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Février 2019

Édubref
L’essentiel pour comprendre les questions éducatives

D’OÙ VIENT L’ÉCOLE INCLUSIVE ?

Reverdy
Catherine

E
n France, l’école inclusive est principalement associée à l’idée de scolariser
les enfants et les jeunes en situation de handicap. Au niveau international, il
s’agit surtout d’éviter l’exclusion d’élèves qui ont des besoins éducatifs par-
Les textes fondateurs
ticuliers, quels qu’ils soient, en les accompagnant au plus près de leurs be-
de l’école inclusive soins. Pour aborder la manière dont l’école inclusive se décline selon les contextes,
voici quelques repères historiques et conceptuels autour de cette notion, en paral-
1994 : Déclaration de Salamanque
sur les principes, les politiques lèle du Dossier de veille de l’IFÉ n° 127 : Apprendre (dans) l’école inclusive.
et les pratiques en matière
d’éducation et de besoins
éducatifs spéciaux de l’UNESCO
LES TEXTES STRUCTURANTS AU NIVEAU INTERNATIONAL
2006 : Convention relative aux
Dans la lignée de la Déclaration mondiale sur l’« Éducation pour tous » en 1990, la Décla-
droits des personnes handicapées
de l’ONU : engagement explicite ration de Salamanque sous l’égide de l’UNESCO en 1994 pose les bases d’une stratégie
des États signataires à faire éducative globale : tou.te.s les élèves doivent pouvoir apprendre ensemble grâce à une
respecter le « droit à l’éducation pédagogie prenant en compte leurs besoins spécifiques.
sans discrimination » Avec les textes qui suivent, et la définition de nouvelles normes pour le handicap modifiant
les représentations sociales, les États signataires s’engagent dans une réelle politique
2009 : Principes directeurs pour
l’inclusion dans l’éducation de d’inclusion, impliquant une exigence d’efficacité. La Convention relative aux droits des
l’UNESCO personnes handicapées en 2006 de l’ONU pose notamment les bases d’un « droit à l’édu-
cation sans discrimination » : accès à un enseignement primaire inclusif, de qualité et
gratuit, et à l’enseignement secondaire. Les Principes directeurs pour l’inclusion dans
l’éducation signés en 2009 sont une réelle avancée vers l’éducation inclusive,
Trois périodes de prise en charge même si la définition de ce terme reste floue car elle entremêle des dimen-
des élèves en situation de handicap, sions politique, philosophique, pédagogique propres à chaque pays : c’est
communes aux pays développés un processus « qui vise à prendre en compte et à satisfaire la diversité des
besoins de tous – enfants, jeunes et adultes – par une participation accrue
COLLÈGE
à l’apprentissage, à la vie culturelle et à la vie communautaire, et par une
Ségrégation des élèves réduction du nombre de ceux qui sont exclus de l’éducation ou exclus au
jusqu’aux années 1970
sein même de l’éducation » (UNESCO, 2009).
Dans ce cadre, l’école inclusive peut être considérée comme un processus
de reconfiguration de l’organisation scolaire, qui vise à inclure de plein
droit l’ensemble des enfants. Dans l’exemple du handicap, un modèle
COLLÈGE
Intégration des élèves social adopté dans les années 1970 incrimine les formes d’organisation
entre les années 1970 sociale comme étant en partie à l’origine de la production des situations
et les années 1990
handicapantes (d’où l’expression « personne en situation de handicap »
qui insiste sur l’aspect social plutôt que sur l’aspect médical). Ainsi,
contrairement aux politiques d’intégration, qui sont fondées sur l’adap-
tation des élèves au système scolaire, l’école inclusive appelle à la res-
École inclusive depuis ponsabilité et à l’adaptabilité des institutions elles-mêmes.
les années 2000
Historique UN SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS CONSTRUIT
des lois françaises
sur l’adaptation SUR DES FILIÈRES SÉPARÉES
et le handicap Comme dans de nombreux pays, la France a fait le choix d’un enseignement
(Chauvière, 2018) spécialisé au début du XXe siècle pour tous les enfants qui ne rentraient pas
dans la norme scolaire, les « anormaux », « arriérés » ou « inadaptés ». À
cette époque, l’essor de la psychologie infantile et la médicalisation des ap-
proches sur le handicap ont poussé les responsables politiques à séparer les
enfants qui n’arrivaient pas à suivre à l’école : pour des enfants présentant
des déficiences intellectuelles (« débilités » à l’époque) classées comme lé-


gères ou moyennes par les psychologues, une filière d’enseignement séparé,
IDÉE DE RÉÉDUCATION dit spécialisé, a été créée en 1909. Ces classes de perfectionnement étaient
(associée à celle d’inadaptation) :
gérées par des enseignant.e.s du primaire titulaires du CAEA (Certificat d’ap-
Loi de 1909 : création des écoles et des titude à l’enseignement des enfants « arriérés »). Les enfants présentant
classes de perfectionnement et du Certificat des déficiences intellectuelles fortes étaient gérés directement par les psy-
d’aptitude à l’enseignement des enfants
chologues, dans les hôpitaux. Par la suite, des établissements spécialisés,
« arriérés » (CAEA)
toujours sous la tutelle du ministère de la Santé, ont été créés notamment par
1963 : création du CAEI, Certificat d’aptitu-
les associations de parents et, parallèlement, l’enseignement spécialisé s’est
de à l’éducation des enfants et des adoles-
cent.e.s déficient.e.s et inadapté.e.s développé avec des objectifs d’insertion sociale et professionnelle. Actuelle-
ment, certaines unités d’enseignement des hôpitaux ou des établissements
IDÉE D’INTÉGRATION spécialisés sont externalisées dans les établissements scolaires, comme par
(associée à celle de handicap) : exemple en maternelle les UEMA pour les enfants autistes.
la loi n° 75-534 de 1975 institue notamment
la scolarisation et l’obligation éducative pour
l’ensemble des élèves
1987 : création du CAPSAIS, Certificat d’ap-
titude aux actions pédagogiques spécialisées
d’adaptation et d’intégration scolaires
la loi d’orientation du 10 juillet 1989
sur l’éducation réaffirme le principe
de l’obligation éducative en faveur
des enfants handicapés et la priorité
à l’intégration scolaire
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la loi du 12 juillet 1990 protège les per- porteur de tr un co ur an t qui scolaris en ta l.
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leur état de santé ou de leur handicap cond degré,
(Lerch, 2009)
IDÉE D’INCLUSION
(associée à celle de situation
de handicap) :
2004 création pour le primaire du Capa-SH,
Certificat d’aptitude professionnelle pour
les aides spécialisées, les enseignements
VERS UNE ÉCOLE INCLUSIVE À LA FRANÇAISE
adaptés et la scolarisation des élèves en
La loi de 2005 apporte des avancées majeures par rapport à la loi de 1975,
situation de handicap, et pour le secondaire
première loi engageant une politique sociale globale pour les personnes han-
du 2 CA-SH, Certificat complémentaire pour
les enseignements adaptés et la scolarisation dicapées. Elle met notamment en place des enseignant.e.s référent.e.s, les
des élèves en situation de handicap Maisons départementales des personnes handicapées qui regroupent des
instances auparavant disjointes, et le droit à compensation. Cette loi, dont
la loi pour l’égalité des droits et des chances,
les moyens financiers ont semblé dérisoires pour certaines associations par
la participation et la citoyenneté des per-
rapport aux enjeux et au nombre de personnes en situation de handicap ou
sonnes handicapées du 11 février 2005
affirme « le droit de tout élève en situation de jeunes déscolarisé.e.s, reste basée sur l’idée d’aide et d’assistance : c’est
de handicap à accéder à l’éducation » toujours l’idée d’intégration, qui suppose que la séparation des élèves les
plus fragiles permet de mieux les éduquer et les protéger.
la loi de Refondation de l’école du 8 juillet
La loi de 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école
2013 reconnait que « tous les enfants par-
de la République introduit pour la première fois le terme d’« école inclusive ».
tagent la capacité d’apprendre et de progres-
ser » et veille à « l’inclusion scolaire de tous Davantage que la scolarisation des élèves en situation de handicap, qui re-
les enfants, sans aucune distinction » lève de l’intégration, cette approche suppose l’accès à une éducation de qua-
lité pour l’ensemble des élèves, c’est-à-dire aux meilleures manières d’ap-
2017 : création du CAPPEI, Certificat
prendre selon ses propres difficultés, dans le cadre de son parcours et non
d’aptitude professionnelle aux pratiques
comme son handicap prédit qu’il ou elle devrait se comporter.
de l’éducation inclusive
LES BESOINS ÉDUCATIFS PARTICULIERS : UNE NOTION
APPRÉHENDÉE DIFFÉREMMENT SELON LES PAYS
Apparu à la fin des années 1970 en Grande-Bretagne, le concept de special edu- Définition de l’inclusion
cational needs (besoins éducatifs particuliers) inclut les besoins spécifiques des
à partir de l’intégration
élèves en situation de handicap, mais également ceux des élèves ayant des troubles
(Thomazet, 2008)
de l’apprentissage (dyslexie, dyspraxie, dysphasie, etc.). Le handicap est dans ce
cadre vu comme une différence nécessitant des réponses éducatives à des besoins
spécifiques et non plus seulement comme une déficience ou une incapacité. Dans la INCLUSION
loi de 2005, il est défini comme « toute limitation d’activité ou restriction de partici-
pation à la vie en société subie dans son environnement par une personne
en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou
=
INTÉGRATION PHYSIQUE
plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou (par exemple les établissements
spécialisés sont dans l’école)

+
psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».
Selon les pays, le concept de besoins éducatifs particuliers recouvre
aussi d’autres besoins des élèves, comme des difficultés scolaires INTÉGRATION SOCIALE
durables ou passagères ou des situations de désavantage socio- (socialisation de tou.te.s les élèves, dans
économique et culturel, ce qui amène à classer dans cette catégorie l’école et dans la société)
entre 3 % et 25 % des élèves. Ceci rend particulièrement difficile
l’adaptation des systèmes éducatifs à tous ces besoins. +
INTÉGRATION PÉDAGOGIQUE
(les élèves du même âge doivent ap-
prendre dans une même classe, quel que
UN ÉQUILIBRE FRAGILE ENTRE INDIVIDUEL soit leur niveau scolaire)

ET COLLECTIF
Le changement des structures éducatives visant à apporter des ré-
ponses pédagogiques différentes aux différents besoins des élèves doit
se faire en prenant en compte les systèmes éducatifs tels qu’ils sont. Le
regroupement historique entre les élèves en situation de handicap (sec-
teur du handicap) et les élèves en grande difficulté scolaire ou sociale
(secteur de l’adaptation), de prime abord peu défendable et qui brouille
les cartes encore aujourd’hui, se retrouve dans la structure même du système sco-
laire français. Par exemple, les enseignant.e.s de SEGPA (Section d’enseignement Deux dilemmes
général et professionnel adapté) de collège peuvent être des professeur.e.s des
professionnels
écoles spécialisé.e.s, des professeur.e.s certifié.e.s du second degré ou de lycée
décrits par Norwich


professionnel, qui sont pris.es en charge par trois corps d’inspection différents (côté
primaire, IEN adaptation et handicap ; côté secondaire, IEN enseignement profes- (2014)

1
sionnel et IA-IPR disciplinaires).
S’intéresser aux aspects individuels par la prise en compte des « besoins éducatifs Le dilemme de la différence :
la différence comme apport
particuliers » peut aller contre l’idée même d’école inclusive et introduire une nouvelle
(assurer des ressources sup-
catégorisation plus large mais toute aussi stigmatisante que celle des handicaps. La plémentaires pour améliorer
difficulté reste de trouver un équilibre entre la réponse du système éducatif à tous l’offre) ou comme stigmatisa-
les besoins des élèves (acceptée théoriquement) et le risque de focalisation sur les tion (éviter la dévalorisation
des élèves). Ce dilemme
seuls besoins des élèves (qui se pose en pratique). La combinaison des approches
se pose lorsqu’il s’agit de
sociomédicales et socioéducatives, donc la compréhension mutuelle des logiques catégoriser les élèves, de les
professionnelles et la coopération entre les différent.e.s intervenant.e.s, semble inclure dans les classes ou


actuellement la voie privilégiée pour avancer dans la réalisation de cet équilibre. établissements spécialisés,
mais également d’adapter
le curriculum pour mieux
répondre à leurs besoins.

2
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Le débat [sur l’é en t dans un cont
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Le deuxième dilemme
i s’ in sc riv at if ra di ca concerne les tensions entre
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nition de l’inclu faveur de
ex pr im an t un engagement en enfants à la vie sociale et
des positions (Terzi, 2014) la protection pour certains
an s la m es ur e du possible”. d’entre eux.
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Quelques références pour aller plus loin
BIBLIOGRAPHIE
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conceptuels et méthodologiques d’une approche polycentrée. Alter, vol. 7, n° 2, p. 102-115.
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Toulouse : Érès.
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vol. 39, n° 3, p. 443-451.
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Lyon : ENS de Lyon. https://edupass.hypotheses.org/1370
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Cambridge Journal of Education, vol. 44, n° 4, p. 479-493.
• Thomazet Serge & Mérini Corinne (2014). Le travail collectif, outil d’une école inclusive ?
Questions vives, n° 21.
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• Tremblay Philippe (2017). Inclusion scolaire. Dispositifs et pratiques pédagogiques. Bruxelles : De Boeck.

DOSSIERS SPÉCIAUX
• 2005-2015 – Quelles évolutions en matière d’inclusion ?, Carrefours de l’éducation, n° 42, 2016 :
https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2016-2.htm
• Accueillir tous les enfants à l’école : la question de l’inclusion, Revue internationale d’éducation de Sèvres,
n° 78, 2018 : http://www.ciep.fr/revue-internationale-deducation-sevres/accueillir-tous-les-enfants-a-le
cole-question-linclusion.
• Inclure tous les élèves, Cahiers pédagogiques, n° 526, 2016 :
http://www.cahiers-pedagogiques.com/No-526-Inclure-tous-les-eleves-10223
• L’éducation inclusive à l’épreuve du handicap et des terrains, La Nouvelle revue – Éducation et société
inclusives, n° 83, 2018 :
https://www.cairn.info/revue-la-nouvelle-revue-education-et-societe-inclusives-2018-3.htm

DOCUMENTS INSTITUTIONNELS ET RESSOURCES :


• Centre d’analyse stratégique (2013). La scolarisation des enfants en situation de handicap dans les pays
européens. Note d’analyse, n° 314.
• Comité des droits des personnes handicapées (2016). Observation générale n° 4 relative au droit à
l’éducation inclusive. Genève : ONU.
• Eduscol, « Scolarisation des élèves handicapés » :
http://eduscol.education.fr/pid23254/scolarisation-des-eleves-handicapes.html
• Ensemble pour l’école inclusive :
http://www.education.gouv.fr/cid132935/ensemble-pour-l-ecole-inclusive.html
• La scolarisation des élèves en situation de handicap :
http://www.education.gouv.fr/cid207/la-scolarisation-des-eleves-handicapes.html
• Le Laidier Sylvie (2018). Les enseignants accueillant des élèves en situation de handicap à l’école.
Note d’information de la DEPP, n° 18.26.
• Mochel France et al. (2018). Évaluation de l’aide humaine pour les élèves en situation de handicap.
Paris : IGAS ; IGEN ; IGAENR.
• ONU (2006). Convention relative aux droits des personnes handicapées et Protocole facultatif.
New-York : ONU.
• Secrétariat d’État auprès du Premier ministre chargé des Personnes handicapées :
https://handicap.gouv.fr/publications-7/article/rapports
• UNESCO (1994). Déclaration de Salamanque et cadre d’action pour les besoins éducatifs spéciaux.
Paris : UNESCO.
• UNESCO (2009). Principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation. Paris : UNESCO.

ÉDUBREF FÉVRIER 2019 :


Unité veille et analyses de l’Institut français de l’Éducation | ENS de Lyon - 15 parvis René Descartes - BP 7000 - 69342 Lyon cedex 07.
Site web : http://ife.ens-lyon.fr/ife • E-mail : veille.scientifique@ens-lyon.fr • Directeur de la publication et de rédaction : © École normale
supérieure de Lyon • Graphisme & illustrations : Bruno Fouquet, 06 76 17 79 28.
n° 127 Sommaire
Jan. 2019 l Page 2 : Quel modèle pour l’école
inclusive ? l Page 12 : Ce qu’implique l’idéal
de l’école inclusive l Page 19 : Comment
favoriser l’apprentissage dans l’école
inclusive ? l Page 30 : Bibliographie
Dossier de veille de l’IFÉ

APPRENDRE (DANS) L’ÉCOLE


INCLUSIVE
Depuis la loi de 2005 pour l’égalité des droits Par Catherine Reverdy
et des chances, la participation et la citoyen-
neté des personnes handicapées, les pro- Chargée d’étude et de
fessionnel.le.s de l’éducation se doivent de recherche au service
favoriser et de permettre dans les faits la sco- Veille et Analyses de
larisation des élèves en situation de handicap l’Institut français de
dans l’école ou l’établissement de secteur. l’Éducation (IFÉ)
Parallèlement, les termes d’inclusion puis
d’école inclusive se sont imposés dans le sys-
tème éducatif à la place du terme d’intégra-
tion, mais sans remplacer tout à fait le terme tériel (accessibilité pratique des bâtiments), or-
de scolarisation, encore utilisé actuellement. ganisationnel (création des Maisons départe-
Que recouvre ces notions ? Pourquoi a-t-on mentales des personnes handicapées) qu’au
l’impression qu’elles se superposent sans niveau pédagogique (modules de formation
s’imposer ? L’école inclusive concerne-t-elle d’initiative nationale à destination de tou.te.s
uniquement le handicap ? Les textes interna- les enseignant.e.s, spécialisé.e.s ou non).
tionaux évoquent l’idée plus large d’« éduca- Depuis quelques années, plusieurs ouvrages,
tion inclusive », déplaçant le problème indi- revues, rapports, colloques sont publiés ou or-
viduel d’inclusion de chaque enfant dans un ganisés sur le thème de l’école inclusive (pas
système éducatif à un problème collectif de moins de quatre rapports des Inspections gé-
modification de ce système pour que l’en- nérales cités dans ce Dossier datent de 2018).
semble des enfants bénéficie d’une éducation Cette prolifération de publications semble à la
de qualité, quels que soient leurs besoins. hauteur des demandes et des difficultés ren-
L’UNESCO (2017) l définit ainsi l’inclusion contrées par les enseignant.e.s, spécialisé.e.s
par « un processus qui aide à dépasser les ou non, dans la mise en application de la loi de
barrières limitant la présence, la participation 2005, ou plus généralement dans la mise en
et la réussite des apprenants » et l’éducation œuvre de l’école inclusive.
inclusive par « un processus de renforcement
de la capacité d’un système éducatif donné à Sans apporter de réponses toutes faites à
s’adresser à tous les apprenants ». ces préoccupations, ce Dossier de veille a

De nombreux chantiers ont été ouverts en l


Toutes les références bibliographiques utilisées
France depuis 2005, aussi bien au niveau ma- pour rédiger ce Dossier sont accessibles sur notre
bibliographie collaborative.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 1/36
pour ambition de questionner dans un et du Sud de l’Europe (Italie, Espagne,
premier temps les dimensions historiques, Portugal l), avec quelques particularités :
sociales et culturelles de l’école inclusive, la Suède accueille quasi exclusivement
et ce à travers l’exemple (souvent cité en les enfants en situation de handicap dans
modèle) de l’Italie. Il s’agira ensuite d’envi- des classes spécialisées à l’intérieur des
sager les différentes problématiques que écoles dites ordinaires, ce qui n’est pas le
recouvre précisément cette notion idéale cas de l’Italie où tou.te.s les élèves par-
d’école inclusive, pour aborder les obs- tagent la même classe.
tacles à sa mise en œuvre et les pistes
possibles de coopération. Étant donné la Une deuxième catégorie « two track ap-
complexité et l’étendue des réflexions sur proach » concerne les pays européens
le handicap et l’école inclusive, ce Dossier qui présentent une forte prévalence des
de veille ne prétend aucunement à l’ex- écoles ou des classes spécialisées, l
Une publication
haustivité et se centre avant tout sur l’ap- avec un taux de scolarisation supé- complémentaire à ce
prentissage des élèves du premier et du rieur à 2,5 % de l’ensemble des élèves Dossier paraitra en
second degré et sur l’éclairage des préoc- (Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Répu- février 2019 sous la
cupations des enseignant.e.s qui évoluent blique tchèque, Hongrie). Ces pays à forme d’un Edubref
intitulé « D’où vient
dans ce cadre complexe l. Il n’abordera forte tradition industrielle ont développé l’école inclusive ? »,
pas par exemple les réflexions sur l’acces- « une longue tradition d’enseignement présentant quelques
sibilité numérique. spécialisé pour les enfants handicapés, repères historiques et
les premières initiatives philanthropiques conceptuels autour
de la notion d’école
remontant au XVIIIe siècle » (Centre
QUEL MODÈLE POUR d’analyse stratégique, 2013). Pour la
inclusive et de ce
qu’elle implique dans
L’ÉCOLE INCLUSIVE ? Belgique et l’Allemagne par exemple, la le système scolaire
français.
scolarisation des enfants en situation de
handicap se fait quasi exclusivement en
L’exemple italien sert souvent de modèle école spécialisée. l
La différenciation
à la mise en place de l’école inclusive structurelle
en Europe, comme le montre un rapport Enfin les pays intermédiaires, comme la « différencie les
récent de l’Inspection générale française France ou la Pologne, peuvent être clas- parcours et est de
la responsabilité des
(Caraglio & Gavini, 2018). Il présente sés « multitrack approach » car ils pré-
autorités éducatives »
l’avantage indéniable d’avoir amorcé une sentent plusieurs modes de scolarisation (Dossier de synthèse
réflexion sur une politique d’inclusion dès (milieu dit ordinaire et classes ou éta- de la conférence de
les années 1960, aboutissant ainsi à un blissements spécialisés, voir Caraglio, consensus organisée
par le CNESCO et
changement complet du système éducatif 2017). La France se distingue par un
l’IFÉ-ENS de Lyon
italien en quelques décennies. Les éta- recours équilibré aux trois modes de « Différenciation
blissements spécialisés ont été fermés en scolarisation des enfants en situation pédagogique :
Italie, réduisant ainsi les risques de diffé- de handicap : les établissements spé- comment adapter
l’enseignement pour
renciation structurelle l pour les élèves en cialisés, les classes spécialisées dans
la réussite de tous les
situation de handicap (Feyfant, 2016). les établissements non spécialisés et élèves ? » en mars
les classes dites ordinaires. Quels liens 2017). Voir aussi Benoit
En Italie, la quasi-totalité des élèves est peut-on faire entre le type de scolari- & Angelucci (2011).
donc scolarisée dans les mêmes écoles sation à l’échelle d’un pays et l’appren- l
On peut lire à ce
(dites aussi écoles ordinaires) et une tissage réel des élèves en situation de propos l’article
formation à l’inclusion est prévue pour handicap dans les classes ? Quelles his- « Innovative new
tou.te.s les enseignant.e.s. L’Italie fait toires nationales, quels choix sociaux et inclusive Education
ainsi partie des pays européens classés politiques se cachent derrière le terme Law for Portugal’s
schools », présentant
« one track approach » par L’Agence euro- d’école inclusive plébiscité par les ins- la prise en charge
péenne pour l’éducation adaptée et inclu- tances internationales ? C’est à travers de l’éducation
sive en 2003 et comportant à la fois peu l’exemple italien que le paysage français inclusive dans le
d’établissements spécialisés et une seule sera esquissé avec une focalisation par- système scolaire
portugais depuis
filière accueillant tou.te.s les élèves dans ticulière sur le handicap, historiquement la transformation
l’enseignement obligatoire. Dans cette associé au développement de l’école des établissements
catégorie se trouvent des pays du Nord inclusive. spécialisés en centres
de l’Europe (Suède, Norvège, Islande) de ressources pour
l’inclusion en 2009.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


2/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
L’INCLUSION À L’ITALIENNE
L’ancienneté de la réflexion sur la fer- L’arsenal législatif italien concer-
meture des établissements spécialisés nant la scolarisation des enfants
intrigue dans l’exemple italien. Que s’est-il en situation de handicap est im-
passé dans ce pays pour que l’idée d’inclu- pressionnant. Dans les faits, c’est
sion intervienne à la fin des années 1970, le niveau régional qui adapte et
alors que dans la plupart des pays euro- complète ces dispositions natio-
péens, l’école inclusive se met en place nales avant de les intégrer dans
progressivement seulement depuis les la législation locale. Les régions
années 1990 ou 2000 ? Comme le disent sont destinataires des moyens
Ianes et Demo (2013), « la législation sco- financiers de l’État pour mettre
laire italienne et le discours pédagogique en œuvre l’éducation des élèves
italien ont créé un cadre positif pour un en situation de handicap et à be-
système basé sur l’inclusion scolaire. » soins particuliers  : ces dernier.e.s
obtiennent une reconnaissance
Des textes législatifs dès les années de leur handicap par le service
1970 de santé local et bénéficient alors
l
« La désinstitution-
de ressources supplémentaires
nalisation, voulue La réflexion italienne sur le handicap a (matérielles ou humaines), réper-
par Franco Basaglia, été inspirée par les travaux de Basaglia toriées dans un plan d’éducation
implique un chan- individualisé. Un.e enseignant.e
gement fondamen-
qui portaient sur une critique de l’« insti-
tal : la personne est tution totale » : c’est le début de ce que de soutien pour quatre élèves
reconnue comme une l’on a appelé la « désinstitutionnalisa- maximum apporte son aide aux
qualité et non comme tion l », qui a conduit aussi bien à la fer- classes concernées, qui sont li-
une simple quantité mitées à 20  élèves. À la rentrée
physique ou nosogra-
meture des asiles d’aliéné.e.s que des
phique dans un sys- classes et des instituts spécialisés (à 2017, sont ainsi scolarisé.e.s plus
tème thérapeutique. l’exception des instituts pour sourd.e.s- de 230  000  élèves en situation
La relation de soin et muet.te.s et pour aveugles). Parallèle- de handicap en Italie, soit envi-
d’aide devient le lieu ron 3  % de la population sco-
d’une rencontre, qui
ment se développent des « structures
ouvre un horizon de locales d’aide ou d’accompagnement et laire (Beaucher, 2012 ; Caraglio &
possibles. » (Goussot de nouveaux supports thérapeutiques Gavini, 2018).
& Canevaro, 2010) [pour] favoriser l’intégration sociale et la
reconnaissance du droit à la citoyenneté
pour ceux que l’on considérait jusqu’alors Une autre loi-cadre italienne n° 104 de
comme des “non-personnes” » (Goussot 1992 affirme que « l’objectif inclusif porte
l & Canevaro, 2010). sur le développement de l’apprentissage
La définition du han- [des élèves à besoins spécifiques], et la
dicap adoptée dans
l’article 3 de cette loi
Depuis la loi n° 517 de 1977, est donc construction de compétences communi-
est la suivante : « une noté dans la Constitution italienne le cationnelles et sociales » (Ianes & Demo,
personne handicapée droit à l’instruction et à l’intégration en 2013). La réforme globale du système
est une personne milieu dit ordinaire pour tous les enfants éducatif italien donne alors, en 1997, une
ayant une déficience
physique, psychique
en situation de handicap, de l’école ma- plus large autonomie aux établissements
ou sensorielle, stabili- ternelle au collège. Ce droit est étendu qui, pour être concurrentiels, se dotent
sée ou progressive, qui au lycée au début des années 1980, d’un plan d’offre de formation unique qui
est la cause de difficul- puis à la crèche et à l’université dans doit prévoir selon la loi des « parcours
tés d’apprentissage, de
difficulté relationnelle
les années 1990. Dès la fin des années didactiques individualisés pour les élèves
ou d’intégration au 1970, cette « integrazione scolastica » handicapés l » (Caraglio & Gavini, 2018).
travail et de nature à oblige un aménagement des écoles ita- En 2003, la réforme Moratti prévoit en
provoquer un proces- liennes pour pouvoir accueillir des ser- outre une formation obligatoire jusqu’à
sus de désavantage
social ou de marginali-
vices socio-psychopédagogiques ainsi 18 ans et des accès facilités à la formation
sation ». que des enseignant.e.s « de soutien », professionnelle.
qui enseignent avec leurs collègues
dans les classes comportant un.e ou Enfin la réforme Buona scola de 2015 ap-
plusieurs élèves en situation de handi- porte des changements majeurs au sys-
cap (D’Alessio, 2011). tème éducatif italien : elle modifie le recru-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 3/36
tement des enseignant.e.s, mais aussi catégorie d’élèves correspond plus ou
leur formation, renforcée avec celle de moins à la catégorie actuelle des élèves à
tous les personnels des établissements besoins éducatifs particuliers, qui n’a été
pour les aspects organisationnels et édu- reconnue en Italie que dans les années
catifs liés au processus d’intégration sco- 2010. Ces classes différenciées ont été
laire. Les enseignant.e.s de soutien sont abolies par la loi n° 517 de 1977, mais
redéployé.e.s pour un suivi des élèves n’ont réellement été supprimées qu’après
sur plusieurs années. Cette réforme intro- la loi de 1992. D’Alessio (2011) révèle
duit également une logique d’accountabi- dans le même ordre d’idées des « micro-
lity dans les établissements, notamment exclusions » d’élèves à l’intérieur du sys-
pour l’évaluation et la prise en compte tème éducatif, pourtant inclusif d’après les
de l’inclusion scolaire au niveau local. Le textes législatifs (Slee, 2013).
développement de l’équipement numé-
rique et la volonté de former davantage D’autres travaux mettent l’accent sur les
les élèves aux compétences numériques inégalités géographiques de traitement
sont d’autres objectifs de cette réforme, des élèves, fruit d’une gestion locale de
qui vise encore à amener plus de jeunes l’accueil à l’école des élèves en situa-
vers l’emploi, en créant des filières profes- tion de handicap, dans un pays à forte
sionnalisantes, en développant le recours disparité économique d’une région à
à l’alternance et davantage de passerelles l’autre. S’ajoutent à ces disparités des
(Caraglio & Gavini, 2018). différences de représentation du handi-
cap qui ont pour conséquence que, « en
Un bilan nuancé dépit de lois à portée nationale, […] cer-
taines conceptions de la “malformation”,
Les moyens conséquents consacrés à de la “folie” et des anomalies du corps ou
l’école inclusive en Italie permettent la du psychisme, relèvent encore, dans le
scolarisation de quasiment tous les en- Sud, de la pensée magique » (Goussot &
fants en situation de handicap dans la Canevaro, 2010).
classe dite ordinaire. Concernant la pro-
cédure de reconnaissance du handicap, Enfin l’influence de l’église catholique
Caraglio et Gavini (2018) notent une est également prégnante dans le rapport
prise en charge rapide des élèves car les italien au handicap. D’abord considéré
parents peuvent contacter directement comme consécutif à une faute, le handi-
l’établissement de secteur et sont ensuite cap est ensuite vu comme un signe de la
déchargé.e.s d’une partie de cette procé- volonté divine : deux pratiques d’accom-
dure, grâce notamment à une plus grande pagnement en découlent, fondées sur la
implication des personnels de direction et charité ou sur le respect de la dignité des
l
du conseil de classe. personnes en situation de handicap l. Les actions de l’église
catholique en faveur
Les limites du système scolaire italien des personnes
L’HISTOIRE MOUVEMENTÉE handicapées
sont à rechercher pour Ianes et Demo DU HANDICAP ET DE L’ÉCOLE « comblent des
(2013) du côté de ses finalités qui, au carences en termes
lieu de se tourner vers une éducation de FRANÇAISE de dispositifs d’aide »
qualité et la participation réelle de tou.te.s mais, d’un autre côté,
ces actions peuvent
les élèves à la vie scolaire, s’oriente plu- Comment prend-on en charge le handi- également servir
tôt vers une série de mesures spéciales cap côté français ? L’histoire de l’ensei- de « justifications à
correspondant à certains types de publics. gnement spécialisé et de la création des l’insuffisance, tant
En effet, si la situation italienne semble établissements spécialisés éclaire la si- sur le plan humain
que financier, des
claire et assez connue pour les élèves en tuation française actuelle. Nous verrons politiques sociales,
situation de handicap, Ciambrone (2018) également que les secteurs concernant le éducatives et
précise qu’elle l’est moins pour les élèves handicap et l’adaptation (pour les élèves sanitaires, nécessaires
ayant des difficultés d’apprentissage ou en grande difficulté scolaire mais qui ne pour garantir les
droits citoyens
des troubles du comportement, qui étaient sont pas en situation de handicap) ont une des personnes
placé.e.s jusque dans les années 1990 histoire entremêlée, les définitions et les handicapées »
dans des « classes différenciées ». Cette périmètres du handicap et de la difficulté (Goussot & Canevaro,
2010).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


4/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
scolaire évoluant au fur et à mesure des Pour tenter de saisir la complexité so-
avancées scientifiques (notamment médi- ciale et historique du secteur du han-
cales et psychologiques), sociales (recon- dicap en France, Chauvière (2018)
naissance des droits à l’éducation des propose un détour par l’action sociale
enfants) et politiques (lieux de scolarisa- publique. Il postule que le handicap
tion et ministères impliqués). En résumé, est un référentiel (au sens de l’analyse
la distinction entre les deux champs est de l’action publique, voir notamment
très complexe, mais leur rapprochement Muller, 2013), c’est-à-dire qu’il contient
l’est tout autant, tellement la situation et des valeurs, des normes qui définissent
les usages actuels résultent d’une confu- des principes d’action, et des relations
sion historique. causales qui induisent des images qui
font sens immédiatement, notamment
Retour sur cent ans d’action pour les médias. Définissant un référen-
publique tiel global du handicap et un référentiel
sectoriel lié aux acteurs et aux actrices
du champ, il décrit dans l’histoire du
C’est la loi de 1909 qui instaure l’en- handicap des XXe et XXIe siècles quatre
seignement spécialisé par la distinc- binômes successifs représentant ces
tion entre des enfants « arriérés édu- deux types de référentiels.
cables », qui seront scolarisé.e.s dans
des classes ou des écoles de perfec- Le premier binôme concerne la réédu-
tionnement séparées des autres élèves cation/inadaptation (terme inventé en
mais gérées par l’Éducation nationale, 1943) : la médicalisation et la psycho-
et des enfants « arriérés inéducables », logisation des approches du diagnostic
qui resteront dans des asiles, des hô- et du traitement du handicap entrainent
pitaux ou des institutions, gérés par le « un nouveau regard global mais classant
ministère de la Santé. Le repérage de sur les enfances difficiles », considérées
ces enfants se fait alors par décision comme inadaptables ou inassimilables à
médicale, avec notamment le test d’in- l’école, et nécessitant une rééducation.
telligence de Binet et Simon. Un Cer- En plus du CAEA, le certificat d’aptitude
tificat d’aptitude à l’enseignement des à l’enseignement des écoles de plein
l enfants « arriérés » (CAEA) est créé air l est créé en 1939. Issu respecti-
Disposant d’une
pédagogie et d’un par cette même loi pour les instituteurs vement des surveillant.e-contremaitre
cadre architectural et institutrices en charge de ces enfants et surveillant.e des colonies de jeunes
novateurs, ces (Dorison, 2015). délinquant.e.s du XIXe siècle, les métiers
établissements, régis
d’éducateur ou éducatrice technique
par la circulaire du
8 septembre 1922, ont La Première Guerre mondiale et son spécialisé.e et d’éducateur ou éducatrice
accueilli des enfants lot de blessé.e.s modifient par la suite spécialisé.e évoluent après la Seconde
en convalescence le regard porté sur ce qui s’appelait à Guerre mondiale et se professionnalisent
ou nécessitant un
l’époque l’infirmité, car la cause de l’in- avec la création des premières écoles de
environnement
privilégié, et firmité n’était plus seulement due à une formation sous la tutelle du ministère de la
s’inscrivaient « dans déviance, une cause interne à un indi- Santé. Ces « techniciens de la relation »
l’essor d’une politique vidu, mais à une catastrophe, celle de gèrent à la fois les groupes d’enfants ou
de prévention contre la
la guerre. La notion de « réadaptation d’adolescent.e.s, les temps d’atelier et la
tuberculose, première
cause de mortalité des des handicapés » a été introduite, en- classe. Cette évolution de la profession
moins de trente ans, trainant une attention particulière à l’in- se fait en parallèle du développement
en Europe » (Bourdon dividu (Rochat, 2008). C’est le modèle des établissements spécialisés dans
& Toubert-Duffort,
appelé « modèle individuel » ou « mo- les années 1950 (Chapon, 2002 ; voir le
2017 ; Bonnet, 2001).
dèle médical » du handicap, centré sur site de Calin regroupant l’historique des
l’individu et ses déficiences. Ce modèle textes officiels de ces certifications et plus
intègre par exemple la prévention du généralement l’historique des secteurs de
handicap par le dépistage prénatal ou l’adaptation et du handicap).
l’amélioration du confort des personnes
atteintes.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 5/36
une pleine citoyenneté et pour reconnaitre
Le terme « handicap » provient de la situation de handicap comme inhérente
l’anglais hand in cap « qui renvoie à la société.
à la mesure des performances iné-
gales dans certains sports, notam- Avec l’obligation nationale d’intégration
ment hippiques. […] Il a également suite à la loi n° 75-534 de 1975, le champ
été une métaphore banale pour d’action de l’enfance inadaptée se déve-
dire une difficulté, une infériorité, loppe en s’ouvrant à d’autres publics,
une insuffisance s’agissant d’indi- comme les adolescent.e.s et les adultes
vidus, d’organisations ou même handicapé.e.s. Ce sont surtout les « opé-
de pays  » (Chauvière, 2018). La rateurs privés associatifs, dominés par les
définition du handicap telle qu’elle associations de parents », qui sont désor-
est donnée dans la loi de 2005 en mais chargés, pour respecter les droits et
France concerne « toute limitation en partenariat avec les personnes han-
d’activité ou restriction de parti- dicapées et leur famille, d’un développe-
cipation à la vie en société subie ment plus cohérent des structures spécia-
dans son environnement par une lisées (Chauvière, 2018).
personne en raison d’une altéra-
tion substantielle, durable ou défi-
« Quand survient la loi de 1975, re-
nitive d’une ou plusieurs fonctions
lative au handicap, on dénombre
physiques, sensorielles, mentales,
136  000 élèves handicapés sco-
cognitives ou psychiques, d’un
larisés dans le premier degré,
polyhandicap ou d’un trouble de
95 300 dans le second degré – es-
santé invalidant. »
sentiellement en collège, dans les
sections d’éducation spéciale  –,
10  800 dans les établissements
Le deuxième binôme concerne l’intégra- nationaux professionnels (ENP),
tion/le handicap (prémisses dans les an- 128  000 dans les établissements
nées 1960 et à partir de 1975) : l’approche médicaux et médico-sociaux et
par l’inadaptation est relativisée et les dif- 23  000 dans les établissements
ficultés d’intégration apparaissent, avec socio-éducatifs, soit un total de
des notions telles que la discrimination 394 000. » (Lerch, 2009)
positive ou la citoyenneté des personnes
handicapées. Dans le cadre du handi-
cap, l’idée de rééducation fait place à Le CAEA et le certificat d’aptitude à l’en-
celles d’accessibilisation et d’autonomisa- seignement des écoles de plein air font
tion, dans une approche « positive » des place en 1963 à une seule certification
faits sociaux faisant suite, selon Frétigné destinée toujours aux enseignant.e.s du
(2013), au déclin des approches médi- premier degré, le CAEI, Certificat d’apti-
cales. Dans le modèle social du handicap, tude à l’éducation des enfants et des
l
ce dernier est « considéré comme un pro- adolescents déficients et inadaptés l. Côté francophone,
duit social, comme le résultat de l’inadé- Les enseignant.e.s titulaires de ce certifi- le corps des
orthopédagogues
quation de la société aux spécificités de cat peuvent par exemple enseigner dans
est créé à la même
ses membres. L’origine du handicap est les toutes nouvelles sections d’éducation époque. Voir
donc externe à l’individu » (Rochat, 2008 ; spécialisée (SES), créées en 1967 par Prud’Homme (2018)
Lamontagne-Müller, 2007 ; Bonvin et al., la circulaire « Organisation et fonctionne- pour l’histoire de
l’orthopédagogie au
2013). Il s’agit alors d’éliminer les obs- ment des sections d’éducation spéciali-
Québec depuis 1965,
tacles qui empêchent l’insertion des per- sée créées dans le cadre des CES pour et sa place particulière
sonnes en situation de handicap, comme l’accueil de déficients intellectuels légers » entre éducation et
les barrières sociales, économiques ou et destinées aux élèves provenant notam- santé.
physiques, en adaptant l’environnement ment des classes de perfectionnement.
pour le rendre accessible. Un changement La Convention collective nationale de tra-
global et politique est alors nécessaire vail des établissements et services pour
pour réduire les inégalités dans l’accès à personnes inadaptées et handicapées du

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


6/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
15 mars 1966 et un décret de 1970 insti- rée par l’OMS en 2001 pour remplacer la
tuant un certificat d’aptitude aux fonctions Classification internationale des handi-
l
Il existait avant 1980 de moniteur éducateur officialisent les dif- caps de 1980 l. La CIF ne définit plus le
la Classification férentes fonctions d’éducateur ou éduca- handicap « comme un phénomène indivi-
internationale des
déficiences, des
trice spécialisé.e. Suivent en 1972 et 1973 duel, selon trois niveaux d’expérience des
incapacités et des le Certificat d’aptitude aux fonctions d’aide troubles : la déficience, l’incapacité et les
handicaps (CIDIH) médicopsychologique (AMP) et le Diplôme désavantages sociaux, en conséquence
approuvée par d’État d’éducateurs de jeunes enfants des deux autres. Il s’agit maintenant d’in-
l’Assemblée générale
des Nations Unies en
(DEEJE). Enfin le Certificat d’aptitude aux troduire une perspective nouvelle centrée
1975, décrivant trois fonctions d’éducateur technique spécialisé sur la production du handicap plus que
niveaux de handicap (CAFETS), « destiné aux personnes assu- sur les résultats constatés » (Chauvière,
liés par des relations de rant la formation technologique, l’adapta- 2018). L’inclusion renouvèle la vision du
cause à effet : le niveau
lésionnel (déficiences),
tion ou la réadaptation professionnelle », handicap en l’élargissant à tout le monde
le niveau fonctionnel est instauré en 1976 (Chapon, 2002). social, dans une perspective globale, ce
(incapacités) et le qui revient à transformer le « problème »
niveau situationnel Le troisième binôme concerne l’insertion/ du handicap en « une question relative à
(désavantages), voir
Rochat (2008).
l’exclusion (à partir des années 1980) : la l’accueil et l’accompagnement selon les
nouvelle question sociale de l’insertion fait besoins et nécessités de citoyens égaux,
son apparition face à un nombre de plus en parmi nous » (Chauvière, 2018). Pour la
plus insupportable d’exclu.e.s et sa prise première fois, le terme « école inclusive »
en charge passe par une mobilisation de la est utilisé dans la loi de Refondation de
société civile. C’est désormais le CAPSAIS, l’école du 8 juillet 2013.
Certificat d’aptitude aux actions pédago-
giques spécialisées d’adaptation et d’inté-
gration scolaires, créé en 1987, que les ins- Les modèles individuel et social
tituteurs et institutrices doivent passer pour du handicap permettent de dis-
se spécialiser. Les SES deviennent les sec- tinguer différents aspects qui, à
tions d’enseignement général et profession- aux seuls, ne peuvent pas être
nel adapté (SEGPA) et préparent désormais explicatifs de la complexité des
à un diplôme de niveau V (CAP ou BEP). situations. Plusieurs tentatives
de modèles unifiés ont été pro-
posées, comme le modèle PPH
pour le processus de production
L’expression «  personne en si- du handicap dans les années 1980
tuation de handicap souligne la (Fougeyrollas, 2002). C’est une
dimension indéfectiblement pre- équipe québécoise qui a ajouté à
mière de la situation et la com- un modèle anthropologique gé-
mune humanité de celle ou celui néral du développement humain
à qui le statut de personne est quatre variables explicatives du
accordé. Le handicap constaté handicap :
est alors appréhendé sous l’angle − les facteurs personnels (âge,
d’une conséquence, la consé- sexe, aptitudes, etc.) ;
quence de conditions situation- − un facteur de risque, qui est
nelles défavorables. En toute un élément susceptible de
rigueur, le handicap ne préexiste porter atteinte à l’intégrité ou
plus, dans cette perspective, à la au développement d’un indi-
situation. » (Frétigné, 2013) vidu, comme une maladie, un
traumatisme, etc. ;
− les facteurs environnementaux
Le dernier binôme concerne l’inclusion/ qui facilitent ou entravent les
la situation (de handicap, depuis les an- habitudes de vie ;
nées 2000) : le binôme le plus influencé − une habitude de vie, activité
par l’international, avec la nouvelle Classi- courante ou rôle social des
fication internationale du fonctionnement individus.
du handicap et de la santé (CIF) élabo-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 7/36
Côté certification, en 2004 sont créés à CAPPEI, Certificat d’aptitude profession-
la fois le Capa-SH, Certificat d’aptitude nelle aux pratiques de l’éducation inclu-
professionnelle pour les aides spéciali- sive. Le CAFETS est remplacé en 2005
sées, les enseignements adaptés et la par le DEETS (Diplôme d’État d’édu-
scolarisation des élèves en situation de cateur technique spécialisé), dont les
handicap, et le 2 CA-SH, Certificat com- titulaires assurent une prise en charge
plémentaire pour les enseignements éducative, par l’encadrement d’activités
adaptés et la scolarisation des élèves en techniques, des personnes présentant un
situation de handicap, première certifica- handicap ou des difficultés d’ordre social
tion ouverte aux enseignant.e.s du se- ou économique, en vue de leur intégra-
cond degré. Ces deux certifications sont tion sociale et de leur insertion profes-
remplacées depuis 2017 par une seule, sionnelle (Roiné, 2014).
ouverte à tou.te.s les enseignant.e.s : le

Historique des lois sur la scolarisation des élèves en situation de handicap


en France
(Didier-Courbin & Gilbert, 2005 ; voir également le site vie-publique.fr)
− Loi du 15 avril 1909 : création des classes et des écoles de perfection-
nement, ainsi que du Certificat d’aptitude à l’enseignement des enfants
« arriérés » (CAEA) ;
− la loi n° 75-534 de 1975 institue notamment la scolarisation et l’obligation
éducative pour l’ensemble des élèves ;
− la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 réaffirme le principe
de l’obligation éducative en faveur des enfants handicapé.e.s et la priorité
à l’intégration scolaire ;
− la loi du 12 juillet 1990 protège les personnes contre la discrimination en
raison de leur état de santé ou de leur handicap ;
− la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 affirme « le
droit de tout élève en situation de handicap à accéder à l’éducation » ;
− la loi de Refondation de l’école du 8 juillet 2013 reconnait que « tous les
enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser » et veille à
« l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction ».

Secteur de l’adaptation et/ou à priori différents puisque d’origine dif-


secteur du handicap ? Une histoire férente. Roiné (2014) parle de « longue l
« La construction
parallèle tradition bipolaire tendant à mettre en historique de deux
œuvre des actions pour les “arriérés et secteurs séparés a
Actuellement, la France, engagée pour- instables” (1909-1963), “déficients et comme corollaire
tant dans l’école inclusive sur le plan inadaptés” (1963-1987), “handicapés et le développement
de deux cultures
législatif, peine à se dégager de son inadaptés” (1987-2006). À l’intérieur de différentes […]. À
modèle historique de double sépara- chaque binôme, les premières accep- la fin des années
tion : entre l’école publique et les éta- tions désignent ce qui relève du handi- soixante, pour nombre
blissements privés d’une part, et entre cap, les secondes ce qui relève de la dif- d’éducateurs et de
responsables d’instituts
l’Éducation nationale et le ministère de ficulté scolaire. Cette bivalence, loin de de rééducation c’est
la Santé d’autre part l. À cette sépara- distinguer et de séparer les deux types l’institution scolaire
tion s’ajoute une confusion entre deux d’élèves a le plus souvent tendance à les elle-même qui est
champs, celui du handicap d’un côté et fusionner voire les confondre ». responsable des
troubles des jeunes,
celui de la grande difficulté scolaire de ce qui les rend
l’autre (champ de l’adaptation), dont la particulièrement
prise en charge a été souvent regrou- méfiants à l’égard
pée, voire commune, pour des besoins de l’enseignement. »
(Dorison, 2015)

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


8/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
Les SEGPA sont destinées aux élèves
L’INSHEA, miroir des évolutions « présentant des difficultés scolaires
de l’adaptation scolaire et du re- graves et persistantes auxquelles n’ont
gard sur le handicap en France pu remédier les actions de prévention,
− 1954 : création du Centre d’aide et de soutien » (site Eduscol).
national d’éducation de plein L’objectif est de permettre aux élèves
air, le CNEPA ; en difficulté scolaire d’obtenir un di-
− 1971 : le CNEPA devient le plôme de niveau V (CAP ou BEP). Les
CNEFEI, Centre national enseignant.e.s de ces sections ou de
d’études et de formation pour ces établissements peuvent être des
l’enfance inadaptée ; « professeurs des écoles, professeurs
− 1998 : lancement d’une revue de collège et lycée et professeurs de
de recherche sur l’inclusion lycée professionnel [et] ont vocation, à
sociale, La Nouvelle revue terme, à être titulaires du certificat d’ap-
pour l’adaptation et la scolari- titude professionnelle aux pratiques de
sation ; l’éducation inclusive (CAPPEI) » (circu-
− 2005 : transformation du laire n° 2017-076 sur les « Enseigne-
CNEFEI en INSHEA, Institut ments adaptés »).
national supérieur de for-
mation et de recherche pour Le CAPPEI propose lors de l’année de
l’éducation des jeunes han- formation un module de professionnali-
dicapés et les enseignements sation dans l’emploi (52 heures) dépen-
adaptés ; dant du futur poste occupé, soit dans
− 2012 : labélisation du groupe l’enseignement adapté, en SEGPA, en
de recherche sur le handi- EREA, dans les Réseaux d’aides spécia-
cap, l’accessibilité et les pra- lisées aux élèves en difficulté (RASED)
tiques éducatives et scolaires ou en milieu pénitentiaire ou en centre
(GRHAPES), comportant éducatif fermé ; soit pour des élèves en
14 doctorant.e.s ; situation de handicap, en unité d’ensei-
− Côté formation, en plus de gnement (UE) des établissements et
la préparation au CAPPEI, les services sanitaires et médicosociaux,
premiers masters et licences comme coordonnateur.rice d’une uni-
professionnelles sont créés en té localisée pour l’inclusion scolaire
2012-2013, et en 2014 appa- (ULIS), comme enseignant.e référent.e
raissent les diplômes univer- pour la scolarisation des élèves handi-
sitaires « Troubles spécifiques capés ou encore comme secrétaire de
des apprentissages, approches la commission d’orientation vers les en-
cognitive et pédagogique » et seignements adaptés du second degré
« Autisme et apprentissages » ; (CDOEA).
− 2018 : La Nouvelle revue pour
l’adaptation et la scolarisation Focus sur la scolarisation actuelle
devient La nouvelle revue des élèves en situation de handicap
– Éducation et société inclu-
sives. Quel panorama aujourd’hui pour la
scolarisation des élèves en situation
de handicap en France ? Où en est-
L’enseignement adapté se fait en on de leur intégration ? Les chiffres qui
France dans des sections ou établis- suivent montrent une volonté politique
sements adaptés, comme les établis- actuelle forte d’augmenter quantitative-
sements régionaux d’enseignement ment et qualitativement la scolarisation
adapté (EREA) et les lycées d’ensei- des élèves en situation de handicap
gnement adapté (LEA) créés en 1995, dans leur établissement de secteur.
ou les sections d’enseignement géné-
ral et professionnel adapté (SEGPA) Dans le détail, avant d’être scolarisé,
dans les collèges créées en 1989. l’enfant en situation de handicap doit

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 9/36
d’abord suivre la procédure de recon- dans les écoles de secteur, mais aussi
naissance du handicap en déposant une dans les classes et les unités d’ensei- l
demande auprès des Maisons départe- gnement externalisées. Le ministère de Voir les pages
du ministère de
mentales des personnes handicapées la Santé contrôle (mais n’assure pas) la l’Éducation nationale
(MDPH). Les commissions des droits et gestion des établissements ou services « La scolarisation des
de l’autonomie des personnes handica- spécialisés et privés, qui ont souvent élèves en situation
pées étudient alors cette demande et les historiquement un ancrage local fort, de handicap » et la
circulaire « Parcours
éventuelles compensations possibles, comme les instituts médicoéducatifs de formation des
en construisant avec un.e enseignant.e (IME), instituts médicoprofessionnels élèves en situation
référent.e un projet personnalisé de (IMPro), instituts thérapeutiques, édu- de handicap dans
scolarisation l. catifs, pédagogiques (ITEP l), Insti- les établissements
scolaires ».
tuts d’éducation motrice (IEM), instituts
Les élèves en situation de handicap d’éducation sensorielle, etc. (Dorison, l
peuvent être scolarisé.e.s dans diffé- 2015). Les personnels assurant la sco- Voir à ce propos
les annonces
rents types d’établissement selon leurs larité des enfants et des adolescent.e.s ministérielles de
besoins, même si l’école ou l’établisse- dans ces établissements peuvent être juillet 2018 pour,
ment de secteur est à privilégier depuis des enseignant.e.s spécialisé.e.s. Pour entre autres, la
la loi de 2013. Les différents types de les enfants étant scolarisé.e.s en milieu création de 250 ULIS
supplémentaires dans
scolarisation sont : hospitalier, il existe, dans certains éta- les lycées d’ici 2022,
- soit en classe dans leur établisse- blissements, des unités d’enseignement l’expérimentation
ment de secteur. Les élèves peuvent dont la mission première est de garder de pôles inclusifs
alors être suivi.e.s par un SESSAD le lien avec la scolarité antérieure à d’accompagnement
localisés concernant
(Service d’éducation spéciale et de l’accident ou la maladie et de préparer la mutualisation de
soins à domicile) ; le retour de l’enfant dans son établisse- l’accompagnement,
- soit dans une classe interne à un ment de secteur. l’assurance d’un.e
établissement médicosocial, appe- enseignant.e
spécialisé.e sur
lée « unité d’enseignement » (UE). Le nombre d’heures d’enseignement l’autisme par
Le document Pour l’école de la peut varier très fortement selon les en- département dans le
confiance indique qu’il existe, en fants ou adolescent.e.s, mais il semble cadre de la stratégie
septembre 2016, plus de 100 000 plus important dans les classes exter- nationale 2018-
2022 pour l’autisme,
élèves en UE dans des établisse- nalisées que dans les classes internes ainsi que 180 unités
ments spécialisés ; aux établissements médicosociaux ou d’enseignement en
- soit dans une classe ou une unité médicoéducatifs. Les effectifs de ces maternelle autisme
d’enseignement externalisé d’un dernières sont faibles, de quelques (UEMA) à créer d’ici
2022 (en plus des
établissement médicosocial, qui est élèves seulement (maximum cinq 110 UEM créées
située dans l’établissement scolaire d’après Wickers et al., 2015) pour un lors du 3e plan
proche de l’établissement médico- temps d’enseignement le plus souvent autisme), 45 unités
social et conventionné avec ce der- inférieur au mi-temps. La continuité des d’enseignement
élémentaire « Troubles
nier ; enseignements dans les classes exter- du spectre autistique »
- soit en scolarité partagée entre nalisées de primaire n’est que rarement prévues dans la
l’unité d’enseignement de l’établis- assurée au collège (via une orientation continuité des UEMA,
sement médicosocial et la classe de en ULIS ou en SEGPA) et elle n’existe dont cinq dès la
rentrée 2018. Voir
l’établissement de secteur ou un dis- plus au lycée, les adolescents étant également le rapport
positif spécialisé (ULIS, SEGPA…), alors scolarisé.e.s dans un établisse- d’évaluation du 3e
pour un temps d’enseignement total ment médicoéducatif. plan autisme publié en
entre 50 % et 80 % d’un temps plein 2017.
l
en primaire en moyenne l. Le docu- Voir le rapport
ment Pour l’école de la confiance Évaluation du
indique qu’il existe, en septembre fonctionnement
en dispositif
2016, 8 354 ULIS (4 784 en élémen- intégré des instituts
taire, 2 903 au collège et 667 au thérapeutiques,
lycée), incluant 96 108 élèves. éducatifs et
pédagogiques (ITEP)
et des perspectives
L’Éducation nationale gère la scolarisa- d’extension datant de
tion des jeunes en situation de handicap 2018.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


10/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
troubles du langage et de la parole
Quelques chiffres parviennent à l’heure en CM2.
À la rentrée 2017, 321  476 élèves Sur les 38 % des élèves scolarisés en ULIS
en situation de handicap étaient à 10 ans, 60 % présentent des troubles intel-
scolarisé.e.s dans les écoles et éta- lectuels ou cognitifs ; les déficients visuels
blissements publics et privés rele- (12 %), les déficients moteurs ainsi que les
vant du ministère de l’Éducation enfants présentant des troubles viscéraux
nationale : 181 158 dans le premier (14 %) sont les moins nombreux. Un tiers des
degré et 140  318 dans le second élèves déficients auditifs ou visuels atteint le
l degré l. À titre de comparaison, à la
Et près de 41 000 niveau CM1, 15 % des premier.e.s et 19 %
candidat.e.s au rentrée 2015, 279 000 élèves étaient des second.e.s le niveau CM2. 14 % des
baccalauréat en situation de handicap en France. élèves sont scolarisé.e.s en milieu spéciali-
concerné.e.s.
Sur l’ensemble des élèves en situa- sé, mais plus du quart des élèves présentant
tion de handicap ayant 10  ans en plusieurs troubles associés. Un.e déficient.e
2015 (Le  Laidier & Prouchandy, auditif.ve sur cinq est scolarisé.e dans un
2016 ; Mochel et al., 2018 ; Conseil établissement spécialisé. Les trois quarts
de l’enfance et de l’adolescence, d’entre eux et elles sont de niveau CE2 ou
2018) : supérieur, contre 19 % de l’ensemble.
− 45 % sont en classe ordinaire
alors qu’elles et ils étaient 85 %
à 6 ans (en CM1 ou CM2, niveau
inconnu) ; Les prévisions pour l’accompa-
− 38 % sont en ULIS (niveau CE1 gnement des élèves en situation
pour les deux tiers, niveau CM1 de handicap
pour 13 % et niveau CM2 pour Pour améliorer l’accompagnement
3 %) ; des élèves en situation de handi-
− 14 % sont en établissement spé- cap, il est prévu un plan quinquen-
cialisé (niveau maternelle pour nal de recrutement de 22 500 em-
la moitié des élèves, niveau CP plois d’accompagnant.e.s d’élèves
ou CE1 pour un tiers). en situation de handicap (AESH)
supplémentaires, à raison de
4  500  emplois par an. À titre de
La Note d’information de la DEPP (Le comparaison, à la rentrée 2016,
Laidier & Prouchandy, 2016) permet de il y avait 80  000 accompagnants
mieux comprendre la situation des élèves (50  000 contrats aidés et 30  000
selon leur type de handicap et selon leur AESH). C’est une inflation qui
origine sociale. Concernant le type de questionne, comme si la scolarisa-
handicap, il existe de fortes disparités qui tion d’un élève avec handicap était
dépendent du lieu de scolarisation des forcément soumise à une com-
élèves et qui indiquent que les adapta- pensation sous la forme d’une aide
tions pédagogiques ne peuvent pas être humaine (Toullec-Théry, 2013).
identiques pour tou.te.s les élèves. En ef- D’autres compensations sont aussi
fet, à la rentrée 2015, 22 % des enfants en envisagées, comme la mise à dis-
situation de handicap arrivent « à l’heure » position de matériels pédago-
en CM2 : giques adaptés. La rénovation du
- 61 % des enfants présentant un dispositif d’accompagnement des
trouble visuel, 53 % de ceux présen- élèves en situation de handicap
tant un trouble moteur, et 46 % de sera expérimentée dans chaque
ceux ayant un trouble viscéral y par- académie en 2018-2019 en vue
viennent ; d’une généralisation progressive à
- à l’opposé, seulement 8 % des enfants partir de la rentrée scolaire 2019
de 10 ans présentant des troubles in- (voir le nouveau décret de 2018 sur
tellectuels et cognitifs atteignent cette les accompagnant.e.s des élèves
classe ; en situation de handicap).
- un tiers des enfants présentant des

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 11/36
CE QU’IMPLIQUE l’accent est mis davantage sur la scola-
risation des élèves en situation de han-
L’IDÉAL DE L’ÉCOLE dicap dans « l’école ordinaire », sur la
INCLUSIVE scolarisation de tou.te.s les élèves (dont
les élèves à besoins particuliers), ou sur
L’exemple de l’Italie et l’exposé de la les aspects juridiques (le droit à l’éduca-
situation française ont mis en lumière, tion pour tou.te.s les élèves), ou encore
outre la difficulté de la comparaison sur l’accessibilité ou l’implication des
internationale, la dépendance des no- élèves dans l’école inclusive. Au-delà
tions d’intégration, d’inclusion, d’école des élèves en situation de handicap,
inclusive aux contextes nationaux et l’école inclusive englobe l’ensemble des l
On notera par
la difficulté à les définir l. Il n’y a ainsi élèves, dans un sens plus large. Appré- exemple que les
pas d’unanimité dans la définition de hender la manière dont elle est présen- textes internationaux
l’éducation inclusive, parce qu’elle est tée (et idéalisée ?) par les textes inter- évoquent plutôt la
étroitement liée à des considérations nationaux, et cerner les conséquences notion d’« école
inclusive » alors
politiques, sociétales, historiques et concrètes de son application aux diffé- que les travaux de
pédagogiques (Hyatt & Hornby, 2017 ; rents systèmes éducatifs est l’objet de recherche préfère
Beaucher, 2012). Selon les définitions, cette partie. en général le terme
d’« inclusion scolaire »
(repris souvent dans
ce Dossier), peut-
être pour désigner le
« Il faut préciser que la notion d’inclusion n’a pas, jusqu’à une période récente, processus plutôt que le
trouvé un grand écho en France où les acteurs de l’éducation spécialisée ont résultat final, pour une
durablement utilisé de manière interchangeable les termes d’intégration et meilleure comparaison
avec le processus
d’inclusion. [Avec la loi d’orientation et de programmation du 8 juillet 2013], d’intégration, ou pour
l’école inclusive se sépare ainsi du champ du handicap, tel que défini par le marquer une étape
législateur, pour pénétrer le droit commun et concerner toutes les catégories vers l’idéal de l’école
d’élèves, même si ses déclinaisons concrètes restent encore très fortement inclusive ?
associées, en France du moins, au traitement social du handicap. » (Ville, 2018)

Historiquement, la Déclaration de Sala- qualité et gratuit, et à l’enseignement


manque par l’UNESCO en 1994 pose secondaire. Les Principes directeurs
les bases d’une stratégie éducative pour l’inclusion dans l’éducation, signés
globale pour les élèves en situation de sous l’égide de l’UNESCO en 2009, ont
handicap, qui comprend également les pour objectif de rendre l’éducation inclu-
enfants à besoins éducatifs spéciaux, sive. Il s’agit de modifier, de reconfigu-
car tou.te.s les élèves doivent pouvoir rer l’organisation scolaire pour inclure
apprendre ensemble grâce à une péda- de plein droit les enfants en situation
gogie centrée sur l’enfant. Le handicap de handicap, de refuser et lutter contre
est associé pour la première fois à un l’exclusion de certains types d’élèves,
besoin particulier, c’est-à-dire à une dans le cadre d’un modèle social du
différence plutôt qu’une déficience ou handicap qui porte la responsabilité sur
une incapacité. Les textes qui ont suivi le système scolaire et non, comme c’est
attestent de la volonté de définir de nou- le cas pour une politique d’intégration,
velles normes pour le handicap, pour sur le manque d’adaptation des élèves
modifier les représentations sociales et à ce système.
engager les États signataires dans une
réelle politique d’inclusion, avec une
exigence d’efficacité. Ainsi en 2006, la
Convention relative aux droits des per-
sonnes handicapées de l’ONU pose
notamment les bases d’un « droit à
l’éducation sans discrimination » : accès
à un enseignement primaire inclusif, de

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


12/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
- l’inclusion en tant que réponse aux
Le Comité des droits des per- besoins sociaux ou scolaires des ap-
sonnes handicapées (2016) prenants en situation de handicap ;
montre que certains modèles qui - l’inclusion en tant que réponse aux
pourraient paraitre inclusifs sont besoins sociaux ou scolaires de tous
pourtant à la limite de l’inclusion, les apprenants ;
en précisant les différentes notions - l’inclusion en tant que création de
abordées  : «  On parle d’exclusion communautés. »
lorsque l’accès à une quelconque
forme d’éducation est empêché
ou refusé, directement ou indirec- Selon que l’on mobilise une ou plusieurs
tement. On parle de ségrégation conceptions, l’accent va être mis sur l’as-
lorsque des enfants handicapés pect individuel de l’éducation inclusive
sont scolarisés dans des établisse- et donc les besoins et les droits des per-
ments spécifiques, conçus ou uti- sonnes en situation de handicap ou sur
lisés pour accueillir des personnes la responsabilité collective, et donc sur la
ayant un handicap particulier ou nécessité de modifier les systèmes édu-
plusieurs handicaps, et qu’ils sont catifs dans l’objectif large d’une société
privés de contact avec des enfants qui n’exclut pas.
non handicapés. On parle d’inté-
gration lorsque des enfants han-
dicapés sont scolarisés dans des « Si à l’origine le terme d’inclusion
établissements d’enseignement soulignait la volonté de scolariser
ordinaires, dans l’idée qu’ils pour- les enfants présentant une défi-
ront s’adapter aux exigences nor- cience ou un trouble d’apprentis-
malisées de ces établissements. sage en milieu ordinaire, il désigne
[…] l’intégration ne garantit pas désormais l’exigence faite au sys-
automatiquement le passage de tème éducatif d’assurer la réussite
la ségrégation à l’inclusion. On scolaire et l’inscription sociale de
parle d’inclusion dans le cas d’un tout élève indépendamment de
processus de réforme systémique, ses caractéristiques individuelles
impliquant des changements dans ou sociales. Sa consécration dé-
les contenus pédagogiques, les passe en cela largement la ques-
méthodes d’enseignement ainsi tion du handicap et de la scolari-
que les approches, les structures et sation d’un groupe minoritaire  »
les stratégies éducatives […] Si elle (Ebersold, 2009).
ne va pas de pair avec des chan-
gements structurels […], la scola-
risation d’enfants handicapés dans UN DROIT À L’ÉDUCATION
des classes ordinaires ne relève pas
de l’inclusion. » (Comité des droits
POUR CHAQUE ENFANT
des personnes handicapées, 2016) SUIVANT SES BESOINS…

Suite à la reconnaissance des discrimina-


Des travaux de recherche comme ceux tions et au développement des politiques
de Kefallinou (2016) mettent en avant les sociales pour lutter contre ces discrimina-
différentes conceptions de l’éducation in- tions, l’accent a été mis dans les textes in-
clusive (certain.e.s chercheur.se.s parlent ternationaux sur l’application et le respect
même d’une variété d’inclusions, voir des droits des personnes potentiellement
Norwich et al., 2014), qui se croisent ou exclues de la société, dont les personnes
s’emmêlent selon les histoires nationales en situation de handicap. Côté éducation,
ou les agendas politiques : c’est le droit à l’éducation de chaque en-
- « l’inclusion en tant que placement fant ou jeune, qui doit pouvoir bénéficier
des apprenants en situation de handi- d’une éducation de qualité.
cap dans les classes ordinaires ;

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 13/36
sion internationale. La promotion de l’édu-
Soutien du développement de cation inclusive constitue en quelque sorte
l’éducation inclusive au niveau la suite de l’« Éducation pour tous », car
européen elle vise à limiter au maximum l’exclusion
L’Agence européenne pour l’édu- des élèves, mais également à leur appor-
cation adaptée et inclusive est ter une éducation de qualité, au-delà d’une
créée en 1996 par les pays de simple intégration, et au-delà des murs de
l’Union européenne, l’Islande, la l’école (activités extrascolaires, éducation
Norvège et la Suisse, et a pour non formelle…). C’est l’inclusion sociale
objectif de fournir un cadre per- qui est en jeu : « l’exclusion sociale (qui
manent et structuré à la coopéra- est première) est amorcée par l’exclusion
tion européenne dans le domaine scolaire. […] Le balancier s’est déplacé
de la scolarisation des élèves à du côté de l’égalité des chances […] :
besoins éducatifs particuliers, l’essentiel n’est-il pas de croire qu’avec de
notamment en encourageant et vigoureuses mesures de compensation,
promouvant la recherche dans ce l’égalité des chances pourra être assu-
domaine. Citons l’exemple de la rée ? à l’inverse, l’inégalité qui choque le
conférence internationale « École plus, c’est la discrimination, quand on ne
inclusive pour les élèves en situa- peut même pas entrer dans le jeu. […] En-
tion de handicap  : accessibilité, fin, bien que l’objectif de démocratisation
réussite scolaire et parcours indi- de l’école puisse apparaître consensuel,
viduels  » organisée en 2016 par personne ne veut véritablement l’égalité
le CNESCO et le CIEP, et pour scolaire intégrale, sinon les diplômes ne
laquelle l’Agence européenne a seraient plus discriminants » (Duru-Bellat,
été partenaire. Cette conférence 2011). l
a abouti à des préconisations. Il « L’accessibilité se
doit de tenir compte
existe d’autres structures natio- Le droit à l’éducation impose aux établis- du contexte et du
nales encouragées par la Com- sements scolaires quatre contraintes à système dans lequel
mission européenne, comme le respecter, sous la forme des « 4A » (avai- la compensation
Conseil français des personnes lability, accessibility, acceptability, adap- par le numérique
se développe. […]
handicapées pour les questions tability), d’après Tomaševski (Conseil de Si la compensation
européennes (CFHE), fondé en l’Europe, 2017 ; Potvin, 2014) : s’attache plus
1993. - la disponibilité, c’est-à-dire un nombre volontiers aux
suffisant d’établissements pour ré- procédures
d’attribution et à
pondre aux besoins de tou.te.s les l’usage des outils
Un droit historiquement non élèves en âge d’être scolarisé.e.s ; numériques,
respecté - l’accessibilité l, en termes matériels l’accessibilité s’oriente
et économiques ; très clairement
vers un processus
Les mouvements des années 1960 autour - l’acceptabilité, pour prendre en d’appropriation
de la revendication des droits civiques et compte l’avis des enfants sur la façon pour répondre aux
le développement des disability studies dont leurs droits sont mis en œuvre ; besoins particuliers
se sont formés dans la lignée des cultural - l’adaptabilité des systèmes éducatifs. et à l’activité des
personnes. Il s’agit ici
studies ou des gender studies qui ont eu de la distinction que
pour rôle de permettre aux minorités (ou l’on peut faire entre
considérées comme telles) d’avoir leur Que recouvre la notion d’élève à approche centrée
propre champ de recherche, mettant ainsi sur l’individu et
besoins éducatifs particuliers ? approche centrée sur
l’accent sur un droit fondamental à l’édu- le système. » (Benoit &
cation (Albrecht et al., 2001 ; Stiker, 2016). Feuilladieux, 2017)
Plus tard, sous la forme du programme Le concept de « besoins éducatifs particu-
« Éducation pour tous » sous l’égide de liers », apparu à la fin des années 1970 en l
Le kit pédagogique
l’UNESCO en 1990, l’objectif était d’abord Grande-Bretagne l, est très utilisé par les d’eTwinning
de faire accéder les filles et les minorités organisations internationales et est asso- « Handicap et école
à une réelle éducation, puis à une éduca- cié à l’école inclusive. Le Royaume-Uni, inclusive » permet
de découvrir la mise
tion de qualité. D’énormes progrès ont été par exemple, a reconnu dès les années
en place de l’école
accomplis dans ce domaine, sous la pres- 1970 les élèves à besoins éducatifs parti- inclusive en Europe.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


14/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
culiers, mais lutte encore aujourd’hui pour fait d’une déficience (motrice, sensorielle),
scolariser tou.te.s les élèves en situa- d’un trouble ou d’un retard mental mais
tion de handicap : c’est tout le contraire aussi, plus généralement, tout élève qui,
de l’Italie, qui scolarise l’ensemble des du fait de ses difficultés, peut se trouver
élèves en situation de handicap depuis exclu des parcours ordinaires de scola-
les années 1970, mais vient tout juste de risation. » Lorcerie (2011) n’utilise pas le
prendre en compte les spécificités des terme « besoins éducatifs particuliers »
élèves à besoins éducatifs particuliers mais préfère prendre en compte la ma-
(Ciambrone, 2018). La notion de besoins nière dont les élèves tirent suffisamment
éducatifs particuliers prend en compte profit de l’école et le changement de re-
l’interaction de la personne avec son envi- gard que cela implique pour le personnel
ronnement et débouche sur des réponses éducatif.
pédagogiques apportées aux élèves. Pour
l’UNESCO (2017), ce terme est « utilisé Le concept de besoin éducatif particulier
dans certains pays pour désigner des en- n’englobe pas les mêmes populations
fants ayant des incapacités qui semblent d’élèves entre les pays européens, selon
nécessiter un soutien supplémentaire ». que l’on associe aux enfants présen-
tant des troubles de l’apprentissage les
enfants en situation de handicap comme
en France, les élèves ayant des difficultés
« L’expression Special Needs de lecture comme en Allemagne ou selon
Education, qui apparaît pour la que ce terme ne désigne que des élèves
première fois en Angleterre en scolarisé.e.s dans des classes spéciales
1978 dans le rapport Warnock, (Caraglio, 2017). La comparaison inter-
a vocation dans l’esprit de nationale n’est pas facile dans ces condi-
ses auteurs à se substituer à tions : quels indicateurs comparer ? Com-
la terminologie du handicap ment savoir si les politiques menées pour
et pour souligner la nécessité une meilleure inclusion sont efficaces, ou
d’un ancrage des réponses aux plus efficaces que dans d’autres pays ? Un
difficultés d’apprentissage dans appel à l’harmonisation des indicateurs est
le domaine pédagogique. » lancé dans les années 2010 et des outils
(Ciambrone, 2018) de comparaison de données sont dispo-
nibles sur le site de l’Agence européenne
pour l’éducation adaptée et inclusive (côté
Pour Thomazet (2008), les besoins édu- français, l’harmonisation est également
catifs particuliers réfèrent aux « besoins nécessaire d’après le Conseil national
d’élèves qui, lorsque les pratiques d’in- consultatif des personnes handicapées).
tégration scolaire ne sont pas mises en D’autres rapports récents se penchent sur
place, les conduisent vers des dispositifs des indicateurs structurels, également au
ségrégatifs (Whitworth, 1999). Ce terme niveau européen (Structural indicators for
rassemble donc les élèves ayant besoin inclusive systems in and around schools).
d’une adaptation de l’enseignement, du

En Italie, une distinction est faite règlementairement « entre personnes porteuses de handicaps […],
personnes avec des troubles spécifiques d’apprentissage […] et personnes avec des besoins éducatifs
spéciaux » (de Anna, 2014). À la rentrée 2017, sont scolarisé.e.s plus de 230 000 élèves en situation
de handicap, soit environ 3 % de la population scolaire. La reconnaissance des « troubles évolutifs
spécifiques » d’apprentissage (dyslexie, dysgraphie, dyscalculie…) donne droit selon la loi à des
ressources scolaires spécifiques : des mesures compensatoires et/ou des mesures exonératoires,
décidées par les enseignant.e.s et rassemblées dans un plan didactique personnalisé, mais pas
d’accompagnement particulier par les enseignant.e.s de soutien. Pour la troisième catégorie, qui
concerne par exemple les élèves migrant.e.s qui n’ont pas encore appris la langue italienne, un plan
d’apprentissage personnalisé peut être mis en place suite à une décision collégiale des enseignant.e.s
de l’établissement et apporter des mesures compensatoires et dérogatoires (Caraglio & Gavini, 2018).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 15/36
Pour Ebersold et Detraux (2013), la ré- l’élève à l’épreuve de la norme scolaire »
ponse aux besoins éducatifs particuliers (Caraglio, 2017). Au contraire, le proces-
passe dans les faits le plus souvent par sus d’inclusion provient d’une concep-
une orientation vers une organisation pé- tion environnementaliste s’attachant à
dagogique particulière, se basant sur des « instaurer les conditions pédagogiques l
constats de carence dans certains do- qui réduisent les obstacles aux appren- « Le fait de considérer
l’inclusion au sens
maines de développement, « faute d’une tissages » des élèves en situation de large, c’est-à-dire
analyse opérationnelle des besoins édu- handicap, mais aussi de l’ensemble des pour tou.te.s, entraine
catifs ». La performance scolaire tend à élèves. L’inclusion nécessite donc une le risque de ne pas
résumer la notion de besoin éducatif par- modification substantielle des pratiques reconnaitre que
différentes approches
ticulier à la délivrance d’un service, à la par rapport à un système intégratif. En éducatives peuvent
« consommation de ressources addition- effet, « l’intégration contribue à la démo- s’appliquer parmi ces
nelles nécessaires à la réussite scolaire » cratisation quantitative de l’éducation aires de différence.
(Ebersold & Detraux, 2013). C’est comme pour tous, mais elle ne traduit pas néces- Il y a aussi le risque
que les intérêts des
si la notion de besoin particulier rempla- sairement une démocratisation qualita- personnes en situation
çait les anciennes catégorisations de han- tive de la réussite pour tous » (Rousseau de handicap soient
dicap, mais en créant une « super caté- et al., 2015), ce que sous-tend l’inclusion secondaires ou trop
gorie » très large répondant à toute une scolaire l. vite considérés par
rapport aux intérêts
gamme de difficultés d’apprentissage l, d’autres groupes moins
avec des risques de stigmatisation l. Le Conseil de l’Europe (2017) avance minoritaires, basés sur
Les programmes, plans ou projets desti- des arguments économiques détaillés en le genre ou le niveau
nés aux élèves à besoins éducatifs par- faveur de l’école inclusive : « Une forte socioéconomique. »
(Norwich, 2014)
ticuliers en France sont ainsi constitués concentration d’élèves vulnérables dans
selon les catégories d’élèves auxquels ils les mêmes établissements et les mêmes l
Armstrong lors du
s’adressent : Programme personnalisé de classes contraint les pouvoirs publics à colloque « Le système
réussite éducative (PPRE) pour les diffi- mobiliser des moyens matériels et hu- français et les élèves
cultés scolaires ; Plan d’accompagnement mains considérables pour répondre aux à besoins éducatifs
particuliers » de 2003
personnalisé (PAP) pour les troubles d’ap- besoins des nombreux élèves qui sont (communication
prentissage ; Projet personnalisé de sco- susceptibles de rencontrer des difficultés « Les politiques
larisation (PPS) pour le handicap ; Projet d’apprentissage. De plus, la séparation éducatives de
d’accueil individualisé (PAI) pour les mala- accroît le taux de décrochage scolaire, l’inclusion : pratiques
et contradictions »)
dies. a un coût élevé en termes de perte de indique que,
capital humain et génère des dépenses paradoxalement, « les
… ET DES DEVOIRS POUR LES liées à la nécessité de mettre en œuvre effets stigmatisants
des programmes de seconde chance et de l’étiquetage » n’ont
SYSTÈMES ÉDUCATIFS pas été supprimés par
d’autres formes d’enseignement de rat- l’introduction du terme
La notion d’éducation inclusive implique, trapage. Ces coûts pourraient être sensi- de « besoins éducatifs
pour assurer les droits de l’ensemble blement réduits avec un système d’édu- particuliers ». Elle fait
des élèves, de changer les systèmes cation inclusive. » état des discussions
animées au Royaume-
éducatifs. Des changements radicaux Uni entre les tenants
sont parfois demandés sous la pression Au niveau des recherches portant sur la de l’école inclusive,
européenne et internationale, comme comparaison des résultats des élèves et les tenants des
une transformation profonde de l’ensei- placé.e.s dans une école inclusive par « special educational
needs ».
gnement spécialisé. Est-ce que cela est rapport à un système d’enseignement
réellement possible en France ? Est-on séparé, les résultats sont mitigés car la l
Voir la vidéo de
assuré d’une meilleure efficacité pour comparaison est extrêmement difficile à Toullec-Théry de
les élèves concerné.e.s par rapport aux faire, avec des exemples de réussite mais 2018 : « Il va en
actuelles structures d’accueil privilé- un manque de preuve concernant les bé- inclusion… êtes-vous
d’accord ? ».
giées ? néfices de l’éducation inclusive (Hyatt &
Hornby, 2017).
L’école inclusive suppose de
transformer les systèmes éducatifs D’autres travaux de recherche (Tremblay,
2017) soulignent que, malgré quelques
Le processus intégratif « se focalise réussites exemplaires, le « détour ségré-
sur les difficultés individuelles et met gatif » par une structure d’accueil privilé-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


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l
Il a été montré que la giée l, qu’elle soit dans ou hors de l’établis- années 2000, l’inclusion partielle : « l’in-
séparation d’élèves du sement scolaire, se révèle le plus souvent clusion partielle appuie le maintien de ser-
reste de leur classe être un échec pour l’élève concerné.e. On vices ségrégés pour certains élèves tout
pendant un temps
long, que ce soit pour
observe ainsi une « diminution des espé- en privilégiant le placement en milieu ordi-
remédier à leurs dif- rances scolaires et professionnelles des naire pour que l’élève puisse atteindre ses
ficultés durables ou parents, des professionnels, des élèves » objectifs d’apprentissage. [L’objectif est]
passagères ou pour (Tremblay, 2017), un étiquetage et une de fournir une éducation de qualité à tous
un temps privilégié
en petit groupe, les
surreprésentation d’élèves issu.e.s des et d’assurer des environnements scolaires
stigmatisait et avait minorités. favorisant l’apprentissage de tous les
un effet négatif à long élèves » (Bergeron & St-Vincent, 2011).
terme (Reverdy, 2017 ; Dans le cadre de ce que certain.e.s cher-
Toullec-Théry, 2015).
cheur.se.s nomme « l’inclusion totale », à
savoir « un processus dynamique impli-
quant une communauté et une école qui Hornby (2015) propose le
cherchent à créer une pédagogie de l’in- concept d’« éducation spéciale
clusion […], c’est-à-dire un environnement inclusive » (inclusive special
scolaire initialement conçu pour s’adapter education), pour lutter contre
à une diversité d’apprenants » (Bergeron l’inclusion totale qui n’est selon
& St-Vincent, 2011), la suppression des fi- lui pas possible en pratique.
lières et établissements spéciaux entraine Ce terme provient du système
forcément l’inclusion de l’ensemble des spécialisé finlandais, dans
élèves, sans distinction du type de han- lequel environ 22 % des enfants
dicap ou de besoin particulier, dans l’éta- bénéficient d’un enseignement
blissement de secteur. C’est ce que l’on spécialisé partiel et 8 % d’un
retrouve dans l’article 24 de la Conven- enseignement spécialisé à
tion relative aux droits des personnes temps plein : « la définition de
handicapées (ONU, 2006). Des travaux l’éducation inclusive spécialisée
de recherche interdisciplinaires s’inter- implique d’éduquer les enfants
rogent sur la faisabilité de cette inclusion à besoins éducatifs particuliers
totale dans le cas des élèves les plus fra- et en situation de handicap
giles, comme par exemple les élèves en dans le cadre le plus inclusif
situation de polyhandicap. L’exemple des possible […], avec l’objectif global
élèves sourd.e.s est mentionné par Hyatt d’atteindre le plus haut niveau
et Hornby (2017) : dans un environnement d’inclusion dans la société pour
scolaire basé sur l’oral comme c’est le cas tous ces jeunes. Cela implique
en Irlande du Nord ou en Suède, des re- que les enseignant.e.s des
cherches avancent que l’environnement le établissements spécialisés et
plus adapté à leurs besoins est une classe des classes spécialisés aident
ou un établissement spécialisé, compte les établissements ordinaires à
tenu de leurs difficultés spécifiques en mettre en place un enseignement
communication et compréhension orale. efficace pour les élèves à
besoins éducatifs particuliers
C’est alors dans la recherche de compro- et en situation de handicap,
mis que se sont tournés les travaux scien- tout continuant d’enseigner
tifiques : Rousseau et al. (2015) indiquent efficacement aux enfants qui ont
que l’on ne peut définir que des pratiques des besoins très importants et
qui tendent vers des pratiques d’intégra- qui ont besoin d’être éduqués
tion ou de l’autre côté d’un continuum vers dans le cadre de l’enseignement
des pratiques d’inclusion (voir également spécialisé. »
Terzi, 2014, pour qui le concept d’école in-
clusive mérite actuellement d’être reconsi-
déré à l’aune d’une perspective égalitaire). Dans un rapport récent, l’UNESCO (2017)
Pour Bergeron et St-Vincent (2011) par invite les pays à examiner eux-mêmes
exemple, il existe une troisième approche la place réelle de l’inclusion et de l’équi-
prise notamment par le Québec dans les té dans leurs politiques à travers quatre

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dimensions (concepts, déclarations de Le choix de l’Italie de fermer les institu- l
politique, structures et systèmes, pra- tions interroge encore aujourd’hui : faut-il La littérature
internationale utilise
tiques). Par exemple, pour évaluer le rôle désinstitutionnaliser ? La notion d’institu- plutôt le terme
des prestations spécialisées (écoles et tion est définie par exemple par la Coalition anglais « special »
unités spéciales l) dans la promotion de européenne pour la vie dans le tissu social pour qualifier à la
l’inclusion, les pays peuvent répondre aux (ECCL) : « Tout endroit où des individus fois l’enseignement
spécialisé et les
questions suivantes : que l’on a étiquetés “handicapés” sont iso- établissements
- « Dans quelle mesure les écoles et lés, soumis à une ségrégation et/ou forcés spécialisés ou
unités spéciales partagent-elles une de vivre ensemble est une institution. Une médicoéducatifs, mais
interprétation commune de l’inclusion institution est aussi tout endroit où les gens aussi l’enseignement
adapté : en un
et de l’équité ? n’ont pas, ou ne sont pas autorisés à exer- mot tout ce qui
- Dans quelle mesure les élèves des cer le contrôle de leur propre vie, y compris est extérieur à
écoles et unités spéciales ont-ils l’oc- de leurs décisions de tous les jours. Une l’établissement de
casion de participer à des activités au institution n’est pas seulement définie par secteur.
sein d’écoles ordinaires ? sa taille. » (Conseil de l’Europe, 2012) l
- Dans quelle mesure l’expertise à dis- « Curabilité ou
incurabilité, indigence
position dans les cadres spécialisés Ce même Conseil de l’Europe (2017) nous
ou incapacité,
est-elle également à la disposition des rappelle que les enfants en situation de han- assistance ou
enseignants d’autres écoles ? » dicap sont particulièrement concerné.e.s instruction, action
par la ségrégation scolaire. Or, l’école sociale ou éducation
sont des enjeux qui
Accepter la différence dans de secteur peut se révéler être une ins-
articulent ce qui
l’objectif d’une société inclusive titution si elle entraine une ségrégation paraît buissonnant
de certain.e.s élèves. Des travaux de re- dans les désignations
Concernant le handicap, une vision cherche s’orientent alors vers la « concep- évoquées. En arrière-
plan se profile celui de
anthropologique proposée à travers tion de nouveaux contextes » plutôt qu’une
déterminer qui détient
l’exemple italien par Goussot et Canevaro réelle désinstitutionnalisation (Goussot & le savoir et à qui
(2010) relativise la vision prédominante Canevaro, 2010 ; voir également le rapport appartient le pouvoir
de la personne handicapée dans notre Évaluation du fonctionnement en dispositif sur le corps déficient. »
(Stiker, 2009)
société occidentale, en la situant dans la intégré des instituts thérapeutiques, édu-
culture et l’histoire de cette personne. Les catifs et pédagogiques (ITEP) et des pers-
processus d’intégration des personnes pectives d’extension datant de 2018).
handicapées dépendent des conceptions
de la santé et de la maladie, de ce qui Plus largement que pour les élèves en
est normal ou anormal, conceptions qui situation de handicap, l’idée que les dif-
diffèrent selon les cultures. Le handicap ficultés des élèves proviennent d’abord
peut tour à tour être interprété comme un de leurs caractéristiques propres est
signe de pathologie, ou un signe divin, ou très répandue dans l’école : « soit qu’il
être associé à des croyances populaires s’agisse de problèmes de cognition ou
comme c’est le cas en Italie du Sud. Au- de comportement, soit qu’il s’agisse de
delà de l’élève, c’est bien le ou la futur.e sa socialisation familiale, sociale, cultu-
adulte et son inclusion dans la société qui relle, on s’accorde très majoritairement
est concerné.e. pour dire qu’il y a quelque chose qui ne
va pas chez [les élèves] » (Roiné, 2014).
Ces interprétations rapides remontent
à la constitution même de l’adaptation
« Ainsi les modes de scolarisation scolaire. De plus, des disciplines scienti-
des enfants perçus ou fiques se sont spécialisées et ont trouvé
désignés comme “handicapés”, une sorte de légitimité dans l’école l :
étroitement liés au processus certaines ont ainsi accru leur zone d’in-
de catégorisation sociale de ce fluence, comme la « psychologie dif-
public, a toujours constitué un férentielle au début du XXe siècle ; [la]
enjeu essentiel et un miroir pour neuro-psychiatrie infantile dans les an-
la société. » (Ferreira de Oliveira nées 1950 ; [la] psychanalyse dans les
et al., 2018) années 1960 ; [la] psychologie cognitive
dans les années 1980 et [les] neuros-

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ciences dans les années 2000 » (Roiné, lat est celui de la possible participation
2014 ; Morel, 2014). liée à l’appartenance à une commune
humanité. La finalité est la participation
L’école inclusive correspondant à effective de toutes et tous, quelles que
l’adaptation de l’école aux profils de ses soient leurs caractéristiques […]. La mé-
élèves et à la réponse à leurs besoins, thode consiste à ancrer les politiques,
c’est bien au niveau de l’établissement dispositifs et pratiques par référence
et de la communauté locale que la fo- aux capacités restantes et émergentes
cale est mise, en tant qu’échelon pre- (ressources, compétences), en tricotant
l
Une revue des travaux mier d’une société inclusive l. En effet, une réponse ajustée (personnalisée)
de recherche portant « l’idée d’inclusion appelle un postulat aux besoins, aspirations et projets de
sur le lien entre (un principe), une finalité (un objectif) et chacun. » (Frétigné, 2013)
éducation inclusive
et société inclusive une méthode (des moyens). Le postu-
et datant de 2018 se
trouve sur le site de
l’Agence européenne
pour l’éducation Felder (2018) encourage à appréhender l’éducation inclusive non par ses
adaptée et inclusive. seuls aspects techniques (mesures compensatoires notamment) mais
Voir également côté comme un projet éthique toujours à construire, en plaçant la barre plus
handicap les dernières
haut que les droits à l’éducation, qui souvent garantissent le minimum
avancées dans les
droits fondamentaux éducatif. C’est une approche à la fois descriptive et normative, qui cherche à
datant de janvier 2019 appréhender les dilemmes et difficultés que rencontre l’éducation inclusive,
(droit de vote, de se comme la tension entre curriculum pour tou.te.s et différenciation. Il faut
marier ou de se pacser
aborder à la fois la nature même de l’éducation inclusive, vue à tous les
pour les personnes
sous tutelle), ainsi niveaux, et les difficultés rencontrées dans la mise en place de l’inclusion.
que le fait de limiter « Une des tâches de l’éducation inclusive devrait être de permettre la
les demandes de reconnaissance des individus de plusieurs manières, non seulement en
reconnaissance du
termes de respect ou de droits, mais aussi en développant des amitiés
handicap (droits à vie,
voir le rapport « Plus solides, des relations de confiance entre les partenaires pour rendre possible
simple la vie » à ce l’estime de ces individus. » (Felder, 2018)
propos).

Dans ce cadre, quel positionnement COMMENT FAVORISER


épistémologique adopter pour rendre
pratiquement possible le projet inclu- L’APPRENTISSAGE
sif ? Sur quels savoirs et expériences
s’appuyer ou ne pas s’appuyer ? Pour
DANS L’ÉCOLE
Bonvin et al. (2013), l’approche suivant INCLUSIVE ?
un « modèle d’inclusion total » implique
une approche sociopolitique, « un chan- Comment prendre en compte les diffé-
gement social important tant au sein des rentes valeurs de l’école inclusive dans
établissements scolaires que de la com- le quotidien de la classe ? Comment sur-
munauté », changement qui doit être ac- monter les difficultés que posent la mise
compagné pour que les enseignant.e.s en place de l’école inclusive ? Curchod-
puissent développer des pratiques plus Ruedi et al. (2013) sous-tendent qu’elle
inclusives que leurs pratiques « tradi- suppose une coopération exemplaire
tionnelles » et faire tomber les barrières du côté des acteurs et actrices interve-
structurelles entre les groupes d’élèves. nant dans ou hors de l’école (et dont les
Cette approche ne s’occupe guère des cultures professionnelles sont très diffé-
spécificités des difficultés d’apprentis- rentes), une implication forte des familles
sage des élèves, qui devraient s’es- (alors que les relations famille-école sont
tomper avec « une pédagogie qui per- en général compliquées) et des prises de
mette d’amener les élèves à apprendre risque par les enseignant.e.s dans le quo-
ensemble plutôt que séparés pour faire tidien de leur classe. Moreau de Bellaing
avancer l’idéal d’inclusion ». (2010) évoque les principes sur lesquels

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repose la scolarisation, dans le cadre des entre participation de tous les enfants,
enfants en situation de handicap : la pré- en vue de leur socialisation, et protec-
cocité (âge auquel les enfants en situa- tion pour certains enfants.
tion de handicap sont pris en charge l), l
Un rapport récent du
la proximité, la continuité et la prise en « Cette pluralité de valeurs ne permet pas Conseil de l’enfance
compte des différents réseaux. de trouver des solutions universelles aux et de l’adolescence
(2018) montre que les
tensions engendrées et, par conséquent,
enfants en situation
Pour répondre au plus près des particu- l’effort éthique et plus pratique de l’éduca- de handicap entre 0
larités de chaque élève, les résultats des tion inclusive consiste à viser des “réso- et 6 ans sont toujours
recherches portant notamment sur le do- lutions qui combinent autant que possible inégalement pris
en charge : à 3 ans,
maine de l’enseignement spécialisé sont des valeurs plurielles”. » (Terzi, 2014)
30 à 40 % de ces
utilisés, pour chercher les pratiques effi- enfants ne seraient
caces en matière de gestion de la diver- PROJET PERSONNALISÉ POUR pas scolarisés, avec
sité des élèves, notamment du côté de la un rattrapage observé
LE PARCOURS DE L’ÉLÈVE à l’âge de 4 ans où
différenciation, de la prise en compte de
environ 95 % des
la coexistence éventuelle des problèmes Chaque type de besoin éducatif particu- enfants sont scolarisés,
médicaux et des difficultés d’apprentis- lier l appelle dans les textes officiels des dont 20 % à temps
sage. Pour Warnock (2005), c’est davan- projets ou programmes particuliers : les partiel. Dès la rentrée
2019, la scolarisation
tage l’engagement dans l’apprentissage, élèves atteints de troubles de la santé
obligatoire à 3 ans
dans « l’entreprise éducative commune peuvent bénéficier d’adaptations notifiées « devrait impliquer la
d’apprentissage », qui compte pour les dans un Projet d’accueil individualisé scolarisation de 1 800
élèves, dans le lieu « où ils ou elles ap- (PAI) ; les enfants « qui connaissent des à 2 000 enfants en
situation de handicap
prennent le mieux ». difficultés scolaires durables ayant pour
supplémentaires ».
origine un ou plusieurs troubles des ap-
prentissages et pour lesquels des aména- l
Les difficultés à définir
« Dépasser l’apologie de la gements et adaptations de nature pédago- et à diagnostiquer
diversité pour la traduire en gique sont nécessaires » peuvent mettre les besoins éducatifs
action, mais en se gardant en œuvre un Plan d’accompagnement particuliers se
de la survalorisation actuelle retrouvent dans les
personnalisé (PAP) ; enfin un programme
décisions d’orientation
de l’individu au détriment du destiné à « aider un élève à développer des élèves. Dans
collectif, donc en veillant à ce ses connaissances peut prendre la forme une étude de 2010,
que la pédagogie différenciée se d’un PPRE. Ce programme permet de Tremblay (cité par
conjugue avec une pédagogie de Ebersold & Detraux,
coordonner une prise en charge person-
2013) « dénombre plus
groupe soucieuse de lien social. » nalisée et peut intervenir à n’importe quel de 70 facteurs ayant
(Garel, 2010) moment de la scolarité obligatoire. Il diver- conduit à l’orientation
sifie les aides proposées qui vont de la dif- d’élèves présentant
des troubles de
férenciation pédagogique dans la classe
l’apprentissage vers
Norwich (2014) résume ces préoccupa- aux aides spécialisées. » Il s’adresse l’enseignement
tions professionnelles sous la forme de également aux élèves à haut potentiel. spécialisé, ces critères
deux dilemmes : Pour les enfants qui viennent d’arriver en allant de motifs
psychopédagogiques
- le dilemme de la différence : la diffé- France ou issus de familles itinérantes,
à des motifs
rence comme apport, liée à la néces- en coordination avec les Centres acadé- psychoaffectifs, en
sité d’assurer des ressources sup- miques pour la scolarisation des enfants passant par des raisons
plémentaires pour améliorer l’offre, allophones nouvellement arrivés et des sociales ou de mal être
psychologique ».
ou comme stigmatisation, liée à la enfants issus de familles itinérantes et
nécessité d’éviter la dévalorisation de voyageurs (CASNAV), des dispositifs
des élèves. Cela concerne la caté- comme les unités pédagogiques pour
gorisation des élèves, l’adaptation du élèves allophones arrivants (UPE2A) ou
curriculum et l’intégration des élèves l’enseignement à distance avec le CNED
dans les établissements ou classes peuvent être envisagés. Pour l’élève en
spécialisées. Des pays ont d’ailleurs situation de handicap, le projet personna-
limité la stigmatisation en adoptant lisé de scolarisation (intégré dans le plan
une approche minimale de catégori- personnalisé de compensation de l’élève
sation (Terzi, 2014) ; en situation de handicap) propose un par-
- le dilemme concernant les tensions cours de formation et assure la cohérence

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des accompagnements et des aides éven- nalisé de scolarisation est révisé tous les
tuellement nécessaires l. S’appuyant sur ans par l’équipe de suivi de la scolarisa-
une évaluation globale de la situation et tion, incluant la famille et les profession-
des besoins de l’élève, il peut induire un nel.le.s concerné.e.s. Son élaboration est
accompagnement thérapeutique ou réé- notamment du ressort de l’enseignant.e
ducatif, l’attribution d’un auxiliaire de vie référent.e, qui suit l’élève en situation de
scolaire ou de matériels pédagogiques, handicap, fait l’interface entre les familles,
l une aide aux équipes pédagogiques par l’école et la maison départementale des
Un rapport du Conseil
de l’enfance et de un emploi vie scolaire. Le projet person- personnes handicapées (MDPH).
l’adolescence (2018)
chiffre entre 60 000
et 70 000 le nombre
d’enfants de moins de « De manière schématique, on peut repérer cinq groupes d’itinéraires à
7 ans aujourd’hui pris l’intérieur desquels se distribuent les parcours singuliers de chaque jeune :
en charge à différents
titres : allocation
− les parcours des enfants et adolescents admis en IME, porteurs de défi-
d’éducation de l’enfant ciences intellectuelles légères ou moyennes, parcours dont le poids sta-
handicapé (AEEH), tistique, plusieurs fois relevé, masque parfois les particularités des autres
projet personnalisé de situations ;
scolarisation (PPS) ou
suivis par les centres
− les parcours des élèves accompagnés par les ITEP, qui, malgré des écarts
d’action médicosociale sensibles, composent une population spécifique, avec une relation à
précoce (CAMSP). Le l’école et des besoins de formation caractéristiques ;
Conseil de l’enfance − les parcours des jeunes les plus lourdement handicapés, quelle que soit
et de l’adolescence
estime en outre
la structure qui les accueille (IME, IEM, etc.), dont le devenir ne peut être
qu’il y a un « besoin pensé et préparé que dans un environnement très protégé et médicalisé ;
d’accompagnement − les parcours des élèves hospitalisés sur des durées plus ou moins longues,
plus précoce mais dont la scolarité se construit généralement dans un établissement
pour 30 000 à
40 000 enfants
ordinaire ou en référence à celui-ci ;
supplémentaires, − les parcours des jeunes, accompagnés par des établissements spéciali-
toutes réponses sés pour répondre aux handicaps sensoriels, parcours très différenciés
confondues ». et accomplis dans un environnement spécifique, peu comparables aux
autres. » (Wickers et al., 2015)

En réfléchissant à la notion de parcours particuliers est indispensable à leur scola-


de l’élève combinée avec celle de besoin risation, tout autant que ses possibilités de
éducatif particulier, Ebersold et Detraux développement à venir. C’est prendre en
(2013) dénoncent une perspective égocen- compte l’élève comme acteur ou actrice de
trée de l’école qui, en plaçant l’élève et ses son propre parcours dans une démarche
besoins au centre, en oublie les besoins interactive, et c’est par la même occasion
des professionnels, besoins de formation mettre à distance une approche centrée
et d’adaptation nécessaires à leur pleine sur les déficiences. St-Vincent et al. (2017)
coopération pour justement trouver les préconisent également de prendre les
réponses aux besoins des élèves : « [cette enfants et les jeunes au sérieux en leur
perspective égocentrée] les conduit par donnant la parole, au-delà des avis des
exemple à structurer les modalités de différent.e.s intervenant.e.s et sans limita-
collaboration autour de la définition de la tion (dans les textes officiels, de l’UNICEF
vision légitime du problème social qui spé- par exemple, les limitations concernent leur
cifie l’élève et les place dans une situation âge, leur maturité, la possibilité de dispo-
de concurrence […] pour détenir le pouvoir ser de leur propre vision, etc.). Cette parole
de définition du problème à résoudre. » est fortement reliée à l’autonomie de l’en-
Ces deux auteurs proposent donc une fant, mais aussi au contrôle des parents.
autre approche plaçant le devenir de l’en- Ebersold et Detraux (2013) expliquent que
fant au centre des préoccupations pour cette « approche polycentrée » s’inscrit
ne plus considérer séparément l’élève et dans une logique de réseau qui nécessite
son environnement. En ce sens, l’inscrip- une coordination avec l’enfant et sa famille,
tion sociale des élèves à besoins éducatifs une mise en commun des spécificités de

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chaque partie prenante, mais aussi la re- sourd.e.s est évoqué par Norwich (2014),
connaissance des logiques identitaires des certain.e.s élèves ne voyant pas la sur-
professionnel.le.s impliqué.e.s. dité comme un handicap, mais comme
des différences de langue et de culture,
beaucoup se voyant plutôt dans une
Dans le département de la Seine- position intermédiaire. S’ils ou elles ne
Saint-Denis, il existe depuis 2008 se considèrent pas comme en situation l
un « pacte territorial engagé Ainsi « la
de handicap, ils et elles acceptent en concrétisation du
entre l’état et les entreprises revanche des subventions de soutien droit à l’éducation
signataires [qui] vise à permettre à aux personnes handicapées sans y voir est-elle indissociable
des élèves handicapés d’accéder aucune contradiction. de l’effet d’affiliation
à un emploi à leur sortie du du processus
de scolarisation,
lycée professionnel », dans notamment au regard
lequel ces élèves préparent un « Les individus doivent d’abord des possibilités
CAP « sur une période comprise être intégrés au niveau sociétal données d’être à parité
entre deux et quatre ans, définie ou communautaire pour pouvoir de participation, c’est-
à-dire de se penser
dans le projet de formation jouir de leurs libertés et de leurs aussi respectable et
individualisé ». Cet exemple parmi droits fondamentaux. Et c’est estimable que tout un
d’autres montre concrètement très important pour la vie des chacun » (Ebersold,
comment le parcours de chaque individus de disposer d’un certain 2015).
l
élève doit être pensé à l’échelle degré de liberté pour décider Dans ce cadre, et en
locale et sur un plus long terme dans quel endroit ils souhaitent suivant les travaux
que la scolarité obligatoire, être inclus et à quoi ils désirent de De Martino,
Goussot et Canevaro
même si ce dispositif datant de être associés. » (Felder, 2018) (2010) évoquent le
2008 s’adressait uniquement handicap comme
à une petite partie des élèves une « altération du
en situation de handicap. Une devenir vital » : ne pas
Des travaux de recherche évoquent la s’intéresser ou nier les
des recommandations du difficulté des relations entre certain.e.s relations sociales ou
Conseil national consultatif élèves en dehors de la classe, car « la les potentialités d’une
des personnes handicapées en classe ordinaire peut représenter une personne en situation
2017 est effectivement de mieux de handicap revient
source de stress chez les élèves » à la définir comme
accompagner sur le terrain (Rousseau et al., 2015). En particulier, un « être agi par les
la mise en œuvre du cadre pour les élèves qui ont des difficultés autres » et non qui agit
législatif et règlementaire pour émotionnelles, sociales et comporte- par lui-même, donc
combler les écarts existants sur le qui devient en quelque
mentales, les travaux de recherche de sorte dépossédé de
territoire français. Rousseau et al. (2015) émettent cer- son parcours, sans lien
taines réserves sur une pleine inclusion avec sa propre culture.
et « une prise de décision éclairée s’ap- l
D’après Le Laidier
Les élèves doivent par ailleurs être puyant sur une étude de cas devrait être (2018), plus de huit
amené.e.s par leur école à se percevoir envisagée avant l’arrivée de l’élève en enseignant.e.s sur
en tant que citoyen.ne à part entière, c’est classe ordinaire ». dix accueillent sans
hésitation un élève
l’effet d’affiliation l décrit par Ebersold en situation de
(2015), et développer ainsi leur estime de ACCOMPAGNER handicap dans leurs
soi, qui combine la reconnaissance même COLLECTIVEMENT DANS classes. Mais « la
de la valeur de la personne et la valeur posture des acteurs
de son apport à la société. Le manque L’APPRENTISSAGE scolaires qui œuvrent
au sein de l’école
de reconnaissance peut donc provenir peut être défavorable
non seulement des attitudes vis-à-vis des Si les enseignant.e.s, souvent vu.e.s aux pratiques
personnes concernées, mais aussi des comme étant des « acteurs clés du pro- inclusives. […] Les
craintes relatives au
institutions sociales qui accordent un sta- cessus inclusif », se représentent les changement de rôles
tut inférieur aux personnes en situation élèves en fonction de leurs capacités que peuvent entrainer
de handicap ou désavantagées au sens et non de leurs limites et qu’ils ou elles les pratiques plus
large. Ce sont donc des valeurs cultu- adoptent une attitude positive vis-à-vis inclusives constituent
un frein important »
relles préexistantes qui empêchent l’éga- des élèves l, cela constitue une condition (Rousseau et al., 2015).
lité l (Felder, 2018). L’exemple d’élèves favorable au développement de pratiques

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22/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
inclusives, de même que l’utilisation de familles soulève des problématiques cen-
pratiques collaboratives entre les élèves trées sur la place que l’école leur accorde
(soutien, protection, modelage…) et entre dans la scolarisation de leurs enfants et
les différent.e.s professionnel.le.s et les sur le sentiment de subir un jugement de
parents (« reconnaissance de leurs ef- la part des différent.e.s professionnel.le.s.
forts en soutien à leur enfant », Rousseau
et al., 2015). La collaboration avec les

Chamak (2009) revient sur l’historique des relations difficiles entre les
familles des enfants autistes et la psychanalyse, suite à une enquête
ethnographique de plusieurs mois sur le fonctionnement d’un hôpital de
jour, pour comprendre « comment les parents ont-ils été conduits à se
sentir culpabilisés par ceux-là mêmes qui devaient les aider et comment
ont-ils été attirés par les approches éducatives et comportementales ».
Les résultats indiquent des relations entre parents et psychiatres souvent
asymétriques, avec un jugement des dernier.e.s sur les premier.e.s, au
contraire de ce qu’il se passe dans un autre hôpital étudié du Québec, « où
les professionnels, et notamment les travailleurs sociaux, jugent les parents à
leur capacité à se former et à reproduire au domicile ce qui est préconisé par
les professionnels. L’objectif est de valoriser les compétences des parents,
même quand ceux-ci sont “défaillants”. Les injonctions indiquant aux parents
ce qui est attendu d’eux sont très fortes, mais facilement identifiables, alors
que les questions des psychanalystes leur donnent souvent le sentiment
d’être incompétents. […] L’attitude optimiste des comportementalistes
tranche avec le pessimisme des psychiatres d’orientation psychanalytique. »
(Chamak, 2009)

Dans le cas du secondaire, Rousseau spécialisé.e, orthophoniste ou logo-


et al. (2015) soulignent comme condi- pédiste, psychologue, travailleur.se
tions favorables au développement de social.e, physiothérapeute, ergothé-
pratiques inclusives le « leadership de rapeute, éducateur ou éducatrice
la direction, la posture de l’enseignant et spécialisé.e, etc., apportent une aide in-
la culture de collaboration », la première dividuelle au plus près des élèves, pour
valorisant le changement et la prise de les accompagner spécifiquement dans
risque, et permettant la mise en œuvre leur apprentissage, et les enseignant.e.s
des possibilités de soutien et de colla- gèrent l’ensemble du groupe classe. Une
boration. Les conditions défavorables étude comparative des contextes suisse
concernent en partie l’organisation sco- et québécois (Allenbach et al., 2016)
laire du secondaire, et en particulier montre qu’il faut aller au-delà de ce tra-
son absence de flexibilité, « l’alternance vail en parallèle et coopérer pour mettre
entre la classe ordinaire et les services en place l’aide individuelle pour un.e
adaptés [qui] nuisent à la pleine partici- élève en particulier dans une classe par-
pation scolaire et sociale des élèves » ticulière, avec un.e enseignant.e en par-
(Rousseau et al., 2015 ; Rey, 2016). ticulier, ce qui suppose un travail com-
mun remettant à chaque fois en discus-
Une coopération au plus près de sion ce que chaque intervenant.e envi-
l’apprentissage des élèves sage de faire et ce qui est le mieux pour
l’ensemble de ces élèves. Une autre
Selon les pays, les teaching assistant, étude (Toullec-Théry & Nédélec-Trohel,
accompagnant.e d’élèves en situation 2010) insiste sur la nécessité d’anticiper
de handicap (AESH), aide-enseignant.e, à deux voix les enjeux d’apprentissage
enseignant.e-ressource ou enseignant.e avant de définir les moyens d’accom-

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Apprendre (dans) l’école inclusive 23/36
pagnement : la dimension didactique c’est le cas en Suisse (Allenbach et al.,
ne doit pas être oubliée car c’est d’une 2016 ; Gibert, 2018). Dans ce pays,
situation d’apprentissage que découle suite à l’apparition des services de sou-
la proposition des besoins spécifiques. tien pédagogique pour l’école primaire
La coopération entre ces professionnel. et l’école secondaire l (SSP) dans les
l
le.s à l’intérieur même de la classe ne années 1980, l’enseignant.e de sou- « Représentant
doit en revanche pas, comme l’évoque tien est considéré.e comme expert.e des pôles
psychopédagogiques
Toullec-Théry (2013) à propos des auxi- de la difficulté scolaire, personne à qui institutionnels à
liaires de vie scolaire, mettre un frein l’enseignant.e de la classe délègue l’intérieur de l’école,
aux pratiques inclusives et à la pleine cette problématique. les SSP disposent d’une
reconnaissance des missions dévolues organisation cantonale
de coordination
au final à l’enseignant.e de la classe. Prenons l’exemple des élèves présen- et de supervision.
tant des troubles émotionnels et com- Ces services sont
portementaux (TEC), qui représentent organisés en équipes
En Italie, dans une première par exemple en Suisse 0,65 % des développant leur
phase d’observation, action dans une région
élèves concerné.e.s. Ils ou elles sont particulière. Chaque
l’enseignant.e de soutien organise susceptibles de rencontrer des difficul- équipe est coordonnée
avec l’enseignant.e principal.e de tés scolaires, des problèmes relation- par un responsable,
la classe dans laquelle il ou elle nels à l’école et de décrocher. Ils ou titulaire d’un Master
est affecté.e la programmation universitaire en
elles sont scolarisé.e.s en majorité dans psychologie ou
didactique de toute la classe, des classes spéciales ou des écoles en sciences de
en prenant en considération les spécialisées, et leur inclusion scolaire l’éducation, et réunit
besoins éducatifs de la classe. est parfois jugée inappropriée puisque des enseignants de
Une phase initiale d’évaluation, soutien (avec la même
les comportements agressifs et per- formation) ainsi que
en commun avec les services turbateurs sont perçus comme étant des orthophonistes et
sociaux et sanitaires ainsi particulièrement difficiles à gérer par des psychomotriciens,
qu’avec la famille étudie « la les enseignant.e.s (Gaudreau, 2011 ; dans le cas des
fonctionnalité et les potentiels équipes travaillant dans
Schürch & Doudin, 2014). Une compi- le contexte de l’école
des élèves handicapés », pour lation des recherches indique que les primaire. » (Bocchi,
préparer le plan individuel et stratégies béhavioristes qui sont les 2014)
personnalisé, qui « doit mettre plus utilisées face à des comportements
en évidence les points de contact inadéquats de ces élèves sont plutôt
avec le programme national et efficaces mais sur le court terme. Les
celui de l’école, doit prendre en approches cognitivocomportementales
considération les rapports avec (entrainement à l’autorégulation ou à la
les pairs et identifier les points de gestion de l’agressivité) sont efficaces
raccord et de force dans l’activité à plus long terme, ainsi que le travail
didactique à effectuer avec sur l’amélioration du sentiment d’effi-
toute la classe. […] La présence cacité personnelle des enseignant.e.s
d’élèves handicapés dans une (Gaudreau, 2011). Au-delà de la re-
classe prévoit la réduction cherche de pratiques efficaces centrées
du nombre d’élèves à 20, et sur les élèves, Schürch et Doudin (2014)
exceptionnellement jusqu’à un prônent une approche systémique sur
maximum de 25 par classe. » le modèle existant des équipes-écoles,
(de Anna, 2014) développant au Canada un réseau
de professionnel.le.s (enseignant.e.s
spécialisé.e.s, psychologues), en lien
Pour confronter ces professionnel.le.s avec les familles, qui dépasse l’individu
à la situation d’apprentissage, leurs pour aborder l’établissement scolaire et
attentes doivent être explicitées et la sa culture : les résultats montrent que
coopération doit être « forcée » pour presque tou.te.s les enseignant.e.s
envisager « un éventail de modes « sont positifs quant à la présence de
d’intervention collaboratifs et inclusifs, ces élèves en classe régulière, même si
même dans un contexte où existent seulement la moitié de ces profession-
des structures séparatives », comme nels ont constaté un changement dans

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24/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
leurs comportements ». Il est également
noté une amélioration des comporte- À travers le co-enseignement,
ments des élèves concerné.e.s et des c’est pour Benoit & Angelucci
relations familiales grâce à la continui- (2011) le soutien à l’enseignant.e
té des interventions mises en place à qui est le plus à même de
l’école. Gaudreau (2011) insiste quant répondre favorablement aux
à elle sur l’importance de la prévention besoins des élèves : « Nous
pour ne pas laisser s’installer les diffi- entendons par soutien à
cultés. l’enseignant le fait que le
coenseignement fournit
Un co-enseignement entre la possibilité de se former
enseignant.e.s mutuellement, d’échanger des
expertises, des informations
Le co-enseignement implique, pour pertinentes et des conseils, de
Benoit et Angelucci (2011), la co-instruction réfléchir sur les difficultés liées
(présence commune dans la classe), au contexte professionnel,
mais également la co-planification et d’adopter une position réflexive
la co-évaluation entre enseignant.e.s. et de partager la responsabilité de
Dans le cadre de l’école inclusive, il répondre aux besoins de tous les
implique un partenariat régulier entre élèves ».
un.e enseignant.e de la classe et un.e
enseignant.e spécialisé.e (ou un.e autre
spécialiste) pour répondre aux besoins En Italie, un rapport de 2011 (cité par Ianes
d’un groupe hétérogène d’élèves, en & Demo, 2013) propose de transformer le
évitant ainsi le découpage du temps rôle de l’enseignant.e de soutien : « 85 %
d’enseignement entre plusieurs lieux des enseignants de soutien pourraient de-
l
Voir Reverdy (2017) et et plusieurs intervenant.e.s l. Faisant venir des professeurs de la classe à part
Toullec-Théry (2015). le bilan des études mesurant l’effica- entière tandis que 15 % deviendraient des
cité du co-enseignement, Benoit et spécialistes de l’inclusion exerçant un rôle
l
Il existe des sites, Angelucci (2011) indiquent que certains de conseil auprès de leurs collègues. » Il
comme ecole- travaux de recherche montrent de meil- s’agit ainsi de combiner une approche de
inclusive.org, qui
leurs résultats en mathématiques et co-enseignement l et une approche de
ont pour objectif la
sensibilisation des en langue maternelle pour les élèves conseil de spécialistes pour accompagner
publics scolaires. scolarisé.e.s dans des classes où se de ces deux façons, au mieux, l’équipe pé-
l pratiquent le co-enseignement par rap- dagogique accueillant des élèves à besoins
Ce qui peut ressembler port à des établissements spécialisés ; particuliers. Tremblay (2017) s’interroge jus-
au modèle du « Plus
de maitres.ses que d’autres travaux ne montrent pas de tement sur ce qui fait la spécificité de l’en-
de classes », mais différence significative sur la réussite seignement spécialisé : est-ce qu’il y a bien
dans lequel les deux des élèves ; d’autres encore mettent un enseignement spécialisé ? Est-ce la ma-
enseignant.e.s sont en lumière l’importance du comporte- nière de faire qui est spécialisée ? Il dégage
de la même manière
enseignant.e de la ment de leurs pairs sur celui des élèves sept caractéristiques de ce type d’enseigne-
classe. en situation de handicap ainsi qu’une ment : un enseignement individualisé, des
meilleure estime de soi. Benoit et séries de tâches soigneusement séquen-
Angelucci (2011) indiquent également cées ; l’emphase mise sur l’éveil et la stimu-
que, sans surprise, le co-enseignement lation des sens de l’enfant ; un arrangement
est une modalité pédagogique accor- méticuleux de l’environnement de l’enfant ;
dant une plus grande attention aux des récompenses immédiates pour des
élèves, d’où certains bénéfices profitant comportements corrects ; une intervention
à l’ensemble des élèves de la classe l, individuelle pour le développement de com-
voire à la dynamique collective de pétences fonctionnelles ; la conviction que
l’établissement, à condition que s’éta- chaque enfant doit être poussé au maxi-
blisse « un authentique partenariat de mum de ses possibilités.
collaboration entre les enseignants de
classe ordinaire et les enseignants spé- Il existe pour Tremblay (2017) deux fonc-
cialisés » (Benoit & Angelucci, 2011). tions de l’enseignement spécialisé : une

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Apprendre (dans) l’école inclusive 25/36
fonction pédagogique (prendre en charge 2017). Cela revient à « rétablir une problé-
de manière adéquate les élèves ayant matique plus interhumaine et moins iné-
des besoins spécifiques) et une fonction galitaire entre intervenants et personnes
sociopolitique (« une réponse à l’incapa- concernées ; abaisser des barrières his-
cité de l’enseignement primaire ordinaire toriques, institutionnelles et idéologiques,
de prendre en charge ces élèves et de notamment celles qui survivent entre le
permettre leur réussite »). Cette deuxi- monde scolaire et celui de l’éducation
ème fonction, qui sert de soupape aux spécialisée. Ce qui impliquerait une poli-
systèmes scolaires, entrainerait un cercle tique volontariste des métiers, contrant la
vicieux où plus l’école ordinaire utilise les tendance aux emplois de bas niveau de
structures de l’enseignement spécialisé, qualification » (Chauvière, 2018).
moins elle est à même de faire face à
des difficultés scolaires et plus elle orien-
tera de nouveaux cas vers l’enseignement « On ne peut pas espérer que,
spécialisé. C’est le même effet que l’on re- [dans le contexte du département
trouve dans les travaux de Roiné (2014), de la Seine-Saint-Denis], des
qui précise que les enseignant.e.s, face à solutions clés en main résolvent
la difficulté scolaire, légitiment leur action les problèmes. On ne peut
en prenant appui sur le champ de l’adap- espérer non plus qu’ils soient
tation et ont tendance ainsi à penser à résolus par des structures
travers la psychologisation de l’échec particulières qui éloigneraient
scolaire. « Bien enseigner revient ainsi à les difficultés […]. Le principal
placer le centre de gravité, non pas dans parti qu’il convient de prendre
les savoirs à transmettre ou les situations est celui de la résolution des
d’enseignement susceptibles d’en favori- difficultés sur place, dans les
ser l’appropriation, mais dans le cerveau classes dans une perspective
de l’enfant lui-même. […] Postuler des inclusive en consolidant les
spécificités cognitives des élèves en dif- professionnels face à ce qu’ils ont
ficulté nous semble dès lors quelque peu à résoudre avec leurs élèves au
hasardeux. » sein des groupes dont ils ont la
charge. Il est de ce point de vue
l
Une formation commune essentiel que l’accompagnement, On peut citer à ce
pour rapprocher les cultures la formation, l’animation propos l’initiative
de l’INSHEA et de
pédagogique soient bien orientés
professionnelles plusieurs ministères
par cette perspective. Il convient visant à expérimenter
aussi que les partenariats soient des formations
Rousseau et al. (2015) montrent par une développés pour créer des conjointes entre
tou.te.s les
méta-synthèse de 51 articles sur la théma- complémentarités bien assumées
professionnel.le.s
tique de l’intégration et de l’inclusion que et fécondes. Enfin, c’est par intervenant dans le
« l’enseignement à une diversité d’élèves l’implication des acteurs dans des champ du handicap,
ne repose pas uniquement sur l’expertise projets que l’on peut le mieux voir à ce propos le
colloque « Coopérer
des spécialistes de l’adaptation scolaire, espérer faire évoluer la résolution
pour scolariser » de
mais met plutôt à profit l’ensemble des des difficultés rencontrées. » juin 2018.
expertises de l’ensemble des acteurs qui (Bablet, 2011) l
Lerch (2009)
gravitent autour des élèves ». C’est donc préconise que la
à un rapprochement des formations des formation à l’école
enseignant.e.s, spécialisé.e.s ou non, Le projet « Formation des enseignants inclusive des corps
qu’invitent Benoit et Angelucci (2011) pour l’inclusion » (FEPI, 2009-2012, por- d’inspection prenne en
compte les différences
pour développer une culture commune té par l’Agence européenne pour l’édu- entre le premier
débouchant sur une plus grande faci- cation adaptée et inclusive) a créé un degré (formation
lité ultérieure à co-enseigner l, et égale- « Profil des enseignants inclusifs » qui dispensée depuis
ment à une plus grande centration sur le peut être utilisé en Europe comme « un une cinquantaine
d’années) et le second
travail coopératif en formation initiale et outil à étudier et à développer suivant degré, dans lequel la
continue de tou.te.s les enseignant.e.s, des méthodes adaptées spécifiquement première formation
spécialisé.e.s ou non l (Ramel & Noël, aux différents contextes du système date de 2008.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


26/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
de formation initiale des enseignants en primaire, et enfin de coopérer avec
propres à chaque pays ». Le Profil se les enseignant.e.s spécialisé.e.s des
centre autour de quatre valeurs fonda- RASED (Toullec-Théry & Lescouarch,
mentales : 2014).
- valoriser la diversité des élèves ;
- accompagner tou.te.s les apprenant.e.s ; En Suisse, des chercheurs et chercheuses
- travailler avec les autres ; ont travaillé sur les conséquences de l’in-
- se former en formation profession- clusion pour les enseignant.e.s, et notam-
nelle continue. ment sur les facteurs de risque et de pro-
tection développés face à des politiques
Des domaines de compétences situés à inclusives. Une approche centrée sur la
l’intérieur de ce cadre de valeurs portent psychologie de la santé indique un risque
par exemple sur « encourager l’appren- d’épuisement professionnel l plus grand
tissage académique, pratique, social et pour les enseignant.e.s spécialisé.e.s (ou
émotionnel de tous les apprenants », ou leur équivalent suivant les pays) ou pour
« le point de vue de l’enseignant sur les les enseignant.e.s ayant des élèves à
différences entre les élèves » ou encore besoins particuliers dans leur classe. Ce
« travailler avec les parents et les fa- malaise enseignant entraine « un posi-
milles ». tionnement mitigé [de leur part] à l’égard
l
« Dans l’espace des politiques intégratives/inclusives »
institutionnel, les Aides UN CHANGEMENT OU UNE (Curchod-Ruedi et al., 2013). En effet,
spécialisées furent
PERTE D’IDENTITÉ POUR LES au cœur de la mise en place d’une école
à l’origine conçues inclusive, les enseignant.e.s sont souvent
pour être mises en ENSEIGNANT.E.S démuni.e.s face à la gestion de cette forte
place dès lors que
le soutien classique hétérogénéité dans leur classe qui impose
ou la différenciation Des difficultés persistantes dans la « un changement en profondeur de la
pédagogique dans
la classe n’étaient
coopération conception de l’enseignement et il n’est
pas suffisants pour pas surprenant qu’il produise des oppo-
résoudre les difficultés En France particulièrement, la notion sitions parfois vives face aux injonctions
de l’élève. » (Toullec- d’« individualisation » des appren- tant scientifiques que politiques, en regard
Théry & Lescouarch, tissages se heurte à l’idée de justice desquelles les enseignants peuvent se
2014)
scolaire et d’égalité de traitement des sentir instrumentalisés » (Curchod-Ruedi
l
Dans le cadre d’une élèves, pour lesquelles « les apprentis- et al., 2013). Les enseignant.e.s ont ainsi
enquête sur les sages se font dans et par le groupe » l’impression d’être seul.e.s à faire face aux
élèves présentant (Armand, 2011). Le passage entre le contraintes de l’école inclusive, quel que
des troubles du
comportement groupe classe et la situation indivi- soit leur engagement moral par ailleurs.
en maternelle, duelle (dans des groupes de besoin par
« plusieurs entretiens exemple) doit faire l’objet d’une attention Un rapport identitaire en tension
[…] témoignent particulière pour les élèves qui peuvent
d’un certain coût
psychologique pour avoir des difficultés à gérer ces transi- Les enseignant.e.s spécialisé.e.s, comme
les professeurs des tions. Comme la définition de la notion par exemple les maitres.ses spécialisé.e.s
écoles confrontés de difficulté reste floue dans les textes à dominante pédagogique (appelé.e.s
quotidiennement français officiels, les dispositifs d’aide aussi maitres.ses E), ont vu leur métier
aux comportements
très troublés, du fait généralistes qui se mettent en place en évoluer fortement : autrefois identifié par
d’une usure morale plus des dispositifs existants d’aide spé- la mission d’aide à l’élève, ce métier se
et physique avec une cialisée l (comme les RASED), créent tourne actuellement vers une coopération
charge émotionnelle une situation paradoxale ayant pour qui vise à la fois une aide indirecte à l’élève
importante liée à la
dimension anxiogène conséquence un brouillage des pra- et le développement professionnel des
d’un travail relationnel tiques des enseignant.e.s généralistes. collègues de milieu ordinaire, à travers un
de proximité et à une Ils et elles sont tout en même temps rôle de médiation (Thomazet et al., 2011).
culpabilité inhérente encouragé.e.s à pratiquer dans leurs Ces enseignant.e.s spécialisé.e.s doivent
à la difficulté de
concilier des principes classes la différenciation pédagogique, également continuer à développer la col-
déontologiques et mais également chargé.e.s d’animer des laboration avec les éducateurs et éduca-
des prescriptions dispositifs, comme les activités pédago- trices spécialisé.e.s, malgré une histoire
contradictoires » giques complémentaires par exemple difficile (Chauvière & Fablet, 2001).
(Gasparini, 2018).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 27/36
férentes conceptions de l’enfant par les
« Des tensions centrées sur professionnel.le.s impliqué.e.s. Pour faire
les relations personnelles face à ces épreuves, les enseignant.e.s
et professionnelles entre engagent un travail systématique de nor-
enseignants de classe ordinaire et malisation des conduites scolaires puis
enseignants spécialisés peuvent peuvent également chercher à aménager
se développer notamment dans la forme scolaire pour assouplir les règles.
les situations suivantes […] :
− Les responsabilités et les rôles Curchod-Ruedi et al. (2013) préconisent
ne sont pas clairement définis. ainsi un soutien social global qui ne
− Une hiérarchie s’établit entre met pas en valeur les difficultés d’un.e
les coenseignants, notamment enseignant.e en particulier, pour ne pas
quand l’un des deux assume renforcer son sentiment d’incompétence.
un rôle d’expert. Dans ce cadre une formation, si possible
dispensée dans l’établissement l, peut l
− Il y a un manque de concerta- « Dans cette
tion sur les stratégies d’ensei- soutenir les enseignant.e.s si elle pré- perspective, il est
sente une approche systémique : souhaitable de viser
gnement.
avec les enseignants
− Les interventions en classe - « Un premier axe doit permettre aux des améliorations
sont perçues comme intru- enseignants en formation de réfléchir graduelles (Galand,
sives par l’enseignant de classe sur leur positionnement tant profes- 2011), sans chercher à
sionnel que personnel face à la dé- imposer des réformes
ordinaire.
radicales qui génèrent
− L’implication des acteurs de marche à visée inclusive. une insécurité
l’école et le soutien aux ensei- - Un deuxième axe amène les ensei- défavorable au climat
gnants sont insuffisants. […] gnants à reconnaître, analyser et scolaire. Il convient
réguler leur propre engagement dans alors “de mettre en
Le temps de travail en commun
place à l’échelle
est l’un des obstacles les plus les situations d’intégration. de l’établissement
fréquemment rencontrés dans la - Un troisième axe enfin leur permet scolaire, et plus
pratique […] les enseignants de d’identifier leurs propres ressources, largement à celle de
mais aussi leurs limites. » (Curchod- l’institution scolaire,
classe ordinaire se sentent mal
un cadre cohérent et
à l’aise de devoir déléguer des Ruedi et al., 2013) rassurant permettant
tâches à l’enseignant spécialisé, d’y inscrire non
et les enseignants spécialisés Les rôles des un.e.s et des autres est ainsi seulement des valeurs
en permanence à redéfinir et à renégocier mais également des
ne souhaitent pas empiéter sur
moyens” […].
le terrain d’expertise de leurs puisqu’ils se construisent en fonction de Ce cadre permet
collègues. » (Benoit & Angelucci, chaque situation. Derrière les difficultés de fonctionner
2011) de coopération et de construction com- en atténuant les
mune des outils adaptés à chaque élève dysfonctionnements
tout en favorisant un
dans le cadre de la classe, ce sont bien climat plus paisible
les positionnements des intervenant.e.s de travail » (Curchod-
En étudiant les enfants avec des troubles impliqué.e.s qui évoluent et s’affirment. Ruedi et al., 2013 ; Rey,
du comportement en maternelle, Gasparini Allenbach et al. (2016) appellent donc à 2016).
(2018) repère trois tensions plaçant les des espaces de confrontation de pratiques
enseignant.e.s face à des dilemmes pro- entre acteurs et actrices concerné.e.s et
fessionnels à résoudre : d’abord les en- de négociation de leurs rôles, pour dé-
fants avec des troubles du comportement passer les tensions et paradoxes qui les
viennent heurter l’idéal scolaire reposant empêchent souvent de collaborer mais
sur « un ascétisme corporel individuel, qui sont inhérents aux pratiques de l’école
l’autonomie du point de vue cognitif et inclusive. C’est cet espace profession-
comportemental [… et] l’habitude histori- nel d’interdépendances entre les métiers
quement constituée de la mise à distance que Thomazet & Mérini (2014) nomme
des corps dans la société et à l’école ». « l’intermétier », qui « amène les acteurs
Ensuite, le principe d’égalité de tou.te.s à franchir de manière temporaire les fron-
les élèves se heurte à la nécessaire prise tières de leur organisation et de leur acti-
en compte des besoins de chaque élève. vité habituelle. C’est dans, et par, cette
Enfin, des tensions existent entre les dif- dynamique que le collectif se construit ».

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


28/36 Apprendre (dans) l’école inclusive
En guise de conclusion, retenons cer- pour un véritable « changement de
taines recommandations parmi les 12 mentalité au niveau sociétal » ;
faites par le Conseil de l’Europe (2017) - planifier l’offre éducative dans une
pour progresser vers l’éducation inclu- perspective d’inclusion, en tenant
sive : compte des besoins d’éducation in-
- garantir une interdiction juridique com- clusive et sans créer de « mauvais »
plète de la discrimination, et « mettre établissements ;
en place des règles interdisant la - évaluer les besoins des élèves, par
ségrégation dans les établissements un « système complet et efficace […]
scolaires ordinaires, afin d’éviter la indépendant des établissements sco-
création de groupes séparés pour laires [et dont] son fonctionnement
les enfants membres de minorités devrait faire l’objet d’un suivi attentif et
ethniques ou les enfants handicapés régulier de la part des autorités […].
au sein des établissements ou des En pratique, cela suppose d’évaluer
classes » ; les besoins avant que les enfants
- adopter une stratégie de déségré- n’entrent à l’école primaire, au moyen
gation scolaire, notamment par une d’une action concertée des collectivi-
éducation préscolaire gratuite et obli- tés locales et des services sociaux,
gatoire et l’arrêt du recours aux ins- sanitaires et éducatifs » ;
titutions : « l’éducation inclusive est - répartir équitablement les élèves ap-
incompatible avec le placement en partenant à des groupes vulnérables
institution ». Cette stratégie nécessite dans les établissements ;
la mise en place d’une « base d’infor- - promouvoir l’implication des parents
mation solide » et des « mécanismes dans le système éducatif.
de suivi et d’évaluation efficaces » ;
- sensibiliser à l’éducation inclusive,

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


Apprendre (dans) l’école inclusive 29/36
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Apprendre (dans) l’école inclusive 33/36
Notes

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 127 • Janvier 2019


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Apprendre (dans) l’école inclusive 35/36
n° 127
Jan. 2019

Pour citer ce dossier :


Reverdy Catherine (2019). Apprendre (dans) l’école inclusive. Dossier
de veille de l’IFÉ, n° 127, janvier. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accu
eil&dossier=127&lang=fr

Retrouvez les derniers Dossiers de veille de l’IFÉ :


l Gaussel Marie (2018). Que fait le corps à l’école ? Dossier de veille
de l’IFÉ, n° 126, novembre. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA/detailsDossier.php?p
arent=accueil&dossier=126&lang=fr
l Ravez Claire (2018). Regards sur la citoyenneté à l’école. Dossier de
veille de l’IFÉ, n° 125, juin. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA/detailsDossier.php?p
arent=accueil&dossier=125&lang=fr
l Gibert Anne-Françoise (2018). Le travail collectif enseignant, entre
informel et institué. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 124, avril. Lyon : ENS
de Lyon.
En ligne : http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA/detailsDossier.php?p
arent=accueil&dossier=124&lang=fr

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