Prière

Errant, aux yeux confus,

Au corps fatigué de chemin,
Je deviens impuissant, seigneur,
Devant ton glamour.
Sur mon chemin apparaissent des abîmes,
Et l’horizon est habillé dans l’obscurité,
Moi à genoux vers toi je cherche,
Révérend, établis-moi le chemin!

Dans le coeur tourmenté par les désirs

Je sens les tentations creuser,
Comme elles veulent déranger ma source
D`où mon coeur se nourrit.
De la vague de leur monde sors-moi
Et avec tes sages conseils,
Pour toujours, vers ceux qui restent,
Toi, Seigneur, redresse ma vision.

Révèle à mon esprit le mystère,

Et la loi des charmes de la nature,
Mets dans mon bras pour toujours
Le pouvoir de la haine et de l’amour.
Donne-moi la chanson et donne-moi la lumière
Et la rumeur de la nature amoureuse,
Donne le rayon du soleil d’été
A ma paupière fatiguée.

[...]

(Prière, Octavian Goga, Poésies, Éditions Facla, Timișoara, 1984)

 Ion

[...]

Le village semble mort. La chaleur torride et étouffante qui flotte dans l’air tisse un
silence étouffant. De temps en temps les feuilles figées dans les arbres bruissent doucement. Un
fil de fumée bleuâtre se force de se dresser parmi les branches des arbres, titube comme un géant
étourdi et se roule sur les jardins poussiéreux, en les enveloppant d’un brouillard gris.

(...)

La chaleur goutte continûment du ciel, sèche le voile du palais, étouffe. À droite et à

gauche les maisons regardent timidement derrière les haies, couvrant leurs visages sous avant-
toit endommagée par la pluie et par le bétail.

(...)

Les hommes restent à distance, près de la maison, à la porte, en petits groupes, en parlant
des travaux communs, en regardant de temps en temps vers la jeunesse ramassée autour des
ménétriers.

Le maire, aux moustaches blanches tordues jeune, aux grands yeux bleus et doux, essaie
de garder sa dignité accentuant les mots et les accompagnant des gestes énergiques, au milieu de
quelques vieillards importants.

(...)

(Ion, Liviu Rebreanu, Éditions HERRA, 2008)