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Les comptes rendus politiques face à la mendicité dans le canton de Vaud
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Par éditeur Jean-Pierre Tabin, René Knüsel, Lutter contre les pauvres. Les politiques face à
Par discipline la mendicité dans le canton de Vaud, Lausanne, Éditions D'en bas, 2014, 152 p.,
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Par sujet ISBN : 9782829004636.

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1 Le traitement des indigents en Europe a oscillé entre répression et assistance depuis le Moyen- 1 Julien Damon, « La
Anciens membres
Âge 1. Bien que, depuis les années 1980, une gestion à dominante répressive ait laissé prise en charge des
Nouvelle charte de progressivement la place à une gestion à dominante assistancielle, un traitement hostile existe vagabonds, des
Lectures (oct. 2020)
toujours envers ces populations. L’ouvrage de Jean-Pierre Tabin et de René Knüsel interroge la mendiants et des
Ancienne charte de
question contemporaine de la mendicité, notamment « rom », en Suisse, dont le traitement clochards : une histoire
Lectures
est essentiellement répressif. Les auteurs cherchent à comprendre non seulement comment en (...)
Consignes aux
nous sommes arrivés là - à partir d’une mise en perspective historique et d’une analyse des
rédacteur·trices
débats publics en Suisse - mais aussi à déconstruire le sens commun autour de cette activité, 2 L’ouvrage est publié
Partenaires aux Éditions d’en bas,
à partir d’une importante enquête de terrain réalisée dans le canton de Vaud. Par ailleurs, se
Ami es voulant « accessible », « tout en étant scientifique », ce court ouvrage se termine par la une maison d’édition
Nous contacter proposition d’« autres politiques » pour répondre à la mendicité 2. suisse créée en 1976 par

Mentions légales Michel Gl (...)


2 Ces chercheurs suisses, spécialistes des politiques sociales et du travail social, partent d’un
constat : dans les médias, dans les parlements ou au sein de l’État, la mendicité est présentée
partout fondamentalement comme un problème, voire une activité criminelle. Une
SYNDICATION
stigmatisation qui connaît un long processus de légitimation depuis le Moyen-Âge en Europe.
RSS En ce sens, les auteurs s’intéressent tout d’abord à retracer brièvement – en mobilisant une
ample littérature historique – la genèse de la relation entre mendicité et criminalité.

LETTRES D’INFORMATION 3 Au Moyen-Âge, pour recevoir de l’aide, le pauvre doit adopter une posture : être humble,
apparaître faible et avoir une conduite exemplaire (démontrer sa foi et ne pas réclamer
La lettre de Liens Socio
l’aumône). L’état de pauvreté perd son caractère « sanctifiant » –attribué par la théologie
La lettre d’OpenEdition chrétienne et légitimant le secours des pauvres par les riches – lorsque la misère se développe
dans les villes en raison de l’économie marchande. La méfiance envers les nouveaux miséreux
émerge alors : on les soupçonne de simuler une incapacité à travailler, de faire partie
d’organisations et d’avoir un but lucratif. En outre, l’Église perd son monopole à l’égard des
pauvres au profit des États, qui décident que les pauvres n’ont droit à l’assistance que dans
leur commune d’appartenance. Dès lors, leur déplacement, d’illégitime, devient explicitement
illicite et s’accompagne désormais de mesures répressives, allant jusqu’à la mort pour les
vagabonds récidivistes. Un des enjeux de la gestion de ces populations consiste donc, depuis
le Moyen-Âge, à pouvoir distinguer les « pauvres dignes » et les « indignes », les « vrais » et
les « faux mendiants ».

4 À la suite de ce tableau historique, les auteurs s’attaquent à la construction de la mendicité


comme problème public en Suisse dans les années 2000. L’héritage historique permet
d’éclairer les représentations contemporaines de la mendicité comme activité criminelle,
surtout parce que les affirmations à son égard proviennent du sens commun.

5 Tabin et Knüsel remarquent qu’aux trois niveaux politiques suisses (fédéral, cantonal et
communal) et de la part de différents partis politiques, les affirmations amalgamant mendicité
et criminalité font l’unanimité : on parle d’une croissance de bandes organisées, faisant
mendier des enfants et des malades. Pourtant, comme les chercheurs le pointent, cette
rhétorique n’est pas soutenue par des preuves (à part les observations personnelles ou des
faits divers de la presse). Les instances judiciaires et administratives de l’État relayent aussi
ces représentations d’ores et déjà dominantes dans le débat public : le Tribunal fédéral
s’attaque au « harcèlement » réalisé par les « mendiants », tout en disant que ces derniers
sont exploités par des « réseaux » ; l’Office fédéral des migrations, sans chiffres à l’appui,
parle d’une augmentation d’actes répréhensibles commis par des ressortissants de l’Union
Européenne, notamment des « Roms ». Ces derniers sont désignés explicitement comme les
responsables des « débordements » de la mendicité. Ils deviennent les « faux mendiants » par
excellence. L’interdiction de cette activité ne ressortit pourtant pas de la compétence fédérale
mais des autorités locales : 31 communes vaudoises ont décidé d’interdire ou tenté de limiter
cette activité depuis 2006. La gestion dominante de la mendicité est en ce sens du ressort de
la police.

6 Les chercheurs s’intéressent aussi aux services sociaux – prévus à l’origine pour d’autres 3 L’enquête a été
catégories d’usagers : les toxicomanes – auxquels se greffent les personnes qui mendient. Un réalisée par trois
3
travail de terrain auprès de trois structures, devant gérer des ressources parfois rares, collaborateurs, à l’époque
montre comment celles-ci « ont été amenées, pour éviter l’arbitraire, à préciser leurs critères étudiants (Claire
de sélection » (p. 69). Ainsi, par exemple, les notes de terrain réalisées au « Point d’eau » Ansermet, Mirko Loc (...)
(mettant à disposition des machines à laver) donnent à voir comment sont établis des
« quotas » de personnes « Roms » parmi les bénéficiaires des institutions sociales.

7 Enfin, pour rompre avec les discours dominants et souvent sans fondement sur la mendicité,
les auteurs décident d’observer in situ comment elle se réalise concrètement. Ils s’appuient
pour ce faire sur une enquête menée entre 2011 et 2013 avec la collaboration de Claire
Ansermet dans le canton de Vaud et, tout particulièrement, à Lausanne. Le matériau collecté
est solide et original : 114 temps de mendicité observés (un quart d’heure chacun, 30 heures
en tout) ; 25 entretiens avec des professionnels en contact avec la mendicité (travailleurs
sociaux, policiers, etc.) ; 23 entretiens avec des personnes qui mendient ; d’autres
observations sur les lieux de vie et les « institutions de prise en charge ».

8 On apprend, par exemple, que la mendicité « active » a été rarement observée. De même, la
mendicité possèderait différentes caractéristiques identiques à celles d’emplois plus ordinaires
(un horaire, des pauses, un lieu de travail différent du lieu d’habitation). Les observations
exposent par ailleurs la faiblesse des gains issus de la mendicité, à l’encontre du discours de la
police fédérale. En outre, la présence d’enfants n’a pas été constatée durant l’enquête, mettant
en question sa systématicité et sa fréquence, réaffirmées par les autorités publiques.

9 Tabin et Knüsel déconstruisent aussi la catégorie « Rom ». Ils montrent qu’elle est le résultat
d’un travail politique réalisé par un lobby (l’Union romani internationale) depuis les
années 1970 : proclamation d’une langue officielle, d’un hymne, etc. La réappropriation, selon
eux, de ce terme ethnicisant dans les débats publics – pour expliquer notamment l’aspect
culturel de la pratique de la mendicité – permettrait « d’éviter d’interroger les causes
structurelles de la précarité et des formes d’exclusion dans les démocraties néolibérales »
(p. 115).

10 Les propositions avancées en guise de conclusion se centrent sur la lutte contre les
stéréotypes concernant la mendicité et les populations qui la réalisent, de même que sur le
développement de politiques sociales, sanitaires, de logement et d’emploi. Néanmoins, nous
pouvons remarquer que ces propositions ne sont pas inédites, elles reprennent des initiatives
déjà pratiquées dans d’autres pays, mais absentes en Suisse, ou bien des « solutions »
formulées par différents acteurs (le Conseil de l’Europe, des associations, des chercheurs).

11 Le passage un peu rapide sur certains développements et l’absence de quelques


questionnements importants laissent par moments le lecteur sur sa faim. Par exemple, il aurait
été intéressant que les chercheurs prennent également en compte, dans leur analyse de la
construction du problème public de la mendicité, d’autres acteurs (associatifs, militants,
experts, par exemple) afin de voir quelles lectures concurrentes de ce problème existent, bien
qu’elles ne soient pas dominantes. De même, il aurait été pertinent que les auteurs interrogent
davantage leur rapport à l’objet, à l’instar d’une petite « note réflexive » à propos de la
relation avec leurs enquêtés, d’autant plus qu’ils se proposent d’apporter des réponses au
problème de la mendicité.

12 Toutefois, les auteurs signalent dans l’introduction – et cela pourrait expliquer en partie les 4 Nous pouvons citer les
remarques précédentes – qu’ils ont voulu que cet ouvrage soit « bref » et « accessible ». recherches de Tommaso
Autrement-dit, Lutter contre les pauvres a l’ambition de ne pas se cantonner au monde Vitale, Patrick Bruneteaux
académique. Il s’adresse certainement autant aux personnes engagées dans la défense des et Norah Benarrosh-
personnes qui mendient et des « Roms » qu’aux autorités suisses. Son plaidoyer vise à Orsoni, (...)
changer le regard porté sur cette activité et sur les personnes qui la réalisent. La force de
l’ouvrage réside dans ce dernier aspect. Enfin, cette publication rejoint un ensemble de travaux 5 Katia Choppin, Édouard
(scientifiques et/ou engagés) apparus ces dernières années concernant le traitement de cette Gardella (dir.), Les

population stigmatisée 4. Elle s’inscrit également par certains points dans le domaine de sciences sociales et le

recherche du « sans-abrisme » 5 : par exemple, par la description des dispositifs d’assistance sans-abrisme, Recension

existants pour les personnes à la rue ou par l’analyse de la gestion des espaces publics bibliog (...)

occupés par ces populations.

NOTES

1 Julien Damon, « La prise en charge des vagabonds, des mendiants et des clochards : une histoire en
mouvement », Revue de droit sanitaire et social, vol. 43, n° 6, 2007, p. 933-951.

2 L’ouvrage est publié aux Éditions d’en bas, une maison d’édition suisse créée en 1976 par Michel Glardon,
militant de gauche. Le « projet éditorial » consiste à apporter un « regard à la fois rétrospectif et prospectif » sur
différentes problématiques de la vie politique et sociale contemporaine. Les publications visent également à montrer
« la face cachée de la Suisse » et à donner la parole aux « exclu-e-s », http://enbas.net/index.php?id=qui-somme-
nous (consulté le 14/05/2014).

3 L’enquête a été réalisée par trois collaborateurs, à l’époque étudiants (Claire Ansermet, Mirko Locatelli et Joëlle
Minacci), que les auteurs principaux remercient en début d’ouvrage.

4 Nous pouvons citer les recherches de Tommaso Vitale, Patrick Bruneteaux et Norah Benarrosh-Orsoni, et dans
une optique plus engagée : Éric Fassin, Carine Fouteau, Serge Guichard, Aurélie Windels, Roms & riverains. Une
politique municipale de la race, Paris, La Fabrique, 2014 ; Sébastien Thiéry (dir.), Considérant qu’il est plausible que
de tels événements puissent à nouveau survenir. Sur l’art municipal de détruire un bidonville, Post-Éditions, 2014.

5 Katia Choppin, Édouard Gardella (dir.), Les sciences sociales et le sans-abrisme, Recension bibliographique de
langue française 1987-2012, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2013.

POUR CITER CET ARTICLE

Référence électronique
Mauricio Aranda, « Jean-Pierre Tabin et René Knüsel, Lutter contre les pauvres. Les politiques face à la mendicité
dans le canton de Vaud », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 26 mai 2014, consulté le 03 avril
2024. URL : http://journals.openedition.org/lectures/14757 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.14757

DISCIPLINE

Sociologie
Patrick Castel, Marie-Emmanuelle Chessel (dir.), À la recherche de la décision. Études de cas en sciences sociales
[livre]

Jacques Revel, Antonella Romano (dir.), Penser global ? Dix variations sur un thème [livre]

TOUS LES OUVRAGES

SUJET

Pauvreté - précarité
Margot Delon, Enfants des bidonvilles. Une autre histoire des inégalités urbaines [livre]
Jean-Pierre Tabin, René Knüsel, Lutter contre les pauvres. Les politiques de la mendicité. L’exemple suisse [livre]

TOUS LES OUVRAGES

Exclusion
Annalisa Lendaro (dir.), Gouverner les exilés aux frontières. Pouvoir discrétionnaire et résistances [livre]

Michaël Pouteyo, Fernand Deligny, enfant et institution. Pour une histoire de l'enfance en marge [livre]

TOUS LES OUVRAGES

Travail social
Anne Muxel, « Ils m’ont jamais lâché ». Au cœur des quartiers avec les jeunes et leurs éducateurs de rue [livre]

Marie-Emmanuelle Chessel (dir.), « Consommation et conditions de vie. Enquêtes sociales au XXe siècle », Le
mouvement social, n° 283 [revue]

TOUS LES OUVRAGES

LIEU

Suisse
Yali Chen, Chinoises en Suisse. Une perspective féministe [livre]
Catherine Amendola, Jean-François Marcel, Devenir écolier ou écolière. Le sens d'une transition [livre]

TOUS LES OUVRAGES

RÉDACTEUR

Mauricio Aranda
Doctorant en science politique à l’Université Paris Ouest Nanterre et membre de l’Institut des sciences sociales du
politique (UMR 7220-CNRS).

Articles du même rédacteur

Aline Dalbis, Emmanuel Gras, 300 hommes [Texte intégral]

Céline Braconnier, Nonna Mayer (dir.), Les Inaudibles. Sociologie politique des précaires [Texte intégral]

Michel Agier (dir.), Un monde de camps [Texte intégral]

TOUS LES TEXTES

DROITS D’AUTEUR

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention
contraire.

ISSN électronique 2116-5289


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