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VOL.

11, N° 1 | 2009
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Justice scolaire et école publique

École et justice scolaire

La réforme du système éducatif et la démocratisation


de l’éducation au Burkina Faso

Mathias Kyélem

https://doi.org/10.4000/ethiquepublique.1324

Résumé | Plan | Texte | Notes | Citation | Auteur

Résumé

Le Burkina Faso est un pays dont le capital


humain est la ressource essentielle et la force
motrice du développement. Et la valorisation de
ce capital est tributaire de l’éducation et de la
formation à travers un système éducatif
parfaitement adapté aux réalités économiques et
sociales du pays pour être à même d’en assurer
le développement. Atteindre les objectifs d’une
éducation tournée vers le développement exige
de repenser le système éducatif tout entier ; les
intellectuels, les acteurs et les spécialistes du
milieu de l’éducation du Burkina Faso n’ont pas
cessé d’en appeler à cette réflexion et à des choix
éclairés aussi bien à travers leurs écrits qu’à
travers plusieurs forums importants. Les
diagnostics dressés par ces différentes instances
ont conduit à l’adoption d’une première loi
d’orientation en 1996, puis d’une deuxième en
2007 et lanceront le processus de la présente
réforme du système éducatif dont l’appropriation
par les différents acteurs du système éducatif est
seulement amorcée.

Plan

Contexte de la réforme
La réforme, un processus vécu dans tous les États
Quelques repères historiques
Généralités sur le contexte socioéconomique du
Burkina Faso
Les grands traits de la réforme de l’éducation
D’une loi d’orientation à l’autre
Les principes de base et l’objectif général de la
réforme
Les mesures d’accompagnement de la réforme
Réforme de l’éducation et éducation pour tous
La réduction des disparités liées au sexe
La réduction des disparités liées au pouvoir d’achat
La réduction des disparités relatives aux régions
La diversification des offres de formation
La réforme : un enjeu, des défis

Texte intégral
Format non disponible

1 Le Burkina Faso est un pays dont le capital humain est


la ressource essentielle et la force motrice du
développement. L’exploitation du capital humain a été
source de tragédie dans l’histoire lorsque les colons,
constatant que ce pays relativement pauvre en
ressources naturelles était habité par des peuples
hardis au labeur, s’évertuèrent à le vider
systématiquement de ses hommes et de ses femmes
en les faisant travailler dans les plantations de Côte-
d’Ivoire. Ainsi le Burkina Faso (ex-Haute-Volta) fut
divisé deux fois avec une visée essentielle de mettre la
ressource humaine encore plus à la portée
administrative des besoins du colon.
2 Les différents dirigeants politiques qui se sont succédé
depuis l’indépendance ont fait de la valorisation du
capital humain un trait essentiel de leurs programmes
de gouvernement avec plus ou moins d’engagements
concrets et de succès. Le cadre stratégique de lutte
contre la pauvreté adopté en 2000 comme tremplin
politique et social du développement du Burkina Faso
inscrit la valorisation du capital humain comme
troisième axe stratégique de réduction de la pauvreté.
Et la valorisation du capital humain est tributaire de
l’éducation et de la formation à travers un système
éducatif parfaitement adapté aux réalités économiques
et sociales du pays pour être à même d’en assurer le
développement.
3 Cette dernière décennie, la stratégie nationale s’intègre
dans un contexte international marqué par une option
radicale de démocratiser l’éducation dans tous les pays
et à l’endroit de tous les peuples. La déclaration de
Jomtien en 1990, la déclaration de Dakar en 2000, les
objectifs du Millénaire pour le développement sont
entre autres des repères fondamentaux sur lesquels le
Burkina Faso s’appuie pour l’élaboration d’une stratégie
nationale de promotion d’une éducation de
développement. Ce contexte international est aussi
favorable à une mobilisation importante de ressources
financières et les effets de ces investissements ont
sensiblement amélioré les indicateurs de base de
l’éducation du Burkina Faso.
4 Atteindre les objectifs d’une éducation tournée vers le 1 Fernand Sanou est
professeur de sociologie
développement exige de repenser le système éducatif de l’éducation, unité de
formation et de
tout entier ; les intellectuels, les acteurs et les recherches en (...)

spécialistes en éducation du Burkina Faso n’ont pas


cessé d’appeler à cette réflexion et à des choix éclairés
aussi bien à travers leurs écrits (Fernand Sanou et
Joseph Ki-Zerbo 1, entre autres) qu’à travers plusieurs
forums importants (états généraux de l’éducation, par
exemple). Les diagnostics dressés par ces différentes
instances ont conduit à l’adoption d’une première loi
d’orientation en 1996, puis d’une deuxième en 2007, et
lanceront le processus de la présente réforme du
système éducatif dont l’appropriation par les différents
acteurs du système éducatif est seulement amorcée.

Contexte de la réforme
5 Il convient de commencer par deux questions qui ne
tiennent pas seulement d’une nécessité de clarification
conceptuelle, ce qui est important en soi, mais aussi
d’une compréhension du processus dans l’appréhension
que les différents acteurs peuvent en avoir.
6 Premièrement, qu’est-ce que le système éducatif ? 2 F. Sanou, « Pour une
vision prospective de
Selon Sanou, un système éducatif est un ensemble l’éducation en Afrique. Le
système éducatif
d’éléments interdépendants dont l’interaction permet burkinabè à (...)

ou empêche son bon fonctionnement et celui d’autres 3 É. Durkheim,

systèmes qui lui sont liés 2. Durkheim le définit comme Éducation et sociologie,
Paris, puf, 1922.
« un ensemble de pratiques et d’institutions qui se sont
organisées lentement au cours du temps, qui sont
solidaires de toutes les autres institutions sociales et
qui les expriment, qui, par conséquent, ne peuvent pas
plus être changées à volonté que la structure même de
la société 3 ».
7 Ces définitions supposent : 1) le caractère congru entre
la « réforme » de la société et la réforme de
l’éducation. Un modèle éducatif ne peut être un greffon
génétiquement incompatible avec la société dans
laquelle il se met en œuvre et la réforme de l’éducation
devrait être une résultante des aspirations de cette
société ; sinon, comme ledit greffon, il s’en détachera
et se sclérosera ; 2) le caractère lent de la mise en
œuvre d’une réforme et du constat de ses effets, ce qui
explique l’importance de l’évaluation diagnostique de la
relation entre les aspirations de la société et les
résultats attendus de la réforme au regard des
conséquences catastrophiques de mauvais choix ; 3) le
caractère itératif des interactions entre le processus de
la réforme du système éducatif et la société ; autant
une réforme de l’éducation est une réponse aux
aspirations d’une société ayant fait le constat des
limites de son système, autant le système éducatif
participe à l’évolution de la société et, mieux, à son
développement.
8 Il convient ici de jeter un regard sur l’éducation 4 S. Lewandowski,
Politiques de
traditionnelle, car à force d’écrire et de disserter sur le mondialisation et savoirs
éducatifs au Burkina
système éducatif, on en vient à réduire le concept de Faso, 2005,
<http ://www.lestamp.com/
l’éducation à l’école dans sa forme occidentale (ou plus publications_mondialisation/publication.lewan

généralement importée) perdant ainsi de vue que toute consult</http> (...)

société possède son système éducatif qui façonne


l’enfant et contribue soit à son succès, soit à son échec
à l’école moderne. En effet, comme le souligne
Lewandowski, « l’apparition de l’école et l’évolution des
politiques scolaires se conjuguent avec des stratégies
très diversifiées, selon les groupes d’acteurs et les
époques : résistance, acceptation réservée,
identification, revendication d’identité. Ces disparités
signalent les divergences d’intérêt que les acteurs ont
dans l’utilisation de telle ou telle école mais aussi de tel
ou tel aspect de l’éducation communautaire […]. Les
familles, quant à elles, choisissent des stratégies
différentes selon le sexe, la place de l’enfant dans la
famille, la religion et la profession du chef de famille,
les antécédents de scolarisation et de réussite dans la
famille, l’histoire familiale, le contexte socio-
économique et politique, etc. 4. » Il est essentiel de
toujours réfléchir à la compréhension de la vocation de
cette école par les populations auxquelles la
généralisation de l’éducation est plus souvent imposée
qu’expliquée.
9 Deuxièmement, qu’est-ce que l’éducation de base ? La 5 Déclaration de
Jomtien, article 1, alinéa
définition adoptée par la déclaration de Jomtien et 1.

reprise par la Conférence des ministres de l’éducation


nationale d’expression française est celle retenue par la
loi d’orientation de l’éducation de 2007. Elle stipule que
« l’éducation de base est celle qui fait acquérir à
l’individu dans un contexte historique, social et
linguistique déterminé un minimum de connaissances,
d’aptitudes et d’attitudes lui permettant de comprendre
son environnement, d’interagir avec lui, de poursuivre
son éducation et sa formation au sein de la société et
de participer plus efficacement au développement
économique, social et culturel de celle-ci 5 ». Elle
comprend donc, pour chaque individu, une dimension
individuelle et une dimension sociale, conformément à
l’esprit de ladite déclaration et se donne pour aspiration
de former des personnes individuellement épanouies
pour constituer une société culturellement et
économiquement forte. La plupart des objectifs de
l’éducation pour tous convergent vers le
développement de l’éducation de base.

La réforme, un processus vécu dans tous


les États
10 De ce qui précède, il convient de relever que, bien que 6 Déclaration de
Jomtien, article 1, alinéa
ce soit un gigantesque ensemble d’actes de portée 1.

nationale, une réforme n’en est pas moins un choix


ordinaire d’un pays ou d’une nation consciente de
l’évolution de la société et du contexte international. En
effet, « le champ des besoins éducatifs fondamentaux
et la manière dont il convient d’y répondre varient
selon les pays et les cultures et évoluent
inévitablement au fil du temps 6 ». Jetons un regard
sur quelques exemples.
11 Le système éducatif finlandais est considéré aujourd’hui 7 E. Maurin, La nouvelle
question scolaire, Paris,
comme le meilleur des pays membres de l’OCDE. On y Seuil, 2007.

voit un système égalitaire efficace ; la scolarité est


obligatoire et gratuite jusqu’à l’âge de seize ans. Cette
gratuité s’étend de la cantine aux fournitures scolaires
et même jusqu’aux frais de transport, qui peuvent être
remboursés si l’école est à plus de 5 km du lieu
d’habitation. Pourtant, jusqu’aux années 1970, la
Finlande opérait une sélection dès l’âge de onze ans et
au moins la moitié des élèves ne faisaient pas d’études
secondaires. Les enfants des familles modestes
notamment travaillaient dès l’âge de treize ou quatorze
ans ou suivaient une formation professionnelle. L’un
des objectifs majeurs de la réforme de 1968 a été la
réduction des inégalités, réduction qui a atteint un taux
de 25 % au bout d’une dizaine d’années 7.
12 Au Portugal, pays traditionnellement centralisé, la 8 M. do R . Mendès, La
stratégie des réformes au
réforme globale du système éducatif consécutive à la Portugal : processus et
changements, 2001,
loi-cadre de 1986 sur l’éducation avait pour intention <http ://www.see-
educoop.net/
une démocratisation et une décentralisation du education_in/pdf/strat-

système éducatif et des innovations en éducation 8. 08-oth-enl-t00.pdf>,


consul</http> (...)

13 La plupart des pays africains et tous ceux de l’Afrique


de l’Ouest sont engagés dans des processus de réforme
de l’éducation. À l’exception du Sénégal et de la Côte-
d’Ivoire, dans le sillage d’une voie socialiste vers le
développement empruntée par certains dès les
indépendances et par d’autres dans les années 1980,
les autres pays ont choisi des approches
« révolutionnaires » de la réforme de l’éducation. Les
réformes actuelles s’inscrivent dans de nouveaux choix
politiques, tous les pays étant aujourd’hui engagés
dans des processus démocratiques, certains parfois fort
avancés. Toutefois, les réalités d’un pays comme le
Nigeria sont aux antipodes de celles du Burkina Faso,
du Niger ou du Bénin.
14 Plusieurs réformes en Afrique de l’Ouest ont été
influencées par la culture des projets pilotes, comme
l’exemple de la télévision éducative en Côte-d’Ivoire
dans les années 1970. Mais l’Afrique francophone est
surtout caractérisée par les approches dites
évolutionnaires dans lesquelles « les réformes suivent
leur cours naturel » et évitent les changements
radicaux. En général, les pays se contentent d’imiter
les réformes déjà conduites par l’ancienne puissance
coloniale (cas fréquents dans l’enseignement supérieur)
ou introduisent des changements préconisés par la
communauté internationale. Les pays sortis récemment
de la guerre comme le Liberia ou la Sierra Leone sont
engagés dans un chantier global de reconstruction où
l’éducation reprend ses droits dans une ambiance
générale de catharsis.
15 Ainsi, « la réforme de l’éducation est toujours liée à
une remise en question du rôle de l’éducation dans
l’édification d’une nation ». Plus qu’ailleurs, en Afrique,
les indicateurs de base reflètent avec acuité l’urgence
de la réforme.

Quelques repères historiques


16 En 1974, le ministère de l’Éducation nationale et de la
Culture fait un diagnostic du dossier initial de la
réforme de l’éducation et une analyse critique de la
situation de l’éducation dans le contexte national. En
1986, la révolution démocratique et populaire marque
l’éducation de son empreinte à travers l’« appel de
Gaoua ». En 1994, les états généraux de l’éducation
font un diagnostic du système éducatif à travers des
débats sur le thème « consensus national pour une
éducation efficiente ». En 2002, un nouveau diagnostic
est établi par les assises nationales de l’éducation dans
divers domaines touchant aussi bien les infrastructures,
les équipements et l’accès que les programmes et le
personnel. Ces assises nationales ont été suivies de
deux séminaires gouvernementaux en 2004, qui ont
finalisé le recensement des différents maux relevés par
les assises nationales et engagé dans les faits les
résultats de la réflexion sur la réforme globale du
système éducatif burkinabé.
17 Tout au long du cheminement du diagnostic sur le
système éducatif, des projets et programmes ont
accompagné des actes d’envergure nationale qui ont
permis d’accompagner et d’améliorer le système dans
le processus d’élaboration et de mise en œuvre de la
réforme. Il s’agit entre autres de la création du conseil
supérieur de l’éducation en 1993 ; de la loi
d’orientation de 1996 ; du plan décennal de
développement de l’éducation de base, 1996-2005 ;
des projets d’enseignement postprimaire i et ii.
18 Cependant, à l’examen de leurs processus d’élaboration
et d’adoption, les réformes sont plus souvent
conformes à une idée de la société que se construisent
les autorités politiques qu’elles ne répondent aux
aspirations de la société. La révolution démocratique et
populaire des années 1980 concevait l’éducation dans
l’optique d’une société anti-impérialiste et anti-
capitaliste susceptible d’ancrer la révolution et de
contribuer à la construction d’un modèle de société dite
socialiste (voir l’appel de Gaoua, 1986). Elle mettait en
même temps en avant les valeurs nationales et cultivait
le sentiment de fierté d’être burkinabé.
19 L’élan démocratique des années 1990 s’est exprimé
sous la forme d’une animation politique importante
entre plusieurs partis sans que cette vague n’émeuve
profondément la société, notamment les masses
paysannes, autrement que par l’exercice des urnes.
Bien souvent, les masses paysannes ont été utilisées
pour instrumentaliser une exacerbation des luttes
partisanes ou comme « bétail électoral », pour
reprendre une expression peu amène d’un homme
politique de Côte-d’Ivoire. On peut se demander du
reste pourquoi une si grande étape de l’histoire d’une
société comme la réforme de l’éducation n’a pas fait
l’objet de plus de débats, d’explications et
d’appropriations au niveau des couches profondes de la
société et en définitive de choix populaire à travers les
urnes.

Généralités sur le contexte


socioéconomique du Burkina Faso
20 Situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso
connaît un décollage économique difficile à l’instar des
autres pays de cette sous-région. La faiblesse de ses
ressources naturelles et les aléas climatiques sont les
principales raisons de son faible niveau de
développement, le plaçant régulièrement en queue de
peloton des différents indicateurs de l’indice de
développement humain.
21 Le Burkina fait partie des pays les moins avancés du
monde : près de 45 % de la population vit sous le seuil
de pauvreté, le taux d’alphabétisation est de moins de
20 %, l’espérance de vie moyenne est estimée à
cinquante-deux ans et la croissance démographique est
d’environ 2,4 % par an.
22 Selon le recensement général de la population et de 9 INSD, Résultats
provisoires du
l’habitation de 2006, la population est estimée à 13 Recensement général de
la population et de
730 258 habitants 9. Les femmes représentent 51,7 % l’habitation (RGPH) de 2
(...)
de la population globale. Il ressort du rapport que
19,50 % des femmes et 21 % des hommes vivent en
milieu urbain. Les deux grandes villes, Ouagadougou et
Bobo-Dioulasso, enregistrent respectivement 42,7 % et
15,7 % de la population urbaine totale.
23 Selon les statistiques scolaires (2007 / 2008) du 10 Ministère de
l’Enseignement de base
ministère de l’Enseignement de base et de et de l’Alphabétisation,
Statistiques de
l’Alphabétisation 10, le taux brut de scolarisation serait l’éducation de base 2 (...)

de 72,5 % avec un taux net de scolarisation de 59,4 %


et un taux d’achèvement du primaire de 40,7 % sur
une population d’enfants de douze ans estimée à 347
659. La proportion de cette population qui s’oriente
dans l’enseignement général, technique ou
professionnel formel reste faible et la majorité des
enfants se retrouve dans le secteur informel,
l’artisanat, avec une hypothétique chance d’insertion
sociale et économique.

Les grands traits de la réforme de


l’éducation

D’une loi d’orientation à l’autre


24 L’assemblée des députés du peuple a adopté, en sa
séance du 9 mai 1996, la loi 013/1996/adp, dite loi
d’orientation de l’éducation, qui a été promulguée le 24
juin 1996. Certes, cette première loi est en soi un
acquis important pour le système éducatif ; elle affirme
des principes fondamentaux, comme le droit à
l’éducation pour tous sans discrimination avec une
scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de seize ans, fixe les
obligations de l’État, des communautés et des
apprenants, la structure du système et l’organisation
des enseignements et de la formation. Elle a servi de
document de référence à l’élaboration de la réforme de
l’éducation. Mais cette loi n’a pas eu véritablement
d’application en ses dispositions innovantes comme
l’obligation de scolarisation jusqu’à l’âge de seize ans et
la création d’un conseil supérieur de l’éducation, qui n’a
jamais vu le jour.
25
La loi d’orientation 013-2007/an, adoptée par
l’Assemblée nationale le 31 juillet 2007 et promulguée
le 5 septembre 2007, corrige les limites constatées
dans celle de 1996 en donnant les conditions objectives
de réduction de l’écart entre les réalités actuelles et les
objectifs de l’éducation universelle dans un réel effort
de prise en compte des obligations internationales
contractées par le Burkina Faso. C’est ainsi que,
stipulant en son article 4 que « l’enseignement de base
est obligatoire pour tous les enfants de six à seize
ans », elle en donne une contrainte objective à l’État en
son article 6 : « l’enseignement de base public est
gratuit ». La structuration de l’éducation est revue en
conséquence et l’éducation de base va jusqu’à seize
ans.
26 L’affirmation du rôle des collectivités territoriales du
secteur privé et des autres partenaires de l’éducation
dans la réalisation de l’éducation de base obligatoire
est aussi un moyen juridique essentiel consigné par la
loi d’orientation.
27 Un conseil national est créé, qui a pour mission 11 Loi 13-2007/an,
article 55.
d’assister de ses avis le gouvernement dans
12 Loi 13-2007/an,
l’élaboration et la mise en œuvre de la politique articles 62-64.

nationale de l’éducation 11. Le système éducatif est


soumis à l’obligation d’évaluation périodique avec
désormais des objectifs affichés et un cadre défini 12.
28 À travers cette loi, une volonté est aussi affichée 13 F. Sanou, art. cité, p.
86.
d’améliorer la qualité et l’efficacité du système éducatif
par l’amélioration des performances des différents
niveaux et formules d’éducation, la cohérence et
l’intégration entre ces différents niveaux. Le système
ne saurait être efficace et de qualité que s’il est
pertinent, notamment à travers ses réponses aux
aspirations de la société, sa capacité à intégrer
l’individu et la société dans une communauté
internationale marquée par « la mondialisation, avec
l’effacement des frontières nationales et le
développement des technologies de l’information et de
la communication 13 » ; d’où l’importance accordée par
la loi à l’appropriation de celles-ci.

Les principes de base et l’objectif général


de la réforme
29 C’est la loi d’orientation de 2007 qui fixe les grands
principes de la réforme de l’éducation. Les principes de
base de la réforme sont : l’obligation scolaire ; la
gratuité progressive de l’éducation ; la cohérence du
système ; l’établissement de passerelles entre le sous-
système formel et le sous-système non formel à
travers notamment l’introduction des langues
nationales, entre l’enseignement général et la
formation professionnelle ; la professionnalisation des
filières d’apprentissage et de formation à tous les
niveaux et particulièrement au niveau de
l’enseignement supérieur dans le nouveau dispositif de
certification qu’est le LMD (licence-master-doctorat).
30 L’objectif général de la réforme est de « rendre le
système éducatif plus cohérent, plus fonctionnel et plus
adapté au besoin de développement socioéconomique
et culturel du Burkina Faso ». La réforme du système
éducatif est un outil de mise en œuvre de la loi
d’orientation, qui stipule, en son article 13, que « le
système éducatif burkinabé a pour finalité de faire du
jeune burkinabé un citoyen responsable, producteur et
créatif. Il vise essentiellement à assurer un
développement intégral et harmonieux de l’individu. »
31 La mise en œuvre de la réforme se fera en deux
phases, la première de 2007 à 2011, et la seconde de
2011 à 2015. L’extension de la réforme à l’ensemble du
pays est pour l’horizon 2015 avec un accès gratuit à la
première année du cours préparatoire pour tous les
enfants en âge d’y aller. L’enseignement de base public
sera alors effectif sur toute l’étendue du territoire en
même temps que le développement de l’enseignement
secondaire et de la formation professionnelle, la mise
en œuvre intégrale du système LMD dans
l’enseignement supérieur.

Les mesures d’accompagnement de la


réforme
32 Le projet de réforme du système éducatif a prévu des
dispositions transitoires et des mesures
d’accompagnement devant permettre sa réussite. En
termes de mesures transitoires, il s’agit essentiellement
de l’élaboration et de l’adoption des textes législatifs et
réglementaires nécessaires à la réalisation des objectifs
de la réforme, notamment en ce qui concerne la
réorganisation des cycles d’enseignement
(rattachement de l’éducation préscolaire à l’éducation
de base, transfert du premier cycle de l’enseignement
secondaire actuel au département de l’éducation de
base).
33 Les mesures d’accompagnement sont : l’extension et la
maintenance des infrastructures ; l’utilisation optimale
des classes ; le recours à de nouveaux modes de
recrutement des enseignants ; l’amélioration de
l’environnement scolaire, notamment l’accès des filles
et des groupes défavorisés ; l’implication des
communautés et de tous les acteurs de l’éducation ;
l’amélioration de la qualité et de la pertinence du
système éducatif à travers notamment la réforme des
curriculums et la valorisation du métier d’enseignant ;
le soutien au processus de changement.

Réforme de l’éducation et
éducation pour tous
34 La réforme de l’éducation et sa finalité sont la 14 Déclaration de
Jomtien, op. cit., article
réalisation de l’éducation pour tous dans les délais les 3.

plus brefs tenant compte des réalités nationales et de


la qualité de la mobilisation internationale dans
l’accompagnement du système. La réforme de
l’éducation vise donc la démocratisation de l’éducation
par l’universalisation de l’accès et la promotion de
l’équité 14 ; cela se ferait à travers notamment : la
réduction des disparités liées au sexe ; la réduction des
disparités liées au pouvoir d’achat ; la réduction des
disparités relatives aux régions ; la diversification des
offres de formation.

La réduction des disparités liées au sexe


35 Différentes études menées sur la scolarisation des filles 15 Benoît Kaboré est
enseignant-chercheur à
au Burkina Faso par de nombreux chercheurs comme l’université de
Ouagadougou et l’auteur
Fernand Sanou, Benoît Kaboré, Afsata Paré-Kaboré, de plusieurs étud (...)

Lagi Zoundi 15, etc., font ressortir que les sources de


discrimination à l’encontre de la fille tiennent plus à des
facteurs historico-politiques, économiques et
socioculturels qu’à des facteurs pédagogiques.
36 La nécessité affirmée dans la réforme de 2007
d’adopter des mesures spécifiques pour renforcer leur
scolarisation pour « une amélioration des conditions
générales des femmes de façon à libérer les jeunes
filles des tâches qui les empêchent de fréquenter
l’école » est une mesure d’accompagnement
importante pour la réussite du processus. De même, la
promotion de l’éducation intégratrice et l’aménagement
des infrastructures de manière à faciliter l’accès des
locaux aux personnes à autonomie réduite sont des
mesures essentielles à une réelle extension de
l’éducation à tous les groupes sociaux.

La réduction des disparités liées au


pouvoir d’achat
37 Une innovation essentielle de la loi d’orientation de
2007 est d’avoir levé toute limite à l’obligation de la
scolarisation à travers l’affirmation du devoir de l’État
de donner une éducation de base gratuite à tous les
enfants vivant au Burkina Faso. Cette affirmation
s’accompagne de mesures efficaces comme

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