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n° 125 Sommaire

Juin 2018 l Page 2 : De la citoyenneté aux


pratiques citoyennes l Page 14 : Des
cadres institutionnels en recomposition
l Page 23 : Les pratiques des acteurs :
des appropriations multiples l Page 34 :
Bibliographie
Dossier de veille de l’IFÉ

REGARDS SUR LA CITOYENNETÉ


À L’ÉCOLE
Le Code de l’éducation stipule depuis la loi Par Claire Ravez
d’orientation et de programme pour l’avenir
de l’école de 2005 qu’« outre la transmission Chargée d’étude et de
des connaissances, la Nation fixe comme recherche au service
mission première à l’école de faire partager Veille et Analyses de
aux élèves les valeurs de la République. l’Institut français de
Dans l’exercice de leurs fonctions, les per- l’Éducation (IFÉ)
sonnels mettent en œuvre ces valeurs ».
Renforcé le 22 janvier 2015 par un appel de
la ministre Vallaud-Belkacem à une « grande
à la rentrée scolaire 2016, et s’est vu enfin
mobilisation de l’École en faveur des valeurs
complété par un « parcours citoyen » égale-
de la République », l’usage de cette expres-
ment en 2016 l. Dans un contexte marqué
sion renvoie souvent à celui du terme laïcité,
par l’inflation des discours politiques, institu-
rendu visible par la diffusion d’une charte de
tionnels, médiatiques et pédagogiques d’une
la laïcité à l’école en 2013. La politique curri-
part, et un profond remaniement des logiques
culaire de la décennie qui vient de s’écouler
curriculaires de l’autre, les acteurs l de l’ins-
a fait successivement renaitre à la rentrée
titution scolaire sont invités à présenter leur
scolaire 2009 l’instruction morale et civique
institution comme un point de repère pour
dans l’enseignement primaire, puis naitre
une population confrontée à des enjeux poli-
en 2015 l’enseignement moral et civique
tiques renouvelés depuis le 7 janvier 2015.
(EMC) du CP à la terminale, à raison d’une
heure par semaine à l’école élémentaire
Prenant la suite d’un premier dossier consa-
(dont 30 minutes « favorisant l’expression
cré à l’éducation à la citoyenneté (Feyfant,
orale » à partir de « situations pratiques »)
2010 l), ce dossier de veille a pour objectif
puis trois heures d’histoire-géographie-EMC
de réexaminer à la lumière de ces évolutions
au collège (3,5 heures en troisième) et enfin
0,5 heure hebdomadaire au lycée. L’EMC a l
Le terme « parcours de citoyenneté » existe quant à lui
été instauré par la loi pour la refondation de depuis la loi de 1997 suspendant le service national.
l’école du 8 juillet 2013 puis articulé à l’école l
primaire et au collège à la troisième compo- Dans ce dossier, la forme masculine est employée dans
un sens générique.
sante du socle commun de connaissances,
de compétences et de culture (« la formation l
Toutes les références bibliographiques dans ce Dossier
de la personne et du citoyen ») mis en place de veille sont accessibles sur notre bibliographie
collaborative.

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Regards sur la citoyenneté à l’école 1/40
récentes la question des liens entre école Trois parties permettent au fil de ce dos-
et citoyenneté. La citoyenneté peut en ef- sier de prendre conscience sur la longue
fet être considérée comme un projet à la durée de la polysémie et des enjeux du
fois politique et éducatif, qui s’actualise en champ de l’éducation à la citoyenneté,
France depuis l’époque de la Révolution, pour ensuite proposer des outils d’analyse
dans l’horizon politique d’une école répu- des orientations curriculaires actuelles, et
blicaine dont les pratiques sont « censées enfin de s’intéresser aux éventuels chan-
accompagner l’intégration dans la cité et gements expérientiels et identitaires vé-
faciliter l’intervention dans les affaires pu- cus par les nombreux acteurs du système
bliques » des élèves qui lui sont confiés éducatif.
(Becquet, 2017).

Sous quels angles et avec quels outils DE LA CITOYENNETÉ


intellectuels et scientifiques la réalité, AUX PRATIQUES
l’ampleur et la portée des inflexions qui
ont marqué le champ de l’éducation à la CITOYENNES
citoyenneté se laissent-elles appréhen-
der, tant du côté des nombreux acteurs de DU CITOYEN AUX MODÈLES
l’école que de ceux qui la pensent ? DE CITOYENNETÉ
La littérature de recherche sur laquelle
Le parcours citoyen a vocation à faire
s’appuie ce dossier est à la fois récente
« comprendre [à l’élève] le sens de la no-
et sélective : elle permet de refléter la
tion de citoyenneté et lui donner l’envie
riche production scientifique actuelle sur
de l’exercer pleinement », de « devenir l
Le CNESCO a
la thématique en jeu l, en tenant compte
un citoyen libre, responsable et enga- publié en 2016 un
du fait que les temps de la recherche
gé, habitant d’une planète commune » rapport scientifique
empirique en éducation sont plus lents sur l’éducation à la
(circulaire n° 2016-092). Les programmes
que ceux de la production de réflexion citoyenneté (Bozec,
d’EMC de 2015 énumèrent quant à eux 2016).
théorique ou de discours moins régulés
« deux registres de citoyenneté : l’un
par la communauté des pairs (prises
qui vise à cultiver le sentiment d’appar-
de position médiatiques, conférences
tenance à la communauté des citoyens,
et interventions lors de journées de for-
l’autre qui développe la volonté de parti-
mation, etc.). Les travaux de recherche
ciper à la vie démocratique ». Le dévelop-
convoqués relèvent volontairement de di-
pement professionnel des enseignants,
vers champs disciplinaires : l’objectif est
surtout quand il est pensé comme colla-
de croiser les regards, par exemple ceux
boratif, nécessite par ailleurs de mettre
de la science politique et de la didactique
au jour les valeurs, croyances et normes
de l’éducation à la citoyenneté, ce qui est
implicites des uns et des autres. Cette
parfois difficile (Knowles & Clark, 2018),
partie se propose donc de mettre en
ainsi que de rendre compte en creux du
regard différentes traditions, acceptions
caractère peu visible de ce champ de re-
et traductions autour des termes de « ci-
cherches en France (il existe par exemple
toyen » et « citoyenneté », jouant ainsi
en Allemagne ou en Suisse des chaires
le jeu de la confrontation des points de
et des enseignements universitaires ad
vue, dont l’existence même est signe de
hoc, liés à la nécessité de former des
vitalité d’un régime démocratique.
enseignants à un curriculum dont l’an-
crage disciplinaire est historiquement
plus marqué qu’en France). L’ouverture
Une citoyenneté « à la française » ?
internationale a constitué un dernier axe
de travail, permettant ponctuellement de Faisant passer de la sujétion à la subjec-
questionner la complexité et le caractère tivation politique, la Révolution française
situé et contextuel des évolutions natio- fait détenir au citoyen une part de la sou-
nales au regard de mutations ayant lieu veraineté et crée un modèle de citoyenne-
dans d’autres démocraties libérales occi- té que différents éclairages universitaires
dentales. permettent de contextualiser.

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2/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
L’instruction permet pour Condorcet d’être de vote des étrangers, entre autres. L’indi-
guidé par la raison plus que par l’ignorance cateur qui cristallise l’activité des citoyens
dans la prise de décision. L’autonomie intel- dans le cadre d’une démocratie avant tout
lectuelle est donc corolaire de l’autonomie représentative est progressivement de-
politique et morale. Celle-ci est pensée en venu leur participation électorale, dont les
termes universalistes porteurs d’émancipa- cadres actuels (bulletins de vote, urne, iso-
tion individuelle, l’autonomie de la volonté loir, etc.) sont le résultat d’une élaboration
étant présentée comme un arrachement historique pluriséculaire (Larrère, 2018).
aux appartenances collectives, familiales, Cette centralité est aujourd’hui question-
locales, religieuses dans lesquelles s’ins- née par une participation électorale inter-
crit l’existence au quotidien. Cette autono- mittente, les mutations des affiliations par-
mie se construit à la fin du XIXe siècle dans tisanes à l’heure de la personnalisation de
le cadre de l’État-nation républicain (Legris, la vie politique, « le basculement vers un
2010 ; Bozec, 2014 ; Ozouf, 2015). L’exer- modèle présidentiel-gouvernant des démo-
cice de leurs droits politiques par diffé- craties » qui interroge à nouveaux frais la
rentes catégories de citoyens a fait depuis « démocratie-citoyenneté », le « peuple
plus de deux siècles l’objet de débats et de électeur » prenant désormais les traits
mutations : inégalités des statuts juridiques « d’un peuple-vigilant, d’un peuple-veto et
au sein de l’Empire colonial, citoyens actifs d’un peuple-juge » (Rosanvallon, 2017).
et passifs séparés sous les régimes cen-
sitaires, droit de vote des femmes obtenu Au-delà de l’énumération d’adjectifs, du
à la fin de la Seconde Guerre mondiale, « portrait-robot » du « bon citoyen », les
abaissement de l’âge de la majorité civile à recherches en sciences politiques élar-
18 ans en 1974, promesses de campagne gissent et précisent à la fois la notion de
à ce jour jamais suivie d’effets sur le droit citoyenneté.

« La citoyenneté a un sens juridique. Le citoyen est un sujet de droit. Il


dispose à ce titre de droits civils et politiques. Il jouit de libertés individuelles,
et il dispose du droit de participer à la vie politique et d’être candidat à
toutes les fonctions publiques. En revanche, il a l’obligation de respecter les
lois, de contribuer aux dépenses collectives en fonction de ses ressources
et de défendre la société dont il est membre, si elle se trouve menacée.
La citoyenneté est aussi le principe de la légitimité politique » dans une
démocratie fondée sur le principe de la souveraineté de la « communauté
des citoyens » (Schnapper, 2017a).

À cette approche par le statut se com-


binent aujourd’hui des approches socio- « La citoyenneté ordinaire
logiques et anthropologiques étudiant les désigne la capacité des individus
pratiques de la « citoyenneté ordinaire » à percevoir, pratiquer et formuler
dans leur diversité, leurs modalités indi- des jugements sur le vivre-
viduelles et collectives et leurs mutations ensemble et le bien commun,
vers des formes de participation politique notamment en dehors ou en
non conventionnelle (engagements asso- marge des pratiques et lieux
ciatifs, nouveaux mouvements sociaux), “labellisés” par les approches
en fonction d’échelles – en particulier mé- classiques de la citoyenneté
tropolitaines – et de temporalités multiples, (votes et campagnes électorales
(re)découvrant des formes plus locales et mais également réunions
directes, participatives et délibératives de publiques ou conseils de
la démocratie, tout en investissant de nou- quartier). » (Neveu & Carrel, 2014)
veaux objets comme la « démocratie éco-
logique » (Bourg & Whiteside, 2010) ou
électronique. La définition de la citoyenne-
té proposée dans ce cadre est différente.

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Regards sur la citoyenneté à l’école 3/40
Dans cette perspective, l’exercice de la citoyen » (Audigier, 2015) ;
citoyenneté est au centre d’une réflexion − le contexte actuel appelant désormais
renouvelée sur la notion de capacité, tra- à « la construction d’une citoyenneté
duction politique de la notion de « capabi- critique et d’une compétence à s’enga-
lité », soit « pas simplement une capacité ger dans les débats de la démocratie »
mais un ensemble de libertés et de possi- (Tutiaux-Guillon, 2015).
bilités ouvertes par la combinaison de ca-
pacités (personnelles) et d’un environne- Becquet (2016) appelle depuis l’observa-
ment (politique, social et économique) » toire de la sociologie de la jeunesse à dis-
l
(Prairat, 2017). tinguer dans les discours dominants met- Née de l’action de
tant en scène un « défaut de citoyenneté » courants de pensée
Schnapper (2017b) présente deux les rhétoriques de la citoyenneté « néces- républicains, ouvriers
et confessionnels dans
grandes réponses aux interrogations saire », insistant sur l’intégration politique la seconde moitié du
actuelles sur la citoyenneté. La première et la cohésion nationale, et la « citoyenneté XIXe siècle, les acteurs
évolution, celle de la « participation éco- désirée », centrée sur la prise en compte des mouvements
nomique et sociale », s’inscrit dans le des demandes de participation des ac- d’éducation populaire
visent à « former
cadre d’une citoyenneté définie non « plus teurs, les jeunes dans son cas, à l’action les citoyens et/ou à
seulement par un ensemble de droits- politique. Enfin, le champ des recherches démocratiser l’accès à
libertés – définition politique – mais par les sur l’éducation populaire l contribue à la la culture en mobilisant
droits-créances » (éducation, santé, etc.) production de nouveaux discours scienti- des méthodes
pédagogiques
reconnus au lendemain de la Seconde fiques sur des pratiques d’éducation à la souvent opposées
Guerre mondiale. Cette ouverture à une citoyenneté dans le cadre d’une éducation au modèle scolaire,
démocratie économique et sociale met non formelle en mutation l . des méthodes dites
en avant « une nouvelle conception de “actives” qui rompent
avec la transmission
la citoyenneté […], fondée non plus sur La citoyenneté : une (des) descendante des
le lien juridique et politique des individus compétence(s) ? savoirs et permettent
à un État au sens traditionnel du terme, leur appropriation dans
mais sur un ensemble de valeurs et de le but d’atteindre un
idéal d’émancipation. »
pratiques sociales élaborées et garanties Au-delà des appréhensions de la notion de (de Lescure & Porte,
par les institutions européennes et en par- citoyenneté posée dans le cadre national, 2018)
ticulier par la jurisprudence de la Cour de différentes constructions théoriques s’ap-
justice de l’Union européenne. » La se- puyant sur la notion de compétence ont été
l
conde évolution discutée par Schnapper développées et diffusées depuis le début « Trouvant leur source
est celle d’une « citoyenneté post- des années 2000. Elles posent, à travers dans le militantisme
et les politiques
nationale » dont l’ancrage territorial chan- leur caractère potentiellement prescriptif, la publiques (politique
gerait d’échelle pour passer au cadre question des finalités partagées de l’édu- de la ville, politique
continental européen. cation à la citoyenneté dans des cadres po- de jeunesse, etc.) des
litiques dépassant l’échelle de l’État-nation. initiatives répondant
aux objectifs
Les modèles de citoyenneté relevant de d’empowerment
recherches dans le champ plus spécifique Les institutions supranationales ont fait de (Bacqué, Biewener,
de l’éducation renvoient à différentes ap- leurs approches de l’éducation un levier de 2013) et des modalités
proches complémentaires. Les travaux leur influence symbolique dans différents d’action se référant
au community
francophones en didactique font référence domaines (Manger et al., 2017). Ainsi, organizing (Balazard,
à trois paradigmes successifs : l’Union européenne a promu en 2006 huit 2015 ; Talpin, 2016)
− « appartenance, obéissance aux lois, compétences-clés à acquérir et dévelop- semblent venir par leur
respect des devoirs, notamment le per par l’éducation, dont les « compéten- importance bousculer
les pratiques et les
vote, l’impôt, le service militaire, l’ap- ces sociales et civiques ». L’analyse com- objectifs des acteurs
partenance à la Communauté politique parée des politiques et des systèmes édu- investissant l’éducation
nationale » au XIXe siècle ; catifs dans le domaine de l’éducation à la populaire. »
− puis « depuis quelques décennies […] citoyenneté effectuée par Eurydice (2017) (de Lescure & Porte,
2018)
une citoyenneté centrée sur l’individu, a été menée à partir d’une grille d’analyse
faite de liberté et de responsabilité, des curricula de 42 systèmes éducatifs,
elle-même accompagnée de la diver- construite autour de quatre entrées : inter-
sification des formes de présence à agir efficacement et de façon constructive
la société de toute personne, de tout avec les autres, agir de façon socialement

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4/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
responsable, agir de façon démocratique Le Conseil de l’Europe développe éga-
et faire l’exercice d’une pensée critique. lement une politique éducative fondée
Celles-ci regroupent au total 51 com- sur les compétences. Celle-ci vise expli-
l
Les premiers travaux pétences identifiées comme contribuant à citement à promouvoir l’éducation à la
de cette institution la formation, donc aussi à la définition de citoyenneté démocratique et aux droits de
datent des années la figure du citoyen européen. l’homme l.
1980 et ont été
marqués par la
contribution du
didacticien français
François Audigier Un modèle de compétences pour une culture de la démocratie qui articule
(Pagoni, 2009). 20 entrées a été construit par le Conseil de l’Europe (2016), à partir de
croisement d’une centaine de références à la fois institutionnelles et
théoriques. Ce modèle est composé :
− de valeurs : dignité humaine et droits de l’homme, diversité culturelle,
démocratie, justice, équité, égalité et État de droit ;
− d’attitudes : ouverture à l’altérité culturelle et aux convictions, vision du
monde et pratiques différentes, respect, esprit civique, responsabilité,
sentiment d’efficacité personnelle et tolérance de l’ambigüité ;
− d’aptitudes : apprentissage en autonomie, capacité d’analyse et de ré-
flexion critique, écoute et observation, empathie, souplesse et adaptabi-
lité, aptitudes linguistiques, communicatives et plurilingues, coopération
et résolution de conflits ;
− de connaissances, visant à la compréhension critique de soi-même, de
la langue et de la communication, et du monde, dans les domaines poli-
tique, juridique, des droits de l’homme, de la culture et des cultures, de la
religion, de l’histoire, des médias, de l’économie, de l’environnement et
du développement durable.

Des idéaux-types de citoyenneté(s) le modèle de Westheimer et Kahne (2004)


s’appuie sur « une taxonomie des valeurs
À ces orientations institutionnelles s’op- sur lesquelles les écoles mettent l’ac-
posent des modèles de citoyennetés pro- cent, qui permet de modéliser les divers
duits par des universitaires, à visée plus types de citoyens que les écoles veulent
descriptive, notamment dans le monde former » (Lefrançois & Éthier, 2015). Ce
anglo-saxon, convoquant des idéaux- modèle sert depuis d’outil d’analyse, par
types. exemple au Québec (Lefrançois & Éthier,
2015 ; Fillion, Prud’homme & Larouche,
2016). La modélisation a débouché sur
Les idéaux-types de la trois idéaux-types :
citoyenneté dégagés par − le « citoyen personnellement respon-
les recherches ne sont pas sable […] se conforme aux exigences
convoqués pour définir de sa société, quelles qu’elles soient.
des profils de potentiels Ainsi, il obéit au code de la route, re-
« bons » citoyens, mais pour cycle ses déchets, soutient des œuvres
catégoriser des logiques caritatives, règle ses impôts, sourit
d’action dont l’actualisation au à ses voisins, travaille assidument,
quotidien s’effectue de façon exerce son droit de vote aux élections,
nécessairement hybride. s’enrôle dans l’armée, etc. » ;
− le citoyen participatif « s’implique dans
la vie sociale et communautaire. Il peut,
par exemple, se présenter comme
Conçu de façon empirique à partir de candidat aux élections, se porter béné-
l’étude de dix programmes d’éducation à vole, organiser la cueillette de déchets
la citoyenneté enseignés aux États-Unis, recyclables dans son quartier » ;

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Regards sur la citoyenneté à l’école 5/40
− le citoyen orienté vers la justice so- rales, en vue d’influencer les décisions
ciale « tente d’identifier les causes politiques et de faire appliquer des lois
générales, structurelles et sociales des déjà votées ;
expériences ou comportements indivi- − enfin, la citoyenneté transformative
duels abusifs. Il prend des initiatives (transformative citizenship) renvoie aux
désintéressées en vue d’éliminer ces citoyens agissant en vue de promou-
injustices. » (Lefrançois & Éthier, 2015) voir et de faire advenir des actions, des
politiques, et des changements fondés
La typologie proposée par Banks (2017) sur des valeurs comme les droits de
recoupe partiellement cette lecture des l’homme, la justice sociale, l’égalité,
comportements. Pour lui, quatre types de agissant parfois en dehors de la légalité
citoyenneté peuvent être distingués : pour y parvenir.
− la « citoyenneté en échec » (failed ci-
tizenship) renvoie à l’existence d’indivi- Keating (2014) propose quant à elle d’at-
dus ou de groupes nés dans un État- tribuer à la citoyenneté neuf dimensions
nation ou y ayant immigré et n’en ayant et attributs : statut légal (garanties, droits
pas internalisé « les valeurs et l’ethos », et responsabilités), appartenance à une
s’y sentant structurellement exclus, et communauté politique ou à une société
éprouvant un sentiment ambigu vis-à- civile, compétences (attributs cognitifs et
vis de cet État, leur allégeance et leur habiletés), identité et émotions, sentiment
engagement à son égard étant éclec- d’appartenance, conduite (vertus civiques,
tiques et complexes ; ces citoyens participation active, devoirs), participation
tendent à privilégier leurs propres be- (par exemple par le vote ou le bénévolat),
soins au détriment des horizons parta- bienêtre social (droits socioéconomiques,
gés promus par l’État-nation ; éventuellement en lien avec des politiques
− la citoyenneté reconnue (recognized de redistribution).
citizenship) existe lorsque l’État ou la
nation reconnaissent un individu ou un Keating (2014), Eurydice (2017) et
groupe comme des membres légitimes, Mouritsen et Jaeger (2018) rappellent
légaux et valorisés du corps politique également les distinctions entre citoyen-
et lui (leur) garantissent l’intégralité des neté libérale, communautarienne et
droits et opportunités à participer à la cosmopolite, produites dans le champ
vie de la communauté politique à dif- de la philosophie politique et utilisées
férents niveaux ; ce statut ne requiert en sciences sociales, et qui continuent
cependant pas la participation effective d’être l’objet de discussions. Une qua-
l
des citoyens ; trième catégorie, « radicale » ou cri- L’enquête
− la citoyenneté participative (participa- tique, est certes présente dans la littéra- internationale PISA
menée en 2018
tory citizenship) consiste justement en ture mais pas dans les pratiques ou les mesurera également la
l’exercice de ces droits, a minima en institutions de gouvernement (Keating, compétence globale
prenant part aux consultations électo- 2014). des élèves.

Vers une éducation à la « citoyenneté globale » ?


Intéressant particulièrement l’éducation à la citoyenneté à l’heure de la mondialisation économique,
de l’internationalisation des débats politiques, de l’accélération des circulations culturelles et d’une
conscience environnementale désormais planétaire, les différentes approches de la citoyenneté
globale (global citizenship) ont récemment fait l’objet d’une revue de littérature (Goren & Yemini,
2017) l. Deux tendances se dégagent de cette synthèse. L’une, plus instrumentale, vise à donner aux
élèves les moyens d’être compétitifs dans le cadre d’une société et d’un marché mondialisés (global
competencies approach) ; l’autre, plus humaniste, vise à développer l’empathie et la sensibilité à la
diversité culturelle (global consciousness approach). De façon paradoxale au vu de l’objet, les auteurs
de l’article soulignent que les curricula nationaux montrent une réorganisation de cette visée de
citoyenneté globale en fonction des stratégies et priorités nationales (maitrise de l’anglais en Asie,
intégration sociale de groupes minoritaires en Europe). L’éducation à une citoyenneté mondiale est
un axe majeur de la politique scolaire de l’UNESCO depuis 2015.

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6/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
UN OBJET SCOLAIRE tion juvénile inédite à l’heure de la mas-
DIFFICILEMENT IDENTIFIABLE sification de l’enseignement secondaire
de l’autre, en lien aussi avec la diver-
sification des composantes démogra-
Les nombreuses typologies présentées ci- phiques de la population, sont dès lors
dessus forment le soubassement, parfois liés à une éducation au vivre ensemble
explicite, parfois implicite, des façons de et à la tolérance. L’« État éducateur »
nommer la « quasi-discipline » de l’éduca- fait ainsi se succéder des prescrip-
tion à la citoyenneté (Reuter, 2013), qui se tions de l’ordre de l’« appartenance »,
différencie des autres enseignements par de la construction « sociale-démocra-
son ancienneté et son histoire, de catégo- tique », puis aujourd’hui d’« adhésion »
riser la diversité des pratiques éducatives aux valeurs républicaines (Chauvigné
qui y sont associées, et enfin d’évaluer & Fabre, 2017).
l’efficacité de ce projet.
L’apprentissage de la citoyenneté dans
Éduquer à la citoyenneté : des finalités le cadre scolaire renvoie à différentes
complexes et changeantes notions qu’il est courant de rencontrer
dans la pratique. À la construction de
Instruction, éducation et socialisa- la citoyenneté, mais sans en épuiser
tion, dans les tensions de cette der- le sens, sont souvent renvoyés la civi-
nière avec un idéal émancipateur, lité (rapports interpersonnels construits
ont fait l’objet d’innombrables travaux sur le respect de normes de discours,
théoriques en philosophie de l’édu- « respect des conventions et des
cation et en sociologie, sous l’in- usages établis » pour Prairat, 2017) et
fluence de la pensée de Durkheim, le civisme (« manière d’agir conduisant
qui a mis en avant la centralité de l’école à conjoindre ses règles de vie particu-
dans le processus de socialisation poli- lières avec la recherche de l’intérêt gé-
tique des futurs citoyens. La pérennité néral » pour Foray, 2016).
du régime politique républicain a pré-
sidé en 1882 à l’instauration d’une ins- À l’étranger, d’autres dénominations re-
truction morale et civique dans l’ordre coupent ou dépassent ces orientations
primaire du système éducatif français et débats nationaux. Pour certains au-
(Chauvigné, Etienne & Clavier, 2011) : teurs anglo-saxons, l’instruction civique
faire connaitre les institutions républi- se doit de céder le pas à l’apprentissage
caines devait contribuer à les rendre d’une « littératie politique » qui « aide
désirables. À cet objectif civique d’ad- l’élève à replacer les arguments qu’ils
hésion des masses au régime républi- entendent et les leurs dans un cadre
cain s’ajoutait pour certains auteurs une politique plus large » (Hess & McAvoy,
fonction de contrôle social assurée par 2014). Le ministère luxembourgeois de
l’ensemble du système éducatif (Bozec, l’Éducation nationale rejette l’appella-
2014) : les élèves, très minoritaires en tion d’« instruction civique » pour carac-
nombre, des classes les plus aisées de tériser l’esprit du nouvel enseignement
la population étaient considérés comme de « vie et société » introduit en 2016 en
pouvant se construire comme citoyens lieu et place des cours de religion et de
compétents par le biais de leur sociali- morale, au profit d’une « formation (au)
l sation familiale et de leur apprentissage politique ».
Les lycéens des
Trente Glorieuses
des humanités l. Le retour en 1985 de
sont confrontés de l’éducation civique à l’école primaire et
façon sporadique à au collègue (unique) après une éclipse
une initiation à la vie décennale (suppression officielle en
économique et sociale,
avant que l’éducation
1969, rétablissement dans le cadre des
civique, juridique et « activités d’éveil » en 1977) a été le
sociale (ECJS) ne soit fruit de considérations politiques, socio-
enseignée à partir de économiques et scolaires : conforter le
1999.
sentiment d’appartenance à la nation
d’une part, et faire face à une socialisa-

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Regards sur la citoyenneté à l’école 7/40
au politique », « support d’un dévelop-
Former des citoyens outre-Rhin : pement du sujet et [d’]un engagement
éduquer à la capacité politique de soi » rendu possible par une res-
L’expression politische ponsabilisation progressive de l’élève
Bildung renvoie dans l’aire favorisée par la participation à divers
germanophone aux contenus dispositifs comme les conseils de la vie
d’enseignement, sous des lycéenne.
dénominations disciplinaires
variées selon les provinces, Cette approche a été enrichie par un clas-
cantons ou Länder, étudiés sement plus récent en cinq « modalités » :
et visés par la didactique du aspects informatifs, normatifs, argumen-
politique (Politikdidaktik). Cette tatifs, pratiques et éthiques (Chauvigné
approche se distingue dans & Fabre, 2017). Celles-ci permettent de
ses finalités et ses approches distinguer des « figures de l’État édu-
de l’« instruction civique » cateur » repensées à la lumière des in-
(Staatsbürgerkunde) enseignée flexions curriculaires des années 2015 et
dans l’ex-RDA (Jehle, 2018) 2016 :
ou avant le consensus de − édifiant une « culture commune mini-
Beutelsbach, qui a entériné en male de la maternelle au lycée » ;
République fédérale d’Allemagne − « développant davantage une dimen-
en 1976 un tournant vers des sion morale et paternaliste » par un
pratiques d’enseignement guidage de la participation à des « dis-
fondées sur trois principes : positifs démocratiques » ;
l’interdit de l’endoctrinement, − enfin visant à assurer « la paix pour
l’exposition nécessaire de la un vivre ensemble harmonieux »
controverse et la construction (Chauvigné & Fabre, 2017).
par l’élève d’une capacité à
défendre ses intérêts. Partant d’une étude de sociologie de
l’action publique, Becquet (2014, 2016)
distingue quant à elle trois types d’instru-
ments pour catégoriser les politiques édu-
catives en fonction des rapports à l’État
Croiser les modélisations pour enrichir
qui en résultent :
l’analyse du curriculum − le premier, porté par un État-tuteur, est
« législatif et réglementaire » : sa foca-
Tout comme la notion de citoyenneté, lisation sur la « citoyenneté juridique »
celle d’éducation à la citoyenneté comme renvoie à des fonctions symboliques
partie du curriculum formel a fait l’objet (attribut du pouvoir légitime), axiolo-
de regards complémentaires. Chauvigné giques (un État porteur de valeurs) et
(2013) propose trois catégorisations pragmatiques (orientation des compor-
issues de ses travaux en sociologie de tements sociaux, organisation des sys-
l’éducation. L’éducation à la citoyenneté tèmes de contrôle social) ; il est ancré
est : dans les prescriptions curriculaires
− soit « théorique », « support d’une (dont les programmes scolaires) et les
compréhension et d’une connaissance droits et les devoirs des élèves énumé-
du monde » dans le cadre traditionnel rés dans les règlements intérieurs ;
d’enseignements disciplinaires, princi- − d’autres dispositifs prennent en charge
palement en sciences sociales ; un type « communicationnel et infor-
− soit « morale », « support d’une ré- matif » d’action publique typique de la
flexion éthique sur soi et son envi- « démocratie du public », qui corres-
ronnement » surtout liée au « vivre pond à une « citoyenneté politique » et
ensemble » et à des projets collectifs fait participer les usagers d’un service
mis en œuvre au niveau de l’établisse- public aux décisions les concernant,
ment ; selon un modèle représentatif (élection
− soit comprise comme une « éducation des délégués de classe, des élèves

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


8/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
délégués au conseil d’administration) sociologique et épistémologique. Contraire-
ou représentativo-participatif (conseil ment à certaines attentes, l’éducation à la
de la vie lycéenne) ; citoyenneté ne peut pas tout. Elle ne peut
− dans le troisième type d’instrument pas résoudre les problèmes sociaux, écono-
d’action publique, l’État-mobilisateur miques, politiques de la société, des échecs
renonce au pouvoir de contraindre au de la politique de la ville à la probité de la
profit du contrat et du projet : c’est une classe politique. En France en particulier,
« citoyenneté civile », « un ensemble l’éducation à la citoyenneté est à comprendre
de dispositifs qui visent un engage- comme un mythe républicain (Foray, 2016).
ment direct, autonome et volontaire », En termes organisationnels, l’école n’est ni
avec par exemple l’investissement et une « institution totale » (Foray, 2016), ni un
la responsabilisation des élèves par le modèle réduit de la société instituée politi-
biais de leur implication dans le fonc- quement, mais une institution qui fait partie
tionnement des maisons des lycéens de cette société, avec un mode de régula-
(anciens foyers socioéducatifs) ou tion spécifique : les relations sont structurel-
dans le cadre du sport scolaire. lement dissymétriques entre adultes et en-
fants du fait même de la responsabilité que
l’acte éducatif impose aux premiers, même
3 modalités de l’éducation à la si une volonté et un processus d’autonomi-
citoyenneté sation et d’émancipation marquent certains
Kerr (1999) propose une grille de choix pédagogiques de façon plus visible.
lecture encore plus synthétique :
− éduquer au sujet de la ci- Si elle ne peut pas tout, l’école participe
toyenneté (educating about cependant de la construction des conditions
citizenship) par le biais de la de la subjectivation et de l’action politiques :
connaissance et de la compré- cela pose la question complexe, émergente
hension de l’histoire nationale, en termes de documentation et d’analyse
des structures de gouverne- dans les recherches, de l’existence d’un
ment et de la vie politique ; « fossé de capacitation civique » entre
− éduquer à la citoyenneté par écoles américaines socialement et spatiale-
la citoyenneté (educating ment ségréguées (Levinson, 2014) et de la
through citizenship) ; capacité de l’institution à réduire l’écart de
− éduquer en vue de la citoyen- maitrise – sinon déjà même d’accès – des
neté (educating for citizen- élèves aux différentes modalités d’expres-
ship) : dans cette optique, l’ex- sion citoyenne. Les travaux de recherche,
périence scolaire prise dans menés de façon ponctuelle, avec des
son ensemble permet à l’élève conclusions parfois contradictoires selon les
de construire des outils – États, postulent soit un effet compensateur
connaissances et compréhen- de certaines offres scolaires, en particulier
sion, aptitudes et savoir-faire, un enseignement disciplinaire obligatoire,
dispositions et valeurs – lui pour les élèves qui n’ont pas accès à cer-
permettant de participer à la taines formes de socialisation politique dans
vie civique. le cadre familial, permettant la construction
d’une trajectoire politique individuelle ; soit
un accroissement de cet écart à l’école,
par un effet d’accélération selon lequel les
élèves aux connaissances civiques les plus
Les (dés)illusions d’un projet éducatif élevées profiteraient le plus de l’offre sco-
laire, en particulier facultative (Bozec, 2016 ;
La centralité de l’institution scolaire dans le Hoskins, Janmaat & Melis, 2017).
projet républicain a conduit à une mise en
avant politique et médiatique de ses fonc- La diversité et la hiérarchisation pour diffé-
tions intégratrices, dont la pertinence et rents acteurs des missions de l’école sont
l’efficacité se doivent d’être nuancées à la également mis en avant pour relativiser des
lumière de réflexions d’ordre philosophique, intentions et discours politiques trop ambi-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 9/40
tieux. Les fonctions de l’école rentrent aussi enjeu qui croise le rapport à la vérité et la
en concurrence, même si les enjeux de question de l’apprentissage des modalités
formation d’un « individu-citoyen-travailleur de participation à des démocraties électro-
sont en principe interdépendants » (Audigier, niques en gestation (signature d’une péti-
2015). Le poids croissant du niveau tion en ligne par exemple) ; dans l’enceinte
d’études dans les trajectoires profession- scolaire, la (nécessaire) analyse critique
nelles renforce des pratiques scolaires et des contenus disponibles en ligne semble
des stratégies familiales plus individualistes dominer l’apprentissage de l’utilisation de
et compétitives. Les valeurs d’utilité et d’effi- ces médias comme outil de participation au
cacité, voire de rentabilité des parcours débat démocratique (Genevois, 2013).
scolaires peuvent éloigner de la poursuite
du bien commun : certains engagements Enfin, l’interrogation sur l’efficacité de l’édu-
valorisés en termes de citoyenneté à l’école cation formelle à la citoyenneté ne peut faire
(être délégué de classe, s’investir dans un l’économie d’un retour sur les modalités
club scolaire) constituent peut-être, comme même de la preuve scientifique, d’un point
l’a montré Becquet (2016) pour le service ci- de vue épistémologique, méthodologique
vique, un engagement pour soi autant, voire et éthique (Bozec, 2016). Pari sur l’avenir,
plus, que pour autrui (Condette, 2017). le résultat de l’éducation à la citoyenneté se
mesure une fois les élèves devenus majeurs
De façon classique en sociologie, l’institu- et électeurs ; mais la socialisation secon-
tion scolaire n’est considérée que comme daire (inscription constamment renouvelée
l’une des instances de socialisation poli- à l’âge adulte dans de nouveaux réseaux
tique primaire. Son rôle et son poids doivent sociaux, privés ou professionnels) rend dif-
être mis en regard des autres agents de ficile de démêler les différents facteurs de
socialisation : famille, groupes de pairs et mobilisation politique au fil des différentes
médias. Les travaux pionniers de Percheron phases du cycle de vie (études supérieures,
ont montré la centralité du cercle familial accès à l’emploi, retraite, etc.). Les indica- l
Le projet Erasmus+
comme instance de socialisation, de trans- teurs et méthodologies utilisés pour rendre ACT (ACTive
mission de valeurs et d’orientations poli- compte des variables ou de l’effet d’un citizenship projects
tiques (Bozec, 2016). type d’éducation à la citoyenneté avant la to enhance pupils’
majorité civile doivent donc être adaptés : social and civic
competences, 2017-
La socialisation dans les groupes de pairs une équipe de chercheurs néerlandais a 2020) impliquant la
voit son importance augmenter avec l’âge ; par exemple conçu un modèle d’analyse France (DGESCO,
elle renvoie aux temps et tiers lieux éduca- en six domaines de compétences à la fois École d’économie de
tifs qui représentent un quart du temps dis- sociales et politiques (Geboers, Geijsel, Paris et Sciences Po
Saint-Germain-en-
ponible des élèves (contre 30 % pour la fa- Admiraal & Daam, 2015). Les enquêtes in- Laye), l’Angleterre,
mille et 32 % pour le temps scolaire, Conseil ternationales de l’International civic and cit- l’Espagne et la Grèce,
de l’enfance et de l’adolescence, 2018). Ob- izenship education survey (ICCS) menées autour de scénarios
jet central de l’attention de la communauté par l’International Association for the Evalu- pédagogiques
s’appuyant sur la
éducative dans le cadre de l’éducation aux ation of Educational Achievement ont elles démarche de projet, a
médias et à l’information (EMI), l’influence aussi recours à des questionnaires pensés cependant été conçu
des différents moyens d’information sur la comme adaptés à l’âge (14 ans) des enquê- selon un protocole
formation d’un jugement autonome est un tés (Schulz et al., 2017). quasi-expérimental.

Recherches empiriques et prescriptions institutionnelles : quelles relations ?


Les résultats empiriques restent donc rares, dispersés et souvent fragiles l. Les auteurs de revues
de littérature soulignent ainsi moins longuement les résultats de leurs analyses comparatives de
publications (voire anticipent pour les récuser leur utilisation à des fins prescriptives, Geboers et al.,
2013) que leur démarche scientifique de collecte et traitement de données en dernier lieu plus
disparates que systématiques en termes de méthodologies - taille de l’échantillon, lieu et contexte
institutionnel de la recherche -, de langue et de support de publication. Ces travaux contribuent à
créer un langage commun et à cartographier le champ des recherches effectuées, en en montrant
les objets éclairés ou laissés dans l’ombre par les travaux validés par la communauté scientifique, plus
qu’à prescrire des pratiques efficaces dans tous les contextes d’enseignement.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


10/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
Des consensus plus que les certitudes plus longue, même si incomplète, du poli-
semblent malgré ces précautions (justi- tique. Malgré des résultats disponibles en
fiées) se dessiner autour de « ce qui pourrait nombre croissant pour différentes classes
marcher » plutôt que de « ce qui marche ». d’âge et leur ancrage dans différents para-
Dans le contexte états-unien, il s’agirait : digmes de recherche, les travaux présen-
tés ci-dessous ne prétendent pas à l’ex-
− de garantir un enseignement spécifique
haustivité : « Nous manquons de données
dédié à l’histoire, au droit, à la démocra-
d’ensemble permettant d’appréhender les
tie, à l’instruction civique ;
pratiques citoyennes et d’engagements
− de prendre en compte la discussion de
des enfants et adolescents. » (Conseil de
problèmes et évènements locaux, na-
l’enfance et de l’adolescence, 2018)
tionaux et internationaux que les élèves
considèrent comme particulièrement
importants ; Enfance et politique : la fin de l’âge de
− de pouvoir appliquer des apprentis- l’innocence ?
sages scolaires lors d’expériences de
service civique ; Profitant de la structuration d’un champ
− de proposer des activités extra- scientifique autonome tout en y contri-
curriculaires permettant aux élèves de buant (sciences sociales de l’enfance en
s’engager dans leur établissement ou France, childhood studies dans la sphère
communauté ; anglo-saxonne), l’étude de la socialisation
− d’encourager la participation des élèves politique des enfants, présentée ici avant
à la gouvernance du système éducatif ; tout sous un angle ethnologique, est en
− et de développer des pratiques péda- France en voie de renouvèlement.
gogiques fondées sur le modèle de la
simulation (jeu de rôle, voir Guilfole, À partir d’une étude menée entre 2010
Delander & Kreck, 2016). et 2012 dans deux écoles primaires pari-
siennes auprès de 104 enfants, Lignier et
L’Union européenne promeut quant à elle Pagis (2017) ont montré que la construc-
des pratiques « actives, interactives, per- tion par les enfants d’une identité et de
tinentes, critiques, collaboratives et parti- catégories politiques s’effectue par le biais
cipatives » sur la base de travaux britan- d’un « recyclage » de schèmes produits à
niques (Eurydice, 2017). la fois au sein de la sphère domestique,
dans l’entre-soi du groupe de pairs et dans
Au terme de leur revue de littérature sur le cadre scolaire. Se situer dans l’univers
les effets de l’éducation à la citoyenneté, social est étroitement lié à ses ressources
Geboers et al. (2013) mettent en avant culturelles, au contexte familial et scolaire,
l’importance d’un climat d’apprentissage mais aussi à l’enjeu relationnel consistant
ouvert et démocratique où dialogue et à se situer au sein d’un groupe de pairs et
discussion peuvent avoir lieu, ainsi que y adopter une identité sociale.
la nécessité de prévoir un enseignement
disciplinaire dans le curriculum. À partir d’une autre étude de cas portant
sur 369 élèves du CE2 au CM2, de six
SOCIALISATION POLITIQUE écoles primaires françaises, Simon (2017)
s’est interrogée sur la différenciation de la
ET SOCIALISATION CIVIQUE
socialisation politique en fonction du
D’UN ÂGE À L’AUTRE genre. Les écarts observés en termes de
connaissances ont été principalement
Les ambitions, discours et préconisations corrélés à l’âge des élèves, puis au degré
sur l’éducation à la citoyenneté dans le de politisation des familles, à leur niveau
cadre de l’éducation scolaire visent à scolaire et à leur statut socioéconomique,
contribuer au versant civique de la so- en dernier lieu seulement au genre. Cet
cialisation politique, c’est-à-dire à la for- écart augmente cependant avec l’âge et
mation des représentations, attitudes et se cristallise sur certains domaines, en
pratiques politiques. Ils s’adressent à des particulier une moindre compétence en
élèves ayant une expérience de plus en politique internationale pour les filles.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 11/40
tive, qui permet d’effectuer des générali-
Ayant suivi pendant quatre ans sations à comparer au cas français.
les acteurs et les actions de deux
conseils municipaux d’enfants, L’enquête ICCS 2016 est la plus récente
Boone (2016) a été le témoin d’une série commencée en 1971 et consa-
de discussions politiques entre crée aux connaissances, attitudes, dispo-
enfants de 10-11 ans au moment sitions et comportements des élèves de
des élections présidentielles 14 ans environ (8th grade), ainsi qu’aux
françaises de 2012. L’existence valeurs qui les sous-tendent ; la France
de ces discours politisés entre n’a cependant jamais participé à cette
en conflit avec les pratiques enquête.
de « socialisation politique au
consensus » promues par les
adultes acteurs du dispositif Le Conseil national d’évaluation
étudié. Celui-ci est en effet du système scolaire (CNESCO)
conçu comme une première a lancé au printemps 2018 une
expérience citoyenne permettant enquête inédite par son ampleur.
aux enfants élus d’être socialisés Centrée sur les connaissances,
comme élus dans la mesure des représentations, attitudes et
compétences et des centres engagements civiques des
d’intérêts projetés sur eux par jeunes et l’éducation à la
les adultes : protection de citoyenneté, elle se compose
l’environnement, maintien du d’un questionnaire en ligne
lien intergénérationnel, sécurité et d’entretiens menés auprès
routière, etc. d’enseignants et de chefs
Pour l’auteur, les représentations d’établissement sur environ
sociales intériorisées par les 500 sites, soit près de
animateurs sont celles d’une 30 000 élèves de troisième
enfance homogénéisée, et de terminale, un millier
innocente et vulnérable, à d’enseignants d’EMC et
protéger des divisions politiques 525 personnels de direction. Les
du monde des adultes, par résultats de l’enquête paraitront
l’implication dans des tâches en septembre 2018 et février
fédératrices ancrées dans un 2019.
vécu quotidien, social et moral,
qui empêchent l’émergence
d’un discours politique critique
plus général. L’élection de Effectuée sur 94 000 élèves de 24 pays
ces jeunes élus dans un cadre situés en Europe, en Amérique latine et en
scolaire est d’ailleurs perçue Asie, l’enquête ICCS 2016 souligne parmi
comme un critère de confiance d’autres résultats une hausse générale
envers le dispositif plébiscité du niveau des connaissances civiques
par les parents, qui y associent (mesuré par un questionnaire à choix mul-
la neutralité politique des tiples) malgré des écarts de performances
enseignants partenaires. à ces tests (plus importants au sein même
d’un pays qu’entre systèmes éducatifs dif-
férents, marqués par des résultats plus éle-
Le collège : une phase particulière dans vés des filles, des élèves au statut socio-
l’étude de la construction des identités économique élevé et de ceux apparte- l
C’est-à-dire non
nant au groupe linguistique majoritaire du centrés sur la
citoyennes
pays). La tendance à se projeter une fois participation au
adulte vers un mode de participation non processus électoral
ou à des procédures
Les études qui se focalisent sur les collé- conventionnel l à la vie politique est corré- institutionnelles
giens sont quant à elles plus fréquemment lée à un degré de maitrise plus faible des de démocratie
fondées sur une méthodologie quantita- connaissances testées ; un engagement délibérative ou
participative.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


12/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
politique futur est lié à un niveau d’inté- gogiques et de la nécessité de mettre à
rêt élevé de l’élève et sa famille, à des disposition des adolescents des espaces
engagements scolaires extracurriculaires d’expression.
ou extrascolaires, et s’avère plus faible
pour les filles. Les valeurs démocratiques Le même groupe de chercheurs néerlan-
(élections libres, égalité des droits) sont dais a en effet abouti à partir d’enquêtes
majoritairement intériorisées ; les types menées en 2007-2008 à la définition de
de citoyenneté privilégiés renvoient selon quatre orientations civiques (intérêt social,
la typologie de Kahne et Westheimer pré- habiletés prosociales, pensée critique et
sentée plus haut à la responsabilité per- assertivité) chez les collégiens, combinant
sonnelle et à la participation (Schulz et al., connaissances, savoir-faire, attitudes et
2017). comportements dans quatre champs (agir
démocratiquement, agir de façon sociale-
La seule étude longitudinale de grande en- ment responsable, gestion de conflits et
vergure, Citizenship Education Longitudi- rapport à la différence) et deux domaines
nal Survey (CELS), menée en Angleterre de connaissances, civiques et sociales
de 2003 à 2014, suite à l’introduction d’un d’une part, interpersonnelles de l’autre. Ils
enseignement spécifique en 2002, a per- soulignent entre autres corrélations la fai-
mis d’isoler l’adolescence et la période du blesse de celle existant entre orientations
collège dans un processus plus long de et connaissances civiques.
construction de la citoyenneté. Si dans
l’ensemble la participation des élèves Les jeunes, du lycée à l’âge adulte : une
sondés à des activités de nature politique socialisation politique en transition
ou civique a augmenté avec l’âge (pour
les élèves restés dans le système scolaire
après 16 ans qui ont seuls pu être suivis Au lycée, à l’approche de l’âge de la majorité
en totalité), leurs attitudes politiques ont civile, les pratiques juvéniles se rapprochent
en partie varié en fonction de la conjonc- de de la norme de référence adulte en ma-
ture politique. Leur niveau de confiance tière de politisation. Les analyses portant
envers les institutions sociales et leur sen- sur les lycéens sont cependant plus rares
l timent d’efficacité personnelle sont restés que les études sur leurs ainés, les jeunes
Les propos suivants
synthétisent une assez stables, mais leur intérêt pour les adultes entre 18 et 30 ans. Muxel a dressé
intervention filmée questions politiques et leur niveau de dé- plusieurs tableaux successifs du rapport des
de Muxel devant le
Conseil d’État ayant
fiance envers les hommes et les femmes jeunes à la politique en France l. Dans une
eu lieu le 17 janvier politiques ont tous les deux augmenté. De intervention de janvier 2018 sur le thème
2018 dans le cadre nombreux indicateurs ont fait l’objet d’une « L’école de la Répubique fabrique-t-elle en-
d’un cycle annuel de baisse chez les élèves entre 14 et 16 ans : core des citoyens ? », la sociologue affirme
conférences sur la
citoyenneté.
intérêt politique, envie de participer à des que les formes de politisation lycéenne et
activités de groupe ou à des clubs. Les étudiante sont plus critiques, protestataires,
auteurs interprètent ce reflux conjoncturel privilégiant des formes variées d’expression
à « une phase distincte de l’adolescence, directe, les engagements alternatifs, voire
qui a une incidence sur leur engagement des formes violentes de radicalité politique,
et leurs pratiques citoyennes » (Keating, au détriment d’une participation conven-
Benton & Kerr, 2011). Dans le même tionnelle reflet et objet d’une défiance plus
ordre d’idées, Geboers, Geijsel, Admiraal, sociétale que générationnelle. Elle rappelle
Jorgensen et al. (2015) ont observé, en que la montée en puissance d’une citoyen-
suivant entre 2007 et 2010 une cohorte neté plus critique, appelant d’une part à
néerlandaise entre 12 et 16 ans, une plus de vigilance démocratique et à des
hausse des connaissances civiques, mais exigences en hausse, peut aussi conduire
un déclin de l’intérêt social, des habile- à l’attrait pour des solutions de repli, popu-
tés prosociales et de la pensée critique listes, autoritaires, extrémistes, qui se déve-
des élèves. Les auteurs interprètent ces loppent chez les jeunes adultes en Europe.
variations tant en termes de psychologie Appropriées, les valeurs républicaines sont
du développement par l’influence de la majoritairement associées à la liberté, l’État
puberté qu’à l’aune des pratiques péda- de droit garantissant les libertés indivi-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 13/40
duelles, devant l’égalité et la fraternité ; les Après ce tour d’horizon de l’actualité
symboles nationaux comme le drapeau et scientifique de notions majeures (citoyen-
les rituels comme la manifestation ont été neté, éducation à la citoyenneté, sociali-
mobilisés, notamment en 2015, par certains sation politique), il est nécessaire de dé-
jeunes. cliner la lecture que proposent plusieurs
chercheurs des mutations institutionnelles
Appliquant au tournant des années 2010 qui ont eu lieu en France dans la dernière
à un échantillon francilien d’environ décennie, d’un point de vue curriculaire,
600 lycéens aux caractéristiques socio- pédagogique et disciplinaire. Ces évolu-
démographiques contrastées une partie tions posent la question de l’articulation
du questionnaire ICCS, des chercheurs théorique et pratique d’une éducation sur,
américains ont étudié les dimensions per- par et pour la citoyenneté.
sonnelles (démographiques) et contex-
tuelles (environnement proche et natio-
nal) de l’engagement politique potentiel DES CADRES
des jeunes de 14 à 17 ans d’une part INSTITUTIONNELS EN
(Allen & Bang, 2015), et des jeunes ma-
jeurs (Allen, Berg & Bang, 2016) d’autre RECOMPOSITION
part. Leurs résultats confirment que « les
jeunes qui possèdent de plus grandes TOURNANT CIVIQUE,
connaissances dans le domaine politique TOURNANT AXIOLOGIQUE
ont plus de chances de participer à des
activités politiques conventionnelles »
« Enseignement moral », « morale
(Allen, Berg & Bang, 2016). Apprentis-
(laïque) » ou encore « transmission des
sages scolaires et dispositions politiques
valeurs de la République » saturent pé-
d’une part et perception de l’efficacité de
riodiquement les discours politiques et
la participation collective dans le cadre
médiatiques depuis dix ans : 2009 avait
scolaire de l’autre contribuent à forger la
en effet vu le retour de l’instruction morale
participation politique future.
et civique à l’école primaire. Les notions
convoquées interrogent l’ensemble du
monde éducatif par le biais des ten-
« Les élèves qui avaient une plus
sions que mettent au jour la pluralité des
grande conscience politique, des
conceptions véhiculées, la complexité de
discussions plus fréquentes sur
leur mise en réseau et enfin celle de leur
la politique avec les pairs, une
actualisation dans le cadre scolaire.
plus grande efficacité collective à
résoudre les problèmes à l’école,
et une plus grande confiance
L’enseignement moral et civique : une
dans les institutions publiques « quasi-discipline » désormais unifiée du
ont déclaré une intention ou une CP à la terminale
détermination nettement plus
forte de participer à des activités La genèse de l’enseignement moral et
politiques. » (Allen, Berg & Bang, civique, de 2012 à 2015, a commencé par
2016) la volonté du ministre de l’Éducation natio-
nale Peillon de faire enseigner « une mo-
rale laïque » définie comme « comprendre
ce qui est juste, distinguer le bien du mal
La sphère de la participation sociale est […] des devoirs autant que des droits, des
dans cet échantillon plus investie par les vertus et surtout des valeurs » (interview
filles que par les garçons, au contraire de en 2012 au Journal du Dimanche) avant
la participation politique non convention- d’ajouter les propos qui ont fait émerger la
nelle ; cette dernière est déclarée tou- controverse : « Si la république ne dit pas
jours dans cette enquête comme moins quelle est sa vision de ce que sont les ver-
probable par les garçons d’ascendance tus et les vices, le bien et le mal, le juste
extra-européenne. et l’injuste, d’autres le font à sa place. »

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


14/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
Le rapport remis au ministre par la com- tifs, entre sciences du monde social d’une
mission ad hoc a proposé quant à elle part et formation de la personne de l’autre
« un enseignement laïque de la morale » (Eurydice, 2017).
(Bergounioux, Loeffel & Schwartz, 2013).
Un avant-projet de programme a été pré-
senté le 3 juillet 2014, le programme en L’éducation morale appartient au
vigueur à la date de rédaction de ce dos- paysage didactique de certains
sier publié en juin 2015. espaces éducatifs francophones.
Au Québec, l’enseignement
Ce programme a été l’objet de très nom- d’« éthique et culture religieuse »
breuses publications et d’interventions ré- est obligatoire depuis 2008 ;
pétées de la part du président du groupe en Belgique francophone,
de travail du Conseil supérieur des pro- les cours de religion ou de
grammes, le philosophe Kahn, afin d’en « morale non confessionnelle »
expliciter les caractéristiques et d’en faire ont été amputés d’une heure
accepter la légitimité (Kahn, 2015, 2016a, hebdomadaire (voire de
2016b). Ces textes mettent en valeur les l’intégralité des deux heures pour
ruptures curriculaires nées de cette ré- les élèves faisant ce choix) au
forme : stabilité d’un même intitulé discipli- profit d’un nouvel enseignement
naire du CP à la terminale générale, tech- intitulé « philosophie et
nologique et professionnelle (hors ensei- citoyenneté » (Husser, 2017a).
gnement agricole), cohérence inédite des
programmes au-delà de l’année scolaire
avec une progression au sein des quatre
cycles de la scolarité obligatoire structu- Interrogeant la distinction savante entre
rés par un socle commun, articulation de morale et éthique en philosophie, Kahn
quatre entrées thématiques (la sensibi- (2016a) reconnait la dimension « perfec-
lité : soi et les autres ; le droit et la règle : tionniste », même « faible » de l’EMC, qui
des principes pour vivre avec les autres ; tend à « valoriser un certain modèle de vie
le jugement : penser par soi-même et et de comportement civiques, et égale-
avec les autres ; l’engagement : agir indi- ment des dispositions et des attitudes indi-
viduellement et avec les autres), construc- viduelles (l’estime de soi, la sensibilité aux
tion didactique spécifique qui s’appuie sur autres, le sens de l’engagement, le souci
l’interdisciplinarité en évitant l’écueil de la de l’intérêt général) ». Aujourd’hui, « bien
transversalité et qui dépasse la mission ci- que les programmes d’éducation civique
vique de la seule transmission des valeurs comportent une dimension morale, le fon-
de la République (Kahn, 2016a). dement moral du civisme républicain s’est
cependant perdu avec le temps, aussi
Cet enseignement soulève les questions parce que la morale du devoir et la morale
de l’articulation nouvelle entre dimensions des vertus qui supportaient traditionnelle-
individuelles et collectives d’une éducation ment le civisme républicain sont tombés
éthique revendiquée, relevant de la philo- en désuétude » (Loeffel, 2014). La critique
sophie morale, mais dialoguant nécessaire- sémantique exprimée lors des consul-
ment avec une dimension politique héritée. tations de 2014 portant sur le terme de
« morale », rappelant en France l’instruc-
Quelle morale pour un enseignement tion morale et civique instaurée à l’école
moral et civique ? primaire en 1882, est écartée ; le terme
« éthique » était cependant apparu pour
Une inflexion axiologique (concernant les d’autres « plus approprié à nos sociétés
valeurs) est constatée dans l’écriture des démocratiques, faisant davantage signe
programmes d’éducation à la citoyenneté vers la réflexion critique » et les dimen-
en France depuis 1985 (Ménard, 2017). sions réflexive, délibérative et émancipa-
Ce déplacement renvoie à une tension trice propres à l’enseignement, afin d’« ou-
au sujet de l’ancrages de l’éducation à la tiller l’autonomie et non de vouloir façon-
citoyenneté, selon les systèmes éduca- ner les personnalités » (Foray, 2016). Les
objectifs éducatifs liés à la formation de

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Regards sur la citoyenneté à l’école 15/40
la personne et du citoyen prennent place mier lieu la compétence « faire partager
dans le cadre d’une société démocratique les valeurs de la République », déclinée
où la pluralité des normes est admise, où selon deux axes :
un premier enjeu réside dans le maintien
− « savoir transmettre et faire partager
voire la consolidation du lien social et poli-
les principes de la vie démocratique
tique en tenant compte de cette diversité,
ainsi que les valeurs de la République :
et un second dans la construction pro-
la liberté, l’égalité, la fraternité ; la laï-
gressive et collective d’une individualité
cité ; le refus de toutes les discrimina-
autonome dans un univers de choix le
tions ;
plus ouvert possible. Le terme d’« ensei-
− aider les élèves à développer leur
gnement » moral et civique a prévalu,
esprit critique, à distinguer les savoirs
après « instruction » ou « éducation » : il
des opinions ou des croyances, à sa-
s’agit dans cette ligne d’une « appropria-
voir argumenter et à respecter la pen-
tion de savoirs (littéraires, scientifiques,
sée des autres. »
historiques, juridiques…). Il n’existe pas
de culture morale et civique sans les
Les nombreux débats médiatiques et
connaissances qui instruisent et éclairent
scientifiques portent depuis lors sur dif-
les choix et l’engagement éthiques et ci-
férents enjeux soulevés par ces textes
viques des personnes. » (bulletin officiel
(Dupeyron, 2016) l. Le premier consiste à
du 21 juin 2015).
éprouver la légitimité de cette visée, à cla-
rifier les notions de transmission (Gauchet, l
Le terme de « morale laïque » avait été Le curriculum caché
Blais & Ottavi, 2014), de valeur (Prairat,
discuté par Ogien (2014) dans l’optique désigne la part des
2015) et de principe juridique l, ou encore
du rejet d’un ordre moral destiné à conti- apprentissages
de République, entre continuité d’un patri- scolaires qui n’est
nuer à s’exercer au détriment des caté-
moine national et proclamation d’idéaux pas explicitement
gories populaires, dans la continuité de programmée par
démocratiques (Ozouf, 2015).
ce qui a été démontré par les travaux de l’institution.
sociologie critique des années 1970 : le
Le deuxième enjeu consiste à ne pas
curriculum caché l de l’école permettait
gommer les tensions liées aux choix l
de faire acquérir des dispositions inégale- Des enjeux semblables
sémantiques opérés, celles qui existent se retrouvent depuis
ment distribuées et attendues, notamment
au sein et entre ces notions et entre leur 2014 au Royaume-
entre enseignement professionnel (doci- Uni avec l’inscription
proclamation et leur caractère effectif
lité, obéissance) et général, reprenant des « valeurs
(Duclert, 2015). Le contexte depuis 2013
les lignes de séparation entre ordre pri- britanniques » dans le
a été marqué sous cet angle par des poli- curriculum.
maire et secondaire de la IIIe République
tiques publiques interministérielles cou-
(Ménard, 2017).
vrant un champ plus vaste que celui des
l
politiques éducatives, par exemple dans Au centre des
Transmettre les « valeurs de la le champ de la lutte contre le racisme et réflexions, la notion
République » : un projet civique l’antisémitisme, contre les discriminations
de laïcité est abordée
dans le numéro 46
réinterrogé et pour l’égalité femmes-hommes l. L’une (2017) intitulé « Laïcité
des tensions les plus vives se situe entre et morale à l’école »
Depuis au moins vingt ans, « le professeur adhésion critique individuelle et respect de la revue Éducation
et socialisation.
exerçant en collège, en lycée d’enseigne- d’une norme collective, entre « valeurs de
ment général et technologique ou en lycée la République » partagées et identification l
professionnel participe au service public du bien commun à une « République des Un rapport publié
valeurs » (Pélabay, 2011). en 2017 analyse les
d’éducation qui s’attache à transmettre
manuels publiés au
les valeurs de la République, notamment moment de la mise en
l’idéal laïque qui exclut toute discrimina- Le troisième enjeu consiste en l’analyse œuvre de l’EMC sous
tion de sexe, de culture ou de religion » des défis posés par le cadre scolaire de ce prisme (Filoche-
cette transmission. Cette question se pose Rommé & Berton-
(circulaire n° 97-123 de 1997). Il doit en
Schmitt, 2017).
plus depuis 2010 « faire comprendre et dans un cadre disciplinaire, par exemple
partager les valeurs de la République ». dans l’articulation des différents types de
Le référentiel des compétences profes- valeurs véhiculés par l’étude des textes lit-
sionnelles des métiers du professorat et téraires (Laroque & Raulet-Marcel, 2017).
de l’éducation publié en 2013 liste en pre- Face à une tentation transmissive, l’enjeu

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


16/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
est, selon Prairat (2015), non pas d’« im- tissage socio-émotionnel (social-emotio-
poser » des valeurs mais de les « propo- nal learning) promu par les uns, combattu
ser » pour les « rendre désirables » en par les autres, depuis son apparition aux
tenant compte de leur dimension cognitive États-Unis dans les années 1980. Ces
(liée à un contenu, à une idée), affective et approches font appel à l’empathie émo-
conative (orientée vers l’action). L’appro- tionnelle, parfois aussi appelée sympathie
priation d’une notion clé pour l’éducation (Ferry, 2015), s’appuyant dans le champ
démocratique pourrait passer par une de la psychologie cognitive sur la théorie
étude de ses acceptions et attributs, de de l’esprit l. L’objectif est cependant de
ses évolutions et manifestations, tensions sortir de cet état compassionnel, voire
et enjeux contemporains, enfin par la for- de la contagion émotionnelle positive ou
l
Dans son dossier mulation d’une position personnelle provi- négative (Ferry, 2015), d’en reconnaitre
de veille sur les soire (Sears, 2014). la valeur et la légitimité pour les dépasser
compétences (Kahn, 2016a) l.
sociales, Gaussel
la décrit comme DES PRATIQUES
l’« aptitude cognitive PÉDAGOGIQUES PLUS En termes disciplinaires, Nussbaum
permettant d’imputer (2011) propose de travailler les « émo-
une ou plusieurs COLLECTIVES tions démocratiques », « les facultés inté-
représentations rieures de pensée et d’émotion » néces-
mentales,
Les différentes dimensions qui constituent saires en régime démocratique, comme
par définition
inobservables, aux l’architecture des programmes d’EMC le respect et l’attention portés à autrui, à
autres individus » ont repris ou consacré des pratiques partir des « arts libéraux », avant tout la lit-
(Gaussel, 2018). pédagogiques puisées à différentes tra- térature (de l’album de jeunesse à la poé-
ditions. Toutes sont cependant centrées sie) et les arts. Les quatre dimensions de
sur la prise en compte de l’élève comme l’EMC étant pensées pour être pratiquées
l sujet épistémique et acteur social et sont conjointement et non de façon cloisonnée
L’impact des émotions
est aussi de plus en pensées pour contribuer à un climat de (Kahn, 2016b), l’éducation artistique peut
plus pris en compte classe ouvert et favorable à la discussion permettre de construire des liens entre
dans les recherches (Geboers et al., 2013 ; Schulz et al., 2017). sensibilité, émotion et jugement esthé-
sur les apprentissages :
au-delà des enjeux
tiques, contraintes techniques et fonction
de régulation des Éduquer à et par une nouvelle entrée, la politique des artistes (Nussbaum, 2011).
comportements dans sensibilité
l’enceinte scolaire,
capital émotionnel
et capital social Héritière de l’intellectualisme kantien, la Les enjeux proprement
sont pensés comme tradition scolaire promeut l’usage de la rai- politiques, plus que civils, de
possibles facteurs son : s’intéresser à la sensibilité à l’école la prise de charge scolaire de
d’amélioration la sensibilité, doivent en effet
des performances peut donc être présenté comme un « point
scolaires (Gaussel, véritablement nouveau » (Kahn, 2016a) être perçus pour ancrer cette
2018). hors enseignements spécifiquement dé- dimension dans l’apprentissage
diés aux arts. Le postulat de ce bascule- non seulement du vivre ensemble
ment renvoie à plusieurs évolutions : pro- mais bien de la citoyenneté. Kahn
motion des compétences et techniques (2016a) rappelle que « la vie […]
de gestion des conflits entre élèves dans civique […] est aussi faite, c’est
une optique de régulation des interactions une expérience commune à tous,
entre pairs, réaffirmation de l’ancrage des d’indignation, d’enthousiasme,
apprentissages dans une culture huma- d’admiration ». À partir
niste, réhabilitation des émotions dans le d’exemples tirés de l’histoire
champ politique. politique allemande du XXe siècle,
Frevert (2017) rappelle également
Les psychologues s’intéressent aux com- que la politique « se fonde sur
pétences émotionnelles, socioaffectives, des émotions ».
à la « capacité à adapter et à tempérer ses
émotions » (Gaussel, 2018) ; cette dimen-
sion interpersonnelle est perçue comme
une compétence sociale et civique à faire
acquérir à l’école par le biais d’un appren-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 17/40
La règle et le droit : de l’obéissance éventuelles, et montrer les fondements
à la loi à l’appropriation de concepts des règles retenues, dans le respect du
politiques principe de hiérarchie des normes, d’éga-
lité devant la loi, de transparence de la
sanction.
Héritage de l’introduction de l’enseigne-
ment du fait juridique dans les programmes
Le dispositif pédagogique du conseil
d’éducation civique en 1995 (Audigier,
d’élèves, temps et espace de dialogue à
2017), la dimension normative du deu-
l’échelle d’un groupe-classe ou d’un éta-
xième axe des programmes d’EMC ren-
blissement scolaire, est l’une des moda-
voie, dans un contexte de judiciarisation
lités par lesquelles peut être construit un
croissant de l’institution scolaire (Becquet,
rapport politique à la règle et au droit. La
2014), à la fonction socialisatrice de l’édu-
mention de ce type de pratiques dans
cation rapportée au civisme, et potentiel-
les programmes d’EMC peut être com-
lement au développement de la capacité
prise comme une reconnaissance d’un
d’abstraction des élèves.
dispositif emblématique des pédagogies
dites actives, nouvelles, institutionnelles ;
Les liens entre école et droit(s) se sont
mais plus qu’une technique, les conseils
renforcés depuis la fin des années 1980.
d’élèves sont pensés par leurs promo-
L’application du principe de laïcité à l’école
teurs comme participant d’un projet édu-
a été l’objet de différents textes de nature
catif global (Pagoni & Haeberli, 2010).
juridique (décisions du conseil d’État, cir-
culaires, lois). La reconnaissance de l’en-
fant comme sujet de droit par la Conven- l
tion internationale des droits de l’enfant L’analyse de conseils de La convention
coopérative dans une école internationale des
de 1989, ratifiée par la France en 1990, droits de l’enfant
a redéfini ces droits à l’école, comme fonctionnant selon les principes (CIDE), dont certains
celui de « se défendre dans le cas d’une de la pédagogie Freinet a articles figurent dans
procédure disciplinaire et le droit d’être permis à Pagoni (2010 ; voir les programmes
aussi Pagoni & Haeberli, 2010 d’EMC, n’est
entendus » l et à l’attribution en 1991 de cependant que peu
droits civils individuels et collectifs aux et Pagoni, 2011) de dégager connue : 44 % des
lycéens l dont la connaissance, la recon- les fonctions de ces dispositifs adultes et deux tiers
naissance et l’usage restent cependant pédagogiques. Les enseignants des enfants n’en
les « instrumentalisent » comme connaissent pas
limités (Becquet, 2017). l’existence, deux tiers
« outil de lutte contre la violence des adultes et 71 % des
L’enjeu éducatif et civique porte sur l’ap- et de maintien de l’ordre enfants le contenu ;
propriation d’une norme « instituée » scolaire », comme méthode de elle est mieux connue
« prise de décision concernant dans les catégories
(Kahn, 2016a), afin qu’elle ne soit plus professionnelles
pensée dans un rapport d’hétéronomie les problèmes de la classe et supérieures et des
(obéissance à l’adulte) mais à soi-même les propositions des élèves » parents nés dans les
(autonomie), en lien avec un projet poli- et temps d’« apprentissage années 1990 (Conseil
concernant l’analyse de de l’enfance et de
tique de souveraineté populaire où les l’adolescence, 2018).
citoyens délèguent leur capacité à élabo- situations soumises à discussion,
rer la loi à leurs représentants. Les ana- [d]’explicitation de leurs concepts l
« Dans les collèges et
logies entre les sphères juridique, poli- et [de] problématisation de leur les lycées, les élèves
tique et scolaire sont cependant en partie contenu » (Pagoni, 2010). disposent, dans le
respect du pluralisme
hasardeuses. Règles de vie de classe, et du principe de
règlement d’école ou d’établissement neutralité, de la liberté
n’obéissent pas au même ordre juridique. Pagoni distingue également trois types d’information et de la
liberté d’expression.
Lors de la rédaction en classe, à des fins d’actes de langage pris en charge par L’exercice de ces
d’autorégulation, de règles de vie collec- l’enseignant ou les élèves : évaluation, libertés ne peut porter
tives, dans une dimension « instituante » conceptualisation et orientation. Ces trois atteinte aux activités
(Kahn, 2016a), lister les droits et les catégories sont liées dans l’action, car d’enseignement. »
(article L511-2 du
devoirs des élèves doit pouvoir signifier « pour juger une action ou une situation Code de l’éducation)
distinguer des libertés, droits, obligations soumise à la discussion par les élèves,
et interdictions, formuler des sanctions il faut recourir aux règles de la classe et

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


18/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
en même temps analyser la situation et men », de la « délibération » et de la
le registre conceptuel dans lequel celui- « décision » ; le « raisonnement moral »
ci s’intègre. » La conceptualisation, rare- met « les élèves en situation d’argumen-
ment présente, prend en compte la dif- ter, de délibérer en s’initiant à la comple-
ficulté des enseignants à construire des xité des problèmes moraux, et de justifier
objets didactiques renvoyant à la « notion leurs choix » (Kahn, 2016b).
de loi, aux valeurs qui la fondent et aux
conditions de son application » (Pagoni, Cet exercice de la raison passe par la
2010). Elle permet de repenser l’objet proposition dans les programmes d’EMC
d’un litige (de la plainte personnelle aux de s’appuyer sur des dilemmes moraux,
difficultés liées à l’organisation du tra- dont l’ancrage théorique développé par
vail scolaire par exemple), de considérer Kohlberg est celui de stades du dévelop-
l l’application du droit sous un angle her- pement du jugement moral : « le stade
Dans la ligne du juriste
Dworkin, il s’agit moins
méneutique l, enfin de soutenir, voire de développement du jugement ne dé-
d’appliquer des règles d’institutionnaliser les « surgissements pend d’aucune façon de l’issue choisie
que de « réfléchir sur démocratiques » (Raimondi-Janner (la norme) pour sortir du dilemme moral
leurs fondements, 2006, cité dans Pagoni, 2010), de (trop) mais du contenu de l’argumentation
leur portée et leurs
limites par rapport aux
brèves co-constructions langagières au- morale pour justifier le choix de l’une ou
situations mises en tour d’une notion ou d’une proposition. l’autre des issues du dilemme » (Leleux,
débat. » (Pagoni, 2011) De façon générale, le bilan dressé à la 2014). Il s’agit de réfléchir individuel-
fin des années 2000 était en demi-teinte : lement et collectivement sur la nature
« la conception qu’ont les enseignants de des arguments avancés pour justifier un
la démocratie est très procédurale (vote, choix plus que sur la décision qui serait
élections, tours de parole, etc.) […] elle effectivement prise.
se réduit souvent à la prise de décision
par le vote à la majorité. En revanche, La notion de jugement est également
les dimensions liées à la culture démo- associée à une dimension politique.
cratique (débat, controverse ou la discus- L’objectif poursuivi pour la didacticienne
sion autour des valeurs démocratiques) belge Leleux dans les séquences qu’elle
ne sont que très rarement envisagées par construit est de « développer le jugement
les enseignants » lors de ces conseils de normatif des élèves en les faisant réflé-
coopération (Pagoni, 2010). chir et discuter sur des problématiques
morales et citoyennes » (Leleux, 2014).
L’exercice du jugement : de l’éthique au En Allemagne, les notions de « forma-
politique ? tion » et de « compétence de jugement
politique » sont au centre de la didac-
Discussion, débat et controverse sont tique de l’éducation (au) politique, fon-
des pratiques pédagogiques à privilé- dée à développer la capacité à porter un
gier pour contribuer à la formation du jugement autonome sur des objets rele-
jugement moral du futur citoyen. C’est vant du champ politique (Biedermann &
dans ce domaine que l’articulation entre Reichenbach, 2009).
morale (éthique) et politique semble la
moins explicite. Ces deux peuvent ce- L’espace public des débats politiques,
pendant se rejoindre autour du dispositif journalistiques, ou encore d’experts,
délibératif du débat, dont la conception constitue le point de référence de l’an-
défendue par le philosophe allemand crage politique de la pratique, toujours
Habermas, une « éthique de l’agir com- scolarisée, du débat. La forme sco-
municationnel », est aujourd’hui discu- laire du débat n’est par principe pas
tée par certains, au profit d’une lecture identique à la pratique sociale de réfé-
politique plus conflictuelle de ce dispositif rence à laquelle elle prépare les élèves
fondamentalement démocratique. « La (Knowles & Clark, 2018). La recherche
formation du jugement moral doit per- du consensus par la circulation de la
mettre de comprendre et de discuter les parole tend à y être aujourd’hui reléguée
choix moraux que chacun peut faire au au second plan par la possibilité même
cours de sa vie » par le biais de l’« exa- de dialoguer avec autrui. À une époque

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 19/40
où la polarisation des opinions est tissages, par le biais de contenus et mé-
croissante, le débat est pensé comme thodes spécifiques, articulés aux savoirs
« laboratoire du désaccord » (Ferry, produits par de nombreuses disciplines
2015). L’expression du conflit d’opi- contributives.
nions ou de valeurs a pour fonction de
transformer l’ennemi en adversaire, de L’histoire scolaire, entre intégration à la
faire basculer la conflictualité de l’ordre nation et formation de l’esprit critique
de la violence (physique ou verbale) à
celle de la reconnaissance réciproque Les rapports complexes de l’histoire sco-
(Knowles & Clark, 2018). Cependant, laire à la construction de la citoyenneté en
l’exposition à des opinions divergentes France ont fait l’objet d’un investissement
à laquelle contribue la mixité sociale institutionnel puis scientifique de premier
des établissement scolaires est du fait ordre depuis la fin du XIXe siècle l.
l
Pour un éclairage
des évolutions de la géographie des international sur
publics scolaires plus difficile à rencon- L’enseignement de l’histoire a connu
« les enjeux de la
construction d’une
trer, et donc d’autant plus difficile à gé- des mutations curriculaires vers une histoire scolaire
rer pour l’enseignant américain (Hess & « citoyenneté plurielle » (Legris, 2010) commune », voir
McAvoy, 2014). ouvrant la communauté nationale à Feyfant (2016).

d’autres aires culturelles à partir des


DES DISCIPLINES AU années 1980, dans la lignée d’une
CENTRE DES ENJEUX DE LA politique publique d’intégration conçue
CITOYENNETÉ « au moment où le discours sur les
travailleurs immigrés s’ethnicise et où le
discours raciste véhiculé par l’extrême
Au-delà d’une composante disciplinaire
droite se banalise », et sur la perspective
identifiable, l’éducation à la citoyenneté
d’un sentiment d’appartenance européen
est traditionnellement associée, voire inté-
à partir de la décennie suivante.
grée à l’enseignement des disciplines du
monde social. Ces dernières contribuent à
la construction de la citoyenneté, pratique
sociale de référence visée par les appren-

Quand les enfants et les adolescents écrivent leur histoire de France


Le sentiment d’appartenance à la nation fondé sur un passé commun
est perceptible dans les récits de l’histoire nationale produits par près de
6 000 élèves âgés de 11 à 19 ans en 2011-2012 : celle-ci est perçue comme
téléologique, dans une trilogie « révolution-république-démocratie »
synthétisant la conquête des droits et des libertés associées à la devise
nationale. « La conception de la justice est référée à des principes
politiques : la liberté et l’égalité, qui orientent la vision de l’histoire des
élèves » vers « une démocratie politique plutôt réduite à l’acte de voter, qui
en serait l’aboutissement heureux » (Lantheaume, 2016).
L’analyse lexicale du corpus montre un rapport au politique et à son
vocabulaire dominé par la référence aux droits plus qu’aux institutions, par
« un imaginaire républicain fondé sur des signes partagés qui semble bien
vivant, nourri qu’il est à bien d’autres sources que la seule école », enfin par
une « grammaire de la résistance et de l’action collective revendicatrice »
plus discrète. Les renouvèlements historiographiques en cours et leur
transposition didactique proposent dans cette perspective « un changement
de regard sur le présent, favorisant davantage l’engagement citoyen […] en
redonnant du poids aux acteurs et à la contingence dans le déroulement de
l’histoire » (Mercier, 2016).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


20/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
(Legris, 2010), puis aux enjeux de l’éduca-
« L’ouverture du “circuit tion au développement durable (Tutiaux-
d’écriture” des programmes à des Guillon, 2015) et au renouvèlement des
acteurs toujours plus nombreux notions au cœur des programmes d’ensei-
complexifie la conception du gnement. Dans sa synthèse sur la didac-
citoyen véhiculée par ces textes » tique de la géographie, Thémines (2016)
(Legris, 2010). souligne la fécondité des approches liées
à l’étude des controverses portant sur des
enjeux d’aménagement des territoires, à
la pratique du débat, mais déplore la faible
À l’heure actuelle, les débats portent sur la appropriation par les élèves de la notion
difficile articulation entre cette fonction so- d’acteur spatial, centrale pour comprendre
ciale d’intégration et de pacification d’une et situer l’action du citoyen sur l’espace et
part, et d’autre part les modes de pensée pour interroger les « conceptions de la
et les pratiques de l’histoire académique, justice auxquelles réfèrent l’argumenta-
fondée sur l’analyse critique des sources, tion et la prise de décision dans les débats
développant dans l’idéal par le biais de et l’action publique » ainsi que les enjeux
l’histoire scolaire l’outillage intellectuel liés aux « responsabilités individuelles et
du citoyen (Audigier, 2018). Durpaire collectives et à la nécessaire solidarité
(2016) montre à partir de l’exemple de entre les territoires, intra et intergéné-
l’enseignement de l’hymne national com- rationnelle. » Mis en œuvre et analysé
ment peut s’opérer par l’historicisation de entre autres dans le cadre de deux lieux
l’enseignement des symboles nationaux d’éducation associés de l’Institut français
(enseignement à la fois de leur contexte de l’éducation, l’enseignement, récent,
d’apparition et de leurs usages et signifi- de la géographie à partir d’une démarche
cations qui ont évolué au fil du temps) une prospective est une réponse possible à ce
prise de distance des enseignants vis-à- constat.
vis d’une citoyenneté d’adhésion.
Autre pan, plus récent et controversé dans
Les débats actuels sur l’enseignement de le débat public, d’une culture commune
l’histoire interrogent donc l’identité profes- en sciences humaines et sociales, les
sionnelle d’enseignants dont le paradigme programmes de sciences économiques
collectif hérité est celui des « 4 R » iden- et sociales ont pour objectif de contri-
tifiés par Audigier dans les années 1990 : buer, face à un public pour une minorité
« résultats des sciences, réalisme, re- de lycéens, « à leur formation citoyenne
fus du politique, référent consensuel » grâce à la maitrise de connaissances
(Tutiaux-Guillon, 2015). qui favorise la participation au débat pu-
blic sur les grands enjeux économiques,
sociaux et politiques », à la présentation
Les autres sciences humaines et
de « trois catégories fondamentales de
sociales : des trajectoires divergentes l’analyse politique en insistant d’abord
sur les spécificités de la relation de pou-
Praticiens, chercheurs et didacticiens de voir politique […] pour aborder ensuite la
la géographie, des sciences économiques question de la domination et de sa légiti-
et sociales et de la philosophie ont ces mation » dans le cadre de l’enseignement
dernières années (ré)intégré des préoccu- spécifique en première, puis éventuelle-
pations d’ordre politique dans leurs ana- ment grâce à la « réflexion informée et
lyses et dans la promotion de pratiques critique sur l’évolution de la vie politique
pédagogiques qui redéfinissent leur place contemporaine en France et en Europe »
dans l’ordre scolaire des disciplines. en enseignement de spécialité « sciences
sociales et politiques » en terminale. L’ap-
La dimension citoyenne de l’enseigne- profondissement de certains thèmes (le
ment de la géographie s’est progressive- système politique démocratique, la par-
ment renouvelée à partir de l’héritage de ticipation politique, l’ordre politique euro-
la connaissance du territoire national. Elle péen, etc.) s’y effectue à la lumière de no-
a été liée à l’enseignement de l’Europe tions (culture politique, répertoire d’action

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 21/40
politique, société civile organisée, etc.) enseignée à tous est un moyen pour cha-
et de démarches issues de la sociologie cun de prendre en compte les relations
politique universitaire. Un plaidoyer pour entre science, technologie et société dans
leur introduction dès l’école primaire a été ses futurs choix électoraux. Trois entrées
prononcé (Lahire, 2016) dans un contexte permettent tout d’abord de ne pas seule-
politique, médiatique et institutionnel où la ment présenter des résultats scientifiques, l
spécificité et la légitimité de cet enseigne- mais aussi faire comprendre leur carac- La réforme du lycée
annoncée en 2018
ment sont contestées l. tère construit et donc d’entrainer l’esprit prévoit de créer un
critique des élèves : énoncer les limites enseignement de
À l’opposé de ce relatif isolement, les en- de leur validité (dans le cas d’un modèle spécialité intitulé
jeux et pratiques liés à l’enseignement de par exemple), convoquer l’histoire des « histoire-géographie,
géopolitique et
la philosophie ont bénéficié des évolutions sciences et pratiquer la démarche d’in- sciences politiques »
récentes du curriculum d’éducation à la vestigation, quand bien même imparfaite- en première et
citoyenneté pour élargir leur assise et leur ment alignée sur la démarche hypothético- terminale générales.
visibilité institutionnelles l. La pratique de déductive des chercheurs.
la discussion à visée philosophique théo-
risée et défendue depuis le début des an- Largement investies par les didacticiens, l
Une chaire Unesco
nées 2000 s’est depuis partiellement muée les questions socialement vives croisent intitulée « pratiques
en discussion démocratique à visée philo- actualité sociale et médiatique, savoirs de la philosophie avec
les enfants : une base
sophique et constitue une pratique péda- de référence controversés (entre spécia-
éducative pour le
gogique présente dans les programmes listes disciplinaires, entre professionnels) dialogue interculturel
d’EMC. La dimension philosophique et incertitudes dans les savoirs scolaires, et la transformation
(conceptualisation, problématisation, argu- impliquant de nouvelles pratiques péda- sociale » a été
inaugurée en
mentation) de l’exercice s’articule avec un gogiques comme le débat. Les élèves
novembre 2016.
volet démocratique quand la pratique puis doivent dans ce cadre apprendre à dis-
la réflexion collective sur le débat portent tinguer discours scientifiques, prises de
sur le caractère égalitaire de la distribution position idéologiques ou éthiques, et leur
et de la circulation de la parole, ainsi que articulation. Pour être efficace, ce type de
sur une réflexion philosophique portant démarche doit prendre en compte le sys-
sur des notions telles que la liberté, le bien tème de valeurs des élèves et diminuer la
commun, etc. Des compétences et des distance avec l’objet à étudier, une ques-
« gestes professionnels » sont nécessaires tion vive dans l’espace social ne l’étant
à l’enseignant dans le rôle d’animateur de pas nécessairement pour les élèves. À
telles pratiques : anticipation, planification, rebours de propositions privilégiant l’en-
réactivité, « gestes de vigie, de vigilance in- rôlement dans des activités de nature
tellectuelle » et « gestes aussi qui assurent sociopolitique, dans le domaine de la pro-
une progression dans le débat » (Tozzi, tection de l’environnement par exemple,
2015). La discussion à visée philosophique et en convergence avec des propositions
a bénéficié de son rapprochement, no- relatives à la didactique de l’histoire-
tamment dans la didactique belge franco- géographie dans le cadre de l’éducation
phone, avec l’exigence de construction du au développement durable (Doussot &
jugement moral de l’élève en lien avec la Grandjean, 2014), Simmoneaux (2010,
théorie des dilemmes moraux et d’une légi- cité par Reverdy, 2018) propose quatre
timation par la production de résultats de pistes ouvrant à l’éducation au choix du
recherches empiriques dans ce domaine futur citoyen dans le cadre scolaire :
(Leleux, 2014).
− « analyse de la complexité inhérente à
la question étudiée ;
Disciplines scientifiques et formation de − examen de la question à partir de diffé-
l’esprit critique rents points de vue ;
− perception que la question doit être
La convergence avec les enjeux d’édu- soumise à des recherches complé-
cation à la citoyenneté est visible dans mentaires ;
un dernier champ, celui des questions − expression de scepticisme vis-à-vis
actuellement traitées en didactique des d’informations qui peuvent être biai-
sciences Une littératie scientifique civique sées ».

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


22/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
Cette liste peut être complétée par trois niveaux : celui de la discipline, peu
d’autres variables : identification des visible, celui du climat scolaire, pensé
risques, évaluation des savoirs produits comme contribution au vivre ensemble, et
par les acteurs, prise en compte de va- celui de l’institution, aux pratiques plus ou
leurs ou principes moraux, analyse des moins congruentes avec les discours, sur
modes de gouvernance et des rapports la durée d’une trajectoire scolaire.
de force locaux ou globaux (notamment la
concertation des individus concernés). Les recherches sur la conscience et le
vécu disciplinaire montrent, du moins
Ainsi, la « quasi-discipline » qu’est l’édu- avant l’apparition de l’EMC, l’invisibili-
cation à la citoyenneté, les dispositifs pé- té de l’instruction morale et civique ou
dagogiques et didactiques qui y sont liés, de l’éducation civique dans le socle des
les autres disciplines qui contribuent à la représentations, positives ou négatives,
formation du citoyen ont vu leur place, leur des disciplines scolaires à l’école et au
fonction et leurs cadres d’analyse évoluer collège (Reuter, 2016). À l’école primaire,
de façon plus ou moins notable. Il reste les enseignants y consacrent en effet du
à s’interroger sur la façon dont les re- temps selon les besoins du groupe-classe
cherches en éducation rendent compte de plus que dans le cadre d’une program-
la volonté et de la capacité des multiples mation pensée en amont, centrent leurs
acteurs éducatifs, élève et enseignants, interventions sur la gestion des conflits
personnels de vie scolaire et de direction, interpersonnels, dans une optique plus
à s’emparer de ces changements. comportementale ou civique que poli-
tique, concevant au Québec au moins cet
enseignement comme transversal (Fillion,
l
Réalisées en 2007,
LES PRATIQUES Prud’homme & Larouche, 2016). Les en-
2012 et 2017, ces DES ACTEURS : DES quêtes ministérielles CEDRE l permettent
enquêtes nationales elles-mêmes parfois difficilement de dis-
proposent un
état des lieux des
APPROPRIATIONS criminer l’éducation civique de l’histoire
connaissances et de MULTIPLES et de la géographie (DEPP, 2016), tout
l’enseignement de comme les élèves de collège subsument
l’histoire-géographie-
La dernière parte de de dossier est consa- possiblement trois matières sous la seule
éducation civique
crée aux élèves, aux enseignants et aux appellation « histoire » (Reuter, 2016).
(EMC) ; les résultats
de la vague d’enquête autres adultes qui, principalement à l’échelle
réalisée en 2017
de la classe ou de l’établissement scolaire, À l’échelle de l’établissement, les catégo-
sont attendus pour
sont interrogés par les tensions qui peuvent ries d’analyse institutionnelles et scienti-
juin 2018, ceux de la
émerger entre idéaux et prescriptions d’un fiques liées au climat scolaire, collectives
vague d’enquête de
2012 portaient sur des côté et exercice au quotidien de leur métier dans un premier temps (violences sco-
programmes récents
– dont celui d’élève – de l’autre. laires et incivilités), plus individualisées
(instruction morale et aujourd’hui (harcèlement et bienêtre),
civique) ou enseignés
sont présentes pour guider les recherches
pour la dernière fois, PRÉPARER ET PRATIQUER LA et l’action (Blaya, 2016). La médiation par
en troisième par
exemple. CITOYENNETÉ À L’ÉCOLE : UN les pairs, déployant le protocole technique
PARADOXE ? des « messages clairs », entre dans ce
cadre comme pratique d’éducation à la
La question se pose de la place et de la citoyenneté mentionnées dans les pro-
perception, dans le fonctionnement et les grammes d’EMC, dans la lignée d’une
pratiques scolaires, des valeurs et atti- « recherche légitime de la pacification
tudes liées à la notion de citoyenneté. de l’établissement scolaire » et « comme
adjuvant aux pratiques de délibération
La citoyenneté : un horizon d’attente et à l’affirmation d’une démocratie dans
laquelle chacun, avec ce qu’il apporte et
incompatible avec l’expérience scolaire
selon la volonté qu’il manifeste, a la pos-
des élèves ? sibilité de participer » (Condette-Castelain
L’expérience scolaire de l’apprentissage & Hue-Nonin, 2014). Ces dispositifs sont
de la citoyenneté s’effectue pour l’élève à ancrés dans le champ de la communi-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 23/40
cation non violente et plus largement de L’étendue et les effets de la mise en place
l’éducation à la non-violence et à la paix de ce type de programmes sont cependant
(Tutiaux-Guillon & Lefrançois, 2017). Ils encore peu étudiés de façon systéma-
permettent d’impliquer par voie de délé- tique en France (Conseil de l’enfance et de
gation la résolution de conflits mineurs l’adolescence, 2018 ; Condette-Castelain
aux élèves, la médiation étant efficace si & Hue-Nonin, 2014), alors qu’ils existent et
les élèves y sont formés et sont accompa- sont accompagnés depuis les années 1970
gnés : « ll ne s’agit pas de demander aux aux États-Unis ou ancrés dans le curriculum
jeunes de se substituer aux adultes, mais en Irlande du Nord (Condette, 2016).
de développer chez les médiateurs et les
élèves en général des compétences so- De façon systémique, un sentiment d’in-
ciales qui leur permettent de faire preuve justice et la perception de formes de stig-
d’empathie et d’écoute, d’apprendre à matisation et de discrimination sont docu-
communiquer et à argumenter de façon mentés en France et dans d’autres pays :
constructive » dans les établissements ces expériences scolaires questionnent la
dont la politique globale contribue à l’amé- construction scolaire de l’égalité comme
lioration du climat scolaire (Blaya, 2016). valeur et principe politiques.

Trois axes pour lire les inégalités scolaires


Verhoeven (2011) a mis en évidence à partir d’entretiens réalisés avec des
élèves belges de 16 à 18 ans « issus de l’immigration postcoloniale scolarisés
dans des établissements marqués à des degrés divers, par la relégation » trois
types de parcours en fonction de l’articulation de trois axes :
− inégalités sur l’axe distributif (marginalisation économique et exclusion,
inégal accès aux ressources éducatives et économiques, sociales et
culturelles qui en garantissent l’appropriation) ;
− sur l’axe symbolique un déni de reconnaissance l et de respect ;
l
− sur l’axe du pouvoir un inégal développement d’une capacité d’action et Travaillée par Ricoeur
de participation équitable à la vie sociale et publique. dans Parcours de la
reconnaissance (2004),
cette notion est au
centre de la réflexion
contemporaine
Dans le contexte français, l’étude de Les enseignants : des identités et en philosophie
Brinbaum et Primon (2013) montre à partir activités multiples politique, avec les
travaux de Taylor ou
de l’enquête Trajectoires et origines réali- de Honneth (2000)
sée par l’INSEE et l’INED auprès d’adultes Appréhendée sous des angles variés (phi- sur La lutte pour la
de 18 à 35 ans en 2008 que l’orientation losophie de l’éducation, sociologie poli- reconnaissance.
scolaire a cristallisé plus que les autres tique, analyse du travail), la question des
variables (notation, discipline et sanc- identités personnelles et professionnelles
tions, modes d’interpellation) le sentiment et de leur articulation avec les pratiques
d’injustice et la perception d’une discrimi- d’enseignement a été renouvelée par la
nation à caractère ethno-racial chez des demande institutionnelle et sociale d’édu-
élèves, plus garçons que filles, descen- cation à la citoyenneté.
dants d’immigrés africains. Les auteurs
rappellent que les différences entre par- Acteurs d’un milieu professionnel dont les
cours scolaires ont cependant majoritaire- attitudes politiques sont en recomposition
ment plus trait aux caractéristiques socio- (Sawicki, 2015), les enseignants doivent
économiques et familiales qu’aux origines composer avec un rapport complexe à
migratoires de ces anciens élèves, et que leur activité, comme citoyens, intellectuels
le sentiment de discrimination à l’em- critiques et fonctionnaires d’État (Duclert,
bauche est lié à une orientation scolaire 2015).
contrariée.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


24/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
La relation éducative : des idéaux
Bozec (2014) distinguait à la fin toujours répétés, débattus, jamais
des années 2000 trois façons appliqués ?
de concevoir la citoyenneté
et l’éducation civique à l’école L’exemplarité de la relation éducative est
primaire, croisées avec « les souvent considérée comme un préalable
orientations idéologiques » des à l’appropriation de valeurs par l’élève.
enquêtés : ancrées en minorité Les débats sur leur nature et leur actua-
dans « l’obéissance politique et lisation en classe se jouent entre autres
la connaissance et le respect dans l’ordre de l’éthique enseignante, de
des institutions », « fortement la mise en avant de pratiques pédago-
associées à la construction d’une giques collaboratives et du renouvèlement
opinion libre et d’une posture des pratiques d’évaluation.
critique à l’égard de toutes les
formes d’autorités sociales et L’évocation d’un sentiment d’humiliation,
politiques », enfin préparant à contraire à la construction du sentiment de
« une citoyenneté individuelle et dignité, dans le domaine du travail scolaire,
intellectualiste ». par le biais de la notation ou de l’inégale ap-
plication par les adultes de certaines normes
sociales et scolaires comme la ponctualité,
est ancienne (Merle, 2012). Dans la lignée
Barthes et Lange (2018) proposent sur de ces travaux antérieurs, Prairat (2017)
un autre objet (la posture des cher- propose de réfléchir à un code de déon-
cheurs face à l’éducation au dévelop- tologie (rédigé au sein de la communauté
pement durable) une typologie entre professionnelle) où une éthique de la justice
« acceptants », « descripteurs/prescrip- (égalité et équité), de la sollicitude et du tact
l teurs de nouvelles procédures », « sys- seraient au contraire au centre de l’agir pro-
Voir entre autres témiques », « controverses », « cri- fessionnel enseignant. Les catégories de
Drahi (2017) sur
tiques » et « didactiques » qui pourrait justice et de justesse sont en effet implici-
l’enseignement du
génocide des Juifs ; être heuristiquement féconde dans le tement mobilisées par les élèves dans leur
Urgelli, Guelladress champ de l’éducation à la citoyenneté rapport à l’école : « ils se réfèrent à une
& Quentin (2018) sur et pour les enseignants. exigence de justesse (des savoirs de qua-
le créationnisme.
lité doivent être acquis à l’école) et à une
Le programme de
recherche international Une partie des recherches actuelles est exigence de justice (l’égalité et le respect
et interdisciplinaire menée de façon à comprendre, par le réciproque doivent marquer les interactions
REDISCO (2015- biais d’opérations de catégorisation, scolaires entre les personnes » (Claude
2020) enrichit à
les types de stratégies, ressources et & Rayou, 2018).
l’heure actuelle ce
type d’approche attitudes déclarées être mobilisées par
en l’adressant à les enseignants pour faire face à l’en- Enfin, présente au quotidien dans la rela-
l’ensemble de seignement de questions socialement tion enseignant-élève, l’évaluation pose
la communauté
vives l. différents problèmes, qui rejoignent et
éducative sous l’angle
« religions, racisme et amplifient dans le cas de l’éducation à la
discriminations » en L’ensemble de ces évolutions contribue citoyenneté, en raison de la dimension
milieu scolaire. à légitimer les discours récurrents sur la politique du sujet, les questions posées
nécessité de repenser la formation des par l’évaluation de façon générale, et des
l
En France, l’EMC est enseignants, en direction d’une meil- compétences en particulier. Dans les pres-
évalué en lien avec leure capacité à gérer la controverse criptions officielles, la diversité est la règle
l’histoire-géographie (Bongrand, 2016 ; Husser, 2017b), ou en Europe : questionnaire à choix multiple,
lors des épreuves sur un travail conceptuel approfondi au- composition écrite ou essai, observations
écrites du brevet
et du baccalauréat tour de la notion de citoyenneté, en vue des enseignants, projet, portfolio, auto-
professionnel ; d’une prise de conscience des enjeux évaluation et évaluation par les pairs
l’oral du brevet peut des pratiques pédagogiques ordinaires (Eurydice, 2017) l. La mise en œuvre
également porter et d’une intensification des échanges de la note de vie scolaire, introduite au
depuis 2017 sur le
parcours citoyen de entre collègues (Willemse, 2015). collège en 2006 et supprimée en 2014,
l’élève. s’était révélée inégale (Pontier, 2017).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 25/40
le suivi scolaire s’effectue dans le cadre
Daas, Dam et Dijkstra (2016) d’un groupe d’élèves, donc n’évacue pas
ont comparé quatre outils la question de l’hétéronomie et de l’image
d’évaluation de l’éducation de soi que l’élève donnera à voir, de la
à la citoyenneté, dont « les comparaison et de ses critères, du temps
avantages et les inconvénients de correction nécessaire selon le format
[…] sont associés à des objectifs choisi (Daas, Dam & Dijkstra, 2016).
spécifiques », au regard de sept
critères qu’ils ont identifiés. Tests L’EXPÉRIENCE DE
et questionnaires, portfolio, L’ENGAGEMENT DANS LE
évaluation s’appuyant sur un CADRE SCOLAIRE : QUELS
jeu en ligne et études de cas
servent avec plus ou moins
APPRENTISSAGES ?
d’efficacité différents objectifs :
comparer les élèves et leurs Quatrième entrée dans les programmes
performances vis-à-vis d’une d’enseignement moral et civique, « l’en-
norme, fournir des informations gagement : agir individuellement et col-
aux enseignants et aux élèves lectivement » fait écho à des « bonnes
pour orienter un apprentissage pratiques » relayées par différents orga-
futur, proposer une conception nismes (Guilfole, Delander & Kreck, 2016 ;
large de la citoyenneté pour Eurydice, 2017) visant à entrainer progres-
permettre aux élèves de sivement à la participation au jeu démocra-
construire une compréhension tique et à la prise de responsabilité afférente
et des croyances personnelles, via des dispositifs de représentation ou des
permettre de rendre compte pratiques associatives encadrées. Se rat-
du développement d’une tachant à la tradition inaugurée par Dewey,
compétence évaluée à plusieurs ces pratiques pédagogiques sont sous-ten-
reprises, intégrer l’évaluation dues par une conception expérientielle des
dans des contextes porteurs apprentissages qui nécessitent un retour
de sens et enfin à en garantir la réflexif sur l’activité ; cette dimension est
faisabilité. néanmoins peu présente dans les ques-
tions de recherche (Geboers et al., 2013).

Le caractère volontaire de l’expérience


Centrée le plus souvent sur la vérification de l’engagement doit également être pris
des acquis en termes de connaissances en compte pour évaluer les résultats des
et de compréhension, l’évaluation som- études portant sur l’efficacité des disposi-
mative méconnait les autres dimensions tifs d’engagement (Mager & Nowak, 2012).
(attitudes, valeurs) également promues Ce biais d’auto-sélection des participants
aujourd’hui, mais moins souvent évaluées réduit le champ de ces dispositifs à ceux
car plus complexes à mesurer, et met en qui ne considèrent pas l’école seulement
avant une scène scolaire compétitive, comme un lieu d’apprentissage, qui dé-
hiérarchisée, classant entre eux les élèves gagent un temps compté, en particulier
au vu d’une norme qui pourrait mener en au lycée, et qui montrent de l’intérêt pour
poussant le raisonnement à son terme à ces activités. Reprenant à leur compte
considérer certains élèves comme des des observations effectuées à la fin des
« citoyens en échec » l. Alternative for- années 2000 par Condette, Grimault- l
Aux États-Unis,
mative à ce type d’évaluation, le portfolio Leprince et Merle (2018) soulignent plusieurs États
consiste en une sélection de ses travaux qu’« une toute petite minorité d’élèves a appliquent ou sont en

par un élève, montrant ses progrès et ses une motivation forte pour participer, motiva- train de faire adopter
des lois qui font
réalisations, comportant donc des traces tion liée au projet scolaire et professionnel,
reposer l’évaluation
de réflexivité, permettant de résoudre la la participation pouvant favoriser des rela- des élèves sur la base
question de la temporalité longue de la tions privilégiées avec les enseignants et des 100 questions que

formation du citoyen. La place de l’ensei- l’acquisition de compétences telle l’aisance comportent le test de
naturalisation (Brennan
gnant reste cependant posée, puisque orale et relationnelle. » Les dispositifs d’in-
& Railey, 2016).
citation à l’engagement doivent donc être

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


26/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
analysés sous l’angle de la « conditionna- Les limites de la représentation du point
lité » qui vient nuancer le principe d’égalité de vue des élèves sont cependant nom-
théorique face à cette offre : propriétés so- breuses et abondamment soulignées dans
ciales (âge, origine sociale, etc.), socialisa- les travaux de recherche depuis la géné-
tion à l’engagement (parents, expériences ralisation de la « démocratie lycéenne »
antérieures, etc.), cercle social (médiation dans les années 1990 (Eurydice, 2017 ;
par les proches) d’un côté, effets des carac- Chauvigné, 2014). L’élection des délégués
téristiques sociales et techniques (principes, de classe prépare sans isomorphisme au
objet, technicité, etc.) et du fonctionnement rituel du vote, symbole et outil de la démo-
du dispositif de l’autre doivent être adaptés cratie représentative : l’abstention y est
au public pour que le dispositif mis en place par exemple impensée, les élèves ne sont
atteigne le public visé (Becquet, 2016). pas concernés par l’affiliation à des syn-
dicats ou partis politiques. Le caractère
Les instances représentatives : spécifique de l’élection en contexte sco-
apprendre la démocratie par la laire n’est pas toujours explicité. En raison
pratique ? du faible nombre d’élèves concernés par
la délégation (deux titulaires et deux sup-
pléants par classe), il s’agit peut-être en
Approfondissement d’une fait de socialiser de façon parcimonieuse
tendance historique qui a de futurs élus, de les éduquer à représen-
débuté au lendemain de la ter selon des règles démocratiques. Du
Seconde Guerre mondiale côté de ces élèves délégués, cette partici-
avec l’apparition de « chefs de pation est vécue sur le mode de la désillu-
classe » dans l’enseignement sion. Les assemblées où ils font nombre l
l
secondaire en 1945 l, le dispositif sont consultatives (Conseils de la vie
L’« apprentissage
de la vie sociale et, de représentation des élèves lycéenne) et non décisionnelles. A contra-
singulièrement, de la peut être considéré comme rio, les élèves anglais sont consultés en
vie démocratique »
« relativement complet » amont des visites et évaluations d’établis-
figurait au programme
(Becquet, 2014) à l’heure sements, qui font partie des dispositifs de
du chapitre VI, intitulé
« l’éducation morale actuelle. Ce type d’instance s’est régulation du système éducatif (Eurydice,
et civique », du plan généralisé en Europe, où une 2017). En France, il est difficile pour les
Langevin-Wallon de
hausse est encore constatée élèves délégués d’aller à l’encontre d’un
1947.
entre 2012 et 2017 : il est présent ordre social hiérarchique préexistant, où
l dans les recommandations les adultes font peu confiance à des ado-
Dix lycéens par conseil
nationales de 39 pays sur 42 lescents dont le degré de légitimité ou de
de la vie lycéenne, soit maturité est questionné, de trouver des
42 000 jeunes élus (Eurydice, 2017). En France,
pour deux ans (Conseil le mouvement s’accélère en domaines où ils soient réellement en me-
de l’enfance et de 1985 avec la création des sure de négocier, voire d’entrer en conflit
l’adolescence, 2018)
établissements publics locaux avec des adultes et de l’assumer : la vie
l d’enseignement (présence de lycéenne est en grande partie dépolitisée
Pour une restitution
délégués des élèves au conseil (Becquet, 2014). La présence à un conseil
ethnologique
d’un processus d’administration), puis en 1991 ne garantit pas l’exercice d’une influence
d’accompagnement
avec le conseil académique de sur la prise de décision, encore moins sur
d’élèves délégués à
la vie lycéenne, en 1995 avec la prise d’initiative en amont de celle-ci.
l’échelon national
le conseil national de la vie Le rôle des adultes accompagnateurs de
dans l’enseignement
agricole, voir Sahuc lycéenne, en 2000 avec le conseil ces élèves serait alors de ne pas seule-
(2014).
de la vie lycéenne et en 2016 ment bien élire et bien former les délé-
avec conseil de la vie collégienne gués, mais aussi de les accompagner à
(sur la base du volontariat). Un comprendre le sens et les limites de leurs
« acte II de la vie lycéenne » a fonctions, et les compétences qu’ils déve-
en effet été décrété en 2013, loppent (Chauvigné, 2014 l).
des « semaines de l’engagement
lycéen » organisées en début Des effets positifs ont pourtant été observés
d’année scolaire à partir de 2014. dans des champs très larges en termes de
compétences, plus ou moins explicitement

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 27/40
liés à l’exercice futur de la citoyenneté et au tions des conseillers principaux d’éducation.
fonctionnement pacifié des établissements Leur rôle oscille donc entre celui de garant
scolaires, et recensés dans le cadre d’une de l’ordre et du climat scolaire et celui de
revue de littérature principalement anglo- mentor de jeunes construisant leurs compé-
saxonne (Mager & Nowak, 2012). Ces tences citoyennes dans le cadre né en 1968
acquis se situent principalement dans le des foyers des élèves, devenus foyers so- l
Sens des
champ des habiletés fondamentales (dites cioéducatifs puis parfois maison des lycéens responsabilités,
life skills l), de l’estime de soi et du statut (2010), associations gérées directement compétences de
social aux yeux des pairs, des compétences par des élèves âgés de plus de 16 ans. Le communication,
sens du leadership,
démocratiques et civiques (connaissance métier de CPE pose cependant depuis sa compétences sociales,
et compréhension des valeurs, processus création en 1970 (en remplacement de la organisationnelles
et pratiques démocratiques), des relations fonction de surveillant général) la question et de collaboration,
entre adultes et élèves (meilleure compré- de la division du travail entre enseignants, respect, prise de
décision, résolution
hension des points de vue réciproques, personnels de vie scolaire et de direction au de problèmes, sens
meilleure communication avec l’administra- sujet de la dimension éducative de la scola- des réalités et du
tion), amélioration enfin du climat scolaire rité, entre enseignement, accompagnement compromis.
(acceptation des règles, sentiment d’être et pilotage (Chauvigné, 2013 ; Condette,
écouté et entendu). 2013). Des compétences spécifiques sont
mobilisées par les adultes dans une optique
Fondés autant sur l’émergence d’un droit d’autonomisation progressive des élèves.
à la parole des enfants en application Levy (2016) en propose une typologie à par-
des textes internationaux en vigueur que tir de l’observation du fonctionnement d’un
sur une nouvelle conception de l’éduca- club scolaire de type MUN (Model UN).
tion à la citoyenneté par la pratique, ces
dispositifs participent de l’intégration des
élèves à une nouvelle forme de gouver- Qu’est-ce qu’un club MUN ?
nance scolaire qui en fait des usagers ac- L’activité de ce type de
tifs pour mieux faire fonctionner l’institution clubs, développés aux États-
dans une logique de school improvement Unis dans les années 1940
(Mager & Nowak, 2012). La mise en place consiste à préparer au sein
à titre expérimental de budgets participatifs d’un établissement scolaire la
lycéens en Poitou-Charentes entre 2004 participation à une simulation
et 2011, suivie par Mazeaud (2012) illustre globale inter-établissements
les modalités (délibération, vote) de ce rôle de sessions de travail de
pour les élèves et ses apports potentiels, l’Organisation des nations
comme la mise en débat à partir de déci- unies. Les objectifs en termes
sions locales des notions d’intérêt général d’éducation à la citoyenneté sont
ou de destination de la dépense publique. d’une part de sensibiliser les élèves
à la diversité des enjeux mondiaux
Accompagner la construction de et à leur mode de résolution
l’autonomie des élèves diplomatique, et de l’autre de
développer leur intérêt et leur
La participation à la vie associative dans le sentiment d’efficacité, prédicteurs
cadre scolaire mais extracurriculaire s’effec- de participation politique future.
tue dans différents domaines : sport, arts, Présentant historiquement
bénévolat, ouverture internationale, etc. Elle des caractères de sélection
est considérée comme une pratique assez socioéconomique marqués, ces
efficace en termes de développement d’atti- clubs sont cependant de plus en
tudes liées à des actions socialement res- plus nombreux aux États-Unis et
ponsables et à un agir politique démocra- dans le monde, et des scénarios
tique (Geboers et al., 2013). pédagogiques plus modestes
mais poursuivant des objectifs
En France, dans le second degré, la similaires de simulations politiques
construction par les élèves d’une « citoyen- s’en inspirent.
neté participative » fait partie des attribu-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


28/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
Le cadre d’analyse de l’auteur est fourni les participants, à des niveaux différents
par un modèle de partenariat jeunes- (Bordes & Idayassine, 2016).
adultes, selon lequel plusieurs jeunes et
adultes délibèrent et agissent ensemble Représentation, participation,
d’une manière collective et démocratique responsabilisation… engagement ?
sur un temps long, en se partageant la
réalisation de tâches, dans le but de ren- La notion d’engagement telle que présen-
forcer une organisation et/ou de promou- tée jusqu’à présent recouvre parfois celle
voir la justice sociale et/ou répondre à un de l’engagement politique au sens que
problème rencontré par une communauté. lui donnent Checkoway & Aldana (2013),
L’encapacitation (empowerment) a lieu si celle d’« un processus par lequel des per-
le partenariat est authentique (les contri- sonnes agissent collectivement pour trai-
butions des jeunes sont réellement prises ter de problèmes d’intérêt public ».
l en compte) et si un transfert progressif
Aux États-Unis, en des capacités décisionnelles en direction Présenté comme un dispositif d’engage-
particulier dans l’État
du Massachusetts,
de ces derniers a lieu. Levy a identifié trois ment à l’intention des jeunes adultes, le
une tendance émerge modalités de soutien, intellectuel, organi- service civique, rénové en 2010, est en
en faveur d’une sationnel et personnel, apportées par les France réservé en raison de sa durée (de
extension dans le conseillers adultes : six mois à un an) à des jeunes de 16 à
cadre du bachelor
de la mission civique − les aspects intellectuels concernent 25 ans libérés des contraintes, notam-
des universités ; l’apport d’informations sur les sujets ment de calendrier, du système scolaire.
cette tendance
est cependant
traités lors des journées de simu- Il permet d’effectuer une mission d’intérêt
questionnée par lation globale, l’aide à la recherche général au sein d’associations, de collec-
Matsuda (2014) qui d’information et à son organisation, les tivités territoriales et d’établissements pu-
met en avant les conseils prodigués à la demande des blics. Les jeunes adultes, surtout depuis
logiques économique
et professionnelle
élèves dans le champ des habiletés et 2010, le perçoivent avant tout comme un
de l’enseignement stratégies politiques (prise de parole, engagement envers soi, dans une logique
supérieur. négociation, rédaction de documents) de formation ou de parcours, d’acquisi-
et les informations historiques sur le tion de compétences valorisables dans le
club dont ils sont les garants de la mé- cadre d’un cursus universitaire ou lors de
l moire ; l’entrée sur le marché du travail, plus que
Avant sa refondation
en 2015-2016, la − d’un point de vue organisationnel, ils comme un engagement civique au ser-
notion de « parcours se présentent comme des partenaires vice du lien social, tel que les institutions
civique » a désigné expérimentés qui délèguent des tâches publiques le conçoivent et le présentent
la façon dont l’école (Becquet, 2014). La question de l’exis-
complexes (par exemple dans le do-
devait reprendre à
son compte une maine de la logistique), avec un droit tence de telles stratégies d’engagement
partie la formation à l’erreur pour les élèves mais aussi un envers soi mérite d’être posée pour les
des futurs citoyens à contrôle exercé sur les responsabilités activités ayant lieu dans le cadre scolaire.
la défense suite à la Ce service civique pose également la
exercées, avec d’éventuels rappels
suspension du service
national en 1997 ; au cas où le manque d’engagement question politiquement vive des bornes
une évaluation par la entraine des dysfonctionnements de temporelles à fixer au « parcours citoyen »
DEPP de l’éducation l’activité du club ; au-delà de la scolarité obligatoire et des
à la défense devrait institutions qui pourraient en assurer le
− le soutien personnel prend la forme
d’ailleurs avoir lieu en
2018 et ses résultats d’encouragements (reconnaissance suivi : associations, établissements d’en-
être publiés en 2019. des efforts accomplis, fonction de seignement supérieur l, voire armée,
conseil) et d’une importante disponibi- dans la logique civique du service national
lité. aujourd’hui suspendu l.

Cet accompagnement est synonyme de Les liens sont historiquement plus étroits
secondarité (valorisation par celui qui ac- durant les années de scolarité obliga-
compagne de celui qui est accompagné), toire dans la sphère anglo-saxonne entre
de cheminement, d’implication, de transi- élèves, établissements et environnement
tion (début, développement et fin de l’ac- par le biais du service communautaire, plus
compagnement) et de réciprocité : ce type ou moins articulé à des stratégies d’ensei-
de relation éducative fait apprendre à tous gnement. Présentés comme « bonnes

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 29/40
pratiques », ces programmes s’avèrent mentation et l’action entreprise pour dans
efficaces sur la base du volontariat l’idéal éradiquer, et non pas seulement
(Geboers et al., 2013) ; ils peuvent prendre pallier, cet état de faits. Dans le cadre de
plusieurs visages, plus ou moins sociaux recherches-actions participatives pour
ou politiques, plus ou moins orientés vers les jeunes, les élèves contribuent parfois
la philanthropie et un ancrage caritatif ou à documenter, voire à résoudre des pro-
vers des projets visant à contribuer à plus blèmes réels rencontrés dans leur com-
de justice sociale. Westheimer & Kahne munauté, dans une lecture extensive de la
(2004) distinguent à titre d’exemple la pédagogie de projet (Banks, 2017). Dans
participation à une distribution alimen- tous les cas, ces projets ouverts sur l’exté-
taire, l’aide à son organisation, le fait de rieur dépendent de la bonne entente avec
s’informer sur les inégalités d’accès à l’ali- différents partenaires.

Checkoway & Aldana (2013) dressent un panorama des formes


d’engagement civique proposées aux jeunes États-uniens, dans un cadre
scolaire ou extrascolaire :
− participation des citoyens aux institutions politiques existantes par le
vote, la prise de parole devant une commission ou lors d’une audition
publique ; ancrée dans les pratiques scolaires, cette possibilité qui met
en avant le bien commun est cependant relativisée par l’analyse critique
des auteurs qui soulignent les relations de domination existantes dans le
champ politique au détriment des citoyens, en particulier des plus margi-
nalisés ;
− organisation en groupe d’action sur une base communautaire afin de dis-
poser d’un pouvoir d’action collectif ;
− dialogue intergroupe : pratiqué dans certains cours universitaires, ce
format de discussion structurée a pour objectif de rendre les étudiants
conscients de leurs identités sociales et des différents systèmes et rela-
tions de pouvoir ; cependant, « son incidence dans les établissements
secondaires est faible, car les enseignants actuels manquent de forma-
tion, les parents ne sont pas préparés à demander des comptes aux ins-
titutions, et les membres des conseils d’administration ne sont pas fami-
liers, voire résistent à cette approche, même si elle est un instrument de
démocratie » ;
− développement sociopolitique ;
− service communautaire ;
− défense d’intérêts ;
− développement local.

Le rôle des jeunes, et donc potentielle- DE L’ÉCOLE AUX


ment des élèves, diffère selon les dispo- TERRITOIRES : LES RÉSEAUX
sitifs : citoyens en devenir, organisateurs,
porte-paroles, agents de changement,
DE L’ÉDUCATION À LA
interlocuteurs, passeurs. Au-delà de leurs CITOYENNETÉ l
Pris sous l’angle de la
différences, ces manières de faire pos- sociologie de l’action
publique, l’étude de
tulent que les jeunes sont des citoyens De façon générale, les acteurs du sys- l’implémentation
compétents qui participent activement à tème éducatif interagissent de plus en de l’éducation à
la construction de leur cadre de vie et y plus avec d’autres acteurs, selon des for- la citoyenneté se
exercent une réelle influence, plus que mats qui interrogent l’efficacité de la mise positionne à différents
endroits du « cycle
des « problèmes » (Checkoway & Aldana, en place de nouvelle politiques publiques politique » : définition,
2013) ou des usagers. de l’échelle du dispositif institutionnel à traduction en pratiques
celui des pratiques pédagogiques l. effectives, évaluation
(Kerr & Keating, 2011).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


30/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
La formation du citoyen : un Pour Barrère (2013), sociologue du travail
nouveau dispositif et de l’éducation, ces dispositifs, comme
d’autres à l’heure actuelle dans l’écono-
Le pilotage institutionnel du pilo- mie de l’institution scolaire, présentent
tage de l’éducation à la citoyen- des caractéristiques communes : l’éduca-
neté s’est complexifié en quelques tion à la citoyenneté telle que présentée
années : comités d’éducation à la ci-dessus illustre et en même temps parti-
santé et à la citoyenneté (en établis- cipe de la construction de ces tendances
sement, en interdegré, interétablis- de fond. Il s’agit par ces dispositifs de
sements, départementaux et acadé- « combiner pérennité et urgence », « d’in-
miques) dont les missions d’interface nover et d’inventer rapidement, mais
avec les autres administrations, les pa- conformément aux prescriptions et à la
rents et les associations partenaires de règle ». Signe d’« ouverture progressive
l’école ont été réaffirmées en 2016, mise des établissement scolaires aux terri-
en place du parcours citoyen et de la ré- toires, pour y mener des actions censées
serve citoyenne de l’Éducation nationale être plus adaptées et efficaces », les dis-
en 2015, multiplication des référents positifs permettent en réalité « de consti-
académiques ou locaux aux champs tuer une alternative ponctuelle, d’une ma-
d’action définis à la fois par des orien- nière ou d’une autre, au fonctionnement
tations nationales et des pratiques an- ordinaire de l’école », à faire concurrence
crées dans des environnements profes- à l’ordinaire de la classe.
sionnels variés (mémoire et citoyenneté
en 2012, laïcité, radicalisation, corres- Mettre en système les initiatives à
pondants académiques pour l’éducation l’échelle de l’établissement
à la défense, réserve citoyenne, égalité
filles-garçons, lutte contre le harcèle- La mise en place de quatre parcours
ment, délégué académique à la vie ly- éducatifs (santé, citoyenneté, avenir,
céenne, coordinateurs académiques de artistique et culturel) en 2016 amène les
l’éducation au développement durable, équipes pédagogiques et de direction à
la liste n’est pas close…), voire de pôles travailler sur la mise en relation de ces
civiques dans certaines académies : le objets sur un temps long.
paysage institutionnel du pilotage de
l’éducation à la citoyenneté s’est com- Aux Pays-Bas, le gouvernement a fait de
plexifié en quelques années. l’éducation à la citoyenneté une priorité, mais
dans un système décentralisé, les écoles
définissent les thèmes de travail et les parte-
Comme dans d’autres domaines, nariats à nouer avec la société civile. Il existe
« la sensation de profusion, un large écart d’application entre curriculum
voire d’empilement, est prescrit, appliqué et atteint ; sans définition
inévitable », entre « montage de claire de la politique à mener et avec un ac-
dossiers, nombre de réunions, compagnement pratique limité, les équipes
de concertations et parfois de éducatives éprouvent des difficultés à tra-
négociations entre intérêts duire une vision politique en pratiques effec-
divergents » (Barrère, 2013). tives et pour trouver des partenaires (Kerr &
Keating, 2011).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 31/40
Mettre en place l’éducation à la citoyenne à l’échelle de l’établissement : le cas anglais
Kerr et al. (2004, repris dans Eurydice, 2017) proposent une grille d’analyse des établissements
scolairesau regard de la cohérence et de la visibilité des actions d’éducation à la citoyenneté qui y
ont été mises en place au moment de l’introduction de cet enseignement en Angleterre en 2002 :
− le premier des quatre types est « en développement » : implication de nombreux personnels dans
la planification de l’éducation à la citoyenneté, utilisation d’une variété de méthodes d’enseigne-
ment, présence d’activités extracurriculaire, valorisation de l’engagement ;
− le deuxième « centré » sur le curriculum plus que sur les autres dimensions de la vie scolaire et
l’ouverture de l’établissement, avec des méthodes d’enseignement et un travail collectif plus
variés ;
− le troisième « minimaliste », peu de travail collectif, de variété des méthodes d’enseignement et
d’offre extracurriculaire dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté) ;
− le quatrième « implicite », avec un éthos démocratique et de nombreuses activités périscolaires
présentant des opportunités d’apprentissage mais sans lien explicite avec le curriculum et peu
d’implication collective.

Quelle collaboration avec les partenaires Faire venir des représentants de la so-
de l’école ? ciété civile (conférenciers, artistes, etc.)
ne garantit pas le dialogue avec les
Au-delà des visites d’institutions effectuées élèves lors des temps dédiés à un pro-
dans un cadre scolaire, par exemple d’institu- jet pédagogique (Panissal & Strouk,
tions politiques, dont les retombées sont avé- 2017). Dans le champ de la médiation
rées dans le seul champ des connaissances scolaire, deux risques principaux liés à
civiques (Geboers et al., 2013), les équipes l’offre de formations « clés en main »
éducatives sont invitées à développer des existent : démobilisation des acteurs
partenariats. Les programmes d’EMC de internes à l’école suite à l’externalisa-
lycée général et technologique et de CAP tion de la formation et perte progressive
font en effet de cette démarche pédagogi- du sens éducatif global, centré sur les
que, en complément des débats argumentés, valeurs de respect et de dignité, de la
recherches documentaires et travaux inter- démarche, en raison de la juxtaposition l
et de la fragmentation des interventions Une « charte de
disciplinaires, une des modalités d’enseigne- qualité de la médiation
ment à privilégier. (Condette, 2016) l. par les pairs pour
les intervenants
Miroir des évolutions qui touchent l’ins- dans les écoles,
titution scolaire, l’éducation à la citoyen- collèges, lycées » a
Un partenariat réussi implique été publiée en 2013
également d’avoir une neté a donc en un peu plus d’une dé- par la Délégation
connaissance des pratiques cennie été à la fois associée à un rejet ministérielle chargée
plus que des discours des de traits hérités de la politique scolaire de la prévention et
des années 1880, au renforcement de de la lutte contre les
partenaires des établissements. violences en milieu
Vanhoenhacker (2014) a montré tendances didactiques et pédagogiques scolaire à l’intention
que la citoyenneté, au centre existantes et à l’émergence d’un cadre de l’ensemble des
des discours des adultes, en curriculaire inédit. partenaires.
particulier de promotion de
l’organisation d’éducation Ces mutations s’inscrivent dans une
populaire étudiée dans le cadre économie politique ancienne : « le re-
de sa thèse, les éclaireurs nouveau ou la relance de l’instruction-
et éclaireuses de France, ne éducation civique s’affirme, chaque fois,
se retrouvait que rarement dans un contexte et par des discours de
explicitée au quotidien au sein crise, de combat […] ; face à un dan-
des groupes de jeunes, et dans de ger ou à des menaces qui pèsent sur
tels cas était principalement liée à la nation, il y a nécessité d’affirmer et
l’« écocitoyenneté ». de diffuser des valeurs sociales com-
munes » (Audigier, 1991). Les acteurs

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


32/40 Regards sur la citoyenneté à l’école
scolaires contribuent à faire rentrer la méthodes et résultats, en partie interna-
prescription politique dans une forme tionalisés, parfois incertains et contro-
scolaire qui redéfinit en partie à la fois versés, toujours à soumettre à la lecture
la commande institutionnelle et l’activité critique du citoyen libre, autonome et
des enseignants et des élèves. Au croi- actif.
sement des dimensions individuelles,
collectives et universelles, l’objet de ce
dossier de veille renvoie en dernier lieu
aux questionnements constitutifs des
recherches en éducation dans le pay-
sage scientifique, à leurs disciplines,

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 33/40
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Dossier de veille de l’IFÉ • n° 125 • Juin 2018


Regards sur la citoyenneté à l’école 39/40
n° 125
Juin 2018

Pour citer ce dossier :


Ravez Claire (2018). Regards sur la citoyenneté à l’école. Dossier de
veille de l’IFÉ, n° 125, juin. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA/detailsDossier.php?p
arent=accueil&dossier=125&lang=fr

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l Gibert Anne-Françoise (2018). Le travail collectif enseignant, entre
informel et institué. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 124, avril. Lyon : ENS
de Lyon.
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apprendre. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 123, mars. Lyon : ENS de Lyon.
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l Reverdy Catherine (2018). Les recherches en didactique pour
l’éducation scientifique et technologique. Dossier de veille de l’IFÉ,
n° 122, février. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA/detailsDossier.php?p
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