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Le Romancier entre Réalité et Fiction

5 avril 2022

LE ROMANCIER ENTRE RÉALITÉ ET FICTION

Beaucoup de détracteurs prétendent que le romancier ment comme un arracheur de dents ; et ils
appuient leur avis ou idée reçue sur l’imagination fertile de l’écrivain qui produit ses romans dans
l’intimité de son isoloir. Tout de même, combien de fois les hommes dont ces détracteurs font partie
font-ils des paris, des prédictions, des pronostics,… avec espoir de voir se réaliser des vœux pour
lesquels ils ont misé gros ? Pourtant, le romancier ne fait pas le contraire ; par la force de son
imagination qui lui donne ce pouvoir révélé par la physique quantique de pouvoir vivre dans un
univers en division permanente, les artistes qui savent en saisir les mécanismes ont souvent
l’occasion de passer d’un univers à un autre. Ces univers ou couloirs parallèles où ils se baladent
comme si c’était leurs lieux communs leur donnent le loisir de prédire ce monde bien réel mais qui
n’est pas encore né. Que dire de Jules Verne qui, dans De la Terre à la lune (1865) et Autour de la
Lune (1869), décrit des conditions analogues à celles qui, le lundi 21 juillet 1969, permirent à Louis
Armstrong et ses compagnons de Apollo 11 de poser pied sur la lune ? Pourtant, quand ces romans
avaient paru l’un après l’autre, ils étaient méprisés, voire rangés dans l’ordre de ces œuvres de
fiction de bas étage qui ne font que divertir. Que dire de Futility, ce roman de Morgan Robertson
publié en 1898 qui raconte à peu près les mêmes circonstances du naufrage du Titanic lors de cette
fameuse nuit du 13 au 14 avril ? En cinq pages, avec une précision à vous couper le souffle quand vous
en faites la comparaison, cet auteur est passé d’autre peu connu à homme visionnaire. Plus près de
nous, que dire de Tom Clancy, ce romancier devenu célèbre pour avoir décrit dans Dette d’honneur,
publié en 1994, un attentat semblable à ceux auxquels le monde entier assistera le 11 septembre 2001
? « Près de 300 tonnes d’acier et de kérosène percutèrent la façade du bâtiment à une vitesse de 550
k/h » avait-il écrit. Ces romans cités ne constituent pas quelques exceptions mais des échantillons
d’infinités de productions romanesques qui prouvent que le romancier fait mieux que représenter la
réalité : il le précède. En un mot, ces romans prémonitoires dits d’anticipation démontrent toute la
part de vrai dans ce semblant de fauxµ

Par ailleurs, si ici un romancier s’inspire de ce monde d’aujourd’hui pour prédire celui de demain, un
autre réussit à se positionner à la croisée des chemins, entre réalité et fiction. Dit autrement,
l’écrivain puise la source de son inspiration autant dans le réel que dans l’imaginaire pour composer
son récit. Les auteurs réalistes justement sont passés maîtres dans cet art en demi-teinte. Des
détracteurs s’en sont justement pris à eux, les taxant de faussaires car nul ne peut représenter la
réalité, rien que la réalité, encore moins toute la réalité. C’est une lapalissade, bien évidemment ! Un
artiste choisit des parcelles d’une vie, d’un temps ou d’un espace qu’il restitue avec une harmonie qui
séduit. S’il fait autre chose que cette sélection, il est tout sauf artiste et se fera peut-être appelé
journaliste ou historien. Ces écrivains s’inspirent donc le plus souvent de faits divers tels que nous en
lisons dans les journaux au quotidien ou encore de l’actualité brûlante telle qu’une liesse, une grogne
populaire, un fait historique… Au lieu d’avoir la prétention de tout représenter, c’est-à-dire chaque
parcelle de terrain (le cadre spatial) et chaque seconde de l’existence (le cadre temporel), l’esprit
sélectif de l’artiste préfère saisir ces cadres et ces instants pour focaliser l’attention du lecteur sur ce
qu’il voudrait lui faire voir tout simplement. Cette prouesse a eu le privilège de faire planer l’écrivain
entre ciel et terre, d’être à la fois dans et hors de son œuvre, d’être engagé contre une injustice sans
en donner l’air, d’être donc à mi-chemin entre le sondé et l’insondable, la réalité et la fiction. Grâce
aux nombreuses ressources de la langue, cette impersonnalité impalpable permet à l’artiste de «
s’enterrer vivant » dans son œuvre d’art. Pour preuve, il suffit de lire Madame Bovary (1857) ou
encore Germinal (1885) ; dans le premier, Flaubert réussit un grand coup de maître : le pari du « livre
sur rien » ; dans le second, à aucun endroit du récit, Zola ne s’est montré, ni en tant que personnage,
ni en qualité de narrateur. Si ces romans ne « se ferment pas », c’est-à-dire que leurs excipits (fin de
chapitre d’un livre) s’ouvrent le plus souvent sur un héros qui regarde l’avenir même s’il paraît bien
sombre, afin que le lecteur le suive, le prolonge et le termine selon sa fantaisie imaginative. Pour finir
en restant dans cette mouvance, retenons par ailleurs ces propos de Nicolas Boileau-Despréaux : « le
vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable » – et cela, les réalistes l’avaient si bien intégré dans
leur esthétique qu’ils s’étaient fait appeler « illusionnistes » au départ – juste pour dire que, en
faisant allusion à Guy de Maupassant dans la préface de Pierre et Jean, faire vrai consiste donc à
créer l’illusion de celui-ci moins dans le pêle-mêle de leur succession que dans une logique plus
concertée, du vrai représenté avec une précision que même la réalité ne révèle pas toujours. En
somme, à travers le roman de mœurs, appelé aussi roman réaliste ou roman social, le roman offre à
son auteur la possibilité de faire du vrai dans du faux et vice-versa.

Issa Laye DIAW


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