitude
d’abstentions volontaires, l’aide qui était accordée était accompagnée de conditions afin que le pays
récipiendaire adopte une attitude favorable aux investissements privés américains578. On s’aperçoit
ainsi que l’utilisation de l’aide internationale en tant que levier d’influence est une pratique de
longue date qui peut prendre diverses formes. Celles-ci se traduisent dans les marchés publics inter-
nationaux auxquels donnent lieu ces aides.

Afin de faire ressortir ces éléments de conditionnalités, nous analyserons dans un premier temps, la
conditionnalité indirecte à travers l’aspect politique spécifiquement. Ensuite il s’agira de réfléchir sur
les autres éléments de conditionnalités directs dans les MPI, notamment les marchés émanant de
l’aide liée et les critères d’éligibilité qui s’imposent au bénéficiaire du financement.

I- La conditionnalité politique : un élément de conditionnalité indirect dans les MPI

« Chaque État a le droit souverain et inaliénable de choisir son système économique, de même que
ses systèmes politiques, social et culturel, conformément à la volonté de son peuple, sans ingérence,
pression ou menace extérieure d’aucune sorte »

Charte des droits et devoirs économiques des États, article 1

577
Voir David A. Baldwin, foreign aid, intervention and influence, Op. Cit.
578
Le professeur Baldwin évoque à ce titre un rapport du 38ième « national foreign Trade Convention » de new
York en 1952
“ … until the receptive and cooperative attitudes called for are shown, no United States Government funds will
be made available for any purpose except those of the most exigent military or humanitarian nature”. Voir
p431 (p8 de l’article), Idem.
239

Nous nous baserons majoritairement sur le cas de la Banque Mondiale dans cette réflexion.

De prime abord, d’une manière générale, il convient de noter que les statuts de la plupart des
banques de développement et des institutions financières de coopération internationale se pronon-
cent en faveur d’une non-ingérence politique dans les affaires de l’État579. Cette obligation est géné-
ralement assortie de la précision selon laquelle toute action ne devrait se borner qu’au champ pure-
ment économique lié directement à la réalisation des objectifs du financement. Une lecture stricte
de ces dispositions devrait signifier que la non-ingérence politique soit totale et que même les con-
traintes du financement devraient de ce point de vue respecter et privilégier la souveraineté totale
de l’État emprunteur au regard de la sphère du politique. La couverture du risque reliée à un prêt, y
compris l’aléa moral ; voire les questions relatives à la bonne gouvernance et aux droits de l’homme
ne devraient alors pas avoir de tentacules influençant celle-ci.

Pourtant comme s’interrogeait à propos monsieur Mohamed Bekhechi, « Il va de soi que le concept
« de considérations politiques » peut prêter à discussion et que son lien à la nature strictement éco-
nomique des activités de la Banque Mondiale peut être remis en question. Peut-on réellement isoler
l’économique du politique ? Peut-on facilement et de manière réaliste affirmer que la Banque Mon-
diale peut assumer son mandat sans tenir compte de considérations politiques » ?580 Comme le dé-
montre le professeur David Baldwin, il est permis d’en douter581. De fait, il apparaît que le politique
et l’économique ne sont pas toujours distincts, surtout s’agissant des relations internationales. Par

579
Par exemple, la section 5.b du statut de la BIRD dispose que : « La Banque prendra des dispositions en vue
d’obtenir que le produit d’un prêt soit consacré exclusivement aux objets pour lesquels il a été accordé,
compte dûment tenu des considérations d’économie et de rendement et sans laisser intervenir des influences
ou considérations politiques ou extra-économiques. » ; section 5.f du statut de l’IADB : « The Bank, its officers
and employees shall not interfere in the political affairs of any member, nor shall they be influenced in their
decisions by the political character of the member or members concerned. Only economic considerations shall
be relevant to their decisions, and these considerations shall be weighed impartially in order to achieve the
purpose and functions stated in Article I »; des dispositions similaires se retrouvent dans le statut de l’ADB (art
36); voir aussi article V section 1.g du statut de l’AID.
580
Mohamed bekhechi a été notamment un conseiller senior en matière juridique à la Banque Mondiale. Voir
la communication de : Mohamed Abdelwahab Bekhechi, « Banque Mondiale et la promotion de la bonne gou-
vernance », in la contribution des nations unies à la démocratisation de l’état, 10ième rencontres internationales
d’Aix-en-Provence, vendredi 14 et samedi 15 décembre 2001, Université de droit , d’économie et des sciences
d’Aix-Marseille., Paris, Éditions A. Pedone,2002, 238p. Disponible sur :
https://www.academia.edu/10094340/La_Banque_Mondiale_et_la_promotion_de_la_bonne_gouvernance
581
D’après lui, il y a nécessairement un aspect politique dans les activités de la BIRD pour trois raisons que l’on
peut résumer : les administrateurs de la BM doivent tenir compte des considérations politiques dans
l’évaluation de la volonté et des capacités de remboursements de l’emprunteur ; les allocations financières de
la BM témoignent de la répartition du pouvoir entre les nations ; il arrive que la BIRD elle-même agisse sciem-
ment en vue d’influencer les comportements des gouvernements.
Voir David Baldwin, The International Bank in Political Perspective, World politics, volume 18, issue 1, October
1965, pp 68-81. Disponible sur le site de l’université de Cambridge :
https://www.cambridge.org/core/journals/world-politics/article/international-bank-in-political-
perspective/AEF4A1DCB31A6918D1C0985B398E7A3A consulté en novembre 2021
240

exemple, du fait que la Banque Mondiale tienne compte de certaines obligations internationales des
États telles que les décisions du conseil de sécurité de l’ONU, en vertu de l’article 48 de la charte, il y
aura ici nécessairement une prise en compte d’aspects politiques582. En outre, il apparaît qu’il y a eu
une progression dans la prise en compte des droits de l’homme par la Banque, notamment à travers
ses politiques opérationnelles alors qu’elle excluait initialement ces considérations, or cette donne
implique ipso facto des données politiques.583

Dans le champ des MPI, on peut noter une telle immixtion du politique sous la forme de conditionna-
lités. À ce stade, l’on est tenté de se demander ce qui est vraiment politique.

Du latin Politicus et du grec Politikos, le mot politique peut avoir diverses acceptions et se rapporter à
un ensemble assez vaste d’activités. Ainsi, d’après le dictionnaire Larousse, il s’agirait d’une part de
tout ce qui est relatif à l’organisation du pouvoir dans un État, de même que ce qui se rattache à son
exercice. D’autre part, le politique touche à une conception particulière du gouvernement, des af-
faires publiques. Dans son sens philosophique, le politique se réfère aux affaires de la cité (du grec
polis= cité et techné= science). La réflexion de la philosophie politique s’appuie donc sur la manière
de mieux gouverner et le but d’un gouvernement. Ainsi, de Platon à Montesquieu et après Rousseau,
la question centrale dans l’appréhension de la politique a consisté à réfléchir sur le gouvernement
idéal et les principes fondant la légitimité du pouvoir politique. En se référant à ces définitions, il
apparaît que le sens de la politique couvre aussi bien le mode de gouvernance que l’action gouver-
nementale, c’est-à-dire, les stratégies, la planification de l’État quant à la prise en charge de l’une de
ses missions premières, id est le bien-être social, économique et l’épanouissement de ses citoyens.

Dans une société fondée sur le capitalisme, l’argent est le moteur des activités et influence les poli-
tiques des gouvernements, voire les orientations et leurs capacités à assurer le bien-être de leurs
citoyens. Force est alors de constater que l’on peut difficilement séparer la question du financement
du développement de l’action de politique nationale immédiate. Aussi, il apparaît que la question de
la conditionnalité telle que pratiquée par les institutions de financement à travers diverses orienta-

582
On note qu’il est déjà arrivé que la BM invoque l’interdiction de prendre en compte des éléments politiques
pour ne pas appliquer des résolutions de l’ONU. Tel a été le cas de la résolution de l’assemblée générale de-
mandant à l’institution de ne pas financer des projets du Portugal et de la République Sud-Africaine dans les
années soixante. Cf. Mohamed Bekhechi, idem p 16.
583
Cf. par exemple, Arnaud Louwette, Entre discours et pratique : les politiques opérationnelles de la Banque
Mondiale comme facteurs de protection des droits de l’homme ?, Colloque annuel de la Société Française pour
le droit international - Droit international et développement (22-24 mai 2014 : Lyon), Droit international et
développement, Colloque de Lyon de la Société Française pour le droit international, Pedone, Paris, 2015, pp
347-374. Disponible sur :
https://www.academia.edu/17490591/Entre_discours_et_pratique_les_politiques_op%C3%A9rationnelles_de
_la_Banque_mondiale_comme_facteurs_de_protection_des_droits_de_l_homme_ consulté en novembre
2021
241

tions générales et des procédés spécifiques, notamment dans le cas de la gestion des MPI influence
grandement les choix politiques, sociaux des États bénéficiaires. Il est alors nécessaire d’analyser de
près les moyens et les implications de la conditionnalité politique dans les MPI. La conditionnalité
politique dans les MPI emporte de nombreuses considérations qui touchent à la fois les intérêts des
institutions de financement mais également la recherche d’efficacité dans la mise en œuvre du finan-
cement. D’une manière synthétique, cette conditionnalité peut se décliner dans des aspects de poli-
tiques institutionnelles et également ceux ayant trait à la politique économique et sociale de l’État.

En dépit de l’approche non politique qui est affirmée dans ses statuts, dans la pratique, nous met-
trons en avant deux types de conditionnalités politiques dans les MPI à la Banque Mondiale. Il s’agit
d’une part de celles qui ont lieu par le truchement indirect des modalités d’appréhension des prêts
d’ajustements et de celles qui concernent des aspects politico-économiques qui imposent des condi-
tions à l’État dans un accord de prêt classique préalablement ou conjointement à la réalisation du
financement d’un projet.

1- La conditionnalité politique dans les MPI à travers les prêts d’ajustements

Dans une étude conjointe du comité de développement BM- FMI datant de 2007, il est écrit que dans
la terminologie de la Banque Mondiale, la conditionnalité pourrait s’entendre comme l’ensemble des
politiques et actions institutionnelles visant à la réalisation du programme gouvernemental584. Ces
actions sont contenues dans l’accord de prêt et constituent la condition préalable au décaissement
des crédits.

Il convient cependant de noter qu’il existe deux types de prêts. D’une part, ceux qui portent sur des
projets et d’autre part, les prêts portant sur des ajustements structurels, sous forme d’aide budgé-
taire. Cette dernière catégorie obéit à des conditions particulières auxquelles se réfère la section IV,
alinéa Vii du statut de la BIRD. Il s’agit de prêts accordés dans des « circonstances spéciales » selon
les termes employés dans le statut. Ceux-ci, entres autres visent directement à avoir un impact sur
les structures institutionnelles de l’État emprunteur et leurs modalités sont détaillées dans les ma-
nuels et procédures opérationnelles Op/BP 8.60 de la BM585. Ces prêts d’une nature particulière sont
accordés sur la base d’une appréciation qui inclue des facteurs politiques et institutionnels.586 Ces

584
Voir Word Bank-IMF, Conditionality in the World bank’s Development Policy lending, background for IDA
consultations , July 2007
585
Voir OP/BP 8.60 development policy lending
586
Voir point 3 du manuel operationnel, OP 8.60 qui mentionne clairement la gouvernance entre autres.
« 3. Lending Criteria and Selectivity. The appropriateness of providing development policy lending to a country
is determined in the context of the Country Assistance Strategy (CAS). The Bank’s decision to extend develop-
ment policy lending is based on an assessment of the country’s policy and institutional framework—including
the country’s economic situation, governance, environmental/natural resource management, and poverty and
242

appréciations du facteur institutionnel impliquent une évaluation de l’environnement macro-


économique et budgétaire de l’État, y compris les aspects relatifs au cadre de passation des marchés
publics587. Comme nous le verrons de façon plus approfondie dans la seconde partie, on peut noter
que l’aide budgétaire a été grandement utilisée comme un moyen de pression par les bailleurs de
fonds pour pousser les pays bénéficiaires à adopter les réformes des marchés publics588. Dans ce
sens, il apparaît un lien transversal entre d’une part, les conditions a priori non politiques des prêts
qui sont alloués pour des projets et faisant l’objet de marchés publics spécifiques et d’autre part, les
conditionnalités politiques qui sous-tendent les prêts d’ajustement. En vérité, les conditions que
devra remplir l’État afin de bénéficier du second vont avoir un impact direct sur le premier.

Aussi, même s’il est vrai que les recommandations et les méthodes d’évaluation dans le cadre des
prêts d’ajustement peuvent avoir dans certains cas des impacts positifs sur tout l’environnement
institutionnel, il va de soi que l’État souhaitant bénéficier du prêt fera tout pour satisfaire aux condi-
tions du bailleur de fonds qui se croisent pour les deux types de prêts. Ceci peut être de nature à
influencer la planification stratégique dudit État quant au type de projets à financer, puisqu’il aura
tendance à orienter ses demandes vers des aires qui bénéficient d’une appréciation positive de
l’institution de financement589. Si l’on tient compte du fait que cette appréciation positive n’est pas
uniquement basée sur la finalité sociale du projet mais également sur des aspects de capacité
d’emprunt et de soutenabilité budgétaire et d’autres facteurs politiques590, certaines aires qui néces-
sitent un financement peuvent être marginalisées. Ceci peut s’apparenter au même procédé que suit
l’État lorsqu’il aligne ses programmes sur les domaines de financement qui sont privilégiés par les

social aspects. The Bank considers the strength of the program and the country’s commitment to and owner-
ship of the program against its track record. It also assesses the country’s institutional capacity and ability to
effectively implement the program to be supported and describes the country’s capacity-building efforts.”
587
Voir point 9 ; 19.b, idem ; voir également World Bank , LEGAL ASPECTS OF CONDITIONALITY IN POLICY-
BASED LENDING, 2005
588
« Les pays sont incités à adopter des réformes afin de recevoir plus d’aide budgétaire. Par ailleurs, Ces aides
sont assorties de conditions tenant à réformer l’environnement des marchés publics. ». Voir: B ellmers (Euro-
dad), tapping the potential? Procurement, tied aid and use of country system in Uganda, avril 2010. Cité par,
Ana Maria la Chimia, donor’s influence on developing countries’ procurement systems, rules and markets: a
critical analysis, Op. Cit., spéc. P251.
589
Voir par exemple le commentaire sur l’efficacité de l’aide et l’attitude des États bénéficiaires vis-à-vis de
l’institution de financement dans ce rapport : Ian Goldin, Kenneth Reinert, la mondialisation au service du déve-
loppement : commerce, finance, aide, migrations et politiques, publications de la Banque Mondiale, document
52676, janvier 2009, Spéc. pp 180-184
590
Les prêts d’ajustements doivent être conformes aux objectifs que poursuit la Banque. Ceux-ci sont contenus
dans l’article I des statuts de la BM et de l’AID qui se complètent mutuellement. Ces objectifs comprennent
entre autres une vision de promouvoir les investissements privés dans les échanges internationaux. Il est admis
que les deux premières décennies des ajustements structurels ont fortement contribué à orienter les écono-
mies en développement vers un amoindrissement de l’État providence et un abaissement des participations de
l’État même dans des domaines critiques, accroissant dans bien des cas, la vulnérabilité des plus faibles
couches de la population.
243

différentes institutions de financement591. Dans ces cas précis, l’appropriation (ownership) des stra-
tégies et des planifications qui est mise en avant par les institutions de financement et qui est préco-
nisée par de nombreux instruments592 peut se retrouver biaisée et n’être qu’une apparence ; ce qui
réduirait naturellement l’efficacité d’un plan de développement dans sa capacité à englober les as-
pects variés de la réduction de la pauvreté et la promotion de la vision étatique.

Le rapport conjoint du comité de développement BM-FMI précité datant de 2007 met l’accent sur
l’importance de l’appropriation gouvernementale593. Il est le résultat d’une étude qui marque une
prise de conscience et une volonté de redéfinition de la conditionnalité afin de la réorienter vers des
fins productives et moins invasives qui obèrent l’action gouvernementale. Il s’inscrit dans le prolon-
gement des grandes déclarations internationales et accords internationaux allant dans ce sens (tel
que l’accord de PARIS sur l’aide au développement). Dans cette étude, le comité de développement
conjoint (FMI-BM) convenait que la conditionnalité devrait s’articuler autour de cinq piliers. Ce sont
notamment l’appropriation des politiques par l’État lui-même à travers sa propre stratégie de déve-
loppement, l’harmonisation entre partenaires financiers au sujet du cadre de revue du résultat des
projets, de même qu’une adaptation spécifique aux circonstances du pays. De plus, il est apparût
nécessaire de limiter les conditions seulement aux actions déterminantes et critiques touchant au
décaissement et pas forcément à la politique globale de l’État. Enfin, le rapport prévoyait que les
revues de ces procédures doivent être transparentes et prévisibles et basées sur la performance fi-
nancière.

Or, en dépit de cette prise de conscience que démontre ce rapport, il apparaît que la manière de
concevoir l’aspect de la conditionnalité à la Banque Mondiale a certes évolué, mais elle reste tou-
jours politiquement orientée pour les pays bénéficiaires dans les prêts d’ajustements594. Qu’en est-il
de la conditionnalité politique dans les prêts-projets ?

591
D’où l’appellation « donors darling »
592
Dont la déclaration de paris et le programme d’action d’Accra Op. Cit.
593
Word Bank-IMF, Conditionality in the World Bank’s Development Policy lending, background for IDA consul-
tations, Op. Cit.
594
Voir Gino BrunsWijck, Flawed conditions : The impact of the World Bank’s conditionality on developing coun-
tries, EURODAD, avril 2019; voir aussi pour une analyse de cas et l’impact des conditionalités dans les MPI de la
Banque Mondiale: Filka Sekulova, Daniel cabello, Douve Schmidt, World Bank conditionalities : poor deal for
poor countries, A SEED Europe, octobre 2020, 37P. (Disponible sur researchgate) ; En revanche, d’après une
autre étude, les conditionalités ont évolué et se sont adaptées aux critiques. Elles se sont expurgées des points
critiqués du consensus de washington, même si elles restent appliquées de façon uniforme à tous les pays
indépendamment de leurs réalités subjectives : Ben Cornier, Mark S. Manger, Power, ideas, and World bank
conditionality (the evolution of World bank Conditionality, a quantitative text analysis), in review of Internatio-
nal Organizations, 2021, https://doi.org/10.1007/s11558-021-09427-z
244

2- La conditionnalité politique dans les MPI à travers les accords de prêts-projets

De prime abord, il convient de rappeler que les dispositions dans le statut de la Banque Mondiale
relatives à la non-implication du facteur politique dans ses décisions couvrent les aspects suivants :
L’interdiction pour la BM d’interférer dans les affaires politiques de ses états membres ; l’exigence
pour elle de ne prendre en compte que les facteurs économiques dans ses décisions ; l’obligation de
ne pas se laisser influencer lors de la prise de décision par les aspects politiques afférents à l’état
membre concerné ; et , l’obligation de s’assurer que les prêts et contributions financières ne soient
utilisés que pour des visées productives appréciées uniquement du point de vue économique et de
leur rendement « sans laisser intervenir des influences ou des considérations politiques ou extra-
économiques »595. Ces dispositions sont très claires et correspondent à l’intention qui animait les
parties lors de la création des institutions de la Banque Mondiale, d’exclure complètement les consi-
dérations politiques, d’une part parce qu’ils estimaient que cela serait plus favorable aux activités de
l’institution sur les marchés pour lever des fonds et d’autre part, parce que l’institution en tant que
promotrice d’une certaine universalité se devait d’être impartiale.596

Pourtant, confrontée au problème relatif à l’interprétation de son statut dans ses articles prônant
l’éloignement des affaires politiques des États, la Banque Mondiale à travers ses instances a procédé
à de nombreuses réflexions. Aussi, monsieur Shihata Ibrahim met en lumière un memorandum du
« general counsel » de la BM tenant lieu d’une opinion juridique à ce sujet. Celle-ci exprime les con-
sidérations qui ne peuvent être prises en compte par l’institution au titre de l’interprétation de
l’article du statut prohibant son ingérence politique. Ces considérations s’articulent comme suit :
« (a.) La Banque Mondiale ne doit pas être influencée par la nature du système politique de ses États
membres, ni essayer d’en influencer le contenu ;(b.) La Banque Mondiale ne doit pas s’ingérer dans
les luttes partisanes internes à ses pays membres ; (c.) La Banque Mondiale en tant que coordonna-
teur de l’aide publique au développement pour un pays donné ne doit pas agir en qualité de représen-
tant du club des bailleurs de fonds pour influencer les orientations ou le comportement politique du
pays récipiendaire ; (d.) Les cadres de la Banque Mondiale ne doivent pas fonder leur évaluations et
analyses des projets et programmes de développement soumis à la Banque Mondiale sur des réac-
tions potentielles ou des préférences d’un quelconque État membre ; et (e). D’une manière générale,

595
Article III, section V (b) du statut de la BIRD; voir également l’art IV, section 10 : « La Banque et ses diri-
geants n’interviendront pas dans les affaires politiques d’un Etat-membre quelconque, ni ne se laisseront in-
fluencer dans leurs décisions par l’orientation politique de l’Etat-membre (ou les Etats-membres) en cause. Leurs
décisions seront fondées exclusivement sur des considérations économiques, et ces considérations seront impar-
tialement pesées afin d’atteindre les objectifs énoncés à l’art. I »
Également, Voir: Ibrahim F.I Shihata, the World Bank legal papers, chap 9 (political activity prohibited), 2001,
Ed. Brill Nijhoff, p219 et s, 972P.
596
Voir : Ibid. p 227
245

la Banque Mondiale ne doit pas se laisser influencer par des évènements politiques ou des facteurs
politiques sauf s’il est établi que ces derniers ont un impact économique, direct et évident sur les acti-
vités soutenues, financées par la Banque Mondiale. »597. La dernière considération est très impor-
tante car une lecture a contrario laisse apparaître que si les évènements politiques ou les facteurs
politiques ont un impact économique direct et évident sur les activités financées par la Banque, elle
serait fondée à les intégrer dans ses décisions. Pourtant, stricto sensu. Cette conception contredit les
articles IV, section 10 et article III, section V (b) du statut (précités à la page précédente en note de
bas de page). Qui plus, il demeure qu’un mémorandum interne n’a pas une grande valeur juridique
comparativement au premier. D’ailleurs, on pourrait considérer que la Banque, en tant
qu’organisation internationale agirait au-delà de ses compétences (ultra vires) puisque le statut cons-
titue son traité de base, si elle ne respectait pas ses dispositions et tout acte en contradiction avec
celui-ci serait nul.

Toutefois, monsieur Shihata Ibrahim fait remarquer qu’en vertu de l’article 27(2) de la convention de
Vienne, la banque, en tant qu’organisation internationale ne peut se soustraire à ses obligations in-
ternationales consacrées par le traité. Ceci laisse entendre aussi que la Banque n’a d’autres choix que
de trouver des moyens pratiques afin d’accomplir sa mission, quand même elles seraient contraire à
l’une des clauses de son traité constitutif. Toutefois, pour nous, la règle pacta sunt servanda, devrait
prévaloir, en plus du respect du principe de souveraineté qui est fondamental. Donc en agissant sur
le facteur politique, la Banque se place en dehors de ses prérogatives initiales.

On remarquera d’ailleurs, que les institutions de financement privées en prêtant aux États prennent
également des risques. Néanmoins, elles se bornent à entourer leurs prêts des garanties nécessaires
et ne donnent pas à l’État des instructions quant aux politiques internes à adopter. Il va de soi que la
BM a dépassé son mandat initial, comme le fait remarquer Monsieur Rasul Shams. Il estime que la
bifurcation s’est opérée de la posture d’un prêteur classique à celle d’un instrument d’orientation du
système libéral international piloté par les actionnaires majoritaires et qui influence également les
pratiques par la diffusion de savoirs.598

D’où, en réalité, cette posture nous semble appartenir à des considérations dirigistes qui ne se justi-
fient pas uniquement par l’intérêt du prêteur à obtenir un remboursement, de s’assurer que les cré-

597
Ces dispositions sont continues dans les memoranda suivants : general counsel, prohibition of political ac-
tivities under the IBRD Articles of agreement and its relevance to the work of the executive Directors, SecM87-
1409 (December 21,1987) et ; Issues of ‘Governance’ in Borrowing Members – the Extent of Their Relevance
Under the Bank’s Articles of Agreement, (21 dec. 1990), SecM91-131 (February 5, 1991) (“Governance Opin-
ion”), voir Ibrahim F.I Shihata, The World bank legal papers , Op. Cit. chap 9 (political activity prohibited), p219
et s.
598
Voir Rasul Shams, the World Bank as an international financial institution, Hamburgisches Welt-Wirtschafts-
Archiv (HWWA) Discussion Paper 292, Hamburg Institute of International Economics (HWWA), 2004, p6-7-19
246

dits sont utilisés de façon efficace. Les memoranda précités du conseil des gouverneurs visant à in-
terpréter de façon actuelle la question complexe de la non-ingérence politique peuvent s’interpréter
comme une stratégie de justification de l’interventionnisme qui a donné lieu à la pratique répandue
plus tard des injonctions de privatisation et de démocratisation accompagnant les prêts. Dans ce
sens, comme nous l’avons signalé plus haut dans notre section consacrée à la soft-law dans les MPI,
une grande partie du fonctionnement concret de la Banque fait l’objet du droit « mou » qui est ré-
percuté dans les accords de prêts (très souvent par des clauses types auxquelles l’emprunteur ne
peut qu’adhérer) et deviennent par là même des obligations contractuelles.

Or, il faut rappeler que la structure décisionnelle à la Banque Mondiale et dans de nombreuses insti-
tutions financières multilatérales repose sur une pondération des voix. De ce fait, la plupart des déci-
sions sont le reflet des positions des pays qui ont le plus de voix. Ceci donne lieu à des orientations
néo-libérales qui ne sont pas toujours en faveur des pays les moins développés.599 Sans s’attarder sur
une discussion relative à la légitimité philosophique de telles considérations, nous pouvons constater
que dans la pratique, de nombreuses clauses dans les accords de prêts reflètent une application du
point « e » du mémorandum (précité. Voir p244 et note de bas de page 595) qui lui-même, il faut le
souligner peut être interprété largement. En tout état de cause, une fois que ces décisions de la
Banque sont actées, il s’ensuit qu’elles peuvent faire l’objet de conditions spécifiques à des finance-
ments ou des décaissements pour des prêts liés à des projets ou autres.

Toutefois, ces considérations relatives aux aspects politiques de l’activité de la BM étant évoqués, il
convient de rappeler qu’en plus des objectifs assignés aux prêts d’ajustements ci-dessus mentionnés
en termes de réformes institutionnelles, le dialogue politique, la réflexion conjointe et les conditions
des prêts font partie des moyens d’actions de l’institution dans le champ politique.

Exemple de la conditionnalité politique contenue dans les accords de prêts

Celles-ci sont de plusieurs natures. Elles peuvent inclure des réformes du cadre législatif et réglemen-
taire. Elles peuvent également porter sur des exigences qui viendraient influencer la politique éco-
nomique et sociale et les grandes orientations de l’État. Afin de mettre en exergue, le type de condi-
tions qui peuvent être contenues dans un prêt-projet, nous prendrons l’exemple de l’accord de prêt
N° 4558 CD signé entre la BIRD et la République du Tchad en date du 29 mars 2001.

599
Voir par exemple à ce sujet, Jean Bertrand Azapmo, World bank Governance conditionality, Sovereignty of
Borrowing States and Effectiveness of Investment Loans : An Analysis of the chad-IBRD loan agreement, paper
for the fulfilment of the requirements for the LLM Degree in international trade and Investment law, The Uni-
versity of Western Cape, 31 may 2007, pp 22-25, 75P. disponible sur le site de l’université de Western cape à
l’adresse : http://etd.uwc.ac.za/xmlui/handle/11394/2188 consulté en novembre 2021
247

Cet accord de prêt portait sur un projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc. Selon l’annexe 2 dudit
accord, l’objectif du prêt était d’aider à l’exploitation et à l’exportation via le Cameroun « des ré-
serves de pétrole des gisements pétrolifères du bassin de Doba d’une manière écologiquement et
socialement viable et, partant, d’accroître les ressources de l’Emprunteur et les dépenses qu’il peut
effectuer pour lutter contre la pauvreté. ». Eu égard à l’importance du financement apporté dans ce
projet par la BM (trente-neuf millions cinq cent mille Dollars en plus des cofinancements conjoints
avec d’autres bailleurs), il a été formulé des conditions très contraignantes incombant à l’emprunteur
dans ledit accord de prêt. Certaines touchaient directement à l’appareil institutionnel de l’État em-
prunteur et à la façon dont doivent être gérées les revenus émanant des ressources générées par le
projet financé. Les conditions se rapportant à la mise en œuvre de cet accord sont contenues dans
son annexe 5.

Ainsi, comme cela est tout à fait normal dans un contrat synallagmatique, l’art IV, section 4.06 pré-
voit que « l’emprunteur s’acquitte de toutes les obligations qui lui incombent au titre du programme
de gestion des recettes pétrolières conformément aux dispositions de l’annexe 5… ». Plus spécifique-
ment, on distingue les conditions intimant aux parties prenantes de ne pas amender, suspendre,
annuler ou abroger certaines dispositions de législations antérieures relatives à la gestion des hydro-
carbures. C’est notamment le cas de La Loi de l’emprunteur N° 001/PR/99 en date du 11 janvier
1999, régissant la gestion des recettes pétrolières du Tchad600 ; l’ordonnance de l’emprunteur n°
7/PC-TP-MH, en date du 3 février 1962, régissant l’exploration, l’exploitation et le transport par
oléoduc des hydrocarbures et le système fiscal applicable auxdites activités sur le territoire de
l’emprunteur, et le décret de l’Emprunteur, en date du 10 mai 1967, appliquant ladite ordonnance601.

Il est logique que de telles modifications aient un impact direct sur la faisabilité et la mise en œuvre
de l’accord. Néanmoins, étant donné que ces lois existaient préalablement à la signature dudit ac-
cord et qu’elles sont censées s’appliquer à tout autre projet d’hydrocarbures au Tchad, on peut se
demander s’il n’y avait pas une exagération de nature à porter atteinte à la souveraineté de l’État
dans le fait de figer ses possibilités d’amender ou abroger ces lois librement. D’autant plus qu’il au-
rait été possible de lui laisser cette liberté, tout en appliquant au contrat les règles qui étaient en
vigueur au jour de sa signature ; celle-ci incorporée au contrat, faisant loi entre les parties. Partant, il
en ressort une volonté de maîtriser toute l’activité présente et future de l’État Tchadien, en matière
de gestion de ses hydrocarbures même s’agissant des ressources existantes ou à venir qui ne concer-
nent pas le projet financé. C’est d’ailleurs ce que confirme l’une des dispositions de l’accord qui sti-
pule que les mesures comprises dans l’accord seront applicables à tout autre projet d’hydrocarbures

600
Voir Article V, section 5.01.d de l’accord de financement
601
Article v, section 5.01.e
248

en dehors du bassin de Doba qui est pourtant le champ de délimitation du financement accordé.
(Voir la section 4.10 de l’article IV de l’accord.602).

En outre, il apparaît que l’accord dictait les modalités de l’utilisation des ressources, sur le court,
moyen et long terme et précisait exactement à quelle partie du budget ces ressources pouvaient être
affectées. Il s’agit de dispositions impératives matérialisées par l’usage récurrent des formules « jugé
satisfaisant par la banque », « jugées acceptables par la banque », « doit servir à », « devant être
approuvées par la Banque ». Or, l’utilisation des revenus de l’exploitation des ressources pétrolifères
a naturellement un impact sur la politique économique de l’État et ses marges de manœuvres straté-
giques du point de vue politique. Partant, la répartition de ces ressources ou toutes mesures affé-
rentes aux revenus pétroliers du projet ne devraient être soumis à l’accord préalable et opéré sous le
contrôle de la BM. Pour exemple, la partie 3 de l’annexe V de l’accord prévoyait que « 10 % des Re-
devances et des dividendes doivent être déposés et investis dans les meilleurs délais dans des instru-
ments de placement à long terme auprès d’une institution financière, satisfaisante pour la Banque (le
Fonds pour les Générations futures) » ; « 90 % des redevances et des dividendes doivent être déposés
sur des comptes spéciaux ouverts au nom du Trésor de l’Emprunteur auprès d’une ou de plusieurs
banques commerciales du Tchad, satisfaisants pour la Banque603 (les Comptes Spéciaux des Revenus
Pétroliers) ».

De plus les modalités d’utilisation de ces fonds et leur affectation était déjà prévues dans l’accord de
prêt à travers l’obligation de prendre un ensemble de mesures législatives et réglementaires (à la
satisfaction de la Banque) s’imposant à l’emprunteur, devant en tenir compte dans l’élaboration de
son budget604. À ce stade, il est logique de se demander : et si le Tchad, au regard d’un déficit éven-
tuel de sa balance de paiement ou de problèmes économiques imprévus trouvait plus judicieux
d’employer ces fonds autrement mais de façon stratégique ? De surcroît, que peut impliquer
l’adoption d’une législation ou d’un budget dont le contenu est soumis à la satisfaction de la BM ?
Ces questions mettent en évidence les contraintes que feraient peser sur l’État tchadien de telles
clauses et l’immixtion directe de la BM (non bornée dans le temps en l’espèce) dans ses activités
législatives, stratégiques et de planification budgétaire. Cela resterait vrai, même si, à priori, ces con-
ditionnalités politiques sont adossées sur des objectifs macro-économiques et sociaux louables

602
« L’Emprunteur s’assure que tout pétrole exploité en dehors des gisements pétrolifères du bassin de Doba
qu’il est envisagé de faire transiter par une partie quelconque du système de transport au Tchad est exploité
dans le respect des principes stipulés dans le PGE quant à l’analyse et à la protection environnementales, la
consultation et la divulgation d’informations, la réinstallation et la compensation, et dans le respect de
procédures d’approbation légales et administratives et de divulgation d’informations équivalentes à celles
appliquées au pétrole provenant des gisements pétrolifères du bassin de Doba »
603
Il faut entendre de la Banque Mondiale
604
Voir point.4 de l’annexe 5
249

énoncés dans l’accord605. De fait, cela ne suffirait pas à les rendre légitime du point de vue de la sou-
veraineté de l’État et de la non-ingérence prônée par les statuts de la BM dans ses relations avec les
États emprunteurs. Qui plus est, ces dispositions contraignant l’État tchadien à utiliser les retombées
des ressources du pétrole d’une manière spécifique sont contraires à la charte des droits et devoirs
économiques des États.606. Enfin, elles ne reflètent pas nécessairement des objectifs d’efficacité aussi
bien du point de vue du projet, que des nécessités du développement.

Ceci étant, il convient d’ajouter que l’ingérence politique est admise dans les statuts de certaines
banques de développement. C’est le cas de la BERD. En effet, la prise en compte par elle des considé-
rations politiques a été mise en avant dans ledit statut en tant que partie intégrante des buts qu’elle
poursuit. Cela peut s’expliquer par les raisons qui ont présidés à la création de la BERD elle-même.
L’article 1 de l’accord portant création de ladite Banque607 mentionne clairement son objectif de
promouvoir les principes de la pluralité démocratique. Elle y voit un moyen de promouvoir une meil-
leure intégration dans l’économie de marché, des anciens pays socialistes d’Europe centrale et orien-
tale. Ainsi, l’ingérence politique fait déjà partie de l’ADN de cette organisation eu égard à son posi-
tionnement géographico-historico-stratégique.

Comme nous l’avons développé, la conditionnalité politique affecte directement et indirectement les
MPI. Elle est accompagnée d’autres conditionnalités plus directes. Celles-ci portent directement at-
teinte aux principes de la libre concurrence promus par les textes des institutions multilatérales et
bilatérales de financement du développement.

II- Les éléments de conditionnalités directs dans les MPI : les marchés liés et les règles
d’éligibilité
1- Les marchés liés

605
Voir le point 1 de l’annexe 5 : « Objectif Général. Le Programme de Gestion des Recettes Pétrolières (le
Programme) a pour objet de contribuer à réduire la pauvreté sur le territoire de l’Emprunteur. Dans cette
Perspective, il est envisagé de mettre de côté les recettes pétrolières obtenues par l’Emprunteur dans le cadre
du Projet et de les affecter spécifiquement aux secteurs prioritaires pour la lutte contre la pauvreté, dans le
contexte global des programmes sectoriels et des schémas de dépenses publiques de l’Emprunteur et dans des
conditions conformes à une saine gestion macroéconomique. »
606
Entre autres dans son article 2 : « chaque État détient et exerce librement une souveraineté entière et per-
manente sur toutes ses richesses, ressources naturelles et activités économiques, y compris la possession et le
droit de les utiliser et d’en disposer » ; on peut également se référer à la Résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée
Générale en date du 14 décembre 1962 : «Souveraineté permanente sur les ressources naturelles»
qui prévoit dans son point 6 :« La coopération internationale en vue du développement économique des pays
en voie de développement, qu'elle prenne la forme d'investissements de capitaux, publics ou privés,
d'échanges de marchandises ou de services, d'assistance technique ou d'échanges de données scientifiques,
doit favoriser le développement national indépendant de ces pays et se fonder sur le respect de leur souverai-
neté sur leurs richesses et leurs ressources naturelles. »
607
Voir article 1 et 2 de l’accord constitutif de la BERD signé à paris le 29 mai 1990 et entré en vigueur le 28
mars 1991
250

L’une des formes notoires de conditionnalité est l’aide liée. Celle-ci se traduit dans le domaine des
MPI par l’existence des marchés liés. Cette pratique se caractérise par le fait que le prêteur assortisse
son financement de conditions obligeant l’emprunteur ou le bénéficiaire à privilégier les entreprises
de son pays pour les marchés publics qui seront passés sur la base dudit financement. Ainsi,
l’emprunteur ne peut pas utiliser de façon optimale les fonds. Ces restrictions peuvent porter sur
l’obligation d’acheter des produits particuliers, voire d’utiliser les fonds alloués pour des types de
projets bien précis. Le liement de l’aide peut se faire de manière directe ou indirecte. Ainsi, dans les
années 1960, les États-Unis d’Amérique obligeaient le bénéficiaire du financement à acheter des
produits issus dudit pays et certains pays en voie de développement du monde occidental. De plus,
les services et les travaux devaient être faits par des entreprises américaines. S’agissant du liement
indirect, la République Fédérale d’Allemagne s’efforçait de ne financer que des projets dans des do-
maines où l’industrie allemande était la mieux placée pour remporter les appels d’offres internatio-
naux608. De plus, la pratique de l’aide liée est très courante dans les MPI des financements bilatéraux,
notamment par le biais des crédits d’export. Cette pratique, quoique discutable et discutée, perdure
et est beaucoup appliquée par des pays tels que la Chine dans les financements qu’elle octroie aux
pays d’Afrique subsaharienne609.

Il est clair que de telles conditions amenuisent les marges de manœuvres du bénéficiaire et ne favo-
risent pas l’obtention des meilleurs services, travaux et fournitures à un coût optimal. En vérité, cette
donnée met en exergue l’objet double de l’aide au développement qui sert aussi de levier pour les
pays dispensateurs pour booster leurs propres secteurs privés. Par exemple, les USA disposaient
jusque dans les années 90 d’un système de traçage qui permettait de savoir le volume de retour sur
investissement relativement à l’aide accordée et justifiaient cette pratique entre autre, par la néces-
sité de montrer au public américain les retombées du financement sur l’économie Américaine610.
Ainsi, les marchés publics internationaux des pays bénéficiaires se sont retrouvés instrumentalisés
pour servir de levier pour la conquête de nouveaux marchés dans la lutte que se livrent les pays in-
dustrialisés. Il s’est également agi de protéger certaines branches de leurs industries.

608
Voir pour ces deux exemples, Dimitrios A. Germidis, l’aide liée : un examen des faits, revue Tiers Monde,
volume 48, année 1971, pp 699-719.
Disponible sur https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1971_num_12_48_1817 (consulté en novembre
2021)
609
Christine Zhang, Jeffrey Gutman, aid procurement and the development of local industry: a question for
AFRICA, Global Economy & Development, Working Paper 88, June 2015
610
Voir dans le rapport du CAD (OCDE) : Development Assistance Committee : peer review, The United states,
2006, p32, 100P. Disponible sur http://www.oecd.org/governance/pcsd/37885999.pdf (consulté en novembre
2021)
251

Néanmoins, plusieurs études du CAD(OCDE) démontrent que les pratiques qui consistent à imposer
des restrictions semblables augmentent drastiquement le coût de l’aide et réduisent les possibilités
de mise en concurrence. Aussi, sous la coupole de cette institution, de nombreux efforts ont été en-
trepris afin de réduire progressivement la quotité de l’aide liée. Ces efforts sont soutenus par un
certains nombres d’engagements internationaux qui ne sont pas contraignants611. Dans les règles
d’Helsinki de 1991, des pays membres de l’OCDE ont mis en place des règles de transparence renfor-
çant la communication des informations entre les pays membres sur les niveaux d’aides liées ou dé-
liées accordées612. Ces règles mettent également en avant des critères qui subordonnent l’octroi
d’une aide liée à des catégories particulières de Pays. De même, ils tentent de rendre plus transpa-
rents les informations et les choix liés au niveau de concessionnalité dans les crédits613. Ainsi, d’après
ces règles, il convient de limiter le financement concessionnel des projets susceptibles d’être finan-
cés aux conditions du marché. De plus, les pays signataires de l’arrangement d’Helsinki établissent
des critères d’éligibilité aux crédits d’aide lié selon le revenu national par habitant du pays bénéfi-
ciaire. Un taux de concessionnalité minimal est imposé pour les pays bénéficiaires et pour les PMA614.
On note toutefois qu’il n’est pas question d’arrêter l’aide liée, mais plutôt d’introduire une plus
grande transparence avec une volonté de favoriser le plus possible une mise en concurrence entre
entreprises dans les crédits accordés par les pays membres de l’OCDE.

La difficulté de s’accorder sur l’interdiction de l’aide liée s’explique en partie par le fait que dans les
réalités contrastées du financement du développement, l’interdiction totale de l’aide liée sous toutes
ses formes peut être contre-productive dans la mesure où elle pourrait conduire à diminuer les flux
de financement615. En ce sens, l’un des arguments avancés est qu’il serait plus opportun de continuer
la pratique des crédits d’exportations liés dans des domaines spécifiques où ils ont fait leurs preuves

611
« Les travaux du CAD ont abouti à l’adoption d’une Recommandation sur le déliement de l’aide publique au
développement aux pays les moins avancés (réunion à haut niveau du CAD, avril 2001)… La recommandation
invite les donneurs à confier la passation des marchés aux pays en développement…La recommandation a été
modifiée en mars 2006 pour supprimer les seuils existants et en juillet 2008 pour étendre son champ
d’application aux pays pauvres très endettés (PPTE) ».source, site Web de l’OCDE.
612
Voir : OCDE, Arrangement sur les Crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public, orientations concer-
nant l'aide liée, version 2005
https://www.oecd.org/officialdocuments/publicdisplaydocumentpdf/?cote=td/pg(2005)20&doclanguage=fr
consulté en novembre 2021 ; OCDE, arrangement sur les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public
document de référence: accord sur la transparence des crédits d’APD non liée, 2005
613
Ibid.
614
Les participants n’accordent pas de crédits d’aide liée assortis d’un niveau de concessionnalité inférieur à 35
%, ou à 50 % si le pays bénéficiaire fait partie des pays les moins avancés (PMA). Voir : arrangement sur les
crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public, orientations concernant l’aide liée. Ibid.
615
Livia fritz, Werner Raza, Les crédits d’aide liée : instrument dépassé ou outil d’avenir ?, ID4D-D Le média du
développement durable, juin 2021. Disponible sur : https://ideas4development.org/l-aide-liee-instrument-
depasse-ou-outil-davenir/ (consulté en novembre 2021)
252

et où ils sont les instruments les mieux adaptés, tout en donnant plus de choix aux pays bénéficiaires
quant au choix des secteurs financés616.

Enfin, on peut noter que la déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide de 2005 consacre une impor-
tance à la progression sur le déliement de l’aide (Voir notamment indicateur N°8 sur l’évaluation de
la mise en œuvre de la déclaration). Ceci constituait une volonté de prendre en compte des recom-
mandations du DAC (OCDE) de 2001 précitée, dans un texte d’une envergure plus forte. Cet engage-
ment a été réitéré dans le programme d’action d’Accra de 2008 avec la mise en place d’un suivi pays
par pays pour évaluer le niveau de déliement au niveau des prêteurs et donateurs.617 Des efforts
restent encore à faire. Toutefois, selon l’OCDE, 86% de l’aide du CAD (OCDE) est aujourd’hui déliée et
quelques pays affichent un taux de 100% de déliement618.

À côté des marchés passés dans le cadre des crédits liés, d’autres règles contrarient l’application des
principes de bases et sont discutables quant à l’achèvement des principes d’efficacité dans les MPI. Il
s’agit des règles de Boycott et d’éligibilité.

2- Règles de boycott- règles d’éligibilité

Chaque prêt ou don obéit à des règles particulières qui sont contenues dans le contrat de prêt. Ces
règles ne dérogent pas à certaines conditions liées aux relations internationales et diplomatiques, qui
sont celles de l’État ou de l’institution qui prête. Ceci apparaît logique puisque le monde des affaires
n’échappe pas aux arrangements politiques et à l’influence des relations internationales. De ce fait, il
ne faut pas imaginer que la concurrence est toujours totale et complètement ouverte. Ainsi, les
règles d’éligibilité influencent la délimitation du champ d’ouverture géographique des marchés pu-
blics internationaux aussi bien du point de vue des États concernés que des entreprises susceptibles
de compétir. Par exemple, le département de la défense américain avait restreint la participation aux
marchés de reconstruction de l’IRAK aux entreprises des pays ayant participé à l’effort de guerre619.
Dans le même ordre d’idées, en application de l’article III-section1- du statut de la BIRD qui prévoit
que les ressources et les services de la Banque seront utilisés au bénéfice exclusif des États-
membres, initialement (avant 2004), les directives de passation de marchés applicables aux finance-
ments de l’institution limitaient l’accès aux marchés financés aux dits membres. Ainsi seules les en-
treprises originaires des pays membres pouvaient antérieurement, soumissionner pour les MPI sous

616
Voir Ibid
617
Voir Clay, Edward J., Matthew Geddes and Luisa Natali: Untying Aid: Is it working? An Evaluation of the Im-
plementation of the Paris Declaration and of the 2001 DAC Recommendation of Untying ODA to the LDCs, over-
seas development study. 2009
618
Voir données de l’OCDE
619
Voir Philippe SAUNIER, le système financier international, Op. Cit. p 39
253

financement de la Banque Mondiale. Cette réalité a par la suite été modifiée pour ouvrir l’accès aux
entreprises de tous les pays620.

Par ailleurs, certaines entreprises sont placées sur des listes noires pour des raisons diverses et ne
sont donc pas autorisées à soumissionner. Naturellement, les États et entités publiques bénéficiaires
sont obligés de respecter les règles d’éligibilité pour chaque type de financement.

Pour finir, on peut également mentionner les conditions d’éligibilité émanant du boycott d’ISRAEL
s’agissant des financements procurés par la Banque Islamique de Développement (BID). Ce boycott
se matérialise dans les appels d’offres par des dispositions telles que : « La participation à cet appel
d’offres est ouverte aux pays membres de la Banque Islamique de Développement éligibles au finan-
cement de ladite Banque. En plus de l’article sur le boycott et règles de l’organisation de la Confé-
rence islamique, la ligue des pays arabes… »621.

À notre sens, le boycott imposé à un État bénéficiaire dans le cadre d’un prêt peut être remis en
question. Dans la mesure où l’emprunteur devient un débiteur sur lequel pèse une obligation de
remboursement, peut-on lui imposer de telles conditions qui l’empêcheront d’employer les fonds
empruntés de manière libre du moment que l’usage est compatible avec l’objet du prêt ? Il est facile
a priori d’affirmer que ces conditions sont contractuelles et étaient déjà connues de l’emprunteur.
Toutefois, dans les faits, il n’a pas le choix et on peut considérer qu’ils ne les auraient pas accepté
n’eurent été les contraintes liées à l’obtention de financement. Dès lors, il y a une certaine forme de
violence dans la conclusion de ces contrats de prêts622 (Ce raisonnement peut d’ailleurs être étendu à
certains marchés liés). Par ailleurs, il importe de préciser que le boycott d’un pays par un autre ou
de produits par un groupe à des fins politiques semble trouver un fondement juridique dans le droit

620
Voir Directives travaux et fournitures, 2004, point 1.6 ; directives pour la sélection des consultants 2004,
point 1.11. Par comparaison avec les directives travaux et fournitures 1999, point 1.6 et les directives pour la
sélection des consultants 1999, point 1.10
621
Voir l’appel d’offre AOIO/PM/MINMAP/CCPM-BEC/2018 du 24 juillet 2018 relatif au projet de « Construc-
tion des Infrastructures Communautaires de Base Pour Le Projet de Développement de L’Élevage et de la Pêche
(LIFIDEP) » financé par la BID au profit du Cameroun. Bien qu’il s’agisse d’un appel d’offres international ouvert,
on note que ces restrictions demeurent. L’avis d’appel d’offre est disponible sur le site de la BID :
https://www.isdb.org/fr/appels-doffres/construction-des-infrastructures-communautaires-de-base-pour-le-
projet-de-developpement-de-l%E2%80%99elevage-et-de-la-peche-lifidep
622
Quoiqu’elle puisse être licite du point de vue du droit international dans la conclusion de certains traités
(par exemple les traités de paix dans lesquels les vainqueurs imposent des conditions au vaincu), la violence
n’en demeure pas moins questionnable au regard de la souveraineté des États et plus spécifiquement dans le
cadre d’accord de prêts qui constituent un endettement d’un État qu’il devra rembourser. Sur la question de la
violence dans la conclusion des traités. Voir Georges TÉNÉKIDÈS, les effets de la contrainte sur les traités à la
lumière de la convention de vienne du 23 mai 1969, In : Annuaire français de droit international, volume 20,
1974. pp. 79-102 ; disponible sur : https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1974_num_20_1_2262 (con-
sulté en novembre 2021)
254

international623 et des décisions judiciaires nationales ne contestent pas sa légalité au niveau in-
terne624. Néanmoins, il paraît difficile de ne pas voir une anomalie dans le fait que des États étendent
et imposent des causes qui peuvent s’avérer justes de leur point de vue à d’autres États dans le cadre
d’accord portant sur des prêts que les premiers devront rembourser. Il est pareillement évident que
cela ne s’accorde pas avec les principes de libre concurrence et d’accès aux marchés publics, tels que
promus par les règles elles-mêmes des institutions de financement. En revanche, un tel raisonne-
ment paraît plus acceptable s’agissant des dons.

Les règles liées aux critères d’éligibilité et ceux de boycott révèlent derechef que le financement du
développement et les MPI oscillent entre facteurs économiques, recherche d’efficacité , aspects poli-
tiques et intérêts des États et des institutions qui octroient les financements. Un équilibre est donc
toujours à rechercher entre ces différents enjeux dont la finalité doit être au bénéfice des popula-
tions concernées et les enjeux du développement durable les concernant.

Les enjeux du développement durable sur les plans humains, économiques, sociaux, environnemen-
taux etc. ont rendu manifeste le fait que l’efficacité économique ne peut suffire à caractériser la no-
tion d’efficacité. Cet enjeu n’épargne pas le cadre juridique des MPI dont il est apparût qu’il doive se
mettre en phase avec les enjeux du développement durable et jouer un rôle direct dans la poursuite
de cet objectif. Aussi, la question de l’efficacité met en avant un aspect des MPI en tant que stratégie
de développement à laquelle doivent collaborer les acteurs internationaux comme nationaux. Le
paragraphe qui suit abordera l’émergence des règles liées au nouveau concept du principe
d’efficacité, basé sur la faculté, pour le pouvoir adjudicateur, d’orienter stratégiquement les procé-
dures de marchés publics.

623
Le professeur Charles Rousseau estime que le boycottage peut trouver une légalité internationale en tant
que sanction mise en œuvre par un organe international en application de sa propre légalité, i.e. en conformité
du statut conventionnel qui le régit. De plus, il serait légal du point de vue du droit international dans le cas où
il serait dirigé contre un État partie lui-même à un traité multilatéral qu’il n’a pas respecté à l’égard des autres
États parties ; également en tant que représailles vis-à-vis d’un acte internationalement illicite car dans ce cas,
on se trouve dans un régime dérogatoire aux règles ordinaires du droit international auquel un État fait recours
suite à un acte illicite commis par un autre État à son encontre et dont il subit le préjudice. Il cite à ce titre
l’exemple de la décision du sénat Américain du 23 août 1951 adoptée à l’unanimité des voix, en vue de boycot-
ter la Tchécoslovaquie jusqu’à la libération du journaliste Américain William Oatis, condamné le 04 juillet de la
même année à dix ans de prison pour espionnage par le tribunal de l’État de Prague. Voir notamment Charles
Rousseau, le Boycottage dans les rapports internationaux, RGDIP 1958, vol. 62 pp. 5-25
624
Voir par exemple, arrêt du 3 juillet 2018 de la cour d’appel d’Angleterre- jewish human rights watch c/ mai-
rie de Leicester. (La cour a estimé que le boycott des produits des colonies israéliennes par le conseil municipal
relevait de la liberté d’expression politique et ne violait pas les lois anglaises). Également, cour suprême des
États-Unis, décision n°81-202 National Association for the advancement of colored people Vs Clairborne Hard-
ware co (2 juillet 1982). Un citoyen ne peut pas être tenu pour responsable des dommages causés du simple
fait du boycott et de son abstention volontaire pour des motifs politiques.
255

Paragraphe 3- Les principes nouveaux visant à l’orientation stratégique des procédures


vers des enjeux directs de développement

Afin de prendre en compte les enjeux émergents de développement durable, la question de


l’efficacité est corrélée dans la pratique générale des marchés publics à celle de leur orientation stra-
tégique à travers ce que l’on qualifie tantôt de politiques secondaires, voire d’instrumentalisation ou
de politiques connexes. Ces questions s’additionnent aux enjeux spécifiques à chaque entité adjudi-
catrice pour lesquelles les marchés publics constituent un canal de réalisation de projets précis. La
question que nous soulevons se pose spécifiquement au niveau de l’orientation des procédures de
marchés publics in se, pour appréhender directement des enjeux de développement. Déjà pratiquées
dans de nombreux pays développés, celles-ci présentent à notre sens, un enjeu stratégique dans les
MPI, dans une conception large de l’efficacité. Dès lors, il convient de se demander comment de
telles manœuvres sont appréhendées dans les règles gouvernant les MPI ? Quels peuvent être les
choix pertinents du point de vue stratégique ? Quelles sont les marges de manœuvre des États béné-
ficiaires dans la mise en œuvre de telles stratégies ?

Tout en ayant un regard critique sur les moyens qui gouvernent l’orientation stratégique des MPI
dans les régulations actuelles, il convient d’analyser la question en mobilisant le droit comparé et la
jurisprudence des pays qui se sont déjà servis de ces modèles de gestion des marchés publics pour
aboutir à des résultats sur le développement social, économique , environnemental et d’autres be-
soins pertinents selon leurs contextes propres.

I- L’instrumentalisation des marchés publics : une pratique courante dans le droit compa-
ré et compatible avec les enjeux du développement 625

1- Une pratique courante en droit comparé des marchés publics

Le principe impliquant l’utilisation des marchés publics aux fins de relever les défis qui s’imposent à
la puissance publique est ancien. Il est même immanent à la raison d’être de l’achat public. Les gou-
vernants passent des marchés pour satisfaire leurs besoins et ceux des communautés qu’ils ont la
charge d’administrer. Les marchés publics sont également un lieu de rencontre entre la sphère pu-
blique et la sphère privée, portée par la création de richesses et le progrès technologique. Aussi, ont-
ils toujours été un levier de politique publique aux mains des gouvernements qui déterminent leurs

625
« L’instrumentalisation » est ici entendue comme le fait que le droit des marchés publics lui-même se mette
à la disposition, (à travers ses mécanismes et procédures) des politiques économico-sociales et environnemen-
tales. Voir Angeliki Charouli, les considérations sociales et environnementales dans la passation des marchés
publics, thèse de doctorat, Op. Cit., pp 207 et s. 279 et s.
256

besoins et choisissent leurs prestataires selon des considérations financières mais également
d’autres considérations liées à l’intérêt national626. De même, il est évident que le droit des marchés
publics est déjà au service des valeurs de la concurrence et d’une certaine vision de l’économie. Elle
est un moyen par lequel ceux-ci trouvent à s’exprimer et produire leurs effets dans la sphère écono-
mique et sociale. Par ailleurs, cette mission d’ordre général attribuée aux marchés publics est ac-
compagnée par un autre procédé consistant à introduire des critères de sélections intrinsèques sus-
ceptibles d’orienter le choix du pouvoir adjudicateur. Aussi, progressivement d’autres principes
émergent, fondés sur l’évolution des dynamiques sociales, environnementales et de l’interprétation
des missions de la puissance publique627. À ce titre, aujourd’hui, dans la plupart des législations, il est
admis que le critère du moindre coût ne doit pas constituer le seul critère de sélection. Mieux, dans
l’optique du développement durable, de la promotion des PME et de la lutte contre les inégalités
sociales et de genre etc., l’acheteur public doit pouvoir introduire des critères de sélection dans son
marché public permettant d’atteindre des objectifs médiats liés auxdits enjeux. Ainsi, les marchés
publics doivent se mettre au service de nouveaux enjeux sans renier leurs principes fondamentaux
qui eux-mêmes restent à la fois des moyens, des enjeux et des objectifs. La loi type de la CNUDCI sur
les marchés publics prévoit que des critères liés à la protection de l’environnement et à des aspects
sociaux économiques soient autorisés dans les règles régissant les marchés publics628.

Cependant, historiquement, le régime juridique des marchés publics n’a pas toujours été, partout, en
adéquation avec cette réalité. En dépit du caractère stratégique des choix de projets et d’achats opé-
rés par les entités publiques dans le cadre de leurs marchés publics, les procédures in se restaient
essentiellement guidées par une vision restrictive des principes de concurrence et d’égalité interpré-
tés comme prohibant la prise en compte de toute autre considération qui ne soit pas directement en
rapport avec l’objet du marché lui-même et du critère du moindre coût. En d’autres termes, les stra-
tégies se limitaient à la porte du processus de sélection qui se devait d’être neutre. Tel était le cas,
notamment en droit français via l’érection d’un principe jurisprudentiel de « neutralité » de la com-
mande publique629. Ce principe est illustré par les propos du commissaire du gouvernement M.DENIS

626
Stéphane Braconnier, précis du droit du marché public, 4ème Edition, Op. Cit. , P10; C. McCrudden donne
des exemples d’utilisation des marchés publics par les gouvernements pour régler des problématiques diverses
tel que des emplois pour les soldats démobilisés après la seconde guerre mondiale en grande Bretagne, les
actes présidentiels et des mesures concrètes aux États-Unis pour interdire aux États de discriminer dans leurs
contrats et prendre ainsi en compte les revendications des mouvements de droits civiques . Voir Christopher
Mc Crudden, BUYING SOCIAL JUSTICE : Equality, government procurement and legal change,Oxford university
press, 2007, 680p, PP4-12
627
Voir sur les missions du droit de la commande publique, Angeliki Charouli, thèse, Op. Cit.
628
Loi-type CNUDCI sur la passation des marchés publics 2011, Op. Cit. Art 2.o
629
CE, 25 juillet 2001, commune de Gravelines, N° 229666, Lebon 2001, p. 391. Disponible sur :
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CÉTATEXT000008044149/ ; CE 10 mai 1996, Féd. nationale des travaux
publics et Féd. nationale du bâtiment, n° 159979 : Lebon 1996, p. 164. Disponible sur (www.legifrance.fr)
257

PIVOTEAU à l’occasion d’une affaire devant le Conseil d’État en 2001, qui évoquait la neutralité de la
réglementation des marchés publics comme le fait que la dépense publique s’effectuant à l’occasion
d’un marché ne doive pas être l’instrument d’autre chose que la réalisation du meilleur achat au
meilleur coût630. Cette position de la jurisprudence française a persisté pendant un certain temps
comme le démontrent les arrêts du conseil d’État précités (en note de bas de page). Malgré une prise
de conscience de l’importance de ces enjeux et une réflexion entamée de longue date, comme le
montre la circulaire attaquée devant le conseil d’État par la fédération nationale des travaux pu-
blics631, le droit français, quoiqu’ouvrant une légère brèche pour les critères environnementaux est
resté longtemps fermé à la possibilité d’utiliser les critères sociaux pour attribuer un marché public.
Dans tous les cas, le pouvoir adjudicateur devait veiller à ce qu’il existât un lien direct entre les cri-
tères utilisés et l’objet du marché ; ce qui correspondait à une quasi fermeture puisque le recours à
ces critères a souvent un impact médiat s’inscrivant dans une politique plus générale d’une collectivi-
té publique et non pas seulement à l’échelle d’un marché public632.

Tel était également le cas dans d’autres États Européens, notamment au Royaume uni où malgré la
prise de conscience de ces enjeux, le gouvernement restait fermé à l’instrumentalisation directe des
marchés publics à travers des critères sociaux et environnementaux633.

630
Commentaire relatif à l’arrêt précité CE du 25 juillet 2001, communes de Gravelines. Voir NIL Symchowicz, le
concept de développement durable appliqué à la commande publique, in Contrats publics, N°96, février 2010,
P38-43, p39
631
Il s’agissait de la circulaire interministérielle du 29 décembre 1993 qui envisageait la perspective de prendre
en compte, la question des critères sociaux et environnementaux dans les marchés publics. Voir CE 10 mai
1996, Fédération nationale des travaux publics et fédération nationale du bâtiment, Op. Cit.
632
Voir l’arrêt CE de 2001, commune de Gravelines, Op. Cit. ; aussi, Noémie Porte, vers l’abandon du principe
de neutralité de la commande publique, in revue de Droit Public, 2014, N°5, p. 1249 ; Egalement, Nil Symcho-
vicz, le concept de développement durable appliqué à la commande publique, Op. Cit. ; Sur l’importance de la
dimension globale et des perspectives de longue durée pour évaluer l’impact de ces politiques du point de vue
économique, voir : Frédéric Marty, les clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives éco-
nomiques, Gredeg working paper, WP N°2012-01, disponible sur : http://www.gredeg.cnrs.fr/working-
papers/GREDEG-WP-2012-01.pdf (consulté en novembre 2021)
633
Le professeur Christopher Mc Crudden relate un exemple relatif à la coexistence difficile entre le « local
government act » de 1988 et le « race relation act » de 1976. Tandis que le premier marquait la volonté du
gouvernement d’interdire la prise en compte de critères « non-commerciaux », le second imposait aux autori-
tés locales de tenir compte des minorités raciales dans leurs contrats en promouvant l’égalité des opportuni-
tés. Cette divergence a donné lieu à l’admission d’une exception strictement encadrée. Par exemple, le secré-
taire d’État a approuvé subséquemment le fait que des questions puissent être posées aux entreprises pour
s’assurer qu’elles aient pris des mesures dans ce sens. Cependant , l’auteur pense que ces mesures était diffici-
lement applicable du fait de la discrimination qu’elles créaient entre entreprises britanniques et européennes
et des risques qu’elles généraient pour les pouvoirs locaux qui faisaient face à des probabilités élevées de con-
tentieux. Aussi, même si des schémas d’actions ont été développés pour faire face aux obligations concur-
rentes, cela démontre que l’instrumentalisation des marchés publics par des critères non-commerciaux au
Royaume Uni, à cette époque, restait exceptionnelle. Il convient de préciser que dans tous les cas, elle restait
limitée à un certain seuil de prix dans les marchés publics. Voir Christopher Mc Crudden, buying social justice,
equality, government procurement and legal change, Op. Cit. Pp 340-344
258

A un autre niveau, la réglementation européenne était l’une des contraintes en la matière car elle ne
permettait pas ou très difficilement la prise en compte de tels critères634. En dépit des projets des
États et des discussions intenses depuis les années 80, elle n’a bougé que difficilement. Cela était dû
aux divergences d’intérêts, de même qu’aux obligations internationales dans le cadre des accords de
libre-échange, notamment l’AMP de l’OMC.

Cependant, la jurisprudence européenne a progressivement ouvert une porte à l’introduction de


critères d’attribution ne relevant pas que du prix. C’était le cas à travers l’arrêt Bentjees de 1988635. Il
établissait en effet que le critère de l’offre la plus acceptable tel qu’il résultait d’une législation natio-
nale pouvait être compatible avec la directive Européenne, à condition qu’elle se fonde sur des cri-
tères objectifs ne comportant pas d’éléments de choix arbitraires. Spécifiquement, « la condition de
l’emploi de chômeurs de longue durée est compatible avec la directive si elle n’a pas d’incidence
discriminatoire directe ou indirecte à l’égard des soumissionnaires provenant d’autres états
membres de la Communauté »636. Ainsi, cette jurisprudence consacrait le fait que l’introduction de
critères sociaux ne représenterait une discrimination contraire aux principes d’égalité et de concur-
rence, que s’ils n’étaient pas objectifs et ne s’appliquaient pas de la même manière à tous les candi-
dats, excluant de facto un pouvoir discrétionnaire de l’entité acheteuse dans leur application.

L’arrêt Concordia Bus de la CJCE de 2002637 clarifie les conditions que doivent remplir les critères
environnementaux et sociaux pour être conformes à la directive et aux principes fondamentaux des
marchés publics. Il s’agit notamment de quatre conditions : ils doivent être liés à l’objet du marché,
ne pas laisser une liberté inconditionnelle et un pouvoir discrétionnaire au pouvoir adjudicateur, être
expressément mentionnés dans l’appel d’offres et respecter les principes fondamentaux du droit
communautaire, notamment celui de non-discrimination638. Les critères ne doivent pas établir de
discrimination au profit des entreprises nationales ou locales. En tout état de cause, cet arrêt ren-
force l’idée que le droit communautaire « ne saurait être interprété en ce sens que chacun des cri-

634
Les règles générales des premières directives européennes en matière de marchés publics limitaient les
critères aux caractéristiques intrinsèques des produits et services tels que « par exemple, le prix, le délai de
livraison, le coût d’utilisation, la rentabilité, la qualité, le caractère esthétique et fonctionnel, la valeur tech-
nique, le service après-vente et l’assistance technique ». voir : DIRECTIVE DU CONSEIL du 21 décembre 1976
portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (77/62/CEE) (art 25);
Directive 80/767/CEE du Conseil, du 22 juillet 1980, adaptant et complétant, en ce qui concerne certains pou-
voirs adjudicateurs, la directive 77/62/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés
publics de fournitures ; DIRECTIVE 92/50/CEE DU CONSEIL du 18 juin 1992 portant coordination des procédures
de passation des marchés publics de services (art 36) ; DIRECTIVE 93/37/CEE DU CONSEIL du 14 juin 1993 por-
tant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (art 30).
635
CJCE, 20 septembre 1988, Gebroeders Beentjes, BV, Affaire 31/87
636
Idem paragraphe 37 ; voir aussi Noémie Porte, vers l’abandon du principe de neutralité de la commande
publique, Op. Cit.
637
CJCE , 17 septembre 2002, Concordia Bus Finalnd OY AB, Aff. C-513/99 ; Noémie Porte Op. Cit.
638
CJCE, Concordia bus, ibid. Paragraphe 64 et 69
259

tères d’attribution retenus par le pouvoir adjudicateur afin d’identifier l’offre économiquement la
plus avantageuse doit nécessairement être de nature économique »639.

Sans s’appesantir sur les détails des évolutions législatives et jurisprudentielles européennes et na-
tionales, on peut constater que l’introduction de ces critères dans les directives Européennes a été
progressive et adaptée aux circonstances de l’évolution des problématiques économiques, sociales,
environnementales , internationales dans les états Européens. En outre, la jurisprudence européenne
n’a eu cesse de préciser ces critères que les directives européennes de 2004640 et ensuite de 2014
relatives aux marchés public ont intégrés plus fermement641.

Dans le contexte qui nous concerne, il est intéressant de noter que la prise en compte de ces impéra-
tifs dans les instances Européennes relève d’une reconnaissance de la nécessité de permettre aux
entités publiques d’utiliser les marchés publics comme un levier stratégique pour agir sur les enjeux
du développement durable et d’autres enjeux pertinents pour les États et leurs citoyens. Aussi, une
telle approche stratégique avait été préparée et a fait l’objet de communications en amont, de la
part de la Commission Européenne. Ainsi, à la suite du livre vert évoquant les pistes d’avenir en 1996,
la communication interprétative de la Commission sur le droit communautaire applicable aux mar-
chés publics et les possibilités d’intégrer des considérations environnementales, détaillait de nom-
breuses pistes concrètes permettant la prise en compte de ces critères en 2001642.

On peut noter que l’approche adoptée dans ces documents stratégiques est très dynamique et réa-
liste. Elle repose à la fois sur des constats factuels des forces et des faiblesses, une analyse de
l’existence et de l’application des législations européennes et nationales, la prise en compte du con-
texte mondial et des engagements européens, de même que des projections à travers l’analyse des

639
Arrêt Concordia Bus, idem, paragraphe 55
640
directive 2004/18/ce du parlement européen et du conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des
procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (voir le considérant 46 et
l’article 53) ; la directive de 2014 met en avant la notion de « meilleur rapport qualité-prix » en plus de celle de
l’offre économiquement la plus avantageuse, afin d’insister sur le critère qualitatif qui intègre des considéra-
tions sociales et environnementales. Voir directive 2014/24/ue du parlement européen et du conseil du 26
février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE , voir les considérants se
référant à l’importance de la mise en œuvre de ces critères (notamment N°89-91-92-97-98) et la référence
pour leur interprétation relativement à la jurisprudence européenne en la matière ; également l’article 67. La
directive de 2014 précise que ces critères doivent être en rapport avec l’objet du marché.
641
Voir Guillaume Cantillon, Concurrence et objectifs de politiques publiques en droit des marchés publics : le
droit des marchés publics et la régulation, thèse de doctorat, Paris 1, 2015, 466P, PP- 131-239
642
Voir Commission Européenne, les marchés publics dans l’Union Européenne, pistes de réflexion pour l’avenir,
27 novembre 1996 ; Également, Voir : communication interprétative de la commission sur le droit communau-
taire applicable aux marchés publics et les possibilités d’intégrer des considérations environnementales dans
lesdits marchés, Bruxelles le 4 juillet 2001
260

questions liées à l’évolution de la société et des technologies643. Ces constats associent des question-
naires adressés à divers acteurs du secteur qui les soumettent directement à la Commission via son
adresse postale. L’approche de la Commission tient également compte de l’évolution de la jurispru-
dence de la cour de justice et des perspectives qu’elle permet d’envisager.

Enfin, au vu de ces différents enjeux et selon les constats et les objectifs recherchés, des pistes de
solution sont proposées. Il apparaît par la suite qu’au niveau législatif et réglementaire, ces proposi-
tions trouvent déjà un cadre favorable par leur prise en compte dans les différentes directives euro-
péennes qui les ont suivies sur les marchés publics, les PPP et les secteurs spécifiques dans les ser-
vices. Par ailleurs, il convient de souligner l’aspect de la synergie entre les différentes institutions
européennes afin d’aboutir à un objectif commun. Dans ce sens, on peut noter que dans son arrêt
Concordia bus, la cour de justice avait relevé le fait que la juridiction de renvoi se référait à la com-
munication de la commission européenne sur la question pour justifier elle-même son approche644.
On peut considérer que pour aboutir à de bons résultats dans l’instrumentalisation des marchés pu-
blics, la synergie entre les institutions législatives et judiciaires est indispensable. Elle a tenu compte
d’une règle de soft-law qui a précédé la directive en elle-même, mais qui était déjà en accord avec les
objectifs de l’union et les principes fondamentaux qui la fondent.

Le droit américain offre des exemples de l’utilisation des marchés publics pour influencer les aspects
socio-économiques du développement. A ce titre, on peut noter qu’il existe de longue date une pra-
tique d’actions affirmatives à l’égard de divers groupes afin de favoriser leur insertion dans le tissu
économique et social. Le Small Business Development act (SBA)645 permet de réserver des parts de
marchés aux PME d’une manière générale et à des entreprises appartenant à des catégories particu-
lières de la population. Il s’agit notamment des vétérans de guerre et leurs familles646. La loi prévoit
également des avantages pour des entreprises possédées par des femmes647, des PME appartenant
aux tribus indiennes et les organisations qui les représentent, aux entreprises détenues par des natifs

643
Dans la stratégie Europe 2020 de l’Union Européenne, les marchés publics étaient cités comme un vecteur à
travers lequel les États pourraient promouvoir l’innovation et l’émergence d’une « politique industrielle à l’ère
de la mondialisation ». Voir Commission Européenne, Communication de la Commission, Europe 2020, une
stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, Bruxelles le 3 mars 2010, pp 14 et 19
Disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2010:2020:FIN:fr:PDF
(Consulté en novembre 2021)
644
Voir paragraphe 34 de l’arrêt : « La juridiction de renvoi se réfère enfin à la communication de la Commis-
sion, du 11 mars 1998, intitulée «Les marchés publics dans l'Union européenne» [COM(1998) 143 final], dans
laquelle la Commission considère qu'il est licite de tenir compte de considérations d'environnement aux fins de
choisir l'offre la plus avantageuse sur le plan économique global, dans la mesure où l'organisateur de l'appel
d'offres tire lui-même un avantage direct des propriétés écologiques du produit. »
645
du 30 juillet 1953
646
service-disabled veteran-owned small business program
647
women-owned small business program
261

d’Hawaii648. D’une manière générale, la politique imposée consiste à recourir aux PME pour tous
marchés lorsque cela est possible d’une façon qui est adaptée en fonction du seuil, des lots et de
valeur du marché. Aussi, en deçà d’un certain seuil, les marchés sont exclusivement réservés à ces
PME. D’autres marchés doivent leurs être réservés du moment que deux PME sont capables de le
réaliser en groupement. Enfin, même dans les marchés qui ne rentrent pas dans les deux précé-
dentes catégories selon le seuil, si elles ne sont pas les détentrices principales du contrat, celui-ci doit
prévoir des modalités de sous-traitance de certaines portions à des catégories de PME du Small Busi-
ness Act649. Dans le même sens, certaines règles obligent une entreprise qui rentre dans le cadre du
SBA mais qui ne fabrique pas elle-même ses produits à recourir aux produits d’une autre PME dans
une certaine portion du marché650.

Dans notre perspective de droit comparé, il est utile de rappeler que l’idée qui sous-tend la création
de ces catégories est d’utiliser les marchés publics comme des leviers de renforcement du tissu in-
terne économique, de développement économique, de l’innovation, de rééquilibrage des disparités
économico-sociales.

Ensuite, dans le même registre, le « buy american act » de 1933 oblige les agences publiques dans le
cadre de leurs marchés, à prévoir l’obligation d’achat de produits fabriqués aux États-Unis
d’Amérique (pour les marchés de plus de 10.000 dollars.). Il s’applique aux contrats de fournitures et
de construction opérés sur le territoire des États-unis d’Amérique. Pour être considérés comme étant
produits aux États-Unis, les biens doivent être fabriqués aux États-Unis et au moins 50 % du coût de
leurs composants doivent provenir des États-Unis. Il existe des exceptions aux exigences d'achat
américain. Des dérogations peuvent être accordées dans l'intérêt public ou si le coût des produits
américains est déraisonnable par rapport aux produits étrangers équivalents. Des dérogations peu-

648
Ces différentes personnes sont prises en compte au titre d’une catégorie qualifiée de « Hubzone Small busi-
ness concern ». Pour plus de détails, voir un extrait de la loi sur :
https://www.law.cornell.edu/uscode/text/15/657a#b (consuté en novembre 2021)

649
Contract value Small business set-aside requirement
$3,500 to $150,000 Automatically and exclusively set aside for small businesses
Set aside if there are two or more small businesses that could do the
$150,000 or more work. (You must first consider 8(a), HUBZone, SDVO, and WOSB set-
asides.)
$700,000 or more (non- If not set aside for small business, must have a subcontracting plan if
construction contracts) awarded to a non-small business
$1.5 million or more (cons- If not set aside for small business, must have a subcontracting plan if
truction contracts) awarded to a non-small business
https://www.sba.gov/partners/contracting-officials/small-business-procurement/set-aside-procurement
650
voir “non manufacturer rule” code of federal regulation, titre 13- chapitre 1-part 121-406 (13CFR 121 .406)
https://www.ecfr.gov/current/title-13/chapter-I/part-121#121.406 consulté en novembre 2021
262

vent également être accordées si les produits ne sont pas fabriqués aux États-Unis en quantités
commerciales suffisantes et raisonnablement disponibles de qualité satisfaisante651.

On peut noter que dans ses engagements contenus dans l’accord de l’OMC sur les marchés publics,
les États-Unis d’Amérique ont exclu les marchés du Small business act du champ d’application de
l’accord652. Quant au buy american act, il s’applique au cas par cas selon les engagements contractés
par les États-Unis d’Amérique à l’égard d’une partie spécifique et dans la limite des seuils définis653.

D’autres États tel qu’ en Afrique du Sud utilisent les marchés publics pour rééquilibrer les disparités
sociales résultant de l’Apartheid. À ce titre, ce principe a été intégré dans la constitution du pays et à
travers des lois spécifiques654. Ces textes précisent expressément le besoin de faire des marchés pu-
blics un instrument de politique sociale et de renforcement des minorités raciales ayant souffert des
discriminations du système de l’Apartheid655. Le preferential procurement policy framework de 2000
emploie le vocable de « personnes désavantagées historiquement » pour indiquer ces personnes
(Historically disadvantaged individuals). Ce vocable concerne également les femmes et des per-

651
Voir les détails sur le site du gouvernement Canadien : https://www.tradecommissioner.gc.ca/sell2usgov-
vendreaugouvusa/procurement-marches/buyamerica.aspx?lang=eng (consulté en novembre 2021) ; sur les
différentes variantes des « buy american act » voir Williams Sope Elegbe, public procurement and multilateral
development banks: law, practice and problems, Op. Cit. pp 151-152
652
Voir annexe 7-1:”This Agreement does not apply to any set aside on behalf of a small- or minority-owned
business. A set-aside may include any form of preference, such as the exclusive right to provide a good or ser-
vice, or any price preference.” https://e-
gpa.WTO.org/fr/Annex/Details?Agreement=GPA113&Party=UnitedStates&AnnexNo=7&ContentCulture=fr
(Consulté en novembre 2021)
653
Voir les annexes de l’AMP et les engagements spécifiques sur le site de l’OMC ; également pour le cas des
relations commerciales entre le canada et les USA, le site du gouvernement canadien :
https://www.tradecommissioner.gc.ca/sell2usgov-vendreaugouvusa/procurement-
marches/buyamerica.aspx?lang=eng ; aussi : Steven D. Tibbets, Reed Smith, LLP (Moderator) et al., Home Field
Advantage: Domestic Preferences in Government Procurement and Obligations under International Agree-
ments, American Bar Association Section of International Law Spring Meeting 2011.
https://1library.net/document/zx61l9nz-advantage-preferences-government-procurement-obligations-
international-agreements-association.html (consulté en novembre 2021).
654
Voir section 217 (3) de la constitution de 1996 ; Preferential Procurement Policy Framework Act 5 of 2000
(PPPFA) et les textes subséquent de 2011 (PPPFA regulations) et le “revised Preferential Procurement Regula-
tions (Revised Regulations)” entré en vigueur le 1er avril 2017 ; le B-BBBE act (Based Black Economic Empo-
werment act) de 2003
655
Voir Kishore Raga and John Derek Taylor, legislative and administrative directives governing procurement
procedures: a case study for South Africa, fourth international public procurement conference, August 26 - 28,
2010, Seoul, South Korea.
http://www.ippa.org/images/PROCEEDINGS/IPPC4/10LegalIssueInPublicProcurement/Paper10-7.pdf (consulté
en novembre 2021) ; voir aussi : Phoebe Bolton, Government Procurement as a policy tool in South Africa, jour-
nal of public procurement, volume 6, issue 3, 193-217, 2006, http://ippa.org/jopp/download/vol6/issue-
3/Article1_Boltol.pdf (consulté en novembre 2021); John Derek Taylor and Kishore Raga, preferential procure-
ment : a case sudy of South Africa, fourth international public procurement conference, August 26 - 28, 2010,
Seoul, South Korea http://www.ippa.org/images/PROCEEDINGS/IPPC4/13ProcurementPreferences/Paper13-
6.pdf
263

sonnes ayant des handicaps. Les lois sud-africaines visent aussi à favoriser l’accroissement des parts
de marchés des très petites entreprises dans les contrats de l’État.

Ces quelques exemples nous ont permis de mettre en exergue dans une perspective de droit compa-
ré, l’instrumentalisation des marchés publics afin d’agir sur des enjeux directs liés à l’économie,
l’environnement, la société aussi bien dans les pays développés que les pays les moins-développés.
En observant les enjeux socio-économiques dans les pays en développement et les objectifs de déve-
loppement durable, il apparaît qu’il existe des enjeux similaires et différents qui sont pertinents pour
de telles politiques. Le cadre juridique du financement du développement à travers les MPI a donc
naturellement un rôle majeur à jouer en ce sens puisqu’une large partie des marchés publics est fi-
nancée par ce biais. Partant, exposer quelques-uns de ces enjeux, nous permettra ensuite de nous
demander de quelle manière les règles actuelles des MPI encouragent les procédés
d’instrumentalisation des règles d’attribution ?

2- Une pratique en phase avec l’impératif des objectifs du développement

L’instrumentalisation des marchés publics peut jouer un rôle majeur dans l’achèvement des objectifs
de développement durable des nations unies (ODD), dans les PED bénéficiant de financements multi-
latéraux et bilatéraux pour leurs marchés publics. De nombreux domaines liés aux cibles qui ont été
déterminées dans les ODD peuvent faire l’objet d’une accélération en impliquant fortement les mar-
chés publics par l’orientation des procédures.

Aussi, même si l’agenda 2030 des ODD n’est pas le seul cadre de définition de l’action politique pour
le développement, il reste un cadre global embrassant la diversité des enjeux dans tous les pays, tout
en distinguant les besoins spécifiques aux PED. Partant, il nous servira de référence pour exemplifier
l’urgence et l’adéquation des critères que nous mettrons en avant. Pareillement, la mise en place ou
le renforcement de ces politiques à travers les marchés publics est forcément un choix politique qui
ne peut être viable que dans une stratégie nationale. Cependant, dans le cas des pays en dévelop-
pement et singulièrement dans les MPI, eu égard aux strates décisionnelles qui mêlent les acteurs
nationaux et internationaux, publics et privés, il va de soi que seul un partenariat efficace et ciblé
peut permettre à ces marchés de contribuer significativement aux objectifs de développement du-
rable. D’ailleurs, le dix-septième objectif de développement durable des nations unies insiste sur la
nécessité de renforcer les moyens de mettre en œuvre le partenariat mondial pour le développe-
ment durable656.

656
Voir les details sur les objectifs de développement durables :
https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/
264

Les enjeux suivants doivent bénéficier de l’instrumentalisation des MPI :

Primo, il s’agit de la réduction de la pauvreté657 par la stimulation de l’activité économique et une


meilleure répartition des richesses. Par exemple, cela implique de favoriser certains groupes sociaux
tels que les minorités, les jeunes diplômés qui font face un grand taux de chômage. De même, les
MPI peuvent être un instrument d’ajustement des inégalités régionales et ethniques, sources de
tensions et d’instabilités politiques. Il s’agit également par le biais des marchés publics, de promou-
voir une meilleure place pour tous les genres dans la société et de donner une chance à des catégo-
ries de personnes obligées de surmonter des handicaps divers658.

Deuzio, l’industrialisation constitue un enjeu majeur essentiel pour une meilleure compétitivité des
PED sur les marchés mondiaux et dans le commerce international659, de même que pour la protec-
tion des intérêts nationaux face à la concurrence internationale. L’instrumentalisation des marchés
peut permettre d’introduire les nationaux ayant une certaine expertise dans des projets bénéficiant
de financements publics afin de favoriser à terme l’émergence d’expertises nationales solides, gage
de compétitivité. Ces dispositifs peuvent être renforcés par la favorisation de groupements
d’entreprises impliquant des nationaux et des entreprises internationales dans des secteurs straté-
giques. Il s’agit également dans le contexte spécifique des pays en développement, de favoriser les
transferts de technologies660 à travers les marchés publics. Cela doit se matérialiser impérativement
dans les grands contrats de partenariat public-privés d’infrastructures qui nécessitent un lourd finan-
cement et un partage des risques entre l’État et le partenaire privé.

657
Voir les Objectifs de développement durables (objectif N°1) et ses cibles, notamment la cible 1.b « : Mettre
en place aux niveaux national, régional et international des principes de politique générale viables, qui se fon-
dent sur des stratégies de développement favorables aux pauvres et soucieuses de la problématique hommes-
femmes, d’accélérer l’investissement dans des mesures d’élimination de la pauvreté »
658
ODD N°8.5 « D’ici à 2030, parvenir au plein emploi productif et garantir à toutes les femmes et à tous les
hommes, y compris les jeunes et les personnes handicapées, un travail décent et un salaire égal pour un travail
de valeur égale » ; aussi ODD N°10.4 « Adopter des politiques, notamment sur les plans budgétaire, salarial et
dans le domaine de la protection sociale, et parvenir progressivement à une plus grande égalité ».
659
Voir ODD N° 8.2 : « Parvenir à un niveau élevé de productivité économique par la diversification, la moderni-
sation technologique et l’innovation, notamment en mettant l’accent sur les secteurs à forte valeur ajoutée et à
forte intensité de main-d’œuvre »
660
Voir ODD N°9 ; ODD 12.a « Aider les pays en développement à se doter des moyens scientifiques et technolo-
giques qui leur permettent de s’orienter vers des modes de consommation et de production plus durables » ;
ODD N°17.6 « Renforcer l’accès à la science, à la technologie et à l’innovation et la coopération Nord-Sud et
Sud-Sud et la coopération triangulaire régionale et internationale dans ces domaines et améliorer le partage
des savoirs selon des modalités arrêtées d’un commun accord, notamment en coordonnant mieux les méca-
nismes existants, en particulier au niveau de l’Organisation des Nations Unies, et dans le cadre d’un mécanisme
mondial de facilitation des technologies » ;ODD N°17.7 « Promouvoir la mise au point, le transfert et la diffu-
sion de technologies respectueuses de l’environnement en faveur des pays en développement, à des conditions
favorables, y compris privilégiées et préférentielles, arrêtées d’un commun accord ».
265

Tertio, le renforcement du tissu économique national par la promotion des PME et


l’entreprenariat661. Comme tel est le cas aux États-Unis d’Amérique, réserver certains marchés exclu-
sivement à des PME et leur garantir des parts obligatoires dans tous les autres marchés plus volumi-
neux peut produire d’excellents résultats à long terme. Pour ce faire, sur le modèle de ce pays662 et
du Chili663, il est intéressant de créer des plateformes mettant en relation les soumissionnaires inter-
nationaux susceptibles de gagner des marchés importants avec les PME nationales (ou entre PME)
capables d’obtenir des lots ou d’être intégrés à la phase d’exécution. Ceci doit être complété avec
l’obligation pour les autorités contractantes de prévoir des dispositifs accompagnant ces processus.
Ces politiques peuvent permettre d’élever le taux d’insertion professionnelle des jeunes diplômés qui
font face un chômage croissant dans certains pays664.

Quarto, les MPI peuvent servir d’instrument pour obliger les entreprises à respecter les règles rela-
tives au droit du travail et à la condition de la main d’œuvre. Les soumissionnaires devront s’engager
en ce sens. En conséquence, les entreprises qui ne respectent pas ces règles, pourraient être exclues
des marchés à venir.

Enfin, les risques climatiques et environnementaux imposent une vigilance particulière dans la défini-
tion des besoins et dans les marchés publics de travaux et les PPP665. Dans le même sens,
l’instrumentalisation des procédures en y introduisant des critères environnementaux peut per-
mettre de promouvoir des marchés publics de l’aide au développement écologiquement respon-

661
Voir ODD N°8 et ses cibles, notamment la troisième : « Promouvoir des politiques axées sur le développe-
ment qui favorisent des activités productives, la création d’emplois décents, l’entrepreneuriat, la créativité et
l’innovation et stimulent la croissance des micro-entreprises et des petites et moyennes entreprises et facilitent
leur intégration dans le secteur formel, y compris par l’accès aux services financiers »
662
Voir la plateforme dédiée au small business act pour faciliter sa mise en œuvre et l’accès à l’information par
les entreprises américaines et les opérateurs économiques: https://www.sba.gov
663
Les PME chiliennes bénéficient d’une plateforme où elles sont enregistrées et visibles, qui facilite les parte-
nariats entre elles. Cette plateforme offre également de nombreux avantages pour faciliter les candidatures
des PME. Elle s’accompagne d’un soutien pour l’accomplissement des procédures si nécessaire et la mise à
disposition d’endroits où l’accès à internet est garanti y compris, dans les zones géographiques où la connecti-
vité est limitée. Depuis sa mise en place en 2007, la participation des PME dans les marchés publics a augmenté
drastiquement même si les grandes entreprises sont celles qui ont la plus grande part du marché en raison du
coût des contrats qu’elles remportent. Voir David Escobar, eliminating barriers for MSE’s in public procurement
marketplace of Chile, 3rd international public procurement conference proceedings, 28-30 august 2008,
http://ippa.org/images/PROCEEDINGS/IPPC3/Chapter52.pdf (consulté en novembre 2021)
664
Voir ODD N°8.
665
Voir ODD N°12.7 « Promouvoir des pratiques durables dans le cadre de la passation des marchés publics,
conformément aux politiques et priorités nationales » ; Voir ODD N° 7 ; Voir ODD N°8 cible 4 « Améliorer pro-
gressivement, jusqu’en 2030, l’efficience de l’utilisation des ressources mondiales du point de vue de la con-
sommation comme de la production et s’attacher à ce que la croissance économique n’entraîne plus la dégrada-
tion de l’environnement, comme prévu dans le cadre décennal de programmation relatif à la consommation et
à la production durables, les pays développés montrant l’exemple en la matière » ; ODD N°11.3 (urbanisation
durable), ODD N°11.5 (prévention et limitation de l’impact des catastrophes), ODD N°11.6 (réduire l’impact
environnemental négatif des villes par habitant) ; ODD N°13.2 « Incorporer des mesures relatives aux change-
ments climatiques dans les politiques, les stratégies et la planification nationales. » ; ODD N° 14, N°15
266

sables. Ceci représente une urgence au vu de la particulière fragilité de certains pays les moins avan-
cés devant les risques climatiques.

D’une manière générale, l’instrumentalisation des marchés publics doit servir de stratégie dans tous
les domaines sensibles pour le développement et ceux susceptibles de générer des ressources qui
feront la différence en matière de développement social et économique tels le domaine de
l’éducation, de l’agriculture, de l’extraction des ressources naturelles. Il appartient aux pouvoirs ad-
judicateurs d’imaginer les moyens les plus appropriés selon lesquels cette instrumentalisation peut
être mise en œuvre. Une utilisation ciblée des différentes variantes de partenariats-publics privés est
également possible. À ce titre, les schémas sont nombreux et doivent être adaptés aux situations
particulières selon le contexte du marché, la force des acteurs nationaux et locaux en présence dans
un secteur déterminé, le potentiel de développement de partenariats entre nationaux et entre na-
tionaux et candidats internationaux, la disponibilité de la main d’œuvre dans une zone géographique
précise, l’existence d’experts nationaux susceptibles d’intégrer les marchés d’un secteur précis afin
de renforcer le transfert de connaissance, de la sensibilité des problèmes socio-économique dans
une zone particulière ou un secteur particulier, de la contextualisation des problèmes climatiques et
environnementaux et de la possibilité de les atténuer à travers les marchés publics.

L’instrumentalisation des procédures requiert donc de véritables politiques stratégiques de la part


des gouvernements et peut s’insérer dans le cadre d’autres programmes nationaux (qui ne sont pas
tributaires des marchés publics) dans ces secteurs clés. De même, il est difficile d’identifier tous les
schémas de procédures et de contrats susceptibles d’être incorporés dans les procédures de marchés
publics pour les instrumentaliser et les mettre au service des aspects critiques du développement.
Cependant, en plus des choix de politiques que nous avons énoncés à la lumière du droit comparé,
on peut retenir, comme le souligne la professeure Sue Arrow SMITH que les schémas d’incorporation
des politiques d’instrumentalisation dans les procédures, gravitent autour de quelques possibilités
essentielles que l’on peut identifier666. Ainsi, selon elle, le pouvoir adjudicateur peut procéder :

*en décidant de ne pas acheter/attribuer le marché si certaines conditions particulières ne sont pas
remplies ou en précisant strictement les conditions selon lesquelles il achète/attribue.

666
Elle en identifie neuf parmi lesquelles nous avons sélectionné celles-ci. Voir S. Arrowsmith, horizontal poli-
cies in public procurement: a taxonomy, journal of public procurement, vol. 10, issue 2, 2010, pp 149-186
Consulté sur :
https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiwgqCwu6TzAhVNExoK
HWPDA4cQFnoECAwQAQ&url=https%3A%2F%2Fnottingham-
repository.worktribe.com%2FOutputFile%2F1012320&usg=AOvVaw3S9ciiC0Sw_iZ1XZ2TrG2K (consulté en
novembre 2021).
267

*en introduisant les critères spécifiques dans les obligations contractuelles du marché de façon à les
rendre obligatoire dans la phase d’exécution, sous peine de rupture du contrat ou comme de simples
objectifs contractuels sans mention d’une condition de rupture du contrat. Dans ce cas, c’est le con-
trat qui leur donne une force sans qu’ils ne soient nécessairement des critères d’évaluation ou
d’attribution du marché.

* en disqualifiant d’entrée de jeu les entreprises qui ne respectent pas certaines normes liés aux cri-
tères qu’il souhaite inclure. Cela peut par exemple se faire par le biais de marchés négociés ou res-
treints à une liste de soumissionnaire arrêtée après une pré-qualification.

* en introduisant les éléments d’instrumentalisation du marché sous la forme de critères explicites


auxquels une pondération plus ou moins importante est attachée pendant l’évaluation.

* en utilisant des mécanismes de traitement préférentiel favorables aux offres émanant d’une cer-
taine catégorie ou en réservant des lots à ces catégories dans le cadre d’un marché plus vaste.

Eu égard à tous ces enjeux, lorsqu’on observe les règles, pratiques et résultats actuels des parte-
naires financiers dans les MPI, il nous apparaît qu’il est important d’améliorer le cadre juridique de
l’instrumentalisation des MPI pour atteindre les objectifs de développement durable.

II- Un cadre juridique de l’instrumentalisation des MPI adéquat mais une application miti-
gée

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, les facultés d’instrumentalisation des marchés publics
correspondent à de nombreux objectifs de développement durable tels que libellés dans l’agenda
2030 des nations unies. Aussi, la cible 12.7 des ODD précise-t-elle la nécessité de « Promouvoir des
pratiques durables dans le cadre de la passation des marchés publics, conformément aux politiques et
priorités nationales ». Partant, un tel objectif est également assigné à l’aide publique au développe-
ment. Il est notable que la plupart des textes des institutions multilatérales et bilatérales de finan-
cement des projets de développement incluent des directives permettant aux pays bénéficiaires
d’intégrer des considérations d’ordre social et environnemental dans leurs marchés. Il est aussi no-
table que leurs pratiques en la matière, à l’instar de celles des États, ont progressé sur la dernière
décennie afin d’embrasser cette donnée667. Il en résulte que leurs directives concernant ces aspects
ont évolué et se sont précisés (1). Néanmoins, la pratique révèle que même si le cadre juridique a
évolué, les pratiques durables sont insuffisamment mises en œuvre dans les MPI. Elles devraient
donc être encouragées davantage (2).

667
Ce constat est confirmé par une étude du Programme des nations unies pour l’environnement (PNUE). Voir
PNUE, LE Panorama mondial des achats durables, 2017, p36.
268

1- Une prise en compte suffisante des objectifs socio-économiques et environnementaux dans les
textes régulant la passation des marchés publics des institutions de financement du dévelop-
pement

a) Évolution du cadre juridique de l’instrumentalisation des MPI à travers les règles


des institutions de financement : cas de la Banque Mondiale

En se référant, au règlement de passation de marchés de la Banque Mondiale, on note une nette


évolution et une précision relativement aux possibilités d’instrumentalisation des marchés publics
par les entités bénéficiaires des financements. Ainsi, même si les directives de 2011 mentionnaient
que le dossier d’appel d’offres devait indiquer les critères autres que le prix qui seraient pris en
compte dans l’évaluation des offres et préciser la façon dont ils seraient appliqués pour déterminer
l’offre évaluée la moins-disante668 ; on note toutefois que la vision qui était promue de ces critères
restait limitative et les directives précisaient qu’ils devaient être dans la mesure du possible exprimés
en termes monétaires669, l’application d’un coefficient de pondération n’était qu’exceptionnellement
possible670.

Cependant, d’une part, dans les directives de 2016, il apparaît que les questions relatives à la possibi-
lité de mettre en œuvre des considérations durables sont abordées de manière plus large671. Le rè-
glement reconnaît que les exigences de pratiques durables peuvent porter sur des aspects écono-
miques sociaux et environnementaux jugés opportuns par l’emprunteur. Celles-ci pourront être iden-
tifiées préalablement, par exemple dans le cadre d’une politique nationale préexistante, ou révélées
à l’occasion de l’étude de marchés, l’analyse des affaires ou de l’environnement opérationnel, voire
par l’étude d’impact environnemental et social du projet. Ainsi, les directives précisent que
l’emprunteur peut introduire des « pratiques durables supplémentaires », relativement à celles déjà

668
Voir point 2.52 des directives de passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (autres que
des services de consultants) de la BM, version 2011
669
« Pour les fournitures et le matériel, ces critères peuvent être notamment le calendrier de paiement, le délai
de livraison, les coûts d’exploitation, le rendement et la compatibilité du matériel, le service après-vente et la
possibilité de se procurer des pièces de rechange, et les avantages au plan de la formation offerte, de la sécurité
et de l’environnement. Les éléments autres que le prix qui serviront à déterminer l’offre évaluée la moins-
disante devront, dans la mesure du possible, être exprimés en termes monétaires, suivant les critères définis
dans les dispositions du dossier d’appel d’offres concernant l’évaluation », voir point 2.52 des directives, idem.
669
« Exceptionnellement, un coefficient de pondération peut être prévu lorsque les spécifications ne peuvent pas
être précisément définies ou que des éléments autres que le prix ne peuvent pas être exprimés en termes moné-
taires, tels que pour la passation de marchés relatifs à des technologies complexes de l'information et de ma-
nuels scolaires. », idem, note de bas de page N°54 de la directive.
670
« Exceptionnellement, un coefficient de pondération peut être prévu lorsque les spécifications ne peuvent pas
être précisément définies ou que des éléments autres que le prix ne peuvent pas être exprimés en termes moné-
taires, tels que pour la passation de marchés relatifs à des technologies complexes de l'information et de ma-
nuels scolaires. », idem, note de bas de page N°54 de la directive
671
Point 5.12 du règlement de passation des marchés dans le cadre du financement de projets
d’investissement de la Banque Mondiale, version de 2016, Op. Cit. ; annexe VII idem
269

prévues par le règlement672. Ce vocable exprime aussi le fait que les pratiques propres de
l’emprunteur émanant des législations nationales en matière d’instrumentalisation des marchés pu-
blics pourraient être appliquées dans le cadre des marchés financés par l’institution, de même que
celles émanant de pures considérations d’opportunités. En outre, dans le règlement de 2016, on
note, contrairement aux directives qui l’ont précédé, qu’une annexe particulière a été dédiée à
l’explication des modalités d’introduction de ces critères dans le processus de passation673. Par
exemple, la mise en œuvre des pratiques durables est possible à différents stades du processus de
marché674. On peut noter spécifiquement que les critères de qualification permettent de prendre en
compte des notes (au contraire du prix) lorsqu’il s’agit de critères portant sur des avantages qui ne
sont pas quantifiables675. C’est le cas des critères portant sur les pratiques durables676.

La mise en œuvre de pratiques durables supplémentaires n’est pas une obligation pour
l’emprunteur. Il ne s’agit que d’une simple faculté677.

Il importe de noter que le règlement prévoit des conditions quant aux exigences de pratiques du-
rables. Sans être exhaustif, on peut noter qu’elles doivent être compatibles avec les principes fon-
damentaux de passation de marchés de l’institution. Leur validité est conditionnée par une mention
claire d’une telle intention depuis l’étape de planification de la stratégie de passation des marchés.
La nécessité de transparence et d’égalité entre soumissionnaires dans la concurrence exige que le
dossier d’appel d’offres stipule les critères d’évaluation et de qualification relatifs aux pratiques du-
rables et que les modalités de leur évaluation soient connues d’avance. De plus, les critères de pra-
tiques durables doivent s’appuyer sur des données vérifiables et sur des références en matière de
label social ou d’écolabel, ou des informations recueillies auprès des parties prenantes du secteur
industriel, de la société civile et d’agences de développement internationales. En outre, les critères
ne doivent pas être orientés de façon à faire appel à des solutions propriétaires ou à désigner une
seule entreprise sauf si cela est justifié d’une manière jugée satisfaisante par la banque.

D’une manière générale, il convient de dire que la banque garde un droit de regard sur l’admission
de ces critères par le biais de ses contrôles avant, pendant et après la procédure de passation et

672
Voir annexe VII, point 1.1 ibid.
673
Voir annexe VII, ibid.
674
Pré-qualification/ Sélection Initiale des entreprises ; cahier des charges fonctionnel ou technique détaillé,
critères d’évaluation, conditions des contrats, suivi de l’exécution des contrats (voir annexe VII, point 2.2)
675
Voir annexe X points 2 et 3.
676
Voir idem, point 3.4.c spécifiquement
677
Annexe VII, point 1.1
270

d’exécution du marché. Dans tous les cas, leur introduction requiert un accord préalable de
l’institution678.

D’autre part, dans les marchés de la Banque Mondiale, la possibilité d’instrumentalisation des procé-
dures à travers des critères de durabilité tels que prévus par les directives de 2016 s’ajoute aux
règles de préférences de prix qui ont longtemps constitué la modalité phare d’instrumentalisation
des procédures ouverte aux emprunteurs. De fait, celles-ci ont été introduites en 1965 dans le but de
favoriser le développement de l’industrie locale en lui permettant de bénéficier d’une part plus im-
portante des MPI financés par la Banque679. Ces préférences s’appliquent uniquement dans le cadre
de processus concurrentiels internationaux ouverts de passation de marché680. Les préférences de
prix s’appliquent selon l’origine nationale des produits, dans le cadre des marchés de fournitures ou
l’origine nationale des entreprises candidates pour les marchés de travaux. Aussi, l’application de la
marge de préférence est facultative ; elle dépend de la volonté de l’emprunteur, mais doit être men-
tionnée dans le dossier d’appel d’offres. Elle s’applique comme suit681 :

*Primo, en ce qui concerne les fournitures, celles fabriquées dans le pays de l’Emprunteur jouissent
d’une préférence, par rapport aux fournitures fabriquées à l’étranger. Pour appliquer ladite préfé-
rence, le prix des fournitures fabriquées à l’étranger est relevé de quinze pour cent (15 %). Il convient
de préciser que dans le cadre de cette préférence, peu importe la nationalité du soumissionnaire,
seule compte l’origine des fournitures.

Pour la mise en œuvre de la préférence, les offres sont classées en trois groupes :

Le groupe A682 :

« Les offres et propositions portant exclusivement sur une offre de fournitures fabriquées dans le pays
de l’Emprunteur, à condition que le soumissionnaire ou le proposant prouve d’une manière jugée
satisfaisante par la Banque

i.e. que la main-d’œuvre, les matières premières et les composants, y compris le transport sur le sol
national et l’assurance, provenant du pays de l’Emprunteur représentent au moins 30 % (trente pour
cent) du prix départ usine (EXW) du produit proposé ; et

678
Voir règlement de passation des marches, Op. Cit. point 5.12
679
Voir Sope Elegbe Williams, public procurement and multilateral development banks: law, practice and prob-
lems, p156. Op. Cit.
680
Règlement de passation des marchés, annexe VI.2.
681
Voir point 5.51 des directives de 2016
682
Voir Annexe VI des directives , ibid.
271

ii. que le site de production, dans lequel ces fournitures seront fabriquées ou assemblées, ait une acti-
vité de fabrication ou d’assemblage de ces fournitures au moins depuis la date de soumission de
l’offre ou de la proposition »

Le groupe B :

« Toutes les autres offres ou propositions portant sur des fournitures fabriquées dans le pays de
l’Emprunteur »

Le groupe C :

« Les offres ou propositions portant sur des fournitures fabriquées en dehors du territoire national qui
ont déjà été importées ou le seront directement »

Afin de comparer ces offres et d’appliquer la préférence, lors d’une première étape de comparaison,
les offres les plus avantageuses des trois groupes sont comparées. Lorsqu’une offre des groupes A
ou B est la meilleure, celle-ci est sélectionnée aux fins d’attribution du marché. En revanche, si c’est
une offre du groupe C qui est considérée comme la plus avantageuse à l’issue de la première étape
de comparaison, une seconde étape comparaison a lieu entre les offres les plus avantageuses des
groupes A et C. Pour procéder à celle-ci, un montant égal à 15% est d’abord ajouté au prix683 évalué
des fournitures proposées dans chaque offre ou proposition du Groupe C. Les deux prix tiendront
compte des remises fermes et seront corrigés des éventuelles erreurs de calcul. Après cette seconde
comparaison tenant compte de la marge de 15 % indiquée, si l’offre du groupe A l’emporte, le mar-
ché lui est attribué. Sinon, c’est l’offre du groupe C déterminée selon la première étape qui
l’emporte684.

* Deuzio, en ce qui concerne les marchés de travaux, si le pays est éligible à la préférence685, lors de
la comparaison des offres, les entreprises nationales éligibles (selon les critères arrêtés par
l’emprunteur et approuvés par la Banque), bénéficient d’une préférence de 7.5% dans l’appréciation
de leur offre par rapport aux offres des entreprises étrangères. Le dossier d’appel d’offres doit men-
tionner clairement si cette préférence sera appliquée et comment elle le sera.

Aux fins d’application de la préférence, d’abord, l’emprunteur vérifie si les entreprises souhaitant
faire valoir la préférence nationale, correspondent aux critères de nationalité (propriété) tels qu’ils
ont été établi par lui et validé par la Banque. Ensuite, les offres sont réparties en deux groupes :

683
Des prix Incoterm CIP respectivement indiqués dans les différentes offres ou propositions pour les Fourni-
tures à importer ou déjà importées.
684
Voir annexe VI, point 2.1 à 2.5, idem
685
La préférence n’est ouverte qu’aux pays membres ayant un revenu national brut par habitant inférieur à un
certain seuil
272

Le groupe A : « contient les offres ou propositions émanant de soumissionnaires ou proposants admis


à bénéficier de la préférence »

Le groupe B : « contient les offres ou propositions émanant des autres soumissionnaires ou propo-
sants »

Afin de comparer ces offres et d’appliquer la préférence, dans une première étape d’évaluation, il est
procédé à une comparaison de toutes les offres ou propositions de ces groupes en vue de détermi-
ner la plus avantageuse de chaque groupe. Si à l’issue de cette première étape, il s’avère que c’est
une offre du groupe A qui est la plus avantageuse, le marché lui est attribué. En revanche si c’est une
offre du groupe B qui est jugée la plus avantageuse, il s’ouvre une seconde étape d’évaluation. Pen-
dant celle-ci, toutes les offres du groupe B seront augmentées d’un montant de 7.5% (corrigé des
éventuelles erreurs de calcul, en incluant les remises fermes mais en excluant les sommes provision-
nelles et, le cas échéant, le coût journalier des travaux) puis comparées à l’offre la plus avantageuse
du groupe A. Suite à cette seconde étape d’évaluation, si c’est l’offre ou la proposition du groupe A
qui est la plus avantageuse, le marché lui sera attribué. Dans le cas contraire, c’est l’offre ou la pro-
position la plus avantageuse du groupe B déterminée selon la première étape qui l’emporte686.

Enfin, on peut ajouter à la mise en place d’un cadre juridique favorable aux pratiques durables dans
les marchés publics de la Banque Mondiale et les marges de préférences, la possibilité de favoriser
les nationaux dans le cadre des marchés de services de consultants. En effet, le règlement de passa-
tion des marchés précise que « le transfert de connaissance et la présence de ressortissants du pays
de l’emprunteur, parmi le personnel clé peuvent constituer des critères, en fonction de la nature et
des besoins de la mission. »687. Cette possibilité, si elle est exploitée à bon escient et pratiquée dans
le cadre d’un objectif clair et ciblé par le pays emprunteur peut lui donner une marge de manœuvre
pour l’importation de savoirs utiles à son développement et son autonomisation dans des secteurs
déterminés, sur le long terme. Dans la grille des critères d’évaluation fixés par la banque pour les
marchés de consultants, tels que prévus dans le règlement, le transfert de connaissances et le critère
tenant au nombre de ressortissants du pays emprunteurs688 dans l’offre sont pondérés chacun à

686
Voir annexe VI, point 2.6 et 2.7
687
Voir annexe X, point 4.4
688
«Ressortissants du pays de l’Emprunteur parmi le personnel clé [tel que reflété par le nombre d’experts lo-
caux parmi les principaux experts (qu’ils soient présentés par des entreprises étrangères ou locales) et calculé en
ratio du temps des principaux experts locaux (en personne mois) sur le temps total des principaux experts (en
personne mois) dans la Proposition.] », Voir annexe X point 4.4, tableau 1
273

10% ; ce qui fait un total de 20%. Ces critères combinés sont assez significatifs pour offrir à l’entité
bénéficiaire un canevas d’action à l’échelle de plusieurs MPI de la banque.

b) Le cadre juridique de l’instrumentalisation dans les MPI des autres institutions de


financement du développement

Il est loisible de constater que la réglementation des MPI dans les autres institutions multilatérales et
bilatérales de financement du développement contiennent des règles semblables à celles de la
Banque Mondiale en dépit de quelques légères différences dans les approches.

 Le cas de la Banque Asiatique de Développement

Dans les directives de la Banque Asiatique de Développement, il est prévu que les bénéficiaires puis-
sent ajuster leurs règles de passation de marchés publics en vue de prendre en compte des considé-
rations de marchés durables, de nature sociales689. Ces objectifs justifient au titre des directives ci-
tées de faire appel à la participation de communautés locales ou des ONG. La mise en œuvre de ces
objectifs est limitée à la faculté d’attribuer des marchés aux communautés locales, mais elle précise
que celles-ci peuvent être sollicitées en raison de leurs savoirs locaux pour les marchés de fourni-
tures et de matériels, pour embaucher une main d’œuvre locale importante, faire valoir des techno-
logies adéquates. Ces objectifs sont assez larges et représentent des modalités d’instrumentalisation
des marchés publics financés par l’institution, en dépit des règles de concurrences. Toutefois, leur
utilisation est soumise à son approbation et doit être prévue dans l’accord de prêt et les documents
inhérents aux appels d’offres.

 Le cas de la Banque Africaine de Développement

On trouve des références similaires à celles de la BM dans les règles régissant les MPI de la Banque
Africaine de Développement. D’une manière générale, celles-ci perçoivent la notion d’efficacité de
marchés qu’elle finance, comme « la réalisation finale des résultats spécifiques en tenant compte des
objectifs socioéconomiques et autres objectifs de développement de l’Emprunteur »690. Elles prévoient
la possibilité d’introduire des critères durables liés aux aspects sociaux, économiques, environne-
mentaux, transfert de connaissances, technologiques691 etc… leur introduction peut s’appuyer sur
des politiques nationales préexistantes en la matière. À ce titre, l’introduction des critères de durabi-
lité dans les marchés de la BAD présente un éventail plus large, car en plus des marges de préfé-
rences pour le développement de l’industrie locale, elle peut s’aligner sur des politiques nationales
promouvant des mises en réserve, des compensations, des régimes préférentiels ou des approches

689
Voir Asian Development Bank, Procurement Guidelines, point 3.17
690
Voir Politique de passation des marchés des opérations financées par le Groupe de la Banque, 3.2.c
691
Idem. Point 8.10 à 8.12
274

novatrices similaires692. La politique de passation insiste sur l’importance du transfert de connais-


sance en tant que facteur essentiel pour le développement et encourage sa prise en compte en tant
que principe dans tous les processus de passation des marchés693. Au vu du contexte africain, cette
disposition a une importance capitale.

En outre, la dimension du genre a une place importante dans les textes encourageant la mise en
œuvre de critères de durabilité dans les marchés financés par la BAD694. Il appartient à l’emprunteur
d’initier l’application des exigences de durabilité qui doit être acceptée par la BAD lors de l’évaluation
et des négociations. L’inclusion de ces considérations devra respecter les principes fondamentaux de
passation des marchés de l’institution. Celle-ci veille à ce que ces exigences de durabilité soient con-
formes à leurs propres politiques695. Dans cette mesure, il est clair que la BAD incite les pays bénéfi-
ciaires à mettre en place des politiques d’instrumentalisation des marchés publics au niveau national
qui auront vocation à s’appliquer à tous marchés (notamment ceux sur le budget national) et pas
seulement ceux financés par elle. Cette approche est favorable à une prise en compte globale des
objectifs de développement à travers l’instrumentalisation des MPI.

Au total, il est évident que les directives des institutions multilatérales ont évolué pour mieux pren-
dre en compte dans leur approche de l’efficacité des marchés financés, la possibilité d’introduire des
critères ayant directement trait à des aspects du développement. Cette observation constitue un
grand pas. Ainsi, dans les MPI de la BM et des autres institutions multilatérales de financement du
développement, les règles relatives aux pratiques durables qui permettent d’instrumentaliser direc-
tement les procédures pour faire avancer des questions diverses liées aux aspects sociaux-
économiques, environnementaux bénéficient d’un cadre juridique adapté. Il est assez ouvert car il
peut s’appuyer sur ou renforcer les programmes nationaux. La seule exigence est le respect des prin-
cipes fondamentaux de la commande publique et les valeurs desdites institutions. En outre, il est
notable dans les marchés de la BM que l’introduction des pratiques durables, s’appliquent à tous les
types d’appels d’offres, contrairement aux préférences qui ne s’appliquent qu’aux appels d’offres
internationaux ouverts.

Pourtant, il apparaît que dans les faits, la réalité de l’instrumentalisation des MPI est plus contrastée
en termes de mise en œuvre, de rendement et de suivi.

692
Idem point 8.10
693
Idem poin 8.11
694
Voir idem point 8.12 ; Manuel des opérations de passation des marchés, partie A, vol 1, considérations gé-
nérales, 2018, point A7.1.20. ;
695
BAD, Guide marchés publics durables, décembre 2020, p12
275

2- Un impératif de renforcement et de suivi de l’application des règles introduisant les pratiques


d’instrumentalisation des MPI

La mise en œuvre des critères de durabilité étant facultative, il appartient à l’emprunteur d’utiliser
ces différentes marges de manœuvres de façon habile selon ses enjeux de développement mais aussi
selon leurs disponibilités en fonction de la nature du marché. Il a été mis en avant le fait que les
rendre obligatoire pourrait faire peser une contrainte excessive sur l’emprunteur dans le cas où elles
seraient concrètement difficiles à mettre en œuvre. En outre, elles complexifient les règles de passa-
tion et l’évaluation696. Il pourrait en résulter des difficultés dans l’attribution des marchés et des con-
séquences subséquentes sur les projets de développement. Par exemple, comme nous l’ont indiqué
quelques cadres interrogés à la Banque Ouest Africaine de Développement dans le cadre de notre
stage, en matière de transfert de technologie et de savoir-faire, si l’emprunteur ne dispose pas des
infrastructures nécessaires pour absorber la technologie ou de personnels nationaux qualifiés pour la
transmission des savoirs , imposer ces conditions pour l’attribution du marché peut se révéler infruc-
tueux.

Dans ce sens, il est évident que l’instrumentalisation des MPI doit être menée dans le cadre d’une
politique globale et transversale coordonnée avec d’autres facteurs et acteurs sociétaux et écono-
miques. Par exemple, dans le cas des marchés publics « verts » destinés à favoriser le développe-
ment de technologies ayant une meilleure performance énergétique au niveau national, l’État doit
éviter de créer une dépendance totale de celles-ci à l’égard de ses marchés ; le but est de passer le
relais au secteur privé. Celles-ci doivent devenir compétitives dans l’économie de marché à terme
afin de favoriser l’innovation et leur capacité à maintenir les effets attendus sur l’économie,
l’environnement, la société, voire exporter leurs savoir-faire697. Sur le plan économique, industriel et
technologique, c’est en atteignant l’objectif de rendre les acteurs nationaux structurellement forts et
autonomes de façon à ce que le secteur privé devienne plus compétitif que l’instrumentalisation des
MPI portera ses fruits.

Or, nous n’avons pas trouvé de statistiques officielles ou un suivi permettant de savoir exactement
comment ces critères ont impacté des secteurs d’activité et contribué à créer les conditions structu-
relles de leur compétitivité. Pourtant, ce suivi est d’une importance capitale.

696
Voir Sope E. Williams, public procurement and multilateral development banks: law, practice and problems,
Op. Cit. p153
697
C’est une idée développée par Monsieur Frédéric Marty et que nous trouvons pertinente. Voir : Frédéric
Marty, les clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives économiques, Op. Cit. ; voir éga-
lement : McCrudden C., Using public procurement to achieve societal outcomes, Natural Resource Forum, vo-
lume 28, 2004, pp.257-267. Disponible sur : https://ccednet-rcdec.ca/sites/ccednet-
rcdec.ca/files/ccednet/pdfs/2004-mccrudden-public_procurement.pdf (consulté en novembre 2021).
276

Dès lors, les acteurs multilatéraux du développement qui jouent déjà un rôle en matière de réformes
structurelles doivent également s’impliquer davantage dans ce domaine en apportant une assistance
aux États bénéficiaires de leurs financements pour mettre en place des programmes efficaces et
transversaux d’introduction de critères de durabilité dans leurs marchés publics.

Il importe de rappeler que des études montrent que, les marges de préférences qui sont évoquées
dans les directives de la BM comme susceptibles d’aider l’industrie nationale, sont rarement utilisées
et ont produit peu d’impact sur les industries nationales, voire sur l’issue des appels d’offres698. Spé-
cifiquement, il apparaît que « les résultats de l'analyse des contrats d’appels d’offres internationaux,
de l'exercice 1999 à l'exercice 2009 montrent que la préférence nationale est en fait peu utilisée. Il n'y
avait que 153 contrats identifiés, d'une valeur de 280 millions de dollars US et d'une moyenne de 1,83
million de dollars US qui utilisaient la préférence nationale. Cela doit être mis en perspective avec un
total de 57 000 contrats pour des biens et pour des travaux financés par l'AID attribués au cours de la
même période, évalués à 63,7 milliards de dollars. Les contrats utilisant la préférence nationale repré-
sentent donc 0,3 % du nombre total de contrats et 0,4 % de la valeur totale. De plus, l'analyse montre
que l’usage des préférences nationales n’a pas eu un effet substantiel sur les résultats... Sur les 153
marchés dans lesquels la préférence nationale a été autorisée, il est estimé qu'il n'a potentiellement
affecté le résultat de l'attribution du marché que dans 12 marchés ayant une valeur combinée de 4,3
millions de dollars américains. Cela représente 8 pour cent des cas dans lesquels la préférence natio-
nale a été autorisée et un pourcentage extrêmement faible du total des contrats attribués. »699

Alors, vu que ces préférences existent depuis longtemps, il convient de poser la question autrement
en se demandant pourquoi, en dépit des enjeux importants d’industrialisation et de renforcement
des économies locales qui leurs sont attachées, elles sont peu utilisées et produisent peu d’impact ?

698
L’IEG (independant evaluation group de la Banque Mondiale) sur les préférences dans les directives de
l’institution : Independent Evaluation Group (IEG), The World Bank group and Public Procurement : An Inde-
pendent Evaluation, vol. 2, achieving development effectiveness through procurement in Bank financial assis-
tance, Op. Cit.
699
“The results of the analysis of ICB contracts from FY99 to FY09 show that domestic preference (DB) is in fact
infrequently used. There were only 153 identified contracts, valued at US$280 million and averaging US$1.83
million that allowed domestic preference. This compares to almost 57,000 total contracts for goods and for
IDA-funded works awarded during the same period, valued at US$63.7 billion. The DP contracts, thus, account
for 0.3 percent of the total number of contracts and 0.4 percent of the total value. Moreover, the analysis fur-
ther estimates that DP rarely would have had a substantial effect on outcomes ... Out of the 153 contracts in
which DP was allowed, it is estimated to have potentially affected the outcome of the contract award in only 12
contracts with a value of US$4.3 million. This represents 8 percent of those cases in which DP was allowed and
an extremely small percentage of the total contracts awarded. ». Voir: Myrna. Alexander and Charles Fletcher
III, the use and impact of the Bank’s policy of domestic preferences, Review of the World Bank’s Procurement
Policies and Procedures, Op. Cit.
277

Cette question est centrale lorsqu’il apparaît que l’industrialisation reste toujours un enjeu majeur de
développement économique et social, surtout en Afrique Subsaharienne700. Partant, il va de soi qu’il
est indispensable de questionner la formulation et les modalités de mise en œuvre des préférences
nationales. De même, il est souhaitable de mettre en oeuvre des politiques spécifiques visant à en-
courager leur mise en application systématique.

Il appartient aux pays bénéficiaires de mettre en place des politiques cohérentes pour faire en sorte
que dans chaque marché, soit maximisé l’utilisation des préférences nationales et régionales. Ils doi-
vent aussi s’assurer que ces critères sont respectés lors du suivi du marché. En outre, ils doivent
mettre en place un système de monitoring qui permettra à des échéances courtes et moyennes de
déterminer leur efficacité par rapport aux secteurs et objectifs prédéfinis et les ajuster si besoin est.
Cela est important puisqu’il est démontré que ces critères ne fonctionnent pas seulement dans des
marchés à court termes et que leurs bénéfices ne peuvent se révéler que dans une approche cyclique
de la vie des ouvrages et des secteurs dont l’amélioration est visée701.

Il s’impose alors une coordination dans la définition des besoins, qui prenne en compte cette ap-
proche globale et cyclique sur plusieurs marchés d’une même catégorie et de catégories complémen-
taires. Par exemple, la protection de l’environnement peut dépendre à la fois de l’introduction de
critères de durabilité relatifs à la qualité des matériaux utilisés dans des marchés d’infrastructures
routières , de la nature des obligations qui peuvent être imposées au partenaire qui a la gestion de
l’infrastructure mais également de la qualité des autobus qui seront achetés dans le cadre d’un autre
marché. Dans un tel scénario, il est évident que l’objectif ne sera atteint que si une vision globale est
exercée.

Cela est d’autant plus important qu’il est avéré que la prise en compte de critères de durabilité ou la
mise en œuvre de préférences peuvent générer des coûts supplémentaires pour le pouvoir adjudica-
teur702. Certes, ces coûts peuvent être justifiés par l’objectif recherché, mais ils mettent aussi l’accent
sur l’impératif d’une approche fiable, condition sine qua none d’une stratégie qui n’exclut pas la ren-
tabilité économique.

Enfin, Il est important de rappeler que l’instrumentalisation des MPI vers des objectifs directs de
développement, à travers, aussi bien les marges de préférences que l’introduction des pratiques

700
Voir les objectifs de développement durable précités ; sur la nécessité de renforcer le rôle des marchés
publics dans l’industrialisation en Afrique Subsaharienne qui est la région la moins avancée en ce domaine. Voir
également : Christine Zhang, Jeffrey Gutman, aid procurement and the development of local industry: a ques-
tion for Africa, Op. Cit.
701
Voir Frédéric Marty, les clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives économiques,
op.cit. ; voir également Banque Africaine de Développement, Guide marchés publics durables, Op. Cit.
702
Voir Frédéric Marty, ibid.
278

durables fait face à un autre obstacle. De fait, il convient de la protéger contre la vague croissante
des dispositions contenues dans les accords de libre échanges et de libéralisation qui tendent à sup-
primer toutes formes de préférences nationales et de critères de traitement national dans les mar-
chés publics. Comme nous l’avons mis en avant dans cette thèse703, cela nécessite la plus grande
prudence et une vigilance lors de la négociation de ces accords ou lors de l’adhésion à ceux qui sont
déjà négociés et en vigueur.

703
Voir dans cette thèse, nos deux développements sur : les imbrications entre les MPI et le droit des investis-
sements internationaux (voir les pages 76 et s.) et les enjeux de l’accord de l’OMC sur les marchés publics pour
les MPI (voir les pages 101 et s.)
279

Conclusion du chapitre 1

En partant du principe d’efficacité de la commande publique qui a une place importante dans les
marchés publics internationaux, le cadre juridique de ceux-ci révèle quelques caractéristiques singu-
lières. D’abord, il apparaît que les principes de bases de la commande publique, connus en droit in-
terne sont les mêmes qui sous-tendent la recherche de l’efficacité dans cet instrument du finance-
ment du développement. Les principes d’égalité, de concurrence, de libre accès à la commande pu-
blique, de transparence sont les piliers des procédures. Ils garantissent à la fois le bon déroulement
de celles-ci et les intérêts du commerce international car c’est à travers eux que les autres objectifs
des MPI tel que la libéralisation du commerce international sont implémentés. Complété par des
règles comme le choix (sauf exceptions) de l’appel d’offres international ouvert, ils permettent de
renforcer au niveau des MPI, d’autres principes chers aux accords de libre-échange comme ceux liés
à la non-discrimination.

Au-delà de ces principes fondamentaux, le cadre juridique des MPI s’est adapté aux objectifs de dé-
veloppement durables. On note un renforcement des règles qui permettent aux entités bénéficiaires
d’intégrer de telles considérations dans leurs critères de choix ; celles-ci restant toujours soumises à
l’approbation des institutions de financement.

La notion de développement durable doit être aussi le lieu de prendre en compte les besoins spéci-
fiques aux pays en développement, dans des secteurs susceptibles de forger un développement à
long terme et une autonomie réelle, pour une compétitivité sur les marchés mondiaux. Or, à ce ni-
veau, même si des marges de manœuvre encourageantes existent pour l’utilisation des MPI en fa-
veur des transferts de technologie, de l’industrialisation, du renforcement des PME etc., elles restent
ténues et peu utilisées. De ce fait, elles doivent être suffisamment accompagnées au niveau structu-
rel par des politiques transverses pour qu’elles portent leurs fruits.

Par ailleurs, le cadre juridique des MPI montre que les valeurs véhiculées par les principes fondamen-
taux de la matière et la recherche d’efficacité qu’ils matérialisent, se confrontent aux réalités du droit
international économique et celles des relations internationales. Cette confrontation se joue sur le
terrain des intérêts des parties prenantes. Les conditionnalités politiques influençant les MPI peuvent
nuire à l’efficacité des procédures en privant les États bénéficiaires de marges de manœuvres affé-
rentes au choix de leurs politiques de développement. De même, les marchés liés et les règles
d’éligibilité contrarient les principes de libre concurrence et de libre accès à la commande publique.
Néanmoins, la recherche de l’efficacité et les politiques qui entourent le renforcement des principes
de la commande publique dans les MPI ont des aspects positifs. C’est le cas, lorsqu’il s’agit de renfor-
280

cer la fiabilité des procédures à travers la lutte contre la corruption. Le prochain chapitre sera consa-
cré à la suite de notre réflexion sur le cadre juridique des MPI et sa place stratégique dans le déve-
loppement, à partir des exigences de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption.
281

Chapitre 2

Une recherche d’efficacité confirmée à travers l’exigence de bonne


gouvernance et la lutte contre la corruption

La dynamique des marchés publics internationaux est ancrée dans l’idée que les différents finance-
ments qui viennent croiser les projets des États permettent de former un axe dans lequel les affaires
sont au service du développement. Cette vision est renforcée par le fait que les marchés publics
constituent une part importante des dépenses gouvernementales dans les pays en développement.
Cependant, cet objectif nécessite des conditions nécessaires à sa réalisation pour produire des résul-
tats satisfaisant. Dans le cas d’un état, ces résultats sont souvent le fruit de procédés qui se basent
sur des institutions et des hommes qui en sont les acteurs.

Comme le disait le poète anglais GEORGE GORDON (Lord Byron) : « les lois et les institutions sont
comme des horloges ; de temps en temps, il faut savoir les arrêter, les nettoyer, les huiler et les
mettre à l’heure juste ». Il est aussi un fait que les hommes ne sont pas toujours à la hauteur des
institutions et le champ des marchés publics internationaux n’est pas exempt de cette réalité.

À ce propos, il est très vite apparu que l’on ne peut pas valablement espérer que les marchés publics
internationaux jouent pleinement leur rôle dans la perspective du développement si des choix judi-
cieux et des stratégies idoines pour s’assurer de l’intégrité du processus font défaut. Aussi, tant par le
prisme des conventions internationales ou régionales plus spécifiques que par le truchement des
mécanismes spécifiques propres aux institutions multilatérales de financement et dans les législa-
tions des États, l’on s’aperçoit que la lutte contre la corruption est devenue centrale pour l’efficacité
des MPI.704 Le discours du président James Wolfenson en octobre 1996 lorsqu’il a pris les rênes de la
Banque Mondiale était un précurseur des mécanismes qui seront mis en place et de l’importance du
sujet. Il y employait notamment l’expression de « cancer de la corruption »705. Ainsi, la quête

704
On constatera cela dans le second paragraphe en mettant en avant ces instruments. Déjà on peut dire que
l’on retrouve des dispositions afférantes à la lutte contre la corruption dans tous les instruments qui se rappor-
tent aux MPI. Dans les traités européens relatifs à la coopération et les textes subséquents, dans l’accord de
l’OMC sur les marchés publics, la loi type CNUDCI sur les marchés publics, les directives des institutions multila-
térales etc…
705
« If the new compact is to succeed, we must tackle the issue of economic and financial efficiency. But we also
need to address transparency, accountability, and institutional capacity. And let's not mince words: we need to
deal with the cancer of corruption ». voir Annual Meetings Address by James D. Wolfensohn President, The
World Bank October 1, 1996,
http://documents.worldbank.org/curated/en/135801467993234363/pdf/People-and-development-annual-
meetings-address-by-James-D-Wolfensohn-President.pdf ; voir également Tina Søreide, Linda Röning
282

d’efficacité à travers les MPI s’inscrit dans une large mesure à travers la lutte contre la corruption et
la quête de la bonne gouvernance.

Selon « Transparency International» (ci-après TP), la corruption est sans conteste l’un des principaux
obstacles au développement des pays et des populations les plus pauvres et à la réalisation des ob-
jectifs de développement durable en matière d’éducation, de santé publique et d’accès aux services
essentiels à la vie.706 L’organisation non gouvernementale pionnière en matière de lutte contre la
corruption définit cette notion comme un comportement des agents publics, qu’ils soient élus ou
fonctionnaires, par lequel, ils ou ceux qui leur sont proches s’enrichissent de façon indue et illégale
en utilisant de façon détournée le pouvoir public qui leur est confié. La corruption s’étend cependant
sur une dimension plus large en ce qui concerne les marchés publics internationaux car elle concerne
tout le processus préalable au lancement du marché, celle de sa de passation et de son exécution, de
même que celui post-exécution. Elle concerne également toutes les parties prenantes publiques,
privées, voire la société civile. TP estime à environ 2 billions de dollars américains, le montant des
détournements qui ont lieu dans les marchés publics chaque année au niveau mondial707. La corrup-
tion se situe donc à toutes les étapes du marché ; qu’il s’agisse de la phase d’élaboration des besoins
à la base des marchés qui nécessitent l’intervention d’experts, la préparation des documents qui
stipulent les conditions des offres, la sélection de l’offre la plus avantageuse, la réalisation du marché
et même dans les procédures d’audit qui servent à vérifier la conformité du résultat avec l’offre.708

Évoquer la question de la corruption dans ce chapitre n’a pas pour objectif unique de réfléchir en
détails sur la pratique elle-même. Il s’agira surtout d’établir le constat que ce phénomène est au
cœur de la dynamique des marchés publics internationaux en tant que moyen d’atteindre l’efficacité
dans le financement du développement. Ainsi, le premier paragraphe sera consacré à la réflexion sur
les implications de la corruption sur les MPI. Le second évoquera les moyens mis en œuvre dans le
Droit international et le cadre juridique spécifique des MPI pour lutter contre la corruption et favori-
ser la bonne gouvernance.

Paragraphe 1- Les implications de la corruption sur la dynamique du développement dans


les MPI

Rasmus Wandall, an Efficient Anticorruption Sanctions Regime? The Case of the World Bank, Chicago journal of
international law, vol 16, N°2, p523-552, voir p528 précisément
706
Voir lettre trimestrielle de Transparency International(France), n° 31, décembre 2006. P 2
707
Voir rapport, Transparency International, « Curbing corruption in public procurement, a practical guide »,
2014, p8. 40p
708
Voir rapport Transparency International. « Handbook for curbing corruption in public procurement. », 2006,
p 14 et s, 233p
283

La corruption dans les marchés publics internationaux constitue l’un des éléments qui est susceptible
d’émietter et de rendre inefficace tous les avantages qu’un pays en développement pourrait tirer des
financements alloués et des projets. Pourtant, comme l’a souligné le rapport de Transparency Inter-
national ; les marchés publics sont le domaine dans lequel il est plus tentant et plus juteux pour les
personnes chargées des fonctions publiques de mettre en place et/ou d’accepter des pratiques cor-
ruptrices.

La corruption se manifeste généralement par des pots de vins aux autorités chargées des marchés
afin d’obtenir de leur part des décisions favorables, le dévoilement de secret pouvant apporter un
avantage à un concurrent ou plus de flexibilité dans l’évaluation de l’offre. L’initiative de telles atti-
tudes peut provenir à la fois de l’autorité elle-même ou du soumissionnaire. Il serait en effet erroné
d’imaginer que la corruption est un système qui fonctionne dans un seul sens ; id est celui exclusif
des pouvoirs adjudicateurs et que les candidats ou potentiels candidats se tiennent eux-mêmes en
laisse en se subordonnant aux seules règles de la concurrence. Il faudrait être pleinement conscient
que la lutte contre la corruption est une affaire délicate tant elle implique de nombreux acteurs et
tend à se confondre avec des pratiques culturelles. Les états développés et leurs firmes multinatio-
nales ne sont pas exempts de tous reproches dans les phénomènes de corruption se produisant dans
les marchés publics internationaux au sein des Pays en développement.709

La corruption peut de ce fait se situer à tous les niveaux du processus de passation de marché. Cette
réalité constitue naturellement un poison et un frein aux avantages socio-économiques que produi-
rait la bonne gouvernance.

La prise en compte de la notion de corruption dans les marchés publics internationaux implique de
mettre en avant sa manifestation concrète en l’évoquant sous l’angle de la bonne gouvernance dans
l’efficacité des MPI (I) Ensuite, il est judicieux d’évoquer les moyens par lesquels la corruption peut
compromettre la quête d’efficacité, dans chaque étape de la vie du marché. (II)

I- L’impératif d’une « bonne gouvernance »

1- Qu’est-ce que la bonne gouvernance ?

709
A ce sujet, un rapport de la Banque Mondiale mettait en exergue la prise en otage des États par les firmes et
les bureaucrates qui créent le moule adapté à leurs besoins afin d’agir impunément dans les économies en
développement. Cette enquête a été réalisée sur la base de questionnaires adressés aux entreprises de toutes
tailles. Il est clairement apparu que les entreprises opèrent de diverses manières. Elles disposent de connivence
avec les plus hauts sommets de l’États, disposent des moyens d’influencer les règlements des litiges et le pou-
voir judiciaire, financent des partis politiques et des campagnes etc…
Voir, World Bank, JOEL S. HELLMAN, GERAINT JONES, DANIEL KAUFMANN, MARK SHANKERMAN, measuring
governance, corruption , and state capture. How firms and bureaucrats shape the business environment in tran-
sition economies, Nov. 2000 , 45P
284

Le concept de bonne gouvernance est complexe et se rapporte à de nombreux aspects de la vie poli-
tique-économique-sociale tout en étant imprégnée de l’histoire d’un pays et des aspects liés à la
mondialisation dans le cas des pays en développement710. On ne peut donc le circonscrire véritable-
ment en le limitant à la lutte contre la corruption. Le choix de cet aspect est d’ordre méthodologique
pour limiter l’analyse de la bonne gouvernance au cadre juridique des MPI.

Ceci étant, le forum africain de la gouvernance (FAG) qui s’est réuni de 1997 à 2007 en sept sessions
élargies associant des chefs d’états et de gouvernements, des acteurs du développement avec
l’appui du PNUD et de la commission économique pour l’Afrique des Nations Unies rappelle qu’il
n’existe pas de modèle universel de bonne gouvernance qui soit universellement applicable. Cepen-
dant, au cours de ce forum, un certain nombre d’éléments ont été dégagés. Ainsi, la bonne gouver-
nance doit permettre de :

*créer, promouvoir et maintenir un environnement de paix, de stabilité, dans lequel les populations
peuvent mener les activités créatrices et productives de leur choix.

*Promouvoir et maintenir l’état de droit, des procédures prévues par la loi, la responsabilité et la
transparence, une meilleure compréhension des droits et obligations des citoyens

*Créer et maintenir un équilibre flexible, approprié et continu entre l’efficacité des forces du marché
et la disponibilité et la fourniture des biens et services publics.

*Créer un environnement porteur et les politiques, les mécanismes réglementaires et les processus
appropriés pour promouvoir le secteur privé en assurant une bonne gouvernance des entreprises,
évitant le clientélisme et la corruption, gérer les diversités, promouvoir et consolider l’égalité des
sexes

*Encourager la démocratie

La bonne gouvernance reprend dans une perspective de management, des ingrédients servant la
démocratie, le projet de société, le pacte social, la liberté, l’égalité, la participation mais également
les notions de gestions et de partage, d’équilibre entre les pouvoirs, de régulation et plus récemment
de développement durable711

710
Voir : Jonas Zadi, la question de la bonne gouvernance et des réalités sociopolitiques en Afrique : le cas de la
Côte d’ivoire, thèse de doctorat, Université Paris-Est, 2013, 414P
711
Voir, Albéric Kacou et Luc j. Grégoire, « les dimensions centrales de la gouvernance et les priorités pour
l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement » in « l’Afrique et les défis de la gouvernance »,
programme des nations unies pour le développement, Ed. Maisonneuve & Larose, 2008 p 32 et s, 851P
285

2- Bonne gouvernance et efficacité dans les marchés publics internationaux

Afin que les marchés publics internationaux soient un véritable moteur de développement, on ne
peut se passer des bonnes pratiques et de la bonne gouvernance dans les choix, la passation et
l’exécution des marchés. La corruption détourne les deniers publics alloués aux marchés de leurs
véritables objectifs économiques et sociaux. Elle engendre des décisions inappropriées qui gonflent
les coûts et peuvent déboucher sur des services et biens de mauvaise qualité712. Ceci constitue un
danger financier, un risque pour l’environnement et dans le cas de certains marchés publics, pour la
vie humaine. Il y a des cas d’infrastructures publiques qui se sont effondrées en provoquant des
pertes de vies humaines du fait de leur mauvaise qualité ou de complaisance dans l’évaluation de
leur état de sécurité713. Comme l’écrivait le politologue Vincent Ostrom, les politiques des marchés
publics doivent être l’un des piliers dans la démarche vers une culture civique et administrative plus
démocratique.714

Il nous semble que les marchés publics internationaux peuvent contribuer grandement à promou-
voir l’état de droit dans les PED. Il est vrai, cet objectif passe par les changements de mentalités,
d’autres politiques structurelles connexes et le renforcement des règles de transparence. On peut
néanmoins espérer que les changements en cours produisent des résultats probants et que ces mo-
difications de mentalité du fait des actions de lutte contre la corruption dans les MPI, s’enracinent
dans la société. En favorisant, des changements d’habitudes, créer une dynamique de justice au sein
de l’administration d’une manière générale peut s’étendre de façon vertueuse à toute la société et
favoriser la confiance dans les institutions publiques715. Ceci est d’autant plus vrai que, le dévelop-
pement ne peut se passer d’un minimum de justice sociale, qui est source de stabilité politique et
d’un climat rassurant pour les investisseurs, autant que propice à l’innovation et l’implication ci-
toyenne. D’où, sur un plan pratique, la bonne gouvernance dans les marchés permettrait d’attirer
plus d’investisseurs (aussi bien étrangers que locaux) du fait que le climat économique sain inspire
une confiance à ces derniers. À l’inverse, l’absence de règles concrètes et de transparence découra-
gera les entreprises et le développement économique pâtira de cette situation. Les investisseurs

712
Voir rapport Transparency International. « Handbook for curbing corruption in public procurement. », 2006
Op. Cit. P23
713
On a dans cet article du journal la croix de nombreux exemples classes chronologiquement.
https://services.la-croix.com/webdocs/timeline/chronologie_ponts/index.html consulté en novembre 2021
714
Vincent. Ostrom, “the intellectual crisis in american public administration” 2 nd Ed., 1989, university of Ala-
bama Press. In S. Arrow Smith et Martin Trybus, “public procurement, the continuing revolution”, Boston
Kluwer law international, 2003, 336P, pp 13-22
715
Sur la question du cercle vertueux que crée l’absence de pratiques corruptrices et la confiance dans les insti-
tutions publiques : OCDE, preventing corruption in public procurement, 2016, 32P, PP12 et 19 ; OCDE, Corrup-
tion dans les marchés publics : méthodes, acteurs et contre-mesures, 2007, 115P, p10 ; Transparency Interna-
tional, Handbook for curbing corruption in public procurement, Op. Cit. P31
286

étrangers préfèrent en effet investir dans des pays où les règles qui gouvernent les marchés sont
claires et offrent un cadre propice à des prévisions fiables. La corruption constitue même dans ce
sens une barrière au commerce international716. Enfin, selon les politiques actuelles appliquées par
les institutions publiques et privées de financement, l’image que donne un État en matière de bonne
gouvernance est importante pour l’acquisition de financements.

II- l’incidence de la corruption sur les phases de passation des marchés

La passation des marchés publics peut se résumer à quelques points essentiels à travers lesquels
nous mettrons en exergue l’incidence de la corruption dans chacune d’elle.717 Primo, la passation des
marchés publics internationaux répond à l’expression de certains besoins de la part du pouvoir adju-
dicateur. Deuzio, ces besoins font l’objet de la mise en place d’un dossier de consultation, de docu-
ments techniques sur la base desquels les soumissionnaires devront se repérer. Il est suivi par un
processus d’appel d’offre. Tertio, il intervient une phase de sélection de l’offre ayant présenté les
conditions les plus avantageuse et subséquemment l’attribution du marché et l’exécution du contrat.
Quarto, survient la phase du suivi de la mise en œuvre du contrat (audit, contrôle a posteriori etc.). Il
appert que la corruption peut s’immiscer dans toutes ces phases et gangréner les choix opérés d’une
manière générale.

1- La corruption dans la détermination des besoins

Les marchés publics internationaux doivent constituer un moteur efficace dans la réalisation des
objectifs de développement durable et l’accomplissement de la justice sociale. De ce fait, la phase de
détermination des besoins et d’identification des projets est très importante. C’est par ce biais que
les pouvoirs publics vont pouvoir faire des choix efficaces afin d’inscrire dans leurs actions, des tra-
vaux, fournitures ou services responsables et judicieux eu égard à la bonne gestion des moyens fi-
nanciers de l’État mais également par la prise en compte des besoins des populations718. À ce stade,
les conséquences des pratiques corruptrices peuvent donc s’avérer désastreuses. La corruption des
pouvoirs adjudicateurs peut mener à une mauvaise évaluation des besoins, intentionnelle ou due au

716
OCDE, Corruption dans les marchés publics : méthodes, acteurs et contre-mesures, 2007 Op. Cit.;
Voir aussi: Roberto Laguado Giraldo, a critic to the objectives of the global public procurement initiatives in the
context of the WTO. , Revista Colombiana de derecho internacional, juin 2005, Op. Cit.
717
Voir globalement pour ces différentes phases et l’impact de la corruption :Transparency International,
Handbook for curbing corruption in public procurement, Op. Cit. p 17 et s. Également, OCDE, preventing corrup-
tion in public procurement, Op. Cit.
718
L’adaptation aux besoins constitue l’un des principes fondamentaux des projets financés par la Banque
Mondiale. Voir, Règlement de passation (2016), Op. Cit. ; L’OCDE insiste sur l’importance de la phase de dé-
termination des besoins qui constitue la base de l’efficacité de toute la procédure. OCDE, le processus de passa-
tion de marchés : planification, préparation, attribution et suivi du contrat. 2008. ; OCDE, Corruption dans les
marchés publics : méthodes, acteurs et contre-mesures, 2007, Op. Cit
287

fait de collusion avec les experts, voire d’emploi de personnes ne disposant pas des compétences
pour la tâche d’évaluation du besoin et de définition des cahiers de charges. Ainsi, il a pu être consta-
té des scénarii dans lesquels, il a été fait mention de besoins ayant pour unique objectif d’attribuer
des faveurs719. Ensuite, il est possible qu’un marché soit prévu sans tenir compte de son impact so-
ciétal ou environnemental ; il n’est pas à exclure que les biens et services nécessaires soient suréva-
lués dans l’unique but d’en tirer des profits personnels720. De telles stratégies conduisent à intégrer
dans le budget de l’État ou des collectivités des prévisions qui ne satisfont pas des critères de déve-
loppement ou d’utilité socio-économique réels.

En outre, même si l’on note dans une certaine mesure, la participation des experts des institutions
internationales dans certains types de marchés dans la phase d’évaluation du projet, il est tout à fait
difficile de repérer cette corruption dans la mesure où c’est l’État souverain qui est le responsable
principal de ses projets de développement et que c’est le maître d’ouvrage qui détermine ses be-
soins. Si la corruption touche donc les sommets de l’État et les fonctionnaires en charge de la défini-
tion des besoins dans leurs administrations, elle n’en sera que plus catastrophique et les marchés
publics internationaux ne joueront que difficilement leur contribution au développement. Qui plus
est, la corruption peut se manifester par une sous-évaluation ou une mauvaise évaluation des risques
inhérents aux décisions concernant la viabilité du projet721.

2- La corruption dans la phase de préparation du marché

L’on entend par phase de préparation du marché, la phase pendant laquelle les documents de con-
sultations sont mis en place afin de spécifier les différents critères techniques et les objectifs, le ca-
lendrier, la détermination du type de marché etc… qui font l’objet de l’appel d’offre lui-même. Lors
de cette phase, il est possible que les documents ou les spécifications techniques soient rédigés de
façon à désigner un candidat particulier de telle sorte que le jeu de la concurrence soit faussé. Les
spécifications peuvent être rendues inutilement complexes de façon à compliquer la tâche aux sou-
missionnaires indésirables722. Ceci nécessite une vigilance particulière difficile à mettre en œuvre en
cas d’absence de probité et de collusions entre plusieurs acteurs, même s’il existe des contrôles de la
part des prêteurs ou des institutions qui financent le marché, voire dans certains cas un processus

719
Voir Giorgio BLUNDO, « DESSUS-DE-TABLE »La corruption quotidienne dans la passation des marchés publics
locaux au Sénégal, in Politique Africaine (Ed. Karthala), 2001/3 N°83, P79-97. DOI : 10.3917/polaf.083.0079 ;
voir aussi Transparency International, Handbook for curbing corruption in public procurement, pp32 et s. Op.
Cit.
720
Voir Giorgio BLUNDO, Ibid. ; voir aussi les cas de corruption dans le rapport de l’OCDE : OCDE, Corruption
dans les marchés publics, méthodes acteurs et contre-mesures, Op. Cit., p79 et s.
721
Voir Transparency International, Handbook for curbing corruption in public procurement, pp32 et s. Op. Cit.
722
Voir Ibid. P32 et s.
288

participatif qui nécessite l’approbation de ces derniers. Le choix du type d’appel d’offre peut égale-
ment influencer le jeu de la concurrence. Les intentions corruptrices peuvent favoriser des appels
d’offres restreints, des consultations directes avec les fournisseurs ou des procédures négociées qui
limitent de facto le nombre de candidats même quand cela n’est pas nécessaire723. Toutes les phases
étant interconnectées, il est indéniable que cela ne pourra que porter atteinte à la mise en œuvre du
projet et à l’efficacité recherchée.

3- La corruption dans la phase de sélection de la meilleure offre

La phase d’attribution du marché apparaît comme l’une des plus importantes car c’est celle qui va
déterminer d’une part l’offre capable de satisfaire les exigences financières du pouvoir adjudicateur
en évitant ainsi d’augmenter la facture pour un pays en développement en proie à une rareté des
financements. En outre, c’est dans cette phase que se fera un choix judicieux permettant de renfor-
cer les chances que le marché soit accompli avec une efficacité maximale. Or, selon Transparency
International724, cette phase serait l’objet de nombreuses pratiques corruptrices. Ainsi, les pouvoirs
adjudicateurs se laisseraient influencer en percevant des pots-de-vin. Il apparaît également qu’ils ne
respecteraient pas toujours les règles consistant à éviter en amont les conflits d’intérêts par le choix
juste des membres du comité qui évalue les propositions.725 Pour citer d’autres formes de procédés,
le rapport indique que des informations confidentielles sont transmises à certains participants avant
la soumission des offres ou pendant la phase de présélection. A l’inverse, il est possible d’utiliser la
confidentialité à des fins perverses en surprotégeant certaines informations de façon à rendre tout
contrôle ardu. Dans certains cas, il est même fait mention du fait que les motifs ayant conduit au
choix de l’offre remportant le marché n’aient pas été rendus publics.

723
Voir Giorgio BLUNDO, « DESSUS-DE-TABLE »La corruption quotidienne dans la passation des marchés publics
locaux au Sénégal Op. Cit.
724
Transparency International, Handbook for curbing corruption in public procurement, Op. Cit. P 19
725
Le problème des conflits d’intérêt dans le processus de passation des marchés publics est d’une importance
capitale si l’on veut combattre efficacement la corruption. Selon OHAD SOUDRY, en absence de mécanismes
efficaces de contrôle, les responsables des marchés publics sont tentés de mettre en avant leurs préférences
personnelles qui émanent de leurs intérêts personnels, des perspectives de carrière, des liens sociaux, des
contreparties financières. Ohad Soudry, A Principal-Agent Analysis of Accountability in Public Procurement, in
Gustavo Piga and K. Thai (Ed.),Advancing Public Procurement: practices, innovation andknowledgesharing ,
Boca raton Fl: pracademics press,2007,pp. 432-451 ; aussi: Christopher R. Yukins , addressing conflicts of inter-
est in procurement : first steps on the world stage following the UN convention against corruption, 3rd interna-
tional public procurement conference proceedings , 28-30 août 2008, PP 1169-1205
289

Il n’est pas difficile de se rendre compte que de telles pratiques mineront certainement la réalisation
du marché. Un système de connivence et de complaisance se poursuit toujours au-delà de la phase
d’attribution du marché lui-même726.

4- La corruption dans le suivi de la réalisation du marché

Quand le soumissionnaire est sélectionné, il est procédé à la signature du contrat qui contient une
grande partie des dispositions de l’appel d’offre. Ensuite, le marché conclu est attribué au soumis-
sionnaire choisi. Aussi, une fois que l’exécution du contrat commence, le pouvoir public adjudicateur
doit s’assurer que les services soient fournis conformément au contrat. Il peut effectuer des vérifica-
tions en amont par ses propres moyens ou par le biais de sous-traitant avec lesquels il existe un autre
contrat de maîtrise d’œuvre. Les structures de contrôle du budget et des marchés publics de l’État
peuvent également être amenées à intervenir. Ces différentes étapes ouvrent de nouvelles brèches
pour des actions corruptrices. Si le pouvoir adjudicateur ou les agents qu’il commet à cette tâche
reçoivent des pots-de-vin, il y a un risque que le suivi ne soit pas correctement effectué et que la
qualité de la prestation laisse à désirer727. Partant, il y aura des risques de dilapidation de l’argent
public et de frustrations qui entament la cohésion sociale. Dans le cas des marchés d’infrastructures,
on peut relever qu’il n’est pas rare de voir des routes en piteux état après seulement quelques mois
de mise en service dans de nombreux pays en développement. La remise en état nécessite des dé-
penses supplémentaires728. De plus, les marchés impliquant une renégociation du contrat ou sa pro-
rogation doivent être scrutés de près selon Transparency International. L’organisation non gouver-
nementale note que dans de nombreux cas, les personnes chargées des audits finaux sont influen-
cées et délivrent des certificats qui ne reflètent pas la réalité729.

D’une manière générale, il est évident que la corruption nuit à la bonne réalisation des marchés pu-
blics et au bon usage des fonds comme le reconnaissent de nombreux rapports des prêteurs ou des
donateurs, voire des structures de contrôle et la société civile dans les pays bénéficiaires. Dans cette
perspective, il devient intolérable de justifier cette pratique au nom d’habitudes culturelles comme
cet argument est souvent invoqué730. Le développement implique des changements et les marchés

726
Voir pour des exemples : Giorgio BLUNDO, « DESSUS-DE-TABLE »La corruption quotidienne dans la passa-
tion des marchés publics locaux au Sénégal, Op. Cit. ; voir aussi les cas de corruption dans le rapport de l’OCDE :
OCDE, Corruption dans les marchés publics, méthodes acteurs et contre-mesures, Op. Cit., p79 et s.
727
Transparency International, Handbook for curbing corruption in public procurement, Op. Cit. pp45-47
728
Voir Ibid.
729
Idem
730
Voir par exemple les cas cités et les propos rapportés dans l’article : Giorgio BLUNDO, « DESSUS-DE-TABLE
»La corruption quotidienne dans la passation des marchés publics locaux au Sénégal, Op. Cit.
290

publics doivent contribuer à ce changement vers l’acquisition d’une conscience civique et nationale
de la transparence.

Sur le plan juridique, qu’il s’agisse du niveau international, régional, des règles des institutions de
financement ou du niveau national, des moyens ont été mis en place pour lutter contre la corruption.

Paragraphe 2- Les moyens de la lutte contre la corruption dans les MPI

La corruption dans les marchés publics internationaux est un sujet qui a fait l’objet de nombreux
commentaires et focalise l’attention des acteurs du développement. Qu’il s’agisse des échelons na-
tionaux, régionaux ou internationaux, il existe une multitude de textes qui visent à apporter des ten-
tatives de solution à ce fléau. Nous mettrons donc en avant les instruments normatifs qui intervien-
nent dans la lutte contre la corruption. Il sera ensuite question d’analyser certaines mesures pra-
tiques appliquées par les institutions de financement du développement. Toutes ces approches vont
dans le sens du renforcement des principes phares, des objectifs et de la recherche d’efficacité des
marchés publics internationaux.

I- Les instruments normatifs de la lutte contre la corruption

La lutte contre la corruption dans les marchés publics internationaux relève de nombreuses initia-
tives à la fois internationale et nationale, de même que de la coopération entre les différents acteurs.

1- Les initiatives internationales

Les initiatives internationales de lutte contre la corruption sont nombreuses.

Primo, l’on peut citer les efforts des nations unies à travers la convention des Nations Unies contre la
corruption adoptée le 31 octobre 2003731. Elle est entrée en vigueur le 14 décembre 2005. En 2021,
on dénombre, 140 États parties à la convention. Produit des efforts entrepris par les États pour
mettre en place des principes en matière de lutte contre la corruption au sein des nations unies,
cette convention cible différents types de corruptions dont celles ayant cours dans le domaine des
marchés publics internationaux. L’article 8 instaure un code de bonne conduite des agents publics
qui est basé sur les engagements des États parties à encourager l’intégrité, l’honnêteté et la respon-
sabilité chez ces derniers. En outre, pour renforcer cet engagement, les États doivent prévoir de
telles dispositions dans leurs ordres juridiques internes, régionaux et interrégionaux. Par ailleurs,
dans l’article 9 de la convention, qui s’intéresse spécifiquement à la passation des marchés publics et

731
Voir http://www.unodc.org/pdf/crime/convention_corruption/signing/Convention_f.pdf
291

la gestion des finances publiques, il est stipulé certaines obligations incombant aux États parties. Il
s’agit essentiellement des obligations de transparence et de clarté de la procédure de passations des
marchés. Le même article fait également de la responsabilité des États, la mise en œuvre des recours
efficaces qui garantissent des voies de droit en cas de non-respect des règles établies ou de contesta-
tion. Cette idée abonde dans le sens de l’article 6 du même accord qui prévoit la création par les
États d’institutions crédibles dotées des pouvoirs nécessaires pour lutter contre la corruption. Enfin,
il est intéressant de remarquer que les dispositions de la convention encouragent l’entraide. Par
exemple, il est prévu dans l’alinéa 3 de l’article 6 que « chaque État partie communique au secréta-
riat général de l’organisation des Nations Unies le nom et l’adresse de l’autorité ou des autorités sus-
ceptibles d’aider d’autres parties à mettre au point et à appliquer des mesures spécifiques de préven-
tion de la corruption ». Les autorités compétentes des différents États se sont engagées à communi-
quer entre elles des informations relatives aux actes de corruption et à faciliter l’entraide judi-
ciaire732. La convention des nations unies apparaît comme ambitieuse et édicte des règles strictes
pour encadrer la corruption.

Deuzio, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique) mène de nom-


breuses actions dans l’optique de la lutte contre la corruption. À ce titre, l’organisation a publié plu-
sieurs documentations qui constituent à la fois une mine d’informations pour le public et toute per-
sonne désireuse d’en savoir plus sur la corruption dans les marchés publics. Plus encore, il s’agit de
références dont peuvent s’inspirer les acteurs des marchés publics. C’est le cas du guide des
« bonnes pratiques de A à Z » paru en 2007 sur l’intégrité dans les marchés publics.733 Aussi, il est
indispensable de citer la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics
étrangers dans les transactions commerciales internationales. Cette convention a été adoptée le 17
décembre 1997 et est entrée en vigueur le 15 février 1999. Elle comporte 44 signataires dont les
pays membres de l’organisation et 6 non-membres. Dans la mesure où la corruption est un phéno-
mène international qui concerne aussi bien les entreprises soumissionnaires dans les appels d’offres
internationaux que les pouvoirs adjudicateurs dans les pays en développement, l’incrimination de la
corruption avec une idée de transversalité apparaît capitale. En outre, la convention inclut une re-
commandation du comité d’aide au développement sur les clauses anti-corruption à intégrer dans les
contrats relatifs aux marchés financés par l’aide bilatérale. Le comité reconnaît ainsi dans sa recom-
mandation entérinée les 6 et 7 mai 1996 que la corruption « porte atteinte à la crédibilité des actions
de coopération pour le développement, affaiblit le soutien des opinions publiques à ces actions, nuit à

732
Voir art 46
733
Voir integrity in public procurement : good practice from A to Z , 2007
https://www.oecd-ilibrary.org/governance/integrity-in-public-procurement_9789264027510-en
Consulté en novembre 2021
292

la réputation de tous ceux qui œuvrent en faveur du développement durable et discrédite leurs ef-
forts ». Il exige en conséquence que les membres introduisent ou incitent à l’introduction de disposi-
tions anti-corruption dans les procédures de passation des marchés publics financés par l’aide bilaté-
rale. Afin de renforcer l’efficacité des mesures prévues, la convention prévoit la réalisation d’un suivi
systématique de son application par les pays signataires. Celui-ci est opéré par le groupe de travail de
l’OCDE sur la corruption qui, à travers l’examen mutuel des législations émet des recommandations
dans les rapports pays par pays734.

Tertio, à côté de ces règles conventionnelles, il existe dans les différents actes de programmation et
d’orientation des actions d’aide au développement et des marchés publics internationaux, des réfé-
rences à la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance. L’on peut faire cas de la déclaration
de paris sur l’efficacité de l’aide au développement qui est complétée par le programme d’action
d’accra. Ces instruments importants du cadre juridique des marchés publics internationaux (voir dans
le titre 1 de cette partie un exposé détaillé de ces instruments) contiennent des aspects visant à ren-
forcer la lutte contre la corruption. Il convient de rappeler que la déclaration de paris sur l’efficacité
de l’aide au développement est une initiative qui est intervenue dans la mouvance des actions visant
à agir sur l’efficacité de l’aide au développement suite à un forum de haut niveau qui a eu lieu à Paris
du 28 février au 2 mars 2005. De nombreux pays en développement, des pays développés et la plu-
part des institutions internationales de financement concernées par le développement et la coopéra-
tion internationale y ont pris part. Ce forum a entendu lui-même inclure les recommandations déri-
vées de la déclaration de Rome sur l’harmonisation de l’aide au développement datant de février
2003 et celles de la table ronde sur la gestion et l’efficacité de l’aide en termes de résultats qui s’est
tenue à Marrakech en 2004. La déclaration de paris insiste sur le renforcement de la bonne gouver-
nance et recommande la mise en place d’un système de contrôle et d’évaluation des progrès dans la
mise en œuvre des financements735. À cet effet, les pays partenaires et donateurs se sont engagés à
privilégier une gestion axée sur l’efficacité et les résultats. La déclaration de paris elle-même a été
complétée par le programme d’action d’Accra du 4 septembre 2008 qui a confirmé le caractère in-
dispensable de la culture de l’efficacité et du résultat dans les programmes de développement.

734
Voir le texte de la convention sur :
https://www.oecd.org/fr/corruption/conventionsurlaluttecontrelacorruptiondagentspublicsetrangersdanslestr
ansactionscommercialesinternationales.htm consulté en novembre 2021
735
Voir résolution N°4-V de la déclaration de Paris : « La corruption et l’absence de transparence, qui hypothè-
quent l’adhésion de la population, représententun obstacle à la mobilisation et à l'affectation efficaces des
ressources et détournent des ressourcesd'activités essentielles pour faire reculer la pauvreté et instaurer un
développement économique durable. Là où elle existe, la corruption empêche les donneurs de s’appuyer sur les
systèmes des pays partenaires. »
293

Enfin, même si elle n’édicte pas des normes dans un sens juridique strict, il apparaît fondamental au
titre des initiatives internationales de mettre en exergue le rôle capital joué par Transparency Inter-
national. Cette organisation non gouvernementale fondée en 1993 par M. Peter Eigen, un ancien
cadre de la Banque Mondiale. L’organisation se définit elle-même comme « une organisation mon-
diale issue de la société civile, en pointe de la lutte contre la corruption. Elle rassemble les peuples à
travers une puissante coalition mondiale dans le but de mettre fin à l’impact dévastateur de la cor-
ruption sur les hommes, les femmes et les enfants dans le monde entier. La mission de Transparency
International est d’instiguer des changements jusqu’à ce que le monde soit libre de toute corrup-
tion 736». Afin de mettre à nu les ravages de la corruption, l’organisation a créé un Indice de percep-
tion de ce phénomène. Celui-ci permet le classement des pays en fonction des degrés de corruption
de l’administration publique et de la classe politique. Dans le même ordre d’idée, il est important de
noter que l’organisation publie de nombreux rapports sectoriels sur des questions de corruption.
737
Ainsi, le guide pratique contre la corruption dans les marchés publics est un guide complet qui
indique des moyens de lutte pragmatiques dans les différentes phases de la passation des marchés.
En outre, elle analyse régulièrement des cas concrets (tirés de l’expérience sur le terrain) de
l’application des mesures anti-corruption dans certains pays. Son rapport de 2020 sur l’indice de
perception de la corruption montre comment le manque de transparence dans les marchés publics a
influencé dans de nombreux pays la réponse à la crise sanitaire du Covid 19. Puisqu’en définitive, les
actions de développement devraient servir principalement aux populations, le travail de terrain de
Transparency International sur la corruption dans les marchés publics constitue une ressource qui
peut aider les décideurs à ajuster leur arsenal juridique et leur méthodologie de lutte contre la cor-
ruption.

2- Les initiatives régionales et nationales à impact international

a) Les initiatives régionales

La lutte contre la corruption est un problème international qui est basé sur des comportements
ayant cours à différents niveaux. À l’instar du cadre juridique des MPI qui se situe à plusieurs niveaux
géographiques et de coopération, la coopération régionale n’est pas en reste des questions de bonne
gouvernance en tant que condition de l’efficacité. En ce sens, les acteurs régionaux, dans le cadre de
leur coopération ont édicté certains accords en vue de renforcer les conventions internationales
auxquelles ils sont déjà partis en tenant compte des spécificités de leurs zones géographiques.

736
Voir Files.transparency.org
737
Handbook for curbing corruption, Transparency InternationalOp. Cit.
294

Ainsi, premièrement, l’on s’intéressera à la convention de l’union Africaine (UA) sur la prévention et
la lutte contre la corruption738. Cette convention a été adoptée à l’issue de la seconde session ordi-
naire de la conférence de l’UA à Maputo, le 11 juillet 2003. En novembre, 2021, on compte 55 États
signataires739. Il nous semble important de noter que les pays de l’union africaine sont des pays en
développement et que la plupart ne bénéficient pas d’un bon classement eu égard à l’incrimination
de la corruption. Conscient de cette réalité, les États parties reconnaissent que la corruption est de
nature à faire obstacle au développement socio-économique par l’aggravation des obstacles à la
jouissance des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques740. Dès lors, il est de bon ton
d’apprécier avec toute la vigueur qu’il se doit l’initiative d’une convention destinée à renforcer le
processus de lutte contre la corruption en Afrique. La convention vise selon son article 2 à promou-
voir la coopération entre les États parties afin de garantir l’efficacité des mesures et actions visant à
prévenir, détecter, réprimer et éradiquer la corruption. Fort de cela, elle s’assigne pour mission de
créer les conditions nécessaires à la transparence et l’obligation de rendre compte dans la gestion
des affaires publiques. Il s’agit aussi de renforcer la coopération judiciaire et les mesures
d’extraditions741.

En plus, l’un des aspects qui nous semble important à retenir consiste dans la vocation de ses articles
11 et 12 qui insistent sur l’implication du secteur privé dans la lutte contre la concurrence déloyale et
le respect des procédures de marchés. Elle prévoit à ce titre que les États doivent prendre les me-
sures nécessaires pour empêcher les sociétés privées de verser des pots-de-vin en contrepartie de
l’attribution des marchés742. L’article 12 incite les États parties à adopter les mesures nécessaires à
l’implication de la société civile et des médias dans la veille pour la transparence dans la gestion des
affaires publiques.

L’existence d’une convention n’a certainement pas suffit à arrêter les pratiques corruptrices dans les
marchés publics en Afrique. Cependant, elle a constitué une étape importante en ce sens qu’elle a
renforcé les bases normatives de la lutte contre la corruption et tracé un cadre de coopération allant
dans le sens du développement économique et de l’efficacité desdits marchés. Elle a également

738
Le texte de la convention est disponible à l’adresse : https://au.int/fr/treaties/convention-de-lunion-
africaine-sur-la-prevention-et-la-lutte-contre-la-corruption consulté en novembre 2021
739
Voir la liste des pays qui ont signé et ratifié la convention sur le site de l’UA :
https://au.int/sites/default/files/treaties/36382-sl-
AFRICAN%20UNION%20CONVENTION%20ON%20PREVENTING%20AND%20COMBATING%20CORRUPTION.pdf
consulté en novembre 2021
740
Voir préambule de la convention
741
Voir article 15
742
Article 11
295

permis de définir les pratiques et de mettre en place des mécanismes qui peuvent servir de base à
une amélioration constante des efforts dans ce domaine.

Par ailleurs, le protocole additionnel à la charte Africaine des droits de l’homme et des peuples dans
son article 3 donne compétence à la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP)
pour connaître de tout différend qui lui est soumis, portant sur l’interprétation et l’application de la
charte, du protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié par
les États concernés. Or, la charte insiste sur les droits économiques, le droit au développement et le
bien-être des citoyens743. À ce titre, ne pourrait-on pas envisager les dégâts causés par la perte de vie
humaine suite à des décisions corruptrices délibérées et avérées ( exemples de ponts qui
s’effondrent ou de gros détournements dans des marchés alimentaires, voire de malversations dans
des marchés de collectes et d’enfouissement d’ordures ou autres assimilés qui entraînerait des épi-
démies mortelles) comme une atteinte grave aux droits de l’hommes garantis par la charte ? La ré-
ponse affirmative à cette question pourrait justifier la compétence de la CADHP pour un défaut de
diligence de l’État.

Deuxièmement, l’on peut mentionner la convention interaméricaine contre la corruption. Elle a été
adoptée par les États membres de l’Organisation des États Américains le 29 mars 1996. Son entrée
en vigueur a été effective le 6 mars 1997744. À ce titre, elle est souvent considérée comme la pre-
mière convention internationale à aborder la question de la corruption. Son article III dispose que les
parties créent, renforcent et maintiennent des systèmes gouvernementaux de marchés publics qui
promeuvent l’ouverture, l’équité et l’efficacité. Ces mesures visent à préserver la confiance du public
dans l'intégrité des fonctionnaires et dans la gestion de la chose publique. Par ailleurs, l’article XIV de
l’accord exige que les États parties se portent mutuellement assistance afin de faciliter les investiga-
tions relatives aux actes de corruption qu’elle cible. Cette assistance s’étend également à la facilita-
tion des actes de procédures et des décisions judiciaires. Il s’agit encore de renforcer la coopération
technique et le partage des expériences mutuelles afin de mettre à jour et de lutter efficacement
contre les actes de corruption. Abondant dans le même sens, l’article XVI dispose que les États par-

743
Voir préambule de la charte, article 22.1 de la charte : « Tous les peuples ont droit à leur développement
économique, social et culturel, dans le respect strict de leur liberté et de leur identité, et à la jouissance égale
du patrimoine commun de l'humanité. »
Article 22.2 « Les États ont le devoir, séparément ou en coopération, d'assurer l'exercice du droit au dévelop-
pement. »
744
Le texte de la convention est disponible sur : http://www.oas.org/en/sla/dil/inter_american_treaties_B-
58_against_Corruption.asp consulté en novembre 2021
296

ties ne doivent pas invoquer le secret bancaire pour refuser à l’une des parties des informations capi-
tales dans le cadre d’une enquête.745

Troisièmement, au titre des efforts régionaux de lutte contre la corruption, il faut noter les initiatives
menées dans le cadre européen, notamment les conventions en la matière du conseil de l’Europe746.
En 1994, lors de la 19eme conférence des ministres européens de la justice, le conseil a institué un
groupe multidisciplinaire chargé de déterminer les mesures destinées à former un programme natio-
nal de lutte contre la corruption. À l’issue du travail de ce groupe, il a été rédigé vingt principes direc-
teurs de la lutte contre la corruption en 1997, un projet de convention pénale en novembre 1998 et
un projet de convention civile en 1999. La convention pénale envisage la corruption passive et ex-
horte les États à prévoir des sanctions efficaces pouvant aller jusqu’à des mesures privatives de liber-
té et des mesures d’extraditions. Les articles 3 et 5 contiennent des dispositions qui incriminent la
corruption commise à l’étranger par des agents publics. Quant à la convention civile, elle envisage la
corruption comme un fait pouvant donner lieu à des dommages et intérêts. Le 15 mai 2003, un pro-
tocole additionnel entré en vigueur le 1er février 2005 est venu étendre le champ d’application de la
convention aux arbitres en matière commerciale, civile et autres ainsi qu’aux jurés. L’objectif ce pro-
tocole additionnel est de compléter les dispositions de la convention visant à protéger les juridictions
contre la corruption747.

Enfin, il importe de souligner que le conseil de l’Europe en matière de lutte contre la corruption a mis
en place une méthode de surveillance mutuelle entre États. Celle-ci est incarnée par le « GRECO »
(groupe d’États contre la corruption). Ce groupe est constitué en 2021 de 50 pays membres748. C’est
un cadre de coopération et de proposition qui permet une veille constante sur les pratiques corrup-
trices afin d’améliorer l’arsenal légal pour les combattre. Les activités du GRECO influencent néces-
sairement les marchés publics internationaux puisqu’une large partie des contributeurs à l’aide au
développement adhèrent aux instruments de lutte contre la corruption du conseil de l’Europe, au-
quel il est rattaché. En outre, de nombreuses entreprises candidates aux marchés publics internatio-
naux et qui sont susceptibles d’initier des pratiques corruptrices sont dans son ressort géographique.

745
Pour plus d’informations sur le fonctionnement de la convention et ses mécanismes de suivi, voir par
exemple : Giorleny D. Altamirano, the impact of the inter-American convention against corruption, University of
Miami Inter-American Law review, 2007, pp 487-547
746
Le conseil de l’Europe est une organisation basée à Strasbourg. Elle comprend 47 états membres et couvre
un champ géographique qui va au-delà de l’union européenne. Cinq états y ont le statut de pays observateurs
dont les États-Unis, le Saint-Siège, le canada, le Japon et le Mexique ; Voir aussi Mathias Pigeat, la corruption et
les contrats publics internationaux, mémoire de Master 2, Université paris-1, 2007, 135p, p48
747
Voir le site du conseil de l’Europe, bureau des traités http://conventions.coe.int/
748
48 pays Européens, le Kazakhstan et les États-Unis d’Amérique
297

En plus du GRECO auquel tous les États de l’Union Européenne sont parties, d’autres instruments de
lutte contre la corruption existent dans le cadre européen. Ceux-ci s’articulent autour de la volonté
de mettre en place un système de rapprochement des législations nationales des différents états
membres afin de rendre la lutte contre la corruption plus efficace. Il s’agit de mettre en place une
stratégie globale en matière de prévention des pratiques corruptrices dans une série de domaines
comme notamment l’adjudication des marchés publics. Il existe quelques instruments mis en œuvre
par l’union européenne dans la lutte contre la corruption. C’est le cas de la convention relative à la
lutte contre la corruption des fonctionnaires de 1997 (entrée en vigueur le 28 septembre 2005).
Cette convention a pour but de sanctionner pénalement la corruption active ou passive du public
visé. Au nombre des instruments de la lutte contre la corruption de l’union européenne, on distingue
également le protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des commu-
nautés européennes du 27 sept 1996. En outre, on note l’adoption d’un deuxième protocole à la
même convention qui criminalise le blanchiment d’argent provenant de la corruption le 19 juin 1997.

b) Les initiatives nationales : Le cas particulier du FCPA et du bribery act

Au nombre des initiatives nationales, le cas de la législation américaine à travers le foreign corrupt
practices act qui punit la corruption commise par les agents publics étrangers est singulier. Il en va de
même de la législation britannique à travers le Bribery act.

En effet, le « foreign corrupt practices act » (FCPA) de 1977 est une référence dont se sont inspirées
la plupart des conventions et lois nationales qui incriminent la corruption extra-frontalière. De fait,
elle a fortement inspiré la convention anti-corruption de l’OCDE. Cette loi est le reflet de l’expérience
des États-Unis en matière de lutte contre la corruption749. Le FCPA incrimine la tentative de corrup-
tion ou la corruption des agents publics étrangers dès lors que l’infraction a été commise par une
société constituée aux États-Unis ou y ayant son principal établissement. De même, il s’applique aux
sociétés étrangères qui émettent des titres sur les places boursières américaines, comme aux indivi-
dus étrangers qui s’engagent dans des actions de corruption (paiement, offre, promesse, négocia-

749
Dans ce registre, la commission Feerick en 1987 a permis de mettre en exergue de nombreux actes de cor-
ruption dans les contrats publics de New York. Elle qualifiait le système de bateau sans capitaine. Un système
qui coûtait des millions de dollars à la ville de new york. voir Ronald W. Blendmann , Rita Ormsby , John Sharp
and Edward A. Zimmerman , « is contracting out in new york city tinkering or reiventing government », journal
of public procurement , volume 4 , issue 1, p 67-83 voir aussi Franck Anechiarico, reforms in procurement policy
and their prospects, in Sue A. Smith (dir.) “public procurement, the continuing revolution” Op. Cit. P 172
Voir aussi les archives du New York times qui évoquent le rapport de la commission Feerick.
http://www.nytimes.com/1989/12/19/nyregion/proposal-made-on-centralizing-for-purchasing.html
Consulté en novembre 2021
298

tions etc…) sur le territoire américain.750 Cette loi a naturellement des conséquences dans les mar-
chés publics internationaux quand l’on sait que les États-Unis d’Amérique sont un grand contributeur
en matière d’aide au développement et que les entreprises américaines remportent de nombreux
marchés dans les pays en développement à l’occasion des financements octroyés par les institutions
internationales et par l’agence d’aide bilatérale dudit pays. De plus, de nombreux fonctionnaires et
officiels des pays bénéficiaires, peuvent tomber sous le coup de cette loi dont le tranchant peut
s’avérer destructeur pour leur carrière. Le FCPA permet également de poursuivre des entreprises
privées étrangères (non américaines) ou des individus qui se seraient rendus coupables d’actes de
corruption lorsque le marché en question a certains liens, parfois très indirects avec les Etats Unis
d’Amérique.

Quant au Bribery act britannique, il a été voté en 2010 et est entré en vigueur en 2011751. Il opère de
façon similaire au FCPA américain et fait du Royaume Uni l’un des pays où la lutte contre la corrup-
tion est la plus sévère au monde752. Il est intéressant de noter que le bribery act définit largement les
actes de corruption en les fondant sur la volonté d’influencer d’une quelconque manière pour
l’obtention ou le maintien d’un avantage relativement à une activité lucrative en cours ou à venir753.
Elle définit également très largement la notion d’agent public étranger dans laquelle elle inclut les
élus et les membres des organisations internationales754. Cette loi incrimine le versement et la récep-
tion de paiements illicites, l’offre, la promesse d’un avantage financier ou autre aux agents publics
étrangers par des entreprises ou citoyens britanniques, y compris les entreprises qui n’ont pas mis en
place de procédures propres à éviter que des actes de corruption soient commis par leurs agents ou
leurs associés. Dans ce cas, afin de ne pas être incriminées, il leur appartiendra de prouver qu’elles
ont pris les dispositions adéquates pour empêcher l’action corruptrice. Elle s’étend aussi à l’agent
public qui a accepté l’action de corruption755. Ainsi, au titre du bribery act, d’une manière générale, il
apparaît que l’infraction est constituée que ce paiement soit effectué directement par l’entreprise

750
Voir foreign corrupt practices act 15 usc § 78dd-3.
751
Voir le texte de la loi : https://www.legislation.gov.uk/ukpga/2010/23/crossheading/bribery-of-foreign-
public-officials consulté en novembre 2021
752
Comme le souligne le rapport anticorruption de l’UE. Voir UE, rapport de la commission au conseil et au
parlement européen – rapport anticorruption de l’UE-, COM (2014)38, p21
753
Art 1
754
Voir art 1 : “Foreign public official” means an individual who:
(a)holds a legislative, administrative or judicial position of any kind, whether appointed or elected, of a country
or territory outside the United Kingdom (or any subdivision of such a country or territory),
(b)exercises a public function:
(i)for or on behalf of a country or territory outside the United Kingdom (or any subdivision of such a country or
territory), or
(ii)for any public agency or public enterprise of that country or territory (or subdivision), or
(c) is an official or agent of a public international organisation.”
755
Art 2
299

incriminée ou par l’entremise de tiers. En outre, la loi s’applique de manière extraterritoriale envers
les sociétés ayant une représentation au Royaume uni même si elles sont établies à l’étranger. Les
poursuites pénales sont exercées par le serious fraud office (SFO). Celui-ci dispose d’une large com-
pétence pour poursuivre des cas de fraudes graves et complexes.

En définitive, on note que le FCPA et le bribery act constitue des lois dont la formulation présente un
grand intérêt car elle cible la corruption, dans les cas des MPI, là où elle a lieu, c’est-à-dire entre les
agents publics et les personnes privées qui remportent des appels d’offres importants dans les PED,
dans des projets de développement vitaux. Le fait d’élargir la définition des actes de corruption par-
ticipe également d’une meilleure prise en compte de sa réalité sournoise. Il faut rappeler que la cor-
ruption n’est pas que l’affaire des MPI. Elle a lieu dans les marchés publics des pays développés, y
compris dans l’Union Européenne comme l’a révélé le rapport sur la corruption de 2014756. C’est
donc un phénomène dont la lutte nécessite un engagement véritable, mondial et transversal.

À côté de ces instruments normatifs internationaux et régionaux généraux dont nous avons fait
l’ébauche, il convient de noter qu’il existe un certain nombre de mesures et de mécanismes spéci-
fiques aux marchés publics, qui sont adoptés par des institutions internationales et d’autres spéciali-
sées dans le financement du développement. Ces instruments sont motivés par la volonté de renfor-
cer la transparence et l’efficacité dans les marchés publics internationaux. Ils constituent la réponse
directe desdites institutions en matière de lutte contre la corruption. Nous en ferons une esquisse
dans les développements qui suivent.

II- Les mesures envisagées pour lutter contre la corruption dans les MPI

Le financement du développement revêt des objectifs économiques et des intérêts réciproques dans
les relations entre les pays en développement et les pays ou institutions de financement. De nom-
breux efforts sont faits dans le but de créer des conditions propices au développement et pour en-
courager la création des conditions favorable à une ouverture des marchés (pour les pays dévelop-
pés). Dans ce contexte, il s’est posé avec une rare acuité, la problématique de l’efficacité des poli-
tiques de développement dont la stagnation était patente en dépit des efforts et des initiatives me-
nées. Comme nous l’avons signalé plus haut en mettant en exergue le discours du président James
Wolfensohn en 1996757, dans l’évaluation de cette problématique, la corruption est apparue comme

756
Voir rapport sur la corruption de l’UE, 2014 (Op. Cit.) qui insiste spécifiquement sur la sensibilité du domaine
des marchés publics en matière de corruption.
757
« If the new compact is to succeed, we must tackle the issue of economic and financial efficiency. But we
also need to address transparency, accountability, and institutional capacity. And let's not mince words: we
need to deal with the cancer of corruption ». Voir Annual Meetings Address by James D. Wolfensohn President
The World Bank October 1, 1996, Op. Cit.
300

le feu destructeur qui consume une partie importante des efforts de la communauté internationale
et des communautés nationales. Tant que la corruption à grande échelle gangrénera les marchés
publics dans les pays en développement, il ne sera pas possible pour ces derniers de profiter de la
dynamique des MPI. D’où, pour les institutions opérant dans le champ des MPI, il s’est très vite im-
posé de mener un combat contre la corruption et la malgouvernance.

Nous envisagerons les stratégies adoptés par les institutions de financement du développement en
prenant l’exemple de la BM et l’intérêt des initiatives PPTE (pays pauvres très endettés) du Fonds
Monétaire International (FMI) pour la lutte contre la corruption. L’on s’intéressera ensuite à
l’obligation de mise en place de procédures de contestations (dans le cadre de la procédure de pas-
sation) sûres et crédibles imposées aux États bénéficiaires des financements.

1- Les mesures anti-corruption des institutions du financement de développement et du Fonds


Monétaire International

a) Les mesures anti-corruption dans les institutions de financement du développe-


ment
Dans toutes les banques de développement régionales et sous régionales, on trouve des corpus de
règles spécifiques relatifs à la lutte contre la fraude et la corruption. Il en est de même dans les règles
gouvernant les financements octroyés par les agences bilatérales ou régionales758. Ces règles pré-
voient des obligations à la charge des États ou entités bénéficiaires des financements, des entre-
prises candidates et/ou attributaires des marchés. Elles ciblent également des sanctions en cas
d’actions avérées de corruption ou de fraude. Incorporées dans les accords de prêts, ces règles sont
contenues dans des directives et des clauses spécifiques inscrites dans les dossiers d’appels d’offre et
les contrats finaux. Elles ont donc une force obligatoire.759

Ayant pris conscience de la nécessité de lutter contre la corruption dans les marchés financés, les
institutions de financement du développement ont étoffé leurs dispositifs au fil des années.
S’agissant de la Banque Mondiale, monsieur Jean-Jacques Verdaux souligne qu’initialement, elle se
contentait d’établir des mesures de transparence et d’effectuer un contrôle a priori dont l’issue rési-
dait seulement dans l’annulation du prêt ou le don pour l’opération concernée. Elle serait donc pas-

758
Voir par exemple, les règles de bonne éthique, anti-corruption et celles relatives au conflit d’intérêt dans le
guide pratique fixant les règles applicables aux prêts et dons de l’instrument financier de la coopération euro-
péenne. Point 2.5.4 à 2.5.7 (version du 2 août 2018) ;
759
Voir par exemple, les directives anti-corruption et fraude de la BOAD qui détaillent l’arsenal de mesures
directes et indirectes prises par les institutions dans le cas des marchés qu’elle finance.
Voir, manuel de politique et procédures pour la prévention et la lutte contre la corruption et la fraude dans les
opérations de la BOAD, 2013, 52p
301

sée de cette posture souple à une attitude plus ferme.760 Depuis les années 90, la Banque Mondiale a
adopté des mesures pour encadrer les contrats conclus avec le concours de son financement.

Les directives anti-corruption publiées le 1er février 2012 résument ces mesures. Du point de vue des
obligations incombant à l’emprunteur, celui-ci doit prendre les mesures appropriées en vue de ga-
rantir que toute la procédure de passation se passe dans la plus grande transparence et dans le res-
pect des règles de l’institution. Ceci inclue l’adoption de lois nationales et de mécanismes administra-
tifs et judiciaires efficients de lutte contre la corruption. Il lui incombe également de signaler toute
anomalie ayant lieu dans le cours de la procédure à la Banque et de mener les investigations néces-
saires. De plus, il devra se conformer aux instructions de l’institution lorsque celle-ci aura déterminé
la nécessité de mettre en œuvre des mesures à l’égard d’un soumissionnaire ou d’une entreprise
incriminée. Les définitions des actes de fraude et de corruptions réprimés, de même que les sanc-
tions qui y sont attachées figurent dans les directives de passation des marchés de travaux et de
fournitures et celles de sélection des consultants761. Au regard de ceci, l’État et/ou l’entité bénéfi-
ciaire du prêt a une obligation d’agir en amont et en aval et également une obligation de coopération
avec l’institution. Quant à cette dernière, elle se réserve le droit de prendre diverses mesures pour
faire face à des cas de corruption et de fraude. Elle est susceptible d’annuler la totalité ou une partie
du prêt selon la gravité du cas et la cohérence les mesures prises par l’État bénéficiaire762. Il pourra
également être privé de futurs financements.

En amont, les missions d’évaluation lors de la phase d’identification du projet, de même


qu’ultérieurement, la supervision débouchant sur l’émission d’avis de non-objections ou d’objections
par la BM constituent des moyens de s’assurer à chaque étape de la procédure que celle-ci n’est pas
entachée de fraude ou de corruption. En outre, le décaissement conditionné et graduel du finance-
ment selon l’évolution du projet constitue un levier de contrôle du bon déroulement de celui-ci. De

760
Jean jacques Verdeaux travaillait dans le département juridique de la Banque Mondiale. Voir, Jean jacques
verdeaux, « la lutte contre la corruption dans les marchés financés par la Banque Mondiale », revue contrats
publics, n° 51, janvier 2006, p 50-53
761
Voir point 1.16 des directives (version de 2014) ; règlement de passation 2018 point 3.32, annexe IV
762
« la banque rejettera toute proposition d’attribution du marché si elle établit que le soumissionnaire auquel
il est recommandé d’attribuer le marché, ou tout membre de son personnel, de ses représentants ou de ses
fournisseurs, entrepreneurs, ou sous-traitants… est coupable, directement ou indirectement de corruption ou
s’est livré à des manœuvres frauduleuses, collusoires, coercitives en vue de l’obtention de ce marché … déclare-
ra la passation du marché non conforme et annulera la fraction du prêt allouée au marché si elle détermine à
un moment quelconque que les représentants de l’emprunteur ou d’un bénéficiaire des produits du prêt s’est
livré à la corruption…pendant la procédure de passation de marché sans que l’emprunteur ait pris , en temps
voulu et à la satisfaction de la banque, les mesures nécessaires pour remédier à cette situation, y compris en
manquant à son devoir d’information de la banque lorsqu’il a eu connaissance desdites pratiques ». voir : Ibid.
Section 1.16
302

surcroît, les missions de contrôle et d’audit réalisés postérieurement au projet constituent un moyen
de vérifier si des manœuvres frauduleuses ou corruptrices ont été usitées.

Enfin, dans la politique globale de l’institution, il importe de mentionner l’initiative sur la généralisa-
tion des moyens électroniques dans les procédures administratives et de gestion budgétaire d’une
manière générale. Cette initiative appuyée par l’aide budgétaire est incarnée par le programme
« GovTech ». Sur son site Web, l’institution affirme que l’un des avantages de l’introduction à grande
échelle des outils digitaux dans les procédures permettra de réduire la corruption en réduisant les
transactions de main à main. De plus, ces outils permettent une traçabilité plus importante dans la
procédure et le traitement des dossiers, des dates etc. ceci est de nature à réduire les déviations
personnelles et les relations entre personnes qui favorisent la mise en œuvre des intentions corrup-
trices763.

Quant aux sanctions en cas de faits de fraude ou de corruption avérés dans le cas d’un financement
déboursé, outre le fait qu’elle exige du bénéficiaire le remboursement de la fraction du prêt déjà
décaissée, des sanctions individuelles peuvent être également prises à l’encontre des entreprises et
consultants coupables de pratiques corruptrices. L’une des mesures phares consiste à exclure celles
ayant été reconnues coupables de faits de corruption de la procédure de passation de marché et des
opportunités de marchés ultérieurs. Cette interdiction signifie que ces entreprises n’auront plus le
droit de soumettre des offres dans les marchés financés par la banque jusqu’à nouvel ordre. Dans les
directives de la Banque Mondiale en matière de passation de marchés à laquelle les pays bénéfi-
ciaires des financements sont soumis, il est stipulé que la banque « sanctionnera à tout moment une
entreprise ou un individu … y compris en déclarant publiquement cette entreprise ou cet individu exclu
indéfiniment ou pour une période déterminée… de toute attribution de marché financé par la
banque… »764. Il faut noter que dans le cadre de financements conjoints ou d’accords de coopération,
les institutions de financement procèdent à la mise en place conjointe de documents, de listes de
noms d’entreprises ou de personnes qui peuvent se retrouver exclues de leurs marchés pour des
faits de corruption765. Cela élargit le spectre des sanctions possibles et est susceptible de décourager
les potentiels auteurs de ces actes.

763
Voir sur le site de la Banque Mondiale une communcation en ce sens. https://live.banquemondiale.org/gov-
tech-administration-transparente consulté en novembre 2021
764
Voir directives de la Banque Mondiale, point 1.16.d Op. Cit. (version 2014) ; règlement de passation Op. Cit.
(version 2018)
765
STEPHEN S. ZIMMERMANN AND FRANK A. FARIELLO, JR, Coordinating the Fight against Fraud and Corrup-
tion, agreement on cross-debarment among multilateral development banks, in hassane Cisse, DD Bradlow and
B. Kingsbury (Ed), the World Bank legal review : international Financial Institutions and global legal govern-
ance, Vol 3, 2012, 405P, pp189-204,
303

En outre, les pays bénéficiaires sont invités à inclure dans les contrats passés, avec les entités aux-
quelles le marché a été attribué, des clauses concernant le respect de l’intégrité et des normes anti-
corruption de la Banque Mondiale. Celles-ci autorisent l’institution à mener des enquêtes directe-
ment auprès des attributaires des marchés. Ainsi, en cas de soupçon de fraude ou de dénonciation, si
elle estime nécessaire, elle pourra exiger les documents comptables, données financières de la per-
sonne physique ou morale, interroger le personnel et d’autres personnes concernées, réaliser des
inspections physiques de sites766.

Il est utile de préciser que la BM veille au respect des dispositions de lutte contre la corruption par le
biais de son « département d’intégrité », département indépendant qui est rattaché directement au
président de la banque et par la pratique d’audits systématiques a posteriori sur les projets financés.
Les sanctions émanent du conseil des sanctions et du bureau de la suspension et de l’intégrité, lors-
que les allégations sont avérées, à l’issue des enquêtes767. Notons enfin que de nombreuses critiques
ont été adressées à la Banque Mondiale en vue de ne pas faire de ces mesures de lutte contre la
corruption une conditionnalité supplémentaire qui viendrait porter atteinte à son rôle premier qui
est le financement du développement768.

b) Les initiatives anti-corruption du Fonds Monétaire International

Le rôle du Fonds Monétaire International est la surveillance de la finance internationale. Cette pos-
ture lui donne un rôle prépondérant dans les pays en développement qui bénéficient de son appui
financier. Ce rôle de l’institution est utilisé par elle pour mettre en place des initiatives contre la cor-
ruption. C’est le cas à travers les nombreuses réformes structurelles qu’elle exige des pays769. Par
exemple, dans le cadre de l’initiative Pays Pauvres très Endettés (PPTE)770, de nombreux pays pauvres

https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/2365/653710PUB0EPI2061563B09780821388
631.pdf?sequence=1&isAllowed=y consulté en novembre 2021
766
Voir règlement de passation 2016, annexe 4, point 2.2
767
Ainsi, entre 1999 et 2019, 956 entreprises et personnes ont été frappées d’exclusion, et 421 exclusions croi-
sées avec d’autres banques multilatérales de développement ont été appliquées par la Banque Mondiale du-
rant la même période.(voir site de la Banque Mondiale)
https://www.banquemondiale.org/fr/news/factsheet/2020/02/19/anticorruption-fact-sheet consulté en no-
vembre 2021
768
Voir à ce sujet: M. A. Thomas, can the world bank enforce its own conditions? , in Development and change,
International Institute of social Studies, the Hague, Vol 35, issue 3, June 2004, PP 485-497
https://doi.org/10.1111/j.1467-7660.2004.00362.x
769
Voir le site du FMI sur le PPTE ; voir également : Garzon Cesar, Taïeb Hafsi, la gouvernance mondiale de la
lutte contre la corruption, in Gestion, janvier 2007/1, vol 32, Pp 91-100 ; http://www.cairn.info/revue-gestion-
2007-1-page-91.htm consulté en novembre 2021
770
Cette initiative conjointe du FMI et de la Banque Mondiale a été lancée en 1996. Elle vise à l’allègement de
la dette afin de réduire le poids qui pèse sur les politiques publiques dans la lutte contre la pauvreté.
304

sont engagés à mettre en œuvre des règles et des mécanismes de bonne gouvernance et de lutte
contre la corruption. Il nous semble judicieux de souligner que même si l’objectif principal de
l’institution selon ses détracteurs, eu égard aux réformes imposées répond avant tout à des volontés
de privatisation qui rappellent les ajustements-structurels, l’initiative conduit à des réformes qui
touchent également aux aspects de la bonne gouvernance. Dans ce sens, l’encouragement de la
lutte contre la corruption bénéficie par ricochet à l’efficacité dans l’utilisation des financements oc-
troyés dans le cadre des marchés publics internationaux par les autres partenaires du développe-
ment. Ceci, d’autant plus que les indicateurs de point d’achèvement inhérents au PPTE sont scrutés
avec attention par d’autres bailleurs de fonds et institutions privées de financement, dont les États
ont besoin771.

Même si les institutions de financement se sont dotées d’arsenaux juridiques à travers les accords de
prêts et leurs directives pour pouvoir intervenir directement en cas de soupçons de fraudes ou
d’allégations de corruption, elles restent conscientes de l’importance d’avoir des institutions natio-
nales et des procédures favorisant en amont la transparence et la fiabilité dans les MPI. Celles-ci
permettent de gérer toute contestation qui pourrait intervenir dans la procédure et participent à ce
titre à assainir celle-ci, à détecter toutes anomalies et à la corriger et à renforcer la bonne gouver-
nance en la matière.

2- L’instauration de procédures de contestations renforçant la transparence

Il s’agit des mécanismes intégrés dans la procédure de passation et d’exécution des marchés qui
permettent de veiller au bon déroulement de celle-ci, conformément aux principes phares de la
commande publique dont la transparence et l’égalité des candidats. Ces procédures induisent des
moyens de lutte contre la corruption. Elles sont un canal de vigilance et de transparence dans le sys-
tème. Elles servent les candidats qui estiment qu’il y a une irrégularité dans le processus de passation
des marchés publics pour protester contre les décisions visées. Il peut s’agir de recours judiciaires ou
de voies administratives. On retrouve des dispositions concernant l’impératif de mettre en place des
procédures de contestations adéquates, dans les textes régissant la procédure de passation de mar-
chés de toutes les institutions de financement et dans les accords multilatéraux , bilatéraux et mo-

https://www.imf.org/fr/About/Factsheets/Sheets/2016/08/01/16/11/Debt-Relief-Under-the-Heavily-Indebted-
Poor-Countries-Initiative (consulté en novembre 2021)
771
Les institutions de financement échangent des données entre elles relativement au niveau d’avancement
des législations et actions des États. Par exemple, dans un document du FMI relatif à la lutte contre la corrup-
tion, elle précise que dans des domaines comme les marchés publics où elle ne dispose pas d’un avantage
comparatif en termes d’informations, elle continuera à s’appuyer sur l’expertise d’autres institutions, notam-
ment la Banque Mondiale. Voir sur le site web du FMI : IMF adopts guidelines regarding governance issues
(paragraphe 6) http://www.imf.org/external/np/sec/nb/1997/nb9715.htm. (Consulté en novembre 2021)
305

dèles types comme ceux de la CNUDCI. Ainsi, tous les instruments à vocations législatives ou régle-
mentaires dans les MPI contiennent des dispositions relatives à la mise en place d’instruments de
contestation dans les procédures772. Il n’est pas nécessaire de les citer de façon exhaustive.

On peut noter que les instruments de contestations sont considérés comme fondamentaux pour la
crédibilité de la procédure et sont à ce titre indissociable de l’idée de transparence, de concurrence
et d’égalité de traitement des candidats, mais aussi de celle de l’efficacité et de la bonne gouver-
nance. Ils doivent donc répondre à certaines conditions pour être jugés satisfaisants773. Aussi, il n’est
pas surprenant, eu égard au caractère en partie national de la procédure de passation et du contrat
de marché public international, qu’elles trouvent leur matérialisation dans les droits nationaux des
États. Les institutions de financements et les acteurs internationaux de la coopération internationale
ont régulièrement incité et promu l’harmonisation des procédures et la mise en place de systèmes
de contestations suffisants dans les états (comme nous le verrons en détails dans la seconde partie,
l’harmonisation est un moyen de régulation des MPI et un moyen de recherche de l’efficacité).

Néanmoins, puisque l’institution de financement garde un rôle prépondérant dans le déroulement


de la procédure qui a lieu sous sa vigilance, il est plus juste de dire que les niveaux nationaux et in-
ternationaux se complètent au niveau des instruments de contestation. De fait, la panoplie des outils
à la disposition de l’institution de financement tout au long de la procédure dont les avis de non ob-
jection, les décaissements conditionnés 774, lui permettent d’assurer un contrôle sur la régularité de

772
Voir loi type de la CNUDCI Op. Cit. , chapitre VIII (procédures de contestations) ; voir annexe III du règlement
de passation de la Banque Mondiale (version 2018) ; voir AMP de l’OMC article XVIII ; voir également, la décla-
ration de Paris sur l’efficacité de l’aide qui lie la lutte contre la corruption à l’existence de moyens de contesta-
tion ( voir engagement N°24) « Pour que les fonds affectés au développement soient utilisés avec efficience et
efficacité, il faut que les donneurs et les pays partenaires mettent tout en œuvre pour combattre la corruption.
Les donneurs et les pays en développement respecteront les principes sur lesquels ils se sont mis d’accord, no-
tamment ceux énoncés dans la Convention des Nations Unies contre la corruption. Les pays en développement
s’attaqueront à la corruption en améliorant les procédures d’enquête, les voies de recours, la reddition de
comptes et la transparence sur l’utilisation des fonds publics. ».
773
Dans la plupart des textes, il est prévu que des procédures de contestation efficaces doivent : être fiables et
transparentes, permettre aux candidats de saisir les autorités concernées en temps utile relativement au dé-
roulement de la procédure, comporter une possibilité de recourir à une autorité supérieure (indépendante ou
judiciaire), être rapides, équitables, énoncer des réponses claires, rendre les résultats publics (tout en préser-
vant les informations confidentielles pouvant porter atteinte à la sécurité de l’État, à l’activité commerciale
d’un candidat ). Voir les textes cités dans la note de bas de page précédente.
774
Le point 7-1-g de l’annexe II du règlement de passation des marchés de la Banque Mondiale prévoit que
pour les marchés soumis à son examen préalable :
« L’Emprunteur ne devra pas engager l’étape ou la phase suivante du processus de passation, y compris
l’attribution d’un marché, avant d’avoir préalablement reçu la confirmation par la Banque que les plaintes ont
été traitées de manière satisfaisante. Si, après l’examen préalable et l’avis de non-objection de la Banque, le
traitement d’une plainte conduit l’Emprunteur à modifier sa recommandation d’attribution du marché, il trans-
met à la Banque, qui doit émettre un nouvel avis de non-objection, les raisons du changement de sa décision
ainsi qu’un rapport d’évaluation révisé ». Voir également l’annexe III relatives aux plaintes lors de la passation
du marché ; voir aussi le guide pratique des procédures de marchés publics des instruments financiers d’aide
306

la procédure selon les règles en vigueur dans l’accord de prêt. Dans la même veine, comme nous
l’avons mis en avant dans ce paragraphe, les mécanismes de plaintes, de dénonciations anonymes et
son pouvoir d’enquête peuvent servir de mesures de contestation directes ou indirectes car elles ont
un impact sur le cours de la procédure, qu’elles peuvent suspendre, voire annuler en cas
d’irrégularités manifestes.

Ainsi, les instruments internationaux (qu’ils soient d’origine conventionnelle, recommandatoire),


régionaux et nationaux prévoient des moyens de contestation à travers les mécanismes de plainte et
de contrôle. Certains instruments internationaux comportent des mécanismes supplémentaires liés à
la nature de l’institution même. C’est le cas de l’accord de l’OMC sur les marchés publics qui prévoit
la possibilité d’utiliser les mécanismes de règlement des différends de l’organisation si une partie
estime qu’une obligation de l’accord a été violée et qu’elle n’a pu obtenir le rétablissement de son
respect par les autres moyens775. Dans un autre registre, on peut considérer que les instruments de
contestations visent également à protéger les intérêts financiers et moraux d’une institution de fi-
nancement. Ainsi, dans le cas des marchés de l’Union Européenne, dans certaines conditions, un
candidat à un marché public a la possibilité de saisir la Cour de Justice de l’UE776.

au développement de l’UE. Il est stipulé que les sanctions attachées au non-respect des règles en vigueur dans
les marchés financés par le budget européen et le FED consistent dans le droit de la commission à suspendre,
refuser ou récupérer les financements relatifs aux marchés et contrats concernés. Voir PRAG, point 2.5.6:
“…The European Commission reserves the right to suspend or terminate the contract, if corrupt practices of any
kind are discovered at any stage of the award process or implementation of the contract and if the contractor
fails to take all appropriate measures to remedy the situation…”
775
Article XX de l’AMP.
776
Lorsque la commission européenne est l’autorité contractante, conformément aux articles 256 et 263 du
traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, la cour de justice est compétente pour connaître des actes
de la commission qui produisent des effets juridiques à l’égard de tiers à l’UE. Voir PRAG 2018 article 2.12 ; les
soumissionnaires européens ou résidant dans l’UE ou y disposant d’une représentation légale peuvent saisir le
médiateur de l’UE de leurs plaintes (ceci sans préjudice des voies d’actions classiques ouvertes dans le cours de
la procédure dans le pays où est exécuté le marché et celle devant la CJUE) voir Idem point 2.12.2
307

Conclusion du chapitre 2

En définitive, il apparaît que la lutte contre la corruption constitue un pan important de la dynamique
du cadre juridique des marchés publics internationaux. À l’instar des autres aspects de la matière, les
règles qui la supportent sont ancrées à la fois dans le droit international général et dans les règles
des institutions du financement et vont se répercuter dans les droits nationaux. Les institutions de
financement, en tant que superviseuses du processus de marché public gardent une possibilité
d’intervenir directement pendant la phase de passation et d’exécution contractuelle, voire a poste-
riori, pour prendre les mesures qu’elles souhaitent en cas d’acte de corruption. Dans cette même
veine, elles mutualisent leurs efforts afin d’accroître l’efficacité dans ce combat. Ainsi, la lutte contre
la corruption concerne l’efficacité dans les marchés publics internationaux, mais au-delà, elle est un
moyen d’instaurer des pratiques saines et une bonne gouvernance qui doit profiter au développe-
ment socio-économique d’une manière générale. Il est évident que l’achèvement des objectifs des
MPI en matière de développement économique des pays bénéficiaires, mais aussi relativement aux
intérêts des pays et institutions de financement et l’objectif d’expansion du commerce international,
dépend en partie de l’issue du combat contre la corruption. Néanmoins, en dépit de l’arsenal juri-
dique conséquent , le vrai défi réside dans la mise en œuvre concrète des règles qui se heurte encore
à des pratiques anciennes bien ancrées et nourries aussi bien par les individus, les entreprises privées
que les États. Pourtant, malgré ce tableau tempéré et la densité des efforts à réaliser, il y a de
l’espoir. L’on peut constater des progrès dans bon nombre de pays en développement au niveau des
critères de bonne gouvernance comme le démontre les rapports de Transparency International que
nous avons évoqués dans cet exposé.
308

Conclusion du titre 2

Le second titre de cette première partie a permis de mettre en exergue la centralité de la notion de
l’efficacité dans le cadre juridique des MPI. Elle est apparue comme une notion protéiforme qui se
décline à la fois dans l’efficacité des procédures en tant qu’elles doivent aboutir à réaliser les projets
qui font l’objet de financement, et en tant qu’elles doivent permettre d’aboutir à l’objectif global du
développement. Cette même notion recouvre également les intérêts des parties prenantes qui impo-
sent des conditionnalités afin de s’assurer d’obtenir les objectifs recherchés. Vu sous un certain
angle, ces conditionnalités sont critiquables dans certains cas, parce qu’elles mettent à mal la souve-
raineté des États et leur capacité à s’approprier complètement leurs politiques de développement.
En ce sens, elles peuvent nuire au développement lui-même. Dans une vision différente,
quoiqu’invasives du point de vue de la souveraineté étatique, lorsqu’elles indiquent des réformes
institutionnelles visant à renforcer la bonne gouvernance, elles comportent des avantages pour le
développement à long terme.

Ainsi, les principes de bases des MPI que sont celui de l’égalité, de la transparence, du libre accès à la
commande publique et de la concurrence sont les éléments moteurs de l’efficacité recherchée. Dans
le champ des MPI, ils se matérialisent en tant que des règles classiques de la commande publique,
mais également à travers des exigences spéciales qui caractérisent l’instauration du libéralisme sou-
haité par les détenteurs de financement. Tel est le cas à travers l’imposition par défaut du principe
de l’appel d’offres ouvert international ou des conditions drastiques relatives à la capacité des entre-
prises publiques à prendre part à la compétition. De plus, ces principes de bases, considérés comme
indissociables de la recherche d’efficacité, contrastent avec des conditions imposées par certains
détenteurs de financement eux-mêmes, comme c’est le cas en matière de marché lié et de règles
d’éligibilité. Celles-ci ne favorisent ni la libre concurrence et le libre accès à la commande publique, ni
l’appropriation des politiques de développement par les États récipiendaires comme l’ont promu les
rencontres internationales orientant les grands cadres des politiques d’aide et du financement du
développement.

Par ailleurs, le cadre juridique des MPI a évolué dans la dernière décennie pour se mettre en phase
avec les objectifs de développement durable, en s’ajustant avec plus de flexibilité pour prendre en
compte les facteurs environnementaux à travers les règles s’appliquant directement au processus de
sélection. Celles-ci sont complétées par les politiques environnementales des institutions de finan-
cement elles-mêmes en la matière, qu’elles incorporent à l’accord de prêt pour leur donner une
force obligatoire. Dans ce même élan, les questions relatives au développement économico-social à
travers l’encouragement des PME, des industries, des transferts de savoirs et de technologie trou-
309

vent une place plus importante dans les MPI. Néanmoins, elles doivent être encouragées davantage
et adossées à des politiques étatiques structurelles préexistantes afin de porter leur fruit.
310

Conclusion de la première partie

Le marché public international apparaît comme un instrument central du financement du dévelop-


pement et de la coopération internationale. Cette première partie de notre réflexion a entrepris de
décortiquer son cadre juridique à travers son contenu et ses singularités, tout en faisant le lien avec
leurs implications pour les objectifs de développement. Il s’agit d’un cadre juridique dense, transver-
sal et multidimensionnel. Il est ancré dans des textes spécifiques aux MPI mais également dans ceux
relevant de matières juridiques connexes ayant un impact important sur l’orientation de la matière.

Ainsi, les principes du droit international du développement et ceux du commerce international in-
fluencent la formulation des règles du MPI, notamment dans le cadre de l’OMC, tandis que les règles
relatives au droit international des investissements y trouvent une place importante. Cela est lié au
fait qu’une grande partie des MPI sont des contrats d’investissements, à travers les grands projets
prenant la forme de partenariats public privé, qui sont encouragés par les institutions prêteuses. On
note que, la matière tend à embrasser les règles principales du libéralisme, à savoir le principe de la
nation la plus favorisée et celui du traitement national. Or, ceci n’est pas nécessairement dans
l’intérêt du développement socio-économique des états en développement, puisque l’efficacité des
MPI en faveur du développement implique un certain dirigisme et des marges de manœuvres éta-
tiques de discrimination indispensables.

Ces matières connexes cohabitent avec le cadre juridique international afférent directement aux
MPI. Celui-ci montre un degré de structuration qui mêle des règles conventionnelles au niveau inter-
national, régional, voire bilatéral, à des règles programmatiques ou d’orientation qui, quoique re-
commandatoires en principe, dessinent essentiellement la formulation et l’orientation des règles
concrètes des MPI au niveau des États. Celles-ci se complètent dans une logique qui tend à leur har-
monisation du haut vers le bas (niveau international au niveau régional et national). Cette harmoni-
sation sur laquelle nous reviendrons dans notre seconde partie est sans aucun doute, l’une des ca-
ractéristiques notoire du cadre juridique des MPI.

Les règles des institutions de financement guident concrètement le processus de mise en œuvre des
MPI. Elles comprennent à la fois les statuts de ces entités, les accords de prêts entre elles et les États
et/ou entités bénéficiaires et les directives spécifiques à la passation des marchés. Ces dernières sont
complétées par d’autres directives annexes consacrées à des sujets particuliers et des documents
opérationnels de nature administrative. Ce corpus de règles s’applique avec une force obligatoire
que l’accord de prêt auquel ils sont incorporés a pris le soin de leur donner. Leur respect est contrôlé
311

par l’institution de financement qui dispose de mécanismes de supervision et de sanctions dans le


cours de la procédure.

Par ailleurs, le droit des MPI comporte des procédés propres au droit économique. Nous avons à ce
titre mis en lumière l’impact de la lex mercatoria sur ce droit. De plus, les institutions de finance-
ment utilisent des mécanismes de soft-Law. Elles disposent de pouvoirs de négociation susceptibles
d’imposer des orientations aux États bénéficiaires des financements. Ces prérogatives s’étendent
jusqu’à leur capacité à orienter les législations et les politiques de développement desdits États. Elles
affaiblissent également la toute-puissance de l’État dans le contrat de MPI, comme en matière de fait
du prince. Chaque action de celui-ci peut lui valoir une sanction financière ; ce qui influence naturel-
lement son attitude. Pour autant, le droit national reste le droit concret du MPI, quant au contrat
signé entre l’entrepreneur et l’emprunteur. Néanmoins, l’institution de financement (tout en enga-
geant pas sa propre responsabilité) peut intervenir pour influencer la détermination et la vie du con-
trat.

Il se révèle à ce niveau un autre rapport de force qui est celui de la place de l’État dans un MPI en
tant qu’acteur du commerce international. La tendance des dernières décennies met ce dernier sur
un quasi pied d’égalité avec les entreprises privées. Ce faisant, elle rappelle les débats doctrinaux et
l’évolution de la jurisprudence relative aux contrats d’États marqués par une volonté de protéger les
investisseurs étrangers contre les velléités des États en développement à revendiquer par n’importe
quel procédé leur souveraineté économique sur leurs ressources naturelles.

Partant, ces différentes constructions juridiques et ces rapports de force ont un impact sur les
marges de manœuvre de l’État et sa capacité à mettre en œuvre une politique de développement
centrée sur ses réalités économiques et sociales. Ceci impose une lecture plus globale de la notion
d’efficacité qui est celle de la recherche d’un équilibre entre les intérêts des parties prenantes éta-
tiques, institutionnelles internationales et privées. Pour autant, le but primaire des MPI en tant
qu’instrument du financement du développement demeure la recherche d’efficacité en matière de
développement socio-économique.

Cette quête d’efficacité doit passer également par la prise en compte d’objectifs de développement
durable à travers les MPI. D’où l’impératif de faciliter l’instrumentalisation des règles de sélection à la
disposition des pouvoirs adjudicateurs pour y insérer de tels objectifs. Cette méthodologie doit con-
cerner à la fois des facteurs environnementaux et des aires spécifiques qui caractérisent le sous-
développement ; par exemple, en matière d’industrialisation, de transfert de connaissance, de ren-
forcement des PME.
312

L’atteinte de ces objectifs repose sur le respect des principes qui sont la pierre angulaire des MPI, à
savoir le principe d’égalité, le principe de transparence, celui de concurrence qui s’accompagne du
libre-accès à la commande publique. Ces principes sont ancrés dans tous les textes internationaux,
régionaux, nationaux et ceux des institutions de financement du développement, relatifs aux MPI.
Aussi, en matière de MPI, ils se conjuguent avec d’autres objectifs comme celui de l’expansion du
commerce international chère à certains pourvoyeurs de financement. Cette considération justifie
notamment la détermination de l’appel d’offres ouvert international comme méthode de sélection
de base desdits marchés.

Néanmoins, à travers la réflexion sur le cadre juridique de l’efficacité, nous avons pu observer un
contraste entre la sacralité de ces principes et les conditionnalités imposées par certains prêteurs. Il
s’agit de conditionnalités ne favorisant pas la mise en œuvre des principes phares et pouvant nuire
aux besoins du développement des pays bénéficiaires. C’est le cas des marchés liés et de certaines
règles d’éligibilité. La conditionnalité politique a également été questionnée dans certains de ses
aspects susceptibles d’imposer des politiques au pays bénéficiaires et de biaiser la notion
d’appropriation qui est au cœur de la philosophie de l’aide au développement. Cependant, les prin-
cipes phares de la commande publique (notamment celui de transparence et celui de l’efficacité)
constituent un terrain favorable à l’émergence de la bonne gouvernance, qui est favorable au déve-
loppement, à travers l’objectif de la lutte contre la corruption. Cette lutte est une condition sine qua
non pour la réalisation des attentes adossées aux MPI en matière de développement socio-
économique et environnemental durables.
313

Deuxième Partie

Un cadre juridique caractérisé par une recherche d’harmonisation


des règles menée à travers des réformes indispensables
314

Le cadre juridique dans lequel se situent les marchés publics internationaux trouve son ancrage gé-
néral dans la solidarité internationale et les intérêts des parties prenantes étatiques, privées, celles
du commerce international. La formulation de ce cadre juridique révèle également l’empreinte cer-
taine de la recherche de sécurité juridique. Cela est important car il s’agit d’enjeux financiers ma-
jeurs. Aussi, cette donnée se matérialise par une intervention internationale forte dans la gestion des
MPI et la construction des règles qui se fait dans un sens vertical principalement ; c‘est-à-dire que les
bénéficiaires s’ajustent aux exigences des donateurs tout en gardant une certaine marge de souve-
raineté dans la détermination de leurs besoins et son échelonnement local. C’est une caractéristique
des réformes mises en œuvre dans les MPI au sein des pays en développement.

En outre, il convient de faire remarquer que la question de la réforme des marchés publics n’est pas
l’apanage de la sphère du financement du développement. C’est une question qui s’est posée et se
pose régulièrement dans plusieurs pays, y compris ceux qui sont expérimentés et plus riches. Bien
souvent, les enjeux sont les mêmes : générer plus d’économie en utilisant efficacement les deniers
publics et plus récemment, intégrer des objectifs sociaux et humains ciblés par le biais des méca-
nismes de passation de marchés777. De plus, certaines de ces réformes sont imaginées en réponse à
l’évolution de la matière, notamment sous l’égide de l’accord de l’OMC sur les marchés publics, voire
d’autres accords commerciaux internationaux. De ce point de vue, on peut affirmer que la réforme
des marchés publics dans le cas du financement du développement suit une tendance mondiale.
Néanmoins, dans les pays en développement, vu le contexte particulier et la verticalité des forces qui
caractérisent la diversité des acteurs présents, elle a ses propres particularités en termes de con-
cepts, d’initiatives, d’élaboration et de diffusion.

Ainsi, dans le mouvement visant à rendre les MPI plus efficace s’agissant de l’efficacité des finance-
ments consentis et la concrétisation des objectifs de développement, il est apparu assez vite la né-
cessité de changer le cadre juridique et institutionnel dans les pays récipiendaires. Aussi, le mouve-
ment de réforme s’appuie-t-il sur des justifications à la fois endogènes (propre aux pays en dévelop-
pement) et exogènes (la vision et les objectifs recherchés par les bailleurs de fond et les acteurs pri-
véss). Dans le même sens, l’initiative des réformes peut être considérée comme partagée. Même si,
force est d’admettre que la direction et l’impulsion qui les dominent, émanent des institutions inter-
nationales, régionales et des pays développés concourant aux financements. En toile de fond des
réformes, il y a la rhétorique de l’appropriation. Celle-ci vise à faire en sorte que les systèmes de pas-
sation de marchés des pays bénéficiaires soient utilisés à terme, conformément aux engagements

777
Voir par exemple dans le cas français, une analyse du conseil d’analyse économique français en 2015 : Sté-
phane Saucier et Jean Tirole, renforcer l’efficacité de la commande publique, in les notes du conseil d’analyse
économique, N°22, avril 2015
315

des pays développés pourvoyeurs d’aides dans la déclaration de Paris et d’autres actes internatio-
naux. Dès lors, la question de la réforme devient un enjeu majeur puisque ces systèmes ne sont pas
considérés comme fiables ou suffisamment développés. Dans cette lancée, l’on verra que les ré-
formes, quoique mettant en avant l’idée de l’appropriation considèrent la fiabilité d’un système du
point de vue de sa compatibilité avec les règles et pratiques développées et déjà utilisées par les
institutions de financement elles-mêmes. De fait, réformer semble s’accompagner inexorablement
d’une incitation et d’initiatives menant à une harmonisation.

Il convient de présenter la dynamique de la réforme à travers les causes qui la sous-tendent, les ac-
teurs impliqués et l’orientation qu’ils lui assignent, de même que les moyens et canaux utilisés pour
sa vulgarisation. Il est frappant de constater que l’harmonisation des règles, quoiqu’utilisant des mé-
canismes de soft law avec une influence directe des institutions de financement et des acteurs de la
coopération internationale, est propulsée principalement et volontairement par le canal régional.
Pour étudier ce phénomène et voir de près ses dynamiques et son impact sur la transformation du
cadre juridique, nous nous baserons sur la réforme opérée dans la zone économique et géogra-
phique de l’UEMOA (titre 1). Cette réflexion sera précisée en analysant les réalités contrastées de la
réforme sous régionale de l’UEMOA dans sa mise en œuvre au niveau national. Pour ce faire, nous
étudierons de près les divers aspects de sa transposition au niveau des règles et de la pratique dans
un pays de l’UEMOA, en l’occurrence, la Côte d’Ivoire (titre 2).
316

TITRE 1
Une volonté d’harmonisation internationale propulsée par des ré-
formes régionales

Les réformes des MPI sont une partie importante de l’évolution du cadre juridique de la matière dans
les PED. En réformant celui-ci dans le sens des bonnes pratiques internationales admises par les insti-
tutions de financement et celles de la coopération internationale, elles-mêmes promotrices des ré-
formes, il y a une volonté d’harmonisation et d’ajustement des règles nationales aux standards inter-
nationaux. Parallèlement, la question de l’appropriation des réformes est apparue comme centrale.
Dès lors, en vertu de celle-ci et pour d’autres raisons que nous évoquerons, il était important que les
réformes soient menées au plus près des états eux-mêmes. D’où, dans de nombreux pays en déve-
loppement, ce sont les zones économico-juridiques d’intégration préexistantes, du fait de leur struc-
ture juridique propice qui ont servi de canal privilégié pour la mise en œuvre des réformes. Nous
étudierons la dynamique de l’harmonisation internationale et du cheminement des réformes à tra-
vers le cas de l’UEMOA (chapitre 1) pour ensuite faire ressortir le contenu matériel de la réforme en
décortiquant les règles qu’elle a dégagé pour répondre aux besoins existants au niveau interne et au
schéma impulsé par le niveau international (chapitre 2).
317

Chapitre 1

Dynamiques de l’harmonisation internationale et de la régionalisa-


tion des réformes : cas de l’UEMOA

La volonté de l’harmonisation des règles des MPI apparaît comme suivant un schéma qui est celui,
bien avancé de l’harmonisation des règles au niveau des institutions de financement elles-mêmes. Le
choix du canal régional de l’UEMOA est justifié, outre la question de l’appropriation, par certaines
considérations liées à la nature de l’Union, que nous mettrons en lumière (paragraphe 1). De même,
les actes et le cheminement de la réforme au niveau de l’UEMOA montrent que la réforme était in-
dispensable aussi bien pour des raisons exogènes qu’endogènes aux états (paragraphe 2).

Paragraphe 1- La recherche d’une harmonisation globale de la réglementation et des pro-


cédures des MPI à travers le canal régional

Nous présenterons l’harmonisation en tant qu’une tendance habituelle dans le droit international
économique et la pratique des institutions financières de développement (I). Ensuite, il s’agira
d’étudier les actes fondateurs et le cheminement de l’harmonisation des MPI au niveau international
(II). Enfin, nous nous focaliserons sur les raisons qui expliquent le choix du canal sous régional de
l’UEMOA (III).

I- L’harmonisation, une tendance dans le droit international économique et la


pratique des institutions financières de développement

D’après le dictionnaire du centre national de ressources textuelles et lexicales, l’harmonisation est le


fait d’harmoniser. Harmoniser, c’est l’action consistant à mettre en équilibre, coordonner, rendre
harmonieux. Les contributions diverses sur la dynamique de la mondialisation économique ont de
longue date soulevé le débat sur la convergence des normes ayant traits aux matières économiques
et commerciales et son caractère inexorable778. Aujourd’hui, cette harmonisation croissante ne

778
Voir par exemple, Suzanne Berger, Dore Ronal Philipp, National diversity and global capitalism, Cornell uni-
versity press, 1996, vol1, 387P
les diverses contributions s’affrontent sur la prédominance des particularisme des États que certains considè-
rent comme pérennes en dépit du mouvement de mondialisation ; d’autres pensent que la mondialisation
318

semble plus faire débat. Du point de vue juridique, il s’agit, d’orienter les lois, les règlements et les
normes vers un objectif commun. Selon la professeure Mireille Delmas Marty, l’harmonisation est
souvent conçue comme une alternative à l’unification, qui est plus difficile et idéologiquement plus
complexe en ce sens qu’elle se heurte souvent aux barrières nationales. Dans ce cas, l’instrument
devient « le principe directeur plutôt que la règle ».779

Suivant cette tendance, il importe de faire remarquer que l’harmonisation est un procédé régulière-
ment utilisé au sein des institutions internationales de financement, y compris dans leurs rapports
entre elles. En effet, ce procédé se reflète déjà dans la gouvernance globale des organisations inter-
nationales de financement du développement. Elles harmonisent entre elles-mêmes leurs directives
opérationnelles et certaines règles de procédures. Par exemple, les banques de développement ré-
gionales s’appuient sur les règles et procédures de la Banque Mondiale qu’elles adaptent à leurs
propres niveaux. Ainsi, l’adoption par la Banque Mondiale de politiques opérationnelles visant les
questions environnementales et celles des peuples indigènes a été imitée par la BAD et d’autres
banques régionales780. Dans ce sens, il s’agit pour les institutions internationales d’utiliser des procé-
dures semblables et un langage juridique commun tout en gardant leurs singularités.

Par ailleurs, il est loisible de considérer que cette volonté de mimétisme se fonde également sur des
dynamiques politiques et économiques. Par exemple, il est fréquent que ces institutions financent les
mêmes projets sous diverses formes, notamment dans le cadre de cofinancements. En outre, cer-
tains fonds institués multilatéralement, de façon transversale, participent au financement de projets
par le truchement desdites institutions à travers la collaboration avec la Banque Mondiale, des
banques régionales, sous régionales ou en opérant à travers les agences de développement éta-
tiques. C’est le cas du Fonds pour l’Environnement Mondial. Par ailleurs, l’Agence Internationale de
Développement appartenant au groupe de la Banque Mondiale véhicule certains de ses finance-
ments à travers d’autres institutions. Ces agences et fonds s’inscrivent dans la même tendance de
mimétisme. La logique d’harmonisation au sein des OIG est également exemplifiée dans l’activité de
l’inspection panel de la BM et la création à sa suite de mécanismes d’auto évaluation similaires, dans
les autres banques de développement. Par ailleurs, la création en septembre 2006 d’un cadre com-
mun de lutte contre la fraude et la corruption par la BAD, la BAsD, la BERD, la BEI, le FMI, La BID et la

économique ne peut se faire sans une grande convergence des règles nationales au profit des forces du mar-
chés , aidés en cela par les Institutions internationales et la diffusion des best practices.
779
Mireille Delmas Marty, études juridiques comparatives et internationalisation du droit : un pluralisme or-
donné, cours, Collège de France, https://www.college-de-france.fr/media/mireille-delmas-
marty/UPL12910_r_sum_cours0405.pdf
780
Sur la question de l’harmonisation des règles entre Banques de Développement, Voir : Laurence Boisson de
Chazournes, Partnerships, Emulation, and Coordination : Toward the Emergence of a Droit Commun in the field
of Development Finance, in The World bank legal review Op. Cit. Pp 173-188
319

BM est un exemple supplémentaire. Ce cadre permit la mise en place d’un groupe de travail afin de
parvenir à une identification et une définition commune des pratiques corruptrices781, de même que
de mesures harmonisées d’investigations. Tous ces enchevêtrements créent des interactions entre
les activités des organisations de financement qui peuvent expliquer cette dynamique
d’harmonisation de leurs règles.

Dans le même état d’esprit, en matière de MPI, dans leur rapport avec les États et les entités bénéfi-
ciaires, la production de règles à l’endroit de ces derniers et les pratiques recommandées ou impo-
sées suivent la même logique d’harmonisation et parfois de standardisation. Pour corroborer les
raisons avancées ci-dessus, dissertant sur ce mimétisme, le professeur Benedict Kingsburry met en
en avant, le fait que la création et le renforcement de ce qu’il qualifie de droit administratif suprana-
tional impulsé par les institutions internationales, peut se concevoir également par le fait que les
acteurs de ces institutions (actionnaires, pays détenant le pouvoir de gouvernance, experts etc…)
sont les mêmes.782

En allant beaucoup plus loin dans cette analyse et en l’illustrant par une étude des droits nationaux
français et canadiens des marchés publics, Monsieur Romain Micalef estime que sous l’impulsion de
la Banque Mondiale, on assiste à une convergence des droits nationaux et internationaux des con-
trats publics783. L’une des raisons qu’il met en avant entre autres est que les entreprises des pays
développés remportent des parts significatives des marchés publics financés par la Banque Mondiale
dans les pays en développement. Ces procédures de passation et ces contrats sont ainsi régis par les
règles de l’institution ou celles nationales dont elle a influencé la formulation dans les états bénéfi-
ciaires. Ainsi, selon le type de contrats et la nature des financements, ces clauses types s’imposent
auxdites entreprises et cohabitent parfois avec des clauses de droits nationaux (L’exemple des droits
français et canadiens dans son étude). Ces juxtapositions de règles, corroborées par les clauses stan-
dards des fédérations internationales comme le FIDIC finissent par créer des influences mutuelles et
une standardisation des règles de passation et des clauses contractuelles entre les droits nationaux
et internationaux.

En outre, il évoque le fait que les directives et documents standards de la Banque Mondiale elles-
mêmes sont directement influencés par les législations nationales et celles de telles fédérations. Il en

781
Voir les principes dégagés : https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Generic-
Documents/30716700-EN-UNIFORM-FRAMEWORK-FOR-COMBATTING-FRAUD-V6.PDF (consulté en novembre
2021)
782
Voir B. kingsburry, global administrative law in the institutional practice of global regulatory governance. In,
the World bank global review : International Financial Institutions and global legal governance, vol 3, 2013, pp
3- 36
783
Romain Micalef, L’internationalisation du droit des contrats publics en France et au Canada, thèse, Universi-
té Laval (Canada) et Université Aix Marseille (France), soutenue en 2018, 573P. Spécifiquement, pp236-245.
320

donne pour exemple, les consultations opérées auprès des États et des entités privées par la Banque
Mondiale dans le cadre de comités de pilotages lors de l’élaboration des règles opérationnelle et des
modèles de documents standardisés de l’institution. En observant, quelques propositions formulées
par le CANADA et les États-Unis d’Amérique lors de ces consultations, il apparaît que ces propositions
ont pu directement influencer la formulation des règles standardisées de l’institution784.

Ainsi, il apparaît que le phénomène d’harmonisation et de standardisation des règles dans les institu-
tions internationales de financement ne peut pas être considéré comme isolé et étanche de
l’influence des autres acteurs nationaux publics et privés du commerce international et ceux opérant
plus généralement dans le champ du droit économique. Pour nous, cela est l’un des exemples de
l’influence de la lex mercatoria dans les MPI comme nous l’avons exposé précédemment.

D’un point de vue technique et fonctionnel, s’agissant des MPI, le mimétisme très usité dans les pro-
cédés des institutions de financement du développement dans leurs rapports entre elles va influen-
cer leur vision des réformes à opérer dans les MPI au sein des états. C’est tout le sens du concept
d’harmonisation qui révèle une volonté nette de standardisation785. En vérité, ces derniers devront
tout faire pour se conformer aux règles et niveaux d’exigences des institutions multilatérales.

Il convient de remarquer, qu’en dépit des réformes, les règles de passation des institutions déten-
trices des financements restent dans une large mesure utilisées quant aux marchés financés par elles
au lieu des règles étatiques réformées. Cela signifie que le processus d’harmonisation est imparfait et
qu’il y a, du point de vue du mimétisme, des marges de progression avant que les règles des États ne
soient complètement alignées sur celles des bailleurs de fonds. Cela peut être dû à des facteurs insti-
tutionnels, économiques, ou simplement la difficulté de transposer parfaitement des règles qui ne
correspondent pas aux mentalités, réalités et habitudes locales.

En tout état de cause, une partie des réformes est déjà engagée et s’opère par le truchement des
mécanismes régionaux transposés aux niveaux nationaux. Ces règles qui s’incorporent dans les codes
des marchés publics et à travers les nombreux actes du pouvoir réglementaire, s’apparentent tou-
jours à des règles de sécurisation de la transparence et de la concurrence. Ce sont des règles de pro-
cédures portant par exemple sur les délais de publication des DAO, les modalités d’ouverture des plis
etc. Mais également les règles relatives aux voies de recours administratifs et judiciaires. Leur organi-

784
Voir Romain Micalef, idem. Sur la sollicitation du Canada par la Banque Mondiale p 246 et s. ; sur l’influence
du droit des contrats canadiens sur les modèles types de contrats de la Banque Mondiale p250 et s.
785
Le mimétisme est l’un des procédés par lesquels les États et les acteurs institutionnels favorisent la conver-
gence des règles et la création de standards. Cela a été décrit par Mme Anaïs Lagelle dans sa thèse.
Voir ANAIS Lagelle, les standards en droit international économique : contribution à l’étude de la normativité
internationale, thèse de doctorat, Op. Cit., p137 et s.
321

sation pratique échappe partiellement au pouvoir des institutions multilatérales, du fait de la souve-
raineté de l’État, de son organisation administrative, difficiles à contourner dans ces domaines,
même en utilisant des directives et autres instructions.

Néanmoins, il demeure que ces règles réformées et les actions mises en œuvre par les États émanent
dans une large mesure de l’exercice d’un certain pouvoir par les détenteurs des financements qui ont
eux-mêmes un agenda bien spécifique. Les mécanismes de la soft-law (que nous avons évoqué plus
haut) font partie des moyens utilisés à cette fin. C’est l’un des modes d’expression du droit adminis-
tratif global comme l’explique le professeur Benedict Kingsburry. D’après lui, la gouvernance mon-
diale implique une tendance croissante de l’exercice significatif et dense du pouvoir au-dessus de
l’État. Cette réalité emporte diverses implications juridiques. Celles-ci se perçoivent dans les tech-
niques de régulation qui peuvent s’étendre de la négociation avec l’entité que l’on cherche à réguler
à l’adoption d’initiatives dont le but est d’influencer ladite entité en générant chez elle un certain
nombre de comportements. Qui plus est, une grande partie de la régulation ne s’opère pas via les
canaux classiques des instruments de bases comme les traités. Elle transite par des processus déci-
sionnels qui échappent d’une certaine manière à l’emprise des systèmes classiques de droit interne
ou international786. Ceci peut être problématique en ce sens qu’au sein des institutions internatio-
nales, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer la sous-représentation et l’inégale répartition des
pouvoirs qui dessert les États moins forts.

Sur le plan concret, il s’agit dans le cas des MPI, de l’émission d’instructions à l’endroit des États et de
l’obligation pour ceux-ci d’accepter des corpus de règles qui accompagnent les accords de finance-
ments. Celles-ci constituent des conditions préalables à l’accès et la jouissance des financements.
S’insèrent dans cette catégorie, les opérations dites de renforcement des capacités, la logique
d’influence épistémologique et les indicateurs de classements appliqués aux États à travers les éva-
luations menées par les institutions de financement, étant entendu que de telles évaluations influen-
ceront les actions des États du fait notamment de l’enjeu crucial qui est leur capacité à accéder à des
financements, y compris privés.

II- Les actes et le cheminement de l’harmonisation des MPI au niveau internatio-


nal

En rappelant que l’harmonisation des procédures est l’objectif visé en vue d’accroître l’efficacité des
procédures, il convient de retenir que les évaluations qui la porte et les modèles sur lesquels elle se
base impliquent la recherche d’un certain mimétisme et de similarisation entre les procédures et les

786
Voir B. kingsburry, global administrative law in the institutional practice of global regulatory governance Op.
Cit.
322

pratiques. On peut considérer que cette tendance, basée en partie sur l’utilisation de standards n’est
pas nouvelle ; de nombreux pays s’inspiraient déjà des loi-types de la CNUDCI sur la passation des
marchés publics dont les premiers modèles datent de 1993-1994787. Il convient de rappeler égale-
ment que l’harmonisation au niveau des procédures et pratiques des États complète celle déjà bien
avancée des méthodes, documents et procédures, utilisées par les différentes institutions elles-
mêmes788. Celles-ci démontrent une standardisation certaine, quoique des différences négligeables
subsistent en fonction de l’identité de chaque acteur789.

Cependant, la tendance de l’harmonisation en matière de marchés publics que nous évoquons ici au
niveau des états est celle de son renforcement et de sa structuration plus minutieuse dans une stra-
tégie internationale menée à travers et dans les états eux-mêmes. Elle est opérée suivant de nou-
velles méthodes basées sur des résultats attendus à des échéances bien déterminées. Il apparaît
qu’elle suit une certaine logique temporelle dont l’issue est jugée comme nécessaire par les parties
prenantes pour la préservation de leurs intérêts et pour l’efficacité de l’aide publique au développe-
ment. On peut parler de l’éclosion d’un programme mondial relatif à l’efficacité de l’aide au dévelop-
pement dont les MPI constituent l’un des éléments centraux.

À ce titre, partant du lien entre la volonté de rendre les financements plus efficaces en termes
d’impact sur le développement et les réformes dans les MPI, l’idée des réformes institutionnelles au
sein des pays bénéficiaires (vue depuis le constat de l’inefficacité de l’aide) comme un moyen de
parvenir à de meilleurs résultats remonte à la fin des années 90 comme le démontrent les rapports
de la Banque Mondiale sur le développement de 1997 et de l’année 2000790. Ces rapports marquent
une prise de conscience de ce besoin d’efficacité. L’efficacité est entendue ici comme la réalisation
des objectifs prédéterminés de la manière la plus économique possible. Il s’est agit également d’une
recherche de légitimation des politiques d’ajustements structurels en mettant les États bénéficiaires
de l’aide au cœur de la mise en œuvre et de la formulation de ces politiques au niveau national, au
contraire de ce qui avait été fait dans la décennie précédente : C’est l’idée de « l’appropriation » des

787
Voir loi type de la commission des nations unies pour le droit commercial international sur la passation des
marchés de biens, de travaux et de services. Résolution 49/54, 84ème séance plénière du 9 décembre 1994.
Précisons que la CNUDCI avait d’abord adopté en 1993 une loi type sur les marchés publics. Mais celle-ci se
bornait à la prise en compte des marchés de travaux et de biens.
788
Cette harmonisation constitue un pan important dans la quête d’harmonisation. Cependant, dans la pré-
sente partie, nous nous intéresserons à celle qui a lieu au niveau des États.
789
Voir Laurence Boisson de chazournes, Partnerships, emulation and coordination: toward the emergence of a
DroitCommun in the field of development finance, Op. Cit.
790
Les rapports de la Banque Mondiale sur le développement dans le monde, de 1997 (l’État dans un monde en
mutation), de 2000 (combattre la pauvreté) ; ces rapports sont disponibles sur le site de la Banque Mondiale.
323

réformes791. Ainsi, la conférence de Monterrey vient acter la nécessité de mener des changements
en vue de parvenir aux objectifs du millénaire pour le développement. Elle évoque la nécessité de
promouvoir une mobilisation plus accrue des ressources, accompagnée de politiques cohérentes. Elle
insiste notamment sur la nécessité pour les contributeurs de l’aide au développement d’harmoniser
leurs procédures opérationnelles selon les plus hauts standards en tenant compte des nécessités
d’appropriation par les pays bénéficiaires792. À la suite de cette conférence, de nombreuses ren-
contres subséquentes se sont déroulées entre les principales institutions de financement du déve-
loppement et les acteurs étatiques et institutionnels en vue de convenir des mesures à prendre pour
mettre en œuvre les orientations déterminées à Monterrey. Ces travaux font ressortir le fait que, la
plupart des réformes avant 2004 étaient faites à un faible niveau de responsabilité, pendant un
temps limité et trop dirigées par les bailleurs de fonds. Ce qui n’a pas permis de produire des résul-
tats satisfaisants793. Par conséquent, l’un des engagements qui a émergé est de donner plus de place
aux législations des pays en développement.

Abondant dans ce sens, la déclaration de Johannesburg prévoit d’accorder une place importante aux
systèmes nationaux « qui se conforment aux standards internationalement reconnus »794. Quant à la
déclaration d’Arusha sur l’activité conjointe sur la passation des marchés, adoptée par 41 « pays par-
tenaires et donateurs », de même que par des organisations de développement, elle insiste haute-
ment sur le degré de priorité à accorder à la réforme des marchés publics, l’augmentation de

791
Il ne s’agit pas nécessairement d’un changement d’orientation par rapport aux politiques de libéralisation
mais la prise de conscience que la plupart des réformes devraient être pilotées de l’intérieur et menées à un
rythme différent, tenant compte de la nécessité de maintenir l’intervention de l’État, et que les bailleurs de
fonds ne doivent pas paraître comme ceux qui imposent de l’extérieur. Pour une analyse du rapport sur le
développement de la Banque Mondiale de 1997 (l’État dans un monde en mutation) : Campbell Bonnie. La
Banque Mondiale prône un État efficace : pour faire quoi ? In : Revue Québécoise de droit international, volume
10, 1997. pp. 189-199 ; https://www.persee.fr/doc/rqdi_0828-9999_1997_num_10_1_1800 (consulté en no-
vembre 2021)
792
Conférence de Monterrey (Mexique) du 18-22 mars 2002 organisée par les nations unies et regroupant les
partenaires financiers multilatéraux et bilatéraux. Elle a abouti au consensus de Monterrey qui détermine de
nouvelles actions à mener pour l’efficacité de l’aide au développement. Le renforcement des capacités des
pays en développement a été mis en avant, notamment en ce qui concerne les mécanismes de dépenses bud-
gétaires. Ceci impliquait une réforme des aspects liés aux marchés publics. Voir le paragraphe 43 de ce consen-
sus: “… Enhance the absorptive capacity and financial management of the recipient countries to utilize aid in
order to promote the use of the most suitable aid delivery instruments that are responsive to the needs of de-
veloping countries and to the need for resource predictability, including budget support mechanisms, where
appropriate, and in a fully consultative manner”… “Enhance recipient countries’ input into and ownership of the
design, including procurement, of technical assistance programmes; and increase the effective use of local
technical assistance resources…”; Voir également, Rapport de la Conférence internationale sur le financement
du développement, Monterrey (Mexique), 18-22 mars 2002, Nations unies , A/CONF/.198/11
793
Voir le rapport conjoint OCDE, Banque Mondiale, Harmonising donor practices for Effective Aid Delivery, vol
3 : strengthening procurement capacities in developing countries, Dac Guidelines and reference series, p13,
85p, 2003
794
Voir la déclaration de Johannesbourg adoptée par la BM et la table ronde CAD-OCDE suite à la table ronde
tenue du 30 novembre au 2 décembre 2004.
324

l’efficacité, des approches et des techniques communes à toutes les parties pour développer les ca-
pacités en la matière795.

En sus, les différents travaux et tables rondes (voir la liste exhaustive en note de bas de page) met-
tent notamment l’accent sur le concept de « gestion du développement pour les résultats »796. Ce
concept qui est réitéré dans la déclaration de Paris a une portée générale qui déterminait déjà une
approche différente des stratégies de développement.

Ainsi, la nouvelle conception de l’efficacité se rapporte directement à des questions telles que
l’harmonisation des procédures au regard des standards internationaux, la participation active des
pays récipiendaires et l’appropriation des réformes, la question de « l’alignement » à termes des
acteurs internationaux du financement sur les procédures harmonisées des pays bénéficiaires. Elle
s’étend également à toute la sphère des finances publiques de l’État bénéficiaire, notamment avec le
renforcement des capacités et la mise en place progressive des budgets pluriannuels tenant compte
de l’étalement dans le temps, du financement de certains projets de développement. Elle prend aussi
en compte l’impératif de sécurisation des procédures et d’une participation plus accrue de la société
civile.

Par ailleurs, le consensus de Monterrey et la déclaration de Paris mettent en avant le rôle primordial
des banques multilatérales, de l’OCDE et des États développés en tant que catalyseurs de ces ré-
formes.797 Les actions incombant aux parties prenantes sont régulièrement analysées par le comité
d’aide au développement de l’OCDE qui a mis en place des guides de bonnes pratiques et des outils
pour évaluer leur efficacité798. Au nombre de ces outils, pour ce qui est des marchés publics, le MAPS
(Methodology for Assessing Procurement Systems-méthodologie d’évaluation des systèmes de pas-
sation des marchés) mis en place en 2004 par l’OCDE a joué et continue de jouer un rôle important
dans l’évaluation des réformes et leur évolution. Cet outil s’ajoute à ceux de la Banque Mondiale,

795
Déclaration d’Arusha issue de l’activité conjointe sur la passation des marchés tenue à Arusha, République
unie de la Tanzanie 5-7 MAI 2008, par le groupe de travail conjoint CAD-OCDE sur l’efficacité de l’aide (activité
conjointe sur la passation des marchés).
796
Roundtable on managing for development results ( 5-6 juin 2002 , Washington) ; déclaration de Rome sur
l’harmonisation ( 2003) ; table ronde de Marrakech (2004); déclaration de Paris sur l’effectivité de l’aide
(2005); table ronde de Hanoi (février 2007) ; programme d’action d’Accra (2008) ; Accord de Busan (2011) ;
OCDE/ DAC, joint-venture on managing for development results :
https://www.oecd.org/dac/effectiveness/41178251.pdf ; OCDE/ DAC emerging good practice in managing
results for developement
797
Voir point 45, 43 du consensus
798
OCDE/ DAC, joint venture on managing for development results :
https://www.oecd.org/dac/effectiveness/41178251.pdf ; OCDE/ DAC emerging good practice in managing
results for development.
325

notamment, le CPAR (Country Procurement Assessment Report)799. Ces outils ont eu un impact ma-
jeur sur les réformes d’autant plus que s’agissant du CPAR, les pays bénéficiaires se doivent (explici-
tement ou implicitement) de mener les réformes nécessaires pour bénéficier des financements. De
nombreux pays ont admis dans une étude menée par l’OCDE que leurs réformes des marchés publics
ont débuté suite à une action recommandée par des institutions de financement ou en prenant part
à des programmes ad hoc initiés et financés par ceux-ci, visant à corriger les faiblesses révélées par
les évaluations menées sous leur égide. En ce sens, comme prévu dans les accords internationaux
précités, les banques multilatérales ont été des promotrices majeures des réformes des marchés
publics800. Il convient de dire que cette posture présente une certaine logique. De fait, il est indé-
niable que la collaboration de longue date entre les institutions de financement et les pays bénéfi-
ciaires corrélée à leur expérience mondiale acquise dans leurs activités auprès de plusieurs pays et
dans tous les secteurs de l’économie et de la société, font d’elles des acteurs primordiaux et incon-
tournables pour la mise en œuvre et le succès des réformes.

En définitive, en se fondant sur la nécessité de l’appropriation des réformes et les constats que nous
avons exposés ci-dessus, il appert que le canal régional a été le moyen privilégié pour mettre en
œuvre la réforme des marchés publics et l’harmonisation des procédures. Cela s’explique également
par de nombreuses raisons pratiques, que nous exposerons ci-après. Par suite, afin de mieux exem-
plifier les réformes et analyser leur contenu de façon pratique et critique, nous nous focaliserons sur
le cas des réformes des marchés publics de l’UEMOA. Pour ce faire, nous mettrons en avant dans un
premier temps, les éléments pratiques qui font de l’UEMOA un canal naturel pour mener le train de
l’harmonisation et de la réforme des marchés publics dans les États de ladite zone.

799
Le but du CPAR tel que formulé dans un document de la Banque Mondiale est de fournir une compréhen-
sion du système des marchés publics du pays, des procédures en cours et des pratiques, du cadre juridique,
institutionnel, du cadre du contrôle, la répartition des responsabilités et l’identification des pratiques inaccep-
tables, en mesurant les risques que ceux-ci font peser sur les procédures de marchés publics. Il en résulte le
développement d’un plan d’action prioritaire afin de mener les réformes institutionnelles adéquates. Il vise
également à évaluer la compétitivité et la performance de l’industrie locale au regard de son implication dans
les procédures de marchés publics, de même que l’adéquation des pratiques commerciales en rapport avec les
marchés publics.Voir : Banque Mondiale, Country Procurement Assessment Report, 2003
800
Les institutions de financement initient l’évaluation du système en utilisant leurs outils, financent la réforme
pour mener les changements. Souvent, ils participent directement à la miseen oeuvre des réformes législatives
et administratives en mettant en place une assistance technique, des formations, par le biais de consultants.
Voir à ce sujet: Sope Elegbe Williams, Public procurement and multilateral development banks: law, practice
and problems, Op. Cit., p 276 et s.
326

III- Le choix du canal régional pour réformer : cas de l’UEMOA

Le choix de ce bloc économique se justifie par notre connaissance plus accrue du fait de la disponibi-
lité de la documentation. En outre, dans une optique de recherche, nous avons pu effectuer un stage
au niveau de l’institution régionale de financement du développement qui constitue le bras financier
de l’UEMOA en matière de financement de projets de développement : la BOAD. Par ailleurs, un
autre stage à la Direction Générale des Marchés Publics de l’État de Côte d’Ivoire nous a permis de
nous immerger dans la réception des actes de l’institution en matière de réforme dans ce pays qui en
est membre. En sus, cette posture nous a permis de disposer d’une documentation et d’une connais-
sance qui nous permettra de mettre en exergue les réalités contrastées émaillant la mise en œuvre
des réformes en Côte d’Ivoire.

De prime abord, il est nécessaire de souligner que les réformes des marchés publics au sein de
l’UEMOA peuvent être regardées comme un projet conjoint des acteurs internationaux, régionaux et
nationaux, afin de répondre à plusieurs objectifs qui sont à la fois liés au renforcement de
l’intégration économique et régionale conformément aux buts de l’organisation et à la nécessité de
prendre en compte les variables de la mondialisation et des besoins croissants en financements. Ces
différentes variables impliquent pour les États membres une certaine nécessité de se conformer aux
recommandations sur la gestion des finances publiques, émises par les institutions internationales
qui financent les projets de développement. À ce sujet, l’un des objectifs du Programme Régional de
Réforme des Marchés Publics dans l’espace UEMOA ( PRMP-UEMOA), tel que spécifié dans son rap-
port d’évaluation, précise qu’à l’issue de la réforme, les résultats escomptés impliquent une confor-
mité des réglementations communautaires et nationales aux normes internationales. La conformité
vis-à-vis de la déclaration de Paris y est également mentionnée801. Ainsi, le PRMP-UEMOA-UEMOA
qui a servi de base aux réformes est fondé sur les travaux conjoints de la commission de l’UEMOA et
l’assistance technique des « partenaires au développement »802. À ce sujet, le rapport de l’évaluation
du projet précise que l’évaluation de la qualité et de la performance des systèmes des États membres
se fera sur la base des normes standards d’évaluation de la qualité et des performances des systèmes

801
Voir FAD, Projet d’Appui à la Réforme des Systèmes des marchés Publics dans l’espace UEMOA (Phase II),
Rapport d’évaluation, 2006, p7 et s.
802
« Avec la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement (BAD) dans le cadre de la définition et
de la mise en œuvre des actions répondant aux besoins de réformes des systèmes des marchés publics des
États membres, la Commission a poursuivi au courant de l’année 2000 sa coopération avec la Banque Mondiale
et la Banque Africaine de Développement. Les travaux de la BAD, de la Banque Mondiale et de la Commission
ont permis d’élaborer, au début de l’année 2000, le document de conception du projet de réforme des mar-
chés publics des États membres de l’UEMOA, adopté par le Conseil des Ministres en juin 2000. »
Voir : UEMOA, rapport de la commission de l’UEMOA présenté à la 5 ème réunion de la conférence des chefs
d’État et de Gouvernement de l’UEMOA à BAMAKO, le 14 décembre 2000, p 42 et s.
http://www.uemoa.int/sites/default/files/bibliotheque/rapport2000com_0.pdf (consulté en novembre 2021
327

des marchés publics définis dans le cadre de la déclaration de Paris dont le processus
d’opérationnalisation sera approuvé par les États membres de l’UEMOA dans le cadre de ce projet de
réforme803. Des groupes de travail conjoints mis en place dans le cadre de la déclaration de Paris
concourent à la supervision du projet de réforme. Ceux-ci sont actifs pendant la phase d’exécution
du projet, notamment à travers des missions de supervisions annuelles conjointes et des rapports
d’activités804. Par ailleurs, le rapport d’évaluation précise que la BANQUE MONDIALE appuie les ré-
formes également à travers des appuis budgétaires consentis aux états et des appuis institution-
nels805. Il convient de préciser que les résultats attendus du PRMP-UEMOA font partie des conditions
d’évaluations d’autres projets appuyés par les institutions multilatérales, notamment en tant que
l’une des étapes que doivent franchir les pays inclus dans les facilités de l’initiative PPTE du FMI et de
la Banque Mondiale806.

Nous avons déjà évoqué sommairement dans la première partie le cadre juridique actuel des mar-
chés publics au sein de l’UEMOA. Dans le titre présent, nous nous focalisons davantage sur le conte-
nu des réformes, leur cheminement, les actes qui en résultent et les réalités de leur mise en œuvre
pratique.

À ce titre, il est d’abord loisible de se demander pourquoi une institution régionale devient le canal
d’une réforme ? Quel est son rôle dans sa mise en œuvre ?

1- Un droit communautaire primaire favorable pour la réforme et à l’impératif de l’appropriation

D’une part, il convient de remarquer que l’institution UEMOA est dotée d’un statut qui fait d’elle un
instrument d’harmonisation des législations et des procédures des États dans un objectif de déve-

803
Voir page 35 du rapport d’évaluation, Op cit. note de bas de page N°801.
804
Voir page 37 idem
805
« Au regard de la déclaration de Paris et du HAGAR du groupe de la Banque, il y a une forte mobilisation
pour la réussite de cette réforme. Cependant, l’appui à l’espace UEMOA se fera à travers des concours directs à
la Commission et des appuis directs aux huit états membres de l’UEMOA à travers des appuis institutionnels et
budgétaires principalement. En effet, dans le cadre de la première phase, il a été élaboré pour chaque état
membre de l’UEMOA, un plan d’actions national faisant le point sur l’état d’exécution des réformes et les bail-
leurs de fonds qui interviennent. L’UEMOA dans le cadre de l’exécution de la première phase du programme a
bénéficié de l’appui de la Banque et de la Banque Mondiale. Ces efforts dans le domaine ont été soutenus par
l’appui budgétaire consenti par la France et l’Union européenne. Les états membres de l’UEMOA éligibles à des
appuis budgétaires comme le Bénin, Burkina et Sénégal ont bénéficié des appuis de la Banque, la Banque Mon-
diale et des partenaires que sont l’Union européenne et les bilatéraux Canada, Allemagne et Danemark). En
effet, la condition relative à l’existence d’un cadre fiduciaire fiable conduit à retenir le volet des marchés publics
dans les programmes de réformes financés pour appuyer la mise en œuvre du CSLP. Ces appuis visent à amélio-
rer l’efficience à travers l’adoption de code de marchés publics conformes aux normes internationales et la sé-
paration de la fonction de contrôle d’exécution de marché et de régulation. », Idem, p37
806
Tel est l’avis exprimé en 2009 par M. Yapo Assamoi qui était le sous-directeur des procédures et des opéra-
tions à la Direction Générale des Marchés Publics de l’État de Côte d’Ivoire, pays admis à l’initiative PPTE. Voir,
Yapo Assamoi, la réforme des marchés publics, une contribution à l’achèvement de l’initiative PPTE, Journal des
marchés publics de côte d’ivoire, N° 1012 du 1er juin 2009.
328

loppement et d’intégration économique comme le prévoit l’article 4 du traité fondateur807. Dans ce


sens, sa légitimité à chapeauter la réforme des marchés publics est naturelle car c’est un domaine
phare et stratégique de la gestion budgétaire et de l’intégration économique entre les é tats de
l’union. Par ailleurs, l’UEMOA dispose des institutions, des prérogatives et de l’expérience néces-
saires pour piloter et coordonner la mise en œuvre des réformes.

En effet, du point de vue organique, le système institutionnel de l’UEMOA comprend une dualité
d’organes. Il s’agit d’une part des organes de décision et d’exécution chargés de promouvoir et
d’appliquer le droit communautaire. D’autre part, l’institution est dotée d’organes de contrôle dé-
mocratiques et juridictionnels808. Du point de vue matériel, différents moyens leurs sont dévolus
conformément aux articles 42 du traité révisé809. L’article 43 précise la portée de ces actes810. Aussi, il
apparaît que La plupart des actes de la réforme se sont fait soit par des directives, soit des décisions
des organes de l’UEMOA. Aussi, nous pensons que le choix des directives811 émanant du Conseil des
Ministres en tant qu’actes fondateurs de la réforme apparaît comme stratégique. De fait, la directive
a pour particularité qu’elle est un acte à la fois contraignant et souple puisque les États doivent la
transposer dans leur système juridique en respectant les délais et les objectifs y contenus. Dès lors,
même si leur transposition est obligatoire, elles laissent des marges de manœuvre aux États en vue
d’une adaptation selon leur contexte interne, de même que des délais qui leur permettent de faire

807
Notamment les alinéas a) et e)
808
Voir le schéma en page 337 pour une vision d’ensemble des institutions de l’UEMOA ; voir également pour
la description des institutions et de leurs attributions et plus généralement sur l’ordre juridique communau-
taire : Amadou Yaya Sarr, l’intégration juridique dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UE-
MOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), thèse de doctorat,
Université Aix Marseille 3, 2006. ; Voir également : NGOU DJAMA Guy, La réforme des systèmes de passation
des marchés publics dans l’espace UEMOA, Mémoire de recherche de Master 2, Université Félix Houphouët
Boigny d’Abidjan, 2014, non publié, 80P
809
L’article 42 du traité révisé dispose :
« Pour l'accomplissement de leurs missions et dans les conditions prévues par le présent Traité :
- la Conférence prend des actes additionnels, conformément aux dispositions de l'article 19
- le Conseil édicte des règlements, des directives et des décisions ; il peut également formuler des recomman-
dations et/ou des avis
- la Commission prend des règlements pour l'application des actes du Conseil et édicte des décisions ; elle peut
également formuler des recommandations et/ou des avis
- Le Parlement prend des actes dont le régime juridique est déterminé par le Traité portant création de cet
organe. »
810
« Les règlements ont une portée générale. Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement
applicables dans tout État membre. Les directives lient tout État membre quant aux résultats à atteindre. Les
décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires qu'elles désignent. Les recomman-
dations et les avis n'ont pas de force exécutoire ».
811
Notamment directive n°04/2005/CM/UEMOA portant procédures de passation, d’exécution et de règlement
des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Afri-
caine et directive n°05/2005/CM/UEMOA portant contrôle et régulation des marchés publics et des délégations
de service public dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.
329

face à leurs contraintes tout en respectant des objectifs contenus dans la directive. Elle suppose
l’adoption d’actes de réception au sein de l’état qui la transpose.

Quant aux décisions, les instances de l’UEMOA en ont fait également usage dans le cadre de cette
réforme pour en accélérer et préciser certains aspects spécifiques. Les décisions sont des actes
communautaires qui ont une portée individuelle et visent des destinataires désignés. Leur applica-
tion est directe et intégrale dans toutes leurs dispositions dès leur entrée en vigueur ; ce qui facilite
l’atteinte des objectifs qui leurs sont assignés. S’agissant de la réforme qui nous concerne, c’est le cas
notamment des décisions portant adoption des Dossiers Standards Régionaux d’Acquisition
(DSRA)812. Tous ces actes répondent au principe de la primauté du droit communautaire sur le droit
interne de l’État813. Ce principe fait de l’Union le meilleur canal pour atteindre l’objectif de la mise en
œuvre de la réforme.

D’autre part, il nous semble important de souligner que même si les partenaires au développement
ont naturellement joué un grand rôle dans la conception et le pilotage de la réforme à travers son
financement, leur participation directe et indirecte dans les travaux préparatoires et le suivi dans
l’exécution de la réforme, le choix du canal communautaire s’est imposé également pour une meil-
leure appropriation et une meilleure acceptation sociétale de celle-ci. Les institutions internationales
de financement et les partenaires au développement ont bien compris l’intérêt d’un tel choix straté-
gique. Les acteurs de la conférence d’Abidjan (dont la BAD et la BANQUE MONDIALE) sur la réforme
des marchés publics en Afrique, une rencontre fondatrice dans le mouvement des réformes de la
matière insistaient sur l’impératif d’une forte implication des acteurs nationaux et communautaires,

812
Ces décisions adoptées par le conseil des ministres ont été proposées par la commission et sont exécutoires
dans tous les états de l’Union. Il s’agit des décisions n°12/2012/CM/UEMOA portant adoption du DSRA de pres-
tations intellectuelles et du modèle de rapport d’évaluation et n°13/2012/CM/UEMOA portant adoption des
DSRA de travaux, de fourniture, de services courant et du modèle de rapport d’évaluation.
813
La primauté du droit communautaire est affirmée et incontestable. Voir deux avis de la Cour de Justice de
l’UEMOA. Primo, avis N°002/2000 en date du 02 février 2000 (demande de la Commission de l’UEMOA relative
à l’interprétation de l’article 84 du traité de l’UEMOA) dans lequel la Cour de Justice Affirme « Il importe de
souligner tout d’abord que l’Union constitue en droit une organisation de durée illimitée, dotée d’institutions
propres, de la personnalité et de la capacité juridique et surtout de pouvoirs issus d’une limitation de compé-
tences et d’un transfert d’attributions des états membres qui lui ont délibérément concédé une partie de leurs
droits souverains pour créer un ordre juridique autonome qui leur est applicable ainsi qu’à leurs ressortis-
sants ». Deuzio, avis N°001/2003 du 18 mars 2003- Demande d’avis de la Commission de l’UEMOA relative à la
création d’une cour des Comptes au MALI. Dans ce second avis, en se fondant sur l’article 6 du traité de
l’UEMOA, la Cour de Justice affirme textuellement la primauté du droit de l’UEMOA sur « toutes les normes
nationales, administratives, législatives, juridictionnelles et même constitutionnelles parce que l’ordre juridique
communautaire l’emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux ». Ces dispositions rappellent
celles du Droit de l’UE dont la primauté en tant qu’ordre juridique a été affirmée sur les législations nationales
à travers l’arrêt Costa contre Enel de la CJCE (aff 6/64).
330

comme une condition du succès desdites réformes814. En outre, l’appropriation des politiques de
développement étant un principe issu de la déclaration de paris sur l’efficacité de l’aide au dévelop-
pement, il est loisible de penser qu’une réforme de cette ampleur pouvait être considérée comme
une étape dans l’application de ce principe et de cet accord international.

Ainsi, de par son statut d’organisation communautaire phare et du fait des prérogatives que cela
implique, l’UEMOA est un canal privilégié dans la mise en œuvre efficace de la réforme pour pouvoir
l’orienter vers les objectifs de développement qui lui sont associés et pour une meilleure coordina-
tion entre les différents acteurs nationaux et internationaux. Dans le même ordre d’idée, l’institution
s’est dotée de mécanismes de surveillance qui facilitent la mise en œuvre opérationnelle de la ré-
forme.

2- La mise en œuvre et le suivi opérationnel de la réforme facilitée par l’existence d’organes et de


mécanismes appropriés

Les mécanismes de suivi et de surveillance de l’institution dans la réalisation de ses objectifs en font
un instrument puissant pour assurer la mise en œuvre des réformes des marchés publics815. Il s’agit
des organes statutaires de l’institution et des mécanismes spécifiques de suivi et de surveillance ad
hoc issus de la réforme des marchés publics. Ainsi, les mécanismes de suivi et de surveillance les plus
significatifs sont les suivants :

* Primo, la Commission de l’UEMOA,

Bénéficiant d’une compétence générale pour chapeauter toutes les actions entreprises par l’UEMOA,
elle a joué un rôle prépondérant dans la conduite des actes qui ont mené aux réformes. En tant
qu’organe d’exécution de l’union, elle a assuré le suivi du financement et de la progression de la ré-
forme en organisant la participation des acteurs étatiques des huit états membres, des institutions
financières partenaires au développement et du comité de pilotage ad hoc. De plus la directive N°4
attribue dans son chapitre 2 certaines obligations à la commission concernant le contenu de la ré-
forme. Ainsi, en va-t-il de la forme et des obligations de publication de la commande publique. En ce
sens, l’article 39 de ladite directive met à sa charge l’obligation de déterminer avec les États
membres les supports de communication adéquats pour la publication des avis indicatifs (compor-

814
Voir notamment, le rapport de l’International Trade center de ladite conférence : ITC, Rapport de la Confé-
rence sur la réforme des marchés publics en Afrique, Abidjan, Côte d’Ivoire, 30 novembre-4 décembre 1998,
118P ; disponible sur :
https://knowledge.uclga.org/IMG/pdf/rapportdelaconferencesurlareformedesmarchespublicsenafrique.pdf
(consulté en novembre 2021)
815
Voir NGOU DJAMA Guy, La réforme des systèmes de passation des marchés publics dans l’espace UEMOA,
Mémoire de Master 2, Op. Cit.
331

tant les informations essentielles sur le marché) au niveau communautaire. Quant à l’article 40, il
met à la charge de la commission la détermination en concertation avec les États membres du seuil
de publication communautaire pour les marchés de travaux, de fournitures et de services, de même
que les délégations de service public. C’est également à elle que revient la mission de publier ces avis
au niveau communautaire (art 41). Ensuite, l’article 93 accorde à la commission un rôle général de
surveillance de l’application de la directive par les États membres. En vertu de cet article, C’est à elle
que les États membres doivent adresser toutes informations utiles816 lui permettant d’établir des
rapports qu’elle soumettra au conseil des ministres relativement à l’application de la directive.

À travers ces dispositions , il apparaît que le rôle de la commission de l’UEMOA en ce qui concerne le
pilotage de la réforme et la surveillance est prévu dans les textes de la directive et est étroitement
encadré par la formulation d’obligations spécifiques lui incombant et aux États afin de garantir le
succès de la réforme. Dans le même ordre d’idée, d’autres institutions impliquées dans la surveil-
lance de la mise en œuvre des réformes renforcent le rôle de l’institution régionale en tant que canal
des réformes.

*Deuzio, le dispositif de suivi-évaluation du programme économique et régional du PER.

Le PER (Programme Économique Régional) a été créé sur la base de la décision


n°01/2004/cm/UEMOA portant adoption du Programme Économique Régional (PER) 2004-2008 du
Conseil des Ministres de l’UEMOA. Selon l’article 2 de ladite décision, l'objectif global du PER est de
contribuer à l'approfondissement du processus d'intégration de l'UEMOA en vue de stimuler une
croissance forte, durable et réductrice de la pauvreté. La décision portant création du PER se veut le
complément et un moyen d’exécution des objectifs du NEPAD817 en considérant que l’échelle régio-
nale est l’espace opératoire de celui-ci. De par son statut de programme intégrateur et général, ses
instances ont un droit de regard sur le processus de mise en œuvre des réformes des marchés pu-

816
« Les États membres communiquent à la commission le texte des dispositions de droit interne déjà adoptées
ou qu’ils adoptent dans les matières régies par la présente directive… ils en informent immédiatement la com-
mission ». voir : Art 93 , directive n°4-2005 UEMOA
817
« Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) , cadre stratégique de l'Union Afri-
caine pour le développement socio-économique du continent, est à la fois une vision et un cadre stratégique
pour l'Afrique au XXIe siècle. Ce partenariat a été adopté par les Chefs d'État africains lors du 37ème Sommet
de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) organisé à Lusaka, en Zambie, en juillet 2001.
Le NEPAD vise à faciliter et à coordonner la mise en œuvre des programmes et projets prioritaires régionaux et
continentaux et de mobiliser des ressources, d'œuvrer à la mise en place de partenariats avec la communauté
internationale, les communautés économiques régionales (CER) et les États membres africains. Le NEPAD a
pour ambition de relever les défis majeurs du continent africain, à savoir la pauvreté, le développement et la
marginalisation du continent à l'échelle internationale. Il compte quatre principaux objectifs qui se présentent
comme suit : Éradiquer la pauvreté ; promouvoir la croissance et le développement durable ; Intégrer pleine-
ment l’Afrique dans l'économie mondiale ; Accélérer l'autonomisation des femmes. »
Source : site de l’ONU : https://www.un.org/fr/africa/osaa/peace/nepad.shtml
332

blics au sein de l’UEMOA. Ainsi, le comité de pilotage du PER est un organe de contrôle dont la mis-
sion englobe le domaine des marchés publics. Il est constitué de plusieurs parties prenantes commu-
nautaires majeures ; id est, la commission de l’UEMOA, la BOAD, la BCEAO (Banque centrale des
États d’Afrique de l’Ouest)818 ; cependant, la participation des partenaires au développement aux
réunions, à titre consultatif est possible. Le comité de pilotage du PER se réunit deux fois par an en
avril et en octobre. Il adresse des rapports de ses réunions au Conseil des Ministres de l’Union.

Le PER constitue un élément de renforcement des réformes des marchés publics par le truchement
communautaire en ce sens qu’il a un droit de regard et un rôle de surveillance supplémentaire.

En synergie avec la Commission de l’UEMOA et le PER, il existe des organes créés spécifiquement
pour accompagner la bonne application des directives N°4 et N°5 portant la réforme des marchés
publics au sein de l’UEMOA. Il s’agit de l’Unité de Gestion des Marchés Publics (UGMP) et de
l’Observatoire Régional des Marchés Publics (ORMP).

*Tertio, l’UGMP (Unité de Gestion des Marchés Publics)

Il a un rôle fonctionnel couvrant l’application de tout le projet de réforme. C’est une structure in-
terne à la commission de l’UEMOA, notamment la direction des finances publiques. Ses missions
consistent à planifier, coordonner et superviser la mise en œuvre du programme de réforme des
marchés publics. Elle joue un rôle important dans le suivi des revues à mi-parcours et dans la réalisa-
tion des audits concernant la mise en œuvre des réformes. L’UGMP assure le secrétariat de l’ORMP
(voir paragraphe suivant). Son travail est couronné par la rédaction de rapports trimestriels et an-
nuels qui font la synthèse de l’évolution du projet de réforme. Ces rapports mettent en avant une
appréciation des aspects liés aux activités du projet, la performance dans son exécution, les résultats
atteints et des recommandations en vue d’améliorer la mise en oeuvre de la réforme. Elle transmet
ses rapports à la commission de l’UEMOA, la BOAD et aux autres partenaires financiers.

*Quarto, l’Observatoire Régional des Marchés Publics (ORMP)

Il a été créé par la décision N° 01/2010/COM/UEMOA du 02 février 2010 portant création et modalité
de fonctionnement de l’ORMP. C’est un organe spécialisé jouant un rôle important dans le suivi de la
réforme des marchés publics au sein de l’UEMOA. L’ORMP appuie la commission de l’UEMOA dans la
surveillance multilatérale de la mise en œuvre des règles relatives aux marchés publics et délégations
de service publics. Il joue un rôle de collecte et d’analyse des données relatives à la commande pu-
blique dans l’ensemble des pays de l’union. En outre, il contribue au pilotage du PRMP-UEMOA en
approuvant les programmes annuels d’activités et les rapports d’exécution semestriels de celui-ci. Il

818
Article 4 de la décision portant création du PER.
333

informe périodiquement le comité de pilotage du PER des avancées du PRMP-UEMOA. La composi-


tion de l’ORMP a été formulée spécifiquement en vue de mutualiser les efforts des différents acteurs
dans l’accomplissement de sa mission. L’ORMP est constituée d’un secrétariat technique et adminis-
tratif. Il comprend un personnel mixte mêlant des acteurs étatiques et ceux du secteur privé, de
même que ceux de la commission de l’UEMOA et a la possibilité de recourir à des consultants experts
en matière de marchés publics et de délégations de services publics si nécessaire819. Il établit des
rapports annuels de surveillance en matière de marchés publics. Au total, l’ORMP exerce une mission
globale et essentielle de surveillance de la mise en œuvre de la réforme et un pilotage du projet de
réforme lui-même.

* Quinto, la cour de justice de l’UEMOA

C’est le principal organe judiciaire de l’UEMOA. En vertu de l’article 1 du protocole additionnel relatif
aux organes de contrôle de l’UEMOA, il lui est assigné la mission de veiller « au respect du droit
quant à l’interprétation et à l’application des traités ». À ce titre, elle dispose d’une compétence gé-
nérale pour connaître de tous litiges émanant des activités régulées par l’UEMOA. En ce sens, sa
compétence pour connaître des litiges nés de l’application des directives et des décisions propulsées
par la réforme des marchés publics est établie. En outre, pour corroborer l’affirmation de cette com-
pétence dans ce domaine, il convient de rappeler les termes de l’article 12 de la directive N°5 portant
contrôle et régulation des marchés publics dans l’UEMOA qui dispose que « les États membres
s’engagent à ce que les décisions de l’autorité de Recours non juridictionnels puissent faire l’objet
d’un recours à bref délai devant un organe juridictionnel ». Cette juridiction n’étant précisée dans les
lettres de l’article, il peut s’agir des juridictions internes de l’État, tout comme de la cour de justice de
l’UEMOA, en vertu de sa compétence générale précitée.

La cour de justice de l’UEMOA constitue une garantie supplémentaire qui fait de l’institution le canal
privilégié pour mener les réformes efficacement. À l’instar d’autres juridictions régionales comme la
Cour de Justice de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) et la
Cour de Justice de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), son acti-
vité contribue à ancrer le droit communautaire dans les pays africains820.

819
La composition de l’ORMP se présente comme suit : vingt-quatre (24) représentants désignés par les États
membres de l’UEMOA à raison de trois (3) représentants par état dont deux (2) délégués de l’administration
issus de l’autorité de régulation et du ministère chargé des finances et un délégué du secteur privé, trois repré-
sentants de la commission de l’UEMOA, un (1) représentant de la BOAD.
820
Pour une analyse profonde sur la place des juridictions dans les organisations d’intégration économiques
africaines, voir D.SANOU, la juridictionnalisation des organisations régionales d’intégration économique en
Afrique, thèse de doctorat, Université Panthéon Sorbonne, 2012, 993p
334

La cour de justice de l’UEMOA a une compétence qui lui permet d’intervenir de plusieurs manières
pour assurer le respect de la régulation des marchés publics au sein de l’union. L’article 15 du Règle-
ment n° 1/96/CM portant règlement des procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA attribue des
compétences relativement étendues à la Cour. Ainsi, le recours en manquement permet à la com-
mission de l’UEMOA de saisir la cour lorsqu’un État ne se conforme pas à ses obligations communau-
taires après observation d’un délai imparti par la commission lui enjoignant de s’y conformer. L’État a
la possibilité de présenter ses observations à l’occasion de l’instance. Dans le sens inverse, la procé-
dure est également ouverte aux États après saisine préalable de la commission. Aussi, l’issue du re-
cours en manquement implique-t-il que « Si la Cour estime le recours fondé, elle constate le man-
quement. Tous les organes de l'État membre concerné ont l'obligation d'assurer, dans les domaines
de leurs pouvoirs respectifs, l'exécution de l'arrêt. En cas d'abstention de l'État membre dont le man-
quement a été constaté, la commission a la faculté de saisir la conférence des chefs d'État et de gou-
vernement afin qu'elle invite l'État membre défaillant à s'exécuter sans préjudice des sanctions pré-
vues à l'article 74 du Traité de l'Union relatif à l'exercice de la surveillance multilatérale. »821. Partant,
dans le cadre de la réforme des marchés publics, si un État ne se conforme pas à ses obligations
communautaires, le recours en manquement est un moyen à la disposition de la commission pour l’y
contraindre.

Par ailleurs, les textes du statut de la Cour de la Justice de l’UEMOA822, du règlement des procédures
devant elle et du protocole additionnel N° 1 relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA ne laissent
pas penser qu’il existerait une voie de recours directe pour les particuliers qui auraient été lésés dans
le cadre d’une procédure de passation et l’exécution d’un marché public au sein d’un des États de
l’UEMOA. Toutefois, il est loisible de se demander si le recours en appréciation de la légalité des
actes communautaires prévu par l’article 15 du règlement823 relativement aux actes communautaires
obligatoires (règlements, directives et les décisions individuelles prises par le conseil et la commis-
sion) ne pourrait pas servir de moyen de saisine directe pour un particulier ayant subi un préjudice
fondé sur une décision d’une autorité administrative nationale ou communautaire prise sur la base
des directives portant régulation et contrôle des marchés publics. De fait, l’article 15-2 précise que
« ce recours est ouvert à toute personne physique ou morale, contre tout acte d’un organe de l’union
lui faisant grief ». Or, les directives communautaires, les règlements et les décisions en matière de
marchés publics sont des actes de l’union. Il est vrai et de nombreuses décisions de la cour de justice
l’ont démontré dans la pratique, que le recours direct des particuliers est incontestable seulement

821
Art 15 du Règlement n° 1/96/CM portant Règlement des procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA.
822
ACTE ADDITIONNEL N° 10/96 PORTANT STATUTS DE LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION ECONOMIQUE ET
MONETAIRE OUEST AFRICAINE
823
Règlement N°1/96/CM portant Règlement des procédures de la Cour de Justice de l’UEMOA. Op cit.
335

dans le cas des décisions individuelles prises par les organes de l’UNION à l’encontre de ou faisant
grief à une personne morale ou physique dans d’autres domaines824. Mais, l’article 15 précise dans
un premier temps sans distinguer le moyen par lequel cet acte peut affecter un justiciable, que ce
recours est dirigé contre les actes communautaires obligatoires. Ceci laisse penser que chaque fois
qu’un acte communautaire fait grief825 directement in se ou indirectement en tant que le fondement
d’une décision faisant grief, ce recours serait ouvert dans ces circonstances aux justiciables affectés,
y compris selon les alinéas suivants, aux particuliers. Dans ce raisonnement, qu’importe alors,
l’origine de l’autorité à la base de la décision faisant grief, seule compterait le fondement de sa déci-
sion, en l’occurrence, l’acte communautaire obligatoire. Cette autorité pourrait donc être commu-
nautaire ou étatique, dès lors que celle-ci aura visé un acte communautaire obligatoire, tel qu’une
directive de l’UEMOA. On pourrait comparer cette hypothèse aux recours en annulation dont dispo-
sent les particuliers devant la CJUE826 qui leur permet de saisir directement ladite juridiction.

D’ailleurs, la cour de justice de l’UEMOA invoque souvent très directement la jurisprudence de la


CJUE pour donner une base légale à ses décisions827. Ce qui a fait dire qu’il y aurait un dialogue natu-
rel entre elle et cette cour828.

824
Par exemple en ce qui concerne les personnes travaillant pour le compte de l’Union, arrêt N° 01/2006 Eu-
gène Yaî contre Commission de l’UEMOA du 05 avril 2006 ; Affaire Haoua TOURE contre Commission de
l’UEMOA du 25 juin 2003
825
Dans son arrêt N° 04/2013 du 18 décembre 2013, Toïdi Moutairou contre Conseil des ministres de l’UMOA,
la Cour de Justice précise « Que la notion d’acte faisant grief a été définie par la jurisprudence comme une me-
sure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de
façon caractérisée sa situation juridique (CJCE, 10 janvier 2006, Alvarez Moreno/Commission, C-373/04 P, Rec.
P.I-1, point 42) ».
826
Sur les compétences de la CJUE et les différents types de recours, voir :
https://curia.europa.eu/jcms/jcms/Jo2_7024/fr/ (consulté en novembre 2021)
827
Voir par exemple, Affaire N° 01/98, Laubhouet Serge contre Commission de l’UEMOA dans lequel le juge,
s’agissant de la recevabilité du recours affirme s’inspirer de son homologue Européen en ces termes : « Une
jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) - voir Arrêt CJCE du 2 dé-
cembre 1971 ZUCKERFABRIC Aff. 5/71.975 - dont les textes ont fortement inspiré le droit communautaire de
l’UEMOA, a consacré le principe de l'autonomie du recours en responsabilité par rapport au recours en annula-
tion. »
828
Ce dialogue serait basé à la fois sur une « parenté systémique » entre le système Européen et Africain et une
volonté de la cour de justice de l’UEMOA d’enrichir les bases légales de ses décisions en invoquant la jurispru-
dence de la CJUE. Toutefois, c’est un dialogue « unilatéral » puisqu’à l’inverse, le juge Européen ne fait guère
référence aux jurisprudences de son homologue de l’UEMOA. D’ailleurs, la professeure Laurence Burgogne
Larsen y fait référence comme un dialogue « débridé », sans bride donc, en ce sens que rien n’oblige le juge
Africain à recourir aux décisions du juge Européen, sinon sa propre représentation de ce système dont il lui
paraît opportun de s’inspirer. Les juges des juridictions instaurées dans les autres communautés économiques
d’intégration Africaine et sud-américaine adoptent le même procédé au regard des jurisprudences des juridic-
tions de l’UE. Dans ce sens, on peut dire qu’il ne s’agit que d’un recours au droit comparé comme c’est souvent
le cas dans les juridictions internationales, soit à l’initiative des avocats, soit des juges eux-mêmes. Pour une
analyse de la question et le vocable de « parenté systémique », voir Relwendé Louis Martial Zongo, Le dialogue
unilatéral entre la Cour de justice de l'UE et la Cour de justice de l'UEMOA, Centre d'études juridiques euro-
péennes Centre d'excellence Jean Monnet, Geneva Jean Monnet Working Papers, 11-2016 ; voir également
336

Ainsi, les personnes morales prenant part à une procédure de marchés publics dans laquelle elles
s’estimeraient lésées par des décisions administratives internes fondées sur des actes obligatoires
des organes de l’UEMOA s’imposant à l’État lui-même, seraient alors fondées à saisir la Cour de Jus-
tice, à condition d’épuiser les voies de recours internes si celles-ci sont ouvertes.829

Outre l’hypothèse sus-évoquée, une autre voie de recours accessible indirectement aux particuliers
serait la possibilité de soulever une exception d’illégalité d’un acte communautaire à l’occasion d’une
instance devant une juridiction nationale. Dans ce cas l’initiative de la saisine de la Cour de Justice
pour une question préjudicielle appartient à la juridiction nationale. Par ailleurs, lorsqu’une telle
question de légalité ou d’interprétation se pose devant une juridiction nationale statuant en dernier
ressort, celle-ci a l’obligation de saisir la cour830.

Finalement, comme nous venons de le mettre en avant, l’UEMOA , à travers son droit primaire , en
ce qu’il attribue initialement à l’institution la mission de l’intégration économique tout en favorisant
pour ce faire, la création d’un ordre juridique communautaire est le mieux approprié pour porter la
réforme des marchés publics dans cette zone économique. Dans cet ordre d’idée, le droit dérivé suit
la logique instituant l’institution en la dotant des moyens nécessaires du point de vue organisation-
nel, législatif, réglementaire et décisionnel pour initier et mener à bien une telle réforme. Les or-
ganes permanents et ad hoc de l’union viennent compléter ce schéma pour jouer le rôle pratique de
l’exécution du PRMP-UEMOA et de la surveillance de sa mise en œuvre au sein des états de l’Union.
De même, les marchés publics étant un domaine transcendant les secteurs économiques et sociaux
au niveau économique, d’autres programmes régionaux tels que le PER comportent des mécanismes
de surveillance qui constituent un levier supplémentaire dans la surveillance de l’exécution de la
réforme. Par ailleurs, l’utilisation du canal régional en dépit de la forte implication des partenaires au
développement dont les institutions financières de développement, constitue un choix stratégique
en vue de marquer une certaine appropriation (ownership) de la réforme par les États concernés
eux-mêmes. Pour autant, leur rôle dans l’incitation à réformer, la formulation et l’orientation de la
réforme ne saurait être minimisé.

Laurence Burgogne Larsen, de l’internationalisation du dialogue des juges, missive doctrinale à l’attention de
Bruno Genevois, mélanges en l’honneur du président Bruno Genevois, pp 95-130, https://hal.archives-
ouvertes.fr/hal-01583470/document (consulté en novembre 2021)
Voir également, Mamadou Yaya Sarr, l’intégration juridique dans l’union économique et monétaire ouest afri-
caine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), thèse de
doctorat, Op Cit.
829
Conformément au principe reconnu en droit international coutumier et affirmé par la CIJ dans l’affaire In-
terhandel Suisse contre États unis du 21 mars 1959.
830
Article 15, al.7 idem.
337

Il importe maintenant dans le paragraphe suivant de relever les orientations de la réforme en évo-
quant les objectifs qui lui sont assignés et les changements qu’elle a apportés. Une telle démarche
implique de formuler certaines observations critiques et/ou des propositions pertinentes.

ORGANIGRAMME DES INSTITUTIONS DE L’UEMOA

Source (site de l’UEMOA)


338

Paragraphe 2- Les actes et le cheminement de la réforme au niveau de l’UEMOA

Nous partons de l’état antérieur de la réforme pour évoquer les enjeux qui la sous-tendent de ma-
nière très concrète. Pour se faire, nous nous fondons sur les actes de la conférence d’Abidjan qui a eu
un impact majeur sur l’initiative, l’organisation, la formulation et le suivi de la réforme. Dans un deu-
xième temps, il est intéressant de voir comment le PRMP-UEMOA UEMOA prend en compte les re-
commandations de cette conférence et quels objectifs sont fixés en vue de réformer le cadre juri-
dique des marchés publics dans l’espace UEMOA. De même, il s’agira de montrer comment ces ob-
jectifs ont été matérialisés dans les actes qui sont le sous-bassement et le contenu matériel de la
réforme (directives, règlements, décisions).

I- État antérieur à la réforme

Nous ferons cas ici des causes générales émanant du constat de l’impératif qui existait de mener des
réformes des marchés publics en Afrique subsaharienne et dans de nombreux pays en développe-
ment. Ensuite, nous évoquerons les causes spécifiques mises en exergue par la conférence d’Abidjan
qui s’inscrivait déjà dans une dynamique d’actions préparatoires à la réforme et a eu à ce titre un
impact direct sur la réforme des marchés publics au sein de l’UEMOA.

1- Les facteurs généraux de justification des réformes

On peut distinguer des causes endogènes qui sont intrinsèques aux pays en développement eux-
mêmes et qui justifient des réformes. À côté de celles-ci, certains facteurs émanent de considéra-
tions qui ne leurs sont pas intrinsèques et qui sont liées à l’intervention d’autres acteurs. Nous les
qualifierons de facteurs exogènes des réformes.

a) Les causes endogènes de la réforme

Les causes qui ont motivé les réformes au niveau endogène dans les états sont nombreuses. D’une
manière générale, la raréfaction des ressources financières a fait apparaître la volonté de stimuler le
système des MP vers plus d’efficacité. Il s’agit de l’émergence de la perception des marchés publics
comme un moyen de générer plus d’économies tout en réalisant les objectifs de développement.

Madame Christine Rosira de Mariz831, auteure d’une thèse sur les réformes des marchés publics en
Afrique subsaharienne, fait valoir que, dans de nombreux pays africains (par exemple, le cas du

831
Christine Roseira de Mariz, public procurement reforms in sub-saharan african, institutions and governance,
thèse de doctorat sciences économiques, Université Panthéon Sorbonne, 2009,334P
339

Botswana832), avant le début des réformes des marchés publics dans les années 2000, la plupart des
textes relatifs à la commande publique dataient de l’époque coloniale. Or, de telles règles avaient été
édictées selon les intérêts des colons et au vu des réalités de l’époque. Elles étaient donc dépassées
et ne correspondaient plus aux réalités du présent. Ces règles ne prenaient pas suffisamment en
compte l’ouverture des marchés due à l’évolution de la mondialisation. Qui plus, elle ajoute que ces
règles ont été édictées dans un contexte qui n’était pas celui du multipartisme ou d’une demande
démocratique poussée accompagnée d’une démographie croissante. Dès lors, si les États pouvaient
s’en satisfaire tant que la compétition politique ne faisait pas ressortir les failles des gouvernements
et que ceux-ci n’étaient pas suffisamment questionnés sur leurs actions, cela ne pouvait perdurer.
Les règles d’avant la réforme laissaient une grande place aux conflits d’intérêts et aux détourne-
ments des procédures.

Monsieur Robert Hunja fait valoir parmi les causes internes des réformes, la nécessité de définir des
règles précises et spécifiques à la commande publique, surtout dans la gestion des différends que
génèrent la passation et la mise en œuvre du marché. Il convient de préciser que ceci correspondait
également à une exigence des institutions de financement. En plus, il est apparu la nécessité de dé-
centraliser certains circuits de décisions concernant les marchés publics, à l’instar d’autres domaines
de la gestion administrative publique833. En outre, la société civile et le milieu économique deman-
daient plus de visibilité et une concurrence accrue dans un monde de plus en plus orienté vers plus
de transparence dans la gestion publique834.

Par ailleurs, il a été également fait cas de l’impératif de former les acteurs et les agents impliqués
dans la passation des marchés afin que ceux-ci comprennent les nouveaux enjeux et se spécialisent
dans cette matière qui reste très technique. Il est aussi évoqué le défi pour les pays en développe-
ment de faire entrer les procédures et la gestion de leurs marchés publics dans la nouvelle ère tech-
nologique en prenant en compte par exemple la possibilité de mener tout un processus de sélection
de manière électronique. Dans de nombreux codes de marchés post-réformes, l’on a vu émerger des

832
Dans le cas du Botswana, l’indépendance est intervenue en 1965. Toutefois, la loi régissant les procédures
d’achat de 1963 n’a pas varié (exception faite de l’article 11 relative au paiement) dans sa partie relative aux
marchés publics (partie IV) en dépit des révisions de ladite loi intervenues en 1967 et 1977. Cette loi est restée
en vigueur jusqu’aux réformes de 2003. Voir Christine Roseira de Mariz, idem.
833
Hunja Robert, « obstacles to public procurement reform in developing countries » in S. arrow Smith and Mar-
tin Trybus, “Public procurement, the continuing revolution”, Op. Cit., pp 13-22.
834
Cette orientation est beaucoup développée dans la sphère Anglophone et est désignée sous le vocable de
« accountability ». L’on pourrait la traduire comme une reddition des comptes, ou la responsabilité échéant
aux responsables de la gestion publique de se justifier en étant tenus responsables de leurs actions, leurs choix
de gestion publique et les résultats qui en découlent.
340

dispositions dans ce sens835, même si, dans la pratique, il y a de réelles difficultés tenant à la mise en
place des dispositifs sécuritaires qui rendraient ces procédures justes, transparentes et juridique-
ment acceptables.

À côté de ces causes intrinsèques, il y a des facteurs qui sont liés au contexte extérieur, que nous
qualifions de facteurs exogènes.

b) Les causes exogènes de la réforme

Ces facteurs sont nombreux, mais ils se structurent globalement autour du contexte de la mondiali-
sation qui fait des marchés publics un instrument économique et à partir duquel se nouent des rap-
ports commerciaux, juridiques qui lient les États entre eux et avec les acteurs économiques globaux.
Par exemple, la tendance à accroître l’ouverture de la matière à travers les cycles de négociations
internationaux dans le cadre de L’OMC a contribué à créer une dynamique dont le souffle a naturel-
lement impacté les décideurs dans les pays en développement. Ceci, même s’il demeure que la plu-
part d’entre eux n’ont pas encore adhéré aux différents accords de l’OMC sur la matière. Dans le
même ordre d’idée, les problématiques liées à l’endettement des pays en développement et les dif-
férentes actions des institutions internationales à leur endroit ont contribué à créer une pression
particulière et un regard plus critique sur la gestion budgétaire. Or, les marchés publics sont une par-
tie importante du budget de l’État. Les conditions imposées par les politiques d’ajustement structu-
rels, de même que l’initiative PPTE du FMI en sont un exemple patent. Les marchés publics sont con-
sidérés par ces conditionnalités comme un élément important pour lesquels certains paramètres de
réformes furent imposés en vue de satisfaire les exigences préalables au bénéfice de futurs finance-
ments.

Plus précisément, en ce qui concerne l’influence internationale, il s’agit également de mettre en


exergue, le rôle essentiel des institutions du financement de développement dans l’initiative des
réformes. Elles ont développé de par leur expérience du financement dans les états et leur rôle cen-
tral en matière de MPI, une dynamique qui vise à réformer les systèmes de passation de marchés
dans les pays bénéficiaires de leurs financements. En général, ces incitations ne touchent pas seule-
ment la passation des marchés, mais ont une vocation à réformer tout l’environnement impliqué
dans ces transactions, du point de vue réglementaire et institutionnel. D’une manière générale, il
s’est agi d’impulser la création de nouvelles législations ou d’améliorer celles existantes en vue

835
Voir article 63.1 et 64 du code des marchés publics de la République de Côte d’Ivoire ; article 57 du code des
marchés publics sénégalais ; article 65 du nouveau code Malien de marchés publics ; article 59 du code des
marchés publics du Bénin ; art 70 à 74 du code des marchés publics de la République du Niger.
341

d’ouvrir les marchés à une compétition la plus large et la plus effective. De même, dans le prolonge-
ment de cette idée, ces réformes visent à rassurer les acteurs privés en mettant en place des sys-
tèmes jugés plus fiables et rapides de règlement des différends liés à la passation des marchés836. En
somme, les réformes sont basées sur de nombreuses variables qui tiennent compte à la fois de fac-
teurs législatifs, sociaux, économiques, industriels etc. Nous n’allons pas toutes les dénombrer ici.

Le système d’évaluation de la Banque Mondiale, le CPAR (Country Procurement Assessment Report)


met en avant les indicateurs considérés par l’institution. Le travail effectué à travers cet outil et
d’autres qui utilisent la même logique d’amélioration de la gestion des finances publiques à l’instar
du PEMFAR (Public Expenditure Management and Financial Accountability) sert de base aux réformes
impulsées par l’ensemble de la communauté financière œuvrant dans les pays bénéficiaires. Il est
loisible d’apprécier cette convergence des intérêts et de l’action des institutions de financement et
des parties prenantes à travers le rapport PEMFAR conjoint de 2008 sur la République de Côte
d’Ivoire. Il est présenté dans les termes suivants sur le site de la Banque Africaine de Développe-
ment : « Ce rapport conjoint est le fruit du dialogue continu et de la coordination qui existe entre le
Gouvernement de la Côte d’Ivoire et les principaux partenaires techniques et financiers multilatéraux
dans le domaine de la gestion des finances publiques. Il a été préparé sous le leadership de la Banque
Mondiale avec la participation du Fonds Monétaire International (FMI), de la Banque Africaine de
Développement (BAD) et de la Commission Européenne (CE). Le rapport a un triple objectif. Premiè-
rement, il est destiné de la part du Gouvernement à susciter l’ébauche et la mise en place d’un plan
d’action gouvernemental pour l’amélioration de la gestion des finances publiques. Deuxièmement, il
vise à établir un cadre concerté d’appréciation des résultats des réformes à moyen terme. Finalement,
il est également destiné aux partenaires techniques et financiers, à relever leur intérêt spécifique sur
les domaines couverts par la revue dans la perspective de la définition avec le gouvernement d’un
cadre d’intervention coordonné des partenaires multilatéraux et bilatéraux. Dans cette perspective, il
est fort appréciable que les autorités ivoiriennes aient déjà convenues de relancer une nouvelle revue
PEMFAR dans un horizon de 2 à 3 ans pour apprécier les résultats atteints, se donner une nouvelle
situation de référence, définir un nouvel horizon de performance et fixer le cadre des actions à mettre
en œuvre conjointement avec les partenaires au développement.837 ».

836
Voir B. basheka, public procurement reforms in Africa: a tool for effective governance of Public sector and
poverty reduction, in International handbook of Public procurement, Ed Khi V. Thai, CRC Press, 2009, PP 131-
156. 863P; également SOPE WILLIAMS-ELEGBE, The World Bank’s Influence on procurement reform in Africa,
African Journal of International and comparative law, Edinburgh University Press, pp 95-119.
837
Voir pour la citation et la disponibilité du rapport lui-même : Banque Mondiale, FMI, BAD, UE, CIV, COTE
D’IVOIRE, public expenditure management and financial accountability review (PEMFAR), Novembre 2008.
Disponible à l’adresse : https://www.afdb.org/fr/documents/document/cote-divoire-public-expenditure-
342

Sans nous appesantir à ce stade sur le contenu des réformes, l’objectif dans ce paragraphe est de
faire ressortir la présence d’une véritable impulsion émanant des institutions internationales de fi-
nancement (notamment de la Banque Mondiale en tant qu’acteur majeur, mais pas exclusif) dans le
but d’effectuer des réformes dans les systèmes nationaux de marchés publics des pays bénéficiaires
de leurs financements.

Par ailleurs, un autre argument qui peut être avancé au titre des facteurs exogènes poussant aux
réformes dans les marchés publics dans certains PED est le besoin d’une intégration économique plus
grande au sein des blocs communautaires. Ainsi, dans l’espace UEMOA par exemple, comme nous le
développerons plus en détails, au delà de l’action des institutions de financement qui influence
l’utilisation de cette passerelle, il existe une véritable volonté de faire du commerce intra-
communautaire une source de deniers et de développement économique, humain et social. L’une
des dispositions qui en atteste consiste dans la reconnaissance d’une marge de préférence commu-
nautaire aux entreprises dans les marchés publics de travaux, de services et de prestations838.

Ainsi, il apparaît que la volonté marquée des réformes effectuées et continues qui s’opèrent dans le
champ des MPI porte d’une manière générale sur les facteurs juridiques, économiques, institution-
nels qui peuvent influencer le bon déroulement de la passation et de l’exécution des contrats, de
même que sur les procédures elles-mêmes. Ces constats généraux sont corroborés par des constats
plus spécifiques et détaillés émanant de rencontres et actes qui préparaient déjà la réforme.

2- Les constats de la conférence d’Abidjan

La conférence d’Abidjan qui s’est tenue du 30 novembre au 04 décembre 1998 en vue de mener une
réflexion sur les réformes à opérer dans le champ des marchés publics en Afrique a été un acte fon-
dateur des réformes du point de vue opérationnel. Les acteurs y ont mené une réflexion profonde et
détaillée sur les problèmes existants et ont proposé des solutions claires aussi bien sur la partie stra-
tégique de l’orientation managériale de la réforme que des autres aspects devant en faire l’objet.
L’hétérogénéité des acteurs était un atout dans la réussite de la conférence. Émanant de divers hori-
zons (entre autres acteurs gouvernementaux des pays Africains, dirigeants du secteur des marchés
publics dans les pays Africains et dans le monde, acteurs des marchés publics dans les institutions de
financements et agences de coopération internationales, acteurs de la société civile), elle a permis de

management-and-financial-accountability-review-pemfar-finalized-in-november-2008-8163 (consulté en no-


vembre 2021)
838
Voir directive n°4 UEMOA, art. 62 qui prévoit une préférence communautaire de 15% à l’offre présentée par
une entreprise communautaire lors de la passation d’un marché public ou d’une délégation de service public.
343

cerner la question sous tous les angles et de mutualiser les expériences des participants839. Aussi, le
rapport de cette conférence permet de voir le chemin qui a été parcouru depuis sa tenue en 1998.

Le rapport fait ressortir des lacunes sur les points suivants : le manque de transparence, le manque
d’efficacité, le manque de clarification des responsabilités, l’inégalité entre les participants aux mar-
chés publics.

Nous avons regroupé les constats les plus significatifs dans le tableau suivant qui offre une vue syn-
thétique des différents aspects liés à ces lacunes840 :

LE MANQUE DE TRANSPA- LE MANQUE D’EFFICACITÉ LE MANQUE DE CLARIFICA- L’INEGALITE ENTRE LES


RENCE TION DES RESPONSABILITES PARTICIPANTS AUX
MARCHES PUBLICS
-Absence d’harmonisation
-Faible volonté politique
des règlementations natio- -Inadéquation des struc-
nales et des structures par -Manque de formulation tures et des procédures de -Insuffisance de la publicité
rapport aux directives des d’une politique clairement contrôle
-Délais de soumission des
bailleurs de fonds et réci- définie
-Manque de Back-up par les offres trop courts
proquement
-Manque d’information de responsables de projet chez
-Longueur et lenteurs du
-Manque de clarté et de de connexion à des banques les bailleurs de fonds
circuit de paiement
simplicité des textes et de de données
-Interférences des décideurs
leurs outils d’applications -Absence de clarté au ni-
-Manque de professionnali- dans l’attribution des mar-
(documents insuffisants, veau des structures et des
sation des différents inter- chés
systèmes de référence règles pour le règlement
venants et de reconnais-
lourds à administrer -Dérapage dans les délais de des litiges
sance de la profession de
paiement en général
-Absence de textes soute- gestionnaire de marchés
nant la décentralisation des publics -Superposition des respon-
marchés publics sabilités entrainant une
-Excessive mobilité des
confusion des rôles
-Absence de critères cadres chargés de la passa-
d’évaluation clairs et précis tion des marchés -Manque d’outils normali-
sés de mesure des perfor-
-Contournement des procé- -Résistance aux change-
mances
dures, de nombreux ave- ments
nants et des marchés de -Absence d’un code de
gré-à-gré conduite et d’éthiques dans
la passation des marchés
-Corruption

839
La liste complète des participants est disponible dans le rapport de restitution de la conférence d’Abidjan.
Voir ITC, Rapport de la Conférence sur la réforme des marchés publics en Afrique, Abidjan, Côte d’Ivoire, 30
novembre-4 décembre 1998, Op. Cit
840
Afin d’avoir une vue d’ensemble et de faciliter la présentation des différentes lacunes, nous privilégions ici le
tableau synoptique.
344

En réponse à ces différents enjeux, les participants à la conférence ont mis en avant les idées direc-
trices suivantes autour desquelles devrait s’articuler les réformes : Voir tableau ci-après841 :

Mesures de Les recommandations affé- Les recommandations spéci- Les recommandations rela-
soutien à la rentes au cadre juridique géné- fiques aux procédures d’appels tives à la responsabilité des
réforme ral d’offre acteurs

- favoriser un -l’harmonisation -la simplification des règles et - la responsabilisation,


engagement des procédures l’intégrité
-la transparence
politique de - la rationalisation des procé-
- permettre une Concurrence - une meilleure collaboration
haut niveau dures et des opérations
loyale et la plus large possible entre les acteurs
- des ré- - une définition claire des diffé-
-le contrôle des coûts et - l’amélioration des connais-
formes lan- rents types de marchés, des
l’économie sur le budget sances et du savoir-faire pro-
cées par les autorités contractantes et des
fessionnel (Formation) des
pays avec - la mise en place des moyens de intervenants dans le processus
personnes chargées des mar-
l’assistance Pérennité de la réforme de marché public
chés publics
des donateurs
- l’évaluation de l’impact de la - l’appel d’offre ouvert doit
- l’indépendance de l’intérêt
- favoriser réforme sur les ressources bud- devenir la règle, de telle sorte
public et des intérêts privés
l’adoption des gétaires et la perception du que les autres procédures soient
lois et des public des exceptions - publier à titre indicatif leur
règlements au -la publication préalable par les programme d’actions et dé-
- rappeler dans son préambule
niveau in- autorités contractantes des terminer spécifiquement leurs
tous les principes fondamentaux
terne critères des appels d’offres et besoins en avance
des marchés publics
des processus d’évaluation
- donner une - une communauté des af-
-développer des mécanismes de
priorité à des - la prise en compte suffisante en faires et professionnelles (aux
révision et d’évaluation
éléments clés amont des conditions niveaux national et internatio-
de la passa- - prévoir des mécanismes d’audit d’exécution du marché (ordre de nal) informées et bien dispo-
tion des mar- et de contrôles opérés par des service, révision des prix, garan- sées
chés structures indépendantes. ties, modalités de paiement,
avenant, résiliation)
- collaborer
- simplifier les recours, les moda-
avec les bail-
lités de règlement des litiges et
leurs de fonds
les rendre effectifs
-promouvoir
-définir des documents types :
des objectifs
d’appels d’offres, documents du
socio-
marché.
économiques

- obtenir

841
Afin d’avoir une vue d’ensemble et de faciliter la présentation des différentes lacunes, nous privilégions ici le
tableau synoptique.
345

l’adhésion des
fonctionnaires
de l’État

-obtenir un
soutien public

-développer
les capacités
nationales et
transférer le
savoir-faire

-suivre et
évaluer le
progrès de la
réforme

Source des tableaux auteur de la présente thèse842

Le programme de réforme des marchés publics de l’UEMOA piloté par l’institution, a permis ensuite
de mettre en œuvre de façon opérationnelle sous la forme d’un projet complet comprenant des ob-
jectifs dans un temps déterminé, des moyens de financements, des étapes et des phases etc. Il appa-
raît que celui-ci a intégré pleinement les constats de la conférence d’Abidjan.

II- Prise en compte des actes de la conférence d’Abidjan dans le PRMP-UEMOA


UEMOA

La conférence d’Abidjan a eu un impact majeur en ce sens qu’elle a posé les jalons de la réforme des
marchés publics. Le haut niveau des décideurs politiques et institutionnels qui y ont pris part marque
l’importance que ses organisateurs ont voulu lui donner et l’impact qu’ils en espéraient. Par ailleurs,
son degré de précision en a fait un élément incontournable dans la définition des projets de réformes
des marchés publics. Il en est ainsi dans l’espace UEMOA mais également dans les autres blocs com-
munautaires africains. Ainsi, le rapport d’évaluation du PRMP-UEMOA UEMOA précise que
«L’initiative de la Commission de procéder à une réforme du système de passation des marchés re-
monte à la conférence sur la réforme des marchés publics en Afrique qui s’est tenue à Abidjan du 30
novembre au 4 décembre 1998 sous les auspices de la Banque Africaine de Développement (BAD) et

842
Informations provenant du rapport de la conférence d’Abidjan, voir le feed-back des différentes sessions
plénières et les annexes D, E, F, G et suivants Voir ITC, Rapport de la conférence sur la réforme des marchés
publics en Afrique, Abidjan, Côte d’Ivoire, 30 novembre-4 décembre 1998, Op. Cit.
346

qui a vu la participation de quelques 33 pays africains, de la Chambre de Commerce International


(CCI), du PNUD et de la Banque Mondiale ».

Aussi, dans notre démarche, il convient deuxièmement de mettre en exergue les formulations du
PRMP-UEMOA en ce qui concerne les objectifs qu’il prévoyait.

Dès sa formulation, le PRMP-UEMOA prend en compte dans ses objectifs les impératifs propres à
l’intégration économique régionale auxquels il ajoute ceux qui ressortent des actes de la conférence
d’Abidjan. Ces objectifs sont assortis d’indicateurs précis.

*Ainsi, le premier objectif du PRMP-UEMOA est de contribuer au renforcement de l’intégration ré-


gionale et à la promotion de la bonne gouvernance dans l’espace UEMOA en donnant à l’efficience
des marchés publics une place prépondérante dans les états. Cette étape passe par l’amélioration
des mesures de transparence en matière de marchés publics et la restauration de l’efficacité dans la
gestion des marchés publics des États membres. Les résultats attendus à ce niveau sont
l’amélioration de la gouvernance, l’harmonisation des procédures d’acquisition et la participation
accrue du secteur privé. Les indicateurs de performance prévus à ce stade résidaient dans la mise en
place d’un système d’information adéquat capable de fournir des données sur les délais de passation
des marchés publics, le pourcentage de marchés gré à gré, le niveau de plaintes des opérateurs éco-
nomiques, la diversification des origines des acquéreurs. Ainsi, les systèmes d’information commu-
nautaires seraient mis en capacité de recenser progressivement la totalité des marchés passés dans
les pays. En sus, des délais raccourcis ont été proposés en vue d’encadrer le temps des procédures
d’acquisition et celui de la gestion des plaintes. Par ailleurs, il a été prévu que le taux de marchés de
gré à gré n’excède plus 20% en 2007, 15% en 2009 et 10% à l’horizon 2010. La plupart des proposi-
tions sont soumises à un principe de progressivité en matière de résultat afin de pouvoir évaluer leur
mise en place et de laisser aux États des marges de progression. La mise en place de sites web ad hoc
au sein de l’UEMOA susceptibles de rendre ces informations publiques a été requise. Il en va de
même de la mise en place, l’amélioration de la qualité et de la quantité d’information sur les sites
web des États. Ces canaux d’informations doivent assurer les publications nécessaires à la réalisation
de la transparence.

*Le deuxième objectif concerne la modernisation des systèmes de passation des marchés des états
membres de l’union à travers la mise en œuvre d’une réglementation commune. Le PRMP-UEMOA
précise que cette modernisation implique la conformité des réglementations communautaires avec
les normes internationales, reprenant ainsi la logique de l’harmonisation et les solutions préconisées
par la conférence d’Abidjan et plus tard par la déclaration de Paris. Cette modernisation doit
s’accompagner par une formation accrue en vue de préparer des professionnels des marchés publics
347

qui maîtrisent les rouages procéduraux et pratiques de la matière. De même, la formation des ac-
teurs du secteur privé est envisagée de façon à ce que toutes les parties prenantes contribuent à
l’efficacité et la transparence du système. Les indicateurs mis en avant font ressortir que la moderni-
sation du secteur des marchés publics passe également par la clarification des rôles des acteurs, no-
tamment, la séparation des organes de régulation et d’exécution. Nous verrons dans la suite de notre
réflexion que cette volonté s’est matérialisée dans les directives et plus tard dans les actions des
États à travers la création de nouveaux organes de régulation et le rétrécissement du rôle des direc-
tions étatiques qui cumulaient ces deux fonctions.

*Le troisième objectif est relatif au développement des capacités institutionnelles de l’UEMOA et des
états membres. À cet effet, la mise en place d’institutions opérationnelles et de suivi au sein de
l’UEMOA a été planifiée. Nous avons pu voir précédemment que les institutions de l’UEMOA se sont
dotées d’organes supplémentaires ou de programmes ad hoc susceptible de renforcer la réforme des
marchés publics et d’en assurer le suivi (voir les pages 330 et suivantes). Cet objectif est également
relatif à la mise ne place d’un corpus de règles relatives à la saine gestion des finances publiques, à
l’éthique et à la lutte contre la corruption aussi bien au niveau communautaire que national.
L’objectif est de pouvoir créer un environnement capable d’accompagner la réforme des marchés
publics vers l’efficacité recherchée. Le PRMP-UEMOA prévoyait notamment la mise en place de
codes d’éthiques et la modification des codes pénaux en vue de prendre en compte les infractions
commises dans les marchés publics. De plus, il préconisait le renforcement des structures nationales
chargées des marchés publics.

Ces objectifs vont être matérialisés par des actes juridiques qui deviendront le sous-bassement de la
réforme dans chaque état membre de l’UEMOA. La réflexion sur leur contenu et leur signification
sera l’objet du chapitre suivant.
348

Conclusion du chapitre 1

L’analyse des actes internationaux qui ont écrit le cheminement de l’harmonisation du cadre juri-
dique des MPI et de leurs réformes montre qu’elles sont certes impulsées par les acteurs internatio-
naux, mais qu’elles répondent également à des besoins existants dans les pays concernés. Aussi, les
règles des MPI au sein de l’UEMOA rejoignent-ils par le biais de ce mouvement, la tendance globale
qui est celle d’une harmonisation desdites règles au niveau international.

Dotée des institutions adéquates, et fortes de ses statuts qui lui attribuent ce rôle, l’UEMOA est ap-
parue comme susceptible de mener la réforme et de faciliter sa transposition dans les états tout en
la colorant du sceau de l’appropriation qui la rend plus acceptable et moins invasive. Ceci étant, le
programme régional des marchés publics qui a été créé au soutien de la réforme au sein de l’UEMOA
s’appuie directement sur les évaluations faites par les acteurs internationaux des systèmes des mar-
chés publics. D’ailleurs ceux-ci restent en appui au niveau financier, technique afin d’orienter la ré-
forme. Le but est et de la mener dans le sens de la création de règles acceptables du point de vue des
standards internationaux incarnées entre autre par les règles de la CNUDCI, de façon à rendre les
systèmes nationaux fiables et sûrs pour l’efficacité des MPI et les intérêts des parties prenantes.

Le chapitre suivant s’intéresse à la matérialisation des objectifs du PRMP. Il nous permettra de


mettre en lumière le contenu de la réforme et les changements qu’elle induit sur le cadre juridique
des MPI dans l’UEMOA.
349

Chapitre 2

La matérialisation des objectifs du PRMP-UEMOA UEMOA dans les


actes de la réforme des marchés publics

Les objectifs de la réforme, tenant compte des constats opérés à travers les évaluations des systèmes
des marchés publics ont été pris en compte dans le PRMP-UEMOA. Leur réalisation se matérialise par
la mise en œuvre de textes clés qui ancrent solidement la réforme et posent un cadre nouveau (pa-
ragraphe 1). En outre, on observe l’affirmation claire dans ces textes, des principes et des règles qui
régiront la commande publique et la poursuite des objectifs de l’intégration communautaire au sein
de l’UEMOA (paragraphe 2).

Paragraphe 1- La mise en oeuvre de textes clés soutenant la réforme

De prime abord, il convient de noter que la mise en œuvre du PRMP-UEMOA a donné lieu à la nais-
sance d’actes principaux émanant des plus hautes instances de l’institution. Aussi, comme nous
l’avons déjà énoncé dans les lignes qui précèdent, la réforme des marchés publics au sein de
l’UEMOA s’incarne principalement au niveau des actes juridiques fondateurs, dans les directives N°04
et N°05 du conseil des ministres de l’union. La première porte « procédures de passation,
d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans
l’UEMOA »843. La seconde porte « contrôle et régulation des marchés publics et des délégations de
service public dans l’UEMOA »844. Ensuite, afin d’assurer une plus grande efficacité dans la gestion
des finances publiques, une sécurité juridique accrue dans les marchés publics au sein des pays de
l’UEMOA et une meilleure dynamique dans leur planification et leur exécution budgétaire , ces deux
directives ont été complétées par une directive générale en matière de finances publiques. Il s’agit
de la Directive N°01 2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances
publiques au sein de l’UEMOA845. Elle précise dans son préambule que «La réglementation applicable
aux passations de marchés publics et de délégations de service public est conforme au présent Code

843
Voir l’intitulé de la directive N°04/2005/CM/UEMOA
844
Voir l’intitulé de la directive N°05/2005/CM/UEMOA
845
Cette Directive abroge la Directive N° 02/2000/CM/UEMOA du 29 juin 2000 portant Code de transparence
dans la gestion des finances publiques dans l’espace UEMOA qui faisait partie intégrante des actes voulus dans
le cadre du projet de réforme des marchés publics de l’UEMOA.
350

de transparence ainsi qu’aux normes et meilleures pratiques internationales ». Dans le même ordre
d’idée, le code de transparence conforte les principes relatifs à la transparence dans toutes les ma-
tières relatives aux finances publiques. Il évoque les obligations de publicité à la charge des gestion-
naires administratifs. Il prévoit à cet effet que « Les contrats entre l’administration publique et les
entreprises, publiques ou privées, notamment les entreprises d’exploitation de ressources naturelles
et les entreprises exploitant des concessions de service public, sont clairs et rendus publics. Ces prin-
cipes valent tant pour la procédure d’attribution du contrat que pour son contenu. »

Dans la même veine, on trouve la directive N°04/2012/CM/UEMOA relative à l’éthique et à la déon-


tologie dans les marchés publics et les délégations de services publics au sein de l’UEMOA. Ce texte
s’attache particulièrement aux questions d’éthiques concernant les personnes prenant part au pro-
cessus liés aux marchés publics. Ainsi, la directive rappelle les principes phares du service public, de
même que les règles déontologiques auxquelles est soumis tout agent public. En plus, elle précise
singulièrement en matière de marchés publics, les attitudes qui doivent être celles des agents publics
à chaque étape de la procédure et eu égard aux principes phares des marchés publics846. Partant, le
chapitre 2 de la directive se consacre aux règles d’éthiques et de déontologie applicables aux candi-
dats, soumissionnaires et titulaires des marchés publics. Enfin, on trouve dans le chapitre 3 des dis-
positions spécifiques aux conflits d’intérêts.

De même, par la suite, sans doute pour tenir compte de la spécificité du procédé, une directive
N°02/2014/CM/UEMOA du 28 juin 2014 relative à la réglementation de la maîtrise d'ouvrage public
déléguée au sein de l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine a été promulguée. Cette di-
rective précise qu’il est nécessaire pour les États membres de maîtriser les différents contours juri-
diques de la maîtrise d’ouvrage publique déléguée, de la maîtrise d’œuvre et de l’assistance à maî-
trise d’ouvrage847. La réglementation spécifique à la maîtrise d’ouvrage public répond à un besoin
d’efficacité et de célérité et s’inscrit à ce titre dans les objectifs de la réforme. Par ailleurs, il convient
de remarquer que cette directive intervient près d’une décennie après les directives N°4 et N°5 et
plusieurs années après les nouveaux codes des marchés publics que les États de l’UEMOA ont élabo-
rés en vue de s’y conformer.

846
Par exemple, l’article 15 de la directive prévoit qu’en vue de respecter le principe d’égalité des candidats et
des soumissionnaires, l’agent public doit : « s'abstenir d'élaborer des critères spécifiques dans le seul but de
favoriser un candidat déterminé ; fonder exclusivement la comparaison des offres sur des critères objectifs,
exprimés en termes monétaires ou pondéré dans le cadre des marchés de prestations intellectuelles et connus
des candidats et des soumissionnaires avant le dépôt de leurs candidatures et offres ; appliquer exclusivement
dans la phase d'évaluation des offres, les critères définis au préalable dans les dossiers d'appel d'offres. ». On
trouve le même type de précisions relatives aux attitudes des agents en ce qui concerne la transparence des
procédures.
847
Voir le préambule de ladite directive
351

Cela met en exergue le fait que la réforme des marchés publics est continue et que les organes et
modalités de surveillance et d’évaluation mis en place dans le cadre desdites réformes permettent
d’obtenir des retours et d’améliorer continuellement le système des finances publiques et des mar-
chés publics de l’UEMOA. C’est dans cet état d’esprit que l’on peut situer la décision N°03/2014/CM
/UEMOA du 28 juin 2014 portant adoption du plan d’action des réformes des marchés publics au sein
de l’UEMOA. Cette décision constitue un indicateur d’une future réforme majeure. Elle a été prise en
réponse au constat selon lequel certaines mesures émanant de la transposition des directives N°4 et
N°5 nécessitaient une adaptation en vue des exigences de célérité dans la réalisation de la dépense
publique. Ainsi, elle est composée de mesures immédiates mais également de mesures à court,
moyens et à longs termes848.

Au titre des textes clés, il convient de mentionner les décisions mettant en place des dossiers types
dans les différentes matières de la procédure d’appel d’offre. Le but de la création de ces dossiers-
types est de mettre en place les mêmes dossiers au niveau communautaire afin d’uniformiser et de
moderniser les procédures plus facilement et plus rapidement. Ces dossiers tiennent compte eux-
mêmes des principes internationalement admis et affirmés dans les directives précitées en matière
de marchés publics. Ils sont incorporés dans les ordres juridiques nationaux sous la forme de Dossiers
d’appel d’offres types que les autorités contractantes sont tenues d’utiliser. La première est la déci-
sion N°13/2012/CM/UEMOA du 10 mai 2012 portant adoption des dossiers standards régionaux
d'acquisition (DSRA) de travaux, de fournitures, de services courants et du modèle de rapport d'éva-
luation. Elle est complétée par la décision N°12/2012/CM/UEMOA du 10 mai 2012 portant adoption
du dossier standard régional d'acquisition (DSRA) de prestations intellectuelles et du modèle de rap-
port d'évaluation. Enfin, il y a la décision N°11/2012/CM/UEMOA du 10 mai 2012 portant adoption
du dossier standard régional d'acquisition (DSRA) de délégations de service public.

Ces différents textes ont permis de poser un cadre solide sur lequel s’est construite la réforme. Ils
s’adossent eux-mêmes sur les principes et les nouvelles règles phares qui y sont affirmés clairement
en matière de commande publique.

848
Voir le texte de la décision qui énumère les mesures en question. Cela met en avant le fait que même s’il y a
eu beaucoup d’évolutions, l’efficacité dans la dépense budgétaire et l’exécution des programmes gouverne-
mentaux à travers les marchés publics pose encore quelques problèmes liés aux lenteurs et au manque
d’adaptation aux réalités et à la culture administrative actuelle. Ce sont des défis que les pays de l’UEMOA
doivent relever.
352

Paragraphe 2- L’affirmation claire des principes et règles en matière de commande pu-


blique et de délégation de service public

Le PRMP-UEMOA avait mis en avant l’importance stratégique de faire des marchés publics un véri-
table levier de l’intégration communautaire et d’une saine gestion des finances publiques dans
l’UEMOA. Ses concepteurs, en tenant compte des actes qui l’ont précédé, dont ceux de la conférence
d’Abidjan et les expériences acquises dans d’autres pays, avaient conscience de l’importance de
l’affirmation de principes clairs en matière de commande publique. Ces principes sont le phare qui
guide l’esprit des différents textes et dont les concepteurs de la réforme ont souhaité qu’ils se mani-
festent dans toutes les actions et les décisions des acteurs de la commande publique.

Monsieur Éric Ky fait remarquer dans sa thèse de doctorat que dans l’état antérieur au mouvement
des réformes, les principes du libre accès à la commande publique et de l’égalité de traitement des
soumissionnaires n’étaient pas formulés de façon suffisante dans de nombreuses lois des états de
l’UEMOA. Bien souvent, ils n’étaient formulés seulement que comme une simple option849.

Cela renseigne sur l’importance des principes et la nécessité de leur affirmation nette. Ces principes
d’ordre général sont accompagnés par de nouvelles règles spécifiques qui orientent les procédures.

La directive N° 4/2005/CM/UEMOA, dans son article 2 consacre les principes de la liberté d’accès à la
commande publique, l’égalité de traitement des soumissionnaires et la reconnaissance mutuelle, la
transparence des procédures, l’économie et l’efficacité de la dépense publique. La séparation des
fonctions de contrôle et de régulation des autorités chargées de la commande publique est érigée
par l’article 3 de la directive N°5/2005/CM/UEMOA. La dématérialisation des procédures, la gestion
rapide et efficiente des recours non-juridictionnel et l’impératif de formation des acteurs de la com-

849
Il prend pour exemple le droit sénégalais des marchés publics d’avant la réforme : « Le principe d’égalité des
soumissionnaires , du point de vue de leur candidature, n’est pas un véritable droit pour les candidats car il est
soumis à la condition qu’il n’existe pas de mesures qui en dispose le contraire… or de telles dispositions con-
traires sont légions… c’est par exemple le cas de son article 45 qui exclut toutes candidatures de soumission-
naires étrangers aux marchés publics négociés de fournitures au Sénégal ». Ainsi, ce code ne s’inscrivait pas
pleinement dans une logique de construction communautaire.
Voir : Éric Patrick Lamou ky, L'intégration par la commande publique : la réforme du droit des marchés publics
dans l'Union économique et monétaire ouest-africaine, thèse de doctorat, 2004, 611P, pp 321 et s.
Nous notons qu’après la réforme, la loi N° 06-16 du 30 juin 2006 (modifiant la loi N° 65-61 du 19 juillet 1965)
portant code des obligations de l’administration au Sénégal dispose dans son article 24 nouveau que « …la
conclusion des contrats d’achats passés à titre onéreux par les acheteurs publics : ... doit respecter les principes
de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procé-
dures. ». Ledit article précise que : « le non-respect des formalités de publicité prescrites et la violation du prin-
cipe d’égalité de traitement des candidats aux commandes publiques par les acheteurs publics entraîne la nulli-
té de la procédure de passation ou du marché passé, à la requête de toute personne intéressée au déroulement
normal de la procédure ».
353

mande publique deviennent des objectifs poursuivis à courts termes en vue de renforcer les prin-
cipes sus-énoncés.

Nous nous bornerons dans les lignes qui suivent à analyser les principes phares et les règles essen-
tielles afin de faire ressortir leur impact et l’interprétation que leur donne la réforme en vue
d’atteindre ses objectifs.

I- La consolidation de la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement


des soumissionnaires au sein de l’UEMOA

1- Une consolidation de La liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de


traitement des soumissionnaires au sein de l’UEMOA par l’affirmation de ces
principes

La liberté d’accès à la commande publique est une conséquence de plusieurs principes de base de la
commande publique. Elle découle précisément du principe de concurrence (que nous avons déve-
loppé aux pages 230 et suivants) mais trouve également sa justification dans le principe de l’égalité
entre les candidats. La liberté d’accès à la commande publique suppose donc, non seulement la pos-
sibilité d’accéder à la commande publique pour tous les candidats qui le souhaitent, sous réserve des
restrictions légalement justifiées tenant aux conditions du marché, mais également que tous ces
candidats potentiels ou déclarés soient mis en mesure de disposer des mêmes informations et d’être
soumis aux mêmes critères quant à l’accès à la commande publique. Ces principes sont applicables
aux marchés publics dans la plupart des pays850. En consacrant ce principe dans l’article 2 de la direc-
tive N°4/2005/CM/UEMOA, le législateur de l’union se conforme d’une part aux exigences intrin-
sèques à l’idée de marché public, de même qu’aux exigences des standards internationaux en la ma-
tière. Ainsi, l’une des références recommandées par la conférence d’Abidjan851et reprise dans le
PRMP-UEMOA, id est, le guide de la loi type de la CNUDCI relative aux procédures de marchés publics
considère qu’ « une large participation aux procédures de passation des marchés est une condition

850
C’est le cas dans l’Union Européenne (voir art 18 de la directive 2014-24 sur la passation des marchés pu-
blics Op. Cit.), et en France (art L3 du nouveau code de la commande publique rentré en vigueur le 1 er avril
2019). Egalement, Voir : Laurent Richer, François lichère, Droit des contrats administratifs, 11ième Ed., LGDJ,
2019, p428 et s., 764P ; aussi, Marion Ubaud-Bergeron, Droit des contrats administratifs, 3ième Ed., LexisNexis,
2019, p 239 et s., 535P ; voir encore : Georges Kalflèche, Des marchés publics à la commande publique, thèse
de doctorat, Op. Cit. Pp 362, 475, 528, 537, 547 ;
851
Voir rapport de la conférence d’Abidjan Op. Cit. et dans la présente thèse le tableau synoptique qui résume
les conclusions de ce rapport (p 343 et s.).
354

préalable » 852 que doivent viser les textes qui s’y conforment. À ce niveau, il convient d’ajouter que
l’un des objectifs de l’affirmation de ce principe est de renforcer la confiance des candidats interna-
tionaux dans les procédures d’appels d’offres. En effet, cela doit favoriser une participation plus ac-
crue des pays de l’UEMOA au commerce international. Il est bien connu que la liberté d’accès à la
commande publique est considérée comme l’un des moyens par lesquels la CNDUCI dans sa loi-type
entend accroître la participation internationale, elle-même étant « un instrument destiné à appuyer
et promouvoir le commerce international »853. cela nous ramène à l’idée mise en avant tout au long
de notre réflexion selon laquelle les MPI, tout en étant un instrument de développement, servent
également des intérêts du commerce international ( intérêts privés ou publics) en s’inscrivant dans
un contexte tripartite ( international, régional et nationaul) dont les règles ont tendance à emprunter
un canal du haut vers le bas.

Dans le contexte régional, ce principe peut être lu de pair avec la volonté promue par la réforme, de
favoriser l’intégration économique au sein de l’UEMOA. Corrélât, la liberté d’accès à la commande
publique et l’égalité de traitement des soumissionnaires implique que tout candidat communautaire
doit avoir accès aux marchés d’un autre pays membre et être traité de la même manière et selon les
mêmes critères que les candidats nationaux. Ces critères doivent être connus et diffusés au niveau
communautaire pour favoriser une telle égalité et la concurrence. De même, ils doivent être garantis
par l’instauration de mécanismes juridictionnels et non-juridictionnels adéquats aussi bien au niveau
national que communautaire.854

Ainsi, l’affirmation claire de ces principes à travers la réforme dans des textes principaux que sont les
directives, permet de leur donner une force certaine et de s’assurer que tous les États les transpose-
ront de façon uniforme.

Par ailleurs, la directive N°4/2012/CM/UEMOA relative à l’éthique et à la déontologie dans les mar-
chés publics et les délégations de service public au sein de l’UEMOA insiste sur les attitudes spéci-
fiques que doivent observer les différents acteurs en vue d’œuvrer à la mise en œuvre et/ou au res-
pect des principes de la liberté d’accès à la commande publique et de l’égalité des soumission-

852
Voir CNUDCI, Guide pour l’incorporation dans le droit interne de la loi type CNUDCI sur la passation des mar-
chés publics, p 42, Op. Cit.
853
Idem p.41
854
En ce sens, la réforme promeut certaines règles telles que la reconnaissance mutuelle des documents admi-
nistratifs des autres pays de l’UEMOA lors des procédures de marchés. Celle-ci est complétée par la règle de la
préférence communautaire et l’idée de l’instauration d’un recours non juridictionnel au niveau communau-
taire. Nous les développerons dans la suite de la réflexion.
355

naires855. Il a été prévu d’intégrer dans les codes pénaux des états de l’UEMOA un délit d’atteinte à la
liberté d’accès à la commande publique et à l’égalité des candidats856.

Afin de favoriser l’application de ces principes, le législateur de l’UEMOA les a accompagnés de règles
nouvelles. Il a fait de l’appel d’offres ouvert la procédure régulière et normale. Toutes les autres pro-
cédures sont donc exceptionnelles.

2- La consécration de l’appel d’offres ouvert comme une règle accompagnant ces


principes
La directive n°04/2005/CM/UEMOA dans son article 28 consacré aux modes de passation de mar-
chés, précise que «L’appel d’offres ouvert est la règle ; le recours à tout autre mode de passation doit
être exceptionnel, justifié par l’autorité contractante et être autorisé au préalable par l’entité admi-
nistrative chargée du contrôle des marchés publics ». Aussi, il existe deux types d’appels d’offres
ouverts : l’appel d’offres ouvert (simple), et l’appel d’offres ouvert précédé d’une pré-qualification.857

En faisant de cette disposition une règle de base des marchés publics au sein de l’UEMOA, les con-
cepteurs de la réforme affirment une volonté d’établir la concurrence la plus large et la plus égali-
taire entre les différents candidats potentiels. Il s’agit également d’un choix d’économie dont la
bonne application doit avoir un effet positif sur la bonne gestion des finances publiques. À travers la
mise en concurrence dans une procédure ouverte, l’autorité contractante augmente ses chances
d’attribuer le marché à une offre économiquement et techniquement la plus avantageuse, réduisant
ainsi ses propres dépenses publiques. Dans un contexte de rareté des fonds, cette règle est compré-
hensible. À ce titre, l’érection de la procédure d’appel d’offres ouvert en tant que procédure de base
vise également à abaisser le taux de marchés de gré à gré. Dans le PRMP-UEMOA, l’UEMOA a fait de
la réduction du taux de marchés de de gré à gré un objectif important et à part entière.858

Néanmoins, il apparaît que le fait que l’appel d’offres ouvert soit consacré comme la procédure de
base n’exclut pas ipso facto les autres procédures. D’une certaine façon, l’autorité contractante a
toujours le choix de la procédure qu’elle met en œuvre, pourvu que celle-ci soit « concurrentielle » et

855
Voir art 14 et suivants de la directive. Op. Cit.
856
Voir Commission de l’UEMOA, 7ième réunion de l’ORMP, rapport final, 2011
857
Respectivement aux articles 30 et 31 de la directive N°04. D’après l’article 30, « L’appel d’offres est dit ou-
vert lorsque tout candidat, qui n’est visé par les restrictions visées aux articles 17 et 18 de la présente Directive,
peut soumettre une demande de pré qualification ou une offre ». En outre, l’article 31 dispose que « Lorsque
les travaux à réaliser, les équipements à livrer et les services à fournir revêtent un caractère complexe et/ou
exigent une technicité particulière, l’appel d’offres ouvert est précédé d’une pré qualification. L’examen de la
qualification des candidats s’effectue exclusivement en fonction de leur aptitude à exécuter le marché de façon
satisfaisante et selon les critères définis dans l’invitation à soumissionner »
858
Le taux de gré à gré dans le PRMP-UEMOA était estimé à 20% des acquisitions nationales. Voir rapport
d’évaluation Op. Cit. p 42
356

tant que l’usage des autres procédures considérées comme dérogatoires est justifié. C’est ce qui
ressort de la lecture conjuguée des articles 28 à 38 de la directive N°04. L’article 28 consacre l’appel
d’offres ouvert comme la règle et les articles suivants, sans le tempérer, fixent les conditions dans
lesquelles les autres procédures sont utilisées. On en déduit que l’appel d’offre ouvert est la règle
normale, mais c’est l’appel d’offres qui est le principe primaire, tant qu’il y a une mise une concur-
rence suffisante859. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la procédure d’entente directe est très en-
cadrée. En ce sens, elle constitue la véritable dérogation à la règle de l’appel d’offre. Dans ce cas
précis, la mise en concurrence n’existant pas, la directive préconise plutôt des moyens de contrôle
dans l’exécution de la prestation.860

Le fait de mettre l’accent sur la mise concurrence, même si l’appel d’offres ouvert est la règle répond
à une réalité pragmatique, car l’autorité contractante doit pouvoir choisir en définitive la procédure
la mieux adaptée pour atteindre les objectifs de sa politique publique et ceux d’une gestion efficace
définie par les directives. Nous notons qu’une telle conception est également privilégiée dans les
directives Européennes sur la passation des marchés publics861. Monsieur Erick Ky met avant le fait
que la tendance des procédures ouvertes était déjà entamée avant les réformes mais la plupart des
législations n’en faisaient qu’une simple faculté. Il fallait « lire entre les lignes »862 pour dégager
l’affirmation d’un droit commun des procédures ouvertes. Ainsi, l’affirmation par la directive d’une
telle procédure comme la procédure normale a le mérite d’apporter plus de clarté et de stabilité à la
règle.

Ensuite, il convient de préciser que dans les directives de l’UEMOA sur la passation des marchés pu-
blics, cette règle n’est valable que lorsque les marchés atteignent le seuil national ou communautaire
déterminant la procédure formelle de passation de marchés publics.

Du point de vue de la libéralisation du commerce international, l’institution et l’affirmation nette de


l’appel d’offres ouvert en tant que procédure régulière répond aux standards internationaux en ma-

859
C’est le cas de l’appel d’offre restreint qui est recommandé dans certains cas, notamment : art 32 de la di-
rective 04 : « L’appel d’offres est dit restreint lorsque seuls peuvent remettre des offres, les candidats que
l’autorité contractante a décidé de consulter. Le nombre de candidats admis à soumissionner doit assurer une
concurrence réelle. Il est ensuite procédé comme en matière d’appel d’offres ouvert. Il ne peut être recouru à
la procédure de l’appel d’offres restreint que lorsque les biens, les travaux ou les services, de par leur nature
spécialisée, ne sont disponibles qu'auprès d'un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs ou de presta-
taires de services. Le recours à la procédure de l’appel d’offres restreint doit être motivé et soumis à
l’autorisation préalable de l’entité administrative chargée du contrôle des marchés publics ». On note égale-
ment que l’appel d’offres passé sur une liste restreinte est recommandé en matière de prestations intellec-
tuelles après une pré-qualification (art 34 de la directive 04).
860
Voir art 38 de la directive 04
861
Voir considérant N° 42 et articles 27 à 32 de la directive 2014/24/UE Du Parlement Européen et Du Conseil
Du 26 Février 2014
862
Voir Éric Ky, thèse de doctorat, op.cit. p523
357

tière de marchés publics. C’est cette procédure qui est recommandée dans les directives des institu-
tions internationales de financement, de même que dans la loi-type de la CNUDCI et dans la régle-
mentation relative aux procédures de passation des marchés financés par les fonds de l’UE863. Elle est
également conforme aux recommandations de la conférence d’Abidjan qui a insisté sur ce point.

Pour autant, aussi répandue qu’elle soit, la procédure de l’appel d’offres ouvert en tant que règle de
principe fait face à de nombreuses critiques. On reproche à cette procédure qui est le bras séculier
de la concurrence les mêmes critiques adressées au dogme de la concurrence lui-même. Ainsi,
d’aucuns estiment que la mise en concurrence n’est pas forcément le meilleur moyen de protéger les
intérêts économiques de l’État, de même que ceux du développement qui emportent de nombreuses
considérations exigeant pour leur meilleure prise en compte un pouvoir régalien plus large. Ainsi, la
mise en concurrence doit être un moyen et non une fin en soi864. Par ailleurs, la règle de l’appel
d’offres ouvert repose sur l’obligation de mise en concurrence qui elle-même suppose une égalité de
traitement des candidats. Cependant, dans les différents MPI, les candidats n’ont pas la même en-
vergure. D’où, y aurait-il une réelle concurrence lorsqu’on traite selon les mêmes critères des candi-
dats disposant de moyens tout à fait disproportionnés ? Il n’est pas alors surprenant que la plupart
des procédures d’appels d’offres ouverts internationalement bénéficient plus aux entreprises étran-
gères à l’UEMOA émanant de pays plus industrialisés. C’est aussi une procédure relativement longue
qui peut influencer négativement la mise en œuvre des projets gouvernementaux. Ceci est d’autant
plus vrai que l’allongement des délais dans la passation des marchés entachant la mise en œuvre des
budgets dans la zone UEMOA est un problème récurrent comme l’a mis en avant un rapport de
l’ANRMP de la Côte d’Ivoire865. C’est également le sens de la décision N°03/2014/CM/UEMOA por-
tant adoption du plan d’actions des réformes des marchés publics et des délégations de service pu-
blics au sein de l’UEMOA866. L’une des solutions prise dans cette décision a été le relèvement du seuil
national à partir duquel la méthode de l’appel d’offres devient obligatoire. Il est passé ainsi en Côte
d’Ivoire de 30 Millions de Franc CFA en 2009 à 100 Millions de Franc CFA en 2015867.

863
L’appel d’offre ouvert international est recommandé dans les directives de passation de marchés de la
Banque Mondiale (point 1.3) ; voir art 28 de la loi type CNUDCI sur la passation des marchés publics (version
2011), Également pour la réglementation relative à la passation des marchés financés par les fonds de l’UE.
Voir PRAG Op. Cit. Point 2.4 et s.
864
Voir BEGNARA MBRA, le régime juridique des marchés publics financés par des fonds de l’Union Européenne,
thèse de doctorat, École doctorale Droit-Normandie, Université de Caen Normandie, 2014, p434, 727P
865
Un rapport d’audit de l’ANRMP de la Côte d’Ivoire avait mis en avant les délais dans la passation des mar-
chés publics. Voir résumé du rapport d’audit des délais sur la chaîne de passation des marchés publics, 2013
(disponible sur le site de l’ANRMP www.anrmp.ci ) Op. Cit.
866
La décision prévoit au titre des mesures immédiates, le relèvement des seuils et prévoit que la réflexion
continue sur la gestion des délais dans la passation des marchés publics.
867
Voir arrêté N°692 MPMPB/DGBF/DMP du 16 septembre 2015 portant fixation des seuils de référence, de
validation et d’approbation dans la procédure de passation des marchés publics.
358

Au total, l’affirmation de la règle de l’appel d’offres ouvert dans la réforme des marchés publics dans
l’UEMOA a le mérite de dessiner et d’uniformiser au niveau sous régional l’une des modalités phares
de l’application des principes de libre accès à la commande publique et de l’égalité de traitement des
soumissionnaires. En cela, elle est complétée par d’autres règles ayant un impact direct au niveau
communautaire, notamment celles de la préférence communautaire et de la reconnaissance mu-
tuelle.

II- L’affirmation du principe de la reconnaissance mutuelle et la règle de la préférence


communautaire

1- Des règles indispensables à la réalisation des objectifs du marché commun de


l’UEMOA
L’affirmation des règles de préférence communautaire et de la reconnaissance mutuelle était
d’abord une nécessité pour la réalisation du marché commun de l’UEMOA. En effet, l’article 4 du
traité fondateur de l’union prévoit dans son paragraphe « c » que l’un des objectifs de l’Union est de
« créer entre les états membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes , des
biens , des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité in-
dépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale com-
mune. ». En outre l’article 76 consacre certaines libertés dont la liberté de circulation des personnes,
d’établissement et de prestations de services, ainsi que la liberté des mouvements de capitaux868.
L’article 93 prévoit que « Les ressortissants de chaque état membre peuvent fournir des prestations
de services dans un autre état869 membre dans les mêmes conditions que celles que cet état membre
impose à ses propres ressortissants, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre
public, de sécurité publique et de santé publique et sans préjudice des exceptions prévues par le
présent traité. ».

Ces dispositions non exhaustives montrent que dans le champ d’application matériel de l’acte origi-
nel de l’UEMOA, la vision et la notion même de l’intégration économico-sociale et les libertés qui en
découlent sont fermement présentes. Par voie de conséquence, le cheminement vers ces objectifs

868
Voir traité modifié de l’UEMOA de 2003. Op. Cit. Art 4 et également art 76.
869
Voir art 93 du traité. Idem. Cette présentation est seulement sélective. De nombreux autres articles du traité
et son esprit général confirment ces libertés reconnues aux personnes morales et physiques au sein de
l’UEMOA et l’obligation pour les États d’en faciliter l’application. Il existe également des dispositions spéci-
fiques dans les différents actes dérivés de l’Union pour corroborer ces objectifs.
359

est corroboré par les différents actes de l’union consacrés à des domaines spécifiques qu’ils régu-
lent870.

Pourtant, singulièrement dans la matière des marchés publics que l’on aborde ici, il a été régulière-
ment fait la critique à l’union d’un constat afférant aux difficultés dans la mise en œuvre de l’accès
aux marchés publics par les ressortissants communautaires871.

Cela était dû au fait que d’une part la matière était laissée à la discrétion des États ou dans tous les
cas ne faisait pas l’objet d’une réglementation particulière et affirmative en matière de liberté
d’accès aux marchés publics. D’autre part, une telle vacuité ne pouvait que créer une pareille situa-
tion au regard des « limitations justifiées par des motifs d’ordre public …»872 que le traité lui-même
autorise vis-à-vis des libertés qu’il consacre873. De fait, certes, le traité ne fait pas allusion aux mar-
chés publics expressément, mais il est bien connu que les États considèrent ce domaine comme stra-
tégique pour leur développement et y attachent de nombreuses considérations pouvant être d’ordre
public. Surtout que la notion d’ordre public est vaste et peut engober beaucoup de considérations.

Pourtant, Madame Samb Seynabou fait remarquer que l’article 76 du traité précise qu’en vue de
l’institution du marché commun, l’un des objectifs de l’union est « l'élimination, sur les échanges
entre les pays membres, des droits de douane, des restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie,
des taxes d'effet équivalent et de toutes autres mesures d'effet équivalent susceptibles d'affecter
lesdites transactions… ». Or, de nombreuses barrières administratives telles que les prescriptions
dans les cahiers de charges ou les codes des marchés publics réservaient certains marchés exclusi-
vement à des entreprises nationales. D’autres dispositions exigeaient des documentations dont la

870
Pour une présentation des libertés de circulation dans l’UEMOA et des différents actes pris pour leur mise
en œuvre, voir la communication du juge : Hamidou SALIFOU Kane, La libre circulation des personnes et des
biens dans l’UEMOA, communication présentée lors de la Troisième rencontre inter-juridictionnelle des cours
communautaires de «l’UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l’OHADA», Dakar, mai 2010, 34 p. Disponible sur le
site de l’Institut international de droit d'expression et d'inspiration françaises : (consulté en octobre 2020).
www.institut-idef.org/IMG/pdf/CommunicationLibreCirculoPers_Biens_JugeKANE_.pdf ; voir également Ama-
dou Yaya Sarr, l’intégration juridique dans l’union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et dans
l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), thèse de doctorat, Op. Cit.
871
Voir dans ce sens, Éric Ky, L’intégration par la commande publique : la réforme du droit de marchés publics
dans l’union économique et monétaire ouest africaine, thèse de doctorat, Op. Cit., pp 66- 87 et pp 483-498
872
Voir art 97 c et 92.3 entre autres.
873
Relativement aux obstacles juridiques, administratifs et politiques aux différentes libertés reconnues dans le
traité de l’UEMOA, voir Hamidou Kane, La libre circulation des personnes et des biens dans l’UEMOA op.cit., pp
22 et s. ; voir également Amadou Yaya Sarr, l’intégration juridique dans l’union économique et monétaire ouest
africaine (UEMOA) et dans l’organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) thèse
de doctorat, Op. Cit. p 53 et s.
360

fourniture était difficile, voire impossible pour les entreprises étrangères des autres pays de
l’union874 .

Dans ce sens, par analogie, on note qu’une jurisprudence de la CJUE a défini les mesures d’effets
équivalents à des restrictions quantitatives comme « toute réglementation commerciale des États
membres susceptibles d’entraver directement ou indirectement actuellement ou potentiellement le
commerce intracommunautaire »875.

En outre, elle met en avant un raisonnement de la Cour de Justice de l’UEMOA qui peut être trans-
posé en matière de marchés publics, dans un avis876. Dans cet avis, la Cour de Justice a considéré que
le fait que les établissements bancaires doivent disposer obligatoirement d’un agrément de l’état
d’accueil comme condition à l’ouverture d’une succursale dans cet état, « constitue un handicap
sérieux à l’exercice de la liberté d’établissement… la liberté de prestations de services… et la liberté
de mouvement de capitaux ». À cet égard, la Cour a donc préconisé la mise en place d’un agrément
unique vu par elle comme un « moyen fondamental de constitution d’un marché bancaire intégré qui
consolide le marché financier, ce qui, (...) constitue le socle sur lequel repose tout le processus écono-
mique et monétaire de l'organisation d'intégration que constitue 1'UEMOA».877

Dans cet ordre d’idée, on peut retenir que les contrats de la commande publique étant importants
pour la réalisation du marché commun, ils trouvent naturellement leur place dans le champ
d’application des libertés fondamentales reconnues par le traité. Les libertés de circulation des per-
sonnes, des marchandises et des services, d’établissement et de prestations de services concernant
aussi bien les personnes physiques que les personnes morales de l’union, elles trouvent une réson-
nance en matière commerciale notamment pour les entreprises privées. Il apparaissait donc logique,
eu égard aux objectifs du marché commun que les activités commerciales opérées sur les fonds pu-
blics (et ouvertes aux entreprises privées et publiques d’un état) dont les marchés de la commande
publique, obéissent à ces principes au niveau communautaire.

874
Elle cite notamment l’art 45 de l’ancien code des marchés publics sénégalais de 2002 qui réservait les mar-
chés publics financés par le budget de l’État aux seules entreprises sénégalaises ou installées régulièrement au
Sénégal. Voir Samb Seynabou, Le droit de la commande publique en Afrique noire francophone : contribution à
l’étude des mutations du droit des contrats administratifs au Sénégal, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au
Cameroun, thèse de doctorat, Université de Bordeaux IV, Ecole doctorale de Droit Public, 2015, 876P, p 89.
875
CJCE, 11 juillet 1974, Procureur de Roi contre Benoît et Gustave Dassonville, affaire n°8/74, Recueil de
Jurisprudence de la Cour, 1974, p. 837.
876
Avis N°003/1996 du 10 décembre 1996, Demande d’avis de la BCEAO sur le projet d’agrément unique pour
les banques et les établissements financiers. Disponible sur le site de l’UEMOA http://www.uemoa.int/fr/avis-
ndeg0396-du-10-decembre-1996-demande-d-avis-de-la-bceao-sur-le-projet-d-agrement-unique-pour
(Consulté en novembre 2021)
877
Voir SAMB Seynabou, thèse de doctorat, Op. Cit. p89
361

En somme, il est juste de dire que le flou juridique, additionné aux nombreuses barrières administra-
tives et culturelles qui ralentissent la progression de l’intégration économique, appelaient une ré-
glementation claire affirmant la liberté pour les entreprises communautaires d’accéder aux marchés
publics des autres états membres. Conscients de cet impératif, les États et les instances de l’UEMOA
en ont tenu compte dans le PRMP-UEMOA et dans la réforme subséquente.

2- La signification du principe de la reconnaissance mutuelle et de la règle de la préférence com-


munautaire

Afin de prendre en compte les insuffisances précitées empêchant les marchés publics de jouer plei-
nement leur rôle dans la réalisation du marché commun, les concepteurs de la réforme ont apporté
les correctifs nécessaires. C’est le sens, dans la directive 04, des considérants qui reconnaissent la
réglementation des marchés publics comme un vecteur de réalisation du marché commun. Elle doit
« favoriser les échanges intra-communautaires, développer la convergence économique à travers le
développement des marchés publics »878. De même, la directive prévoit que les procédures de passa-
tion des marchés et délégations de services publics conclus dans les états membres doivent respec-
ter les principes de libre accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats, de
reconnaissance mutuelle … »879. Ces considérations liminaires sont corroborées par l’affirmation ex-
plicite du principe de la reconnaissance mutuelle dans l’article 2 de la directive. Celui-ci
s’accompagne de la règle instaurant une « préférence communautaire » à l’article 62. Nous les
aborderons successivement :

*Primo, l’implantation du principe de la reconnaissance mutuelle remplit du point de vue des procé-
dures de marchés publics deux objectifs. D’une part, c’est un vecteur d’intégration économique
communautaire parce qu’il implique une reconnaissance des documents et pièces produites dans un
état (membre de l’UEMOA) et requis pour la comparaison des offres, dans tous les autres états sans
aucune autre formalités. D’autre part, il renforce les principes conjugués de concurrence, de libre
accès à la commande publique et celui de l’égalité entre les candidats. De fait, il manifeste
l’expression de ceux-ci au niveau communautaire par le bannissement de toute discrimination à
l’égard d’un ressortissant communautaire. L’article 2 de la directive 04 précise que « … les États
membres s’engagent à interdire toute mesure ou disposition fondée sur la nationalité des candidats
de nature à constituer une discrimination à l’encontre des ressortissants des états membres de
l’UEMOA ». Le principe de la reconnaissance mutuelle s’articule avec l’article 76 du traité de

878
Voir le considérant N°4 de la directive N°4.
879
Voir le considérant N°5 dans la directive N°4.
362

l’UEMOA qui prévoit « l’harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes techniques ainsi
que des procédures d’homologation et de certification du contrôle de leur observation ». Dans cer-
tains marchés impliquant la présence de composantes techniques émanant des autres états
membres, la reconnaissance mutuelle des normes techniques permet d’éviter des barrières tech-
niques à l’entrée des candidats étrangers. De ce fait, la matérialisation dans la directive du principe
de reconnaissance mutuelle constitue un pas grâce auquel le législateur de l’UEMOA a favorisé les
libertés garanties par le traité dans la matière des marchés publics.

Dans cette tendance, on peut établir une comparaison avec la directive Européenne sur la passation
des marchés publics. celle-ci prévoit que : « la passation de marchés publics par les autorités des
états membres ou en leur nom doit être conforme aux principes du traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne, notamment la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la
libre prestation de services, ainsi qu’aux principes qui en découlent comme l’égalité de traitement, la
non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence. »880. Aussi,
plusieurs années avant la directive citée, la CJUE avait insisté sur le fait que la mise en application de
ces libertés constitue la pierre angulaire sur laquelle toute initiative de coordination des procédures
de passation de marchés publics doit reposer881.

*Deuzio, la préférence communautaire vient remplacer aux termes de la directive 04, les préférences
nationales existantes préalablement à ladite directive dans les états membres. Elle implique au sens
de l’article 62 de la directive 04, que lors de la passation d’un marché public ou d’une délégation de
service public, une préférence doive être attribuée aux offres présentées par toute entreprise com-
munautaire. Celle-ci correspond à un pourcentage du montant de l’offre et ne peut excéder 15%.
Selon la formulation impérative de l’article 62, il est évident que la mise en œuvre de cette marge de
préférence est obligatoire pour les autorités contractantes. En outre, cette préférence de 15% est
cumulable avec celle prévue par l’article 26 dans le cadre de la sous-traitance. Cette dernière accorde
la faculté à l’autorité contractante de prévoir une préférence supplémentaire pour les entreprises qui
sous-traitent au moins 30% de la valeur globale du marché à une entreprise de l’état membre dans

880
Voir le considérant 1 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics. Op. Cit.
881
Par exemple, CJCE, Affaire C-380/98 du 3 octobre 2000, university of Cambridge. Paragraphe 16
« À titre liminaire, il importe de rappeler que, en ce qui concerne l'objectif des directives 92/50, 93/36 et 93/37,
la Cour a jugé que la coordination au niveau communautaire des procédures de passation des marchés publics
vise à supprimer les entraves à la libre circulation des services et des marchandises et donc à protéger les inté-
rêts des opérateurs économiques établis dans un état membre désireux d'offrir des biens ou des services aux
pouvoirs adjudicateurs établis dans un autre état membre (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 1998, BFI
Holding, C-360/96, Rec. p. I-6821, point 41). ». Disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal-
content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:61998CJ0380&from=EN (consulté en novembre 2021) ;
363

lequel le marché est exécuté882. De cette formulation, on déduit que le fait de prévoir cette seconde
préférence n’est qu’une faculté pour l’autorité contractante et non une obligation. En tout état de
cause, la validité de la préférence implique qu’elle soit prévue dans le dossier d’appel d’offres et
connue par tous les candidats. À ces égards, il apparaît que le principe de la préférence communau-
taire constitue stricto-sensu une discrimination en faveur des pays de l’UEMOA relativement aux
autres concurrents dans le cadre d’un appel d’offres ouvert au-delà de l’espace communautaire.
Néanmoins, on peut d’abord en trouver une justification dans l’idée de l’intégration économique,
nécessaire à l’atteinte d’un stade du développement économique avancé desdits pays et de ladite
zone économique. Ce type de préférence est classique dans le cadre des organisations communau-
taires et ne viole pas les engagements des États dans le cadre de leur appartenance à l’OMC883. De
plus, dans la mesure où les entreprises dans les états de l’UEMOA ne sont pas industriellement et
techniquement plus apprêtées que de nombreuses entreprises hors UEMOA (notamment des pays
industrialisés) susceptibles de compétir dans des appels d’offres communautaires, cette discrimina-
tion peut permettre de rétablir une certaine équité dans le choix de l’offre finale.

D’ailleurs, il s’agit d’une logique connue au niveau des réglementations internationales des marchés
publics émanant d’autres institutions. Ainsi, au niveau de l’accord de l’OMC sur les marchés publics, il
est prévu un traitement spécial en faveur des pays en développement884. Pareillement, l’idée de pré-
férence liée aux besoins de favoriser certains aspects du développement national vis-à-vis de la par-
ticipation des entreprises étrangères apparaît également dans les directives de la Banque Mondiale
sur la passation des marchés financés par elle885.

Il s’agit d’un choix politique salvateur susceptible de renforcer de nombreux secteurs de l’économie
s’il est orienté à dessein par les États et les autorités contractantes. Toutefois, nous n’avons pas trou-
vé d’études particulières ou de statistiques assurant un suivi sur la mise en œuvre de la préférence
communautaire et son impact réel vis-à-vis des objectifs poursuivis. La faculté d’accorder des préfé-
rences doit donc à notre avis, être renforcée et élargie tout en étant encadrée afin de la rendre effi-
cace dans la poursuite des objectifs de l’intégration économique et du développement des pays de
l’UEMOA.

882
S’agissant uniquement des marchés des collectivités territoriales et ceux de leurs établissements publics
Article 26 de la directive 04
883
Notamment en matière d’union douanière, de la zone de libre-échange en matière de commerce des mar-
chandises, voir art XXIV du GATT. En matière d’intégration économique dans le commerce de service (voir art V
de l’AGCS) et d’accord intégration des marchés du travail (voir art V bis de l’AGCS)
884
Voir art V paragraphe 3 de l’accord sur les marchés publics de l’OMC.
885
Cf. point 2.55 de la directive travaux et Fournitures. L’annexe VI décrit les modalités de cette préférence
relativement aux fournitures fabriquées dans le pays de l’emprunteur et des travaux réalisés par les entrepre-
neurs du pays de l’emprunteur.
364

Par ailleurs, il convient de s’interroger sur la préférence communautaire dans les MPI financés par les
institutions multilatérales et bilatérales de financement. On peut se fonder d’entrée sur l’article 8 la
directive 04 de l’UEMOA qui prévoit que le texte s’applique aux marchés sur financement extérieur
sauf en cas de contradiction886. Même si elle ne précise pas quelle règle s’appliquera et primera dans
ce cas, la pratique des institutions de financement et les codes des marchés publics des États mon-
trent bien que ce sont les règles des institutions internationales qui s’appliquent aux projets bénéfi-
ciant de leurs financements. Or, celles-ci ne prévoient pas que les préférences communautaires et
nationales des zones d’intégration économique s’appliquent à leurs marchés. Elles prévoient leur
propre système de préférence, notamment dans le cadre des appels d’offres internationaux. Partant,
sachant qu’une grande partie des marchés des États ont lieu sur ces ressources et que celles-ci cons-
tituent une part importante de leurs budgets, il est regrettable que les mesures visant à renforcer
l’intégration économique dans la directive de l’UEMOA ne puissent trouver à s’appliquer ici, complè-
tement et avec force. Ceci est d’autant plus vrai que, quoique les préférences contenues dans les
textes des institutions multilatérales et bilatérales de financement du développement comportent
des avantages, il apparaît que ces marges et modalités de préférences sont moins favorables que la
préférence communautaire (de l’UEMOA) sur laquelle elles primeront en vertu des règles actuelles.
D’où, il s’agit d’un manque à gagner dans la consolidation du développement et de l’intégration éco-
nomique de l’UEMOA.

Pour exemple, le règlement applicable aux marchés de la BM prévoit des préférences de 15% pour
les marchés de fournitures lorsque ces fournitures sont fabriquées dans le pays de l’emprunteur et
de 7.5% pour les entrepreneurs nationaux dans le cadre des marchés de travaux. En outre, ledit rè-
glement précise que ces préférences ne s’appliquent pas aux Installations887. De plus, la préférence
précitée concernant les marchés de fournitures ne tient pas compte de l’origine géographique de
l’offre. En ce sens, n’importe quelle offre émanant d’un soumissionnaire étranger, est susceptible
d’en bénéficier. Selon l’annexe VI du règlement qui détaille son application, il suffit que 30% au
moins du prix de départ usine (EXW) des fournitures soit constitué d’éléments888 fabriqués ou as-
semblés localement, dans un site de production locale, pour qu’elle bénéficie à une offre. Enfin, on

886
Voir art 8
887
Point 5.52 et Annexe VI du règlement de passation des marchés pour les emprunteurs sollicitant le finance-
ment de projets d’investissements de la Banque Mondiale. Version révisée, Août 2018
888
Ces 30% du prix départ usine (EXW) du total des fournitures, sont jugés sur les éléments de « la main
d’œuvre, les matières premières et les composants y compris le transport sur le sol national et l’assurance, pro-
venant du pays de l’emprunteur ». Voir Annexe VI du règlement de passation des marchés pour les emprun-
teurs sollicitant le financement de projets d’investissements de la Banque Mondiale. Version révisée, Août
2018, Op. Cit. ; Pour une explication détaillée de ces préférences, voir dans cette thèse, notre réflexion sur
l’utilisation stratégique des MPI à travers l’orientation des règles vers des enjeux directs de développement,
spécifiquement les pages 268 et s.
365

peut souligner qu’elle est soumise à l’autorisation de la Banque Mondiale ; ce qui ne garantit pas son
application à tous les marchés.

En plus des principes précédents, la réforme a permis de renforcer l’application du principe de trans-
parence dans les marchés publics au sein de l’UEMOA.

III- Le renforcement du principe de transparence

Le principe de la transparence est un principe clé dans les marchés publics. Il est l’essence de la con-
currence tout comme celui du libre accès à la commande publique et le principe d’égalité entre les
candidats. Nous ne reviendrons pas en détails ici sur le sens de ce principe puisque nous l’avons déjà
décortiqué (voir p 230 et s.). Nous mettrons ici en avant la revivification de ce principe dans les textes
qui sont le sous-bassement de la réforme des marchés publics au sein de l’UEMOA et les règles édic-
tées pour s’assurer qu’il soit respecté. Aussi, il convient de rappeler qu’aussi bien la conférence
d’Abidjan que le PRMP-UEMOA, subséquemment, ont fait de la transparence accrue l’un des objec-
tifs de la réforme889. En évoquant les mesures menant à la transparence dans le présent paragraphe,
il est indispensable d’affirmer que d’une certaine manière, tous les principes et les règles de la ré-
forme que nous avons évoqués dans les lignes précédentes font partie intégrante des éléments de la
transparence.

En guise de rappel, il s’agissait notamment de la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité


de traitement des candidats, la règle de l’appel d’offre ouvert, les textes clés relatifs à l’éthique et à
la lutte contre la corruption promus par la réforme, le principe de reconnaissance mutuelle. En ce
sens, il est plus juste de dire que le principe de transparence est un principe-objectif qui peut se réa-
liser à travers tous les autres principes et toutes les mesures qui y contribuent directement ou indi-
rectement. Ce paragraphe doit donc être lu concomitamment avec les autres pour mieux cerner les
apports nouveaux de la réforme en matière de transparence dans les marchés publics. Cette ap-
proche globale fondamentale dans l’appréhension de la transparence est aussi celle recommandée
par l’OCDE dans diverses publications890.

Cela étant dit, au niveau de la procédure stricto sensu, l’on peut relever que les aspects tenant à la
publication et d’une manière générale à l’accès aux informations dans toutes les phases du cycle de

889
Voir Rapport de la conférence d’Abidjan Op. Cit. P111 et s. et le résumé que nous en avons fait ; voir égale-
ment le rapport d’évaluation du PRMP-UEMOA Op. Cit.
890
L’OCDE a fait de nombreuses publications relatives à l’intégrité dans les marchés publics et cette exigence
est souvent citée comme un impératif pour un bon système de marchés publics. Voir par exemple OCDE, liste
de vérification pour renforcer l’intégrité dans les marchés publics, 2008, pp13-16.
366

passation du marché constituent un enjeu capital (1)891. En outre, le principe de transparence peut
être apprécié dans la réforme à travers la mise en avant de ces règles dans un schéma qui reflète la
volonté de mettre en place un certain formalisme (2). Enfin, la réforme a mis au cœur des enjeux de
la transparence, la question de la dématérialisation des procédures (3).

1- La publicité de l’information, un outil au service de la transparence


Les textes clés de la réforme abordent la question de la publication de façon expresse. Ainsi, l’art 1.6
du code de transparence précise que « Les contrats entre l’administration publique et les entre-
prises, publiques ou privées, notamment les entreprises d’exploitation de ressources naturelles et les
entreprises exploitant des concessions de service public, sont clairs et rendus publics. Ces principes
valent tant pour la procédure d’attribution du contrat que pour son contenu. »892. Il est important de
noter que le texte de cette directive a évolué relativement à la directive précédente qu’elle a abro-
gée893. En effet, il y est expressément mentionné que la publication concerne la procédure
d’attribution, alors que le code d’éthique précédent n’évoquait que l’obligation de publier le résultat
de l’attribution sans faire une référence expresse à toutes les phases de la procédure894. Cela marque
le progrès constant et la clarification accrue et continue qui fait partie intégrante de l’idée de la ré-
forme. L’article 16 de la directive portant code de déontologie dans les marchés publics et les déléga-
tions de service public insiste sur l’importance de l’information en tant que « pilier » de la transpa-
rence. Elle insiste sur l’obligation incombant à l’agent public de rendre l’information objective, com-
plète en ce qui concerne les règles de la compétition, facilement accessible et disponible à temps895.

La directive 04 met en avant les différentes phases cruciales dans lesquelles la publication est re-
quise. Son article 27 fait obligation aux autorités contractantes d’élaborer des plans prévisionnels
annuels de marchés publics au vu de leur programme d’activité. Ces plans prévisionnels, révisables
sont cohérents avec les crédits à elles alloués et concernent les marchés dont les montants attei-

891
Le rapport de la conférence d’Abidjan insiste sur ce point. Voir Rapport Op. Cit. ; Le rapport d’évaluation du
PMRMP également. Voir rapport d’évaluation Op. Cit.
892
Directive N°01 /2009/CM/UEMOA Portant Code De Transparence Dans La Gestion Des Finances
Publiques au sein De L’UEMOA.
893
Il s’agit de la directive (abrogée) 02/200/CM/UEMOA du 29 juin 2000 et son annexe portant code de trans-
parence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA.
894
Il disposait ainsi : « S’agissant plus particulièrement des procédures de passation des marchés publics, les
États membres s’efforceront de passer et faire exécuter les marchés publics dans de bonnes conditions
d’économie, de transparence et d’efficacité, en donnant à tous les soumissionnaires répondant aux critères de
sélection, la possibilité de concourir, et en encourageant la participation des entrepreneurs, fabricants et con-
sultants ressortissants de l’Union. À cette fin, ils publieront les résultats de toutes les adjudications et procéde-
ront périodiquement à une évaluation de l’exécution des contrats. Les rapports d’évaluation seront publiés. »
895
Art 16 de la Directive N°04/2012/CM/UEMOA relative à l’éthique et à la déontologie dans les marchés pu-
blics et les délégations de service public au sein de l’UEMOA
367

gnent le seuil communautaire. Ils sont soumis à l’approbation des entités administratives chargées
du contrôle des marchés publics auxquels leur publication incombe avec les autorités communau-
taires ad hoc. Ces avis restent révisables dans le respect des mêmes formes. Les marchés passés par
les autorités contractantes doivent avoir été préalablement inscrits dans ces plans prévisionnels,
sous peine de nullité, sous réserve de l’appréciation de l’entité administrative chargée du contrôle
des marchés publics.

Dans le même ordre d’idée, l’article 39 précise l’obligation pour les autorités contractantes de pu-
blier les avis indicatifs des marchés qu’elles envisagent de passer au cours de l’année budgétaire. Ces
avis doivent comporter « les caractéristiques essentielles des marchés de travaux, fournitures et ser-
vices qu’elles entendent passer dans l’année et dont les montants égalent ou dépassent les seuils
communautaires. ».

La publication des plans prévisionnels est très importante896. C’est une pratique que l’on retrouve
dans de nombreux pays. L’objectif visé par ces règles d’anticipation est de permettre aux candidats
potentiels de se préparer en avance pour les marchés publics à venir dans le cours de l’année. Par ce
moyen, le but poursuivi est de renforcer les principes de transparence, de concurrence, d’égalité par
l’accessibilité de l’information. En sus, c’est une mesure de transparence du point de vue de la pra-
tique des autorités contractantes, puisque l’article 27 précise que « tout morcellement de com-
mandes, en violation du plan annuel de passation des marchés publics, caractérise un fractionne-
ment, constitutif d’une pratique frauduleuse ». Cependant, d’après l’article 39, les autorités contrac-
tantes restent libres de ne pas donner suite aux projets d’achat public mentionnés dans l’avis indica-
tif.897

Cette phase d’anticipation est complétée par la mise en place d’impératifs de publication et de délais
précis dans le cadre de la procédure. À ce titre, il est d’abord déterminé le principe du seuil de publi-
cation. Celui-ci se situe à deux niveaux, géographiques et administratifs, qui déterminent l’entité sur
laquelle pèsent les obligations de publication des informations. Nous observons que les autorités
nationales (autorités contractantes et l’entité administrative en charge du contrôle) restent toujours
tributaires de cette obligation lorsque les seuils nationaux qui s’appliquent aux marchés publics sont
atteints898. En plus des autorités nationales susmentionnées, il est déterminé le principe d’un seuil
communautaire de publication pour les marchés de travaux, de fournitures de services et les déléga-

896
Pour une explication détaillée sur la portée de cette obligation. Voir, Stéphane Braconnier, précis du droit
des marchés Publics, Le moniteur, 4ème Ed, p. 278 Op. Cit.
897
Voir les articles 27 et 39 de la directive 04
898
Voir art 10, art 11, idem
368

tions de service public899. Suivant les dispositions de la directive, lorsque le seuil communautaire visé
par l’article 40 est atteint, la publication communautaire incombant aux organes communautaires
devient obligatoire. Il appartient alors à la commission de l’UEMOA de procéder aux publications
selon des délais très précis900. Dans le même ordre d’idée, les autorités nationales doivent obligatoi-
rement publier un avis d’appel à concurrence pour les marchés qui s’y prêtent dans un support na-
tional et/ou international et sous format électronique. Cet avis devra respecter des formes détermi-
nées dans un document-type communautaire en fixant les mentions obligatoires. Il en va de même
pour la publication des avis, dans les marchés comportant une phase de pré qualification901.
L’absence de cette publication par les autorités nationales est sanctionnée par la nullité de la procé-
dure de passation.

En sus, lorsqu’un avis de marché doit être publié à la fois aux niveaux national et communautaire, la
publication nationale ne peut intervenir avant l’expiration des délais impartis à la commission de
l’UEMOA au niveau communautaire pour la publication effectuée par celle-ci 902.

Les offres ainsi publiées doivent le rester pendant un délai minimal. En l’occurrence, dans les procé-
dures ouvertes et restreintes, celui-ci est de 30 jours calendaires pour les marchés dont le montant
atteint le seuil national et 45 jours pour les marchés dont le montant atteint le seuil de publication
communautaire. Ces délais peuvent être raccourcis de 7 jours calendaires dans le cas où les avis et le
dossier d’appel d’offres sont préparés et envoyés par des moyens électroniques.903 Ces délais, tels
qu’ils seront indiqués dans l’offre, font office de date butoir de réception des offres par l’autorité
contractante. Toutefois, la directive prévoit que dans les cas d’urgence dûment motivés et, sous ré-
serve de l’autorisation de l’autorité nationale chargée du contrôle des marchés publics, les délais
susmentionnés peuvent être réduits à quinze jours calendaires pour les marchés supérieurs aux
seuils nationaux et trente jours calendaires pour les marchés supérieurs au seuil communautaire.

L’encadrement strict des formes, des moyens et des délais de publication est une réponse vis-à-vis
du flou qui régnait à ce sujet dans de nombreuses législations de l’UEMOA et elle vient appuyer la
crédibilité des différentes procédures afin qu’elles puissent être mises effectivement en œuvre tout
en respectant les principes de la commande publique.

899
Article 40, idem
900
Art 41 : « la Commission de l’UEMOA publie les avis de marchés ou de délégations avec appel d’offres douze
(12) jours ouvrables au plus tard après leur réception par la Commission. En cas d’urgence, ce délai est réduit à
cinq (5) jours ouvrables. », Idem
901
Art 42. Idem
902
Art 41
903
Art 52
369

Dans le même sens, la directive émet de nouvelles règles relativement à l’ouverture des plis et les
résultats de l’attribution du marché. Ainsi, même si les offres des candidats restent confidentielles, la
séance d’ouverture des plis est publique. C’est lors de cette séance, qu’en la présence des soumis-
sionnaires, seront examinées la conformité des dossiers et des pièces aux critères mentionnés dans
l’avis d’appel d’offre. Ainsi, les offres jugées non recevables seront relevées de manière transparente.
En sus, la séance d’ouverture des plis sera sanctionnée par l’établissement immédiat d’un procès-
verbal auquel sera jointe la liste signée des personnes présentes, y compris des membres de la com-
mission d’ouverture des plis. Ce procès-verbal établi selon un modèle type communautaire devra
faire l’objet d’une publication904 .

Il succède à la phase d’ouverture des plis, une phase d’évaluation des offres. Selon la directive, celle-
ci a lieu selon les critères définis dans l’appel d’offres et les délais légaux. La mention préalable de
ces critères dans le dossier d’appel d’offres est un gage de transparence puisqu’elle permet à toutes
les parties prenantes et aux personnes intéressées de savoir selon quels critères les offres seront
jugées. De fait, ces critères, tels que publiés dans le DAO sont intangibles et ne peuvent donc ni être
revu à la hausse, ni à la baisse, ni changés pendant l’évaluation des offres905. L’évaluation est effec-
tuée sur la base d’un modèle-type communautaire d’évaluation et de comparaison des offres. À
l’issue de l’évaluation des offres, la commission d’évaluation des offres dresse un procès-verbal indi-
quant sa décision. Celui-ci signé séance tenante par les membres et les parties présentes, comporte
un certain nombre d’indications obligatoires relatifs aux choix de la commission906. Le procès-verbal
de l’attribution du marché (considérée à ce stade comme provisoire) est établi selon un document
type communautaire. Par la suite, le soumissionnaire retenu sera notifié de la décision d’attribution
provisoire, tandis que les autres seront informés du rejet de leurs offres907. Ceux-ci ont le droit de
recevoir à leur demande, de la part de de l’autorité contractante, par écrit, les motifs du rejet de leur
offre, le montant du marché attribué, le nom de l’attributaire, ainsi qu’une copie du procès-verbal
d’attribution dans un délai de 5 jours ouvrables à compter de la réception de la demande écrite.

Nous notons que ces phases sont importantes pour la transparence des procédures et l’égalité de
traitement des candidats car, à ce stade les actes détachables du contrat dont font partie les déci-
sions prises dans le cadre de la procédure de passation sont susceptibles d’être contestés par le tru-
chement de divers moyens de recours. Il s’agit à la fois du recours hiérarchique devant l’autorité

904
Article 57
905
Voir art 61 de la directive 04 ; Ce principe est également acquis en Droit français. Voir : CE, 16 janvier 2012,
Département de l’Essonne, n° 353629. L’arrêt est disponible à l’adresse
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CÉTATEXT000025180078/ (consulté en novembre 2021)
906
Ces mentions sont déterminées dans l’article 64.
907
Article 65
370

contractante, de même que d’un recours devant l’organe non juridictionnel de règlement des diffé-
rends instauré par la directive908. Les décisions des autorités chargées du recours doivent également
faire l’objet de publication909.

Ces mesures sont aussi valables pour les délégations de services publics. En ce sens, l’article 72 dis-
pose que « La passation de la convention de délégation de service public doit être précédée d’une
publicité de nature à permettre une information la plus claire possible sur le projet considéré, selon
les règles définies aux articles 40 à 42 de la présente directive. Le délai de réception des soumissions
est au minimum de quarante-cinq (45) jours calendaires, à compter de la date de publication de
l’avis. ». De ce fait, la procédure de sélection de l’entreprise délégataire doit être la plus transparente
possible. Il en va de même des clauses principales de la délégation de service public, l’Article 77 dis-
posant que : « L’autorité délégante publie un avis d’attribution de convention de délégation de ser-
vice public. Cet avis doit désigner le délégataire et comporter un résumé des principales clauses de la
convention de délégation. ».

Au regard des éléments qui précèdent, il apparaît que le renforcement de la transparence dans les
marchés publics de l’UEMOA à travers la réforme passe par la mise en œuvre du point de vue opéra-
tionnel et procédural, de tous les principes phares des marchés publics. Ceci passe par la mise en
œuvre d’un formalisme plus ferme dans les procédures de passation, à travers la définition de l’appel
d’offres ouvert comme procédure de principe, les obligations de publication et l’établissement anti-
cipé du type de marchés à venir, la mise en œuvre de dossiers et formulaires types, l’encadrement
des délais, la définition de la composition des diverses commissions ouvrant les plis et évaluant les
offres, la détermination des recours possibles et les délais qui y sont attachés ,les règles d’éthiques
s’appliquant à tous les participants dans la procédure de passation. Le renforcement de toutes ces
obligations à travers la réforme leur donne un sens nouveau au niveau des Etats. Il démontre égale-
ment l’importance de mettre en oeuvre un formalisme accru dans les procédures, pour l’achèvement
des objectifs liés à la réforme.

2- L’accroissement du formalisme comme instrument de la transparence


Le formalisme peut s’accepter comme le principe juridique selon lequel une formalité est exigée pour
la validité d’un acte910. Souvent interprété péjorativement dans la mesure où on lui reproche d’être
excessif, le formalisme a son utilité en droit pour éviter l’arbitraire et apporter une plus grande sécu-

908
Voir art 11 et 12 de la directive 05. Nous reviendrons sur la création de ces autorités de recours non-
juridictionnels qui constituent une nouveauté introduite par les réformes au sein de l’UEMOA (voir les pages
376 et suivantes).
909
Art 16 de la directive N°04/2012 relative à l’éthique et la déontologie dans les marchés publics et les déléga-
tions de service public au sein de l’UEMOA.
910
Voir : Lexique des termes Juridiques, Dalloz, 27ième édition.
371

rité juridique. À ce propos, Monsieur Gabriel Ardant fait la distinction entre deux types de forma-
lismes : l’un qu’il qualifie de « formalisme naturel » qui renvoie à des bonnes pratiques menant à la
protection contre l’arbitraire, et l’autre qualifié de « formalisme artificiel » qui se manifeste lorsque
l’objectif poursuivi s’éloigne des actions entreprises, du fait de l’excès des formes911. Dans le même
ordre d’idée, le professeur Jean François Lachaume évoque le « bon formalisme » et le « mauvais
formalisme » dans une étude évoquant les rapports entre l’administration et les administrés912.
Quant au juriste allemand, Rudolph von Ihering, il considérait que le formalisme est un principe es-
sentiel. Cette idée s’incarne dans sa pensée suivante : « Ennemi juré de l’arbitraire, la forme est la
sœur jumelle de la liberté »913.

Il ressort de ces considérations qu’avant d’être un danger lorsqu’il est porté à l’excès, le formalisme
est d’abord une nécessité dans la matière juridique et précisément dans la matière administrative. Le
droit des marchés publics n’échappe pas à cette exigence. Mieux, eu égard à tous les principes qui le
sous-tendent en matière de transparence, d’égalité et de respect de la concurrence, une grande dose
de formalisme y est obligatoire. Il est bénéfique à toutes les parties prenantes (Acheteurs, candidats,
institutions de financement, société civile)914 .

Partant, nous observons à l’analyse des différentes obligations émanant des directives de l’UEMOA,
que les concepteurs de la réforme ont voulu pallier le flou préexistant et le laxisme dans la passation
des marchés publics dans les états de l’UEMOA en instaurant une grande dose de formalisme dans
les règles et les procédures. En procédant ainsi, ils se sont alignés sur les pratiques connues et consi-
dérées comme vertueuses dans de nombreux pays et dans les directives des institutions de finance-
ment.

Ce formalisme peut s’apprécier à travers plusieurs aspects des directives :

911
Il évoque précisément l’adjudication publique dans laquelle il considère que les publicités, la remise des
soumissions sous pli cachetés et les autres règles traduisent les conditions grâce auxquelles l’État pense obtenir
une concurrence efficace. Même s’il est loin d’affirmer que ce système fonctionne parfaitement, il estime
qu’une certaine dose de formalisme s’impose car le fonctionnaire ne peut inventer de nouvelles règles à
chaque fois que de nouveaux cas lui sont dévolus. Le formalisme l’aide à avoir certains réflexes. Vu de cette
manière le formalisme apparaît comme une règle de « bonne administration ». Ainsi selon lui, le formalisme
naturel « constitue la garantie de la liberté individuelle ou, si l’on préfère, un moyen technique pour assurer
l’impartialité du fonctionnaire… cette première vertu des services publics à défaut de laquelle toutes les autres
seraient inopérantes ». Cf. Ardant Gabriel, la double origine du formalisme, Revue Administrative, 1952, 5e
année, N°29, PP 499-502
https://www.jstor.org/stable/40776033 (consulté en novembre 2021)
912
Lachaume Jean François, le formalisme, AJDA 1995, p 133
913
Von Ihering Rudolph, l’esprit du Droit Romain, dans les diverses phases de son développement, VOL III , tra-
duction de O. de Meulenaere, Ed A. MARESCQ PARIS , année 1877, P 158, 374P
914
Voir pour une analyse poussée du formalisme dans les procédures de passation : Thibault Delcroix, le forma-
lisme des procédures de passation des marchés publics : quelle considération lui apporter ?, Mémoire de master
2, Université de Valenciennes, 2016, 83P
372

La définition de seuils nationaux et communautaires à partir desquels les marchés publics font l’objet
d’une procédure formelle est le commencement de ce formalisme915. En sus, le choix de l’appel
d’offres ouvert comme procédure normale engendre des règles précises au niveau de la forme de la
publicité et en matière de délais de publication916. Les autres procédures sont dès lors strictement
encadrées et font l’objet de conditions particulières et d’un contrôle strict de la part de l’entité char-
gée du contrôle917. Elles n’échappent pas également à une certaine dose de publicité. Ce formalisme
continue jusque dans les formes dans lesquelles les candidats doivent déposer leurs offres. Ensuite,
l’ouverture des plis et l’évaluation des offres doivent respecter des règles particulières en matière de
délais à respecter. La composition des commissions accomplissant ces deux fonctions précitées est
également réglementée du point de vue des membres qui la composent et du quorum918. Il en va de
même pour les formes selon lesquelles doivent se dérouler les séances d’ouverture de plis et
d’évaluation des offres919. En outre, la création des dossiers-types et des formulaires-types relatifs à
la publication des rapports d’ouverture des plis et des rapports d’attribution complètent ces
étapes920. La fixation des formes et délais spécifiques pour les recours et la publication reflète égale-
ment cette volonté de formalisme921.

Ainsi, le formalisme permet une certaine sécurité juridique dans la mesure où les règles du jeu sont
exposées par avance. Aussi, dans une procédure qui a pour principe la concurrence, l’égalité et la
transparence, elle est assortie des sanctions qui sont appliquées en cas de non-respect. La plupart
des règles sont obligatoires sous peine de nullité de la procédure. Cette même logique réduit les
risques de dévoiement des procédures et ceux de corruption. En outre, la création des dossiers types
permet aux niveaux national et communautaire de créer une certaine uniformité et une prévisibilité
qui peuvent aider à la lisibilité des procédures indépendamment de l’autorité contractante, y com-
pris d’un pays à un autre.

Il convient cependant de limiter le formalisme aux aspects strictement nécessaires car il alourdit les
procédures et a souvent mené à des retards considérables dans l’exécution des budgets et la réalisa-
tion des projets. Un rapport d’audit de l’ANRMP en Côte d’Ivoire a démontré que les marchés étaient
passés dans des délais très longs excédant ceux prévus dans les textes. Donc, dans la réalité, il est
impératif de trouver l’équilibre entre les réalités économiques, sociales, culturelles et les règles
écrites.

915
Art 11
916
Art 28,
917
Art 29 à 38
918
Art 12 à 14, 17, 57
919
57, 58,59 à 61
920
Art 45 et 79
921
Art 11-12 de la directive 05.
373

Cet impératif d’équilibre se retrouve directement dans l’approche adoptée par le législateur de
l’UEMOA à l’égard de l’utilisation des moyens électroniques dans la procédure de passation des mar-
chés publics. Il perçoit la dématérialisation à la fois comme un instrument incontournable. Cepen-
dant, il doit respecter les principes de la commande publique dont le principe de transparence, et sa
miseen oeuvre ne peut être que graduelle dans la zone UEMOA au vu des capacités des États.

3- Les enjeux de transparence dans le mouvement vers la dématérialisation des pro-


cédures
La notion d’utilisation des supports électroniques est un enjeu dans les marchés publics dans tous les
pays. Il s’agit non seulement d’une question d’efficacité, d’accessibilité, de célérité mais aussi de
traçabilité des opérations liées aux marchés publics.922

Les textes internationaux ayant servis de modèles à la réforme des marchés publics dans l’UEMOA
encouragent l’utilisation des moyens électroniques dans la passation des marchés publics. Ainsi, la loi
type de la CNUDCI révisée de 2011 fait référence à l’importance de la prise en compte des supports
électroniques dans les marchés publics comme l’un des motifs de la révision de sa version initiale de
1995, tout en insistant sur la nécessité de ne pas dénaturer les principes fondamentaux qui sous-
tendaient cette dernière923. D’autres standards internationaux auxquels se réfèrent les pays de
l’UEMOA, à l’instar des directives de la Banque Mondiale font une place importante à l’utilisation des
outils électroniques924. De plus, l’importance de l’introduction de règles facilitant le recours aux

922
Le MAPS (Méthodologie d’évaluation des systèmes de passation des marchés) de l’OCDE comporte des
indicateurs (indicateur subsidiaire 7b) considérant l’implication des supports électroniques et leur efficacité. La
méthodologie considère le facteur électronique comme un élément important de l’efficacité d’un système de
passation de marchés. Voir : le site du MAPS et les documents publiés expliquant la méthodologie :
http://www.mapsinitiative.org/
923
Voir : résolution 66/95 du 9 décembre 2011 de l’AG ONU portant sur la loi-type sur la passation des mar-
chés publics de la CNUDCI « Observant que la Loi type de 1994, qui est devenue une importante référence inter-
nationale en matière de réforme du droit des marchés, établit des procédures visant à assurer la concurrence, la
transparence, l’équité, l’économie et l’efficacité du processus de passation des marchés, Observant également
que, malgré l’utilité largement reconnue de la Loi type de 1994, de nouvelles questions et de nouvelles pratiques
sont apparues depuis son adoption, qui justifient sa révision, Considérant qu’à sa trente-septième session, en
2004, la Commission a estimé que la Loi type de 1994 gagnerait à être actualisée pour tenir compte des nou-
velles pratiques, en particulier celles qui découlent de l’utilisation de moyens de communication électronique
dans la passation des marchés publics… »
924
De fait, elle soumet un tel usage dans ses marchés à son autorisation. Le point 5.9 du règlement de passa-
tion des marchés de la Banque Mondiale prévoit que «Pour certains aspects du Processus de Passation des
Marchés, l’Emprunteur peut utiliser des procédures dématérialisées, comme pour la publication des Dossiers de
Passation des Marchés, et de leurs addenda, la réception des Candidatures/Cotations/Offres/Propositions, et la
conduite d’autres activités connexes, sous réserve que la Banque juge le système de dématérialisation adéquat,
notamment par son accessibilité, sa sécurité et son intégrité, sa confidentialité et ses caractéristiques de con-
trôle et de suivi des opérations. ». Voir : règlement de passation des marchés de la Banque Mondiale pour les
marchés de fournitures, travaux et services Op. Cit. On note que même s’il est notable que l’institution reste
374

moyens électroniques a été largement évoquée par les parties prenantes à la conférence
d’Abidjan.925

Cependant, l’utilisation effective des supports numériques reste déficitaire dans la plupart des pays
de l’UEMOA. Même si cet enjeu est connu, il apparaît que les questions devant précéder la générali-
sation de la dématérialisation complète des marchés publics se posent avec acuité. Il s’agit notam-
ment des questions techniques qui sont indispensables pour accorder la dématérialisation des pro-
cédures avec les objectifs et les principes de la commande publique ; d’où on note que les États de
l’UEMOA avancent sûrement mais prudemment vers ce chemin.

Ainsi, les directives de l’UEMOA mentionnent en de nombreux points la possibilité pour les autorités
contractantes et les structures institutionnelles impliquées dans le fonctionnement des marchés pu-
blics d’utiliser les supports électroniques. Néanmoins, manifestement, les concepteurs de la directive
ont fait le choix de ne pas rendre obligatoire leur usage dans les marchés publics tout en les encou-
rageant fortement.

Dans ce sens, l’article 43 de la directive 04 pose le cadre de la dématérialisation des marchés publics.
Après avoir défini la dématérialisation au sens de la directive, il précise que « Les échanges
d’informations intervenant en application de la présente Directive peuvent faire l’objet d’une trans-
mission par moyen électronique dans les conditions ci-dessous. Cette transmission devra être privilé-
giée dès lors que les autorités contractantes disposeront des moyens technologiques nécessaires. ».
La directive prévoit également que ses dispositions « qui font référence à des écrits ne font pas obs-
tacle au remplacement de ceux-ci par un support ou un échange électronique, dans la mesure où de
telles dispositions sont applicables aux actes de l’autorité contractante. ».

Ces dispositions montrent que le législateur de l’UEMOA privilégie une approche volontaire et gra-
duelle tenant compte de l’impératif de sécurité qui doit entourer la généralisation de la dématériali-
sation. Conscient que la dématérialisation n’est qu’un moyen et qu’elle doit s’ajuster aux principes
de la commande publique, la directive 04 prévoit que « Les outils utilisés pour communiquer par des
moyens électroniques, ainsi que leurs caractéristiques techniques, doivent avoir un caractère non
discriminatoire, être couramment à la disposition du public et compatibles avec les technologies
d'information et de communication généralement utilisées. »926. Cette disposition se réfère aux prin-
cipes d’égalité dans la commande publique et son corollaire de liberté d’accès à la commande pu-
blique, de même qu’à celui de la transparence. D’ailleurs, les éléments qui matérialisent la transpa-

prudente à ce sujet dans les marchés qu’elle finance, c’est surtout en raison du niveau insuffisant des condi-
tions actuelles, dans certains pays bénéficiant de son financement.
925
Voir rapport de la conférence d’Abidjan sur la réforme des marchés publics, Op. Cit.
926
Art 43, idem
375

rence à travers la diffusion de l’information sont admis par le truchement de la dématérialisation, du


moment que les États qui en font usage sont capables, dans leur mise en œuvre d’assurer le respect
des principes susmentionnés. À ce titre, la directive prévoit que « Les documents d’appel d’offres et
de consultation peuvent être mis à la disposition des candidats par moyen électronique dans les con-
ditions fixées par les législations nationales, sous réserve que ceux-ci soient mis à la disposition des
candidats par voie postale s’ils en font la demande. Sauf dispositions contraires prévues dans l’avis,
les candidatures et les offres peuvent également être communiquées à l’autorité contractante par
moyen électronique, qui s’assure de l’authenticité de la transmission par tout moyen approprié et
dans des conditions déterminées par les réglementations nationales. ».

De plus, la confidentialité des plis remis demeure un enjeu de transparence aussi bien à l’égard des
autorités contractantes que des candidats. Aussi, la directive prévoit que « Les communications, les
échanges et le stockage d'informations sont faits de manière à assurer que l'intégrité des données et
la confidentialité des offres et des demandes de participation soient préservées et que les autorités
contractantes ne prennent connaissance du contenu des offres et des demandes de participation qu'à
l'expiration du délai prévu pour la présentation de celles-ci ».

En dépit d’une avancée prudente justifiée, le législateur de l’UEMOA encourage la dématérialisation


des procédures de passation et incite les États à l’introduire dans les phases cruciales de la passation
matérialisant le principe de transparence. Par exemple, on constate que l’usage de supports électro-
niques peut dans certains cas ouvrir un droit à la réduction des délais dans la procédure conformé-
ment à l’article 52 de la directive 04927.

Du reste, en l’état actuel, seule la publication électronique des avis d’appels d’offres est obligatoire
en sus des autres moyens de publications prévus928. Cela peut s’expliquer par le fait que l’avis d’appel
d’offres doit être diffusé très largement, y compris à l’international le cas échéant et que sa diffusion
électronique ne requiert pas de moyens de sécurisation ou de traçabilité particuliers.

En définitive, la transparence des procédures, comme d’autres principes de la commande publique


trouveront sûrement une place prépondérante dans la dématérialisation des procédures en suivant

927
Article 52 de la directive 04 : « Lorsque les avis et le dossier d’appel d’offres sont préparés et envoyés par des
moyens électroniques conformément au format et aux modalités de transmission qui seront définis par la
Commission de l’UEMOA, en application des dispositions de la présente directive, les délais de réception des
offres dans les procédures ouvertes et restreintes, peuvent être raccourcis de 7 jours calendaires. »
928
Voir art 42 de la directive 04 « Les marchés publics par appel d’offres, dont le montant est supérieur ou égal
au seuil visé à l’article 10 de la présente Directive doivent obligatoirement faire l’objet d’un avis d’appel à la
concurrence porté à la connaissance du public par une insertion faite, dans les mêmes termes, dans une publica-
tion nationale et/ou internationale et sous format électronique, selon le document-modèle communautaire qui
en fixera les mentions obligatoires. Cette obligation concerne également les avis de pré qualification. ».Nous
soulignons « et sous format électronique » qui en montre le caractère impératif.
376

le rythme du développement des moyens des États pour assurer la conformité aux principes de la
commande publique et les enjeux de sécurité que soulève le numérique comme le prévoit la direc-
tive.

La dématérialisation, comme les autres enjeux de la commande publique dans l’UEMOA, met en
exergue l’importance de la régulation et du contrôle afin d’assurer à chaque étape, l’équilibre et le
bon fonctionnement du système des marchés publics. Consciente de cela, afin d’assurer l’efficacité
de ces aspects cruciaux, la réforme a mis en avant le principe de la séparation des fonctions de con-
trôle et de régulation.

IV- La séparation des fonctions de contrôle et de régulation

Le contrôle et la régulation des marchés publics étaient considérés comme défaillants avant la ré-
forme. L’une des faiblesses fréquemment mentionnées pour son rapport direct avec la transparence,
était la concentration des fonctions de régulation, de contrôle et d’exécution auprès des mêmes
autorités. On retrouve ce constat dans les actes de la conférence d’Abidjan929. Le PRMP-UEMOA le
reprend à son compte930. Dès lors, les concepteurs de la réforme avaient à cœur de solidifier ces
deux aspects qui sont vitaux pour le succès de toute la réforme. Aussi, la séparation des fonctions de
contrôle et de régulation est-elle apparue comme un impératif au cœur de la réforme. En ce sens, la
directive 05 portant contrôle et régulation des délégations de service public dans l’UEMOA vient
apporter de nouvelles règles en la matière. Elle érige le principe de la séparation et de
l’indépendance des fonctions de contrôle et de régulation931. Il incombe aux États de mettre en place
les organes distincts chargés de ces missions932. Les rôles dévolus à ces organes ont été clarifiés dans
la directive.

Il s’agit pour l’organe de contrôle de « contrôler l’application de la législation et de la réglementation


sur les marchés publics sans préjudice de l’exercice des pouvoirs généraux de contrôle des autres or-
ganes de l’État ; émettre les avis, accorder les autorisations et dérogations nécessaires à la demande
des autorités contractantes lorsqu’elles sont prévues par la réglementation en vigueur ; assurer en
relation avec l’organe de régulation, la formation, l’information et le conseil de l’ensemble des ac-
teurs de la commande publique sur la réglementation et les procédures applicables ; contribuer en

929
Voir rapport ITC Op. Cit.
930
Voir rapport d’évaluation Op. Cit.
931
Article 3 de la directive 05 « Les états membres s’engagent à mettre en œuvre des procédures et méca-
nismes garantissant la séparation et l’indépendance des fonctions de contrôle et de régulation des marchés
publics et des délégations de service public »
932
Article 4 directive 05
377

relation avec l’organe de régulation à la collecte d’informations et de documents en vue de la consti-


tution d’une banque de données»933.

Quant à l’organe de régulation, la directive précise que ses fonctions doivent être différentes de celle
de l’organe de contrôle. Sa composition doit être tripartite. Elle doit inclure notamment et de façon
paritaire, des représentants de l’administration, du secteur privé et de la société civile. Il incombe en
plus des recours non-juridictionnels, à l’organe de régulation « la définition des politiques en matière
de marchés publics ; la formation dans le domaine des marchés publics ; le maintien du système
d’information des marchés publics ; la conduite des audits. ».

La directive précise également la nécessité pour les États de déconcentrer et décentraliser la fonction
de contrôle. Ainsi, les directions centrales chargées du contrôle et de la validation des différentes
étapes de la procédure doivent avoir des équivalents locaux qui peuvent jouer le même rôle qui leur
est dévolu934. La décentralisation de ces fonctions est perçue comme une nécessité pour éviter la
lourdeur et la lenteur dans la mise en œuvre des procédures, les directions nationales en charge du
contrôle ne disposant pas des moyens humains et matériels nécessaires pour assurer le contrôle de
tous les marchés passés dans un pays. À cela, s’ajoutent les vertus traditionnellement reconnues à la
décentralisation de l’administration pour la rapprocher des administrés. Quant à la déconcentration,
elle se matérialise à travers l’existence de plusieurs niveaux de contrôle selon les étapes de la procé-
dure.

Ainsi, comme nous l’avons décrit ci-dessus, l’entité administrative qui est chargée du contrôle a des
attributions spécifiques en vertu de l’article 4 de la directive 05. Néanmoins, l’approbation des mar-
chés après la procédure de passation est une phase importante du contrôle qui est par principe dé-
volue à une autre autorité. L’entité administrative chargée du contrôle transmet le marché à cette
autorité pour approbation935. En ce sens, c’est elle qui décide si le marché sera exécuté ou non. De ce
fait, elle se place avant la phase de matérialisation du marché. D’où, même si l’approbation n’est pas
stricto sensu une phase dans la procédure de passation, elle constitue une étape du contrôle de
celle-ci, puisque l’autorité approbatrice devra nécessairement vérifier la validité de la procédure de
passation et l’attribution régulière du marché avant de l’approuver. Sa décision de refus doit être
motivée et est susceptible de recours devant l’organe de recours.

933
Idem
934
« Les États membres s’engagent à mettre en place des entités administratives centrales, déconcentrées, ainsi
que décentralisées de contrôle des marchés publics et des délégations de service public ». Article 4, directive 05.
935
Article 68, directive 04
378

V- La dévolution de la décision finale du recours non-juridictionnel aux entités de régulation

L’article 3 de la directive N°05 instaure le principe de la séparation des fonctions de contrôle et de


régulation des marchés publics et des délégations de service public. L’article 5 de la même directive
précise que « ces mécanismes de régulation doivent garantir l’exécution des missions comprenant
notamment : la définition des politiques en matière de marchés publics, la formation dans le do-
maine des marchés publics, le maintien du système d’information des marchés publics, la conduite
des audits ». Cette obligation s’est matérialisée par la création des agences nationales de régulation
des marchés publics (ANRMP) à côté des directions étatiques auxquelles est dévolue la mission du
contrôle. Les secondes avaient cumulé pendant longtemps les deux fonctions.

Les ANRMP assurent également la fonction de prendre en charge les recours non-juridictionnels
(concernant les actes détachables impliqués dans la procédure de passation) une fois que ceux-ci
dépassent le niveau du recours gracieux et hiérarchique. À ce titre, elles répondent à la volonté des
concepteurs de la réforme de mettre en place une « autorité de recours non-juridictionnels » (ar-
ticles 11 et 12 de la directive N°5). Celle-ci est composée selon les termes de l’article 12, de «
membres de l’administration, du secteur privé et de la société civile, reconnus pour leur profession-
nalisme, leur indépendance et leur représentativité ». La mise en place de ces autorités répond à
plusieurs impératifs. Primo, il s’agit d’assurer un recours non juridictionnel rapide au-delà des re-
cours gracieux et hiérarchiques dévolus naturellement aux autorités administratives en charge du
marché et à celle qui effectue le contrôle. D’autre part, l’indépendance et la formation hétéroclites
des membres de cette autorité renforce la transparence et l’efficacité dans la prise de décision936. En
outre l’article 12 de la directive 05 prévoit que « L’autorité de recours non juridictionnels peut éga-
lement statuer sur les litiges entre les organes de l’administration survenant dans le cadre de la pro-
cédure de passation des marchés publics et des délégations de service public. ». Certains États ont
créé deux agences différentes. L’une pour les litiges entre soumissionnaires et autorités contrac-
tantes et l’autre pour les litiges entre autorités administratives. Ce fut le cas de Commission Adminis-
trative de Conciliation (CAC) en Côte d’Ivoire937.

La directive 05 prévoit que l’autorité de recours non-juridictionnels puisse s’autosaisir si elle l’estime
nécessaire en se fondant sur les informations recueillies dans l’exercice de ses missions, communi-

936
« La procédure de désignation des membres de l’autorité, la cessation de leur mandat de même que leur
statut, qui seront définis par les réglementations nationales, doivent leur permettre d’exercer leur fonction en
toute indépendance. » art 12 de la directive N°5/2005/CM/UEMOA Op. Cit.
937
Le code en vigueur de 2019 ne mentionne plus la CAC ; sa création avait été critiquée par les acteurs inter-
nationaux qui pilotent les réformes, car jugée comme non conforme aux directives. Ses missions ont été attri-
buées à l’ANRMP. Pour voir les anciennes missions de la CAC, voir code de 2009 art 14 et arrêté N°805 du 19
octobre 2010 portant organisation et fonctionnement de la commission administrative de conciliation.
379

quées par n’importe qu’elle source. De plus, d’après les termes de l’article 12, « L’Autorité de Re-
cours non juridictionnels peut d’office adresser à la Commission de l’UEMOA, ou à la demande de
cette dernière, copie des procédures et décisions rendues en application du présent article. De même,
elle peut être saisie par la Commission de l’UEMOA aux fins de procéder pour le compte de cette der-
nière à des investigations sur des pratiques frauduleuses ou des infractions dont elle peut avoir eu
connaissance et qui rentrent dans le champ de sa compétence »938.

Quant aux effets du recours devant l’autorité de régulation, il convient de retenir que son office peut
déboucher sur une solution amiable au différend. Ce cas de figure donne lieu à une transaction entre
les parties qui met fin au litige. Également, en vue d’empêcher que d’autres dommages ne soient
causés à l’intérêt allégué, elle peut suspendre ou faire suspendre la décision litigieuse ou toute la
procédure de passation. En sus, lorsque l’autorité de régulation s’autosaisit ou reçoit une dénoncia-
tion, après avoir procédé à la vérification de la réalité des faits en toute impartialité, elle peut pro-
noncer des sanctions telles que l’exclusion des contrevenants ; ceux-ci ne pourront donc concourir
aux procédures de marchés pour la période qui aura été décidée par elle939.

Par ailleurs, le rôle dévolu à l’autorité de recours non-juridictionnel n’empêche pas l’office du juge
administratif. Celui-ci reste compétent pour connaître des litiges relatifs aux contrats administratifs
dont les marchés publics, mais également du recours pour excès de pouvoir relatif aux actes déta-
chables de ces contrats. Donc, les décisions de l’autorité de recours non juridictionnels sont suscep-
tibles d’un recours devant ce dernier940. Toutefois, la directive précise que ce recours juridictionnel
n’aura pas d’effet suspensif sur la procédure de passation de marché en cours. On note ici que la
directive, par cette disposition ne fait que reprendre le principe d’absence d’effet suspensif des re-
cours contentieux941. En outre, elle enjoint aux États d’énumérer de façon limitative dans les régle-

938
Art 12 idem.
939
Cette période est de 2 ans en Côte d’Ivoire et peut être portée à 3 ans en cas de récidive dans un délai de 5
ans à partir de la première décision prononcée. V. Arrêté n° 118/MPMB du 26 mars 2014 portant modalités
d’application des sanctions des violations de la règlementation des marchés publics, J.O. n° 17 du jeudi 24 avril
2014, article 6.2 paragraphe b)
940
Ibid. ; cela est confirmé par un arrêt de la chambre administrative de la cour suprême de la République de
Côte d’Ivoire. Arrêt N°17 du 26 février 2013 contre une décision de l’ANRMP dudit État. Voir : Vincent Bilé (Se-
crétaire Général Adjoint chargé des recours et des sanctions à l’ANRMP), Quelle compétence pour le Tribunal de
Commerce dans le contentieux des marchés publics ?, publications de l’ANRMP, 2013. disponible sur le site de
l’ANRMP de Côte d’Ivoire ; voir également sur le principe en droit français de la possibilité d’un recours pour
excès de pouvoir concernant toute décision de l’administration, que ce recours soit prévu par un texte ou non,
C.E. , 17 février 1950, Dame Lamotte.
941
C’est un principe général de droit administratif qui protège et privilégie les impératifs du service public que
poursuivent les actes administratifs. Le recours contentieux (le recours en annulation pour excès de pouvoir ou
celui visant le contrat déjà formé) vise à annuler l’acte attaqué mais dans l’attente d’une telle décision éven-
tuelle, celui-ci continue à produire ses effets.
Voir : Maxime Lei, le principe de l’absence d’effet suspensif des recours contentieux en droit administratif,
thèse, Université de Toulon, 2018.
380

mentations nationales les cas de recours contre les décisions de l’autorité de recours non juridiction-
nels942.

Il est difficile de comprendre cette formulation car par principe, toutes les décisions des ANRMP en
tant qu’organes administratifs sont susceptibles de recours devant le juge administratif. De plus,
nous notons qu’il existe un contraste entre la force des mesures que peut décider l’ANRMP (notam-
ment la suspension de la décision litigieuse ou toute la procédure de passation) et le caractère non-
suspensif du recours pour excès de pouvoir contre les décisions de l’ANRMP, qui seul permet à ce
stade l’intervention du juge administratif dans la phase précontractuelle. D’aucuns943 ont évoqué la
possibilité que le pouvoir du juge administratif pourrait être étendu par la création d’un référé pré-
contractuel ayant un effet suspensif, à l’instar du référé précontractuel instauré en France en ma-
tière de marchés publics et de délégations de services publics944. Mais il apparaît que le fait de con-
fier plus de prérogatives à une autorité administrative indépendante en réduisant le rôle du juge
administratif à ce stade de la procédure est un choix intentionnel dans la réforme. Donc, eu égard
aux prérogatives de décisions et de sanctions des ANRMP en matière de différends, il est évident que
cela créerait une concurrence de compétence, voire un conflit. C’est probablement pour cette raison
que la directive enjoint aux États de limiter les cas d’intervention du juge administratif en matière de
recours contre les décisions de l’autorité de recours non juridictionnel. Par conséquent, on observe
que même si cette procédure du référé précontractuel en matière de marchés publics est bien con-
nue par la doctrine dans l’UEMOA et proposée comme solution en vue de renforcer le rôle du juge
administratif elle n’a pas encore droit de cité.

Il faut ici reconnaître que les organes de recours non juridictionnels ont en pratique amélioré la sécu-
rité et la fiabilité des systèmes des marchés publics dans les pays de l’UEMOA à travers leurs diverses

942
Art 12, directive 05 Op. Cit.
943
Voir par exemple : Mamadou Yaya Diallo, le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au
Sénégal, Revue d’étude et de recherche sur le droit et l’administration dans les pays d’Afrique, mai 2015.
http://afrilex.u-bordeaux4.fr/le-juge-de-l-administration-et-la.html (consulté en novembre 2021)
944
Le référé précontractuel s’applique en cas de manquement aux règles de mise en concurrence et de publici-
té (Voir art L 551-1 du code de justice administrative). ; l’arrêt du conseil d’État ,CE, 29 avril 2015, Syndicat de
valorisation des déchets de la Guadeloupe, n° 386748, précise que : « toute personne est recevable à agir, sur
le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, lorsqu’elle a vocation, compte tenu de son
domaine d’activité, à exécuter le contrat, y compris lorsqu’elle n’a pas présenté de candidature ou d’offre si elle
en a été dissuadée par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu’elle invoque
». L’exercice du référé précontractuel suspend automatiquement la procédure de passation. Le contrat ne
peut pas être signé à compter de la saisine du juge, et jusqu’à la notification à l’acheteur de la décision juridic-
tionnelle. Voir pour une synthèse des recours contentieux en matière de commande publique française : Minis-
tère de l’Economie , Direction des Affaires Juridiques (DAJ), les recours contentieux liés à la passation des con-
trats de la commande publique, fiche technique à destination des acheteurs publics et des autorités concé-
dantes, avril 2019, 11P, disponible sur :
https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-
techniques/mise-en-oeuvre-procedure/recours-contentieux-2019.pdf (consulté en novembre 2021)
381

prérogatives. Néanmoins, ce choix révèle le contraste entre la volonté des concepteurs de la réforme
et des milieux d’affaires de sécuriser et d’accélérer les procédures de passation des marchés publics
et l’existence de failles dans l’institution judiciaire classique au sein des états démocratiques que sont
les pays de l’UEMOA. Pourtant, il semble que même si l’institution judiciaire dans l’UEMOA est en
crise945, le juge administratif est tout à fait conscient des enjeux de la matière économique et est en
ce sens susceptible de participer à la fonction de régulation en prenant des décisions qui contribuent
à la construction de la sécurité juridique dans les marchés publics946. Cela nécessiterait le renforce-
ment de ladite institution et de son effectivité, notamment sur la célérité de ses décisions et le carac-
tère technique de la matière des marchés publics. Ceci ne pourrait se faire sans une politique plus
globale nécessitant des efforts ciblés, allant au-delà de la simple sphère des marchés publics.

De fait, il existe également un lien entre la posture qui conduit à la création d’une autorité indépen-
dante de recours non juridictionnel en dépit de l’existence du juge administratif et la méfiance du
milieu des affaires vis-à-vis du système de justice étatique. Cela n’est pas sans rappeler les méca-
nismes de règlement des différends adoptés par les mercantilistes dans le cadre de la lex mercatoria
que nous avons évoquée plus haut. Il est évident que la composition de l’autorité de recours non-
juridictionnel incluant des personnes du secteur privé épouse cette idée. Nous avions mis en avant le
fait que le champ des MPI n’échappe pas à la réalité des modèles selon lesquels le droit économique
et le commerce international se développent, notamment la gestation de pratiques juridiques spéci-

945
Il s’agit des faiblesses de l’institution judiciaire Africaine et dans l’espace UEMOA. Cette faiblesse induit une
méfiance du milieu des affaires qui préfère s’en remettre aux autorités indépendantes de régulation. V. Goue
Hermann, la régulation de la commande publique dans l’espace UEMOA, Blog du Centre de Recherches en
Droit Public Approfondi (CREDPA), Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan- Côte d’Ivoire, janvier 2020
https://credpa.wordpress.com/2020/01/23/la-regulation-de-la-commande-publique-dans-lespace-uemoa/u
consulté en novembre 2021 ; voir aussi : Alioune Badara FALL «Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics,
pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afrique», Afrilex, Université
Bordeaux IV, 2003, http://afrilex.u-bordeaux.fr/le-juge-le-justiciable-et-les-pouvoirs-publics-pour-une-
appreciation-concrete-de-la-place-du-juge-dans-les-systemes-politiques-en-afrique/ (consulté en novembre
2021); voir encore : Jean du BOIS de GAUDUSSON, «La justice en Afrique: nouveaux défis, nouveaux acteurs»,
introduction thématique, Afrique contemporaine, 2014/2 n° 250, pp. 13-28 ; voir également : René DEGNI-
SEGUI, «L'accès à la justice et ses obstacles», in Verfassung und Recht in Übersee / Law and Politics in Africa,
Asia and Latin America, Vol. 28, No. 4 (4. Quartal 1995), pp. 449-467 (19 pages) JSTOR, disponible sur :
www.jstor.org/stable/43110616 (consulté en novembre 2021) ; voir également : SAMB Seynabou, thèse de docto-
rat, Op. Cit. p 615 et s.
946
Voir Mamadou Yaya Diallo, le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, Op.
Cit. ; voir le rapport du président de la cour suprême de Côte d’Ivoire KOBO Pierre Claver s’exprimant sur
l’opportunité que représente la dévolution à la juridiction des recours en annulation pour excès de pouvoir des
décisions de l’ANRMP. Il y décrit la situation préexistante de l’éloignement de cette juridiction des matières
économiques où les acteurs ont souvent préféré les modes alternatifs de résolution des conflits. Il note que
cette nouvelle disposition impliquera paradoxalement dans le futur un rôle croissant de la juridiction adminis-
trative. Ce qui devra tenir compte des impératifs de l’activité économique. Voir : KOBO Pierre Claver, Rapport
relatif à l’audience du 28 novembre 2012 dans l’affaire Société DRAGON de Côte d’Ivoire dite DRACI contre
l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (ANRMP). Disponible sur le site de l’institution :
http://www.consÉtat.ci/app/webroot/img/files/pdfs/RAPPORT_n2012-055_REP.pdf (consulté en nov. 2021).
382

fiques. Ceci en est une patente illustration. Il est intéressant ici de se rappeler que les réformes sont
impulsées par les institutions financières publiques de financement du développement, orientées
dans le sens de l’intégration économique et de l’ouverture internationale plus grande du champ des
marchés publics. Donc, il apparaît que cette exigence de la création d’une autorité indépendante de
recours non juridictionnels dont le rôle se situe avant l’office du juge administratif (dont il est prévu
que le rôle sera limitativement énuméré en la matière par conséquent) en ce qui concerne les actes
détachables émanant de la procédure de passation, révèle une tendance mercantiliste, dont les insti-
tutions publiques économiques internationales ou régionales ne sont pas en marge. Vu sous cet
angle, cette tendance peut paraître logique du fait du fonctionnement de l’économie mondiale et du
brassage des différents acteurs publics et privés dans le domaine des MPI. La régulation recherche
avant tout l’équilibre économique et social avec un penchant vers la protection des intérêts écono-
miques. À ce titre, force est de constater que les agences de régulation ont eu un impact positif sur
l’efficacité de la commande publique.

Toujours est-il qu’il sera toujours loisible de se demander si une telle volonté de limiter au maximum
l’intervention du juge administratif va toujours dans le sens de l’intérêt public. Il aurait été possible
alternativement, de faire confiance aux systèmes de justice administrative nationaux en saisissant
l’aubaine de ces réformes de grande ampleur pour les renforcer dans le cadre des recours liés au
marchés publics après avoir au préalable évalué leurs faiblesses. À contrario, il a été préféré une vo-
lonté de réduire au maximum leur intervention et de construire une matière par essence administra-
tive en les mettant à la marge. Pourtant, cette posture a produit l’effet inattendu de replacer le rôle
du juge administratif de l’UEMOA dans le contentieux de la phase de passation des marchés publics,
rendant obligatoire une collaboration entre lui et les autorités nationales de régulation, comme nous
le montre la jurisprudence qui a résulté de la pratique après l’adoption de la réforme et la création
des ANRMP dans les états947. Elles peuvent s’enrichir mutuellement948.

Néanmoins, les réformes de fond rendues nécessaires du fait des dysfonctionnements de l’institution
judiciaire ne doivent pas être ignorées. Dans cette vision, nous pensons, qu’en plus de la logique du
monde des affaires privilégiant des formes pragmatiques et rapide de règlement des différends des
marchés publics à travers les autorités nationales de régulation, les MPI peuvent aussi être le socle

947
Idem ; nous y revenons en détails dans le titre 2 (chapitre 2) de cette partie en analysant le cas de l’ANRMP
de la Côte d’Ivoire.
948
L’essor des autorités indépendantes de régulation viendrait dans cette hypothèse combler les carences de
l’institution judiciaire. Mais nous nous demandons si cela ne serait pas mettre la charrue avant les bœufs,
puisque le renforcement de l’institution judiciaire dans un pays doit primer sur les considérations instantanées
du monde économique. Cela favorisera un développement plus structuré et dont le bénéfice dépassera les
seuls acteurs économiques. Voir aussi, Goue Hermann, la régulation de la commande publique dans l’espace
UEMOA Op. Cit.
383

de réformes structurelles de l’efficacité de la justice ; ce qui aura un impact à long terme sur la dé-
mocratie et le développement. Une telle réforme devra nécessairement augmenter le nombre de
magistrats et renforcer leur formation notamment en matière de commande publique et s’inscrire
dans une vision globale et structurelle du renforcement du rôle de l’institution judiciaire dans les
pays de l’UEMOA.
384

Conclusion du chapitre 2

La réforme des marchés publics au sein de l’UEMOA a consisté dans la mise en œuvre d’un cadre
juridique nouveau. Celui-ci crée un socle commun et solide en encadrant toute la chaîne budgétaire
et celle des marchés publics qu’elle comporte par des textes clés, qui servent dorénavant de réfé-
rence au niveau communautaire. Ceux-ci sont fondés sur le renforcement des principes phares de la
commande publique dont l’application effective faisait défaut du fait des aléas de la pratique mais
aussi de la porosité des législations antérieures. Ce socle est complété par des procédés détaillés
faisant du formalisme un gage de fiabilité dans les marchés publics. En procédant ainsi, la réforme
des marchés publics de l’UEMOA se met au service de l’efficacité dans la commande publique. Elle
s’aligne également sur les standards internationaux qui ont servi de jauge dans l’évaluation des sys-
tèmes des marchés publics. En ce sens, même si les législations antérieures et les pratiques
n’offraient pas un visage satisfaisant, la réforme pourrait subir le reproche d’importer les méthodes
internationales sans rechercher une adaptation au contexte local. Ceci semble pourtant être une
caractéristique des marchés publics internationaux dans lesquelles le postulat de l’harmonisation des
bonnes pratiques et de l’harmonisation des réglementations est considéré comme la panacée pour
l’efficacité des procédures. D’un point de vue atomistique et eu égard seulement au mode de fonc-
tionnement du système lui-même, cela peut être justifié. Cependant, d’un point de vue holistique,
généraliser des procédures comme l’appel d’offre ouvert international (sans l’adapter davantage)
dans des états où les entreprises ont une faible capacité pour la compétitivité et marginaliser
l’institution judiciaire ne va pas forcément dans le sens du développement et de l’autonomisation
des peuples et des économies nationales. De ce point de vue, une réflexion supplémentaire mérite
d’être menée.
385

Conclusion du titre 1

Les tendances du cadre juridique des MPI révèlent une volonté d’harmonisation de la matière basée
sur une reproduction et une standardisation des règles considérées comme vertueuses et des
bonnes pratiques. Cela est déjà le cas dans la réglementation appliquée par les institutions de finan-
cement elles-mêmes. Aussi, la volonté d’harmonisation du cadre juridique des MPI s’accompagne de
l’idée de l’efficacité dans la mesure où les législations et les pratiques des États sont un maillon im-
portant de la chaîne du financement et la phase concrète desdits marchés. En tenant compte de la
nécessité de l’appropriation et de l’adéquation des conditions au niveau sous régional, l’institution
de l’UEMOA a servi de canal pour mettre en œuvre les réformes dans les pays concernés.

Quoique solidifiant principalement les principes phares de la commande publique, la réforme trouve
également un point d’accroche sur les objectifs propres de l’union qui a pour but entre autre de fa-
voriser le libre-échange entre les pays qui la composent. En ce sens, elle sert aussi les intérêts com-
munautaires qu’elle a renforcés dans les marchés publics à travers les principes de reconnaissance
mutuelle et la règle de la préférence communautaire. Il s’ensuit que, la réforme des marchés publics
au sein de l’UEMOA doit être certes, considérée comme encouragée par la recherche de l’efficacité
des marchés publics financés par les institutions internationales, mais les règles qui en découlent et
le cadre de la régulation qu’elle instaure concernent tous les autres marchés publics ( opérés sur des
ressources d’origine nationale) dans lesquels les États ont une plus grande marge de manœuvre.

Il est loisible de dire que la réforme a été un succès dans l’ensemble car elle a changé le paysage du
cadre juridique et la pratique dans les pays de l’UEMOA. Tous ont déjà effectué la transposition de
l’essentiel des principes et des règles dégagées par la réforme. Cependant, cette transposition globa-
lement satisfaisante vers les états, connaît des nuances et a donné lieu à des réalités contrastées eu
égard aux objectifs recherchés. À travers le cas de la Côte d’Ivoire, nous mettrons en exergue dans le
titre suivant, le passage du niveau régional au niveau national de la réforme des marchés publics de
l’UEMOA.
386

TITRE 2
Les réalités contrastées de la mise en œuvre de la réforme de
l’UEMOA dans les états membres : cas de la Côte d’Ivoire

Du point de vue économique, la Côte d’Ivoire est un pays phare dans l’UEMOA. Elle fait figure de
puissance économique sous régionale, contribuant à plus du tiers du PIB de l'UEMOA et plus de 40%
des exportations de la zone949. L’exemple que nous avons choisi est lié au fait que nous avons pu
faire un stage au sein de la Direction Générale des Marchés Publics (DGMP) et de l’ANRMP ivoirien.
Ce qui nous a permis d’observer de près le fonctionnement des marchés publics et d’apprendre da-
vantage sur le système ivoirien du point de vue légal et pratique.

Notre exposé s’articulera autour des principes qui ont été consacrés dans la réforme de l’UEMOA.
Cela nous permettra d’analyser leur transposition et les défis liés à la réalité.

Le cadre juridique des marchés publics en Côte d’Ivoire est composé du code des marchés publics et
des nombreux textes réglementaires qui l’accompagnent. À ceux-ci, on peut ajouter les directives des
institutions de financement pour ce qui concerne les projets bénéficiant de ces financements. Ceux-ci
font l’objet d’un traitement particulier et ne sont pas souvent soumis à toutes les dispositions du
code des marchés publics. Celui-ci précise que dans le cas de ces marchés, les règles prévues par
l’accord de financement ont primauté sur le code950.

Depuis l’entrée en vigueur des directives 04 et 05 de l’UEMOA951, il y a eu plusieurs codes des mar-
chés publics en Côte d’Ivoire. Un code des marchés publics en 2009952 modifié par les décrets
N°2014-306 du 27 mai 2014 et N° 2015-525 du 15 juillet 2015, de même qu’un code en 2019953 ac-
tuellement en vigueur pour les marchés qui lui sont postérieurs.

En outre, il convient d’évoquer les textes relatifs à la lutte contre la corruption, notamment
l’existence d’un code d’éthique et de déontologie dans le domaine des marchés publics et de déléga-

949
Voir par exemple, pour des informations sur la situation du pays :
https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/CI/situation-economique-et-financiere consulté en novembre 2021
950
Voir Art 4 de l’ordonnance N°2019-679 du 24 juillet 2019 portant code des marchés publics
951
Op. Cit. ;
952
Op. Cit.
953
Ordonnance N°2019-679 du 24 juillet 2019 portant code des marchés publics
387

tion de services publics954. Celui-ci a devancé la directive de l’UEMOA dans la même matière955 mais
s’était déjà appuyé sur d’autres textes tels que le code de transparence de l’UEMOA de 2009956.

D’entrée de jeu, du point de vue du cadre général, l’on fait le constat que le positionnement national
de la réforme fait l’objet d’une progression constante dont le but ultime est de se conformer complè-
tement aux directives de l’UEMOA mais également aux standards internationaux recommandés par
les autres bailleurs de fonds. Aussi, bien que ces deux catégories se rejoignent pour l’essentiel, il se-
rait juste de dire que la conformité aux directives de l’UEMOA n’est pas le seul phare qui guide le
législateur ivoirien. Tout le travail d’évaluations et de recommandations directes opéré par la Banque
Mondiale, l’OCDE et d’autres acteurs internationaux influence directement la conception des ré-
formes nationales et impulse leur progression constante. Ce progrès constant est également justifié
dans certaines circonstances par des impératifs de mise en œuvre du programme économique du
gouvernement en vue de faciliter celui-ci devant la lourdeur des procédures de marchés. Il en va ainsi
des décrets qui ont relevé le seuil à partir duquel la procédure de passation d’un marché public de-
vient obligatoire957.

Du point de vue des principes dégagés par la réforme des marchés publics de l’UEMOA, il importe de
remarquer qu’il y a eu une prise en compte de ceux-ci formellement par leur affirmation dans les
codes des marchés publics subséquents et au travers de toutes leurs dispositions et textes
d’applications pratiques.

Les principes dégagés dans le code de 2009 et celui de 2019 sont une restitution des directives de
l’UEMOA. Il faut aussi mentionner que, relativement au code de 2009, le code de 2019 comporte un
effort de définition et de précisions supplémentaires de ces principes fondamentaux. Les principes
fondamentaux contenus dans le code de 2019958 sont les suivants : le libre accès à la commande pu-

954
Cf. arrêté N°106/MEF du 13 juillet 2011.
955
Cf. la directive 04/2012/CM/UEMOA relative à l’éthique et à la déontologie dans les marchés publics et les
délégations de service public au sein de l’UEMOA. Op. Cit.
956
Directive 01/2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein
de l’UEMOA.
957
Voir arrêté N°692 MPMB/DGBF/DMP du 16 sept 2015 portant fixant des seuils de référence, de validation et
d’approbation dans la procédure de passation des marchés publics. Cet arrêté relève le seuil de la procédure de
marchés publics à cent millions de francs CFA alors qu’il était initialement de trente millions de franc CFA.
Même si les directives ne fixent pas de seuil en termes monétaires et que cette prérogative appartient aux
États membres, il apparaît que le principe de relèvement des seuils opéré par l’arrêté précité va dans le sens de
la décision N°03/2014/CM/UEMOA du 28 juin 2014 portant adoption du plan d’action des réformes des mar-
chés publics et des délégations de service public. L’une des mesures immédiates de cette décision prévoyait
l’urgence de relever les seuils de passation. L’annexe de cette décision la justifie entre autres par le fait que les
procédures de passation des marchés publics ralentissent la mise en œuvre des projets d’investissements.
958
Dans le chapitre III du titre I, aux arts. 8 à 10 du code
388

959
blique, l’égalité de traitement des candidats soumissionnaires et la reconnaissance mutuelle, la
transparence des procédures960 ; la libre concurrence ; l’optimisation des ressources par l’application
des principes fondamentaux d’économie et d’efficacité ; l’équilibre économique et financier des mar-
chés ; le respect de la réglementation en matière environnementale, sociale et du travail, de protec-
tion du genre 961 ; le principe de la séparation des fonctions de contrôle et de régulation ; le principe
de la validité des marchés962.

Afin de montrer au mieux la transposition de la réforme et d’analyser ses contrastes, dans les lignes
qui suivent, nous fonderons notre réflexion sur les différents principes clés que nous avions mis en
avant relativement aux textes clés et les directives de l’UEMOA (voir le chapitre 2 du titre 1 dans
cette deuxième partie). Cela nous permettra de voir la réalité de la transposition, les avancées et les
défis qui y sont liés dans le système des marchés publics ivoiriens. Ensuite, il sera intéressant de
s’arrêter sur le cadre institutionnel afin de l’analyser relativement aux normes régionales et interna-
tionales.

959
Le code précise qu’il s’agit de la réalisation d’un résultat juste en étant impartial et équitable par le biais de
processus transparents
960
Le code précise que cette transparence doit s’opérer à travers la rationalité, la modernité et la traçabilité
des procédures.
961
Il est à noter que ce principe est nouveau et ne figurait pas dans le code de 2009. Cela démontre la volonté
de l’État de renforcer les marchés publics en tant que moyen en matière environnementale, sociale, du travail
et de protection du genre.
962
Celui-ci signifie que les marchés publics doivent être passés, approuvés et notifiés avant tout commence-
ment d’exécution.
389

Chapitre 1

État de la transposition en Côte d’Ivoire des principes phares de la


réforme

Nous avons déjà mis en exergue le fait que les principes phares de la commande publique dégagés
par les directives de l’UEMOA ont été affirmés dans les divers textes relatifs aux marchés publics
ivoiriens. Il ne s’agit pas d’y revenir. Nous allons plutôt nous attarder sur les mécanismes par lesquels
ils sont appliqués afin d’analyser leur conformité avec les directives et faire ressortir les réalités qui
sont attachées à leur mise en œuvre. Cette analyse prendra donc en compte des textes qui ont été
abrogés comme le code des marchés publics de 2009 et certains arrêtés. Ce retour en arrière permet
de montrer la dynamique en œuvre. De plus, le code de 2009 est le premier à marquer la transposi-
tion des directives de l’UEMOA après leur entrée en vigueur. Aussi, pour un souci méthodologique et
pour une bonne compréhension, nous préciserons « code de 2009 » chaque fois que les dispositions
que nous mettrons en avant ressortissent de l’ancien code de 2009. Quant aux références au code de
2019, nous utiliserons indistinctement les qualificatifs de « code de 2019 », de « code en vigueur » ou
tout simplement de « code ».

Cela étant dit, il s’agira dans les lignes qui suivent de se pencher sur les principes de transparence et
la liberté d’accès à la commande publique et ses corollaires que sont celui d’égalité et de libre con-
currence, dans le système (post-réformes de l’UEMOA) des marchés publics ivoiriens.

Section 1- La transparence et l’intégrité des procédures dans le système des


marchés publics ivoirien

Les autorités politiques ivoiriennes œuvrent à la réalisation du principe de transparence des procé-
dures dans les marchés publics de façon continue. Ainsi, depuis les premiers textes qui ont permis de
transposer les directives, on observe un effort constant visant à s’y conformer complètement. Il est
donc loisible de dire que cette bonne volonté se manifeste par une évolution graduelle. Afin
d’apprécier celle-ci, il convient de rappeler les éléments phares pris en compte dans la directive de
l’UEMOA pour matérialiser le principe de transparence dans les marchés publics. Il s’agit d’une part
de tous les éléments concourant à la publication de l’information auprès du public ou des soumis-
sionnaires ; la mise en œuvre d’un certain formalisme dans les procédures et leur traçabilité. D’autre
390

part, le mouvement vers la dématérialisation des procédures constitue un enjeu majeur de transpa-
rence.

Paragraphe 1- La mise en œuvre de La publication de l’information dans le système Ivoirien


des marchés publics

Les diverses directives portant la réforme insistent sur l’importance de la publication et de l’accès à
l’information dans les procédures de passation de marchés Publics en tant qu’instruments de la
transparence963. La directive 04 quant à elle met en exergue les différents aspects sur lesquels doi-
vent porter964 ces obligations. Nous avons dans les lignes précédentes, donné des informations plus
détaillées sur l’affirmation des divers éléments de la transparence dans les textes phares de la ré-
forme. Il est donc loisible de s’y référer (voir les pages 230 et s. et les pages 365 et s.).

Du point de vue de son affirmation dans le système ivoirien, l’obligation de publication a été claire-
ment transposée aussi bien dans le code des marchés publics de 2009 que dans celui de 2019. Aussi,
on peut apprécier la mise en œuvre de cette composante essentielle du principe de transparence à
travers diverses dispositions desdits textes. Il s’agit des dispositions tenant à la publication des plans
de passation et des avis indicatifs, l’obligation de publication des avis d’appel à la concurrence et la
publication des informations issues des étapes concrétisant le processus de sélection de l’offre la
moins-disante.

I- Un encadrement amélioré de l’obligation de publication des PPM965 et des avis indica-


tifs

Les articles 27 et 39 de la directive 04 font obligation respectivement aux états membres de veiller à
ce que des plans prévisionnels annuels de passation des marchés publics soient élaborés et publiés et
à ce qu’il en soit de même pour des avis indicatifs en ce qui concerne les marchés à venir de l’année
budgétaire966. Ces obligations sont une part importante dans le respect du principe de transparence

963
Point 1.6 du code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA (Directive 01
/2009/CM/UEMOA) ; Art 16 de la Directive N°04/2012/CM/UEMOA relative à l’éthique et à la déontologie dans
les marchés publics et les délégations de service public au sein de l’UEMOA ;
964
Par exemple, Art 27 (obligation d’élaborer et de publier des PPM) ; art 39 (obligation de publier les avis indi-
catifs des marchés de l’année en cours).
965
PPM se réfère au : Plans Prévisionnels annuels de passation des Marchés Publics
966
Art 27 « Les états membres veillent à ce que les autorités contractantes élaborent des plans prévisionnels
annuels de passation des marchés publics sur le fondement de leur programme d’activité. Ces plans dûment
approuvés par les entités nationales compétentes doivent être cohérents avec les crédits qui leur sont alloués.
Ils sont révisables. Ils doivent être communiqués aux entités administratives nationales et communautaires
chargées du contrôle des marchés publics qui en assurent la publicité. Les marchés passés par les autorités
contractantes doivent avoir été préalablement inscrits dans ces plans prévisionnels ou révisés, à peine de nulli-
té, sous réserve de l’appréciation de l’entité administrative chargée du contrôle des marchés publics. Tout
morcellement de commandes, en violation du plan annuel de passation des marchés publics, caractérise un
391

en ce sens qu’elles permettent aux potentiels soumissionnaires de savoir les marchés à venir et de
s’y préparer au mieux967. Ceci évite les discriminations entre potentiels candidats. Eu égard à
l’importance de ces règles, la directive prévoit que tout marché qui n’a pas été prévu dans le PPM est
nul.

En Côte d’Ivoire, l’établissement et la publication des plans de passation ont été prévus dans le code
de 2019 à l’art 20. Suivant la formulation de cet article, cette obligation incombe aux autorités con-
tractantes qui doivent l’élaborer dans un délai de 15 jours à compter de la notification ou de
l’approbation du budget. Ces plans doivent être conformes avec les crédits alloués. Ils sont révi-
sables. La publication des PPM est assurée par l’organe de régulation et la structure administrative
en charge du contrôle auxquels le plan doit être communiqué.

Quant aux formalités de publication, les PPM sont publiés à trois reprises, espacées de trois mois
dans le bulletin officiel des marchés publics de l’État de Côte d’Ivoire et sur le portail des marchés
publics. En outre, il faut préciser qu’ils sont élaborés selon un modèle de PPM établi par la structure
administrative en charge du contrôle des marchés publics.

Le code précise conformément à la directive que tout marché d’une autorité contractante doit avoir
été publié dans ce plan sous peine de nullité, sous réserve d’une autorisation exceptionnelle de la
structure en charge du contrôle.

D’un point de vue comptable, la planification des marchés publics en début d’année budgétaire doit
être transcrite dans le Système Intégré de Gestion des Marchés Publics (SIGMAP). De fait, l’arrêté N°
199/MEF/DGBF/DMP du 21 avril 2010 prévoit dans son article 4 l’obligation de gérer électronique-
ment les marchés publics à travers le SIGMAP et d’y préciser en début d’année budgétaire, la pro-
grammation des différentes phases de la passation des marchés968. Il précise que cette opération est
préalable au déroulement des procédures de passation969 . Même si cette obligation est impérative,

fractionnement, constitutif d’une pratique frauduleuse. » ; art 39 « Les entités administratives chargées du
contrôle des marchés publics font connaître au moyen d’un avis indicatif, les caractéristiques essentielles des
marchés de travaux, fournitures et services qu’elles entendent passer dans l’année et dont les montants éga-
lent ou dépassent les seuils communautaires. La Commission de l’UEMOA définira avec les états membres les
supports de communication appropriés ainsi que le contenu et les modalités de publication de ces avis au sein
de l’UEMOA. Les autorités contractantes restent libres de ne pas donner suite aux projets d’achat public men-
tionnés dans l’avis indicatif. »
967
Pour des explications sur la portée de cette obligation : Voir Stéphane Braconnier, précis du droit des mar-
chés Publics, Le moniteur, 4ème Ed, p. 278 Op. Cit.
968
Art 4.2 « en début d’année budgétaire, les structures visées à l’alinéa ci-dessus, sont tenues de transcrire
leur budget dans le SIGMAP et d’y retracer la programmation des différentes phases de la passation des mar-
chés. Cette opération est préalable au déroulement des procédures de passation des marchés »
969
Il importe de préciser que le budget de l’État et les différentes dépenses sont traitées à travers divers outils
techniques. Aussi, le SIGMAP permet de répertorier les différentes phases de la progression du marché. Cette
information devient donc disponible pour le trésor public qui en tient compte dans l’évolution des missions qui
392

au vu de la formulation de ce texte, on ne peut pas pour autant en déduire qu’il s’agisse d’une condi-
tion de validité de la procédure de marché, d’autant plus que l’arrêté ne mentionne pas la sanction
encourue en cas de non-respect de cette disposition. Toujours est-il que même si le SIGMAP de-
meure un logiciel interne à l’administration publique, cette obligation de planification des prévisions
annuelles de marchés dans ledit logiciel peut s’apprécier comme un élément de transparence pesant
sur les autorités contractantes. La transparence étant un objectif qui s’applique à plusieurs échelles,
elle doit s’apprécier en conséquence.

S’agissant de leur contenu, le code précise certains éléments obligatoires que doivent contenir les
PPM en tenant compte de leur but qui est de permettre aux potentiels candidats d’être informés de
façon optimale et de pouvoir se préparer pour les marchés à venir. Il s’agit notamment d’une des-
cription succincte des marchés publics, les méthodes de sélection à appliquer, la dotation budgétaire,
les calendriers et toute autre information pertinente en rapport avec la passation des marchés970.
Nous notons que le code de 2019 apporte plus de précisions quant aux obligations pour les autorités
contractantes et l’organisation de la diffusion des PPM comparativement au code de 2009971. Ainsi, la
fréquence de publication telle que prévue permet de prendre en compte les mises à jours et de faire
un rappel des marchés à venir (ce qui est profitable à la transparence et à leur visibilité). En re-
vanche, ni le code de 2009, ni celui 2019 ne font mention expressément des avis indicatifs comme
prévu dans l’article 39 de la directive 04. Toutefois, il apparaît que la formulation de cette obligation
dans la directive 04 laisse à penser qu’il ne s’agirait que des avis indicatifs concernant les marchés
passés par les entités de contrôle lorsque ceux-ci atteignent le seuil communautaire. De notre point
de vue, cette formulation est curieuse, d’autant plus que ces entités, étant des autorités publiques,
sont déjà soumises aux obligations d’élaborer des PPM pour leurs propres marchés et que toutes les
obligations de publication s’appliquent déjà à elles. Il n’est donc pas surprenant que cette obligation
n’apparaisse pas dans les codes ivoiriens. Néanmoins, en prévoyant la faculté pour les autorités con-
tractantes de publier un avis de « pré-information » des marchés contenus dans les PPM, précisant
les caractéristiques essentielles du marché, le code ivoirien semble reprendre l’idée plus pragma-
tique de la diffusion d’un avis indicatif (complémentaire aux PPM) des marchés à venir dans un laps

lui incombent, notamment en termes de contrôle et de paiement. Les différentes lignes budgétaires devant
faire l’objet de marché du fait des seuils prévus par le code des marchés publics sont déjà extraites du Système
Intégré de Gestion des Finances Publiques ( -SIGFIP-qui est l’un des logiciels phares de gestion du budget de
l’État) et reversées dans le SIGMAP. Il incombe ensuite aux différentes autorités contractantes et publiques
impliquées dans le processus d’un marché public de renseigner régulièrement le SIGMAP qui contient d’autres
rubriques spécifiques aux phases du processus de sélection.
Voir art 4 de l’arrêté 199 du 21 avril 2010 relatif à l’exécution des crédits budgétaires au regard du code des
marchés publics
970
Art 20 code des marchés public Ivoiriens Op. Cit.
971
Voir art 18 dudit code
393

de temps proche du lancement de la procédure de passation stricto sensu. Derechef, pour nous, la
fréquence de publication obligatoire trois fois tous les trois mois devrait normalement pouvoir jouer
ce rôle.

Du reste, certaines innovations sont critiquables. Par exemple, il est possible de se demander si
l’obligation de publication de la dotation budgétaire dans le PPM972 ne pourrait pas avoir pour con-
séquence un afflux d’offres qui seraient intentionnellement mal évaluées par les soumissionnaires,
d’autant plus que lors de la procédure de passation, le fait de ne pas dévoiler l’estimation financière
constitue un moyen pour l’autorité contractante de s’assurer de la sincérité des offres des candidats
en renforçant ainsi les conditions d’une véritable concurrence. D’ailleurs, le rapport d’audit de
l’ANRMP de 2018 montre que les autorités contractantes rechignent à transmettre cette information
dans les PPM. À notre avis, publier ces estimations budgétaires n’est pas pertinent et leur non publi-
cation n’entâche pas le principe de transparence et d’information sur les marchés à venir.

En définitive, au vu des dispositions relatives à la publication des PPM et des modifications surve-
nues entre les codes de 2009 et celui de 2019, il apparaît que la transposition des directives de
l’UEMOA dans le système ivoirien prend en compte le fruit de l’expérience de la pratique et des le-
çons apprises après les premiers actes de transposition desdites directives . Cela est le fruit du travail
préparatoire, des diverses évaluations systémiques et des audits de la part des diverses parties pre-
nantes.973

Dans la droite ligne de la mise en œuvre du principe de transparence, la publication des PPM en
amont du processus de passation de marchés s’accompagne ultérieurement des obligations
d’informations lors de la phase de passation.

II- L’obligation de publication des informations dans les étapes du processus de sélection
de l’offre

Nous entendons par étapes du processus de sélection, toutes les phases qui commencent par la pu-
blication de l’avis d’appel d’offres jusqu’à la sélection effective et approuvée de l’attributaire du mar-
ché. Les actes qui ont lieu pendant cette phase sont des éléments matériels qui doivent manifester
l’application du principe de transparence. Ainsi, l’obligation de diffusion d’une information complète
et claire lors de ces étapes incombe aux différents organes qui concourent à la mise en œuvre de la
procédure.

972
Art 20.1
973
ANRMP, DGMP, BM, les institutions de l’UEMOA et la doctrine
394

 Primo, en ce qui concerne la publication des avis d’appels d’offres ; celle-ci doit se faire selon la
directive de l’UEMOA, par leur insertion dans des supports appropriés, accessibles, dans une publica-
tion nationale et/ou internationale et sous-format électronique, suivant un document-type compor-
tant certaines mentions obligatoires. L’absence de publication est sanctionnée par la nullité de la
procédure974. Dans le système ivoirien des marchés publics, pour les procédures qui s’y prêtent,
notamment dans le cadre de la procédure d’appel d’offres ouvert en une ou deux étapes, les publica-
tions de l’avis d’appels d’offres et des avis à manifestation d’intérêt sont prévus par le code des mar-
chés publics. Ainsi, dans le code ivoirien des marchés publics de 2019, l’obligation de publicité des
avis d’appels à la concurrence est prévue à l’article 64. Celui-ci prévoit en ce qui concerne les procé-
dures nationales, leur insertion obligatoire sous peine de nullité dans le bulletin officiel des marchés
publics de la République de Côte d’Ivoire. En outre, l’autorité contractante a le choix de procéder à
une publication parallèle dans un support habilité à recevoir des annonces légales, par affichage ou
tout autre moyen approprié975.

Quant à l’avis d’appel d’offres international, il doit être, outre le bulletin national susmentionné,
publié dans un journal d’annonce international ou sur le web. Les délais de publication sont de 30
jours pour les appels d’offres nationaux et de 45 jours pour les appels d’offres internationaux. Le
code de 2019 prévoit que ces mêmes délais s’appliquent également dans le cas des marchés res-
treints. Ils courent dans ces cas, précisément au stade de réception des offres, donc après que la liste
restreinte soit déterminée et approuvée selon les dispositions pertinentes. Nous notons qu’il s’agit
dans ce cas spécifique d’une nouveauté par rapport au code de 2009. De fait, celui-ci ne prévoyait
qu’un délai minimal de 10 jours pour la réception des offres976 dans le cas de l’appel d’offres res-
treint. Cette formulation était moins précise et pouvait induire une absence d’égalité dans le temps
imparti pour la préparation des dossiers entre les candidats aux appels d’offres ouverts et ceux invi-
tés dans le cadre d’un appel d’offres restreint.

On peut également noter que le code de 2019 fait mention expressément de l’obligation de respec-
ter la publication sur les supports communautaires lorsque le montant prévisionnel du marché at-
teint ou dépasse les seuils de publicité définis par la commission de l’UEMOA977. En considérant que
cette obligation est prévue dans la directive mais qu’elle incombe principalement à la commission de

974
Art 42 de la directive N°O4 de l’UEMOA, Op. Cit.
975
Art 64.1
976
Art 90 du code de 2009.
977
Art 64.4 du code de 2009 : « Les autorités contractantes veillent également à ce que les obligations de pu-
blicité communautaire soient respectées lorsque le montant prévisionnel du marché atteint ou dépasse les
seuils de publicité communautaire définis par la Commission de l’UEMOA ».
395

l’UEMOA978, il s’avère que le système ivoirien est plus exigeant en ce qu’il y soumet directement les
autorités contractantes. Cela est conforme à l’esprit de la réforme et doit sans doute favoriser le
dynamisme du marché communautaire, en ancrant cette pratique dans les habitudes desdites autori-
tés contractantes.

Pour ce qui est du contenu de l’avis d’appel d’offres publié, le code ne prévoit pas de mentions spéci-
fiques obligatoires devant y figurer. Néanmoins, il existe un formulaire-type disponible sur le site de
la Direction Générale des Marchés Publics. Celui-ci contient des informations essentielles relative à la
nature, l’objet du marché, le délai de validité des offres, le montant du cautionnement provisoire, les
marges de préférence éventuelles, l’adresse de disponibilité du dossier d’appel d’offres, le lieu de
dépôt des offres, l’heure et la date butoir de leur réception, les lieux et dates en sus des modalités
de leur ouverture, le mode d’évaluation et le nombre de lots si nécessaire. Cette pratique du formu-
laire-type concernant l’avis d’appel d’offres est conforme aux standards internationaux979. De plus, le
modèle type d’avis ivoirien comporte beaucoup d’informations précieuses à l’endroit des candi-
dats980. À notre sens, cela est important dans la mesure où l’avis d’appel d’offre est le premier élé-
ment qui donne l’information aux potentiels candidats sur l’intérêt que peut dénoter pour eux le
marché concerné. Quoique succinct, il peut donc influencer leur propension à concourir ou à
s’abstenir, surtout dans les cas où le DAO n’est pas accessible numériquement et immédiatement
mais seulement dans les locaux de l’autorité contractante qui peuvent être situés à distance, voire à
l’étranger ou lorsque son acquisition est payante.

En ce sens, l’importance des mentions de l’avis d’appel d’offre est rappelée par une décision de
l’ARMP du SENEGAL dans laquelle l’organe de règlement des différends a estimé «qu’en vertu du
principe de transparence, les règles de la compétition et en l’espèce, les conditions et formes de parti-
cipation des candidats, doivent être clairement définies au préalable, qu’à cet égard, l’information
relative à l’éligibilité des candidats est capitale et doit être, en conséquence, portée à l’attention de
tous les candidats dans l’avis d’appel à manifestation d’intérêt pour leur permettre de dérouler des
stratégies d’alliance lors de la préparation des soumissions afin d’accroitre leur capacité. Qu’il résulte
de ce qui précède qu’il y a lieu de reprendre la procédure en recueillant au préalable l’avis de la DCMP
pour l’ouverture à l’international et en précisant, dans l’avis d’appel à manifestation d’intérêt, les

978
Art 41 de la directive 04 : « la Commission de l’UEMOA publie les avis de marchés ou de délégations avec
appel d’offres douze (12) jours ouvrables au plus tard après leur réception par la Commission. En cas d’urgence,
ce délai est réduit à cinq (5) jours ouvrables. »
979
Dans les directives de la BM, il est fait référence à un modèle-type d’avis particulier de passation de marché
(voir annexe 12)et les informations devant apparaître dans l’avis général – qui correspond au PPM au niveau
national- sont mentionnées dans la directive directement au point 5.22. Voir le règlement de passation des
marchés pour les emprunteurs sollicitant le financement de projets d’investissements de la BM. Op. Cit.
980
Voir le formulaire en annexe dans cette thèse (annexe 3)
396

conditions de participation à la consultation…»981. Une décision similaire de l’ANRMP en Côte d’Ivoire


met en avant l’importance des critères contenus dans l’avis comme une condition du respect du
principe de transparence et de la concurrence. En l’espèce, l’autorité contractante avait changé le
lieu de dépôt des offres sans respecter les conditions définies dans le code des marchés publics et
sans le mentionner dans l’avis d’appel à concurrence. L’ANRMP en déduit « une présomption
de bonne foi » au profit des candidats évincés et sanctionne « un manquement manifeste aux règles
de transparence » de la part de l’autorité contractante. Ainsi, elle statue « Qu’en application de cette
disposition, l’autorité contractante aurait dû, soit publier le changement du lieu de dépôt des offres,
soit le maintenir, quitte à transférer, le cas échéant, le lieu d’ouverture des plis dans la salle de réu-
nions de la Sous-direction des Essences des Armées, afin de mettre les soumissionnaires dans les con-
ditions leur permettant de se conformer à la règlementation ; Qu’en conséquence, bien que la requé-
rante ne démontre pas qu’elle est arrivée dans la salle de conférences de la Direction de la Planifica-
tion et des Finances avant l’heure limite fixée pour le dépôt des plis, elle bénéficie toutefois d’une
présomption de bonne foi ; Qu’il s’ensuit que c’est à tort que la COJO a rejeté son offre à l’ouverture,
pour n’avoir pas respecté les dispositions de l’article 67.4 du Code des marchés publics, avant de
transférer le dépôt des offres dans une salle autre que celle annoncée dans l’Avis d’Appel d’Offres et
dans l’Avis de report de la séance d’ouverture ; Qu’il y a donc lieu de déclarer la société CATRAM bien
fondée en son action et d’ordonner l’annulation de la procédure de l’appel d’offres n°T90/2013. »982

La publication de l’avis d’appel d’offre est concomitante de la disponibilité du dossierd’appels


d’offres (DAO) selon les modalités indiquées dans le premier. Quant au contenu de celui-ci, dans le
système ivoirien, il faut noter que dans un souci de transparence et d’efficacité, l’utilisation des dos-
siers types est obligatoire d’après les termes de l’article 6 de l’arrêté n°199 du 21 avril 2010 : « les
personnes habilitées à préparer les dossiers d’appel d’offres en vue du lancement des opérations,
doivent impérativement faire usage des dossiers types en vigueur, élaborés par la direction des mar-
chés publics et mis à leur disposition à titre gracieux ». Dans le même ordre d’idée, le code de 2019

981
ARMP du Sénégal, décision n° 376/13/ARMP/CRD du 04 décembre 2013 du comité de règlement des diffé-
rends statuant en commission litiges sur le recours introduit par le groupe d’ingénierie et de construction (GIC)
contestant les critères de l’avis d’appel public à manifestation d’intérêt ayant pour objet la présélection de
candidats pour une assistance au maitre d’ouvrage (amo) pour les travaux de construction de l’autoroute
Thies-Touba. Décision disponible à l’adresse :
http://www.armp.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=767:decision-nd-37613armpcrd-du-
04-decembre-2013&Itemid=798. (Consulté en novembre 2021)
982
Voir la décision de la cellule recours et sanction de l’ANRMP de Côte d’ivoire. Décision
n°014/2013/ANRMP/CRS du 29 aout 2013 sur le recours de la société CATRAM contestant les résultats de
l’appel d’offres n°t90/2013 portant sur la réhabilitation du quai de la base annexe de la marine nationale.
Voir également SAMB SEYNABOU, thèse de doctorat, pp403-411, Op. Cit.
397

prévoit les mentions obligatoires devant figurer dans le DAO983. L’existence de dossiers et de formu-
laires types certifiés peut être interprétée comme un gage de transparence car ils permettent
d’éviter les discriminations entre candidats et de bannir la multiplicité d’interprétations qui résulte-
rait d’une multiplicité de DAO.

Enfin, il convient de préciser qu’en cas de modification d’un DAO déjà publié, l’article 23 du code de
2019 prévoit que l’avis de modification soit publié au moins 15 jours avant la date limite de réception
des offres. Si les modifications interviennent moins de 15 jours avant la date limite de réception des
offres, celle-ci doit être prorogée de manière à respecter ce délai de 15 jours. Par ailleurs, le code
précise que la modification ne doit pas affecter les conditions substantielles du marché984 et qu’elle
doit être soumise à l’appréciation de la Direction Générale des Marchés Publics. On peut noter que le
critère relatif à la non-modification des critères substantiels faisait défaut au code de 2009985 et que

983
Les conditions contractuelles du marché font partie du DAO type.
Selon l’art 26 du code de 2019 : « Le marché doit contenir au moins les mentions suivantes :
- le mode de passation ;
- l’indication précise des parties contractantes et notamment leur nature juridique ;
- le domicile ou le siège social des parties ;
- l’énumération par ordre de priorité des pièces contractuelles ;
- la consistance et la description détaillée des travaux, fournitures ou services ;
- le mode de réalisation des travaux, de livraison des fournitures et de prestation des services. À ce titre, les
conditions d'exécution d'un marché public peuvent notamment prendre en compte des considérations rela-
tives à l'économie, à l'innovation, à l'environnement, au domaine social ou à l'emploi. Elles peuvent aussi pren-
dre en compte la politique menée par l'entreprise en matière de lutte contre les discriminations ;
- le contenu principal du prix et notamment l’indication du caractère de prix unitaire, de prix global et forfai-
taire, de prix mixte ou de prix rémunérant une dépense contrôlée ;
- la définition et les conditions particulières d’application des prix ;
- le montant du marché hors taxes et le montant toutes taxes comprises ;
- les conditions et modalités de règlement ;
- les formules de révision des prix pour les marchés qui prévoient de telles révisions ;
- les délais de réalisation des travaux, de livraison des fournitures ou de prestation des services ;
- les délais légaux et contractuels de garantie ;
- les conditions et modalités de résiliation ;
- les conditions de règlement des litiges ;
- le comptable assignataire des paiements ;
- le budget ou la source de financement de la dépense ;
- le numéro de compte contribuable du titulaire délivré par l’administration fiscale ivoirienne ou la référence
aux textes l’en dispensant ;
- les références aux cahiers des clauses générales et techniques applicables au marché ;
- les assurances civile et professionnelle du titulaire du marché, le cas échéant ;
- toutes les dispositions spécifiques au marché. »
984
Art 23 du code de 2019 : « Doit être considérée comme substantielle, la condition qui change la nature glo-
bale du marché, notamment en cas :
- de modification considérable de l’objet ou l’étendue du marché public ;
- de modification de l’équilibre économique du marché public créant un préjudice à l’autorité contractante ou à
l’opérateur économique ;
- d’introduction des conditions qui, si elles avaient été incluses dans le dossier d’appel d’offres initial, auraient
attiré davantage d’opérateurs économiques. »
985
Voir art 22.
398

le délai était de 10 jours au lieu de 15986. Ainsi, les dispositions du code de 2019 relatives à la modifi-
cation du DAO publié, démontrent une volonté de laisser suffisamment de temps aux potentiels can-
didats pour prendre en compte les modifications apportées à des critères du marché dans leur offre.
De plus, en interdisant la modification des critères substantiels, la transparence est renforcée du
point de vue de l’autorité contractante qui, par rapport aux PPM initialement publiés et de l’offre
initiale dans le DAO reste cohérente (puisque ceux-ci auront de longue date influencés les candidats
dans la formulation de leur offre, voire dans leur volonté de concourir pour l’obtention du marché
concerné).

En somme, on note que le système ivoirien transpose de façon conforme les directives de l’UEMOA
en matière d’information relative aux avis d’appels d’offres et des dossiers d’appels d’offres. Toute-
fois, il ressort de la pratique que les autorités contractantes et les parties prenantes ne respectent
pas toujours ce que prévoient les textes. Par exemple, en ne publiant pas le DAO préalablement vali-
dé par la structure en charge du contrôle987. Cependant, les nombreuses formations dispensées aux
acteurs des marchés publics par la DGMP et l’ANRMP, la fonction de règlement des différends de
l’ANRMP et le contrôle de la DGMP apportent des garanties supplémentaires et font évoluer les pra-
tiques. Inévitablement, certaines pratiques étant anciennes et ancrées dans les habitudes, il est nor-
mal qu’elles prennent du temps à changer. Néanmoins, ce changement graduel et rapide est mani-
feste dans le cas ivoirien et dans les autres pays de l’UEMOA.

 Deuzio, la publication de l’information dans les étapes qui mènent au choix de l’attributaire
du marché après le dépôt du DAO est primordiale dans la question de la transparence. On peut dis-
tinguer la phase d’ouverture des plis et celle relative à la décision d’attribution.

A ce titre, s’agissant de la séance d’ouverture des plis, la directive de l’UEMOA prévoit qu’elle soit
effectuée à la date fixée pour le dépôt des offres, avec l’établissement de la liste signée des per-
sonnes présentes, et sanctionnée par l’établissement immédiat d’un procès-verbal. Celui-ci est remis
à tous les soumissionnaires qui en font la demande. Il doit également être publié988 .

Les dispositions dans les textes ivoiriens sont pour l’essentiel conformes à cette disposition et offrent
plus de précisions. Ainsi, l’article 70 du code des marchés publics de 2019 encadre très précisément

986
Les directives de l’UEMOA imposent que la modification du DAO soit transmise à tous les candidats 10 jours
au moins avant la date de remise des offres. Voir article 45 de la directive 04.
987
La structure administrative en charge du contrôle examine, vérifie la conformité (avec les règles en vigueur)
des DAO et des dossiers de préqualification des autorités contractantes. Leur publication n’est possible
qu’après l’obtention de son autorisation définitive. Voir article 63 du code de 2019 et art 62 du code de 2009 ;
aussi article 7 de l’arrêté 692 MPMB/DGBF/DMP du 16 sept 2015 portant fixation des seuils de référence, de
validation et d’approbation dans la procédure de passation des marchés publics.
988
Voir art 57 de la directive 04 ; Nous nous bornons ici aux éléments relatifs à l’information des soumission-
naires.
399

les conditions du déroulement de la séance d’ouverture des plis, la composition et les obligations des
membres de la commission qui y procède. Il en était déjà de même du code de 2009989. Toutefois,
aucun des deux codes n’a prévu la publication du procès-verbal d’ouverture des offres comme le
demande la directive de l’UEMOA. Les dispositions des deux codes prévoient tout simplement qu’il
puisse être transmis à tous les soumissionnaires qui en font la demande.

En revanche, le code de 2019 apporte plus de précisions sur la date et l’heure de l’ouverture des plis.
Ainsi, contrairement au code de 2009 qui prévoyait seulement que cela soit fait « après la date et
l’heure limite fixés pour la réception des offres »990, le code de 2019 impose que la commission
d’ouverture des plis y procède « au plus tard une heure après la date et l’heure limite fixées pour la
réception des offres »991. Cette formulation est plus conforme à la directive de l’UEMOA qui prévoit
que la séance d’ouverture des plis ait lieu au jour de la date butoir du dépôt des offres. En tenant
compte du fait que les soumissionnaires peuvent participer à cette séance, on peut considérer qu’il
s’agit d’un gage de transparence car cette disposition permet d’éviter toute suspicion relative aux
offres rejetées pour défaut de respect des délais de dépôt. En sus, le code précise qu’ « aucune inter-
ruption de séance ne peut intervenir avant la fin des opérations d’ouverture des plis »992. Il importe
de noter que le code de 2019 précise que « le non-respect de la date et de l’heure limites
d’ouverture des plis entraîne la nullité de la procédure »993. Toutes ces dispositions s’appliquent éga-
lement aux séances décidant de la pré-qualification dans le cas des appels d’offres précédés d’un avis
à manifestation d’intérêt.

Quant au procès-verbal faisant suite au jugement et à l’attribution des offres, l’article 64 de la direc-
tive 04 prévoit son établissement obligatoire selon un modèle-type communautaire et la publication
de sa version définitive après le contrôle éventuel de la structure administrative chargée du contrôle.
Ensuite « l’autorité contractante doit communiquer par écrit, à tout soumissionnaire écarté les mo-
tifs du rejet de son offre, le montant du marché et le nom de l’attributaire ainsi qu’une copie du pro-
cès-verbal d’attribution, dans un délai de cinq (5) jours ouvrables à compter de la réception de sa
demande écrite »994.

En Côte d’Ivoire, aussi bien le code de 2009 que celui de 2019 sont conformes à la directive995. Le
code de 2019 prévoit que la décision d’attribution soit transmise au soumissionnaire retenu par le

989
Art 68 et 69 du code de 2009
990
Art 69, idem.
991
Art 70 al 1 du code de 2019
992
Idem
993
Idem
994
Art 65 de la directive 04
995
Voir art 75 et 76 du code de 2019 et art 74 et 75 du code 2009.
400

maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre dans un délai de trois jours après la date d’attribution pour
les marchés qui n’atteignent pas le seuil du contrôle a priori de la structure administrative chargée
du contrôle996. Ce délai (de 3 jours) court pour les autres marchés atteignant ce seuil à compter de la
décision de validation par ladite structure997. En outre, « … l’unité de gestion administrative, le maître
d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe, a l’obligation de publier les résultats dans la pro-
chaine parution du Bulletin Officiel des Marchés Publics et sur le portail des marchés publics. II doit
également procéder à l’affichage desdits résultats dans ses locaux dans un délai de trois (3) jours à
compter de la date à laquelle le jugement a été rendu. Il doit tenir à la disposition des soumission-
naires le rapport d’analyse ayant guidé ladite attribution ou leur en donner copie, à leur demande.
Dans ce cas, le soumissionnaire doit s’acquitter des frais de reprographie nécessités par cette opéra-
tion. L’unité de gestion administrative doit répondre, dans un délai de trois (3) jours, à la demande du
soumissionnaire non retenu. 998».

On peut compléter cette disposition par une décision de l’ANRMP qui a précisé que la publication
dans tous les supports mentionnés dans le code est cumulative999. Cependant, il est manifeste que
dans ladite décision, même si la cellule recours et sanction a jugé le recours recevable et a reconnu le
fait que le délai de recours n’a jamais couru1000, du fait de la non publication cumulative dans tous les
supports, contraire aux dispositions du code, elle n’annule pas la procédure d’attribution in se, et
ordonne sa continuation.

Quelles sont alors les effets du non-respect des formalités de publication et de notification des avis
d’attribution ? Quid de son incidence sur la validité de la procédure de passation et d’attribution du
marché ?

De fait, même si le code des marchés publics fait de la publication des résultats et la notification aux
soumissionnaires non retenus des décisions d’attribution une obligation essentielle, il ne s’agit pas

996
Il s’agit d’une décision d’attribution provisoire qui ne sera définitive qu’à l’expiration du délai de recours
courant à partir de la publication de la décision provisoire dans les supports indiqués dans le code.
997
Dans le cas de ces marchés donc, c’est l’avis de non-objection de la DMP qui consolide la décision
d’attribution en la rendant définitive. Elle déclenche ensuite les formalités de notification aux soumissionnaires
et de publication sur les supports indiqués dans le code.
Pour les marchés qui doivent faire l’objet d’un avis de non-objection de la structure de contrôle en raison d’un
seuil fixé par voie réglementaire, Voir article 7 de l’arrêté 692 MPMB/DGBF/DMP du 16 sept 2015 portant fixa-
tion des seuils de référence, de validation et d’approbation dans la procédure de passation des marchés pu-
blics. Op. Cit.
998
Voir l’Article 76 du code de 2019
999
Voir : DECISION N°026/2012/ANRMP/CRS DU 02 NOVEMBRE 2012 sur le recours de la société KINAN contes-
tant les résultats de l’appel d’offres n°f102/2012 portant sur la fourniture de four électrique et accessoires
pour le compte de l’institut national supérieur des arts et de l’action culturelle
1000
« Qu’en l’espèce, l’autorité contractante n’ayant pas publié les résultats de l’appel d’offres dans le BOMP, ni
notifié lesdits résultats à la requérante, il s’ensuit que le délai de dix (10) jours ouvrables pour exercer le recours
préalable devant l’autorité contractante n’a jamais couru », voir décision, Idem.
401

d’une condition de validité du marché ou de la décision d’attribution. C’est à ce titre que l’on peut
comprendre la décision de l’ANRMP susmentionnée. Pour corroborer ceci, on constate dans l’espace
UEMOA qu’une décision de l’ARMP du Sénégal va dans le même sens.1001

Quant au droit français, il adopte une solution similaire1002. En l’occurrence, puisque la publication et
la notification font courir certains délais de recours, le droit français considère que ceux-ci restent
ouverts à défaut de l’accomplissement par le pouvoir adjudicateur de ces obligations1003. Le juge
pourra donc sanctionner la méconnaissance de l’obligation d’information.1004 Néanmoins, la receva-
bilité de son recours est subordonnée pour le soumissionnaire à la preuve qu’il a été lésé par le man-
quement à cette obligation1005. Partant, si son recours aboutissait à une annulation de la procédure
d’attribution du marché, celle-ci serait basée sur une question de fond et non pas de forme (nous
visons ici uniquement la formalité liée à publication dans les formes précises et obligatoires de la
décision d’attribution).

Toujours au sujet de la publication de l’information relative au résultat d’attribution, pour revenir


aux dispositions du code des marchés publics ivoirien de 2019, elles font apparaître que seul le résul-
tat de l’attribution du marché est publié à une grande échelle. Quant au rapport d’analyse ayant
conduit à l’obtention dudit résultat (qui est plus détaillé), il n’est disponible que dans les locaux de
l’autorité contractante et à la demande des soumissionnaires qui doivent acquitter les frais de repro-

1001
L’ARMP a estimé que le manquement à la transmission du procès-verbal d’attribution n’ayant pas « empê-
ché le requérant d’exercer son droit de recours et qu’aucun fait lié à l’ouverture des plis n’a été contesté par ce
dernier, [il] y a lieu de conclure que le dit manquement n’est pas suffisant pour motiver l’annulation de la
Procédure litigieuse ». Voir ARMP du Sénégal, Décision n° 206/14/ARMP/CRD du 06 aout 2014 ; voir aussi
SAMB SEYNABOU, thèse de doctorat, p 426, Op. Cit.
1002
Voir : Art. L. 551-14 du code de justice administrative ou Art. 12 de l’ordonnance du 7 mai 2009 relative aux
procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique ; également : CE, 24 juin 2011, OPH
interdépartemental de l’Essonne, n° 346665.
1003
Il s’agit du recours précontentieux (référé précontractuel en France) au stade la notification de la décision
de rejet et avant la signature du contrat, du référé contractuel et du recours contentieux en contestation de la
validité du contrat après sa signature. Précisément, en l’absence de notification aux soumissionnaires évincés
de la décision d’attribution, les délais relatifs au référé précontractuels restent ouverts. Lorsque le contrat a été
signé et qu’il n’y a pas eu de publication dans les supports officiels, le délai de référé contractuel en France
passe alors de 31 jours (tel que prévu par l’Art. R. 551-7 du code de justice administrative) à 6 mois à compter
de la signature du contrat (al 2 art R 551-7 du code de justice administrative) ; et, alors que le recours en con-
testation de la validité du contrat est ouvert dans un délai de deux mois à compter de la publication dans les
supports officiels (v. par exemple : CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994.), il sera ou-
vert sans limitation de délai. ; voir aussi DAJ (direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des
finances), fiche sur L’achèvement de la procédure : conclusion du marché public et mesures de publicité
(https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-
techniques/mise-en-oeuvre-procedure/achevement-procedure-2020.pdf (consulté en novembre 2021)
1004
CE, 21 janvier 2004, Société Aquitaine Démolition, n° 253509 ; CE, 11 mars 2013, min. de la Défense c/
Société Aéromécanic, n° 364827 ; CE, 7 novembre 2014, Syndicat Départemental de Traitement des Déchets
Ménagers de l’Aisne, n° 384014
1005
Il s’agit d’une condition de recevabilité. CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994
402

graphie1006. Cette disposition paraît limitative, même si au vu de la formulation de l’art 76, elle est
justifiée par le coût de la reprographie. A notre sens, la diffusion systématique auprès des candidats
du rapport d’analyse et du procès-verbal d’attribution serait souhaitable pour en faciliter
l’accessibilité, d’autant plus que les voies de recours contre cette décision débutent à partir de sa
notification1007 et que la connaissance des détails permettrait au requérant de mieux préparer son
recours comme le confirme un avis de l’ANRMP1008.

Qui plus est, hormis les candidats et soumissionnaires, d’autres parties prenantes qui contribuent au
bon fonctionnement du système des marchés publics (par exemple, la société civile) auraient un inté-
rêt légitime à connaître le contenu du rapport d’analyse mettant en exergue les motivations ayant
concourues à l’attribution d’un marché public. Sa non-accessibilité pour le public1009 est également, à
ce titre, problématique. En effet, une publication accessible au public des informations ayant déter-
minées l’attribution des marchés serait de nature à favoriser la transparence dans la gestion des de-
niers publics, d’autant plus qu’une large partie des marchés ne font pas l’objet d’avis de non-
objection de la décision d’attribution (de la part de la structure en charge du contrôle) en raison du
seuil établi par voie réglementaire ; et ce même s’il est évident que l’administration devra dans ce
cas prendre des mesures susceptibles de protéger les informations confidentielles. D’ailleurs, on peut
considérer que les dispositions relatives à l’information du public des décisions de l’administration
dans ses contrats publics, dans le code de transparence de l’UEMOA1010 et la directive relative à
l’éthique et à la déontologie dans les marchés publics et les délégations de service public1011 , vont
dans ce sens. Par ailleurs, à titre de comparaison, en droit français, l’obligation de communiquer les
documents administratifs aux administrés inclut les marchés publics. Ainsi, sous réserve des règles
applicables liées au caractère confidentiel de certains documents, tout administré a le droit de faire

1006
Art 76 du code des marchés publics Ivoirien de 2019
1007
Ce délai est de 7 jours à partir de la publication ou de la notification des résultats de l’appel d’offres. Art
76.3, idem
1008
Certes, l’autorité contractante a l’obligation de fournir plus d’information au soumissionnaire évincé à sa
demande, y compris sur le motif de rejet, dans un délai de 3 jours (art 76.1). Mais étant donné que le délai dont
il dispose pour son recours est de 7 jours à compter de la première notification (art 76.3), la disponibilité im-
médiate des détails de l’attribution le dispenserait de perdre du temps et de mieux préparer son recours ; voir
aussi ANRMP Côte d’Ivoire, AVIS N°001/2014/ANRMP/CONSEIL DU 06 MARS 2014 :
1009
Puisqu’il n’est mis qu’à la disposition des soumissionnaires d’après l’article 76 précité.
1010
Point 1.6 du code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA (directive
n°01/2009/CM/UEMOA) : « Les contrats entre l’administration publique et les entreprises, publiques ou privées,
notamment les entreprises d’exploitation de ressources naturelles et les entreprises exploitant des concessions
de service public, sont clairs et rendus publics. Ces principes valent tant pour la procédure d’attribution du con-
trat que pour son contenu. »
1011
Art 16 : « Le principe de transparence des procédures repose également sur le caractère public des procès-
verbaux d’ouverture et d’évaluation des offres, ainsi que des décisions prises en matière d’attribution des mar-
chés publics et des délégations de service public ou qui statuent sur les recours initiés par les candidats, soumis-
sionnaires ou entités administratives ».
403

une demande de communication d’un document administratif relatif à la passation d’un marché pu-
blic déjà signé.1012

Enfin, à côté des documents liées au cours de la procédure in se, la publication des décisions relatives
au recours dans le cours desdites procédures fait partie de l’application du principe de la transpa-
rence. A ce titre, l’article 12 du décret N°2020-409 du 22 avril 2020 fixant les modalités de saisine et
les procédures d’instruction, de prise de décision et d’avis des organes de recours non juridictionnel
de l’ANRMP dispose que « les décisions rendues par les organes de recours non juridictionnel sont
publiées sur le portail des marchés publics et insérées dans le bulletin officiel des marchés publics. ».

On peut noter que les recours ayant pour effet de suspendre le cours de la procédure, les autres
parties prenantes sont nécessairement impactées par le recours intenté par l’un deux d’où
l’importance de leur publication.

In fine, la publication des informations émaillant le processus de sélection dans les marchés publics
en Côte d’Ivoire est un chantier en constante progression depuis l’adoption et l’entrée en vigueur des
directives de l’UEMOA. La conformité à celles-ci dans les phases émaillant le processus de sélection
de l’offre la moins-disante s’est régulièrement ajustée pour être conforme aux directives. On peut
regretter toutefois que certaines informations capitales, quoique disponibles pour les soumission-
naires ne soient pas communiquées systématiquement à ces derniers et quand cela est possible, au
public. En plus des autres avantages qu’elle induit, une plus grande introduction des supports élec-
troniques dans le processus de passation pourrait améliorer la transmission de ces informations, de
l’efficacité et la transparence dans les marchés publics en Côte d’Ivoire.

1012
Sur le plan des principes, cette obligation découle de l’article 15 de la déclaration universelle des droits de
l’homme « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », comme le
coorobore le conseil constitutionnel français dans une décision sur une question prioritaire de constitutionnali-
té (voir décision N°2020-834-QPC). Ensuite, ce droit est formellement reconnu dans le code des relations entre
le public et l’administration notamment les articles 300 et suivant. L’article 300-2 énumère la liste des docu-
ments administratifs concernés parmi lesquels on trouve « les procès-verbaux », « décisions » et « les rap-
ports ». En outre, le même code détermine les attributions de la Commission d’accès aux documents adminis-
tratifs (CADA) qui est chargée de « veiller au respect de la liberté d’accès aux documents administratifs et aux
archives publiques » (voir art L340-1 et s.). Celle-ci, s’agissant des marchés publics spécifiquement, précise sur
son site que « Les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs sou-
mis au droit d’accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. ». Elle pré-
cise en vertu de la loi et des jurisprudences (voir notamment CE, centre hospitalier de Perpignan, N°375529),
les documents de la procédure de marchés qui sont communicables sans réserve, ceux qui le sont avec une
obligation d’occultation de certaines informations et ceux qui ne le sont pas. Voir site de la CADA, page sur les
marchés publics : https://www.cada.fr/administration/marches-publics (consulté en novembre 2021). Le refus
de l’administration de communiquer des documents est susceptible de recours devant la CADA et de recours
contentieux si l’administration refuse d’obtempérer à la décision de cette autorité administrative indépen-
dante.
404

Paragraphe 2- La nécessité d’accroissement du recours aux supports électroniques en Côte


d’Ivoire : un enjeu pour la transparence

Le législateur de l’UEMOA a encouragé le recours aux outils électroniques dans les marchés publics
mais ses directives n’avancent que prudemment et progressivement vers cet objectif. Une telle atti-
tude se justifie par la nécessité de prendre en compte les capacités des États à dématérialiser les
procédures tout en assurant le respect des principes de la commande publique. Certains prérequis
sont en effet nécessaires avant de pouvoir dématérialiser complètement les procédures1013.

La Côte d’Ivoire n’est pas en reste vis-à-vis de cette approche graduelle. De plus, il est notable que le
cadre juridique s’est fortement amélioré, démontrant l’intention des autorités d’accorder une place
croissante à la dématérialisation des procédures.

D’une part, on peut déjà rappeler la loi N°2013-546 du 30 juillet 2013 qui vient poser le cadre juri-
dique des transactions électroniques. Elle évoque entre autres questions les aspects de leur validité
et de la sécurisation. Cette loi pose un cadre général de l’implication de l’électronique dans les activi-
tés contractuelles aussi bien pour les personnes morales que physiques. Son champ d’application
très large inclut les activités de l’administration dans ses rapports avec les personnes privées.

D’autre part, s’agissant des textes relatifs aux marchés publics, stricto sensu ; on note qu’aussi bien le
code des marchés publics de 2009 que celui de 2019 comportent des dispositions relatives à la dé-
matérialisation. Toutefois, elles diffèrent dans leur approche de la question. Déjà, le code des mar-
chés publics de 2009 comportait des dispositions relatives à la possibilité de dématérialisation de
certains aspects de la procédure. Ainsi l’article 631014 prévoyait que la publicité pouvait se faire via
des supports électroniques tandis que l’article 64 rendait possible l’échange de documentation dans
le cours de la procédure à travers de tels supports. Le code précisait dans ledit article que « Ces
moyens doivent répondre aux normes et mesures de sécurité et de fiabilité nécessaires pour assurer
la confidentialité, la transparence et l’intégrité»1015 et que « … Les outils utilisés pour communiquer
par les moyens électroniques, ainsi que leurs caractéristiques techniques, doivent avoir un caractère
non discriminatoire, être accessibles au public et compatibles avec les technologies de l’information et
de la communication généralement utilisées »1016. Il apparaît que le principe de transparence et ses
corollaires de la concurrence et l’égalité des candidats sont au cœur de ces dispositions. L’idée de la

1013
Voir par exemple art 42, 43, 52 de la directive 04.
1014
« Les marchés passés par appel d’offres, sont précédés d’un avis d’appel à la concurrence porté à la con-
naissance du public par une insertion faite, dans une publication nationale et/ou internationale et/ou sur sup-
port électronique, le cas échéant. »
1015
Art 64.2
1016
Art 64.3
405

sécurisation de l’usage de l’électronique y est également. Néanmoins, au contraire de la directive 04,


le code de 2009 ne prévoyait pas un raccourcissement des délais dans les phases de la procédure,
dans les cas où il autorisait le recours aux moyens électroniques.

Quant au code de 2019, il contient des dispositions et une approche qui témoignent de la volonté
des autorités ivoiriennes de renforcer le principe et la réalité de la dématérialisation. Ainsi, l’article
65 relatif aux communications réitère à l’instar du code de 2009 la possibilité d’utiliser les supports
électroniques pour les échanges d’informations prévus quant aux documents d’appels d’offres et de
consultation, en plus des autres modes de transmission habituels. Mais le code de de 2019 ajoute
une obligation pour les autorités contractantes de recourir à ce moyen « dès lors que les moyens
technologiques le permettent »1017. Ainsi, le recours aux moyens électroniques relève désormais
d’une faculté comme prévu dans la directive 04 et le code de 2009 initialement, mais cette faculté
peut devenir une obligation de principe incombant à l’administration. La lecture des dispositions du
code montre que dans certaines phases de la passation, sous réserve que les conditions de sécurité
et celles menant à la sauvegarde des principes de la commande publique, soient respectés, la com-
munication via les outils électroniques devient la règle. En effet, l’article 65 précise que « … Les do-
cuments d’appel d’offres et de consultation sont mis à la disposition des candidats par moyen élec-
tronique. Parallèlement, ces documents peuvent être mis à la disposition des candidats dans les lo-
caux de l’autorité contractante, par service postal ou remis par porteur, s’ils en font la demande ».

On peut alors se demander si une telle obligation, sera opposable aux autorités contractantes et par
extension aux services publics chargés de mettre en place les conditions de la dématérialisation par
les parties prenantes aux procédures de marchés publics ? A priori, si les moyens technologiques le
permettent, en cas de manquement à une obligation de publication via des supports électroiques, le
juge administratif pourrait être saisi dans le cadre d’un recours par un candidat potentiel justifiant
d’un intérêt légitime à agir au titre de cette obligation.

En sus, il convient de préciser que sous réserve de dispositions contraires de l’avis de consultation,
les candidatures et les offres des candidats peuvent être communiquées à l’autorité contractante par
le truchement de moyens électroniques. Celle-ci devra mettre en œuvre les moyens d’assurer la tra-
çabilité et l’authenticité de la transmission par tout moyen approprié et dans les conditions prévues
dans les textes réglementaires ad hoc.

1017
Voir article 65.1 du code des marchés publics de 2019 : « Les communications et les échanges d'informa-
tions prévus au présent article sont effectués dans les locaux de l’autorité contractante, par service postal ou
remis par porteur. Les documents à adresser par les autorités contractantes aux candidats, ainsi que les offres
ou demandes de participation adressées par les candidats aux autorités contractantes peuvent également être
transmis par moyens électroniques. Ce mode de transmission doit être privilégié dès lors que les moyens tech-
nologiques le permettent. »
406

Le code de 2019 prévoit que la mise en œuvre des conditions et des modalités de la dématérialisa-
tion des marchés publics sera précisée par un décret pris en conseil des ministres.

Ces réalités montrent que dans une certaine mesure, la dématérialisation des marchés publics ne
peut s’inscrire que dans une mouvance globale de dématérialisation de l’activité de l’administration
et ses rapports avec les administrés, puisque les conditions de sécurité qu’elle exige et les obligations
de l’administration vis-à-vis de ceux-ci imposent la mise en place d’une politique de dématérialisa-
tion dont les marchés publics ne seront naturellement qu’un aspect.

En tout état de cause, du point de vue du respect du principe de la transparence, la dématérialisation


met en exergue le fait que l’impératif de sécurisation, de prévisibilité et d’accessibilité qu’elle im-
plique ne peut fonctionner sans la mise en place d’un certain formalisme. Ce formalisme, présent
dans toutes les procédures d’appel d’offres devraient être à l ‘image de celui observé dans ces pro-
cédures et reposer sur la traçabilité des formes à observer.

En définitive, il apparaît que le système ivoirien des marchés publics est conforme pour l’essentiel
aux directives de l’UEMOA quant aux règles relatives à la transparence et à l’intégrité des procé-
dures, en dépit de la persistance de points d’amélioration. A côté des règles susmentionnées, celles
relatives au libre accès à la commande publique et à l’égalité de traitement des soumissionnaires
font partie des directives de l’UEMOA transposées dans le système ivoirien.

Section 2- Le libre accès à la commande publique et l’égalité des soumission-


naires dans le système des marchés publics ivoirien

Comme nous l’avons déjà évoqué dans cette thèse et mis en exergue dans les points clés de la ré-
forme des marchés publics de l’UEMOA, la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de
traitement des soumissionnaires sont des principes indispensables en matière de commande pu-
blique. La réforme entreprise au sein de l’UEMOA vise spécifiquement à les renforcer et les rendre
effectifs1018. Il s’agit de promouvoir une large participation, sur des bases égalitaires et concurren-
tielles aux procédures de marchés publics. D’une manière générale et également au sein de
l’UEMOA, la mise en œuvre de ces principes passe par les mécanismes de l’appel d’offres à travers
les obligations qu’ils imposent aux autorités contractantes et se conjuguent avec les éléments de la

1018
Les principes devant guider la commande publique ont été affirmés de façon claire et plus solide dans les
directives 04 et 05. Voir PRMP-UEMOA UEMOA Op. Cit. ; voir aussi le rapport de la conférence d’Abidjan sur la
réforme des marchés publics Op. Cit. Résumé dans cette thèse (pages 345 et s. ; 349 et s.)
407

transparence qui leur donnent toute leur force. De ce point de vue, les obligations d’informations, de
publicité et les éléments de la dématérialisation que nous avons évoqués plus haut (voir section pré-
cédente) font partie de la mise en œuvre des principes de liberté d’accès à la commande publique et
celui de l’égalité de traitement des soumissionnaires en Côte d’Ivoire. Dans le contexte particulier de
l’UEMOA, en tant que bloc économique sous régional, ces principes s’expriment également à travers
les obligations pour les États de promouvoir les principes sous-jacents de la reconnaissance mutuelle
et de la préférence communautaire spécifiques à l’intégration économique et humaine. Aussi dans le
contexte de la transposition des directives qui nous guide ici, il est nécessaire de prime abord de
rappeler que les principes de la liberté d’accès à la commande publique et de l’égalité de traitement
des soumissionnaires sont affirmés dans le chapitre III du titre I, aux articles 8 à 10 du code des mar-
chés publics ivoirien de 20191019.

Ensuite, pour exposer les mécanismes de leur mise en œuvre, nous nous appuierons sur les divers
aspects qui les matérialisent dans les directives de l’UEMOA afin de voir comment ceux-ci sont
transposés au niveau ivoirien.

Partant, plusieurs constats s’imposent. Il convient d’affirmer que la liberté d’accès à la commande
publique n’est pas absolue. Elle trouve des limites dans les conditions de participation et les exclu-
sions prévues par les directives et le code de la commande publique. Aussi, tout en prévoyant cer-
taines conditions d’éligibilité, par nature limitatives de la liberté d’accès à la commande publique, le
législateur ivoirien a adopté des modifications dans le code de 2019 afin de corriger quelques en-
torses constatées dans la pratique et d’autres dispositions du code de 2009. Ensuite, en tant que
moyen de la mise en œuvre des principes de liberté d’accès à la commande publique, nous nous
focaliserons sur la matérialisation de « l’appel d’offres ouvert » comme procédure de principe dans le
système ivoirien. Il s’ensuit que les autres procédures sont exceptionnelles, mais elles ne sont pas
pour autant minimes en termes de part de marchés. Enfin, il sera intéressant de s’arrêter sur la mise
en œuvre des règles relatives à l’intégration communautaire.

Paragraphe 1- Des conditions restreignant la liberté d’accès à la commande publique

I- Une interprétation exagérée des conditions de participation à la commande publique ?

1019
Il s’agit très précisément , selon les formulations du code, du « libre accès à la commande publique », de
« l’égalité de traitement des candidats et soumissionnaires , réalisation d’un résultat juste et crédible en étant
impartial et équitable par le biais de processus transparents , la reconnaissance mutuelle », de « l’interdiction
de toute discrimination fondée sur la nationalité des candidats, sous réserve de la préférence communautaire
qui est appliquée à toute entreprise communautaire présentant une offre», « la libre concurrence ».
408

Le code des marchés publics ivoirien prévoit certaines conditions d’éligibilité aux marchés publics.
Celles-ci, en amont interdisent aux candidats qui entrent dans ces catégories toutes possibilités de
soumissionner. Ceci est normal et courant dans les législations relatives aux marchés publics de la
plupart des pays. A ce stade, on peut ici rappeler le commentaire du rapporteur public du conseil
d’État français M. Pélissier dans ses conclusions sous un arrêt de ladite institution. Selon lui, les diffé-
rents motifs d’exclusion poursuivent le double objectif d’assurer d’une part « une moralisation de la
commande publique, à laquelle ne peuvent accéder des opérateurs économiques reconnus cou-
pables d’infractions pénales, fiscales ou sociales » et d’autre part de « garantir la bonne exécution du
marché et la conformité de la procédure aux principes d’égalité et de mise en concurrence »1020. Dès
lors, on comprend que du point de vue d’un État et d’une autorité contractante, certaines mesures
s’imposent pour des raisons d’ordre public, voire d’efficacité liées à la capacité à exécuter les mar-
chés correctement. Le législateur de l’UEMOA n’étant pas inattentifs à ces impératifs, il apparaît que
la faculté de restreindre la participation aux marchés publics est conforme aux directives de
l’UEMOA, voire aux standards internationaux1021.

En tout état de cause, il reste vrai que les restrictions de participation contenues dans le code des
marchés publics portent atteinte au principe du libre accès à la commande publique. Aussi, il con-
vient de les distinguer selon qu’elles relèvent de conditions d’éligibilité qui excluent l’accès aux mar-
chés ou des autres conditions qui concernent la preuve des capacités techniques et financières. Les
secondes, quoique susceptibles de constituer des critères d’élimination ou de rejet de l’offre dans le
DAO n’empêchent pas l’analyse de la candidature. Il appartiendra dans ce dernier cas au comité de
jugement des offres de procéder à l’élimination selon les critères du DAO.

Ceci étant dit, concrètement, on constate que certaines conditions de participation, limitatives de la
liberté d’accès à la commande publique sont le reflet de la transposition directe de mesures prévues
par la directive 04 de l’UEMOA, tandis que d’autres sont propres au code des marchés publics Ivoi-
rien. Il convient donc de rappeler les restrictions prévues par la directive 04 relativement à la partici-
pation aux marchés publics. Elles sont contenues dans ses articles 17, 18 et 19. L’art 17 prévoit les

1020
Voir conclusion de M. Gilles Pélissier sous l’arrêt CE 24 juin 2019, département des Bouches-du-Rhône, Req.
N° 428866 ; voir aussi Philippe Guellier, Akif Ekinci , Exclusion de la procédure de passation et modalités de
vérification des motifs d’exclusions, Contrats publics, N°201, septembre 2019. Disponible à l’adresse :
https://www.seban-associes.avocat.fr/wp-content/uploads/2019/10/Article-exclusions-march%C3%A9s-
publics-PG.pdf (consulté en novembre 2021)
1021
Voir par exemple le point 3.21 du règlement de passation des marchés de la Banque Mondiale. Les exclu-
sions pour éligibilité comprennent entre autre des motifs liés à une décision du conseil de sécurité des nations
unies sur la base du chap. VII de la charte, des exclusions basées sur les directives pour la lutte contre la corrup-
tion et la fraude. Etc…
409

restrictions relatives au conflit d’intérêt1022. Quant à l’article 18, il est relatif aux restrictions fondées
sur la personne des candidats et soumissionnaires1023. L’article 19 précise que les restrictions prévues
dans les deux précédents articles s’appliquent aux sous-traitants le cas-échéant. A la lecture de
l’article 18 (voir note de bas de page), il apparaît clairement que ces restrictions ne sont pas exhaus-
tives et que la directive a souhaité laisser une large plage de manœuvre aux États dans la détermina-
tion des restrictions à l’accès à la commande publique. C’est également la position qu’adopte la ju-
risprudence de la CJUE sur des questions similaires1024. Cette liberté est donc liée au fait qu’une telle
matière évolue nécessairement, que chaque état a ses particularités, et qu’il serait contreproductif
de réguler ces restrictions de façon exhaustive par une directive qui est par nature générale.

Néanmoins, on ne peut pas interpréter cette liberté comme étant illimitée dans la mesure où les
restrictions prises par les États doivent l’être dans le « respect du droit communautaire »1025.

Dans le même ordre d’idée, la jurisprudence de la CJUE qui influence directement les institutions de
jugement de l’UEMOA (comme expliqué dans cette thèse voir à la page 335, les notes de bas de page

1022
« Ne sont pas admises à participer aux procédures de passation de marchés et délégations de service public,
en raison des règles relatives au conflit d’intérêt :
- les entreprises dans lesquelles les membres de l’autorité contractante, de l’entité administrative chargée du
contrôle des marchés publics, la personne responsable du marché ou les membres de la Commission d’ouverture
des plis et d’évaluation des offres possèdent des intérêts financiers ou personnels de nature à compromettre la
transparence des procédures de passation des marchés publics ;
- les entreprises affiliées aux consultants ayant contribué à préparer tout ou partie des dossiers d’appel d’offres
ou de consultation. »
1023
« Ne sont pas admises à participer aux procédures de passation de marchés et délégations de service public,
les personnes physiques ou morales :
a) qui sont en état de faillite personnelle, de cessation d’activités, de liquidation, de redressement judiciaire, ou
dans toute situation analogue de même nature existant dans les législations et réglementations nationales ; les
dispositions ci-dessus ne s’appliquent pas aux personnes morales en état de redressement judiciaire autorisées
à poursuivre leurs activités par une décision de justice ;
b) qui font l'objet d'une procédure de déclaration de faillite personnelle, de redressement judiciaire, sauf à avoir
été autorisées à poursuivre leurs activités par une décision de justice, de liquidation, ou de toute autre procé-
dure de même nature existant dans les législations et réglementations nationales ;
c) qui auront été reconnues coupables d’infraction à la réglementation des
marchés publics ou qui auront été exclues des procédures de passation des marchés par une décision de justice
définitive en matière pénale, fiscale, ou sociale ou par une décision de l’organe de régulation des marchés pu-
blics.
Les États membres précisent, conformément à leur droit national et dans le respect du droit communautaire, les
conditions d'application du présent paragraphe. »
1024
« La Cour a déjà jugé qu’il convient de reconnaître aux États membres une certaine marge d’appréciation
aux fins de l’adoption de mesures destinées à garantir le respect du principe d’égalité de traitement et de
l’obligation de transparence, lesquels s’imposent aux pouvoirs adjudicateurs dans toute procédure de passation
d’un marché public. En effet, chaque État membre est le mieux à même d’identifier, à la lumière de considéra-
tions historiques, juridiques, économiques ou sociales qui lui sont propres, les situations propices à l’apparition
de comportements susceptibles d’entraîner des entorses au respect de ce principe et de cette obligation. Voir,
en ce sens, CJUE, 23 déc 2009, Serrantoni et Consorzio stabile edili contre commune di Milano, aff. C 376/08,
points 31 et 32 ainsi que les références jurisprudentielles y citées ; voir également CJUE 22 octobre 2015, Im-
pressa Edilux SRL, Aff. c-245/14
1025
Art 18 de la directive 04
410

N°827 et n°828) précise que les motifs d’exclusions automatiques (nous soulignons le caractère
automatique) des procédures de passation doivent être proportionnés et strictement limités à ce qui
est nécessaire1026. Dans ce sens, cette proportionnalité s’applique à la formulation des dispositions
prévues au code et s’impose aux autorités contractantes, d’où en pratique, il leur incombera de pro-
céder aux vérifications nécessaires. Ils doivent particulièrement apprécier une restriction selon un
cas individuel et préserver au maximum les chances du candidat, en vertu du caractère primordial
des principes de la concurrence, de la liberté d’accès à la commande publique et d’égalité. En effet,
une jurisprudence constante de la CJUE a jugé que l’exclusion « automatique » du candidat en cas de
suspicion de son appartenance à l’une des catégories de restrictions était disproportionnée1027.

En Côte d’Ivoire, cette tâche de vérification incombe d’après le code des marchés publics au comité
d’évaluation des offres. Aux termes de l’art 70.3 du code des marchés publics de 2019, c’est lui qui
est chargé du contrôle de la régularité des offres, notamment, au regard des articles 37 à 40 du
code ; ces articles visés incluent les restrictions qui se trouvent aux articles 38 et 39 du même code.

On peut constater au regard des jurisprudences de la CJUE qui est plus abondante en la matière (voir
note de bas de page précédente) que l’application des critères d’exclusions exige, plus qu’une lecture
littérale des textes, la plus grande prudence de la part de l’autorité contractante pour ne pas créer
une distorsion disproportionnée de la concurrence.

1026
Voir CJUE, 22 octobre 2015, Impressa Edilux SRL, Aff. c-245/14, Op. Cit.
1027
Notamment en cas de suspicion d’un conflit d’intérêt. Il en va ainsi pour l’interdiction de rejet automatique
des offres d’entreprises liées par un rapport de contrôle ou d’association car une telle exclusion poserait une
présomption irréfragable d’interférence réciproque dans les offres respectives pour un même marché ; ce que
la cour estime disproportionnée car pareille présomption écarte la possibilité pour ces candidats de démontrer
l’indépendance de leurs offres. En ce sens, la cour a estimé que ce rejet automatique serait contraire à la parti-
cipation la plus large possible de soumissionnaires aux appels d’offres, promue par la directive Européenne.
Voir arrêt CJUE, impressa edilux, idem ; voir aussi CJUE, 4 juin 2019, Aff. c 425-18, Consorzio Nazionale Servizi
Società Cooperativa (CNS)/Gruppo Torinese Trasporti Gtt SpA, qui juge que, même en cas de faute profession-
nelle rentrant dans le champ d’exclusion de la directive UE (art 45 paragraphe 2 de la directive 2004/18/CE du
31 mars 2004), une décision d’exclusion automatique doit être considérée comme disproportionnée. Car « En
effet, conformément au principe de proportionnalité, la constatation de l’existence d’une « faute grave » néces-
site, en principe, que soit effectuée une appréciation concrète et individualisée de l’attitude de l’opérateur éco-
nomique concerné (voir, en ce sens, CJUE, 13 décembre 2012, Forposta et ABC Direct Contact, Aff. C-465/11,
point 31. ». Voir aussi CE, 12 septembre 2018, SIOM de la vallée de Chevreuse, req. n° 420454 : « Considérant,
d'autre part, que si les informations confidentielles que M. A... aurait éventuellement pu obtenir à l'occasion de
sa mission d'assistant à maîtrise d'ouvrage pouvaient, le cas échéant, conférer à son nouvel employeur, la socié-
té Sepur, un avantage de nature à rompre l'égalité entre les concurrents et obliger l'acheteur public à prendre
les mesures propres à la rétablir, cette circonstance était en elle-même insusceptible d'affecter l'impartialité de
l'acheteur public ; que, par suite, le juge des référés a également commis une erreur de droit en retenant un
manquement à l'obligation d'impartialité de l'acheteur public du seul fait qu'il existait un risque que la société
Sepur, attributaire du marché, ait pu obtenir des informations confidentielles à l'occasion de la participation de
l'un de ses salariés à la mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage lorsque celui-ci travaillait antérieurement
pour la société Naldéo, mandataire du syndicat ».
411

En Côte d’Ivoire, les restrictions à l’accès aux contrats de la commande publique concernent à l’instar
de la directive de l’UEMOA, une catégorie afférente au conflit d’intérêt et une autre se rapportant à
la situation personnelle des candidats. Aussi, concernant la première catégorie, le code des marchés
publics détaille les situations dans lesquelles ces conflits d’intérêts seront caractérisés aussi bien en
ce qui concerne les marchés de travaux, de fournitures, de services et ceux afférents aux services de
consultants1028. En outre pour ce qui est des restrictions liées à la personne des candidats et soumis-
sionnaires, tout en reprenant les dispositions de la directive 04, le code ajoute à la liste des per-
sonnes non éligibles aux marchés publics, celles sanctionnées et celles déclarées inéligibles en appli-
cation des directives des partenaires techniques et financiers. La formulation retenue ne nous per-
met pas de déterminer si cette dernière catégorie d’exclusion ne concernera que les marchés finan-
cés par ces derniers.

De plus, le code précise les exclusions liées aux infractions pénales. Elles ne s’appliquent que lorsque
la décision de justice est devenue définitive1029. Les candidats sous sanction pour une résiliation pour
faute ne sont pas éligibles même lorsque s’agissant d’une personne morale, une nouvelle entité juri-
dique a été créée avec les mêmes dirigeants sociaux ou les mêmes actionnaires majoritaires.

Pour pouvoir compétir pour un nouveau marché, les candidats doivent s’être acquittés de la rede-
vance de régulation (payable pour le compte de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Pu-
blics) pour l’ensemble des marchés précédents qui leur ont été attribués. A ces conditions écrites
dans le code, on peut ajouter celles des DAO types qui précisent que même en cas d’appel d’offres
ouvert, les entreprises originaires des pays qui interdisent le commerce avec les ressortissants ivoi-
riens ne seront pas admises à participer. Il en va de même pour les pays qui tombent sous le coup
d’une décision du conseil de sécurité des Nations Unies en application du chapitre VII de la charte de
l’organisation1030.

Par ailleurs, de façon plus singulière, il est nécessaire de s’interroger sur la portée des dispositions de
l’article 37 relatif à la capacité des candidats, qui prévoit que ceux-ci doivent avoir l’expérience rela-
tive à l’exécution de contrats analogues ou similaires pour pouvoir participer aux procédures de pas-
sation des marchés1031. Cette disposition, formulée de façon impérative exclurait de facto les nou-

1028
Voir article 38 du code de 2019
1029
Art 39 1.d
1030
Voir DAO type de passation des marchés de travaux, section V, mai 2013.
Disponible sur le site de l’ANRMP : https://anrmp.ci/images/app/contenu/536/passation-travaux.pdf
1031
Article 37 code de 2019 « Tout candidat qui possède les capacités administratives, techniques et finan-
cières, et répond aux critères environnementaux et normes éthiques nécessaires à l’exécution d’un marché
public, ainsi que l’expérience de l’exécution de contrats analogues ou similaires, doit pouvoir participer aux
procédures de passation des marchés. ». Nous précisons qu’elle est conforme à l’article 20 de la directive 04
qui utilise des termes similaires.
412

velles entreprises ne disposant pas encore d’une telle expérience. Or, il est tout à fait possible qu’une
entreprise nouvellement créée soit capable de remplir un contrat de la commande publique, du
moment qu’elle satisfait aux critères intrinsèques de mise en œuvre de la prestation spécifique de-
mandée. Dans le même sens, en matière de prestations intellectuelles, une personne morale nouvel-
lement créée et ne disposant pas d’expérience similaire peut offrir des prestations basées sur un
personnel qui fait preuve d’une grande expérience. C’est donc, à notre sens, dans sa formulation,
une disposition potentiellement discriminatoire et limitative de la liberté d’accès à la commande
publique.

Certes, il est possible que le DAO prévoie ce critère de l’expérience (comme d’autres critères non
financiers1032) au stade de l’analyse des critères d’attribution du marché en le déclinant de manière
détaillée, claire et précise en ce qui concerne son jugement ; l’expérience des candidats étant impor-
tante à ce stade selon le marché concerné1033. En plus, dans un groupement, l’expérience d’un
membre du groupement peut profiter à l’autre au stade de la sélection de l’offre1034. Mais il reste
que la rédaction1035 de cette disposition dans le code des marchés publics ivoirien ouvre la faculté,
voire l’obligation1036 pour l’autorité contractante d’ériger le critère de la réalisation d’un marché simi-
laire par un candidat (le candidat est ici pris comme une seule personne juridique) comme un critère
éliminatoire pouvant mener à une « exclusion de plein droit »1037. Dans cette hypothèse et selon la
méthode de sélection appliquée, même en cas d’attribution d’une pondération à l’expérience du
personnel ou du groupement pris dans son ensemble, le candidat pourrait/devrait voir son offre éli-

1032
L’ANRMP a dans une décision précisé que l’autorité contractante n’est pas censée recourir qu’à des critères
exclusivement financiers. Voir ANRMP (Côte d’Ivoire), décision N° 016/2012/ANRMP/CRS du 31 juillet 2012
portant appréciation de la régularité des critères de sélection contenus dans le dossier d’appel d’offres n° f-
178/2012 relatif à l’achat et à la distribution de kits scolaires aux élèves des cours préparatoires, des cours
élémentaires, des cours moyens 1 & 2 des écoles primaires publiques de côte d’ivoire au titre de l’année sco-
laire 2012-2013.
1033
Nous nous référons ici au droit Européen et français qui ont évolué de l’idée que l’expérience du candidat
ne devrait être qu’un simple sous-critère de sélection (voir par exemple CJUE, 24 janvier 2008, Emm. G. Liana-
kis AE c/ Dimos Alexandroupolis, N° C532-06) à celle qu’elle puisse constituer « un critère d’attribution » sous
certaines conditions et selon le marché en cause (CJUE 26 mars 2015 Ambisig – Ambiente e Sistemas de Infor-
mação Geográfica SA, aff. C-601/13). Voir aussi art 67 de la directive UE de 2014-24 sur les marchés publics qui
inclue l’expérience dans les critères d’attributions (l’expérience du personnel) lorsqu’elle peut avoir un impact
significatif sur l’exécution du marché. La jurisprudence française adopte le même raisonnement : voir CE, 11
mars 2013, AP HP, N°364706
1034
Ceci est prévu dans l’article 37 du code lui-même à l’alinéa 2
1035
Générale et à la fois impérative et formulée comme un critère cumulatif (à cause de la conjonction de coor-
dination : « ainsi que… ») devant s’ajouter à la capacité du candidat du point de vue administratif, technique et
financier, environnemental et éthique. Voir art 37 du code des marchés publics de 2019. Op. Cit.
1036
Toute la question est alors de savoir s’il peut être traité comme un simple critère d’attribution modulable
par l’autorité contractante ou une condition de participation d’une nature telle que celui-ci serait lié par son
application stricte. Au vu de la pratique, ce critère est souvent exigé sous peine de rejet.
1037
Vocable utilisé par le code des marchés publics français dans ces cas (voir art l 2141-1 à l 2141-5). Celle-ci
s’oppose à une « exclusion à l’appréciation de l’acheteur » (art l 2141-7 à l 2141-11).
413

minée au stade de la sélection ou de l’attribution en se basant uniquement sur son expérience de la


réalisation préalable d’un marché similaire, qu’importe les moyens alternatifs apportés pour justifier
d’une telle expérience et de ses capacités à exécuter le marché1038. Ce qui pourrait mener à une dis-
torsion de concurrence. D’ailleurs, cette disposition pourrait également défavoriser les nouvelles
PME. Or, le code des marchés publics attache à la participation de celles-ci et des entreprises artisa-
nales, une valeur importante.

Au regard de ce qui précède, l’appréciation du vocable « contrats analogues ou similaires », in se,


revêt une importance capitale dans la pratique pour le respect des principes de concurrence, de la
liberté d’accès et d’égalité dans la commande publique. C’est ce que démontre la pratique en Côte
d’Ivoire et au sein de l’UEMOA, dans des pays ayant des dispositions semblables à l’article 37 du code
des marchés publics ivoirien. Il apparaît que la détermination du caractère « similaire » d’un précé-
dent marché exécuté, comme critère de rejet d’une offre, a posé problème et donné lieu à des con-
tentieux auprès des autorités nationales de régulation. Ainsi, l’autorité de régulation de la com-
mande publique du Burkina Faso (ARCOP) a jugé dans plusieurs affaires qu’il s’agit d’un marché ren-
voyant à des projets de nature et de complexité similaires et non pas à un marché identique comme
l’avait interprété l’autorité contractante ayant rejeté l’offre du soumissionnaire. Elle en a déduit
« qu’une attestation prouvant l’exécution d’un marché d’habillement pour les préfets suffit pour
prouver l’exécution d’un marché similaire à celui ayant pour objet la confection de toges pour les ma-
gistrats et que c’est à tort que la commission a rejeté l’offre du soumissionnaire»1039. Dans le même
sens, L’ARMP du SENEGAL a jugé que la similarité ne devait s’apprécier que par rapport à « la com-
plexité, les moyens et la technologie utilisés pour réaliser les travaux ». la commission tranchant le
litige a donc estimé « Qu’à cet égard, étant donné que les autres références présentées par le candi-
dat, comportent des travaux de terrassement, de construction d’ouvrages hydrauliques mobilisant
des engins TP avec nécessairement des aspects liés à la topographie, l’hydrologie, la géotechnique,
il y a lieu de considérer que la divergence notée par rapport au critère du DAO n’est pas de nature à
remettre en cause de façon substantielle, la capacité du candidat à effectuer les travaux »1040. Il ap-

1038
Par exemple, à travers son personnel, une sous-traitance, voire une association dans le cadre d’un groupe-
ment.
1039
Voir Décisions de l’ARCOP : N° 2013-321/ARMP/CRD du 30 mai 2013 sur le recours de l’entreprise
JC’THEO contre les résultats provisoires de l’appel d’offres ouvert n° 1-2013/007-MJ/SG-DMP du 05 février
2013 pour l’acquisition de robes pour magistrats au profit du Ministère de la justice ; également : décision
N° 2013-388/ARMP/CRD du 13 juin 2013 sur le recours de l’entreprise BELKOM-INDUSTRIE contre les résultats
provisoires de l’appel d’offres n° 17/2012 pour la fourniture de divers matériels à la SONABEL
(Lots 03 et 06) : voir aussi SAMB SEYNABOU, thèse de doctorat, Op. Cit. p439
1040
ARMP du Sénégal, Décision n° 227/ 13/ ARMP/CRD du 07 août 2013 du Comité de règlement des différends
statuant en commission litiges sur le recours introduit par l’entreprise GENITE dans le cadre de l’appel d’offres
pour les travaux d’entretien, de réhabilitation et de construction de pistes de désenclavement pour les régions
414

paraît dans cette décision que la commission ne remet pas pour autant en cause le principe de
l’obligation de fournir des attestations similaires exigée par le DAO ; même si l’un de ses considérants
s’avance prudemment dans ce sens1041

En définitive, la décision précitée, à l’instar de celles de l’ORMP du Burkina Faso oriente clairement
les autorités contractantes vers une interprétation téléologique du critère de l’exécution d’un mar-
ché similaire, sans toutefois remettre en cause la possibilité de rejeter automatiquement une offre
qui ne ferait pas la preuve d’une telle expérience analogue. Dans la pratique, la confusion persiste et
il est fréquent que les DAO exigent en sus que les marchés similaires réalisés aient une valeur d’un
certain montant (souvent élevé). Ces dispositions, quoiqu’explicables par les précautions des autori-
tés contractantes, si elles ne sont pas strictement encadrées dans le sens de la flexibilité, constituent
un frein à la participation des entreprises nouvelles, des PME et créent un risque que seules les
mêmes entreprises du même gabarit ou en activité depuis un long moment remportent continuelle-
ment les marchés publics similaires1042.

Certes des alternatives existent, mais elles se font au prix d’autres barrières. Ainsi, si pour les mar-
chés de fourniture, les attestations de bonne exécution des entreprises privées étant acceptées pour
prouver l’expérience similaire, cela pose moins de problème (puisqu’une entreprise récente a la ca-
pacité d’avoir des contrats de fournitures avec d’autres opérateurs privés), il n’en demeure pas
moins qu’elle devra attendre d’obtenir une telle expérience alors qu’elle aurait pu satisfaire aux con-
ditions du marché public sans ladite expérience. Dans le même sens, nous avons également pu voir
une disposition dans un DAO pour un marché de fournitures qui proposait une alternative (à la four-
niture de trois attestations de bonne exécution de marchés similaires, y compris issus de marchés
privés antérieurs, pour prouver l’expérience et la capacité financière du candidat) selon laquelle « Les
nouvelles entreprises de moins de dix-huit (18) mois, n’ayant pas d’attestation de bonne exécution,
doivent fournir une déclaration fiscale d’existence. Elles doivent également produire en contrepartie

de Louga, de Saint-Louis et de Matam ( lot N°3) lancé par l’AGEROUTE:


http://www.armp.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=609:decision-nd-22713armpcrd-du-
07-aout-2013&Itemid=637 ; voir aussi SAMB SEYNABOU, thèse de doctorat, Ibid. P 440.
1041
Il s’agit de la phrase suivant celle que nous avons citée qui raisonne comme suit : « Qu’à ce titre,
l’élimination d’un candidat à cette étape de l’évaluation doit être justifiée par la certitude qu’il ne dispose pas
des capacités requises pour exécuter convenablement les prestations »
1042
Pour les marchés de fourniture, les « attestations de bonne exécution » des entreprises privées étant ac-
ceptées pour prouver l’expérience similaire, cela pose moins de problème puisqu’une entreprise récente a la
capacité d’avoir des contrats de fournitures avec d’autres opérateurs privés. Mais quand ’il s’agit de travaux
complexes généralement commandés par des institutions publiques (par exemple construction de route, pistes
etc…), il peut être compliqué pour une entreprise nouvelle, d’obtenir des marchés privés et prouver son expé-
rience similaire sur ces travaux. La solution du groupement dans ce cas ou de la sous-traitance peut fonctionner
pour les premiers marchés. Mais il va sans dire que c’est une barrière supplémentaire pour une entreprise dont
on pourrait apprécier les capacités au vu de la réalité de son offre.
415

du chiffre d’affaires, une attestation de préfinancement bancaire par laquelle, la banque s’engage à
préfinancer le marché pour un montant au moins égal à 25 % du montant du lot ou des lots pour les-
quels l’entreprise soumissionne. Le montant disponible doit être indiqué sur l’attestation bancaire,
sinon rejet.1043 ». Au vu de cette clause dans le DPAO qui est sanctionnée par un rejet de l’offre, la
question se déplace vers la disposition des banques à préfinancer ces entreprises. Ceci constitue
derechef une barrière à l’accès aux marchés publics et à l’égalité de traitement des soumission-
naires1044. En revanche, quand ’il s’agit de travaux complexes généralement commandés par des col-
lectivités publiques (par exemple construction de route, pistes etc…), il peut être compliqué pour une
entreprise nouvelle, d’obtenir des marchés privés et de prouver l’expérience similaire sur ces tra-
vaux. La solution du groupement dans ce cas ou de la sous-traitance peuvent fonctionner pour les
premiers marchés. Mais il va sans dire que c’est une barrière supplémentaire pour une entreprise
dont on pourrait apprécier les capacités au vu de la réalité de son offre.

D’où, nous pensons qu’il serait plus simple de ne pas faire du critère de l’expérience similaire, une
condition de participation mais un simple critère d’évaluation de l’offre sur la base duquel les candi-
dats ne puissent pas voir leur offre rejetées automatiquement. Cela obligerait les autorités contrac-
tantes à toujours apprécier de façon plus globale la capacité des candidats sur un marché spécifique,
qu’ils aient ou non une expérience similaire ou identique. Cette approche est plus favorable à la
promotion de la concurrence et à la liberté d’accès aux marchés publics, au principe d’égalité, et en
meilleure adéquation avec les autres dispositions du code des marchés publics qui prévoient que le
candidat puisse prouver sa capacité technique, économique et financière par n’importe quels
moyens1045.

A côté des interrogations sur les conditions de participation contenues dans le code, il importe de
mettre en exergue les points nouveaux que le code de 2019 a introduit en vue de renforcer la liberté
d’accès à la commande publique corrélât des dysfonctionnements constatés dans la pratique anté-
rieure et avec l’objectif de se conformer davantage aux directives de l’UEMOA et aux standards in-
ternationaux.

1043
Voir DAO du marché de fournitures concernant l’équipement de 10 centres émetteurs de la RTI, DIVO-
GRAND LAHOU- BOUAFFLE- M’BENGUE – TENGRELA TIEME - DABAKALA - KONG - NIANGBO – BOUAKE, 2013
1044
La réalité de l’accès au crédit bancaire étant difficile en Côte d’ivoire, surtout pour les PME-PMI. Voir no-
tamment le Dossier : OBA (l’officiel des banques et Assurances), Côte d’ivoire, le crédit bancaire, Mythe et réali-
té, N°1 de décembre 2011.
1045
Art 40.1 du code de 2019
416

II- Les correctifs spécifiques apportés par le code de 2019 renforçant la liberté d’accès à la
commande publique et l’égalité des candidats

En dépit de la transposition des directives de l’UEMOA à travers le code des marchés publics de 2009,
les différentes revues de la doctrine, des acteurs internes et internationaux du système des marchés
publics en Côte d’Ivoire ont mis en exergue certaines faiblesses dans le fonctionnement de celui-ci
pouvant endiguer la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement des soumis-
sionnaires1046. En vue de corriger ces lacunes, il apparaît que dans le code de 2019, le législateur ivoi-
rien a procédé à des modifications spécifiques.

*Primo, le code de 2009 était peu flexible sur les pièces que les candidats peuvent produire pour
prouver leur capacité financière et économique 1047; or la directive est plus flexible et raisonne plutôt
dans une dynamique d’objectif, en permettant aux candidats de prouver leurs capacités par tous
moyens. Ainsi, dans le code de 2019, il est introduit une disposition qui permet aux candidats de
justifier leurs capacités économiques et financières par tout autre moyen que ceux prévus par le DAO
lorsqu’ils ne peuvent pas fournir ceux considérés par celui-ci « pour une raison justifiée », du mo-
ment que l’autorité contractante les considère comme appropriées1048 . Ce faisant, le législateur ivoi-
rien se met en conformité avec la directive de l’UEMOA dans son article 23-d1049.

*Deuzio, dans le même ordre d’idée, il avait été reproché une distorsion de la concurrence basée sur
l’exigence (du code de 2009) des pièces liées à la situation fiscale et sociale du candidat au stade du
jugement des offres. Cette situation générant des difficultés dans la pratique était basée sur des dis-
positions du code des marchés publics de 2009, corroborés par la jurisprudence. Dès lors, une offre
qui ne comportait pas ces pièces exigées par le DAO était de plein droit considérée comme irrégu-
lière prima facie et rejetée sans être analysée dans le fonds1050. Aussi, pour pallier ces difficultés et

1046
Voir par exemple SAMB Seynabou, thèse de doctorat, Op. Cit. pp 430 et s. Aussi les différentes audits,
études et avis de l’ANRMP-CI, les formations de la Direction Générale des Marchés Publics, les rapports
d’évaluation des institutions internationales de financement.
1047
Voir art 50 du code de 2009
1048
Art 40.1 du code de 2019 : « Si, pour une raison justifiée, le candidat ou soumissionnaire n'est pas en me-
sure de produire les références demandées par l’autorité contractante, il est autorisé à prouver sa capacité
technique, économique et financière par tout autre document considéré comme approprié par l’autorité con-
tractante. »
1049
« Les autorités contractantes précisent, dans l'avis de marché ou dans l'invitation à soumissionner, celles
des références visées au paragraphe 1 qu'elles ont choisies ainsi que les autres références probantes qui doi-
vent être produites. Si, pour une raison justifiée, le soumissionnaire n'est pas en mesure de produire les réfé-
rences demandées par l’autorité contractante, il est autorisé à prouver sa capacité économique et financière
par tout autre document considéré comme approprié par l’autorité contractante. »
1050
Voir art 50 du code de 2009 ; voir également une décision de l’ANRMP déboutant un requérant des fins de
sa demande tendant à faire annuler l’appel d’offres. Le requérant soutenait que son offre a été irrégulièrement
éliminée par la COJO à l’ouverture des plis avant l’analyse technique pour absence des attestations fiscales et
sociales.la décision de l’ANRMP note que c’est au stade préliminaire de l’analyse technique (prévue par le DAO)
417

protéger le principe de concurrence, dans le code de 2019, ces pièces ne sont désormais exigées
qu’au stade des formalités d’approbation du marché. Elles devront être produites par le candidat
attributaire dans un délai de 15 jours à compter de la publication de la notification d’attribution1051.
Cette disposition est pratique puisque pour certaines PME dont l’activité est grevée par les retards de
paiement de l’administration, elle permet de décaler l’obtention de ces documents après la notifica-
tion de l’attribution. Or, celle-ci peut avoir pour conséquence que l’entreprise ait la faveur des créan-
ciers et des banques ; ce qui lui permettra de se mettre à jour de ses cotisations fiscales en contrac-
tant par exemple un prêt.

*Tertio, il en va de même de l’insertion dans le code en vigueur du principe de la participation des


entreprises publiques aux marchés publics1052. On peut noter que l’arrêté N°009/MEF/DGB/DMP du
16 janvier 2012 considère les conventions entre personnes morales de droit public comme des con-
ventions de type particulier et prévoit des modalités différentes de passation des marchés entre ces
entités. Aussi, en prévoyant et en encadrant ce principe, le nouveau code de 2019 apporte une clarté
en la matière. Il précise conformément aux standards internationaux (comme les dispositions des
directives de la Banque Mondiale) que celles-ci ne sont autorisées à participer aux procédures que
lorsqu’elles attestent qu’elles sont juridiquement et financièrement autonomes, qu’elles sont sou-

que la soumission a été rejetée. Elle confirme que le code de 2009 permettait un tel rejet pour absence des
pièces fiscales et administratives au stade de l’analyse technique préliminaire. Le requérant ayant formé un
recours en annulation de la décision de l’ANRMP devant la chambre administrative de la cour suprême, celle-ci
a également rejeté sa demande. Au vu de l’art 40.2 du code de 2019, cela ne devrait plus être le cas. Voir pour
les affaires citées : ANRMP, décision n°0020/2013/ANRMP/CRS du 28 novembre 2013 sur le recours du grou-
pement clk avocats/Biteye & Cissé/cabinet Corneille Badji/a2i conseils contestant les résultats de l’appel
d’offres n°p66/2013 relatif à l’audit du système de la propriété industrielle de la cote d’ivoire, organisé par
l’office ivoirien de la propriété intellectuelle
https://www.anrmp.ci/images/app/contenu/146/DECISION_N_0020_2013_ANRMP_CRS_du_28_Novembre_2
013_sur_le_recours_du_groupement_CLK_AVOCATS_BITEYE__CISSE_CABINETS.pdf (consulté en novembre
2021) ; également : Chambre administrative de la cour suprême , arrêt N°166
http://juris.consÉtat.ci/page_book.php (consulté en novembre 2021); voir également : Ambeu Patricia, Accès
aux marchés publics : obligations fiscale et sociale des candidats, in Tribune de la chambre administrative de la
Cour Suprême, N°7 juillet 2016, p 44-45 www.consÉtat.ci/app/webroot/img/files/tribune/tribune7.pdf (con-
sulté en novembre 2021); voir : rapports et études de l’ANRMP faisant cas des difficultés à obtenir à temps ces
pièces ou à les fournir.
1051
Art 40.2 du code de 2019. Ces offres devraient être analysées et considérées comme régulières au stade de
l’analyse technique et financière. En ce sens, les attestations fiscales seraient considérées comme un simple
critère d’attribution du marché et non pas comme un critère d’évaluation et de sélection de l’offre attributaire
du marché. En guise de comparaison, voir CE 25 janvier 2019, Société Dauphin Télécom, Req. N° 421844 qui
détermine dans le système français que l’exigence de vérification de ces pièces est admise après la décision
d’attribution et seulement au soumissionnaire retenu dans le cas d’une procédure ouverte ; en cas de procé-
dure restreinte, la vérification d’absence de motif d’exclusion a lieu seulement dès le stade du dépôt des offres,
donc pas au moment de l’envoi de l’invitation à soumissionner ou à participer au dialogue.
1052
Art 39.3 du code de 2019
418

mises au droit commercial et qu’elles n’ont aucun lien de subordination avec l’autorité contrac-
tante1053.

*Quarto, le code de 2009 prévoyait la possibilité d’attribution du marché « par consensus » dans
« des cas particuliers » où la commission chargée du jugement des offres ne pourrait pas décider
selon les critères prévus dans le DAO et la réglementation en vigueur1054. Cette disposition créait un
flou et fragilisait toute la structure réglementaire garantissant une concurrence réelle, transparente
et l’égalité de traitement des candidats. Le code de 2019 remédie à cette lacune en la supprimant.

En somme, il apparaît que la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement des
candidats sont bien réels en Côte d’Ivoire et qu’elles continuent à s’améliorer constamment tout
comme le système lui-même. Par ailleurs, nous avons mis en exergue le fait qu’il ne saurait s’agir
d’une liberté absolue puisque certaines restrictions justifiées par des impératifs d’ordre public et
d’efficacité de la commande publique existent. La difficulté se situe dans l’équilibrage de celles-ci
avec les principes de la commande publique qui de par leur nature essentielle, ne laissent subsister
que des marges de manœuvres resserrées. Ceci étant, comme dans de nombreux systèmes et eu
égard aux directives de l’UEMOA, l’appel d’offres ouvert (en tant que procédure de principe) et ce
qu’il implique comme obligations constitue la voie la plus évidente de la matérialisation de la liberté
d’accès à la commande publique et de l’égalité de traitement entre les candidats. Quid de sa prise
en compte dans le système ivoirien des marchés publics ?

Paragraphe 2- La détermination de l’appel d’offres ouvert en tant que procédure normale :


un renforcement du libre accès à la commande publique et l’égalité des soumissionnaires

La directive n°04/2005/CM/UEMOA dans son article 28 consacré aux modes de passation de marchés
précise que «L’appel d’offres ouvert est la règle ; le recours à tout autre mode de passation doit être
exceptionnel, justifié par l’autorité contractante et être autorisé au préalable par l’entité administra-
tive chargée du contrôle des marchés publics ». Conformément à celle-ci, l’appel d’offres ouvert est la
procédure de principe dans le système des marchés publics ivoirien. Cette règle est affirmée aussi

1053
Art 39.3 idem ; voir aussi pour comparaison point 3.23.b du règlement de passation des marchés de la
Banque Mondiale
1054
L’art 45.4 du code de 2009 (abrogé) disposait que : « Les décisions de la Commission sont prises confor-
mément aux dispositions du dossier d’appel d’offres et en conformité avec les dispositions réglementaires en
vigueur. Lorsque dans des cas particuliers, il n’est pas possible d’attribuer le marché en application stricte des
critères du règlement particulier d’appel d’offres, la Commission décidera par consensus. Dans ces cas, cette
décision est soumise à l’avis préalable de la structure administrative chargée des marchés publics. »
419

bien par le code de 2009 que celui de 20191055. Aussi, l’article 55 du code de 2019 précise que « le
recours à tout autre mode de passation doit être exceptionnel, justifié par l’autorité contractante et
être autorisé au préalable par le ministre chargé des marchés publics dans les conditions prévues au
code ».

Analysé sous l’angle des principes de la liberté d’accès aux marchés publics et de l’égalité, il n’est pas
nécessaire de s’appesantir ici sur tous les aspects formels de la mise en œuvre de l’appel d’offres
ouvert1056. Il suffit de constater la conformité des textes ivoiriens avec cette disposition de la direc-
tive 04 et des standards internationaux. Cependant, il est intéressant de relever que la détermination
de l’AO ouvert en tant que procédure normale entraîne ipso facto le caractère exceptionnel des
autres procédures. Cela est si vrai que dans l’idée des marchés publics, c’est cette procédure qui
entraîne une large participation aux procédures et permet une concurrence libre et étendue.

Vu sous cet angle, il convient de se demander dans quelle mesure les objectifs assignés à la règle sus-
énoncée sont atteints en Côte d’Ivoire.

A ce titre, il est loisible d’affirmer que les règles de transparence, de publicité et d’information dans
le cours de la procédure et le formalisme qui les caractérise (voir la première section de ce chapitre)
permettent de créer les conditions de la sécurisation des procédures de l’appel d’offres ouvert et
des procédures en général. Aussi, il est clair que le code de 2019 a renforcé ainsi la liberté d’accès à
la commande publique et l’égalité de traitement des candidats.

Néanmoins, il ressort de plusieurs audits que la part des autres procédures dérogatoires à l’appel
d’offres ouvert est très élevée dans le système des marchés publics ivoiriens :

*Primo, les critiques se concentrent surtout sur l’abondance des marchés de gré à gré. Il est apparu
que, malgré une sensible diminution relativement aux années précédentes, le taux de gré à gré res-
tait élevé. Ainsi, d’après l’audit réalisé par l’ANRMP en l’an 2018 ; il a été estimé à 41% des marchés
passés en valeur bien que représentant une proportion de 19,70% en volume desdits marchés1057.
L’audit révèle cependant que seul un faible pourcentage de ces marchés de gré à gré a été passé en
dehors des motifs autorisés par le code des marchés publics. Ces conditions sont posées par l’article

1055
Voir article 54 du code de 2009 et article 55 du code de 2019.
1056
Les paragraphes précédents relatifs au principe de transparence en donnent une description, notamment
sur les obligations de publication de l’avis d’appel d’offres et de son contenu, de la réception et de l’ouverture
des offres, de leur jugement, de la publication des résultats de l’attribution, de la possibilité de recours à
toutes ces étapes. (Voir ces développements dans la thèse, pages 355 du titre 1 de cette deuxième partie, et
les développements précédents du présent titre 2)
1057
Voir le rapport d’audit de l’ANRMP de la gestion 2018
420

61 du code de 2019 qui prévoit des cas précis. Ceux-ci sont au nombre de trois (3)1058. On note que
ces motifs d’autorisation du gré à gré modifient en les restreignant ceux du code de 2009. Notam-
ment le second critère d’autorisation des marchés de gré à gré de l'art 96.2 (code 2009) a été modifié
et il est moins large, car les motifs "d'investissements préalables important et de sécurité liée à l'inté-
rêt supérieur de l'État" ont été supprimés. Le code prévoit en outre que le recours à cette procédure
doit être sous peine de nullité, motivé et soumis « à l’autorisation préalable du Ministre chargé des
marchés publics, après avis de la structure administrative chargée du contrôle des marchés pu-
blics»1059.

*Secundo, à côté des marchés de grés à grés, il y a les marchés restreints. Ils limitent dans leur es-
sence l’accès à la commande publique. C’est la raison pour laquelle ils sont strictement encadrés. A
l’instar de la directive de l’UEMOA et des standards internationaux, la passation des marchés res-
treints en Côte d’Ivoire répond à cette même exigence. On peut ici rappeler que le recours à un mar-
ché restreint doit être justifié par des motifs spécifiques. Notamment, « Il ne peut être recouru à la
procédure de l’appel d’offres restreint que lorsque les fournitures, travaux ou services, de par leur
nature spécialisée, ne sont disponibles qu'auprès d'un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs
ou de prestataires de services.». En outre, même si la consultation ne devrait se limiter en principe
qu’aux candidats que l’autorité contractante a décidé de consulter, il est intéressant de noter qu'un
candidat potentiel ayant eu connaissance des appels d'offres à venir en se basant sur les plans de
passation préalablement publiés en début d’année, peut manifester spontanément son intérêt pour
un marché restreint1060. Cette faculté ouverte aux candidats potentiels représente une nouveauté
par rapport au code de 2009. Aussi, d’après le code en vigueur actuellement, le nombre minimum de
candidats à consulter est de cinq (5) avec la possibilité pour l’autorité contractante d’obtenir une
autorisation visant à le réduire à trois au minimum selon les circonstances. En sus, le délai de récep-
tion des offres a été amélioré. Ainsi, alors que le code de 2009 disposait qu’il ne devait pas être infé-
rieur à 15 jours1061, il est passé à 30 ou 45 jours dans celui de 2019. Il a donc été ajusté sur le délai de
publication de l’offre comme en matière d’appels d’offres ouvert. De même, tandis que le code de

1058
Voir Art 61du code de 2019 : « lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessi-
tant l’emploi d’un brevet d’invention, d’une licence ou de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur, un
seul fournisseur ou un seul prestataire de services; lorsque les marchés ne peuvent être confiés qu’à un presta-
taire déterminé pour des raisons artistiques ou techniques ; dans le cas d’urgence impérieuse motivée par des
circonstances imprévisibles ou de force majeure ne permettant pas de respecter les délais prévus dans les pro-
cédures d’appel d’offres, nécessitant une intervention immédiate, et lorsque l’autorité contractante n’a pas pu
prévoir les circonstances qui sont à l’origine de l’urgence. »
1059
Art 61. Idem
1060
Art 60.1 du code de 2019
1061
« Le délai de réception des offres ne peut être inférieur à quinze jours (15), à compter de la date d’expédition
simultanée ou à compter de la date limite de retrait fixée dans la lettre d’invitation adressée à tous les candi-
dats… » Art 90 du code des marchés publics de 2009
421

2009 ne le précisait pas, celui de 2019 prévoit que le nombre minimum de plis doit être de trois à la
date d’ouverture, sinon, cette date est reportée d’au moins 10 jours1062. Enfin, la procédure res-
treinte est soumise à l'autorisation du ministre après avis de l’entité administrative chargée du con-
trôle. Celui-ci peut s’il l’estime nécessaire apporter des modifications à la liste des entreprises propo-
sées par l’autorité contractante.

*Tertio, nous constatons que dans le système ivoirien des marchés publics, certaines procédures
spéciales peuvent être considérées comme dérogatoires à la procédure de l’appel d’offres ouvert
même quand elles en utilisent les principes. C’est notamment le cas, lorsque pour des raisons
d’agenda politique, le gouvernement initie des règles spéciales, dérogatoires des procédures ou des
délais prévus par le code, pour l’exécution rapide des marchés dans le cadre d’un de ses programmes
sociaux-économiques. A titre d’exemple, le décret N° 2019-185 du 06 mars 2019 a édicté des règles
spéciales pour les marchés passés dans le cadre de la mise en œuvre du programme social du gou-
vernement1063. Ces règles sont exceptionnelles et plus souples que celles prévues dans le code. Ainsi,
les garanties habituelles de l’appel d’offres ouvert ont été diminuées dans le cadre de ce programme
en dépit du fait que les marchés atteignaient les seuils et/ou étaient de nature à pouvoir déclencher
le recours à cette procédure, telle que prévue par le code. On note principalement que, dans le cadre
de ce programme, les délais ont été compressés et accélérés1064. Le décret prévoyait que la modifica-
tion du dossier d’appel d’offres ne soit pas publiée dans le bulletin officiel des marchés publics.1065
Les modifications concernaient également les délais et modalités de recours.

En définitive, Il apparaît clairement que l’État ivoirien a procédé à travers le code de 2019 à un reca-
drage des modalités des appels d’offres ouverts, restreints et de l’entente directe afin de les rendre
conforme à la directive de l’UEMOA et aux standards internationaux. Cela est de nature à renforcer
la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement entre candidats même dans le
cas des procédures dérogatoires à l’appel d’offres ouvert. Cependant, le système ivoirien a promu
des nouvelles procédures concurrentielles simplifiées échappant au cadre strict des procédures for-
melles de marchés publics1066. Celles-ci bénéficient de seuils rehaussés1067 et couvrent donc, plus

1062
Art 69 idem.
1063
Voir : art 1 du décret 2019-185 du 6 mars 2019 relatif aux marchés publics passés dans le cadre de la mise
en œuvre du programme social du gouvernement. Ce programme s’étendait sur la période 2019-2020.
1064
21 jours francs au lieu de 30 jours pour les appels d’offres ouverts nationaux. Voir art 3 du décret, ibid.
1065
Idem.
1066
Voir arrêté N° 112 MPMBPE/DGBF/DMP du 08 mars 2016 portant procédures concurrentielles simplifiées
1067
Le seuil de passation des marchés selon la procédure formelle est de 100 Millions de Francs CFA alors qu’il
était de 30 millions de Francs CFA précédemment. Les procédures simplifiées s’appliquent en deçà du nouveau
422

qu’auparavant, une part substantielle de deniers publics. Elles ont donc un impact plus significatif sur
la liberté d’accès à la commande publique et la détermination de l’appel d’offres ouvert comme pro-
cédure de principe.

Paragraphe 3 - Le cas particulier des procédures simplifiées, nécessaires mais limitatives de


la liberté d’accès à la commande publique.

Hormis les marchés restreints et les grés à grés, en Côte d’Ivoire, il a été créé en 2016 de nouvelles
procédures concurrentielles simplifiées pour lesquelles l’appel d’offres ouvert n’est également pas
obligatoire. L’arrêté N° 112 MPMBPE/DGBF/DMP du 08 mars 2016 détermine les modalités de mise
en œuvre de ces procédures concurrentielles simplifiées. Celui-ci précise dans son article 2 que ces
marchés doivent obéir aux principes de la commande publique. Cependant, dans la pratique, il y aura
nécessairement une limite dans la liberté d’accès à la commande publique et à la libre concurrence.
Cette limitation est liée à la nature des procédures elles-mêmes. Egalement, elles obéissent aux ex-
clusions édictées dans le code des marchés publics1068.

On constate que les autorités ivoiriennes ont encadré ces procédures concurrentielles simplifiées afin
qu’elles offrent des garanties de transparence et d’égalité entre les soumissionnaires qui sont ame-
nés à y participer. Toutefois, s’agissant de la liberté d’accès à la commande publique et de la libre
concurrence, il est évident qu’elles sont très limitatives de ces principes, de par leur nature même.
On peut rappeler toutefois que d’autres procédures simplifiées existaient avant 2016, donc, après
l’entrée en vigueur des directives de l’UEMOA1069. De plus, elles existent dans la plupart des pays du
monde, pour les marchés considérés de faible valeur.

En revanche, ce qui nous pousse à les regarder de près est que les seuils qui leurs sont attribués sont
élevés et vont au-delà du montant de 30 millions de Francs CFA qui constituait avant l’arrêté N° 692
MPMB/DGBF/DMP du 16 sept 2015, le seuil formel à partir duquel les procédures formelles de pas-
sation de marchés s’appliquaient. Il s’ensuit que ces procédures simplifiées attirent une part substan-
tielle de marchés et des deniers publics, d’où la nécessité de s’interroger sur l’impact qu’elles ont sur
la liberté d’accès à la commande publique et l’efficacité de celle-ci. Ce questionnement est d’autant
plus important que les autorités contractantes sont susceptibles de les utiliser pour contourner la

seuil de 100 millions de Francs CFA. Voir arrêté N° 692 MPMB/DGBF/DMP du 16 sept 2015 portant fixation des
seuils de référence, de validation et d’approbation dans la procédure de passation des marchés publics
1068
Voir art 3 de l’arrêté N° 112 MPMBPE/DGBF/DMP du 08 mars 2016 sur les procédures simplifiées.
1069
Voir l’arrêté n° 201 du 21 avril 2010 portant conditions de mise en œuvre de la concurrence informelle pour
les dépenses inférieures au seuil de passation des marchés publics ; voir aussi l’arrêté N°693 du 16 septembre
2015 portant procédures concurrentielles simplifiées (qui prenait déjà en compte l’augmentation des seuils)
423

procédure d’appel d’offres ouvert. Ce risque élevé de fractionnement des marchés par le biais des
procédures simplifiées est confirmé par le rapport d’audit de l’ANRMP1070. Ceci étant, il s’impose de
rappeler que le relèvement des seuils de passation de marchés publics et la création de ces procé-
dures simplifiées répondent à un besoin de faciliter les dépenses d’investissement de l’Etat et procè-
dent d’une volonté d’allègement des charges des autorités contractantes eu égard à la lenteur et le
grand formalisme des procédures de passation classiques.

Vu sous cet angle, les garanties minimales qui les accompagnent pourraient tempérer les risques
qu’elles génèrent si ces deniers sont bien utilisés et que les contrats sont attribués de façon transpa-
rente et efficace du point de vue financier. La revue a posteriori sur ces marchés réalisée par la struc-
ture administrative chargée du contrôle constitue aussi un levier permettant de s’assurer que ces
procédures servent l’objectif pour lequel elles ont été créées.1071

Il existe trois procédures simplifiées, auxquelles s’ajoute la procédure simplifiée relative aux marchés
de prestations intellectuelles. Il convient d’en exposer les grands traits avant de commenter leur
impact sur la liberté d’accès à la commande publique et la libre concurrence.

Nous donnons ci-après un aperçu de ces différentes procédures.

*Primo, la procédure simplifiée de demande de cotation (PSC)

Les autorités contractantes peuvent y recourir pour les marchés dont la dotation budgétaire
n’excède pas 30 Millions de francs CFA. Elle se matérialise par une demande de cotation directe au-
près de trois opérateurs dont le nombre peut être ramené à deux avec l’autorisation de la structure
administrative chargée du contrôle des marchés publics. Ceux-ci sont invités à présenter des factures
pro-forma ou des devis. L’invitation de ces opérateurs se fait par le moyen d’un formulaire de de-
mande de cotation élaboré par la structure administrative de contrôle. L’attribution du marché se
fait par la comparaison de ces factures ou devis en tenant compte des termes de références établis
par l’autorité contractante. Elle peut prendre deux formes selon le montant du marché. S’il est infé-
rieur à 10 Millions de francs CFA, le responsable de la structure contractante procède à la comparai-
son de trois factures pro formats et décide de l’attributaire du marché. Pour les marchés dont le
montant se situe entre 10 Millions de Francs CFA et 30 Millions de francs CFA, l’autorité contractante

1070
Voir audit de l’ANRMP de 2018 Op. Cit. P 9 qui pointe « le risque de fractionnement élevé des marches pas-
sés en procédure simplifiée de demande de cotation sans implication de la cellule de passation et numérotation
en tant que marché public.»
1071
Voir art 14 de l’arrêté 112 du 08 mars 2016 sur les procédures concurrentielles simplifiées qui prévoit les
modalités d’exercice de ce contrôle a posteriori.
424

met en place un comité de sélection dont la composition est fixée par l’arrêté1072. C’est à ce comité
qu’il revient la charge de choisir l’offre conforme la moins-disante. Les commandes découlant de la
PSC ne font pas l’objet de contrat formel et leur règlement est mis en œuvre par une simple facture
ou un mémoire.

*Deuzio, la procédure simplifiée à compétition limitée (PSL)

Elle concerne les dépenses portant sur une dotation d’au moins 30 Millions de francs CFA et infé-
rieure à 60 millions de francs CFA. Elle se matérialise par une consultation d’au moins cinq (5) entre-
preneurs, fournisseurs ou prestataires, sollicités de manière simultanée, par le moyen d’un formu-
laire type de consultation conçu par la structure administrative chargée du contrôle. Elle diffère de la
PSC en ce sens que la version finale de ce dossier de consultation devra être contrôlé et validé par la
cellule de passation des marchés publics de l’autorité contractante. De plus, le jugement de marché
se fait par une commission d’ouverture des plis et d’évaluation des offres dont la composition est
déterminée dans l’arrêté1073. La commission ne peut siéger que si au moins trois de ses membres
sont présents. L’évaluation des offres doit intervenir dans un délai de cinq jours à compter de
l’ouverture des plis. Elle est sanctionnée par l’établissement d’un procès-verbal d’attribution.
L’autorité contractante doit informer les soumissionnaires de l’issue de la consultation et mettre à
leur disposition un rapport synthétique des résultats de la consultation. Celui-ci doit indiquer le ou
les attributaires, les motifs ayant guidés le choix ou le rejet des offres. Contrairement aux marchés de
la PSC, les marchés passés en PSL font l’objet de contrats édictés sur la base d’un modèle-type et
approuvés par le responsable de la structure contractante ou la personne à qui il délègue cette com-
pétence.

Il convient de préciser in fine que la PSL peut être passée sur le mode dérogatoire comme un marché
de gré à gré dans les circonstances prévues par l’arrêté. Elles sont semblables à celles prévus pour les
grés à grés dans les cas des marchés publics classiques. Le recours à ce mode doit être motivé et est
soumis à l’avis de la structure administrative chargée du contrôle des marchés publics.

*Tertio, la procédure simplifiée à compétition ouverte (PSO)1074

1072
« Un représentant de l’autorité contractante (président) ; un représentant du service utilisateur (rappor-
teur) ; un représentant du service technique, le cas échéant (membre) ; un représentant du maître d’œuvre s’il
existe. Dans ce cas, il assure la fonction de rapporteur » Voir art 7 de l’arrêté
1073
« Un représentant de l’autorité contractante (président de la commission), un représentant du service utili-
sateur, un représentant du service technique, un représentant du maître d’œuvre s’il existe, un représentant de
l’organe chargé du contrôle de la régularité de la dépense placé auprès de l’autorité contractante (contrôle
financier, contrôleur budgétaire ou assimilé pour les autres assujettis) » voir art 8 de l’arrêté
1074
Art 9 de l’arrêté.
425

Elle concerne les marchés dont la dotation supportant la dépense est d’au moins 60 millions de
francs CFA et inférieure à 100 millions de francs CFA. Dans le cas de ces marchés, il est prévu que les
autorités contractantes peuvent recourir si elles le souhaitent à la procédure d’appel d’offres prévue
au code des marchés publics. D’ailleurs les marchés passés en PSO empruntent quelques modes
communs à la procédure d’appel d’offre, avec des variations adaptées à la nature de la procédure
simplifiée. Ainsi, l’autorité contractante doit élaborer un dossier de consultation suivant un modèle-
type, qu’il soumet ensuite à la validation de la cellule de passation des marchés publics. Après, elle
publie un avis d’appel à la concurrence au bulletin des marchés publics et dans un autre canal de son
choix. Cette publication doit respecter un délai de 15 jours avant l’ouverture des plis. A l’instar des
deux précédentes procédures simplifiées, une commission d’ouverture des plis procède à
l’évaluation des offres. Sa composition est déterminée par l’arrêté1075.

Les marchés passés en PSL font l’objet de contrats sur la base d’un modèle type et sont approuvés
par le responsable de la structure contractante ou la personne à qui il délègue cette compétence.

Il convient de préciser in fine que la PSL peut être passée sur le mode dérogatoire comme un marché
de gré à gré dans les conditions prévues par l’arrêté. Elles sont semblables à celles prévues pour les
marchés passés par par entente directe, dans les cas des marchés publics classiques. Dans le même
sens, la PSL peut prendre la forme d’une procédure restreinte par consultation de cinq « opérateurs
spécialisés dans le domaine concerné » lorsque les besoins à satisfaire exigent une technicité particu-
lière ou d’autres critères auxquels peu de candidats sont capables de répondre. Le recours à ces
modes doit être motivé et est soumis à l’avis de la structure administrative chargée du contrôle des
marchés publics.

Eu égard à la publication dans le BOMP d’un avis d’appel à la concurrence, malgré le raccourcisse-
ment de ce délai de publication, la PSO donne plus de possibilités aux opérateurs économiques
d’accéder à la commande publique.

*Quarto, la procédure simplifiée dans le cadre des marchés de prestations intellectuelles

Les marchés de cette nature passés en procédure simplifiée se fondent sur l’établissement d’une liste
restreinte de cinq candidats, s’agissant des cabinets, ou par la comparaison de trois curricula vitae,
pour les consultants individuels. Ceux-ci sont présélectionnés soit sur la base d’un avis à manifesta-
tion d’intérêt publié dans le bulletin officiel des marchés publics pendant 10 jours soit via une liste

1075
« Un représentant de l’autorité contractante, président ; un représentant du service utilisateur, rapporteur ;
un représentant du service technique, le cas échéant, membre ; un représentant du maître d’œuvre, s’il existe,
dans ce cas, il assure la fonction de rapporteur ; un représentant de l’organe chargé du contrôle de la régularité
placé auprès de l’autorité contractante (contrôle financier, contrôleur budgétaire ou assimilé pour les autres
assujettis) », voir art 9 idem.
426

restreinte élaborée par l’autorité contractante. Celle-ci sera soumise à l’autorisation préalable de la
structure administrative chargée du contrôle.

Les marchés d’un montant inférieur à trente millions de francs CFA peuvent donner lieu au recours à
un consultant individuel recruté par la comparaison de trois CVs. La compétence et l’expérience de
ceux-ci dans le domaine considéré sont les éléments pris en compte pour le choix de leur candida-
ture. Ensuite, les termes de références élaborés par l’autorité contractante et validés par sa cellule
de passation des marchés publics permettront d’analyser les offres et d’attribuer le marché à l’un
deux.

In fine, les procédures simplifiées, bien qu’encadrées et offrant des garanties, comportent quelques
risques de dévoiement des principes du libre accès à la commande publique et de la concurrence.
Cette réalité témoigne du besoin d’équilibre entre ces principes et les nécessités de célérité et de
mise en œuvre des projets de l’Etat. Ce besoin d’équilibre se manifeste également dans les con-
trastes observés dans la transposition des règles de la réforme de l’UEMOA en ce qui concerne
l’intégration économique communautaire. Celles-ci font partie de la matérialisation des principes du
libre accès à la commande publique et de l’égalité de traitement entre les candidats, dans les objec-
tifs de l’intégration économique au sein de l’UEMOA.

Paragraphe 4- Une mise en œuvre nationale renforcée mais imparfaite des règles commu-
nautaires favorisant le marché commun

L’intégration économique et la création d’un marché commun font partie des objectifs phares de
l’UEMOA1076. Aussi bien dans ses actes fondateurs que dans le droit dérivé, l’union met en œuvre des
règles qui visent à la réalisation de ses objectifs tels qu’affirmés par l’article 4 du traité. Il est complé-
té par son article 76 qui consacre certaines libertés. Il s’agit notamment de la liberté de circulation
des personnes, d’établissement et de prestations de services et la liberté de mouvement de capitaux.
En sus, l’article 93 prévoit que « les ressortissants d’un état membre puissent fournir des prestations
de services dans un autre état membre dans les mêmes conditions que cet état reconnaît à ses
propres ressortissants. Dans les directives 04 et 05 de l’UEMOA relatifs aux marchés publics, les
règles qui œuvrent directement à la mise en œuvre de la libre circulation des capitaux et la libre
prestation de services des ressortissants entre états membres, sont le principe de la reconnaissance
mutuelle et la règle de la préférence communautaire. Ces deux règles qui se veulent des moyens de

1076
Voir dans cette thèse, pour plus de détails sur les articles du traité relatifs aux objectifs et règles promou-
vant l’intégration économique et la réalisation du marché commun de l’UEMOA (détaillées dans le titre 1 de
cette partie)
427

faire des marchés publics un élément central de l’intégration économique communautaire se trou-
vent respectivement dans les articles 2 et 62 de la directive 04.

 le principe de la reconnaissance mutuelle dans le système des marchés publics ivoirien

Comme nous l’avions déjà expliqué (pour plus de détails, voir les pages 358 et s.), la reconnaissance
mutuelle vise à reconnaître directement, sans aucune autre formalité, les pièces de nature adminis-
trative afférentes à l’analyse de l’offre, produites dans un autre état de l’UEMOA. Cela permet
d’éviter les discriminations entre les candidats communautaires et de lever les barrières administra-
tives. Il s’agit également d’interdire « toute mesure ou disposition fondée sur la nationalité des candi-
dats de nature à constituer une discrimination à l’encontre des ressortissants des états membres de
l’UEMOA ». A cet égard, la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de traitement des
candidats s’exprime dans sa coloration communautaire à travers la matérialisation de la règle de la
reconnaissance mutuelle.

Dans le système des marchés publics ivoiriens, la reconnaissance mutuelle fait partie des principes
fondamentaux de l’article 8 du code des marchés publics de 2019. Sa seule formulation au titre de
principes fondamentaux de la commande publique témoigne de son importance et de son impact sur
toutes les dispositions du code. Elle s’exprime également par l’admission, à concurrence des normes
nationales dans le dossier particulier d’appel d’offres, des agréments, normes techniques ou spécifi-
cations homologuées au niveau communautaire1077.

 La transposition perfectible de la règle de la préférence communautaire

La règle de la préférence communautaire implique qu’une marge de préférence soit accordée aux
offres présentées par toute entreprise communautaire lors de l’évaluation des offres. Cette marge de
préférence ne doit pas excéder 15% du montant de l’offre1078. Au regard de l’article 26 de la directive
O4, cette préférence peut être cumulée avec une autre préférence de 5% dans le cadre de la sous-
traitance, lorsqu’une entreprise sous-traite au moins 30% de la valeur globale du marché à une en-
treprise de l’état membre de l’UEMOA dans lequel le marché est exécuté1079.

En Côte d’Ivoire, la préférence communautaire est mentionnée dans le code des marchés publics
comme la seule exception au principe fondamental de l’interdiction de toute discrimination fondée
sur la nationalité des candidats1080. Cela témoigne de son importance dans le système et de sa trans-

1077
Art 21.2 du code des marchés publics de 2019.
1078
Art 62 de la directive 04
1079
Cette préférence de 5% ne concerne que les marchés des collectivités locales et leurs établissements pu-
blics.
1080
Voir art 8 du code de 2019
428

position effective conforme à la valeur que le législateur de l’UEMOA a voulu lui donner. Concrète-
ment, L’article 73.1 du code des marchés publics ivoirien prévoit qu’une marge de préférence de 15%
puisse être accordée à toute entreprise communautaire soumissionnaire à plusieurs conditions : son
offre doit être conforme aux spécifications du DAO, être d’un montant supérieur à l’offre évaluée la
plus avantageuse d’un soumissionnaire n’ayant pas la qualité d’une entreprise communautaire. Le
code prévoit que cette marge de préférence ne doit pas excéder 15% du montant de l’offre évaluée
économiquement la plus avantageuse.

Bien que prévue, il semble que l’octroi de cette marge de préférence dans le droit ivoirien soit facul-
tatif, car l’art 71 dispose qu’elle « peut » être accordé. Cela diffère de la formulation impérative de
l’art 62 de la directive 04 qui prévoit qu’une préférence « doit être attribuée à l’offre présentée par
une entreprise communautaire ». De ce point de vue, il apparaît que la formulation de la préférence
communautaire dans le code ivoirien n’est pas conforme à la directive de l’UEMOA et le but poursui-
vi par l’instauration obligatoire de ladite préférence dans ledit texte. De plus, la directive 04 dispose
que « cette préférence communautaire remplace les préférences nationales existant dans les états
membres »1081. Une telle formulation renseigne sur la volonté du législateur de l’UEMOA de la rendre
systématique afin d’en maximiser les effets. En ce sens, l’harmonisation des droits des marchés pu-
blics des états membres par la suppression des préférences nationales est vue comme une condition
pour parvenir à la réalisation des objectifs de l’intégration économico-sociale communautaire.

Vu sous cet angle, il apparaît de nouveau que le code ivoirien de 2019 ne s’inscrit pas encore complè-
tement dans cette logique. De fait, il prévoit de nombreuses préférences nationales, impératives
pour certaines qui rentrent en concurrence directe avec la préférence communautaire qui est op-
tionnelle. Il s’agit notamment de la préférence nationale de 15% devant être accordée à « toute
offre » (sans distinction d’origine) présentée par une entreprise qui confie à une PME locale « une
part significative du marché »1082. Notre commentaire ne vise pas la pertinence de cette préférence
car elle profite aux PME et à l’économie locale. Toutefois, force est de constater qu’elle prime sur la
préférence communautaire de l’UEMOA à cause de son caractère impératif. De plus les deux préfé-
rences n’étant pas cumulable1083, lorsque la préférence nationale basée sur la dévolution d’une part
significative du marché à une PME ivoirienne sera appliquée, la préférence communautaire de
l’UEMOA s’effacera. Or, la première s’étend à toutes entreprises, y compris celles non communau-
taires. De ce point de vue, si elle est plus fréquemment mise en œuvre, l’objectif d’intégration com-

1081
Art 62
1082
Cela vaut également pour les offres qui impliquent l’utilisation d’un nombre important d’experts nationaux.
Voir Art 73.2 du code de 2019 ;
1083
Idem.
429

munautaire sous-tendant la mise en place de la préférence communautaire se trouvera fragilisée,


ipso facto.

Pour pallier cette situation, nous pensons que le code ivoirien pourrait communautariser la préfé-
rence du fait des PME afin qu’elle profite à toutes les PME communautaires. Dans ce cas de figure,
son bénéfice vaudrait Egalement/plutôt pour toute entreprise qui confierait (dans les mêmes condi-
tions prévues par le code à l’art 73.2) une part significative de son marché à une PME communau-
taire. Un tel cas de figure semblerait pourtant pénaliser les PME ivoiriennes puisque les soumission-
naires étrangers capables de remporter des marchés importants ne seraient pas enclins à s’allier
nécessairement à celles-ci, du fait qu’elles auraient le choix de s’allier avec toute autres entreprises
communautaires tout en bénéficiant de la marge de préférence de 15%. D’où il est primordial qu’il y
ait une véritable harmonisation des législations sous l’égide de l’UEMOA en matière de préférence
communautaire favorisant les PME dans les pays membres. Cela créera la réciprocité et supprimera
les biais supportés par un seul pays qui prendrait une telle mesure de communautarisation de cette
préférence.

Il est important d’apprécier la portée de notre proposition ci-dessus en gardant en ligne de mire les
objectifs d’intégration économique et de développement sous-régional. La préférence communau-
taire principale prévue dans la directive s’applique au bénéfice des entreprises communautaires1084.
Mais cette notion d’entreprise communautaire n’est pas explicitée dans la directive. On peut déduire
qu’elle suppose au moins que ces entreprises aient leur siège dans un état membre de l’UEMOA,
voire une succursale enregistrée dans un pays membre. Néanmoins, il est connu que les pratiques
actuelles au niveau commercial ne garantissent pas nécessairement dans ces cas que les ressources
financières et les bénéfices obtenus par une entreprise installée dans un pays en développement
restent dans celui-ci. De même pour le personnel expert impliqué dans les projets, il n’est pas forcé-
ment choisi dans ce pays par les entreprises qui s’y installent.

En ce sens, la préférence orientée vers les PME, telle que codifiée dans le système ivoirien, serait plus
efficace que celle prévue actuellement dans la directive de l’UEMOA. En général, les PME de la zone
UEMOA n’auront pas forcément les moyens financiers et techniques de remporter les appels d’offres
portant sur les marchés d’une valeur importante. Ceux-ci échoient plus souvent aux grandes entre-
prises étrangères. Ces scénarii rendent inopérant dans ce cas précis la préférence communautaire
actuelle dans le cas de ces marchés, en dépit de la marge de 15% car il doit s’agir d’une offre « pré-

1084
La seconde étant d’une valeur plus faible (5%) et ne concernant que les marchés des collectivités locales et
leurs établissements, seulement en cas de sous-traitance (art 26 de la directive 04) Op. Cit.
430

sentée par une entreprise communautaire »1085. De surcroît, en dépit d’une offre semblable, rien ne
garantit que l’entreprise communautaire ne soit pas une entreprise dirigée par des capitaux étran-
gers et dont les bénéfices et le savoir-faire ne profiteront pas à la croissance économique et à
l’évolution du savoir dans un état membre. Dans cette hypothèse, on peut constater l’inefficacité de
la règle vis-à-vis de l’objectif recherché.

Partant, en systématisant au niveau communautaire, le schéma de préférences basé sur l’implication


significative des PME et des experts nationaux, tel que promu par le code ivoirien (par le truchement
d’une harmonisation au niveau communautaire), l’intégration sous-régionale, le développement
humain et économique à travers les marchés publics de la zone UEMOA s’en trouveront plus renfor-
cées. Les PME sont en général plus ancrées localement au niveau financier et des ressources hu-
maines. Ce schéma de préférence basé sur la dévolution d’une part significative du marché à une
PME devrait être complété par une préférence communautaire semblable (à l’instar de l’exemple
ivoirien) basée sur l’embauche ou la valorisation par l’implication d’un nombre significatif d’experts
d’origine communautaire dans l’offre.

En outre, on peut préciser que le code ivoirien prévoit une marge de préférence de 5% cumulable
avec la préférence communautaire dans le cas de la sous-traitance d’au moins 30% du marché à un
artisan ou une entreprise artisanale de l’état membre où il est exécuté1086. Cette marge de préfé-
rence se limite aux marchés des collectivités territoriales et leurs établissements publics conformé-
ment à l’art 26 de la directive 04. Toutefois, on note ici, une différence entre les dispositions de la
directive et le code des marchés publics ivoiriens et la directive de l’UEMOA qui ne prévoit pas que
cette préférence cumulable avec la première soit uniquement réservée à l’implication d’entreprises
artisanales ou aux artisans.

Enfin, le code des marchés publics ivoirien comporte une préférence singulière de portée commu-
nautaire qui n’est pas prévue par la directive de l’UEMOA. Son article 73.4 instaure une préférence
communautaire obligatoire de 5% au bénéfice d’une offre présentée par un artisan ou une entreprise
artisanale ayant une base fixe ou un établissement stable dans l’espace UEMOA. Celle-ci est cumu-
lable avec le taux de préférence communautaire de l’article 73.1 du code (prévu par la directive).

On note par comparaison au code des marchés publics de 2009, que les autorités ivoiriennes ont
encadré et favorisé les préférences au profit des PME et des entreprises artisanales en vue de dyna-
miser l’économie nationale. Il en va de même de l’encouragement de l’expertise nationale à travers
les marchés publics. Cette prise en compte de l’importance du savoir et le renforcement des acteurs

1085
Art 62 de la directive 04.
1086
Art 73.3 du code des marchés publics de 2019.
431

économiques et sociaux nationaux et locaux à travers les marchés publics est une approche salutaire
pour le développement économique et humain à long terme. Comme nous l’avons souligné dans la
première partie de cette réflexion relativement à une interprétation de la notion d’efficacité des MPI,
celle-ci doit nécessairement tenir compte du développement durable et de la compétitivité, à long-
terme, des pays bénéficiaires des financements sur les marchés mondiaux. Enfin, il faut rappeler que
ces préférences plus favorables, à l’instar de la préférence communautaire ne s’appliquent pas lors-
qu’il s’agit de marchés sur financements extérieurs qui sont soumis aux règles des institutions de
financement. Eu égard à la valeur monétaire et le volume de projets couverts par ces marchés, ceci
constitue une faiblesse évidente qui peut être corrigée.
432

Conclusion du chapitre 1

En ce qui concerne la transposition des directives de l’UEMOA dans le système des marchés publics
ivoiriens, nous avons mis en exergue la dynamique progressive qui a été celle des autorités ivoi-
riennes depuis l'entrée en vigueur desdits textes d’harmonisation. Ceci s’est matérialisé à travers la
mise en œuvre des éléments concrets de la procédure de passation permettant de prendre en
compte les principes phares de la commande publique. En regardant de près les modifications régu-
lières opérées par la voie réglementaire et le nouveau code en vigueur depuis 2019, il est clair que
les autorités ivoiriennes ont en parallèle de la directive de l’UEMOA, à cœur de prendre en compte
dans leurs réformes, les standards et les correctifs suggérés par les évaluations, des institutions mul-
tilatérales dans la gestion des procédures. Elles tiennent donc compte des évaluations régulières
faites par les outils de la Banque Mondiale (CPAR) et de l’OCDE (MAPS). Le système des marchés
publics ivoirien reste perfectible du point de vue de son adéquation complète avec les bonnes pra-
tiques internationales, comme en témoignent certains facteurs comme le taux élevé des marchés de
gré-à-gré et la multiplication des procédures exceptionnelles. Toutefois, cela révèle son besoin d’une
certaine dose de flexibilité adaptée aux réalités politiques et économique du pays. Par ailleurs, les
différents aspects spécifiques liés aux critères de préférences dans les textes ivoiriens font ressortir
les besoins spécifiques liés au développement de l’industrie et l’économie locale. Leur articulation et
mise en œuvre dans les marchés financés par les institutions de financement doit être admise, ren-
forcée et systématique. Les modalités de mise en œuvre des préférences dans le système ivoirien
des marchés publics reflètent également les défis demeurant quant au renforcement de la construc-
tion communautaire du marché commun de l’UEMOA à travers les marchés publics.

L’autre pan important de la réforme sur lequel ont insisté les acteurs internationaux du financement
et d’autres parties prenantes, est la transformation du cadre institutionnel du système des marchés
publics. A ce titre, dans le chapitre qui suit, nous analyserons comment les dispositions des directives
de l’UEMOA ont été mises en œuvre en Côte d’Ivoire.
433

Chapitre 2

La transformation du cadre institutionnel au regard des exigences


des directives de l’UEMOA et des standards internationaux

L’article 3 de la directive 05 prévoit que « Les états membres s’engagent à mettre en œuvre des pro-
cédures et mécanismes garantissant la séparation et l’indépendance des fonctions de contrôle et de
régulation des marchés publics et des délégations de service public ». A ce titre, d’après l’art 4 de la
même directive, ils doivent mettre en place des organes susceptibles d’assurer ces fonctions. En
2011, une réunion de l’observatoire régional des marchés publics constatait que les États de
l’UEMOA avaient transposé la directive, notamment en ce qui concerne la mise en place des struc-
tures de contrôles et de régulation1087. Pourtant, l’efficacité de ces institutions a régulièrement été
remise en cause, en ce sens que les missions qui leurs étaient dévolues par les textes nationaux ne
respectaient pas les objectifs de la directive.

Ainsi, la question de l’amélioration du cadre institutionnel s’est régulièrement posée en Côte


d’Ivoire. Bien avant les réformes et même après l’entrée en vigueur des directives de l’UEMOA et du
code de 2009 qui les transposaient, la Côte d’Ivoire a été régulièrement critiquée du fait de
l’inadéquation de son cadre institutionnel avec les directives et les standards internationaux. De
telles critiques ont été formulées aussi bien par les organes de l’UEMOA chargés de la supervision de
la mise en œuvre de la réforme que par les institutions multilatérales de financement et les méca-
nismes internationaux d’évauation, notamment ceux de la Banque Mondiale et la BAD1088. La plupart
des critiques se concentraient autour de la confusion entre les fonctions de passation, de contrôle
(entendues comme la supervision du processus de passation de marchés et la tâche consistant à
s’assurer que les règles sont respectées) et de régulation (incluant le règlement des différends).
L’État ivoirien s’emploie continuellement à apporter des solutions et des correctifs afin de se con-
former aux directives et aux standards internationaux, comme le démontre la réforme actée par le
code des marchés publics 2019.

Son titre II (articles 11 à 18) porte sur le cadre institutionnel. Il mentionne les différentes institutions
et parties prenantes, de même que leurs attributions et leurs organisations minimales. Il renvoie
également aux textes réglementaires devant préciser en détails ces organisations et attributions le

1087
Voir Rapport Final, 7ème réunion de l’observatoire régional des marchés publics de l’espace UEMOA tenue à
Lomé du 28 novembre au 02 décembre 2011. Op. Cit. p 4
1088
Voir par exemple : BAD, Document de stratégie pays (DSP 2018-2022) combiné avec la revue de la perfor-
mance du portefeuille pays 2018, septembre 2018, p4.
434

cas échéant. On note d’emblée une différence avec le cadre juridique instauré par le code de 2009,
en ce sens qu’il y a sur le fond un enrichissement du cadre institutionnel par l’ajout de nouvelles enti-
tés et/ou la réorganisation de certaines institutions et de leurs prérogatives. Sur la forme, le code de
2019 regroupe au sein d’un même titre les questions institutionnelles. Ce qui les rend plus simples à
appréhender et permet de mettre en exergue l’esprit qui guide leur organisation, les rapports fonc-
tionnels, hiérarchiques et de complémentarité qui les unissent.

Ainsi, on peut noter que le cadre institutionnel a évolué depuis l’entrée en vigueur de la directive au
fil des nombreux textes qui l’ont transposée. Il a régulièrement été repensé et enrichi du point de
vue des organes menant le processus de passation stricto-sensu (section 1), mais également du point
de vue du cadre général des autorités en charge du contrôle et de la régulation du système de passa-
tion des marchés (section 2). Il serait intéressant de s’arrêter sur ces diverses organisations et entités
pour déceler l’évolution et l’adaptation qui y ont eu cours. De même, nous nous interrogerons pen-
dant cette analyse sur l’adéquation du cadre actuel avec les directives et les standards internatio-
naux.

Section 1- L’enrichissement des organes menant le processus de passation

Les organes menant le processus de passation sont une partie importante du cadre institutionnel. Ce
sont elles qui constituent la face probante de la mise en œuvre des règles et principes en matière de
transparence de la procédure, de l’égalité des soumissionnaires et en ce qui concerne le respect des
principes fondateurs des marchés publics. Naturellement, elles jouent ce rôle avec les institutions de
régulation et de contrôle ; chaque partie prenante détient une des pièces permettant au système de
fonctionner efficacement. Aussi, leur organisation et leur fonctionnement, de même que la probité
des personnes qui sont chargées de ces fonctions sont d’une importance capitale. Conscientes de ces
enjeux et désireuses de renforcer leur efficacité, les autorités ivoiriennes s’efforcent de les rendre
conforme aux directives et standards internationaux. Elles n’ont eu de cesse d’analyser leur efficacité
et de les faire évoluer. Le cadre des organes impliqués dans la passation se compose de diverses enti-
tés qui pivotent autour des autorités contractantes dans leur rôle d’organisation et d’attribution des
marchés.

Avant le code de 2019, on note que les organes de passation étaient : les autorités contractantes
(AC) ou le maître d’ouvrage (le cas échéant) ; ceux-ci pouvant être accompagnés par le maître
d’ouvrage délégué et/ou le maître d’œuvre ; la cellule de passation des marchés publics qui est ins-
taurée au sein de l’AC ; la commission d’ouverture des plis et de jugement des offres instaurée au
435

sein de chaque autorité contractante. A côté de l’autorité contractante, se trouvait l’autorité appro-
batrice du marché qui valide ou invalide le processus de passation. Quant au code de 2019, il ren-
force ces organes de passation en introduisant deux nouveautés : la personne responsable des mar-
chés publics et le comité d’évaluation des offres. Il précise également les rôles et attributions de ces
entités en prenant en compte l’impératif de se conformer aux standards internationaux.

Paragraphe 1- La détermination des autorités contractantes conforme aux directives et


standards internationaux

Les autorités contractantes sont les premières entités concernées par le processus de passation. Ce
sont elles qui conduisent la détermination des besoins et la conduite de la passation du marché. Elles
sont déterminées par les articles 4, 5, 6 et 7 de la directive 04 de l’UEMOA. On peut les classer en
différentes catégories. Il y a des autorités contractantes personnes morales de droit public1089, des
autorités contractantes personnes morales de droit privé1090, certaines personnes morales bénéfi-
ciant de droits spéciaux ou exclusifs1091 les menant à exercer une activité de service public, des coor-
dinations, groupements et centrales d’achat1092 .

Dans le code des marchés publics ivoiriens, on note que les autorités contractantes sont les mêmes
que celles énoncées par les directives. Néanmoins, concernant les marchés passés par des personnes
morales de droit privé bénéficiant d’une délégation de service public, le code ne mentionne que les
marchés de celles bénéficiant de concours financiers ou de la garantie de l’État. Il omet l’hypothèse
des délégations de services publics. De fait, le cadre juridique général de ceux-ci n’est plus déterminé

1089
Article 4 « Les dispositions de la présente Directive s’appliquent aux marchés publics et délégations de ser-
vice public conclus par l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, les agences et organismes,
personnes morales de droit public bénéficiant du concours financier ou de la garantie de l’État, les sociétés
d’État, les sociétés à participation financière publique majoritaire et les associations formées par une ou plu-
sieurs de ces personnes morales de droit public. »
1090
Article 5 « Les dispositions de la présente Directive s’appliquent : a) aux marchés et délégations de service
public passés par les personnes morales de droit privé agissant pour le compte de l’État, d’une collectivité terri-
toriale, d’une personne morale de droit public, d’une société d’État, d’une société à participation financière
publique majoritaire, ou d’une association formée par une ou plusieurs de ces personnes morales de droit public
; b) aux marchés et délégations de service public passés par des personnes de droit privé, ou des sociétés
d’économie mixte, lorsque ces marchés bénéficient du concours financier ou de la garantie de l’État ou d’une
des personnes morales de droit public mentionnées à l’article 4 de la présente Directive. »
1091
Article 7 « Lorsqu'une autorité contractante octroie à une autre entité des droits spéciaux ou exclusifs
d'exercer une activité de service public, l'acte par lequel ce droit est octroyé prévoit que l'entité concernée doit,
pour les marchés publics qu'elle passe avec des tiers dans le cadre de cette activité, respecter les dispositions de
la présente Directive. »
1092
Article 7 « Les dispositions de la présente Directive s’appliquent aux marchés passés dans le cadre d’une
coordination ou d’un groupement de commandes, ou par une centrale d’achat qui acquiert des fournitures
et/ou des services destinés à des autorités contractantes, ou conclut des accords-cadres de travaux, de fourni-
tures ou de services destinés à des autorités contractantes »
436

par le code des marchés publics, à la différence de ce que prévoyait le code de 20091093. On peut
noter ici que le code ivoirien est conforme aux directives et aux standards internationaux car il prend
en compte les différentes catégories de pouvoirs adjudicateurs. En guise de référence, il est notable
qu’il correspond aux critères de l’indicateur du MAPS en ce qui concerne les entités adjudica-
trices.1094

Paragraphe 2 - La clarification du statut des maîtres d’ouvrages, des maîtres d’ouvrages


délégués et des maîtres d’œuvres

Le maître d’ouvrage est la personne morale qui est le propriétaire final de l’ouvrage, des fournitures
ou de l’équipement technique, objet du marché1095. Quant au maître d’ouvrage délégué, il corres-
pond au délégataire du maître d’ouvrage que celui-ci choisit pour exécuter sa mission. Il peut être
chargé d’exécuter partiellement ou en totalité la mission du maître d’ouvrage pour le compte de ce
dernier. A ce titre, l’article 15.2 du code des marchés publics en vigueur définit les missions du maître
d’ouvrage délégué. Il s’agit de celles qui incombent habituellement à l’autorité contractante ou au
maître d’ouvrage1096. Les rapports entre ce dernier et le maître d’ouvrage délégué font l’objet d’une
convention de maîtrise d’ouvrage déléguée. Celle-ci doit obéir aux procédures applicables aux mar-
chés de prestations intellectuelles prévues dans le code1097. Ceci signifie que la sélection du maître
d’ouvrage délégué doit aussi faire l’objet d’une mise en concurrence.

En ce qui concerne le maître d’œuvre, sa prestation est de nature technique car il est choisi en raison
de ses compétences particulières dans le domaine du marché concerné. Elle consiste en une fonction
d’assistance et de conseil à l’autorité contractante ou au maître d’ouvrage sur tous les aspects du
marché, entre autres, la procédure de passation, sa direction, son suivi, le contrôle de son exécution.
Par exemple, il apporte des réponses, architecturales, techniques et économiques à la réalisation
d’un ouvrage ou à la fourniture d’équipements ou de services complexes1098. Le code prévoit que le
maître d’œuvre soit choisi en dehors des services du maître d’ouvrage ou de l’unité de gestion admi-
nistrative qu’il aura la charge d’assister. Néanmoins, dans des cas exceptionnels et sous réserve de
l’avis de la structure administrative en charge du contrôle des marchés publics, il peut être dérogé à

1093
Les DSP sont considérés comme des PPP au regard du décret N°358 du 29 mars 2018 relatifs aux contrats
de PPP ; dans le code de 2009 les marchés passés par des personnes privées morales de droit privé agissant
pour le compte de l’État étaient soumis au code (voir art. 2.3 du code de 2009) et n’étaient pas clairement
identifiés comme des PPP ;
1094
Voir indicateur 6 du MAPS : les entités adjudicatrices et leurs mandats sont clairement définis - critère (a)- :
« le cadre législatif et réglementaire doit préciser quelles institution(ou ensemble d’institutions) sont juridique-
ment qualifiées d’entités adjudicatrices »
1095
Voir la directive 04 pour cette définition ; voir article 1 du code des marchés publics de 2019
1096
Voir l’article 15.2 du code de 2019 pour un détail exhaustif des missions du maître d’ouvrage délégué.
1097
C’est également ce que prévoit la directive 04 dans ses articles 34 et 35
1098
Pour cet exemple et les missions exhaustives du maître d’œuvre, Voir article 15.4 du code de 2019
437

cette règle. Aussi, à l’instar du choix du maître d’ouvrage délégué, celui du maître d’œuvre doit obéir
à une sélection concurrentielle selon les modalités des marchés de prestations intellectuelles.

On ne trouve pas la notion de maître d’œuvre dans la directive de l’UEMOA mais l’approche adoptée
par le texte en ce qui concerne les prestations intellectuelles et la maîtrise d’ouvrage déléguée peut
s’appliquer mutatis mutandis.

Paragraphe 3- Les cellules de passation des marchés : une place stratégique mais un statut
fragile

Les directives 04 et 05 ne mentionnent pas les cellules de passation parmi les organes qui y sont
nommément cités. Toutefois, la directive est un texte d’orientation. Aussi, la création des cellules de
passation des marchés publics apparaît-elle comme une mise en œuvre de l’obligation incombant
aux États de mettre en place des organes de contrôle déconcentrés1099en plus de l’entité administra-
tive centrale de contrôle. On note que La mise en place effective des cellules de passation a été re-
commandée avec insistance et elles sont perçues comme un gage de l’efficacité du système des mar-
chés publics1100.

Le code des marchés publics de 2009 a prévu l’établissement d’une cellule de passation des marchés
publics au sein de chaque ministère ou entités assujetties au code des marchés publics1101. Cepen-
dant, leur installation effective n’a été amorcée qu’avec l’entrée en vigueur de l’arrêté N°325 du 23
mai 2014 portant composition et fonctionnement des cellules de passation des marchés publics.
Dans le code en vigueur de 2019, c’est l’article 13 qui prévoit la création des cellules de passation et
leur rôle. Leur composition et leur fonctionnement se trouve dans l’arrêté N° 325 du 23 mai 2014.
Celui-ci décrit la cellule de passation comme « un service technique rattaché au directeur de cabinet
du ministère technique ou au premier responsable de toute autre entité assujettie aux marchés pu-
blics, notamment les institutions, les collectivités territoriales, les sociétés d’État, les sociétés à parti-
cipation financière publique majoritaire et structures assimilées »1102.

1099
Voir article 4 de la directive 05
1100
Voir recommandations du résumé des audits de l’ANRMP, de 2013 p 16, et de 2018 pp7 et 25
1101
Art 42 du code de 2009.
1102
Art 2 de l’arrêté 325 du 23 mai 2014 portant composition et fonctionnement des cellules de passation des
marchés publics.
438

Quant au rôle assigné aux cellules de passation, d’une part, il est clair selon le code des marchés pu-
blics, qu’elles jouent un rôle de contrôle du respect de la législation au sein des entités auxquelles
elles appartiennent1103.

Aussi bien dans le code de 2009 que dans celui de 2019, on constate que le rôle des cellules de pas-
sation s’étend au-delà du contrôle des marchés publics. De fait, elles constituent un point d’ancrage
ayant pour mission d’assurer la qualité du processus de passation et d’exécution des marchés pu-
blics. Leurs fonctions en amont et en aval des procédures au sein des autorités contractantes renfor-
cent les bonnes pratiques auprès de ces dernières et complètent le rôle de la structure administra-
tive centrale de contrôle. En fait, la philosophie gouvernant la mise en place des cellules de passation
est qu’elles sont composées de personnes qui ont des compétences de haut niveau dans la connais-
sance de la réglementation et des pratiques dans les marchés publics. Aussi, l’article 4 de l’arrêté 325
du 23 mai 2014 précise que le responsable de la cellule de passation doit avoir des « connaissances
avérées en marchés publics ». Il est aidé par deux assistants placés sous sa supervision : l’un chargé
des tâches relatives à la passation des marchés publics et l’autre de celles ayant trait à l’approbation
et au suivi des marchés publics1104. Concrètement, la cellule de passation est chargée de préparer, de
planifier et de gérer le processus de passation et du suivi-évaluation des marchés publics1105. L’article
3 de l’arrêté N° 325 du 23 mai 2014 détermine précisément les tâches des cellules de passations des
marchés publics en vue de l’accomplissement de la mission précitée1106.

1103
Art 163 du code de 2009 « Au sein de chaque entité assujettie au code des marchés publics, la cellule de
passation des marchés doit s’assurer, de façon permanente, du respect rigoureux des dispositions légales et
réglementaires applicables aux marchés publics » ; article 3 de l’arrêté 325 du 23 mai 2014. Ibid.
1104
Voir art 6 et 7 de l’arrêté 325 du 23 mai 2014. Idem
1105
Voir art 42 du code de 2009, article 13 du code de 2019
1106
« - élaborer, en collaboration avec la direction des Affaires financières et les directions chargées des études,
de la planification et de la gestion budgétaire, un plan annuel de passation des marchés publics et le communi-
quer à la direction des marchés publics
- s’assurer de la disponibilité du financement et de la réservation des crédits destinés à financer les opérations
- coordonner l’élaboration des documents de passation des marchés (dossiers d’appels d’offres, demandes de
proposition, rapport d’évaluation des offres, procès-verbaux d’ouverture et de jugement des offres, marchés et
contrats) en collaboration avec les services techniques compétents, conformément aux dossiers types en vi-
gueur ;
- veiller au lancement des appels à la concurrence ;
- veiller au bon fonctionnement de la commission d’ouverture des plis et de jugement des offres ;
- examiner les demandes de procédures dérogatoires avant la transmission à la direction des marchés publics ;
- assurer le contrôle des dossiers d’approbation ;
- Faire le suivi de l’exécution des marchés publics et des conventions de délégation de service public ;
- rédiger les rapports sur la passation et l’état d’exécution des marchés et des conventions de délégation de
service public et les transmettre à la direction des marchés publics et aux ministères techniques ou aux autorités
auxquelles elles sont rattachées, ainsi qu’à l’autorité nationale de régulation des marchés publics ;
- renseigner et gérer le système d’informations des marchés publics »
439

En outre, il apparaît dans le code de 2019 que dans tous les cas où la cellule de passation fait partie
du comité de jugement des offres, c’est son responsable qui assure la présidence dudit comité1107.
Même si ceci n’a pas d’incidence sur le jugement des offres qui est fondé uniquement sur les critères
du DAO, cela met en exergue l’importance symbolique de la cellule de passation à ce stade.

Dans le même ordre d’idée, dans les procédures simplifiées (voir les pages 422 et s. pour une analyse
de ces procédures en rapport avec les directives de l’UEMOA), les cellules de passation jouent un rôle
phare. C’est le cas en matière de validation des PPM. De plus, elles sont, dans le cadre de la PSL et de
la PSO1108, les seules entités chargées du contrôle de la validité, vis-à-vis de la réglementation, des
dossiers de consultations dans le cadre de la passation. Enfin, ce sont également elles qui doivent
assurer la première étape du contrôle a posteriori des procédures simplifiées. De fait, elles ont la
charge de transmettre à la structure administrative chargée du contrôle les données relatives à la
consultation et aux résultats desdites procédures, de même que la collecte des données et la produc-
tion des statistiques pour le système des marchés publics. En définitive, ces procédures mettant en
jeu des montants significatifs, on peut mesurer l’importance d’avoir des cellules de passation in-
tègres, compétentes et efficaces pour le bon fonctionnement des marchés publics et la gestion opti-
male des deniers de l’État.

Pourtant, le statut de la cellule de passation suscite quelques interrogations. Il s’agit d’un organe qui
n’a pas d’indépendance propre en ce sens qu’il est placé sous l’autorité du directeur de cabinet du
ministère technique ou celle du premier responsable de l’entité assujettie au code des marchés pu-
blics. Or, au vu de son rôle prépondérant en matière de contrôle et de gestion des procédures, il
serait souhaitable qu’elle dispose d’une indépendance suffisante afin d’éviter tout conflit d’intérêt.
La nomination par arrêté du responsable de la cellule de passation suite à un appel à candidature et
le rôle de l’entité administrative en charge du contrôle dans le processus de sélection ne corrige pas
cette question de l’indépendance de la cellule de passation, car statutairement, elle fait partie inté-
grante de l’autorité contractante et tous ses membres restent sous l’autorité hiérarchique de la per-
sonne responsable de la passation des marchés de ladite autorité. Cette absence d’indépendance est
notamment problématique dans le cadre des procédures simplifiées où la totalité du contrôle a priori
est dévolue à la cellule de passation des marchés publics1109.

1107
Voir art 14 du code des marchés publics de 2019
1108
C’est l’entité administrative de contrôle qui joue ce rôle en dernier ressort dans les procédures formelles de
passation de marchés. Voir pour la PSL et la PSO, les articles 8 et 9 de l’arrêté 112 du 08 mars 2016 portant
procédures concurrentielles simplifiées.
1109
Exception faite de l’autorisation accordée en cas de marché restreint ou de gré à gré qui incombe à l’entité
administrative de contrôle. (art 11 de l’arrêté 112 du 08 mars 2016) Idem.
440

Paragraphe 4- La mise en conformité de La commission d’ouverture et de jugement des


offres (COJO)

L’institution de la COJO est prévue par la directive 04 en son article 13. Son rôle est d’ouvrir les plis
et de désigner les attributaires provisoires des marchés. La directive précise que les réglementations
nationales en déterminent la composition en respectant les principes qui sont énoncées par ladite
directive.

La COJO joue un rôle prépondérant dans la procédure de passation car c’est sur elle que pèse une
grande partie des obligations de transparence et de traitement équitable des soumissionnaires dans
la mise en œuvre de la procédure d’appel d’offre. Dans ce sens, son fonctionnement, de même que
sa constitution sont un enjeu de taille.

En Côte d’Ivoire, il convient de rappeler que la composition de la COJO diffère selon la nature de
l’autorité contractante1110. Qui plus est, le code prévoit que « dans des cas particuliers, il peut être
créé une commission spéciale pour la gestion d’opérations spécifiques », après l’avis de la structure
administrative chargée du contrôle1111. Dans tous les cas, le représentant du maître d’œuvre, s’il
existe, doit participer à la COJO avec une voix consultative1112. De même, si un organisme apporte un
concours financier à l’opération qui est l’objet de l’appel d’offres, son représentant peut assister aux
séances en qualité d’observateur1113.

L’idée constante à toutes ces dispositions est de respecter une composition de la COJO qui soit assez
hétéroclite, adaptée au contexte de l’autorité contractante et de la complexité du marché afin de
favoriser le débat, le professionnalisme et l’équité dans le jugement des offres.

De ce point de vue, le rôle central de la COJO est sûrement la raison pour laquelle elle fait l’objet
d’une attention particulière de la part des scrutateurs des marchés publics1114. A ce titre, quelques
critiques ont été formulées au sujet du système ivoirien, sur sa composition et son adéquation avec
les directives de l’UEMOA. Ainsi, on a longtemps critiqué la présence de l’entité administrative de
contrôle dans certaines COJO telles qu’instituées dans le code des marchés publics 2009. Cette pré-
sence faisait d’elle un juge et une partie à la fois. Le code de 2019 a rectifié cette situation1115. Il en

1110
Pour la composition exacte de la COJO, voir l’art 14 du code des marchés publics en vigueur de 2019
1111
Art 14.1.6 idem
1112
Art 14.2.3 idem
1113
Art 14.3.2 idem
1114
Voir par exemple, le rapport de la BAD : COTE D’IVOIRE document de stratégie pays (DSP 2018- 2022) com-
biné avec la revue de la performance du portefeuille pays 2018, septembre 2018, notamment l’annexe 7. Op.
Cit. ; Rapport d’audit ANRMP 2012 pour la gestion budgétaire 2011, Op. Cit.
1115
Voir les différences dans la composition de la COJO dans l’article 43 du code des marchés publics de 2009 et
dans l’article 14 du code en vigueur de 2019.
441

allait de même de la présence du préfet dans la COJO (par le biais de son représentant)1116, alors qu’il
avait également la charge d’approuver ces marchés après leur attribution1117 et que la résiliation1118
ne pouvait intervenir que de son fait. A l’instar du cas de la structure administrative chargée du con-
trôle qui a été retirée de la COJO, le code de 2019 rectifie la situation liée à la présence du préfet
dans ladite commission.1119

En opérant ces changements, les autorités ivoiriennes ont œuvré dans le sens de la mise en confor-
mité de la réglementation en ce qui concerne la constitution des COJO avec les exigences de la direc-
tive 04 de l’UEMOA. Toutefois, la présence des cellules de passation des marchés publics dans les
COJO dans le code de 2019 pose des questions. En effet, même si leurs fonctions ne s’y limitent pas,
celles-ci sont des organes de contrôle chargées d’assurer le respect de la réglementation à leur
échelle. En étant intégrées dans les COJO, elles ne respectent pas pleinement le principe de la sépa-
ration des fonctions de contrôle et de passation.

Par ailleurs, le fonctionnement de la COJO est pensé d’une façon telle qu’elle respecte les principes
de la commande publique, notamment, ceux de la transparence et du traitement équitable des can-
didats. Cet impératif se matérialise par l’existence d’un grand formalisme dans son fonctionnement.
Comme nous l’avons précédemment mis en exergue dans cette thèse, le formalisme fait partie des
instruments qui permettent de renforcer la transparence dans la passation des marchés publics (voir
le titre 1 de cette partie- p370 et s.-). Au niveau de la COJO, l’article 14.2 du code des marchés pu-
blics prévoit diverses dispositions qui en attestent. D’abord, la tenue d’une séance de la COJO est très
précise en ce qui concerne les fonctions des membres selon le type de procédure1120. On notera no-
tamment, la convocation de ses membres par le président dans un délai précis en joignant le DAO à
cette convocation et l’instauration d’un quorum selon le travail de la commission pour la tenue des
séances d’ouverture des plis et du jugement des offres. Ainsi, la commission ne peut siéger lors de
l’ouverture des plis que si au moins deux de ses membres sont présents, tandis qu’ils doivent tous
être présents au stade du jugement des offres pour qu’elle puisse siéger. Dans ce dernier cas de fi-
gure, si ce quorum n’est pas atteint, la séance est reportée et doit se tenir dans les quatre (4) jours
suivant la date du report. A cette seconde séance, la présence de deux de ses membres suffit pour
valider la tenue de la commission. En outre, on note que l’article 75.6 précise que l’ensemble des
opérations relatives à l’ouverture des plis et au jugement des offres doit être effectué dans un délai

1116
Voir art 43.1 code de 2009 en ce qui concerne les marchés des services déconcentrés de l’État, des établis-
sements publics nationaux ou des projets localisés en région.
1117
Art 47.3 idem
1118
Article 139.3 idem
1119
Art 14 du code de 2019
1120
Voir art 14.2 à 14.3.6
442

de 15 jours. Ce délai peut exceptionnellement être prorogé de sept jours, en cas de complexité avé-
rée de l’analyse des offres. Cette exception est conditionnée par l’autorisation de la structure admi-
nistrative chargée du contrôle suivant une requête de l’autorité contractante.

En définitive, il est important de rappeler que le respect du formalisme dans le travail de la COJO va
de pair avec la nature et l’efficacité de sa mission. Ainsi, la procédure de passation peut faire l’objet
de recours en cas de non-respect des conditions et être frappée de nullité.

Paragraphe 5- Les autorités approbatrices : un échelon du contrôle

La signature du marché public par l’autorité contractante est un acte important en ce sens que c’est
une formalité indispensable à la mise en œuvre de celui-ci. Elle formalise l’engagement de ladite
autorité. Elle s’insère donc naturellement dans la relation contractuelle qui se noue avec le titulaire
du marché. Qui plus est, avant la signature du marché, les règles en vigueur prévoient que les autori-
tés contractantes doivent vérifier la disponibilité des crédits et en fournir la preuve à leur cocontrac-
tant.1121

Toutefois, la signature se distingue de l’acte d’approbation au sens du code. Quant au rôle de


l’autorité approbatrice, le code prévoit conformément à la directive 04 que l’acte de signature et
d’approbation ne peuvent émaner de la même autorité1122. En fait, l’acte d’approbation représente
un échelon de contrôle administratif qui valide le marché administrativement préalablement à son
exécution. En ce sens, tout refus d’approbation doit être motivé par l’autorité approbatrice1123. En
outre la décision de refus « doit comporter des indications permettant à l’unité de gestion adminis-
trative de modifier le marché ou l’avenant ou de compléter ou de modifier le dossier d’approbation,
afin d’en permettre une approbation ultérieure. Lorsque le marché transmis comporte des vices qui lui
paraissent irréparables, l’autorité approbatrice compétente peut indiquer que son refus
d’approbation est définitif. Cette décision est susceptible de recours devant l’organe de régula-
tion.»1124. Ainsi, le défaut d’approbation d’un marché entraînant sa nullité1125, on mesure
l’importance de la formalité d’approbation.

Pourtant, on note une différence entre la directive 04 et le code ivoirien de 2019. En effet, la direc-
tive prévoit que le refus d’approbation ne puisse intervenir qu’en cas d’insuffisance de crédits alors

1121
Art 67 de la directive 04 de l’UEMOA. ; Article 78 du code des marchés publics de 2019
1122
Art 16 de la directive 04 ; art 18.1 du code.
1123
Art 84 du code de 2019
1124
Idem
1125
Article 18.2.7 du code de 2019.
443

que le code de 2019 ne spécifie pas de motifs1126. A contrario, une lecture d’ensemble des autres
dispositions du code nous permet de constater que la décision d’approbation ne peut intervenir qu’à
la suite d’un véritable contrôle de la validité du marché sur tous les aspects que l’autorité approba-
trice juge nécessaire. De ce point de vue, même en cas de disponibilité de crédits, elle peut refuser
d’approuver le marché si elle estime qu’il comporte des vices. Partant, étant donné que le marché
aura déjà fait l’objet de plusieurs contrôles de la structure administrative de contrôle durant le cours
de la procédure de passation, avant son attribution définitive (le cas échéant selon le montant1127) et
avant sa transmission à l’autorité approbatrice1128 , on peut considérer que cet échelon supplémen-
taire de contrôle relève d’une véritable volonté des autorités ivoiriennes de soumettre le marché
avant sa validation définitive et son exécution, à un organe qui occupe généralement la place la plus
élevée dans la hiérarchie administrative de la structure ou du ministère auxquels appartiennent
l’autorité contractante. Cette assertion se justifie au vu de la nature des entités approbatrices dési-
gnées par le code des marchés publics1129.

Paragraphe 6- Deux (2) nouveaux organes ajoutés par le code de 2019 : la personne res-
ponsable du marché et le comité d’évaluation

1- La détermination d’une personne responsable des marchés publics

La directive 04 fait allusion à la personne responsable du marché dans son article premier et la définit
comme « le représentant dûment mandaté par l’autorité contractante pour la représenter dans la

1126
Voir art 68 de la directive 04 et l’article 84 du code des marchés publics de 2019
1127
Art 75 du code de 2019
1128
Elle donne son avis et décide après avoir opéré des vérifications, de la transmission du dossier
d’approbation par l’autorité contractante à l’autorité approbatrice désignée dans le code. Celle-ci accompagne
le dossier d’approbation de cet avis favorable. A contrario, si elle estime qu’il y a des irrégularités dans le mar-
ché ou le dossier d’approbation, le marché ne pourra être transmis à l’autorité approbatrice. Voir art 82 du
code de 2019
1129
Art 18 du code : « Le ministre chargé des marchés publics est compétent pour approuver tous les marchés
de l’État ou des établissements publics d’un montant supérieur ou égal au seuil de validation de la structure
administrative chargée du contrôle des marchés publics ; Le ministre de tutelle de l’unité de gestion administra-
tive est compétent pour approuver les marchés des services centraux ou des établissements publics d’un mon-
tant inférieur au seuil précité ; Le préfet du département est compétent pour approuver les marchés des services
extérieurs des administrations centrales, ainsi que ceux des Etablissements Publics Nationaux et des projets
situés en région ; Le Conseil d’administration est compétent pour approuver les marchés des sociétés d’État et
des personnes morales mentionnées à l’article 2 du présent Code ; L’approbation des marchés passés par les
Institutions, structures ou organes de l’État créés par la Constitution, la loi ou le règlement, notamment la Pré-
sidence de la République, l’Assemblée Nationale, le Conseil Économique, Social, Environnemental et Culturel
ainsi que toute autre institution, structure ou organe similaire mentionnés à l’article 2 du présent Code, relève
des autorités légalement compétentes pour représenter lesdits Institutions, structures ou organes ; Les autorités
approbatrices définies au présent article, peuvent déléguer leur pouvoir en matière d’approbation des marchés
dans des conditions qu’elles fixent par arrêté ou par décision. Le Conseil d’administration des sociétés d’État ou
des personnes morales mentionnées à l’article 2 du présent Code peut déléguer son pouvoir d’approbation au
directeur général dans les limites d’un seuil de dépenses qu’il fixe par délibération. »
444

passation et dans l’exécution du marché ». En outre, l’article 12 de la même directive prévoit la facul-
té pour l’autorité contractante de la mandater afin de mettre en œuvre les procédures de passation
et d’exécution des marchés et délégations de service public. On note d’emblée que la formulation de
la directive indique que cette personne responsable du marché joue un rôle centralisateur et une
fonction générale de direction de la procédure de passation. Son identification dans l’architecture
des organes de passation apporte une sécurité juridique supplémentaire1130.

Néanmoins, le code de 2009 ne prévoyait pas cette entité parmi les organes de la passation. On n’en
trouvait aucune mention dans ce code. Aussi, le code de 2019 ajoute cet organe et en précise la fonc-
tion. Aux termes de l’article 12 dudit code, une personne responsable des marchés doit être désignée
au sein de chaque ministère. Son rôle est d’assurer la « coordination des activités des directions et
services impliqués dans la chaîne de passation et d’exécution des marchés publics1131 ». Il s’ensuit que
la personne responsable du marché est une personne physique. Elle est désignée parmi les direc-
teurs de cabinet des ministres1132. La personne responsable des marchés n’est pas l’autorité contrac-
tante. Elle joue plutôt un rôle administratif consistant à mener, sous sa responsabilité, la procédure
depuis la mise en place des plans de passation de marché, du choix de la procédure appropriée à
l’exécution de celui-ci et les phases ultérieures. De même, c’est la personne responsable du marché
qui est l’autorité à laquelle sont rattachées les cellules de passation des marchés publics1133. Il est
donc loisible d’affirmer que toutes les tâches dévolues à ces cellules lui incombent1134. En somme, la
personne responsable des marchés publics est le fil conducteur qui permet de fluidifier les rôles des
autres acteurs1135.

Il est intéressant de noter que la personne responsable du marché occupe une place élevée dans la
hiérarchie administrative. Ceci est également le cas dans la plupart des états de l’UEMOA comme au
Sénégal1136et au Burkina FASO1137.

Ceci étant, du fait de sa position élevée et de son rôle de premier plan, la personne responsable du
marché est soumise aux restrictions relatives aux conflits d’intérêts. Cela implique qu’elle devrait

1130
Voir SAMB SEYNABOU, thèse de doctorat, Op. Cit. p381
1131
Art 12 du code
1132
Idem
1133
Voir art 13 du code et art 2 de l’arrêté 325 du 23 mai 2014 portant composition et fonctionnement des
cellules de passation des marchés publics.
1134
Pour les tâches dévolues aux cellules de passations des marchés publics, voir arrêté N° 325 du 23 mai 2014,
art 3 ; voir le rôle des cellules de passation dans cette thèse (pages 437 et s.).
1135
Voir Philippe Schmidt, la personne responsable des marchés publics, Le Moniteur, 2004, 249P, p13 et s.
1136
Au Sénégal, il s’agit selon l’autorité contractante, du ministre, du gouverneur de région, du président du
conseil départemental, du maire ou du directeur général dans le cas des sociétés. Voir art 28 Décret n° 2014-
1212, du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics au Sénégal.
1137
Voir art 10 du décret 2017-0049 du 1er février 2017 portant procédures de passation, d’exécution et de
règlement des marchés publics et des délégations de service Public.
445

pouvoir déléguer ses fonctions en cas de survenance d’une cause de conflits d’intérêt. Le code ne se
prononce pas expressément sur cette question.

A côté de l’introduction de la personne responsable des marchés publics, le comité d’évaluation au


sein de la COJO constitue l’un des organes nouveaux par lequel le code de 2019 renforce les préroga-
tives de l’autorité contractante.

2- L’instauration du comité d’évaluation au sein de la COJO

Comme nous l’avons déjà évoqué, la COJO est un organe important en ce sens qu’une grande partie
du respect des principes de traitement équitable et de transparence repose sur elle. C’est également
elle qui procède à l’attribution du marché à l’offre la plus avantageuse, d’où l’impératif de son effica-
cité dans ses choix et son jugement. Aussi sa fonction de jugement induit-elle une capacité à mobili-
ser des connaissances accrues et souvent techniques lors de l’évaluation des offres.

Afin de renforcer cette fonction, au sein de la COJO, le code de 2019 a mis en place un comité
d’évaluation. Aussi, l’article 14.2.5 dispose qu’ « à l’exception des procédures nécessitant la mise en
place d’un Jury, un comité d’évaluation des offres composé de trois membres est constitué au sein… »
de la COJO. Ce comité est formé suivant la proposition du président de la COJO. On note que l’un des
trois membres doit être un spécialiste du domaine concerné en matière des marchés de travaux et
de fournitures complexes. De même, le représentant du maître d’œuvre le cas échéant fait partie
d’office des trois membres du comité d’évaluation. Qui plus, le comité peut être assisté d’experts si
cela est nécessaire.

Le comité d’évaluation joue le rôle technique inhérent à l’ouverture des plis et à l’évaluation des
offres. Ainsi, lors de la séance d’ouverture des plis, il enregistre les pièces, dresse la liste de tous les
soumissionnaires1138 et procède au contrôle de la régularité des offres1139. En outre, il assure, par la
voie de son responsable (désigné parmi les trois membres) la garde des originaux des différentes
pièces et échantillons contenus dans les offres.

Pendant le jugement des offres, le comité d’évaluation joue un rôle central. C’est à lui qu’incombe
leur analyse technique et financière ainsi que leur classement suivant les critères du dossier d’appel
d’offres1140. Cette analyse fait l’objet d’un rapport qu’il soumet ensuite à la COJO en vue de la déter-

1138
Art 70.2
1139
Le code précise qu’elle est chargée du contrôle de la régularité des offres, au regard de ses articles 37 à 40.
Il s’agit de la capacité des candidats, la régularité de la situation fiscale et sociale, des restrictions de participa-
tion liées à la situation des soumissionnaires.
1140
Art 71
446

mination de l’offre la plus avantageuse. Il importe de préciser que la COJO n’est pas liée par le clas-
sement fait par le comité d’évaluation ; elle est libre d’opérer ses propres choix1141.

La mise en place d’un comité d’évaluation n’est pas mentionnée dans les directives de l’UEMOA,
mais il apparaît qu’elle est en phase avec les standards internationaux, notamment, les instructions
de la Banque Mondiale1142 concernant l’évaluation des offres et ceux de la Banque Africaine de Déve-
loppement1143. Ces documents, à l’instar du code des marchés publics de 2019 insistent sur l’intérêt
que le comité d’évaluation se retire dans un bureau ou travaille seul au moment de son évaluation
des offres. Le guide de la Banque Mondiale précise que cela permet d’assurer le caractère confiden-
tiel de tous les documents relatifs aux soumissions. On retrouve également dans des formes iden-
tiques (et comme le prévoit la réglementation ivoirienne), dans chacun de ces documents précités
des banques multilatérales, la recommandation que ce comité soit composé de trois personnes. Tous
ces paramètres mettent en exergue la volonté des autorités de se conformer aux standards des insti-
tutions de financement à travers l’instauration du comité d’évaluation dans la réglementation ivoi-
rienne des marchés publics.

En définitive, il apparaît que la réglementation ivoirienne avait déjà transposé en grande partie la
directive quant à la détermination des organes de passation, même si l’entrée en fonction effective
de certains organes, à l’instar de la cellule de passation des marchés s’est fait quelques années plus
tard. Il est aussi clair qu’elles n’ont eu de cesse de préciser ce cadre juridique à travers leur pouvoir
réglementaire bien avant l’élaboration du code de 2019. Ainsi, celui-ci englobe la solution et les cor-
rectifs aux nombreuses critiques qui étaient formulées par les parties prenantes, notamment, les
institutions de financement, les organes de surveillance de l’UEMOA et la société civile.

Par ailleurs, une grande partie de ces critiques a porté sur la confusion entre les organes de contrôle
et les organes de régulation. Il est intéressant de voir que la réglementation a évolué après avoir
tâtonné pour mettre en place un cadre institutionnel du contrôle et de la régulation plus clair, con-
forme aux directives de l’UEMOA et aux exigences des institutions multilatérales de financement des
projets. L’analyse de ce cadre institutionnel refondu du contrôle et de la régulation sera l’objet de la
section suivante.

1141
Article 75
1142
Voir Banque Mondiale, guide du rapport d’évaluation des offres, passation des marchés de fournitures et
de travaux, avril 1996, republié en 2012, p21
1143
Voir BAD, guide standard pour l’évaluation des offres pour l’acquisition de biens et travaux, novembre
2010.
447

Section 2- La refonte des organes de contrôle et de régulation

La directive 05 de l’UEMOA a matérialisé la volonté des concepteurs de la réforme d’impulser la ré-


organisation du cadre institutionnel des marchés publics et des délégations de services publics, no-
tamment en matière de contrôle et de régulation. Comme nous l’avons évoqué plus haut, il s’agissait
de l’un des points justifiant la réforme dont la nécessité impérative a été mise en exergue dans les
différents actes qui ont précédé celle-ci (voir dans cette thèse les rapports de la conférence d’Abidjan
et les autres actes qui ont précédé la réforme aux pages 338 à 347). Cette volonté se matérialise par
le principe de la séparation des fonctions de contrôle, de régulation et de la passation1144. Avant les
réformes, la Direction Générale des Marchés Publics centralisait les fonctions de contrôle. Elle inter-
venait également en matière de régulation et dans la passation. Or, la concentration de ces fonctions
dans un seul organe, est considérée comme une source d’inefficacité dans le fonctionnement du
système des marchés publics eu égard aux objectifs assignés à celui-ci.

Après l’entrée en vigueur des directives et leur transposition, le principe de la séparation des fonc-
tions de contrôle et de régulation a été codifié dans l’article 10 du code de 2009. Néanmoins, au vu
de la pratique, le système ivoirien a continué d’essuyer de nombreuses critiques quant à la conformi-
té du cadre institutionnel du contrôle et de la régulation qui n’était que partiellement en adéquation
avec les attentes des directives et des parties prenantes internationales. Aussi, celles-ci n’ont eu de
cesse de réclamer des changements. De fait, la mise en place du cadre institutionnel actuel considéré
comme respectant le cadre déterminé par la directive s‘est opérée de manière graduelle. Il en ressort
une réorganisation ayant conduit au cadre institutionnel actuel du contrôle et de la régulation.
L’article 9 du code de 2019 réaffirme le principe de la séparation des fonctions de contrôle et de ré-
gulation par des organes distincts et celui de leur indépendance. Il ajoute que les fonctions de passa-
tion doivent également être le fait d’organes distincts1145. En outre, il convient de mentionner la mise
en place d’un cadre institutionnel spécifique en ce qui concerne les PPP.

Paragraphe 1- La notion de contrôle des marchés publics et le rôle de l’entité administra-


tive de contrôle en Côte d’Ivoire

Il convient de préciser que le contrôle des marchés publics ne se limite pas aux seuls organes créés
pour jouer ce rôle spécifique, par des textes dédiés exclusivement à la commande publique. De fait,

1144
Article 3 de la directive 05 « Les États membres s’engagent à mettre en œuvre des procédures et méca-
nismes garantissant la séparation et l’indépendance des fonctions de contrôle et de régulation des marchés
publics et des délégations de service public »
1145
L’art 10 du code de 2009 ne mentionnait que la séparation des fonctions de contrôle et de régulation mais
pas ceux de la passation.
448

d’autres institutions de l’État exercent un contrôle sur les marchés publics à différents niveaux, selon
leurs attributions. Il s’agit par exemple de la Cour des comptes1146 ; des institutions en charge du con-
trôle sur les dépenses budgétaires d’une manière générale ; des institutions en charge de la lutte
contre la corruption, notamment, la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG)1147. Les pré-
rogatives du juge administratif peuvent également être considérées comme participant au contrôle.
De même, la pénalisation du droit des marchés publics implique une possibilité de contrôle par la
juridiction pénale s’agissant des infractions commises par les agents publics1148.

Quant aux organes concernés spécifiquement par les textes sur les marchés publics, il convient en-
core de faire des précisions pour une meilleure compréhension du champ de notre étude. De fait, on
peut considérer, en observant l’ensemble du système, que la fonction de contrôle est partagée entre
plusieurs entités. C’est le cas des cellules de passation des marchés publics (étudiées précédemment)
intégrées au sein des autorités contractantes qui jouent un rôle de contrôle et de sécurisation dans
les phases a priori et a posteriori de la passation. En outre les autorités d’approbation (étudiées ci-
dessus) participent dans une certaine mesure au contrôle des marchés publics.

Cependant, le principal organe de contrôle est la Direction Générale des Marchés Publics (DGMP).
Dans cette partie, c’est à elle que nous consacrerons l’essentiel de notre développement.

Mais avant de parler spécifiquement du rôle de la DGMP, il est intéressant de s’arrêter sur la notion
de contrôle des marchés publics afin d’analyser ce qu’elle recouvre.

I- Les implications du contrôle des marchés publics

Evoquer ici la notion de contrôle permettra de mettre en perspective, son importance et ses con-
traintes. Il s’agit de rappeler quelques notions fondamentales au contrôle des marchés publics, sa
philosophie, son importance dans la conception de l’idée de marchés publics. Pour ce faire, nous

1146
Tel que le lui permettent ses attributions. Voir loi organique N°2018-979 du 27 décembre 2018 détermi-
nant les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement de la cour des comptes ; le site officiel
de la cour des comptes Ivoiriennes : http://www.courdescomptes.ci/ (consulté en novembre 2021)
1147
Voir : l’ordonnance N°2013-661 du 20 septembre 2013 fixant les attributions, la composition, l’organisation
et le fonctionnement de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance ; site web de la Haute Autorité pour la
Bonne Gouvernance : https://habg.ci/ (consulté en novembre 2021)
1148
Notamment en cas d’actes de corruption, de pratiques frauduleuses. Voir article 10 directive 05 ; aussi Voir
art 151, 152, 155 et 156 du code de 2019 ; également l’arrêté N°118 du 26 mars 2014 portant modalités
d’application des sanctions des violations de la réglementation des marchés publics ; arrêté n°106 du 13 juillet
2011 portant code de déontologie en matière des marchés publics et de délégation des services publics. Pour le
droit comparé et plus d’information sur la question, voir Catherine Prebissy-Schnall, la pénalisation du droit
des marchés publics, Paris, LGDJ, 2002, 617P ; aussi pour la jurisprudence, Florian Linditch, Un an de droit pénal
de la commande publique, in Contrats et marchés publics, lexis nexis , 2018 disponible sur https://hal-
amu.archives-ouvertes.fr/hal-02121806/document
449

nous baserons sur la doctrine, le droit administratif comparé et les principes essentiels au fonction-
nement des marchés publics.

Lors d’un colloque tenu sur la thématique du contrôle dans les marchés publics, au regard de la pra-
tique et du droit dans plusieurs pays, le professeur Laurent Richer concluait en ces termes : « l’axe
majeur qui a sous-tendu tout le colloque est que le marché public ne reste public que par le contrôle,
mais que ce contrôle doit être évalué en termes de coût1149 ». Cette affirmation montre la place cen-
trale et le rôle paradoxal du contrôle dans les marchés publics.

Le contrôle est une notion consubstantielle de l’activité administrative. Celui des marchés publics a
existé depuis longtemps, comme en témoignent dans la Grèce antique, les sanctions et les recours
mis en place pour ceux qui n’étaient pas satisfaits du résultat des adjudications des lots convoités1150.
De même, dans l’empire romain, il existât des règles de contrôle élaborées, spécifiques aux marchés
publics. Elles permettaient notamment de s’assurer de la fiabilité des entreprises attributaires, de
leurs capacités financières, prévoyant des dépôts de garanties et des pénalités de retard en cas
d’inexécution et des sanctions pouvant aller à l’exclusion des entreprises de tous les marchés fu-
turs.1151 Dans l’ère moderne, avec l’expansion des budgets dédiés aux marchés publics et la nécessité
d’organiser la concurrence, le contrôle des marchés publics ne porte plus seulement sur les entre-
prises, mais également sur l’administration elle-même, en utilisant le canal des instruments du droit
public. Ainsi, selon le professeur Gérard Marcou, le contrôle est révélateur des évolutions qui se sont
produites dans le champ des marchés publics.1152

Du point de vue de l’administration, il permet de « vérifier si tout se passe conformément au pro-


gramme adopté, aux ordres données et aux principes administratifs »1153. A ce titre, il suppose
l’existence de règles préétablies. Le contrôle des marchés publics concerne la régularité des actes au
regard des règles de forme et de fonds selon les différentes phases du marché. C’est un contrôle

1149
Laurent Richer, remarques finales : les fins et les moyens, in le contrôle des marchés publics [colloque des
22 et 23 octobre 2007 à la Sorbonne organisé par l'IRJS André Tunc - Département d'étude et de recherche de
droit public économique (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et l'Université George Washington (École de
Droit)], sous la direction de Gérard Marcou, Laurence Folliot-Lalliot, D.I. Gordon... [Et al.], pp 427-433, 439P.
1150
Voir un texte datant de la fin du 5eme siècle cité par R. Martini, « lavori pubblici e appalti nella Grecia anti-
ca » notamment, pp49-52, dans società italiana di storia del diritto, i rapporti contracttuali con la publica admi-
nistrazione nell’esperienza storico-giuridico, congresso internazionale, Torino, 17-19 ottobre 1994, Naples,
jovene Editore 1997. Cité par Gérard Marcou, « le contrôle des marchés publics, ses buts et ses moyens », in le
contrôle des marchés publics, colloque ibidem. pp1-28, P2
1151
Voir A. trisciuoglio « sulle sanzioni per l’inadempimento dell’appaltore di ultrotributa nella tarda republica e
nel principato » notamment pp 195-201, in societa italiana di storia del diritto Op. Cit. , cité par Gérard Marcou
loc. cit.
1152
Gerard Marcou, ibid.
1153
Henri Fayol, cité par Horace Caballero, le contrôle des marchés publics, thèse de doctorat, Drago Laurent
DIR., Université de Droit, d’économie et de sciences sociales, Paris II, 1989 p4.
450

dont la philosophie porte sur les principes de libre concurrence et ses corollaires, mais également
ceux de l’efficacité et de la rationalité dans la gestion des deniers publics. En ce sens, c’est un con-
trôle de la qualité des décisions de gestion. C’est ce contrôle que Monsieur Horace Caballero nomme
le contrôle de l’efficacité ou de la gestion. D’après lui, un tel contrôle implique nécessairement une
certaine capacité d’interprétation de l’organe qui l’effectue, de même qu’une révision et une adapta-
tion régulière des méthodes, techniques et structures en vue d’améliorer le fonctionnement de
l’administration1154. Il requiert également une spécialisation et des connaissances accrues des règles
chez les agents qui mènent ce contrôle. La connaissance technique des domaines dans lesquels les
marchés sont passés peut s’avérer également indispensable (au-delà des règles formelles) puisqu’il
s’agit des fois de valider ou d’invalider des aspects techniques liés aux choix des organes de passa-
tion1155.

Quant aux formes du contrôle dans la gestion administrative des marchés publics, elles peuvent
s’apprécier selon les phases temporelles dans lesquels il a lieu, selon l’organe qui opère le contrôle,
selon son contenu :

 Primo, s’agissant du moment du contrôle

- D’abord, on a l’hypothèse du contrôle qui intervient avant une décision ou la validation d’un acte.
Dans cette hypothèse, on pourrait évoquer une surveillance doublée d’une codécision puisque
l’organe de contrôle est susceptible de donner des instructions de façon à orienter la décision de
l’autorité contractante. C’est le contrôle a priori qu’on peut qualifier de préventif1156. Dans ce con-
trôle a priori de la commande publique, la codécision peut impliquer un grand degré de sévérité dans
l’appréciation. Celle-ci dépendra de la forme de l’instruction et du moment de la passation. Dans
certains cas, le contrôle a priori peut aboutir à une reprise complète de la procédure lorsque des
règles essentielles de la commande publique n’ont pas été respectées. C’est le cas du refus complet
d’approbation par l’autorité approbatrice1157.

1154
Idem. P7
1155
Par exemple, si le marché porte sur la fourniture de matériels dans le domaine de la construction des
routes ou dans le domaine industriel, il est indispensable pour l’organe de contrôle de disposer d’agents avec
des compétences techniques, connaissant les matériaux et susceptible de comprendre les termes de réfé-
rences du marché. Sans cela, il ne pourrait vérifier efficacement si les prescriptions du DAO ont été respectées
dans l’attribution du marché par la COJO.
1156
Voir Horace Caballero, le contrôle des marchés publics, thèse de doctorat, Op. Cit.
1157
Art 84 du code de 2019
451

Les inconvénients du contrôle a priori sont qu’il allonge le temps de la décision et que les administra-
teurs concernés peuvent se dégager de leur responsabilité en arguant des décisions du contrôleur.
Ce type de contrôle peut donc mener à une dilution des responsabilités1158

- Ensuite, lorsque le contrôle est postérieur à la mise en exécution de la décision contrôlée, on parle
de contrôle a posteriori. Le risque de ce contrôle étant que, celui-ci est susceptible de se confronter à
l’absence d’efficacité puisque le contrôleur est devant un fait accompli. C’est par exemple le cas lors-
que les travaux sont déjà engagés ou qu’ils sont terminés. Dans ce cas de figure, même s’il peut agir
en annulant la décision ou en prenant des dispositions pour les futurs marchés, il sera difficile, voire
impossible pour le contrôleur d’empêcher la réalisation de la décision irrégulière.

Le contrôle administratif des marchés publics opéré dans les cas ci-dessus peut être considéré
comme unilatéral puisqu’il n’y a pas de droit de réplique et de confrontation des thèses, mais plutôt
des instructions, quand même il s’agirait de demandes de corrections des irrégularités constatées par
le contrôleur. On oppose cette forme de contrôle au contrôle contradictoire1159.

 Deuzio, le contrôle appréhendé selon l’organe qui l’accomplit

Monsieur Caballero détermine deux types de contrôles selon l’organe ; soit que le contrôleur soit
interne à l’administration contrôlée (contrôle interne), soit qu’il s’agisse d’un contrôleur extérieur à
celle-ci (contrôle externe)1160. A ce titre, on note que même si le contrôle interne se concilie difficile-
ment avec l’indépendance du contrôle, il a l’avantage d’être fait au plus près (cas des cellules de pas-
sation dans le code de 2019). Mais dans la mesure où il ne suffit pas à garantir son indépendance
complète, il est souvent le premier stade de contrôle qui sera complété par le contrôle externe. Tel
est le cas du contrôle a posteriori qui peut être mené aussi bien par l’administration centrale supé-
rieure que par une autre qui est complètement étrangère à la chaîne décisionnelle (cas du contrôle
de la DGMP et à des degrés divers, des audits de l’ANRMP, de la cour des comptes, des institutions
internationales de financements etc.).

 Tertio, le contôle appréhendé selon son contenu

Le contrôle des marchés publics peut porter sur la dimension administrative, financière et technique,
souvent menées concomitamment ou séparément selon le stade de la vie du marché ou l’organe qui
y procède. A ce titre :

1158
Voir : Horace Caballero, le contrôle des marchés publics, Op. Cit. p10 ; p367 et 368 ;
1159
Voir Ibid.
1160
Horace Caballero, le contrôle des marchés publics, thèse de doctorat, Op. Cit.
452

- D’abord, la dimension administrative du marché public concerne tous les actes de conformité des
procédures de passation et du marché lui-même en tant qu’actes administratifs. Il s’agit de contrôler
les différentes étapes et documents de la passation depuis la publication des PPM, la conformité des
dossiers d’appels d’offres, y compris les CCAG et CCAP (selon les modèles en vigueur) et leur publica-
tion, les phases de réception des plis et de jugement des offres, la signature et l’approbation du mar-
ché avant son exécution et les obligations de forme qui pèsent sur l’autorité contractante tout au
long de la procédure. Il porte également sur la qualité des co-contractants (y compris maître
d’ouvrage et maître d’œuvres), les modalités administratives d’exécution, de réalisation des ave-
nants, de la résiliation du contrat. Dans cette phase, l’entité administrative de contrôle joue un rôle
majeur.

- Ensuite, la dimension financière concerne la réalisation de la dépense publique en lien avec la pres-
tation faisant l’objet du marché1161. Cette tâche relève des mécanismes d’exécution des dépenses
publiques du budget de l’État. Celles-ci s’articulent autour des phases d’engagement, de liquidation,
d’ordonnancement et de paiement. En matière de marchés publics, l’engagement, la liquidation et
l’ordonnancement des dépenses relèvent de l’autorité contractante1162. Conformément au principe
de la séparation des ordonnateurs et des comptables, le paiement fait intervenir le comptable public.
Par ailleurs, dans le système Ivoirien, on peut constater la présence du contrôleur financier ou le
contrôleur budgétaire dans plusieurs COJO concernant les marchés des services de l’État, y compris
en matière de procédures concurrentielles simplifiées1163. Cela montre la volonté des autorités ivoi-
riennes de prendre suffisamment en compte le contrôle de la disponibilité des crédits et de la régula-
rité des dépenses. La preuve de la disponibilité du crédit et de sa réservation par les services de
l’autorité contractante doit être donnée à l’attributaire du marché avant sa signature1164.

Sur un autre versant, le contrôle opéré par des institutions comme la cour des comptes porte égale-
ment sur le volet financier et l’évaluation de la gestion des dépenses publiques réalisées via les mar-
chés publics. Il en va de même du contrôle opéré par les autres entités de contrôle de budget de
l’État tel que l’inspection générale des finances.

- En outre, l’aspect du contrôle concernant son volet technique est directement corrélé à la bonne
exécution de la prestation qui est l’objet du marché, qu’il s’agisse de travaux, de fournitures ou de
services. Dans la phase opérationnelle, ce contrôle appartient principalement au maître d’ouvrage

1161
Ibidem p38
1162
Voir, Franck Waserman, Les Finances Publiques, Collection découverte de la vie Publique, La documentation
française, 8e Edition, avril 2016, p59, 223P
1163
Voir article 14 du code des marchés publics de 2019. Voir aussi, arrêté 112 du 08 mars 2016 portant procé-
dures concurrentielles simplifiées.
1164
Art 78.2 d code de 2019
453

qui peut le confier à son maître d’œuvre. Ce contrôle que l’on peut qualifier de technique est d’une
importance capitale puisqu’il conditionne la qualité de l’ouvrage et le respect des proportions sou-
haitées dans le cahier de charges. Il échoit également à la structure administrative chargée par le
code du contrôle des marchés publics, qui s’assure que le marché évolue selon le cahier des charges
et les délais du DAO. Elle peut donc intervenir pendant la phase d’exécution, mais également après la
réalisation du marché, dans le cadre du contrôle a posteriori, notamment à travers la réalisation
d’audits.

Par ailleurs, il importe de rappeler dans cette approche conceptuelle du contrôle, que
l’harmonisation du droit des marchés publics à travers le droit communautaire et notamment son
volet lié au renforcement des contrôles vise principalement à faire respecter les règles de la concur-
rence et les principes qui en découlent. Aussi, le contrôle de l’administration est plus retentissant
dans la phase de passation. Ceci se justifie par le fait que , dans la plupart des droits francophones,
l’exécution du contrat obéit au principe de l’effet relatif des contrats, si bien que les tiers à celui-ci
ont peu de marges de manœuvres et il est difficile d’obtenir l’annulation du contrat en cause et/ou
de rechercher une indemnisation, à moins de démontrer un préjudice direct et grave1165. Néanmoins,
il demeure que dans les droits francophones, en considérant les intérêts en cause et selon la nature
de la gravité de l’irrégularité, le juge administratif pourra dans certains cas prononcer l’annulation
totale ou partielle du contrat suite à un recours formé par des tiers au dit contrat1166.

Cependant, il en va différemment dans d’autres systèmes juridiques. De fait, l’importance du con-


trôle dans la phase de passation est corroborée par le fait que, dans certains pays, la possibilité pour
les tiers de former un recours pour obtenir l’annulation du contrat est impossible dès lors qu’il est
conclu. Le pouvoir d’annulation de la procédure de passation et des décisions d’attribution n’est re-
connu qu’aux organismes ou juridictions en charge du contrôle de la phase précontractuelle ; seule
phase où les actes et décisions sont encore soumis au droit public. Aussi, après la conclusion du con-
trat, pour les tiers, tout recours ne peut déboucher dans le meilleur des cas que sur une indemnisa-
tion lorsque la responsabilité de l’administration ou de son co-contractant est engagée. Ce sont gé-

1165
C’est la condition principale du référé contractuel et du recours de pleine juridiction en contestation de la
validité du contrat en droit français. Voir notamment pour le recours de pleine juridiction CE, Ass. 4 avril 2014,
Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994. Pour le référé contractuel, Art L551-18 à L551-20 du code de
justice administrative français pour les conditions du référé contractuel ; CE, 30 novembre 2011, Société DPM
Protection, n° 350788 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000024911128 (consulté en novembre
2021)
1166
Tel est le cas en droit français en cas de violation par l’autorité administrative acheteuse, du délai de
standstill préalable à la signature du contrat. Voir CE, 30 novembre 2011, société DPM protection, ibid.
454

néralement des pays où le contrat conclu entre l’administration et son cocontractant est soumis au
droit privé.1167.

Ainsi, ces diverses réalités juridiques mettent en lumière l’importance du contrôle administratif dans
les marchés publics et la réalité de son exigence dans la phase de passation et d’attribution du mar-
ché1168.

In fine, il importe de rappeler que le contrôle des marchés publics est efficace lorsqu’il n’empêche
pas l’action administrative de progresser vers les objectifs qui lui sont assignés. Il doit se comporter
comme un facteur de progrès. Si l’accent mis sur le contrôle nuit à la réalisation des objectifs
d’investissements et de développement, cela dénotera d’un problème quant à sa bonne organisation
au sein de l’action administrative.

A ce propos, dans la mise en œuvre de la directive de l’UEMOA relative au contrôle des marchés pu-
blics par l’État ivoirien, c’est dans la difficulté de trouver cet équilibre que se résume tout le paradoxe
du contrôle. D’une part, il apparaît comme indispensable car il permet de s’opposer à et de rectifier
toutes mesures irrégulières ou inopportunes. Mais il est à la fois un frein dans le déroulement du
processus de marchés publics, notamment lorsqu’il contribue à allonger les délais au-delà de ceux
prévus dans les textes, comme le constatait un audit de l’ANRMP de la Côte d’Ivoire1169. En matière
de marchés publics, la gestion des délais est à notre sens le crochet qui permet d’établir l’équilibre
entre l’impératif du contrôle et celui de célérité et d’efficacité de la procédure. Il est clair, au vu des
évolutions de ces dernières années que tout est mis en œuvre pour pallier ce problème dans le sys-
tème ivoirien1170.

1167
Dans ces pays, le contrat conclu entre l’administration et son cocontractant est soumis au droit civil et les
tiers ne peuvent pas le remettre en cause devant la juridiction civile une fois qu’il est conclu. C’est le cas par
exemple, de l’Allemagne (sauf pour certains marchés de fourniture, travaux et de services conclus avec les
fournisseurs de prestations sociales par des organismes de sécurité sociale et pour certains contrats de parte-
nariats publics privés). Voir : Ulrich Stelkens, le contrôle et le contentieux des contrats publics en Allemagne, in
Contrôle et contentieux des contrats publics, sous la direction de Laurence Folliot-lalliot et Simone Torricelli,
Bruylant, 2018, 604P, pp33-66 ; voir également : Johannes Masing, les prérogatives de contrôle exercées par
l’administration relativement à l’exécution des marchés publics en Allemagne, in le contrôle des marchés pu-
blics, colloque, 2007, Op. Cit., pp311-321. C’est également le cas de l’Italie. Voir Barbara Marchetti, spécialité
du contentieux et recherche de remède alternatifs dans le secteur des contrats publics en Italie, in contrôle et
contentieux des contrats publics, 2018, ibid. pp151-172.
1168
Voir G. Marcou, « le contrôle des marchés publics, ses buts et ses moyens », in le contrôle des marchés pu-
blics Op. Cit. p 17
1169
L’audit faisait ressortir le fait que les délais dans lesquels l’entité administrative chargée du contrôle rendait
ses décisions (conditionnant la continuation de la procédure) dépassaient ceux prévus dans les textes. Il faisait
également ressortir d’autres facteurs structurels influençant ces délais de contrôle. Voir ANRMP, résumé des
rapports d’audit 2013, 2ème partie, résumé du rapport d’audit des délais sur la chaîne de passation des marchés
publics.
1170
La déconcentration du contrôle comme évoqué plus haut en fait partie ; la formation des agents égale-
ment ; On peut noter la création d’un comité de suivi des délais de passation des marchés et d’exécution de la
455

L’un des axes majeurs des solutions apportées passe par la redéfinition des délais et des moyens
humains et matériels des organes chargés du contrôle. L’organisation interne de la structure admi-
nistrative principale en charge du contrôle des marchés publics et de ses prérogatives, est à ce titre,
déterminante.

II- Les prérogatives de l’entité administrative de contrôle en Côte d’Ivoire

En l’état actuel de l’organisation administrative, la structure administrative de contrôle, tel que s’y
réfère le code des marchés publics est la Direction Générale des Marchés Publics (DGMP)1171. Ses
prérogatives générales en tant que structure administrative de contrôle sont contenues dans le code
des marchés publics à travers les missions de contrôle qui lui incombent dans les différentes phases
de la procédure de préparation, de passation, d’exécution et de suivi des marchés publics. Ainsi, elle
exerce un contrôle a priori et a posteriori1172. L’arrêté N° 465 du 23 juin 2015 portant attributions,
organisation et fonctionnement de la Direction Générale des Marchés Publics précise ses compé-
tences et son organisation.

Aussi, les textes en vigueur mettent l’accent sur sa mission de contrôle à laquelle elle est circonscrite
dorénavant, même si le code des marchés publics prévoit qu’elle assure en collaboration avec
l’organe de régulation, le maintien du système d’information des marchés publics. En effet, comme
le démontre l’évolution de la réglementation, il n’en a pas toujours été ainsi. De fait, depuis sa créa-
tion et jusqu’avant la transposition des directives de l’UEMOA, les missions afférentes à la régulation
du système des marchés publics ont été inscrites parmi les attributions principales de la Direction
Générale des Marchés Publics. Il est intéressant de faire un bref rappel historique de cette évolution
en vue de mieux apprécier les changements induits par la réforme entreprise dans le cadre de

dépense (COS-DPMED). Il est composé de représentants : du ministre chargé du Budget, de la Direction Géné-
rale du Budget et des Finances, de la Direction du Contrôle Financier, de la Direction du Contrôle Budgétaire,
de la Direction Générale des Marchés Publics, de la Direction de l’Administration du SIGFIP, de la Direction des
Politiques et Synthèses Budgétaires.il se réunit mensuellement. Ses activités ont pour but de faire ressortir les
difficultés relatives au respect des délais et de présenter des mesures pour leur réduction. Voir arrêté N°068 du
21 février 2014 portant création du comité de suivi des délais de passation des marchés et d’exécution de la
dépense.
1171
Art 16 du code des marchés publics en vigueur. ; Il convient de préciser que la DGMP a été appelée Direc-
tion des Marchés Publics pendant longtemps et que l’adjectif qualificatif « générale » n’a été ajouté que ré-
cemment. Il s'ensuit que même si nous avons fait une mise à jour pour tenir compte de ce changement, tous
les arrêtés et textes législatifs (dont certains encore en vigueur) précédant ce changement de dénomination qui
a eu lieu en 2022 comportent toujours l’appelation Direction des Marchés Publics (et le sigle DMP) au lieu de
DGMP. Pour respecter la lettre de ces textes, nous les citons avec l’appelation et le sigle précédents.
1172
D’après le code des marchés publics , « Elle est chargée du contrôle a priori de la régularité des procédures
de passation de marchés publics au-dessus des seuils de contrôle fixés par décret pris en Conseil des Ministres et
a posteriori en dessous desdits seuils ... ». Voir l’article 16 et différentes interventions de la DGMP prévues dans
le code tout au long de la procédure de passation et lors de l’exécution des marchés publics.
456

l’UEMOA. Nous mettrons ensuite en avant, de manière plus détaillée les attributions et l’organisation
de la DGMP.

1- Évolution historique de la mission de contrôle de la D irection Générale des


Marchés Publics
Afin de pallier l’absence d’un cadre national de gestion des marchés publics après l’indépendance, les
prémices de la Direction Générale des Marchés Publics se dessinent en 1968 à travers la création de
la Direction Centrale des Marchés Publics (DCMP) au sein du ministère de l’économie et des finances.
Créée par l’arrêté n°8841/AEF/CAB du 27 décembre 1968, ses attributions concernent la mise en
œuvre de la politique d’achats publics, de même que l’élaboration de la réglementation des marchés
publics. S’ajoutant à cette fonction primaire de régulation du système, sa mission de contrôle qui
demeure à ce jour, lui est dévolue par le décret n°69-416 du 16 septembre 1969. Il s’agit alors
d’assurer le contrôle juridique, technique et économique des marchés et conventions, lors de la pas-
sation et avant l’approbation. Cependant, elle partage sa compétence de contrôle et de supervision
avec d’autres institutions mises en place par le premier code des marchés publics1173. De fait, ce sont
deux commissions dont la DGMP est membre qui exercent le contrôle au niveau de la passation. Il
s’agit d’une part, de la commission interministérielle d’ouverture et de jugement des marchés publics
pour les marchés de moins de 700 Millions de Franc CFA. Cette commission est placée sous l’autorité
de la DGMP. D’autre part, pour les marchés d’une valeur supérieure à 700millions de Franc CFA, la
compétence du contrôle de la passation revient à la commission nationale des grands marchés de
l’État1174. La DGMP assure le secrétariat de cette commission qui est placée sous l’autorité du prési-
dent de la république. Il existe pareillement deux commissions au niveau de l’approbation. La com-
mission permanente des visas des marchés publics, placée sous l’autorité de la DGMP1175 et la com-
mission consultative des marchés1176 dont elle assure le secrétariat. Par la suite, en 1992, sous
l’égide d’un nouveau code des marchés publics1177, en vue de pallier les faiblesses constatées et de

1173
Le premier code des marchés publics a été institué par le Décret n°85-591 du 12 septembre 1985 portant
code des marchés publics et le décret n°85-592 du 12 septembre 1985 portant fixation du seuil pour la déter-
mination des compétences des commissions d’ouverture et de jugement.
1174
Cette commission était composée de cinq personnalités désignées par le président de la République : un
magistrat en activité ou à la retraite, un fonctionnaire civil en activité ou à la retraite, ayant exercé des fonc-
tions supérieures dans les services financiers de l’État, un officier supérieur des forces armées nationales en
activité ou à la retraite, une personnalité ayant des compétences particulières en matière économique, finan-
cière ou industrielle, une personnalité politique.
Voir : le site de la Direction générale des Marchés Publics : https://www.marchespublics.ci/historiques
1175
Elle était chargée du contrôle juridique et technique du marché et de la preuve de son financement. Voir
ibid.
1176
Elle opérait un dernier contrôle de forme avant l’approbation pour les marchés de plus de 50 millions de
Franc CFA. Voir ibid.
1177
Par les décrets n°92-08 du 08 janvier 1992 et n°92-09 du 8 janvier 1992.
457

renforcer la fonction de contrôle, ce rôle est dévolu à des commissions uniques au niveau de la pas-
sation et également au niveau de l’approbation.

L’année 1999 marque le commencement d’une réforme régionale générale du système des marchés
publics dans la droite ligne de la conférence d’Abidjan. Celle-ci est le lieu de nombreux changements
qui optimisent la fonction de contrôle en attendant les dispositifs issus du mouvement de réformes
des marchés publics. Aussi, suite à l’entrée en vigueur des directives 04 et 05 de l’UEMOA, le mou-
vement de réforme s’accélère et les dispositions desdites directives deviennent la référence selon
laquelle le contrôle des marchés publics doit s’exercer. Le code des marchés publics de 2009 consti-
tue le premier, prenant en compte la transposition des directives. Comme nous l’avons déjà souligné,
celui-ci marque la séparation des fonctions de régulation et de contrôle. Ainsi, le décret n°260 du 06
août 2009 crée l’ANRMP auquel les missions de régulation sont dévolues. Néanmoins, dans la pra-
tique il est régulièrement formulé des critiques selon lesquelles les fonctions de régulation, de con-
trôle et de passation ne sont pas correctement étanches, notamment, le fait que la DGMP prenne
part aux commissions d’attributions, en se posant de ce fait en tant que juge et partie1178. Les modifi-
cations successives depuis 2009 entérinées par le code de 2019 améliorent le cadre réglementaire et
encadrent la fonction de contrôle de la DGMP en tenant compte de ces critiques.

2- La fonction de contrôle de la DGMP réadaptée aux directives de l’UEMOA et


aux standards internationaux

On note pour l’essentiel, que les missions de la DGMP sont conformes à celles prévues par la direc-
tive 05 dans son article 4 en ce qui concerne l’entité administrative de contrôle1179. De plus le cadre
juridique a progressivement pris en compte la nécessité de décentraliser et de déconcentrer le con-
trôle a priori et a posteriori lors de la passation. Il existe des directions régionales des marchés pu-

1178
Voir par exemple, le rapport de la BAD : COTE D’IVOIRE, document de stratégie pays (DSP 2018- 2022)
combine avec la revue de la performance du portefeuille pays 2018, septembre 2018, notamment l’annexe 7.
Op. Cit.
1179
« Les États membres s’engagent à mettre en place des entités administratives centrales, déconcentrées,
ainsi que décentralisées de contrôle des marchés publics et des délégations de service public ayant pour fonc-
tion notamment de :
- contrôler l’application de la législation et de la réglementation sur les marchés publics sans préjudice de
l’exercice des pouvoirs généraux de contrôle des autres organes de l’État ;
- émettre les avis, accorder les autorisations et dérogations nécessaires à la demande des autorités contrac-
tantes lorsqu’elles sont prévues par la réglementation en vigueur ;
- assurer en relation avec l’organe de régulation, la formation, l’information et le conseil de l’ensemble des
acteurs de la commande publique sur la réglementation et les procédures applicables ;
- contribuer en relation avec l’organe de régulation à la collecte d’informations et de documents en vue de la
constitution d’une banque de données. »
458

blics (aux compétences limitées)1180. En sus, comme nous l’avons mis en exergue précédemment
(voir la section 1 de ce chapitre), la création des cellules de passation de marché auprès des autorités
contractantes participe de cette stratégie. En outre, le changement notable dans le code de 2019 est
le retrait de la DGMP des COJO. Cela participe de la séparation de la fonction de contrôle et de passa-
tion. Il s’agit aussi d’une réponse à certaines critiques sur la présence de la DGMP dans les COJO,
comme le voulait le code de 2009.

Les compétences détaillées de la DGMP démontrent que sa mission au sein du système des marchés
publics est large et vise non seulement au respect de la réglementation mais également au bon fonc-
tionnement du système des marchés publics à travers ses divers acteurs et dans ses aspects tech-
niques. Ses compétences détaillées sont : le conseil, l’assistance technique et juridique aux autorités
contractantes et maîtres d’ouvrages, notamment pour la planification de la commande publique et
l’appui à la budgétisation des commandes ; le suivi de l’obligation de passer marchés ; le contrôle a
priori et l’authentification des dossiers d’appels d’offres ; le contrôle a priori des dossiers
d’approbation dans les cas prévus par le code des marchés publics ; la centralisation, la diffusion et la
publication de tous les avis d’appel à la concurrence au bulletin officiel des marchés publics ; le con-
trôle a priori et a posteriori de la régularité des procédures de passation des marchés publics et des
conventions de délégation de services publics ; le contrôle de l’exécution des marchés publics ;la
centralisation et la diffusion de la réglementation et de toute autre information sur la commande
publique au moyen de tout support approprié ; l’adaptation et la réforme de la réglementation et
des procédures ; la formation et la sensibilisation des acteurs de la commande publique ; la création
et la gestion des bases de données sur les marchés publics ; l’évaluation de l’impact de la commande
publique sur l’économie nationale ; la centralisation de la commande et la gestion du carburant des
administrations publiques selon le seuil de compétence ; l’encadrement et le contrôle du fonction-
nement des cellules de passation des marchés publics ; le suivi et l’évaluation de l’exécution des
marchés publics1181. Dans le code des marchés publics, ces différentes missions sont encadrées dans
des procédures spécifiques à la phase de passation et d’exécution et sont assortis de délais.

In fine, il est évident que la DGMP joue un rôle crucial dans le système des marchés publics ivoirien.
Son statut et son rôle se sont adaptés aux réformes de l’UEMOA et aux recommandations des ac-
teurs internationaux du financement dudéveloppement. Basée sur le contrôle, sa fonction est enra-
cinée dans la mise en œuvre de la synergie entre les acteurs du système, en matière juridique, tech-

1180
Voir art 4.2 b de l’arrêté N°465 du 23 juin 2015, portant attributions, organisations et fonctionnement de la
DMP.
1181
Voir l’arrêté N°465 du 23 juin 2015, art 2. Ibid.
459

nique, de connaissance et de respect des procédures. À la faveur de la réforme initiée par les direc-
tives de l’UEMOA, l’autre fait majeur dans la mise en œuvre de cette synergie est la création d’un
organe de régulation des marchés publics.

Paragraphe 2 -Les prérogatives élargies de l’organe de régulation des marchés publics

La création d’un organe de régulation est un élément majeur de la réforme des marchés publics. Ce
choix a de multiples implications. Il démontre la volonté des concepteurs de la réforme de déconcen-
trer le cadre institutionnel en juxtaposant et séparant les fonctions de contrôle et de régulation, de
façon à favoriser une plus grande efficacité dans l’interaction entre les acteurs et diversifier les ap-
proches dans la gestion du système des marchés publics. Comme nous le verrons, l’organe de régula-
tion inclut les acteurs de la société civile dans certains processus décisionnels. Aussi, sa création
renforce les garanties de transparence et introduit une plus grande célérité dans la passation des
marchés publics. Ce choix se traduit par l’attribution de fonctions élargies, notamment en faisant de
cet organe l’autorité administrative du recours non-juridictionnel survenant dans le cadre de la pas-
sation des marchés publics.

Il est important de mettre en exergue ses prérogatives en analysant leur contenu et leurs consé-
quences pour mieux appréhender son rôle au cœur du système réformé des marchés publics ivoi-
riens (II). Dans ce même état d’esprit, il s’impose d’abord, d’évoquer la fonction de régulation dans
son principe. Elle apparaît comme un choix de gestion plébiscité, qui n’est pas l’apanage des marchés
publics (I).

I- Approche juridique de la régulation en tant que choix de gestion politique, social, éco-
nomique et administratif

La régulation dans les marchés publics au sein de l’UEMOA s’inscrit dans un mouvement global qui a
fait de la régulation l’un des modes de gestion administrative mêlant l’intérêt général poursuivi par la
puissance publique et le facteur économique dans ses aspects publics et privés. Il convient de faire
des précisions sur les approches doctrinales et juridiques de la notion pour saisir ce phénomène à
travers les causes qui ont favorisé son essor et ses implications juridiques.

Régulation vient du verbe réguler qui dérive du latin regulare qui signifie régler. Le dictionnaire La-
rousse définit ce mot comme le fait d’assurer le fonctionnement correct, le rythme régulier d’un mé-
460

canisme, le développement d’un processus. En ce sens, il apparaît déjà que la fonction de réguler
n’implique pas une seule tâche spécifique mais se rapporte à tout ce qui peut permettre d’atteindre
un but prédéterminé. C’est une fonction d’équilibre insérée dans une dimension de dynamisme et
d’adaptation.

A côté de la définition générale que nous avons exposée, il ressort de l’observation de la pratique et
des approches doctrinales que la régulation dans son approche technique et juridique est un mot
sujet à diverses interprétations. Une analyse de ces approches juridico-économiques et du droit
comparé nous permettra d’appréhender la notion dans son contenu, pour nous recentrer ensuite sur
la place de l’ANRMP et ses singularités du point de vue de sa position d’autorité nationale de régula-
tion des marchés publics en Côte d’Ivoire.

Le phénomène grandissant de la régulation a beaucoup interpellé les juristes. Madame Laurence


Calandri constate qu’il n’existe pas à proprement parler un droit de la régulation en tant que pra-
tique. De fait, même si la régulation emporte certaines caractéristiques singulières, elle est cernée
par le droit administratif et les actes de régulation ne se distinguent pas fondamentalement des
actes administratifs. Ils s’insèrent dans leur typologie générale1182. La régulation pénètre donc la dis-
cipline administrative en gardant sa logique propre. Le professeur Gérard Marcou mettait en lumière
les imbrications de la notion dans le cadre du service public. En tenant compte de la somme des ex-
périences partagées de praticiens et juristes de nombreux pays à l’occasion d’un colloque organisé
sur la notion, il précisait qu’il s’agit d’une idée qui implique toujours l’ouverture à la concurrence et
« la résolution d’antinomies » résultant « du maintien d’objectifs ou de valeurs non-économiques
potentiellement en conflit avec la logique de marché ». Il faisait également cas du fait que la régula-
tion est, dans une logique de service public, nécessairement une fonction partagée entre les régula-
teurs et les autorités administratives classiques1183. Il est manifeste que la définition de la régulation
au sens juridique et administratif du terme fait nécessairement intervenir la logique de la conciliation
entre des intérêts du service public et les impératifs de la concurrence comme le démontrent les
approches multiples de la notion1184. C’est cette recherche d’équilibre étroitement liée aux enjeux

1182
Laurence Calandri, recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, thèse de doctorat,
LGDJ- Lextenso Ed., 2008 (soutenue le 10 novembre 2005 à l’université de Toulouse I), 733P
1183
Marcou Gérard, régulation et service public : les enseignements du droit comparé, in Marcou Gérard et
Franck Moderne, Dir., Droit de la régulation, service public et intégration régionale, Tome I : Comparaisons et
commentaires, Paris, L’Harmattan, 2005, pp-11-65,309P ; André DELION, note de lecture, in revue française
d’administration publique, N°117, 2006, pp 223-226, disponible sur https://www.cairn.info/revue-francaise-d-
administration-publique-2006-1-page-223.htm (consulté en novembre 2021)
1184
Voir par exemple, Stéphane Braconnier, la régulation des services publics, revue française de droit adminis-
tratif, Dalloz, 2001, p43 et s. voir aussi Romain Rambaud, l’institution juridique de régulation : recherche sur les
rapports entre droit administratif et théorie économique, thèse de doctorat, Université Paris 1, panthéon-
Sorbonne, 2011, 872P
461

économiques modernes qui la distingue de l’activité simple de réglementation à travers laquelle elle
a pourtant émergé1185.

La démonstration qu’en fait Monsieur Romain Rambaud dans sa thèse illustre bien cette recherche
d’équilibre indispensable dans l’approche de la régulation. Ainsi, pour lui, « le concept juridique de
régulation s’analyse comme l’instauration d’un équilibre entre la recherche de l’efficacité économique
et l’exécution de politiques publiques. Ainsi défini, ce concept apparaît nouveau et spécifique et donne
ainsi naissance à une institution juridique se distinguant des institutions juridiques classiques du droit
administratif, la police et le service public, faisant de la régulation un troisième type de fonction ad-
ministrative »1186. On peut ajouter que dans le fond, la mise en œuvre de mécanismes de régulation
est interprétée comme susceptible de corriger l’inadéquation et l’obsolescence de l’intervention
habituelle de l’État dont la réglementation classique est « apparue trop pesante, complexe et rapi-
dement dépassée »1187.

A contrario de cette pratique classique, la régulation est fondée sur l’exercice d’un pouvoir compor-
tant une normativité graduée. Le régulateur peut mettre en œuvre à la fois des règles très contrai-
gnantes, tout en conservant la possibilité de déroger à celles-ci au profit de méthodes plus consen-
suelles dans des cas particuliers si cela est nécessaire1188. Dans cette vision, la régulation manifeste
une autre manière de poursuivre l’intérêt général à travers l’action administrative ; celle d’une puis-
sance publique qui ne s’impose pas de façon absolue mais qui par le biais du droit recommandatoire
(soft law) et de son pouvoir de conciliation est traduite directement dans des cas particuliers, de
sorte que le but poursuivi prime sur une application univoque et rigide de la règle de droit. Ce qui a
fait dire à certains que la régulation s’intègre dans le processus d’affaiblissement de la puissance

1185
Le concept de régulation en tant qu’activité publique trouve son origine dans le mot anglais « regulation »
qui signifie littéralement « réglementation ». Sur cette question, voir Gérard Marcou, régulation et service
public, les enseignements du droit comparé, Op. Cit. P11 ; voir Hubert Delzangles, l’indépendance des autorités
administratives indépendantes chargées de réguler des marchés de services publics : éléments de droit comparé
et européen, Lextenso, droit et société, pp297-316 , disponible sur : https://www.cairn.info/revue-droit-et-
societe-2016-2-page-297.htm (consulté en novembre 2021) ; Laurence calendri procède à une analyse à travers
laquelle elle récuse la confusion opérée entre réglementation et régulation, qu’elle qualifie de dérive tendant à
assimiler le produit de la régulation qu’est la réglementation à la fonction elle-même. La réglementation appa-
raît d’ailleurs comme une seule conséquence possible (non-exclusive et pas toujours vérifiée dans tous les
organes de régulation) de la régulation. Voir Laurence calendri, thèse de doctorat, Op. Cit., pp 120-142
1186
Romain Rambaud, thèse, Op. Cit. p457
1187
Propos du vice-président du conseil d’État Français. Voir : Intervention de Jean Marc Sauvé lors des entre-
tiens du contentieux, novembre 2017, disponible sur https://www.conseil-État.fr/actualites/discours-et-
interventions/la-regulation#_ftnref2 consulté en novembre 2021
1188
Ibidem
462

publique (du point de vue dogmatique qui privilégie le caractère absolu et général de cette der-
nière1189).

L’on peut nuancer cette vision, car, une autre façon de percevoir cette réalité serait que l’on assiste à
une évolution des moyens et procédés de la puissance publique ; la régulation épousant cette ten-
dance. En outre, le pouvoir répressif des autorités de régulation dans l’exercice de leur mission de
service public tend à relativiser la thèse de l’affaiblissement de la puissance publique1190.

En tout état de cause, la régulation en tant que notion juridique est directement liée à la fonction qui
l’engendre1191. Aussi, la fonction de régulation et son mode d’action font partie intégrante de la re-
connaissance du concept de régulation1192, si bien qu’on tendrait à ne pas utiliser ce qualificatif lors-
que les autorités administratives classiques posent des actes pouvant s’apparenter ou être revêtues
des caractéristiques de la régulation.

Cette distinction lexicale, devenue typique, est marquée dans la pratique, par la présence des autori-
tés administratives indépendantes de régulation (AAI). Nous englobons dans cette dénomination les
autres organes de l’État qui ne sont pas considérés comme des AAI mais qui exercent une mission de
régulation, puisque dans la pratique, ils tendent à être dotés de prérogatives similaires1193. Ces auto-
rités, matérialisent la fonction de régulation et la particularité de celle-ci. Il va de soi que pour pou-
voir mettre en œuvre de tels pouvoirs, l’autorité de régulation doit jouir d’une certaine indépen-
dance vis-à-vis du pouvoir politique et des autorités administratives classiques. Une partie de la doc-
trine s’accorde sur le fait qu’une AAI ne doit avoir ni hiérarchie, ni tutelle. De tels liens de soumission

1189
Il s’agit d’une manifestation différente de la puissance publique conçue traditionnellement comme un droit
de domination F. Melleray, « l’exorbitance du droit administratif en question », AJDA 2003, P. 1961 et s. spéc. P.
1963 ; « puissance publique ou impuissance publique ? Une réévaluation des pouvoirs et procédures régaliens »
AJDA 1999, N° spécial. ; C. Lavialle, « de la pérennité de la puissance publique », JCP G 1992, II, N°3602 ; Cité par
L. Calendri., thèse de doctorat, Op. Cit. p 510
1190
Le pouvoir de répression est d’ailleurs un élément essentiel sans lequel l’autorité de régulation ne pourrait
pas atteindre son objectif. Voir sur cette question : Achour Taibi, le pouvoir répressif des autorités administra-
tives indépendantes de régulation économique, témoin de la consécration d’un ordre répressif administratif,
thèse de doctorat, Paris 1 Panthéon Sorbonne, Ed. Harmattan, 2018 (soutenue en septembre 2015), 658P, PP
32-33 et p61-67
1191
C’est-à-dire, la fonction de réguler. Sur la fonction de régulation, voir : L. Calendri, Op. Cit. pp71-115
1192
D’après Thomas Perroud, la fonction de régulation, dans son acception juridique peut désigner première-
ment, un objet qui en est sa conséquence, le fruit. C’est l’idée de fonction-objet. Deuxièmement, elle peut
désigner également une mission, comme dans « fonction publique ». Troisièmement, elle peut désigner un rôle
comme celui joué par un organe. Nous pensons que les deux dernières sont fondamentales pour l’activité de
régulation en général. L’organe de régulation exerce une mission qui justifie son instauration. Par ailleurs, sa
perception en tant qu’un organe de régulation détermine la nature élargie des prérogatives qui lui sont con-
fiées. Voir Thomas Perroud, la fonction contentieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni,
thèse de doctorat, Université panthéon-Sorbonne Paris I, 2011, 1208P, pp 53-59
1193
Cas de certaines autorités administratives
463

seraient contraires à sa liberté d’action et à la mission qui lui est confiée.1194 Ainsi, même si cela n’est
pas toujours le cas du point de vue statutaire1195, il est évident que la fonction de régulation implique
une certaine indépendance de l’autorité qui la mène. L’une des conséquences de cette indépendance
est que les actes de l’autorité de régulation sont soumis au contrôle des juridictions administratives.
De fait, l’autorité de régulation agit dans le champ du droit et doit respecter les droits individuels tels
que les droits de la défense1196. De plus, ses décisions sont susceptibles de faire grief. Elles sont donc
soumises à la possibilité du recours en annulation pour excès de pouvoir.

In fine, dans notre approche analytique de la régulation, en associant les caractéristiques mises en
exergue, l’on peut la définir comme une fonction administrative à vocation économique ayant pour
finalité l’intérêt général, confiée à une institution ou un organe administratif indépendant qui met en
œuvre une normativité dialoguée1197. Dans le champ spécifique de la commande publique, nous en
déduisons que la régulation se rapporte à la fonction confiée à un organe indépendant doté de pré-
rogatives de puissance publique en vue de maintenir les équilibres et favoriser la réalisation des ob-
jectifs de la commande publique, par la mise en œuvre de règles impératives ou non impératives et
de procédés juridiques ou non juridiques1198 nécessaires à la réalisation de sa mission. Dans le cas des
marchés publics en Côte d’Ivoire et dans les directives de l’UEMOA, cette définition correspond bien
à la nature de l’organe de régulation. Comme nous le verrons, les missions de l’ANRMP couvrent un
large champ de compétences dont certaines appellent des observations particulières.

1194
Voir L. calendri qui cite de nombreux auteurs et ouvrages partageant cette vision. Elle critique également
l’idée d’une indépendance absolue. Ibidem, p456
1195
Certaines entités exerçant une tâche de régulation n’ont pas forcément une personnalité morale distincte
de celle de l’administration Étatique. C’est notamment le cas de l’Autorité des Marchés Financiers, en FRANCE.
Voir L. Calendri, thèse de doctorat, Op. Cit. ; voir également : G. Marcou qui comparait selon les pays. Souvent
une autorité de régulation qui a moins d’indépendance peut avoir plus de pouvoir qu’une autre qui a une per-
sonnalité juridique propre. Voir G.Marcou, régulation et service public : les enseignements du droit comparé,
Op.cit.
1196
Sur le contrôle juridictionnel, voir G. Marcou, régulation et service public, les enseignements du droit com-
paré, Op. Cit., précisément. Pp 58-62 ; voir aussi : Martin Bullinger, le contrôle juridictionnel de la régulation, in
Droit de la régulation, service public et intégration régionale, tome 1 comparaisons et commentaires, sous la
direction de Gérard Marcou et Franck Moderne, Ed. Le Harmattan, 2005, 309P, pp-131-141, Op. Cit. ; Achour
Taibi, thèse de doctorat, Op. Cit. , pp 481 et s ; Aussi L Calendri Op. Cit. Pp553 et s.
1197
Pour le vocable « normativité dialoguée », voir Gérard Timsit, « Normativité et régulation », in La normativi-
té, Cahiers du Conseil constitutionnel, dossier, 2007, n° 21. Cette phrase de G. Timsit résume cette notion qui
émane de lui : « J’appelle dialogique la vision du droit qui – prenant acte de la place, qui n’est ni nulle, ni exclu-
sive, des valeurs (de certaines valeurs) dans le droit – admet que la solution de droit puisse emprunter simulta-
nément à des logiques différentes, soit intérieures, soit extérieures au système de droit ». Voir G. Timsit, sur
deux points aveugles de la doctrine juridique : nouvelles considérations sur le dialogisme normatif, in mélanges
à Andrée Lajoie, 2008, p359-379, disponible sur https://www.lex-electronica.org/files/sites/103/15-
1_timsit.pdf, consulté en novembre 2021. Pour une vision extensive de la notion, voir Bruno Deffains, concur-
rence des normativités : un point de vue économique, in Revue Internationale de Droit économique, 2018/3 t.
XXXII | pages 269 à 279, disponible sur : https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-
2018-3-page-269.htm?contenu=article#no8 (consulté en novembre 2021)
1198
Tel que les formations des acteurs des marchés publics, les audits du système.
464

II- Observations sur la place de l’ANRMP en tant qu’organe de la régulation dans les mar-
chés publics en Côte d’Ivoire

Le choix d’accorder à l’ANRMP des prérogatives élargies en tant qu’organe de régulation est la résul-
tante directe des directives de l’UEMOA et des objectifs de la réforme. Il s’avère que la régulation
dans les marchés publics en Côte d’Ivoire est une fonction novatrice1199. Elle s’est affichée comme
une solution aux diverses mutations de l’activité de l’administration, singulièrement dans le domaine
de la commande publique. Elle est perçue comme un outil démocratique, appuyant le principe
d’efficacité de gestion des deniers publics et s’accorde avec la nouvelle culture managériale pu-
blique1200. De même, elle apporte des solutions à l’inadaptation du fonctionnement des instances
traditionnelles, notamment l’institution judiciaire1201. Partant, elle doit veiller à la bonne application
des principes de la commande publique et favoriser l’atteinte des objectifs qui y sont liés, tels que la
réalisation de l’intégration économique, l’insertion des PME et les autres politiques publiques à va-
leur sociale et économique qui sont développées à travers les marchés publics. Ces enjeux forts ex-
pliquent le statut d’autorité administrative indépendante de l’ANRMP et l’étendue de sa mission.

1- Sur l’organisation et l’indépendance de l’ANRMP

L’ANRMP est une autorité administrative indépendante dotée d’une personnalité morale propre et
d’une autonomie financière1202. Il convient de rappeler qu’initialement, lors de sa création, l’ANRMP
était désignée comme un organe spécial Indépendant (OSI) rattaché au ministère des marchés pu-
blics1203. Ce statut, inconnu alors, avait été critiqué pour le flou qu’il laissait subsister quant à sa na-
ture et pour le fait que l’indépendance et la crédibilité de l’ANRMP pourrait en pâtir1204. Aussi, la
détermination du statut d’AAI marque un progrès qui vise à conforter son rôle et sa position. Cepen-
dant, elle est rattachée institutionnellement à la présidence de la République.

1199
SAMB Seynabou, thèse de doctorat Op. Cit. p 581
1200
Voir Goue Hermann, la régulation de la commande publique dans l’espace UEMOA, Op. Cit.
1201
Voir Goue Hermann Ibid. p10; voir aussi Pierre Claver KOBO, président de la chambre administrative de la
cour suprême, Editorial : de la régulation, in la Tribune de la Chambre administrative, N°08- juin 2017, pp 3-5,
disponible sur le site de l’institution www.consÉtat.ci ; Également, sur l’importance de la perception du rôle de
l’institution judiciaire pour la démocratie en Afrique et les enjeux d’un renforcement de ladite institution, voir
PAPA Oumar Sakho, Quelle justice pour la démocratie en Afrique ?, in Pouvoirs 2009/2, N° 129, PP57-64, dispo-
nible sur : https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2009-2-page-57.htm
1202
Voir article 1 de l’Ordonnance N°2018-594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionne-
ment de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics. Disponible sur :
https://www.anrmp.ci/images/PDF/Ordonnance-n-2018-594.pdf
1203
Voir article 2 du décret n°2009-260 du 06 aout 2009 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité
Nationale de Régulation des Marchés Publics (ANRMP) (abrogé)
1204
Voir par exemple, SAMB SEYNABOU Op. Cit. P610 ; voir rapport d’activité de l’ANRMP 2010 et 2011,
465

Son organisation se structure autour de quatre (4) organes : le conseil de régulation1205, le prési-
dent1206, le secrétariat général1207 et les structures spécialisées1208. On peut observer la présence de
représentants du secteur privé et de la société civile, notamment au sein du conseil de régulation1209.
On note également le fait que les membres du conseil de régulation et les secrétaires généraux sont
nommés par décret et peuvent être révoqués à la suite d’une faute grave1210. Les modalités de mise
en œuvre de cette révocation ne sont pas précisées dans l’ordonnance mais on note que la révoca-
tion fait suite à une proposition du conseil de régulation.

Le fait que des membres de direction de l’ANRMP soient nommés par décret est perçu par certains
comme fragilisant l’indépendance de l’institution, arguant notamment du fait que la création de
l’ANRMP, son organisation et son fonctionnement devraient relever de la loi1211. Cet argument peut
avoir une certaine légitimité. Cependant, il s’agit d’un choix politique des autorités gouvernemen-
tales1212. De fait, il semble que celles-ci n’ont pas encore la volonté d’accorder une autonomie com-
plète à l’ANRMP. Néanmoins, elles mettent en œuvre les moyens d’élargir son indépendance dans le
cadre des missions qui lui sont confiées. A cet effet, on peut noter que les membres du conseil de

1205
C’est l’organe plénier. Il administre l’ANRMP, oriente sa politique générale et évalue sa gestion. Entre
autres attributions, on peut noter qu’il valide les études, rapports, recommandations et décisions prises par les
cellules spécialisées et le comité de règlement administratif, ordonne les enquêtes et les audits, adopte les
recommandations , projets de réglementation, les documents standards, les manuels de procédures dans le
domaine de la commande publique. (Article 5 de l’ordonnance N°2018-594.). Les membres du conseil de régu-
lation sont nommés par décret pris en conseil des ministres pour une durée de trois ans renouvelable une fois
(article 10, ibid.). Les membres du conseil de régulation bénéficient d’une protection spéciale de l’État fixée par
décret, pour les actes qu’ils prennent dans l’exercice de leurs fonctions (art 11 ibid.). Chaque membre du con-
seil de régulation dispose d’une voix et les décisions sont prises à la majorité simple. Cependant, en cas
d’égalité, la voix du président est prépondérante (art 15 ibid).
1206
Il est élu parmi les membres du conseil de régulation à la majorité absolue à deux tours. Si la majorité n’est
pas réunie, un troisième tour est organisé au cours duquel la majorité relative suffit. En cas d’égalité à l’issue
de celui-ci, la voix du représentant de la présidence de la république prédomine, ou celle du représentant du
premier ministre le cas échéant si le représentant de la présidence de la république est candidat.
1207
Le secrétariat général est composé d’un secrétaire général et de trois secrétaires généraux adjoints. Ils sont
nommés par décret après un appel à candidature (voir art 19 ibid.)
1208
Elles sont au nombre de trois (la cellule définition des politiques et formation, la cellule recours et sanc-
tions, la cellule études et audits indépendants) et complétées par le comité de règlement administratif.
1209
Il est composé de 12 membres répartis comme suit : 4 représentants de l’administration publique, 4 repré-
sentants du secteur privé et 4 représentants de la société civile. Voir art 5 à 16 de l’ordonnance N°2018-594
Op. Cit.
1210
Les fautes graves sont le non-respect du secret des délibérations, la corruption active ou passive et toute
autre infraction assimilable, la violation des dispositions des textes législatifs et réglementaires régissant la
commande publique. Voir art 10 et 12 de l’ordonnance N°2018-594, ibid.
1211
Spécifiquement sur la question de la nomination des secrétaires généraux, Voir : SAMB SEYNABOU, le droit
de la commande publique en Afrique noire francophone : contribution à l’étude des mutations du droit des con-
trats administratifs au Sénégal, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Cameroun, Op. Cit. p612
1212
Les marchés publics étant un domaine régalien et stratégique en Côte d’ivoire et dans les États de l’UEMOA
en général, on peut comprendre que le gouvernement reste responsable en déterminant les grandes orienta-
tions et puisse prendre toute mesures utiles au bon fonctionnement du système ; ceci en tenant compte de
l’avis et du travail de l’ANRMP qui doit pouvoir s’exprimer et fonctionner en toute autonomie dans le cadre de
cette mission bien circonscrite.
466

régulation bénéficient d’une protection spéciale pour les actes pris lors de leur fonction. Toutefois, ils
n’échappent pas aux règles de conflits d’intérêts et aux sanctions relatives à la violation des règles
d’éthiques auxquelles sont soumis tous les acteurs de la commande publique. En outre, l’ANRMP
dispose de plusieurs sources de financement qui assurent son autonomie financière, au moins dans
son fonctionnement propre1213. De plus, elle dispose d’un budget d’investissement et pour la réalisa-
tion des appuis aux acteurs de la commande publique dans le cadre des missions qui lui sont attri-
buées1214. Qui plus est, il est clair que dans les actes qui matérialisent son fonctionnement et ses dé-
cisions, l’ANRMP jouit d’une grande liberté, notamment du fait du caractère paritaire du conseil de
régulation et des modalités de prise de décisions. Même si celui-ci est composé de représentants
des plus hautes instances du pouvoir exécutif (la présidence et la primature), lors des délibérations,
ceux-ci n’ont pas plus de voix que les représentants des ministères techniques, ceux de la société
civile et ceux du secteur privé. De même, ces décisions, ne sont pas soumises à la validation de
l’autorité institutionnelle de rattachement (la présidence de la République) préalablement à leur
exécution. Enfin, l’ANRMP, en tant qu’institution publique est soumise au contrôle a priori et a pos-
teriori des organes de l’État et de la cour des comptes.

Toutefois, au-delà du contrôle juridictionnel et financier, il convient de mettre en exergue la nécessi-


té pour l’ANRMP de rendre compte de sa politique globale devant les institutions démocratiques de
l’État que sont le gouvernement et le parlement, devant les acteurs de la commande publique et
également devant l’opinion publique. Les rapports publiés par l’ANRMP, de même que la composi-
tion hétéroclite des membres du conseil de régulation sont un grand pas dans ce sens, mais ne suffi-
sent pas pour assurer la vigilance démocratique, au vu des pouvoirs élargis qui sont conférés à
l’organe de régulation. Spécifiquement, l’ANRMP, en tant qu’autorité administrative indépendante,
trouverait certainement une légitimité supplémentaire en nourrissant un dialogue plus accru avec les
institutions du pouvoir législatif.

2- Sur les missions de l’ANRMP

Les missions de l’ANRMP sont fixées par l’ordonnance N°2018-594 du 27 juin 20181215. Il s’agit de
missions de nature législative et réglementaire, d’une fonction de règlement des litiges assorti d’un

1213
Relativement à la composition des ressources de l’ANRMP Voir art 40 de l’ordonnance N°2018-594
1214
Pour plus de détails sur la répartition du budget de l’ANRMP et un exemple du montant des dépenses et
recettes, Voir rapport d’activité ANRMP 2018-2019. Disponible sur :
https://www.anrmp.ci/images/app/contenu/1410/rapport-anrmp-2018-2019.pdf
1215
Ordonnance N°2018-594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement de l’autorité
nationale de régulation des marchés publics. Disponible sur : https://www.anrmp.ci/images/PDF/Ordonnance-
n-2018-594.pdf
467

pouvoir de sanction, une fonction de formation et d’information à travers la supervision du système


des marchés publics.

2.1- Les fonctions législatives et réglementaires

Elles sont la résultante de l’article 5 de la directive 05 qui prévoit que l’organe de régulation soit doté
de compétences dans la définition de politiques en matière de marchés publics. L’un des moyens
pour parvenir à cette fin est que, l’ordonnance N° 2018-594 précise que l’ANRMP a la charge « d ’
identifier, en collaboration avec les acteurs, les faiblesses du système de la commande publique et
proposer, sous forme d’avis, de recommandations ou de décisions, toute mesure législative ou régle-
mentaire, de nature à améliorer le système, dans un souci d’économie, de transparence et
d’efficacité »1216. En plus de cette capacité propre de proposition de textes législatifs ou réglemen-
taires, l’ANRMP a pour attributions de donner son avis sur tout projet de texte législatif ou réglemen-
taire émanant des autorités publiques, dans le domaine des marchés publics1217. De plus, elle initie
l’élaboration et valide les textes d’applications relatifs à la réglementation de la commande publique,
tels que les documents types et les manuels de procédures en collaboration avec la structure admi-
nistrative chargée des marchés publics1218. Cette mission implique la collaboration étroite avec la
structure administrative chargée des marchés publics, de l’unité chargée des PPP et des ministères
techniques compétents. Enfin, l’ANRMP participe à l’élaboration des normes et spécifications tech-
niques du système de management de la qualité applicables aux marchés publics et aux contrats de
partenariats Public-privé selon le schéma d’harmonisation communautaire de l’UEMOA1219.

A côté des fonctions législatives et réglementaires de l’ANRMP, l’une de ses missions les plus nova-
trices est la prise en charge du contentieux non-juridictionnel des marchés publics. Elle suscite de
nombreuses observations qu’il convient de relever.

2.2- Les implications de la fonction contentieuse de l’ANRMP

2.2.a) Généralités sur la fonction contentieuse de l’ANRMP

La fonction de règlement des litiges nés de la passation et de l’exécution des marchés publics est
l’une des fonctions les plus importantes de l’ANRMP. Elle trouve sa source dans la directive 05 de
l’UEMOA qui prévoit que les États mettent à la disposition des soumissionnaires, des recours effectifs
aussi bien auprès des autorités contractantes que dans le cadre d’un recours non-juridictionnel au-

1216
Voir art 3
1217
Art 3, Ibid.
1218
Article 25, ibid.
1219
Article 3, ibid.
468

près d’une autorité spécifique de recours non-juridictionnels1220. La directive précise également que
cette autorité peut statuer sur les litiges survenant entre les organes de l’administration dans le
cadre de la procédure de passation des marchés publics et des délégations de services publics1221.

Aux termes du code des marchés publics1222 et de l’ordonnance N°2018-594, l’ANRMP est l’autorité
en charge de régler les litiges nés lors de la passation des marchés publics et des contrats de PPP. Elle
peut également procéder à des conciliations relativement aux litiges nés de l’exécution desdits mar-
chés et contrats de PPP1223.

Ainsi, d’une part, elle dispose de prérogatives de plein droit pour régler tous les litiges survenant
dans le cadre de la passation. D’autre part, elle est susceptible de mettre en œuvre des mécanismes
de conciliation en ce qui concerne les différends survenus dans le cadre de l’exécution et du règle-
ment des marchés1224. A ce stade, par principe, le contrat étant déjà formé, la compétence est parta-
gée avec l’institution judiciaire qui est le juge du contrat et avec les autres voies de règlement de
leurs différends que les parties auront choisies, notamment dans l’éventualité de la soumission du
différend à l’arbitrage.

Au sein de l’ANRMP, la fonction de règlement des litiges incombe à deux organes selon la nature des
parties : la cellule recours et sanctions (pour ce qui concerne les acteurs impliqués dans la passation
et l’exécution de la commande publique d’une manière générale) 1225et le comité de règlement ad-
ministratif (dont la compétence se rapporte aux litiges internes à l’administration en matière de
commande publique)1226. Ainsi, l’ANRMP, à travers ces deux organes, regroupe les prérogatives défi-
nies aux articles 11 et 12 de la directive 05 de l’UEMOA.

Par ailleurs, afin de saisir le chemin parcouru dans la transposition des directives et de la réforme de
l’UEMOA en Côte d’Ivoire, il est bien fondé de rappeler que la dévolution à l’ANRMP du contentieux

1220
Article 11 et 12 de la directive 05
1221
Art 12, idem.
1222
Art 145 à 147
1223
Art 2 de l’ordonnance N°2018-594
1224
La procédure de conciliation donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal de conciliation ou de non-
conciliation. Voir code des marchés publics, art 146, 147 ; voir aussi l’ordonnance N°2018-59 Ibid.
1225
Elle est compétente pour connaître des litiges et différends nés à l’occasion de la passation et de
l’exécution des marchés publics et des contrats de PPP, de même que pour prononcer des sanctions (contre les
candidats, soumissionnaires , attributaires ou titulaires des marchés publics et des contrats de PPP )ou
l’annulation de la procédure en cas d’irrégularités , d’actes de corruption et de pratiques frauduleuses. Voir art
3 du décret N°409 du 22 avril 2020 fixant les modalités de saisine et les procédures d’instruction, de prise de
décisions et d’avis des organes de recours non-juridictionnel de l’ANRMP
1226
Il est compétent pour connaître des litiges internes à l’administration survenus à l’occasion de la passation
ou du contrôle de la commande publique, de même qu’en cas d’irrégularités , d’actes de corruption et de pra-
tiques frauduleuses, en vue de proposer aux autorités compétentes des sanctions à l’encontre des agents pu-
blics reconnus coupables de violation de la réglementation de la commande publique. Voir art 5 du décret
N°409 du 22 avril 2020. Ibid.
469

non-juridictionnel interne à l’administration en matière de commande publique est une nouveauté


introduite par l’ordonnance N° 594 du 27 juin 20181227 et corroborée par le code des marchés pu-
blics de 20191228. A contrario, dans les premiers actes de la transposition des réformes, cette mission
spécifique avait été confiée à un organisme distinct de l’ANRMP : la Commission Administrative de
Conciliation (CAC)1229. La coexistence entre l’ANRMP et la CAC avait été critiquée par les parties pre-
nantes du système des marchés publics, y compris les institutions multilatérales de financement,
comme contraire à la directive de l’UEMOA et l’esprit de la réforme1230.

Parmi les critiques, on peut retenir celle-ci pour exemple : le ministre en charge des marchés publics
devait valider les décisions de la CAC à l’issue de la conciliation. Or, d’après le code des marchés pu-
blics, ledit ministre est en charge d’autoriser le recours aux marchés de gré à gré et certaines procé-
dures restreintes. Par conséquent, selon le motif du litige, notamment, s’il portait sur des décisions
liées à ces autorisations, il apparaissait que le ministre devenait juge et partie. De ce fait, son implica-
tion dans les décisions de la CAC et le fait que cette procédure ne se matérialisait que par des méca-
nismes de conciliation portait une atteinte potentielle et permanente au principe de transparence et
de concurrence. Cette critique était également avérée en matière d’approbation du marché, notam-
ment dans le cas du recours ouvert à l’autorité contractante en cas de refus d’approbation1231.

Les autorités ivoiriennes ont tenu compte de ces critiques pour supprimer la CAC et créer en rempla-
cement de celui-ci, le Comité de Règlement Administratif au sein de l’ANRMP. On note que ce comité
peut trancher directement les litiges sans demander la validation d’une autorité administrative supé-
rieure ; de plus, ses décisions en « matière de litiges ou de différends sont exécutoires et contrai-
gnantes »1232. Ainsi, le reversement de cette prérogative à l’ANRMP renforce son statut d’autorité
nationale de régulation des marchés publics. Elle va dans le sens de la volonté de célérité qui est
l’une des motivations de la création de l’ANRMP et démontre l’évolution constante du système sous
l’impulsion de la surveillance et du suivi des acteurs internationaux et nationaux.

2.2.b) Spécificité dans la saisine de l’ANRMP

1227
Art 35 à 38
1228
Art 146
1229
Voir art 169 de l’ancien code des marchés publics de 2009 et l’arrêté N°805 du 19 octobre 2010 portant
organisation et fonctionnement de la Commission Administrative de Conciliation.
1230
Voir par exemple, BAD, document de stratégie PAYS Côte d’IVOIRE 2018-2022, Op. Cit. Annexe 7- p40 (XI
dans le document)
1231
Le refus d’approbation de l’autorité administrative qui approuve le marché est susceptible d’un recours
auprès de l’organe de régulation. L’autorité approbatrice est fonction du marché, selon les cas prévus dans le
code des marchés publics. Dans certains cas, il s’agit du ministre. Voir art 83 et 84 du code de 2019 ; art 82 du
code de 2009
1232
Voir art 35 de l’ordonnance N°594-2018 Op. Cit. ; Art 5 et art 26 du décret 409 du 22 avril 2020, Op. Cit.
470

On note que les conditions de saisine des organes contentieux de l’ANRMP révèlent quelques parti-
cularités au regard de la procédure contentieuse administrative habituelle. Il apparaît notamment
que la condition préalable d’épuisement des recours gracieux et hiérarchique est assouplie. D’abord,
au vu des textes, l’un seul de ces recours est exigé préalablement à la saisine de l’ANRMP1233. En
outre, les délais impartis pour ces recours avant la saisine de l’ANRMP sont plus courts que ceux ap-
pliqués dans le droit commun des recours administratifs1234.

Enfin, on note que le code de 2019, contrairement à celui de 2009, supprime le recours administratif
préalable à la saisine de l’ANRMP en matière d’exécution contractuelle et de règlement des marchés
publics. Il précise simplement que les parties disposent d’un délai de 10 jours ouvrable pour saisir
l’ANRMP à compter de la notification ou la publication de la décision ou de l’acte ou de la survenance
du fait faisant grief1235.

Le raccourcissement de ces délais témoigne d’une volonté de célérité dans la procédure. Celle-ci est
en phase avec les principes d’efficacité de la commande publique. Cette tendance est corroborée par
la facilitation des moyens matériels de mise en œuvre du recours préalable. D’après le code des mar-
chés publics, celui-ci peut être exercé par tout moyen approprié, y compris par des moyens de com-
munication électronique1236. Cette disposition n’est pas sans poser des questions relatives à la
preuve, surtout que la dématérialisation des marchés publics en Côte d’Ivoire n’est pas encore par-
faite. Une affaire portée devant l’ANRMP en 2014 témoigne de la vigilance qu’impose cette disposi-

1233
Voir art 144 du code des marchés publics en vigueur ; art 15 du décret 409-2020 Op. Cit.
1234
Dans le droit commun du contentieux administratif ivoirien, le recours administratif préalable est obliga-
toire et doit être formé par écrit dans le délai de deux mois à compter de la publication ou de la notification de
la décision attaquée : Art 53 de la loi N°978 du 27 décembre 2018 déterminant les attributions, la composition,
l’organisation et le fonctionnement du conseil d’État. Par comparaison, le recours préalable à la saisine de
l’ANRMP dans le cas du contentieux de la commande publique doit être formé dans le délai de sept jours ou-
vrables à compter de la publication ou de la notification de la décision ou de l’acte ou de la survenance du fait
contesté (art 15 du décret 409-2020 Op. Cit. et art 144 du code des marchés publics en vigueur). Ce délai est
porté à trois jours ouvrables s’agissant des litiges internes à l’administration dans le cadre de la commande
publique (art 25 du décret 409-2020 Op. Cit.). Il est aussi notable que les délais de réponse de l’administration
sont strictement encadrés. Elle dispose de 5 jours ouvrables pour décider et l’absence de la décision est consi-
dérée comme un rejet du recours. Quant au requérant, il dispose de cinq jours ouvrables pour former un re-
cours contre cette décision auprès de l’ANRMP. Ce délai court à partir de la date de publication de l’acte ou de
la notification de la décision faisant grief ou à l’issue du délai de cinq jours ouvrables suivant son recours préa-
lable resté sans réponse (art 15 et 25 du décret 409-2020 Op. Cit. et art 144 du code des marchés publics en
vigueur).
1235
Voir pour comparaison, art 166 du code de 2009 ; voir : art 147 du code de 2019 et article 18 du décret 409-
2020 Op. Cit.
1236
Art 144
471

tion du code des marchés publics aussi bien aux autorités contractantes qu’aux organes de contrôle
des marchés publics et à l’ANRMP elle-même1237.

Il convient de rajouter que l’exercice des recours préalable en Côte d’Ivoire dans le contentieux ad-
ministratif général montre que les différends sont rarement résolus à ce stade. La condition de leur
épuisement constitue même l’un des obstacles les plus significatifs à l’accès aux tribunaux adminis-
tratifs1238. En dérogeant donc au cadre général par les dispositions que nous avons évoquées, il est
loisible de mesurer la spécificité des règles encadrant la commande publique et l’impact de la ré-
forme de l’UEMOA au regard des attentes des parties prenantes.

Cette spécificité dans les modalités de la saisine de l’ANRMP a été étendue aux modalités de la sai-
sine du conseil d’État relativement au recours en annulation exercée devant ladite institution contre
les décisions de l’organe de régulation. Cette disposition insérée dans le code des marchés publics de
2019, marque l’épilogue d’une situation qui a généré beaucoup de controverses.

2.2.c) L’extension débattue de la dérogation au recours en annulation pour excès de


pouvoir contre les décisions de l’ANRMP

Le conseil d’État est le juge en premier et dernier ressort des recours en annulation exercés contre
les décisions faisant grief des autorités administratives centrales, ou des organismes ayant une com-

1237
Dans cette affaire, l’ANRMP a estimé que contrairement à ce que soutenait l’autorité contractante (le mi-
nistère des transports), le soumissionnaire avait exercé son recours gracieux dans les délais. Sa requête était
donc recevable. Pour parvenir à une telle conclusion, la cellule recours et sanctions a envoyé elle-même un
message à l’adresse électronique à laquelle l’autorité contractante prétendait avoir envoyé sa notification.
Devant le constat que cette adresse électronique était erronée, elle retint la date avancée par le soumission-
naire (le 21 mars 2014) et non pas celle de l’autorité contractante (le 12 mars 2014). Voir : décision
N°014/2014/ANRMP/CRS DU 05 JUIN 2014 sur le recours de la société Handling Côte d’Ivoire contestant les
résultats de l’avis à manifestation d’intérêt n°s79/2013 relatif à la mise en concession de la fourniture des ser-
vices d’assistance en escale à l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan organisé par le minis-
tère des transports. Disponible à : https://www.marchespublics.ci/sites/default/files/2020-
01/decision_n_014_2014_anrmp.pdf (consulté en novembre 2021)
1238
La chambre administrative de la cour suprême a estimé dans une communication, que dans les faits, la
part des différends résolus grâce au recours préalable est relative. Elle l’exprime en ces termes : « Force est de
constater que celui-ci constitue plus un obstacle au règlement des litiges qu’un moyen de résolution de ceux-ci.
En effet, les données statistiques disponibles conduisent à voir dans l’exigence du recours administratif préa-
lable, le principal écueil d’accès au prétoire du juge administratif. Au moins 30 à 40 pour cent des décisions
d’irrecevabilité rendues par la Chambre administrative lui est imputable.». Voir chambre administrative de la
cour suprême de côte d’ivoire, réponses au questionnaire sur les modes alternatifs de règlement des litiges en
matière administrative (Congrès d’Istanbul. Mai 2016), disponible sur :
http://www.aihja.org/images/recuperations/congres/2016_-_istanbul/rapports_nationaux/cote-ivoire-
rapport2016.pdf (consulté en novembre 2021) ; voir également les mots du président de la chambre adminis-
trative de la cour suprême en ce sens dans une communication : KOBO Pierre-Claver, le contentieux adminis-
tratif dans l’espace AA-HJF : bilan et perspectives, communication à l’occasion du colloque international de
l’AA-HJF TOGO, Lomé, 12-14 décembre 2016, notamment, p21. Disponible sur le site de l’institution à
l’adresse : http://www.consÉtat.ci/app/webroot/img/files/pdfs/Colloque_AAHJF_Togo2016.pdf (consulté en
novembre 2021)
472

pétence nationale. Il en va ainsi du recours en annulation contre les décisions de l’ANRMP. Pour au-
tant, la question des modalités de sa saisine, en la matière, a fait couler beaucoup d’encre. Ceci, du
fait de la spécificité du champ des marchés publics et de la nature de l’autorité de régulation. Car, si
le code des marchés publics de 2019 a finalement réglé la question en prévoyant un régime déroga-
toire (que nous exposerons après avoir évoqué le cheminement) aux modalités de saisines habi-
tuelles du conseil d’État en matière de recours en annulation des décisions de l’ANRMP, c’est seule-
ment à la suite des difficultés pratiques constatées dans le rapport entre les deux institutions. Celles-
ci, impactant négativement les objectifs attendus en matière de transparence et de célérité de la
commande publique, ont révélé l’incongruité des textes précédents sur ce point précis.

De fait, le besoin de célérité dans les marchés publics, imposait une réflexion sur la soumission des
décisions de l’ANRMP au régime général des recours préalable du contentieux administratif pour le
recours en annulation contre ses décisions. Ce régime prévoit le caractère obligatoire du recours
administratif préalable, soit qu’il s’agisse d’un recours gracieux, soit du recours hiérarchique. Le délai
pour former ce recours est de deux mois, à compter de la publication, de la notification ou de la con-
naissance acquise de la décision visée1239. Ensuite, l’administration dispose d’un délai de deux mois
pour répondre ; l’absence de réponse étant considérée comme un rejet du recours à l’issue de ce
délai1240. Puis, le requérant dispose d’un délai de deux mois pour former son recours en annulation
devant le conseil d’État, à compter de la notification du rejet explicite de son recours préalable ou
implicite acquis selon le délai susmentionné1241. L’addition de ces délais débouchait sur l’écoulement
potentiel d’un délai de six mois préalablement à la saisine du conseil d’État pour le recours en annu-
lation contre la décision de l’ANRMP.

Aussi, eu égard, aux longs délais dans lesquels la juridiction elle-même se prononce, la soumission
des décisions de l’ANRMP à l’obligation du recours préalable rallongeait de facto le temps de la pro-
cédure de passation du marché ou du règlement du litige. Ce fait contredisait le principe de
l’efficacité des procédures de passation des marchés publics promu par les autorités internationales,
communautaires et nationales, et organisé par les textes régulant la commande publique.

Vu sous cet angle, sans minimiser l’importance du recours administratif préalable dans le contentieux
administratif d’une manière générale, il était impérieux de questionner l’adaptation de ces disposi-
tions vis-à-vis de l’intérêt général dans le contentieux du recours en annulation contre les décisions
de l’ANRMP. Il convenait alors de rechercher la solution d’équilibre entre les divers enjeux. En rai-

1239
Art 53 de la loi N°978 du 27 décembre 2018 déterminant les attributions, la composition, l’organisation et
le fonctionnement du conseil d’État.
1240
Art 54, idem
1241
Art 55, idem.
473

sonnant à partir de ce postulat, la soumission des décisions de l’ANRMP en tant qu’autorité de régu-
lation, elle-même déjà investie de prérogatives particulières, dans sa fonction contentieuse, à
l’exigence des recours préalable ne paraissait pas pertinente, au moins en matière de litige. Les par-
ties prenantes qui saisissent l’ANRMP en matière de litige ont déjà épuisé le recours préalable devant
les autorités administratives. En outre, les décisions des cellules contentieuses de l’ANRMP sont mo-
tivées en droit et en fait conformément à la réglementation en vigueur. Ce qui n’en fait pas des déci-
sions administratives classiques pouvant être fondées sur d’autres motifs liés au pouvoir exorbitant
de l’administration.

Partant, eu égard, aux missions assignées à l’ANRMP en tant qu’organe de régulation, à l’impératif de
célérité et aux règles qui régissent ses modalités de prise de décision (celles-ci prenant en compte
des garanties de nature juridictionnelle), il aurait été judicieux de considérer que de telles décisions
ne fassent pas l’objet d’un recours préalable (qui ne pourrait être qu’un recours gracieux, vu
l’indépendance de l’institution) devant elle-même avant le recours en annulation devant le conseil
d’État.

Or, lorsqu’elle a eu l’occasion de se prononcer sur cette question, La haute juridiction a adopté une
position, qui quoique logique dans la mesure où elle était conforme aux textes en vigueur, n’en res-
tait pas moins discutable. En effet, elle a considéré que l’ANRMP étant un organe administratif
comme un autre, le recours pour excès de pouvoir à l’encontre de ses décisions, restait soumis à
l’obligation du recours administratif préalable1242. Cette situation paradoxale exemplifiait l’idée pré-
cédemment évoquée selon laquelle, le recours préalable est source de difficultés dans l’accès au
prétoire en Côte d’Ivoire1243. A défaut d’adaptation pragmatique, elle pouvait s’avérer néfaste pour
les objectifs et les principes de la commande publique. Elle fragilisait également le contrôle du juge
et les garanties du justiciable, dans l’hypothèse où le recours pouvait s’avérer sans objet (la procé-

1242
Cour suprême de Côte d’ivoire, chambre administrative, Arrêt n° 17 du 27 février 2013 Société Dragon-Côte
d’Ivoire dite DRACI c/ Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics. ; Également, le rapport du prési-
dent de la chambre administrative sur cette affaire : Cour suprême- chambre administrative, Kobo Pierre Cla-
ver, rapport relatif à l’affaire Société Dragon de Côte d’ivoire dite DRACI c/ Autorité Nationale de Régulation
des Marchés Publics, Op. Cit. ; voir aussi SAMB SEYNABOU Op. Cit. P650 et s.
1243
« Force est de constater que celui-ci constitue plus un obstacle au règlement des litiges qu’un moyen de
résolution des litiges. En effet, les données statistiques disponibles conduisent à voir dans l’exigence du recours
administratif préalable, le principal écueil d’accès au prétoire du juge administratif. Au moins 30 à 40 pour cent
des décisions d’irrecevabilité rendues par la Chambre administrative lui est imputable.». Voir chambre adminis-
trative de la cour suprême de CÔTE D’IVOIRE, Réponses au questionnaire sur les modes alternatifs de règle-
ment des litiges en matière administrative (Congrès d’Istanbul. Mai 2016), Op. Cit. ; voir également les mots du
président de la chambre administrative de la cour suprême en ce sens dans une communication. KOBO Pierre-
Claver, le contentieux administratif dans l’espace aa-hjf : bilan et perspectives, Op. Cit.
474

dure de passation du marché ayant été déjà formalisée par un contrat ou l’exécution et le règlement
du marché étant achevés) tel que l’a démontrée sa décision d’irrecevabilité dans un arrêt1244.

Mais la position du conseil d’État était sans doute logique au regard des textes en vigueur. Il ne lui
appartenait pas de se substituer au pouvoir législatif et réglementaire, même s’il est possible
d’opiner avec le propos de Monsieur Olivier Fandjip. Celui-ci défend dans sa thèse de doctorat, à
travers le droit comparé, l’idée selon laquelle la problématique du temps requiert une implication
audacieuse, ou un dépassement dans l’approche des juges d’Afrique francophone, afin de contri-
buer, par leur œuvre prétorienne à une redéfinition des contours du temps en gardant en ligne de
mire l’équilibre entre l’intérêt des justiciables et celui de l’État1245.

les dérogations apportée aux dispositions de la loi sur les conditions du recours en annulation devant
le conseil d’État, par le code des marchés publics de 2019 (qui est une ordonnance) ont permis de
régler cette situation qui a perduré pendant de nombreuses années. Elles ont permis aux pouvoirs
publics et à l’institution judiciaire de se mettre en phase avec l’esprit des réformes et des textes de la
commande publique. En effet, son article 148 dispose que « Les décisions de l’organe de régulation
sont susceptibles de recours en annulation pour excès de pouvoir. Ce recours n’est pas suspensif, sauf
exercice d’un recours en sursis d’exécution devant la juridiction compétente. Le recours est exercé
directement devant la juridiction compétente, sans recours préalable, dans un délai de dix (10) jours
ouvrables à compter de la notification ou la publication de la décision de l’organe de régulation. La
juridiction compétente statue à bref délai. ». Ce texte supprime non seulement le recours préalable
dans ce cas précis, mais réduit également le délai de la saisine qui passe de deux mois à 10 jours.
Cette évolution témoigne de la particularité de ce contentieux et des attentes qu’il suscite, y compris
dans son appréhension par l’institution judiciaire.

2.2.d) Effets de la saisine de l’ANRMP et portée de ses décisions

Les effets de la saisine des organes contentieux de l’ANRMP varient selon la procédure déclenchée.
Ainsi, par principe, le recours est suspensif de la procédure de passation du marché public ou du con-
trat de PPP lorsqu’il est formé devant la CRS en matière de différends nés d’un litige survenu pendant
la phase de passation1246. En revanche, il n’est pas suspensif lorsqu’il porte sur des différends relatifs

1244
Chambre administrative de la Cour Suprême, Arrêt du 30 mars 2016, SARL KINAN c/ ANRMP
1245
Olivier Fandjip , Le temps dans le contentieux administratif : essai d’analyse comparative des droits français
et des états d’Afrique francophone, thèse de doctorat, Université d’Auvergne, décembre 2016, 414
P.(spécifiquement sur l’analyse du temps en matière de recours préalable et la comparaison avec sa souplesse
dans le droit français voir p 138 et s.) ,disponible sur : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-
02141698/document
1246
Art 16 du décret N°409-2020 Op. Cit. , art 144 du code des marchés publics en vigueur.
475

à l’exécution et le règlement des marchés (devant la CRS)1247et en cas de dénonciation d’irrégularités,


d’actes de corruption et de pratiques frauduleuses (devant la CRS)1248. Egalement, le recours n’est
pas suspensif en cas d’auto saisine de la CRS en matière d’irrégularités, d’actes de corruption ou de
pratiques frauduleuses1249. De même, devant le CRA, il n’est jamais suspensif, qu’il s’agisse d’une
saisine effectuée par un acteur administratif ou d’une auto-saisine de la CRA1250. Toutefois, dans tous
les cas de figures et en ce qui concerne tous les recours, si les circonstances l’exigent, en vue d’éviter
un préjudice grave et irréversible qui résulterait de la poursuite de la procédure de passation du
marché, la CRS peut décider de la suspendre en attendant le prononcé de sa décision1251.

Les décisions des cellules contentieuses de l’ANRMP et leur portée sont de divers ordre :

Ainsi, la CRS tranche en dernier ressort (des recours non-juridictionnel) les contestations nées dans le
cadre de la passation des marchés publics et des contrats de PPP. En matière d’irrégularités, d’actes
de corruption ou d’atteinte à la réglementation, elle peut également prononcer des sanctions di-
verses contre les candidats, soumissionnaires, attributaires ou titulaires des marchés et des contrats
de PPP, voire des décisions d’annulation1252. En outre, elle mène des conciliations entre les parties
dans le cadre de l’exécution et du règlement des marchés publics. La procédure se conclue par un PV
de conciliation ou de non conciliation1253.

Quant à la CRA, elle tranche les litiges ou les différends internes à l’administration en dernier ressort
(des recours non-juridictionnel1254). En matière d’irrégularités, d’actes de corruption et de pratiques
frauduleuses violant la réglementation de la commande publique, elle propose aux autorités compé-
tentes, sous-forme d’avis des sanctions à l’encontre des agents publics reconnus coupables de tels
actes1255.

1247
Voir les articles 18, 19 et 20 du décret N°409-2020 et art 147 du code des marchés publics
1248
Voir art 21 et 22 du décret N°409-2020 ; art 145.2 du code des marchés publics, ibid.
1249
Art 21 et 22 du décret N°409-2020 et art 145.3 du code des marchés publics, ibid.
1250
Voir art 24, 25, 26, 27 du décret N°409-2020, ibid.
1251
Voir les articles 14 à 28 du décret N°409-2020 Op. Cit.
1252
En plus des sanctions pénales qui peuvent s’appliquer, le code des marchés publics prévoit des sanctions
particulières en cas de pratiques frauduleuses (art 155), d’inexactitudes délibérées (art 154) ou d’actes de cor-
ruption ( art 156) qui peuvent aller de l’élimination de la concurrence en cours à l’exclusion définitive ou pour
une durée déterminée des entreprises et personnes concernées et/ou l’annulation de l’offre et la confiscation
de la garantie correspondante. Lorsque les violations susmentionnées sont constatées après l’attribution du
marché, les sanctions peuvent déboucher sur l’annulation de la décision d’attribution, voire du marché le cas
échéant, aux torts, frais et risques des titulaires (art 154) et à la confiscation des garanties par lui produites (art
155 et 156). Voir aussi art 3 du décret N°409-2020 ; voir encore : arrêté N°118 du 26 mars 2014 portant modali-
tés d’application des sanctions des violations de la réglementation des marchés publics.
1253
Art 147 du code des marchés publics et art 3 du décret N°409-2020
1254
Art 5 du décret N°409-2020
1255
Art 5, ibid. ; aussi pour la liste des sanctions susceptibles d’être prononcées à l’encontre des agents publics,
voir les articles 151 à 153. On note des sanctions d’exclusions temporaires ou définitives de la participation à
476

Par ailleurs, en dehors des cas de conciliation et de proposition de sanctions aux autorités compé-
tentes, les décisions des cellules contentieuses de l’ANRMP sont exécutoires et contraignantes (art 9
décret). Partant, il se pose la question des garanties mises en œuvre dans la prise de ces décisions et
des moyens de les contester. A ce titre, en cas de litiges ou de différends nés dans la phase de passa-
tion, les règles gouvernant l’instruction de la procédure prévoient que le principe du contradictoire
doit être respecté1256. Pour ce faire, le secrétaire général adjoint qui instruit la requête s’assure de
l’échange des écritures, pièces et observations entre les parties. Il dispose de la faculté d’utiliser
d’autres moyens de preuves telles que l’audition de tiers au litige, la demande d’information à toute
administration publique et la demande au président de l’ANRMP de la désignation d’un expert. En
outre, une autre garantie réside dans le caractère collectif de La décision ; elle est prise par tous les
membres de la cellule de recours non-juridictionnel1257. De plus, dans le cadre des délibérations, tout
membre de l’organe de régulation qui est susceptible de faire face à un conflit d’intérêt doit se récu-
ser1258. En sus, les décisions doivent être motivées et préciser les dispositions de la réglementation de
la commande publique dont elles font application1259. Enfin, la confidentialité des débats et des
pièces transmises, de même que l’impossibilité de les opposer aux parties dans d’autres procédures
font partie des garanties1260.

En tout état de cause, comme indiqué ci-dessus, conformément à la directive 05 de l’UEMOA et aux
règles des recours administratifs liés à la nature et aux prérogatives de l’ANRMP, les décisions de ses
organes de recours non juridictionnels sont susceptibles d’un recours en annulation pour excès de
pouvoir devant le conseil d’État1261. Ce recours n’a pas d’effet suspensif sur la procédure de passation
en cours. Cependant, il marque bien un changement dans la réalité du contentieux des contrats ad-
ministratifs. De fait, la dévolution du contentieux de l’excès de pouvoir des décisions de l’ANRMP au
juge du conseil d’État en premier et dernier ressort a engendré des effets inattendus dans la gestion
du contentieux des marchés publics en Côte d’Ivoire.

2.3- Des imbrications nouvelles entre l’institution judiciaire et la fonction contentieuse non-
juridictionnelle de l’ANRMP

toute procédure de marché public. En outre, toutes les autres sanctions pécuniaires, pénales et disciplinaires
définies par les textes en vigueur pour les agents de la fonction publique s’appliquent. ; voir aussi l’arrêté
N°118 du 26 mars 2014 portant modalités d’application des sanctions des violations de la réglementation des
marchés publics
1256
Art 8 du décret N°409-2020
1257
Art 8.1 ibid.
1258
Art 9 ibid.
1259
Art 9 ibid.
1260
Art 10 ibid.
1261
Art 13 ibid. art 12 de la directive 05 de l’UEMOA Op. Cit.
477

La gestion des différends qui résultent de la passation des marchés publics par l’ANRMP en tant que
dernier décisionnaire du recours non-juridictionnel et son pouvoir de sanction sont des aspects im-
portants de la régulation des marchés publics aussi bien pour les principes de la commande publique
et leurs conséquences socio-économiques, que les vertus démocratiques qui sont attendues
d’elle1262. Il importe ici de rappeler que la régulation dans les marchés publics en Côte d’Ivoire de-
meure une fonction novatrice et perfectible1263 qui épouse les contraintes du contexte de l’UEMOA
et de la Côte d’Ivoire. Spécifiquement, devant les difficultés liées au fonctionnement de l’institution
judiciaire, elle apporte une approche pluridimensionnelle bienfaitrice.

Cet apport, indéniable est apprécié par les acteurs économiques, politiques, la société civile et les
acteurs internationaux des marchés publics. Il l’est également par l’institution judiciaire administra-
tive elle-même. « En effet, elle ouvre à la Haute Juridiction, un secteur d’activités de l’administration
dans lequel elle n’avait eu, jusque-là, l’opportunité d’intervenir… Aussi étonnant que cela puisse pa-
raître, la chambre administrative n’a pas eu à connaître de litiges relatifs aux marchés publics. Pour-
tant, ceux-ci cristallisent des enjeux économiques et financiers majeurs et posent de nombreuses
questions juridiques délicates… qui, sous d’autres cieux, nourrissent une abondante jurispru-
dence.»1264.

Cette réalité étonnante qui faisait de cette affaire (voir note de bas de page précédente) la première
opportunité pour la chambre administrative de la cour suprême de rendre une décision en matière
de marchés publics, s’explique par deux arguments :

D’une part, une grande partie du contentieux du droit des affaires publiques échappe à la juridiction
administrative, au profit de modes alternatifs de règlement des différends qui sont plébiscités par les
parties prenantes, celles-ci n’ayant pas confiance dans le système judiciaire1265. D’autre part,

1262
Sur les vertus démocratiques, socio-économiques de la régulation de la commande publique en Côte
d’ivoire et dans l’UEMOA, voir : Goue Hermann, Op. Cit. ; Aussi, Mansour DIOP, l’évolution des marchés publics
au Sénégal, repères historiques et faits marquants, revue des marchés publics du Sénégal, N°1, 2010. PP6-7 cité
par SAMB SEYNABOU p581. Pour lui, les autorités de régulations des marchés publics répondent à une nécessi-
té socio-politique.
1263
SAMB SEYNABOU Op. Cit. p581
1264
Tels sont les mots du président de la chambre administrative de la cour suprême, en 2012, dans ses obser-
vations à l’occasion d’un recours en annulation porté devant ladite juridiction contre une décision de l’ANRMP.
Voir Cour suprême- chambre administrative, Kobo Pierre Claver, rapport relatif à l’affaire Société Dragon de
Côte d’ivoire dite DRACI c/ Autorité nationale de Régulation des marchés Publics Op. Cit.
1265
La soumission des personnes morales de droit public à l’arbitrage de l’OHADA a amplifié cette tendance qui
était déjà mentionnée en 1982 par le Professeur Mescheriakoff qui faisait remarquer que les contentieux entre
l’administration ivoirienne et ses co-contractants qui étaient le plus souvent des multinationales étrangères
étaient réglées à l’amiable du fait des intérêts en jeu et l’absence de confiance dans le système judiciaire. Voir
Alain Serge Mescheriakoff, le droit administratif ivoirien, Paris, Economica, 1982, 247P, p. 172. ; voir article 2 de
l’acte uniforme de l’OHADA sur le droit de l’arbitrage de 1999 et l’art 2 de la version en vigueur dudit acte de
2017 ; voir art 150 du code des marchés publics de 2019 qui autorise le recours à l’arbitrage dans la résolution
478

l’organisation judiciaire donne une compétence aux tribunaux d’instances pour connaître du conten-
tieux du contrat administratif qui est un contentieux de pleine juridiction. De ce fait, la chambre ad-
ministrative de la cour suprême (devenue conseil d’État depuis 2018) ne peut intervenir en matière
de commande publique qu’au stade de la cassation. Or, les justiciables en litige avec l’administration
se pourvoient rarement en cassation contre les arrêts de la cour d’appel1266. Dès lors, le recours ou-
vert aux ayant-droits devant le conseil d’État relativement aux décisions de l’ANRMP crée un terreau
fertile pour l’intervention directe de la juridiction administrative suprême. Cele-ci y trouve un nou-
veau moyen incontournable de se repositionner dans la matière. Il pourrait en découler une juris-
prudence intéressante en matière de marchés publics d’autant plus que la question se pose en des
termes similaires au sein des autres pays de l’UEMOA1267.

Cependant, la plus haute juridiction administrative reste limitée dans son intervention en matière de
marchés publics. En effet, dans la mesure où le recours devant elle, n’est pas suspensif de la procé-
dure de passation1268, pour obtenir une telle suspension, les justiciables doivent formuler une de-
mande de sursis à exécution devant la juridiction1269. Certes, cette disposition ajoute une garantie
pour ceux-ci mais les conditions de recours préalable exigés pour la demande de sursis à exécution
diminuent son efficacité en matière de commande publique1270 ; même si, aux termes de la loi sur le
conseil d’État, « le requérant peut assortir ses conclusions d’annulation d’une demande tendant à
obtenir la réparation du préjudice causé par l’illégalité de l’acte attaqué »1271.

des litiges de la matière en mentionnant spécifiquement l’acte uniforme de l’OHADA. Pour une réflexion (plai-
doyer) extensive sur la question de la soumission spécifique du contentieux de la commande publique dans
l’UEMOA au droit de l’arbitrage, Voir : SAMB SEYNABOU, thèse de doctorat, Op. Cit. p657-681 ; Voir aussi,
Franck Nicéphore YOUGONE, arbitrage commercial International et développement, étude du cas des états de
l’OHADA et du Mercosur, thèse de doctorat, Université Montesquieu Bordeaux IV, septembre 2013, 544P, sur
la méfiance face au juge et le recours à l’arbitrage dans l’OHADA, pp 191, 251
1266
Voir Kobo Pierre Claver, rapport relatif à l’affaire Société Dragon de Côte d’ivoire dite DRACI c/ Autorité
nationale de Régulation des marchés Publics, Op. Cit.
1267
L’intervention renouvelée et régulière du juge administratif en matière de marchés publics (à la faveur du
contentieux juridictionnel du recours en annulation des décisions des autorités de régulation des marchés
publics) n’est pas vérifiée seulement en Côte d’ivoire, mais dans d’autres États de L’UEMOA. Pour des réfé-
rences supplémentaires et quelques jurisprudences des plus hautes juridictions de pays membres de l’UEMOA,
voir SAMB SEYNABOU, Op. Cit. p648 ; voir également Kobo Pierre Claver, rapport relatif à l’affaire Société Dra-
gon de Côte d’ivoire dite DRACI c/ Autorité nationale de Régulation des marchés Publics, Op. Cit.
1268
Art 148 du code des marchés publics ; art 13 du décret N°409 du 22 avril 2020 fixant les modalités de sai-
sine… des organes de recours non juridictionnels de l’ANRMP Op. Cit.
1269
Art 148 du code des marchés publics ibid.
1270
Art 67 de la loi N°978 du 27 décembre 2018 déterminant les attributions, la composition, l’organisation et
le fonctionnement du conseil d’État. ; L’article 148 du code des marchés publics prévoit que les recours en
annulation contre les décisions de l’ANRMP doit être exercé devant la juridiction compétente, directement
sans recours préalable, mais elle n’apporte pas de précision similaire sur le sursis à exécution. Ce qui laisse
penser que le recours préalable selon les règles de la loi sur le conseil d’État est exigé pour celui-ci
1271
Art 50 de la loi N°978 du 27 décembre 2018, ibid.
479

Cet aspect relatif au principe de l’effet non suspensif du recours doit être regardé de près dans le cas
ivoirien car, en dépit des garanties, l’intervention du conseil d’État dans la procédure de passation
reste tardive et ses délais de décision longs. La portée de son intervention peut en être diminuée.
Pourtant, la pertinence de son rôle dans le processus de passation implique nécessairement qu’il
doive prendre en compte les conséquences de sa décision sur la sécurité juridique et son impact
économique et social. De fait, son intervention tardive signifie qu’il intervienne parfois dans un pro-
cessus de passation déjà très avancé ou terminé, voire au sujet d’un marché signé et possiblement
partiellement ou totalement exécuté. C’est ce que démontre une décision d’irrecevabilité rendue par
la juridiction dans une affaire dans laquelle elle a jugé la requête sans objet du fait que le recours du
soumissionnaire intervenait alors que la décision d’attribution du marché était devenue définitive ;
celui-ci ayant été signé, approuvé, entièrement exécuté et payé à la date d’examen du recours1272.

Ceci met en exergue le fait que les modalités de l’intervention du juge administratif et l’efficacité de
son action dépendent de l’appréhension du temps avant et pendant ladite intervention. Il ressort
d’une étude que le temps moyen des décisions en matière de marchés publics devant le conseil
d’État est actuellement de sept mois, alors qu’il est habituellement compris entre 1 et 4 ans dans les
autres affaires dont la juridiction connaît1273. De ce point de vue, il est évident qu’elle fait un effort de
célérité et qu’elle a conscience des enjeux susmentionnés. Néanmoins, au vu des enjeux particuliers
de la commande publique et des ambitions de la réforme en la matière, du point de vue du dévelop-
pement socio-économique et démocratique, il est manifeste que ces délais, nonobstant les efforts
faits sont encore en inadéquation avec les objectifs de la commande publique où la réduction des
délais dans les phases de passation constitue déjà un enjeu majeur.

In fine, en tout état de cause, l’intervention croissante du conseil d’État dans le contentieux des mar-
chés publics implique de façon impérative son adaptation aux contraintes de la matière, notamment,
en matière de célérité et de prise en compte du contexte économique. Une telle adaptation néces-
site une augmentation et un ajustement de ses moyens matériels, humains, la formation des inter-
venants de cette juridiction et une adaptation de la réglementation.

2.4- La régulation par la supervision du système des marchés publics

1272
Voir chambre administrative de la Cour Suprême, Arrêt du 30 mars 2016, SARL KINAN c/ ANRMP ; voir aus-
si : Patricia Ambeu, la chambre administrative, juge de la régulation, in la tribune de la chambre administrative,
N°8, juin 2017, pp 8-14, disponible sur le site de l’institution à l’adresse : www.consÉtat.ci
1273
Voir Ambeu Patricia, Ibid. p13
480

La fonction de supervision occupe une place capitale parmi les missions de l’ANRMP. C’est l’une des
fonctions les plus significatives de toute autorité de régulation1274. C’est à travers elle que l’autorité
de régulation exerce son soft-power.

Elle est constituée de plusieurs leviers selon les directives communautaires de l’UEMOA et la régle-
mentation nationale. L’article 5 de la directive 05 met à la charge de l’autorité de régulation les mis-
sions suivantes dans les marchés publics et les délégations de services publics : la définition des poli-
tiques, la formation, le maintien du système d’information, la conduite des audits1275 :

*La fonction de définition des politiques en matière de marchés publics est une fonction
d’orientation stratégique dont le but est d’améliorer l’efficacité de la commande publique. Elle se
décline à travers toutes les missions citées dans les paragraphes précédents et imprègne toute
l’activité de l’ANRMP. On peut ajouter que l’ANRMP a pour obligation de produire un rapport annuel
qu’elle soumet au président de la République et au ministre chargé des marchés publics sur les con-
ditions d’application du code des marchés publics, le respect des principes directeurs et de faire des
propositions et des recommandations pour une amélioration du processus. La cellule définition des
politiques et formation est chargée de mettre en œuvre un cadre adéquat de suivi-évaluation de la
mise en œuvre des politiques de l’ANRMP. Toutes ces missions ont un impact direct sur la fiabilité et
l’efficacité du système des marchés publics.

*Pour ce qui est du maintien du système d’information, il implique tous les outils logiciels de gestion
des marchés publics et les mécanismes de publication prévus par le code. Il est important pour assu-
rer les règles de transparence et de mise en concurrence. La publication : des rapports issus des pro-
cédures de passation, des règles régissant la matière, des recours et des décisions, font partie des
éléments qui dépendent de l’efficacité du système d’information. La diffusion de l’information sur les
sites web de l’organe de régulation et de l’entité administrative de contrôle facilite son accessibilité à
tous et le sentiment démocratique dans la société relativement à la bonne gestion des deniers pu-
blics. Il importe de préciser que le maintien du système d’information est assuré conjointement par
l’ANRMP et la structure administrative chargée du contrôle1276.

1274
Voir dans ce paragraphe notre réflexion sur l’approche juridique de la régulation en tant que choix de ges-
tion politique, social, économique et administratif ; Voir également, Thomas PERROUD, La fonction conten-
tieuse des autorités de régulation en France et au Royaume-Uni, thèse de doctorat, Op. Cit. p. 152 et s ; voir
également : CALANDRI Laurence, Recherche sur la notion de régulation en droit administratif français, Op. Cit.
p. 33 et s ; Marcou Gérard, régulation et service public : les enseignements du droit comparé, Op. Cit. ;
1275
Voir aussi, art 2 et 3 de l’ordonnance 594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement
de l’ANRMP, Op. Cit.
1276
Art 16 du code des marchés publics
481

*Les missions de formation permettent de renforcer les capacités des acteurs de la commande pu-
blique. L’un des constats menés dans les actes préparatoires de la réforme de l’UEMOA, notamment
la conférence d’Abidjan et le PRMP-UEMOA, était la faiblesse de la formation des personnes char-
gées des marchés publics, alors qu’il leur incombe de mettre en œuvre les règles sur le terrain (se
référer au tableau récapitulatif sur la conférence d’ABIDJAN)1277. Aussi, à travers les missions de for-
mation de l’ANRMP, ceux-ci sont à même de mieux s’adapter à la réglementation et aux contraintes
pratiques des procédures de marchés publics. La réalisation de ces missions suppose que le régula-
teur dispose des moyens nécessaires en termes de savoirs (y compris sur les systèmes internationaux
et les pratiques en matière de marchés publics), d’expertise et de moyens matériels ; d’où
l’importance de l’autonomie financière de l’ANRMP. On note par ailleurs que la législation impose
aussi que les différents rapports de la passation des marchés soient transmis à l’ANRMP pour sa col-
lecte d’information.

*Quant aux audits du système des marchés publics menés par l’ANRMP, il s’agit d’un outil qui permet
de l’évaluer, d’en exposer les forces et les faiblesses afin de le renforcer. Ces audits permettent à
l’ANRMP elle-même et aux pouvoirs publics de rester vigilants sur le bon fonctionnement et la mo-
dernisation du système des marchés publics. Plus encore, les publications des résultats de ces audits
et des études menées par la cellule études et audits indépendants font partie de la transparence que
l’ANRMP elle-même doit incarner, en tant qu’autorité de régulation dans un domaine où cette valeur
est cardinale.

A l’issue de cette analyse, il apparaît que les missions de l’ANRMP font d’elle une pièce maîtresse du
système des marchés publics à travers son rôle de régulation. Ce modèle de gestion du système des
marchés publics a été choisi par les initiateurs de la réforme, aux fins de sa modernisation et de son
suivi d’après les ambitions portées par lesdites réformes. Cette vision décline celle des acteurs inter-
nationaux du financement du développement. Aussi, cette tâche importante implique beaucoup de
défis. Il s’agit notamment pour l’ANRMP de rester connectée aux réalités du monde économique et
des marchés publics internationaux dans un contexte de mondialisation. De plus, elle doit veiller à
préserver les intérêts du développement socio-économique en étant une force dans la mise en
œuvre des politiques gouvernementales en matière de marchés publics comme la promotion des
PME et des entreprises artisanales. D’une manière générale, elle doit promouvoir et proposer des
mécanismes qui permettent d’assurer l’efficacité des politiques économico-sociales passant par les
marchés publics. Par ailleurs, il est apparu que la coordination harmonieuse de son action avec

1277
Voir les pages 343-344 de cette thèse
482

l’intervention des juridictions administratives aussi bien dans le contrôle de ses propres actions que
dans les questions de fonds sur lesquelles celle-ci sera amenée de plus en plus à se prononcer peut
nourrir la naissance d’une véritable jurisprudence ivoirienne en matière de marchés publics. Si cette
jurisprudence est audacieuse comme c’est le cas dans d’autres pays, notamment en France, cette
interaction signifie également que les autorités politiques et l’autorité de régulation ne seront plus
les seuls dépositaires de l’orientation de la commande publique. En toile de fonds, se posent les
questions des avancées démocratiques attendues des marchés publics.

Ainsi, le cadre du contrôle et de la régulation des marchés publics ivoiriens a évolué au gré de la ré-
forme en se déplaçant vers un alignement sur les standards internationaux promus dans le cadre de
l’harmonisation des cadres juridiques. Dans la même veine, l’autre grand axe des MPI (que sont les
partenariats publics-privés) a vu également de nombreux changements dans son cadre juridique
institutionnel. L’analyse du cadre institutionnel des partenariats publics-privés de la commande pu-
blique issu de la réforme de l’UEMOA fait apparaître des différences prononcées avec celui des mar-
chés publics tout en partageant des aspects en commun.

Paragraphe 3- Un cadre institutionnel du contrôle et de la régulation spécial et hybride


pour les Partenariats Public-Privé

Il est notable que depuis l’entrée en vigueur des directives 04 et 05 de l’UEMOA, la réforme en cours
a vu une évolution constante du cadre juridique des PPP en Côte d’Ivoire. Initialement régi par les
mêmes règles, supervisé et contrôlé par les mêmes institutions que les Marchés publics, il a évolué
pour se singulariser. Aussi, on note que dans le code des marchés publics de 2019, le titre relatif aux
conventions de délégations de service public (qui figurait dans le code de 2009) a été supprimé1278. Le
vocable lui-même ne paraît plus dans les textes, même s’il est celui qui est utilisé dans les directives
04 et 05 de l’UEMOA. De fait, dans les textes en vigueur, la notion de partenariats public-privé en-
globe toutes les formes de délégations de services publics. L’évolution de cette réglementation est
liée à la stratégie de l’État ivoirien face à l’enjeu des PPP, dans le but de mieux les encadrer, les sim-
plifier et d’optimiser la gouvernance des enjeux y relatifs.

1278
Il s’agissait du titre IX couvrant les articles 177 à 182. Code des marchés publics de 2009 (abrogé) ; Voir
aussi, les décrets N°1151 et 1152 du 19 décembre 2012 relatifs (respectivement) aux contrats de PPP et por-
tant attributions, organisation et fonctionnement du cadre institutionnel de pilotage des PPP. Ces décrets se
référaient aux délégations de service public tel que défini par le code des marchés publics pour définir les PPP.
483

Le cadre juridique actuel des PPP dans le système ivoirien est déterminé par les décrets N°358 et
N°359 du 29 mars 20181279. Il est également régi par le code des investissements1280. Du point de vue
institutionnel, ce sont les autorités contractantes et le Comité National de Pilotage des Partenariats
Public-Privés (CNPPP) qui assurent la gestion des PPP en Côte d’Ivoire1281. Les premières étant à
l’origine du besoin exprimé, elles sont naturellement porteuses des procédures et contrats de PPP,
avec l’appui du CNPPP. Toutefois, en ce qui concerne la régulation et le contrôle, il convient de se
pencher spécifiquement sur le rôle du CNPP.

D’entrée de jeu, on remarque que le statut du CNPPP est celui d’une unité administrative1282. D’après
ses textes constitutifs, contrairement à l’ANRMP, il n’a pas la qualité d’autorité administrative indé-
pendante. Il est placé sous la tutelle hiérarchique du premier ministre. Néanmoins, dans les faits, son
rôle est large et transversal. Il est à la fois l’organe de régulation et de contrôle des PPP.

S’agissant de ses fonctions de régulation, il agit à la fois comme un organe de promotion des PPP en
partenariat avec le CEPICI1283 et comme un organe technique et d’expertise dont le rôle est de gérer
les risques juridiques, financiers et budgétaires pour les autorités contractantes1284. Lors de la phase
de passation et d’exécution, le CNPPP agit dans une posture qui est semblable à celle d’un maître
d’œuvre. Par exemple, il assiste directement les autorités contractantes pour la structuration juri-
dique et l’élaboration des contrats de PPP et il intervient en matière de négociations.

Aussi, contrairement aux marchés publics dans où l’ANRMP a en charge la stratégie nationale et les
études, en matière de PPP, c’est le CNPPP qui est investi de cette mission. En outre, il joue un rôle
législatif et réglementaire en ce sens qu’il peut proposer des réformes ou des textes législatif, régle-
mentaires, des procédures administratives en matière de PPP1285.

Quant à ses fonctions de contrôle, il apparaît que toute la compétence en matière de contrôle des
PPP lui est attribuée lors de la phase de passation. De fait, ce n’est pas la Direction Générale des
Marchés Publics qui exerce le contrôle dans les différentes phases, mais le CNPPP. C’est lui qui donne
directement son avis au ministre pour l’autorisation des procédures restreintes, les négociations

1279
Décret N°2018-358 du 29 mars 2018 déterminant les règles relatives aux contrats de partenariats Public-
privé ; Décret N°2018-359 du 29 mars 2018 portant attributions, organisation et fonctionnement du comité
national de pilotage des PPP.
1280
Ordonnance N°2018-646 du 1er août 2018 portant code des investissements ;
1281
Voir les décrets N°358 et 359 du 29 mars 2018 Op. Cit.
1282
Voir art 8 du décret N°358 Ibid. : « il est créé une unité nationale en charge des partenariats public-privé…
placée sous l’autorité du premier ministre ».
1283
Il s’agit du centre de Promotion des Investissements en Côte d’ivoire : www.cepici.gouv.ci/ (consulté en
novembre 2021)
1284
Art 2, 3, 4 du décret N°359 du 29 mars 2018 Op. Cit.
1285
Art 3 décret 359, Ibid.
484

directes et le recours au dialogue compétitif1286. Cependant, le contrôle a posteriori des autres insti-
tutions de l’État reste de mise1287, notamment celles gérant le Budget de l’État et la cour des
comptes. À notre sens, le contrôle de la cour des comptes est d’une importance particulière en ma-
tière de PPP pour assurer un certain équilibre, car, l’une des questions sensibles en la matière est
l’opportunité du choix de ce modèle pour les besoins de l’État eu égard aux risques qu’il supporte et
aux avantages qu’il consent aux investisseurs1288.

En tout état de cause, le rôle de la CNPPP est salutaire puisqu’il permet d’identifier au préalable les
projets potentiels et d’assurer une expertise dans la gestion des risques1289. Toutefois, étant donné,
l’implication assez faible des institutions législatives dans ce contrôle et le fait que le contrat formé
échappe souvent à l’institution judiciaire (du fait des mécanismes derèglement des différends choi-
sis), il conviendrait que les rapports d’activités et les audits sur les PPP soient publiés à large échelle.
Notre proposition relative à l’ANRMP relativement à une coopération plus étroite avec les représen-
tations du pouvoir législatif est également valable pour le CNPPP.

Par ailleurs, il apparaît que le CNPPP n’est pas la seule institution impliquée dans le contrôle de la
phase de passation. En effet, même s’il est clair que la régulation et le pilotage en matière de passa-
tion des PPP lui appartiennent, on note que les autorités publiques ont voulu donner à l’ANRMP des
prérogatives en la matière. À ce titre, on note au vu des textes réglementaires sur l’ANRMP, qu’en
plus du CNPPP à qui ce pouvoir est directement dévolu, l’ANRMP peut prendre part à l’élaboration
des normes et la réalisation du contrôle a posteriori en matière de PPP1290. En outre, l’ANRMP peut
réaliser des audits indépendants sur la passation et l’exécution des PPP comme elle le fait en matière

1286
Art 16, 17, 18 du décret N°358 déterminant les règles relatives aux contrats de PPP, Op. Cit.
1287
Art 27 du décret N°358, Ibid.
1288
« Il est nécessaire d’avoir systématiquement recours à une évaluation préalable : coût complet et avan-
tages anticipés pour chaque projet selon l’outil de commande publique choisi. Ces évaluations préalables, limi-
tées aux projets dépassant un certain seuil, permettront de déterminer la forme contractuelle la plus adaptée
pour répondre à la demande publique, de mieux profiler le contrat et de mieux appréhender le coût global du
marché considéré ». Voir, Stéphane Saussier et Jean Tirole, renforcer l’efficacité de la commande publique, in
les notes du conseil d’analyse économique, Conseil d’analyse économique, N°22 avril 2015, PP 1- 12P, dispo-
nible sur : https://www.cairn.info/revue-notes-du-conseil-d-analyse-economique-2015-3-page-1.htm (consulté
en novembre 2021)
1289
Pour autant, en se référant au principe de la séparation des fonctions de contrôle et de régulation promu
par la directive 05, on peut relever le fait que le CNPPP, agit à la fois en tant qu’organe de contrôle et de régu-
lation des PPP.
1290
L’article 3 de l’ordonnance N°594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement de
l’ANRMP dispose qu’elle est chargée « … de participer à l’élaboration des normes, spécifications techniques , et
du système de management de la qualité applicable aux marchés publics et aux contrats de partenariats public-
privé , en adéquation avec le schéma d’harmonisation communautaire adopté au sein de l’UEMOA » ; l’art 25
de la même ordonnance prévoit qu’elle initie la rédaction et la validation « en collaboration avec la structure
administrative chargée des marchés publics , l’unité chargée des contrats de partenariats publics privés et les
ministères techniques compétents, des textes d’application relatifs à la réglementation de la commande pu-
blique, notamment les documents types et les manuels de procédures. »
485

de marchés publics1291. En sus, l’ANRMP a pour mission de mettre en œuvre les moyens préventifs
permettant de lutter contre la fraude et la corruption, dans les marchés publics mais aussi dans les
contrats de partenariats public-privé. Ceci signifie qu’elle peut mettre en œuvre sa politique de for-
mation et d’information dans le cadre des PPP.

De surcroît, l’article 2 de l’ordonnance N°594 du 27 juin 2018 prévoit que l’ANRMP est compétente
pour régler les litiges survenant lors de la passation des PPP1292 (art 33 du décret PPP). Cela a pour
conséquence que, même si les différends contractuels dans les PPP sont réglés selon les modalités
choisies par les parties (qui en général, choisissent la voie arbitrale à défaut de règlement amiable et
de conciliation éventuelle, y compris devant l’ANRMP), en matière de passation, l’ANRMP a une
compétence de plein droit. Ceci implique que l’ANRMP peut par ce biais investir le champ des PPP et
générer une jurisprudence par le contenu de ses décisions qui sont contraignantes et exécutoires.

Egalement comme nous l’avons envisagé dans le cas des marchés publics, puisque les décisions de
l’ANRMP sont susceptibles d’un recours en annulation pour excès de pouvoir devant le conseil d’État,
il s’ensuit que ce dernier est appelé également à intervenir davantage en matière de PPP, au niveau
de la passation. Tel sera le cas en matière de recours pour excès de pouvoir des décisions de
l’ANRMP dans ce domaine. En sus, suivant ses statuts, l’ANRMP peut être saisie ou s’autosaisir en
matière d’irrégularités, de dénonciation d’actes de corruption dans la passation et l’’exécution des
PPP. Elle peut prononcer des sanctions contre les candidats, soumissionnaires, attributaires de con-
trats de PPP.1293

En définitive, au vu de l’implication de l’ANRMP, de la CEPICI, en dépit de la spécialisation du contrôle


et de la supervision des contrats de PPP par le CNPPP, il apparaît que le cadre juridique desdits con-
trats présente des caractéristiques hybrides. Ces contrats dont la complexité est reconnue deman-
dent une grande expertise que le CNPPP exerce. Mais l’implication de multiples institutions dé-
montre la volonté des pouvoirs publics de maintenir les PPP, en tant que contrats de la commande
publique sous la surveillance de l’autorité indépendante de régulation issue de la directive 05 de
l’UEMOA en vue d’y veiller au respect des principes de la commande publique. Il s‘agit également de
favoriser la célérité des procédures de passation à travers les règles spéciales (dérogatoire au droit
des recours administratifs) qui fondent l’exercice du contentieux non-juridictionnel de l’ANRMP en
matière de litige lors de la passation.

1291
Article 2, ibid.
1292
Voir également l’article 33 du décret n°358-2018 sur les PPP, Op. Cit.
1293
Art 33 du décret N°358-2018 sur les PPP ibid. ; art 27 de l’ordonnance N°594 portant création, organisation
et fonctionnement de l’ANRMP, Op. Cit. ; Articles 21 et 27 du décret N°409 du 22 avril 2020 fixant les modalités
de saisine et les procédures d’instruction, de prise de décisions et d’avis des organes de recours non juridic-
tionnels de l’ANRMP ; Articles 151 à 156 du code des marchés publics.
486
487

Conclusion du chapitre 2

La transformation du cadre institutionnel des marchés publics et des partenariats public-privé est
l’un des aspects essentiel de la réforme de l’UEMOA et de l’harmonisation des systèmes de marchés
publics. Elle a produit des effets remarquables dans les pays de l’UEMOA et singulièrement en Côte
d’Ivoire. Ce cadre institutionnel s’est enrichi et consolidé pour pouvoir servir d’armature au respect
des principes phares de la commande publique qui portent les objectifs promus par la réforme.

Il est notable que le rôle des entités étatiques chargées historiquement du contrôle et de la régula-
tion a été l’une des cibles privilégiées de ce changement. La séparation des fonctions de contrôle et
de régulation, donnant naissance à l’ANRMP constitue une révolution dans l’univers institutionnel
des pays de l’UEMOA en matière de marchés publics. Elle exemplifie également une tendance qui
considère que les autorités de régulation sont plus à mêmes d’assurer, avec efficacité certaines fonc-
tions dévolues initialement aux institutions judiciaires et administratives classiques.

Il n’en demeure pas moins que pour assurer les objectifs d’efficacité, de transparence et de bonne
gouvernance, le juge administratif, en tant qu’il incarne une certaine idée de l’état de droit, doit pou-
voir intervenir efficacement en ayant une place prépondérante dans le contentieux des marchés
publics. Ceci implique une adaptation de l’institution judiciaire aux enjeux complexes de la com-
mande publique dans un monde économique globalisé.

Cette tendance à la complexification se vérifie aussi pour les PPP qui supportent une partie impor-
tante des marchés publics d’investissements sur le long terme et qui impliquent des risques dont la
connaissance et l’évaluation relèvent de l’expertise. Le choix de l’État ivoirien de leur donner un
cadre institutionnel de contrôle et de régulation hybride permet de les cerner à travers leurs enjeux
propres. Ce cadre hybride y assure, à côté du CNPPP l’intervention de l’autorité nationale de régula-
tion des marchés publics qui est dotée de prérogatives larges.

Ceci étant, la place particulière de l’autorité de régulation qui assume un rôle transversal et dispose
de pouvoirs étendus fait de son fonctionnement propre un enjeu de transparence et de bonne gou-
vernance. D’où l’importance que ses apports et le déroulement de son travail soient vulgarisés au-
près de la société civile, de la population et des acteurs privés nationaux qui attachent à la transpa-
rence des autorités administratives un enjeu de démocratie et de développement. Au vu de ses ac-
tions, il est évident qu’elle en est consciente et qu’elle s’efforce de prendre en compte cet enjeu.
488

Conclusion du titre 2

La mise en œuvre de la réforme des marchés publics de l’UEMOA en Côte d’Ivoire montre que la
transposition des principes et le changement du cadre institutionnel sont bien effectifs. Cependant,
même si le cadre juridique global a bien épousé l’esprit des réformes, quelques contrastes subsistent
au regard de la lettre des directives. Ils sont le fruit des disparités entre les modèles promus au ni-
veau international et certaines réalités de terrain liées aux facteurs institutionnels, à la complexité
des enjeux des marchés publics et à l’ancrage des pratiques anciennes. Les changements constants
opérés dans ce cadre juridique indiquent une marche graduelle vers l’harmonisation complète. Ils
indiquent aussi que cette harmonisation doit tenir compte des réalités locales du développement.
Néanmoins, il est manifeste que, la transparence et l’intégrité des procédures, le libre accès à la
commande publique et l’égalité de traitement des soumissionnaires, sont globalement renforcés.
Parallèlement, il importe d’impliquer davantage les acteurs économiques locaux et de consolider les
moyens qui doivent servir le marché communautaire dans la zone UEMOA. En outre, qu’il s’agisse
des PPP ou des marchés publics classiques, l’institution judiciaire qui souffre d’un manque de con-
fiance de la part des justiciables doit être renforcée pour jouer un rôle clé à côté des ANRMP qui sont
la clé de voûte du contentieux de la passation. Il importe de garder à l’esprit que dans les pays de
l’UEMOA, la démocratie, le renforcement de la justice sont en eux-mêmes, des enjeux de dévelop-
pement.
489

Conclusion de la deuxième partie

Considérée comme un moyen d’assurer les objectifs liés aux marchés publics, l’harmonisation des
législations vise à créer un cadre juridique uniforme au niveau international. Celui-ci est basé sur les
standards internationaux et les bonnes pratiques déjà véhiculées à travers le travail des institutions
telles que la CNUDCI et l’OCDE. Parallèlement, les institutions de financement du développement ont
toujours appliqué leurs propres réglementations au détriment des cadres juridiques nationaux.
Néanmoins, il est manifeste que les aspects liés à la planification des marchés, leur passation, leur
contrôle et le contentieux, reposent sur les structures institutionnelles nationales. Il en va de même
des pratiques qui assurent la bonne gouvernance, qui reposent en partie sur l’implication positive et
la formation suffisante des individus présents dans la chaîne de passation.

Dès lors, la réforme de ce cadre juridique est apparue comme indispensable aussi bien pour les inté-
rêts des pays en développement concernés que ceux du commerce international et pour les pays
pourvoyeurs d’aide au développement. Une telle réforme a été menée à travers les structures régio-
nales et sous régionales d’intégration économique préexistantes comme l’UEMOA dont nous avons
étudié l’exemple. Celle-ci (l’UEMOA) présente l’avantage de donner une coloration de proximité aux
réformes, quoiqu’impulsées et pilotées par les acteurs internationaux. En outre, le traité qui l’a insti-
tuée lui donne des pouvoirs permettant d’assurer une transposition de ses directives et autres ré-
glementations subséquentes dans les états membres.

Partant, la réforme des marchés publics de l’UEMOA est un pan de l’harmonisation internationale du
cadre juridique des marchés publics internationaux. Elle a permis de créer un cadre commun aux
pays de la zone en se basant sur les standards internationaux ; ce qui a clarifié les principes de la
commande publique et transformé le cadre institutionnel dans ces pays.

A ce stade, le bilan de la transposition montre que l’essentiel du cadre juridique promu par l’UEMOA
est appliqué dans les pays membres. Le cas de la Côte d’Ivoire que nous avons détaillé illustre cette
réalité. Néanmoins, il y a des contrastes qui subsistent et des points d’amélioration liés aussi bien aux
réalités de terrain et à l’ancrage de certaines habitudes qu’à l’impératif d’adapter certains principes
des standards internationaux aux réalités des pays en développement. De plus, La réforme doit ren-
forcer et créer une place spéciale pour l’implication significative de l’économie locale et le renforce-
ment de l’état de droit. Elle doit également augmenter la coordination des initiatives nationales liées
au renforcement du marché commun de l’UEMOA.

Enfin, en dépit des réformes d’envergures menées dans la zone UEMOA, il apparaît que les institu-
tions multilatérales et bilatérales de financement ne font toujours pas suffisamment usage des sys-
490

tèmes nationaux, auxquels elles préfèrent leur propres directives dans la plupart des marchés et
notamment les plus importants en terme de dotation financière. Cela pose la question de
l’ineffectivité du principe de l’utilisation des systèmes nationaux qui est pourtant l’une des justifica-
tions des réformes et un engagement clé des grands cadres internationaux sur l’efficacité de l’aide au
développement.
491

Conclusion générale

Cette réflexion sur le cadre juridique des marchés publics internationaux a voulu faire ressortir son
contenu tout en analysant les dynamiques de sa construction et de sa formulation. Elle a eu égale-
ment pour point de mire la question du développement en vertu duquel ce cadre juridique a été
étudié et questionné. Il en ressort qu’il est transversal et situé à de multiples dimensions géogra-
phiques. Il est partagé entre les niveaux international, régional, national, multilatéral, bilatéral voire
plurilatéral ; qu’il s’agisse de règles conventionnelles ou de simples règles programmatiques et re-
commandatoires. Du point de vue opérationnel, les règles des institutions de financement du déve-
loppement et les règles nationales se complètent tout en laissant une prééminence aux premières.
En outre, c’est un cadre juridique dans lequel les règles dures sont complétées par la soft-law qui y
trouve une force particulière.

Par ailleurs, le cadre juridique des MPI fait ressortir l’impact sur les aspects juridiques mais aussi sur
la finalité du développement, des connexités qu’entretient la matière avec d’autres branches du
droit. Nous avons mis en avant le cas du droit du développement qui oriente la formulation de cer-
taines règles, et du droit des investissements internationaux, notamment à travers les grands con-
trats d’investissements sous la forme de partenariats public-privés. Ces liens montrent que les ac-
teurs peuvent avoir des intérêts convergents et divergents comme c’est le cas à travers l’accord de
l’OMC sur les marchés publics. Ils montrent également que les différentes réglementations se com-
plètent car les institutions de financement financent les grands MPI d’investissements. Il ressort de
l’anlayse que les détenteurs de financement utilisent ces instruments et leur pouvoir pour promou-
voir leur propre philosophie libérale. Ceci se fait dans la continuité des ambitions des États pour-
voyeurs de financement qui dominent la direction des organisations multilatérales. Pareillement, les
traités régionaux et bilatéraux d’investissement sont un outil de promotion d’une ouverture com-
plète des marchés publics. Les MPI sont donc un lieu de diplomatie parallèle.

Ces divers intérêts étatiques qui renforcent et véhiculent ceux des acteurs privés concourant pour
ces marchés illustrent l’influence du droit économique dans les marchés publics internationaux.
Celle-ci se manifeste à travers les caractéristiques de ce droit, à travers les pratiques de la lex merca-
toria et de la soft-law dans les MPI. Elle révèle une tendance à l’affaiblissement du pouvoir des États
bénéficiaires des financements dans les contrats de MPI. Dans le même ordre d’idée, les règles et les
pratiques des institutions multilatérales et bilatérales de financement sont de nature à conditionner
les orientations des politiques de développement et les politiques économiques dans lesdits États.
C’est le cas, par exemple, en matière de conditionnalités politiques et en matière de marchés liés. Il
ressort de notre analyse que cette diversité des intérêts de parties prenantes, marquée souvent par
492

la contradiction au regard des besoins du développement, est elle-même l’une des caractérisques
principales des marchés publics internationaux.

Pour autant, les objectifs du développement demeurent au cœur des MPI dont les règles s’adaptent
difficilement mais progressivement aux objectifs de développement durables. Nous avons mis en
exergue le fait que le caractère durable doit tenir compte, outre les facteurs liés à l’environnement,
des aspects qui conditionnent la compétitivité sur les marchés internationaux, du développement
économique et social autonome des PED à long terme. En ce sens, le cadre juridique des institutions
multilatérales et bilatérales doit être renforcé et accompagné de politiques structurelles nationales
permettant aux pays bénéficiaires d’intégrer plus de considérations ayant traits à l’industrie locale,
aux PME, aux transferts de savoirs et de technologie. De ce point de vue, la libéralisation des MPI
souhaitée au niveau international à travers les instances multilatérales est questionnable. Ceci im-
plique par exemple, la nécessité d’adapter le principe par défaut de l’appel d’offres international
ouvert afin d’y introduire plus de marges de manœuvre des États bénéficiaires pour des politiques
nationales et locales plus fortes.

Ces enjeux rappellent que, malgré la prééminence du concept d’efficacité, qui est au cœur des MPI, il
s’agit d’une notion complexe ; celle-ci devant être entendue comme l'efficacité au niveau des projets
faisant l’objet de marchés, des politiques nationales de développement, des objectifs de l’aide au
développement au niveau international, mais aussi pour les intérêts des pourvoyeurs de finance-
ments qui propulsent leurs entreprises privées à travers les MPI. Un équilibre est donc à trouver
entre ces enjeux.

La notion d’efficacité devant prendre en compte ces intérêts souvent divergents, il y a quand même
des points clés qui la conditionnent. C’est le cas de la lutte contre la corruption et la promotion de la
bonne gouvernance qui concerne aussi bien les acteurs publics que privé aux niveaux nationaux et
internationaux. Qui plus est, l’efficacité passe par des systèmes nationaux fiables et des acteurs lo-
caux compétents puisque ceux-ci jouent un rôle prépondérant dans la chaîne de passation.

À ce titre, l’harmonisation internationale des procédures nationales aux standards internationaux


apparaît comme un objectif recherché et impulsé dans le champ des MPI. Elle est menée constam-
ment par le biais de la soft-law à travers les évaluations et l’assistance technique des acteurs interna-
tionaux, de même qu’à travers leurs conditionnalités qui favorisent les changements institutionnels.
Mais son ancrage dans les législations nationales par des réformes d’envergures au début des an-
nées 2000 a eu lieu par le truchement des organisations d’intégration économique sous régionales.
En prenant l’exemple de l’UEMOA, nous avons mis en exergue cette tendance et les grands axes des
réformes. Ensuite, l’exemple d’un pays membre de l’organisation, en l’occurrence , la Côte d’Ivoire,
493

nous a permis de faire ressortir les contrastes dans la mise en œuvre de la réforme, qui, pour
l’essentiel, il faut le dire, est transposée dans la plupart des pays de l’UEMOA.

Cette réforme, véritable pas vers l’harmonisation des procédures était nécessaire eu égard aux ca-
rences constatées dans les pays eux-mêmes. La transformation du cadre juridique et institutionnel
du contrôle et de la régulation des marchés publics était indispensable dans de nombreux pays. Tou-
tefois, les standards internationaux ne sont pas toujours en adéquation complète avec les besoins du
développement, d’où la nécessité de prendre en compte les réalités locales.

Enfin, il faut rappeler que les grands cadres internationaux de définition des stratégies de dévelop-
pement, ayant planifié les réformes ont mis en exergue l’impératif de s’aligner sur les priorités des
pays en développement et d’utiliser leurs systèmes de passation des marchés. A ce niveau, le constat
est clair : les institutions multilatérales et bilatérales de financement n’ont pas encore embrassé cet
objectif, d’où la nécessité d’œuvrer dans ce sens. C’est un moyen de promotion de l’autonomie insti-
tutionnelle qui est un enjeu de développement, et de l’appropriation de leurs politiques de dévelop-
pement économique et social par les pays bénéficiaires.
494

BIBLIOGRAPHIE
495

Sommaire de la bibliographie
I Ouvrages généraux et spéciaux

A. Dictionnaires
B. Ouvrages généraux
C. Ouvrages spéciaux

II Thèses et Mémoires

III Articles, articles dans ouvrages collectifs, actes de colloques, cours

IV Rapports, notes, communications d’institutions et d’ONG

V Jurisprudence citée

A. jurisprudence internationale
B. jurisprudence arbitrale
C. jurisprudence Européenne
D. jurisprudence nationale

VI Textes cités

A. Conventions internationales et régionales, textes des institutions internationales et régionales


B. Textes nationaux
C. Textes des institutions de financements
D. Avis d’appels d’offres cités

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nion individuelle du juge HERSCH LAUTERPACHT https://www.icj-CIJ.org/public/files/case-
related/29/029-19570706-JUD-01-03-EN.pdf (consulté en novembre 2021)

CIJ, Interhandel (Suisse c. États-Unis d'Amérique), arrêt du 21 mars 1959 ; opinion dissidente du juge
HERSCH LAUTERPACHT https://icj-CIJ.org/public/files/case-related/34/034-19590321-JUD-01-08-
FR.pdf (consulté en novembre 2021)

CIJ, Essais nucléaires (Australie c. France ; Nouvelle-Zélande c. France), Arrêts du 20 décembre 1974,
Recueil 1974, paragraphe 25

CIJ, Affaire du plateau continental en mer du Nord entre la République fédérale d’Allemagne d’un
côté et le Danemark et les Pays-Bas de l’autre (arrêt du 20 février 1969, p. 46, § 87).

Voir CIJ, Affaire du plateau continental (Jamahiriya Arabe libyenne/malte), 3 juin 1985

CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis


d’Amérique), arrêt du 27 juin 1986 https://www.icj-CIJ.org/public/files/case-related/70/070-
19860627-JUD-01-00-FR.pdf (consulté en novembre 2021)

 Cour de Justice de l’UEMOA


Cour de Justice de l’UEMOA, Avis N°003/1996 du 10 décembre 1996, Demande d’avis de la BCEAO
sur le projet d’agrément unique pour les banques et les établissements financiers. Disponible sur le
site de l’UEMOA http://www.uemoa.int/fr/avis-ndeg0396-du-10-decembre-1996-demande-d-avis-
de-la-bceao-sur-le-projet-d-agrement-unique-pour (consulté en novembre 2021)

Cour de Justice de l’UEMOA, avis N°002/2000 en date du 02 février 2000 (demande de la Commission
de l’UEMOA relative à l’interprétation de l’article 84 du traité de l’UEMOA)

Cour de Justice de l’UEMOA, avis N°001/2003 du 18 mars 2003- Demande d’avis de la Commission de
l’UEMOA relative à la création d’une cour des Comptes au MALI

B. JURISPRUDENCE ARBITRALE (classées par dates)


Sentence arbitrale, Arabie Saoudite c. Arabian American Oil Company (ARAMCO), sentence du 23
août 1958

Sentence arbitrale, Sapphire international petroleums ltd vs national Iranian oil company du 15 mars
1963

Sentence arbitrale British petroleum du 10 oct 1973 et du 1er août 1974

Sentence arbitrale du 17 janvier 1977. Affaire Texaco Calasiatic c/ Libye


529

Sentence arbitrale du 12 avril 1977, Liamco (libyan-american oil company) contre Lybie

CIRDI, Southern Pacific Properties (Middle East) Limited v. Arab Republic of Egypt (affaire du plateau
des pyramides), ICSID Case No. ARB/84/3

Cour International d’Arbitrage, Sentence arbitrale N°7110, 1995,


www.unilex.info/principles/case/713 (consulté en novembre 2021)

Sentence N° 9797 de la Cour Internationale d’Arbitrage, du 28-07-2000. Disponible sur


www.unilex.info/principles/case/668 (consulté en novembre 2021)

CIRDI, Mihaly international corporation c. République démocratique socialiste du Sri Lanka (mars
2002) No. ARB/00/2

CIRDI PSEG Global Inc. and Konya Ilgin Elektrik üretim ve ticaret limited sirketi contre Republic of
Turkey (décision sur la compétence du 4 juin 2004, sentence du 19 janvier 2007), N° ARB/02/05

CIRDI, F-W oil interest Inc. C. République de Trinidad et Tobago (mars 2006) No. ARB/01/14

CIRDI Jan de Nul N.V. and dredging international N.V. contre Arab Republic of Egypt, (décision sur
compétence du 16 juin 2006 et sentence du 6 novembre 2008) N° ARB/04/13

CIRDI Malicorp limited c. Egypte du (février 2011) No. ARB/08/18

CIRDI Menzies Middle East and Africa S.A. et Aviation Handling Services International Ltd. c. Répu-
blique du Sénégal, (sentence du 05 août 2016), n°ARB/15/21

C. JURISPRUDENCE EUROPEENNE (classée par dates)


CJCE, 15 juillet 1964, Costa c. ENEL, Aff. 6-64

CJCE, 11 juillet 1974, Procureur de Roi contre Benoît et Gustave Dassonville, affaire n°8/74

CJCE, 10 juillet 1984, STS Consorzio per Sistemi di Telecomunicazione vis Satellite SpA c EC Commis-
sion, (Aff. C- 126/83)

CEDH, 21 février 1986, James c/Royaume Uni

CJCE, 20 septembre 1988, Gebroeders Bentjees c/États des Pays-Bas, aff. C-31/87

CJCE, 14 janvier 1993, Italsolar SpA c EC Commission, aff. C-257/90

CJCE, 29 avril 1993, Forafrique Burkinabe SA c EC Commission, aff. C-182/91

CEDH, 9 décembre 1994, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce -13427/87

CJCE, 26 octobre 1995, Geotronics SA v. EC Commission, aff. C-395/95

CJCE, 5 mai 1998, DREYFUS c Commission, aff. C-386/96

CJCE, 3 Octobre 2000, university of Cambridge. Affaire C-380/98

CJCE, 7 décembre 2000, Telefonadress GmbH v Telekom Austria AG, aff. C-324/98
530

CJCE, 29 avril 2004, Commission c. CAS Succhi di frutta, Aff C-496/99

CJCE, 17 septembre 2002, Concordia bus Finland Oy Ab, Aff. C-513/99

CJUE, 3 mars 2005, Fabricom c. Belgique, Aff. C-21/03 et C-34/03

CJUE, 24 janvier 2008, Emm. G. Lianakis AE c/ Dimos Alexandroupolis, Aff. C532-06

CJUE, 23 décembre 2009, Serrantoni et Consorzio stabile edili contre commune di Milano, aff. C
376/08

CJUE, 13 Décembre 2012, Forposta et ABC Direct Contact, Aff. C-465/11

CJUE, 10 octobre 2013, Ministeriet for Forskning, Innovation og Videregående Uddannelser c. Mano-
va A/S, Aff. C 336/12

Tribunal de l’UE, 1ière chambre, 13 décembre 2013, European Dynamics Luxembourg SA and Evropaïki
Dynamiki - Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE v European Commis-
sion, Aff. T-165/12

CJUE, 26 mars 2015, Ambisig – Ambiente e Sistemas de Informação Geográfica SA, aff. C-601/13

CJUE, 22 octobre 2015, Impressa Edilux SRL, Aff. c-245/14

CJUE, 4 mai 2017, Esaprojekt sp.zo.o.c/WojewództwoŁódzkie , Aff. C-387/14

CJUE, 4 juin 2019, Consorzio Nazionale Servizi Società Cooperativa (CNS)/Gruppo Torinese Trasporti
Gtt SpA, Aff. c 425-18

D. JURISPRUDENCE NATIONALE

 FRANCE

Cour de cassation

Cass. 22 janv. 1849, Gouvernement espagnol c/ lambège

Procureur Général de la Cour de cassation c/ Vestwig et autres" Req. 5 février 1946 - Sirey 1947.1 p.
137

Cass. Ch. civ. sect. Civ., 21 juin 1950, messageries maritimes

Cass. 19 décembre 1961, société Bauer Marchal c. Ministre des finances de Turquie J.C.P, 1962, II,
12489 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000006957992 (consulté en novembre 2021)

C. Cass. , chambre mixte 24 mai 1975, Société des Cafés Jacques Vabre

Cass. Civ. 1ère, 9 octobre 1984, Affaire Norsolor c/ Pabalk, Bull. 1984, N° 248

Cass. Civ. 1ère, 22 octobre 1991, Sté Valenciana de Cementos Portland c/ sté Primary Coal, Bulletin
1991, N° 275 p. 182

Cass, Civ, 1re, 17 décembre 1996, sté locunivers, Bull. civ. I, n° 464
531

Cass, mixte, 20 juin 2003, Mme Naira c Ecole Saoudienne de Paris et autre, n°0045-629, n° 00-45.630,
arr. N° 220
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007047239 (consulté en no-
vembre 2021)

Conseil d’État (classées par dates)

CE, 10 janvier 1902, compagnie Nouvelle du gaz de Déville-Lès-Rouen


https://www.conseil-État.fr/fr/arianeweb/CE/decision/1902-01-10/94624

CE, 23 juillet 1933, « compagnie générale des eaux », Rec. 1933, p. 508

CE, 10 janvier 1902, compagnie Nouvelle du gaz de Déville-Lès-Rouen, Lebon 5

CE, 21 mars 1910 « Compagnie générale française des tramways », Rec. 1910. Disponible sur :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CÉTATEXT000007635472 (consulté en
novembre 2021)

CE, 31 juillet 1912, Sté des granits porphyroïdes des Vosges, Lebon, p. 909

CE, 24 décembre 1926, Société anonyme l’entreprise de l’Est, rec. P 1172

CE Sect. 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers, Lebon

CE 10 mars 1937, Société Robiou du Pont et Henri Martin, rec. P 294

CE, 25 juillet 1939, Dame Veuve Gautron, rec. P. 529

C.E., 17 février 1950, Dame Lamotte

CE, Ass. 22 juin 1951, N°590, Sieur DAudignac, publié au recueil Lebon

CE sect. 28 octobre 1960, Sieur Martial de Laboulaye, Rec. P.570

CE, 17 déc. 1972, Ville de Cayenne, req. 78728

CE 7 novembre, 7 novembre 1986, Ville de Toulouse,


https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CÉTATEXT000007697426/ (consulté en novembre 2021)

CE, 13 mai 1987, Société Wanner Isofi Isolation, rec. p. 171, Dalloz, 1987

C.E. Assemblée plénière, 20 octobre 1989, Nicolo.

CE 10 mai 1996, Féd. nationale des travaux publics et Féd. nationale du bâtiment, n° 159979 : Lebon
1996, p. 164

CE, 20 mai 1998, communauté de communes du Piémont de Barr, N°188239, Lebon

CE, 6 novembre 1998, Assistance publique – Hôpitaux de Marseille, rec. p. 1019, 1032 et 1098

CE, avis, section des finances du 8 juin 2000, n° 141654

CE, 8 novembre 2000, commune de Baie-Mahault, Sté Rhoddlams, BJCP, 2001, N° 15, p. 169

CE, 25 juillet 2001, commune de Gravelines, N° 229666, Lebon 2001, p. 391. Disponible sur :
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CÉTATEXT000008044149/ (consulté en novembre 2021)
532

CE, sect. Avis, 29 juillet 2002, Sté Maj Blanchisseries de pantin, RFDA, 2002, p. 1010

CE, 21 janvier 2004, Société Aquitaine Démolition, n° 253509

CE, Ass., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, Rec. p. 509 et CE, Sect 21 mars 2011, Commune
de Béziers, Rec. p. 117,
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CÉTATEXT000022203485 (consulté en
novembre 2021)

CE, 30 novembre 2011, Société DPM Protection, n° 350788

CE, 24 juin 2011, OPH interdépartemental de l’Essonne, n° 346665

CE, 16 janvier 2012, Département de l’Essonne, n° 353629

CE, 11 mars 2013, min. de la Défense c/ Société Aéromécanic, n° 364827

CE 11 mars 2013, AP HP, N°364706

CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994

CE, 7 novembre 2014, Syndicat Départemental de Traitement des Déchets Ménagers de l’Aisne, n°
384014

CE, 29 avril 2015, Syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe, n° 386748

CE, 12 septembre 2018, SIOM de la vallée de Chevreuse, req. N° 420454

CE 24 juin 2019, département des Bouches-du-Rhône, Req. N° 428866

CE 25 janvier 2019, Société Dauphin Télécom, Req. n° 421844

Conseil constitutionnel et autres juridictions

Conseil Constitutionnel- Décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996, Loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier

Conseil constitutionnel- décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 -Loi habilitant le Gouvernement à


simplifier le droit (considérant N°10 et 18)

Conseil constitutionnel- décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002 -loi d’orientation et de program-


mation sur la sécurité intérieure (considérant N°7)

Conseil constitutionnel décision N°2020-834-QPC

T.confl., 16 oct. 2006, caisse centrale de réassurance

 Pays de l’UEMOA
SENEGAL

ARMP, Décision n° 227/ 13/ ARMP/CRD du 07 août 2013 du Comité de règlement des différends sta-
tuant en commission litiges sur le recours introduit par l’entreprise GENITE dans le cadre de l’appel
533

d’offres pour les travaux d’entretien, de réhabilitation et de construction de pistes de désenclave-


ment pour les régions de Louga, de Saint-Louis et de Matam ( lot N°3) lancé par l’AGEROUTE:
http://www.armp.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=609:decision-nd-
22713armpcrd-du-07-aout-2013&Itemid=637 (consulté en novembre 2021)

ARMP, décision n° 376/13/ARMP/CRD du 04 décembre 2013 du comité de règlement des différends


statuant en commission litiges sur le recours introduit par le groupe d’ingénierie et de construction
(GIC) contestant les critères de l’avis d’appel public à manifestation d’intérêt ayant pour objet la pré-
sélection de candidats pour une assistance au maitre d’ouvrage (amo) pour les travaux de construc-
tion de l’autoroute Thies-Touba. Décision disponible à l’adresse :
http://www.armp.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=767:decision-nd-
37613armpcrd-du-04-decembre-2013&Itemid=798 (consulté en novembre 2021)

ARMP, Décision n° 206/14/ARMP/CRD du 06 aout 2014 du comité de règlement des différends sta-
tuant en commission litiges sur le recours de l’entreprise Touba Darou miname contestant
l’attribution provisoire du marché relatif aux travaux de construction de trois (3) lycées dans des
régions de Kédougou, Louga Et Sedhiou lancé par la direction des constructions scolaires du minis-
tère de l’éducation nationale.

CÔTE D’IVOIRE

ANRMP, décision N° 016/2012/ANRMP/CRS du 31 juillet 2012 portant appréciation de la régularité


des critères de sélection contenus dans le dossier d’appel d’offres n° f-178/2012 relatif à l’achat et à
la distribution de kits scolaires aux élèves des cours préparatoires, des cours élémentaires, des cours
moyens 1 & 2 des écoles primaires publiques de Côte d’Ivoire au titre de l’année scolaire 2012-2013

ANRMP, cellule recours et sanctions, DECISION N°026/2012/ANRMP/CRS DU 02 NOVEMBRE 2012


sur le recours de la société KINAN contestant les résultats de l’appel d’offres n°f102/2012 portant sur
la fourniture de four électrique et accessoires pour le compte de l’institut national supérieur des arts
et de l’action culturelle

ANRMP, Décision n°014/2013/ANRMP/CRS du 29 aout 2013 sur le recours de la société CATRAM


contestant les résultats de l’appel d’offres n°t90/2013 portant sur la réhabilitation du quai de la base
annexe de la marine nationale.

ANRMP, décision n°0020/2013/ANRMP/CRS du 28 novembre 2013 sur le recours du groupement CLK


avocats/Biteye & Cissé/cabinet corneille Badji/a2i conseils contestant les résultats de l’appel d’offres
n°p66/2013 relatif à l’audit du système de la propriété industrielle de la Côte d’Ivoire, organisé par
l’office ivoirien de la propriété intellectuelle
https://www.anrmp.ci/images/app/contenu/146/DECISION_N_0020_2013_ANRMP_CRS_du_28_No
vembre_2013_sur_le_recours_du_groupement_CLK_AVOCATS_BITEYE__CISSE_CABINETS.pdf (con-
sulté en novembre 2021)

ANRMP, avis N°001/2014/ANRMP/ du conseil du 06 mars 2014 (saisie par l’entreprise KINAN pour
avoir l’interprétation des dispositions de l’article 75.3 du Code des marchés publics)

ANRMP, décision N°014/2014/ANRMP/CRS DU 05 JUIN 2014 sur le recours de la société Handling


Côte d’Ivoire contestant les résultats de l’avis à manifestation d’intérêt n°s79/2013 relatif à la mise
en concession de la fourniture des services d’assistance en escale à l’aéroport international Félix
Houphouët-Boigny d’Abidjan organisé par le ministère des transports. Disponible à :
https://www.marchespublics.ci/sites/default/files/2020-01/decision_n_014_2014_anrmp.pdf (con-
sulté en novembre 2021)
534

Chambre administrative de la cour suprême, Arrêt n° 17 du 27 février 2013, Société Dragon-Côte


d’Ivoire dite DRACI c/ Autorité Nationale de Régulation des marchés publics

Chambre administrative de la cour suprême, arrêt N°166 du 22/07/2015 (GROUPEMENT CLK AVO-
CATS/ BITEYE ET CISSE/CABINET CORNEILLE BADJI/A2I-CONSEILS C/ OFFICE IVOIRIEN DE LA PRO-
PRIETE INTELLECTUELLE DIT OIPI) http://juris.consÉtat.ci/page_book.php (consulté en novembre
2021)

Chambre administrative de la Cour Suprême, Arrêt du 30 mars 2016, SARL KINAN c/ ANRMP

BURKINA FASO

Décision de l’ARCOP : N° 2013-321/ARMP/CRD du 30 mai 2013 sur recours de l’entreprise


JC’THEO contre les résultats provisoires de l’appel d’offres ouvert n° 1-2013/007-MJ/SG-DMP du 05
février 2013 pour l’acquisition de robes pour magistrats au profit du Ministère de la justice

Décision N° 2013-388/ARMP/CRD su 13 juin 2013 sur recours de l’entreprise BELKOM-INDUSTRIE


contre les résultats provisoires de l’appel d’offres n° 17/2012 pour la fourniture de divers matériels à
la SONABEL (Lots 03 et 06).

 ÉTATS-UNIS D’AMERIQUE
Cour d’appel du district de Columbia, 28 mars 1966, Lutcher S.A. Celulose e Papel Candoi Parana
Brazil vs Inter-American Development Bank

Us Court of appeals, District of Columbia circuit, Constructores Civiles de Centroamerica S.A. v. John
Hannah et al., 459 F.2D 1183, N° 24357, 14 mars 1972. Disponible à l’adresse suivante :
https://openjurist.org/459/f2d/1183/constructores-civiles-centroamerica-v-hannah (consulté en
novembre 2021)

Cour suprême des États-unis, 2 juillet 1982, décision n°81-202, National Association for the ad-
vancement of colored people V Clairborne Hardware co

United States Court of Appeals, 27 septembre 1983, District of Columbia, Mendaro vs Banque Mond-
iale

 AUTRES PAYS
Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles, arrêt du 3 juillet 2018, jewish human rights watch c
mairie de Leicester

Cour d’Appel Mixte d’Alexandrie, arrêt du 24 novembre 1920 (Clunet, 1920, 271)

VI- Textes cités


A. Conventions internationales et régionales/Textes des institutions inter-
nationales et régionales
535

 OMC

General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), signé le 30 octobre 1947, entrée en vigueur le 1er
janvier 1948

GATT, décision du 25 juin 1971 sur le système de préférence généralisé

Accord de Marrakech instituant l’Organisation Mondiale du Commerce, entré en vigueur le 1er janvier
1995

Accords plurilatéraux de l’OMC sur les marchés publics (versions de 1994 et de 2012)

 ONU

Assemblée générale ONU, résolution 1707 (XVI), Le commerce international, principal instrument du
développement économique, adoptée le 19 décembre 1961

Assemblée Générale ONU, Résolution 2200 A (XXI), pacte international relatif aux droits écono-
miques, sociaux et culturels, adopté le 16 décembre 1966, entré en vigueur le 3 janvier 1976

Assemblée générale ONU, Résolution 2200 A (XXI), pacte international relatif aux droits civils et poli-
tiques, adopté le 16 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976

Assemblée Générale ONU, Résolution 3281 (XXIX), Charte des droits et des devoirs économiques des
États, adoptée le 12 décembre 1974

Assemblée générale ONU- résolution 41/128 du 04 décembre 1986, Déclaration des nations unies sur
le droit au développement

Assemblée générale ONU résolution 32/130 et résolution 34/46 du 23 novembre 1979 sur les autres
méthodes et moyens qui s’offrent dans le cadre des nations unies pour mieux assurer la jouissance
effective des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Assemblée générale ONU- résolution ( seulement celles citées) relatives au rôle crucial du système
financier international et des institutions multilatérales pour répondre aux priorités de la croissance
et d’un développement juste et équitable : Résolution 55/186 du 20 décembre 2000 ; Résolution
56/181 du 21 décembre 2001 ; Résolution 57/241 du 20 décembre 2002 ; Résolution 58/202 du 23
décembre 2003 ; Résolution 59/222 du 22 décembre 2004 ; Résolution 60/186 du 22 décembre
2005 ; Résolution 61/187 du 20 décembre 2006 ; Résolution 62/185 du 19 décembre 2007 ; et Réso-
lution 63/205 du 19 décembre 2008

Assemblée Générale ONU, Résolution 55/2 du 8 septembre 2000, Déclaration du Millénaire pour le
développement

Assemblée Générale ONU, Résolution, A/RES/64-191 du 12 février 2010 « viabilité de la dette exté-
rieure et développement »

Assemblée Générale ONU, Résolution 66-95 du 9 décembre 2011, Loi type de la CNUDCI sur la passa-
tion des marchés publics

Assemblée Générale ONU, Résolution 70/1 du 27 septembre 2015 : « transformer notre monde : le
programme de développement durable à l’horizon 2030 »- objectifs de développement durables
(ODD)-
536

Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d'infrastructure à financement privé adopté le 29 juin
2000 et d’autre part des dispositions législatives types de la CNUDCI sur les projets d’infrastructure à
financement privé adoptées en 2003

Charte des nations unies, 26 juin 1945

Convention sur les immunités et privilèges des institutions spécialisées (21 novembre 1947)

CNUCED, résolution 21 (II), système de préférences généralisées, adoptée le 26 mars 1968

Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Déclaration de RIO de 1992
sur l’environnement et le développement

Consensus de Monterrey issu de la conférence sur le financement du développement tenue du 18 au


22 mars 2002

Convention des nations unies contre la corruption (adoptée par la résolution de l'Assemblée générale
des Nations unies 58/4 du 31 octobre 2003)

Conventions des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États (adoptée le 02 décembre
2004)

Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d'infrastructure à financement privé adopté le 29 juin
2000 et d’autre part des dispositions législatives types de la CNUDCI sur les projets d’infrastructure à
financement privé adoptées en 2003

 UA

Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, adoptée en juin 1981, entrée en vigueur le 21
octobre 1986

Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption (signé à Maputo le
11 juillet 2003)

 UE

Accord de COTONOU du 23 juin 2000 entre l’Union Européenne et les pays d’Afrique Caraïbes et
Pacifique (Accord de partenariat 2000/483/CE)

Accord de partenariat économique entre les états du CARIFORUM, d'une part et la Communauté
Européenne et ses états membres, d'autre part (entré en vigueur le 29 décembre 2008)

Conventions de LOME I, II, III, IV, IV bis (signés respectivement en 1975, 1979,1984, 1990, 1995)
(abrogées)

Directive du Conseil du 21 décembre 1976 portant coordination des procédures de passation des
marchés publics de fournitures (77/62/CEE) (abrogée)

Directive 80/767/CEE du Conseil, du 22 juillet 1980, adaptant et complétant, en ce qui concerne


certains pouvoirs adjudicateurs, la directive 77/62/CEE portant coordination des procédures de pas-
sation des marchés publics de fournitures (abrogée)
537

Directive 92/50/CEE du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation
des marchés publics de services (abrogée) ;

Directive 93/37/CEE DU CONSEIL du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation
des marchés publics de travaux (abrogée).

Directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination


des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et
des services postaux (abrogée)

Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordina-


tion des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services
(abrogée)

Directive 2014-/24/UE du Parlement européen et du conseil du 26 février 2014 sur la passation des
marchés publics

Proposition de Règlement du Parlement Européen et du Conseil établissant l’instrument de voisi-


nage, de coopération au développement et de coopération internationale (2021)

Règlement financier du 11ème FED

Règlement CE n° 1085/2006 du conseil du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préa-


dhésion.

Règlement (CE) No 593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi appli-
cable aux obligations contractuelles (Rome I)

Règlement (UE) 2015/323 du Conseil du 2 mars 2015 portant règlement financier applicable au 11e
Fonds Européen de Développement

Traité instituant la Communauté Européenne (Traité de ROME-TCE) –signé le 7 février 1992, entré en
vigueur le 1er novembre 1993 (modifié)

Traité de Lisbonne (signé le 18 décembre 2007, entré en vigueur le 1er décembre 2009)

 UEMOA

Acte additionnel N° 10/96 du 10 mai 1996 portant statut de la Cour de Justice de l'Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine

Règlement N° 1/96/CM/UEMOA du 05 juillet 1996 portant Règlement des procédures de la Cour de


Justice de l'UEMOA

Directive N° 02/2000/CM/UEMOA du 29 juin 2000 portant Code de transparence dans la gestion des
finances publiques dans l’espace UEMOA (abrogée)

Traité constitutif modifié de l’UEMOA signé le 29 janvier 2003

Décision N°01/2004/CM/UEMOA portant adoption du Programme Economique Régional (PER) 2004-


2008

Directive N°O4/2005/CM/UEMOA portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des


marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine (adoptée le 9 décembre 2005 et entrée en vigueur le 1er janvier 2006)
538

Directive N°05/2005/CM/UEMOA portant contrôle et régulation des marches publics et des déléga-
tions de service public dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (adoptée le 9 dé-
cembre 2005-entrée en vigueur le 1er janvier 2006)

Directive N°01 2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances pu-
bliques au sein de l’UEMOA

Décision N° 01/2010/COM/UEMOA du 02 février 2010 portant création et modalité de fonctionne-


ment de l’Observatoire Régional des Marchés Publics

Directive N°04 du 28 septembre 2012 relative à l’éthique et à la déontologie dans les marchés publics
et les délégations de service public au sein de l’union économique et monétaire Ouest-Africaine (en-
trée en vigueur le 1er janvier 2013)

Décision N° 12/2012/CM/UEMOA du 10 mai 2012 portant adoption des Dossiers Standards Régio-
naux d’Acquisition de prestation intellectuelles et du modèle de rapport d’évaluation

Décision N°13/2012/CM/UEMOA portant adoption des Dossiers Standards Régionaux d’Acquisition


de travaux, de fourniture, de services courant

Décision N°03/2014/CM/UEMOA du 28 juin 2014 portant adoption du plan d’action des réformes des
marchés publics et des délégations de service public

 Autres accords et textes internationaux

Accord de partenariat transpacifique (trans-pacific partnership agreement), signé le 04 février 2016

Accord relatif au système global de préférences commerciales entre pays en développement, adopté
à Belgrade, le 13 avril 1988

Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie relatif à


l'établissement et aux activités de l'Agence Française de Développement et de la Société de promo-
tion et de participation pour la coopération économique en Géorgie, signé à Tbilissi le 13 mai 2014

Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de


Cuba relatif à l'établissement et aux activités de l'Agence Française de Développement et de Propar-
co dans la République de Cuba, signé à La Havane le 29 juillet 2016

Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) UE-CANADA, signé le 30 octobre 2016

Conseil de l’Europe, principes directeurs de la lutte contre la corruption (1997)

Conseil de l’Europe, convention pénale de novembre (1998)

Conseil de l’Europe, convention civile (1999)

Convention de New-York pour la reconnaissance des sentences arbitrales étrangères (1958).

Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États Et ressortissants
d’autres états Du 18 Mars 1965 (convention de Washington instituant le CIRDI)

Convention de Vienne sur le droit des traités (adoptée le 23 mai 1669, entrée en vigueur le 27 janvier
1980)
539

Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre
organisations internationales (adoptée le 21 mars 1986)

Cour Internationale de Justice (CIJ), statut de la CIJ

Déclaration commune des 77 adoptée le 15 juin 1964

Déclaration de Rome sur l’harmonisation (2003)

Déclaration de Johannesburg adoptée par la Banque Mondiale et la table ronde CAD-OCDE suite à la
table ronde tenue du 30 novembre au 2 décembre 2004.

Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide (adoptée le 2 mars 2005)

Déclaration d’Arusha, activité conjointe sur la passation des marchés, ARUSHA, République Unie de la
Tanzanie, 5-7 MAI 2008, par le groupe de travail conjoint CAD-OCDE sur l’efficacité de l’aide (activité
conjointe sur la passation des marchés).

Déclaration d’Accra -Programme d’action d’Accra (4 septembre 2008)

Déclaration de Tunis sur les réformes des marchés publics en Afrique (17 décembre 2009)

Déclaration relative au partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du dévelop-
pement, quatrième forum à haut niveau sur l’efficacité de l’aide, 2011

OCDE, convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions
commerciales internationales (signée le 17 décembre 1997 et entrée en vigueur le 15 février 1999)

OCDE, principes de l’OCDE pour renforcer l’intégrité dans les marchés publics, 2010

Organisation des États Américains (OAS), Convention interaméricaine contre la corruption, adoptée
le 26 mars 1996

Traité de libre-échange entre l’Australie et les États-Unis d’Amérique (The Australia-United States
Free Trade Agreement -AUSFTA) (signé le 18 mai 2004)

B. Textes nationaux

 COTE D’IVOIRE

Arrêté n° 201 du 21 avril 2010 portant conditions de mise en œuvre de la concurrence informelle
pour les dépenses inférieures au seuil de passation des marchés publics (abrogé)

Arrêté N° 199/MEF/DGBF/DMP du 21 avril 2010 relatif à l’exécution des crédits budgétaires au re-
gard du code des marchés publics

Arrêté N°805 du 19 octobre 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission Adminis-


trative de Conciliation (abrogé)

Arrêté N°106/MEF du 13 juillet 2011 portant code d’éthique et de déontologie dans le domaine des
marchés publics et de délégation de services publics

Arrêté N°068 du 21 février 2014 portant création du comité de suivi des délais de passation des mar-
chés et d’exécution de la dépense
540

Arrêté n° 118/MPMB du 26 mars 2014 portant modalités d’application des sanctions des violations
de la réglementation des marchés publics

Arrêté N°325 du 23 mai 2014 portant composition et fonctionnement des cellules de passation des
marchés publics.

Arrêté N°465 du 23 juin 2015 portant attributions, organisations et fonctionnement de la Direction


Générale des Marchés Publics.

Arrêté N°692 MPMB/DGBF/DMP du 16 sept 2015 fixant des seuils de référence, de validation et
d’approbation dans la procédure de passation des marchés publics.

Arrêté N°693 du 16 septembre 2015 portant procédures concurrentielles simplifiées (abrogé)

Arrêté N° 112 MPMBPE/DGBF/DMP du 08 mars 2016 portant procédures concurrentielles simplifiées

Constitution de la République de Côte d’Ivoire (2016)

Décret n°85-591 du 12 septembre 1985 portant code des marchés publics (abrogé)

Décret n°85-592 du 12 septembre 1985 portant fixation du seuil pour la détermination des compé-
tences des commissions d’ouverture et de jugement (abrogé)

Décret N°2009-259 du 06 août 2009 portant code des marchés publics de la République de Côte
d’Ivoire (abrogé)

Décret n°2009-260 du 06 aout 2009 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité Nationale


de Régulation des Marchés Publics (ANRMP) (abrogé)

Décret N° 1151 du 19 décembre 2012 relatif aux contrats de partenariats public-privé (abrogé)

Décret N° 1152 du 19 décembre 2012 portant attributions, organisations et fonctionnement du cadre


institutionnel de pilotage des PPP (abrogé)

Décret N° 2018-358 du 29 Mars 2018 déterminant les règles relatives aux contrats de partenariats
public-privé

Décret N°2018-359 du 29 mars 2018 portant attributions, organisation et fonctionnement du comité


national de pilotage des PPP.

Décret 2019-185 du 6 mars 2019 relatif aux marchés publics passés dans le cadre de la mise en
œuvre du programme social du gouvernement

Décret N°409 du 22 avril 2020 fixant les modalités de saisine et les procédures d’instruction, de prise
de décisions et d’avis des organes de recours non-juridictionnel de l’ANRMP

Dossier Type d’appel d’offres (DTAO) marchés de travaux de la République de Côte d’Ivoire, version
de Mai 2013 https://anrmp.ci/images/app/contenu/536/passation-travaux.pdf (consulté en no-
vembre 2021)

Instruction 192 du 22 septembre 2008 du ministère de l’économie et des finances relative aux pro-
cédures et modalités d’exécution des dépenses des projets d’investissement cofinancés par la
Banque Mondiale (abrogée)

Loi N°978 du 27 décembre 2018 déterminant les attributions, la composition, l’organisation et le


fonctionnement du conseil d’État
541

Ordonnance N°2013-661 du 20 septembre 2013 fixant les attributions, la composition, l’organisation


et le fonctionnement de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance

Ordonnance N°2018-594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement de


l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics. Disponible sur :
https://www.anrmp.ci/images/PDF/Ordonnance-n-2018-594.pdf (consulté en novembre 2021)

Ordonnance N°2018-646 du 1er août 2018 portant code des investissements

Ordonnance n° 2019-679 du 24 juillet 2019 portant Code des marchés publics

 Autres Pays de l’UEMOA

MALI - Code des marchés publics de 2015 (décret N°2015-0604)

BENIN - loi N° 2020-26 du 29 septembre 2020 portant code des marchés publics

BURKINA FASO - loi N°039-2016 du 2 décembre 2016 portant réglementation générale de la com-
mande publique

BURKINA FASO décret N°2017-049 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des
marchés publics et des délégations de service public

GUINEE BISSAU - décret N° 19/210 portant code des marchés publics du 25 août 2011

NIGER - décret N° 2016-641/PRN/PM du 1er décembre 2016 portant code des marchés publics

SENEGAL- décret n° 2014 -1212 du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics

SENEGAL - loi N° 06-16 du 30 juin 2006 (modifiant la loi N° 65-61 du 19 juillet 1965) portant code des
obligations de l’administration au Sénégal

TOGO- loi relative aux marchés publics et délégations de service public, et le Décret 2009-277 du 11
novembre 2009 portant Code des marchés publics et des délégations de service public.

 FRANCE

Circulaire du 30 mai 1997 relative à l’élaboration et à la conclusion des accords internationaux

Code de la commande publique français (2019)

Code des relations entre le public et l’administration

Code de justice administrative

Code général des collectivités territoriales français

Constitution de la République Française

Loi N° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère écono-
mique et financier (loi MURCEF)
542

Ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la com-
mande publique

 Autres pays

Grande Bretagne, local government act de 1988

Grande bretagne, race relation act de 1976

Grande Bretagne, Bribery act de 2010

République Centrafricaine, constitution du 13 décembre 2015

République d’Afrique du Sud, constitution de 1996

République d’Afrique du Sud, Preferential Procurement Policy Framework Act 5, 2000

République d’Afrique du Sud, B-BBBE act (Based Black Economic Empowerment act), 2003

République d’Afrique du Sud, Preferential Procurement Policy Framework (PPPFA regulations), 2011

République d’Afrique du Sud, Revised Preferential Procurement Regulations (Revised Regulations),


entré en vigueur le 1er avril 2017

USA, Code of Federal Regulations

USA, buy American act de 1933

USA, Small business development act (SBA) du 30 juillet 1953

USA, foreign corrupt practices act (FCPA) de 1977

C. Textes des institutions de financements

 BANQUE MONDIALE

Accord de prêt N° 4558 CD signé entre la BIRD et la République du Tchad en date du 29 mars 2001-
projet d’exploitation pétrolière et d’oléoduc

Conditions générales des prêts de la BIRD, 2012

Convention portant création de l’Agence Multilatérale de Garantie des Investissements, adoptée à


Séoul le 11 octobre 1985, entrée en vigueur le 12 avril 1988, amendée le 14 novembre 2010

Banque Mondiale, Règlement de passation des marchés pour les emprunteurs sollicitant le finance-
ment de projets d’investissements (FPI), version Juillet 2016, (Révisions Novembre 2017 et Août
2018)

Directives de passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (autres que les services
de consultants) par les emprunteurs de la Banque Mondiale dans le cadre des prêts de la BIRD et des
crédits et dons de l’AID, version 2011 (révisée en 2014)
543

Directives sélection et emploi de consultants par les emprunteurs de la Banque Mondiale dans le
cadre des prêts de la BIRD et des crédits et dons de l’AID, version janvier 2011 (révisée juillet 2014)

Dossiers types d’Appel d’offres, passation des marchés de travaux (Droit Civil) de la Banque Mon-
diale, version de 2007 http://siteresources.worldbank.org/INTPROCUREMENT/Resources/CivilWorks-
03-07.pdf (consulté en novembre 2021 )

Guide du Rapport d’évaluation des offres, passation des marchés de fournitures et de travaux, avril
1996, republié en 2012

Loan agreement (n° 8724-MA) -financing innovative start-ups and small and medium Enterprises
project- between Kingdom of Morocco and International Bank for Reconstruction and Development,
6 juin 2017

Memorandum: General Counsel, prohibition of political activities under the IBRD Articles of agree-
ment and its relevance to the work of the executive Directors, SecM87-1409 (December 21, 1987)

Memorandum: Issues of ‘Governance’ in Borrowing Members – the Extent of Their Relevance under
the Bank’s Articles of Agreement, (21 Dec 1990)

Politiques opérationnelles sur l’environnement (OP/BP 4.01 ; OP/BP4.04/ ; OP/BP 4.36 ; OP/BP 4.12 ;
OP/BP 4.11 ; OP/BP 4.12 ; OP/BP 4.37 ; OP/BP 7.60 ; OP/BP 7.50)

Politique opérationnelle- OP/BP 8.60 development policy lending

Republic of MALI-IDA, development credit agreement (public enterprise institutional development


project), number 1938-MLI, September 7th, 1988

Résolutions des administrateurs N° IBRD 93-10 et No. IDA 93-6 établissant le panel d’inspection, 22
septembre 1993

Résolutions des administrateurs No. IBRD 2020-0004 et No. IDA 2020-0003 sur le panel d’inspection
de la Banque Mondiale, 08 Septembre 2020

Royaume du Maroc-BIRD, Accord de prêt N° 8724-MA signé le 16 juin 2017

Statut de la BIRD (Adopté à Bretton Woods le 22 juillet 1944)

Statut de l’AID (entré en vigueur le 24 eptembre 1960)

The Inspection Panel, Worldbank, Operating procedures 2021

 BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT (BAD)

Statuts de la BAD

General conditions applicable to the African Development Bank loan agreements and guarantee
agreements (Sovereign Entities)

Guide standard pour l’évaluation des offres pour l’acquisition de biens et travaux, novembre 2010
544

Guide marchés publics durables, décembre 2020

Manuel des opérations de passation des marchés, partie A, vol 1, considérations générales, 2018

Politique de passation des marchés des opérations financées par le groupe de la Banque

 BANQUE OUEST-AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT

Conditions générales applicables aux accords de prêts de la BOAD, version de Mars 2000

Directives relatives à la passation des marchés de biens, travaux et services (autres que les services
de consultants) financés par un prêt ou une avance de fonds de la Banque Ouest Africaine de Déve-
loppement (Mars 2013)

Manuel de politique et procédures de vérification de la conformité de la BOAD. NOVEMBRE 2013

Manuel de politique et procédures pour la prévention et la lutte contre la corruption et la fraude


dans les opérations de la BOAD, 2013

 Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD)

Accord constitutif de la BERD signé à paris le 29 mai 1990 et entré en vigueur le 28 mars 1991

Conditions générales des prêts de La BERD (décembre 2012)

 Banque Inter-Américaine de Développement (IADB)

General conditions for investment loans chargeable to ordinary capital resources for republics and
other entities with sovereign guarantee (octobre 2021)

 Banque Asiatique de Développement (BAsD)

Statut de la Banque Asiatique de Développement

Conditions générales relatives aux différents types de prêts (Ordinary Operations (Concessional) Loan
Regulations and Revised Ordinary Operations Loan Regulations, Special Operations Grant Regula-
tions, and Externally Financed Grant Regulations)

Asian Development Bank, Procurement Guidelines

 Autres institutions de financement

Fonds Saoudien de Développement (FSD), Accord de Prêt relatif au financement du Projet de réhabi-
litation de la route « Soanierana Ivongo - Vahibe» conclu le 05 mai 2017 entre la République de Ma-
dagascar et le Fonds Saoudien de Développement (FSD). Disponible sur : https://www.assemblee-
nationale.mg/wp-content/uploads/2020/10/Loi-n%C2%B02017-016_Soanierana-Ivongo-
Ivahibe_fr.pdf (consulté en novembre 2021)
545

UE, Procurement and Grants for European Union external actions, a Practical Guide (PRAG), version
août 2018

NDB, Agreement on the New Development Bank (statut de la New Development Bank (NDB) signé à
Fortaleza le 15 juillet 2014

NDB, Policy on Loans with Sovereign Guarantee, version de janvier 2016

D. Avis d’appels d’offres cités


Cameroun, Appel d’offre AOIO/PM/MINMAP/CCPM-BEC/2018 du 24 juillet 2018 relatif au projet de
« Construction des Infrastructures Communautaires de Base Pour Le Projet de Développement de
L’Elevage et de la Pêche (Lifidep) » financé par la Banque Islamique de Développement au profit du
Cameroun. https://www.isdb.org/fr/appels-doffres/construction-des-infrastructures-
communautaires-de-base-pour-le-projet-de-developpement-de-l%E2%80%99elevage-et-de-la-
peche-lifidep (consulté en novembre 2021)

Côte d’Ivoire, DAO du marché de fournitures concernant l’équipement de 10 centres émetteurs de la


RTI, DIVO-GRAND LAHOU- BOUAFFLE- M’BENGUE – TENGRELA TIEME - DABAKALA - KONG - NIANG-
BO – BOUAKE, 2013

VII- Sites web principaux


https://www.inspectionpanel.org/panel-cases (site référençant les affaires du panel d’inspection de
la Banque Mondiale)

https://www.worldbank.org/en/topic/procurement-for-development#1 (partie du site de la Banque


Mondiale dédiée aux marchés publics dans les stratégies de développement de l’institution)

www.miga.org (site de l’Agence Multilatérale de Garantie des Investissements)

https://read.oecd-ilibrary.org/ (librairie en ligne de l’OCDE)

http://www.oecd.org/governance/procurement/toolbox/principlestools/ (partie du site de l’OCDE


dédiée aux marchés publics)

https://data.oecd.org/fr/oda/apd-nette.htm#:~:text=en%20sont%20exclus.-
,L'aide%20peut%20emprunter%20la%20voie%20bilat%C3%A9rale%2C%20(%C3%AAtre%20fournie,'a
pports%20d'assistance%20technique (données de l’OCDE sur les flux de l’aide au développement)

http://www.oecd.org/dac/stats/daclist.htm (données de l’OCDE sur les flux de l’aide au développe-


ment des membres du CAD)

https://www.afd.fr/fr/laide-au-developpement (explications de l’Agence Française de Développe-


ment sur les politiques de développement)

http://www.icj-CIJ.org/fr/cpji-serie-a (Jurisprudences de la Cour internationale de Justice)

https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/hipcf.htm (partie du site web du FMI sur l’initiative


PPTE)
546

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_1552 (informations sur le nouvel ac-


cord de partenariat UE/ ACP)

http://www.acp.int/fr/content/l-oeacp-et-l-ue-paraphent-un-nouvel-accord-de-partenariat-
historique (site de l’organisation des États ACP)

https://www.mapsinitiative.org/about/ (site du Methodology for Assessing Procurement Systems-


MAPS )

www.transparency.org (site web de l’ONG Transparency International)

www.ecfr.gov (code of federal regulations USA- site officiel en ligne qui recense les lois fédérales
américaines)

www.unilex.info (site d’UNIDROIT codifiant la lex mercatoria et publiant des jurisprudences arbi-
trales )

http://www.courdescomptes.ci/ (cour des comptes ivoirienne)

https://habg.ci/ (site web de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance de Côte d’Ivoire)

https://www.marchespublics.ci (site de la Direction Générale des Marchés Publics de la Côte


d’Ivoire)

http://www.uemoa.int/fr (site web de l’UEMOA)

https://www.marchespublics.ci/accueil/index_intro (site web de la Direction des Marchés Publics de


Côte d’Ivoire)

https://www.anrmp.ci/ (site Web de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics de Côte
d’Ivoire)
547

INDEX
548

C
A
cadre institutionnel · 388, 432, 433, 434, 446, 447, 459,
accord de prêt · 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 482, 487, 488, 489, 540
138, 140, 141, 142, 143, 145, 148, 149, 150, 151, 154, CIRDI · 44, 82, 83, 84, 85, 86, 169, 195, 207, 511, 517,
155, 160, 189, 190, 192, 193, 198, 199, 200, 209, 211, 529, 538
214, 241, 246, 253, 254, 273, 306, 308, 310 CJCE · 28, 233, 234, 258, 329, 335, 360, 362, 529, 530
accord sur les marchés publics · 102 CJUE · 28, 227, 306, 335, 360, 362, 409, 410, 412, 530
actes de la réforme · 328, 349 CNUDCI · 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 98, 103, 189, 216,
Afrique du Sud · 106, 262, 542 219, 256, 281, 305, 322, 348, 353, 354, 357, 373, 489,
aide publique au développement · 16, 17, 43, 46, 98, 499, 500, 505, 519, 535, 536
101, 244, 251, 267, 524 concession · 19, 20, 78, 95, 109, 197, 205, 208, 223, 231,
AMP · 70, 71, 72, 73, 85, 87, 102, 103, 104, 105, 106, 471, 533
107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 232, 258, 262, conditionnalité · 65, 112, 237, 238, 240, 241, 243, 244,
278, 305, 306, 363 246, 249, 250, 303, 308, 312
ANRMP · 52, 236, 357, 372, 378, 379, 380, 381, 382, 386, conditions de participation · 93, 119, 396, 407, 408, 415
393, 396, 398, 400, 401, 402, 403, 411, 412, 416, 419, contrat d’exécution · 194, 198
423, 437, 440, 451, 454, 457, 460, 463, 464, 465, 466, coopération internationale · 13, 30, 39, 41, 43, 44, 53,
467, 468, 469, 470, 471, 472, 474, 475, 476, 477, 478, 56, 58, 59, 60, 89, 111, 113, 114, 115, 128, 233, 239,
479, 480, 481, 483, 484, 485, 487, 488,507, 522, 524, 249, 292, 305, 315, 316, 342, 511, 524, 526, 537
533, 534, 540 corruption · 48, 57, 93, 96, 98, 105, 117, 151, 153, 156,
appel d’offres ouvert · 104, 160, 175, 235, 308, 312, 355, 218, 220, 222, 232, 235, 280, 281, 282, 283, 284, 285,
356, 357, 358, 363, 370, 372, 394, 407, 411, 413, 418, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 294, 295, 296,
419, 421, 422, 423, 534 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, 304, 305, 307, 312,
appropriation · 28, 43, 47, 98, 233, 243, 308, 312, 314, 318, 347, 365, 372, 386, 408, 448, 465, 468, 475, 485,
316, 317, 322, 324, 325, 327, 329, 336, 348, 385, 493 492, 505, 506, 511, 512, 521, 522, 526, 527, 536, 538,
arbitrage · 16, 22, 68, 76, 77, 81, 82, 85, 86, 110, 118, 539, 544
144, 145, 146, 147, 148, 152, 160, 162, 164, 166, 167, Côte d’Ivoire · 44, 51, 121, 122, 124, 137, 198, 199, 226,
169, 172, 174, 175, 177, 178, 195, 199, 206, 468, 477, 236, 326, 327, 330, 340, 341, 343, 345, 357, 360, 378,
500, 503, 505, 509, 512, 515, 517, 521, 529 379, 381, 385, 386, 389, 394, 402, 403, 404, 407, 411,
412, 413, 416, 418, 420, 422, 432, 440, 454, 460, 468,
470, 471, 473, 476, 482, 483, 487, 488, 489, 492, 505,
B 506, 507, 512, 522, 524, 525, 533, 534, 540, 546
CPAR · 125, 325, 341, 432
BAD · 44, 98, 122, 132, 145, 146, 156, 273, 274, 318, 326,
329, 341, 345, 433, 440, 446, 457, 469, 522, 523, 543
Banque Mondiale · 16, 17, 22, 24, 25, 26, 33, 34, 43, 45, D
51, 66, 67, 79, 95, 97, 101, 122, 125, 130, 131, 138,
147, 149, 150, 151, 152, 155, 156, 158, 176, 186, 189, déclaration de Paris · 98, 99, 100, 101, 216, 292, 324,
212, 219, 221, 228, 231, 235, 236, 239, 240, 241, 242, 326, 346
244, 246, 248, 253, 268, 270, 272, 273, 281, 286,293, dématérialisation · 352, 373, 374, 375, 376, 390, 404,
300, 302, 303, 305, 318, 319, 320, 322, 323, 325, 326, 405, 406, 407, 470
327, 341, 342, 363, 364, 365, 373, 387, 417, 418, 432, dépeçage · 142, 160, 177
433, 446, 504, 507, 508, 512, 522, 523, 525, 534, 539, développement · 13, 16, 17, 18, 20, 23, 24, 27, 28, 29,
540, 542, 543, 545 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43,
BAsD · 44, 318, 544 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 56, 57, 58,
BBE-act · 106 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72,
BERD · 24, 44, 139, 142, 145, 146, 156, 158, 186, 194, 73, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 84, 87, 88, 90, 91, 92, 94,
210, 249, 318, 544 95, 96, 98, 99, 100, 101, 105, 106, 108, 109, 111, 112,
BID · 44, 158, 186, 253, 318 113, 114, 115, 117, 118, 119, 122, 128, 129, 130, 131,
BOAD · 44, 45, 79, 95, 133, 145, 158, 186, 209, 300, 326, 132, 133, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145,
332, 333, 544 146, 148, 149, 150, 151, 152, 154, 160, 163, 165, 170,
bonne gouvernance · 36, 53, 95, 100, 186, 200, 218, 220, 171, 172, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 185, 186, 187,
222, 239, 280, 281, 282, 283, 284, 285, 292, 293, 304, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198,
305, 307, 308, 312, 346, 487, 489, 492, 506, 507, 546 201, 205, 206, 207, 208, 210, 211, 213, 214, 216, 218,
boycott · 252, 253, 254 219, 221, 222, 224, 226, 232, 233, 234, 236, 237, 239,
Bribery act · 297, 298, 542 240, 241, 242, 243, 244, 249, 250, 251, 254, 255, 256,
257, 259, 260, 261, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 269,
549

270, 272, 273, 274, 275, 277, 279, 281, 282, 283, 284,
F
285, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 294, 295, 296,
298, 299, 300, 303, 304, 305, 306, 308, 311, 312, 314,
fait du prince · 171, 202, 203, 204, 210, 214, 311, 499,
316, 317, 318, 320, 322, 323, 324, 325, 326, 328, 329,
521
330, 331, 332, 336, 338, 339, 340, 342, 347, 354, 357,
FCPA · 297, 298, 299, 542
359, 361, 363, 364, 371, 376, 382, 383, 384, 429, 431,
formalisme · 366, 370, 371, 372, 384, 389, 406, 419, 441,
432, 448, 454, 460, 478, 479, 481, 487, 488, 489, 490,
442, 503, 506, 514
491, 492, 493, 497, 498, 500, 501, 502, 504, 505, 507,
509, 510, 511, 512, 513, 515, 516, 517, 518, 519, 520,
521, 522, 523, 524, 527, 535, 536, 537, 538, 539, 545
développement durable · 27, 34, 35, 36, 37, 38, 42, 48,
H
52, 66, 161, 222, 226, 251, 254, 255, 256, 257, 259,
263, 264, 267, 277, 279, 282, 284, 286, 292, 308, 311, harmonisation internationale · 53, 162, 316, 317, 489,
331, 431, 492, 509, 511, 520, 527, 535 492
directives · 22, 23, 24, 26, 27, 50, 51, 52, 58, 79, 90, 93,
95, 101, 114, 116, 122, 123, 124, 126, 130, 132, 135,
138, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 155, 156, 157, 158, I
159, 160, 184, 189, 190, 198, 199, 200, 209, 212, 213,
214, 216, 219, 228, 231, 235, 252, 253, 258, 259, 262, IDB · 125, 507
267, 268, 270, 273, 274, 276, 281, 300, 301, 302, 304, industrialisation · 31, 108, 264, 276, 277, 279, 311
310, 318, 319, 321, 328, 332, 333, 334, 338, 343, 347, institution judiciaire · 381, 382, 384, 464, 468, 474, 476,
349, 350, 351, 356, 357, 362, 363, 371, 373, 374, 378, 477, 484, 487, 488
386, 387, 388, 389, 390, 393, 395, 398, 403, 404, 406, institutions de financement du développement · 23, 30,
407, 408, 411, 415, 416, 417, 418, 422, 426, 432, 433, 51, 53, 58, 66, 88, 94, 129, 152, 160, 165, 187, 208,
434, 435, 437, 440, 446, 447, 455, 457, 459, 463, 464, 221, 268, 273, 286, 290, 300, 312, 323, 489, 491
468, 480, 482, 488, 489, 490, 514 Investissement · 14, 44, 149
Droit au développement · 39, 40, 41, 519
droit communautaire · 231, 258, 259, 328, 329, 333, 335,
409, 453, 523 L
droit des investissements · 49, 59, 60, 76, 80, 81, 82, 83,
85, 86, 88, 109, 128, 207, 216, 278, 491 Le marché public international · 18
droit économique · 47, 49, 53, 56, 58, 161, 162, 163, 164, lex mercatoria · 56, 88, 163, 164, 165, 166, 167, 168,
177, 192, 214, 216, 320, 381, 491, 502, 510, 512, 518 171, 172, 173, 174, 175, 176, 187, 188, 192, 197, 214,
Droit international du développement · 59, 61, 63, 65, 216, 320, 381, 491, 512, 513, 515, 520, 546
67, 70, 77, 497, 498, 501, 511 liberté d’accès à la commande publique · 352, 353, 354,
droit interne de l’Etat bénéficiaire · 193 365, 374, 389, 406, 407, 408, 410, 412, 415, 416, 418,
419, 421, 422, 423, 427
loi applicable · 138, 139, 140, 141, 142, 143, 145, 169,
E 174, 197, 537

efficacité · 23, 28, 38, 43, 44, 46, 50, 51, 53, 57, 73, 81,
97, 98, 99, 100, 104, 112, 122, 126, 131, 144, 150, M
157, 178, 180, 185, 188, 211, 213, 216, 218, 219, 220,
221, 222, 225, 226, 230, 232, 233, 236, 237, 241, 242, MAPS · 97, 324, 373, 432, 436, 526
243, 249, 252, 254, 255, 273, 274, 277, 279, 281, 282, marchés liés · 29, 249, 250, 253, 279, 312, 491
283, 284, 285, 286, 288, 290, 292, 293, 294, 295, 299,
304, 305, 307, 308, 311, 312, 314, 321, 322, 323, 324,
330, 338, 343, 346, 347, 348, 349, 350, 351, 352, 366, O
373, 376, 378, 382, 383, 384, 385, 388, 396, 403, 408,
418, 422, 431, 433, 434, 437, 442, 445, 450, 451, 454, objectifs de développement · 16, 23, 28, 30, 35, 37, 46,
459, 461, 464, 467, 470, 472, 478, 480, 481, 484, 487, 48, 52, 53, 54, 56, 58, 66, 80, 132, 218, 220, 222, 263,
490, 492, 519, 539 267, 273, 277, 279, 282, 286, 308, 314, 330, 338, 492,
éligibilité · 27, 47, 67, 79, 80, 117, 119, 151, 238, 249, 535
251, 252, 254, 279, 308, 312, 395, 407, 408 OCDE · 16, 17, 31, 35, 90, 96, 97, 98, 99, 100, 102, 108,
entité administrative de contrôle · 439, 440, 447, 452, 120, 189, 216, 235, 250, 251, 252, 285, 286, 291, 297,
454, 455, 457, 480 323, 324, 365, 373, 387, 432, 489, 507, 522, 523, 525,
526, 527, 539, 545
OHADA · 328, 333, 336, 359, 477, 505, 513
550

OMC · 16, 23, 29, 42, 49, 63, 65, 66, 68, 70, 72, 73, 75,
S
81, 85, 86, 90, 92, 101, 102, 103, 105, 107, 108, 110,
111, 112, 115, 116, 120, 126, 128, 216, 225, 232, 258,
sentence · 82, 83, 84, 86, 146, 147, 168, 169, 172, 174,
262, 281, 305, 306, 314, 340, 363, 491, 501, 503, 506,
196, 197, 206, 207, 528, 529
509, 517, 518, 526, 535
sentence arbitrale · 82, 83, 146, 168, 169, 174, 196
ordre constitutionnel · 202
Small business act · 261, 262
organes de contrôle et de régulation · 447
société civile · 28, 34, 48, 52, 96, 100, 157, 159, 161, 186,
organes menant le processus de passation · 434
192, 218, 269, 282, 289, 293, 294, 324, 339, 342, 371,
orientation stratégique des procédures · 222, 255
377, 378, 402, 446, 459, 465, 466, 477, 487
soft-law · 56, 101, 163, 164, 178, 180, 182, 183, 184,
188, 191, 192, 214, 216, 246, 260, 321, 491, 492, 508
P
souveraineté · 47, 53, 68, 70, 87, 88, 110, 112, 143, 164,
171, 178, 179, 193, 201, 202, 206, 213, 228, 239, 245,
partenariat public-privé · 23, 78, 100, 264, 522
247, 249, 253, 308, 311, 314, 321, 515, 517, 518
pays en développement · 17, 20, 23, 28, 29, 32, 34, 38,
standards internationaux · 97, 316, 324, 348, 353, 356,
41, 43, 46, 60, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 71, 72, 73,
373, 384, 387, 395, 408, 415, 417, 419, 420, 421, 433,
77, 78, 79, 84, 87, 92, 94, 95, 98, 99, 100, 101, 105,
434, 435, 436, 446, 457, 482, 489, 492
106, 108, 110, 113, 114, 119, 150, 151, 170, 171, 179,
stratégies de développement · 16, 27, 32, 38, 39, 49, 50,
190, 191, 192, 205, 206, 211, 216, 219, 226, 232, 235,
59, 160, 178, 218, 264, 324, 510, 545
251, 263, 264, 279, 281, 283, 284, 288, 289, 291, 292,
294, 298, 299, 303, 305, 307, 314, 316, 323, 338, 339,
340, 363, 429, 489, 493, 509, 516, 524, 527
T
PEMFAR · 341, 523
PME · 52, 75, 108, 122, 223, 256, 260, 265, 279, 308,
traitement différencié · 64, 66, 70, 73, 75, 105, 109, 113
311, 413, 414, 415, 417, 428, 429, 430, 464, 481, 492
transfert de technologie · 275
politiques de développement · 31, 47, 48, 49, 53, 58,
129, 279, 299, 308, 311, 330, 491, 493, 545
PPTE · 33, 34, 251, 300, 303, 327, 340, 506, 545
PRAG · 152, 221, 234, 306, 357, 545
U
préférence communautaire · 342, 354, 358, 361, 362,
363, 364, 385, 407, 426, 427, 428, 429, 430, 431 UEMOA · 45, 51, 80, 99, 106, 108, 115, 121, 122, 123,
principe d’égalité · 57, 70, 222, 223, 224, 225, 227, 228, 124, 125, 145, 221, 228, 315, 316, 317, 325, 326, 327,
231, 237, 312, 350, 352, 365, 409, 410, 415, 521 328, 329, 330, 331, 332, 333, 334, 335, 336, 337, 338,
principe de concurrence · 230, 353, 417 342, 345, 346, 347, 348, 349, 350, 351, 352, 353, 354,
principe de la reconnaissance mutuelle · 358, 361 355, 356, 357, 358, 359, 360, 361, 362, 363, 364, 365,
principe de transparence · 232, 233, 236, 312, 365, 366, 366, 368, 370, 371, 373, 374, 375, 376, 378, 379, 380,
373, 375, 389, 390, 393, 395, 402, 404, 419, 469 381, 382, 383, 384, 385, 386, 387, 388, 389, 390, 391,
procédures simplifiées · 227, 421, 422, 423, 425, 439 393, 394, 395, 398, 399, 401, 402, 403, 404, 406, 407,
publicité · 103, 152, 202, 223, 227, 228, 230, 235, 236, 408, 409, 411, 413, 415, 416, 418, 420, 421, 422, 426,
343, 350, 352, 366, 370, 372, 380, 390, 394, 401, 404, 427, 428, 429, 430, 432, 433, 437, 442, 444, 446, 447,
407, 419, 525 454, 455, 457, 459, 463, 464, 465, 467, 468, 471, 476,
477, 478, 481, 482, 484, 485, 487, 488, 489, 492, 505,
512, 513, 522, 524, 527, 528, 532, 537, 538, 541, 546
R USAid · 154

Régulation · 52, 200, 236, 381, 411, 459, 461, 464, 473,
477, 478, 524, 534, 540, 541, 546
551

ANNEXES

Annexe 1 : Entretien avec le président de la convention de la société civile de Côte d’Ivoire


Annexe 2 : Extrait du contrat de concession pour la conception, le financement, la construction,
l’exploitation et l’entretien du pont RIVIERA-MARCORY à ABIDJAN-CÔTE d’IVOIRE, entre l’Etat de
CÔTE d’IVOIRE et la société SOCOPRIM
Annexe 3 – Modèle-type d’avis d’appel d’offres de la Côte d’Ivoire
552

Annexe 1
553

Annexe 1 (suite)
554

Annexe 2
(Toutes les pages suivantes avant l’annexe 3 font partie de l’annexe 2)
555
556
557
558
559
560

Annexe 3
561

TABLE DES MATIERES


562

RÉSUMÉ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………..........4
REMERCIEMENTS……………………………………………………………………………………………………………………………………………….9
SOMMAIRE………………………………………………………………………………………………………………………………………………………11
SIGLES ET PRINCIPALES ABRÉVIATION…………………………………………………………………………………………………………….12

INTRODUCTION .......................................................................................................................... 16
Contexte général de l’étude ...................................................................................................... 16
Appréhension et définitions des différents concepts du sujet ............................................................ 18
Le marché public international (MPI) .................................................................................... 18
Qu’entendons-nous par stratégie ? ...................................................................................... 27
Notions de développement et approches stratégiques globales ......................................... 30
Le rôle des MPI à la lumière des objectifs de développement durable (ODD) ..................... 37
Droit au développement et marchés publics internationaux ............................................... 39
Typologie et fonctionnement des institutions de financement des Marchés publics
internationaux ....................................................................................................................... 42
Problématiques, enjeux et intérêts du sujet ............................................................................. 46
Choix de la méthode et Annonce du plan ................................................................................. 50
PREMIÈRE PARTIE....................................................................................................................... 54
LES MPI, UN INSTRUMENT CENTRAL DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT ORIENTÉ VERS LES
OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT ET CEUX DU COMMERCE INTERNATIONAL ................................. 54
TITRE 1 ................................................................................................................................................ 58
UN CADRE JURIDIQUE TRANSVERSAL ET MULTIDIMENSIONNEL AUX NOMBREUX ENJEUX POUR LE DÉVELOPPEMENT,
FONDANT LA SPÉCIFICITÉ DES MARCHÉS PUBLICS INTERNATIONAUX ................................................................ 58
Chapitre 1 ...................................................................................................................................... 59
Le cadre juridique transversal et multidimensionnel des MPI dans le droit international et la
coopération internationale............................................................................................................ 59
Paragraphe 1- L’impact du Droit international du développement et le droit des
investissements internationaux sur les MPI.......................................................................... 59
I- L’impact du Droit International du Développement sur les MPI .............................. 60
1- Contexte historique du DID ................................................................................ 61
2- L’Emergence du principe de dualité des règles dans le Droit international
Economique et dans les instruments de financement du développement .............. 63
3- Une dualité des règles dans le champ des MPI ?................................................ 70
a) Un traitement différencié évident dans l’Accord sur les Marchés Publics de
l’OMC ..................................................................................................................... 70
b) Un traitement différencié clair dans les MPI de la coopération régionale UE-
ACP 73
II- Les imbrications entre le droit des investissements internationaux et les MPI ....... 76
1- L’influence du droit des investissements sur les MPI à travers les contrats de
de développement et les PPP ................................................................................ 76
2- L’influence du droit des investissements sur les MPI à travers la réglementation
et le contentieux relatif aux investissements internationaux ................................... 80
Paragraphe 2- Les règles encadrant les MPI dans la coopération internationale ................ 89
I- Un cadre juridique international pluriel des MPI ...................................................... 90
1- Les règles de la CNUDCI en matière de marchés publics et contrats de
partenariats publics privés d’infrastructures ............................................................ 90
563

a) Le travail d’harmonisation de la Commission des Nations Unies pour le droit


commercial international (CNUDCI) ...................................................................... 90
b) L’influence de la Loi type de la CNUDCI sur la passation des marchés publics
91
c) Le rôle de la CNUDCI en matière d’harmonisation des règles des projets
d’infrastructures à financement privés ................................................................. 94
2- L’implication de l’OCDE dans l’orientation des règles gouvernant les MPI........ 96
3- Les engagements de la déclaration de Paris et le programme d’action d’Accra 98
4- Les enjeux de l’accord de l’OMC sur les marchés publics ................................ 101
a) Présentation des éléments principaux de l’accord ....................................... 101
b) Les enjeux de l’accord pour les MPI et les pays en développement ............ 106
c) Notre proposition sur la question de l'adhésion des PED à l'AMP………………114
II- Le cadre normatif de la coopération régionale ....................................................... 115
1- Les MPI dans la coopération UE/ACP ............................................................... 115
2- Le cadre juridique des MPI dans l’UEMOA ....................................................... 121
3- Aperçu du cadre juridique des MPI En Amérique Latine et dans les Caraïbes . 124
Conclusion du chapitre 1 ............................................................................................................. 128
Chapitre 2 .................................................................................................................................... 130
Le cadre juridique des MPI appréhendé à travers le droit des institutions de financement du
developpement .................................................................................................................................... 130
Paragraphe 1- L’accord de prêt ........................................................................................... 131
I- Le processus de signature et de validation de l’accord de prêt .............................. 132
1- L’accord de prêt comme l’aboutissement d’un processus : le cycle du projet
132
2- La validité de l’accord de prêt : l’importance de la condition tenant à la
ratification ........................................................................................................... 134
II- Le choix de la loi applicable aux accords de prêts................................................... 138
1- La détermination de la « loi propre » de l’accord de prêt ............................ 138
2- Le choix de juridiction et le règlement des différends émanant de l’accord de
prêt ...................................................................................................................... 143
Paragraphe 2- Les directives et réglementations opérationnelles orientant la procédure 148
I- Les directives de passation des marchés des institutions de financement ............ 148
II- Les autres règles opérationnelles............................................................................ 155
Conclusion du chapitre 2 ............................................................................................................. 160
Chapitre 3 .................................................................................................................................... 162
L’influence des mécanismes du droit économique international dans le droit des MPI et les droits
internes des États bénéficiaires ................................................................................................... 162
Section 1- Analyse de l’influence de la Lex Mercatoria et de la Soft-Law dans le champ des MPI
................................................................................................................................................. 164
Paragrahe 1- Marchés Publics Internationaux et lex mercatoria ...................................... 164
I- Le concept de lex mercatoria .................................................................................. 166
II- La manifestation de la lex mercatoria dans les MPI ............................................... 175
Paragraphe 2- La soft Law dans le champ des MPI ............................................................. 178
I- La notion de soft-law en droit international ........................................................... 180
II- La manifestation de la Soft-Law dans les MPI ......................................................... 185
1- A travers le pouvoir réglementaire des institutions multilatérales de
financement du développement ............................................................................. 185
2- Le recours aux standards : une manifestation de la soft law dans les MPI ...... 187
564

Section 2- Les rapports entre les règles des MPI et les réglementations internes des États
bénéficiaires ............................................................................................................................ 192
Paragrahe 1- Les rapports entre le cadre juridique international des MPI, les contrats et le
droit interne de l’État bénéficiaire ...................................................................................... 193
I- Le régime juridique du contrat d’exécution: contrat national ou international ? .. 194
II- Domaine de l’application du droit interne dans le MPI .......................................... 198
Paragraphe 2- L’influence du cadre juriridique des MPI sur les attributs régaliens de l’État
............................................................................................................................................. 202
I- Le fait du prince dans les MPI.................................................................................. 202
1) Notion de fait du prince .................................................................................... 202
2) La place étriquée du prince dans les MPI ......................................................... 204
II- L’impact des MPI sur l’Ordre Constitutionnel, les orientations de la politique socio-
économique ..................................................................................................................... 210
CONCLUSION DU CHAPITRE 3...................................................................................................... 214
CONCLUSION DU TITRE 1............................................................................................................. 216
TITRE 2 ............................................................................................................................................. 218
UN INSTRUMENT TIRAILLÉ ENTRE LA RECHERCHE DE L’EFFICACITÉ ET LA PRÉSERVATION DES INTÉRÊTS DES PARTIES
PRENANTES ......................................................................................................................................... 218
Chapitre 1 .................................................................................................................................... 221
Une recherche d’efficacité à travers les principes de base et les facultés d’orientation
stratégiques des procédures, contrastant avec les éléments de conditionnalités imposés par les
détenteurs des financements ...................................................................................................... 221
Paragraphe 1- Une quête d’efficacité indissociable du respect des principes de base des marchés
publics................................................................................................................................... 222
I- Le Principe d’égalité ................................................................................................ 223
1- La teneur de ce principe dans les MPI et en droit interne ............................... 223
2- La portée du principe ........................................................................................ 227
II- Les autres principes assurant l’efficacité des procédures : la concurrence et la
transparence ................................................................................................................... 230
Paragraphe 2 - L’immixtion de conditionnalités contrastant avec les principes de bases . 237
I- La conditionnalité politique : un élément de conditionnalité indirect dans les MPI
238
1- La conditionnalité politique dans les MPI à travers les prêts d’ajustements ... 241
2- La conditionnalité politique dans les MPI à travers les accords de prêts-projets
244
II- Les éléments de conditionalités directs dans les MPI : les marchés liés et les règles
d’éligibilité ....................................................................................................................... 249
1- Les marchés liés ................................................................................................ 249
2- Règles de boycott - règles d’éligibilité .............................................................. 252
Paragraphe 3- Les principes nouveaux visant à l’orientation stratégique des procédures vers
des enjeux directs de développement ................................................................................ 255
I- L’instrumentalisation des marchés publics : une pratique courante dans le droit
comparé et compatible avec les enjeux du développement .......................................... 255
1- Une pratique courante en droit comparé des marchés publics ....................... 255
2- Une pratique en phase avec l’impératif des objectifs du développement ...... 263
II- Un cadre juridique de l’instrumentalisation des MPI adéquat mais une application
mitigée ............................................................................................................................. 267
565

1- Une prise en compte suffisante des objectifs socio-économiques et


environnementaux dans les textes régulant la passation des marchés publics des
institutions de financement du développement ..................................................... 268
a) Évolution du cadre juridique de l’instrumentalisation des MPI à travers les
règles des Institutions de financement : cas de la Banque Mondiale ................. 268
b) Le cadre juridique de l’instrumentalisation dans les MPI des autres
institutions de financement du développement ................................................. 273
2- Un impératif de renforcement et de suivi de l’application des règles
introduisant les pratiques d’instrumentalisation des MPI ...................................... 275
Conclusion du chapitre 1 ............................................................................................................. 279
Chapitre 2 .................................................................................................................................... 281
Une recherche d’efficacité confirmée à travers l’exigence de bonne gouvernance et la lutte
contre la corruption ..................................................................................................................... 281
Paragraphe 1- les implications de la corruption sur la dynamique du développement dans
les MPI ................................................................................................................................. 282
I- L’impératif d’une « bonne gouvernance ................................................................. 283
1- Qu’est-ce que la bonne gouvernance ............................................................... 283
2- Bonne gouvernance et efficacité dans les marchés publics internationaux .... 285
II- l’incidence de la corruption sur les phases de passation des marchés ................... 286
1- La corruption dans la détermination des besoins ............................................ 286
2- La corruption dans la phase de préparation du marché .................................. 287
3- La corruption dans la phase de sélection de la meilleure offre........................ 288
4- La corruption dans le suivi de la réalisation du marché ................................... 289
Paragraphe 2- Les moyens de la lutte contre la corruption dans les MPI........................... 290
I- Les instruments normatifs de la lutte contre la corruption .................................... 290
1- Les initiatives internationales ........................................................................... 290
2- Les initiatives régionales et nationales à impact international ........................ 293
a) Les initiatives régionales ............................................................................... 293
b) Les initiatives nationales : Le cas particulier du FCPA et du bribery act ....... 297
II- Les mesures envisagées pour lutter contre la corruption dans les MPI ................. 299
1- Les mesures anti-corruption des Institutions du financement de Développement
et du Fonds Monétaire International ...................................................................... 300
a) Les mesures anti-corruption dans les institutions de financement du
développement ................................................................................................... 300
b) Les initiatives anti-corruption du Fonds Monétaire International ............... 303
2- L’instauration de procédures de contestations renforçant la transparence .... 304
Conclusion du chapitre 2 ............................................................................................................. 307
Conclusion du titre 2 .................................................................................................................... 308
Conclusion de la première partie ................................................................................................. 310
DEUXIÈME PARTIE .....................................................................................................................313
UN CADRE JURIDIQUE CARACTÉRISÉ PAR UNE RECHERCHE D’HARMONISATION DES RÈGLES MENÉE
À TRAVERS DES RÉFORMES INDISPENSABLES .............................................................................313
TITRE 1 ............................................................................................................................................. 316
UNE VOLONTÉ D’HARMONISATION INTERNATIONALE PROPULSÉE PAR DES RÉFORMES RÉGIONALES .................... 316
Chapitre 1 .................................................................................................................................... 317
Dynamiques de l’harmonisation internationale et de la régionalisation des réformes : cas de
l’UEMOA ...................................................................................................................................... 317
566

Paragraphe 1- La recherche d’une harmonisation globale de la réglementation et des


procédures des MPI à travers le canal régional .................................................................. 317
I- L’harmonisation, une tendance dans le Droit international économique et la
pratique des institutions financières de développement ............................................... 317
II- Les actes et le cheminement de l’harmonisation des MPI au niveau international 321
III- Le choix du canal régional pour réformer : cas de l’UEMOA .................................. 326
1- Un Droit communautaire primaire favorable pour la réforme et à l’impératif de
l’appropriation......................................................................................................... 327
2- La mise en œuvre et le suivi opérationnel de la réforme facilitée par l’existence
d’organes et de mécanismes appropriés ................................................................ 330
Paragraphe 2- Les actes et le cheminement de la réforme au niveau de l’UEMOA ........... 338
I- État antérieur à la réforme ...................................................................................... 338
1- Les facteurs généraux de justification des réformes ........................................ 338
a) Les causes endogènes de la réforme ............................................................ 338
b) Les causes exogènes de la réforme .............................................................. 340
2- Les constats de la conférence d’Abidjan .......................................................... 342
II- Prise en compte des actes de la conférence d’Abidjan dans le PRMP-UEMOA...... 345
Conclusion du chapitre 1 ............................................................................................................. 348
Chapitre 2 .................................................................................................................................... 349
La matérialisation des objectifs du PRMP-UEMOA UEMOA dans les actes de la réforme des
marchés publics ........................................................................................................................... 349
Paragraphe 1- La mise en oeuvre de textes clés soutenant la réforme .............................. 349
Paragraphe 2- L’affirmation claire des principes et règles en matière de commande
publique et de délégation de service public ....................................................................... 352
I- La consolidation de la liberté d’accès à la commande publique et l’égalité de
traitement des soumissionnaires au sein de l’UEMOA ................................................... 353
1- Une consolidation de La liberté d’accès à la commande publique et l’égalité
de traitement des soumissionnaires au sein de l’UEMOA par l’affirmation de ces
principes .............................................................................................................. 353
2- La consécration de l’appel d’offres ouvert comme une règle accompagnant
ces principes ........................................................................................................ 355
II- L’affirmation du principe de la reconnaissance mutuelle et la règle de la préférence
communautaire ............................................................................................................... 358
1- Des règles indispensables à la réalisation des objectifs du marché commun de
l’UEMOA .............................................................................................................. 358
2- La signification du principe de la reconnaissance mutuelle et de la règle de la
préférence communautaire .................................................................................... 361
III- Le renforcement du principe de transparence ....................................................... 365
1- La publicité de l’information, un outil au service de la transparence .......... 366
2- L’accroissement du formalisme comme instrument de la transparence ..... 370
3- Les enjeux de transparence dans le mouvement vers la dématérialisation des
procédures........................................................................................................... 373
IV- La séparation des fonctions de contrôle et de régulation ...................................... 376
V- La dévolution de la décision finale du recours non-juridictionnel aux entités de
régulation ........................................................................................................................ 378
Conclusion du chapitre 2 ............................................................................................................. 384
Conclusion du titre 1 .................................................................................................................... 385
TITRE 2 ............................................................................................................................................. 386
567

LES RÉALITÉS CONTRASTÉES DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA RÉFORME DE L’UEMOA DANS LES ÉTATS MEMBRES : CAS DE
LA CÔTE D’IVOIRE ................................................................................................................................ 386
Chapitre 1 .................................................................................................................................... 389
État de la transposition en Côte d’Ivoire des principes phares de la réforme ............................. 389
Section 1- La transparence et l’intégrité des procédures dans le système des marchés publics
ivoirien ..................................................................................................................................... 389
Paragraphe 1- La mise en œuvre de La publication de l’information dans le système Ivoirien
des marchés publics ............................................................................................................ 390
I- Un encadrement amélioré de l’obligation de publication des PPM et des avis
indicatifs .......................................................................................................................... 390
II- l’obligation de publication des informations dans les étapes du processus de
sélection de l’offre........................................................................................................... 393
Paragraphe 2- La nécessité d’accroissement du recours aux supports électroniques en Côte
d’Ivoire : un enjeu pour la transparence ............................................................................. 404
Section 2- Le libre accès à la commande publique et l’égalité des soumissionnaires dans le
système des marchés publics ivoirien ..................................................................................... 406
Paragraphe 1- Des conditions restreignant la liberté d’accès à la commande publique .... 407
I- Une interprétation exagérée des conditions de participation à la commande
publique ? ........................................................................................................................ 407
II- Les correctifs spécifiques apportés par le code de 2019 renforçant la liberté d’accès
à la commande publique et l’égalité des candidats ........................................................ 416
Paragraphe 2- La détermination de l’appel d’offres ouvert en tant que procédure normale :
un renforcement du libre accès à la commande publique et l’égalité des soumissionnaires
............................................................................................................................................. 418
Paragraphe 3 - Le cas particulier des procédures simplifiées, nécessaires mais limitatives de
la liberté d’accès à la commande publique ......................................................................... 422
Paragraphe 4- Une mise en œuvre nationale renforcée mais imparfaite des règles
communautaires favorisant le marché commun ................................................................ 426
Conclusion du chapitre 1 ............................................................................................................. 432
Chapitre 2 .................................................................................................................................... 433
La transformation du cadre institutionnel au regard des exigences des directives de l’UEMOA et
des standards internationaux ...................................................................................................... 433
Section 1- L’enrichissement des organes menant le processus de passation......................... 434
Paragraphe 1- La détermination des autorités contractantes conforme aux directives et
standards internationaux .................................................................................................... 435
Paragraphe 2 - La clarification du statut des maîtres d’ouvrages, les maîtres d’ouvrages
délégués et les maîtres d’œuvres ....................................................................................... 436
Paragraphe 3- Les cellules de passation des marchés : une place stratégique mais un statut
fragile ................................................................................................................................... 437
Paragraphe 4- La mise en conformité de La commission d’ouverture et de jugement des
offres (COJO) ....................................................................................................................... 440
Paragraphe 5- Les autorités approbatrices : un échelon du contrôle ................................. 442
Paragraphe 6- Deux (2) nouveaux organes ajoutés par le code de 2019 : la personne
responsable du marché et le comité d’évaluation .............................................................. 443
1- La détermination d’une personne responsable des marchés publics .............. 443
2- L’instauration du comité d’évaluation au sein de la COJO ............................... 445
Section 2- La refonte des organes de contrôle et de régulation ............................................. 447
568

Paragraphe 1- La notion de contrôle des marchés publics et le rôle de l’entité


administrative de contrôle en Côte d’Ivoire ....................................................................... 447
I- Les implications du contrôle des marchés publics .................................................. 448
II- Les prérogatives de l’entité administrative de contrôle en Côte d’Ivoire ............... 455
1- Évolution historique de la mission de contrôle de la direction des marchés
publics.................................................................................................................. 456
2- La fonction de contrôle de la DMP réadaptée aux directives de l’UEMOA et
aux standards internationaux.............................................................................. 457
Paragraphe 2 -Les prérogatives élargies de l’organe de régulation des marchés publics .. 459
I- Approche juridique de la régulation en tant que choix de gestion politique, social,
économique et administratif ........................................................................................... 459
II- Observations sur la place de l’ANRMP en tant qu’organe de la régulation dans les
marchés publics en Côte d’Ivoire .................................................................................... 464
1- Sur l’organisation et l’indépendance de l’ANRMP ............................................ 464
2- Sur les missions de l’ANRMP............................................................................. 466
2.1- Les fonctions législatives et réglementaires .................................................. 467
2.2- Les implications de la fonction contentieuse de l’ANRMP............................. 467
2.2.a) Généralités sur la fonction contentieuse de l’ANRMP .............................. 467
2.2.b) Spécificité dans la saisine de l’ANRMP ...................................................... 469
2.2.c) L’extension débattue de la dérogation au recours en annulation pour excès
de pouvoir contre les décisions de l’ANRMP....................................................... 471
2.2.d) Effets de la saisine de l’ANRMP et portée de ses décisions ...................... 474
2.3- Des imbrications nouvelles entre l’institution judiciaire et la fonction
contentieuse non-juridictionnelle de l’ANRMP....................................................... 476
2.4- La régulation par la supervision du système des marchés publics ................ 479
Paragraphe 3- un cadre institutionnel du contrôle et de la régulation spécial et hybride
pour les Partenariats Public-Privé ....................................................................................... 482
Conclusion du chapitre 2 ............................................................................................................. 487
Conclusion du titre 2 .................................................................................................................... 488
Conclusion de la deuxième partie ................................................................................................ 489
Conclusion générale .................................................................................................................... 491
BIBLIOGRAPHIE .........................................................................................................................494
INDEX .......................................................................................................................................547
ANNEXES ..................................................................................................................................548
TABLE DES MATIERES…………………………………………………………………………………………………………………560

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