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ED/HED/TED/2006/ME/2

mars 2006
Original: Français

L’Initiative de l’UNESCO
pour la formation des enseignants en Afrique subsaharienne (TTISSA)

Première réunion des coordonnateurs nationaux


de l’Initiative de l’UNESCO pour la formation des enseignants
en Afrique subsaharienne
BREDA, Dakar, 7-9 mars 2006

Burkina Faso
Note sur la Situation des Enseignants au Burkina Faso

Amadé BADINI
Coordinateur national TTISSA

1
Les idées et les opinions exprimées dans ce rapport sont celles de l’auteur et ne représentent
pas nécessairement celles de l’UNESCO et des Etats membres. Par ailleurs, elles n’impliquent
aucun engagement de la part de l’Organisation.

2
Pr Amadé BADINI
UFR/SH
05 BP 6080 Ouagadougou 05
Tél. (226) 70 26 80 10
E-Mail : badini_amade@yahoo.fr
fkinda_badini@univ-ouaga.bf

NOTE SUR LA SITUATION DES ENSEIGNANTS AU BURKINA FASO

Introduction

Une analyse rapide de la situation des enseignants au Burkina Faso


laisse apparaître un certain nombre de constats :
- une histoire tumultueuse faite de flux et de reflux en matière de
formation des enseignants ;
- une compréhension confuse de la profession enseignante et de la
professionnalisation du métier d’enseignant ;
- une dégradation constante de la représentation sociale de
l’enseignant et la détérioration relative de ses conditions de vie et de
travail ;
- une politique nationale de la formation des enseignants et de la
gestion des carrières enseignante ambiguë…

Et tout cela dans un contexte d’économie politique difficile, de difficulté


manifeste à mener de front le développement de l’offre éducative et l’exigence de
qualité au regard d’une demande sociale d’éducation qui demeure en soi, un autre
problème à résoudre.

Tels sont, en substance quelques aspects importants de la situation


actuelle des enseignants au Burkina Faso, globalement la même que pour plusieurs
autres pays de la sous région de l’Afrique au Sud du Sahara (cf. les multiples
publications de l’UNESCO, l’ADEA, l’UNICEF, la Banque Mondiale et le FMI, la
CONFEMEN, etc.).

1. Bref historique de la formation des enseignants au Burkina Faso

Au Burkina Faso, la formation des enseignants celle des maîtres de


l’enseignement élémentaire en l’occurrence, a constitué une préoccupation notable
des gestionnaires et décideurs de l’éducation depuis la période coloniale jusqu’à nos
jours.

En effet, la première école de formation des enseignants du Premier


Degré a ouvert ses portes en 1944 à Koudougou sous l’appellation de « Cours
Normal », suivie de celle de Ouahigouya en 1947, tandis que le Cours Normal des
Jeunes Filles de Ouagadougou s’ouvrait une dizaine d’années plus tard soit en 1958.

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La création de ces Cours Normaux, obéissait au souci et à la volonté
de l’administration coloniale de former sur place des enseignants africains afin
d’assurer l’expansion « rapide » du système éducatif en rapport avec ses propres
besoins et afin de préparer la relève des « maîtres blancs » qui étaient presque tous
remplacés peu après les indépendances nationales africaines.

Le Burkina Faso a maintenu et géré ces systèmes et structures de


formation des enseignants jusqu’en 1986 année qui a vu la fermeture du dernier
établissement du genre (le Cours Normal des Jeunes Filles). La formation durait
alors 5 ans à partir du Certificat d’Etudes Primaires (CEP) et était sanctionnée par le
Brevet Elémentaire (BE) qui sous plusieurs aspects était très différent du BEPC
actuel (base de recrutement des enseignants du primaire aujourd’hui) prolongé d’une
année (5e professionnelle) consacrée à la formation professionnelle systématique
ponctuée de stages pratiques dans les écoles d’application. En lieu et place fut créé
en 1988, la première Ecole Nationale des Enseignants du Primaire (E.N.E.P.) à
Loumbila (non loin de Ouagadougou) suivie par ordre chronologique des E.N.E.P. de
Bobo-Dioulasso (1994) Fada N’Gourma (1997), Ouahigouya (1998) et Gaoua (1999)
soit au total 5 ENEP.

Si le souci et les préoccupations demeurent les mêmes depuis 1944 à


savoir doter l’école élémentaire de professionnels de l’enseignement pour s’assurer
de sa qualité, il reste cependant que des variations plus ou moins profondes sont
constatables dans les ENEP. Plus que les Cours Normaux « coloniaux », les ENEP
ont subi de plein fouet les conséquences de l’augmentation vertigineuse de la
demande et de l’offre d’éducation d’une part, et des difficultés économiques et
financières du pays d’autre part. Plus que tous les autres secteurs de la vie
nationale, l’éducation de base, la formation des maîtres et leur statut socio-
économique, voire socioculturel… ont été les premières victimes de Programmes
d’Ajustement Structurels (PAS) qui structurent l’intervention de la BM et du FMI dans
la crise économique et financière que connaît le pays depuis 1990.

Ainsi donc, si pour les Cours Normaux et les ENEP au début, la


formation durait 2 ans après le BEPC (une année de théorie et une autre de
pratique) depuis 2000-2001, elle a été ramenée à un (1) an seulement dont 6 mois
de formation théorique et 2 mois de pratique avec pratiquement des programmes et
des exigences de qualité qui n’ont guère changé. La conséquence la plus immédiate
est l’insuffisance qualitative de la formation professionnelle renforcée par le bas
niveau du recrutement des stagiaires, l’imprégnation superficielle des sortants dans
la vie éducative et scolaire ... et les difficultés objectives qu’ils éprouvent devant leurs
élèves. Toutes choses qui viennent contribuer davantage à l’absence de motivation
nécessaire voire déterminante pour un acte aussi délicat que la pédagogie. D’autant
plus que les motivations principales ayant suscité cette mesure de réduction sont
essentiellement d’ordre économique et financier (salaires des enseignants) au lieu
d’être technique et professionnel : en 1987 déjà le rapport de la Banque Mondiale
portant sur « l’Education en Afrique Subsaharienne : pour une stratégie d’ajustement,
de revitalisation et d’expansion » concluait que : « Il serait possible, surtout pour le
primaire et le premier cycle du secondaire, d’abaisser les qualifications minimales
exigées des futurs enseignants. Si l’on se montrait moins exigeant quant à leur
formation initiale, on pourrait leur offrir des rémunérations inférieures aux barèmes
actuels. … Le nombre croissant des jeunes qui ne trouvent pas d’emploi à l’issue du

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secondaire et de ceux qui ont fait des études supérieures, poursuivies ou non jusqu’à
l’obtention d’un diplôme, dénote la présence d’individus suffisamment motivés et
compétents pour enseigner. Ceux-ci pourraient en définitive être disposés à accepter
les traitements un peu inférieurs à ceux qui reçoivent actuellement les enseignants »
P. 98. Sans commentaire !! Comme on le constate, c’est toute l’importance de
l’incidence de la qualité de la formation initiale des enseignants et de leurs conditions
de vie et de travail sur la qualité de l’enseignement qui est ici déniée, méconnue.

Une telle analyse, surtout quand elle provient des vrais « gendarmes »
des Etats africains ceux au Sud du Sahara notamment (BM et FMI) a conduit les
décideurs et responsables africains, à bazarder la formation des maîtres, à
paupériser les enseignants … à privilégier la quantité au détriment de la qualité, tout
en oubliant qu’un enseignement de qualité médiocre aura à moyenne échéance, des
répercussions visibles sur la quantité : la demande d’éducation s’amenuisant au fur
et à mesure que la qualité baisserait. Une des causes non négligeables de la sous
scolarisation dans certaines régions du Burkina Faso et auprès de certaines
catégories socioculturelles des populations, s’explique par le manque de confiance
des parents en l’institution scolaire quand bien même l’offre éducative est disponible.

De plus l’histoire de l’enseignement au Burkina Faso montre qu’il y a eu


des moments où les autorités n’étaient convaincues ni de la pertinence ni de l’intérêt
de la formation professionnelle comme condition pour un système éducatif efficace et
efficient partant pour un accroissement de la demande sociale d’éducation. Ainsi par
exemple, on pensait que n’importe quel titulaire du BEPC pouvait enseigner (la
volonté et le besoin d’argent étant jugés suffisants), pire, l’enseignement se
présentait comme un centre pénitencier où l’on envoyait des étudiants grévistes à
des fins de correction, ou une antichambre par laquelle passaient les jeunes
diplômés en quête de leur premier emploi. Pendant plusieurs années en effet, les
volontaires du Service National pour le Développement (SND) étaient souvent
envoyés dans les classes du primaire comme maîtres en attendant l’année suivante
pour postuler aux emplois correspondant à leur formation, à leur niveau d’études ou
à leur désir. Si cette pratique est aujourd’hui abandonnée eu égard aux effets
pervers constatés tant au niveau des enfants qu’à celui des « maîtres SND » eux-
mêmes, il reste cependant que la formation initiale et la formation continue des
maîtres présentent encore beaucoup d’insuffisances au Burkina Faso. Et ce aussi
bien au niveau de l’enseignement élémentaire qu’à l’enseignement secondaire et au
supérieur.

Historiquement la formation professionnelle des enseignants du


secondaire n’est devenue systématique qu’en 1986 (INSE) puis en 1996 (à l’Ecole
Normale Supérieure de Koudougou : ENSK, après des tentatives plus ou moins
cohérentes - par conséquence vite abandonnées – au sein de l’Université naissante
en 1974 pour la formation des professeur de CEG notamment dans les disciplines
scientifiques. De plus, un Institut des Sciences (IDS) vient d’être ouvert (2004-2005)
à côté de l’ENS, pour accélérer la formation de professeurs de CEG en Maths
Physiques et Maths-SVT pour remplacer l’IMP qui en 1974 donc, avait une section
dans ce sens. L’IDS attend de voir sortir ses premiers professeurs de CEG formés.

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On peut donc dire, que le volet formation professionnelle des
enseignants au Burkina Faso, tout en étant une vieille préoccupation, demeure
encore victime d’une compréhension confuse et contre versée de son impact réel sur
l’offre et la qualité de l’éducation et de l’absence d’une politique rigoureuse et
conséquente en la matière appelant si elle existait une meilleure considération et
l’allocation des moyens techniques humains et financiers correspondante.

La formation continue, parfois présentée comme pouvant remplacer ou


justifier une formation initiale plus ou moins déficiente, attend elle aussi d’être mieux
appréhendée, reconnue et systématisée (pour être rentable et efficace pour les
enseignants et les élèves). N’existant réellement qu’au niveau de l’enseignement
élémentaire, elle est soumise – là aussi – à des vicissitudes, des contraintes de
plusieurs ordres qui finissent par en réduire la pertinence et l’impact : les Groupes
d’Animation Pédagogique (GAP), les Conférences Pédagogiques Annuelles (CPA) ;
l’encadrement de proximité prévu avec la création du corps des Instituteurs
Principaux (IP) connaissent des pesanteurs objectives et subjectives pour être
réellement efficaces et jouer les rôles que les textes leur confient. Alors qu’ici plus
qu’ailleurs certainement, la formation continue est fondamentale et doit échapper à
l’aléatoire, à « l’Informel » dans lequel elle est installée.

2. Du statut, des conditions de travail et de la situation socio-économique des


enseignants au Burkina Faso

Selon les statistiques disponibles au MEBA, le Burkina Faso compte 26


938 enseignants du primaire (2005-2006) toutes catégories et tous secteurs (public
et privé) confondus ; le nombre des professeurs des lycées et collèges représentant
1/10 du nombre précédent.

Ces effectifs renferment une diversité relativement importante de


statuts dans le corps enseignant, qui se dilue cependant dans des conditions de
travail et dans une situation socio-économique globalement peu attrayantes ni
attractives qui contribuent à faire de l’enseignement, « là où l’on va parce qu’on n’a
rien trouver d’autre ».

* Statuts des enseignants au Burkina Faso

La situation sociopolitique relativement stable depuis plusieurs années


(hormis les périodes des régimes d’exception = 1978 ; 1984) justifie en partie que le
Burkina ignore un peu des corps d’enseignants qu’on connaît ailleurs : enseignants
volontaires ; enseignants communautaires … même si des tentatives plus ou moins
éphémères ont émaillé l’histoire du système éducatif : enseignants révolutionnaires
(1984) animateurs des CEBNF et des écoles satellites … se caractérisant tous par
l’absence ou la précarité de la formation initiale, l’absence ou la précarité de statut
officiel reconnu et par voie de conséquence de plan de carrière ; une rémunération
faible et/ou irrégulière…

Pour ce qui est de l’enseignement primaire les enseignants sont


répartis selon leur niveau de qualification professionnelle auquel correspondra un
statut spécifique :

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- les instituteurs adjoints sans certificat professionnel en nombre plus
important dans le secteur privé, et qui remplacent ceux qu’on
appelait jadis les « maîtres auxiliaires » ;
- les instituteurs adjoints certifiés détenteurs du certificat élémentaire
d’aptitude pédagogique (CEAP) ;
- les instituteurs certifiés détenteurs du certificat d’aptitude
pédagogique (CAP) ;
- les instituteurs principaux, sélectionnés par voie de concours parmi
les instituteurs (CAP) et qui ont reçu une formation professionnelle
complémentaire d’un an pour assumer des fonctions de directeurs
d’école (avec ou sans classe) et de soutiens pédagogiques de
proximité aux jeunes enseignants.

Les deux dernières catégories (IC ; IP) comprennent les instituteurs de


« statut supérieur » (A3, B1 de la Fonction Publique) tandis que ceux des deux
premières sont de « statut inférieur ». Ils représentent environ 63,15 % de l’ensemble
des enseignants du primaire contre 36,85 % pour ceux du statut supérieur. Ceux du
statut « inférieur » sans qualification professionnelle aucune représentent encore
aujourd’hui plus de 20 %. Dans le privé, la part des instituteurs de statut inférieur est
largement plus importante : sur 3202 enseignants au privé on a en 2002-2003 ; 687
sans qualification aucune, 118 à moindre qualification (ie en dessous des normes
officielles) 958 IAC ; 233 IC et seulement 68 IP : source : Statistique de l’Education
de Base 2002-2003 ; DEP/MEBA septembre 2003). L’enseignement privé à
l’intérieur, présente une large diversité offrant des statuts tout aussi diversifiés de ses
enseignants : le privé conventionnel confessionnel (catholique ; protestant)
enseignement privé confessionnel (franco-arabe ; islamique) et le privé « lucratif ».

Au niveau du secondaire l’éventail des catégories d’enseignants est moins


large. On distingue au public, les professeurs de CEG (A2) et les professeurs de
lycée (A1) selon le diplôme universitaire de base considéré (DEUG pour les
professeurs de CEG avec ou sans qualification professionnelle selon les époques ;
Licence ou Maîtrise avec ou sans CAPES pour les autres). Les corps d’encadrement
du secondaire à l’instar de leurs homologues du primaire, n’enseignent plus. Ils
assurent par contre des tâches d’encadrement de suivi et d’évaluation pédagogiques
auprès des enseignants « craie à la main ».

Les conditions de vie et de travail ainsi que la représentation sociale qu’on a


des enseignants dans les détails, varieront selon qu’on est dans le public, le privé
conventionnel confessionnel ; le privé lucratif… ou dans les établissements
communautaires locaux dont le nombre va croissant depuis ces dix dernières années
(Décentralisation ; Régionalisation …).

* Conditions de vie et de travail et image sociale des enseignants

Comme on a pu le constater, la formation professionnelle détermine


largement le statut professionnel auquel l’enseignant pourrait prétendre.

Elles sont de plus en plus difficiles, pire, c’est comme si elles se


dégradaient chaque jour davantage. La massification du corps, ne saurait suffire à
tout expliquer. La situation de pauvreté « endémique » dans laquelle se démêle le

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pays non plus. On peut par contre avoir peur que ce ne soit les conséquences plus
ou moins attendues de politique éducative nationale qui ne trouve pas les formules
opératoires efficaces pour combiner harmonieusement l’accroissement de l’offre
éducative et la qualité de l’éducation ; l’universalisation de la scolarisation et la
qualité et l’efficacité de cette dernière. En effet, on peut suspecter les politiques
nationales d’éducation (quand elles existent explicitement) de n’avoir pas su ou pu
identifier les conditions idoines de la qualité de l’éducation réclamée sinon de plus en
plus exigée par tous, à commencer par l’Etat, les populations, les partenaires
techniques et financiers … telle qu’elle apparaît dans les Plans de Développement
de l’Education.

Au Burkina Faso, la volonté d’assurer l’expansion de l’offre éducative


prime sur toutes les autres considérations, dont la recherche de la qualité et à force
de vouloir faire des économies en serrant les volets qui conditionnent la qualité, on
court le risque d’investir à perte, d’avoir à terme des écoles sans élèves : le
désenchantement et la désaffection des populations vis-à-vis de l’éducation scolaire
seraient d’autant plus grands que les résultats attendus, obtenus se révéleraient
massivement mauvais ou décevants. Et dans ces conditions c’est même l’objectif
« quantification » ou « universalisation » qui risque de ne pas être atteint ! Surtout
que pour la qualité de l’éducation, l’enseignant joue un rôle au moins aussi
déterminant que l’équipement conséquent des classes en matériel pédagogique
adapté.

- Au sujet des conditions de travail des enseignants et à leur incidence


sur la qualité de l’éducation, on peut regretter que le ratio maître / élève soit encore si
élevé : en moyenne 1 maître pour 52 élèves, avec les pointes atteignant 1 maître
pour 120 élèves ; même par rapport à la norme nationale (officielle) qui est de 50
élèves pour 1 maître, a fortiori par rapport à la norme de l’Initiative Fastrade (40
élèves par maître).

La rareté et l’inadaptation des manuels scolaires et le sous-équipement


des classes contribuent à une plus grande dégradation des conditions de travail des
maîtres.

- Quant aux conditions de vie et à la représentation sociale des


enseignants, elles semblent être laissées pour compte. L’étalement des statuts liés,
comme dit plus haut, à l’existence préalable ou non d’une formation professionnelle
initiale, et la diminution du nombre d’années de formation (de 2 à 1 an) pour des
raisons nettement économiques prédisposent à une justification officielle de la
dégradation des conditions de vie des enseignants, notamment ceux qui
interviennent dans les zones rurales ou semi urbaines.

Dans ces zones en l’occurrence, l’absence de logement décent, les bas


salaires … renforcent la précarité de la vie de bon nombre d’enseignants toutes
catégories confondues. Il y a même par endroit des risques réels de
« clochardisation » et de « prolétarisation » de ceux là même qui, il n’y a pas encore
si longtemps, étaient tenus pour modèles vivants d’une réussite sociale consécutive
à une réussite scolaire.

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Cette image sociale positive du maître, pourtant très déterminante en
amont et en aval pour le développement de la scolarisation dans un pays comme le
Burkina Faso, semble relever du passé.

Cet état des choses stigmatisé lors des multiples rencontres nationales
et internationales consacrées à l’éducation (Etats Généraux de l’Education en 1994 ;
l’Elaboration du Plan Stratégique de Développement de l’Education 1997-2005 en
1997 ; le Plan Décennal de Développement de l’Enseignement de Base 2000-2009
en 1997 … Les Assises Nationales sur l’Education en 2001) perdure et semble avoir
la peau dure : le mal est diagnostiqué, reste à savoir si le remède pourtant connu,
peut lui être administré ! En tout état de cause, la banalisation de la qualification des
enseignants, la résistance à une meilleure considération pour la professionnalisation
de la fonction enseignante, sinon la dévalorisation sociale du maître finiront – à brève
échéance – par discréditer l’école aux yeux d’une grande partie de la population et
compromettre du même coup, l’atteinte de l’objectif du millénaire pour une éducation
de base universelle.

Déjà et dans le milieu des enseignants même formés, le phénomène de


la désertion, de l’absentéisme voir des abandons et démissions gagne en ampleur.
Auquel il convient d’ajouter les conséquences macabres du SIDA qui hélas, se
présente de plus en plus comme la maladie de la misère et de la pauvreté.

3. Perspectives et actions en cours

Au Burkina Faso, en matière de formation des enseignants, ceux du


primaire surtout, un grand paradoxe est perceptible : pendant que de grandes
mesures sont prises pour le renforcement des curricula – pour une école toujours
plus performante tant pour l’individu que la société – et la mise en œuvre de grandes
innovations (Ecoles bilingues, Ecoles satellites, Centre d’Education de Base Non
Formelle …) on procède à la réduction de la durée de la formation initiale sans que
les structures de formation continue ne cessent de piétiner.

Le PDDEB dans sa configuration actuelle pour le volet qualité de


l’éducation de base, ne retient que l’équipement pédagogique des classes, la
disponibilité et l’attribution des manuels tout en laissant de côté le maître, ses
conditions de vie, sa motivation tout en avalisant la diminution de la durée de la
formation initiale et la précarisation de la situation des maîtres avec la multiplication
des agents des statuts inférieurs.

Il conviendrait alors de résoudre ce paradoxe en prenant conscience de


certaines réalités et en leur trouvent des solutions :
• la relation objective (des études sérieuses l’ont montré) entre la
qualification des enseignants et la qualité du système éducatif ;
• la motivation du maître et son engagement comme condition
déterminante pour le succès de toute entreprise pédagogique ;
• la mauvaise exploitation et la gestion hasardeuse des structures et
du personnel ayant en charge la formation continue des
enseignants ;
• la question de la décentralisation et de la régionalisation de
l’enseignement, car il est démontré que les régions pauvres ou

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rurales, ayant des TBS faibles, sont aussi celles où les maîtres sans
qualification et sans expérience sont majoritaires ;
• l’intégration insuffisante et l’incohérence entre les différents niveaux
d’enseignement (primaire – secondaire – supérieur) consécutive
entre autres, à l’absence d’une Politique Nationale de l’Education
cohérente et systématique, surtout en matière de formation des
enseignants, des curricula et de la gestion globale et structurée du
système éducatif et des plans de carrière des enseignants.

Conclusion

Une chose paraît certaine : on ne peut pas continuer à sacrifier


l’enseignant pour soi-disant développer l’éducation de base tant quantitativement
que qualitativement. On dira qu’il est difficile par des textes réglementaires, de gérer
des questions aussi subjectives que la motivation, l’engagement et la
responsabilisation d’agents de l’Etat que sont les enseignants. Ce sont en effet des
réalités psychologiques et sociales délicates qui résistent à des codifications.

On pourrait au moins poser le problème ; reconnaître la particularité de


l’enseignement, cet « art raisonné » (E. Kant), reconsidérer le contenu et les objectifs
d’une formation professionnelle reconnue nécessaire, accepter d’en discuter avec les
premiers intéressés. Ce serait cela déjà de gagner et rien ne dit que c’est seulement
des questions financières. La représentation sociale que la société a de l’enseignant,
l’image que celui-ci a de lui-même, la reconnaissance sociale du métier, … ne sont
pas en soi des questions d’argent.

Les syndicats des enseignants ne doivent pas être les seuls à se


préoccuper des questions de formation et des conditions socio-économiques de leurs
membres.

Pour le développement de l’éducation, n’est ce pas plus urgent d’avoir


des enseignants engagés, bien dans leur peau parce que formés en conséquence et
motivés dans un contexte national de justice sociale … que des classes suréquipées
de matériel pédagogique, des curricula adaptés et fonctionnels, des réformes et
innovations plus ou moins cohérentes. le tout dans des déclarations d’intention
d’autant plus faciles à faire que les conditions objectives pour y arriver ne seront pas
appréhendées ?

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