Vous êtes sur la page 1sur 179

41

Planification des ressources


humaines : méthodes,
expériences, pratiques
Olivier Bertrand

UNESCO : Institut international de


planification de l’kducation
-
Principes de la planification de l’education 41
Dans cette collection* :
1. Qu’est-ce que la planification de l’éducation ?.P.H.Coombs
2. Les plans de développement de I’éducation et la planification économique et sociale.
R.Poignant
3. Planification de I’éducation et développement des ressources humaines, F.Harbiron
4. L’administrateur de I’éducation face à la planification. CI.Beeby
5. L e contexte social de la planification de l’éducation, CA.Anderson
6. La planification de l’enseignement :évaluation des coûts, J. Voizey. J.D.Chesswus
7. Les problèmes de l’enseignement en milieu rural, VL.Grimhr
8. L e rôle du conseiller en planification de l’enseignement. A. Cwle
9. Les aspects démographiques de la planification de l’enseignement. Ta Ngoc CMu
10. Coûts et dépenses en éducation. J. Hallak
11. L‘identité professionnelle du planificateur de l’éducation. A. Cwle
12. Planification de l’éducation :les conditions de réussite, G.C. Rurcoe
13. L’analyse coût-bénéfice dans la planification de I’éducation, M. Woodhalf
14. Planification de l’éducation et chômage des jeunes,A. Caffaway
16. Planification de l’éducation pour une société pluraliste,
Chai Hon-chan
17. L a planification des programmes d’enseignement primaire dans les pays en voie de
développement,H.W.R. Hawes
18. Planification de l’aide B I’éducation pour la deuxième décennie du développement.
H.M.Phillips
19. Les études à l’étranger et le développement de l’enseignement,W D .Carfer
20. Pour une conception réaliste de la planification de I’éducation, KR.McKinnon
21. L a planification de l’éducation en relation avec le développement .. rural,
G .M .-Coveraàle
-~
22. L a planification de I’éducation :options et décisions,JD.Monfnomery
23. L a planification du programme sc&re, A. Lewy
24. Les facteurs de coûts dans la planification des systèmes de technologies éducatives,
D.T.Jamkon
25. L e planificateur et l’éducation permanente,P. Furfer
26. L’éducation et l’emploi :une étude critique, M.Carnoy
27. Planification de l’offre et de la demande d’enseignants. P. WiffiOm
28. Planification de 1’Cducation préscolaire dans les pays en développement,A. Heron
29. Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu :
répercussions sur la planification,E.G.McAmny,J.K.May0
30. L a planification de l’éducation non formelle, D.R.Evam
31. Education, formation et secteur traditionnel, J. Hallak et F.Caillods
32. Enseignement supérieur et emploi : l’expérience de I’IIPE dans cinq pays en
développement, G.Psacharopoulos et B.C.Sanpl
33. L a planification de l’éducation c o m m e processus social, T.Malan
34. Enseignement supérieur et stratification sociale : une comparaison intemationale,
T.Hurén
35. U n cadre conceptuel pour le développement de I’éducation permanente en URSS,
A. Vladislavlev
36. Education et austérité :quelles options pour le planificateur ?,K.M.kwin
37. L a planification de I’éducation en Asie, R.Roy-Singh
38. Les projets d’éducation :préparation, financement et gestion,A. Magnen
39. Accroître l’efficacité des enseignants. L.Anderson
40. L’élaboration des programmes scolaires à I’échelon central et à I’échelon des des
écoles, A. Lewy

* Série publiée également en anglais. Autres titres à paraître


Planification des ressources
humaines : méthodes,
expériences, pratiques,

Olivier Bertrand

Paris 1992
UNESCO :Institut intemational de planification de 1’Cducation
L’Agence su4oise d’aide au developpement international (ASDI)
a fourni une aide financiere pour la publication de cette brochure

Publie en 1992 par l’organisation des Nations Unies


pour l’education, la science et la culture
7,place de Fontenoy, 75700 Paris
Imprime en France par l’Imprimerie Gauthier-Villars, 75018 Paris
Maquette de couverture :Bruno PfSfli
ISBN 92-803-2142-0
O UNESCO 1992
Avant-propos

Les brochures de cette collection sont destinees principalement à


deux categories de lecteurs :ceux qui occupent dCjB des fonctions
dans l’administration et la planification de l’tducation,dans les
pays en developpement comme dans les pays industrialisCs ; et
d’autres, moins SpCcialisCs - hauts fonctionnaires et hommes
politiques, par exemple -, qui cherchent h connaître de façon
plus gCnCralele mecanisme de la planification de 1’Cducationet les
liens qui la rattachent au dCveloppement national dans son
ensemble. Ces brochures sont,de ce fait,destindes soit 21 1’Ctude
individuelle,soit 2I des cours de formation.
Depuis le lancement de cette collection en 1967,les pratiques
et les concepts de la planification de 1’Cducation ont subi
d’importants changements. Plusieurs des hypothèses qui Ctaient
sous-jacentesaux tentatives anterieures de rationaliser le processus
du developpement de 1’Cducation ont CtC critiquees ou
abandomdes. Toutefois, si la planification centralisCe, rigide et
obligatoire, s’est manifestement rCvC1Ce inadkquate, toutes les
formes de planification n’ont pas CtC abandonnees.La nCcessitC de
rassembler des donnees,d’Cvaluer1’efficacitCdes programmes en
vigueur, d’entreprendre des CLudes sectorielles et thCmatiques,
d’explorer l’avenir et de favoriser un large ddbat sur ces bases
s’avb-eau contraire plus vive que jamais,pour orienter la prise de
dCcisions et 1’Claboration des politiques Cducatives.
L a planification de 1’Cducation a pris une envergure nouvelle.
Outre les formes institutionnelles de l’education, elle porte à
present sur toutes les autres prestations Cducatives importantes
dispensCes hors de 1’Ccole.L’intCrêt consacre B l’expansionet au

5
Avant-propos

dkveloppement des systemes Cducatifs est complCtC,voire parfois


remplace,par le souci croissant d’amkliorerla qualit6 du processus
educatif dans son ensemble et de contr6ler les dsultats obtenus.
Enfin,planificateurs et administrateurs sont de plus en plus
conscients de l’importancedes stratCgies de mise en œuvre et du
r61e joue h cet egard par les divers mecanismes de dgulation :
choix des mCthodes de financement, d’examen et de dClivrance
des certificats et dipl6mes,ou d’autresstructures de dgulation et
d’incitation. La demarche des planificateurs rCpond A une double
pdoccupation : mieux comprendre la valeur et le r61e de
1’Cducation par l’observation empirique des dimensions
particuli2res qui sont les siennes, et contribuer h dCfinir des
strategies propres h amener le changement.
Ces brochures ont pour objet de reflCter 1’Cvolution et les
changements des politiques Cducatives et de mesurer leurs effets
sur la planification de 1’Cducation ; de mettre en lumi2re les
questions qui se posent actuellement en la matière et de les
analyser dans leur contexte historique et social ; et de diffuser des
methodes de planification pouvant s’appliquer aussi bien aux pays
en dCveloppement qu’aux pays industrialisCs,
Afin d’aider 1’Institut il bien identifier les prCoccupations
actuelles dans les domaines de la planification et de 1’Claboration
des politiques de I’Cducationdans diverses parties du monde, un
ComitC de rkdaction a CtC mis en place. Il comprend deux
rkdacteurs en chef et cinq rCdacteurs associCs,venus de differentes
rCgions,tous Cminents spCcialistes dans leurs domaines respectifs.
Lors de la premiere rCunion de ce nouveau ComitC de rCdaction
en janvier 1990, ses membres ont dCfini les sujets les plus
importants h traiter dans les numeros ultkrieurs sous les rubriques
suivantes :
1. L’Cducation et le dkveloppement,
2. L’CquitC.
3. L a qualit6 de 1’CducaLion.
4. Structure, administration et gestion de 1’Cducation.
5. Les programmes d’enseignement.
6. Coût et financement de l’education.

6
Avant-propos

7. Techniques et approches de la planification.


8. Syst5mes d’information,suivi et Cvaluation.
Chaque rubrique est confiCe & un ou deux rCdacteurs.
L a collection correspond a un plan d’ensemble soigneusement
Ctabli, mais aucune tentative n’a CtC faite pour Climiner les
divergences, voire les contradictions, entre les points de vue
exposCs par les auteurs. L’Institut, pour sa part, ne souhaite
imposer aucune doctrine officielle. S’il reste entendu que les
auteurs sont responsables des opinions qu’ilsexpriment -et qui
ne sont pas ndcessairement partagCes par l’UNESCOet I’IIPE-,
elles n’en sont pas moins dignes de faire l’objetd’un vaste dCbat
d’idees. Cette collection s’est d’ailleurs fixe comme objectif de
reflCter la diversitC des expkriences et des opinions en donnant a
des auteurs venus d’horizons et de disciplines tri3 variCs la
possibilite d’exprimer leurs idCes sur I’Cvolution des aspects
thConques et pratiques de la planification de l’kducation.
Une des questions qui ont le plus alimente les dCbats dans le
domaine de la planification de 1’Cducationest celle de savoir dans
quelle mesure on doit et on peut planifier le developpement de
l’enseignementen fonction des besoins du marche du travail.Il est
en fait de moins en moins question de dCvelopper 1’Cducationen
fonction des stricts besoins de l’emploi, ne serait-ce que parce
qu’il est extrêmement difficile d’estimerde tels besoins, Dks lors,
la planification doit s’attacher surveiller le fonctionnement du
marche du travail et l’insertion des dipl6mCs afin d’être a m C m e
d’orienter le dCveloppement des systkmes Cducatifs. Nombreux
sont les pays,nCanmoins,qui cherchcnt a definir leur politique en
fonction de differents Cclairages sur 1’Cvolution probable de
l’kconomie moyen et long termes. Afin de faire le point sur les
mCthodes de planification des ressources humaines, l’Institut a
demande a Olivier Bertrand,du Centre d’ktudeset de recherches
sur les qualifications (CEREQ)de France,de prCparer la prCsente
brochure. D e manière très claire et synthktiquc,l’auteur y passe
en revue les methodes de prkvision et d’analyse des besoins de
formation utilisees dans le passd, avant de prksenter ce qui se fait
& l’heure actuelle dans les pays industrialisCs, oh, sans toujours

7
Avant-propos

l’admettre, on n’a pas cesse de faire œuvre de planification.


Olivier Bertrand tire de toutes ces expdriences u n certain nombre
de conclusions importantes sur ce que pourrait Ctre une demarche
pragmatique adaptable a differents contextes. L’Institut tient a le
remercier pour sa brillante et lucide contribution.
Jacques Hallak
Directeur, IIPE

8
Préface

Faut-ilajuster le dCveloppement du système Cducatif aux besoins


de 1’Cconomieet du marche du travail ? Telle est la question que
nombre de planificateurs des ressources humaines se posent depuis
longtemps sans avoir trouve de reponses entièrement satisfaisantes.
L a planification dite <<en fonction des besoins en main-
d’œuvre>,,qui pr6nait une stricte addquation de la formation ZI
l’emploi,a COMU de nombreux dCboires. Très cntiquCe sur un
plan thCorique ZI cause des hypotheses simplificatricesqu’elle fait
sur les dkterminants des structures des emplois et de la relation
Cducation-emploi,la methode a essentiellement servi a justifier le
dCveloppement très rapide des effectifs aux niveaux postprimaire
et postsecondaire ; elle n’a en revanche que peu contribue ZI
freiner ou orienter ce ddveloppement lorsque cela s’est r6vClC
nCcessaire. L a methode des taux de rendement proposee comme
altemative n’est pas non plus sans poser de problèmes sur les
plans thCorique et technique.Celle-ci ne renseigne de toute façon
qu’aposteriori sur l’efficacitd de telle ou telle politique Cducative
et ne peut foumir aucune indication sur 1’Ctatdu marchC du travail
et l’kvolution des taux de rendement a l’avenir.
La difficultk de faire des prkvisions des emplois par
qualifications et spkcialisations s’est encore renforcCe dans les
pays industrialisCs du fait de I’accClCration du changement
technique qui affecte un grand nombre d’emplois et modifie
parfois radicalement les qualifications et compktences requises.
Dans les pays en dCveloppement,c’estessentiellementl’incertitude
qui p b e sur 1’Cconomie et le règlement de la dette qui rend
tout exercice de prkvision pCrilleux. Faut-ilen conclure que l’on

9
Prtface

doit s’abstenirde prdvoir l’aveniret de planifier le dCveloppement


des ressources humaines? La kponse 2 cette question est
Cvidemment non. Il faut de tri3 nombreuses annCes pour former
un cadre scientifique ou un gestionnaire de haut niveau, et toute
action prise, ou non prise, maintenant peut avoir de graves
consdquences dans le futur. D’un autre cGtC,le nombre de jeunes
qui amvent chaque annCe sur le marchC du travail dans les pays
en dCveloppement est souvent tellement ClcvC par rapport h la
population active totale qu’on ne peut Cviter de rCflCchir 2
l’avance 2 la manière dont se fera leur insertion professionnelle.
C o m m e ces deux exemples le montrent,la planification se doit de
continuer sa tâche d’exploration de l’avenir ; elle doit aussi mettre
en place des mecanismes d’evaluation et de recherche afin de
contr6ler la qualit6 de la formation,et surveiller la manihe dont
s’effectuel’insertion des dipl6mCs dans le monde du travail,ou
dont Cvolue le contenu des qualifications requises. Les strategies
Cducatives proposCes par ailleurs mettent l’accent sur la qualit6
de la formation favorisantune plus grande adaptabilitk de la main-
d’œuvre ; la mise 2 jour et l’actualisation permanentes des
compCtences par divers programmes d’bducationextra-scolaire,et
la flexibilite dans l’organisation des systèmes de formation.
D e par sa longue experience dans les pays en dkveloppement,
puis au Centre d’Ctudes et de recherches sur les qualifications
(CEREQ)de France, Olivier Bertrand &ait la personne la mieux
placde pour presenter aussi bien les mCthodes traditionnelles que
les nouvelles pratiques en matiEre de planification des ressources
humaines et pour tirer les leçons de ces expCriences.La dCmarche
qu’il propose, combinant approche prospective et analyse
qualitative,inlCressera les planificateurs des ressources humaines
dans les ministères concemCs des pays en dkveloppement comme
des pays industrialisCs.
Françoise Caillods
Corédacteur en chef de la collection

10
Table des matières

Avant-propos 5
Preface 9

Introduction 13
-
Premiere partie Les methodes traditionnelles de
planification 15
1. L a planification de l’education fondee sur
l’approche main-d’œuvre et la logique de
l’adequation formation-emploi 17
II. Deux approches alternatives de l’evaluation des
besoins et des priorites de formation 32
III. Les demarches fondees sur l’evaluation de
l’efficacite du syseme de formation 35

11
Table des matihes

Deuxieme partie - Tendances recentes de la planification


des ressources humaines 49

IV. La prCvision de l’emploi et des professions dans


les pays developpes 51
V. U n exemple d’etude sectorielle 62
VI. L’analyse qualitative des contenus de travail et
de formation 90
Troisieme partie - Les leçons de l’experience 105
VII. La planification des ressources humaines aujourd’hui 107
Annexes 163
Bibliographie 176

12
Introduction

Il est clair que la vocation de 1’Cducation et de la formation,au


sens le plus gCnCral,ne se limite pas à la preparation à un emploi.
L’enseignement doit d’abord contribuer à former la personnalit6
de l’individu et à le prCparer il une vie sociale. Il devrait aussi,
autant que possible, contribuer à 1’CgalitCdes chances. Mais il ne
peut pour autant se dCsintCresser compl2tement du devenir
professionnel des jeunes. Cette prCoccupation devient primordiale
lorsqu’ils’agit de definir les orientations des formations à finalite
professionnelle. Dans la plupart des pays, elle se fait de plus en
plus insistante et l’on critique frequemment l’inadaptation de la
formation aux besoins de l’Cconomic,surtout lorsque l’on voit
coexister le chdmage des dipl6mCs et la pCnurie de personnel
qualifiC.
C e point de vue est très rCpandu au sein du grand public,mais
aussi des medias,des representants des employeurs et parfois des
pouvoirs publics, qui rCclament une meilleure adCquation entre
formation et emploi. Mais celle-ci est-elle possible, et par quels
moyens ? L’analyse des exp6riences de pays très diffkrents au
cours des demières ddcennies incile à une grande prudence. Si
l’on a beaucoup progresse dans la connaissance des problèmes,
cela a surtout conduit à une meilleure prise de conscience de leur
complexite et de leur difficultC. Il n’cxiste pas il ce jour de
rCponse pleinement satisfaisante à la question de savoir si l’on
peut prkvoir les besoins de formation dCcoulant de 1’Cvolution
technique et Cconomique et planifier (ou orienter) en consCquence
le système de formation.Certains se demandcnt m e m e si on doit
le faire.En effet,la mode aujourd’hui est à la mise en valeur du

13
Planification des ressources hwnaines :
méthodes, expériences. pratiques

marche et du libCralisme, de sorte que la notion m ê m e de


planification peut paraître dCsuète.
Les pages qui suivent ne prCtendent pas apporter la solution
miracle a ces questions. Elles visent 2 faire le point des acquis
rksultant de l’histoire dcente, principalement dans les pays
industriels avancks,et 2 Cclairer les exp6riences pratiques par des
rCfCrences aux analyses thCoriqueS. Elles s’adressent notamment
a ceux qui sont responsables de l’orientation et de la gestion des
systkmes de formation postobligatoires, dans les pays en
ddveloppement ou dans ceux qui pratiquaient une planification
centralisCe et prennent un nouveau depart : les uns et les autres
cherchent h savoir dans quelle mesure les expkriences des pays
industriels avancCs sont transfdrables dans leur propre contexte.
C e texte se place donc plus du point de vue des pouvoirs
publics et de la formation initiale que de celui des entreprises et
de la formation continue. Il est surtout orient6 vers les aspects de
la planification qui touchent la relation formation-emploi.Il ne
prCtend pas traiter des autres aspects, tels que le coût et le
financement,la programmation des constructions ou la formation
des enseignants.
Apr2s une première partie qui passe en revue les mdthodes de
prCvision et d’analysedes besoins de formation utilisCes dans leur
contexte historique et national, la deuxième partie prdsente des
exemples d’exp6riences r6centes. La troisième partie vise h tirer
les conclusionsde ces diffkrentes exp6riences et suggère les Ctapes
possibles d’une ddmarche pragmatique, adaptable h diffdrents
contextes,pour la mise en place d’un processus de planification
permanent comportant le suivi des r6alisations.

14
Première partie

Les méthodes traditionnelles de planification

Les pratiques et les idees concernant la relation formation-emploi


ont suivi une evolution historique que l’on peut resumer comme
suit :
Des les annees 40,la mise en œuvre d’une planification
centralisee en Union sovietique et le desir de fournir B
l’industrie la main-d’œuvrenecessaire conduisaient B Ctendre
la planification B l’evaluation des besoins en main-d’œuvrede
l’economie et leur confrontation avec les sorties du systeme
Cducatif. C’&ait la naissance de l’(<approche main-d’œuvre,,.
Ce syseme etait etendu pendant les annees 50 aux pays
satellites de l’Europe de l’Est qui adoptaient le modele
sovietique.
Vers la fin des annees 50 et le debut des annees 60,l’inter&
nouveau port6 au probleme du developpement et la prise de
conscience du r61e de I’education suscitaient un interet des
organisations internationales et de differents pays pour une
planification integrant l’emploi et l’education comme facteur
de developpement.Des variantes plus ou moins elaborees de
l’approche main-d’œuvre etaient exp6rimentees par l’OCDE
(dans les pays mediterraneens et en Amerique latine), par des
pays industrialises comme la France et par des pays en
developpement comme l’Inde ou le Pakistan. Tous ces pays
avaient en commun le souci de faire face aux besoins en main-
d’œuvre,et notamment en main-d’œuvrequalifiee,necessaires
B leur croissance.

15
Planification &s ressources humaines :
mdthodes, expdriences, prariques

La fin des annees 60 et les annees 70 correspondent B une


p6riode de reflux que l’on peut expliquer de plusieurs
manieres. Des economistes de tendance liberale (dans les pays
anglo-saxons) critiquaient l’approche main-d’œuvre pour son
manque de fondement thCorique et proposaient une approche
alternative. D e leur côte, les techniciens de la planification
prenaient conscience de l’insuffisance de cette demarche.
Parallelement, le contexte economique se modifiait
radicalement avec la crise de la fin des annees 70 :dans les
pays industrialises,le probleme ne consistait plus B faire face
aux besoins en main-d’œuvre,mais au contraire 2 affronter le
chômage. D e niani2re gknerale, la mode n’&ait plus B la
planification,du fait du changement du climat politique et par
suite des mecomptes d’une prevision souvent mise en Cchec.
D e leur côte, les pays en developpement rexontraient des
difficultes dans leur exercice de prevision des relations
formation-emploi,du fait du manque de donnees et de moyens,
et s’apercevaient des obstacles politiques que soulevait une
telle planification ;
Pour toutes ces raisons, l’approche main-d’œuvre comme
instrument de prevision et de planification a et6 un peu partout
abandonnee, sans Ctre veritablement remplade. On est
aujourd’huien general plus pragmatique et plus modeste. Les
essais de prevision se limitent davantage B un niveau sectoriel
ou regional. Les efforts s’orientent vers l’amelioration de
l’information et d’instruments susceptibles de permettre un
meilleur pilotage il court terme et une meilleure gestion du
systeme de formation.
Neanmoins, les sp6cialistes continuent i?~ s’interroger sur
l’utilite et sur la validite des previsions - ou plutôt de la
-
prospective concernant l’emploi et les professions. D e fait,
beaucoup de pays continuent 3 en Claborer,mais dans un autre
contexte et dans un autre esprit.
Apres l’analyse des experiences fondees sur l’approche
main-d’œuvre, cette premiere partie passe en revue les
approches alternatives.

16
I. L a planification de l’éducation fondée sur
l’approche main-d’œuvre et la logique de
l’adéquation formation-emploi

Cette approche est bien connue et a dCjà fait l’objet d’une


abondante litterature critique. Il a nCanmoins paru utile de passer
en revue un certain nombre d’expdriences pour montrer leur
diversite et pour en tirer des leçons qui restent actuelles. L e
lecteur presse pourra neanmoins prkfkrer passer directement au
Chapitre II.

1. Le principe et la démarche
Cette demarche part de l’idee suivant laquelle cil faut Ctablir des
plans d’enseignement en tenant compte des objectifs du
dCveloppement Cconomique et social>>(Pames, 1962).Elle suppose
qu’il est possible d’estimer les futurs besoins en main-d’œuvre
(particulii3rement la main-d’acuvre qualifiCe) en partant
d’hypoth6ses sur l’evolution de 1’Cconomie et sur la structure
professionnelle. Ces besoins peuvent ensuite être rapproches des
sorties attendues du systi?me de formation pour viser autant que
possible une adkquation entre les deux. L a demarche comporte les
Ctapes suivantes :
(a) Elle part de projections Cconomiques sur le niveau de la
production nationale et sa repartition par secteur
(ou branche) d’activitk h un horizon donne. Elle Ctablit des
hypothbes sur 1’Cvolution de la productivite de chaque
secteur, ce qui donne des estimations sur les effectifs
employCs.

17
Planification des ressources humaines:
dthodes. expkriences,pratiques

(b) Il s’agit ensuite d’estimerla repartition de ces effectifs par


profession (metier), groupe de professions ou catCgorie
socioprofessionnelle.Pour cela,il faut connaître la structure
actuelle par secteur et proceder il des estimations sur
1’Cvolution de cette structure au cours de la pdriode Ctudiee.
L’application de ces coefficients de structure aux effectifs
estimes par secteur donne la rCpartition des effectifs par
secteur et par profession. L a rbcapitulation dc l’ensemble
des secteurs foumit une estimation sur l’emploi total (ou
offre potentielle d’emplois) par profcssion pour I’annCe
horizon.
(c) Pour satisfaire cette offre d’emplois (ou cette demande de
main-d’œuvre), il s’agit ensuite d’estimer les ressources en
main-d’œuvrequi seront disponibles au m ê m e moment. Ces
ressources proviennent de deux origines :
(i) les effectifs employCs actuellement,compte tenu des
dCds, des departs il la retraite et si possible de la
mobilite professionnelle ;
(ii) les sorties attendues du système de formation au
cours de la periode allant de 1’annCe de dCpart il
1’annCc horizon.
L’addition de ces deux ClCments donne une estimation sur la
main-d’œuvrequi sera disponible il l’annke horizon pour occuper
les emplois offerts par les entreprises.
Offre potentielle d’emplois Ressourcesou disponibilitks
ou besoins de main-d’œuvre en main-d’aeuvre
- -
Emplois correspondant aux Main-d’ceuvre<<rCsiduelle>>
prkvisions Cconomiques par (après dCductiondes d C p m
profession/qualification. et dCcès) +
sorties prkvisibles du
système de formation.

(d) Il ne reste plus qu’il confronter les besoins estimes de


l’economieet les ressources previsibles pour faire le bilan
des dCficits ou des surplus et orienter en consCquence la
politique de formation.

18
La planification de 1 ’éducationfondée sur l’approche main-d’œuvre
et la logique de l’adéquationformation-emploi

Cette demarche soulève des problemes de fond sur lesquels on


reviendra plus loin. Elle pose aussi des problemes de mise en
œuvre, tels que :
la durée de la pkriode prise en compte. Dans une demarche de
planification,cette duree s’identifie souvent avec celle du plan
global de developpement economique, soit en general 4 ou
5 ans.Mais cela pose un probl&me, dans la mesure OÙ la duree
necessaire pour mettre en œuvre une politique educative et en
obtenir des resultats est beaucoup plus longue. Il faut en effet
une dizaine d’annees pour definir des orientations, proceder
aux investissements necessaires,former les enseignants et voir
l’achevement d’un cycle d’etudeset la sortie de ses diplômes
sur le marche du travail ;
le niveau d’agrégation des analyses concernant la structure par
profession (ou mktier). Le desir des utilisateurs d’obtenir des
previsions detaillees n’est pas seulement un facteur de
complication. Il est aussi en contradiction avec le fait qu’il
existe un degr6 important de possibilites de substitution entre
formations de specialites ou de niveaux proches. Choisir un
niveau d’agregation, c’est aussi choisir un système de
classification (ou nomenclature) suivant lequel sont regroupees
les professions (question reprise au Cliapirre VZI, pp. 122-
133) ;
les méthodes et les iiypotlièses utilisees pour prevoir les
effectifs et les structures professionnelles.
O n trouvera ci-dessousquelques illustrations de l’utilisationde
la demarche, montrant comment ces problemes ont et6 resolus,
dans des pays et des contextes differents.

19
Planification des ressources humaines:
méthodes, erpdriences. pratiques

2. L’expérience des pays socialistes à Cconomie planifiée’


L’Union soviCtique a constitue l’exemple le plus typique d’une
planification de la main-d’œuvre et de l’education pdsentant les
caractkristiques suivantes :
Elle s’intkgrait dans un processus global de planification
directive couvrant tous les secteurs d’aclivite Cconomique et
s’imposant toutes les unitCs de production.
C e processus impliquait une adequation mCcanique entre
sortantsdu système de formation et besoins de recrutement des
entreprises. Ceux-ci Ctaient CvaluCs par les entreprises elles-
mêmes, en relation avec les objectifs planifies dc production et
par application de coefficients techniques. Les instances de
planification totalisaientensuite les besoins des entreprisespour
Cvaluer les besoins nationaux.
Dans le cas de l’URSS,la logique de l’adequation etait
renforcee par le fait que les instances de planification
dCcidaient de l’affectation dcs dipldmes aux unitCs de
production. D e plus, la conception socialiste ne reconnaissait
pas l’existence d’un marchC du travail (pas plus que d’un
marche des produits) et donc ne prenait pas en compte les
phhomènes de libre mobilit6 des travailleurs, en dehors des
ClCments qui auraient pu être pris en compte par la
planification.
Il est interessant de noter que la Hongrie, qui devait être la
premit!re a donner l’exemple des reformes Cconomiques, prenait
ses distances vis-a-visde ce modkle d&s les annCes 60.Les
responsables de la planification firent un bilan critique du modèle
adoptC pendant les annees 50 sur l’exemple dc l’URSS.Tout
d’abord, la @riode de 5 ans adoptee initialement (parce
qu’elle correspondait A la pdriode normale de planification)
fut jugCe trop courtc pour la pCriode de planification

1. Pour l’URSS,voir Ivanov,dkilled-manpowerplanning,forecasting


and training in the USSR,,, in Youdi et Hinchliffe (1985).Pour la
Hongrie,voir Timir (1990).
20
LA planification de l’éducationfonaëe sur l’approchemain-d‘œuvre
et la logique de l’adéquationformation-emploi

-ce qui fut Cgalement reconnu en URSS, OÙ l’on a Ctendu la


pCriode jusqu’a 15 ou 20 ans.
Ensuite,la planification volontariste fondCe sur l’extrapolation
des taux de croissance ClevCs des premikres annees de
l’industrialisationaboutit souvent 3 des previsions irr6alistes.Cette
tendance Ctait renforcCe par le fait que,dans I’Claborationde leurs
plans, les entreprises suivaient leur propre logique et tendaient a
exagCrer leurs previsions de besoins dans la mesure où il y avait
une @nurie de main-d’acuvre qualifide.
C e bilan a conduit les responsables hongrois B mettre en place
au cours des annCes 60un dispositif de planification conçu suivant
des principes assez diffkrents de la simple adCquation mCcanique
des annCes 50.Il s’agitd’une approche socio-Cconomiqueglobale
couvrant une longue pCriode (15 il 20 ans). Cette dCmarche socio-
Cconomique globale n’estplus conçue comme un simple ensemble
de calculs rCalisCs par des technocrates dans le silence de leur
cabinet. Telle que la prCsente le professeur TimAr,qui a CtC
responsable de sa mise en acuvre au cours des annCes 60,elle
implique une concertation approlondic avec des sp6cialistes de
differentes disciplines et avec des reprCsentants de diffkrents
domaines d’activite. C’est d’ailleurs cette concertation et la prise
de conscience des probl2mes posCs aux dilferents responsables de
la planification qui constituent l’interêt du processus, peut-être
davantage que les chiffres prdvisionnels auxquels on parvient.
Autrement dit, on s’dloigne de l’approche mdcanique d’une
planification impdrative pour aller vers un dispositif plus souple
et plus indicatif.
3. Les travaux de l’OCDE
Cette organisation intemalionale regroupant surtout des pays
dCveloppCs s’est prCoccupCe vers 1960 du r61e que jouait
l’enseignementdans la croissance Cconomique (Pamcs, 1962). Elle
a cherch6 3 Cvaluer les niveaux convenablesde developpement de
l’enseignement correspondant aux objectifs Cconomiques et
sociaux d’un certain nombre de pays que nous appellerions ccsemi-
dCveloppCs>>.Dans un premier temps, il s’est agi de six pays
mCditerranCens (Espagne, G&ce, Italie, Portugal, Turquie,

21
Planification des ressources humaines:
dthodes, expériences,pratiques

Yougoslavie). Des Cquipes de spCcialistes,rdunies dans chacun de


ces pays,ont Ctd chargees d’Claborerdes plans detailles portant sur
une longue @riode (1975).
La difference majeure avec l’experience des pays socialistes h
Cconomie planifiCe provient du fait qu’il s’agissait cette fois de
pays il Cconomie de marche. Par consCquent,il s’agissait surtout
d’obtenir des estimations sur les deficits en main-d’œuvre
previsibles et sur les investissements necessaires pour les combler.
L’undes interêts de cette experience est qu’elle a CtC suivie
quelques annCes plus tard d’une Cvaluation, permettant de
comparer les prdvisions initiales et les rCalisations. L’Cvaluation
a notamment consistC B procCdcr B des analyses de sensibilité
faisant apparaftre la marge d’erreur constatee sur les differentes
hypothèses. On a pu ainsi constater que les erreurs lcs plus
importantes avaient conccmC le taux de croissancc globale de
1’Cconomie. C e constat donnerait B pcnser que les difficultCs
rencontrees sont esscntiellement celles dc toute prkvision
Cconomique et ne sont pas particulièrcment spdcifiqucs de la
relation formation-emploi.
4.L’expérience française’
Mise en place après la guerre pour accdlCrer la reconstruction,la
planification française avait un caractère souple et indicatif et se
situait dans une Cconomie mixte fonctionnant suivant les lois du
marche (contexte donc très different de celui des pays socialistes
h planification centralisCe). OrientCe d’abord vers la production
materielle, elle a peu B peu pris en compte les problèmes de
ressources humaines,du fait qu’une partie importante de l’appareil
de formation Ctait entre les mains de l’Etat,auquel il incombait de
prendre des dCcisions d’orientation. Ccttc planification s’est
dCveloppCe dans une perspcctive de croissance, avec pour
prkoccupation de chercher B satisfaire des besoins en main-

2. Voir les différents documents de présentation des plans, ainsi que


Ahamad et Blaug (1973),Youdi et Hinchliffc (1985).
22
La planification de l’éducationfondpe sur l’approchemain-d‘œuvre
et la logique de l’adéquationformation-emploi

d’œuvre qualifiCe considCr& comme importants (Goy, in


Commissariat gCnCral du Plan,1978).
Pendant les deux dkcennies 60 et 70,la methodologie s’est
progressivement affinCe :
Les modèles Cconometriques sur lesquels se fondaient les
prkvisions ont CtC perfectionnCs :le modèle de projection qui
ne donnait qu’une image de l’annCe finale sans cheminement
(intitule Fifi) a CtC remplace par un modèle permettant une
variCtC de sdnarios et montrant les cheminements B parcourir
avant d’atteindre 1’CchCance (DMS).
L’analyse des structures professionnelles s’est faite ?I partir de
1965 en se r6fCrant aux donnees statistiques foumies par deux
recensements et en extrapolant la tendance ainsi observCe,
après corrections fondees sur l’avis de commissions
sectorielles. A partir de 1968,une enquête annuelle a CtC
lancCe auprès des entreprises pour analyser de façon plus fine
la structure des emplois et son Cvolution. Ces donnkes,
combinees avec l’enquête globale sur la situation de l’emploi
et le recensement, ont permis une analyse plus riche de
1’Cvolution par profession pour le plan prCparC en 1975.
C’est Cgalement B partir de 1965 que l’evaluation des besoins
en main-d’œuvrea essaye de prendre en compte les besoins de
renouvellement dûs aux decès et aux cessations d’activitd.
Mais la mobilitC n’a pu être prise en compte qu’a partir de
1975,une fois que l’on a dispos6 des donnees portant sur
1’Cvolution professionnelle d’un Cchantillon d’individus au
cours d’une @riode de cinq ans.
Ces progrès de la methodologie se sont accompagnCs d’une
Cvolution de la conception des travaux, dans le sens d’un plus
grand scepticisme. Les progrks de la connaissance ont en effet
soulignC les incertitudes et la fragilitC de la prevision. C’est ainsi
que l’on s’est CcartC de la conception initiale de la planification.
A u cours des annCes 60 et 70,<<laproblematique simple et
optimiste des premiers plans s’effrite au fur et B mesure que les
informations se font plus nombreuses et plus precises. C e que l’on
consideraitcomme des phhomènes parasites mais marginaux pour
l’analyse du problème ... prend une telle importance qu’il remet
en cause l’analyse dans son ensemble. (C’est pourquoi) on est

23
Planification des ressources humaines:
dthodes, expériences. pratiques

passe progressivement d’une approche fondCe sur les <<besoins>>de


1’Cconomie a une optique dsolument tendancielle (prolongation
des tendances passCes et analyse de leurs consCquences)>> (Goy, in
Commissariat gCnCral du Plan,1978).
Sur le plan mCthodologique, cette Cvolution a notamment eu
pour consQuence une rdduction de la pCriode de prCvision :aprks
avoir tente de couvrir une longue pCriode (1962-1975),seule
demarche valable pour la planification, on s’est bomC A des
estimations couvrant la pCriode des plans. Ces considCrations,en
m ê m e temps que 1’Cvolution du contexte Cconomique et politique,
ont finalement conduit h l’abandon pur et simple de ce type de
planification et m C m e de pdvision, du moins par les organismes
officiels. On reviendra sur les travaux plus rCcents au
Chapitre IV.
5. Les applications de l’approche main-d’œuvre dans le
Tiers M o n d e
Les applications de l’approche main-d’œuvre dans les pays du
Tiers Monde sont très nombreuses, mais aussi d’un intCrêt et
d’une qualit6 t&s variables. Nous nous limiterons h quelques
exemples significatifs.
(a) Le cas de l’Inde
L’expCrience de ce pays est l’une des plus anciennes. Elle se
caractkrise d’abord par la priorite donnee à la main-d’œuvre
scientifique et technique (ingenieurs, mCdecins, agronomes,
enseignants) de haut niveau. Les autres catCgories ont CtC
pratiquement nCgligCes, d’abord h cause du manque de donnees,
mais aussi parce qu’elles ne posaient pas de problème de pCnurie.
Les planificateurs indiens ont,en effet,toujours consid6rC que la
pdnurie Ctait plus dommageable que le surplus (Verma, in Youdi
et Hinchliffe, 1985).
Une autre caractCristique indienne est I’immensitC du pays et
le fait qu’une grande partie des responsabilitCs incombent aux 22
Etats et aux 9 territoires.Le Gouvemement central a plus un r61e
de coordination qu’un pouvoir rCel de contrdle. Cela explique en

24
Lu planification de l’éducationfondee sur l’approchemain-d’œuvre
et la logique de l’adéquationformation-emploi

partie pourquoi les pdvisions de main-d’oeuvre ont eu en fait un


impact limitC sur les orientations en matière d’kducation.Pour les
mêmes raisons, le Gouvemement central n’a pas toujours accb
aux donnees dCtaillCes que nCcessiteraitune planification concrète.
L’Cvaluation de l’expdnence indienne a permis notamment de
constater que la plupart des prCvisions sur les besoins en main-
d’œuvre ont CtC, 18 aussi, surestimees. Cela tient d’abord au fait
que les estimations de croissance Cconomique Ctaient clles-mêmes
trop optimistes. D e plus,les spCcialistestendaient h surCvaluerles
besoins dans leurs domaines respcctifs. Enfin,on a pu constater
que les postes qui,suivant les planificateurs,devaient être pourvus
par des dipl6mCs Ctaient souvent pourvus dans la rCalitC par un
personnel n’ayant pas la formation theoriquement requise, mais
moins bien rCmunCrC. C’est la consequence de l’absence de prise
en compte des rCmunCrations dans la planification.
Une autre limite reconnue a posteriori tient au fait que la
planification de la main-d’oeuvre n’a pas pris en compte la
mobilitC sociale ou professionnelle. Le manque de donnCes
statistiquesfiables sur les structuresprofessionnelles a constituCun
handicap important h cet Cgard.

(b) Le cas de la Côte d’Ivoire


Ce pays a commence h se prCoccuper des relations entre formation
et emploi h la fin des annCes 60.ConfrontCe au problkme pose par
l’insuffisance des donnees statistiques de base, la Direction des
Ctudes de l’Office national de la formation professionnelle a fait
un important investissementsur la rdalisation d’une enquete sur la
main-d’œuvre (Achio,in Youdi et Hinchliffe, 1985).
Ces informations ont foumi une base solide pour Claborer des
pkvisions suivant une approche main-d’œuvreclassique. C’est
notammentle cas pour les projections Ctablies en 1982,portant sur
1’Cvolution du secteur modeme jusqu’h 1990.
L’analysedes rdsultats de ces travaux qui a suivi a permis de
dCgager un certain nombre de conclusions :
Dans un pays en developpement comme la CGte d’Ivoire, la
prise en compte du seul secteur modeme ne donne qu’une
image très partielle de la situation et des perspectives

25
Plan$cation des ressources humaines:
m’thodes, expériences,pratiques

concemantl’emploi global.D e plus,il existe d’importantsflux


migratoires (immigration de main-d’œuvrefaiblementqualifiCe
des pays voisins, maintien d’un nombre ClevC de cadres
europ6ens) qu’il est difficile de prendre en considkration
suivant la m ê m e logique et dont 1’Cvolution est incertaine. Cet
exercice est donc incomplet. Aussi Ctait-il prkvu de l’Clargir,
notamment en utilisant les donnees rCsultant d’enquêtes sur le
secteur informel.
L’analyse prCvisionnelle soulignait le poids considbable
repdsentC par le secteur public, et en particulier par
l’enseignement, dans les emplois qualifiiCs a pourvoir :
68 pour cent des cadres de niveau supkrieur pour le seul
enseignement,9 pour cent pour les autres administrations.
Compte tenu de la jeunesse de la population, les besoins de
renouvellement pèsent peu par rapport A l’accroissementprCvu
des effectifs employCs.
L a confrontation des ressources disponibles et des emplois a
pourvoir faisait apparaître un surplus global au niveau des
cadres et des formations supkrieures. Aux autres niveaux, le
dCsCquilibre n’&ait pas global, mais qualitatif.
L’interprCtation de ces rCsultats posait toutefois le problème
des hypothèses adoptkes en ce qui concerne la relation entre
niveau de qualification des emplois et niveau de formation.

(c) Le cas de l’Algérie’


En 1973,une mission de l’UNESCOrCalisait pour le compte du
SecrCtariatd’Etatau Plan une Ctude prospective sur les besoins en
main-d’œuvrequalifiCe et leur kquivalence en termes d ’Cducation
et de formation. Elle adoptait dClibCrCment un horizon CloignC
(1990),avec des Ctapes intenddiaires en 1977 et 1980. Elle
suivait une demarche globale inspiree de l’exp6rience hongroise
mentionnde plus haut. Les estimations portaient sur des agrkgats

3. Pour plus de détails, cf. Bertrand et al. (1974)et les rapports remis
à l’UNESCOen 1974 et 1982.

26
La planification de l’éducationf o d e sur l‘approche main-d’œuvre
et la logique de l’adéquationformation-emploi

dCfinis specifiquement pour l’Ctude, mais B partir des donnees


concrètement disponibles, sur 19 branches d’activitks
Cconomiques, 11 spCcialitCs de formation et 5 niveaux de
qualification (cf. Chapitre VU,pp.126-130).
Faute de donnees statistiques, des estimations très
approximatives ont conceme la mobilitC professionnelle, dont il
paraissait indispensable de tenir compte.
Pour estimer la structure jugCe souhaitable en fin de pkriode,
1’Ctude a Cgalement fait largement usage de comparaisons
intemationales. Cette demarche a permis de proposer des
estimations altematives par rapport B celles qui rksultaient des
prdvisions de l’administration nationale et de leur extrapolation.
Mais ces estimations n’ont pu être dkvelopp6es que pour
1’Cvolution de l’emploi global et de sa structure par secteur.
Ces estimations ont amen6 les auteurs à conclqe qu’au niveau
supCrieur, ce n’&ait pas tant d’une expansion quantitative que
1’AlgCrie avait besoin que d’une reorientation en faveur des
formations scientifiqueset techniques,au detriment des formations
litteraires et surtout juridiques. Venant à l’issued’une pCriode de
croissance très rapide de l’education consCcutive B 1’IndCpendance
et se plaçant dans une perspective à long terme,1’Ctude permettait
de souligner que l’on ne pouvait extrapoler indefiniment les
rythmes observCs et que la pCnurie ne se prolongerait pas
longtemps.En revanche,il apparaissait nCcessaire de prCvoir une
croissance plus rapide des formations techniques d’ouvriers
qualifiCs et de techniciens.
ElaborCe sur des donnees insuffisantes et sur des hypothèses
provisoires, cette Ctude entendait surtout ouvrir la voie à des
travaux mieux fondCs, au fur et 2 mesure de 1’amClioration des
donnees et de l’approfondisscment des rkflexions nationales.
En 1985,la situation etait en quelque sorte inverde,puisque
le SecrCtariatd’Etat au Plan proddait à son tour à des estimations
qu’il soumettait B un groupe de consultants extkrieurs.Portant sur
les perspectives emploi-formation2 l’horizon2000,ces prCvisions
Ctaient Claborkes suivantune conceptionpurement adkquationniste.
Elles comportaientdeux variantes,l’unefondCe sur des hypothèses
Cconomiques dCvelopp6es par des mCthodes CconomCtriques,
l’autre se rdf6rant à la demande sociale.

27
PlanifKation des ressources humaines:
dthodes, expériences. pratiques

Les discussions,comme celles qui avaient porte sur les travaux


de 1973,ont montre qu’un exercice de prkvision globale h moyen
terme pouvait difficilement Cviter de poser des questions sensibles
ayant une dimension politique : validite des hypothèses de
croissance, mais aussi probl6me du chbmage, lui-même liC au
calcul des taux d’activitC et au problème de I’activitCdes femmes.
Autrement dit,c’est toute la question du mode de d6veloppement.
avec ses aspects politiques et socio-culturels,qui se pose.
En fait, il ne semble pas que ces travaux successifs aient eu
beaucoup d’impact sur les decisions prises en matière de
formation. Sauf cas particuliers, celles-ci semblent avoir surtout
cherche h &pondre h une demande sociale très forte,compte tenu
de ressources qui ont largement fluctue suivant la conjoncture
Cconomique.
(d) Autres pays africains
La demarche mise en œuvre en Algkrie a Ct6 reprise et amClior6e
par deux missions hongroises de l’UNESCOau Congo et en
GuinCe.Prenant une perspective globale,les auteurs ne se sont pas
seulement attaches h dktecter les dksequilibres concemant la main-
d’œuvre qualifi6e. Ils ont situ6 cette question dans le cadre plus
large de l’emploi et du ddveloppement. Cette prboccupation a
conduit h mettre l’accent sur les perspectives dkmographiques
(notamment le taux d’activitedes femmes) et sur les differences
entre zones urbaines et rurales et entre secteurs modeme et
traditionnel.
Ces &des ne se sont pas 1imitCes aux aspects quantitatifs.
Elles contiennent des apprCciations critiques sur la qualit6 des
formations donnees et diff6rencicnt le niveau d’bducation formel
indique par les statistiques et le niveau de compdtcnce dellement
atteint.
6.Bilan de l’approche main-d’œuvre
Plusieurs conclusions peuvent être tir6es de ces experiences.
Tout d’abord, le recours h l’approche main-d’œuvre est
largement liC au contexte socio-politique dans lequel elle est

28
La planflotion de l’éducationfondée sur l’approchemain-d‘œuvre
et la logique de l’adéquationformation-emploi

utilisCe système planifie ou rCgi par le marche, situation de


pCnurie ou de plCthore.
Sur le plan mCthodologique,outre les difficultes d’application
et les inflCchissements not& au fur et il mesure de cet expose,
l’approche main-d’œuvre pose au moins trois problèmes
fondamentaux :
L’idCe de base consiste B confronter les futurs recrutements et
les sorties du système de formation.Mais cette conception ne
tient pas suffisamment compte du fait qu’une part (très
importante dans certains pays) des recrutements provient, non
des sorties du système de formation,mais de la mobilitk, soit
B partir d’un autre emploi, soit à partir du chdmage, soit B
partir de I’inactivitC(cf. Chapitre VU,pp.108-114).Aussi faut-
il distinguer l’approchemain-d’ceuvrela plus simpliste,qui ne
prend pas en compte ces phhomènes, et celle qui s’efforce
d’Cvaluer au moins la mobilitC.
Une autre critique porte sur le fait que l’approche main-
d’œuvre ne tient pas compte des conditions dans lesquelles se
fait concrètement l’ajustemententre offre et demande de main-
d’œuvre,et en particulier des remunkrations.Elle suppose qu’il
existe des besoins objectifs et que pour satisfaire ces besoins
il suffit de former les effectifs correspondants.
Quelques exemples suffisent à montrer que,dans la rCalitC,les
choses ne se passent pas ainsi. C’est ainsi,par exemple,que dans
beaucoup de pays en developpement, le fait d’avoir forme en
grand nombre de techniciens de l’agriculture n’a pas suffi B
combler les pCnuries dans cette spCcialitC :la remuneration de ces
personnels n’est pas assez attractive pour compenser des
conditions de travail difficiles (Cloignement et inconfort) et
l’imagenegative de ces professions par rapport à d’autres.Rien ne
sert de former des spkcialistes,s’ilsrehsent d’exercerla spCcialitC
pour laquelle ils ont CtC formes. D e meme, dans beaucoup de pays
industrialisCs, le travail industriel est dkvalorisk, et l’on a beau
crCer ou developper des formations dans des domaines comme le
b2timent ou la chaudronnerie,il n’y a pas suffisamment d’Clèves
qui s’y inscrivent.

29
Planification des ressources humaines:
méthodes, expériences. pratiques

Ces exemples suffisent 2 montrer que l’opinion condamne


souvent 2 tort le syseme Cducatif pour son incapacitd ja dpondre
aux besoins de 1’Cconomie.Si l’on doit rcchcrcher une meilleure
adaptation entre formations et emplois,cettc adaptation ne doit pas
se faire il sens unique, elle doit englobcr les deux côtes de la
balance.
Cette idCe se retrouve Cgalement sur un autre plan. En
supposant que l’on passe outre aux diffcultks qui viennent
d’êtreCvoquCes,reste la question de savoir comment definir la
correspondance entre un type et un niveau de formation et une
profession. D’abord, une telle correspondance ne peut Ctre
rigide,car presque tous les emplois sont accessibles 2 partir de
plusieurs formations et presque toutcs les formations
dCbouchent sur plusieurs emplois. C’est le principe de
substituabilitk dkjja CvoquC ja propos de la Hongrie.
La mkdecine et quelques professions rbglementkes (architecte,
avocat) dont l’exercice suppose nkcessairement un diplôme
dCterminC constituent des exceptions. Ce n’est pas le cas des
ingCnieurs, car on constate qu’une partie parfois importante de
ceux qui sont rCpertoriCs comme tels dans les entreprises ne
possèdent pas le diplôme correspondant,tandis qu’une fraction
Cgalement substantielle des diplômes n’exercent pas la fonction :
ils exercent une fonction financiEre,commerciale ou de direction
gCnCrale.A fortiori,pour les emplois commerciaux,le lien est tri%
lâche.
Il faut Cgalement souligner que ce lien est variable selon l’offre
et la demande,et suivant le niveau des rkmunbrations,qui peuvent
varier selon le lieu et dans le tcmps. Les entreprises disposent
d’une large marge d’adaptation.Si elles trouvent sur le marche des
secretaires ayant fait des Ctudes supCrieurcs,elles leur donneront
souvent la prCfCrence ; si ne se prbsentent au contraire que des
candidates n’ayant pas fini leurs Ctudes secondaires, elles s’en
contenteront. Peut-on dire objectivement quel est le niveau de
formation necessaire 2 une secretaire ? ’
Le m ê m e raisonnement pourrait s’appliquer aux spkcialitds
tertiaires.Le cas limite est celui des banqucs,qui,dans beaucoup
de pays, ont recrute leurs futurs cadres en Ctant relativement
indifferentes 2 leurs spkcialitks dc formation ; ce qui leur

30
L a plan fïation de l’éducationf o d e sur l’approchemain-d’œuvre
et la logique de l’adéquationformation-emploi

importait, c’&ait plut6t le niveau. Un certain degr6


d’indifferenciation est aussi le cas dans beaucoup de domaines
tertiaires et, dans une certaine mesure, dans certains domaines
industriels.
Les variations ainsi observCes dans le temps, au sein d’un
m ê m e pays, sont tout aussi importantes si l’on compare les pays
entre eux.Le type et le niveau de formationjuges nkcessaires pour
occuper un emploi dependent en efet de la structure du systeme
de formation et de son degr6 de developpement,mais aussi de la
manii3-e dont le systkme social reconnaît la qualification.
Les travaux entrepris par l’OCDEpour comparer les niveaux
de developpement economique et Cducatif vont dans le m ê m e sens
que cette analyse (dont on a dejh trouve un exemple h propos de
l’Argentine) pour confirmer que des facteurs de demande sont
insuffisants h eux seuls pour guider le developpement du système
d’enseignement ; les facteurs d’offre doivent être pris en compte
dans l’analyseu.
Dans ces conditions, on peut douter qu’il existe des besoins
objectifs de 1’Cconomie et que la planification doive consister h
adapter la formation a de tels besoins. L’adaptation ne peut être
h sens unique.
Malgr6 ces critiques,l’idke adequationniste rcste solidement
ancrt5e dans beaucoup d’esprits, car elle donne l’impression
rassurante qu’il existe des solutions techniques au probleme de la
relation formation-emploi.
Pour se prononcer sur la validitk de l’approche main-d’œuvre,
il faut aussi voir quelles sont les approches altematives possibles.

31
II. Deux approches alternatives de l’évaluation
des besoins et des priorités de formation

Les methodes de planification de ressources humaines ne se


limitent pas A l’approchemain-d’œuvre.D’autres demarches sont
pratiquees ou ont et6 proposdes. Les unes restent dans l’optiquede
l’adequation ; les autres au contraire s’inscriventdans une logique
differente, fondee sur l’t5valuationde I’effcacitk de la formation
comme instrument de pilotage de celle-ci4.
1. Le questionnement des entreprises
C e n’est pas veritablement une methode, et elle ne meriterait pas
d’eue mentionnee si elle ne restait pas aussi frequemment
pratiqube. C’est simplement une pratique et la plus simple de
toutes,puisqu’elle se borne A demander aux entreprises quels sont
leurs besoins de formation. Dans une perspective de planification
d’ensemble,elle se heurte A trois objections majeures :
Les entreprises vivent generalement dans l’incertitude sur
l’avenir,et il est rare qu’elles fassent des prbvisions A moyen
terme. Il est encore beaucoup plus rare que ces prbvisions
portent sur l’emploi et la main-d’œuvre.Il est donc A craindre
que les evaluations qu’elles pourraient fournir ne soient
totalement fantaisistes et deconnectees de la realite.

4. L e texte qui suit est pour partie emprunte A une mote


methodologique sur l’analyse et la prevision des liaisons formation-
emploi>>,r6digee en collaboration avec Andre Rosanvallon pour un
projet UNESCO ingressant 1’Algerie.

32
Deux approches alternatives de l‘évaluation
des besoins et des prioritds de formation

Il est Cgalement 2 craindre que les estimations ne soient


biaides, si les entreprises ont l’impression que leurs dponses
auront une incidence concrète,par exemple sur l’allocationde
main-d’œuvre. S’ils’agit de main-d’œuvre rare, elles auront
tendance a surestimer leurs besoins.
Enfin,le questionnement des entreprises ne peut rCpondre au
probleme d’une planification globale. L’agrdgation mCcanique
des besoins des entreprises et unitds de production ne peut
fournir les donnees sur la main-d’œuvre exigees par une
planification a long terme. <<(Eneffet) 1’Cconomie est un
organisme complexe vivant qui Cvolue constamment : des
ClCments meurent et sont remplaces par d’autres. On ne peut
guère s’attendre a ce que les organismes existants prkvoient
leur propre destruction ; au contraire, ils sont gdnkralement
inconscients du fait que leur survie et leur dkveloppcment futur
peuvent dependre d’une transformation radicale de leur profil
de production, de leur structure et de leur travail. D e plus, la
simple addition des besoins des entreprises existantes exclut les
firmes a naître de la planification>>(Timir, 1990).
Si le questionnement des entreprises ne peut constituer une
methode de prCvision chiffrde des effectifs a former, il est en
revanche un Cldmentessentiel de l’analysequalitative des contenus
de travail et de leur Cvolution (cf. Chapitre VI), ainsi que de
1’apprCciation du fonctionnement du marche du travail
(cf. Chapitre VII, pp. 122-133).
2. La référence à la demande sociale
Il s’agit ici encore d’une approchc qui n’a pas de prktention
scientifique,mais qui,implicitementou explicitement,joue un rôle
important dans les orientations en matiixe d’kducation.
Les analyses qui prkcèdent peuvent susciter une question
brièvement CvoquCe au dCpart :le ddveloppcment de la formation
doit-il et peut-il Ctre ddtermink seulement par les besoins
Cconomiques ? A première vue, la rCponse est simple et consiste
a dire que les formations finalitd professionnelle doivent Ctre
dCterminCes par les besoins Cconomiques et la formation gdnCrale
par les besoins que l’onpourrait qualifier de sociaux.
En fait,le problème est plus complexe. D’abordparce qu’il est
&ident que le ddveloppement Cducatif est conditionnC par les

33
Planification des ressources humaines :
méthodes, expériences, pratiques

ressourcesCconomiques disponibles.Ensuite parce que la frontière


tenue (cf. Chapitre Vll, pp. 108-114).Les deux sont Ctroitement
lies : le dCveloppement des formations professionnelles est
conditionnd par celui de l’enseignement gCnCral ; a l’inverse,une
extension de ce demier qui ne ddboucherait sur aucune formation
finalisCe risque fort de susciter des problèmes. Enfin,on peut
constater que, notamment -mais pas exclusivement - dans
diffkrents pays du Tiers Monde, les programmes de formation
professionnelle ont souvent une finalite sociale :ne sachant pas
comment occuper les jeunes,ni pour quels emplois les former,on
les place dans des stages de formation professionnelle sans finalite
prkcise. Cette pratique est toutefois discutable, compte tenu du
manque dramatique de ressources de ces pays.
Si l’on se place non plus sur le plan thCorique et
mCthodologique, mais du point de vue des conditions concrètes
dans lesquelles sont prises les dkcisions en matière d’Cducation,il
faut bien constater que, si les dCcideurs sont confrontCs
l’extrême difficultd d’kvaluer les besoins kconomiques, ils sont
aussi soumis h une pression sociale allant gkdralement dans le
sens de davantage d’kducation.A l’inversede la prkcCdente,cette
demande sociale est assez facile 2 planifier.
Dans ces conditions, il est tentant pour les autoritCs
responsables de fonder davantage leurs dkcisions sur la seconde
dCmarche. D e plus, celle-ci apparaît comme parfaitement
dkmocratique h première vue. A y regarder de plus près,c’estloin
d’être le cas. En effet, comme on le verra plus loin
(cf. Chapitre VIl,pp. 116-122)’l’expkriencemontre que ce sont
les catCgories socialesles plus favorisCes qui profitent le mieux de
1’Cducation.
Il faut en conclure que si la prise en compte de la demande
sociale n’est pas une methode scientifique et objective
d’Cvaluationdes besoins de formation,elle constitue cependantun
ClCment essentiel d’une rkalitC qui s’impose aux planificateurs,
dans la mesure où la planification n’est pas un exercice
acadCmique en chambre, mais un processus largement politique
d’arbitrageentre des intkrêts et des priorites contradictoires (Klees,
in Caillods, 1989).

34
III. Les démarches fondées sur l’évaluation de
l’efficacité du système de formation

Les approches analyseesjusqu’icivisaient à prevoir les Cvolutions


futures pour en dCduire une estimation chiffree des besoins de
formation. Une autre demarche consiste à 6valuer a posteriori le
fonctionnement du systkme Cducatif.Cette dCmarche peut prendre
deux formes. La première vise à Cvaluer le rendement de la
formation suivant un calcul Cconomique semblable B celui qui
s’appliqueraitB des investissements materiels.La seconde consiste
h Ctudier comment ceux qui ont CtC formes se placent sur le
marche du travail et dans quelle mesure l’emploi qu’ils occupent
correspond au type de formation reçue.
Ces deux demarches peuvent être considCrees comme des
methodes,sinon de prevision,du moins de pilotage du systkme de
formation, par corrections successives. O n trouvera ci-dessous
quelques exemples de leur application.
1. L’efficacité économique :l’analyse coût-avantageou des
taux de rendement
Elle a Ct6 surtout proposCe par des Cconomistes nCo-classiques,
souventanglo-saxons(Blaug, 1968 ; Psacharopoulos et Woodhall,
1988)’ partant d’unecritique de l’approche main-d’œuvreportant
notamment sur l’absencede prise en compte des r6munCrations et
recherchantun meilleur fondement Cconomique au rapprochement
formation-emploi.Ce fondement,ils le trouvent dans la thCorie du
capital humain,suivant laquelle dducation et formation constituent
un investissementCconomiquement rentable,que l’onse place au
niveau de l’individuou de la nation. Cette demarche s’inscritdans

35
Planification des ressources hwnaines ,
méthodes, expkriences. pratiques

une perspective Cconomique,mettant l’accent sur les mecanismes


de regulation naturelle qui oph-entsur le marche du travail,grke
aux salaires et aux revenus.
Dans cette conception,lorsqu’ilschoisissentune orientation,les
individus font implicitement une analyse de ce qu’elle va leur
coûter et leur rapporter. Si l’on prend le cas où le choix s’exerce
en faveur d’une poursuite d’Ctudes (par exemple A l’universitk),
son coût peut Ctre mesud par les frais de scolariik et surtout par
les coûts d’opportunitt?,c’est-A-direle manque A gagner rdsultant
du fait qu’en choisissant de continuer des dtudes, on perd une
possibilite d’obtenir une dmunération.
En revanche, en poursuivanl des dtudes, on peut esp&er
obtenir,tout au long de la vie active,un supplémentde revenu qui
compensera ce manque A gagner et bien au-dclA.E n tenant compte
des taux d’inter& A affecter A ces diffkrentes pkriodes de la vie
active, il est possible d’aboutir A un bilan en termes de taux de
rendement. Cette analyse peut êire transfCrCe du niveau individuel
A celui de la collectivite, A condilion d’admettre que la
rCmunCration individuelle est Cquivalente au bCnCfice que la
collectivitC tire de son activitC. On pourrait ainsi Cvaluer le coût
et le bCnCfice qu’un pays tirerait de diffdrents types de formation
ou de leur dCveloppement futur. Il y a toutefois une diffkrence
dans le mode de calcul,dans la mesure où la collectivitC supporte
gCnCralement tout ou partie du coût des Ctudes. Cela implique que
la poursuite des Ctudes doit logiquement Ctrc plus rentable pour les
individus que pour la collectivitC.
Cette ddmarche a fait l’objet de nombrcuscs Ctudes,de sorte
que des donnees sont aujourd’hui disponibles pour plus de 50
pays. Le demier bilan (Psacharopoulos et Woodhall, 1988)
confirme les conclusions dCjja obtenues au début des annCes 70et
suivant lesquelles,en particulier :
le rendement de l’educationpour les individus est supCrieur au
rendement pour la collectivitC ;
le rendement de l’enseignement primaire cst plus ClevC que
celui des autres niveaux,aussi bien pour les individus que pour
les collectivitds ;
le rendement de 1’Cducation est gCnCralement supCrieur au taux
de 10 pour cent A partir duquel les investissements en capitaux

36
Les démarches fades sur l’kvaluution
de l’eficacitddu système de formation

sont jugCs rentables. Autrement dit, l’investissement dans


1’Cducation serait au moins aussi rentable que les diffkrentes
formes d’investissementmatCriel ;
le rendement de 1’Cducation est en moyenne plus dlevC dans les
pays les moins avances que dans les pays industrialisCs.
Les promoteurs de ces Ctudes considèrent que ces dsultats sont
suffisamment probants pour orienter les prioritCs et pour
contribuer B la dCfinition d’une politique d’Cducation et de
financement de celle-ci. Cette approche a le grand merite de
souligner le r61e du facteur revenu dans les ajustements entre
formation et emploi,et donc de combler une importante lacune de
l’approchemain-d’œuvre.Elle pourraitêtre utilisCe davantage pour
analyser, par exemple, le problème du manque d’enseignantsliC
B l’insuffisance des rCmunCrations :on doit pouvoir calculer le
coût supplCmentaire correspondant B l’augmentation des
rCmunCrationsnecessaire pour rendre la profession plus attractive.
Bien qu’elle ne donne gdndralement que des indications tr2s
globales sur les grands types d’kducation, elle est couramment
utilisCe,au moins implicitement,dans les travaux et dCcisions de
prêts d’organismes comme la Banque mondiale, naturellement
attachCe B la notion de rendement des investissements. Elle prête
cependant B controverse et soulhe des problèmes
(Klees, in Caillods, 1989) :
Elle necessite beaucoup de donnkes sur les revenus,qui ne sont
pas toujours disponibles.
FondCe sur une analyse purement Cconomique. elle donne une
repdsentation quelque peu schdmatique de la rCalit6, qui
nCglige les acquis de la sociologie contemporaine. Supposer
que les differences de revenu sont likes exclusivement B
l’investissementdans I’Cducation,c’est ne pas tenir compte de
la complexitk des relations entre Cducation, milieu social et
familial notamment. U n cenain nombre d’Cconomistes
reconnaissent ce probl5me et recourent B dcs hypothhes plus
ou moins arbitraires pour Cvaluer le poids des facteurs autres
que 1’Cducation dans l’estimation des diffCrences de revenu
(Klees. in Caillods, 1989).

37
Planification des ressources hwnaines :
dthodes, expkriences. pratiques

D e meme, on peut contester l’identification entre revenu


individuel et efficacitC sociale :le fait que la poursuite d’etudes
dans les pays du Tiers Monde ait souvent conduit a des emplois
de fonctionnaires relativement bien r6munCrCs ne prouve pas que
ces emplois et ces formations aient Ct.6 Cconomiquementjustifies,
mais plutbt qu’ils se sont maintenus par suite d’une pression
sociale.
Par ailleurs, en supposant que l’analyse coÛt-bh6fice rende
bien compte du rapport actuel entre formation et revenu, elle
ne dit rien sur la manière dont ces relations pourront Cvoluer
dans l’avenir. Or,une planification de la formation doit se
situer dans un avenir suffisamment CloignC et les Cquilibres
peuvent se modifier pendant cette @riode. Beaucoup de pays
nouvellement indkpcndants ont commencC par manquer
gravement de main-d’oeuvre qualifiCe pour occuper les postes
d’encadrement tenus par des expatries. Mais ces emplois
Ctaient peu nombreux et on est passC rapidement d’une
situation de pCnurie à une surabondance de diplbmks.
L’observation des avantages dont bCnCficiaient les titulaires au
dCpart a contribu6 21 crCer une demande et des attentes qui ne
pouvaient ensuite Ctre satisfaites et qui ont CtC source de
frustrations.C e n’estpas par l’approchecoût-bCnCficeque cette
situation pouvait Ctre CvitCe.
2.L’analyse des conditions d’insertion et du suivi des
sortants de formation
Depuis un certain temps dCjà, un nombre croissant de pays ont
pris conscience du fait qu’il n’&ait pas suffisant de vouloir prCvoir
et planifier, si l’on ne connaissait pas les rCsultats obtcnus : la
première chose à faire ne consiste-t-ellepas à savoir ce que
deviennent les jeunes formCs,comment ils se placent dans la vie
professionnelle et quelle est la relation entre la formation qu’ils
ont reçue et l’emploi qu’ils occupent ?
Plusieurs methodes visent à repondre à cette question. Le choix
entre ces methodes dCpend d’abord des questions que l’onse pose,
mais aussi des moyens financiers disponibles et des moyens
pratiques permettant de dklimitcr, de saisir et d’interroger les

38
Les démnrches fondées sur l’kvaluution
de l’eficacitédu système de formation

populations concemees, ces moyens Ctant liCs au contexte


institutionnel (Affichard et Gensbittel, 1984). En ce qui conceme
le contenu des questions, on peut distinguer les enquêtes h
caract&re purement factuel,consistant a analyser en particulier la
situation des jeunes et leur expCrience, et les enquêtes ayant
l’ambition de connaître leurs attitudes et leurs motivations,
notamment vis-&vis de l’orientation scolaire et professionnelle.
D u point de vue des methodes d’enquête,onpeut distinguer :
Le suivi dans le temps ou mdthode du panel, consistant 8
rkintemgerles mêmes individus pendant une pdriode variable,
mais gCnCralement assez longue.Elle se prête bien B des Ctudes
mettant en relation les caractkristiques familiales et sociales,la
camère scolaire et la trajectoire profcssionnelle. Mais elle
exige le concours d’enquêteurs spdcialisds,ne peut concemer
que des Cchantillons de petite taille et nc donne des rdsultats
qu’apr2s un certain temps.
Les enquêtes d’insertion touchent les personnes sorties A un
moment donne et un point prdcis du syst6me de formation.
Faites B partir des Ctablissements de formation,elles facilitent
les contacts avec lesjeunes,ainsi que la ddlimitation du champ
d’enquête en se rCfCrant it un ddcoupage scolaire, et donnent
des dsultats rapides. L’inconvdnient de ces enquêtes tient au
morcellement du champ sur lequel elles se fondent. Elles ne
permettent pas de comparer diffirentes filihes et isolent
chaque enquête du contextc du marchd du travail (Affichard et
Gensbittel, 1984).
Les enquêtes rCtrospectives visent 9 idcntifier les anciens
Ctudiants après un certain temps, non pas 9 partir des Ctudes
faites, mais dans un autre milieu, gdndralement le milieu
professionnel. L’interrogation cherche a reconstituer le passC
scolaire aussi bien que professionnel. La difficultd consiste h
identifier une population homoghe et A la relier B son passe
scolaire.La reconstitution pose aussi le probl2me de la fiabilitC
de la memoire de l’intCress6 (Sanval,
. . 1987).
On trouvera ci-dessous quelques exemplcs d’enquêtes
entreprises dans des pays et des contextes differents avec des
objectifs diffdrents.

39
Planifcation des ressources humaines :
méthodes, exptiences. pratiques

L e programme international d‘enquêtes de I‘IIPE


Il s’agit d’un vaste programme de recherches dalis6 au cours de
la @riode 1978-1984,A l’initiative de l’Institut intemational de
planification de l’kducation, avec la participation de 21 pays, dans
diffkrents continents et A diff6rent.s niveaux de dkveloppement
(Sanyal, 1987). L e programme Ctait cenlrC sur l’enseignement
suMrieur, avec des objectifs ambitieux, puisqu’il s’agissait :
de mieux comprendre les interactions entre l’enseignement
supCrieur et le dCveloppcment socio-Cconomique ;
d’identifier les dCsCquilibres affectant l’enseignement supdrieur
et de tenter d’y remCdicr ;
d’Cclairer les variables susceptibles d’influer sur l’entrCe dans
le supCrieur et de permettre de dCfinir des politiques
appropriCes.
Plus conc*tement, il s’agissait A la fois d’analyser la demande
d’enseignement supCrieur, le passage au monde du travail et le
fonctionnement du marche du travail. Pour ce faire,trois methodes
ont CtC envisagdes :
l’ktude longitudinale d’un groupe d’Ctudiants,de dipl6mCs et
d’employeurs. C’Ctait l’approche jugCe la plus intkressante par
les chercheurs, mais le suivi d’un groupe de personnes est
difficile pendant une longue pdriode et les rksultats se font trop
attendre pour les ddcideurs ;
l’exploitation des donnCes du recensement. Celte dCmarche est
la plus simple et la plus Cconomique, mais les donnees ne sont
pas toujours disponibles, ni assez fiables, et ne rCpondent que
partiellement aux questions posCes ;
l’analyse rktrospective des conditions d’insertion par enquête
auprès d’un Cchantillon significatif d’Ctudiants, de jeunes
dipl6mCs et d’employeurs. Cette analyse doit foumir des
informations utiles sur la relation formation-emploiet sur son
Cvolution. Moins ambitieuse et moins satisfaisante sur le plan
scientifique que la première, cette mCthode a CtC choisie parce
qu’elle Ctait moins difficile il mettre en Denuvre et donnait des
rksultats plus rapides.

40
Les démarches fondées sur l’kvaluation
de l’efficacitédu syskhe de formation

L’Cchantillonnage a Ct6 fait suivant des methodes statistiques


permettant de garantir la repdsentativite des enquêtes. Le fait
d’interroger les employeurs et de constituer 1’Cchantillon
d’observations individuelles en collaboration avec eux a facilit6
l’identification de la population des nouveaux dipl6mCs employCs.
Mais la constitution d’un Cchantillon de ch6meurs Ctait plus
difficile et n’a CtC tentee que dans certains pays. L e taux de
sondage variait suivant les conditions :aux Philippines,il allait de
5 h 10 pour cent des dipl6mCs suivant les entreprises.
L’enquête Ctait rCalisCe par questionnaires fermes, remplis par
les intCressCs, complCtCs dans certains cas par dcs entretiens
directs. L’Cventail des questions posCes etait tr2s large, puisqu’il
ne se limitait pas h des donnees factuelles (caractCristiques
personnelles,Ctudes suivies). Il comportait aussi des appreciations
et des opinions sur les prCfCrcnces en mati6re d’Ctudes et de
travail, appelant des rCponses graduCes (exemples :tr6s important,
peu important). C’est la validitC de ces questions portant sur des
attitudes qui pose les probl6mes les plus difficiles dans ce genre
d’enquête, et elles exigent des precautions particulieres. U n e autre
difficulte conceme la fiabilil6 des rkponses lorsqu’il s’agit de
reconstituer les Ctapes relativement anciennes du passe Cducatif et
professionnel de 1’intCressC.
L’analyse des rCsultats de ces enquêtes a abouti h un ensemble
de conclusions sur les facteurs qui determinent la demande
d’enseignement supdrieur,sur le fonctionnement de celui-ci et sur
le passage h l’emploi. O n a pu en tirer diverses suggestions en
matiere de planification, qui sortent du cadre de cette presentation
consaCrCe aux mCthodologies.

Les enquêtes employeurs-employés ou enquêtes


rétrospectives sur 1’insertion
L’IIPE a dalis6 par ailleurs une sCrie d’enquêtes aupr2s des
entreprises et de leurs employCs qui ont en commun, avec les
Ctudes de suivi, d’analyser a posteriori l’insertion des dipl6mCs et

41
Planifïation des ressources humaines :
méthodes, exptiences,pratiques

des non-dipl6mCs ii diffCrents niveauxs. Ces Ciudes ont pour


principal objectif d’analyser le fonctionnement du marche du
travail, en partant du principe que très souvent on impute la
responsabilitC des distorsions dans la relation Cducation-emploi ii
la formation,sans se prCoccuper des conditions qui prevalent du
c6tC de l’emploi. Elles visent a rkpondre A quatre questions :
quelles sont les politiques de recrutement et d’emploi des
entreprises ? Comment se fait l’insertion des sortants du systi?me
Cducatif ? Quels sont les facteurs qui influent sur 1’itinCraire
professionnel ? Quels sont les determinants de la catCgorie
d’emploi et de la dmundration (dans quelle mesure sont-ils lies
aux caractc5ristiques des entreprises ou des individus) ?
Ces enquêtes qui s’adressent aux employeurs et 2 un
Cchantillon d’employks apportent un Cclairage utile sur les
desajustements entre formation et emploi, montrant entre autres
que les employeurs utilisent des critkres de recrutement et de
promotion qui ne sont pas toujours liCs aux seules caracteristiques
Cducatives des travailleurs.
Les politiques de personnel très diffkrentes des entreprises
multinationales en Colombie,le rôle important que continuent A
jouer les cadres exPatriCs au Cameroun, la capacite d’absorption
rCduite d’un secteur modeme limitC et le rôle prCpond6rant du
milieu du petit entrepreneur sur le devenir de son entreprise sont
autant des facteurs de dCs6quilibre qui conduisent 2 considerer
avec rCserves la recherche thCorique d’une adkquation formation-
emploi.

L’Observatoirefrançais des entrées dans la vie active


Dans le contexte très diffdrent qui est celui de la France au d6but
des annCes 1970,le manque de donnCes statisliquessur la situation
des jeunes est apparu comme une lacune d’un appareil statistique
par ailleurs assez dCvcloppd. Cela d’autant plus que l’onse situait

5. Atangana-Mebaraet al. (1984) ; Caillods (1981); Leite et Caillods


(1987).

42
Les démarches fonde’es sur l’évaluation
de l’effiacitédu système de formalion

encore dans une perspective de planification globale des relations


formation-emploi.L’amClioration de cette planification supposait
une meilleure connaissance des conditions rCelles dans lesquelles
les jeunes passaient de la formation B l’emploi.Quelques annCes
plus tard, l’aggravation rapide du chômage des jeunes a rendu
cette prt5occupation encore plus urgente.
Le Centre d’Ctudes et de recherches sur les qualifications
(CEREQ),Ctablissement public crk6 en 1970 pour 1’Ctude des
relations formation-emploi,avait vocation pour rkpondre B cette
demande. Après quelques enquetes expCrimentales,il mettait en
place l’observatoire national des entrkes dans la vie active. Cette
dation d’un observatoire global et pcrmancnt, extension et
systkmatisation des premières enquêtes d’insertion, visait B
remCdier aux inconvhients dcs diflkrentcs m6thodes pr6sentCes
plus haut. C e dispositif devait permettre a h la fois de reconstituer
le stock d’une classe d’âge et d’analyserles entrkes en activite,en
contrôlant simultanement les ePfets du niveau de formation, de
I’anciennetC sur le marche du travail et de l’evolution
conjoncturelle ; il faut donc observer,sur une période suflisante,
les flux annuels de jeunes sortant de l’ensemble d u syst2me de
formation, et ce d u n e maniQrepermanente. En outre,l’échantillon
doit être assez important pour pcrmettre d’apprCcierles dkbouchks
B l’issue d’un niveau de formation,d’une filiCre,et ce h un niveau
gdographique suffisamment fin>>(Affichard et Gensbittel, 1984).
C e dispositif pksentait les caractkristiques suivantes :
Il s’agissait d’une enquête B caractkre national, couvrant un
Cchantillon statistiauement remdsentatif de l’ensemble d’une
cohorte quittant le iystème edicatif,h tous les niveaux et dans
toutes les spCcialitCs.
Les enquêtes d’insertionrCalisCes dans 1’annCesuivant la sortie
de l’appareil Cducatif Ctaient suivies d’enquêtes de
cheminement, donnant la situation des mêmes jeunes quatre
annees plus tard.
Les diffCrents types d’enseignement &aient CtudiCs
successivement, de manière que l’ensemble du champ des
sorties de formation initiale soit couvert en un cycle de quatre
ans. Puis le cycle recommençait,ce qui permettait d’effectuer
des comparaisons B quatre annkcs d’intervalle.

43
PlanifKation des ressources humaines :
dthodes, expt!riences. pratiques

Toutes ces enquêtes Ctaient effectuCes avec des methodes et des


questionnaires très voisins.La plus grande partie des enquêtes,
notamment celles qui concemaientl’insertion,Ctaient effectuees
par questionnaire postal.
Les informations recueillies par ces enquêtes sont purement
factuelles et excluent par principe tout jugement de valeur, toute
opinion et toute donnde B caractbre subjectif. Il s’agit
essentiellement de l’tige,du sexe, de la situation de famille, de
celle des parents (leurs diplbmes), et surtout des caractkristiques
des emplois successivementoccupCs :type d’dtablissement,nature
du travail, statut et classification, formation continue reçue. C e
dispositif a CtC modifie au dCbut des annCes 80,considCrant que :
i a relation entre formation et emploi ne peut s’analyserde la
m ê m e manière pour les diffdrents niveaux : professionnel,
secondaire et sup6rieur.
L’enquête, faite uniquement au niveau national, limitait les
possibilitCs d’analyse au niveau regional,alors que le dCbut de
la dkcentralisation en France suscitait beaucoup de demandes
sur ce point.
Une enquête nationale Ctablie par un organisme officieleloigne
des intCressCs et pratiquement inconnu de la plupart d’entreeux
a pu contribuer B une baisse des taux dc reponse. Les rCsultats
sont meilleurs lorsque les enquêtes sont rCalisCes par des
organismes plus proches des personncs interrogees (Affichard
et Gensbittel, 1984).
Ces considCrations ont conduit B la mise en place d’un
dispositif d’enquête B la fois plus diversifie ct plus d&entralisC :
L’enquête de base est effectuke directement par tous les
Ctablissements secondaires publics et prives avec un
questionnaire commun Ctabli par l’administrationcentrale. Elle
s’adresse B tous les ClCves qui ont quitte l’dtablissement huit
mois plus t6t et qui ne poursuivent pas d’Ctudes.
L’Ctablissement scolaire fait lui-même un premier
dkpouillement des rtsultats obtenus, ce qui lui permet de se
faire une idCe du devenir de ses anciens ClEves ct de I’effcacitC
de son enseignement par rapport au marchd du travail.
L’administrationregionale effectue une prcmière centralisation
et une première exploitation statistique des rksultats 2 ce niveau

44
Les démarchesfondées sur l’kvaluation
de l’eficacitédu système de formation

et met les r6sultats 5 la disposition des organismes d’Ctudes et


des dCcideurs concemCs.
A u troisième niveau,la rkcapitulation des tableaux de bord est
effectuCe par le Ministère de l’Education,tandis que le CEREQ
prodde 5 l’exploitation d’un Cchantillon statistiquement
repdsentatifau niveau national de 40 O00 questionnaires.Cela
repdsente un taux de sondage moyen d’environ 7 pour cent,
variable suivant les types de formation,certaines d’entre elles
6tant analysCes de façon exhaustive.
Trois ans après cette premiere enquhe exhaustive,une partie
des jeunes sont interroges 5 nouveau. Cette enquête est
effectuCe dCsormais par interview, exigeant le recours 5 des
enquêteurs. Cette proCCdure donne de meilleurs resultats que
1’enquCtepostale,mais elle est plus coûteuse,ce qui a conduit
B reduire le nombre d’enquêtes. Cette deuxiEme vague
d’enquête vise 5 reconstituer integralement les activites
professionnelles ou de formation continue exercCes par
I’intCressC durant cette #riode. L’analysesur une plus longue
durCe complète et Cventuellement modifie l’imageque pouvait
donner l’enquête initiale : il est frequent que des formations
ddbouchent sur un emploi immCdiat mais precaire et mal
remunCrC, alors que d’autres donnent des resultats moins
rapides mais plus satisfaisants B terme.
Outre cette enquête de base concernant les sorties de
l’enseignement secondaire, d’autres enquêtes spdcifiques
s’adressent aux sortants de diffdrents types de formation,tels que
l’enseignement superieur et l’apprentissage. A la fin des
annbes 80,des enquêtes rkgulières par ttldphone ont permis de
suivre des Cchantillons de jeunes conccmes par des programmes
particuliers de stages et de formation compldmentaire.Il est ainsi
possible d’apprdcier trEs rapidement I’cfficacitC de ces
programmes.
La synthèse des donndes provenant dc ces enquêtes sur
l’insertion d’une part, des donnees statistiques sur 1’Cducation
d’autre part, et enfin des enquêtes sur l’emploi permet
1’Ctablissement @riodique d’un Bilan formation-emploi.Celui-ci
montre l’articulation entre l’ensemble des flux de sortie des divers
systèmes de formation (EducaLion nationale,formalions agricoles

45
Plan$ïïation des ressources humaines .
m’thodes, expériences. pratiques

et mddicales) et l’ensemble des recrutements auxquels proc2dent


les entreprises et les administrations en provenance non seulement
de la formation,mais aussi d’un autre emploi,du chômage et de
la non-activitC.L’articulationest analysCe par niveau de formation
et par grand groupe de profession.
G r k e h ce bilan,il est possible d’analyserla place qu’occupent
les jeunes dcemment formes dans l’enscmble des recrutements
auxquels procèdent les acteurs kconomiqucs,de rclativiser ainsi le
rôle de la formation initiale ct de mesurcr l’impact des mesures
prises pour orienter la formation ainsi quc I’cmploi des jeunes.
L’expérience de la Tunisie
En s’inspirant du dispositif prdcddent, la Tunisie a cntrepris
en 1989 de realiser des enquêtes sur les sortants des centres de
formation professionnelle. Pour commencer,une enquête postale
a CtC limitCe h une rdgion et B un type dc formation. L’annCe
suivante,une enquête d’insertiona touchk tous lesjeunes sortis un
an auparavant des centres de formation.
Le questionnaire est rempli par les intkressds et transmis par
voie postale. Les taux de rdponse ont CL6 de 65 pour cent pour
l’enquêtepilote et de 52 pour cent pour l’enquêteexhaustive.Des
enquêtes complCmentairespar interview sont organiskes auprès de
non-rCpondants,pour veiller B la representativit6 de I’Cchantillon.
Le questionnaire comporte cinq types de questions :
Des questions communes sur l’identification, la formation
suivie et la situation actuelle sur le marche du travail servent
de filtre pour orienter les trois suivantcs,qui sont specifjques.
La deuxième sCrie s’adresse uniquement B ceux qui ont un
emploi, pour identificr l’emploi et la manière dont il a CtC
trouve.
Les questions suivantes s’adressentaux chômeurs et portent sur
la recherche d’emploi.
Les demières questions spkcifiqucs s’adresscnt aux inactifs.
Enfin, une demi2re partie commune conccme la formation
continue postkrieure.
Les rCponses sont codCes par les agents chargds des statistiques
au sein des offices regionaux de la formation professionnelle,qui

46
Les démarches fordées sur l’évaluation
de l’eflcacitédu système de formation

sont aussi charges de sensibiliser les centres de formation et les


stagiaires à l’enquête. Il est envisage d’utiliser une solution
altemative, plus Cconomique, consistant à faire remplir les
questionnaires par les Ctablissements de formation, lorsque les
stagiaires viennent chercher leurs diplômes.
ParallhlementB ces enquêtes d’insertion,d’autresenquêtes sont
effectuees auprès des centres de formation et des entreprises
(cf. Chapitre VZZ, pp. Z22-133). C e dispositif d’enquête est
considCr6 comme la première Ctape d’undispositif plus global,qui
devrait concemer B terme l’ensembledu système d’Cducationet de
formation et comporter des enquêtes de cheminement.
Autres expériences
On pourrait citer bien d’autres exemples,tels que :
les enquêtes de l’Institutallemand d’etudedu marche du travail
et d’analyse des professions (IAB), qui permettent de suivre
des Cchantillons de jeunes en cours de scolaritk, ou de
diplômes de l’enseignement secondaire,qui sont rkinterroges
?i des intervalles de trois à cinq ans ;
les enquêtes ponctuelles organisees par les universites
britanniques pour suivre leurs diplômes et,plus rCcemment,la
ttYouth Cohort Study>>.Elle a consistC B interrogerune cohorte
de jeunes de 16-17ans par voie postale en 1985 et B la
rkinterroger en 1986 et 1987 ;
. les nombreuses etudes de suivi lancees dans diffCrents pays en
dkveloppement avec le soutien de la Banque mondiale.Celle-ci
encourage en effet les gouvemements Zi dCvelopper ce type
d’ktudes,dont l’espritest assez proche de cellcs entreprises par
I’IIPE,puisqu’elles visent non seulement il constater les
donnees factuelles,mais aussi à analyser les motivations des
jeunes. Cependant, t<uneproportion importante des enquêtes
prevues n’ontpas Cte entreprisesou pas achevCes.Le problème
est peut-être que les objectifs, la methodologie et l’utilitk de
ces enquêtes ne sont pas bien compris>>(Psacharopoulos et
Woodhall, 1988).
C e type d’Ctudes se dCveloppe,mais avec dcs objectifs, des
types d’information et des mCthodes de collecte tri% differents.

47
Deuxième partie
Tendances récentes de la planification
des ressources humaines

Dans cette deuxii?me partie, nous passerons en revue les methodes


pratiqukes aujourd’hui, principalement dans les pays ddveloppks,
pour la planification quantitative et qualitative de la formation.

49
IV. La prévision de l’emploi et des professions
dans les pays développés

Les pays industrialisCs Claborent toujours des prCvisions d’emploi,


mais B diffkrents niveaux (national,regional et sectoriel) et pour
des utilisations diverses.
1. Les prévisions nationales
Les expCriences r6sumCes dans cette deuxikme partie, differentes
des prCc6dentes par leur objectif et leur portCe, appartiennent B
deux catCgories :
Les unes se limitent A la prevision de l’emploi et de sa
rdpartition par profession, sans prktendre deboucher sur une
planification fondCe sur la notion d’adkquation.Elles Cchappent
donc aux critiques les plus graves que l’on peut adresser B
l’approche main-d’œvre : relation entre qualification et
formation, absence de prise en compte des revenus,
contradiction entre une optique fondCe sur une planificationdes
besoins et l’existence d’un marche. Elles peuvent n6anmoins
Ctre utilisCes pour donner des indications gCnCrales en matière
de formation. Elles concement principalement des pays
industrialisCs.
Les autres s’inspirentencore d’uneconception addquationniste,
mais ont une ambition plus modeste,puisqu’elles se limitent h
des domaines plus circonscrits : régions o u secteurs
d’activité.

51
PlanifKation des ressources humaines :
mdlhodes, exptiences. pratiques

Le cas des Etats-Unis6


L’experience de ce pays n’a pas etc? presentee dans la premi2re
partie, considCrant qu’il ne s’est jamais place dans l’optique de
l’adequationet qu’ils’esttoujours situe A l’opposedes orientations
fondees sur une planification globale, plus ou moins directive, se
fiant essentiellement aux lois du marchk pour assurer une
regulation.M ê m e un pays où la dCcentralisation des dkcisions est
aussi poussCe n’kchappe pourtant pas h une ccrtaine forme de
planification,que ce soit pour definir les grandes orientations ou
pour dkterminer les investissements. Un bon fonctionnement du
marche suppose par ailleurs une bonne information des acteurs :
en l’espike, pour aider les jeunes, leurs familles et leurs
conseillers dans le processus d’orientationprofessionnelle en leur
donnant des indications sur les perspectives d’emploi.
C’est dans cet esprit que les Etats-Unis ont acquis depuis
plusieurs decennies une expCriencc des CLudes prospectives
concemant l’emploi et les professions. Ces travaux prksentent
notamment les caractkristiques suivantes :
Leur responsabilite incombe principalement h un organisme
public, le Bureau of Labor Statistics (BLS), qui dkpend du
Departement du travail.Il dispose d’importantsmoyens d’Ctude
pour rassembler et mettre A jour ses donnbes et ses hypothbes,
lui permettant d’actualiser rkgulièrcment ses prdvisions. Il
utilise les donnees statistiques existantes et un mod2le
Cconomktrique exterieur. Il n’a pas le monopole de ces Ctudes :
d’autres organismes,en particulier des fondations,travaillent
en collaboration avec le BLS ou en parallèle avec lui pour
certaines catCgories de main-d’œvre (ingknieurs et
scientifiques). C’estnotamment le cas du Hudson Institute,qui
a publie en 1987 une Ctude sur la main-d’œvre de l’an 2000.

6. Voir Johnston et Packer (1987) et le numéro de novembre 1989 de


la Monthly Labor Review.

52
La prévision de l’emploiet des professions
d a m les pays développés

L a @riode couverte est de l’ordre d’une quinzaine d’annCes.


Les prCvisions sont glissantes, la version 2000 s’Ctant par
exemple substituCe rkcemment à la version 1995.
Les donnees traitees sont extrêmement nombreuses et
dCtaillCes, qu’il s’agisse des prkvisions CconomCtriques
globales, de l’emploi par secteur (plus de 200 secteurs) ou
surtoutde l’analysepar profession (400professions). C e chiffre
exceptionnellementClevC est un compromis entre les demandes
d’utilisateurs qui souhaiteraient parfois encore plus de dCtails
et les critiques d’experts sur le plan mkthodologique :ceux-ci
font parfois remarquer qu’un trop grand degr6 de dCtail accroît
les risques d’erreur et va à l’encontre de la tendance à
1’Clargissement des compktences.
L’Cvolution macro-Cconomique fail l’objet de scCnarios se
rCfCrant ii de grandes orienlations socio-kconomiques.Quant à
1’Cvolution des structures professionnelles, elle n’est pas
seulementcalculCe par des modèles ; elle fait davantagel’objet
d’hypothèses raisonnCes Ctablies par les experts à partir
d’Ctudesqualitatives et en concertation avec des professionnels
ayant une expCrience concrète.Les projections pour l’an2000
ont pour point de dkpart le croisement des secteurs et des
professions pour 1988.L a projection de cette structure tient
compte de facteurs tels que 1’Cvolution technique,les pratiques
et modes de production des entreprises,ainsi que la demande
du marchC.
Les previsions ne s’intCressentpas seulementà la repartirion de
l’emploi par secteur et profession. Elles s’attachentCgalement
à 1’Cvolution du marchC du travail et de la composition de la
main-d’œvre (part croissante des femmes et des minoritCs
ethniques).
Les rCsultats font l’objet d’une très large diffusion par des
moyens variCs. Ils servent notamment à l’elaboration d’un
ouvrage de synthèse ahandbook,, sur les professions et leurs
orientations.Ils font aussi l’objet de dkbats qui peuvent avoir
un impact national ou m ê m e intemational. C’est ainsi que les
tableaux du BLS faisant apparaître les professions en
croissance ii l’horizon 1995 ont fait l’objet d’interpretations
contradictoires :les uns mettaient l’accent sur le fait que les

53
Planification des ressources humaines :
mkthodes, erpbiences,pratiques

effectifs les plus nombreux concemaient des professions peu


qualifiees des services ; les autres soulignaient au contraire que
les taux de croissance les plus ClevCs interessaient des
professions qualifiees, chacun en tirant des conclusions
oppos&s sur l’impact des Cvolutions en cours et des politiques
gouvemementales. L’accord Ctant g6neral sur le fait que les
pr6visions confirmaient notamment la necessite de relever le
niveau global de formation.
Ainsi, tout en produisant les prkvisions les plus detaillees en
matière d’emploi et de professions,les Etats-Unis ne les utilisent
pas directement comme un instrument de planification, mais
comme une source d’information alimentant le debat social,
largementmise a la disposition de tous les acteurs.Ce contexte est
t&s different de celui de l’Allemagneet du Royaume-Uni.
Le cas du Royaume-Uni
Dans ce pays, un organisme de type universitaire, 1’Institute of
Employment Research (Warwick University), actualise
regulièrementdes previsions d’emploipar secteur et par profession
(Lindley, 1984).Ces previsions concement 16 secteurs principaux
et 48 secteurs dCtaillCs,d’aprèsla classification intemationaletype
des secteurs. Les groupes de professions sont au nombre de 22.
Les ClCments economiques sont estimds sur la base d’un
modèle macro-economique emprunte ;i un organisme exterieur
(Cambridge Economics) et utilisant un certain nombre de variables
(prix, balance des paiements et, bicn entendu, productivite).
Les pdvisions prksentent cette particularite de faire apparaître
separement les emplois occup6s par des femmes, les emplois
independants (par rapport aux salaries) et les emplois h temps
partiel. Ce genre de distinction s’cxplique notamment par le
progrès du travail des femmes et par le dCveloppement des formes
<<atypiques,>d’emploidans les pays industrialises (travail temps
partiel,mais aussi non salarie). Il dcvrait s’appliquer il plus forte
raison dans les pays moins industrialises où le sectcur moderne est
peu dCvelopp6 et emploie peu de fcmmes.
L’analyse de 1’Cvolutiondes structurcs professionnelles montre
que cette Cvolution depend beaucoup plus des modifications

54
La prévision de l’emploiet des professions
dans les pays développks

apportees a la &partition de l’emploipar secteur (effet de secteur)


qu’aux modifications de structure professionnelle h l’intkrieur de
chaque secteur (effet de structure).
Ces previsions ne comportent pas de rCfCrence au niveau
d’Cducation et ne s’inscrivent donc pas dans une logique
d’adCquation formation-emploi. Les experts qui les Claborent
soulignenth cet Cgard plusieurs differcnces avec l’approchemain-
d’œvre dans sa forme initiale :
M ê m e si des rapprochementspeuvent Ctre opCrCs avec d’autres
projections concemant les qualifications produites par le
système de formation, il ne peut s’agir que d’un signal sur
lequel l’attention des dCcideurs devrait être attirde.Il n’est pas
question d’en ddduire directement des objcctifs.
L’approche main-d’œvre la plus traditionnelle est fondCe sur
une sCrie de projections ClaborCes li partir de coefficientsfixes,
et laisse peu de place aux Cvolutions et aux analyses de
sensibilite. Dans la plupart des cas, une seule structure
professionnelle par secteur est envisagCe. Avec 1’amClioration
des donnees, il est possible de comparer les donnCes sur
plusieurs pCriodes et de €aire la part de situations
exceptionnelles, telles que le chômage très ClevC et les
restructurations du dCbut des annCes 80 au Royaume-Uni. L e
modèle utilise ne tient pas seulement compte des tendances,
mais aussi des dsultats d’Ctudes plus qualitatives et de l’avis
d’experts. On s’efforce de crder un rCseau d’experts capables
de proposer des hypoth2ses alternatives et des <<fourchettes>>
pour les principaux coefficients.
Alors que la prise en compte de la mobilitk professionnelle est
considCrCe comme le point faible de tous les modèles, celui-ci
s’efforce d’y remCdier graduellcment en utilisant les donnees
des enquetes statistiques sur l’emploi.
Dans un pays oh la planification n’est pas li l’ordre du jour et
OÙ la concertation sociale est limitke, l’utilisation de ces
projections est forCCment assez restreinte, bien qu’elles fassent
l’objet d’une publication. Il y a assez peu de dCbats officiels,mais
ces travaux peuvent Ctre li l’originede discussions gCnCrales, par
exemple sur la notion de dCficits dans tel ou tel domaine
professionnel :les employeurs tendent 2 en faire porter la

55
Planification des ressources humaines :
dthodes. expériences. pratiques

responsabilite sur le système de formation, alors que les


chercheurs soulignent le r61e que doivent jouer les entreprises si
elles veulent attirer davantage de candidats dans les professions
qui les interessent.

Le cas de l’Allemagne’
L’Allemagne est incontestablementune Cconomie de marche, mais
dans laquelle l’administration fkddrale et celle des Etats (Lhder)
jouent un r61e important. Cependant, cette administration a sans
doute Cte moins loin que son homologue français dans une
tentative de planification globale incluant les relations formation-
emploi.
Cela n’est pas contradictoire avec le fait que les previsions
concemant l’emploi et la qualification y sont plus nombreuses et
plus diversifiees.D e nombreux organismes (publics, universitaires
ou prives) ont contribu6 aux travaux de prevision. Cette diversite
des organismes entraîne une diversite des methodes utilisees, de
sorte qu’il est difficile d’en rendre compte de manière complète.
E n Allemagne c o m m e dans beaucoup d’autres pays, l’approche
main-d’œvre sur le modele de l’OCDEa CtC mise en œvre vers les
annees 60.Mais son utilisation c o m m e instrument de planification
a Ct6 abandomCe, non seulement du fait des objections
methodologiques, mais plus encore parce que cette approche
semblait incompatible avec le libre choix des individus vis-%vis
de leurs dtudes et de leur camère (Tessaring, 1982). L a preference
a ensuite CtC donnCe h des demarches tenant compte davantage de
la demande sociale et visant A confronter offre et demande de
main-d’aevre, et particuliErcment de main-d’acvre hautement
qualifiCe. Les projections ainsi dalisCes ne pretendent pas
constituer une pdvision valable de l’avenir, mais seulement
fournir des ClCments pour l’elaboration des politiques d’dducation
et de main-d’œvre.

7. Cf.en particulier :Clement (1985); Tessaring (1982. 1990).

56
La prévision de l’emploi et des professions
d a m les pays développés

Quelques conclusions peuvent Ctre retenues d’un bilan des


exHriences de pr6vision (Tessaring,1982). D’abord, le fait que la
validitd des pdvisions ne semble pas dependre du degr6 de
complexit6 des methodes utilistes. E n second lieu, on a constat6
que les projections concernant la main-d’œvre hautement qualifide
apparaissaient raisonnablement fiables, les structures de
qualification Ctant assez stablcs. Les qualifications plus faibles
sont apparues plus difficiles B appdhender et il prCvoir, du fait de
leur diversite et de leur manque de formalisme. Enfin et surtout,
1’exNrience indique que les previsions concemant les facteurs de
changement et la direction de ceux-ci se sont dvC1Ces exactes, en
particulier pour ce qui conceme les groupes agrCgCs. Mais les
erreurs ont CtC beaucoup plus graves a un niveau plus fin de detail
de 1’6volution de l’emploi et de l’education.
Ces demikres annees, les principaux travaux ont et6 effectues
par l’Institut de recherche de l’Office fCdCral de l’emploi (IAB),
ce qui leur donne un caractkre officiel. Pour les demikres
projections, concemant les horizons 2000 et 2010, cet institut a
coopt5rC avec un organisme prive (Prognos a Biile). La demarche
suivie s’inspire de l’approche main-d’œvre, avec quelques
particulantes qui mentent d’être relevCes :
Les pdvisions portent sur de grandes fonctions (fabrication,
commercialisation, etc.), et non pas sur les professions.
C e choix est liC a une volont6 de ne pas utiliser les prkvisions
c o m m e moyen d’orientation des individus dans leurs choix
professionnels.E n effet, les prCvisions ne sont pas considCrCes
c o m m e suffisamment fiables et valables au niveau individuel
(des individus peuvent rCussir m ê m e dans des professions
offrant statistiquement peu de dCbouchCs). O n craint aussi
qu’une adhCsion massive aux rCsultats des previsions
(considCrant qu’elles Cmanent d’organismes officiels)
n’aboutisse B en inverser les conclusions.
Vues d’autres pays oh les travaux de prkvisions ont un
caractkre purement technique et ne touchent pas un large public,
ces pr6occupations peuvent paraître inattendues.

57
Planification des ressources humaines :
dthodes. expkriences,praiques

L’évolution récente en France


Apres l’abandon de l’approche main-d’œvre par l’organisme
officiellement charge de la pdvision (INSEE) au cours des
annees 70,on a vu renaîre une demande de prdvision vers la fin
des annCes 80. Celle-ci Cmanait notamment de nouveaux
organismes charges d’une rdflexion prospective sur la relation
entre 1’Cducationet 1’Cconomie(voir ci-dessous). Ces organismes
ont chargC un bureau d’dtudes SpCcialisC dans la prospeclive (le
BIPE) d’entreprendre des Ctudes statistiques h caraclère
CconomCtrique pour tenter d’estimer les grandes caractdristiques
de l’emploi B l’horizon 2000et les condquences que l’onpouvait
en tirer pour 1’Cducation.
Ces travaux ont servi de rCfCrence h diffdrents rapports
proposant de grandes orientations pour la politique Cducative. Ils
portent surtout sur les niveaux de formation et ne donnent que des
indications très globales sur les groupes professionnels. 11 s’agit
surtout d’argumenter le ddbat sur les grandes orientations, et
notamment sur la proportion d’dlCves devant atteindre le niveau
du baccalaurt5at. L’argumentation tient compte Cgalemenl des
importants travaux consacrCs par 1’Education nationale en 1987-
1988 B la prkvision de 1’Cvolutiondes flux jusqu’àl’horizon 2000.
Mais il ne s’agit plus h proprement parler d’une planification
fondCe sur l’approche main-d’œvre.
Sur le plan mCthodologique, il faut noter que les dernieres
projections Claborees en 1991 rdpondent dans une large mesure
aux critiques faites B la version prkcCdente,et A l’approchemain-
d’œvre,en faisant une large place h la mobilitd professionnelle.Ce
sont essentiellement les hypothèses concemant la place respective
donnde par les employeurs au recrutement de jeunes et h la
promotion du personnel en place qui diffdrencient les diffdrents
jeux de projections.
En 1990,un rapport du MinistEre de l’Industrie concluait B
l’absolue nkcessitd d’dtablir une vraie planification des formations
supdrieures et de la fonder sur une meilleure analyse des besoins
de l’dconomie.11 proposait en exemple les prdvisions du BLS aux
Etats-Unis.A la suite de ce rapport, un groupe de travail s’est
rduni en 1991 et a rouvert le ddbat sur l’opportunitk de reprendre

58
L a prévision de l’emploi et des professions
dans les pays développés

un travail systematique de prkvision, integrant des ktudes


quantitatives aussi bien que qualitatives.
Enfin,l’accentmis jusqu’ici sur les previsions quantitatives ne
doit pas faire oublier l’important dkveloppement, au cours des
annees 80,de divers travaux presentant des scenarios B caractere
plus qualitatif et relevant plus de la prospective que de la
prkvision traditionnelle (Commissariat gCnCral du Plan, 1991).
Parallklement B cette Cvolution, qui va dans le sens des
developpements de la troisieme partie, la planification prend un
tour plus concret pour se situer davantage sur les plans regional et
sectoriel.
2.Les études régionales
Nous donnerons deux exemples d’approche regionale et locale :
l’un emprunte B la France, pays traditionnellement trks centralise
qui commence B se dCcentraliser,ct l’autre aux pays anglo-saxons,
qui B l’inverse ont toujours constilue l’exemple de pays tr&s
decentralids.
Le cas de la France’
Les premikres approches regionales de planificationsont apparues
dks les annees 70 et se sont developpees au cours des annCes 80
avec la decentralisation. Elles etaient fondees sur le principe de
l’approchemain-d’aevreet la logique d’adkquation.Elles visaient
une definition B la fois qualitative et quantitative des types de
formation prevus B moyen terme au niveau d’une region.
Parallelement,des operations de diagnostic &aient consacrees
a des zones particulikres ou B des publics specifiques (jeunesen
particulier).

8. On trouvera ci-dessousun résumé des travaux du Groupe de travail


sur l’analyse régionale de la relation formation-emploi:
problématique et méthodes (CEREQ,1990).
59
Planification&s ressources humaines :
dthodes, expériences,pratiques

Cependant,comme nous l’avons vu,les travaux de preparation


du VII‘Plan remettaient en question les analyses en termes
d’adequation et soulignaient l’importance d’une approche
regionale, qui pouvait Ctre considCrde comme un substitut h la
recherche d’adequation, en permettant une coordination des
politiques plus proche du terrain. Ils soulignaient l’interêt qu’il y
aurait h rassembler et h intcrprdter un ensemble cohkrent
d’informations,sous la responsabilitk des dgions.
En application de ces suggestions sont mis en place A partir de
1980 des schCmas regionaux de la formation professionnelle. Ils
doivent constituer des instruments d’information,de coordination
et de prevision. Rejetant les mdthodes fondees sur une relation
stricte entre chaque formation et chaque emploi, ils doivent
privilkgier l’analyse des situations et des mCcanismes de
fonctionnementdu marche du travail. Ils doivent s’intdresserh la
fois aux activites Cconomiques et A l’emploi,aux formations et
aux individus. Avec la mise en a x e d’un programme de
decentralisation en 1982,le rôle de ces schCmas est renforce,en
vue de la ddfinition d’une politique regionale de formation
professionnelle.Des mCcanismes de concertation entre partenaires
sont ensuite mis en cvre et prennent le nom d’<<observatoires
regionaux>>.
Le groupe de travail constitue pour Ctudier les methodes
d’analyseque pourraient utiliser ces observatoires commençait par
faire un bilan critique des demarches fondCes sur l’adkquation.
Mais il a constate qu’aucune probldmatique susceptible de les
remplacer ne s’est ddveloppde depuis leur abandon au niveau
national. Il a concentre alors son attention sur des outils d’analyse
des interactionsentre la production des savoirs par les systkmesde
formation et leur utilisation et leur reconnaissance au sein du
syst6me de production.
Le cas des pays anglo-saxons
Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne notamment, il est de
tradition que la responsabilitc? de l’dducation et de la formation
soit très decentralisde (cf. Annexe II/>. Cette situation m ê m e fait
qu’il est bien difficile d’etablir un bilan d’ensemble des methodes

60
La prévision de l’emploi et des professions
dans les pays développés

utilisees pour Cvaluer les besoins de formation. Mais on sait


qu’aux Etats-Unis,les organismes regionaux et locaux sont tr&s
demandeurs des previsions sur l’emploi et les professions
mentionnees plus haut pour eclairer leurs dkcisions sur
l’orientation des cours et des etudiants. Quant a la Grande-
Bretagne, la recente mise en place des Training and Enterprise
Councils a pose un problCme de ampetence et de methodologie
pour orienter la formation au niveau local,dont la responsabilite
incombe de plus en plus aux employeurs. C o m m e en France,ces
structures regionales et locales sont B la recherche de
methodologies adaptkes. Les solutions adoptees sont tr&s
variables ; dans un certain nombre de cas, il est fait appel a
l’expertisede divers organismes d’ktudeet de conseil,qui peuvent
appartenir B des universites.
3. Les études sectorielles
Les contrats d’études prévisionnelles en France
L a fin des annees 80 et le ddbut des annees 90 ont vu un grand
developpement des etudes prkvisionnelles sectorielles visant
l’analyse des besoins de formation (en particulier de formation
continue) et la definition de politiques permettant d’y rependre.
C’est le resultat d’une decision de l’administration chargCe de la
formation professionnelle, crCant les contrats d’dtudes
prkvisionnelles, dont elle partage le financement avec les
organisations patronales. Cette decision s’ins5re dans un ensemble
d’activitesprogrammees sousle titre de ctmodemisation nCgociCe>>
en vue de dCvelopper la concertation entre partenaires sociaux,ce
qui implique une participation des syndicats au suivi de ces
travaux.
Ces Ctudes previsionnelles sont conduites par des organismes
d’ktudes, publics ou prives, B la suite d’appels d’offres. Elles
comportent une analyse d’ensemble de la situation et des
perspectives du secteur,traitant des aspects quantitatifs aussi bien
que qualitatifs.
On trouvera au chapitre suivant une prksentation dCtaill6e de
l’une de ces etudes.

61
V. Un exemple d’étude sectorielle

Cette Ctude a Cte r6alisCe en France en 1989 et 1990 au titre de


l’un des contrats d’Ctudes prkvisionnelles. L’Ctude a CtC conduite
par le Centre d’dtudes et de recherches sur les qualifications
(CEREQ), en collaboration avec l’Agence nationale pour le
dCveloppement de l’dducationpermanente (ADEP)9.
1. La démarche
Le deroulement de 1’Ctude a CtC suivi par un ComitC de pilotage
comportant des reprksentants des entreprises,des administrations,
des syndicats d’employes et des experts. C e comitC a 6tC consulte
sur la mCthodologie suivie et a donne son avis sur les diffkrentes
phases du deroulement des travaux. Les reprksentants syndicaux,
soit au niveau du comite,soit au niveau des entreprises enquêtees,
ont foumi des informations et donne leur point de vue, ce qui a
permis de complCter ou d’equilibrerles ClCments qui venaient pour
l’essentiel du c6tC des entreprises.
Les objectifs assignds B 1’Ctudecomportaient :la definition des
axes de dkveloppement de la formation dans le secteur,
l’identification des besoins propres B chaque categorie d’emploi,
la constitution d’un potentiel d’information, d’analyse et

9. Ce chapitre est basé sur la publication du CEREQ Emploi,


qualijïcation,formation dans la grande distribution alimentaire,La
Documentation française,1990.

62
Un exemple d’btude sectorielle

d’expertise et des propositions d’orientation pour le


ddveloppementdes politiques de formation.Il s’agissait aussi bien
de formation initiale que continue,et 1’Ctude devait interesser 2 la
fois les entreprises pour les aider et les inciter 2 definir leurs
objectifs et leurs politiques de formation et 1’Etatpour concevoir
les dipl6mes de formation professionnelle.
Le domaine couvert par 1’Ctude Ctait celui de la grande
distribution 2 prddominance alimentaire : supermarches,
hypermarches,magasins a succursales,employant au total 360 O00
salaries (sur un total de 1.6 million dans le commerce de detail
français). Cette dklimitation restrictive du domaine s’expliquepar
la structure des organisations professionnelles. En effet, dans
l’esprit du dispositif des contrats d’Ctudes previsionnelles, les
organisationsprofessionnelles devaientjouerun r61e essentiel dans
l’initiative et le suivi des Ctudes. Or,s’il existe des organisations
bien structurees pour le grand commerce modeme, le reste du
commerce est du ressort d’un tr2s grand nombre d’autres
organisations qu’il Ctait difficile de regrouper.
Le grand commerce h prkdominance alimentaire Ctant toutefois
en croissance rapide et faisant preuve d’un grand dynamisme,on
peut penser que la portCe de 1’Ctudeest plus importante que son
poids relatif d’effectifs, d’autant que les conclusions de 1’Ctude
s’appliquentdans une large mesure B l’ensemblede la distribution
non alimentaire modeme.
La mCthodologie suivie pour mencr B bien cette Ctude comporte
quatre Ctapes r6sumCes dans le Graphique 1.
diagnostic de la situation actuelle ;
extrapolation des tendances observecs en ce qui conceme
l’emploi ;
etude prospective de l’avenir possible du secteur et de son
incidence sur les qualifications ;
orientations et propositions pour la formation et pour la gestion
de la main-d’œuvre.

63
Phi'iation des ressources.humaines :
dthodes. experiences. pratrqus
r
Pa
3
64
Un exemple d‘érude sectorielle

L’etude sur la distribution alimentaire represente une


innovation importante B deux points de vue :
elle constitue un effort systematique de prkvision quantitative
de 1’Cvolution du secteur et des effectifs qu’il emploie ;
l’&de rCalis6e en France a CtC complCtCe par des analyses
conduites dans d’autres pays industrialis& sur 1’Cvolution du
secteur et sur les politiques d’entreprises. Cela a permis
d’dclairerle diagnostic et l’analyse des perspectives françaises
en faisant apparafire les sp6cificitCs de ce pays et les
possibilitds altematives d’dvolution.
A u niveau français,les investigations ont CtC conduites A la fois
sur les plans quantitatif et qualitatif.
Sur le plan quantitatif, on a commence par inlerroger les
sources statistiques existantes. On ne s’est pas contente des
donnees publiees ; dans un certain nombre de cas, on a procCdC
A un traitement spCcifique plus approfondi (par exemple pour
obtenir des donnees correspondant au secteur CtudiC). Pour
complCter les donnCes globales concemant le secteur, un
questionnaire ferme a CtC adressC aux principales entreprises du
secteur pour obtenir des donnees chiffrees ou des rCponses
pdcises A certaines questions.
. Pour passer B l’analyse qualitative, on a constitue un
Cchantillon d’une quinzaine d’entrcprisesdiverses par la nature de
leur activitC et par la taille. Dans ces entreprises, choisies aussi
pour leur disponibilid, des entretiens ont eu lieu avec :
les directeurs des ressources humaines ou du pcrsonnel ;
les responsables de la formation ;
dans un certain nombre de cas, les responsables de
l’informatique,qui sont parfois en m ê m e temps responsables
de l’organisationet qui sont au courant des Cvolutions en cours
et en projet ;
un Cchantillon de cadres et d’agents de maîtrise reprksentatifs
des principales fonctions exercees dans les entreprises :
magasins, services achats, entrep6ts ;
dans la mesure du possible, un Cchantillon d’employCs
occupant les principaux types d’emplois, afin d’Ctudier la
nature de leur activite et de completer l’image d’ensemble de
l’entrepriseet de son personnel.

65
Planification des ressources humaines :
méthodes, expkrknces,pratiques

En plus des entreprises,des entretiens ont eu aussi lieu avec


des organismes de formation et avec des experts connaissant le
secteur et les formations qui y preparent.
2. Le diagnostic
Le secteur et 1’ emploi
Ces investigations ont abouti d’abord à un diagnostic global.
Celui-ci faisait apparaître une croissance rapide des grandes
surfaces en libre-service,et notamment des hypermarchCs, qui
vendent une proportion croissante de produits non alimentaires.
Cette structure est assez spCcifique à la France, les entreprises
commercialesdes autres pays industrialisCs Ctant plus spCcialisCes,
soit dans l’alimentaire, soit dans le non-alimentaire (et dans
certains produits).
D u fait des Cconomies d’dchelle et de leur organisation en
libre-service,ces grandes surfaces ont une productivitC ClevCe et
emploient proportionnellement moins d’effectifs que le petit
commerce,par rapport à leur volume d’activitk.Puisque leur part
du marchC de la distribution a constamment progresd, la
croissance de l’emploi total du secteur a CtC plus faible que celle
du chiffre d’affaires. En fait,la croissance de l’emploi a surtout
correspondu à la progression du travail à temps partiel :pour un
volume d’activitC donne, il faut plus d’employCs h temps partiel
qu’a temps plein.
Si le dCnombrement des effectifs ne pose pas de problkmes,les
difficultCs commencent lorsque l’on veut analyser leur
dCcomposition par profession. A cet effet, il a fallu exploiter et
regrouper toutes les sources d’information.
Le Recensement constituait la source d’information la plus
exhaustive et donnait des ddtails suffisants sur la repartition par
professions en 400 postes. Mais le demier datant de 1981,
l’information n’&ait plus à jour en 1989.
Deux autres sources statistiquessont disponibles.L’une est une
enquête annuelle auprEs des entreprises, qui donne toutes les
prkcisions sur la structuredes emplois.Mais elle n’est remplie que
par les entreprises employant au moins dix personnes, et, m ê m e

66
Un exemple d’étude sectorielle

pour celles-ci,le taux de rCponse dans ce secteur n’est pas trts


satisfaisant. Une autre enquête donne des informations sur
l’ensemblede la population active,mais le taux d’Cchantillonnage
est tr2s faible. D e ce fait,lorsqu’il s’agit d’Ctudier une population
assez peu nombreuse, comme celle des cadres de la grande
distribution,les informationsrecueilliesne sont qu’approximatives.
A plus forte raison,si l’on veut Ctudier les Cvolutions, la marge
d’erreur d’une annCe h l’autre risque d’être plus importante que les
variations rCelles.
Restait B s’adresserdirectcmcnt aux entreprises.C’est ce qui a
CtC fait,mais d’autres difficultes ont Ct6 rencontrdes. D’une part,
on s’est aperçu que leurs statistiques sur le personnel Ctaient
souvent insuffisantes : d’elles possèdent bien une fiche
individuelle pour chaque employC, mais elles ne tiennent de
statistiques que pour les Cldments dont elles ont besoin pour leur
gestion courante.Elles ont rarement des donnCes d’cnsemble sur
la structure du personnel par profession et encore plus rarement
des donnees sur le niveau de formation.
Si l’on veut Ctudicr les Cvolutions, on se heurte B un autre
problkme :beaucoup d’entreprisesont subi des restructurationsau
cours des demikres annCes, par fusion,redCcoupage des activites,
sous-traitance,de sorte que les comparaisons d’uneannCe 2 l’autre
ne sont pas toujours significatives. D e même, les comparaisons
d’une entreprise 2 l’autre pour difinir une situation moyenne sont
rendues difficiles du fait que les activitCs ne sont pas toujours les
mCmes :certaines ont des restauranls avec leurs magasins,ou des
entrep6ts,ou des services de transports,ou des centrales d’achats,
d’autres non.
A u total,on disposait d’une diversite de sources d’information
dont aucune n’&ait pleinement satisfaisante. Mais une
confrontation et une analysc critique de ces Cldments ont foumi
une image moyenne approximative au moins de la structure par
profession. On a pu ainsi constater que le secteur se caractkrisait
par un assez petit nombre de cadres et d’agents de maîtrise et par
un tr2s grand nombre d’employCs, pour la plupart faiblement
qualifies, en d’autres termes par une polarisation des
qualifications.

67
Planification des ressources humaines :
méthodes, exp&riences. pratiques

En combinant les sources d’information, on a cependant


procede li une Cvaluation de la repartition des effectifs par
profession.
Pour mieux apprehender la realite, il a fallu ensuite passer B
une analyse qualitative. L’Ctude des entreprises a d’abord permis
d’identifier des fonctions,ou grands types d’activite. rc5pondant li
une m ê m e finalite et faisant appel li un m ê m e type de competence.
Les unes sont specifiques li la distribution (vente,gestion des flux
de marchandises et manutenlion, achats) ; les autres sont
communes li toutes les entreprises (gcslion financi2re et
comptable,gestion du personnel). On a aussi rep6rC comment ces
fonctions se repartissaient entre les grands types d’unit&
(magasins, entrepôts, centrales d’achats,sièges sociaux) et dans
l’organisationde ces unites. Cela a permis de constater des degres
très diffCrents de centralisation,la dkcentralisation pouvant être
très poussCe dans certaines entreprises (hypermarchks).
Les emplois
L’enquête a permis ensuite d’identifier les principaux postes de
travail et d’analyser les plus caracteristiques parmi eux. L a
confrontation de ces descriptions a abouti h une description
moyenne des emplois types (cf. Chapitre Vl).
La main-d‘œuvre
Mais il ne suffit pas d’analyserla nature des emplois. Il faut aussi
s’interesser li la manière dont ceux-ci sont pourvus (par des
jeunes, diplômes ou non, ou par des adultes, avec quelle
exphience) et aux conditions dans lesquelles le personnel est
employk :est-ilstable,permanent, est-ilsusceptible d’kvoluer au
sein de l’entreprise ou dans la profession ? Toutes ces questions
interessent indirectement la formation, aussi bien initiale que
continue. A nouveau,1’Ctudea CtC amenCe h faire la synthèse entre
des donnees statistiques officielles donnant une image globale du
secteur et des donnees plus approfondiesportant sur un Cchantillon
d’entreprises et permettant d’Cclairer et d’interpreter les
statistiques.On a Cgalement eu recours aux bilans sociaux,que les

68
Un exemple d’étude sectorielle

entreprises doivent Claborer chaque annCe et communiquer aux


reprksentants de leur personnel et dans lesquels on trouve une
sCne d’informations sur les caractdristiquesde la main-d’œuvreet
sur son renouvellement. O n a obtenu ainsi des informations
precieuses sur les caractCristiques de la main-d’œuvre employCe.
Le rapprochement des donnees disponibles a montre que la
grande distribution alimentaire se caractkrisait par la jeunesse de
sa main-d’œuvre,la part importanle de femmes,une mobilitC trEs
ClevCe,la frkquence du travail ri temps partiel,un faible niveau de
rCmunCration et un faible niveau de formation gCn6rale et
professionnelle,
Le temps partiel se developpe parce qu’il permet de mieux
ajuster les coûts de main-d’œuvre aux importantes variations
d’activitk,suivant les saisons,les jours de la scmaine et les heures
de la joumCe. Il s’adresse bien sûr d’abord aux femmes (elles
reprdsentent 60 pour cent des effectifs du secteur). Mais, à la
difference d’autres secteurs, le travail ri temps partiel ne
correspond pas ri une demande des employes (avoir du temps pour
s’occuper des enfants), mais à une exigence dcs employeurs
(flexibilitd de la gestion de la main-d’œuvre).
Dans le m ê m e sens,le secteur se caractCrise par la jeunesse et
la tri% forte mobilitk de la main-d’œuvre.Celle-cicorrespond pour
une part à la proportion ClevCe de contrats h durCe determinCe.Ces
demiers s’expliquent en partie par le caract2re saisonnier de
l’activitC et en partie par le desir des employeurs de pouvoir faire
varier facilement leurs effectifs, pour faire face aux incertitudes
sur le volume de l’activite.
Tous ces ClCments sont importants,car on ne peut dkvelopper
la formation sans examiner ri quclle population elle s’adresse,si
elle est stable dans l’entreprisect motivee. Ainsi la forte mobilite,
la pkcaritC des emplois et la frCquence du temps partiel dans le
secteur sont-elles apparues comme pouvant constituer des
obstacles :les entreprises voient moins d’inter& ri investir dans la
formation d’un personnel qui ne reste pas ; de leur c6tt, les
intCressCs ne sont pas motivCs.

69
Planifcation des ressources humaines :
méhodes. expériences.pratiques

Les recrutements
Mais la question la plus importante Ctait celle de savoir comment
les diffkrents types de personnel occupant les principaux postes
Ctaient recrutCs,suivant quels profils et avec quelle formation.L a
conjonction des differentes sources d’information a fait apparaître
de grandes differences entre cadres, agents de maîtrise et
employCs.
Lors du recrutement des employCs, il n’est gtdralement pas
fait r6fCrence a une formation spCcifique, la formation
n’intervenant que comme un cridre de recrutementparmi d’autres,
dans la mesure où un niveau plus ClevC peut être un indice de
capacitds d’Cvolutionet d’adaptationplus grandes.C’estseulement
pour les ouvriers de la transformation des aliments et en
particulier les bouchers qu’une formation specifique est
normalement exigCe.
Les agents de maîtrise (c’est-&dire essentiellement les chefs de
rayon) jouent un r61e capital dans l’organisation,compte tenu de
leurs responsabilitks. Ils constituent aussi un point clC dans la
fili6re d’evolution professionnelle.Traditionnellement,ils Ctaient
recrutds essentiellementpar promotion inteme parmi les employCs,
en fonction de leurs qualitCs personnelles, sans beaucoup de
considCration pour la formation qu’ils avaient pu acquCrir. L a
complexitC croissante de leur activitC fait que les entreprises
souhaitent qu’ilssoient mieux formCs. Aussi recrutent-ellesle plus
souvent des jeunes ayant reçu une certaine formation supCrieure,
et leur donnent ensuite une formation ComplCmentaire en
entreprise.
Les cadres sont de deux types : dans les si2ges sociaux, il
existe un petit nombre de spCcialistes (gestion, informatique,
logistique, marketing) qui sont gCnCralement dipl6mCs d’Ccoles
supdrieures. Dans les magasins, l’encadrement commercial doit
avoir une expCrience du terrain en commençant par des emplois
de maîtrise,mais il a plus souvent une formation supkrieure.
La combinaison des informations quantitatives et qualitatives
recueillies sur la mobilitC et sur les conditions de recrutement a
permis d’Claborer le Graphique 2 representant les flux de mobilitC
pour les grands niveaux de qualification.

70
Un exemple d‘étude sectorielle

Graphique 2. Secteur de la grande disrribution alimentaire en France :


effectifset flux annuels (estimation moyenne 1987-1988)

Recrutements
n
(16000)
Sortles
Cadres

4 200 1- (32000) -1 6 400 Maidse

64m
CDI (272000)

Noie : CDI = contrat 1 d u d e indéterminée ; CDD = conma1 1 durée déteminée.


Source : CEREQ,en collaboration avec I’ADEP.(1990).

Il faut noter que 1’Claboration de ce graphique n’est pas sans


probltme : il donne une image totale de l’ensemble des
recrutements opdrCs par les entreprises et des dCparts en
provenance de celles-ci. Mais il est vraisemblable qu’une partie de
ces mouvements se font avec d’autres entreprises du m C m e
secteur. Autrement dit, les mouvements qui s’op&rent entre le
secteur CtudiC, d’une part, et le systtme Cducatif et les autres
secteurs, d’autre part, ne sont pas aussi importants que la s o m m e
des mouvements entre entreprises : une partie de ceux-ci
s’annulent. Mais il est trts difficile de chiffrer ce phknomtne, car
les statistiques ne disent pas d’où viennent et où vont les
employCs mobiles.

71
Planification des ressources humaines
méthodes. expériences,pratiques

La formation
L e demier volet du diagnostic concemait la formation, initiale et
continue.
En ce qui conceme la formation initiale, un bilan des
formations conduisant 2 des dipl6mes de 1’Education nationale a
CtC Ctabli.11 a permis de constater qu’il n’existaitpas de formation
prCparant spkcifiquement h la grande distribution, mais qu’un
dipl6me rCcemment cdC s’adressaitparticulièrement h ce secteur.
Les objectifs de cette formation ont CtC discutes avec les
responsables de sa conception.
Ensuite, on s’est efforcC d’affiner le bilan esquissC plus haut
des relations entre formation reçue et emploi occupC.Les donnCes
foumies par les entreprises sur les critères de recrutement ont CtC
recoupCes autant que possible par des donnCes statistiques. Les
statistiques de l’observatoire des entrees dans la vie active
(cf. Chapitre III, pp.38-47)ont notamment permis de constater
vers quels emplois s’orientaient les titulaires des differents
dipl6mes susceptibles de conduire au secteur CtudiC. Mais la taille
limitCe de celui-ci n’a pas toujours permis d’obtenir des
indications valables h partir de 1’Cchantilloninterroge.
Un second bilan a port6 sur les formations donnees en dehors
du système national de formation professionnellc, mais prkparant
plus spCcifiquement aux emplois de la grande distribution, en
particulier de chefs de rayon.Les Ctablissements concemes ont CtC
visites, leurs objectifs et leurs modes de recrutement ont CtC
analys6s.
D e même, 1’Ctude de la formation continue a comportC des
61Cments quantitatifs et qualitatifs. Sur le plan quantitatif, la
France dispose de donnCes riches sur la formation donnCe par les
entreprises. En effet, celles-ci sont astreintes h dkpenser un
pourcentage de leur masse salariale pour la formation de leur
personnel et doivent Ctablir chaque annCe une dCclaration prkcisant
comment elles ont dCpensC ces fonds. Le CEREQ,Ctant chargC de
l’exploitation statistique de ces donnees,&ait en mesure de faire
une analyse d’ensemble pour le secteur. Cette analyse a port6 sur
les depenses par type d’entrepriseet de personnel,ainsi que sur la
durke moyenne de formation par type de personnel. Elle a

72
Un exemple d‘ktude sectorielle

notamment permis de constater que l’effortde formation continue


dans ce secteur Ctait sensiblement plus faible que la moyenne
nationale.
ParallUement, les enquetes en entreprises auprh des
responsables de formation permettaient d’analyser les plans de
formation, les objectifs qu’ils se fixaient, les populations
concemkes, les types de programmes, de methodes et
d’organisations.
3. Les projections
L a premi2re demarche pdvisionnelle a consistC h extrapoler les
tendances observCes en ce qui concemc les effectifs employCs et
les recrutements. Il s’agissait moins de prCvoir l’avenir h
proprement parler que d’essayer d’kvaluer les condquences de
differentes hypoth2ses d’Cvolution, h partir des tendances
observCes. C e travail a CtC conTi6 h un spCcialiste du secteur
commerce au sein de l’Institut national de la statistique et des
Ctudes Cconomiques.L’horizon choisi a CtC l’annCe 1995,car l’on
disposait de donnees Cconomiques de base jusqu’h cette date,mais
pas jusqu’h celle, plus symbolique,de l’an 2000.
Cette demarche impliquait une sdrie d’hypothkses :
sur le volume total d’activitC du commerce de detail ;
sur le partage des parts de marche entre les diffdrentes
branches du commerce, pour estimer le volume d’affaires
spCcifique de la grande distribution alimentaire ;
sur 1’Cvolution de la productivitC dans chaque branche, pour
passer du volume d’aclivitd A la quantitk d’heurcstravaillCes ;
sur l’importance des effectifs employCs h temps partiel, qui
affecte les effectifs employCs pour une quantite de travail
donnCe.
(a) Pour estimer le volume d‘activité du secteur commercial,on
est parti des projections de consommalion des divers types de
produits dCjh Ctablies par l’INSEE.Bien entendu,la validitC de ces
projections est fonction de 1’Cvolution Cconomique,ce qui donne
un caract2re alCatoire h cet exercice, comme h tous les autres du
m ê m e type, compte tenu de la pCriode envisagCe. On aurait pu

73
PlanifKation des ressources hlunaines :
méthodes, expkriences,pratiques

multiplier les hypothbes, mais cela aurait conduit A compliquer


encore l’exercice.
(b) Les hypoth5ses sur le partage des parts de marcht ont CtC
en revanchediversifiCes,ap&s discussion avec les responsablesde
la profession et les experts. C e partage a CtC CtudiC sepadment
pour les diff6rents types de produits, alimentaires et non
alimentaires.L’hypothbela plus simple consistait il extrapoler les
tendances observCes dans le passe, en supposant que le grand
commerce modeme continuerait il gagner des parts de marche au
m ê m e rythme que les annCes prCcCdentes. Cette hypothese a CtC
retenue, tout en sachant qu’il long terme elle aboutirait il des
resultats absurdes,car on finirait par depasser les 100 pour cent.
Mais, B moyen terme, la tendance pouvait se maintenir encore
quelque temps.
Pour tenir compte de l’objection, toutefois, une deuxi6me
hypothEse se rCfCrait aux parts de marche restant il gagner,ce qui
supposait un ralentissement lorsque l’on s’approchait des
100 pour cent. Enfin, une troisième hypothèse &ait fondee, non
plus sur les extrapolations, mais sur le raisonnement d’experts :
elle supposait une continuation des gains rapides sur les produits
alimentaires (au detriment du petit commerce), mais un freinage
des progr& sur les autres produits,en raison de la concurrence des
autres commerces modemes.
(c) Avant d’Claborer les hypothèses concernant f’évofution de
fa productivité (rapport entre volume d’activit6 et heures
travaillees), on a fait le bilan des facteurs allant dans le sens de
progris plus rapides ou moins rapides que pendant la pCriode
precCdente, facteurs qui sont examinks de manière plus
approfondie dans la partie prospective. Une hypothèse de gains de
productivit6 prolonges fut retenue,mais il un rythme moins rapide
que pendant la pkriode pr6ckdente.
(d) D e même, en ce qui conceme l’évofution du recours au
travail d temps partiel,on a tenu compte de l’extrapolationde la
tendance passee dans le sens de la croissance, qui correspond il
une logique Cconomique et il l’opinion de la majoritC des experts,
ce qui a fait l’objet d’une première hypothèse. Mais on a aussi
envisage une hypoth5se de stabilisation au niveau actuel, pour

74
Un exemple d’htude sectorielle

tenir compte des inconvdnients sociaux d’un developpement


involontaire de l’emploi a temps partiel.
L’évolution des effectifs...
L a combinaison de ces hypothkses permet de calculer un Cventail
de situations possibles en ce qui conceme 1’Cvolution de l’emploi
dans le secteur l’horizon1995.Ces situations se situent dans une
<<fourchette>> qui va de 0’3pour cent de croissance annuelle h
1,2pour cent. En termes d’effectifs, cela correspond A une
crkation annuelle de 2 300 A 8 100 emplois dans le commerce
alimentaire. Cette ccfourchette>)peut paraître tr8s ouverte,mais il
en est toujours ainsi lorsqu’on multiplie les combinaisons
d’hypothkses, ce qui conduit h Clargir les Ccarts entre les
hypothkses extrêmes ; il est peu vraisemblable toutefois que,dans
la dalitC,tous les Ccarts jouent dans le m ê m e sens. Sur un effectif
total de pr6s de 700 O00 personnes, la diffCrence apparaît moins
grande.
Cet exercice prdsente un intCrêt en soi pour les responsablesdu
secteur et de la politique de l’emploi.Mais il est insuffisant pour
les responsables de la politique de formation,qui souhaiteraient
des estimations, non sur l’emploi,mais sur les perspectives de
recrutement,par type d’emploi (ou profession). L’Ctape suivante
devrait alors consister a estimer la repartilion de l’emploi en fin
de @riode par profession.
... et des recrutements ...

Deux difficultCs ont CtC rencontrees ici. D’abord,comme il a CtC


dit plus haut, la connaissance de la structure professionnelle
actuelle est tr6s insuffisante, ce qui rend son extrapolation
difficile.Ensuite,l’analyse des facteurs pouvant faire Cvoluer ces
structures a rCvC1C des tendances contradictoires (que l’on
examinera plus loin). Il est donc apparu plus prudent de
n’esquisser de projections que pour trois grands groupes
professionnels -cadres,agents de maîtrise et employCs et de -
supposerque leur poids relatif resterait presque inchange au cours
de la @riode assez courte envisagCe.

75
Planifcation des ressources humaines :
méthodes, expériences.prdiques

Le taux de mobilitd Ctant supposC Cgalcment inchange


(faute d’ClCmentpermettant de suggdrer une autrc hypoth&se), on
a pu proceder au calcul des flux de recrutement. Mais ce calcul
n’a Ctd fait que pour les cadres et les agents de maîtrise. D’une
part, en effet, les flux de recrutement des employCs sont tr&s
importants et difficiles A analyser, en raison du poids des
saisonniers. D’autre part, cette analyse ne prtsente que peu
d’intdrêt, compte tenu du faible niveau de formation exige.
L’estimationdes besoins de formation pouvait Ctre centrCe sur les
cadres et les agents de maîtrise. Les flux de recrutement se
composent :
des effectifs supplkmentaires correspondant A la croissance de
l’emploi ;
des recrutements ndcessaires pour remplacer les dCparts dus h
la mobilitC.
L’undes intCrêts de celte analyse a CtC de montrer que les
seconds Ctaient quatre h dix fois plus ClevCs que lcs premiers.
Cette conclusion est importante,car elle prouve que, au moins
pour cet exemple,dans 1’Cvaluation des besoins dc formation,les
phCnom&nes de mobilitC sont plus dkterminants que l’kvolution
des effectifs.Or,la mobilitC de la main-d’aeuvreest fonction pour
une part de la conjoncture (lamobilitC diminue en @riode de
ch6mage et augmente en @riode de plein emploi) et pour une part
des pratiques de gestion des entreprises,des conditions d’emploi
qu’ellesproposent et des mesures qu’ellesprcnncnt pour conserver
leur personnel.
Il apparaît clairement ici que le r61e de la prdvision est moins
d’annoncer l’avenir que d’identifier les facteurs dont il dCpend.
Or,une partie de ces facteurs depend des entreprises elles-mêmes.
...par origine et niveau de formation

Mais ce n’est pas tout. Encore faut-il estimer comment les


recrutements vont se faire pour l’encadrement et la maîtrise : en
provenance de la formation initiale ou par promotion inteme
d’employCs dCjh en place. C’est ainsi quc les informations
recueillies auprks des entreprises,soit par leurs bilans sociaux,soit
par un questionnement spdcifique, sont utiles. Ces informations

76
Un exemple d’érude sectorielle

ont permis d’Cvaluer la situation existante, rCsumCe par le


Graphique 3,suivant laquelle la promotion inteme poumoit la
moitiC des postes de cadres et environ le tiers des emplois de
maîtrise.
Pour les projections, deux hypothbes ont CtC envisagdes :
suivant l’une d’entre elles, les emplois de maîtrise et de cadres
seraient pourvus h concurrence de 30 pour cent par la promotion
inteme ; l’autre hypothèse portait ce chiffre B 50 pour cent. On
peut faire valoir dans la premihe hypolh2se un dCsir de
relbement du niveau de formation en recrutant davantage h
I’extCrieur des jeunes mieux formCs. A l’inverse, un certain
ralentissement de la croissance diminuerait les besoins de
recrutement exteme.
Ayant ainsi estime les recrutements en provenance du syst6me
de formation,il restait h savoir B quel niveau ils auraient lieu. Ici
encore,on disposait d’indications foumies par les entreprises,de
caractere plut& qualitatif. Leur pratique rCcente ayant consistC h
recruter h des niveaux beaucoup plus ClevCs que par le passe,on
a fait l’hypothèse d’une stabilisation h ce niveau (alors que, sur
une longue @riode, une hypoth6se d’6lCvation aurait CtC logique).
Quatre niveaux ont CtC considCrCs : infkrieur au baccalaureat
(dipl6me de fin d’Ctudessecondaires) ; baccalaurCat ; baccalaurCat
plus deux ans ; et enseignement supCrieur long. L’estimation des
recrutements h ces diffdrents niveaux et en fonction des
hypoth2ses prCcCdentes figure au Graphique 3.
Ces dsultats ont CtC prksentds au ComitC de pilotage de
I’Ctude,lors d’un stade intermkdiairede celle-ci.Certains membres
du comitC auraient souhait6 que l’exercice soit poussC plus loin,
pour que les estimations de besoins de recrutement soient
confrontees h celles qui conccmaient les sorties du syst6me de
formation. On entrait alors dans le schCma de l’adkquation
formation-emploi,tel qu’il a CtC prCsentC au dCbut de la première
partie.

77
Planifkation des ressources humaines :
méthodes, expt!riences. pratiques
78
Un exemple d‘ktude sectorielle

L’Ctude a en fait constituC une bonne illustration de


I’impossibilitC de concretiser ce schCma, et ce pour plusieurs
raisons :
les flux de recrutement, tels qu’ils ont CtC analysCs, peuvent
difficilement &re considCrCs comme une estimation intangible
et objective des besoins des entreprises. Ils sont largement
conditionnCs par les choix de celles-cien matitxe de politique
de mobilitC et de recrutement ;
aucun dipl6me ne prCparant spkcifiquement aux emplois du
secteur de la grande dislribution, on voit mal quels flux de
sortants auraient pu êtrc confrontCs aux estimations de flux de
recrutement :les sortants des formations commercialespeuvent
aussi bien s’orienter vcrs d’autres secteurs que celui de la
grande distribution ;
de toute manih-e,1’Educationnationale n’dtablit elle-mêmede
projections que pour les sorties par grand groupe de formation.
mais pas pour des spCcialitCs particulieres (ce qui est en
relation avec la dClCgation accrue de responsabilitk laisde aux
autoritCs rdgionales avec la ddcentralisation). A fortiori,pour le
nombre important de formations relevant du secteur privC, il
n’existe pas de prCvisions.
Cela dit, ces projections ont foumi des ordres de grandeur
susceptibles d’intkresser h la fois les responsables de 1’Cducation
et du secteur et constituent une base de rdflexion ou d’analyses
plus approfondies.
4.La prospective de l’évolution structurelle et des
qualifications
Se situant dans une @riode relativement courte,les projections de
I’activitC,de l’emploiet des recrutements Ctaient essentiellement
fondees sur une extrapolation des tendances observCes. Aussi la
question s’est-elleposCe de savoir s’ilne fallait pas envisager un
inflkchissementou une remise en question de ces tendances, qui
pourrait avoir des effets indirects sur les problkmes CtudiCs.
Par ailleurs, les Cldments faisant objet de projections se
limitent aux aspects purement quantitatifs,alors que l’objectif de

79
Planijication des ressources humaines :
dttwdes. expkriences,pratiques

1’Ctude couvrait Cgalement les aspects qualitatifs :Cvolution de la


nature des emplois et des besoins de formation correspondants.
C’est pourquoi, paralMement aux travaux sur les projections,
un autre travail a Ct6 conduit, qui s’apparente plutdt A la
prospective. Il consiste a analyser les differents facteurs
susceptibles d’influer sur la structure et sur 1’activitC du secteur,
ainsi que sur les qualifications et les caracteristiques de la main-
d’œuvre, pour en ddduire des scCnarios d’Cvolution possibles. Ces
scCnarios ont un caractkre purement qualitatif et ne s’inscrivent
pas dans un horizon temporel dCfini.

Trois facteurs d‘évolution


C e sont le contexte socio-demographique,les donnCes techniques
et les dOM6eS Cconomiques.
Les données socio-démographiques susceptibles d’influer sur
1’Cvolution du commerce sont :le vieillissement de la population,
la dduction de la taille des mCnages, 1’Cvolution et la
diversification des styles de vie et les progr& de l’urbanisation.
Tous ces ClCments peuvent affecter les modes de consommation
et les types de structure commerciale.
L’analyse des modifications que peuvent apporter les
changements technologiques a CtC plus poussCe, bien que leur
impact soit moins dCcisif que dans l’industrie. Elle s’est surtout
fondCe sur des entretiens avec les responsables de l’informatique,
qui ont dCcrit les demi2res avancees dans l’utilisation de cette
technique et envisagC leurs consCquences possibles. On a pu se
rCfCrer Cgalement aux Ctudes disponibles, A l’avis d’experts, ainsi
qu’A l’observation des pratiques des entreprises d’autres pays, et
notamment aux Etats-Unis.
Cette analyse a surtout mis en valeur les effets indirects de la
diffusion de l’informatique sur les diffkrents aspects de la gestion.
Les conclusions de cette analyse sont rCsumCes dans le Tableau 1.

80
Un exemple & & d e sectorielle

Tableau 1. Secteur de la grande distribution :


l’impact des techniques

Innovation Concernés
Nouvclles techniques
de l’information Fournisseurs l Entreprise Clients
Extension de I’informatique
Lecture optique
Micro-informatiquebureautique

Télématique
MonCtique

Automatisation industrielle Automatisation


des entrep6ts
Autres tech-es
Conservation des produits
alimentaires

Source : CEREQ,en collaboration avec I’ADEP(1990).

L’évolution économique future paraît surtout caractCrisCe par


l’intensification de la concurrence, liCe a un dCbut de saturation
(les grandes surfaces sont installCes partout) et
d’intemationalisation (on assiste I’intCgration d’entreprises de
differents pays, mais aussi l’installation d’entreprises Ctrang6res
en France).
L’Ctude propose deux scCnarios d’Cvolution du secteur, fondCs
sur la confrontation de diffkrents facteurs, dont on a essayC
d’imaginer la dsultante, mais aussi sur les investigations conduites
dans d’autres pays industriels avancCs. Celles-ci ont montrd que
la situation française etait t&s particuli6re par la place dominante
qu’y occupent les tr6s grandes surfaces (hypemarchds) vendant
indiffkremment des produits alimentaires et non alimentaires.
Aussi est-on tente de penser que le commerce français n’a pas

81
Planification des ressources humaines :
mkthodes. exptiences,pratiques

encore atteint le m ê m e niveau de maturite que son homologue


amCriCain, par exemple. Cette observation a influe sur la
description des deux scdnarios :
Le premier suppose la simple extrapolation des tendances
observCes dans le passC : prkdominance toujours accrue des
t&s grandes surfaces et des stratkgies orientees essentiellement
vers le prix le plus bas.
Le scCnario altematif suppose que l’intensification de la
concurrence ainsi que les nouvelles exigences et la
diversification de la clientèle entraîncnt une Cvolution des
structures et des stratCgies allant dans le sens des autres pays
industrialisCs. Cela signifierait une diffkrenciation accrue entre
alimentaire et non-alimentaire,mais aussi entre les stratCgies
orientkes vers les prix, d’une part, et vers la qualit6 et le
service, d’autre part, une spkcialisation plus pousske par
produits, des magasins de moins grande taille et la
diversification des formes de commerce.
C e second scCnario est apparu comme le plus probable, mais
sa concrCtisation dCpcndra de 1’Cvolution des comportements des
consommateurs et des politiques d’entreprise.C’est celui dont les
incidences ont CtC le plus Ctudikes, principalement en ce qui
conceme la qualification et la formation.
Conséquences pour la qualification
Ces consCquences doivent être examinees de deux manieres :il
faut d’abord s’interroger sur l’kvolution du poids respectif des
diffCrents types d’emploisou groupes professionnels. A difaut de
pouvoir chiffrer leurs effectifs, il faut au moins avoir une
indication sur les tendances d’Cvolution.Ensuite, il faut Ctudier
comment la nature du travail effectue par chacun de ces groupes
d’emploiset les comp6tences correspondantes pourraient Cvoluer.
Dans l’analyse de ces Cvolutions, il est apparu que certaines
tendances resultaient tri% vraisemblablement de la combinaison
des facteurs de changement. En revanche, d’autres Cvolutions
dkpendraicnt des choix que feraient les entreprises en matiere
d’organisation.Par conskqucnt,il faudrait à nouveau envisager des
scdnarios, et non pas une seule hypothèse d’kvolution.

82
Un exemple d’étude sectorielle

Les tendances lourdes, dont la plupart sont communes au


commerce et a d’autres secteurs d’activite. sont les suivantes :
A l’heure actuelle,la plupart des grandes entreprises de type
hypermarchk ont des services centraux trks reduits,ce qui est
coherent avec la forte decentralisation des responsabilites au
profit des magasins. Mais l’intensification de la concurrence,
la necessite d’une gestion et d’une commercialisation de plus
en plus sophistiquees pourraient entraîner un renforcement de
ces services. O n aura sans doute besoin de plus en plus de
techniciens specialises en matiere de marketing, de logistique
et de gestion des ressources humaines ou de formation.
L’automatisation, l’informatisation et la rationalisation des
organisations ont genkralemcnt pour effet d’entraîner une
diminution des tAches simples et repdtitives,donc des emplois
les moins qualifies.
Cette tendance affectera sans doute notamment les operations
administratives courantes (facturation, vkrification,
comptabilisation simple), du fait de l’informatisation et de la
communication directe entre ordinateurs.
Intensification de la concurrence et amelioration du service
devraient donner plus d’importance a la fonction commerciale,
et notamment A tout ce qui est vente, accueil et conseil A la
clientkle.
Les nouvelles techniques alimentaires et la rationalisation
conduisent h reduire la part de transformationdes magasins au
profit des usines de fabrication. Il faudra donc moins
d’ouvriersqualifies de l’alimentation dans les magasins.
Contrairement h ce que pourraient laisser prksager les medias,
il existe peu de metiers nouveaux. Il faut plutôt parler de
transfonation des metiers existants. Cependant, quelques
profils nouveaux peuvent apparaître, tels que celui des
animateurs de micro-informatique,charges de coordonner le
developpement de la micro-informatique.
Au-dela de ces tendances nedrales, il devient difficile de
prkvoir l’evolution des qualifications, dans la mesure où elle
dkpend des choix d’organisation opCres par les entreprises elles-
memes. Ce qu’il est possible de faire, c’est d’idcntifier les

83
Planifïïation des ressources humaines :
méthodes, expériences,pratiques

alternatives et d’en montrer les consdquences probables. On reste


ainsi dans la logique des scenarios.
Le premier choix porte sur la centralisation ou la
decentralisation. En faveur de la première, on peut citer la
rationalisation des achats et de la gestion, ainsi que la necessite
d’harmoniserl’imagede l’entreprisedans ses diff6rents magasins.
Cette logique conduirait A diminuer les responsabilitks de
l’encadrementdes magasins dans certains domaines (par exemple,
en mati5re d’achats), pour concentrer leur activite sur d’autres
(par exemple, la gestion du personnel). Le maintien de la
decentralisation (la où elle existe) peut en revanche être justifie
par la necessite de motiver l’encadrement en lui laissant une large
gamme de responsabilites.
Dans la plupart des secteurs industriels, on assiste souvent 2
une simplification de la ligne hiCrarchique et A une reduction
-au moins relative-des effectifs d’agentsde maîtrise. Dans le
grand commerce, ceux-ci ont d6jA une charge de travail
extrêmement lourde. Il serait logique de rationaliser pour alldger
cette charge. Mais est-ce que cela permettra de rCduire les
effectifs ? O n peut en douter.
Une autre particulante du grand commerce est l’usage qu’il fait
d’un personnel prête par ses foumisseurs pour exCcuter diffkrents
travaux dans les magasins. C’estun moyen d’economiserles coûts
de main-d’œuvre,mais c’est en contradiction avec l’intention
frequemment annoncee de renforcer l’imagede l’entreprisevis-A-
vis de sa clientèle et de son personnel.
Enfin,une fois que l’ona souligne la tendance au renforcement
de la fonction commerciale, il reste A definir quels sont les
emplois qui seront concemks. Les caissières (mais ont-elles le
temps et la qualification ?), les employCs de libre-service(mais ce
ne serait plus du libre-service), des hôtesses d’accueil ?
A ce stade,il faut passer d’une approche globale A une analyse
plus dCtaillCe concemant les principaux types d’emplois. Ainsi,
pour les employks, l’analyse a fait apparaître que 1’Cvolution de
leurs competencesdependraitdes choix d’organisation qui seraient
faits par les entreprises. Quatre possibilites ont CtC envisagees :
la premi5re verrait un dCveloppement de la polyvalence,
notamment entre travail A la caisse et dans les rayons,et aussi

84
U n exemple d’étudesectorielle

entre diffkrents rayons alimentaires, ce qui impliquerait une


extension du domaine de travail,mais pas d’C1kvation vkritable
de la qualification ;
la seconde possibilitC correspondrait au contraire h une
spCcialisation accrue,mais il un professionnalisme plus grand,
aussi bien pour les employCs des rayons, il qui seraient
dClkguCes un peu plus de responsabilitks, que pour les
vendeurs ;
la troisi6me CventualitC consisterait B crkcr ou il dkvelopper des
emplois de qualification intermediaire,qui concentreraient ces
competences et qui constitueraient un Cchelon permettant des
Cvolutions professionnelles. Mais, dans ce cas, les autres
employks continueraient B n’avoirqu’un travail tri3 faiblement
qualifie ;
enfin, reste la possibilitk que l’organisationdu travail ne soit
pas modifike, ce qui serait cohdrent avec le premier scknario
mettant l’accent sur le prix et n’exigeant qu’un encadrement
aualifik.
MalgrC les incertitudes dCcoulant de ces choix, il est possible
d’knoncerquelques g6nkralites sur les compktences B dkvelopper :
Pour l’encadrement des magasins, les Cvolutions probables
impliquent une priorite aux compktences en matière de gestion
et animation du personnel, tcchniques de recrutement et
d’entretien, formation, Vient ensuite la gestion : capacitk
d’organiser et de gkrer le temps, optimalisation des flux de
marchandises, bases de la gestion financiere.Le renforcement
des techniques specifiques en matière de marketing et de vente
paraît Cgalement souhaitable. Enfin, la gCndralisation de
l’informatique,et surtout de la micro-informatique,nkcessite
non pas une compdtence en informatique il proprement parler,
mais une capacitk d’utiliser matkriels et logiciels, de
comprendre leurs possibilith et leurs limites et de dialoguer
avec les spkcialistes.
Pour les employds,il paraît nkcessaire d’ameliorerles capacitCs
de base telles que l’expression Ccrite et orale,ou la &solution
de probl6me. ce qui conditionne tout le reste. L’utilisationde
l’informatiquene suppose pas une compktence spCcifique,mais
une comprkhension des circuits d’information,ce qui va au-

85
Planification des ressources humaines :
méthodes, erpdriences. pratiques

delh de la pratique des manipulations. Cela devrait aller de pair


avec une meilleure comprkhension, de la part de l’ensemble du
personnel, des bases de la gestion de l’entreprise.
A ces comp6tences gCnCriques s’ajoutent des comp6tences plus
sp&ifiques pour certaines catCgories de personnel, que l’on peut
traduire en termes de formation.
5. L e s orientations et propositions
Les orientations dkcoulant de cette analyse ont port6 sur trois
aspects :la formation initiale, la formation continue et la gestion
de la main-d’aeuvre.
L a formation initiale
Cette Ctude, entreprise h l’initiative des organisations
professionnelles et de l’organisme public chargk de la formation
professionnelle, mais non du Ministère de l’Education,est arrivke
d’une certaine mani2re trop tard par rapport il celui-ci.E n effet, il
avait entrepris peu avant, en collaboration avec les organisations
professionnelles,un important travail de rknovation des dipl6mes
de l’enseignement technique et professionnel. Dans ce domaine,
l’ktude a donc surtout confirmk la validitk des ddcisions d6jh
prises et souhait6 que les entreprises en tiennent compte par un
meilleur Cquilibre de leurs recrutements entre diffkrents niveaux
de formation.
En ce qui conceme l’encadrement supdrieur, 1’Ctude a conclu
qu’il n’y avait pas lieu de cder de formations nouvelles et
sNcifiques, les Ccoles supkrieures de commerce foumissant les
bases nkcessaires. L e probli?me est plut6t que les dipl6mks de ces
Ccoles ne veulent pas s’orienter dans le secteur de la grande
distribution, principalement en raison des conditions de travail
difficiles dans les magasins et surtout des horaires prolongCs
(samedi). L a mauvaise image du secteur commercial aupr2s des
jeunes est d’ailleurs un problEme intemational. C’est aux
entreprises elles-mêmes qu’il revient de rendre leurs emplois plus
attractifs.

86
U n exemple d‘érude sectorielle

L a foimation continue
Dans ce domaine,les principales suggestions ont port6 sur :
le r61e de l’encadrement dans la formation des employCs, qui
exige une compCtence pedagogique ;
la nCcessitC de mieux accueillir et de mieux suivre les
stagiaires dans la partie pratique de leur formation ;
le caractère global et systkmatique des programmes de
formation,qui devraient s’adresser l’ensembledu personnel,
correspondre systkmatiquement aux Ctapes de 1’Cvolution
professionnelle, et dont les diffdrents ClCments devraient être
articules ;
la nCcessitC d’accroître les efforts de formation,celle-ciCtant
un investissement rentable pour les enlreprises.
L a gestion de la main-d’auvre
L’objet de 1’Ctude Ctait la formation,et les auteurs n’&aient pas
supposCs se preoccuper de la gestion de la main-d’œuvre.Mais
toute l’analysea montrd que ces deux aspects sont indissociables :
quelle serait l’utilitCde former des employCs instables,dCmotivCs
et inquiets pour l’avenir ? Comment separer le problème des
dipldmes de celui de l’attraction du secteur, des conditions de
recrutement et des perspectives de carrikre ?
Or, il est apparu que les modes de gestion frequemment
pratiquCs par les entreprises du secteur, fondCs sur la
dCqualification du personnel,la prCcaritC de son statut et une forte
mobilitC, Ctaient difficilement compatibles avec les nouvelles
exigences de service,de qualit6 et de compttcnce.Le problkme de
la formation doit donc Ctre posC dans le cadre global d’une
cohkrence des politiques de ressources humaines.
6.Portée et limites
Le secteur de la grande distribution modeme est assez spbcifique,
car il occupe peu de main-d’œuvrequalifike et offre un Cventail
rCduit d’emploisexigeant une formation profcssionnelle.L a portCe
de l’exemple est limitCe aussi dans la mesure où l’etude n’a pas

87
Planijïïation des ressources humaines :
mdthodes, expdriences, pratiques

debouch6 sur de nouvelles orientations en matiere de formation


initiale. Celles-ci etaient dkj8 prises pour une bonne part. Cela
confirme que,dans la kalite,les choses ne se passent pas toujours
comme dans un schCma ideal de planification, qui voudrait
qu’etudeset previsions precedent les decisions et soient suivies de
realisations conformes aux recommandations.
Cet exemple illustre bien, toutefois, la portee et les limites
d’une demarche de planification. On voit qu’elle ne peut repondre
A ce qui constitue frequemment une demande des decideurs :des
prkvisions chiffrees des besoins de formation, mis en regard des
sorties previsibles, suivant un schema d’adequation.E n revanche,
il doit constituer un sujet de reflexion,en analysant les facteurs
d’evolution,en montrant que pour une part cette evolution depend
des acteurs eux-memeset en indiquant les consequences possibles
de leurs choix.
L a valeur m6thodologique de l’exemple tient egalement au
caractere global de la demarche adoptee. Elle montre bien les
interrelations entre, d’une part, les problemes de qualification et
de formation et,d’autrepart,la mobilite et les conditions d’emploi
de la main-d’œuvre.D e plus, 1’Ctude s’efforce de se situer i? la
fois au niveau de l’economie dans son ensemble, du secteur du
commerce en particulier, des entreprises et des principaux postes
de travail : autrement dit, elle passe du niveau macro au niveau
micro, et reciproquement.C e faisant,elle se situe 8 la fois dans
une perspective quantitative et qualitative. Ni l’une ni l’autre,
separement, ne peut Cue suffisante : la dimension quantitative
seule n’aurait donne qu’une vision abstraite des problemes et
aurait et6 d’autant plus pauvre que les donnees de base etaient
fragiles et incompletes. La dCmarche qualitative seule n’auraitpas
donne une idee suffisante de la dimension des problemes et aurait
pose des questions de representativite si l’on s’&ait limite 8
quelques etudes de cas.
C e caractere global de la demarche rencontre cependant une
limite. En effet, comme il a dCj8 et6 souligne, une approche
sectoriellene peut traiter valablement que des problemes posCs par
la formation & des emplois specifiques et & des qualifications
faibles ou intermediaires. La question des qualifications non
specifiques (par exemple,le personnel de l’entretienmecanique ou

88
Un exemple d’ktude sectorielle

des biitiments, ou de la comptabilite), et surtout celle des cadres


superieurs, notamment de gestion, ne peut etre trait& que de
manihe intersectorielle.

89
VI. L’analyse qualitative des contenus de travail et
de formation

Les analyses precedentes se sont plades uniquement sur un plan


quantitatif : effectifs h former par niveau et type de formation,
insertiondes sortants.Lorsqu’il s’agitde formation professionnelle
initiale et continue, il est tout aussi necessaire de definir les
objectifs de la formation en termes de contenus, suivant une
approchequi est cette fois-cipurement qualitative. Nous passerons
en revue les notions essentielles avant d’evoquer quelques
expt?riences nationales.
1. Quatre étapes dans l’analyse des contenus de travail et
de formation
On a pu distinguer quatre Ctapes dans la mise en oeuvre de cette
approche, correspondant a un progr2s des reflexions dans ce
domaine (Lantier et Colardyn, 1982).
(a) La premih-e Ctape consiste h ddterminer les contenus de
formation d’aprèsl’autoritd des experts,ou simplement d’apr6sla
tradition, sans se prCoccuper d’un lien direct avec le monde du
travail.Le risque est Cvidemment que les formations ainsi definies
soient très CloignCes de la nature du travail qui sera exerce par les
bCneficiaires de la formation, et ce pour plusieurs raisons : le
travail Cvolue constamment ; les experts n’en ont qu’une vision
partielle (ils ne connaissent peut-être qu’une entreprise,alors que
la realite est tr2s diverse) ; l’cxpertiseest souvent la transposition
d’C1Cments acquis dans un autre contexte. C’est le cas, par
exemple,lorsque des experts Ctrangers reproduisent des schtmas
de formation venant de leur pays d’origine dans des pays en

90
L’analyse qualitative des contenus de travail et de formafion

dkveloppement où la technologie,les conditions de production et


l’organisation du travail sont differentes.
(b) La prise en compte de l’activite professionnelle apparaît
donc comme necessaire. Pour ce faire, on peut se limiter B
l’interrogation de responsables d’entreprises pour leur demander
quelles sont les compCtences necessaires pour occuper un emploi.
Mais il faut Ctre conscient du fait qu’ils n’ont pas toujours une
connaissance concrète du travail effectif de leurs employCs et
qu’ils risquent de ne pas Ctre objectifs et d’exagCrer les exigences
de la fonction.
Une demarche apparemment plus rigoureuseconsiste B analyser
des postes de travail pour decomposer les activitCs qu’ils
comportent, puis en dCduire les competences necessaires B leur
titulaire et les programmes de formationqui permettront d’acquCrir
ces compCtences. C’est cette dbmarche qui a CtC adopt6e en
AlgCrie au dCbut des annCes 70,lorsque l’on a crt?C des instituts
de technologie, visant B rdpondre de manière immCdiate et
concrète B des besoins urgents de 1’Cconomie.
Cette demarche se heurte B plusieurs difficultCs.Tout d’abord,
elle suppose que l’on soit capable de traduire les contenus
d’activite professionnelle en termes de connaissances,de savoir-
faire et de comportements. Cela exige une collaboration entre
analystes du travail et psychopt2dagogues. Mais ceux-ci sont
confrontCs au fait que l’on connaît mal les mecanismes mentaux
par lesquels un individu mobilise ses capacites et met en jeu ses
acquis pour effectuer une tSlche donnCe.
D e plus, B moins qu’il ne s’agisse de formations continues
rkpondant B des objectifs très specifiques,une demarche centrde
sur le poste de travail rencontre les objections dejja CnoncCes B
propos de l’approcheadCquationniste :une formation ne dCbouche
pas sur un seul emploi, el un emploi est accessible B partir de
plusieurs formations. A plus forte raison si l’on tient compte du
fait que les postes de travail Cvoluent de plus en plus rapidement
et que la formation doit dCsormais moins viser un emploi prCcis
qu’une vie professionnelle,qui exigera de plus en plus de capacitC
3 evoluer et B Ctre mobile.
(c) Ces considCrations peuvent conduire B une troisikme Ctape.
Celle-ci consiste B dCfinir les objectifs de formation non plus en

91
Planification des ressources humaines :
dthodes. expkriences,pratiques

fonction d’un emploi particulier et d’une compCtence spCcifique,


mais d’un groupe d’emplois ou d’une activite polyvalente.
Une telle ddmarche peut notamment conduire 2 chercher h
identifierdes familles professionnelles,ou groupes professionnels.
On peut envisager de les constituer de trois manihres. La première
consiste 2 regrouper des situations de travail homoghnes du point
de vue de leur insertion dans le syst6me productif (service ou
fonction d’une entreprise). Mais ces activitds risquent d’être
hCtCrog2nes du point de vue du contenu de travail et des
competences.
L a deuxihme demarche consiste h partir de l’analyse des
contenus de travail pour regrouper ceux qui sont communs h
diffdrentes situations professionnelles,m ê m e s’ils se situent dans
des secteurs et des entreprises trhs differents. La troisième
demarche consiste h observer les itinkraires professionnels des
individus et h regrouper les activitCs successives qu’un m ê m e
individu est susceptible d’occuperh partir d’uneformation donnCe.
Obeissant h des logiques diffdrentes, ces demarches sont
susceptibles d’aboutir h des r6sultals diffkrents,car,dans la redit&
la mobilitC professionnelle est determinCe autant par des
considCrations de salaire,d’opportuniteou de conditions de travail
que par une proXimit6 des contenus d’emploi.Dans le premier cas,
on prend davantage en considdration la mobilitC entre entreprises
sur un m ê m e type d’emploi ; dans le second cas, on privilCgie
1’CventualitCd’une mobilitk entre diff6rents types d’emplois au
sein de la m ê m e entreprise. Ce demier cas est plus fr6quent au
Japon,alors que le premier prkdomine dans les pays occidentaux.
Ces demarches orientkes vers la polyvalence sont mieux
adaptCes que les preckdentes, dans la mesure où elles
correspondent davantage aux tendances recentes de l’organisation
du travail et ddbouchent sur des formations moins Ctroites. Il
subsiste neanmoins des problEmes,d’abord dans la mesure oh la
polyvalence implique une connaissance au moins approximative
des diffkrentes situations professionnelles auxquelles un individu
est susceptible d’être confront6 h l’avenir. Or,celui-ci apparait
comme de plus en plus changeant et de plus en plus incertain.
D’autre part, il est clair qu’une trop grande extension du champ

92
L‘an~lysequalitative des contenus de travail et de formation

de la formation risque d’entraîner une dispersion et une dilution


des connaissances et des comp6tences.
(d) C’est ii partir de cette analyse qu’un certain nombre de
formateurs donnent la pr6fCrence 2 la trunsférubi2ité des
compétences sur la formation ii la polyvalence. Cette approche
consiste ii former l’individu pour le prCparer h un type d’activid
professionnelle spdcifique et concret, mais en lui donnant les
61Cments qui lui permettront de transfdrer lui-même ses acquis
dans un contexte ou dans une technologie diffkrents. En
mdcanique, par exemple, on ne pourra donner une formation a
l’utilisation de tous les types d’usinageet de machine-outil,mais
on cherchera ii faire en sorte que la formation donnee sur une
machine puisse facilement s’adapter a une autre.D e même, dans
le domaine bancaire, on ne peut exiger d’un ddbutant qu’il
connaisse les tr&s nombreux produits que propose aujourd’hui une
banque ; mais on peut lui faire comprendre les principes de base
qui prdsident ii la conception de ces produits et qui lui permettront
d’acquCrirfacilement la connaissance de chacun d’entre eux.
2.L’analyse du travail : trois approches
L a plupart des methodes d’analyse du travail visent en premier
lieu la dktermination du salaire, en Ctablissant les crith-es a
prendre en compte et en donnant un poids 2 chacun d’eux :
ce sont les methodes de <<jobevaluatiom. Mais l’analyse du
travail peut aussi viser d’autres objectifs : gestion de la main-
d’œuvre et organisation du travail au sein de l’entreprise,Ctude
des conditions de travail (ergonomie), orientation professionnelle
et formation.L a mCthodologie diffère suivant les objectifs,car les
informations recherchees ne sont pas les mêmes.
On donnera ici trois exemples de methodes orientees vers la
formation,empruntCs 2 la France,a un groupe de travail europ6en
et au Royaume-Uni.

93
Planification des ressources humaines :
mkthodes, expdriences, pratiques

L’expérience française :le Répertoire français des emplois


et ses suites”
Au debut des annees 70,la France a eprouve le besoin de se doter
d’instruments pour ameliorer la connaissance de la relation
formation-emploi et perfectionner ainsi son systeme de
planification. C’est ainsi qu’il a et6 decide de constituer un
Repertoire des emplois, analyse et description systematique de
toutes les activitesprofessionnelles et des conditions d’acces il ces
activites. Le Repertoire devait rkpondre à la fois aux besoins de
l’orientation et du placement professionnel,à ceux des formateurs
et à la demande des statisticiens,en vue de la refonte de la
classification des emplois.
Realisk par le CEREQ avec le concours de ses centres associds
et de l’Agencenationale pour l’emploi,le Repertoire français des
emplois a representt? un travail considerable,commence en 1974
et acheve en 1981 seulement. C e travail a consiste à observer
10 O00 situations de travail, puis à regrouper ces informations
pour decrire environ 800 situations caracteristiques ou emplois
types.
L’analyse de l’activite a porte d’une part sur la nature des
tâches effectuees, d’autre part sur les conditions d’exercice de
l’activitk(temps, phibilitd,etc). Par ailleurs,des informations ont
et6 recueillies sur le profil des titulaires des emplois (formation,
exgrience) et sur le profil de titulaires d’emplois similaires,ainsi
que sur le profil souhaite en cas de recrutement.
L’analyse des tâches a et15 effectuee par reference aux ClCments
suivants :
la fonction exercee (ou participation aux grands objectifs de
l’entreprise ou organisation : production, commercialisation,
gestion,etc.) ;
le processus de production de biens ou services dans lequel
s’insere l’activite,et qui se definit notamment par reference à
des technologies ;

10.Cf.Bertrand (1986); Mandon (1990).

94
L‘analyse qualitative des contenus de travail et de formcrtion

la nature des relations entretenues avec des Cquipements, des


documents et des personnes ;
le dege de responsabilitk et d’autonomie dont jouit le titulaire
de l’emploi, par rkference aux instructions qu’il reçoit, aux
contr$les qu’il subit, aux consCquences de ses erreurs
Cventuelles et h ses relations hikrarchiques ou fonctionnelles
avec d’autres.
C e sont Cgalement ces elkments, ainsi que l’identification des
domaines de spdcialisation, qui ont servi 2 regrouper les
observations pour definir des emplois types. L’emploi type
regroupe les situations de travail individuelles dont les
caractkristiques sont suffisamment communes pour pouvoir être
occup6es par un m ê m e individu. Cette communaute d’activitesest
supposCe impliquer des capacites tcchniques et professionnelles
Cgalement communes. Cette approche devait permettre de faire du
RCpertoire un outil pour l’orientation,le placement et la formation.
Pour rendre cet outil plus operationnel,on a Clabore ultCrieurement
deux cartes des emplois permettant de visualiser les emplois types
dCcrits, classCs par fonction et par categorie professionnelle
(employC, ouvrier, technicien,agent de maîtrise, cadre).
L’expCrience a montre que le RCpertoirc n’avait pas pleinement
atteint ses objectifs en matikre d’orientation ct de placement,qui
exigent des instruments d’informationplus simples et plus faciles
d’utilisation. En revanche, il s’est rCvClC trEs utile comme
rCfCrentie1 pour 1’Ctude des besoins de formation -surtout
continue -et de gestion de l’emploi et des qualifications par les
entreprises.
Il apparaît aujourd’hui que si l’informationconsiderable ainsi
recueillie et prCsentCe de mani6re systkmatique a une grande
valeur, la dCmarche rencontre deux limitations :
elle est centrCe sur des postes de travail individuels et risque de
donner une image trop rigide et trop limitative de l’emploi,
alors que la tendance est au dCvcloppement du travail en
Cquipe et une organisation du travail souple et variable ;
elle est trop statique et ne donne aucune indication sur les
Cvolutions, d’autant plus que l’actualisation pCriodique du
Repertoire qui avait CtC prhue n’a pu se rkaliser.

95
Planifcation des ressources humaines :
mkthodes. erpdriences,pratiques

L a notion d’emploi type a CtC reprise avec des variantes par


diffCrents organismes qui ont rCalisC de nombreux travaux de
gestion prhisionnelle de l’emploi et de conseil a la formation.
Alors que le RCpertoire français des emplois se situait
essentiellement dans une optique publique et visait surtout
l’orientation et le placement, ces travaux s’adressent aux
entreprises et visent h rCpondre A leurs besoins de gestion
pdvisionnelle des ressources humaines. Dans un contexte
d’evolution rapide,les entreprises Cprouvent en effet la nCcessitC
de mieux prCvoir 1’Cvolution de l’emploi et des qualifications et
de pratiquer des politiques de recrutement, de carrière et de
formation appropriCes.
C’est dans cette perspective qu’a CtC dCveloppde, au sein du
CEREQ,la notion d’emploi type CtudiCe dans sa dynamique
(ETED).Celle-ci doit permettre d’apprehender l’emploi dans sa
perspective Cvolutive et dans ses exigences humaines,en montrant
les liens entre caractCristiquesdes emplois et des individus qui les
occupent (Mandon, 1990).
L’analyse des advitCs vise 2 identifier les competences,
entendues comme le savoir-mobiliserses connaissances,capacitCs
et qualites pour faire face 2 un problème donne. Elle cherche h
dCcrire :
les attributions (A partir de la question :il/elle fait quoi) ?
les demarches qu’impliquent ces attributions, A partir de la
question :pour remplir ces attributions,il/elle tient compte de
quoi ? et avec quelle finalit6 ? Ces questions conduisent h
mettre en Cvidence plusieurs dimensionsde l’activitC,telles que
la technicitd (domaine travailld, outils mis en œuvre, règles
techniques ou procedures A respecter) ; le rCseau de relations
dans lequel s’insère l’activitk (quels interlocuteurs,pour quels
objets : encadrement, collaboration, communication ?) ; la
contribution aux performances de l’entreprise ou de 1’Cquipe ;
les savoirs mobilises, qui se ddcomposent en savoirs
(ou connaissances et disciplines de base) ; savoir-faire ou
capacitCs liCes A la pratique professionnelle ; et savoir-êtreou
comportementsvis-&vis des autres et qualitCs correspondantes.
La methode met l’accent sur le fait que les contours des
emplois types ainsi ddfinis ne sont pas rigides,mais comportent

96
L’analyse qualitative des contenus de travail et de formation

un ClCment de variabilid suivant l’environnementet d’ClasticitC


suivant la personne qui occupe l’emploi.
Le projet Eurotecnel
Le programme Eurotecnet de la Communaute europ6enne porte
sur 1’Ctude des innovations technologiques et de leurs incidences
pour la formation, principalement la formation continue
(Eurotecnet, 1990). Il a mis en relief la nCcessitC d’une methode
permettantde suivrel’kvolutiondes profils professionnelsresultant
particuli2rement des progrEs technologiques.Un groupe de travail
composC d’une equipe française (Racine) et d’une Cquipe
derlandaise (CIBB, institut dont les travaux se rapprochent du
RCpertoire français) a propos6 une mCthode qui comporte une
Ctape d’analyse du travail et une Ctape prospective.
C e manuel sugghre de proceder l’analyse du travail en
constituant des groupes dc 5 a 10 personnes, animes par un
spkcialiste. Ces groupes doivent être composes de prdfdrence de
praticiens et a dCfaut de responsables hierarchiques et/ou
d’experts.Pour chaque typ de travail CtudiC,les membres de ces
groupes sont pries de foumir des informations sur :les produits
r6alisCs, les technologies mises en œuvre, les conditions
techniques et hierarchiques de declenchement du travail, les
proCCdures de production, les matCriaux utilises, l’outillage et les
machines, les normes et crit&res de performance, les relations
fonctionnelles avec d’autrespersonnes,la situation hiCrarchique et
les conditions de travail.
L’information ainsi rCunie doit ensuite être rCorganisCe,pour
qu’elle soit plus comprkhensible et pour pouvoir servir de base a
la recherche d’informations complkmentaires. Une premikre
distinction est Ctablie entre les informations relatives ce en quoi
consiste I’activitC professionnelle et celles qui concernent les
conditions d’exercice de cette activitk (lieu, horaires, p6nibilite).
Cela fait, l’organisation des donnees peut suivre plusieurs
demarches :
9 regroupement des activitks par grands objectifs ou par grandes
fonctions (par exemple, production, administration, gestion,
commercialisation) ;

97
Planification des ressources humaines :
méthodes, expériences,pratiques

organisation des donnees par discipline ou par technique mises


en oeuvre pour l’exercice de 1’activitC ;
regroupement suivant le type d’activite intellectuelle ou
physique :par exemple, distinction entre activites cognitives
(intellectuelles), psychomotrices (manuclles) et relationnelles.
Outre la description des tiches,l’activitk professionnelle est
Cgalement analysCe du point de vue du degr6 d’autonomie
(type d’instructions ou de directives reçues, informations
recueillies et transmises,critbcs suivant lesquels sont juges les
rCsultats atteints).
C o m m e on le voit, cette dCmarche est proche de celle utilisCe
pour le RCpertoire des emplois : l’une et l’autre consistent ?I
recueillir des donnees sur les tâches rCalis6es dans l’exerciced’une
activitC professionnelle (metier, profession, emploi type) et 3 en
donner une description moyenne, qui sera ensuite traduite en
ClCments utiles pour la formation. Tout autre est la demarche
britannique.
Le programme britannique d’élaboration des ccvocational
qualifications,,
Soucieux d’apporter un peu plus de clart6 et d’unit6 dans un
système de formation professionnelle entièrement d6centralisC qui
ne comporte pas de dipldmes nationaux, le gouvemement
britannique a rdcemment lance un programme de definition de
qualifications nationales.
Ces qualifications sont definies par lcs organisations
professionnelles patronales,suivant un mod5lc mis au point par le
National Council of Vocational Qualifications, qui suit le
dCroulement du programme.
L a première idCe de ce programme consiste 3 ddfinir des
formations par rCfCrence 3 un objcctif professionnel. Le point de
dCpart consiste donc ndcessairement h analyser l’activitk
professionnelle. Mais cette analyse, comme cela semble être la
tradition dans les travaux britanniques, n’est pas centrCe sur la
mani6re dont les postes de travail ou lcs profcssions, constituCs
par des ensembles de tâchcs sont situes dans le cadre de
l’entreprise et de l’unit6 de travail. Si elle part de la
L’analyse qualitative des contenus de travail et de formation

dCcomposition des Gches,elle se dksinteresse de la manière dont


celles-ci sont regroupees pour constituer des postes de travail. A
partir de la description des tâches, elle vise immediatement li
identifier :
les capacitks necessaires li l’exercice d’une activitC
professionnelle (<<competences>> en anglais) ;
les savoir-faire(<<skills>>)
et les connaissances ((knowledge,,)
qu’impliquent ces capacitts ;
les critères permettant d’dvaluer les capacites (<cperformance
criteria>>).
Cette analyse conduit li dkfinir des modules de compCtence
(mnits of competencen), dont on trouvera un exemple en
Annexe I.

3.L’anticipation des qualifications futures


Compte tenu des delais necessaires pour que toute nouvelle
orientation donnCe au système de formation porte ses fruits,on ne
devrait pas se satisfaire d’une description des qualifications
actuelles,mais plutôt anticiper sur l’avenir.Mais cette prkvision
est aussi difficile et inccrtaine que celle qui conceme la
quantification des effectifs (Eurotccnet, 1990 ; Mandon, 1990).
En effet,lorsque l’onparle de 1’Cvolutiondes qualifications,on
a tendance il penser li un facteur dc changement qui attire
beaucoup l’attention :la technique.Mais le rôle de la technique
n’est pas li lui seul determinant : beaucoup d’autres facteurs
interviennent,comme l’asuggkrk l’exempledu chapitre precedent.
C’est tout un ensemble de consid~rdtionsqui devrait entrer en
ligne de compte pour Cvaluer la nature des futurs besoins en
qualifications.Aucune methode scicntifiquc ne peut apporter de
rCponse simple. Ce ne peut être que le rksultat d’observations
renouvelees periodiquement et visant li idcntifier les principaux
facteurs de changement ct il degager lcs tcndances lourdes qui en
resulteront probablement.
Ces analyses doivcnt, autant que possible, comporter un
recoupement entre les points de vue exprimes par les acteurs
concemCs et les experts. Ces difErcnts points de vue recueillis,il
appartient aux responsables des Ctudes d’en faire la synthhe et de

99
Plonijïïation des ressources humaines :
dthodes. expdriences. praliques

former leur jugement. Ils seront amends B circonscrire l’&entai1


des possibilitds et B montrer que l’avenirn’estpasdéterminé,mais
dtpend pour une bonne part du rôle joué par les acteurs eux-
mêmes, et notamment par les entreprises. Ils seront sans doute
amends aussi A relativiser les besoins de qualification et de
formation et B montrer que ces besoins peuvent Ctre satisfaits de
manière diffdrente suivant les contextes et les politiques
d’entreprise (1’Ctude sectorielle sur le commerce de detail en a
foumi un exemple).
4.La traduction en objectifs et en contenus de formation
Une fois identifides les tâches et activites professionnelles et la
manière dont elles sont susceptibles d’dvoluer, le passage aux
objectifs et contenus de formation pose au moins trois types de
questions :
Le problème que l’on devrait se poser en premier (mais c’est
loin d’être toujours le cas), et qui relkve spCcifiquement d’une
planification des relations formation-emploi,est celui de
savoir comment seront pourvus les emplois correspondant B
l’dvolution des activitCs professionnelles : va-t-onchercher A
faire dvoluer la main-d’aeuvred6jà en place,ou promouvoir,ou
transfdrer celle qui occupe actuellement d’autres emplois, ou
bien recruter des jeunes sortant de formation ? Les
consdquences pour la formation initialc ne sont pas du tout les
mêmes. L’analyse est d’autant plus complexe que, si
l’dvolution des emplois est frdquente, il est rare que des
emplois disparaissent totalement et que des emplois
entièrement nouveaux fassent leur appariLion.
C’est seulement en fonction de ce premier diagnostic que l’on
se posera la question de crder de nouvelles formations ou de
faire evoluer les formations existantcs.Il faudra alors passer (à
moins que cela n’ait CtC fait directement, comme dans le cas
britannique) à une analyse de type psychopddagogique,
consistant à interprdter les dlkments de l’analyse du travail en
termes de capacitds, ou de savoirs,savoir-hireet savoir-être,
ou comportements A ddvelopper.

100
L’analyse qualitative des contenus de travail et de formation

A ce stade, on sera confronte il un problème classique en


mati8re de formation : dans quelle mesure celle-ci doit-elle
viser un objectif professionnel spdcifique ou privilCgier une
formation gCnCrale visant d’abord ti developper les capacitCs
gCnCrales de l’individu ? On reviendra dans un autre chapitre
sur cette question, il laquelle on ne peut apporter de rCponse
gCnCrale, car il faut tenir compte des differences de contexte.
On se bomera ici 8 faire Ctat des expdriences de quelques pays.
En France, l’elaboralion dcs diplômes de formation
professionnelle, dont la responsabilitC incombe exclusivement au
Minist2re de 1’Education nationale. implique une procddure
formalide, qui a CvoluC depuis quelques annees. Y participent
differents services de l’administration,ainsi que les representants
des partenaires sociaux, rhnis au sein de commissions
professionnelles consultatives. Apr2s avoir dCcidC du principe de
I’opportunitC de crder ou de modifier un diplôme, ces
commissions (ou des groupes restreints constitues en leur sein)
ddfinissent d’abord un df6renticl des activitds professionnelles
auxquelles la formation devra preparer. Ce rdfkrentiel est souvent
fond6 sur des descriptions d’emplois types empruntdes au
RCpertoire français des emplois.
Ensuite, avec une participation plus active d’enseignants,le
rCfCrentie1 du diplôme definit les capacitks et les compdtences que
ce diplôme doit preparer. La definition des capacitds tient compte
des dldments et des moyens dont dispose celui qui doit faire ses
preuves et des critères selon lesquels il sera Cvalu6. C’est 18 une
innovation importante qui signifie le passage ti une pedagogie par
objectifs, alors que le syst2me traditionnel se rdfdrait
essentiellement il des connaissances qu’il Fallait avoir acquises et
qui n’avaient pas ndcessairement d’utilitC rdclle (cf. l’exempleen
Annexe ZO.
Dans une demière Ctape, ces rdfdrentiels sont traduits sous
forme d’un règlement du diplome,puis de contenus de formation
et de recommandations pddagogiques. Il faut toutefois souligner
que le passage par la ddfinition d’un profil professionnel
n’empêche pas de donner une grande importance la formation
gCn6rale et au developpement de capacites de rkflexion personnelle
et d’adaptation.

101
Planification des ressources humaines :
méthodes, expériences,pratiques

En Allemagne, il ne s’agit pas seulement de consulter les


partenaires pour avis : les dipl6mes et les programmes de
formationprofessionnelle sont definis d’un commun accord par les
repksentants du patronat et des syndicats, au sein de groupes
animes par l’Institut fkdkral de la formation professionnelle
(BIBB).Celui-ci consulte Cgalement les regions (Ltinder), seules
responsables de la partie scolaire de la formation,tandis que les
entreprises assurent l’essentiel de la formation en apprentissage.
Ces diffkrents modes de concertation ndcessitent de nombreuses
rkunions de differentes commissions et la participation d’experts.
Elles aboutissent B l’elaboration d’un règlement de formation
definissant les matières 8 enseigner et les connaissances et savoir-
faire h dispenser. Les demiers rcglcmcnts adoptes se soucient de
plus en plus de l’integration entre la thCorie et la pratique et de
mettre l’accent sur les qualifications cles. Ils font reference 8 des
capacitCs dont doit pouvoir faire preuvc lc bknkficiaire de la
formation :capacite 8 planifier,8 exCcutcr et contr6ler les tkhes
de façon autonome (Mobus, 1989).
Au Royaume-Uni,pour ce qui conceme les <<nationalvocational
qualifications>>,et compte tenu du mode d’analyseet d’evaluation
qu’elles impliquent, il n’y a pas ventablement de problème de
traduction : les analyses regroupees en modules definissent d6j8
des comp&ences ou capacites B faire quelque chose.L’evaluation
porte precisement sur cette capacite, ct non pas sur des
connaissances et des savoir-faire. Elle est assurke par des
praticiens de la profession plutbt que par des gdagogues.
C’est 18 l’exemple le plus extrême d’une formation et d’une
Cvaluation orientees vers un objectif professionnel concret et
spkcifique. Cette demarche suscite les rkactions critiques de
certains pedagogues considerant qu’elle met trop l’accent sur des
savoir-faireconcrets,mais pas suffisammentsur la comprehension
plus globale et parfois plus abstraite qu’exigel’exerciceintelligent
d’une activite ; elle ne favoriserait pas suffisammentl’adaptabilitk
et ne preparerait pas B l’kvolutionprofessionnelle.Les promoteurs
rkpondent,d’une part,qu’ils raisonnent de plus en plus en termes
de complkmentaritk des modules et de filières qui les articulent
entre eux ; d’autre part, que des travaux sont en cours pour

102
L’analyse qualitative des contenus de travail et de formalion

rapprocher les reflexions sur les programmes scolaires des ecoles


techniques et les modules de qualification professionnelle.
Ces exemples conduisent 5 une observation sur laquelle il est
possible de conclure.On constate que les methodologies d’analyse
tendent se deplacer de l’etude des tâches vers celle des
comp6tences et que les compktences auxquelles s’intiressent les
entreprises dans l’economie moderne ne sont plus les memes.
Desormais, ce sont moins les connaissances et savoir-faire
techniques qui les interessent que les comgtences liees aux
comportements : capacite d’analyse,de dialogue, de travail en
groupe, de creativite, d’adaptabilite, d’autonomie et de
responsabilite. C e sont ces Clements qui sont mis en valeur dans
les travaux qui fleurissent actuellement sur la gestion
previsionnelle des ressources humaines (Bertrand, sous presse).
Cette evolution pose plusieurs problemes. Le premier tient au
fait que si l’analyse du travail et des connaissances techniques
releve de methodologies assez bien identifiees et reconnues, en
revanche, celle qui concerne les nouvelles competences est plus
difficile, car elle porte sur des elkments plus subjectifs et plus
flous. Or,sur le marche du travail, ce sont ces compktences qui
priment.
Dans ce contexte, on peut se demander s’il ne tend pas B se
produire un certain glissement de la responsabilitd du syseme de
formation initiale assurke par les autorites publiques vers les
entreprises,qui auront de plus en plus la maîtrise de la definition
et du developpementdes competences.Le hiatus entre celles-ciet
les institutions de formation risque en outre de s’aggraver. E n
effet, si les demandes des premieres se font plus floues, il est
encore plus difficile d’y rependre, d’autant plus que la plupart des
systkmes scolaires n’ont pas l’habitude de s’attacher au
developpement des comportements aujourd’hui demandes.
Enfin, cette analyse pose une derniere question :celle du lien
entre la planification quantitative, qui a surtout retenu l’attention
dans les premiers chapitres, et la planification qualitative, qui
faisait l’objet du dernier. L’une et l’autre sont necessaires, mais
elles ne sont pas toujours etroitement liees. Cela nous conduit 5
nous intkresser davantage non seulement aux methodes de

103
Planification des ressources humaines :
mdthodes, expdriences,pratiques

planification, mais aussi aux mecanismes institutionnels et aux


conditions concretes suivant lesquels elle se deroule. C’est l’objet
de la dernikre partie.

104
Troisième partie
Les leçons de l’expérience

Le bilan des experiences passees en revue dans la premibe partie


montre que la planification n’est pas une science exacte et
qu’aucune recette ne peut apporter de reponses toutes faites aux
problkmes posCs par la prevision. D e plus, les Ccarts entre
previsions et dalisations ne sont pas seulement dus A
l’insuffisance des methodes, mais plus encore aux difficultCs
rencontdes lorsqu’il s’agit de passer aux realisations.
Quelles conclusions tirer d’un tel constat ? Peut-on se bomer
A la critique, au scepticisme ? C’est la solution de facilite souvent
propos& par les thCoriciens et observateurs exterieurs ; mais les
responsables de la planification et de l’administration de
1’Cducation et de la formation sont, dans la pratique, confrontes B
des probl2mes concrets difficiles qui appellent des solutions.Ils ne
peuvent pas se permettre de ne pas prendre des decisions, en
particulier dans les pays les moins avances, où ces questions se
posent avec une urgence et une difficultkparticulih-es,par manque
de moyens de tous ordres.
Aucune reponse simple ne peut leur Ctre apportCe, car il
n’existe pas de solution universelle, et la planification n’est pas
une technique pure, mais plutdt un art de s’adapter de manihe
pragmatique aux circonstances. Or, celles-ci varient
ConsidCrablement d’un pays 2i l’autre.
A p r h avoir analyse les ClCments qui conditionnent une
planification et surtout le passage des objectifs aux realisations,les
pages qui suivent proposent une demarche, des Ctapes et des
prioritCs.

105
VIL La planification des ressources humaines
aujourd’hui

Les insuffisances de la prkvision ont prête le flanc 2 de faciles


critiques, et 1’idCe de planification peut paraître quelque peu
dCmodCe dans un contexte marque par l’interpretation la plus
liMrale de 1’Cconomie de marche et par la faillite des Cconomies
socialistes 2 planification centralisee.
C e debat necessite d’une part une clarification des concepts et
d’autre part une prise en compte des differences de contexte. Il
importe d’abord de bien distinguer les concepts de projection,
pdvision, prospective et planification.
La confusion entre ces concepts est en effet 2i l’origine de
nombreuses erreurs de prevision et source de malentendus. U n
rappel de dkfinitions simples s’impose (Godet, 1983).
U n e projection est le prolongement dans le futur d’une
Cvolution passke selon certaines hypotheses d’extrapolation ou
d’inflexion de tendances. Une projection ne constitue une
prevision que si elle est assortie d’une probabilite.
U n e prévision est l’apprkciation assortie d’un certain degrk de
confance (probabilite)de l’evolution d’une grandeur 2i un horizon
donne. Il s’agit le plus souvent d’une appreciation chiffrke à partir
des donnees du passe et sous certaines hypothèses.
U n e prospective exploratoire est un panorama des futurs
possibles (futuribles), c’est-&dire des scdnarios non improbables,
compte tenu du poids des determinismes du passe et de la
confrontation des projets d’acteurs, Chaque scenario (ieu
d’hypoth5ses coherent) de la prospective peut faire l’objet d’une
appreciation chiffde, c’est-&dire d’une prevision.

107
Planification des ressources humaines:
méthodes, expériences,pratiques

<<Laplanification consiste li concevoir un futur dCsir-6ainsi que


les moyens dels d’y parvenir.>> Il s’agit donc d’une
prospective nomative. Trop souvent, le piège est classique, on
confond pdvision et planification, en assimilant li une erreur de
pdvision ce qui n’est qu’un kart par rapport li des objectifs.
L e scepticisme ambiant concemant la planification ne doit-il
pas encore davantage affecter les pays en developpement, plus
dkpendantsde l’extkrieuret confrontesli l’insuffisancede donnkes,
au manque de ressources et d’expertise,et davantage conscients
de l’irrkalisme de beaucoup d’experiences anterieures ?
Si la validitk des previsions chiffrkes peut Ctre dixutCe, c’est
li notre avis moins une question de principe que de circonstances,
sur lesquelles on reviendra plus loin.
D e toute manière, si l’on considère, d’une part, que les
decisions prises en matière d’kducalion engagent nkcessairement
un avenir assez eloigne et,d’autrepart, que ces dkcisions ont des
conskquences mu1tiples et complexes, une certaine forme de
planification paraît necessaire.
Planifier ne signifie pas necessairement adopter un système
autoritaire et centralise couvrant l’ensemble de l’activite
Cconomique. Cela peut signifier simplement adopter des priontCs
rationnellcs et prendre des dCcisions cohkrentes qui engagent
l’avenir. C e type de decision est de toute manière indispensable
lorsqu’ils’agit de financer des constructions scolaires,de crCer de
nouvelles filièreset de recruter -bien souvent pour toute une vie
professionnelle - des enseignants. Ces decisions sont aussi
indissociables d’une rkflexion sur ce que pourra Ctre le devenir de
ceux qui seront formks,m ê m e si ce devenir ne peut Ctre chiffre
avec prkcision. Il faut voir la planification moins comme une
technique que comme un processus permanent.
1. Les différences de situations
Il n’existe pas d’approcheunique de la planification. Celle-cidoit
tenir compte des diffkrences entre systèmes nationaux et entre
types d’education et de formation.

108
La planifcation des ressources humaines aujourd’hui

Les différences entre contextes nationaux


Elles sont liees soit au niveau de dkveloppement du pays, soit h
son syst2me politique et h son système scolaire.
Le niveau de développement :l’impératifde la planijication des
ressources humaines dans le Tiers Monde. Cette nCcessitC d’une
certaine forme de planification s’imposeencore plus pour les pays
en dCveloppement,pour plusieurs raisons. D’abord parce que les
ressourcesdont ils disposent sont plus limiteeset qu’unedefinition
des prioritCs y est plus necessaire.Mais aussi -et ce point n’est
pas suffisamment soulignC -parce que la plupart d’entre eux
sont confrontes h une situation diffkrente de celle des pays
industrialisCs.
Leur croissance demographique est beaucoup plus ClevCe, ce
qui signifie que les flux de jeunes s’ajoutant chaque annCe 2 la
population active sont proportionnellement beaucoup plus
importants par rapport au stock d’actifset que la part de jeunes
dans l’ensemble des recrutements est bien plus ClevCe (cf. par
exemple le Graphique 4). La planification de ce flux de jeunes
devrait dks lors recevoir une priorite plus grande que dans les pays
industrialisCs.
Cette difference est encore accentuCe par deux phCnom2nes :
la croissance scolaire a CtC et est encore souvent beaucoup plus
rapide que la croissance demographique, ce qui est logique
dans la mesure où les pays moins avancCs veulent rattraper leur
retard et tendre vers la scolarisation totale.Mais ce mouvement
se dpercute aux autres niveaux de scolaritk et suscite une
pression sociale qui peut entraîner, aux niveaux secondaire et
surtout su@rieur, des rythmes de croissance disproportionnds
avec la capacitC d’absorption de Z’Cconomie ;
cela d’autant plus que, du c6tC Cconomique,la dimension du
secteur modeme (qui est souvent le seul h recruter des
dipldmes) est encore gCnCralement très limitde,tandis que les
perspectives de recrutementdans le secteur public sont freinees
par le manque de ressources budgetaires.

109
Planifxation des ressources humaines:
dthodes, expbriences,pratiques

Graphique 4.Rapport population aclivelentrée annuelle de jeunes au


début des années 80

ALLEMAGNE
FEDERALE

MAROC

Population active totale :


6 millions
Emploi salari&
(secteur moderne) :
- 2.5 millions

Arriv6e annuelle de jeunes : 1 million &v& annuelle de jeunes :440 O00

L a conjonction de ces phenomenes implique des risques de


déséquilibre beaucoup plus graves dans les pays en
développement que dans les pays industrialises. U n e certaine
planification est vitale pour les anticiper et les corriger.
Mais, pourra-t-on objecter, n’est-elle pas aussi beaucoup plus
difficile ? L e manque de donnCes et de compCtences, la faiblesse
des structures administratives ainsi que la dependance dans

110
La planification des ressources humaines aujourd’hui

laquelle vivent beaucoup de pays vis-à-visde l’exterieur,qui rend


encore plus difficile la maîtrise des evolutions,tous ces facteurs
ne font-ilspas de la planification une notion theorique et videe de
contenu ?
Incontestablement,ces difficultes sont reelles,et c’estpourquoi
il apparaît essentiel de faire un bilan de ce qui est necessaire et de
ce qui est possible et d’en deduire des priorites pour l’action,
adaptees à chaque contexte particulier. Il y a aussi des Clements
qui rendent plus facile la prtfvision et la planification des relations
formation-emploi dans les pays peu developpes. La faible
extension du secteur moderne fait que celui-ci est plus facile à
identifier et à analyser. Dans certains pays, l’etude de quelques
entreprises suffit à donner une image approximative de la situation
actuelle et des besoins potentiels (cf. pp. 133-149).
Les dinérences de systèmes politiques et de systèmes scolaires.
C o m m e on l’a dejà releve dans la première partie, la recherche
d’une adequation formation-emploi est plus coherente avec un
système de planification centralisée qu’avec une economie de
marche. A la limite, une veritable adequation supposerait une
planification inttfgrale de l’offre et de la demande, et notamment
une orientation obligatoire desjeunes formes.O n s’eloignede plus
en plus de cette demarche, alors que presque tous les pays
s’oriententvers une economie de marche. Cette reorientation pose
d’ailleurs dans certains pays des problemes &€ficiles, car un
systeme d’education et de formation est quelque chose de
complexe,qui resulte d’un ensemble de traditions historiques et
culturelles.On ne peut faire table rase du passe et tout bouleverser
en peu de temps. Une phase de transition est necessaire, et elle
risque d’être delicate.
Mais l’economie de marche peut se pratiquer dans des cadres
institutionnels très divers. La difference porte en particulier sur le
degr6 de déceiztralisatioiz (cf. Aizrzexe III).
Enfin,le rôle de la planification diff2re necessairement suivant
les syst&mes et les structures de formation. Une premiere
distinction doit être etablie entre les pays dans lesquels l’education
est essentiellement publique et ceux (comme les Etats-Unis,l’Inde
ou les Philippines) où les institritioizsprivées jouentun grand rôle.

111
Planification des ressources humaines:
mkthodes, expériences,prdiques

Il est Cvident que la planification est plus importante dans un


syst&me public dont 1’Etata non seulement la responsabilite de la
gestion, mais aussi celle du financement. A l’inverse, lorsque
l’enseignementet la formation sont dans une large mesure privCs,
la planification est moins prioritaire. Elle est aussi plus difficile,
car 1’Etat dispose de moins de moyens d’action. Il ne peut pour
autant renoncer totalement B orienter un domaine aussi essentiel
pour 1’Cvolution Cconomique et sociale. Il dispose d’ailleurs de
moyens indirects d’incitation :exemptions d’impbts,subventions
d’etablissementsou de fili2res prioritaires,contrdle de la qualitC,
ne serait-cequ’en se rdservant l’attributiondes diplbmes.
Le rôle distinct de la planification pour les différentstypes
de formation
Enfin,le probl2me de la planification ne se pose pas dans les
mêmes termes selon qu’il s’agit d’enseignement gCnCral,
technique,sup6rieur ou de formation professionnelle.
L’enseignement technique,dans la conception française,n’est
pas conçu pour pdparer B des emplois spCcifiques ; il constitue
tout au plus une premiere orientation,normalement complCtCe par
une formation plus professionnelle.Sa planification,comme celle
de l’enseignement gCnCral, est surtout fond6e sur des arbitrages
entre demande sociale d’une part, ressources financieres et
donnks pkdagogiques d’autre part. La demande sociale peut être
CvaluCe par rapport B la dkmographie (nombre d’enfants d’âge
scolaire) et aux flux de passage d’un niveau B l’autre, qui
prksentent une certaine inertie et sont donc assez faciles B Cvaluer.
Il s’agit donc surtout de prevoir l’accueil des flux B l’entrCe de
chaque cycle.
Cependant,une planification ne devrait pas se dksinteresser des
flux de sortie, vers l’enscignement supkrieur, la formation
professionnelle et finalement l’emploi.C o m m e on l’a notC plus
haut, s’il n’existe pas de lien direct et precis avec l’emploi,il y a
quand m ê m e une relation globale entre niveaux de developpement
Cducatif et de dCveloppement socio-Cconomique.Il est vrai que
l’offre d’Cducation est assez inddpendante de la demande et qu’il
existe une latitude en ce qui conceme le niveau d’kducation

112
La planification des ressources humnines aujourd’hui

correspondant a une categorie d’emploi dktermide. Mais cette


latitude n’est pas infinie, et il faut tenir compte des attentes
professionnelles de ceux que l’on forme, m ê m e si elles sont
vagues.
Cette analyse s’applique il plus forte raison B
l’enseignementsupérieur.S’iln’apas necessairement un caract2re
professionnel, l’enseignement supdrieur ddbouche nkanmoins
normalement sur l’emploi.C’est aussi celui qui coûte le plus cher.
Sa planification s’impose donc parliculièrement. Elle doit tenir
compte de trois particularitks :
C’est l’enseignementsugrieur qui est le plus long h porter ses
fruits, si l’on doit tenir compte des delais necessaires pour
concevoir une formation, construire ct kquiper les locaux et
trouver les enseignants,avant de commencer la formation des
Ctudiants proprement dite. Il faut donc se situer dans un
horizon suffisammentCloignC,qui devrait depasser les cinq ans
dans lesquels se situent la plupart des plans.
On peut constater de maniere assez gCnCrale que la mobilite
des travailleurs est d’autant plus grande que leur niveau de
qualificationest kleve. C’est ainsi que le marchd du travail des
dipl8mCs de l’enseignement supdrieur cst gCndralement national
et commence h être international. Aussi la planification
regionale et locale n’a-t-elleici qu’une valeur limitee. A u
contraire, il serait souhaitable que les petits pays dont les
ressources sont faibles puissent mettrc en commun leurs
moyens et planifier d’un commun accord leurs besoins et la
manikre de les satisfaire -mais le nationalisme des jeunes
nations n’a pas permis de grands progrEs dans cette
voie jusqu’ici.
Beaucoup de pays ont une tradition d’indkpendance de
1’UniversitC. Celle-ci peut entrer en contradiction avec les
imp&atifs d’une planification nationale. Il est normal que
1’UniversitC soit pleinement indkpendante lorsqu’il s’agit de sa
gestion interne et de sa pedagogie, mais elle devrait tenir
compte de ces impkratifs lorsqu’il s’agit de sa necessaire
articulation avec les capaciL6s et les besoins de 1’Cconomie.
La planification de la formation professionnelle, scolaire ou
non,devrait,plus que les prkckdentes,viser il coller au plus p&s

113
Planification des ressources humaines:
dthodes, expdriences,pratiques

aux besoins spkcifiques et locaux. Dans beaucoup de pays en


dCveloppement,ce que l’on appelle enseignement technique doit
plutôt Ctre considCr6 comme une formation professionnelle, qui
devrait tout particulih-ement Ctre planifiCe en fonction des
dCbouchCs. La question est toutefois compliquCe du fait que les
formations industrielles sont gCnCralement publiques,alors que les
formations tertiaires sont souvent privkes (parce qu’elles sont
moins coûteuses et donc plus facilement rentables).
L’Cvaluation des besoins et dCbouchCs s’impose dans les deux
cas, mais davantage dans le premier, puisque les incidences
financières sont plus importantes.Pour ce qui conceme le prive,
le contrôle des flux et l’allocation des moyens se posent de
manière differente, car les moyens de contr6le ne peuvent Ctre
qu’indirects : information des familles et des Ccoles sur les
dCbouchCs,contr6le des examens d’Etat lorsque les Ccoles privees
y pdparent, homologation (supposant un contrôle) de certaines
formations privees, ou label de qualit6 de certaines Ccoles,
Cventuellement en liaison avec un système de subventions
subordonnCes ?i des conditions de qualitC.
Dans un pays comme les Etats-Unis,on considère volontiers
que la dgulation se fait par le marche. Dans les pays en
developpement, il est ?i craindre que les conditions d’un bon
fonctionnement du marche (bonne information des acteurs et
respect des règles de la concurrence) soient moins bien rkunies.
Aussi le laisser-fairecomplet n’est-ilpas souhaitable, car il peut
conduire B des abus, mais la planification du secteur n’est
pas facile, car elle se heurte aussi B une pression sociale
(Cf. pp. 116-122).
2. Les institutions, l’organisation et les hommes
Un aperçu comparatif montre une très grande variet6 de situations
suivant les pays en ce qui concerne la responsabilitt? et
l’organisationde la planification.Ces situations reflètent l’hkritage
historique et culturel propre A chaque pays (voir Annexe 111).
Les exemples de la planification de la formation
professionnelle donnes en Annexes suffisent B montrer qu’il
n’existepas de modèle idCa1 d’organisationde la planification :ici

114
L a planification des ressources humaines aujourd‘hui

encore il faut s’adapterau contexte. C e qui est clair,c’est que les


Minist2res de 1’Educationn’ont g6neralement ni la vocation,ni la
comNtence,ni la motivation pour elaborerune planificationtenant
compte des debuchCs vers l’emploi. Compte tenu de la
multiplicite des disciplines,mais surtout des points de vue mis en
jeu par la planification de l’dducation et de la formation
professionnelle, un dispositif de concertation est indispensable.
Cette concertation devrait autant que possible se situer A
differents niveaux :
A u niveau national bien entendu. Lorsqu’il existe un
Ministère du Plan, ce doit être le lieu normal de la
concertation. Sinon, il devrait exister une structure ad hoc,
capable de se rdunir reguli*rement, jouissant d’un prestige
suffisantet fonctionnantde façon permanente,independamment
des plans.
Mais la concertation nationale n’est pas suffisante.
L’Ctablissement d’une relation plus Ctroite entre formation et
emploi doit tenir compte des r6alitCs concretes de
l’administration,d’une part, du marche du travail, de l’autre.
Tout depend de la taille du pays,du degr6 de dCcentralisation
et du mode de fonctionnement de l’administration. Il existe
toujours un risque que les implantations d’universites et
d’ecoles subissent des pressions politiques (voir ci-dessous);
il est bon que celles-cisoient contrebalancees par une presence
suffisante des employeurs.
Cette pdsence est Cgalement souhaitable au sein m C m e des
etablissements de formation et des universites, par exemple
dans leurs conseils d’administration.A defaut,des mecanismes
devraient garantir un lien entre ces Ctablissements et les
employeurs.
Si essentielle qu’elle soit, la concertation n’est pas la
planification ; elle n’en est qu’un des aspects. La planification
proprement dite comporte la collecte d’une grande diversite
d’informations,ensuite leur synthèse,puis la definition des choix
et des orientations proposCs aux decideurs, enfin le suivi des
realisations et leur Cvaluation. Le Ministère de 1’Education se
charge gCnCralement de la collecte et du traitement des donnees
qui lui sont propres (effectifs et flux d’eleves), et Cventuellement

115
Planijiiation des ressources humaines:
m’thodes. expiriences,pratiques

de projections les concemant. Mais il ne dispose ni de la


perspective globale,ni du temps, ni des competences nCcessaires
pour assumer l’ensemble de ces responsabilites.Le Ministère du
Plan devrait être mieux place, mais il risque d’être pris par les
travaux de routine et de ne pouvoir se consacrer suffisamment
certaines analyses approfondies.
C’est pourquoi il est important de concevoir un dispositif
susceptible de mettre en commun des ressources variees et
complCmentaires pour prendre en charge 2 la fois les aspects
techniques et politiques de la planification. Pour les aspects
techniques,on peut penser 2 quatre solutions :univenitCs,bureaux
d’Ctudes,organismes ad hoc et expertise extkricurc. Dans les pays
peu dCvelopp6s disposant de faibles ressources, l’appel aux
universitds devrait en principe constituer une excellente solution :
peu coûteuse, mais aussi susceptible d’inciter les universites 2
orienterleurs travaux vers des problèmes concrets. offrant en plus
une diversite d’angles d’analyse. Mais ces oricntations peuvent
aller l’encontre de traditions acadkmiques qui ne sont pas
toujours faciles 2 surmonter.
Enfin, on constate que beaucoup de pays en developpement
continuent a recourir largement 2 une expertise cxterieure. Cette
solution soulève de serieuses objections.Si en effet les principales
difficultes de la planification des ressources humaines ne sont pas
d’ordre technique, mais d’ordre sociopolitique et administratif
(voir ci-dessous), il est indispensable quc le plus grand nombre de
responsables nationaux soient impliques et prennent leurs
responsabilitCsen toute connaissance de cause. D’autant plus que
le r61e pddagogique de ce processus est tout aussi important que
les conclusions auxquelles il aboutit. Faire faire ce travail par des
Ctrangers, c’est en perdre tout le bdndfice, et une appropriation
nationale des expertises Ctrangères est indispensable. Tout cela
impliquela formation de spdcialistes nationaux de la planification.

3. La dimension sociopolitique de la planification


Encore une fois,le problEme de la planification rCside moins dans
la difficulte 2 definir des objectifs qu’a les traduire dans les faits
(Caillods, 1991). Dans l’un et l’autre cas,elle est confrontde aux

116
La planification des ressources humaines aujourd’hui

motivations et aux intCrêts, souvent opposCs,d’une multitude de


partenaires. Ces acteurs, ce sont h la fois :les dirigeants
politiques,les dkcideurs principaux ainsi que l’administration de
I’Cducation,les enseignants et les syndicats qui les representent,
les entreprises et organisations professionnelles, les syndicats
ouvriers, et enfin les Ctudiants et leurs familles. Leurs points de
vue et les pressions qu’ils peuvent exercer peuvent affecter aussi
bien la dCfinition des objectifs de planification que la mise en
oeuvre de ces objectifs.
Les dirigeants politiques peuvent avoir des prt5occupations
idCologiquesou simplementClectorales. L’idt5alde democratisation
de l’enseignementet la volonlC d’Cleverle niveau d’Cducation se
retrouventdans des contextespolitiques très differents. Ils ontjoue
et jouent encore un rôle important dans la definition des grandes
orientations Cducatives. Dans beaucoup de pays qui ont accCdC
rCcemment à l’indkpcndance, ils sont lies 2 une volonte de
remplacer la main-d’œuvre expatrikc, qui joue encore un r61e
important dans l’encadrement du secteur prive. Si cette volont6 est
parfaitement 1Cgitime. il n’est pas toujours facile d’Cvaluer
objectivement les avantages et les inconvhients du maintien de
cette prCsence Ctrangèrc et les conditions de son remplacement.
Dans beaucoup de pays, on pourrait aussi citer des cas où le
processus de planification a CtC frein6 ou biais6 parce qu’il
conduisait h remettre en question des options politiqucs ou parce
qu’il Cvoquait des sujets tabous. L’Ctude prospective des grands
Cquilibres peut conclure h la pcrsistancc probable d’un niveau
ClevC de chômage -ce qui est difficilement acceptable -et h
poser le probl5me demographique -que beaucoup de
gouvemements ont longtemps refus6 de prendre en
considCration -, ou celui de I’activitC des femmes -qui peut
aussi être un sujet sensible dans les pays où la tradition les incite
à rester 2 la maison plutôt qu’A travailler h 1’extCrieur.
En pensant plus particulih-ementàla formation professionnelle,
Moura Castro et Cabral de Andrade (1990) font un diagnostic
stv6re qui pourrait s’appliquer plus gCnt5ralcment aux
administrationsde l’éducationet de laformation :des formateurs
font leur travail sans se soucier ni des objectifs que se proposent
les stagiaires, ni des besoins de ceux qui les emploieront plus

117
Planification des ressources humaines:
méthodes, expt+iences, pratiques

tard... (Nous supposons) que les formateurs agissent en fonction


des besoins sociaux. Or,ce n’est pas ainsi que les choses se
passent. C’est en se plaçant h l’intkrieurdes bureaucraties que l’on
peut comprendre la logique de leurs dkcisions. Les organisations
ont mis au point leurs propres r2gles du jeu en fonction de leur
logique inteme,et si le monde exterieur conditionne leur action et
leur impose des contraintes, il ne determine pas les systèmes
d’incitationsqui influencent le comportement des administrateurs>>.
Cette mise en cause globale de l’administration meriterait
d’Ctre affinCe suivant les niveaux de responsabilite et suivant les
stades de la planification. A u niveau des principaux responsables
de la formation,si les grandes dCcisions affectant l’orientationet
la structure du système de formation et d’enseignement supkrieur
privilegient la logique inteme du systeme,plut6t que les besoins
extemes de l’Cconomie,c’est aussi pour de bonnes raisons.
A u stade des realisations,les consequences effectives de toutes
les orientations prises dependent en grande partie de
l‘administration locale et de celle des établissements scolaires. On
constate souvent que malgr6 des directives suphieures,
l’orientationvers diffdrentes filières et les taux de passage restent
stables,parce que l’administration est conservatrice et parce que
ceux qui font passer les examens et ddcident de l’orientationne
changent pas facilement leurs habitudes et ont leurs propres
critères, qui ne sont pas ndcessaircment ceux des planificateurs.
L a lenteur (souvent, et parfois excessivement dCnoncCe)
d’adaptation de la formation professionnellc h 1’Cvolution des
besoins economiques peut s’expliquer d’au moins deux manieres :
Par les delais necessaires h la consultation des partenaires et h
la mise en place des nouveaux programmes et des nouveaux
moyens :en France, il faut environ deux ans pour definir et
mettre en vigueur un nouveau dipl6me ; mais en Allemagne,
où il faut aboutir h un consensus entre les partenaires sociaux,
ce delai peut aller jusqu’h dix ans.
Lorsque la formation professionnelle est assuree l’ecole par
des enseignants ayant un statut de fonctionnaires,ceux-cisont
nommes h vie, ce qui limite necessairement les possibilites de
rkorienter les formations.

118
La planification des ressources humaines aujourd’hui

On voit ici apparaître d’autres acteurs qui sont les enseignants.


Leur r61e est double dans la definition des objectifs de
planification et dans leur mise en oeuvre :en tant que corps ayant
un statut et dCfendant des inter& et parfois une idCologie par
l’intemddiairede leurs syndicats,et en tant que gdagogues ayant
une pratique et des habitudes qui peuvent être ou non conformes
aux orientations que l’onveut donner 8 l’education.L e souci des
intCrêts de ce (ou de ces) corps peut influer sur les dCcisions prises
en matière de crdation ou de suppression de certaines filières ou
de certains types d’Ctablissements.
Les mêmes enseignants,qui sont pour la plupart attaches 8 une
idCologie de dCmocratisation, ont souvent des pratiques
individuelles Clitistes.Ils prCRrent Cvidemment travailler avec de
bons Clèves et ne sont pas toujours prêts consacrer aux plus
faibles l’attention plus grande dont ils ont besoin. Ils ont
naturellement tendance B valoriser le savoir abstrait et academique
au detriment des savoir-faireconcrets et des activitds manuelles.
Tous ces ClCments ont une influence importante, m ê m e si elle
n’est qu’indirecte,sur les valeurs transmises par 1’Ccoleet sur les
processus d’orientation.
Nous avons dCjh soulignela nCcessit6d’associerles employeurs
a la dCfinition des besoins et des objectifs de formation. Mais il
faut aussi être conscient du fait qu’ils n’ont genkralementqu’une
appreciation court terme de leurs besoins de formation.D e plus,
cette apprkciation peut être biaisCe par la conjoncture.En pCriode
de crise, les recrutements sont rdduits au minimum et ne
concernent que les besoins les plus urgents,8 la marge, qui sont
souvent les plus qualifies. En pCriode de croissance et de plein
emploi, au contraire, la gamme des recrutements s’Clargit et
depasse les besoins immCdiats pour constituer des rkserves de
qualifications.
Il serait tout il fait erronC de supposer que les entreprises ont
une vision homogène de leurs besoins et de leurs attentes vis-&vis
de la formation. Il peut exister des clivages importants entre :les
petites entreprises,qui souhaitent le plus souvent disposer d’une
main-d’œuvre immCdiatement utilisable sur un poste de travail
pdcis, ce qui suppose une formation prealable spCcialisCe ; et les
grandes entreprises, qui souvent recrutent un personnel capable

119
Planijïiation des ressources humaines:
dthodes, expériences,pratiques

d’Cvoluer dans une diversite d’emplois et qui sont davantage


conscientes du fait qu’aucune formation ne peut aujourd’hui
former pour la vie. Les premikres attendront de la formation un
<<produit finb ; les secondes un <<produitsemi-fini, : elles se
chargeront elles-mCmes de la formation complementaire et de
l’adaptation au poste, d’autant plus facilement qu’elles disposent
de moyens de formation plus importants que les petites
entreprises.
U n autre clivage peut sCparer les types d’industrie et
d’entreprise.Traditionnellement, les banques attachent surtout de
l’importance au niveau de formation initiale et A I’adaptabilitC de
leurs recrues. Elles se chargent elles-mêmes de la formation
professionnelle. Les industries dont la technicitd est ClevCe
(comme la mkcanique ou 1’ClectricitC) ont besoin d’un personnel
ayant des bases thConques et des connaissances professionnelles
spkifiques ; elles sont donc interessCes par l’existence de bonnes
Ccoles de formation professionnelle. E n revanche, des industries
c o m m e le textile ou l’habillement (au moins avec les technologies
traditionnelles) ont surtout besoin d’une main-d’œuvre faiblement
qualifiee, possedant des savoir-faire pratiques. Aussi ne voient-
elles guCre l’utilitt d’Ccoles et peuvent-elles se contenter de
formations trCs courtcs. Pour la plupart des artisans,
l’apprentissage reste le meillcur moyen d’acquerir des habitudes
de travail et Cventuellement un mCtier traditionnel.
Il faut s’attendre aussi à une diversite d’opinions entre
entreprises, dont chacune peut avoir sa logique, qu’il convient
d’analyser. L e problème est encore compliquC lorsque les
entreprises sont reprCsentCes par des organisations
professionnelles, dont les permanents ne sont pas toujours les plus
compCtents, car il peut leur arriver d’avoir perdu le contact avec
les rCalitQ de la production.
Lorsqu’ils ont leur mot à dire sur les orientations en matiCre de
formation, les syndicats ouvriers ont souvent des psi tions
opposees à celles des entreprises. Il peut s’agir de positions
essentiellement ideologiques, c o m m e la crainte de l’exploitation
et de l’abandon du pouvoir au capitalisme, que l’on a dCjA vue
chez certains enseignants. Mais ils peuvent aussi avoir une analyse
divergente de celles du patronat sur la conception de la formation.

120
La planification des ressources hwnaines aujourd’hui

Beaucoup d’entreprises peuvent privilegier une vision h court


terme et un niveau de qualification minimum pour r6pondre h des
besoins sp6cifiques.Au contraire,les syndicats se prCoccupent de
1’intCrêth long terme des travailleurs et du developpement de leur
potentiel,de mani2re a leur menager des possibilites d’dvolution
professionnelle. Ils tendent donc A avoir des exigences plus
elevCes quant au niveau de formation : en Allemagne,
par exemple, les syndicats plaident pour que la formation
commerciale dure au minimum trois ans, alors que le patronat
se contenterait souvent de deux.
Les aspirations des jeunes et de leurs familles dependent
Cvidemment du contexte socioculturel.L a resistance h 1’Cducation
dans les milieux ruraux traditionnels est sans doute tri3 rare
aujourd’hui,mais elle existe encore en ce qui conceme les jeunes
filles. Et d’ailleurs la sCgrCgation dont souffrent ces dcmikres en
matiere d’orientation vers certaines carrieres est sans doute un
phenomene presque universel.
Mais, comme cela a CtC 6voquC A propos de la demande
sociale, ce qui joue un r61e de plus en plus important, c’est la
pression qui s’exerce pour demander de plus en plus d’education
et de formation. On peut sans doute dire que cctte pression est
d’autant plus forte que le niveau social des parents et le niveau
scolaire sont ClevCs, comme on l’a vu A propos de la demande
sociale.Ce sont les milieux sociaux les plus favorisCs qui sont les
plus conscients de la rentabilite de l’investissement dans
1’Cducationet les mieux places pour faire pression efficacement
sur les autorites, alors que les moyens de pression des regions
isoldes et des groupes defavorises sont limites.
En rCsumC,la planification des ressources humaines est bien
autre chose qu’une technique, et les plans les mieux conçus
peuvent rester lettre morte si l’on n’a pas :
suffisammenttenu compte des conflits d’interêtset du potentiel
d’inertie et de biais que recele tout système de formation. La
necessaire concertation mentionnee plus haut peut y contribuer,
mais elle ne suffit pas toujours. Il y a des cas où une volonte
politique est necessaire pour passer outre A certains intCrêts
categoriels ;

121
Planification des ressources humaines:
m‘thodes, expdriences, pratiques

mis en place une administration efficace capable de mettre en


œuvre les orientations fixees et des proCCdures d’Cvaluation des
rksultats. Nous y reviendrons.
4.Les exigences techniques de la planification :
les données
Les possibilitks concrètes de planification ne dependent pas
seulement du contexte et de considdrdtions techniques sur le
choix des methodes. Ellcs dependent tout autant des donnkes
disponibles, des sources qui peuvent les fournir, et de la
mani2re dont elles sont structurkcs et prdscntees. C’est un des
principaux obstacles que rencontrent les pays en developpement,
qui manquent de systèmes d’information et d’kldments fiables
pdalables h 1’Ctablissement d’un diagnostic.
Les données
Une planification des relations entre formation et emploi nkcessite
autant que possible trois types de donnees : sur les flux de
formation,sur l’emploi et le marchC du travail,et sur le passage
de la formation B l’emploi.
(i) Les flux de formation
C e qui nous intdresse ici n’est pas de recenser les effectifs,mais
les flux de sortie. A u sein du système scolaire, ceux-ci
correspondent B la fois aux sorties cn fin de cycle et aux abandons
en cours de cycle. Toute administration scolaire devrait être en
mesure de remplir la matrice classique faisant apparaître,classe
par classe, les taux de promotion (passage dans la classe
supCrieure), de redoublement et d’abandon.
Les donnees ainsi rccueillies sur les sorties du systkme scolaire
sont nkcessaires,mais pas suffisantes,si l’on s’intkresseaux flux
d’entrke sur le marchk du travail. Ce sont alors lesflux de sortie
nets qu’il s’agit de comptabiliser,ou au moins d’Cvaluer,c’est-h-
dire après ddduction :
des dentrkes dans un cycle plus ClevC de formation scolaire ;

122
L a planification des ressources humaines aujourd’hui

des passages en formation dans un autre syst6me


d’enseignement supCrieur, autres formations publiques ou
privees ;
(autant que possible) de la proportion de sortants
(essentiellement des jeunes filles) qui ne cherchent pas
d’emploi et sont considCrCs statistiquement comme inactifs.

(ii) Connaissance de l’emploi et du marché du travail


Une planification globale complCte devrait idCalement comporter
des donnees sur :
L a rkpartition de l’emploi par scctcur d’activitC Cconomique :
en matière d’analyse des Cvolutions et de prevision, cette
approche s’impose, car elle est gCnCralcment integrec aux
mod6les macro-Cconomiques.C’est aussi h ce niveau que l’on
peut le mieux etablir le lien avec les holutions techniques et
Cconomiques.
L a repartition de l’emploi par profcssiotd qualification, qui
constitue un passage presque obligC avec la formation,car la
structure par secteur ne dit rien sur ce sujet.
L a composition de la main-d’œuvrepar fige (qui influe sur les
besoins de renouvellement), par sexe (qui peut éLre reliCe au
taux d’activid), nationalite (dans la mesure où la politique
nationale vise il remplacer les cadres expatries par des
nationaux) et type de formation reçue.
L a mobilite professionnclle. Elle comporte trois Clements
d’inegal intCrêt :
-
La mobilitC geographique n’estA prcndre en compte que s’il
existe des dCs6quilibres geographiques constituant un
ClCment important du problème de la planification.
- Le changement d’entreprise sans modification de la
situation professionnelle est une donnke significative du
fonctionnement du marche du travail,mais le bilan total est
nul par rapport aux besoins de recrutementpar qualification.
- Les changements de profession, dont le poids est
gCnCralement assez faible (sauf dans certains pays,lorsqu’il
affecte par exemple les enseignants), et surtoutla promotion
professionnellejouent un r61e beaucoup plus important dans

123
Planificationdes ressources humaines:
méthodes, expériences. pratiques

l’estimation des besoins et capacitds de recrutement de


1’Cconomie.En effet,on a parfois tendance à negliger le fait
qu’une part considerable des recrutements de cadres et de
personnel qualifie sont pourvus par la promotion de
personnels de categorie infh-ieure,et non par des sortants
du système educatif au m ê m e niveau.C’estparticulièrement
le cas pour les agents de maîtrise de l’industrie et des
services.
- Enfin, les revenus constituent un important Clement de la
comprdhension du fonctionnement du marchk du travail,de
la motivation des jeunes dans lcur orientation et des
eventuelles analyses de taux de rendement.

(iii) Passage de la formation à l’emploi


Ces donnees doivent concemer d’une part les conditions dans
lesquelles les sortants de formation s’inskrent sur le marche du
travail (nature des formations suivies et caractCristiques des
emplois occupCs -(cf. Chapitre [IL), d’autre part les conditions
dans lesquellesles employeurs recrutent diff6rents types de main-
d’œuvre pour diffdrents types d’emplois.
Bien entendu, il s’agit là d’une situation idCale. Toutes ces
donnees ne presentent pas le m ê m e caractère prioritaire et toutes
ne peuvent être obtenues avec le m ê m e degrd de prbcision. Tout
depend des circonstances definies plus haut, du niveau de
sophistication du processus de planification et des sources
disponibles. Dans bien des cas, on sera amen6 à se contenter
d’estimations.

Les sources
(a) La comptabilisation des effectifs scolaires est celle qui pose
le moins de problèmes,car les Clèves sont fdciles à repCrer et se
situent dans un cadre bien dklimitd.
Les choses se compliquent lorsqu’ilfaut passer d’un cycle ou
d’un sous-systbmeii l’autre,et sunout lorsqu’il faut inventorierles
sorties des autres systèmes de formation (Agriculture, Sante,
Travail,etc.) et faire le calcul des sorties nettes d’un systbme B

124
L a planification des ressources humaines aujourd’hui

l’autre. Les administrations concemees n’ont pas toujours les


donnees et les raccordements restent h faire. Elles se compliquent
encore lorsqu’une partie de la formation est assuree par les
entreprises,qui ne communiquent pas facilement les donnees sur
leur activite.
(b) Il est infiniment plus difficile de recueillir et d’analyser les
donnees sur l’emploi et sur le marche du travail : la r6alitC h
apprehender est beaucoup plus complexe et plus insaisissable,les
informations h recueillir plus variCes, et les sources posent des
probl6mes de fiabilite et de cohkrcnce.Pour la plupart,ces sources
sont exterieures au domaine de la formation et rdpondent B une
autre finalite, et il peut Ctre ndcessaire de rechercher une
information complementaire et specifique.
L a premiere source d’information est Cvidemment le
recensement de population, dans la mesure où il est exhaustif et
où il donne un ensemble d’informations que l’on doit pouvoir
croiser et que l’on trouve difficilemcnt ailleurs (2ge, sexe,
nationalite, niveau d’ktudes et profession). Bien entendu, la
couverture delle ainsi que la qualit6 des reponses peuvent laisser
h desirer. Mais le principal problEme cst la p6riode qui separe les
recensements, de sorte que l’information disponible est souvent
ancienne.
Une deuxieme source statistique est conslituee par lesfichiers
administratifs (de la SCcuritC sociale ou d’autres regimes). C’est
potentiellement la meilleure source d’information,dans la mesure
OÙ elle a un caractere permanent ct permet un suivi regulier. Dans
les pays en developpement,les difficultdsprovicnnent plut6t des
retards et des lacunes des fichiers,et dc la difficultd d’obtenir la
communication des informations d’une administration h l’autre.
Malgr6 tout,une amklioration de ces fichiers et de leurs conditions
d’utilisation devrait Etre une dcs pistes h explorer.
Une troisikme source d’informationpeut provenir des enquêtes
administratives régulibes.Elles pcuvent être effectueessoit aupres
des entreprises, par exemple par le Ministère du Travail, soit
aupres d’un Cchantillon de particuliers (ce qui est gCnCralement la
responsabilite de l’organisme charge des statistiques). Ici,il s’agit
de savoir quelle finalite elles rdpondent,quel type d’information

125
Planification des ressources humaines:
méthodes, expiriences. pratiques

elles contiennent et quelles sontla qualitk et la reprksentativitk des


rdponses.
En ce qui conceme les emplois du secteur public, le budget
donne une information sur les postes, mais celle-ci risque de ne
pas correspondre avec la redit6 si une partie des postes
budgktaires ne sont pas effectivement pourvus, ou si une part
importante du pcrsonnel est en dktachement.
Il peut être nkcessaire de rechercher dans lcs ministères ou les
services concemCs des prkcisions sur les effectifs employks.
Reste le difficile problème de l’emploi dans le secteur dit
&formel>>, ou (won structuré>>, gknkralement beaucoup plus mal
COMU et sur lequel nous reviendrons (cf. pp. 130-133).
A l’inverse des prkckdentes, les donnees sur l’insertion ne
proviennent pas de sources independantes et permanentes. Elles
font l’objetd’enquCtes spbcifiques visant,comme nous l’avons vu
dans la première partie,1’Cvaluationde l’efficacitkdu système de
formation et CventucLlemcnt les facteurs de motivation et
d’oricntation des jeunes.
Organisation des données :le problbme des nomenclatures
Il ne suffit pas de collecter les donnees : encore faut-il que ces
donnees soient utilisables. Ce n’est pas un probl&me lorsqu’il
s’agit de denombrer les effectifs scolaires,mais cela le devient
lorsqu’il s’agit de classer ces effectifs par type de formation et
plus encore lorsqu’il faut analyser les emplois et qualifications.
Ces donnees doivent s’intCgrerdans un système de classement ou
nomenclature.
Les formations sont generalement classées par niveau et
par spécialité. Si l’on ne se place que sur un plan scolaire,pour
denombrer les effectifs ou 6valuer le niveau de formation de la
population, la classification pur niveau n’est que lc reflet de la
structure du système de formation. Si,comme c’estle cas ici,on
s’interesse h la qualification et au rapprochcment avec l’emploi,
on retrouve l’ambigui’tkde la notion de qualification. S’agit4 de
la qualification de l’individu (definie par la formation acquise) ou
de la qualification de l’emploi(ddfinie par la profession exercee) ?
On a vu que les deux ne coïncidaient pas nkcessairement et que

126
L a planification des ressources humaines aujourd’hui

c’&ait l’une des principales difficultks rencontrkes lorsque l’on


cherche h Ctablir un lien automatique entre formation et emploi.
La classification intemationale de l’UNESCO,qui rentre dans
la premi2tre cattgorie en se plaçant sur le plan formation,se rCfi?re
simplement aux cycles scolaires :ClCmentaire,secondairepremier
et deuxitme cycles,etc. L a classification française est conçue a la
fois pour analyser le niveau de formation le plus klevC et pour
faciliter les rapprochements avec l’emploi.D e ce point de vue, et
compte tenu du niveau gCn6ral d’kducation, la rkference il
l’enseignement klementaire n’a pas de justification. Ses six
niveaux se rCfi?rent :pour le plus bas il toute formation infkrieure
au premier cycle secondaire,pour le second au prcmier cycle,
pour le troisikme au second cycle, pour le quatrième h deux
annees de formation supCrieure et pour les deux demiers (souvent
regroup6s) h l’enseignementsuperieur.Beaucoup de pays utilisent
des classifications semblables,dont la rCfCrence reste clairement
le niveau scolaire.
D’autres classifications,en revanche,tentent de se rCf6rer 21 la
fois h un niveau de formation scolaire et il une qualification
professionnelle. Ainsi la classification europeenne,qui comporte
cinq niveaux, definit son niveau 2 B la fois par un mode d’accès
(enseignement obligatoire et formation technique et
professionnelle) et par un type d’activit6 :qualification complète
pour une activitC prkcise accompagnk de la maîtrise des
instruments et des tcchniques necessaires il l’exercice de cette
activitk.
Une classification fonddc sur ce principe scrait ideale si elle
permettait h la fois de recucillir et d’analyser les donnees sur
l’emploiet de servir d’instrumentde planification de la formation,
ce qui est bien son objectif. Mais elle pose diffkrents problèmes.
Tout d’abord, elle s’inscrit dans la logique d’adequation
formation-emploi et soulève donc toutes les difficultks inhkrentes
a cette conception, abordCes au Chapitre 1“. La correspondance
thdorique qu’elle suppose entre catCgorie d’emploi ct niveau de
formation se vCrifie-t-elle? Ce type de classification peut-ilservir
de base au recueil des donnees sur l’emploi ? S’il s’agit non pas
de constater une rkalitk obscrvee,mais de planifier,qui va dCcider
du niveau ?

127
PlanifKation des ressources.hwnaines:
dthodes. expériences,pratiques

Il ne faut pas oublier que ce recueil est d’abord l’affaire des


statisticiens,dont les prdoccupations ne coïncident pas avec celles
des planificateurs et dont la conception des syst2mes de
classification risque fort d’être diffdrente.
Pour les statisticiens,les informations sur l’emploi se limitent
assez souvent au denombrement des personnes employkes et au
chbmage et h l’identification du secteur dans lequel elles sont
actives :surtout si l’information est foumie par les entreprises,il
est assez facile de savoir combien de personnes sont employees
dans le commerce ou dans l’industrie du bois. Mais cela ne dit
rien sur la nature de leur travail. L’analyse par secteur
(ou branche) d’activitk constitue cependant un passage oblige si
l’on veut Ctudier l’emploi et prevoir son Cvolution, car c’est
seulement au niveau du secteur que l’onpeut examiner la relation
entre donnees tconomiques globales, donnees techniques
caracterisant chaque secteur et donnees individuelles. Mais, dans
une optique de planification,on pourra se limiter h une dizaine de
secteurs.
C e qui se rapproche le plus de la grille des niveaux de
qualification et des spCcialitCs de formation qui intdresse les
planificateurs est la nomenclature des professions. Mais la
profession est une r6alitC complexe et multidimensionnelle :elle
peut se definir par rapport B la nature du travail effectue, h la
comp6tence de celui qui l’effectue,B l’environnement de travail,
au statut et B l’image socialc de l’activitd, ainsi qu’aux
caracteristiques individuelles du travailleur.
Les statisticienspeuvent s’intdresser plus ou moins B telle ou
telle de ces dimensions. C o m m e on ne peut analyser l’information
A partir des appellations de professions (il y en a des milliers et
elles n’ont pas toujours un sens stable et prdcis), les statisticiens
ont mis au point des classifications. Mais aucun système de
classification ne peut rendre compte de manière satisfaisante de
toutes ces dimensions. Chaque système se r6Rre plus ou moins
explicitementB des crit2res correspondant B l’un ou l’autre d’entre
eux, pour aboutir gdneralement B des compromis.
La nomenclature de professions la plus utilisde est la
Classification intemationaletype du BIT (CITP),revisCe en 1988.
Elle vise A faciliter les Cchanges d’information et les comparaisons

128
La planification des ressources humnines aujourd’hui

et A servir de modèle aux pays qui souhaitent Claborer ou rCviser


leur propre classification.Elle se r6Rre à deux critkres :la nature
du travail effectuC (emploi ou job) -un ensemble d’emplois
proches par la nature du travail correspondant A une profession -,
et la qualification,dCfinie comme capacitC 2 exercer un emploi.
La qualification peut être dCfinie par deux dimensions : le
niveau (degrC de complexitC) et la spCcialisation. Le niveau se
r&re A des niveaux de formation qui sont ceux de la
Classificationde l’UNESCO, sachant qu’en realitk la qualification
n’est pas toujours acquise par une formation formalisCe.
On voit que la conception de cette nouvelle classification se
rapproche de celles qui ont CtC mentionnees plus haut et qui
etaient conçues pour la planification. Elle prCsente donc les
avantages et les limites qui ont dCjà CtC signales. Dans un grand
nombre de pays, en particulier dans les pays en dkveloppement,
cette classification inspire les nomenclatures nationales d’emploi.
Deux conclusions nous paraissent devoir être tirees de cette
analvse :
s’i une concertation est hautement souhaitable entre statisticiens
et planificateurs,il est peu probable que ces demiers puissent
imposer leur conception des nomenclatures d’emplois. Les
pdoccupations des statisticicns ont toutes chances d’être
determinantes, et, dans la plupart des pays, ils donneront
vraisemblablement la prCfCrence 2 la Classificalion du BIT,
Cventuellement amenagCe, qui a le mCrite d’exister et de se
prêter aux comparaisons intemationales.
Puisque aucune nomenclature ne peut rendre compte de
manière satisfaisante de toutes les dimensions de cette rCalitC
multiforme qu’est l’emploi, il faut plutôt chercher à cemer
cette dalit6 par un croisement de plusieurs variables. Deux
croisements intCressent la planification de l’education :
- C’est d’abord le croisement entre la profession, qui
renseigne plus sur l’emploi que sur son titulaire, et la
formation de celui-ci.Cette information figure normalement
dans les recensements, beaucoup plus rarement dans les
autres enquêtes, mais des enquêtes ad hoc sur des
Cchantillons limitCs peuvent foumir des approximations
suffisantes(cf.pp.130-133).Par ce moyen, on doit pouvoir

129
Planification des ressources humaines:
méthodes, expériences, pratiques

obtenir une information plus fiable et moins ambiguë qu’en


utilisant une nomenclature unique supposant par
construction une adequation entre ces variables.
- Une autre variable que nous n’avons pas mentionnee
jusqu’ici concerne le statut individuel du travailleur :est4
salarie, patron ou travailleur independant ? Cette
information peut être integree dans la nomenclature des
professions (toute la nomenclature française est construite
autour de ces categories socioprofessionnelles). Elle peut
aussi faire l’objet d’une classification distincte, si l’on
considkre par exemple qu’il faut analyser separement le
mktier et le statut et qu’un dlectricien, par exemple, a le
m ê m e metier s’il est artisan ou salarie. Quelle que soit la
solution adoptee, cette information a un interêt pour la
’planification, particulierement dans les pays en
developpement, oil l’on pourra faire l’hypothkse qu’un
travailleur independant appartient au secteur &formel>>,
avec un profil et des exigences de formation tri3 differents
des salaries.
Améliorer le système d’inforinution
Dans notre esprit,la planification doit être un processus permanent
et doit donc, autant que possible, pouvoir s’appuyer sur un
systeme d’information kgalement permanent,et pas seulement sur
des enquetes realisees au coup par coup pour rkpondre à des
besoins exceptionnels. En effet, des enquêtes ponctuelles sont
coûteuses et donnent de moins bons resultats : chaque enquete
demande une mise au point delicate et il y a des risques de
discontinuite et de non-comparabilite des donnees d’une enquête
à l’autre. Or,il est essentiel de pouvoir situer les informations
dans le temps et de pouvoir capitaliser l’information,ce qui exige
de la continuite. L a mise en place d’un tel systeme ne peut
toutefois être que progressive.
(a) L’information sur les flux de sortie du systkme scolaire
devrait pouvoir être deduite automatiquement des statistiques
scolaires que doit etablir regulierement le Ministere de
I’Education.La connaissance de l’ensembledes sorties de tout le

130
La planification des ressources humaines aujourd’hui

systeme de formation et l’evaluation des flux nets posent des


problemes plus difficiles de coordination entre les administrations
responsables.
(b) Les informations sur l’emploi et sur le marche du travail
que nous avons presentees comme souhaitables ne sont pas
toujours disponibles. Dans les pays en developpement, on se
montre parfois tres critique sur les informations statistiques
existantes, considerees comme peu fiables, hktdrogenes ou trop
difficilement accessibles (sources administratives). On a alors
tendance B faire table rase de ce qui existe et il lancer des enquêtes
ad hoc dont on attend des reponses B tous les problemes que l’on
se pose. Mais ces enquêtes sont souvent trop ambitieuses et mal
exploitees. Avant de lancer une enquête nouvelle, qui risque de
coûter cher et d’exiger beaucoup de temps, il convient de
s’assurer :
qu’une exploitation des donnees existantes, fondee sur une
analyse critique,ne suffirait pas 2 repondre aux questions que
l’on se pose ;
que les objectifs vises et les informations qu’ils exigent sont
definis de maniere suffisamment precise. Avant de lancer une
enquête, il faut avoir prevu l’exploitation que l’on en fera. Il
faut eviter de tomber dans le travers frkquent consistant a
accumuler une masse d’informations,pour s’apercevoir ensuite
qu’une grande partie d’entre elles n’&ait pas indispensable ;
0 que l’ondispose des moyens necessaires pour le traitement des
donnees recueillies.On a vu de grandes enquêtes inexploitkes
faute de moyens informatiques.
Le moyen le plus economique de rCsoudre ce probleme
consisterait B faire appel aux sources administratives, tout en
ameliorant leur qualite.C’estencore une fois d’abordun probleme
de coordination entre les instances responsables, afin qu’elles
acceptent d’ouvrir leurs fichiers et de les utiliser pour d’autres
finalites.
Dans le domaine qui nous interesse,les meilleures statistiques
risquent fort d’être insuffisantes. Rien ne remplace une
connaissance concrete des entreprises et des pratiques des
employeurs, surtout lorsqu’il ne s’agit pas seulement de faire un
constat,mais d’analyserdes evolutions.Des investigations directes

131
Planification des ressources humaines:
mdthodes, exphiences,pratiques

aupres des employeurs sont donc indispensables pour completer


et eclairer les statistiques par des Clements plus qualificatifs. Elles
peuvent aussi se substituer partiellement il elles lorsque l’appareil
statistique est gravement insuffisant et lorsque l’economie
moderne est si faible et si peu diversifiCe qu’un petit nombre
d’investigations directes peuvent suffire il donner une image
approximative de la rdalite.
C’est dans cet esprit que l’on trouvera en Annexe IV un
exemple de grille d’entretien pouvant servir de base 3 des
enquêtes orientees il la fois vers le recueil de donnees, le
diagnostic des problemes actuels et l’anticipation de l’avenir. On
a cherche il simplifier autant que possible cette investigation. Si
les conditions le permettent (disponibilite et diversite des
interlocuteurs), il sera possible d’dtendre la grille de
questionnement.
L’enquête suggeree ne peut se faire par le simple envoi d’un
questionnaire,que les employeurs risquent de remplir de façon
incomplete ou fantaisiste et dont ils ne comprendrontpas toujours
l’objectif. Elle suppose un entretien conduit par un personnel
prkparC specialement. Bien entendu, ce questionnement devrait
s’adresser il un echantillon qui, à defaut d’Ctre statistiquement
reprksentatif (ce qui exigerait sans doute un trop grand nombre
d’enquetes), devrait être aussi diversifie que possible, pour rendre
compte de l’eventail des conditions que l’on peut rencontrer.
Jusqu’ici, il n’a et6 question que des entreprises du secteur
moderne.Mais,dans beaucoup de pays en dkveloppement,celui-ci
n’emploie que des effectifs limites,peut-etremoins que le secteur
((informel,,. La connaissance de celui-cipose plusieurs questions :
pourquoi l’ktudier ? comment le dCiïnir ? et comment l’ktudier ?
D u point de vue d’une apprehension globale du probleme de
l’emploi et de la defilution de politiques de promotion de
l’emploi, une connaissance de ce secteur est dvidemment
essentielle. D u point de vue de la planification de la formation,
c’est plus discutable,dans la mesure où ce secteur emploie tres
peu de main-d’œuvre ayant une qualification formelle, de type
enseignement supkrieur, technique ou professionnel -sauf
lorsqu’il commence à y avoir un surplus de diplômes qui-ne
savent comment se placer.

132
La planification des ressources humaines aujourd‘hui

L e mode d’investigation dans le secteur informel est


gCnCralement l’enquête :une enquête souvent plus qualitative que
quantitative, visant des objectifs plus vastes que la simple
identification des effectifs, de leur qualification et de leur
formation.L’exNrience tunisienne,par exemple,montre qu’il est
possible d’avoir une assez bonne estimation de l’emploi dans le
secteur informel 2 partir d’enquêtessur les menages (par exemple,
par une enquête emploi). Pour dbnombrer les cmplois,il suffit de
croiser un certain nombre de variables telles que le secteur et la
taille de l’entreprise.
Toutes ces indications doivent su€fire à souligner l’importance
de la disposition d’un ensemble de donnees permettant d’etablir
un diagnostic de la situation actuelle. Encore faut-il que ces
donnees constituent un tout cohCrent et utilisable.A cet egard,on
peut noter l’initiativerecente du Togo consistant à mettre en place,
dans le cadre d’un projet de la Banque mondiale, un Observatoire
des besoins de formation professionnelle. Celui-cicentralisetoutes
les informations relatives il l’emploi et rdalise des enquêtes
complkmentaires lorsque c’est nCcessaire, ainsi que des
monographies ponctuelles (Orivel, 1991).
5. Les étapes d’un processus de planification
Après avoir insiste sur la spCcificit6 des situations particulières, il
est bien difficile de proposer unc approche ayant une valeur
g6nCrale. O n peut tout au plus knoncer quelques principcs d’action
et tenter de hierarchiser les prioritts.
Lorsqu’il s’agit plus particulièrement de pays en
developpement, plusieurs Ccueils sont à c hiter :
le premier consiste a partir d’un bilan critique des donnees et
des moyens disponibles pour conclure que toute planification
et a fortiori toute prevision sont impossibles ;
le second (qui peut trks bien prendre la suite du premier)
decoule de l’adoption d’objectifs exagdrkment ambitieux en
matière d’enquête, d’CLude et/ou de système d’organisation,
avec le risque que ces objectifs ne puissent être atteints, ou
n’exigent des delais si longs qu’ils paralysent toute action ;

133
Planification des ressources humaines:
méthodes, expériences,pratiques

la troisihme fausse solution reviendrait h faire faire


(Cventuellement par une expertise exterieure) une Ctude
technique supposCe apporter toutes les rkponses au problème
pose.
Si ces approches ne nous paraissent pas adaptees,c’est parce
qu’une planification utile doit necessairement Ctre un
processus permanent mais progressif,directcment pris en charge
par les responsables,qui ne peuvent attendre une solution miracle
de l’extdrieur,mais que le manque de moyens ne doit pas non
plus decourager. A chaque dtat dc l’information et des moyens
disponibles peut correspondre une ddmarche appropriCe. Il doit
toujours Ctre possible de partir d’estimations approximatives et de
les affiner progressivement, au fur et a mesure que des ClCments
nouveaux deviennent disponibles. A condition cependant de
conserver un regard critique sur ces rCsulLats inlermediaireset d’en
faire un usage appropriC.
Priorité d I‘évaluation et exigence de qualité
Avant de vouloir s’aventurerh prCvoir un avenir necessairement
incertain, il est peut-être plus urgent et probablement moins
difficile de mieux connaître le prksent. Beaucoup de pays n’ont
qu’une idCe trhs vague de la manière dont le système de formation
fonctionne,si ce n’est pour denombrer les effectifs d’enseignants
qu’ilemploie et les Clhves qu’ilscolarise.L’evaluationdu systhme
de formation est une ndcessitd en soi,quels que soicnt le dispositif
et la demarche adoptes. Mais elle peut aussi être vue comme un
accompagnement nkcessaire de la planification. Elle peut
s’envisagerde plusieurs manières :
L’Cvaluationinteme peut concerner lc niveau de connaissances
ou de compktence acquis,l’cfficacitd mesurde notamment par
le rapport entre effectifs scolarisCs et effectifs formCs (affect6
par les redoublements et les abandons), et enfin le coût
financier. Ces ClCments d’dvaluation ne concement pas
directement notre sujet. II faut nkanmoins souligner que trop
souvent la planification n’est fondke que sur des dlbments
quantitatifs et ne prend pas suffisamment en compte les
donnees qualitatives. Trop souvcnt,l’expansioneducative s’est

134
La planificationdes ressources humaines aujourd’hui

faite au detriment de la qualitC et les progrès ne sont


qu’apparents :en fait,la croissance des effectifs peut tds bien
recouvrir une ventable rkgression. <<La crise financière a
entraînC dans de nombreux pays une deterioration dramatique
des conditions d’enseignement qui se manifeste par (i) le
manque de matCriaux didactiques,(ii) la baisse des salaires en
termes rkels ou des retards dans les paiements des enseignants
entraînant leur demobilisation, (iii) l’augmentation de
l’absenteismeet (iv) le delabrement des locaux), (IIPE,1990).
Les effets d’une telle Cvolution se font necessairement sentir
lorsque l’on passe ii 1’Cvalualion exteme, car une qualit6
insuffisantede la formation peut nuire ii l’insertionprofessionnelle
de ceux qui ont CtC formes.
On ne saurait donc trop insister sur l’utilite de mettre en place
et d’amCliorer un dispositif d’kvaluation de la formation qui ne
soit pas seulement fonde sur des crit&res formels, tels que les
examens mesurant essentiellement des connaissances,mais plut&
sur une evaluation des capacitbs reellement acquises. Ici encore,
et notamment lorsqu’il s’agit de formation professionnelle, cela
devrait impliquer une collaboralion avec les milieux
professionnels.
L’Cvaluation externe se mesure d’abord par les conditions
d’entrCe sur le marche du travail, avec des enquêtes comme
celles qui ont et6 examinees plus haut. II n’est pas necessaire
au dCpart de disposer d’un dispositif d’observation lourd pour
se faire une premiere idCe de la situation. On peut commencer
par ktudier des Cchantillons limiles de population en donnant
la priorite aux formaiions sur l’efficacite desquelles on
s’interroge et qui posent les problèmes les plus urgents.
Les enquêtes ne pourront pas toujours se faire par la poste et
il y aura sans doute avantage a les decenlraliser pour être au plus
près de ceux qui sont interroges, mais dans ce cas il est
indispensable de veiller ii 1’homogCnCite des questionnaires et des
methodes d’enquête, si l’on veut que les rCsultats soient
exploitables.

135
Planification des ressources humaines:
méthodes, expkriences.pratiques

Combiner les approches quantitative et qualitative


L’une des difficultCs soulevCes par la planification des ressources
humaines provient du cloisonnement des approches. Il existe
d’abord un Ccart important entre :
d’un c6t6, l’approche quantitative et macro-Cconomique que
connaissent gCnCralement les statisticiens,les Cconomistes et
les planificateurs. Elle donne une vue d’enscmble,mais a partir
de donndes abstraites qui ne sont pas toujours significatives et
qui refl2tent mal les situations rCelles et les problEmes qu’elles
posent ;
d’un autre c&C, la connaissance concrète,mais IimitCe,qu’ont
les hommes de terrain de leur environnement immediat. Ils
manquent de recul et d’une perspective d’ensemble.
Un autre fosse sCpare trop souvent les administrateurs du
monde de la production et de l’entreprise. La vision nCgative
qu’ils ont les uns des autres est gCnCralement fondCe sur
1’ignorance.
Une bonne planificationexige une rkduction de ces Ccarts. non
seulement par une meilleure concertation, mais aussi par une
approche pluridisciplinaire impliquant une meilleure connaissance
des conditions concrètes. Cela doit êlrq plus facile si le pays est
plus petit (ou s’ils’agitd’une approche regionale) et si 1’Cconomie
est moins avancCe,et donc moins complexe.C’est pourquoi nous
suggCrons qu’une m ê m e demarche auprès des employeurs serve B
la fois B donner des informations qualitatives et a complCter et
enrichir les donnCes quantitatives (ou m ê m e B se substituer aux
statistiques lorsqu’ellesmanquent).
Ces considCrations amhent il poser le problème de l’utilitC ou
m ê m e de la nCcessitC d’une analyse du travail pour la planification
de la formation. L’klaboration sysdmatique d’un RCpertoire des
emplois (du type de celui qui a CtC prdsentC au Chapitre VI,
pp.93-99)est-elle indispensable ? Dans la plupart des cas, la
rCponse est nCgative, ne serait-cequ’en raison de l’investissement
excessivement ClevC que cela exige en personnel compCtent,en
argent et en temps. D e plus, nous avons vu que l’on avait de plus
en plus besoin d’une formation gCnCrale qui ne pouvait se limiter
h la prkparation h des postes specifiques.

136
La planification des ressources humaines aujourd’hui

Les investigations sur le terrain restent toutefois souhaitables,


d’abord pour concevoir et mettre h jour des contenus de formation
mieux adaptCs aux besoins changeants de 1’Cconomie ;mais aussi
parce que c’est un moyen de mieux faire comprendre ces besoins
aux administrateurset aux formateurs,surtoutlorsque l’onpeut les
impliquer dans le processus. Sachant que les contenus d’emploi
sont souvent proches d’un pays h l’autre,il doit donc être possible
d’utiliser les documents existants (tels que le RCpertoire français
des emplois) comme r6fCrcntiel pour tcstcr sur le terrain quelques-
unes de ses analyses. O n pourra limiter ces tests aux fonctions les
plus significatives et adopter une dkmarche plus synthdtiquevisant
h mettre immCdiatement en relief les types de compCtences
rkellement mobilisees dans le contexte national.
Ces analyses qualitatives sur le terrain devront se placer dans
une perspective dynamique, en cherchant h analyser les facteurs
de changement et h en deduire les tendances d’kvolulionles plus
probables.
Passer d u n e notion de besoins à une notion d‘utilisation de
la main-d‘œuvre
L’analyse critique de l’approche main-d’œuvre a montrC que l’on
pouvait difficilement parler de <<besoins>>en main-d’œuvre
qualifiCe de l’economie,constituantune donnCe intangible,compte
tenu des possibililks de substitution ct d’altematives de
recrutement. Cela Ctant admis, il doit être Cgalement clair que
1’Cconomie ne peut recruter n’importe qui et que la marge de
flexibilitk n’est pas infinie. Prcndrc en compte les dCbouchCs
possibles et les demandes prioritaires reste donc indispensable,
mais on se placera plutôt dans une optique d’utilisation de la
main-d’œuvre et de demande de l’kconomie,compte tcnu des
conditions concrktes du marchk du travail, et notamment :
des possibilitds de substitution entre diffCrents types de
qualification ;
du caractkre plus ou moins attractif des emplois pour les
jeunes,considCrant les dmundrations,les conditions d’emploi
et de travail ;

137
Plan.$cation des ressources humaines:
méthodes, expériences,pratiques

des altematives entre diffkrentes sources possibles de


recrutement :formation initiale,promotion inteme,recrutement
A partir d’autres emplois, etc.
Autant que possible, ce demier point doit pouvoir se
concktiser sous forme d’estimationschiffdes.
Elaborer des mod2les simples de flux
Ces estimations peuvent prendre la [orme d’un mod2le simplifie
des flux de recrutement,non seulement B partir de la formation,
mais aussi B partir d’autres sources.C e modèle,reprCsent6 dans le
Graphique 5,a l’avantagede donner une image d’ensemble,mais
il n’est pas suffisant. Si possible, il devrait Ctre complet6 de
plusieurs manières :
Sous forme de sous-modèles correspondant davantage B la
realite des grands secteurs ; dans un pays en ddveloppement,
il y en aurait au moins trois :secteur public, secteur moderne
prive et secteur informel..Celui du secteur public est fonde
principalement sur des recrutements 2 partir du syst6me
Cducatif (Cventuellcment apr& un passage par 1’6tranger)et sur
la promotion inteme ; les autres Cldments (ch6mage et
inactivitC) peuvent être nCglig6s. C’est vraisemblablement
l’inverse pour le sectcur traditionnel et <<infonnelw,qui peut
recruter des jeunes non scolarisks. Seul le secteur moderne
marchand recourt B toute la gamme des flux.
Si utiles qu’ils soient pour foumir une toile de fond, de tels
mod2les limites aux effectifs totaux ne peuvent constituer un
instrument suffisant pour la planification de l’dducation, qui
necessite la prise en compte des qualifications
(formations/professions). Elaborcr un modèle semblable pour
chaque qualification ou m ê m e groupe de qualifications serait
l’iddal,mais ce serait excessivement lourd. Il serait cependant
utile de le tenter au moins pour trois grandes catdgorics qui se
situent de manikre bien distincte sur un tel schema :
-
l’encadrementsup6rieur dont une definition plus prCcise est
necessaire, mais elle doit êtrc particulière B chaque contexte
national ; l’encadrement intermddiaire ; et les ouvriers et

138
La planification des ressources humaines aujourd’hui

employCs qualifiCs,pour lesquelsune formationprofessionnelle


longue est normalement exigCe.
Pour des pays en dkveloppement qui manquent de donnCes, il
faudra vraisemblablement simplifier le schema.
Cette dCmarche pose Cvidemment au moins deux problemes :
Comment chiffrer tous ces ClCments ? Cela revient il la
question des sources evoquCe plus haut. Seuls les pays les plus
avances disposent d’un appareil statistique suffisant pour
pouvoir chiffrer avec une certaine precision chacun des flux
-
figurant sur ce type de diagramme ce qui Cquivaut au Bilan
formation-emploiCvoqud (cf. Chapitre 111,pp.38-47).Pourles
autres,nous pensons qu’il doit toujours être possible d’estimer
des ordres de grandeur, ne scrait-ce qu’a partir de donnCes
ponctuelles obtenues par quelques investigations aupr2s des
employeurs et en recoupant les informations foumies par les
spCcialistes (de l’emploi,de la ddmographie). L’elaborationde
ces estimations peut être une occasion utile de confrontation
entre differentes sources et d’echanges de vues entre
personnalitCs venant d’horizonsdifferents. Si grossières soient-
elles,des estimations de ce type sont toujours prCf6rable.s A la
solution consistant il nCgliger les differents flux de mobilite
pour se contenter d’une hypothese artificielle d’adequation
formation initiale-recrutement.Bien entendu,ces estimations ne
sont destinees qu’aux planificateurs et ne doivent pas être
diffusdes en l’Ctat,car elles pourraient être mal interprCtCes ou
faire l’objet de critiques faciles. Mais elles doivent être
toujours revisables, au fur et 3 mesure que l’information
s’amkliore.
En supposant que le modèle se concretise,ce ne sera d’abord
qu’une image de la situation prCsente, ce dont la planification
ne peut se contenter. Il faudrait projeter cette situation dans
1’avenir.

139
PlanifKation des ressources.humaines:
dthodes. exptiences. pratiques

Graphique 5. Analyse des flux

'iNon-smhis&

-1
Edumion

1 Inactivirt
V

[ Emger

Note : (Les flèches suggèrent les principaux flux ; le schéma pourra êire adapté au
contexte national en négligeant les flux les plus faibles).

140
La planification a’es ressources humaines aujourd’hui

Projeter dain l’avenir le schéina des flux


Dans la plupart des contextes,il doit &e possible de trouver une
voie moyenne entre l’adoption naïve de previsions chiffrees et le
refus pur et simple de toute vision prospective.En ce qui concerne
la structure future de l’emploi,les conclusions suivantes peuvent
être tirees de l’analyse critique des expkriences :
La prkvisioiz est beaucoup nzoirzs aléatoire dans certains
doniairies que dans d’autres. Ainsi en est-il pour la
demographie,qui conditionne très largement :
- le volume de la population active future. Les actifs qui
composeront cette population dans dix ou quinze ans sont
dej2 ries. Pour les moins jeunes, la repartition par
qualification est dejja estimde. Il est facile d’appliquer h
cette population des coefficients permettant de tenir compte
des decès et departs en retraite pendant la periode ;
- les entrees dans le systeme scolaire.L’inertie du mode de
fonctionnement de celui-cietant importante,il est possible
d’etablir des previsions d’effectifs scolarises sur des bases
assez solides, en faisant des estimations sur la demande
sociale. Soulignons que de telles previsions sont de toute
manière indispensables pour programmer les constructions
scolaires et la formation des enseignants.
D e ces previsions d’effcctifsscolaires peuvent être deduites des
estimations sur les sorties par type de formation.L’additionde ces
estimations et de celles qui concernent la population active
residuelle fournit une preniiere image de la population susceptible
d’occuper les emplois futurs (en mettant provisoirement de côte
les problèmes de mobilite).
Les besoins de recrutement d’enseignantspar grande categorie
peuvent facilement être deduits des previsions d‘effectifs.Or,dans
beaucoup de pays en dkveloppemenf, ces besoins en enseignants
constituent une très grande part des debouchesdu syst6me educatif
aux niveaux les plus eleves,ce dernier fonctionnant largement en
circuit ferme,pour satisfaire ses propres besoins. En rapprochant
ces donnees,on possede dej2 des klements importants de la future
relation €ormation-emploipour les qualifications de type scolaire.

141
Planification des ressources humaines:
niethodes, expériences, pratiques

A partir des enseignants, on est conduit h evoquer plus


gCn6ralementle problkme du secteurpublic -ou plus exactement
de l’administration,car peu importe que les entreprises soient
publiques ou privees, elles doivent ressortir d’une autre logique
que celle de l’administration. C e qui est le plus caractCristique
d’un faible niveau de developpement, c’est le poids relatif
important des emplois relevant de la fonction publique. Ces
emplois representent souvent la grande majoritC des emplois tres
qualifies, notamment des dipl6mes de l’enseignementsuperieur.
Or,il est important de souligner que :
comme on l’a vu,c’estprdcisdment h ces emplois que la notion
d’adequation s’applique le mieux ;
le secteur administratif devrait mieux se prêter aux prkvisions,
avec moins d’al&, que le secteur prive. D’abord,le principal
employeur - et de loin - est g~neralenient1’Education
nationale (cas de la CGte d’Ivoire,cf. Chapitre Y,pp. 24-28).
C o m m e on le voit par ailleurs et compte tenu de l’inertie du
systeme, la prevision des effectifs scolaires est celle qui
souleve le moins de difficultes. Il est facile d’en dCduire les
besoins en enseignants (sauf dans les cas où la forte mobilite
de ceux-ciconstituerait une inconnue). Si le principal debouche
de l’enseignementest l’enseignementlui-même,c’estau moins
un elt5menl qu’il devrait être assez facile de planifier.
Le reste du secteur public reste encore concentre sur quelques
categories qu’il doit &re possible d’identifieret qui peuvent faire
l’objet d’estimations.Enfin,il devrait être possible de proceder 3
des estimations globales sur la capacitk du budget de 1’Etat de
financer des emplois de fonctionnaires : cette capacite est liee au
produit national ; elle ne peut guere augmenter davantage,mais ,

elle est liee aux mêmes aleas.


les prévisions concernant les qualifications et professions
doivent de préférence porter sur de grands agrégats.Pour tenir
compte des effets de substitution et pour ne pas demultiplier
les hypothkses et les calculs, il y a interet h envisager
l’evolutiond’un nombre reduit de secteurs et de qualifications
(en s’inspirant par exemple des experiences mentionnees au
Chapitre Ier);

142
La planification des ressources humaines aujourd’hui

Plutôt que de pretendre prevoir l’avenir avec quelque prkcision,


cet exercice doit plutôt viser B délimiter le champ des
possibles, en utilisant des jeux d’hypothèses définissant des
.fourchettes)>. Ces hypotheses peuvent Ctre simples, voire
simplistes, mais elles doivent être expliquees et autant que
possible justifiees. Elles pourront se referer il une situation
limite,ou à des comparaisons internationales,ou constituer une
extrapolation des tendances observees.
- On a vu que les previsions d’emploi etaient generalement
fondees sur des hypothèses de croissance Cconomique
souvent exagCr6ment optinlistes, parce que ayant un
caractere officiel,et que cela constituait la principale cause
d’erreur. Si l’on ne peut eviter de se referer il ce type de
prevision,il y aura avantage il envisager parallelement des
hypothèses alternatives se referant B des taux reellement
observes, dans le pays m ê m e ou ailleurs. Passer de la
croissance de l’dconomie h celle de l’emploiimplique des
hypotheses sur la productivitk. C’est lh un aspect souvent
mal connu et les pr6visions sont tres alkatoires, mais
supposer qu’il ne se produira aucun gain de productivit6
constituerait une hypothèse extrême, peu realiste,car cela
impliquerait une stagnation et un manque de competitivite
de l’kconomie par rapport à ses concurrentes. Si l’on ne
dispose pas de prkvisions economiques (notamment parce
que la @riode envisagee est trop longue), il est quand
m ê m e possible de faire des hypothtses raisonnt5es sur
l’evolution de l’emploi par secteur, en se referant aux
evolutions constatees et h des comparaisons internationales
et en tenant compte des priorites et des potentialites
nationales.
- L a structure de l’emploi par profession à l’interieur de
chaque secteur ne se modifie que tres lentement, et ses
modifications ne jouent pas un très grand rôle dans
l’evolutionglobale,qui est davantage affect& par le taux de
croissance et par la repartition sectorielle de l’emploi. Il
n’est donc pas deraisonnable de partir d’une hypothese
conservatrice supposant la structure de l’emploiinchangee.
O n peut ensuite envisager une autre hypothese supposant

143
Planification des ressources humaines:
méthodes, exptriences, pratiques

une amelioration progressive des niveaux de qualificationet


des taux d’encadrement,en se referant 3 des situations types
ou à des comparaisons internationales. Il nous paraît
diffciIe de proposer des normes de structure,au moins pour
l’industrie et la plupart des services,mais elle reste valable
pour des secteurs comme la Sand (tel nombre de medecins
et de personnel paramedical pour 100 O00 habitants, par
refdrence à l’existant et aux comparaisons internationales)
ou l’education (tant d’el2ves par enseignant).
- Concernant les ressources disponibles pour occuper les
emplois futurs,une premikre serie d’hypothksesconcerne le
vieillissement de la population active existante. Sur
moyenne @riode, la mortalite peut être nkgligee,tandis que
l’on peut recourir à des tables de mortalite sur plus longue
@riode. L’impactdes departs en retraite est facile à estimer
: supposant que l’iige normal soit 65 ans, une hypothese
simplifiee consiste à estimer que dans 10 ans tous ceux qui
sont aujourd’hui âgCs de 55 ans ou plus seront partis
-ce qui suppose une estimation sur la structure actuelle
par Bge et grandes catdgories professionnelles.
- La mobilite professionnelle est beaucoup plus difficile 3
evaluer,car elle est fonction d’unediversite de facteurs dont
certains sont imprevisibles...Il n’estguère question d’etablir
ici des prdvisions,mais les hypothèses que l’on pourra faire
auront le merite de poser des problkmes, tels que celui des
causes de la forte mobilite de tel ou tel secteur et des
remkdes possibles (cf. Clinpitre VZ). L’hypothkse la plus
simple est evidemment celle du maintien des taux constates
ou estimes au depart.
- L’autre composante des ressources provenant des sorties du
systeme de formation, celles-ci peuvent egalement faire
l’objet d’hypoth2ses contrastees :extrapolation des taux de
passage actuellement observes, ou bien des tendances de
croissance,anticipation de la demande sociale.
- Il ne faudra pas manquer de se poser la question de la
proportion des sortants n’entrant pas sur le marche du
travail, qui peut ne pas être ndgligeable lorsque beaucoup
de femmes ne cherchent pas d’emploi rdmundre. Les

144
La planijcation des ressources humaines aujourd’hui

hypothèses que l’onpourra faire sur le taux d’activite des


jeunes filles pourront tenir compte du niveau d’education,
qui constitue sans doute le critere le plus determinant :quel
que soit le milieu socioculturel, plus les femmes sont
instruites,plus elles se presentent sur le marche du travail.
- Après avoir estime le volume des emplois à pourvoir et
celui des ressources en main-d‘aeuvre suivant differentes
hypothèses, se pose le probleme essentiel de la
confronlation. A ce stade,faire des hypotheses à caractere
previsioiinel sur les ajustements entre niveau et type de
formation d’une part, et groupe de professions de l’autre,
serait tomber dans le piege de l’adequationnisme.Mais la
confrontation de ces donnees peut donner lieu à une analyse
instructive.Elle peut notamment permettre de detecter des
situations limites ou peu vraisemblables. C e serait le cas,
par exemple,si le nombre de diplômes de l’enseignement
superieur apparaissait au moins equivalent à celui des
emplois de cadres :cela impliquerait soit qu’il n’y ait plus
aucune promotion possible pour ceux qui viennent d’un
niveau infkrieur,soit qu’une partie des diplômes acceptent
des emplois de niveau inftrieur :est-ce acceptable ? Si les
hypotheses retenues conduisent à bouleverser les structures
et les equilibres de professions existants, par exemple en
relevant brutalement le niveau de formation pour un groupe
de professions,on pourra aussi se poser des questions.
Les résultats devront faire l’objetde tests de cohérence pour
coiforter leur vraisembhizce. La coherence peut porter sur
l’equilibre entre niveaux de formation, entre groupes de
professions,entre l’analyse sectorielle et l’analyse globale, ou
entre la situation previsible du pays et celle de pays ayant
atteint un niveau de developpementcomparable.Il n’existepas
de regles auxquelles on puisse se referer ; c’est affaire de
jugement et d’exp6rience.
Une autre serie de tests de cohtrence concerne la relation entre
les perspectives quantitatives d‘evolution des flux et les donnees
qui conditionnent la concr6tisation de ces perspectives : compte
tenu des conditions reelles dans lesquelles se fait l’orientation des
jeunes,de leur motivation, des remunerations,des conditions de

145
PIanification des ressources humaines:
nidihodes, expériences,pratiques

travail et d’emploi, est-il vraisemblable que les hypothèses


adoptees se realisent ?
Cette necessite d’une vision d’ensemblene signifie pas que la
prevision et la planification qui s’appuient sur elle doivent
couvrir systematiquementet au m&me degre de dCtail toutes les
qualifications. L’exemple du Japon montre que la
determination de grandes orientations et de grandes priorit6s
(par exemple la priorite donnee aux formations à l’electronique
et à l’in€ormatiqueil y a au moins vingt ans) peut &tre plus
efficace qu’une planification detaillee.
Dans les pays dont l’economieest encore peu diversifike,il est
generalementpossible de definir despriorités cortcrètesen matière
de formation. Pour ces pays, on ne risque guère de se tromper en
suggerant trois priorites :
- L a maintenance des installationselectriques et mecaniques,
des vehicules et des differents types de matdriel correspond
à un besoin permanent qui n’estjamais satisfait et qui peut
occuper une main-d’euvrenombreuse et bien qualifiee.
- La gestion recouvre une fonction plus large que la
comptabilite et conditionne l’efficacite d’un très grand
nombre de structures : entreprises industrielles et
commerciales, coopdratives agricoles, etc. Les formations
qui peuvent y preparer se situent à des niveaux variables et
peuvent faire l’objet de formations tri3 diverses.
- L’agriculture reste le problème majeur de la plupart des
pays les moins avancks,mais les qualifications exigees par
son developpement sont plus dependantes du contexte
socio-econonziqueet institutionnel.
E n combinant ces diffirentes dkmarches,et quel que soit l’etat
des donnees et des structures, il est toujours possible
d ’élaborer des scénarios pour 1 ’avenir,dont la fonction est
plus pédagogique que prédictive.En r6unissantles responsables
des differents domaines concernes pour discuter de ces
sc6narios, on fera apparaître des questions qui exigeront des
prises de position ou des recherches d’information
compldmentaire et on pourra fournir les bases d’une politique.

146
La planification des ressources humaines aujourd’hui

Intégrer la planification de la formation dans une politique


globale concernant les ressources hunaines
Cette politique devrait prendre en compte non seulement le
systbme d’education et de formation dans son ensemble, mais
aussi les problbmes d’emploi, d’insertion des jeunes, de
mobilisation de la main-d’œuvreet de remuneration.Elle devrait
être conçue en termes d’alternatives :dans bien des cas,il n’existe
pas de solution unique au probleme de la satisfaction des
<<besoins)) de l’economie en qualifications. Des choix peuvent
s’exercer entre formation initiale et continue, entre formation
nationale et à l’exterieur, entre extension ou prolongation de
formations exislantes et creation de formations entierement
nouvelles, entre differents types de formation (cf. pp. 149-161).
Dans les pays en developpement, une politique de formation
doit necessairement tenir compte des mesures d’ajustementvisant
à limiter les depenses budgetaires tout en stimulant la croissance,
à encourager le developpementdes petites entreprises et du secteur
informel,à inciter à l’auto-emploiet à la creation d’entreprises,à
faciliter les reconversions. Dans les pays plus avances,il faudra
veiller à la coherence des politiques de formation et des politiques
sociales visant notamment à lutter contre l’exclusiondes jeunes les
plus qualifies. Le defi des Cconomies modernes fondees sur
l’intensification de la concurrence et du recours aux nouvelles
technologies n’est pas tant la necessite de former la main-d’œuvre
hautement qualifiee qui est de plus en plus demandee que d’eviter
la marginalisation de ceux qui ont de la peine à s’adapter.
Intégrer les iiwyens dans la pluizificatiorz
Est-ilbesoin de souligner qu’une politique -peu importe qu’elle
prenne la forme d’un plan - ne se limite pas à déj7nir des
objectifs. Plus important - et aussi plus difficile - est lu
défiizitioitdes moyens d’action.Que va-t-onfaire pour surmonter
les inerties et les rigidites decrites au chapitre precedent, à
l’interieur et à l’extkrieur du syst2me de formation ? Comment
trouver les moyens de financement ? Comment faire en sorte que
l’administrationconstitue un facteur de developpement et non un

147
Planification des ressoiirces humaines:
nrtthodes, expériences, pratiques

frein ? Plus concretement, une politique globale devrait se


prdoccuper :
d’une programmation des ressources financieres sur plusieurs
annees,et pas seulement sur l’annee budgetaire ;
du mode de financement. Celui-ci ne peut venir que de trois
sources : 1’Etat.les entreprises et les particuliers. La capacite
de financement du premier est dkjh mise largement à
contribution dans la plupart des pays. Les entreprises
contribuent volontiers B la charge de la formation si elles y
voient un investissement productif. O n ne peut toutefois les
taxer trop lourdement sans compromettre leur com@titivitd.
Dans certains pays, la duree et la qualit6 de l’enseignement
sont largement dependantes d’une importante contribution des
particuliers. Mais celle-ci ne devrait pas contribuer B
l’aggravation des inkgalites ;
de la crdation de filieres de formation nouvelles ou de
l’amenagement des filikres existantes ;
bien entendu, de la disponibilite des locaux, des enseignants,
des formateurs et des materiaux pedagogiques ;
mais aussi, ce qui est tout aussi important, des mecanismes
suivant lesquels les Clkves,les etudiants et leurs familles seront
informes sur les orientations et incites 9 s’orienter dans les
directions jugees souhaitables ;
des dispositions B prendre pour que les enseignants et
administrateurs de l’education et de la formation contribuent 3
la realisation des objectifs,par exemple en ce qui concerne les
effectifs admis aux examens et concours d’entrde,la definition
des niveaux d’exigence et des objectifs Hdagogiques, et des
procddures d’evaluation.Dans beaucoup de pays,les initiatives
des enseignants les plus dynamiques, tant en matiere de
Hdagogie que de relations avec l’environnement, sont
systematiquement brid6es par une administration tatillonne et
bureaucratique. Il faudrait qu’a l’inverse leur statut et leurs
conditions d’emploi soient conçus de telle manikre qu’ilssoient
motives et rkcompenses dans leurs initiatives ;
2 l’extdrieurdu systenie de formation,des mesures qui peuvent
Ctre prises pour inciter les employeurs à adopter des politiques
de recrutement,de gestion du personnel,de remuneration et de

148
La planification des ressources humaines aujourd’hui

formation complementaire coherentes avec la politique globale


definie ;
enfin, des conditions qui permettront de concretiser ces
orientations nationales au niveau local (carte scolaire des
implantations).
Conjuguer et articuler politique natioiiale et politique locale
Dans cette perspective, il convient de viser le maximum de
decentralisation et de coophtion avec les employeurs (comme on
l’a vu dans ce chapitre py. 114-116).
6.La necessite d’une adaptabilite du systkme de formation
M ê m e si l’onreussit à mener à bien les travaux d’evaluationet de
prevision qui viennent d’être 6voquks, ils laissent une serieuse
marge d’incertitude,et il faut encore compter avec les pesanteurs
socio-economiques (rappelkes plus haut) et administratives.
L’amelioration de la planification n’estpas suffisante ; elle devrait
aller de pair avec une plus grande adaptabilite du systeme de
formation. Cette approche presente un double avantage. Pour
l’economie,l’adaptabilite de la main-d’œuvre est une reponse 2
l’imprevisibilite.Pour les individus,aucune formation specialisee
ne peut desormais suffire P preparcr il une vie professionnelle, et
la mobilite devient une exigence de plus en plus frequente. Cette
adaptabilite peut être examinee sur plusieurs plans :
adaptabilitc!des structures et dcs programmes d’enseignement
et de formation initiale,ce qui doit necessairement concerner
les formateurs eux-mêmes ;
rapprochemcnt de l’ecoleet de l’entreprise,et participation de
celle-ci au processus de €ormation ;
r6le plus important donne P la formation continue.

Adaptabilité des structures et des prograrmtes


La rigidite des systemes de formation peut provenir aussi bien du
statut des etablissements que de la structure des filieres de

149
Planification des ressources humaines:
méthodes, expériences, prariques

formation et des programmes. Elle pose en effet trois problemes,


d’ailleurs assez etroitement lies :
celui de la structure et du type d’etablissement chargC de la
formation -etablissement scolaire public ou prive, centre de
formation,entreprise ;
. celui des filières de formation et de leur professionnalisation ;
celui des programmes et de la spCcialisalion.
(i) Le probleme de la structure se pose moins pour
l’enseignementsuperieur que pour la formation professionnelle. 11
y a dkjà longtemps qu’un article demeure classique faisait le
proces des ecoles professionnelles,jugees incapables de repondre
aux besoins changeants de l’economie,en particulier dans les pays
en developpement (Foster, 1965). Faisant partie du systeme
scolaire,l’ecole professionnelle risque en effet de fonctionner en
circuit ferme, de ne pas evoluer facilement en fonction des
demandes exterieurcs. Elle coûte plus cher que l’enseignement
general.Dans les pays du Tiers Monde où l’economie moderne est
peu developfie, il n’y a qu’une faible demande pour le type de
qualifications qu’elle produit, et les diplômes ont tendance A
refuser les emplois de type manuel pour prkferer un travail
administratif.
Ces inconvenients pcuvent être encore plus prononces lorsque
l’enseignementou la formationprofessionnels sont entre les mains
d’un Etat centralise qui a le monopole des dipliimes, qui
n’emploie que des enseignants fonctionnaires (voir ci-dessous)et
qui utilise la formation professionnelle pour faire face aux
consequences sociales du chômage. L a Banque mondiale est
aujourd’hui tres severe pour les systemes de formation
professionnelle d’Etat &op vastes, mal finances, rigides et de
qualite mediocre>)(Middleton ; Ziderman ; Adams, 1990).
La solution opposee consiste à confier la formation
professionnelle aux entreprises ou à des centres spdcialises
dCpendant de l’industrie. Mais cette solution n’est pas non plus
sans inconvenient. Les entreprises ont naturellement tendance à
satisfaire leurs besoins spdcifiques et 2 privilegier les savoir-faire
purement professionnels plutôt que les capacites plus SenCrales
(voir ci-dessozu).Ce n’est pas necessairement dans l’inter& des
individus, dont cela peut limiter les possibilites d’evolution, ni

150
La planification a‘es ressources humaines aujourd’hui

m ê m e de I’economie, qui a de plus en plus besoin de


qualifications larges. Dans les pays en developpement, il y a
generalement trks peu d’entreprises capables et desireuses de
prendre en charge une formation approfondie, surtout quand il
s’agit de dtfmarrer de nouvelles activites. Enfin,la multiplication
des centres de formation autonomes pose des problkmes de
coordination qui sont souvent mal resolus.
Les systhes de formation places sous la responsabilite
principale des orgailismes professionnels patronaux, comme le
SENA1 au Brtfsil, Cchappent pour une bonne part à ces
inconvenients et constituent peut-Stre la solution intermediaire la
plus satisfaisante. Cree et g6re par les entreprises,il est finance
par un prelkvement sur les salaires et est fortement decentralise
pour s’adapteraux besoins locaux.
Les aspects les plus negatifs des systemes scolaires centralises
peuvent aussi être attknutfs, par exemple, en laissant dans la
pratique une certaine marge d’adaptabilite aux institutions
chargees de la mise en Oeuvre des programmes. C’est le cas de
l’Allemagne,où,bien que les diplômes de formation soient definis
suivant des procedures centralistes trks lourdes,la mise en ceuvre
de la formation incombe aux entreprises,qui sont bien placees (au
moins les plus importantes et les plus modernes d’entreelles) pour
veiller à l’adaptation2 des rtfalites concr2tes toujours changeantes.
On verra plus loin d’autres modalitks de liaison ecole-entreprise.
E n tout etat de cause, il n’existe pas, ici encore, de solution
ideale valable pour tous les pays, car l’efficacitede chaque
formule depend des contextesculturcls nationaux.L’efficacitetant
vantee de la formation professionnelle en Allemagne et au Japon
ne tient pas seulement au fait qu’elle est sous la responsabilittf
principale des entreprises.Elle est kgalement liee à deux autres
facteurs essentiels.D’unepart,les entreprises de ces pays ont une
conception parliculikre de leur responsabilite en niatikre de
formation : en Allemagne, c’est le rhultat d’une trEs longue
tradition ; au Japon, cela correspond à une politique
d’investissementdans les ressources humaines like h la pratique de
l’emploià vie dans les grandes entreprises.En second lieu,il faut
souligner que la formation professionnelle ne vient qu’aprks une
formation generale approfondie : en Allemagne, une proportion

151
Planification des ressources humaines:
mélhodes, expdriences, pratiques

croissante des stagiaires ont dejja reçu 13 ans de formation


gCndrale (les autres 10ou 11 ans) ; au Japon,plus de 90pour cent
des jeunes ont achevk des etudes le plus souvent generales et
parfois techniques d’une durde totale de 12 ans. Il est evident que
la transplantation des pratiques de ces deux pays dans des
contextes tr&s differents (faible formation de base, forte mobilitc?
des travailleurs et engagement limite des entreprises) ne donnerait
pas necessairement des r6sultatsidentiques,ce quj ne veut pas dire
qu’il faille la rejeter.
(ii) Concernant la professionnalisation, il n’est pas inutile de
rappeler l’opposition entre les systèmes de formation comportant
une orientation très rapide vers une formation à finalite
professionnelle, ja l’ecole ou en entreprise (que l’on trouve
m C m e dans des pays industriels avances comme l’Autriche ou les
Pays-Bas), et ceux dans lesquels l’enseignement a un caractere
gkneral, la formation professionnelle etant repoussee le plus
souvent aprks la fin de l’enseignementsecondaire et laissee aux
entreprises (cas des Etats-Unis et du Japon). II est evident que le
probleme de la planification ne se pose pas dans les mêmes termes
dans les deux systèmes.Le deuxieme laisse plus d’ouverture pour
des choix ullbrieurs et determine de façon moins rigide les
orientations. Mais il suppose un niveau eleve de scolarisation
(avec les coûts correspondants), et il devrait impliquer un
engagement des entreprises h jouer leur rôle dans le processus de
formation.
La question de la professionnalisation se pose aussi au niveau
supkrieur et suscite un probleme controverse qui necessiterait de
plus amples ddveloppements.Le rôle de l’enseignementsuperieur
consiste-t-ild’abord ja former des individus cultivCs, aptes h une
variete d’aclivitds professionnelles, ou bien à former
specifiquement B des professions ? La premi6re solution
correspond B la conception classique de 1’Universite.La seconde
repnd davantage h une preoccupation moderne des
gouvernements et des pouvoirs publics ja la recherche de
I’efficacitk.Cette preoccupation nous paraît plus ldgitime et plus
realiste en ce qui concerne les formations courtes que les
formations longues.De toute niailiere,considerant les incertitudes
sur l’evaluation des besoins, d’une part, et, d’autre part, les

152
La planification des ressources humaines aujourd’hui

exigences d’adaptabilite et d’ouvertured’espritqui s’imposentaux


cadres d’aujourd’hui,la professionnalisation ne peut &e poussee
tr&s loin au niveau superieur.
L a politique annonde par un certain nombre de pays en
developpement et visant la professionnalisation de leur
enseignement secondaire a dejà et6 evoquee dans ce chapitre
(cf. py. 112-114).
(iii) En supposant que le systeme scolaire comporte une
formation à caractere professionnel, se pose alors la question du
degr6 de spkcialisation de cette formation. Plus une formation est
specialisee,plus il est difficile à son beneficiaire de s’adapterà un
autre emploi que celui pour lequel il a et6 forme. Cet argument
plaide pour des formations larges. Il s’y ajoute le fait que
I’evolution recente des techniques et de l’organisationdu travail
tend à remettre en question la tradition taylorienne du cctravail en
miettes,,. On demande de plus en plus aux ouvriers et aux
employes d’etre capables d’une comprehension globale d’un
environnement d’une complexite croissante et de rdaliser une
multiplicite de tsches,se rkfkrant à une diversite de techniques et
de fonctions dans l’organisation. Aussi 1’Cconomie moderne se
satisfait-elle de moins en moins de formations purement
techniques a des nietiers traditionnels faisant surtout appel à des
savoir-fairesp6cifiques.
Cette perspective conduit à donner la priorite au developpement
des capacites de basc : expression ecrite et orale, analyse et
resolution de problemes. C’est en m e m e temps une garantie
d’adaptabilite à une variete de situations et à des evolutions
imprevisibles.
L a specialisation presente le maximum d’inconvenients
lorsqu’elleest dkcidee de bonne heure et prend la forme de filieres
n’ayant pas d’autre issue que l’emploi. Ces inconvenients
apparaissent lorsque les emplois correspondants ne sont pas
disponibles, ou lorsque ceux qui sont formes ne sont finalement
pas disposes à occuper ces emplois. Elle risque aussi d’etre
coûteuse, dans la mesure oh il est plus difficile d’ajuster les
ressources et les effectifs en formation lorsque celle-ci est
fractionnee. A l’oppos6,on peut envisager differentes formules
plus flexibles :

153
Planificarion des ressources humaines:
méthodes, expériences, pratiques

La specialisation progressive, à partir d’un tronc commun.


C’estainsi qu’en Allemagne,la refonte recente de la formation
professionnelle dans le travail des metaux a conduit à une
spkcialisation en deux temps : une premiere annee est
commune à tous, la deuxieme annee comporte une
sp6cialisation en deux filieres,et c’est seulement en troisieme
annee que se fait la sp6cialisation definitive vers des metiers
specifiques.Dans le m$me esprit,on peut concevoir qu’Apartir
d’une formation commune de base, des formations
complementaires soient laissees à l’initiative locale, en
concertation etroite avec les responsables locaux ou les
entreprises.S’dcartantde sa tradition tres centralisee,la France
s’est orientee dans cette direction au debut des annees 80.
Une deuxieme formule consiste A ne determiner qu’un noyau
commun de formation correspondant à des matieres de base et
garantissant un minimum d’homogeneite entre les formations.
Chaque region ou chaque etablissement est ensuite libre de
definir les complenients de programmes correspondant à des
besoins specifiques de la region ou des entreprises locales
(ce qui suppose une concertation etroite avec les entreprises).
La troisième formule est celle des unites de valeur, qu’il est
possible d’assemblerde differentes manieres et dans des ordres
differents,permettant une grande variete de combinaisons.C e
dispositif,tres repandu dans les pays anglo-saxons,et prône par
le Bureau international du travail,est largement diffuse dans
l’enseignement superieur d’autres pays.
Dans cet esprit, un autre facteur de flexibilite resulte de
l’existence de filieres de progression au sein du systeme de
formation, en cherchant A eviter que certaines formations
n’aboutissentqu’A un cul-de-sac.Le système germanique en est
un bon exemple. En effet, la grande majoritk des jeunes
passent par des filieres de formation professionnelle preparant
normalement à des emplois d’ouvrier ou employe qualifie.
Mais,à partir de la,il est toujours possible de continuer ou de
reprendre une formation menant à des qualifications
superieures,jusqu’au niveau ingellieur ou cadre sugrieur. C e
système a trois avantages : il donne une plus grande souplesse
au systeme de formation vis-à-visdu marche du travail ; il ne

154
La planifcation &s ressources humaines aujourd’hui

condamne aucun individu à une impasse ; enfin, il est un


facteur d’homogeni5itCsociale,dans la mesure oh il reduit les
cloisonnements et la hitrarclie qui existent entre l’ccClite,, et les
executants dans les autres systemes (qui fonctionnent
parallelement dans les pays germaniques).
L’adaptabilitépar la formation continue
Une formation ne peut se limiter A la @ode scolaire.
L’obsolescencerapide des connaissances et la pression forte pour
la mobilitk impliquent un important developpement de la
formation continue.Seule celle-cipermet de reagir aux evolutions
avec une rapidite que l’on ne peut attendre de la formation initiale.
C e di5veloppement pose plusieurs problemes : qui doit
l’organiser ? Qui doit le financer ? A qui doit-il profiter ?
Comment doit-ilêtre sanctionni5 ?
Ces questions sont liCcs entre elles. Il faut d’abord admettre
en principe que la formation continue doit bCnCficier aussi bien
aux employeurs qu’aux travailleurs et doit autant que possible
interesser l’ensemblede ceux-ci.Dans la pratique,c’estloin d’être
le cas :les cadres beneficient plus souvent d‘une formation
continue que les travailleurs les moins qualifies. D e façon
gCnCrale, plus on a bCnefici6 d’une formation et plus on est
demandeur, et reciproquement ; ce qui signifie que la formation
des moins qualifies exige que l’on sorte d’un cercle vicieux en
suscitant une motivation pour ceux qui devraient y trouver un
interet.Cette motivation, ce peut être la possibilitk de trouver un
meilleur emploi, ou d’êtrc mieux remuntre, ou de changer
d’emploi dans le cas d’une menace sur I’activitC actuelle.
Si l’on admet le principe d’un inter& gdnCral et commun pour
la formation continue,il ne doit pas y avoir d’exclusivite,et tous
les acteurs possibles -entreprises, kcoles,organismes prives -
doivent trouver leur place sur un marche qui peut être
concurrentiel. C e type d’action se prête mal à une planification
tres directive, mais davantage à une politique ddfinissant des
grands axes,des orientations et des incitations.Cette politique doit
notamment chercher un Cquilibre entre une formation donnde
exclusivement au benefice de l’entreprise ou du salarie. Le

155
Planification des ressources humaines:
niéthodes, expériences, pratiques

premier cas se produirait si l’entreprise n’apportait que des


apprentissages sp6cifiques à son activite propre qui, loin de
preparer le salarie P une evolution, tendraient au contraire &
l’attacher & elle. Le deuxi6me cas correspondrait soit à une
formation n’ayant pour fin que l’agrement du salarie, soit à une
formation qui le preparerait au depart. Dans ce cas,l’employeur
aurait fait un investissement qui b6n6ficierait à d’autrcs,et peut-
êtrc P des concurrents.
C’estla concertation sociale qui est le mieux à même de regler
ces problhes. Pour les salaries,il est important que la formation
aboutisse à une reconnaissance des acquis ayant une validte en
dehors de l’entreprise. Pour celle-ci, il est important d’être
premunie contre la perte liee P un eventuel depart en fin de
formation. E n m ê m e temps, un certain nombre d’entreprises
commencent & s’apercevoir qu’il n’est pas necessairement dans
leur interet de lier les salaries par une formation trop specifique :
au cas où elles seraient confrontees à une crise,il vaut mieux que
les salaries aient davantage de possibilites de reconversion.
Autrement dit, il apparaît de plus en plus que la politique de
formation continue doit s’integrer dans une politique globale
d’emploi.
D e même, un partage des charges entre employeurs et
travailleurs (en acceptant qu’une partie de la formation se deroule
en dehors du temps de travail) semble constituer une solution au
problème du financement. L’Etat peut imposer une contribution
aux entreprises (par exemple en pourcentage de la masse
salariale), mais il est important que celle-ci ne soit pas perçue
comme une taxe suppl6nientaire et que les entreprises soient bien
convaincues que la formation est pour elles un investissement
productif.
Dans diffkrents pays, on observe des tendances à raccorder
formation initiale et continue,formation à l’entrepriseet à l’ecole,
effort individuel et contribution des employeurs. Un certain
nombre de ceux-ci incitent leur personnel suivre une formation
debouchant sur des diplômes techniques ou universitaires et
passent des accords avec des inslitutionsd’enseignement pour que
ces objectifs soient atteints en tenant compte de l’experience

156
La planifcarion des ressources humaines aujourd’hui

professionnelle et en alternant les cours et la pratique


professionnelle.
L’aduptubilité du corps enseignant
Les etablissements de formation ne peuvent s’adapterque si leurs
enseignants eux-niemessont en mesure de faire face à l’evolution
des besoins de formation, et donc des programmes. C e problème
ne se pose guère dans l’enseignementgenCra1,où les changements
de programmes n’exigent qu’un effort rkduit de la part des
enseignants.11 en est differemment pour les formationsii caractère
professionnel,où l’evolutiondes techniques et de l’economie peut
entraîner non seulement une transformation radicale des
connaissances et des savoir-faire,mais aussi des modifications
importantes dans la repartition des effectifs de formateursdans les
diffkrentes disciplines.Le probli?mc est crucial dans les pays et les
institutions où la formation est scolaire et où les enseignants
b6ndficient d’unstatut de la fonction publique leur garantissant un
emploi à vie. Que faire si l’onn’a plus besoin de formateurs en
menuiserie,alors qu’il en faudraitbeaucoup plus en informalique ?
Il y a peu de chances pour que l’on puisse faire des reconversions
entre specialites si diffkrentes.Dans une telle situation,il n’est pas
tr6s utile de faire des prdvisions elaborees sur les besoins, si l’on
ne dispose pas des moyens permettant de proceder aux adaptations
necessaires de l’appareil de formation.
Ce problème ne se pose pas dans des pays comme les Etats-
Unis,où il suffit de ne pas renouveler le contrat des formateurs
dont on n’a plus besoin. Dans beaucoup de pays, et notamment
dans l’enseignementsuperieur et dans la formationprofessionnelle,
on voit se developper des formules permettant d’employer
simultanement des enseignants de carriEre, attaches de manière
stable ii l’etablissement,et des formateurs repondant à des besoins
specifiques et venant souvent des entrcprises OÙ ils sont employes
à titre principal. Toutes les formules,fondees notamment sur le
temps partiel, sont possibles et tendent effectivement se
developper. Ces formules constituent sans doute le meilleur
compromis,sachant que les formateurs venant du monde du travail
ne sont pas necessairenient plus efficaces que les autres, mais

157
Planification des ressources humaines:
niéthodes, exptriences, pratiques

faisant l’hypothèse que leur exp2rience plus concr6te devrait Ctre


complementaire de l’apport des enseignants professionnels,
supposes mieux formes A la pedagogie.
C’est une des raisons pour lesquelles doit Ctre ddvelopp6e la
cooperation Ccole-entreprise.
La coopératiorz école-entrep rise
Consulter les employeurs ou leurs representants sur les besoins de
formation -comme on l’a vu ci-dessus - est une chose.
Associer les entreprises au processus de formation en est une
autre. Cette association peut prendre plusieurs formes.
La plus connue est celle qui est pratiquee en Allemagne,
Autriche et Suisse sous le nom de <<syst&medualw. Elle consiste
A alterner des periodes de scolarite (au minimum un jour par
semaine) et des periodes de travail en entreprise (le reste du
temps). Au Danemark, il s’agit de periodes consecutives de
plusieurs mois.C e système est de nature A rapprocher la formation
de l’emploi.D’abord,et dans la mesure OÙ les programmes sont
definis avec une certaine souplesse,il donne aux entreprises une
latitude pour adapter la formation aux conditions d’emploi reelles.
Il donne aux jeunes une expCrience concr2te de ce qu’est le
monde de l’entreprise.Enfin,il contribue à faciliter l’insertiondes
jeunes et diminuer le chbmage qui les touche, puisque les
entrepriscs recrutent g6neralenient parmi les stagiaires.
Le système dual est egalenient un moycn pedagogique.
D’abord parce qu’il contribue A developper la motivation pour la
formation (les etudiants savent qu’ils ont une meilleure chance
d’être recrutes s’ils ont fait leurs preuves). Ensuite parce qu’il
donne la possibilitk de confronter et dc completer l’unepar l’autre
la theorie et la pratique. C’est l’idtfe d’allernance que cherchent 3
mettre en euvre de plus en plus de pays.
Mais pour que l’alternance soit une realitk,il faut qu’il y ait
veritablement une liaison etroite entre la formation scolaire et la
formation en entreprise (ce qui n’est pas toujours le cas dans le
système dual, dans la mesure où les deux institutions sont
totalement separees et où leur cooperation depend largement de la
bonne volont6 des deux parties). Il faut aussi que les conditions

158
Ea planification des ressources humaines aujourd’hui

d’un bon accueil des stagiaires en entreprise soient reunies :


definition des etapes d’une progression Ndagogique et des
resultats à atteindre, et surtout suivi et assistance par des tuteurs
compdtents et motives. Il faut enfin que les entreprises considerent
leur contribution à cette formation non pas comme une charge,
mais comme un investissement A long terme et comme une
responsabilite naturelle. C’estle cas dans la tradition germanique.
C’est beaucoup moins kvident dans un cas comme celui de la
France,où le developpementde l’alternance est un objectif declare
de la part des organisations professionnelles et de quelques
grandes entreprises, mais où il n’est pas certain que la majorite
soit prête à suivre leur exemple.
Sans aller jusqu’h l’alternance proprement dite, le
developpement des stages en entreprise est recherche un peu
partout avec des objectifs similaires, notamment dans
l’enseignement superieur et la formation à la gestion. Mais ce
developpement pose d’abord un probleme de capacite d’accueil
des entreprises (ou autres organismes employeurs). O n risque en
effet d’atteindre rapidement la limite des possibilites d’accueil de
stagiaires et, h plus forte raison, des possibilitds d’offrir une
exphience formatrice aux stagiaires, sans perturber le
fonctionnement de l’entreprise (ou organisme). L’une des
conditions necessaires à la solution de ce probleme est l’etalement
des stages, qui suppose une souplesse des organismes de
formation : c’est à eux de s’adapter aux orgailisnies d’accueil,
plutôt que l’inverse.
Un autre avantage de la cooperation entre ecole et entreprise
est de mieux repondre au probleme des equipements necessaires
à la formation professionnelle. Avec l’dvolution technique
acceleree, il est devenu pratiquement impossible aux
etablissements de formation de disposer d’equipements modernes
fonctionnant dans les conditions reelles de la production,en raison
du coût de ces Cquipements et de l’obsolescence dont ils sont
constamment menaces.Trois rCponses peuvent être apportees à ce
probleme.
La premiere consiste precisement à envoyer les etudiants en
stage, mais elle ne resout pas toujours la question, car certains
equipements sont trop complexes et trop coûteux pour être mis

159
Planifcation des ressources humaines:
Inétkodes,exp&riences, protiques

entre les mains de stagiaires temporaires. La seconde consiste A


travailler sur des equipements qui simulent le fonctionnement de
ceux qui sont utilises en production, mais sans en posseder toutes
les caracteristiques,ce qui les rend moins coûteux. L a troisieme
consiste à obtenir des entreprises la mise à disposition
d’equipements,eventuellement dans le cadre d’une cooperation
plus large comportantune contribution de formateurs et permettant
de former un personnel repondant à des besoins tres spdcifiques.
L a cooperation ecole-entreprise peut prendre des formes
diverses avec des echanges mutuels : l’entreprise peut mettre à
disposition des equipements et des formateurs, mais I’ecolepeut
aussi proposer Ies services de ses formateurs.Elle peut egalement
effectuer des travaux de recherche,d’experimentation ou d’essais
que beaucoup d’entreprisesn’ont pas les moyens de faire elles-
memes, surtout si elles sont de petite taille.
On voit que la coopkration ecole-entrepriseoffre un potentiel
considerable,tout en posant un certain nombre de problkmes.Ces
problemes se posent avec une acuite encore plus grande dans les
pays en developpement, où le nombre d’entreprises capables
d’offrir une formation est reduit et où il y a tres peu de cadres
competents et disponibles susceptibles de suivre des stagiaires.11
ne faut pas renoncer pour autant 3 explorer ce type de solution,
car la distance entre le monde de la formation et celui de l’emploi
y est souvent encore plus grande que dans les pays industrialises,
de sorte qu’il est d’autant plus important d’etablirdes ponts entre
les deux mondes.
S’ilfallait tenter de resumer en quelques lignes ce long expose,
les points suivants meriteraient d’être mis en relief :
Une forme de planification est indispensable pour orienter et
gerer le systeme complexe, mais essentiel, que constitue
l’ensembledes activites d’educationet de formation.Mais cette
necessite s’impose 3 des degres et dans des conditions trEs
variables suivant les contextes nationaux.
L a conception que l’on peut avoir de cette planification a
cependant considerablenient 6volu6 depuis une vingtaine
d’annees. II s’agit moins aujourd’hui de chiffrer un horizon
precis à atteindre que d’analyser les evolutions possibles et

160
Ln ylarzrjica~iorzdes ressources humaines aujorrrd ’hui

leurs implications sociopolitiques, financikres, techniques et


adnlinistratives pour definir des orientations et les moyens de
les atteindre.
Alors que l’avenirapparait de plus en plus incertain et que l’on
est davantage conscient de la difficult6 de passer des plans aux
realisations,la prkoccupation majeure doit consister à mettre en
place un systeme rkactif, mieux capable de s’adapter au
changement et de definir les mkcanismes et les moyens
correspondants.
Cette conception implique notamment une plus grande
decentralisation des decisions et une plus grande concertation
entre les nombreux partenaires concernes par le choix des
orientations et par la mise en Oeuvre des moyens. La fonction
de la planification consiste notamment :
- à kclairer la concertation, qui doit contribuer à une
meilleure anticipation de l’avenir et à une meilleure
efficacite dcs ajustements ;
- à veiller à la coherence entre grandes orientations,dkcisions
dkcentraliskes et realisations (par une evaluation rkgulikre
des resultats).

161
Annexes

1. Exemple de module de compCtence


II. RCfCrentiel d’un diplbme français
III. Les institutions,l’organisation et les hommes
IV. Exemple de grille de questionnement

163
no on0
165
Annexe II. Référentiel d'un diplôme français

Conduite et gestion du proctdd, de


l'installation. du poste de travail

INFORMATION S'INFORMER
COMMUNICATION

ORGANISATION

PREPARATION - ORGANISER
ET REGLAGE
DEMONTER
-
MONTER
CONDUITE CONDUIRE - REGLER

,Fi
MAINTENANCE

CONTROLE CONTROLER - MESURER


ASSURER LA QUALITE

166
Annere II

COMPETENCE GLOBALE
Le titulaire de ce diplôme, sur des installations de production par procédé. seul ou en
équipe.A partir d'informations spkcifiques.en respectantlesrèglesd'hygiène et de sécuritd,
dans le cadre des responsabilitésqui lui sont confiées,doit Ctre capable de :
- maîtriser la technologiedu procédé,les paramètresmis enjeu dans ses différentes
phases,ainsi que les modes opératoires correspondants;
- conduire l'installationde production en assurant la transformation et le transfert
des matières;
- suivreI'évolutiondesproduits et des installationsavec le soucid'assurerla qualit6
des produits et la productivité de l'installation.dans le cadre des consignes reçues;
- participer A la maintenance de l'installation.

COMPETENCES CARACTERISTIQUES

AI - Identifier le procddk et l'installation


-
A2 Ddcoder les schdmas et les informations graphiques nécessaires
A3 - Analyser le dossier de production et le programme de travail
A4 - Constater et drifier
A5 - Etablir une synthkse

B 1 - Informer et rendre compie


82 - Paniciper B des réunions de travail en groupe

CI - Ddduire l'organisationde son travail du dossier de production et du programme de travail


-
C2 Paniciper B la mise en oeuvre età l'adaptation du m o d e opératoire
C3 - Participer au suivi des parcs en cours de fabrication
-
C4 Paniciper B la ddtermination des ajustements necessaires

DI - Proceder au montage el au demontage des outillages


D2 - Préparer l'installation

- D3 - Proceder aux réglages et aux ajustements nécessaires à la conduite

- -
DI 1 Rechercher les causes des anomalies 1
DI2 - Maintenir les dquipements en bon ktat

El - S'assurer de la qualitd des produits fabriquds, en cours et en fin de fabrication,en conformité


avec le cahier des charaes et les modes oDkratoires

167
Annexe III. Les institutions, l’organisation et les
hommes

Le modele de planification de la formation pr3fessionnelle :


quelques exemples
Dans les pays anglo-saxons, la planification est tres
dCcentralis6e. Il n’existe pas de dipl6mes nationaux de
formation technique et professionnelle et les etablissements
scolaires ne dependent pas du gouvernement central,mais des
autorites regionales ou locales. Les universites jouissent d’une
tres grande independance. E n Grande-Bretagne, cette
decentralisation s’accompagned’un r61e essentiel d4volu aux
entreprises, dont les representants ont la majorite dans les
Training and Enterprise Councils (TEC).Crees h partir de
1989,ceux-ci doivent etre au nombre d’une centaine ; ils ont
pour vocation d’adapter la formation aux besoins de
l’economie et de la faire passer d’un systeme d’offre h un
systeme de demande. Autrement dit, il ne s’agit plus
maintenant de repondre h la demande sociale des individus,
mais aux besoins des entreprises (Ashton, Maguire et Taylor,
1990).
E n Allemagne, l’education est entierement placee sous la
responsabilite des regions (Lander) qui sont libres de
determiner les programmes. L’Etatfederal n’a qu’unrdle limite
de coordination entre les regions. Ce r61e est plus important en
matiere de formation professionnelle,qui est une responsabilite

168
Annexe III

federale, la realisation incombant principalement aux


entreprises. L’Institut federal de la formation professionnelle
(BIBB)est charge de degager un consensus entre representants
des employeurs et des syndicats pour definir en commun les
objectifs et les programmes de la formation assude en
entreprise. L’Institut coordonne ces travaux avec les regions
qui conservent la responsabilite de la part de la formation
assuree par les ecoles ;
A l’inverse des pays anglo-saxons,la France a longtemps
constituC le modele d’un systeme trks centralise et etatique.
L’Etat a le monopole de la definition et de l’attribution des
dipl6mes ; traditionnellement, il gere la grande majoritd des
etablissements de formation et contr6le de pres les universitds.
A u cours des annees 60 et 70,les grandes orientations en
matiere d’education et de formation etaient definies dans le
cadre des travaux de preparation des plans,travaux animes par
le Commissariat general du Plan, qui etait surtout un lieu de
concertation.C e systeme a commence a Cvoluer ces dernieres
annees :un debut de decentralisation a donne aux collectivites
locales la responsabilitd de la construction et de l’equipement
des etablissements, donc un r61e important dans la
planification. Parallelement, les entreprises,d6jh repr6senees
depuis longtemps dans des Commissions professionnelles
consultatives appelees 2 donner leur avis sur les dipl6mes de
formation professionnelle,jouent un r61e croissant au niveau
regional et au niveau des etablissements scolaires ; elles sont
egalement representees dans les commissions Ndagogiques
consultees pour definir les dipl6mes des instituts universitaires
de technologie.E n revanche,les dipl6mes universitaires restent
soumis a l’habilitation du Ministere de 1’Education.Enfin, les
grandes orientations concernant la relation formation-emploi
sont desormais discutees au sein d’un Haut Comite Cducation
economie comportant des experts et des representants des
administrations et des partenaires sociaux. C e dispositif
apparemment tri3 complet pose cependant le probleme de la
dissociation entre les instances chargees de la planification
quantitative et celles qui s’occupent des aspects qualitatifs,
c’est-%dire des contenus.

169
Annexe IV. Exemple de grille de questionnement

C e type de grille peut s’adresser A une entreprise, A un


etablissement dependant d’une entreprise ou A tout autre
organisme (public, semi-public) employant de la main-d’œuvre
qualifiee.
Il vise A la fois la connaissance du marche du travail et des
conditions actuelles de recrutement des jeunes formes, et la
comprehension des perspectives d’evolution et des facteurs qui
conditionnent celle-ci. Suivant les besoins et les disponibilites,
l’accent pourra être mis plus ou moins sur l’un ou l’autre de ces
aspects.
C e type d’investigationne peut faire l’objetd’unquestionnaire
ferme. On peut seulementsuggerer un guide d’entretienqu’ilfaut
adapter aux circonstances. L’objectifconsiste surtout A mieux
comprendre les mCcanismes de la relation formation-emploi et A
Cvaluer des ordres de grandeur, A defaut de statistiques precises
qu’il sera souvent difficile d’obtenir. En particulier, lorsqu’il
s’agit d’Cvolution,ce ne sont pas les chiffres qui sont recherches,
mais seulement les tendances.
C e type d’enquête peut s’adresser A un ou plusieurs
interlocuteurs suivant la taille de l’entreprise-etablissement,la
complexitt de ses activitks,la disponibilite des responsables et le
degr6 de details que l’on souhaite obtenir d’eux.

170
Annexe N

1. L’Ctablissement et son
activitC
O n se limiteraici aux questions 1.1 Caractériser brihement
qui peuvent avoir une incidence l’établissementenquêté :s’agit-
sur la main-d‘œuvre, sa il d’un établissement unique,du
qual@cation et sa formation, d siège social d’une entreprise qui
l’exclusion des données comporte d’autres établisse-
administrativesou économiques ments. d’une usine ou d’une
qui alourdissent inutilement succursale rattachées à un
l’entretien. siège ? Dans ce dernier cas,
combien y a-t-il d’autres
Ctablissements ? Sont-ils
proches de celui-ci ou tr&s
différents ?
1.2 Types d’activité :
effectifs tolaux de l’entreprise,
production de quels biens ou
services ?
A qui s’adressent-ils? Sont-ils
très différenciés (ou n’y a-t-il
qu’un ou deux types de
produits/services) ? L a
production est-elle très variable
(et en fonction de quoi) ?
Il s’agit de savoir quelles sont 1.3 Liste des fonctions
les fonctions exercées par exercées par I’établissement et
l’établissement lui-même,par quelles sont les plus
un autre érablissement de importantes ?
l’entreprise, par une maison
d r e à l’étranger,par un sous- Conception de produits/
traitant extérieur,etc. services.
Méhodes et contrôle de
production.
Production produits/services.
Commercialisation.
Maintenance.

171
Plan$cation des ressources humaines :
mkthodes, expériences.pratiques

Transport-magasinage-
manutention.
Gestion financibre et
comptable.
Gestion du personnel.
Informatique.
Autres.
L'établissement étudié est4 1.4 Peut-on caractériser
représentatif ou spécifique ? brièvement les processus et
techniques employés pour
O n pourra étudier plus en assurer les principales fonctions,
détail les fonctions les plus et notamment la production :
significativesdu point de vue de production en grande ou petite
la qualification de la main- série, dcgré d'automatisation,
d'œuvre. d'informatisation ?
2. Main-d'œuvre,
qualification, formation
Si l'activité est saisonnière, 2.1 Effectifs totaux
faire apparaître le m a x i m uetm pcrmanents saisonniers
le minimum et expliquer. Il y a 2 ans ........................
I l y a l a n ........................
Actuels ........................

2.2 Est-il possible d'avoir la


L'idéal serait de disposer de répartition (au moins approxi-
statistiques croisant (a)et (b), mative) des effectifs suivant :
(b) et (c) et (6)et (d). A défaut (a) les fonctions définies ci-
de statistiques, on peut se dessus ;
contenter d'ordres de grandeur (b) les catégories profession-
(pourcentages). nelles, ex. : cadres,
techniciens, maîtrise,
employés, ouvriers
qualifiés, ouvriers non
qualifiés ;
(c) le niveau de formation ;
(d) le sexe?

172
2.3 L e cas Cchéant, faire
apparaître le poids de la main-
d’œuvre étrangère.
2.4 Peut-on observer des
évolutions significatives dans
cette répartition ?
Suivant le temps et les moyens 2.5 A l’intérieur de chacune
d investigation disponibles, on de ces catégories,quels sont les
pourra entrer dans une groupes professionnels(métiers)
description plus ou moins les plus significatifs du point de
détaillée de chaque groupe vue de leurs effectifs, de leur
professionnel. importance stratégique pour
l’établissement, de leur
spécificité et/ou des problèmes
de recrutement qu’ils posent ?
E n valeur absolue ou en 2.6 P o u r chacune des
pourcentage des effectifs. catégories etlou groupes
identifiés ci-dessus, est4
possible d’avoir un chiffre ou
au moins une estimation du
volume des recrutements
annuels liés :
au remplacement . des
départs ;
à la variation des effectifs ?

Si possible, faire apparaître le


rôle des départs à la retraite et
des autres causes de départs.
2.7 Pour les mêmes catégories
ou groupes, dans quelle
proportion ces recrutements
sont-ilspourvus :
par des personnes appartenant
déjà à l’entreprise ;

173
Planification des ressources humaines :
dthodes, expériences.pratiques

par des personnes recrutées


ailleurs avec une expérience
professionnelle ;
par des jeunes sortants de
formation.
2.8 Dans ce demier cas, y
a-t-il des exigences précises
quant au type et au niveau de
formation exiges. ou une marge
d’adaptation en fonction des
disponibilités ?
2.9 Quelle est l’appréciation
sur les recrutements à partir de
la formation initiale du point de
vue :
des effectifs (pénurie ?) ;
de l’adaptation aux besoins
de l’enueprise ?
3. Perspectives
Il s’agit d’identifier les 3.1 Au cours des prochaines
changements qui peuvent avoir années, quels types de
une incidence directe ou changement peut-on anticiper
indirecte sur la qualification et dans les domaines :
la formation, en particulier (a) é c o n o m i q u e e t
pour les groupes professionnels commercial :
les plus significatifs. concurrence et marchés ;
renouvellement ou diversi-
fication des produits/
services ;
(b) technique :
évolution des caractéristiques
techniques des produits ;
évolution des processus de
production ;
nouvelles technologies de
gestion ;

174
Annexe N

(c) organisationnel :
modification de la structure
de I’entreprise/organisme/
érablissement ;
modification de l’organisation
du travail :
(d) politique de recrutement
et de gestion ?
Réponses d développer 3.2 Quelles conséquences
possibles peut-on envisager
pour la qualification des
principaux groupes profes-
sionnels et pour la formation ?

175
Bibliographie

Affichard,J. ; Gensbittel,M.H.1984.Mesurer l’entréedes jeunes


dans la vie active. Formation emploi.
Ahamad,B. ; Blaug,M.(dir.). 1973.<<Thepractice of manpower
Elsevier.
forecasting>>.
Ashton, D. ; Maguire, ; M. Taylor ; R. 1990. National and
European level responses to changing needs for vocational
skills. Rapport A la CEE pour le programme PETRA.
Atangana-Mebara,J.M.; Martin,J.Y. ; Ta Ngoc, Chfiu. 1984.
Education, emploi et salaire au Cameroun. Pans,
UNESCO/IIPE.
Bertrand, O. 1992. La qualification et I’Europe. Formation
professionnelle. Berlin,CEDEFOP.
Bertrand, O.; Noyelle,T.1988.Ressources humaines et stratégie
des entreprises. OCDE.
Bertrand, O. 1986.Le Répertoire français des emplois, Premier
bilan. Note CEREQ.
Bertrand,O.; Noyelle,T.1985.L’évolutiondes emplois tertiaires
informatisation, restructuration,formation. CEREQ/OCDE.

176
Bibliographie

Bertrand, O. ; TimAr, J. ; Achio, F. Octobre 1981. <<La


planification de la formation dans le Tiers Monde,>. Revue
internationale du travail.
Bertrand, O.; Kovacs,J. ; Revesz, A.; TimAr,J. Juillet-decembre
1974.c<Previsions de main-d’oeuvre et planification de
l’education : le cas de l’AlgCrie,,.Tiers Monde.
Biret,J. ; Gensbittel,M.H.(coord.). Régions,formation,emploi :
démarches et mttlzodes.Paris,CEREQ,Collection des Etudes.
(Sous presse.)
Blaug, M.1974.L’éducationet le problème de l’emploidans les
pays en développement. Geneve, BIT.
Blaug, M. et al. 1968-1969.Economics of education, selected

readings.Vol. 2. Penguin Books.


Caillods, F. 1991. La planification de 1’éducation h 1’horizon
2000.Contributions de 1’IIPEno 4,Paris,IIPE.
Caillods,F.(sous la responsabilite de). 1989.Les perspectives de
la planifcation de l’éducation. Atelier organise par I’IIPEB
l’occasion de son X X V e anniversaire.UNESCO/IIPE.
Caillods, F. ; Briones, G. 1981. Education, formation
professionnelle et emploi :secteur industriel en Colombie.
IIPE.(Polycopie.)
Carnoy, M. 1977.L’éducation et l’emploi :une étude critique.
Principes de la planification de l’education, no 26.
UNESCODIPE.
CEREQ, en collaboration avec l’ADEP,sous la direction
d’O.Bertrand. 1990,Emploi, qualification,fortnation dans la
grande distribution alimentaire. Paris, La Documentation
française.

177
Planification des ressources humaines :
méthodes, expériences. pratiques

CEREQ. 1990.Groupe de travail sur l’analyse régionale de la


relation formation-emploi.Problématique et méthodes.
Clement, W. 1985. Educational and labour market forecasting
activities in the Federal Republic of Germany and in Austria.
Document de seminaire de 1’IIPE.
Comissariat gCnCraldu Plan.1991.Eduquerpour demain :acteurs
et partenaires. Prospective 2005,Secrdtariat d’Etat auprès du
Premier Ministre charge du Plan. Pans,La Decouverte.
Commissariat gCnCral du Plan.1978.La qualification du travail :
de quoi parle-t-on? Paris,La Documentation française.
Eurotecnet. 1990.Instrument for the monitoring of changes in
occupational profiles. Bruxelles, Commission des
CommunautCs europtcnnes.
Foster. Ph.1965.<<Thevocational school fallacy in development
planning,,, in Anderson, C.A.,
et Bowman,M.J., Education and
Economic Development. Chicago.
Godet, M. 1983.Prospective :sept idées clés et une méthode.
Paris, Ministère de l’Industrie et de la Recherche, Centre de
prospective et d’Cvaluation.
Hallak,J. ; Caillods,F.1980.L’éducation,le travail et l’emploi.
UNES CO/IIPE.
IIPE. 1989. Les pratiques de la planification de I’éducation,
Atelier du X X V e anniversairc.Cahier no 5.
Jallade,J.P.1989.L’économie des ressources humaines. RCsumC
de travaux pour l’habilitation.Universite de Dijon.
Johnston, W.B.; Packer, A.H.1987. Workforce 2000. Work
and workers for the twenty Jirst century.Indianapolis,Hudson
Institute.

178
Bibliographie

Lantier, F. ; Colardyn, D. 1982. <<L’analysedes contextes


professionnels. Quelle problCmatique pour quels objectifs de
formation ?B Revue française de pédagogie, no 61.
Leite, M.E. ; Caillods, F. 1987. Education training and
employment in small-scale enterprises :Three industries in
SBo Paulo,Brazil. Rapport de recherches no 63,IIPE.
Lindley, R.M. 1984. Forecasting the labour market. Fourth
Intemational Symposium on forecasting, London.
Mandon, N. 1990.La gestion prévisionnelle des compétences :
la méthode ETED. Pans,CEREQ,Collection des Ctudes.

Middleton, J. ; Ziderman,A. ; Adams, A. Mars 1990.Pour une


formation professionnelle efficace :finance et développement.
Mobus, M. 1989.Les grandes caractéristiques de la formation
professionnelle dans la banque et l’assurance en RFA.
CEREQ.
Moura Castro C.; Cabral de Andrade, A. 1990.ccL’inadCquation
de l’offre h la demande de formation :comment y remCdiern.
Revue internationale du travail,Vol. 129,no 3.
OCDE. 1967.Education,ressources humaines et développement
en Argentine. Pans.
Pames, H.1962.Besoins scolaires et développement économique
et social. Pans,OCDE, Projet rCgional mCditerranCen.
Psacharopodos,G.; Woodhall, M. 1988. L’Educarion pour le
développement : une analyse des choix d investissement.
Economica.
Sanyal, B.C. 1987. Higher education and employment. A n
international comparative analysis. The Falmer Press.

179
PlanifKation des ressources humaines :
methodes, exptiences. pratiques

Tanguy, L. (dir.). 1986.L’introuvablerelation formationlemploi.


Un étut des recherches en France. Paris,La Documentation
française.
Tessaring, M. 1990.Higher education and employment rospects
in the Federal Republic of Germany. Nuremberg.(PolycopiC).
Tessaring, M. 1982. An evaluation of labour market and
educational forecasts in the Federal Republic of Germany .
UNESCO/IIPE.
TimAr, J. 1990.Planning and educational policy :methods and
experiences in Hungary, 1948-1988.Paris,IIPE.
Youdi, R.V. ; Hinchliffe, K. (dir.). 1985.Forecasting skilled
rnanpower needs. The experience of eleven countries. Paris,
UNESCO/IIPE.

180
Publications et documents de 1’IIPE

Plus de 650 ouvrages sur la planification de l’éducation ont été publiés


par l’Institut intemational de panification de I’éducation. Ils figurent
dans un catalogue détaillé qui comprend rapports de recherches,études
de cas, documents de séminaires,matériels didactiques,cahiers de I’IIPE
et ouvrages de référence traitant des sujets suivants :

L’économie de I’éducation,coûts et financement.

Main-d’œuvre et emploi.

Etudes démographiques.

L a carte scolaire,planification sous-nationale.

Administration et gestion.

Elaboration et évaluarion des programmes scolaires.

Technologies éducatives.

Enseignement primaire, seconduire el supérieur.

Formation professionnelle et enseignement technique.

Enseignement non formel et extrascolaire :enseignement des adultes et


enseignement rural.

Pour obtenir le catalogue,s’adresser 2 1’IIPE.


L’Institut international de planification de I’éducation

L’Institut international de planification de I’éducation (IIPE) est un centre


intemational. créé par l’UNESCO en 1963, pour la formation et la recherche
dans le domaine de la planification de I’éducation.Le financement de l’Institut
est assuré par l’UNESCOet les contributionsvolontaires des Etats membres. Au
cours des demières années, l’Institut a reçu des contributions volontaires des
Etats membres suivants :Belgique, Canada, Danemark, Finlande, Inde, Irlande,
Islande, Norvège, Suède, Suisse et Venezuela.
L’Institut a pour but de contribuer au développement de I’éducation à travers
le monde par l’accroissement aussi bien des connaissances que du nombre
d’experts compétents en matière de planification de I’éducation. Pour atteindre
ce but. l’Institut apporte sa collaboration aux organisations dans les Etats
membres qui s’intéressent à cet aspect de la formation et de la recherche. Le
Conseil d’administration de I’IIPE,qui donne son accord au programme et au
budget de l’Institut. se compose de huit membres élus et de quatre membres
désignés par l’Or anisation des Nations Unies et par certains de ses institutions
et mstituts spéciafisés.
Président :
Victor L. Urquidi (Mexique), Professeur-Chercheur Emérite, El Colegio de
México, Mexico.
Membres désignés :
Alfred0 H. Costa Filho, Directeur général, Institut latino-américain et des
Carabes de planification économique et sociale, Santiago.
Goran Ohlin. Sous-Secrétairegénéral, Bureau de la recherche et de l’analyse des
politiques en matière de développement, Département des affaires
économiques et sociales intemationales, Nations Unies.
Visvanathan Rajagopalan, Vice-Président, Politiques et recherche sectorielles,
Service de politiques, planification et recherche, Banque mondiale.
Allan F. Salt, Directeur, Département de la formation, Bureau international du
travail.
Membres elus :
Isao Amagi (Japon), Conseiller auprès du Ministre de I’éducation. des sciences
et de la culture, Ministère de I’éducation, des sciences et de la culture,
Tokyo.
Henri Bartoli (France), Professeur, Université de Paris 1. Panthéon-Sorbonne,
Paris.
Mohamed Dowidar (Egypte), Professeur et Président du Département
d’économie, Faculté de droit, Université d’Alexandrie.
Kabiru Kinyanjui (Kenya), Directeur des programmes, Division des sciences
sociales, Centre de recherche pour le développement intemational, Nairobi.
Yolanda M. Rojas (Costa Rica), Vice-Recteur d’Académie, Faculté de
I’Education, Université de Costa Rica, San José, Costa Rica.
Lennart Wohlgemuth (SuMe), Directeur général adjoint,Agence suédoise d’aide
au développement intemational, Stockholm.

Pour obtenir des renseignements sur l’Instituts’adresserà :


Secrétariat du Directeur, Institut intemational de planification de I’éducation,
-
7 9 rue Eugène-Delacroix,75116 Paris
Imprimerie GAUTHIER-VILLARS
1 Bd Ney 75018 Paris

Vous aimerez peut-être aussi