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Université de Constantine 3

Faculté d’architecture et d’urbanisme


Département d’urbanisme

CONSTANTINE À LA QUÊTE
DE SES RÉFÉRENTS IDENTITAIRES URBAINS

THESE

Présentée pour l’Obtention du


Diplôme de Doctorat LMD en Urbanisme

Par
Ismahane BOULEMIA

Année Universitaire

2019-2020
Université de Constantine 3
Faculté d’architecture et d’urbanisme
Département d’urbanisme

N° de Série :
N° d’Ordre :

CONSTANTINE À LA QUÊTE
DE SES RÉFÉRENTS IDENTITAIRES URBAINS

THESE

Présentée pour l’Obtention de


Diplôme de Doctorat LMD en Urbanisme

Par
Ismahane BOULEMIA

Devant le Jury composé de :

Badia SAHRAOUI Président Professeur Université Constantine 3


Fatiha BENIDIR Rapporteur MCA Université Constantine 3
Abdelouahab BOUCHAREB Examinateur Professeur Université Constantine 3
Azzedine BELAKEHAL Examinateur Professeur Université Biskra
Fatima Zohra BAHLOUL Examinateur MCA Université Batna
Redha ATTOUI Examinateur MCA Université Annaba

Année Universitaire

2019-2020
Remerciements
Louange à Allah Seigneur de l'univers
Ce travail a été rendu possible grâce à mon encadreur Dr
Benidir Fatiha, que je remercie pour sa patience et la
justesse de ses orientations.
Je tiens à remercier également mes enseignants de la
post graduation pour leur soutien,
Les cadres de la direction du tourisme de la wilaya de
Constantine,
Le personnel des archives de la wilaya de Constantine, du
musée Cirta et de la bibliothèque Nationale d’Alger pour
leurs aides et compréhension,
Les habitants des différentes cités pour leurs soutiens,
et toutes celles et tous ceux qui ont contribué de prés ou de loin
à l’élaboration de ce travail.
Table des matières

TABLE DES MATIÈRES


LISTE DES FIGURES xi
LISTE DES TABLEAUX xviii
RÉSUMÉ xx
I. Introduction générale ………………………………………………...………… 01
I.1 État de la recherche ………………………………………………………. 05
II. Problématique …………………………………………………………..……... 09
III. Intérêt de la recherche ………………………………………………………….. 14
IV. Méthodologie de travail ……………………………………………………… 15
IV.1 Méthode d’approche …………………………………………………. 15
IV.2 Le choix des entités spatiales ………………………………………… 21
IV.3 Structure de la thèse ………………………………………………….. 23
Travaux cités ………………………………………………………………………. 26
CHAPITRE I
APPROCHE THÉORIQUE, DES ESSAIS DE DÉFINITION ……………….… 28
Introduction ……………………………………………………………………….. 29
1. Identité de l’espace ou identité dans l’espace : cultures, perceptions et pratiques 30
1.1. L’identité urbaine …………………………………………………………... 31
1.1.1. Définition ……………………………………………………………. 31
1.1.2. Genèse et évolution de la notion d’identité urbaine ……………….. 35
1.2. Les dimensions de l’identité urbaine ……………………..………………... 36
1.2.1. Les attributs de position ……………………………………………... 37
1.2.2. Les attributs de valeurs ………………………………..……………. 37
1.2.2.1. Histoire, héritage et patrimoine …………………………...… 37
1.2.2.2. La culture ………………………………..………………….. 38
1.2.2.3. Usage et pratique du lieu ……………………………..…….. 39
1.2.3. Les attributs de configuration ……………………………….……... 40
1.2.3.1. L’ambiance du lieu ……………………………..…………... 40
1.2.3.2. La mise en valeur des activités et du comportement social …. 40
1.3. L’acculturation et l’adaptation …………………………………………… 43
2. L’espace public ………………………………..……………………………… 45
2.1. Les formes de l’espace public ……………………………………………… 45
2.1.1. L’espace public ouvert …………………………...…………………. 45

iv
Table des matières

2.1.2. L’espace public fermé …………………………..………………….. 46


2.1.3. L’espace collectif ……………………………………………………. 46
2.2. L’espace public à différentes échelles et à différents usages ………………. 47
2.2.1. L’espace public dans la ville arabo-musulmane ……………………... 48
2.2.1.1. La ville arabe, modèles et changements spatiaux à travers le 48
temps ……………………………………………………………
2.2.1.2. L’espace public dans les médinas …………………………. 51
2.3. L’espace public, un lieu de convivialité …………………………………. 53
2.3.1. Les interactions individu / espace vie …………….…………………. 56
2.3.2. L’espace public / le fonctionnalisme et la crise identitaire ……….. 58
Conclusion …………………………………………………………………………... 60
Travaux cités ……………………………………….……………………………… 61
CHAPITRE II
DE LA CITÉ ROMAINE À LA MÉDINA ARABO MUSULMANE …………... 67
Introduction ………………………………………………………………………... 68
1. Constantine pendant l’antiquité …………………………………………………. 69
1.1. La Kalaa préhistorique ………………………………………...…………... 69
1.2. Cirta ou ville de Juba (IVe siècle) ………………………………………...… 71
2. La médina de Constantine : la ville traditionnelle arabo musulmane ………...…. 75
2.1. L’avènement de l’Islam …………………………………………………... 75
2.2. Constantine pendant la présence Ottomane …..…………………….………. 76
2.2.1. L’occupation de la ville suite à une longue résistance …………….. 76
2.2.2. Installation des pouvoirs turcs dans la ville de Constantine ……….. 77
2.3. Les spécificités de la médina de Constantine …………………………….. 80
2.3.1. Système de défense …………………………………………………... 80
2.3.2. Les entrées de la médina …………………………………………… 81
2.3.3. Le tissu médinois ………………………………………...………… 88
2.3.3.1. Les quartiers formants le tissu de la médina ………..………... 88
2.3.3.2. La structure viaire ……………………..………...…………… 93
Conclusion …………………………………………………………………………… 104
Travaux cités ………………………………………………………………………. 106

v
Table des matières

CHAPITRE III
BOULEVERSEMENT ET DÉSÉQUILIBRE DES VIEILLES STRUCTURES
DE LA MÉDINA ………………………………………………………..………….. 109
Introduction ………………………………………………………………………….. 110
1. Constantine sous la colonisation française ….………………………………...…. 110
1.1. Des installations militaires pour le contrôle du tissu médinal ……………... 112
1.2. La division de l’espace médinal ……….………………………………… 113
1.3. Interventions urbaines et distinction socio spatiale entre les différents
groupes ethniques …………………………………………………………. 113
1.4. Impact des interventions du génie militaire sur la structure du tissu médinal 120
1.4.1. L’espace de confinement…………………………………….……... 125
1.4.2. La profondeur de l’espace (the MeanDepth) ………………………. 126
1.4.3. Degré de connectivité et d’intégration ……………………...……... 126
1.4.4. Le degré de contrôle unitaire ou de diffuse ………………………….. 128
1.5. La population autochtone face au processus d’acculturation ...…………... 131
1.6. Les extensions en dehors du Rocher ……………………………………… 138
2. La ville contemporaine …………………………………………………………... 141
2.1. Une urbanisation accélérée ……………..………………………………… 141
2.2. Les grands ensembles, une réponse à la crise de logement ………………… 141
2.3. Des projets d’embellissement et d’amélioration urbaine …………………. 142
Conclusion …………………………………………………………………………… 144
Travaux cités ………………………………………………………………………. 147
CHAPITRE IV
PLACES PUBLIQUES ET RÉFÉRENTS À TRAVERS LE TEMPS …….….. 150
Introduction ………………………………………………………………………... 151
1. La place du palais du Bey ou la place Si El Haoues …………………………... 152
1.1. Genèse et évolution de la place du palais du bey ………………………..….. 152
1.2. Des référents persistants dans la place du palais du Bey …………………… 159
1.2.1. Les éléments architecturaux persistants …………………...………… 159
1.2.2. La fonction et les pratiques ………………………………………… 162
2. La place Sidi M’Hamed El Djliss ……………………………………………... 169
2.1. La place de Sidi El Djliss à travers le temps ………………………………... 169
2.1.1. Des découvertes archéologiques remontant à l’époque romaine …….. 169

vi
Table des matières

2.1.2. La place de Sidi El Djliss dans le tissu arabo musulman ………...….. 172
2.1.3. La place de Sidi El Djliss à l’époque coloniale ………………..……. 172
2.2. Des référents persistants dans la place Sidi M’Hamed El Djliss ……..……. 173
2.2.1. Enveloppe ……...…………………………………………………….. 173
2.2.2. Les éléments architecturaux persistants ………………..……………. 175
2.2.3. Mobilier urbain ……………………...……………………………….. 176
2.2.4. Des pratiques propres à la place Sidi El Djliss …………………..….. 176
Conclusion …………………………………………………………………………… 283
Travaux cités ……………………………………..…………………………………. 285
CHAPITRE V
SOUKS ET RAHBA DANS LA VIEILLE VILLE DE CONSTANTINE, DES
LIEUX DE MÉMOIRE OU DES ESPACES DE COMMERCE ? …..…………. 188
Introduction ………………………………………………...………………………... 189
1. Rahbet Ledjmal ……………………………………………...…………………... 193
1.1. Rahbet Ledjmal à travers l’histoire …………………………………………. 193
1.2. Des référents persistants de Rahbet Ledjmal ……………………………...... 195
1.2.1. Le caravansérail ou Fondouk Beni Abbès …………………...………. 197
1.2.2. Le préjugé et la contre-occupation de l’espace …………….…..…… 202
2. Rahbet Essouf ……………………………………………………………………. 205
2.1. Genèse et évolution de Rahbet Essouf ……………………………………… 205
2.2. Des référents persistants de Rahbet Essouf ………………………..………. 207
2.2.1. La forme et la taille ……………………………………….………….. 207
2.2.2. Les éléments architecturaux persistants ……...…………………...…. 207
2.2.3. Rôle de Rahbet Essouf ……………………………………………….. 208
2.2.4. Les pratiques socio spatiales …………………………...……………. 208
3. Souk El Acer ……………………………………………...……………………... 212
3.1. Genèse du quartier et du Souk El Djumuâa …………………………..……. 212
3.2. Des référents persistants de Souk El Acer ……………………..…………... 215
Conclusion …………………………………………………………………………… 220
Travaux cités ……………………………………………...…………………………. 222
CHAPITRE VI :
DES LIEUX DE MANIFESTATION D’UNE MÉMOIRE COLLECTIVE …… 226
Introduction ……………………………………...…………………………………... 227

vii
Table des matières

1. Les lieux de rencontre et de détente ……………………………..……………… 228


1.1. Les Cafés Maures …………………………………………………………… 228
1.2. Et-Tarbiâa ………………………………………...………………………… 231
1.2.1. Les Tarbiâa des artisans ……………………………………………… 232
1.2.2. Les Qaâda dans les cafés maures …………………………………….. 246
1.2.3. Les Tarbiâa, lieux de rencontre des Hachachine …………………...... 246
1.3. Entrée des rues et des maisons ……………………………………………… 249
2. Le Folklore et la naissance des lieux de mémoire ……………………………….. 250
2.1. La cérémonie de la distillation d’eau de rose et de fleurs d’oranger, une
pratique ancrée dans la mémoire des constantinois ………………………. 250
2.2. Des référents persistants de l’imaginaire populaire ………………………. 254
2.2.1. Les espaces sacrés, lieux d’expression d’une mémoire collective …... 254
2.2.2. Des référents liés aux mythes et aux croyances des individus …….. 259
2.2.2.1. La porte Ouest de la médina et l’histoire de sa fortification …. 259
2.2.2.2. Kçar El Ghoula ou le palais de l’ogresse……………………... 260
Conclusion …………………………………………………………………………… 261
Travaux cités …………………………..……………………………………………. 262
CHAPITRE VII
DÉRACINEMENT OU TRANSFORMATION DES RÉFÉRENTS …………… 268
Introduction …………………………………...……………………………………... 269
1. Présentation du cas d’étude des grands ensembles ...……………………………. 271
2. Organisation spatiale ………………...…………………………………………... 272
2.1. L’espace de confinement ………………………………………………….... 275
2.2. La profondeur de l’espace ………………………………...………………… 280
2.3. Degré de connectivité et d’intégration ……………………………………… 280
2.4. Le degré de contrôle unitaire ou de diffuse ………………………………… 282
3. Pratiques urbaines et référents …………………...…………...…………………. 283
3.1. L’usager dans l’espace public …….……………………………………….... 283
3.1.1. La femme, la nouvelle pratiquante de l’espace public ………………. 283
3.1.2. Les groupes de jeunes dans le quartier ………………………………. 285
3.1.3. L’enfant et le changement des pratiques en fonction des
disponibilités …………………………………………………………… 287
3.2. Pratiques polymorphes : un détournement d’usage des espaces publics ou

viii
Table des matières

une chronotopie urbaine ? …………………………………………………... 287


3.2.1. Le commerce, animateur des espaces publics …………………….... 287
3.2.2. Les espaces verts, entre l’abandon et la mauvaise fréquentation ….. 288
3.3. Appropriation des abords des immeubles …………………..………………. 292
Conclusion …………………………………………………………………………… 297
Travaux cités …………………………..……………………………………………. 300
CHAPITRE VIII
ÉVOLUTION DES PRINCIPES DE LA RURALITÉ À LA CITADINITÉ …... 302
Introduction ………………………………………...………………………………... 303
1. Présentation de l’aire d’investigation …………………………………………... 304
1.1. Situation de l’aire d’investigation ……………………………………...….... 305
1.2. Structure administrative …………………………….………………………. 308
1.3. Opération d’embellissement ………………………………………………... 311
2. Structure sociale et organisation spatiale ……………..…………………………. 312
2.1. Organisation de l’espace public ………………………………………..….... 312
2.2. Le laissez-faire et la spontanéité des pratiques d’occupation …………….. 318
2.3. Pratiques urbaines …………………………………………………………... 320
2.3.1. Les espaces de rencontre et de détente ……………………...…….... 322
2.3.2. L’appropriation féminine de l’espace …………………………….... 323
2.3.3. Espace approprié par l’enfant ………………………………………... 324
2.3.4. Le jeu d’appropriation et l’apparition des points noirs ……………… 324
3. Qualité de vie et perception de l’espace …………………………………………. 327
3.1. Référents dans la zone d’étude ……………………………...……………… 328
3.2. L’insécurité dans le quartier et les problèmes relationnels inter-quartiers 329
3.3. La vie en communauté, des traditions persistent encore ……………………. 330
Conclusion ………………………………………………………………………….... 332
Travaux cités ………………………………..………………………………………. 333
CHAPITRE IX
ÉLÉMENTS DE SYNTHÈSE, POUR UNE RENAISSANCE DE L’IDENTITÉ
URBAINE ……………………………………………………………………...…… 335
Introduction …………………………………...……………………………………... 336
1. Fouiller le passé pour une quasi-suffisance sociale ……………………………... 337
1.1. Les coutumes et les traditions, des différences entre les générations ………. 337

ix
Table des matières

1.2. La valeur donnée aux pratiques sociales dans les différentes interventions ... 338
2. L’appropriation de l’espace et l’identité urbaine …………………………...…… 340
2.1. Les formes d’appropriation de l’espace …………………………………..… 344
2.2. L’image mentale et la satisfaction des usagers …………………………… 346
3. Pour une réception sociale de l’urbain ……………..………………………….… 348
3.1. Le récepteur de l’urbain et l’appartenance socioculturelle ……………...….. 349
3.2. Un lieu, une source de convivence …………………………………………. 352
3.2.1. Les dimensions de l’espace et leur accessibilité psychique …………. 353
3.2.2. La fonction de l’espace ………………………………………………. 354
3.2.3. L’attractivité du lieu …………………………………………………. 354
Conclusion …………………………………………………………………………… 355
Travaux cités ……………………………………………..…………………………. 356
CONCLUSION GÉNÉRALE …………………………………...………..……….. 358
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE …………………………………………………. 364
ANNEXE …………………………………………………..……………………….. 385

x
LISTE DES FIGURES :
Page
Figure 0-01 : Répartition de la population enquêtée par sexe et par groupes d’âge 20
Figure 1-01 : La construction de l’identité urbaine 33
Figure 1-02 : Les dimensions de l’identité de l’espace 37
Figure 1-03 : L’espace, le support de formation identitaire 37
Figure 1-04 : Les composantes identitaires d’un territoire 42
Figure 1-05 : Les différentes formes d’adaptation dans un nouvel environnement 44
Figure 1-06 : Les formes de l’espace public 45
Figure 1-07 : L’espace public à différentes échelles 47
Figure 1-08 : La place de la mémoire dans l’aménagement du territoire 56
Figure 1-09 : Les usagers de l’espace public 57
Figure 1-10 : Les usages de l’espace 57
Figure 1-11 : Les interactions individu/espace vie 57
Figure 2-01 : Le sanctuaire d’El Hofra 70
Figure 2-02 : Les vestiges découverts par A. Berthier à Sidi M’cide 71
Figure 2-03 : Image de la cité romaine élaborée selon les descriptions des 72
chercheurs
Figure 2-04 : Constantine dans l’antiquité, des éléments permanents 74
Figure 2-05 : La médina de Constantine avant la conquête française 1837 79
Figure 2-06 : Les Habûs réservés à l’entretien et la fortification des remparts 81
Figure 2-07 : Bab El Oued à l’époque ottomane 82
Figure 2-08 : Les boutiques des droguistes à Bab El Oued 82
Figure 2-09 : Bab El Kantara 83
Figure 2-10 : Gravures de Bab El Djabia dessinées par le capitaine Delamane l’an 84
1850
Figure 2-11 : Bab El Jabia, marché de Beni Ramasses à l'extérieur des remparts 84
Figure 2-12 : Bab El Jedid (la voûte en haut à gauche) peu de temps après la prise 86
de la ville
Figure 2-13 : Localisation de Bab Rouah selon les divers témoignages 88
Figure 2-14 : Lieu d’exercice du métier des tanneurs à la limite de la médina 89
Figure 2-15 : La teinture de la laine 89

xi
Figure 2-16 : Un acte pris de la page 30 du registre des Habûs 92
Figure 2-17 : Mahallat Bab el Djabia 92
Figure 2-18 : Mahallat En-Nadjarine 93
Figure 2-19 : Deux actes de Habûs dédiés à la medersa Est à Constantine prisent 96
de la page 30 du Registre des Habûs
Figure 2-20 : Bab El Djabia de Constantine selon le Registre des Habûs 97
Figure 2-21 : Les Dakka devant les locaux de commerce à Souk El Acer 99
Figure 2-22 : Les Massatibe au bord d’une rue arabe 99
Figure 2-23 : Les Massatibe au bord de la rue de l’échelle 99
Figure 2-24 : Constantine la ville arabo musulmane, des éléments permanents 103
Figure 3-01 : La place de la Brèche à l’époque coloniale 111
Figure 3-02 : Interventions urbaines de la colonisation entre l’an 1848 et l’an 1870 115
Figure 3-03 : Répartition des espaces de manifestation de la vie urbaine selon les 116
communautés
Figure 3-04 : Les modifications apportées à la ville arabo-musulmane 119
Figure 3-05 : La nouvelle structure caractérisée par sa régularité 120
Figure 3-06 : La rue nationale en cour de réalisation 122
Figure 3-07 : La grande mosquée après le percement de la rue nationale 122
Figure 3-08 : La topographie du Rocher 124
Figure 3-09 : La vieille ville de Constantine, degré d’intégration locale et globale 127
Figure 3-10 : Souika, Degré de connectivité 127
Figure 3-11 : Souika, Degré d’intégration 127
Figure 3-12 : Souika, Degré de contrôle 129
Figure 3-13 : Souika, Choix rapide des espaces 129
Figure 3-14 : Localisation des maisons en ruines dans la partie basse de la vieille 131
ville de Constantine
Figure 3-15 : Une vieille porte en bois de la grande mosquée conservée dans le 134
musée de Constantine
Figure 3-16 : Quelques conséquences du processus d’acculturation pendant et 137
après la colonisation
Figure 3-17 : Constantine pendant la colonisation, des éléments permanents 140
Figure 3-18 : Les étapes d’extension spatiale de la ville de Constantine 143
Figure 4-01 : La place Si El Haoues, vue aérienne 152

xii
Figure 4-02 : Accessibilité, des artères menant vers la place Si El Haoues 152
Figure 4-03 : Localisation des inscriptions découvertes dans la place du palais du 154
bey
Figure 4-04 : Localisation des inscriptions découvertes autour de la place du palais 155
du bey
Figure 4-05 : Genèse de la place Maréchal Foch 158
Figure 4-06 : Plan d’aménagement proposé par le bureau d’étude Benhamiche l’an 158
2009
Figure 4-07 : La place du palais du bey au cours des travaux 159
Figure 4-08 : Passage conduisant vers Dar Oum-En-Noun 159
Figure 4-09 : Inscription sur marbre 160
Figure 4-10 : Façade du palais de bey 161
Figure 4-11 : Transformation de la mosquée de Souk El Ghazel en une Église à 162
l’époque coloniale
Figure 4-12 : La place du Maréchal Foch, un espace de rencontre et de détente 163
Figure 4-13 : Usage de la place Maréchal Foch comme aire de stationnement à
163
l’époque coloniale
Figure 4-14 : Le palais du bey après sa restauration 168
Figure 4-15 : La mosquée Souk El Ghezal en cours de restauration 168
Figure 4-16 : Façade urbaine, la place du palais du Bey à l’ère contemporaine 168
Figure 4-17 : Le tombeau du Oueli Sidi M’hamed El Djliss dans l’école Jules- 169
Ferry
Figure 4-18 : La mosquée El Ikhlass 169
Figure 4-19 : Une mosaïque découverte le 6 février 1928 170
Figure 4-20 : Localisation des deux découvertes de l’époque romaine 171
Figure 4-21 : La voie principale de la cité romaine traversant la place de Sidi El 172
Djliss
Figure 4-22 : Modifications apportées à la façade urbaine d’une bâtisse à la place 174
de Sidi El Djliss
Figure 4-23 : Des surélévations illicites 174
Figure 4-24 : Effondrement d’une partie d’une maison 175
Figure 4-25 : Un élément qui existe encore, c’est un témoignage de l’ancienne
175
façade de la bâtisse

xiii
Figure 4-26 : Ain Sidi El Djliss avant l’indépendance et à l’ère contemporaine 176
Figure 4-27 : La place de Sidi El Djliss dans la mémoire des habitants de la vieille 177
ville
Figure 4-28 : la place de Sidi El Djliss dans la mémoire de ses usagers 177
Figure 4-29 : Localisation de Dar El Ouesfane de Sidi El Djliss 179
Figure 4-30 : Découpage du parcours en séquences 181
Figure 4-31 : La place de Sidi M’Hamed El Djliss, la première séquence (S1) 182
Figure 4-32 : La place de Sidi M’Hamed El Djliss, la deuxième séquence (S2) 182
Figure 4-33 : La place de Sidi M’Hamed El Djliss, la troisième séquence (S3) 182
Figure 4-34 : la place de Sidi M’Hamed El Djliss, la quatrième séquence (S4) 182
Figure 5-01 : Le commerce informel à Rahbet Ledjmal 193
Figure 5-02 : Une scène de guerre, la prise de Constantine 194
Figure 5-03 : La halle à côté du théâtre construit l’an 1883 195
Figure 5-04 : Construction du crédit foncier à la place de la halle l’an 1908 195
Figure 5-05 : Rahbet Ledjmal d’un point des habitants de la vieille ville 196
Figure 5-06 : Rahbet Ledjmal d’un point de vue de personnes habitantes hors le 196
Rocher
Figure 5-07 : Les différentes fonctions d’un Fondouk 197
Figure 5-08 : L’intérieur d’un Fondouk à Constantine 200
Figure 5-09 : Façade du vieux Fondouk des Beni Abbès 200
Figure 5-10 : Localisation de l’accès du sabbat à Rahbet Ledjmal 200
Figure 5-11 : Un coin de Rahbet Ledjmal 202
Figure 5-12 : Rahbet Ledjmal avant l’indépendance, vue du côté du fondouk 202
Figure 5-13 : Rahbet Essouf sur un plan de l’an 1878 206
Figure 5-14 : Rahbet Essouf sur un plan de l’an 1888 206
Figure 5-15 : Rahbet Essouf avant et après les travaux d’alignement et la 207
construction du marché couvert
Figure 5-16 : façade de la maison conservée de l’époque ottomane 208
Figure 5-17 : Souk El Djumuâa à l’époque romaine 212
Figure 5-18 : Présence de Souk El Acer sur la carte à la veille de la colonisation 214
Figure 5-19 : Souk El Acer, les interventions de la colonisation 214
Figure 5-20 : Souk el Djumuâa, une intersection des religions 215
Figure 5-21 : Souk El Acer, façade de la mosquée Sidi El Kettani 215

xiv
Figure 5-22 : La place du Caravansérail 216
Figure 5-23 : Un coin de la place négrier 216
Figure 5-24 : Souk El Acer d’un point de vue de ses usagers 216
Figure 5-25 : Place du Caravansérail vue du côté Est (1908) 217
Figure 5-26 : Place du Caravansérail vue du côté Ouest (1908) 217
Figure 6-01 : Café maures à Constantine 231
Figure 6-02 : Café maures à Constantine apparu sur une vieille carte postale datée 231
du 05/08/1902
Figure 6-03 : Café maures à Constantine 1935 231
Figure 6-04 : Transformation d’une partie du quartier résidentiel de la Casbah en 233
un quartier militaire à l’exception de Tarbiâat Haouka
Figure 6-05 : Localisation de l’immeuble n° 90 contenant le fondouk 235
Figure 6-06 : Localisation du fondouk par rapport à Tarbiâat Ben Ganna selon le 235
plan d’Ernest Mercier
Figure 6-07 : Façade du fondouk 236
Figure 6-08 : Espace de rejet des eaux usées sur la rive du Rhumel 236
Figure 6-09 : Photos de l’intérieur du fondouk, l’étage partiellement fonctionnel 236
du vieux fondouk (niveau -1)
Figure 6-10 : Photos de l’intérieur du fondouk, l’étage abandonné du vieux 237
fondouk (niveau -2)
Figure 6-11 : Acte de Habûs dédié au Masdjid Sidi Rachid pris de la page 23 du 238
Registre des Habûs
Figure 6-12 : Localisation des deux Tarbiâa selon le plan d’Ernest Mercier (1878) 245
Figure 6-13 : Entrée de la Tarbiâa donnant sur l’axe Ben Zagouta Mohamed 246
Figure 6-14 : L’accès réservé aux membres de la famille donnant sur une impasse 246
privée
Figure 6-15 : La Tarbiâa dans la vieille ville de Constantine 247
Figure 6-16 : La signification de la Tarbiâa chez la population enquêtée 248
Figure 6-17 : Ouverture de la cérémonie de la distillation des roses 253
Figure 6-18 : Exposition le long de l’avenue Ben Boulaid 253
Figure 6-19 : Exposition à l’intérieur du palais du bey 253
Figure 6-20 : Scène de vie, la fête des vautours à Constantine en 1890 256
Figure 6-21 : Localisation d’El Borma 258

xv
Figure 7-01 : Plan de la zone d’étude 271
Figure 7-02 : Accès vers le quartier, aires de stationnement et arrêts de bus 273
Figure 7-03 : Le marché de la cité 20 août 1955 275
Figure 7-04 : Des façades de bâtiments de quelques cités 276
Figure 7-05 : Référents utiles dans l’espace public 277
Figure 7-06 : L’aire de jeux abandonnée de la cité kadi Boubaker 277
Figure 7-07 : Des aires de jeux de la cité 20 Août 1955 278
Figure 7-08 : Équipements structurants 279
Figure 7-09 : La profondeur des espaces dans la zone d’étude 280
Figure 7-10 : Degré de connectivité des espaces 281
Figure 7-11 : Degré d’intégration globale et locale des espaces 281
Figure 7-12 : Degré de contrôle des espaces dans la zone d’étude 282
Figure 7-13 : Degré du choix rapide des espaces dans la zone d’étude 282
Figure 7-14 : Lieu de rencontre des femmes, espace approprié à usage exclusif, 285
mais non autonome
Figure 7-15 : Surface boisée représentant un point noir dans le tissu 286
Figure 7-16 : Le jardin de la cité Fadhila Saâdane 290
Figure 7-17 : Les raisons de fréquentation et les pratiques exercées dans l’espace 291
public
Figure 7-18 : Taux de fréquentation des espaces publics selon les heures de la 292
journée
Figure 7-19 : Empiétement sur le trottoir et marquage du territoire au moyen d’une 293
clôture
Figure 7-20 : Extension de la sphère domestique vers l’extérieur et la réalisation 294
d’espace type cour
Figure 7-21 : Empiétement sur le trottoir et création d’un espace de rangement 294
Figure 7-22 : Appropriation collective des abords de l’immeuble et la fonction 296
affectée à chaque espace
Figure 8-01 : Répartition de la population et du logement par type d’habitat 304
pendant la guerre de la libération
Figure 8-02 : La cité des peupliers en cours de réalisation 306
Figure 8-03 : Une vue générale de la zone d’étude avant l’occupation des poches 306
vides par l’habitat illicite

xvi
Figure 8-04 : Habitat collectif dans la cité des peupliers 307
Figure 8-05 : L’habitat individuel dans la cité des mûriers 307
Figure 8-06 : L’habitat individuel dans la cité Benteliss 307
Figure 8-07 : La rue « A », rue commerçante dans la cité de Benteliss 308
Figure 8-08 : Classification des équipements 309
Figure 8-09 : Répartition des équipements 310
Figure 8-10 : La cité Benteliss avant l’éradication des bidonvilles 311
Figure 8-11 : Création d’un espace vert à l’entrée principale de la cité Benteliss 312
Figure 8-12 : Processus d’installation 314
Figure 8-13 : Niveau de scolarisation des chefs de famille 315
Figure 8-14 : Fonctions des premiers occupants 315
Figure 8-15 : Vue aérienne, un îlot de la cité de Benteliss 316
Figure 8-16 : Une vieille photo d’un côté de la rue Ben Souiad 317
Figure 8-17 : Des rues spatialement mal définies de la cité de Benteliss 317
Figure 8-18 : Quelques impasses et ruelles de la cité Benteliss 318
Figure 8-19 : Les extensions verticales dans la cité de recasements 319
Figure 8-20 : Une extension précaire utilisée comme un espace de rangement 319
Figure 8-21 : Taux de fréquentation des espaces pendant les heures de la journée 321
Figure 8-22 : La fontaine publique d’El Merdja 323
Figure 8-23 : Une rue de la cité Benteliss 324
Figure 8-24 : Partage des espaces publics entre leurs différents usagers 326
Figure 8-25 : Présentation du quartier d’un point de vue des usagers 327
Figure 8-26 : Référents utiles dans l’espace public 328
Figure 9-01 : L’expérience sensible de l’individu dans l’espace vie 349
Figure 9-02 : La fréquentation et l’usage individuel ou collectif de l’espace public 352
LISTE DES TABLEAUX :
Page
Tableau I-01 : Comparaison entre les deux mouvements de pensée (les
55
culturalistes et les progressistes)
Tableau 2-01 : Activités nuisibles à l’intérieur et à l’extérieur de la médina tirées 91
du registre des Habûs
Tableau 2-02 : Changement de la nomination de quelques Raïghat et Rahba bien 96

xvii
avant la colonisation
Tableau 2-03 : Réseau routier de la médina de Constantine selon le registre des 100
Habûs
Tableau 2-04 : Réseau routier de la médina de Constantine à la veille de la 102
colonisation
Tableau 3-01 : Changement de la nomination de quelques Raïghat et Rahba bien 110
avant la colonisation
Tableau 3-02 : Réseau routier de la médina de Constantine selon le registre des 116
Habûs
Tableau 3-03 : Réseau routier de la médina de Constantine à la veille de la 116
colonisation
Tableau 4-01 : La place du Palais du Bey à différentes époques, Tableau de 165
synthèse
Tableau 4-02 : La place de Sidi El Djliss à différentes époques, Tableau de 280
synthèse
Tableau 5-01 : Souks présents dans la ville de Constantine à différentes époques 190
Tableau 5-02 : Fondouks présents dans la ville de Constantine à travers les 199
différents documents
Tableau 5-03 : La place Rahbet Essouf à différentes époques, tableau de synthèse 210
Tableau 5-04 : La place du caravansérail à différentes époques, tableau de 218
synthèse
Tableau 6-01 : Quelques cafés Maures de la vieille ville de Constantine 229
Tableau 6-02 : Quelques actes de transactions 233
Tableau 6-03 : Tableau de comparaison, présence des Tarbiâa à travers le temps 239
selon différentes sources
Tableau 8-01 : L’habitat illicite dans la zone d’étude 306
Tableau 9-01 : Classification des pratiques dans les différents cas d’étude en 341
fonction de leur fréquence et leurs usagers

xviii
Résumé :

Chaque entité spatiale a sa propre façon de présenter ses référents spatiaux et


institutionnels. Chaque lieu peut être décrit par des représentations spatiales constituées de
pratiques exercées dans des moments de vie collective vécus au quotidien, et selon un
rythme plus ou moins fréquent pendant une longue période. Ces référents peuvent être
classés en : des référents matériels ou physiques, des référents historiques, des référents
psychoculturels et des référents psychosociaux.

Cette recherche se propose d’analyser les représentations socio spatiales ainsi que les
pratiques des individus dans l’espace public dans trois sites bien distincts, afin de tirer des
référents identitaires propres à chaque espace. La problématique interroge le lien entre la
pratique de l’individu, l’espace comme un lieu d’exercice de cette pratique, les
représentations spatiales des usagers et l’image mentale que dessine l’espace chez ces
derniers. Les résultats obtenus confirment l’importance de la prise en compte des pratiques
et des représentations des individus, lors de la création des espaces publics ou de la mise en
valeur d’un lieu de mémoire.

Mots clés : espace public, référent, lieu de mémoire, identité urbaine

Summary:
Each spatial entity has its own way of presenting its spatial and institutional referents.
Each place can be described by spatial representations consisting of practices exercised in
moments of collective life lived daily, according to a rhythm and for a long time. These
referents can be classified into: material or physical referents, historical referents,
psychocultural referents and psychosocial referents.

This research proposes to analyze the socio-spatial representations as well as the


practices of the individuals in the public space in three very distinct sites, in order to reveal
identity referents specific to each space. The problematic questions the link between the
practice of the individual, the space as a place of exercise of this practice, the spatial
representations of the users and the mental image that the space draws among them. The
results obtained confirm the importance of taking into account the practices and
representations of individuals, when creating public spaces or enhancing a place of
memory.

Key words: public space, referent, memory’s place, urban identity.

xix
‫ملخص ‪:‬‬
‫لكل مكان طريقته الخاصة في تقديم مراجعه المكانية والمؤسسية ‪.‬يمكن وصف كل مكان من خالل‬
‫التمثيالت المكانية التي تتكون من ممارسات األفراد في لحظات حياة جماعية تعاش يوميا ً ‪ ،‬وبتواتر‬
‫ثابت لفترة طويلة ‪ .‬يمكن تصنيف هذه المراجع إلى ‪ :‬مراجع مادية أو فيزيائية ‪ ،‬مراجع تاريخية ‪،‬‬
‫مراجع نفسية ثقافية ومراجع نفسية اجتماعية‪.‬‬
‫يقترح هذا البحث تحليل التمثيل االجتماعي المكاني وكذلك ممارسات األفراد في الفضاء العام في‬
‫ثالثة مواقع مختلفة ‪ ،‬و ذلك الستخراج مراجع الهوية الخاصة بكل موقع ‪ .‬تتمحور اإلشكالية حول‬
‫العالقة بين ممارسات الفرد والفضاء ‪ ،‬والتمثيالت المكانية للمستخدمين والصورة الذهنية التي يرسمها‬
‫الفضاء ‪ .‬تؤكد النتائج التي تم الحصول عليها أهمية مراعاة ممارسات األفراد وتمثيالتهم عند إنشاء‬
‫األماكن العامة أو تعزيز أماكن الذاكرة‪.‬‬
‫الكلمات المفتاحية ‪ :‬الفضاء العام ‪ ،‬المرجع ‪ ،‬مكان الذاكرة ‪ ،‬الهوية الحضارية‪.‬‬

‫‪xx‬‬
I. Introduction générale :
Selon I. Lowry(1964), la ville est un système complexe où le tout influence le tout ;
c’est la confusion de toute logique : sociale, économique, financière, foncière,
réglementaire, technique, etc. Par conséquent, la survie de cette ville est conditionnée par
l’interrelation entre ces logiques. Dès l’apparition des villes depuis des milliers d’années et
leur multiplication à travers le monde, elles ont subi de grandes transformations
conditionnées par ces logiques. Ces transformations ou modifications sont causées par la
nécessité de s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux modes de vie.
Avant qu’elle ne soit un système complexe, la ville est l’interrelation de deux espaces :
l’un physique (ou ville visible) et l’autre social (ou ville invisible). Par rapport aux
logiques, la ville est en conséquence l’interaction d’une logique spatiale et d’une autre,
sociale. Cette ville, comme la décrivent certains chercheurs, est « à la fois corps social,
entité fonctionnelle et construction architecturale » (D. Badariotti, 2005, p. 01 -09). Plus
précisément, c’est un organisme qui peut se présenter par sa part physique l’urbs ou par sa
part sociétale polis. Comme nous l’avons mentionné bien avant, la survie de la ville est
conditionnée par des transformations qui lui permettent de mieux s’adapter aux nouvelles
conditions de vie. De ce fait, cette ville qui a connu des transformations dans son cadre
physique a subi automatiquement des changements de fond sur le plan sociétal. Ces
changements inclus non seulement les données architecturales, mais également
l’organisation et les pratiques urbaines originelles qui se sont profondément transformées
durant l’exercice d’adaptation.
La distinction entre ces logiques est plus ou moins difficile, en raison de leur
imbrication complète. Mais suivant les exercices d’adaptation à travers le monde, les
logiques économiques1 jouent le rôle le plus important dans la rédaction des lignes
directrices à suivre dans la configuration de l’espace et le façonnage du corps social de
chaque ville.
La discussion autour des logiques renvoie aux résultats, donc aux différents
mouvements : à la libéralisation comme un raisonnement qui dessine les prémices du
développement à son époque ; à l’industrialisation comme un moyen de développement et
à la colonisation comme un outil, dont le but est la recherche de la matière première et des
champs de développement. La libéralisation et l’industrialisation ont été à l’origine de la
remise en cause de la ville traditionnelle (préindustrielle) et l’apparition d’autres formes

1« L’économie structure en profondeur toutes les sociétés, à toutes les échelles del’espace » DI MEO Guy
(2005).
propres à chaque mouvement, et ensemble, elles ont donné naissance à la ville libérale2. La
colonisation a apporté et imposé de nouvelles formes et logiques spatiales dans les villes
colonisées, dont la finalité était soit la superposition de la nouvelle forme sur la ville
traditionnelle(ce qui s’est passé pour les villes algériennes) ; soitla juxtaposition de la ville
coloniale à la ville traditionnelle (en Tunisie), ou la création d’une ville séparée de la ville
autochtone (au Maroc).Dans sa composition d’ensemble, son système urbanistique, ses
acteurs3 et son empreinte artistique, la nouvelle forme colonialea pris de nouvelles
dimensions socio-spatiales bien distinctes de la ville traditionnelle. Avec le temps, la
distinction entre ces deux formes s’accroît pour être de plus en plus claire, et l’influence de
part et d’autre prend de l’importance.
Ce phénomène-là peut regrouper la majorité des villes à travers le monde (Claude
Chaline,1990, p. 39). Pour le cas des villes traditionnelles du monde arabe (dont notre cas
d’étude fait partie), ce phénomène est apparu pendant la colonisation et s’est accentué
avec. Cela n’élimine pas sa présence antérieurement à la colonisation sous forme
d’influence culturelle de la part des villes européennes (en considération du contact et des
échanges avec les villes de l’outre-mer). Ainsi, les mutations économiques et sociales ont
non seulement accéléré le développement urbain, mais elles ont façonné l’image de la ville
arabo-musulmane. Elles ont engendré des transformations rapides des images, des
caractéristiques et même de la vie sociale dans la société traditionnelle.
Cette ville arabe, connue historiquement comme un noyau de la création de la
civilisation urbaine, a été l’objet de différentes lectures et analyses, allant parfois jusqu’à
l’opposition des résultats. Prenons à titre d’exemple les modes de production, l’usage de
l’espace, les pratiques artistiques, les pratiques urbaines ou les traditions qui font des
différences entre une ville et une autre. Lesquelles sont augmentées par les aspects
historiques et géographiques. Pendant la conquête du VIIe siècle, l’aire de l’islam est
passée de l’Inde à l’Est à l’Espagne et au Maroc à l’extrême Ouest. Sur cette grande
étendue, il existait bien avant, des empires : Grec, Romain, Byzantin, Sassanide, dont
chacun avait ses propres principes urbanistiques. Le rôle des conquérants musulmans à
cette époque était réduit à la reprise de l’existant, tout en assurant son adaptation au
nouveau mode de vie. Cela, à travers la mise en place d’un ordre social propre basé sur les

2 La ville libérale correspond à l’ère de la révolution industrielle. Cette ville est caractérisée par sa croissance
rapide influencée par la révolution technologique, par la présence d’une couche sociale dominante regroupant
des Bourgeois… etc.
3Les acteurs de la ville libérale pendant la révolution industrielle sont : les propriétaires, les banquiers, les
lotisseurs, les Industriels...etc.
2
principes de la religion islamique. De ce fait, bien que chaque ville possédât ses propres
spécificités, les similitudes entre les villes existent ainsi que les différences. De ce fait, la
généralisation d’un type de ville arabo-musulmane est impossible, notamment avec
l’inexistence d’une uniformité des paysages urbains et des styles.
Malgré la diversité des configurations spatiales et la difficulté de signaler la présence
d’un modèle type, l’influence des pratiques a pu faire apparaître des similitudes. Ces
ressemblances sont apparues au moyen des croyances ethniques qui ont unifié la
conception du cadre bâti en fonction du mode de vie issu de l’ordre social et nourri par
l’islam. Corollairement, les échanges et les déplacements entre ces villes (pour des raisons
économiques, religieuses ou autres) ont participé à la diffusion d’une culture propre
régissant les principes d’édification de la ville arabo-musulmane.
Par l’analyse des descriptions de certains écrivains, chercheurs ou visiteurs, cette ville
se présente comme une entité urbaine sans plan, sans ordre ni art. Elle apparaît comme un
labyrinthe plein de désordre, désorienté et illisible pour les étrangers (difficultés de trouver
des points de repère).
« … la ville musulmane souffre d’un manque atroce d’unité, c’est un agrégat
d’éléments qui n’ont rien à voir ensemble […] disposés, les uns à côté des autres,
sans aucun lien réel… » (Xavier de Planhol, 1957)
« … une sorte de labyrinthe embrouillée […] des ruelles qui se transforment
souvent en impasses auxquelles aboutissent à travers des voûtes plus
sombres… » (K.Wiche et J. Hundert, s.d, p.227)
Mais, pour d’autres chercheurs tels que Le Corbusier, l’urbanisme islamique est
apprécié par son excellence. Ce point de vue est apparu plus clairement lors de son étude
de la médina d’Alger, où il a mis l’accent sur son harmonie avec le site. En effet, celle-ci a
été recherchée à travers le principe d’étagement des maisons en fonction de la pente du
site, tout en assurant une belle vue sur la mer. Mais cet avantage mentionné par Le
Corbusiera été lu d’un point de vue de l’islam comme un inconvénient ; car « … voir par-
dessus la terrasse d’une maison voisine implique qu’il était possible d’apercevoir ce qui se
passait sur cette terrasse… » (A. Lezine, 1966, p. 28). Mais ce problème ne se poser même
pas, car lors de la construction, la hauteur des acrotères des terrasses dépasse la taille d’un
homme.
En se basant sur ces lectures, une première idée s’impose : la religion ne s’exerce pas
directement sur la production de l’espace, mais indirectement en fonction des modes de
vie. Cette affirmation explique l’existence des similarités dans l’organisation de l’espace,

3
avec des mises en lumière du sacré dans le paysage urbain. Malgré cette particularité de la
ville arabo-musulmane (équilibre entre les valeurs sociales et la production spatiale), sous
l’influence des forces contemporaines « la ville arabe disparaît en tant qu’entité » (R.
Tabet, 1979, p. 317-328). De plus, le système de référence, dont nous avons mentionné la
fonctionnalité, est considéré à l’ère contemporaine comme une « valeur du passé » (Saîd
Mouline, 1981, p.25) délaissée et à la fois influencée par des facteurs exogènes et des
valeurs modernes, dont les résultats sont irréversibles 4.
Pour les villes qui ont été des scènes d’affrontement entre civilisations (comme notre
cas d’étude), la discontinuité causée par l’imposition, de nouvelles cultures en
contradiction totale avec ce qui existe peut introduire des modifications. Bien que cela
diffère d’un pays à un autre, ces modifications allaient parfois jusqu’à la disparition des
soubassements socio-spatiaux. C’est le cas de quelques villes du monde arabe où le
principe de peuplement imposé par la colonisation n’a pas apporté seulement une nouvelle
population étrangère, mais également une ville neuve (regroupant une structure
administrative et économique importante) dans laquelle s’exerce un nouveau mode de vie.
À ce moment-là, il y eut un contact direct entre une population autochtone
s’appauvrissant et une autre européenne s’enrichissant, caractérisé par des différences dans
les modes de vie, dans les pratiques et dans la structure sociale de chaque population, et
dontl’impact se distingue d’un cas à un autre5. Mais en général, il peut se résumer dans les
bouleversements et les changements socio-spatiaux qui ont marqué la physionomie de la
ville traditionnelle arabo musulmane à cette époque6.
Les effets de la logique imposée par la colonisation et les divers bouleversements ont eu
un rôle important dans le dessin de l’image et de la forme de la ville, encore après
l’indépendance et jusqu’à nos jours, du fait que toutes ses extensions prennent leur principe
de la ville coloniale.

4En référence au Corbusier, chaque modification de la conception de l’espace devait impliquer une
substitution profonde de toutes les formes urbaines issues du passé.
5Cette distinction allant de la superposition d’un nouveau tissu sur le traditionnel existant, à la juxtaposition
des deux ou la création d’une ville européenne loin de la ville traditionnelle.
6Parmi les changements socio-spatiaux qui ont marqué la physionomie de la ville traditionnelle arabo-
musulmane, nous pouvons citer : l’alignement des ruelles, la réalisation de nouveaux axes et l’introduction de
nouveaux modes de transport. L’introduction de nouvelles composantes due à la modification de l’image de
la ville. Par le contact direct avec des étrangers, la population autochtone a été influencée par leur mode de
vie. Car de leur point de vue, le mieux vivre est d’être dans un quartier européen ou d’importer quelques
éléments de cette culture à leur espace habité. Pendant la colonisation, il y eut un exode de la population
rurale, qui avait sa propre culture et ses propres pratiques, vers la ville traditionnelle (lieu favorable
d’installation donnant plus de chances de trouver un logement et du travail, et être à la fois proche des
équipements éducatifs et sanitaires). Cette population, par sa culture, a sa part d’influence sur le cadre bâti et
les pratiques urbaines dans cette ville traditionnelle.
4
Les bouleversements qui ont marqué cette ville traditionnelle arabo-musulmane dès sa
création ont été accentués pendant et après la colonisation. Si nous nous référons à certains
chercheurs qui définissent l’urbanisation comme un « processus de changement social,
transformateur de mœurs, des attitudes, des croyances, des comportements » (Garneret,
1998), ces bouleversements ont provoqué effectivement de profonds changements dans la
ville traditionnelle, mais également ils ont participé à son évolution.
I.1. État de la recherche :
Pendant le 2e Séminaire international sur la gestion des villes, certains chercheurs ont
entamé leurs travaux autour de la question des villes arabes, de l’évolution et des
modifications apportées pendant le XIXe et le XXe siècle à leurs tissus, et de leur identité
qui risquera de dépérir avec le temps. Ceux qui ont analysé l’évolution des villes arabes et
leur adaptation aux nouveaux modes de vie ont montré que les changements de
comportements, des us et des mœurs sont obligatoires pour assurer l’évolution et le
développement d’un lieu, et que cette ville traditionnelle n’a que l’adaptation aux
nouveaux modes pour assurer sa pérennité.
À ce niveau, une question se pose : devant ces bouleversements ou cette adaptation,
cette ville peut-elle résister ? Peut-elle garder son originalité ? Peut-elle dépasser son rôle
comme lieu de mémoire, d’histoire et d’identité7, pour être un jour un espace
d’inspiration ?
Une partie du courant postmoderne 8 et certains courants culturalistes contemporains ont
pu apporter des réponses à cette question pour quelques villes à travers le monde (Th.
Stoll, 2010, p. 24), ils ont distingué l’intérêt, d’une part, de la citoyenneté (qui fait
référence à l’histoire : adhésion, territoire, espace public, etc.) et, d’autre part, de l’identité
et sa liaison directe avec la mémoire (qui fait référence à la filiation, l’héritage, le lien
affectif et symbolique). De même, qu’un retour au passé (Pierre Nora, 2007, p. 41-43), à
l’identité des lieux, à la rue dans ses dimensions les plus modestes, à la forme et la taille
des parcelles, même petites, pour faire revivre la mémoire, est plus qu’une nécessité.

7D’un point de vue de l’anthropologie et selon Samir Akache (1998), la relation entre l’identité et la culture
peut se traduire par : les pratiques d’un individu dans sa vie sociale dans un groupement et un espace
géographique précis. Mais pour Rifât El Djabiri (1998), l’identité se représente comme un bateau en pleine
harmonie, plein de souvenirs, de rêveries, de regards, de symboles, de locutions et d’innovations sauvegardés
par un groupement d’individus durant tous les changements internes de leur ville. Autrement dit, pour le
docteur Badie Abed (2000), l’identité a des spécificités culturelles, sociales et disciplinaires homogènes et
harmonieuses qui marquent et délimitent l’identité urbaine.
8À la fin du XIXe siècle, le courant des Arts and Crafts diffuse un modèle idéalisé de la ville médiévale, de la
maison anglaise traditionnelle et participe à la montée d'un courant anticlassique, anti-industriel et asti-
urbain. Dans ses analyses des places et des rues, C. Sitte a montré la logique urbanistique et esthétique de
ces villes traditionnelles.
5
Comme le décrit Rémy Allain (2004) : « … c'est le retour aux architectures passées, à la
petite ville, censées incarner la qualité de vie, l'enracinement et l'esprit communautaire ».
Même si ce retour ne se réfère pas au cadre physique, mais plutôt au cadre social comme
l’indique Maurice Halbwachs (2000), « le passé ne se conserve pas, on le reconstruit à
partir du présent ».
Cette idée du retour vers le passé ou à la ville traditionnelle date déjà de quelques
années. Bien qu’elle ne représente, pour certains chercheurs, que des rêves nostalgiques,
pour d’autres elle représente un exemple par excellence de conception ou de gestion. Cela
a été bien mis en évidence lors du congrès de la liberté culturelle, qui s’est tenu au Caire en
décembre 1961, et qui a pu regrouper des planificateurs, économistes, architectes,
sociologues de différents pays à travers le monde9. Les éléments les plus importants à tirer
de ce congrès sont liés aux spécificités de la ville traditionnelle :
 L’un des composants de la ville traditionnelle et l’élément phare dans sa
conception est le Souk. Il dessine un exemple par excellence pour la conception
des grands centres commerciaux.
 Devant les besoins de l’ère contemporaine, la conception de la ville arabe doit
prendre en considération ses spécificités afin de conserver sa distinction.
Deux ans plus tard, précisément le 15 août 1963, dans le journal « Les pyramides » du
Caire, le docteur Abd El Baki Ibrahim a publié un article portant le titre : « Un essai de
recherche de la philosophie cachée derrière la ville arabe contemporaine ». Son contenu
porte sur les difficultés de la représentation des traditions et du patrimoine culturel dans la
ville contemporaine. En effet, celle-ci connaît une évolution rapide et prend ses aspects de
l’Occident, alors qu’en même temps d’autres chercheurs occidentaux prennent des leçons
des villes traditionnelles arabo-musulmanes. À la fin de cet article, le chercheur mentionne
que le but n’est pas de faire des copies de ces villes traditionnelles, mais une revitalisation
de leur esprit philosophique, à travers la compréhension, puis l’application des principes de
conception, de gestion et de planification et leur mise à niveau avec le présent et le futur.
En décembre 1964, suivant les lignes directrices du congrès de la liberté culturelle et
dans le but de mentionner les principes de la ville traditionnelle, la huitième session du
congrès des architectes arabes a eu lieu à Baghdâd. Cette session a signalé l’obligation de
réaliser une école où la pensée serait fondée sur les bases et les principes de
l’environnement et de la tradition arabe. Au même titre, d’autres études et colloques ont été

9À l’exemple de l’italien Rodgers, Erneste de la Hollande, le brésilien Kosta, Maxwell Fraile de l’Angleterre,
de la Grèce Doxiads… etc.
6
élaborés dans le but de rechercher l’identité culturelle des villes traditionnelles, parmi
lesquels nous pouvons citer :
 Parmi les idées développées dans le colloque transméditerranéen organisé en
novembre 1989 par l’école d’architecture de Grenoble, celles liées à l’identité.
Durant ce colloque intitulé « Patrimoine, tradition et modernité : architecture et
urbanisme au Maghreb », l’identité de la ville traditionnelle a été lue d’un point
de vue opérationnel, ayant pour but la sauvegarde de la ville traditionnelle. Mais,
cette sauvegarde a été prise en considération bien avant cette date. Une première
fois lors de la création de l’Association de Sauvegarde de la Medina « ASM » à
Tunis en 1967, et une seconde fois en 1969, toujours à Tunis, sous l’organisation
de l’ICOMOS10 et de l’UNESCO11. Il en est ressorti que le tissu médinal -
comme sujet du colloque et une partie du patrimoine à protéger - peut perdre sa
signification culturelle et fonctionnelle, à cause de sa dénaturation.
Parallèlement, l’idée de passer d’une muséification des noyaux traditionnels à
leur intégration dans une logique globale de maîtrise des espaces publics a été
proposée par le chercheur Nadir BOUMAZA. Selon lui, cette maîtrise vise plus
la recherche d’une réponse aux besoins et aux aspirations et une prise en
considération des pratiques locales. Donc, une prise en compte de la vie sociale.
 En 1991 dans une publication de Publisud intitulée « Maghreb, architecture et
urbanisme : patrimoine, tradition et modernité », Karim MECHTA a questionné
les modes d’intégration des héritages dans les conceptions modernes. Le débat
s’est articulé autour de la question de l’identité et de sa part dans certains
conflits (sociaux, culturels et politiques) dans les sociétés maghrébines.
 En 1997, Joël BONNEMAISON a publié un article, « Les lieux de l'identité :
Vision du passé et identité culturelle dans les îles du Sud et du centre de
Vanuatu (Mélanésie) », dans lequel il a essayé de trouver la relation entre
l’identité culturelle, la forme territoriale et la continuité spatiale (dessinée par les
voies de communication ou autres). En effet, l’interrelation garantit la
réconciliation entre le traditionnel et le contemporain.
Le retour vers la ville traditionnelle a dépassé largement le stade de l’étude théorique et
voit de réelles applications dans différents pays à travers le monde. Basé sur le renouveau
de l’architecture traditionnelle et de la planification urbaine, ce retour s’est développé pour

10ICOMOS : International Council Of Monuments And Sites


11UNESCO : Organisation des Nations unies pour L’éducation, La Science et La Culture
7
marquer plusieurs villes telles que : Portland en Oregon, Paternoster Square à Londres,
Bruxelles en Belgique et Seaside en Floride (R. Adam, 1995). Dans le monde arabe, ce
retour n’a pas pu dépasser la réappropriation des techniques constructives traditionnelles, à
l’exception de quelques villes telles que Ksar Tafilelt au sud de Béni-Isguen. Cette
nouvelle ville créée dans la vallée de M’Zab avait pour principe la mise en valeur du
patrimoine matériel et immatériel des Ksour du M’Zab. Cela, à travers la réinterprétation
du savoir-faire, des éléments symboliques et des principes architectoniques et
urbanistiques de la ville mozabite traditionnelle et la contribution des institutions sociales
traditionnelles. Bien que cela diffère d’une ville à une autre en fonction du contexte, en
général ce retour s’est limité dans les villes du monde arabe, à la reproduction de quelques
éléments spécifiques de l’architecture vernaculaire tels que : les coupoles, les
moucharabiehs, les minarets… etc.
La réappropriation de quelques éléments de la vie traditionnelle à l’ère contemporaine
est d’une part la solution la plus adéquate pour répondre à des besoins inédits sentimentaux
et physiques ; d’autre part, elle conserve et assure l’équilibre entre eux. Un équilibre qui a
totalement disparu pendant et après l’ère industrielle12comme le décrit André Domagnac,
et qui« … a provoqué une véritable révolution dans l’organisation de l’espace et les
traditions urbaines qui se perpétuent depuis l’antiquité ». Ainsi, le retour vers le passé ne
se résume pas dans la recherche de l’équilibre dans le modèle contemporain ou de la
beauté, mais de la dimension humaine ; ou encore de l’amélioration de la vie urbaine selon
une application des principes de la ville traditionnelle.

12Pendant l’ère de l’industrialisation, la logique appliquée du développement économique et du passage de


l’artisanat à l’industrie a orienté la plupart des villes à une seule vision qui est la recherche de l’espace. Cette
logique a dessiné par la suite un véritable puzzle comme l’a décrit André Domagnac. Un puzzle dont les
pièces sont juxtaposées sans ordre. Mais cette ère n’a pas pu seulement changer l’organisation de l’espace,
mais les traditions aussi, car elle « a provoqué une véritable révolution dans l’organisation de l’espace et les
traditions urbaines qui se perpétuent depuis l’antiquité ».
8
II. Problématique :
Ville millénaire qui date du troisième siècle av. J.-C, Kirta, Cirta ou Constantine,
pendant son évolution, a eu l’occasion d’être un lieu de changement, de transformation, de
destruction et aussi de reconstruction. Ces opérations ont participé à l’édification de sa
physionomie et de son paysage urbain actuel.
Le choix du rocher comme le lieu de la création d’une ville défensive, loin des ennemis,
près de l’eau (Oued Rhumel) et des terres agricoles, était un excellent choix pour
l’installation de Kirta la capitale des Numides. Par son poids administratif et
démographique et son importance économique, cette capitale avait une place non
négligeable dans un grand réseau de villes. Le regroupement des activités administratives
et tertiaires en plus du développement d’une économie basée sur l’artisanat et les activités
manufacturières (Bijoux, tissage, poterie, armes… etc.) a marqué l’organisation spatiale de
cette capitale numide, qui bénéficie d’un arrière-pays très riche.
L’extension de Cirta en dehors des limites du rocher fait partie des empreintes les plus
marquantes de l’occupation romaine. Elle est due à la réalisation de quelques équipements
tels que le grand amphithéâtre, le théâtre et de nombreuses citernes et un quartier de villas
du côté Est.
Malgré la destruction de Constantine par les Vandales et sa reconstruction par les
Arabes, nous constatons le respect de la fonction de chaque espace ou du principe
d’organisation spatiale de la ville romaine. Cela peut apparaître à travers la lecture de son
plan (espace résidentiel, lieu de décision… etc.)
Durant la présence turque et pendant plus de trois siècles (de 1528 à 1837), Constantine
a pris sa place comme capitale du beylek Est, à la tête duquel sont passés quarante-cinq
(45)13 Beys. En fonction de leurs périodes de gouvernance, rôles et réalisations, les
distinctions entre ces beys ont été remarquables et d’une grande importance. Quelques-uns
sont connus pour leur rôle dans la construction ou l’aménagement. D’autres pour
l’embellissement ou l’organisation de la structure administrative du beylek, dans le but
d’assurer un meilleur cadre de vie aux habitants et une meilleure gestion du territoire 14.

13Entre autres, nous pouvons citer : Hassen Bey (1754-1756), Bey Ahmed El Kolli (1756-1771), Saleh Bey
(1771-1792), Hadj Ahmed Bey (1826-1837)… etc.
14À l’époque de Saleh Bey (1771-1792), Constantine était un centre de rayonnement scientifique. Cette
situation n’était que le résultat d’une meilleure maîtrise et organisation des relations sociales entre les
habitants de la ville de Constantine et les autres populations. En plus de cette bonne maîtrise, il y a eu la
réalisation de grands projets d’aménagement et de construction des équipements administratifs et publics
(mosquées, medersas). Malgré ces projets, Saleh Bey n’a pas apporté des modifications à l’organisation
spatiale de la ville ; par contre Hadj Ahmed Bey (1826-1837) a été au cours des évènements et a essayé de se
9
Jusqu’à cette époque, cette médina avait sa propre structure administrative et
économique, et sa propre organisation spatiale et structure sociale 15. À travers cette prise
en considération des valeurs sociétales et de l’échelle humaine lors de la conception des
espaces publics, l’organisation de la ville traditionnelle peut se juger comme une
adaptation parfaite aux pratiques urbaines et à la structure sociale de la population
qui l’habite.
Malgré la longue résistance de l’armée du Bey Ahmed et des habitants de la médina,
l’armée française put occuper la ville dès le 13 octobre 1837. À partir de cette date, une
nouvelle période de bouleversements socio-spatiaux a marqué la ville. Du fait que la
colonisation française était basée sur le principe de peuplement, les premières décisions
qu’elle a prises comme suite à l’installation militaire furent l’édification de nouvelles zones
d’habitat indépendantes de la médina (soit par leur localisation soit en termes
d’équipements). Mais le mouvement migratoire des colons à cette époque a dépassé
largement les capacités de réalisation de logements. Dans l'intention de résoudre ce
problème, la seule solution était l’occupation d’une partie de la médina, plus précisément
sa partie haute. Mais les problèmes socio-spatiaux d’intégration et d’adaptation des colons
se posaient toujours.
La division autorisée par l’ordonnance du 9 Juin 1844 du maréchal Vallée a apporté de
grands et importants changements dans le cadre bâti de la ville traditionnelle (Benidir
Fatiha, 2007), de même dans sa structure sociale. La superposition d’une structure
européenne sur une partie de la médina - du point de vue des colons - était la meilleure
solution pour résoudre les problèmes d’intégration de la nouvelle population étrangère, et
pour mieux pratiquer leur mode de vie. Cette superposition a été basée sur des opérations
de destruction des maisons traditionnelles, pour la réédification d’autres immeubles
constituant une nouvelle façade urbaine. Ces immeubles étaient alignés de part et d’autre
des voies de communication, suivant une trame viaire adaptée à ce nouveau modèle.

baser sur la fortification de la ville. Cette fortification s’appuyait en premier lieu sur la réalisation d’un
nouveau centre de la ville, loin des portes et près de la casbah. (Benidir Fatiha, 2007)
15Dans le but d’éviter le contact direct entre les femmes et les étrangers, l’espace résidentiel dans la médina
a été conçu de manière à ce que les maisons ne donnent pas sur des lieux d’échange commercial (les parcours
soukiers) et les rues principales. Ces espaces résidentiels s’organisent sous forme de Derb ou de Haouma qui
porte le nom de la plus riche famille ou la plus ancienne. Mais dans certains cas, ce nom est inspiré du site ou
du saint de la zaouïa si elle existe, bien que le derb soit un regroupement de maisons appartenant à une
grande famille qui a sa porte principale qui se ferme chaque nuit, et ses propres équipements nécessaires tels
que : hammam, zaouïa, cimetière… etc. La Haouma est un ensemble de maisons qui s’installent le long d’une
rue, Zenqa ou Sabat. Elle est composée d’un ensemble de Zenqa, et elle regroupe les équipements de base
(équipements de cultes : mosquée ou masdjid, zaouïa, fontaine, four, barbier, hammam… etc.).
10
Dans le but d’avoir une totale autonomie de la ville traditionnelle et aussi d’avoir leurs
équipements propres, les colons ont construit un quartier administratif au Coudiat. Pour
pratiquer leur religion, ils ont transformé la mosquée de souk El Ghzel en une cathédrale.
Pour des raisons de sécurité et de contrôle, et dans le but d’assurer une meilleure gestion
des flux migratoires et des déplacements des habitants, ils ont transformé quelques maisons
(au niveau des portes de la médina et à l’intérieur du tissu) en des bâtiments militaires.
Mais pour loger le reste des colons, il a fallu aller au-delà des limites du rocher et
construire de nouveaux quartiers résidentiels dans les faubourgs (Saint Jean, El Kantara,
Sidi Mabrouk, Bellevue, etc.). Pour assurer la continuité spatiale entre les différentes
parties de la ville coloniale, les autorités ont pris la décision de réaliser deux ponts (Sidi
M’cid et Sidi Rached le 20 avril 1912) et la passerelle Mellah Slimane. À partir de cette
époque, Constantine a acquis une nouvelle image16 symbolique et un nouveau nom« La
ville des ponts ».
Depuis la colonisation, Constantine est entrée dans une nouvelle phase de
transformation marquée par l’accroissement démographique naturel, par l’exode rural à la
recherche d’un meilleur cadre de vie, par des dynamiques d’extensions et par une
redistribution des populations dans l’espace urbain qui a engendré des transformations
dans les structures spatiales pour répondre à un mode de vie propre à chaque groupe de
population (les traditions, les us, les mœurs et les coutumes).
Les extensions qu’a connues Constantine après l’indépendance, à l’image du reste des
villes algériennes, représentent des applications du modèle colonial qui a renié l’identité
locale par son ignorance de l’héritage socioculturel de la population autochtone et pour
satisfaire les colons, contrairement aux tissus informels qui ont pu regrouper à la fois des
éléments de la ville traditionnelle et d’autres du modèle imposé par la colonisation.
Actuellement, le tissu de la ville de Constantine montre une juxtaposition de deux formes,
l’une traditionnelle et l’autre contemporaine qui cherchent toujours leurs référents
identitaires.
Avant la colonisation, la population autochtone de la médina - d’origine citadine - avait
des spécificités, une perception et des référents spatiaux propres et bien distincts de ceux
des habitants du monde rural. Depuis la colonisation de nouveaux quartiers ont été édifiés,
selon des repères ponctuels et à des référents spatiaux proches ou même autres que ceux
liés à la médina et à sa population autochtone. L’un des résultats de la colonisation était la

16Une image qui regroupe : les gorges du Rhumel traversées par les arches du pont Sidi Rached et entourées
par des bâtiments de type colonial.
11
redistribution de la population17de différentes cultures (urbaine, rurale) à différentes
échelles18, ce qui a engendré des changements dans les pratiques spatiales. Chaque nouvel
arrivant apportait ses propres normes et valeurs (de vie ou d’aménagement de son espace
habité), et pour s’intégrer, il essayait de s’approprier l’espace et de le façonner selon ses
besoins.
L’espace urbain est le lieu de fondement des liens et des valeurs. Il est marqué par des
référents ponctuels et autres spatiaux représentés sous forme de pratiques spatiales. Suite
aux divers événements, certaines valeurs et pratiques ont été remises en cause, d’autres ont
pu résister avec une simple réadaptation aux nouveaux modes de vie, mais la plus grande
partie représente de nouvelles pratiques qui apparaissent avec la fusion des modèles.
Ce qui s’est passé pendant les siècles de succession de civilisations différentes dans
cette ville a enrichi son histoire. Une lecture de cette dernière offre d’importants
renseignements sur ce qu’elle a conservé de ces différentes périodes (en termes de
morphologie urbaine, vie sociale, repères ponctuels et référents spatiaux). Les questions
qui se posent à ce niveau s’articulent autour des référents identitaires de cette ville : a-t-elle
pu garder son identité19 devant les bouleversements qui ont marqué son évolution ?
Sommes-nous devant une situation de fusion des modèles, où de nouveaux référents
peuvent apparaître pour dessiner l’identité de cette ville contemporaine ? Ou bien,
pouvons-nous parler de référents spatiaux propres à chaque entité, où chaque groupe de
population pratique ses propres valeurs et symbolise son espace selon ses propres
référents ?
Lors de la recherche des référents spatiaux qui dessinent l’identité urbaine d’une ville,
nous nous intéressons à deux éléments : la structure spatiale des entités étudiées et les
pratiques spatiales des individus dans chacune d’elles à différentes époques en relevant les
changements induits. À ce niveau, deux discours peuvent apparaître :

17Les mouvements de population, la dégradation du rapport ville-société surtout par l’introduction des
ZHUN et leur transformation, modelage et réappropriation par leurs usagers ; tous ces événements ont
changé la structure sociale de la médina traditionnelle d’une population autochtone citadine vers une
population amalgamée de diverses origines comme le reste des parties de la ville contemporaine, où chaque
entité a pris le caractère d’un espace de fusion de diverses catégories et couches sociales de population.
18 Des mouvements internes : de la médina vers les quartiers européens. Et des mouvements externes : de la
périphérie à des maisons délaissées de la médina ou vers les nouveaux tissus d’habitat informel ou vers les
grands ensembles.
19À ce titre, certaines recherches tournent autour de la question de l’identité, si cette ville telle quelle est
aujourd’hui peut-elle garder son identité : « Les médinas étaient le cadre de la culture urbaine au Maghreb.
Ce cadre disparu ou dégradé, cette culture pourrait-elle survivre identique à elle-même ? » (A. ADAM,
1974, p. 219).
12
 La transformation de l’espace urbain par l’individu, dans l'intérêt de le réadapter
à ses propres besoins ou de garder son originalité.
 Le recours de l’individu à des référents ou à des repères spatiaux qui
caractérisent son appartenance à une aire urbaine et qui dessinent son identité.
Ce recours peut se présenter dans ses diverses pratiques.
Pour prendre en charge cette problématique de référents identitaires, nous nous sommes
posé le questionnement suivant :
 L’identité de la ville de Constantine peut-elle apparaître à travers les
composants de l’espace, donc à partir des référents et repères spatiaux
marquant l’espace et dessinant sa mémoire et son histoire ? Et comment les
pratiques socio spatiales marquent-elles cette identité ?
À ce questionnement, nous essayerons d’apporter quelques réponses sous forme
d’hypothèses :
 L’espace urbain a été présent pendant toutes les étapes de création, de
transformation et d’évolution de la ville. Par son histoire et ses repères
spatiaux, il met en relief son identité et influe sur l’individu qui l’habite.
 Sachant que chaque ville a ses propres spécificités qui marquent son identité
urbaine, l’appartenance d’un individu à un espace donné pendant une période
donnée lui permet de s’adapter. Cette adaptation lui permet de construire sa
propre identité urbaine et ses propres référents spatiaux sous forme de repères
ponctuels ou pratiques spatiales.

13
III. Intérêt de la recherche :
La ville s’accroît rapidement. Les structures de la société et ses fonctions sont en
mutation permanente. De même, les problèmes de dégradation, de détérioration et
d’extension s’accentuent chaque jour. La recherche de solutions aux différentes exigences
peut se présenter sous forme d’interventions ponctuelles, dictées par les lois, les décrets ou
autres. Mais, lors de l’interprétation de la question de l’identité d’une ville, nous constatons
une grande divergence entre ce qui est prévu dans les études urbanistiques et ce qui peut
exprimer une identité ou avoir son empreinte dans les conceptions.
La protection de l’identité urbaine, culturelle ou civilisationnelle est très ancienne. De
ce fait, pourquoi en parler aujourd’hui ? L’un des besoins naturels de l’individu est
l’appartenance non seulement géographique, mais spirituelle à un lieu. Dans les pays
développés, toute intervention politique signale en premier lieu l’importance de la part
culturelle. Mais, dans les villes du monde arabe, la recherche de l’identité est venue suite à
des fractures de forme et de contenus survenues à différentes périodes historiques.
Les écrits sont aussi un moyen de sauvegarde de la mémoire de la ville, du fait qu’ils
nous donnent des explications qui peuvent exprimer certains aspects à travers l’histoire de
la vie urbaine ou de la ville, mais ils restent plus ou moins incomplets. Cette étude a pour
but la mise en lumière de l’identité et des référents de la ville, la recherche des époques et
des endroits caractérisés par des reprises, même superficielles, de l’esprit des lieux, de la
conception ou de la pratique afin d’aboutir à une matérialisation d’une identité
référentielle, cela à travers la synthèse de ces écrits et l’observation et étude de terrain.
« … nous voulons défendre notre authenticité […] pour mieux assurer notre
avenir, car loin de nous cantonner dans la répétition monotone et stérilisante
d’expression du passé, nous entendons et nous devons faire de nos cultures un
instrument de nos ultimes libérations, et de nouveaux développements […] ce
sera notre suprême victoire… » Boumediene (1969)

14
IV. Méthodologie de travail :
IV.1. Méthode d’approche :
Dans la lecture des espaces publics, nous devons suivre certaines méthodes et approches
qui se distinguent d’une composante à une autre et d’une époque à une autre. Mais, pour
que nous puissions atteindre notre objectif de comparaison et pour tirer des résultats plus
ou moins comparables ; nous n’opterons que pour quelques-unes d’entre elles en
expliquant le pourquoi de leur choix. Suivant nos objectifs cités plus haut, la lecture des
espaces publics passera par trois approches distinctes, mais complémentaires.
La question de l’identité se prolonge dans l’histoire, car elle se constitue avec le temps.
Donc de la recherche historique 20, nous pouvons tirer certains référents et caractéristiques
de l’identité d’une ville. Les lectures progressives dans le temps vont nous aider à suivre
des approches à la fois diachroniques et synthétiques, dont le but est d’extraire la valeur
significative des référents en rapport avec la dynamique des transformations.
Nous interprétons l’histoire de la médina de deux façons. La première est une lecture de
son évolution spatiale et de l’influence de la colonisation française et la modernisation sur
son cadre bâti. La seconde est une lecture de la partie conservée en termes d’usage et de
conception des composantes de l’espace. Dans cette étape, nous faisons recours à diverses
écritures, dans l’objectif de faire ressortir les différentes règles et principes appliqués lors
de sa conception. Parmi les écrivains français qui ont séjourné dans la ville de Constantine
juste avant l’application de la loi Valée et après la réalisation des grandes transformations
(donc entre 1845 et 1894) nous pouvons citer :
 Théophile Gautier en août 1845 : L’intérêt de la lecture de l’histoire de la ville
de Constantine, pour lui, dépasse le récit historique et va vers la prise en compte
de tous les changements socio-culturels venus suite à un contact avec une
culture étrangère.
 Alexandre Dumas en 1846 : Écrivain du « récif le Véloce », qui a pris par la
suite la forme d’un compte rendu historique de la bataille de Constantine le
11octobre 1837.

20Au mépris de sa subjectivité, l’approche historique est utile pour la mise en lumière des conditions et du
contexte de la création de cet espace. Étant donné que, lorsqu’on se base sur le point de vue des néo-
rationalistes, la ville moderne se voit comme une entité sans structure à l’inverse de la ville traditionnelle.
Encore, que cette dernière est une solution des problèmes posés dans la première. Par conséquent, nous
pouvons résumer cela dans le rejet total du support technologique et la réinterprétation du traditionnel pour la
satisfaction du contemporain. Dans cette recherche, le recours à cette approche est conditionné par les
résultats retenus des deux autres approches. En gardant toujours l’objectivité, donc l’usage de la méthode
sans avoir de préjugés sur l’une ou sur l’autre.
15
 Gustave Flaubert en mai 1858 : il a lié la ville de Constantine, par sa grandeur, à
Jugurtha21. Il a fait aussi la description de l’état de la population et de sa fuite
lors de l’entrée de l’armée française en 1837 à travers l’analyse d’un tableau du
peintre Joseph-Désiré Court.
 Guy de Maupassant en juillet 1881, Eugène Fromentin en janvier 1884, et Jean
Lorrain en 1894.
S’ajoutent à ces écrivains André Raymond et Ernest Mercier qui ont pu décrire la
structure urbaine22 de cette ville avant l’application d’une quelconque transformation
imposée par la colonisation. En plus de ces écrivains français, nous faisons appel à des
voyageurs, des chroniqueurs et des archéologues de différentes origines qui ont vécu à
Constantine à une période antérieure à la colonisation.
Afin de justifier les résultats obtenus, nous faisons appel à un manuscrit qui remonte au
XVIe siècle, celui du Registre des Habûs (‫)دفتر األحباس‬. Ce manuscrit est rédigé
majoritairement par Cheikh Mohamed Ibn Abd Allah Ben Naâmoun, à l’exception de
quelques parties dues à Abd Arrahmane Ibn Badis et Ahmed Ben Saïd. C’est un bilan qui
regroupe des actes de Habûs dédié aux pauvres, aux prisonniers, aux pèlerins, aux
mosquées, aux zaouïas, à l’entretien des murs d’enceinte… etc. Dans le but de connaître de
quelle période témoigne ce document, nous avons eu recours aux différentes dates
mentionnées lors de l’émargement des témoins. Par négligence des pages non datées, et en
référence au reste des actes datés, ce manuscrit s’étale sur une longue période allant de juin
1315 à mai 161423.
La fin de cette étape synthétise des éléments clés qui pourraient être des référents
spatiaux dans notre cas d’étude. La deuxième étape comprend une analyse de l’existence
de ces référents dans le reste des entités spatiales. Cette lecture est limitée dans la structure
de l’espace et son usage. Donc, elle se limitera à l’analyse de l’espace public à travers ses
différents composants.

21Le 24 avril 1858, l’écrivain avait envoyé une lettre à louis Bouilhet portant la citation suivante : « la seule
chose importante que j’ai vu jusqu’à présent, c’est Constantine, le pays de Jugurtha »
22Dans leurs écritures, la structure urbaine de la médina de Constantine semble être conforme au reste des
villes arabo-musulmanes à l’époque turque. Elle est apparue comme un tissu spontané suivie dans sa
conception un plan radioconcentrique. Où, la centralité est marquée par la présence d’une grande mosquée
entourée par des commerces et des artisanats. Ce centre fait le lien entre les quatre quartiers résidentiels (la
Casbah au Nord, Tabia à l’Ouest, El Kantara qui englobe toute la partie Est, Bâb El Djabia qui s’étale de Bâb
El Oued au pont), qui sont eux-mêmes divisés en sous-quartiers.
23Mais selon le docteur Dahdouh, ce document n’est qu’une copie d’un autre manuscrit dont la datation va
de 669 de l’hégire à 1075 de l’hégire. Donc, il fait appel à une période limitée entre 1271 et 1647.
16
Par référence à P. Riboulet (1998), la ville n’est ni une forme toute seule ni une
représentation ou un processus social, mais elle est la combinaison des deux. Dans une
définition du mode de composition urbaine donnée par le même auteur, la ville a été
définie comme le résultat d’un processus social mis en place dans le but de produire un
espace habité conforme. Dépendant de l’époque de création, ce processus social assure la
forme et la signification du nouvel espace habité. De ce fait, la première lecture est une
analyse de l’influence des us et des coutumes sur la structure et la fonction de l’espace. La
deuxième lecture est une analyse de l’influence de la structure sur la pratique de l’espace et
le changement des formes ou des fonctions initiales, à travers le temps, les évènements et
les acteurs.
L’analyse dans les deux sens s’intéresse aux différentes entités urbaines comme formes
composées24. Entant que volumes construits25 (cadre bâti : maison, monuments… etc.),
nous nous intéressons aussi à l’espace public qui contient ces volumes, les borde et les
sépare. Le but de cette lecture est, d’un côté, la recherche dans leur cohésion, des rapports
entretenus entre les différents éléments. D’un autre côté, la recherche des éléments
constants qui ont pu garder leur importance depuis la création des différentes entités et qui
ont pu résister face aux événements.
Tant que nous avons assimilé les espaces publics à des boîtes, donc à des volumes
auxquels nous pouvons donner des caractéristiques tridimensionnelles et les analyser
suivant des méthodes géométriques. À ce premier niveau, nous aurons comme paramètres
de lecture :
 Les paramètres normatifs : un outillage de dimensionnement de l’espace, qui nous
offre une multitude de renseignements concernant la lisibilité de l’espace, le
confort, les sentiments qu’ils offrent à l’usager… etc. Les éléments à traiter sont :
 Le rapport hauteur de l’enveloppe / largeur de l’espace 26, et leur impact sur
la perception de l’espace.
 L’indice de fermeture ou d’ouverture : c’est le rapport entre la largeur de la
rue et le périmètre de la place. En nous basant toujours sur des

24« Ensemble qui entretient des relations entre les parties qui le constituent et le tout qu’elle forme » Touati
Née Fillali Leila (2006).
25Mais, nous nous limiterons dans l’analyse du cadre général à travers des lectures, au niveau de la façade
urbaine, sans donner une grande importance à la part intérieure des immeubles. Mais sans négliger leur
importance lors de l’explication du choix de telle ou telle norme lors de la conception de l’une des
composantes de l’espace public.
26 Ce rapport H/La devait être compris entre 1/1 et 1/3 pour assurer qu’il préservera un sentiment.
17
considérations anthropométriques telles que l’angle de vision et son
dimensionnement par rapport au corps humain (rapport d’échelle… etc.).
 Les paramètres descriptifs : sont utiles pour analyser les relations de proximité et de
distance entre les espaces. Ils se basent essentiellement sur des indices tels que la
compacité27 qui, dans notre cas d’étude, est utile seulement pour l’analyse et la
comparaison des places, et qui a pour but la recherche de la lisibilité et de
l’équilibre des formes.
Mais, le problème s’articule autour de l’introduction des espaces résiduaires dans
cette analyse, étant donné que ce facteur concerne une certaine forme spatiale qui
peut donner du sens à la boîte urbaine. Elle peut être aussi le résultat d’une étude
préalable, mais pas le résultat d’une conception du fait qu’il s’intéresse à des
compositions dominantes où le contour a sa part d’importance.
Le problème qui se pose pour notre cas d’étude est la distinction d’un modèle à un
autre, où « l’espace résiduaire » est une partie importante du modèle contemporain. Par
conséquent, ce facteur ne peut pas être englobant. Pour cela, nous devons passer d’une
description des formes vers une analyse de l’espace dans un ensemble de formes. Cette
réflexion nous conduit vers une autre approche basée sur le principe des isovists. Le 1er
auteur à avoir proposé une méthode d’analyse basée sur cette notion est M. L. Bendikt
(1979). Sa méthode nous permet de déterminer une zone et de qualifier sa visibilité et son
exposition, ce qui constitue un moyen pour spécifier les qualités attendues de la forme
construite. Or, nos cas d’étude sont compris dans des systèmes finis et des limites
déterminées au préalable. Pour cela, nous ne stagnerons pas dans cette référence, mais nous
en cherchons une plus claire ou mieux développée. Parmi les reprises les plus récentes de
cette méthode, on trouve Turner (2001) qui s’est basé sur un type d’analyse algébrique
basée sur l’élaboration des graphes d’inter-visibilité (François Sarradin, 2006). Donc, ce
qui a été lu à partir d’un point P chez Bendikt est remplacé par une maille recouvrant tout
l’espace, où l’aire de l’isovist représente l’ensemble des points adjacents
topographiquement.

27Cet indice qui varie de 0 à 1 est égal au rapport du volume de la boîte urbaine sur le volume de la sphère
équivalente (c’est-à-dire la sphère disposant de la même surface enveloppe que la boîte). Analytiquement,
pour un volume quelconque de surface Sb et de volume Vb, ce rapport s’écrit :

Le facteur de compacité Kb nous donne des indicateurs d’équilibre des formes de la boîte urbaine et facilite à
la fois la comparaison.
18
Le choix des isovists a pour but de faciliter des comparaisons. Mais un autre problème
se pose, c’est la distinction entre les configurations, étant donné que la distance qui sépare
les différents objets conditionne l’aire de l’isovist. De plus, les ressemblances en matière
de conception entre les espaces à l’intérieur du même modèle sont rares. Comme résultat,
les caractéristiques de l’ensemble d’un modèle déterminent fortement un isovist propre.
Le but de notre analyse est le suivi des changements socio-spatio-temporels, mais
l’isovist néglige la part sociétale, du fait qu’il s’intéresse à la continuité spatiale, mais pas à
la relation qu’entretient la société avec cet espace. Pour cela, nous avons eu recours à une
autre méthode pour accomplir notre analyse : la syntaxe spatiale, compte tenu qu’elle nous
offre une série d’indicateurs topologiques (mesures d’intégration et autres) qui nous aident
à tirer les différences socio-spatiales entre les espaces.
Les lectures des espaces publics sont multiples, mais peu sont quantifiables. La syntaxe
spatiale est l’une des méthodes qui donnent une vision structurelle et à la fois fonctionnelle
de ces espaces. Elle est bien distincte des analyses traditionnelles, mais complémentaire,
du fait qu’elle permet la mise en lumière de la relation entre la structure et la fonction de
l’espace. Pour aboutir à cette relation, cette méthode, connue depuis les années 80, est
basée sur deux principes. Le premier est la décomposition spatiale, plus précisément
axiale. Le second est la prise de certaines mesures morphologiques (la connectivité d’un
espace, son degré d’intégration locale et globale, son degré de visibilité… etc.).
Les méthodes d’analyses traditionnelles s’intéressent à étudier la forme, la structure et
les fonctions de l’espace à différentes échelles. L’espace public urbain à travers ces
différents angles de lecture fait l’objet d’étude de plusieurs disciplines (l’histoire, la
démographie, l’économie, la sociologie et autres). Toutes ces sciences morcellent la réalité
pour l’analyser, chacune en fonction de sa spécialité. Le seul élément qui n’est pas
introduit dans les diverses disciplines liées à la ville est l’esprit de celle-ci. Ce niveau de
réalité, inaccessible aux analyses classiques, a fait l’objet de la philosophie dans le passé,
sous le concept de l’essence de la ville, pour son interprétation, nous devons passer par
l’usager. Dans ce cas, nous pouvons classer les analyses en deux catégories :
La première est une analyse objective de l’espace public. Elle regroupe l’analyse
historique, morphologique et fonctionnelle. La deuxième est l’analyse sémantique 28 de

28Une tradition américaine connue et développée dans les deux écoles, Charles Moore et Robert Venturi
sous forme d’essais. Robert part d’une approche particulière de l’espace urbain, basée sur l’usage des
disponibilités du passé, suivant des analyses historiques pour faire apparaitre le vrai et le faux et mieux
rependre aux problèmes posés dans la ville moderne. Ces idées ont été bien développées dans son ouvrage
« ambigüité de l’architecture », où il a mis en cause le recours au fonctionnalisme, en même temps, il fit
19
l’espace urbain. Elle est subjective, car elle fait appel à l’usager, à son avis, à ses pratiques
et à son point de vue autour de cet espace. Cette approche sémantique est utile dans la
découverte des signes de la tradition dans les créations nouvelles. Ces signes que nous
mentionnons comme des référents identitaires sont le résultat de l’exploitation des
traditions et des richesses culturelles de la ville traditionnelle, qui a pour finalité de les
présenter sous forme de signes dans la ville moderne. À cette étape, le recours à des
entretiens et des enquêtes sociales est indispensable.
Par méconnaissance des plus importants indicateurs de la structure sociale des habitants
de la ville de Constantine (l’origine et la stabilité moyenne des individus), l’échantillon le
plus représentatif pour cette analyse est assuré par la construction d’un échantillon
aléatoire, dans la mesure où toute personne dans la zone d’étude aura la même probabilité
d’être sélectionnée. Cette enquête sociale a été menée avec 545 familles de la ville de
Constantine. Donc, 156 habitent actuellement le Rocher, et 389 choisies des deux autres
tissus (163 du quartier auto construit et 226 des grands ensembles).
La période consacrée à la distribution des questionnaires était un mois. Pendant cette
enquête, nous avons pu toucher toutes les catégories d’âge, ce qui nous permet une
meilleure analyse des pratiques des individus dans l’espace public. Un seul problème s'est
posé avec des enfants de moins de 6 ans, compte tenu de la difficulté de tirer des réponses
de ces derniers.

Figure 01 : Répartition de la population enquêtée par sexe et par groupes d’âge (enquête sociale,
2014)

apparaitre l’importance de la signification de l’espace et du symbolisme non pas comme un facteur, mais
comme un élément structurant de l’espace urbain en terme de communication.
Charles Moore partage avec lui les mêmes idées, mais il propose des méthodes pratiques, à l’inverse de
Robert, pour la résolution des problèmes posés dans la ville moderne. Il a réduit ses propositions à la
restauration de bout en bout de la typologie architectonique et urbaine de l’espace dont son argumentation
était la part esthétique et symbolique de la ville traditionnelle en assurant toujours la participation de la
population pour avoir un équilibre entre objectivité de concepteurs et aspiration des usagers.
20
L’analyse sémantico-fonctionnelle s’intéresse à la fonction de l’espace et son usage, et
aussi à ce qu’il offre à l’usager comme sentiments et comme possibilités d’établir des
relations avec d’autres individus. L’analyse sémantico-morphologique aura pour but de
donner une explication aux sentiments d’appartenance des individus et au choix des
référents de l’espace vécu, en plus de la mise en lumière de la relation de l’usager avec cet
espace. Le recours à des entretiens, à cette étape, a pour objectif de rechercher sur le terrain
des informations latentes originales qui ne sont pas encore formalisées. Des informations
qualitatives et quantitatives.
En dehors des entretiens et enquêtes sociales, le reste des informations sera récolté
durant cette étude selon les étapes suivantes :
 Le recours à des recherches antérieures à travers la consultation d’un fonds
documentaire pluridisciplinaire. Ce recours a pour but l’analyse de la vieille
ville de Constantine à différentes époques de l’histoire, à travers les écritures de
certains géographes, historiens et voyageurs (tels que : E. Mercier, Luis
Carvajal, Peyssonnel, Ahmed Ben M’Barek El Attar… etc.).
 La collecte du fonds cartographique concernant les différentes entités spatiales,
depuis leur création jusqu’à nos jours.
 L’élaboration des analyses à travers le recours à des observations in situ, selon
un point de vue morphologique et fonctionnel de l’espace. En plus du recours à
des interviews avec des usagers de l’espace étudié.
IV.2. Le choix des entités spatiales :
Notre intérêt dans cette étude est la recherche des référents identitaires, et le suivi de
leur transformation ou persistance à travers le temps. Cela dans les deux formes :
traditionnelle et contemporaine. Alors que la forme traditionnelle est représentée par la
vieille ville ou la médina de Constantine, la forme contemporaine est représentée par les
différentes formes apparues depuis l’époque coloniale jusqu’à ces jours. Pour le cas de la
forme traditionnelle, nous nous référons aux différents travaux élaborés par certains
historiens, archéologues, chroniqueurs et voyageurs qui ont séjourné à Constantine. Nous
avons déjà mentionné que la lecture sera limitée à l’analyse de l’espace public, dont nous
tirerons : les formes spatiales, ses fonctions et l’influence du mode de vie sur son aspect
fonctionnel et social.
Pour la forme contemporaine, nous nous intéresserons à trois types bien distincts, mais
fortement liés à la colonisation et au développement des modes de vie des habitants. Pour
le choix des entités représentatives, nous devons nous intéresser à leur type, à leur époque
21
de création (pendant la colonisation ou après l’indépendance), aux causes de leur création
et à l’origine de leur conception et, en fin, à leurs différentes étapes d’évolution et à la
population qui les occupe.
La première forme imposée par la colonisation est représentée par des quartiers de type
colonial appliquant le principe haussmannien. Le meilleur représentant de cet aspect est la
vieille ville. Pour ce cas, toutes les lectures seront limitées dans le temps entre 1850 à nos
jours, donc dès l’apparition de la commission de nivellement (début des transformations).
L’analyse sera basée sur les interventions et les transformations spatiales, ses influences
sur la vie sociale des individus et sur leurs pratiques socio-spatiales.
 Le développement technologique et la crise de logement ont été les principaux
facteurs qui sont à l’origine de la création des grands ensembles. Malgré sa
conception par et pour une population étrangère, cette forme a pu résister et
s’accroître jusqu’à nos jours. La zone d’étude choisie regroupe six cités formant la
même entité : la cité 20 août 1955, la cité Ben Boulaid, la cité Kadi Boubaker, la
cité Filali, la cité des terrasses (ou cité Ben Zekri) et la cité Fadhila Saâdane. Ces
cités représentent des extensions de la ville de Constantine de son côté sud-ouest.
Ce tissu regroupe des cités de l’époque coloniale, d’autres de l’indépendance et les
plus récentes remontent aux années soixante-dix. L’un des éléments frappants dans
sa conception est la négligence et l’ignorance totale des fonctions socioculturelles,
du seul fait que le but de sa création n’était que la recherche d’une réponse urgente
à une demande considérable en logements pendant une période de crise. Le résultat
en est un tissu rigide et monotone, ce qui en fait : un espace ouvert à toute
intervention possible pour le rendre vivable. Dans ces conditions, toute
intervention - faite soit par les décideurs ou bien par les habitants - sera prise en
considération, afin de tirer les éléments marquant les référents identitaires dans ce
tissu, de l’époque de sa création jusqu’à nos jours.
 La seconde entité est un résultat de la colonisation et de la recherche des meilleures
conditions de vie. C’est un tissu qui a vu le jour comme cité de recasement. Mais,
avec le temps, il a connu la création d’un groupement de logements collectifs avant
d’être envahi par de l’habitat informel en dur et les bidonvilles. Ce tissu regroupe
cinq cités : la cité des Platanes, la cité des Mûriers, la cité Liedbold, la cité des
Peupliers et la cité Benteliss. L’important dans cette zone d’étude est qu’elle
regroupe une population de différentes origines. Non seulement des paysans, mais
aussi des citadins. Cet amalgame de population donne des spécificités à cet espace.
22
De ce fait, notre objectif primitif est la recherche du noyau ou de l’origine de sa
création. Par la suite et en suivant son évolution, nous ferons des comparaisons en
terme de conception de l’espace public et de pratique.
IV.3. Structure de la thèse :
Cette recherche s’organise en neuf chapitres.
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition
Ce chapitre se subdivise en deux volets :
Le questionnement autour de l’identité d’un lieu nous emmène à parler d’une
configuration unique qui correspond à des critères sociaux spatiaux temporels faisant la
distinction entre les espaces. Concrètes ou abstraites, ces configurations peuvent se
présenter sous forme d’éléments de configuration spatiale ou sémiotique. Ou encore, sous
forme de pratiques facilement observables. Ces pratiques se manifestent à tout instant
quotidiennement ou occasionnellement, selon un rythme de répétition et durant une longue
période. Le premier volet de ce chapitre constitue une introduction au sujet de la recherche
à travers des explications plus ou moins philosophiques de la notion d’identité.
Le deuxième volet de ce chapitre s’intéresse à la notion d’espace public. En allant de sa
genèse, usage, types et formes, à la crise identitaire des espaces publics à l’ère
contemporaine. Dans ce second volet, nous consacrons une partie à la mise en lumière des
spécificités de l’espace public dans la ville arabo-musulmane, dans le but de faciliter leur
analyse ultérieurement dans la médina de Constantine.
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo-musulmane
Les éléments les plus importants à analyser au cours de cette étude sont les référents
persistants et les pratiques spatiales, auxquels s’ajoutent les mutations socio-spatiales. De
ce fait, nous passerons d’abord par une réorganisation des événements (colonisation,
reconquête, transformation, extension, etc.) qui ont marqué cette ville depuis sa création
jusqu'à l'avènement de la colonisation française.
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina
Durant l’occupation française, nous donnons plus d’importance à l’analyse des
transformations apportées à la médina pour l’application du principe haussmannien.
L’analyse s’intéresse aux mutations socio-spatiales induites par la colonisation ; dont le but
est l’analyse de l’impact de la transformation de l’espace public sur la pratique de ce
dernier. Avant de terminer ce volet, nous introduirons les chapitres suivants à travers une
présentation des phases d’extension de la ville.

23
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps
Le changement des pratiques et des fonctions de certaines places publiques dans la
médina sont dus à un changement spatial ou à un changement de la perception de ces
dernières. De ce fait, les analyses dans ce chapitre s’étalent dans le temps jusqu’à l’époque
contemporaine ; en questionnant toujours les transformations spatiales en fonction des
mutations sociales.
Chapitre V : Souk et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire
ou des espaces de commerce ?
Selon les historiens et les voyageurs, la ville de Constantine est connue depuis les temps
reculés par le commerce. Ce chapitre s’intéresse à l’analyse de l’évolution de quelques cas
de Rahba et de Souk dans la vieille ville de Constantine. Les analyses s’intéressent à la fois
aux changements spatiaux de ces espaces, et à leurs mutations fonctionnelles ; en plus de
leurs influences sur la perception de leurs usagers à l’époque contemporaine.
Chapitre VI :Des lieux de manifestation d’une mémoire collective
Ce chapitre a pour objectif d’identifier des pratiques sociales concrètes et des idéologies
propres à cette médina, tout en se basant sur les récits des historiens ou écrivains pour faire
sortir les spécificités de la médina de Constantine. Cette identification facilite l’analyse des
espaces réservés à la manifestation de ces pratiques.
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents
Abordant la question de la ville contemporaine, les analyses dépassent les lectures de la
morphogenèse de l’espace public ou de son aménagement physique ; du fait que les
pratiques urbaines ont pris de nouvelles formes. L’interprétation des pratiques urbaines de
l’époque contemporaine de la même façon que ceux d’une époque antérieure dans
l’histoire est difficile. Dans ces conditions, nous optons pour des lectures fines concernant
la pratique de l’espace ; afin de mieux comprendre la fonction réelle de l’espace public. À
ce stade, nous l’abordons comme un système fonctionnellement complexe ce qui nécessite
la prise en considération à la fois des usages de l’espace et ses formes d’appropriation.
Chapitre VIII : Évolution des principes de la ruralité à la citadinité
Dans ce chapitre nous nous intéressons à un tissu qui regroupe à la fois de l’habitat
informel en dur, du logement collectif et une cité de recasement. Cette étude sera basée sur
l’analyse de toute intervention possible par les décideurs ou par les usagers lors de la
recherche d’une meilleure adaptation.

24
Chapitre IX : Éléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine
Dans les précédents chapitres, nous avons commencé par l’observation des individus
puis l’analyse des pratiques. Cela nous facilite la compréhension du vécu des habitants de
chaque quartier séparément. Ce dernier chapitre est consacré à la discussion des résultats et
la proposition de quelques recommandations en fonction des résultats obtenus.

25
Travaux cités :
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au Maghreb, Étude sur l’urbanisation, CRESM, édition CNRS, p. 219.
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00009410 , document publié le :08/06/2005.
26
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XAVIER, de Planhol (1957). Le monde islamique : essai de géographie religieuse, s.l.

27
CHAPITRE I :
APPROCHE THÉORIQUE, DES
ESSAIS DE DÉFINITION
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Introduction :
D’un point de vue philosophique ou psychosociologique, un concept est un ensemble
d’idées et de raisonnement. En d’autres termes, c’est une représentation abstraite de la
réalité. Mais, peut-il avoir une autre définition en urbanisme ? Le concept est une création
spécifique propre à un phénomène ou un objet que la société qu’il entoure définit suivant
des critères reconnus par leurs propres valeurs socioculturelles, cultuelles, économiques,
politiques ou autres. De ce fait, le concept comme terme peut avoir la même définition
dans plusieurs domaines, mais en urbanisme, la culture et l’aspect géographique le
modifient. Donc, les concepts utiles en urbanisme diffèrent d’une civilisation à une autre,
d’une culture à une autre et d’un espace à un autre.
Dans ce chapitre, nous essayons de donner une définition aux principaux concepts
autour desquels s’articule cette recherche. Tout d’abord, nous retiendrons la notion
d’identité. Nous essaierons de trouver une définition précise à l’identité urbaine, de
connaître et de classifier ses dimensions et ses éléments composants.
Par la suite, nous décrirons l’espace public considéré comme le lieu d’exercice de la vie
socioculturelle. Nous devons mettre en relief les concepts propres à chaque lieu de vie.
Étant donné que l’espace urbain n’est qu’une projection des pratiques sociales des
individus et des groupes. C’est aussi le lieu d’articulation de la mémoire collective des
groupes sociaux et de constitution de l’identité. En conclusion, nous essaierons de mettre
en lumière la valeur donnée à l’espace et l’identité à notre époque.

29
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

1. Identité de l’espace ou identité dans l’espace : cultures, perceptions et


pratiques
La recherche d’une réponse à la question de l’identité nous oriente vers des discussions
autour de ses composantes et de son contenu. Pour aboutir à ce but, nous nous posons la
question suivante : l’identité urbaine peut-elle s’exprimer dans l’espace à travers ses
composantes qui enveloppent et dessinent le milieu d’exercice d’une pratique ? Ou
l’espace en lui-même peut-il marquer une identité certaine comme un lieu de mémoire
perçu de la même façon par un nombre important d’usagers ?
Dans ce premier volet, nous essaierons de donner une définition claire aux notions
d’identité et d’identité urbaine, puis de préciser son intérêt dans toute opération de
réhabilitation, d’aménagement et de création nouvelle. Cela, afin d’analyser et de tirer les
causes de la perte d’identité d’un espace public, et de dégager les vecteurs ou les référents
identitaires qui peuvent être utiles dans le futur pour reconquérir cette identité urbaine.
Avant d’entamer cette recherche, il faut faire la distinction entre deux termes qui sont en
liaison directe avec le concept d’identité : l’espace et le lieu. Du point de vue des sciences
humaines et en référence aux travaux de G. N. Fisher, en liaison avec la notion d’identité,
ces deux concepts peuvent se définir comme suit :
 L’espace peut être pensé suivant différents angles et points de vue :
 D’un point de vue de la géographie physiciste, l’espace se définit
comme une réalité absolue. Mais suivant la définition de la géographie
culturaliste, le positionnement spatial des cultures est la réalité absolue.
 D’un autre point de vue, nous pouvons le lire comme un système où
chaque composante fonctionne en corrélation avec le reste afin de
construire une réalité spatiale, dont les géographes du XXIe siècle ont
donné une liberté plus ou moins fluctuante à ses composants.
Mais l’espace comme résultat d’interprétation donne des significations qui se
distinguent d’un individu à un autre. Cette distinction est due aux substrats
socioculturels des individus. Dans ce cas, et en référence à Ficher « l’espace est
considéré comme une entité extérieure à l’individu ».
 Le lieu est considéré au préalable comme une entité possédant une identité certaine
s’exprimant par son appropriation1 et ses représentations. Donc, le lieu est un
espace caractérisé par la particularité de sa signification pour son usager.

1 D’un point de vue de l’anthropologie, A. Moles et E. T. Hall expliquent l’organisation de l’espace dans les
sociétés humaines selon les facteurs culturels par la « proxémie » (les quatre types de distances spatiales : la
30
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Cette distinction nous oblige à préciser et à fixer l’usage de ces deux termes en fonction
du contenu de l’étude et des buts recherchés.
1.1 L’identité urbaine :
1.1.1 Définition :
Afin de donner une définition précise au concept d’« identité », nous devons passer par
les points de vue de certains chercheurs. Selon la définition du Dictionnaire de la
philosophie de A à Z (2000) et du point de vue des philosophes, l’identité est connue par sa
stabilité dans le temps, étant donné qu’elle est « caractère de ce qui est semblable à
quelque chose ou de ce qui est demeuré le même à travers le temps ». L’autre définition
prise du même dictionnaire donne un autre point de vue lié à la sociologie et à
l’anthropologie : de ce point de vue l’identité d’un individu ou d’un groupe est définie par
« l’ensemble des caractères grâce auxquels il affirme sa singularité et sa différence ». De
ce fait, elle se construit à partir d’un ensemble de caractéristiques (âge, ethnie, classe
sociale… etc.) définissant un individu (R. Campeau et al, 1993, p.23). Ou encore, elle est
constituée d’une variété de rôles et de statuts sociaux et d’expériences personnelles, et où
la combinaison fait apparaître la singularité de cet individu (H. Carrier, 1992, p.185).
Donc, c’est une affirmation de la première idée des philosophes que l’identité peut se
définir comme un caractère similaire et stable dans le temps. Mais, de plus, cet indice
certifie la singularité de l’élément par rapport au reste, ou sa ressemblance et son
appartenance au reste.
Une seconde définition liée aux sociologues et anthropologues fait apparaître deux
dimensions de l’identité : l’identité individuelle et l’identité collective. Ainsi, Durkheim
considère que l’identité est formée de deux êtres : l’être privé et l’être collectif. L’être
privé est instauré du caractère de l’individu, de ses hérédités, de ses souvenirs et ses
expériences. De ce fait, il est constitué de l’histoire particulière de l’individu (R. Campeau
et al, 1993, p.71). En opposition avec l’être individuel, l’être collectif permet la
comparaison avec l’autre et la mise en lumière des ressemblances. Cette identité collective
est constituée de trois éléments : L’auto-perception, qui est l’image qu’a l’individu de lui-
même dans son groupe ; le comportement institutionnalisé, qui répond à un mode de vie
typique, régi par des règles dictées par la société ; et l’imaginaire collectif, qui n’est pas lié
à l’histoire, aux mythes et aux légendes, mais aux aspirations de toute la collectivité. Selon

distance intime, personnelle, sociale et publique). Cela permet la compréhension de l’appropriation de


l’espace par l’individu d’une part et des incitations qui influent ce dernier et l’obligent à s’organiser, à
organiser l’espace et le pratiquer.
31
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Carrier (1992), l’absence de l’un de ces trois éléments renvoie directement à une crise
identitaire.
S’ajoute à ces deux dimensions l’identité culturelle. Elle renvoie à un sentiment
d’appartenance à une culture, et se présente comme un code normatif autour duquel se tisse
le réseau social regroupant les membres d’une société. Conséquemment, l’identification
culturelle d’un individu se réalise à travers sa participation à une idéologie (mythe,
légende, histoire), ou à travers son appartenance géographique, familiale, linguistique ; ou
encore à travers sa participation à des traditions et des célébrations (A. Mucchielli, 1986,
p.41 ; H. Carrier, 1992, p.187).
La définition proposée par les sociologues et les anthropologues a été confirmée par les
géographes comme Di Méo (2008)2, pour qui l’identification d’un individu ou d’un
élément est accomplie à travers ce qui le distingue des autres, tout en affirmant son
appartenance à un groupe ou une catégorie et en même temps à l’espace. Mais en
contredisant les philosophes dans leurs définitions, les géographes écartent l’indice de
stabilité. En référence à Kaspi et Ruano-Borbalan (1996/1997), « les identités sont définies
par les géographes comme des processus de construction et des stratégies en constante
évolution et recomposition ». Par conséquent, l’identité est définie comme un processus
dynamique, elle n’est pas un produit fini, mais un processus en permanente transformation
(Karmela Liebkind, 1989).
Si l’on change de perspective, passant de l’identité en soi (d’un point de vue
philosophique) à l’identité spatiale et la relation entre l’individu et l’espace social, une
autre définition apparaît. Cette notion d’identité spatiale désigne la place objective et
subjective occupée par un individu dans l’espace social, qui est défini comme « un système
organisé et hiérarchisé de positions indexées sur la maîtrise des ressources spatiales,
matérielles ou idéelles » (Laurent Cailly, 2004, p.14). La place qu’occupe l’individu dans
cet espace social peut être appréhendée selon Paul Ricœur (1913-2005) de deux façons :
 Identité mêmeté ou identité en soi : c’est l’ensemble de caractères, d’attributs et
de disposions stables et permanents qui caractérisent une personne. Cet ensemble
facilite sa comparaison et son classement objectif par rapport au reste dans l’espace
social.

2 G. Di Méo (2008) : « revient à se différencier des autres tout en affirmant son appartenance à des
catégories, des groupes, mais aussi des espaces ».
32
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

 Ipséité3, identité narrative ou identité pour soi : c’est l’ensemble de


représentations fournies par un individu de lui-même. Cet ensemble a pour
objectif de justifier son identité et sa distinction. De même, il prouve son
originalité.
Bien que le processus de socialisation puisse se terminer par un rejet de l’autre, selon
Ferréol (1991)4, l’individu n’apprend les différentes règles et valeurs de vie dans la société
qu’à travers ce processus.
Par référence aux professionnels de l’espace, l’identité urbaine est le résultat du
croisement de trois dimensions : l’individu, la société et l’espace (figure 1-01). L’identité,
de ce point de vue, n’est pas une réalité physique, mais une conception intellectuelle (M.
Durczak, 2014). Elle est l’ensemble des représentations élaborées par les groupes
d’individus appartenant ou non à un espace à différentes temporalités.

Individu

Identité urbaine
Espace Société

Figure 1-01 : La construction de l’identité urbaine (M. Durczak, 2014, p. 04)


Selon le professeur Karmela Liebkind (1989), l’identité urbaine est « un ensemble de
facteurs structurant l’appartenance d’une ville ou d’un groupement urbain à une
référence, à un repère ». C’est aussi « le résultat d’une accumulation spatiale et
socioculturelle ». De ce fait, l’espace urbain n’est qu’une projection des pratiques sociales
des individus, là où s’articule la mémoire collective des groupes sociaux et là où se
constitue l’identité. En conséquence, par son importance, cette identité urbaine conçoit et
façonne l’espace, elle le structure et lui donne une signification, comme le mentionna S. P.
Huntington (2004) : « les traces influencent autant sa formation que son évolution ».

3 Ipséité : la manière dont l'individu se définit lui-même et se classe dans l'espace social. (CAILLY Laurent,
2004)
4 Ferréol avance en effet que « par l’intermédiaire du langage, l’individu assimile et s’approprie les
systèmes de règles, de valeurs, de signes qui lui permettent de communiquer avec ses semblables, de
s’identifier, de marquer son appartenance à des groupes ou d’en rejeter d’autres » (Ferréol, 1991, p.110).
33
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

L’identité concerne à la fois l’individu et le groupe. Le troisième élément qui participe à


sa construction est la société. Selon S. P. Huntington (2004), le contact entre des identités
individuelles soutiens l’affirmation de l’identité individuelle à travers la mise en lumière
des similitudes et des différences en comparaison avec l’autre. Corrélativement, ce
regroupement permet la formation d’une identité propre à ce groupe, donc la formation de
l’identité du groupe. En même temps, ce contact avec l’autre et les relations établies dans
le groupe façonnent non seulement l’identité de l’individu, mais de plus, ses relations avec
son milieu de vie donc avec l’espace urbain.
Sous cet angle d’étude, l’identité est liée à des référents. Le référent sort de la
connaissance profonde de la ville, il peut représenter une pratique qui s’est imposée avec le
temps au sein des usagers d’un même lieu. Il est fréquent et connu par tous. À l’aide des
référents, cet usager éprouvera un sentiment d’appartenance à sa ville ou son quartier.
La notion de référent ne se limite pas seulement à des éléments5 donnants du sens à un
espace donné, elle est encore liée à des pratiques autour desquelles toute une dynamique
d’échanges et de vie quotidienne s’articule et s’ordonne. Ces pratiques s’exercent dans des
lieux fermés ou ouverts, dans des moments de vie collective vécus au quotidien, ou selon
un rythme plus ou moins fréquent pendant une longue période. Du point de vue de
l’anthropologie urbaine 6, chaque lieu peut être décrit par des représentations spatiales sous
forme de référents spatiaux et institutionnels. De ce fait, en fonction de son usage, chaque
entité spatiale aura sa propre façon de présenter ses référents. D’un autre point de vue,
l’espace peut-être défini par ses acteurs. En rapport avec leurs représentations du vécu ou
de leurs expériences dans certaines parties de la ville, ces usagers font de l’ensemble de la
ville un contexte de référence présenté sous forme d’une cartographie imaginaire (M.
Agier, 1996, p. 35-58). Ces référents peuvent être classés en quatre catégories (A.
Mucchielli, 1986, p.08-09) :

5 En référence aux travaux de K. Lynch (1960), les éléments structurant la représentation spatiale d’un
espace à l’échelle d’une ville peuvent être classés en : représentation des relations et des obstacles, lieux
symboliques, et références spatiales. Ces derniers regroupent les voies, les limites, les quartiers, les nœuds et
les points de repère. Alors que, les voies dessinent des relations spatiales entre les diverses composantes
d’une ville sous forme de parcours (routes, lignes de transport, etc.), les limites séparent les différentes zones
et forment des frontières perçues sous forme de barrières créant une rupture de la visibilité ou de
cheminements difficilement parcourus. Entre les deux se trouvent les nœuds, formant des points de jonction
ou d’intersection où l’individu va devoir faire un choix. Les quartiers sont reconnaissables par leur forte
identité, étant donné qu’ils sont basés dans leur organisation sur leur dimension sociale, effective ou
fonctionnelle donc sur le symbolique qui se présente parfois dans la ville par des points de repère donc par
des références ponctuelles facilement observables.
6L’anthropologie urbaine dans ce cas « s’appuie sur les différentes situations (occasionnelles, habituelles et
rituelles) pour « voir » et « suivre » des réseaux sociaux en train d’opérer ainsi que l’articulation des
situations dans la vie des citadins, ce qui permet de reconstituer la cohérence des réseaux en différentes
occurrences de la vie urbaine » (Michel Agier, 1996)
34
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

 Les référents matériels ou physiques : les possessions, la potentialité,


l’organisation matérielle et l’apparence physique.
 Les référents historiques : les origines, les évènements marquants et les traces
historiques.
 Les référents psychoculturels : le système culturel, la mentalité et le système
cognitif.
 Les référents psychosociaux : les références sociales, les attributs de valeur
sociale et les potentialités de devenir.
1.1.2 Genèse et évolution de la notion d’identité urbaine :
Selon Catherine Halpern (2004), l’identité est une notion sans histoire, son origine
remonte à celle de la pensée humaine, en liaison avec Héraclite (576 - 480 av. J.-C), l’un
des premiers philosophes qui ont réfléchi à cette notion qui date probablement du VIe
siècle av. J.-C. Étant donné que le point d’intérêt des philosophes était l’étude de l’identité
sous l’angle de l’individu, « l’identité personnelle », à cette époque, a été liée à la
personne en elle-même. Au XIXe siècle, cette notion a connu une évolution, de l’individu
comme objet d’étude aux relations sociales inter individus. Le premier qui a mis l’accent
sur ce concept était HEGEL. Un siècle après, les interactions sociales développées sous
l’angle de l’identité étaient les principaux points d’intérêt de la sociologie et de
l’anthropologie.
Vers les années soixante, et suite à la crise identitaire aux États-Unis, la recherche sur
l’identité a pris de l’importance. Mais plus tard, les urbanistes et les géographes se sont
intéressés à la question des interrelations, non seulement sociales, mais également entre
individu et espace. De ce fait, cette crise identitaire a donné aux urbanistes la possibilité de
passer de l’étude traditionnelle des formes urbaines à la prise en considération des
interactions sociales et de la perception de ces interrelations par l’individu.
Au début des années 1970, F. Choay a défini la ville comme « un système verbal
d’éléments significatifs ». Cette définition est venue comme complément aux travaux de
Lefebvre (1968) qui a fait la distinction entre la ville et l’urbain, à travers les pratiques des
individus et leur vécu dans la ville. Étant donné que l’espace urbain n’est que la projection
spatiale des pratiques sociales, il acquiert son identité des pratiques des individus qui
l’occupent. Ces pratiques forment avec le temps un héritage ou une mémoire collective.
Selon Karmela Liebkind (1989), cet héritage constituant l’identité urbaine est défini
comme le « résultat d’une accumulation spatiale et socioculturelle ». En considération de

35
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

l’importance de l’histoire dans le processus de sa construction, l’identité urbaine affirme sa


légitimité à travers le récit de ses origines.
Vers 1998, d’autres chercheurs (tels que : A. Bailly, A. Sallez, C. Baumont) ont attiré
l’attention sur l’importance du sens de la ville. Ils dépassaient la description simple des
formes et des espaces urbains, et allaient vers la lecture des représentations spatiales, des
images et des dynamiques urbaines des individus dans ces espaces ou dans de nouvelles
formes produites par ces individus, donc vers une lecture multidimensionnelle des espaces
urbains. Passant de la description des formes à la lecture des dynamiques internes et de la
signification de l’espace chez l’usager a introduit une nouvelle dimension sociale. Cette
dernière a motivé plusieurs chercheurs à se pencher sur à la notion d’identité urbaine,
dont le but est de rendre la ville lisible à tous ses usagers. Cela, à travers la restauration de
la fonction sociale de l’espace public.
1.2 Les dimensions de l’identité urbaine :
Dans une vision globale, les composantes identitaires s’organisent autour de cinq
grandes catégories d’éléments (figure I-04) :
 Les éléments sensitifs regroupant les goûts, les couleurs, les sens… etc.
 Les éléments dynamiques liés au climat, à l’habitat et à l’environnement, aux
spécificités sociales… etc.
 Les éléments patrimoniaux liés à l’histoire, aux traditions populaires, au
patrimoine bâti… etc.
 Les éléments énergétiques regroupant les mouvements collectifs et les
évènements marquant la société et les éléments symboliques tels que la
population locale, les personnages légendaires… etc.
Une seconde classification, plus claire, est utile (figure I-02), dans laquelle les
dimensions de l’identité urbaine se subdivisent en trois grands groupes d’attributs : les
attributs de position, de configuration et de valeurs (figure 1-02).

36
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Attributs de
position

Attributs de Attributs de
valeurs configuration

Identité
de
l'espace

Figure 1-02 : Les dimensions de l’identité de l’espace (M. Stock, 2012, p.142-159)
1.2.1 Les attributs de position :
Le site est la composante concrète de l’identité urbaine. Il représente le support de
formation identitaire comme le mentionne S.P. Huntington (2004). À la fois, il représente
le lieu d’exercice de toute activité socioculturelle formant la mémoire collective et
l’héritage d’un groupe d’individus. Selon Karmela Liebkind (1989), il est la superposition
de plusieurs espaces (M. Djemel, 2008, p.109) : l’espace perçu, l’espace représenté,
l’espace vécu et l’espace produit (figure 1-03).

Figure 1-03 : L’espace, support de formation identitaire


1.2.2 Les attributs de valeurs :
1.2.2.1 Histoire, héritage et patrimoine :
Dans tout aménagement, nous faisons appel à l’Histoire et aux éléments marquants
l’espace, ou qui font partie du patrimoine. Dans le cas où tous les membres de la société

37
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

partagent les mêmes référents et utilisent le même système de valeur, ce recours vers la
mémoire collective facilite l’intégration de l’individu et l’appropriation de l’espace par la
plus grande partie de cette société. Du fait que pour l’habitant les repères sont toujours des
éléments patrimoniaux et pour l’étranger ces repères semblent être une marque particulière
à cet espace ou à la ville.
Cette particularité devient plus évidente avec la présence d’un ou de plusieurs
monuments. En référence à Michel Butor (1987), « les monuments qui caractérisent une
ville sont comme les traits de son idéogramme », étant donné que ces édifices,
remarquables par leur intérêt archéologique, historique ou esthétique, constituent des
éléments symboliques7 pour la ville. Ils donnent des informations sur l’histoire de la ville
et ses fonctions dans le temps. Non seulement leur intérêt esthétique est le résultat des
idées et des cultures, mais aussi ils sont l’expression de ses spécificités ; ils témoignent de
l’évolution de la ville à travers le temps et ses changements artistiques, techniques et
sociaux (Laborde Pierre, 1998, p.192).
1.2.2.2 La culture :
« La culture, par la cohérence et le sens qu’elle confère aux pratiques et
présentations humaines, peut contribuer à l’ancrage identitaire » Stein (2003)
L’étude d’une zone ou d’une entité spatiale nous oblige à nous mouler dans sa propre
structure socio spatiale. Pour cela, l’étude de la culture urbaine a sa part d’importance. La
définition de la culture n’est plus à la portée de cette recherche, car elle a fait, autrefois,
l’objet d’autres recherches de la sociologie ainsi que de l’anthropologie. Mais,
l’importance de la culture dans notre recherche se limite à la compréhension et à la
précision de ses spécificités, et leur influence sur la conception et l’usage de l’espace
public et vice-versa.
Par référence à Campeau (1993), la culture se définit comme un système complexe, qui
regroupe des connaissances, des croyances, des lois, des mœurs, des coutumes… etc. De ce
fait, la culture est toute capacité ou habitude acquise par l’individu dans sa société. Lors de
la définition de la culture urbaine, E. B. Tylor a mis en valeur son importance dans la vie
de l’individu, du peuple et de toute la société. Ces derniers font référence à des éléments

7 C’est le cas de la tour Eiffel et l’Arc de triomphe à Paris, de la forteresse historique portant le nom de Tour
de Londres située sur la rive nord de la Tamise à Londres en Angleterre à côté du Tower Bridge, du palais de
la bourse à Bordeaux, la tour des Clercs sur la place de la Liberté de la ville de Porto (construite entre 1754 et
1763), etc. À ces grands édifices s’ajoutent des détails qui rentrent dans la composition du paysage urbain de
la ville. Parmi eux nous citons : les maisons à caractère spécifique (maison de pierre, maison basse, etc.), le
traitement des façades (les balcons, l’encadrement des portes et des fenêtres, les revêtements), les cafés et les
boutiques à grande valeur dans la vie de la cité, les espaces verts, les arbres, les odeurs, etc.
38
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

hérités d’une génération à une autre, tels que : le mode de vie, les us, les coutumes, l’art…
etc. Dans la pratique, ces référents deviendront une norme dans la vie de l’individu. De ce
fait, la culture est en relation directe avec la vie de cet individu, et cette culture évolue et se
modifie avec le temps en fonction des événements. Donc elle ne peut pas être définie seule,
mais en relation directe et dans un moule de civilisation. Cette idée a été confirmée par la
définition de la notion de culture proposée par Denis (1995). Pour lui, la culture est définie
comme un système composé d’éléments de stabilité et d’éléments de changements liés les
uns aux autres et enracinés dans le quotidien de l’individu et de la société.
Dans les travaux de Robert Mackiver, la culture a pris la forme d’une idée contraire à
la citadinité. Comme mode de vie humain développé et basé sur des normes de vie
spécifiques (K.Weister), la citadinité peut se quantifier par leurs résultats. L’usage ou le
transfert de ses éléments constituants, d’un lieu vers un autre, ne change pas de leur
identité, par opposition à la culture qui représente un ensemble de sentiments difficilement
quantifiables et où un simple transfert peut changer ou déformer son identité.
D’autres chercheurs comme Ch. Pingleur, Tony, Krobert et Klockher ont mis en lumière
la relation entre cette culture urbaine complexe et l’évolution culturelle, dont la citadinité
n’est que le résultat final d’une évolution culturelle.
De ce fait, la culture n’est que le résultat d’un héritage humain. Elle peut se présenter
sous sa forme matérielle (physique) ou immatérielle. En conséquence, c’est un construit
social représenté dans l’espace sous forme d’expressions socioculturelles.
1.2.2.3 Usage et pratique du lieu :
Toute pratique de l’usager dans l’espace à une influence sur les représentations qu’on se
fait et que se font les autres sur cet espace. Les pratiques spatiales individuelles regroupent
toutes les relations matérielles (physiques) et immatérielles (idéelles) établies entre
l’individu et l’espace. Cette notion représente à la fois :
 Les pratiques concrètes de l'espace : habiter (lieu de résidence, type et surface
de l’édifice…), se déplacer (direction, motivation, mode de déplacement…), se
récréer, travailler, communiquer (lors des rencontres, par téléphone, internet…).
Ces pratiques spatiales concrètes sont l’ensemble des éléments mis par
l’individu concrètement, dans l'intention d’avoir une multitude de choix pour la
gestion de ses différentes activités.
 Les idéologies spatiales : ce sont la manifestation via le langage des pratiques
spatiales. Ce concept désigne l’ensemble des jugements établis par l’usager
autour de l’espace ou ses composantes (l’attachement à un espace, la préférence
39
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

d’une zone par rapport à une autre, l’amour ou la détestation d’un lieu, l’amour
d’une pratique tel que le déplacement ou la peur d’un mode de transport… etc.).
Ces idéologies engagent une multitude de valeurs et de normes qui facilitent
l’accès aux représentations socioculturelles, donc à certaines dimensions de
l’identité (politiques, sociales, etc.).
1.2.3 Les attributs de configuration :
Le premier vecteur identitaire est l’espace public en lui-même, car il est à la fois le
producteur de l’identité et le produit d’une culture et d’un mode de vie sociale, donc d’une
identité. Les attributs de configuration que nous développerons par la suite sont liés
directement aux concepteurs.
1.2.3.1 L’ambiance du lieu :
Les ambiances urbaines sont le support manipulable de l’identité. C’est l’ensemble des
paramètres qui donnent du sens au lieu. Elles sont fortement liées aux comportements des
individus dans l’espace. En référence à N. Bautes et C. Guiu (2010), l’ambiance ou
« l’espace-temps qualifié » comme le mentionne J. P. Thibaut est caractérisé par « des
signaux qui interagissent avec l’environnement construit, la perception, l’affectivité et
l’action des sujets, les représentations sociales et culturelles » (N. Bautes et C. Guiu,
2010, p.05).
Il existe plusieurs paramètres d’ambiance, dont les sons font partie. Plusieurs chercheurs
se sont intéressés à l’analyse de l’identité sonore des villes, à l’exemple de J. F. Augoyard
(1982). Conformément aux résultats obtenus et développés par ce dernier en 1982, une
étude a été réalisée par Mme Nadia Sahraoui (2006-2009) portant sur la vieille ville de
Constantine. Pendant l’analyse de l’identité sonore de la médina de Constantine. Elle s’est
intéressée à la qualité acoustique de l’espace urbain. Elle part du principe que l’observation
des pratiques sonores constitue une véritable connaissance des phénomènes d’ambiance
sonore qui sont définis par trois formes : une forme spatiale, une dimension sonore et une
autre esthétique. Pendant cette recherche, elle a mis l’accent sur l’importance qu’il y a à
éclaircir les interrelations entre ces trois formes, étant donné qu’elles permettent la
sauvegarde de la perception de la ville du passé. Au même titre que le patrimoine matériel,
« l’espace sonore est une référence culturelle qui peut être sauvegardée et revalorisée ».

40
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

1.2.3.2 La mise en valeur des activités et du comportement social :


Les activités spécifiques à un espace lui donnent du sens. Elles peuvent être utilisées
comme une forme de culture locale. Donc, elles peuvent servir comme un support à
l’identité. Concernant le comportement social, partons d’un exemple concret, un quartier à
Copenhague dont le réaménagement avait pour but la concrétisation de son identité. Ce
quartier regroupe une population de différentes races et pratiquant diverses religions. Pour
exprimer cette multitude et cette diversité culturelle, les concepteurs lors du
réaménagement ont choisi le mobilier urbain de différents pays pour l’utiliser dans les
espaces publics selon le choix des résidents du quartier. Dans ce cas, la diversité de la
population a fait l’identité de l’espace. Donc, les spécificités sociales marquent l’identité
d’un lieu, et en même temps, elles peuvent être un support aux futures interventions.

41
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Les éléments Les éléments Les éléments Les éléments Les éléments
sensitifs dynamiques patrimoniaux énergétiques symboliques

Les mouvements Les


Les matières Le climat L'histoire collectifs symboles émergen
ts

Les dynamiques Les traditions Les évènementiels


Les sons La héraldique
naturelles populaires

Les dynamiques Les activités Les offres Les


Les goûts
architecturales humaines objets symboliques

Les couleurs et les L'organisation du


Le patrimoine bâti La population
lumières territoire

Les personnalités Les personnages


Les profils
attachées au locaux de la
humains
territoire, passées tradition, des
et présentes contes, des
légendes, de la
Le rapport avec littérature ou des
l’extérieur chansons

Figure 1-04 : Les composantes identitaires d’un territoire 8

8 « Marketing territorial : comment recenser les composantes de l’identité ? » ; publié le 9 octobre 2011 ; consulté le 12.12.2011 à 12:06
42
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

1.3 L’acculturation et l’adaptation :


On est attaché à son quartier ou pas, on l’aime ou on le déteste ; cet ensemble de
jugements que porte l’individu sur son espace et ses objets se définit comme des idéologies
spatiales (A. Gilbert, 1986, p. 60). Ces jugements engagent un système de goût, de valeurs
et de normes qui ne sont pas strictement d’ordre spatial ; compte tenu qu’ils font partie des
représentations socioculturelles. Ces représentations « permettent de comprendre la
manière dont l'identité socioculturelle des individus structure cette dimension particulière
de l'activité sociale que représente la pratique spatiale et contribue… » (Laurent Cailly,
2004, p.14). Donc, elles informent sur la dimension spatiale de l’identité.
Dans «
L’encyclopédie de la sociologie » (1981), le processus d’acculturation est
considéré comme le résultat du contact entre différentes cultures. Ce contact permet la
diffusion de certains traits culturels de part et d’autre. Selon une étude réalisée par Jacques
Kurtness (1991) sur « Les facteurs psychologiques des parcours de l’acculturation chez les
Montagnais », il existe trois phases dans la relation entre les nouveaux arrivants (les
Montagnais) et la nouvelle société accueillante (la société canadienne). La première phase
constitue le contact avec la nouvelle culture. La seconde phase, après ce contact, est
caractérisée par la présence d’un conflit de loyauté ou d’allégeance, ou bien la présence
d’une crise identitaire représentée par des difficultés d’intégration. En troisième phase, et
face à ce conflit, le nouvel arrivant ne peut que résoudre ce conflit ou s’adapter à cette
nouvelle culture.
L’insertion d’un individu ou d’un groupe dans un environnement donné exige une
adaptation qui varie d’un cas à un autre, étant donné qu’elle peut prendre plusieurs formes.
Pour Jacques Kurtness (1983), cette adaptation peut se faire par une intégration qui vise
l’incorporation de quelques éléments culturels sélectionnés de la nouvelle société ou du
nouvel environnement, tout en assurant le maintien de l’identité traditionnelle du groupe.
L’adaptation peut se faire aussi par assimilation, lorsque le groupe fusionne avec ce nouvel
environnement, ce qui induit la perte de son identité culturelle traditionnelle. Ou encore,
elle peut se faire par le rejet, ce qui conduit au maintien de son identité culturelle de
référence et l’abandon total des liens avec son nouvel environnement. Cet état de rejet de
l’autre peut s’expliquer par une désintégration. Comme résultat de ce processus
d’adaptation, trois catégories de communautés peuvent apparaître : une communauté
traditionnelle, une communauté transitionnelle et une communauté acculturée (figure 1-
05).

43
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Adaptation

Intégration Assimilation Désintégration

Maintien de l'identité Abandon de l'identité


Maintien de l'identité
référentielle et référentielle et fusion
référentielle et rejet
incorporation dans la dans la nouvelle
de la nouvelle culture
nouvelle culture culture

Une communauté Une communauté Une communauté


transitionnelle acculturée traditionnelle

Figure 1-05 : Les différentes formes d’adaptation dans un nouvel environnement

44
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

2. L’espace public :
Si l’on se réfère au Dictionnaire d’urbanisme (F. Choay et P. Merlin, 2010), l’espace
public représente la partie non construite du domaine public. Il regroupe à la fois des
surfaces minérales et des espaces verts, dont chacune est affectée à un type d’usage.
L’espace public à usage collectif peut prendre différentes formes et tailles en fonction de sa
localisation et de son enveloppe.
Au début des années 1970 en France, ce concept a été utilisé pour désigner tous les
lieux de croisement et de rencontre des habitants. Douze ans plus tard et selon Philippe
Madec, un autre concept a été utilisé pour décrire ces espaces libres : celui d’espace
ordinaire. En référence au philosophe de l’urbain Thierry Paquot, l’ordinaire n’est pas le
banal, mais ce dont l’usager a besoin pour vivre, il regroupe tout espace public à caractère
et accès libres destiné à l’exercice de la vie sociale de l’usager.
2.1 Les formes de l’espace public :

Espace public

Espace public Espace public Espace public


ouvert fermé collectif

Les Jardin à
Le
La La espaces Le La contact direct
Théâtr
place rue verts Musée Bibliothèque avec le
e
publics logement

Figure 1-06 : Les formes de l’espace public


2.1.1 L’espace public ouvert :
Les lectures de l’espace public urbain diffèrent, du fait qu’il peut être perçu à travers ses
dimensions (longueur, profondeur, taille), ou défini par son environnement urbain et par
ses objets mobiles et immobiles. Partant d’une analyse de la perception de cet espace,
chaque élément peut être un indicateur. Mais d’après Benedikt, l’espace ouvert urbain est
le tout à la fois. Il peut se définir comme un vide limité par des surfaces formelles et à la
fois visibles pour l’usager ou pour l’observateur. Cette définition confirme l’hypothèse
avancée par certains auteurs9 qui assimilent l’espace urbain à des salles à ciel ouvert ou à

9 Camillo Sitte est le premier à avoir proposé cette définition en 1890.


45
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

des boîtes urbaines délimitées par des murs (les façades environnantes), par un plancher (le
sol) et un plafond (le ciel).
Cette forme ouverte à accès libre et gratuit permet la circulation des usagers sans
obstacles et sans limites. Elle regroupe des espaces de rencontre et des lieux de détente. Par
leur accessibilité et liberté d’usage, elle favorise la manifestation de la vie urbaine. Elle se
concrétise dans les parcs et les jardins publics, les places publiques et les rues.
Sans oublier l’existence d’une forme semi-ouverte représentée par des espaces en plein
air, à usage collectif, mais avec la présence d’une limite physique à l’exemple des stades
en plein air.
2.1.2 L’espace public fermé :
Les équipements à usage public font partie des espaces publics : tels que les théâtres, les
musées, les cafés, les centres commerciaux… etc. Dans ce cas, ils ne peuvent être semi-
ouverts que par la présence d’une limite physique. Mais, s’ils sont soumis à des conditions
d’accès, à des règles d’usage et de fréquentation. De ce fait, ils font partie des espaces
publics fermés.
Donc, les règles conditionnent le type d’usage social possible de cet espace. Nous
pouvons mentionner l’existence de deux types d’espace public fermé en fonction de son
usage social possible :
 Des espaces dont la propriété appartient aux domaines publics, tels que le
théâtre, le musée et la bibliothèque.
 Des espaces dont le propriétaire est une société privée, tels que les centres
commerciaux.
2.1.3 L’espace collectif :
Les espaces collectifs sont des espaces complémentaires à l’espace public. Cette forme
d’espace semi-public est destinée aux riverains, car elle regroupe les zones en contact
direct avec leurs logements. Bien que leur exploitation soit soumise à des règles dictées par
l’ensemble de la communauté, leur gestion et leur entretien régulier sont sous la
responsabilité des habitants.

46
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

2.2 L’espace public à différentes échelles et à différents usages :

Espace public

À l'echelle de la À l'echelle du À l'echelle de la À l'echelle du


ville village périphérie paysage

Rues, impasses, Autoroute, voies


Rues, trottoires, Berges, forêt,
place du village, férrées
cours, parkings, oued, cours
placettes, désaffectées,
promenade, d'eau, espace
chemins zone
naturel protégé,
arrêts de bus, fourragers, commerciale ou
champs, prairies,
places, squares, jardins, industrielle ou
aires de repos...
jardins... etc. cimetière, aires terrains en friche,
etc.
de jeux... etc. parkings... etc.

Figure 1-07 : L’espace public à différentes échelles


Le premier type d’espace public inventé par l’homme est la place (Robert Krier, 1975,
p.07). Elle se constitue à travers le regroupement de maisons autour d’un espace libre. Cet
espace, orné souvent de monuments et chargé d’éléments symboliques, a été utilisé par
plusieurs civilisations comme lieu de culte (l’agora chez les Grecs, le forum chez les
Romains, la cour de la mosquée chez les Musulmans, le cloître chez les Chrétiens). Une
autre raison justifie cette utilité de la place est sa configuration, étant donné qu’elle permet
un contrôle maximum de l’espace à l’intérieur et un bon dispositif de défense à l’extérieur,
compte tenu de la réduction des surfaces à protéger.
Par sa localisation centrale dans le tissu urbain, ce type d’espace constitue un lieu
favorable à l’installation des activités culturelles 10, puisqu’elles assurent une permanence
fonctionnelle de l’espace. En plus de cela, la place peut abriter des activités commerciales
constituant une place de marché.
En terme d’organisation et d’utilité, la rue est bien distincte de la place. Encore, sa
décoration architecturale n’est perçue que d’une façon secondaire par rapport à la place. En
terme d’organisation, elle délimite les différentes parcelles constituantes d’un territoire, et
son rôle est défini en fonction de son ampleur.

10 Telles que : l’installation des administrations publiques, des cafés, d’une salle de théâtre ou de concert,
d’une bibliothèque, etc.
47
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

2.2.1 L’espace public dans la ville arabo-musulmane :


2.2.1.1 La ville arabe, modèles et changements spatiaux à travers le
temps :
Les découvertes archéologiques montrent qu’à l’origine, les premières villes sont
apparues au Moyen-Orient vers le troisième millénaire av. J.-C., sous forme de tissu
centralisé autour de quelques édifices religieux et civils (Jean-Louis Huot, 1982, p.95).
Les conquêtes d’Alexandre et l’avènement de l’Empire romain causèrent l’apparition
d’un système urbain propre. Le nouveau modèle urbanistique est caractérisé par le principe
du carroyage géométrique (L. R. Decramer, R. Elhaj, R. Hilton et A. Plas, 2002, p.109-
162). Le centre est le lieu privilégié pour la pratique de la vie civique, compte tenu qu’il
regroupait le forum, le temple, le marché et les bains publics. À ce moment-là, les
premières influences sont apparues lors de la prise de quelques éléments architecturaux et
leur application par les habitants des zones limitrophes.
Le nouveau modèle de la période hellénistique n’a pas pu se développer avec la même
intensité entre les villes du Moyen-Orient et celles du Maghreb berbère, à l'exception de
quelques cités qui se sont établies à cette époque telle que « Cirta ».
Pendant presque 120 ans, l’islam a pu marquer les villes de l’Inde à l’Est à l’Espagne à
l’Ouest. Cette période de conquête arabe a eu des effets d’urbanisation considérables, que
certains chercheurs lisent de différentes manières suivant leurs points de vue, et que nous
pouvons résumer ainsi :
 Les villes islamiques venues suite à cette conquête peuvent être évaluées autant
que nouvelles créations urbaines.
 Les villes islamisées ne sont que les résultats d’une appropriation de l’espace
d’une agglomération existante au préalable.
 Les principes dictés par l’islam ont pu façonner la société, en allant jusqu’à la
mise en place d’un type urbain original.
Ce débat nous oblige à passer - avant tout - par une présentation du contexte marquant,
à l’époque, l’apparition d’un modèle arabo-musulman et à présenter ses origines. Depuis
toujours, la création des villes a été liée aux conditions dictées par le site et les activités
économiques ou industrielles. De plus, leur structure est basée sur des données naturelles et
la vie sociale. Mais au cours des temps et pendant le développement de ces villes, la
population aura le rôle le plus important dans la structuration de l’espace. Car, elle
influence non seulement l’extension de la ville vers la verticalité ou l’horizontalité selon
ses besoins, mais elle la conduit vers des extensions informelles et le développement de
48
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

maux sociaux et économiques11. C’est le cas des pays en voie de développement, à


l’exemple des villes du monde arabe, où cet état est causé par la mauvaise gestion de
l’accroissement démographique de ces villes.
Bien avant les conquêtes islamiques, les villes du monde arabe n’avaient pas de
caractère propre ou commun, compte tenu de l’influence de part et d’autre des
colonisateurs (tels que les Grecs, les Romains et les Byzantins). Mais pour des raisons
économiques, un élément commun caractérise l’ensemble de ces villes : leur localisation
sur l’itinéraire des caravanes. Pour cette raison et d’autres telles que la recherche de l’eau
et des terres fertiles12, ces villes se développées avec le temps pour former un réseau de
carrefours d’échanges13. Éventuellement, elles ont pu dépérir en cas de modification des
itinéraires des caravanes, d’insécurité, de changement de climat ou de manque d’eau.
Les villes arabes ont connu un développement accéléré pendant les différentes
conquêtes islamiques. Du choix des sites à l’introduction de l’art et des éléments
architectoniques islamiques, ces villes ont connu leur âge d’or. Ce développement a été
causé par différents facteurs influents tels que la religion, la guerre, la vie politique et
sociale. De cet âge d’or, les Musulmans ont pu laisser leurs traces dans de grandes villes,
comme : Bassora, Séville, Grenade, Bagdad et autres. Comme nous l’avons mentionné ci-
dessus, l’avènement de l’islam a révélé la création d’un nombre important de villes 14
partant de l’Est vers l’Ouest, dans des buts différents d’un endroit à un autre. Alors que
certaines visaient la facilitation du contrôle des espaces conquis, d’autres ont préservé leur
singularité par rapport à d’autres cultures (l’orthodoxie musulmane, pour les ksour du
M’Zab).
L’existence d’une forme urbaine initiale, et l’implication de nouvelles formes d’usage
de l’espace suivant des règles gérant la vie urbaine issues de l’islam nous amènent à
examiner l’originalité de cette ville arabo musulmane. En questionnant son originalité,
pouvons-nous parler d’un modèle type pour cette ville, caractérisé par des ressemblances
dessinant sa particularité et dictant ses règles et ses principes ?

11 Selon Dr Paul R. Ehrlich dans son ouvrage « The Population Bomb » vers l’an 2025, la population de la
terre arrivera vers 14 milliards, et cet accroissement sera difficilement surpassé par les États, vu les
problèmes socioéconomiques qui vont apparaitre et qui vont se développer à cause de cela.
12 La population du monde arabe était divisée entre des éleveurs nomades qui mènent leurs moutons à
travers le désert à la recherche de l’herbe, et les cultivateurs sédentaires.
13 Il faut mentionner que l’islam n’était pas l’origine de la culture urbaine, mais qu’elle s’est développée
grâce au trafic des caravanes et au mode de vie pastorale.
14 Parmi ceux du Moyen-Orient : Al Basra en 635, Al Kufa en 638, Fostat en 641 noyau d’urbanisation du
Caire par la suite. Parmi les villes du grand Maghreb, nous peut citer : Kairouan en 670 suivie par
l’implantation des trois autres villes Monastir, Sousse et Mahdia ; Biskra en 680, Fès en 810, Meknès en 940,
Marrakech en 1070, et par la suite les villes du M’zab vers le XIe siècle.
49
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Ce qui caractérise les villes arabo-musulmanes dépasse la petite échelle de


l’agglomération vers leur armature urbaine. Comme l’ont mentionné Mugaddari et Ibn
Hawqal et certains autres par la suite, ces villes dans leur globalité appliquent certaines
règles dont le but est la recherche de l’idéal (Claude Chaline, 1990, p. 42). Des villes qui se
ressemblent, réparties suivant un réseau plus ou moins dense ; dans le but de créer un
espace propice pour la promotion des échanges commerciaux et des activités scientifiques
et artistiques. L’idéal que nous pouvons tirer de cette homogénéité se résume en deux
points : le premier est l’existence des prémices d’un développement préindustriel ; le
second est l’instauration d’un code social remplaçant le droit romain et régi par l’islam.
De l’observation des caractéristiques de la ville arabo-musulmane, des ressemblances
dans la structuration de l’espace apparaissent, dont nous pouvons citer :
 Le regroupement des équipements à intérêt public, au centre.
 La présence des réseaux soukiers et la spécialisation de quelques artères à la
pratique du commerce et de l’artisanat.
 La fortification de la ville à travers l’enceinte et les portes.
 La hiérarchisation des voies de communication et leur adaptation à l’échelle
humaine.
Bien qu’elles soient généralisées à travers toutes les villes arabo-musulmanes, pouvons-
nous les mentionner comme des spécificités ? Ou pouvons-nous seulement les qualifier
comme s’inspirant d’autres cultures ? Pour répondre, voyons leur existence dans d’autres
villes. Dans les villes médiévales de l’Europe, la citadelle ou le palais, au même titre que la
mosquée, jouent le rôle du centre de pouvoir et dessinent le centre de l’agglomération, où
le tout s’articule autour d’eux. La spécialisation fonctionnelle de l’espace urbain nous
oriente vers les villes byzantines. La fortification était plus qu’une nécessité dans la ville
médiévale pour sa protection. Le choix de la localisation et de l’orientation des portes avait
pour but de dessiner des relations à grande échelle. De même, les voies sinueuses et
étroites devaient limiter l’accès des étrangers. Ce principe a été mentionné comme l’une
des règles de la ville du Moyen Âge.
Ces explications affirment la présence de ces principes dans des cités remontant à des
époques antérieures. Mais la lecture et l’interprétation de ces éléments dans la ville arabo-
musulmane révèlent sa distinction par rapport au reste. Prenons à titre d’exemple le recours
à des formes sinueuses et étroites. D’un point de vue social, ce choix a pour objectif de
détourner les étrangers. Du point de vue climatique, il répond à quelques conditions de
ventilation et d’ensoleillement. De ce fait, la présence de certains critères de ressemblance
50
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

n’élimine pas la présence des spécificités. Généralement, les villes arabo-musulmanes se


distinguent du reste des villes du monde par :
 La spécificité dans le choix des sites d’implantation en fonction des conditions
climatiques particulières,
 La présence de certaines spécificités dans les modes de vie des populations qui
les habitent (tels que : l’estivage, le nomadisme, le tribalisme, la place de la
femme, etc.),
 Le code social qui les dirige et qui puise ces règles de l’islam.
Ces principes sont mentionnés par certains chercheurs comme le parfait, en raison de la
convenance de la morphologie de la ville aux besoins spirituels de la population ; et la
prise en charge de tous les influents socioculturels et économiques.
Au même titre du reste des villes à travers le monde, la ville islamique - depuis sa
création à nos jours - est en perpétuelle mutation. Ce qui l’a amenée à remettre en question.
Les débats s’articulent autour de ses propres principes d’aménagement et d’extension, des
évènements qui l’ont perturbé ou ont orienté son développement, des mouvements qui
l’ont mis en cause à une époque donnée, ou qui ont assuré sa survie, etc.
« Dans le monde arabe, la ville historique est en effet loin de représenter à
l’heure actuelle le modèle de référence des extensions urbaines ; les principes
communautaires d’aménagement, de conception et d’appropriation de l’espace
dont elle témoigne ne jouent plus aujourd’hui qu’un rôle marginal dans la
production du cadre bâti contemporain » Said Mouline (1981)
L’un des débats d’actualité en milieux d’architecture et d’urbanisme est celui qui met la
culture des villes du monde arabe en question. Car depuis la conquête arabe et la diffusion
de l’islam, ces villes ont pris de nouvelles intensions influencées par les héritages
antérieurs et les prémices d’une nouvelle société inspirée de nouvelles valeurs. Le
processus de colonisation qu’a connu la majorité des villes du monde arabe depuis plus de
deux siècles a participé à leur déracinement en remplaçant l’harmonie par une surcharge de
contradictions conduisant vers une perte de leur identité.
2.2.1.2 L’espace public dans les médinas :
Bien distincte de la ville contemporaine, les médinas regroupent des espaces publics de
tailles et de formes plus ou moins différentes, tout dépend du rôle qu’ils jouent dans
l’ensemble du tissu urbain et de leur l’emplacement. De plus, diverses formes d’espace
public sont absentes de ces villes, étant donné qu’à l’exception de la place de la mosquée et
du Souk, les grands boulevards et les jardins publics sont exclus de la structure urbaine des

51
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

médinas. Cette exclusion ne décline pas l’espace médinal, compte tenu qu’elle a sa propre
organisation spatiale ; dont le public et le privé sont définis autrement par rapport au reste
des villes. Alors que l’espace privé, caractérisé par sa fermeture, constitue l’espace familial
et féminin, l’espace public regroupe principalement le réseau de circulation et le réseau
soukier, donc les espaces à dominance masculine. S’ajoutent à ces espaces publics des
maisons ou des parties de maisons utilisées comme lieux de rencontre des hommes
étrangers aux propriétaires de la maison, elles se trouvent généralement à l’intérieur du
quartier, loin de l’espace central de la médina et de son réseau soukier. En général, ces
espaces assurent une fonction politique. Mais dans le cas de la médina de Constantine, ces
lieux de rencontre assurent d’autres fonctions bien distinctes de ceux en rapport avec
l’État, comme espaces de détente et de loisir pour une certaine catégorie de la population.
C’est le cas de la Tarbiâa que nous développerons dans un prochain chapitre.
En contradiction avec les descriptions de la place publique et de la rue citées plus haut,
les espaces publics dans les médinas ne sont pas caractérisés par leur ouverture formelle ou
leur monumentalité ; non plus par leur décoration architecturale, la symbolisation ou la
mise en scène du pouvoir. Mais ils sont créés en adéquation avec les pratiques de leurs
usagers et régis par les principes de l’islam pour répondre à leurs aspirations. La création et
la gestion de ces espaces sont aussi bien distinctes. Dans le but de mieux les comprendre,
nous examinons le cas algérien.
Comme le reste des villes à travers le monde, les espaces publics en Algérie ont pris
plusieurs formes et nominations, selon les civilisations qui les ont créés. Mais parlant de
leur gestion, à l’époque turque et sur la base du principe des Habûs15 et du domaine
beylical, les biens publics ont vu le jour, à l’exemple de la création sous l’ordre du bey de
Souk El Acer dans la médina de Constantine, sur un terrain à statut juridique Habûs.
À cette époque, le Qadi (le juge) prend en charge sous sa responsabilité la gestion de cet
espace public, il assure son bon fonctionnement en impliquant les riverains dans sa gestion.
Prenant toujours pour exemple la médina de Constantine, cette forme de participation
apparaît clairement dans les récits des historiens, des voyageurs et des habitants de la ville,
sous forme de pratiques d’entretien et de nettoyage collectif.

15La pratique de Habûs consiste à rendre un bien ni échangeable ni vendable. Par opposition aux legs, dans
lesquels le donneur ne peut pas dépasser le tiers de la totalité de son patrimoine ; et par rapport aux
usufruitières, où la femme aura la moitié de la part donnée à l’homme selon les principes de la religion
islamique ; le constituant de Habûs ne doit en aucun cas rencontrer cette contrainte de délimitation. Par
contre, il peut même introduire des modifications aux règles de la succession de ce bien Habûs. Selon les
études antérieures sur les villes maghrébines, proportionnellement les femmes représentent la plus grande
partie des usufruitières de ces biens.
52
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

De la colonisation à nos jours, ce principe est totalement bouleversé par l’application du


principe du domaine de l’État, du département ou de la commune et, par la suite, par
l’introduction des biens Habûs publics ainsi que les rues et les places sous le titre de
domaine public. Selon l’article 12 de la loi nº 90-30 du 01décembre 1990 portant loi
domaniale, ce domaine public ne peut pas faire l’objet d’une appropriation privée. Sous le
titre de domaine public se présentent tous les biens meubles et immeubles destinés à usage
de tout le public et dont la protection et la gestion sont confiées aux autorités
administratives. Dans ce cas, le domaine public regroupe à la fois tout ce qui est naturel ou
artificiel. Selon l’article 14 de la même loi, le domaine public artificiel est représenté par
les routes, les parcs aménagés et les jardins publics.
2.3 L’espace public, un lieu de convivialité :
La conception de l’espace est le fait de le concevoir dans ses trois dimensions : la
forme, la structure et la fonction. C’est une organisation selon les types d’usage social et
économique, qui assure l’harmonie entre la fonction de l’espace, son accessibilité physique
et psychique, l’esthétique, le confort et la sécurité dans cet espace. Pour aboutir à cette
harmonie, nous devons passer par des analyses de l’usage ou de la fonction de l’espace, les
couches et de l’identité des usagers, la fréquentation en heure et en mode de cet espace. De
ce fait, la conception de l’espace public dépasse largement l’aménagement des voies de
circulation mécaniques ou piétonnes et des aires de stationnement. L’élément phare dans
cette conception est l’individu ou l’usager de cet espace public. De ce fait, toute conception
aura comme but la création des lieux de rencontres tels que les places, les aires de jeux, les
espaces verts et les espaces de détente, les chemins pour la promenade, les voies de
circulation et les pistes cyclables pour les déplacements, etc. Donc, la création d’un
élément fonctionnel qui peut répondre automatiquement aux désirs de l’usager dans la cité.
La prise en compte des trois éléments importants dans la conception d’un espace public
devons facilite son appropriation par ses usagers. Ces facteurs sont : la morphologie du
site, les éléments constitutifs de l’espace et la mémoire du lieu.
Selon Pierre Nora16 (2011), la mémoire correspond aux souvenirs et aux expériences
vécues ou mythifiées d’un espace. De cette définition, la distinction entre la mémoire,
l’histoire et le patrimoine apparaît. Alors que l’histoire est une discipline basée sur le

16 Nous devons la popularisation de la notion de « lieu de mémoire » à Pierre Nora à travers la publication
de son ouvrage en trois volumes « Les lieux de mémoire : symboles, monuments, archives, objets,
personnages et lieux emblématiques » ; étant donné que, bien avant les années 80, le vocable utilisé était
« les hauts lieux du souvenir ».
53
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

raisonnement17, la mémoire est la sélection de certains sentiments et événements ; et le


rejet et l’oubli d’autres. Donc, elle est subjective et appropriée. Le patrimoine se définit
comme un héritage des générations antérieures, qui nécessite la conservation et la
transmission aux générations futures. Il est l’ensemble de biens particuliers d’une valeur
historique, artistique et esthétique certaine. Il peut être matériel (sites, monuments… etc.)
ou immatériel (langue, coutumes, savoir-faire… etc.). La définition de ces biens est liée à
la catégorie dominante de la société. Mais le patrimoine ne se limite pas aux objets, aux
monuments et aux espaces, il regroupe également des références partagées, des mémoires
collectives et des identités (Maria Gravari-Barbas et Cécile Renard, 2010, p. 57-73). Étant
donné que, la mémoire collective fait partie du patrimoine, sa valorisation ou son
effacement dépend de l’acte politique choisi dans l’aménagement.
Le recours à ces notions (la mémoire, l’histoire et le patrimoine) nous oriente vers des
discussions autour des courants de pensée. L’interprétation de ces valeurs et autres (tels
que l’homme, la ville, la société, la culture, la modernité, etc.) diffère d’un chercheur à un
autre, en fonction du mouvement qu’il adopte. Parmi ces mouvements, il y a les urbanistes
culturalistes18 et les urbanistes progressistes19. En terme d’esprit et de principes de
conception, ces deux mouvements sont bien distincts (tableau 1-01). Alors que, la pensée
culturaliste s’appuie sur la culture comme un élément phare dans toute conception
urbanistique, dont la mémoire et le passé sont les seules sources d’inspiration ; le
mouvement progressiste, regroupant des urbanistes influencés par le progrès
technologique, s’appuya sur l’innovation et le rejet total de la mémoire.

17 Mais selon P. Ginet et L. Wiesztort (2013), de nombreux groupes de mémoires collectives ont remis en
cause l’histoire depuis les années 60, du fait de la présence, parfois, de la subjectivité dans la sélection des
évènements formant l’Histoire.
18 La pensée culturaliste se base sur l’interrelation qu’entretient l’homme avec son milieu de vie, dont le but
figé est la mise en valeur de l’identité en se basant sur la culture. Le résultat est la satisfaction des besoins
spirituels et matériels de l’usager.
19 La pensée progressiste a pour objectif la création d’une ville idéale sous forme d’un modèle urbain de type
utile à tout moment et en tout endroit. Pour y arriver, elle se base sur le progrès et la modernité. De ce fait,
dans ses conceptions l’histoire n’a pas une telle valeur. En 1933, la charte d’Athènes a mis en cause toute
notion de tradition pour la remplacer par des formes plus simples assurant la réponse à quatre (04) fonctions
majeures : habiter, circuler, travailler et se récréer. La superposition de ces activités sur le plan spatial a fait
apparaître un zoning que nous distinguons difficilement dans les aménagements traditionnels connus par leur
diversité fonctionnelle sur le plan spatial.
54
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Tableau I-01 : Comparaison entre les deux mouvements de pensée (les culturalistes et les
progressistes)
La pensée progressiste La pensée culturaliste
L’importance donnée aux besoins L’importance donnée aux besoins
Valeurs

matériels typiques et universels. spirituels.


L’innovation et le progrès à travers le La nostalgie et le recours à l’histoire et
recours à la science et à la technique. à l’art.
Forme géométrique type, le zonage et La recherche de l’harmonie, de la
Principes de conception

la standardisation des édifices. beauté et de l’esthétique.


La mise en valeur des apports du côté
de l’espace

Recherche de l’efficacité et du identitaire et authentique des


rendement. composantes urbaines.
Relation entre bâtiments et homme.
Ville étendue ou éclatée. Ville compacte et intime.
Cette contradiction entre les deux mouvements de pensée explique l’influence du choix
politique sur la résistance ou l’effacement de la mémoire du lieu. Jusqu’aux années
soixante, devant la dominance de l’histoire, cette notion de la mémoire du lieu n’avait pas
de place dans les discours autour du passé. Après cette date, de nouveaux propos sont
apparus (P. Ginet et L. Wiesztort, 2013, p.03) redonnant sa place à la mémoire collective
du groupe. Selon M. Wieviorka (2001), l’instrumentalisation de la mémoire dans le but de
sa conservation est difficile, étant donné qu’elle est liée à des sentiments et des effets
subjectifs. Cet état s’accentue avec leur dispersion et parfois la contradiction des enjeux.

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Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Équilibre et Stabilité sociale et idéologique


stabilité des
groupes sociaux Mutation sociale et idéologique

Confisqué
Traitement social
Critères conditionant Participatif
la place de la
mémoire dans les
politiques , stratégies Universaliste
et projets Postures
d'aménagement idéologiques
Communautariste

Reproduction territoriale

Logiques
Recomposition territoriale
d'aménagement

Production territoriale

Figure 1-08 : La place de la mémoire dans l’aménagement du territoire (Pierre Ginet, 2013, p.07)
La mise en valeur de la mémoire ou la création d’une mémoire revalorise l’espace
(figure 1-08). Elle se tire de l’espace vécu et s’introduit comme une partie intégrante de
tout projet selon une vision rétrospective. Sur un espace sans mémoire, dont le passé est
peu connu ou méconnu, la création d’une mémoire pour la valorisation de cet espace est
une nécessité. Elle peut se réaliser à travers l’application d’une stratégie toponymique.
Cette dernière est basée sur la nomination d’un espace (rue, place publique, quartier… etc.)
par un nom d’un événement historique. La stratégie toponymique de valorisation
territoriale a pour but d’introduire l’histoire et des valeurs sociales dans la réalité
géographique. Sa valeur apparaît plus clairement pendant les guerres, à travers
l’introduction de nouveaux noms dans le but d’anéantir la mémoire du lieu et son identité.
2.3.1 Les interactions individu / espace vie :
L’usage d’un espace peut se définir comme l’ensemble des pratiques sociales qui y sont
exercées (figure 1-09). Bien qu’elles ne soient pas stables dans le temps, car elles se
modifient selon les événements, les attentes et les besoins des usagers aussi que leur
compréhension de l’espace public, ces pratiques lui donnent un sens. De même, elles
influent sur l’image mentale véhiculée entre ses usagers.

56
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Les usagers de l'espace public

Le premier usager Le second usager


Le troisième usager
utilise l'espace public traverse l'espace
travaille sur l'espace
comme une public lors des
public
destination deplacements

Figure 1-09 : Les usagers de l’espace public

Promenades, jeux,
Usage pérenne manifestations... etc.
L'usage de
l'espace
Usage temporaire Sport, détente, passe temps... etc.

Figure 1-10 : Les usages de l’espace (T. Arrif, 2009)

Figure 1-11 : Les interactions individu/espace vie

« Il ya des espaces ; ce ne sont que des sensations. Il y a la sensation,


l’ambiance. Ce sont des lieux où l’on ressent quelque chose – de différent. On ne
dit pas la même chose dans un petit espace et dans un grand espace. »
L. Khan (1996)

57
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Selon la théorie de Jürgen Habermas20, les relations qui s’articulent entre l’espace vécu
et l’usager de cet espace se subdivisent en trois grandes catégories (figure 1-11) :
 la première relation s’exprime avec le cadre bâti qui l’enveloppe,
 en second lieu s’articulent des relations d’ordre social entre les individus dans
l’espace vie,
 et le troisième groupe englobe tous les sentiments des usagers dans l’espace.
Cette catégorie est subjective, car elle dépend de l’expérience personnelle de
l’usager dans cet espace.
Ce troisième groupe englobe les différentes sensations citées plus haut par L. Khane
(1996), pour qui les usagers d’un même espace n’auront pas forcément les mêmes
sensations envers cet espace. En effet, le changement d’un espace à un autre n’exige pas la
persistance de la même sensation chez l’usager. À ce sujet, une hypothèse a été proposée
par Marc Bertier (2012)21, qui porte sur la présence d’une interaction ou d’un « discours »
entre l’espace et son usager. En considération de la présence de différents comportements
et réactions, ce discours est défini comme l’ensemble des sensations, autrement dit
« l’ambiance ». Parmi les éléments nourrissant ces interactions apparaît le mythe.
2.3.2 L’espace public / le fonctionnalisme et la crise identitaire :
Selon le Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement de Pierre Merlin et Françoise
Choay (1988), l’espace public est considéré comme « la partie du domaine public non bâti,
affectée à des usages publics ». Selon D. Delbaere, il constitue « le cadre spatial de
l’échange et de la confrontation sociale ». Dans ces deux définitions apparaît l’importance
de la part sociale, bien qu’elle ait perdu son importance suite à la révolution industrielle.
Pendant cette période, les villes ont connu des développements anarchiques. Afin de
résoudre ce problème, en 1933 la charte d’Athènes, comme résultat de la pensée
progressiste, est venue pour mettre de l’ordre selon ses quatre principes : habiter, travailler,
se récréer et circuler. Cette pensée fonctionnaliste avait deux points faibles. Le premier est
l’ignorance de la vie sociale, des héritages de la société et des spécificités de chaque
espace. Ce qui a donné des espaces uniformes et sans identité, mais pas des lieux. Le
second point est la transformation progressive des étendues pour prendre en charge des
fonctions de circulation. La prise en compte de cette fonction décline la valeur de la place
publique par rapport aux réseaux de circulation.

20 La théorie de l’agir communicationnelle (1987).


21 Son étude a été basée sur l’analyse du rapport entre l’architecture domestique et la sensation qu’a l’usager.
58
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

La standardisation touche à la fois l’environnement urbain et la vie sociale.


L’homogénéisation de l’économie, des modes de gouvernement et des principes
d’aménagement donne comme résultat une homogénéisation et une standardisation de
l’environnement urbain. De même, la normalisation influence les pratiques des individus ;
ce qui engendre une standardisation des usages urbains et des pratiques urbaines.
Bien qu’elle ait causé une crise de l’espace public, cette standardisation a été
productrice de l’identité, étant donné qu’à un moment, la peur de perdre son identité
nécessite le retour à l’identique comme une expression de la singularité, comme le
mentionne le philosophe F. Triki : « l’affirmation de l’identité […] une manière de se
positionner dans le monde, qui, en réactivant le retour à soi, prend en compte à la fois la
mutabilité de l’environnement et l’être-à-venir de l’homme ».
Nous avons signalé que la popularisation du vocable « Lieu de mémoire » est due à
l’historien Pierre Norra (1984). Notons que l’œuvre de cet historien est considérée par
certains commentateurs comme un essai nostalgique qui a pour but de retenir une gloire
passée. Elle peut être qualifiée selon Anne Bourgon comme la compréhension parfaite
d’une forte demande sociale à l’égard du patrimoine, à travers la compensation du
« déracinement historique du social et l’angoisse de l’avenir par la valorisation d’un
passé qui n’était pas jusque-là vécu comme tel ». De ce fait, seul le retour vers le passé
semble être une réponse à cette peur de la perte de l’identité, la précarité, la standardisation
du contemporain et l’incertitude devant l’avenir. Selon Bourgon, ce retour aura pour but de
« trouver des repères, créer du vivre ensemble et tenter de retrouver une identité
spécifique ».

59
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Conclusion :
Le recours à la standardisation dans les pays du monde arabe a généré une sorte de crise
identitaire, étant donné que ce qui est construit pour un homme type et un mode de vie
typique correspond à une ville idéale en opposition totale avec la composition spatiale et
les spécificités socioculturelles locales. Il est difficile de chercher une identité claire propre
à la ville arabe face à cette fracture imposée depuis plus d’un siècle. En tenant compte de
l’importance de l’identité dans les conceptions urbanistiques, la valorisation de l’originalité
et la mise en valeur des repères identitaires face au développement nous renvoient à une
perméabilité des savoirs. De même, tout rejet de ces valeurs nous emmène à parler soit
d’un enfermement soit d’une acculturation.
En 2009, en raison de la situation du développement économique et son influence sur la
production de l’espace et de l’information, de nouvelles notions ont vu le jour. Dans son
livre « Les nouveaux principes de l’urbanisme », François Ascher mentionne l’avènement
d’une troisième révolution urbaine. Car les deux éléments phares, la cohésion sociale et la
cohérence territoriale ne peuvent en aucun temps être attendus si nous nous limitons à des
conceptions types uniformes, tout en écartant les besoins humains, spirituels et existentiels,
et les mutations caractérisant la ville contemporaine.

60
Chapitre I : Approche théorique, des essais de définition

Travaux cités :
AGIER, Michel (1996). Enquête : Les savoirs urbains de l’anthropologie, in La ville des
sciences sociales n°04, p. 35-58. URL :
http://enquete.revues.org/sommaire633.html, article mis en ligne le : 22/10/2008.
ANNE, Gilbert (1986). L'idéologie spatiale : conceptualisation, mise en forme et portée
pour la géographie. In : Espace géographique [en ligne], tome 15, n°1, p. 60,
URL : www.persee.fr/doc/spgeo_0046-2497_1986_num_15_1_4092 .
APPADURAI, Arjun (1996). Modernity at Large: Cultural Dimensions of Globalization,
U of Minnesota Press, p. 229.
ARRIF, Teddy (2009). Les représentations sociales liées au lieu de résidence au sein du
parc de Bercy, Université Université Paris Nanterre, Métropoles, n°5.
ASCHER, François (2004). Les nouveaux principes de l’urbanisme, Éditions de l'Aube,
collection : Poche Essai, p.110.
AUGOYARD, J.F. (1982). c.f BAUTES, Nicolas et GUIU, Claire (2010). Cheminements
autour de l’identité urbaine, in La France en ville, Editions Atlande, p.122. Dans
Archives-ouvertes [en ligne], URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-
00523340/document, publié le : 06/10/2010, consulté le : 23/05/2012.
BAUTES, Nicolas et GUIU, Claire (2010). Cheminements autour de l’identité urbaine, in
La France en ville, Editions Atlande, p.122. Dans Archive-ouvertes [en ligne],
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06/10/2010, consulté le : 23/05/2012.
BERTIER, Marc (2012). « L'ambiance urbaine, une impression culturelle ? -
Déconstruction des sensations urbaines à partir de l'architecture domestique »,
dans International Congress on Ambiances : Ambiances in action/Ambiances en
acte(s) (Montréal, Sep 2012), Thibaud, Jean-Paul and Siret, Daniel, Montréal,
Canada. International Ambiances Network, p.739-742. Archives-ouvertes [en
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66
CHAPITRE II :
DE LA CITÉ ROMAINE À LA
MÉDINA ARABO MUSULMANE
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Introduction :
La réorganisation des événements permettent la reconstruction de l’histoire de la ville
de Constantine. Cette réorganisation commence de la préhistoire à la veille de la
colonisation française, en passant par la conquête arabe et l’occupation ottomane. Cela
facilite la compréhension de l’évolution de son organisation socio spatiale à travers le
temps.
Les installations humaines ont toujours eu des relations directes avec l’existence de
l’eau, cela est vérifié par la découverte - lors des fouilles de certains abris - du matériel
lithique (broyeurs, meules, haches polies, silex, spatules, aiguilles en os… etc.) sur les
rives du Rhumel. Certaines découvertes remontent à l’âge néolithique et d’autres au
paléolithique moyen. D’autres découvertes : des ossements de quelques animaux
comme l’Ours, le Rhinocéros, des os de Zèbres et autres, ont été faites dans les différentes
grottes taillées dans la falaise sur les deux rives du Rhumel : Grotte des Ours, Grotte des
Mouflons, Grotte des Pigeons. Cette première forme d’occupation fut un début de création
et d’évolution d’une ville riche dans tous les sens, en termes d’histoire, de patrimoine et de
culture.
Ce chapitre n’est pas consacré à la citation des découvertes archéologiques, mais à la
restitution de l’histoire de la ville de Constantine depuis l’Antiquité à l’avènement de la
colonisation française. Il se subdivise en deux volets. Le premier a pour objectif la mise en
lumière de l’histoire de Cirta pendant l’Antiquité en se basant sur différentes découvertes
archéologiques. Le second volet s’intéresse à la médina de Constantine, à son histoire et sa
structure sociale et spatiale.

68
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

1. Constantine pendant l’Antiquité :


Attirés par l’eau, les hommes préhistoriques habités les grottes creusées dans la muraille
de sidi M’cid (la grotte des ours et la grotte du Mouflon) ou entaillées dans la falaise sur
l’autre côté du ravin (la grotte des Pigeons), et se nourrirent de la pêche et de la chasse (L.
Leschi, 1937, p21). Comme témoignage de ces civilisations des âges de la Pierre, les
fouilles élaborées par A. Debruge ont mis en lumière des restes d’industrie du
Paléolithique moyen et du Néolithique ancien (L. JOLEAUD, 1937, p.10). Le peuple
autochtone du rocher (appelé autrefois Lybien par les Grecs) est Berbère. Il se rattache par
parenté aux vieilles races de l’Égypte et de l’Abyssinie.
1.1 La Kalaa préhistorique :
Constantine avait le caractère d’une Kalaa. La partie supérieure du rocher fut un lieu de
refuge des habitants. Le rocher est creusé de nombreux souterrains, qui étaient destinés à la
conservation des céréales. En référence à Strabon, tout Kalaa évolue à coup sûr vers un
lieu d’échange, donc il est évident que « très tôt Cirta soit devenue un grand marché ».
Selon L. Joleaud, les débuts de cette Kalaa remontent au Néolithique récent berbère.
En référence à L. Leschi (1937), l'âge historique pour cette ville ne commence guère
qu'au IIIe siècle avant J-C. À cette époque, elle porte le nom de Cirta (L. Leschi, 1937,
p21). De son point de vue, elle était disputée entre deux convoitises : celle des Numides de
l'Est ou Massyles et celle des Numides de l'Ouest ou Masaesyles. C’était une acropole, une
ville forte jouant le rôle de citadelle et d’une ville marché (avec ses caravansérails, ses
fondouks, ses boutiques …etc.). Cirta est citée en tant que capitale du roi Syphax dès la fin
du IIIe siècle avant J.C (Abderrahman Khelifa, 2008). Elle est mise dans la gamme des
plus vieilles cités de l’Afrique du Nord. Chez les géographes, elle était une ville riche. Sa
richesse est due à l’installation des rois numide dans cette cité.
Avec Massinissa et ses successeurs, Cirta connut une stabilité et un destin de capitale
d'un grand royaume. En référence à L. Leschi (1937), Cirta à cette époque « occupait
assurément la partie la plus élevée du rocher, groupée autour de la Kasbah actuelle qui,
selon toute vraisemblance, a été jadis l'emplacement du palais royal. Elle ne devait pas
être très différente d'aspect des vieux quartiers de la ville actuelle, avec leurs lacis de
ruelles en escaliers, leurs impasses, leurs maisons étroites et serrées les unes contre les
autres, les boutiques obscures et ici et là une placette minuscule faite par un carrefour de
voies. ».
L’une des principales découvertes de cette période remonte à 1950. C’est le sanctuaire
d’El Hofra (figure 2-01). Ses vestiges sont apparus lors des travaux de construction de
69
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

l’usine Renault sur la rive gauche du Rhumel. Selon les archéologues, ce sanctuaire
contient des stèles dédiées à Baal Hamon. Il date de la fin du troisième siècle et du début
du deuxième siècle avant J-C. Selon A. Berthier (1952), il s’étale sur une surface
rectangulaire d’une longueur de 32 m et d’une largeur de 26,5 m. Il est composé d’une
petite chambre, un couloir et une cour contenant une construction au centre (A. Berthier et
R. Charlier, 1952, p. 05-08).
Avec l’installation des pionniers phéniciens, les Berbères nomades de Constantine,
influencés par cette civilisation, ont adopté certains cultes et rituels carthaginois (Éd.
Amanar, 2009, p.18), étant donné que sur le site de la colline d’El Hofra (hôtel
transatlantique) s’articulaient, autrefois, des cérémonies dédiées à la déesse carthaginoise
de la fécondité Ball-Tanit.

Figure 2-01 : Le sanctuaire d’El Hofra (A. Berthier et R. Charlier, 1952)


Dix ans plus tard, et en complément de ce qu’un paysan français avait trouvé en
plantant des arbres, André Berthier a pu mettre en lumière un habitat sous forme d’un îlot
(figure 2-02) dans le quartier de Sidi M’cid. D’une forme rectangulaire, cet îlot contient
dix logements répartis équitablement sur les deux côtés Est et Ouest ; dont chacun
regroupe deux à trois pièces de petite superficie.

70
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Figure 2-02 : Les vestiges découverts par A. Berthier à Sidi M’cid (A. Berthier et R. Charlier,
1952)
Le reste des travaux de fouille dans le Koudiat Aty, Belle Vue et El Mansourah ont fait
apparaître des éléments datant de la même période que le sanctuaire d’El Hofra et l’habitat
de Sidi M’cid, et appartenant à des cimetières du IVe, IIIe et IIe siècle av. J.-C. (A.
Berthier, 1981, p.164).
1.2 Cirta ou ville de Juba (IVe siècle) :
En 46 av. J.-C, Cirta tomba entre les mains des auxiliaires des Romains au cours de la
compagne de César en Afrique. Après la défaite de Juba 1er, elle devient la capitale d’un
fief donnée à Sittius. Après sa mort l’an 44 av. J.-C., Cirta fut rattachée à la province
d’Africa Nova. C’est à cette date que fut créée la colonie romaine de Cirta : Colonia
Juvenalis Honoris et Virtutis Cirta. Elle a pris le nom de Sittius, César et aussi de ces
Juvenes (L. Leschi, 1937, p28-29).
« Passée du rang de capitale d'un royaume à celui de colonie maîtresse d'une
confédération, isolée par la rupture de cette confédération au milieu du m" siècle, Cirta ne
redeviendra capitale de province qu'en 297, sous Dioclétien, lorsqu’elle sera capitale de la
Numidie Cirtéenne » (L. Leschi, 1937, p31). Au début du IVe siècle, Cirta, capitale des
Numides, a été détruite à la suite d’un incendie ordonné par Maxence. Dans l'intention de
la faire revivre, Constantin l’a reconstruite. À partir de là, Cirta a abandonné son vieux
nom afin de prendre celui de Constantin, son nouveau bienfaiteur (L. Leschi, 1937, p31).
Selon les descriptions d’El Idrissi et du reste des écrivains et chercheurs qui se sont
basés sur les découvertes archéologiques, à cette époque la ville de Juba était circonscrite
dans l’étendue du Rocher. En dehors de ces limites se trouvaient des habitations éparpillées
et entourées de jardins (figure 2-01). Un peu plus loin s’étaient implantés d’autres

71
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

faubourgs tels que Mugae qui se situe sur le plateau d’El Mansourah. Le cimetière qui
devait être toujours à l’extérieur de la cité occupa le sommet et les pentes du Koudiat Aty.
Massinissa et ses fils avaient engagé des travaux d’embellissement de cette cité pendant
la période de leur gouvernement, ce qui la transforma rapidement en une opulente et
luxueuse cité. Cette évolution peut apparaître dans la diversité et l’importance des
équipements implantés (Ernest Mercier, 1903, p.70), comprenant de nombreux édifices
publics, des voies triomphales avec des statues et arcs de triomphe, des autels, des
amphithéâtres, cinq ponts (trois grands et deux petits) reliant les rives du ravin, etc.

Figure 2-03 : Image de la cité romaine élaborée selon les descriptions des chercheurs (image de
l’archive)
En référence à E. MERCIER (1903), Cirta la cité royale berbère tomba aux mains des
légions de Maxence en 311 et fut détruite par les vainqueurs.
Entre 430 et 535, les Vandales occupèrent Cirta, mais ne laissèrent aucune trace
construite (A. Bouchareb, 2016, p.177)1. Mais, l’idée de reconquérir l’Afrique n’a jamais
était abandonnée par les héritiers romains, ainsi l’empereur Justinien rassembla une armada
de 500 vaisseaux et de 16 000 soldats et confia le commandement à Bélisaire (A.
Bouchareb, 2016, p.182). Après la défaite des vandales et la récupération de l’Afrique, le
général byzantin Salomon s’est chargé de la fortification et l’organisation du pays et
l’exécution d’une autre ligne de défense à l’entrée des Hauts Plateaux. Depuis, La
« Numidie fut de nouveau érigée en province, avec un duc, ou praeses, chef militaire sous
les ordres du Préfet du Prétoire d’Afrique, résidant à Carthage, et toute une organisation
administrative » (E. MERCIER, 1903, p.65). Les soldats envoyés dans les villes
importantes et sur la ligne des frontières ne trouvèrent que des ruines. À Constantine, les

1 Seulement deux éléments retrouvés peuvent témoigner ce passage à Cirta : « un lot de monnaies
découvertes en 1949 à Hamma Bouzian » et « un macabre faisant état d’un meurtre commis par Genséric »
(A. Bouchareb, 2016, p.177).
72
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

soldats byzantins s’établirent dans le Castellum (la Kasba actuelle) et s’en chargèrent de la
réparation des fortifications de la ville.
Cette période byzantine était caractérisée par des luttes contre les révoltes berbères,
mais le territoire de Constantine et sa province demeurait à l’abri de ces événements.
Déclassée de son rang de capitale, Constantine joua un rôle assez réduit pendant cette
période. Comme résultat de ces révoltes, vers 640 l’occupation grecque de l’Afrique se
réduisait à la province de Carthage et à la Numidie. Simultanément, les Arabes venaient de
conquérir la Syrie et la Palestine.
Malgré le nombre important des inscriptions découvertes, Cirta n’a conservé que peu de
vestiges appartenant à cette époque (figure 2-04). Selon Ch. Vars (1893), à l'exception des
relevés archéologiques élaborés par la colonisation française lors de la construction de la
ville coloniale, une grande partie des traces de cette époque est aujourd’hui méconnue.
Selon un autre point de vue, celui de A. Ravoisie, les colons ont participé à la destruction
des vestiges afin de construire leur forteresse.
Lors de l’arrivée des Arabes, la colonisation romaine, malgré toute sa puissance et qui
s’est implantée là pendant des siècles, avait disparue. Les Berbères (le peuple autochtone)
qui avaient été dans l'ancien temps les défendeurs de leur pays, n’étaient plus en l’état de
se défendre, mais à la recherche d’une reconstitution nationale.

73
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Figure 2-04 : Constantine dans l’antiquité, des éléments permanents (PPSMVSS vieille ville de Constantine, B.E.T Jennie Kribeche, 2011)

74
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

2. La médina de Constantine :
2.1 L’avènement de l’Islam :
À l’époque de l’expansion de l’islam, l’armée musulmane a connu une grande défaite
lors de sa rencontre avec les guerriers de la Kahina Damia Bent Yenfaq (‫ )دامية بنت ينفاق‬qui,
suite à ce contact, a pris la décision de détruire toutes les villes et les villages qui étaient
visés par l’armée des musulmans. À leur arrivée à Constantine, les soldats de la Kahina
n’ont pas pu accéder à la ville. Mais, ils l’ont cernée et ont détruit quelques ponts et
citadelles à l’extérieur de la ville.
Selon E. Mercier, le rôle de Constantine durant cette conquête était méconnu, mais sans
nul doute Okba à l’exemple des premiers généraux arabes a évité les forteresses occupées
par les Grecs et passa par le Zab, de même qu’en raison de sa fortification, cette cité ne
s’ouvre pas facilement aux envahisseurs (E. Mercier, 1903, p.84-86).
Après sa soumission et à l’instar des villes islamiques ou islamisées, Constantine reçut
des équipements structurants2 de la nouvelle religion, à commencer par l’édification de la
première mosquée de cette Medina sous l’ordre du capitaine Okba. Depuis, cette ville s’est
épanouie. En référence à El Idrissi au XIIe siècle, Constantine était entourée d’une
enceinte percée de deux portes.
Selon une description du voyageur Hassan Al Ouezen (Léon l’Africain)3, la ville
possédait deux accès, petits et étroits, l’un du côté Est et l’autre du côté Ouest. En plus de
ces accès, le voyageur a donné une description détaillée des portes de la ville et de ses
maisons. Dans cette description, El Ouezen estime le nombre d’habitants à 8000 habitants.
Il mentionne la présence de quelques équipements cultuels et culturels tels qu’une grande
mosquée, deux medersas, et trois ou quatre zaouïas. Il cite aussi les marchés de la ville
dans lesquels chaque métier occupait un espace précis, en formant des corporations de
métier réparties judicieusement. Un autre élément apparaît clairement : c’est la dominance
des marchands de tissus de laine fabriqués localement.
Cette description a été soutenue par un autre chroniqueur espagnol Luis del Mármol
Carvajal4. Ce dernier avait passé 22 ans depuis 1535 à voyager dans les villes du Maghreb,

2 Les équipements structurants de la religion islamique sont : la grande mosquée, El Mahkama, Dar El
Immama, Dar Es-Sikka (elle a la valeur d’une banque. Elle n’est présente que dans de grandes villes, et elle a
pour rôle de frapper la monnaie.).
3 Hasan ibn Muhammad al-Wazzan al-Fasi est un diplomate et explorateur d'Afrique du Nord (XVe et XVIe
siècles).
4 « Luis del Mármol Carvajal, né en 1520 à Grenade et mort en 1600 à Vélez-Málaga, est un chroniqueur
espagnol ayant vécu de nombreuses années parmi les habitants morisques de l'ancien royaume maure de
Grenade et dans les régions berbères de l'Afrique du Nord, durant une bonne partie du XVIe siècle. »
Source : https://data.bnf.fr/fr/12140619/luis_del_marmol_y_carvajal/
75
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

et parmi elles Constantine. L’auteur a mentionné la présence de deux étroits accès à la


ville, l’un à partir d’une porte construite en pierres taillées bien décorées représentant l’un
des plus beaux éléments de la ville. En plus de la description de l’accès, l’auteur attire
l’attention sur le nombre des maisons habitées dans la ville et qu’il estime à 80005. Ces
maisons se caractérisaient par leur harmonie malgré leur séparation les unes des autres.
Selon Ahmed Ben M’Barek El Attar (1790-1870), du côté Ouest de la ville, il y avait
une grande tour connue sous le nom d’Assous (‫)أسوس‬. En raison de sa grande hauteur, si
nous allumions une bougie au sommet de cette tour, nous pouvions voir sa lumière depuis
la ville de Bejaïa. Cette tour a été mentionnée encore une fois par l’historien Ernest
Mercier (1878) dans son ouvrage « Constantine avant la conquête ». Mais selon
l’historien, cette tour romaine qui avait donné son nom à la rue de la tour à l’époque
coloniale a disparu lors de la rectification du rempart du côté Ouest de la médina (E.
Mercier, 1878, p. 21).
2.2 Constantine pendant la présence Ottomane :
Détruite par les Vandales et reconstruite par les Musulmans, selon M. Kaddache (1980),
Constantine était l’une des principales villes de l’État hafside. Elle abritait une population
essentiellement berbère répartie en quartiers ou « çoffs » appartenant à de grandes familles.
En dehors des limites du Rocher, les princes hafsides avaient un hippodrome et des parcs
de plaisances portant le nom de « Ryad » comme le cite l’auteur.
Après la chute du royaume musulman en Andalousie en 1492, les Musulmans et les
Juifs pourchassés se réfugièrent dans les villes côtières du Maghreb (F. Benidir, 2007,
p.43). Menacés par les Espagnols poursuivant ces réfugiés, les gouverneurs algériens
avaient fait appel aux frères Barberousse. Depuis cette date l’Algérie a fait partie de
l’Empire ottoman. En 1565, elle a été divisée en trois beyliks, dont Constantine était la
capitale du beylik Est.
2.2.1 L’occupation de la ville suite à une longue résistance :
Selon Ernest Mercier et Vayssettes, l’ambition des Turcs pour prendre Constantine
remonte à 1517. D’après l’historien El Antari, l’accès des Turcs à la ville de Constantine
ne fut pas facile compte tenu de sa fortification, de la résistance de ses habitants et de la
présence d’autres conquérants. En 1519 la ville a connu la première attaque de l’armée
turque sous le commandement du capitaine Hacene, qui a pu la prendre. Sept ans plus tard,

5 La présence du même chiffre apparait comme une confusion entre le nombre d’habitants et le nombre des
maisons habitées. Cette confusion est probablement due à la prise de l’information d’une autre source. Cette
probabilité est basée sur l’opinion que certains voyageurs n’ont pas séjourné dans la ville, mais l’ont explorée
à l’aide d’autres écrits.
76
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

les Turcs ont cédé la place aux Hafsides avant de la reprendre en 1534 une deuxième fois.
Mais la ville a pu sortir de cette domination, avant de la récupérer en 1567 ou 1568 pour la
troisième fois. Elle put se libérer une troisième fois avant de la reprendre pour la quatrième
fois. Vers 1572, la population se révolta contre les pouvoirs turcs, mais sans pouvoir se
libérer. Ce n’est qu’après cette date qu’est apparue l’occupation turque, proprement dite.
La résistance populaire a poussé l’armée turque à garder une position de blocus, dans
l'intention d’isoler la ville. Cet état a duré longtemps, ce qui a fatigué la population
indigène à l’intérieur de la ville, tout autant que les soldats à l’extérieur. Dans le but de
restituer la paix à la ville, Cheikh El Fgoun, l’un des membres des familles riches de la
ville, a pu convaincre les habitants sur la nécessité d’une réconciliation avec les Turcs.
Selon Cheikh Abd El Krim El Fgoun, au XVIIe siècle cette ville avait subi de nombreuses
catastrophes. Parmi elles, nous pouvons citer :
 L’arrivée des criquets qui a engendré de grosses pertes aux agriculteurs et rendu
impure l’eau de l’Oued pendant plus d’un mois.
 La multitude des attaques par des adversaires étrangers.
 La propagation de la famine et la prolifération de la peste, qui ont entraîné la
mort d’un nombre important d’habitants.
Malgré leur réconciliation avec les habitants, les pouvoirs turcs ont gardé leur place à
l’extérieur de la ville. Ils sont restés environ sept ans sans avoir aucun contact avec les
habitants de la ville. Mais la situation changea avec la nomination de Hacene Ben Farhat
comme premier Bey de la ville en 1646. Dans toutes les villes occupées par les Ottomans,
le choix du bey est exclusivement réservé aux pouvoirs turcs. Ce qui fait l’exception par
rapport au reste de ces villes est le fait que le choix du bey a été confié aux habitants de
Constantine.
2.2.2 Installation des pouvoirs turcs dans la ville de Constantine :
Pendant leur installation dans la ville, et depuis 1534, les Turcs se sont basés dans leur
politique sur l’importance et le rôle dominant des grandes familles (E. Vayssettes, 1867,
p.281-282), principalement - au début - sur la famille Ben Abd El Moumen. Une
génération après, plus précisément en 1567, la ville a été divisée spatialement entre deux
familles les Ben Abd El Moumen et les Ben Lefgoun :
 La partie basse était occupée par la famille Ben Abd El Moumen et par les
habitants du quartier Bab El Djabia connu sous le nom de « Ahl Haoumet Bab El
Djabia ». Leur cheikh, Sidi Abd El Moumen était toujours en opposition à la
domination turque. Même après la réconciliation, il ne changea pas de point de
77
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

vue durant les trois premières années. À la suite d’une réconciliation, le grand
cheikh fut invité par les pouvoirs turcs à leur citadelle à El Mansourah, dans le
but de l’assassiner. Ils le tuèrent donc avant d’écorcher sa dépouille (Ernest
Mercier, 1879, p.11), de la remplir avec du coton et de l’envoyer à Alger.
 La partie haute regroupait le reste des habitants de la ville et la famille Ben
Lefgoun, et occupait les quartiers de El Batha à la Kasbah.
Pendant ces deux siècles d’occupation, la ville de Constantine n’a pas connu de grands
changements. Selon Jean-André Peyssonnel, le mauvais cadre de vie était son caractère le
plus remarquable en 1724/1725. Dans sa description, il a mentionné des éléments, tels
que : les maisons mal construites et les rues qui sont non seulement mal percées, mais qui
sont soit non pavées, soit très sales. Cet état décrit par Peyssonnel peut être expliqué par
l’ensemble des évènements qu’a connu la ville depuis l’attaque des guerriers de la Kahina.
En plus des destructions causées par cette attaque, Constantine n’a pas connu de travaux de
réédification ou de fortification, compte tenu qu’elle est tombée plusieurs fois sous la
domination soit des rois de Marrakech (des Almohades ou des Almoravides) soit des
sultans de Tunisie (les Hafsides) avant l’arrivée des Turcs. Selon A. Ben M’Barek El Attar,
durant toute cette période, la ville n’a connu que trois ans d’indépendance.
Après cette longue période de destructions et sous l’autorité du Bey Hacene Abu H’nek,
Constantine connut de grands travaux de régularisation des rues et d’amélioration des
façades dont le but était l’embellissement de la ville. Ces interventions ont donné des
possibilités d’extension du côté de Souk El Kabir, notamment avec l’aménagement des
rues et l’édification de la mosquée Sidi Lakhdar.
Avant l’arrivée de Salah Bey, la ville était limitée dans sa partie Nord à Maqâd-El-Hout,
le reste était des terrains vagues et quelques maisons en mauvais état. Sous son autorité,
Saleh Bey a donné le fil conducteur des extensions à travers la réalisation de quelques
équipements d’une importance certaine, proches de Souk El Acer, parmi lesquels : un
palais, une Medersa, Souk El Geumâa et une mosquée.
Un autre indice est apparu dans la description de l’historien Ahmed Ben M’Barek El
Attar (1790-1870), c’est la présence de sept ponts dans la ville et d’un seul sur l’Oued. Ces
huit ponts ont disparu avec le temps, et c’est à l’époque de Saleh Bey que l’un des ponts a
été réédifié

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Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Figure 2-05 : La médina de Constantine avant la conquête française 1837 (Ernest Mercier, 1878)

79
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

2.3 Les spécificités de la médina de Constantine :


2.3.1 Le système de défense :
La ville islamique en général ou la médina comme nous l’avons décrite plus haut est
conçue de bout en bout pour être à l’écart du danger. Une chose non négligeable est que
toute composante de la ville répond au fur et à mesure aux conditions de sécurité. Parmi
lesquelles, nous pouvons mentionner la création des artères reliant les quatre portes, et qui
ont des largeurs plus ou moins distinctes ; des impasses mises en place dans l’intention de
rendre l’accès à la résidence du gouverneur plus difficile aux étrangers pendant la guerre,
afin de mieux la protéger.
La première inclinaison qui se situe juste après la porte principale de la ville permet aux
défenseurs de voir la partie droite de l’ennemi, donc l’attaquer rapidement sur un point
faible. Prenons à titre d’exemple deux gravures de Bab El Djabia dessinées par le capitaine
Delamane en 1850 (figure II-11). Sur le premier dessin apparaît la porte, vue de l’extérieur.
Mais, sur le second plan, une inclinaison vers la droite est apparue. Elle est obligatoire
pour accéder à la ville. En appliquant le principe cité bien avant, toute personne traversant
cette porte est aperçue de son côté droit. De ce fait, cette inclinaison constitue l’une des
stratégies ou l’une des lignes de défense de la ville.
Un second principe de défense apparaît dans la conception et la localisation des Rahba.
Au début, il faut mentionner que les principaux axes conduisent directement vers ces
Rahba qui se caractérisent par leur ampleur au centre et leur étroitesse vers les extrémités.
Ce changement de dimensions a pour but d’entourer les ennemis, afin de mieux les
contrôler, pendant les guerres. De ce fait, l’étroitesse des ruelles et des impasses, la hauteur
limitée des maisons et leur accolement ne sont pas des hasards, mais le tout est destiné à
protéger et à mieux contrôler l’espace de la médina.
Au même titre, du reste, que les autres médinas, Constantine était protégée par une
enceinte. Mais qui ne l’entoure pas complètement du fait de la présence d’une autre forme
de remparts naturels (résultat de sa création sur un rocher difficilement accessible). En
observant les vestiges du rempart sur la partie qui s’étale entre Bab El Oued et Bab El
Jabia, nous remarquons que l’enceinte était en double muraille. Ce qui signifie la présence
d’un point stratégique et à la fois à accessibilité facile.
D’après le Registre des Habûs (‫)دفتر األحباس‬, une somme d’argent a été consacrée à
l’entretien des parties détruites de l’enceinte de la ville, et à l’élévation des parties basses
considérées comme accessibles aux ennemis, afin d’assurer leur fortification. Selon l’acte

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Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

mentionné dans la page 35 du manuscrit (figure 2-06), ces travaux d’entretien et de


fortification ont été élaborés gracieusement par un groupe de maçons spécialisés.

Figure 2-06 : Les Habûs réservés à l’entretien et la fortification des remparts 6


En plus des stratégies mentionnées ci-dessus, la défense et le contrôle du territoire
étaient assurés par trois casernes. La première est celle de la casbah, construite à l’époque
almohade et restaurée à deux reprises sous les Hafsides (M. Kaddache, 1980, p.153). La
seconde est celle des janissaires (la maison d’Ahmed bey). La troisième caserne est celle
qui fait partie du palais de bey (palais des hôtes).
2.3.2 Les entrées de la médina :
Suivant les normes de défense et les principes de circulation dans les médinas en
général, l'accès se faisait à travers une porte de la hauteur d’un cavalier (cheval ou
chameau + l’homme + la hauteur de son arme). L’enceinte de la médina de Constantine
avait comme percées quatre portes, dont la fonction différait l’une de l’autre.
Bab El Oued (figure 2-07) du côté Sud-ouest s’ouvrait sur un axe principal, sur les
principaux Souks de la ville (Souk Et-tojjar, Souk El Kebir, Souk El Khalq), de même que

6 En référence au manuscrit, cet acte remonte à l’an 669 de l’hégire.


81
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

sur quelques Souks spécialisés. Cette porte menant vers Rahbet Essouf se trouvait autrefois
du côté de « la Brèche », proche de la grande poste actuelle. Après la chute de la médina de
Constantine en 1837, cette porte a été détériorée partiellement, pour être remplacée par la
porte du Valée. Selon un dessin de Ch. Nodier (1844), cette nouvelle porte occupait
presque le même emplacement que l’ex-entrée Bab El Oued. En plus, elle était identique à
elle en termes d’orientation.

Figure 2-07 : Bab El Oued à l’époque ottomane (dessin de Charles Nodier, 1844)

D’après un autre dessin


(figure 2-08), cette porte
regroupait les boutiques des
droguistes. Selon Félix
Antoine, ce regroupement
portait le nom de Souk El
At-Tarine de Bab El Oued7.
Figure 2-08 : Les boutiques des droguistes à Bab El Oued
Cette porte donne accès à Rahbet EL Bled (‫ )رحبة البالد‬ou, comme elle est mentionnée
dans le registre des Habûs de Salah bey, sous le nom de Rahbet Constantine (‫)رحبة قسنطينة‬.
À une certaine distance de Bab El Oued, et à l’intersection des deux principaux axes
menant vers Souk El Djumuâa et Bab El Kantara se trouve Souk El Mouqof.

7 Mais, il faut faire la distinction entre Souk el At-tarine qui se trouve à l’intérieur de la médina, précisément
à l’angle des rues Casanova et Rouaud, et celui présent à Bab El Oued.
82
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

La deuxième porte est Bab El


Kantara (Figure 2-09). Elle remonte à
l’époque romaine, elle donnait accès à
Cirta. Actuellement, elle est la mieux
connue par les habitants et les
visiteurs de la vieille ville. D’après El
Bekri8, cet accès a pris son nom
actuel pendant l’occupation ottomane.

Figure 2-09 : Bab El Kantara


Compte tenu de son importance, les Turcs avaient créé une petite placette proche de
cette entrée. D’après Schlosser, il y avait autrefois une Rahba à une distance de mille pas
de cette porte. Cette Rahba était un Souk portant le même nom que la porte. Selon le même
auteur, elle s’étalait sur une superficie dont le rayon était égal à soixante pieds.
Suite à l’occupation française, et en raison de l’importance donnée à cet axe, cette
placette a connu une évolution en termes de superficie et d’importance, du fait qu’elle était
le point de convergence de trois principaux axes.
De l’époque numide à l’époque des Almohades, cette ville ne possédait que deux portes.
Mais, à la lumière de l’évolution économique qu’a connue à l’époque hafside et dans le but
de faciliter la circulation ; une troisième porte était édifiée sur le côté Sud de la médina,
portant le nom de Bab El Djabia. Selon Fendline Schlosser, Bab El Jabia se trouve à une
distance de 200 pas de Bab El Oued. Elle donne accès au quartier de Bab El Djabia et
représente le point de départ de l’axe menant vers la porte de Bab El Kantara du côté Est.
« La porte El-djebia s’ouvre sur un quartier très populeux. Les maisons sont
pauvres et les boutiques singulièrement petites ; une foule compacte s’y remue
incessamment, et il est facile de voir qu’elle est presque entièrement composée
d’étrangers à la ville » Louis Régis (1879)
Bab El Djabia mène vers le quartier de Souika et dessine la localisation des citernes
d’eau. Vers 1853, en faisant un inventaire des vestiges de Constantine, A. Charbonneau
(1853) a mentionné la présence de « gros massifs de blocage lié par du mortier séparés
tous les cinq mètres par des pierres taillées de grand appareil » (Doris Bages, 2003,

8 Abou Oubaid Abd Allah Ibn Abd El Aziz El Bakri (1028-1094) : Un polygraphe espagnol du XIe siècle.
(Doris Bages, 2003)
83
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

p.163). Au milieu de ces pierres se trouve une inscription9 traduite par Charbonneau
comme une indication de la localisation d’un quartier indigène. Suite à une révision par
Louis Rénier, cette inscription a été présentée comme la dédicace d’un édifice public.
Stéphane Gsell a mis fin à cette contradiction, en précisant que la fonction antérieure de
ces vestiges était d’être des citernes ; dont les massifs de blocs mentionnés formaient ses
limites.
En référence à D. Bages (2003), vers 1850 et au cours de son exploration scientifique de
l’Algérie, le capitaine Delamare a publié deux gravures de cette porte (figure 2-10), l’une
vue de l’intérieur des remparts et la seconde de l’extérieur de la médina.

Figure 2-10 : Gravures de Bab El Djabia dessinées par le capitaine Delamane l’an 1850 (Doris
Bages, 2003, p.160)

Figure 2-11 : Bab El Jabia, marché de Beni Ramasses à l'extérieur des remparts (ancienne, carte
postale, Collection Delcampe)

9 Inscription : [---]nsione | (spor)tularum. Cette inscription a été lue par A. Cherbonneau comme :
(Ma)nsione(s) (G)etularum, donc comme une habitation ou un casernement des Gétules. Et lue par Louis
Rénier comme : (Ma)nsione (spor)tularum. (Doris Bages, 2003).
84
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Le Registre des Habûs, remontant au XVIe siècle, indique que la ville de Constantine
possédait trois portes principales et une quatrième secondaire portant le nom de Bab El
H’nincha. Selon Doris Bages, vers 1854 Constantine a connu de fortes précipitations qui
ont mis à jour une autre poterne localisée entre Bab El Djabia et la pointe de Sidi Rached,
c’était cette porte secondaire.
Selon Hadj Ahmed Ben M’barek, il y avait autrefois un accès descendant de Bab El
Djabia au Rummel divisé en deux parties, l’une réservée à ceux qui descendaient et l’autre
aux personnes montant depuis le Rhumel. Cette division avait pour but de faciliter la
circulation. Selon le même auteur, l’accès de cet axe portait le nom de Bab El H’nincha, la
quatrième et petite porte mentionnée ci-dessus. Sous forme de tunnel, comme le décrivait
Doris Bages (2003) en référence à A. Cherbonneau, cet axe dont la date de construction est
inconnue, était un passage voûté faisant le lien entre la porte d’El Djabia et l’endroit où le
Rhumel se précipitait entre les deux escarpements du ravin. Lors de la restauration des
monuments de la cité, ce tunnel a été détruit par Salah Bey vers la fin du XVIIIe siècle
dans le but de réutiliser ses matériaux dans les différents travaux de restauration.
Ce tunnel apparaît dans une description qui remonte à la première moitié du XVIe
siècle. D’après le chroniqueur espagnol Luis del Mármol Carvajal, un édifice qui faisait
partie des scènes de vie de la ville était un tunnel construit sous terre. Ce tunnel était utilisé
par les femmes pour arriver à la rivière. Selon sa description, ce tunnel était une échelle
taillée dans la roche. En bas de l’échelle se trouvait une grande voûte, dont les murs, les
colonnes et la plate-forme étaient taillés dans la roche. Une suite de cette description
apparaît dans une citation d’El Ouzen qui précise qu’à côté de l’eau de la rivière se trouvait
un couloir voûté taillé également dans la roche, dont les murs, les colonnes, et la plate-
forme représentaient un seul bloc. Cet endroit attirait une population féminine, du fait qu’il
servait de lieu de nettoyage des vêtements. Mais, dès l’édification du pont Sidi Rached, il
ne reste plus rien de Bab El Djabia.
‫"… بنوا سورا من أسفل باب الجابية إلى الموضع الذي يدخل منه النهر بين الجبلين و‬
‫ بحيث ال يصيب الماشي به كور و ال رصاص و ال‬، ‫دمسوه من األعلى ببناء متقن و هندسة محكمة‬
‫ طريق يهبطون عليه حتى يصلوا إلى الماء و طريق‬، ‫ و جعلوا بداخله طريقين‬، ‫ضرر من عدو‬
10
)1870/1790 ( ‫يصعدون عليه لئال يزدحموا …" أحمد بن مبارك‬

10 Traduction de la citation : « … ils ont construit un mur du dessous de Bab El Djabia, qui conduit jusqu'à
l'endroit d’accès de la rivière entre les deux montagnes, et l'ont abaissé avec une structure bien construite de
telle sorte que le piéton ne soit pas atteint par des balles et d’aucune lésion d’un ennemi, et ils ont fait à
l'intérieur de lui deux chemins, un chemin qu'ils descendent pour atteindre l'eau et un chemin pour remonter,
afin de ne pas encombrer la circulation… »
85
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Après la date indiquée par le registre des Habûs, il y a eu la création d’une nouvelle
porte, « Bab El Djdid » (figure 2-12). Au début, cette porte était à l’échelle de l’homme,
avant qu’elle soit agrandie, selon Schlosser, vers 1836.

Figure 2-12 : Bab El Jedid (la voûte en haut à gauche) peu de temps après la prise de la ville
(Delamare, 1850, pl. 134)
Du côté Nord-ouest de Bab El Oued se trouve Bab El Jedid (figure II-12) ou Bab Er-
Rahba comme le mentionne Schlosser en référence à Rahbet Leblad (‫)رحبة البالد‬. Malgré la
limitation du rôle de cette porte - selon Charbonneau - aux déplacements du bey, elle
raconte une longue histoire de la résistance face à la colonisation française. D’après les
récits du hadj Ahmed Bey, les colons français avaient deux possibilités pour accéder à la
médina de Constantine : la première à partir de Bab El Kantara et la seconde par Bab El
Jedid. Le plan de défense proposé à cette époque éliminait le danger du côté de Bab El
Kantara, en raison de l’étroitesse de l’accès et le contrôle total des protecteurs de ce côté.
L’autre accès a posé un grand problème pour les défenseurs de la médina, compte tenu
qu’il faisait le lien entre elle et le Koudia Aty (le point d’installation de l’armée française).
En 1836, le septième jour de l’attaque par l’armée française sur ses deux portes, la ville
a vu avancer cette armée du côté de Bab El Jedid, et l’installation d’un char proche de cette
porte vers minuit afin de la détruire. Le premier tir n’a pas abouti, mais il a été si puissant
qu’il est passé par trois portes avant de s’arrêter dans un mur d’une maison proche. À cet
instant, l’armée française s’est rapprochée, mais la porte, solide, était toujours à sa place.
Durant cette attaque, les protecteurs de la médina ont pu tuer 16 soldats français. De l’autre
côté du Bab El Kantara, et après la défaite de deux attaques, l’armée française s’est retirée.
À l’aube, l’armée française, installée au Koudia Aty, s’est totalement retirée par ordre
de ceux installés à El Mansourah. L’armée du Hadj Ahmed Bey l’a suivie jusqu’à la
Pyramide, lieu appelé autrefois par les autochtones « le dôme du diable » ou proprement

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Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

dit « Soumaât Ibliss ‫» صومعة إبليس‬. À la recherche d’un messager, le bey l’a suivie
jusqu’au Mdjaz Amer, mais il n’a rien reçu. À son retour à la médina, en considération de
l’état de dégradation de l’enceinte de la ville après les attaques ennemies ; le bey a donné
l’ordre de remettre en état les parties endommagées.
Devant cette situation, et du point de vue du Hadj Ahmed Bey, toutes les constructions
localisées entre Bab El Jedid et Koudia Aty faisaient partie du point faible de cette porte,
pour la seule raison qu’elles avaient été utilisées comme abris par l’armée française durant
ses attaques. Dans le but d’éviter une telle erreur, il a fallu détruire toutes ces constructions
(des boutiques et de petits hôtels) ; à l'exception d’un seul édifice celui du « Tombeau du
Marabout Farouk ».
Une autre entrée vers la médina est représentée par la porte du vent ou Bab El Rouah
(figure 2-13). Cette porte se trouvait du côté de la Casbah, mais sa localisation n’est pas
précise, car elle varie d’un témoignage à un autre. Cette poterne a été signalée dans un
article en 1917. Comme nous l’avons mentionné plus haut, les attaques de l’armée
française se sont faites sur deux entrées de la médina, et en même temps, un autre groupe
de volontaires de l’armée française a essayé d’accéder à la médina en 1837, par-derrière.
Cet accès du côté de la casbah s’effectuait à travers une porte romaine nommée porte du
vent et conduisait directement vers la Casbah. Leur description attire l’attention sur un
passage menant du dessous de la grotte des Pigeons vers la cour de la Casbah au-dessus.
Selon ce récit, ils ont y abouti à travers un chemin sur la limite du rocher (sur
l’emplacement actuel du boulevard de l’Abîme).
Du même côté de la Casbah, mais en contradiction avec ce premier récit, selon Auguste
Cherbonneau11(1813-1882) cette poterne se trouve au Nord-ouest du côté des bains de Sidi
Mimoun, en cela il se réfère à la note que lui a donnée le commandant Foy12. Dans
laquelle, il décrit une série de rampes et de marches partant des bains et menant vers une
porte sous la forme d’un mur construit à cet emplacement pour former la défense du
capitole. Selon le commandant Foy, ces marches ont été remblayées en 1838. Selon le
témoignage du capitaine L. Jacquot (1917), quelques décennies plus tard et comme suite à
un affaissement des remblais dans la cour de la Casbah, le cintre remanié de Bab Rouah a
vu le jour. Mais selon son récit, cette porte se situe au-dessus de la grotte des Pigeons, ce
qui confirme le premier témoignage.

11 Auguste Cherbonneau (1813-1882) Fondateur puis secrétaire de la Société archéologique du département


de Constantine
12 La note du commandant Foy : « Un mur romain construit en ce point pour former la défense du
Capitole »
87
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Figure 2-13 : Localisation de Bab


Rouah selon les divers témoignages
(Doris Bages, 2003, p. 87)

2.3.3 Le tissu médinal :


2.3.3.1 Les quartiers formants le tissu de la médina :
Selon E. Mercier, la médina de Constantine est formée de quatre quartiers résidentiels
(Tabia, La Casbah, El Kantara et Bab El Jabia) et d’un seul quartier à caractère commercial
(souk Et-tejjar). Par rapport à leur forme générale, le mieux délimité de ces quartiers est
celui de Bab El Djabia étant donné que la nomination dépasse parfois l’espace délimité.
Par rapport aux composantes, chaque partie possède les équipements nécessaires à son bon
fonctionnement : le petit souk (la Souika), la mosquée et le hammam.
La partie centrale de la médina est marquée par la présence d’un nombre important
d’échoppes, qui formaient autrefois, par leur juxtaposition, Souk Et-tejjar. La conception
fonctionnelle de cet espace lui permet de contenir également des lieux résidentiels, du fait
que seuls les îlots bordant la rue de part et d’autre sont réservés aux commerces. La
concentration de ces derniers dans cette partie de la médina a influencé son organisation.
Non seulement dans l’importance donnée à la rue, mais elle a impliqué le recours à des
formes d’îlots plus petits et à caractère commercial à 100 %.
En appliquant le principe du réseau Soukier des médinas, le quartier d’Et-tejjar fait la
distinction entre les métiers par la spécialisation des rues. Mais, en assurant toujours la
juxtaposition et la jonction non seulement comme une solution au manque du foncier, mais
afin d’assurer la continuité fonctionnelle du tissu. Au centre de ce réseau se trouve la
grande mosquée. Proche d’elle se trouvent des activités propres et nobles (telles que les

88
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

parchemineurs, les orfèvres, les brodeurs… etc.). En s’éloignant d’elle, les métiers seront
plus nuisibles et encombrants, mais servants toujours aux besoins quotidiens de la
population tels que les chaudronniers.
L’un des métiers qui n’avaient pas de place dans ce réseau de boutiques était celui des
tanneurs. Par leur pollution et leurs nuisances, leur localisation préférée se trouve à la
limite de la médina (figure 2-14). Les 33 tanneries (F. Benidir, 2007, p.54) présentes à
cette époque étaient regroupées sur le Chott pour faciliter l’évacuation des eaux usées.
D’après une autre description de Louis Régis, un autre espace était réservé à cette fonction,
mais cette fois-ci en dehors des limites du Rocher, mais nous ignorons sa présence à une
époque antérieure. Pour y arriver, il faut passer par la halle aux grains. À quelques pas de
là se trouvait une allée bordée par des entrepôts et des maisons européennes (Louis Régis,
1880), collées à ces maisons des planches contenant de grandes cuves (figure 2-15)
réservées à cette fonction. Ces planches étaient louées à des teinturiers arabes.

Figure 2-14 : Lieu d’exercice du métier des tanneurs à la limite de la médina13

Figure 2-15 : La teinture de la laine (Ancienne carte postale) 14

13 Source : photo prise d’une vidéo de 1938, Constantine en couleur 1938 ‫قسنطينة باأللوان‬, longueur totale de la
vidéo : 01:41minutes, URL : https://www.youtube.com/watch?v=vpVR_yKyGkM, vidéo ajoutée le :
15/02/2012, consultée le : 14/09/2012
14 Source : https://lh4.googleusercontent.com/proxy/Jvl6Zszr4cTxgo_ncGXDjPfzgOgPjkfykyg_mt-4-
d1rOOU6zCp1deaqUdYHxyxfLLlc79Iy2PMQjFk4Hg7fFIEihUtNF4Pq=s0-d
89
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

L’application du principe de la mise en place des activités nuisibles en dehors de tissu


urbain n’élimine pas la présence de certaines activités à l’intérieur de la médina. En
référence au registre des Habûs, certaines de ces activités sont apparues (tableau 2-01).

90
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Tableau II-01 : Activités nuisibles à l’intérieur et à l’extérieur de la médina tirées du registre des Habûs

Page du
Nom Fonction mentionnée Localisation
manuscrit
En dehors de Bab El Kantara au-
Grenier / 24
dessus de Bab El Haoua
Scierie Ben Abboud sous la
Dans les responsabilité de Berkat Ben La production de la brique En dehors de Bab El Djabia 22
abords Mermache
Espace réservé aux animaux (vaches
Dar Ech-Chrif À Bab El Djabia 22
et ânes)
Abattoir / Proche du Coudiat Aty 20

Menuiserie / En haut de Rous Ed-Douames. 07/19

Pressoir / À Bab El Casbah 08


L’une d’elles est spécialisée dans la
Un ensemble de Scieries production de la tuile, la chaux et la À l’est de Masdjid El Qallaline
À brique.
l’intérieur
Grenier La collecte et la conservation du blé. Au-dessus de Fondouk Er-Rouh 17
de la
médina Ech-chadda Moulin à eau / 17

Ferme apicole Abd El Aziz / Au-dessous de haret Et-Tebbala 19/20

À côté de la ferme d’Abd El Aziz,


Ferme apicole d’Ibn El Kammad / 19/20
séparant les deux un cours d’eau

91
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

L’annexe du réseau soukier est sous forme de Rahbet réservée à la population venant de
l’extérieur de la ville (des artisans et des commerçants). Parmi les fonctions qui se
déroulent dans ces Rahba, nous pouvons citer : la taillanderie, le tissage, la production
d’huile et la fabrication de nattes. Par sa localisation à la porte de la ville cette annexe
garde sa relation avec les souks internes et le monde rural.
La centralité de cette médina ne se résume pas à la concentration des commerces, mais
elle s’accentue à travers la présence d’autres équipements culturels et cultuels. En effet,
elle regroupait 90 écoles coraniques associées à 60 masdjid et sept médersas destinées à la
formation universitaire 15. Cet ensemble faisait de la médina de Constantine, un lieu
d’apprentissage, d’enseignement, de prière, d’échange et de production.
À travers la comparaison de la division spatiale de l’espace médinal en quartiers et sous
quartiers proposée par E. Mercier, avec ce qui apparaît dans le registre des Habûs, de
nouveaux noms sont apparus. Le vocable utilisé pour cette division était étrange étant
donné que, dans la division de l’espace de la ville arabe en quartiers, nous utilisons des
concepts précis pour chaque ville, à l’exemple de la hawma pour Alger et Tunis, du hara
au Caire et de mahalla à Alep, Mossoul et Bagdad (Christian Topalov, 2005, p. 416). Mais,
sur le Registre des Habûs, dans plusieurs actes (figure 2-17 et figure 2-18) le vocable
utilisé était « mahalla » à la place de « hawma ».

Figure 2-16 : Un acte pris de la page 30 du registre des Habûs

Figure 2-17 : Mahallat Bab el Djabia (Registre des Habûs, p. 09)

15
Selon Benidir Fatiha en référence à A. Nouchi, les 07 médersas accueillaient un nombre de 900 étudiants et
les écoles coraniques accueillaient 1350 élèves.
92
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Figure 2-18 : Mahallat En-Nadjarine (Registre des Habûs, p. 10)


2.3.3.2 La structure viaire :
La conception de la rue dans la médina a toujours été conditionnée par des critères tels
que : la forme et la superficie du site, le tissu préexistant, la présence des cours d’eau ; ou
par sa fonction et les événements qui ont marqué ou influencé sa création.
De l’observation des descriptions de certains écrivains, chercheurs ou visiteurs, la
médina de Constantine est présentée comme une entité urbaine sans plan, sans ordre, ni art,
sous forme de labyrinthe plein de désordre, désorienté et illisible pour les étrangers
(difficulté de trouver des points de repère).
Les deux points de vue de Xavier de Planhol (1957) et K.Wiche et Hundert Jahre
mentionnés plus haut semblent être émis en comparaison avec une structure régulière telle
que la ville européenne. Étant donné que la culture urbaine a une influence directe sur
l’organisation spatiale, ces points de vue ne sont que le reflet de leur culture. Car en
comparaison, les signes de l’urbain sont bien distincts dans la ville arabo-musulmane, à
l’exemple de l’espace public qui est remplacé par d’autres espaces à accès public tels que :
la mosquée, le hammam, les cafés maures et les Tarbiâa.
Pour la promenade, ce concept n’existe pas dans la culture des habitants de la ville
arabo-musulmane, ni le va-et-vient sans raison ou sans but précis. Cette exclusion explique
la présence d’une hiérarchisation du public au privé des accès. Concernant les jardins et les
espaces de détente, pour la ville arabe, ces espaces sont soit introduits dans la maison donc
représentés par le patio ; ou ils se trouvent à l’extérieur de la ville sous forme de jardins de
famille. C’est le cas de la ville de Constantine. Mais, avec la colonisation française, de
nouveaux espaces d’attraction sont apparus. Prenons à titre d’exemple les pins sur les
pentes du Mansourah, présentés dans les récits des voyageurs et des historiens, ces pins
formaient autrefois un espace d’attraction de grande valeur pour les colons français et pour
la population autochtone (Mme Douvreleur, 1931, p. 95).
L’autre qualité de l’urbanité représentée sous forme de relations sociales est consacrée à
la rue et aux espaces collectifs comme lieux de manifestation de la vie urbaine. Dans la
ville arabe, le souk couvert ou ouvert et l’ensemble des rues commerçantes formant le souk
jouent ce rôle important dans la vie sociale des citoyens.

93
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Selon une description de l’historien Ernest Mercier (1903), la médina de Constantine


était traversée par quatre voies primaires :
 La première voie est la rue supérieure. Elle commence à Bab El Djedid et se
dirige vers la casbah. Cette rue avait presque le même tracé que la rue
Damrémont.
 La seconde rue traverse les principaux points de la ville, étant donné qu’elle
passe devant deux des principales mosquées de la médina, la mosquée de Souk
El Ghzel et la mosquée d’El Djouza. De plus, elle traverse le carrefour d’El Blat
et elle côtoie les écuries du palais à Ed-Derb. En fin, elle traverse Souk El
Ghzel, et elle mène vers sa limite, la place du marché de Souk El Djumuâa, donc
à l’emplacement de la médersa et la mosquée de Sidi El Kettani.
 La troisième rue commence à Bab El Oued et se termine à Rahbet Es-souf. Cette
rue avait un caractère commercial, étant donné qu’elle regroupe un nombre
important de professions sur ses deux côtés. Selon Ernest Mercier, cette voie
traverse un nombre important de Souks (El At-Tarine à la place de Bab El Oued,
Es-Serradjin, El Kherrazine, Souk El Khelq, El Kezzazine, El Haddadine, Souk
El Kbir, Rahbet Essouf).
 La quatrième voie est la seule qui traverse la médina d’un côté à l’autre. Elle
commence à Bab El Djabia et se termine à Bab El Kantara. Selon une
description de Louis Régis qui remonte à 1880, l’unique chemin des caravanes
dessinant le lien entre les deux portes de la ville avait connu un changement
suivant le tracé de la rue nationale. Sur ce chemin des caravanes, il y avait une
place publique devant la grande mosquée, qui abritait autrefois une fontaine,
dont les croyants se servaient de son eau pour leurs ablutions avant d’accéder à
la mosquée.
Les voies secondaires dans la médina de Constantine dessinent le lien direct entre le
centre de la médina et les différents quartiers suivant un principe rayonnant. Ces rues et les
ruelles avaient deux objectifs : le premier est la desserte et la liaison entre les différentes
parties de la médina ; le second est d’opérer la distinction entre les espaces (public et privé,
résidentiel et zone d’activité, etc.). S’ajoutent à ces rues et ruelles des impasses. Elles
formaient la plus petite composante de la maille de la médina. C’est un système de
regroupement de différentes dimensions et formes, dont la largeur varie de 15 à 60 m et la
forme évolue du plus simple (sous forme de L, T ou Y) au plus complexe.

94
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Dans le registre des Habûs remontant au XVIe siècle et écrit en majorité par Cheikh
Mohamed Ibn Abi Abd Allah Ben Naamoun, apparaissent plus de 156 noms de rues et
ruelles dont les termes utilisés pour leur nomination sont bien différents de ceux utilisés
dans les récits des historiens de l’époque coloniale. En effet il y avait : 03 Z’qaq (‫)زقاق‬, 05
Zenqa (‫ )زنقة‬et 116 Raïgha (‫ ; )رايغة‬en plus de 04 Zelaqa (‫)زالقة‬, 09 Charae, 01 Dordj
(‫)درج‬, 05 Derb (‫)درب‬, 02 R’cif (‫ )رصيف‬et 11 Sabat (‫)سباط‬. Si l’on compare de ces résultats
avec ceux trouvés dans le plan toponymique élaboré par E. Mercier, de nouveaux noms
sont apparus. À l’exception de deux Z’qaq et d’un Sabat (Z’qaq El Blat, Z’qaq El Miliïne
et Sabat Ben Fellous), les vocables utilisés pour la description des composantes de ce
réseau ont été complètement changés. À titre d’exemple, nous remarquons l’absence totale
du mot Raïgha, mais certaines rues et ruelles mentionnées dans le registre des Habus
comme des Raïgha, apparaissent sur le plan de Mercier (1878) comme des Zenqa. À ce
titre, nous pouvons citer Raïghat Ed-Derdaf et Raïghat El Beghla qui sont apparues sur le
plan d’E. Mercier sous le nom de Zenqat Ed-Derdaf et Zenqat El Beghla. En rapport avec
ces deux axes, une probabilité se pose pour faire apparaître un troisième axe ; dont le
caractère a été conservé, mais la nomination a été changée de Z’niqet El Boul à Zenqat
Khera. Le changement de concept utilisé pour la désignation de l’axe se pose comme une
problématique qui s’articule autour de l’usage dans le manuscrit de deux concepts pour la
description du même axe. Cet usage rend la distinction entre la signification des deux
concepts difficile. Prenons à titre d’exemple Souk Ech-Chouachine, l’un des souks non
spécialisés de la médina, alors qu’il est mentionné dans la page 12 comme Raïghat Ech-
Chouachine de Souk Er-Rahadna, dans la page 30 il est mentionné comme Zenqat Ech-
Chouachine de Souk El Khelq. Sur un autre acte (Figure II-19), l’axe nouvellement créé16 à
côté de Z’niqet El Boul a été mentionné comme Raïgha et dans l’acte suivant comme une
Z’niqa.
En plus, et par manque de datation de certains actes dans le manuscrit, il est difficile de
préciser le lien de ces différents termes avec le temps et l’évolution spatiale du tissu. Par
retour au troisième axe mentionné bien avant, et en rapport avec l’acte contenant cette
nomination dans la page 30 du Registre des Habûs (figure 2-19) ; cet axe portait le nom de
Z’niqa (petite Zenqa) avant d’être une Raïgha à une époque ultérieure. À ce niveau, une
probabilité se pose : que ce soit par changement de dimension ou de valeur dans le tissu de
la médina, le vocable utilisé pour la désignation de l’axe change.

16 Récemment créé par rapport à la datation de l’acte.


95
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Figure 2-19 : Deux actes de Habûs dédiés à la medersa Est à Constantine extraits de la page 30 du
Registre des Habûs (1024 de l’hégire)
Une probabilité se pose à ce niveau est que les termes utilisés dans l’ancien temps ont
été disparus ou sont méconnus lors de l’enquête élaborée par Mercier pour l’établissement
du plan de sauvegarde du patrimoine toponymique de la médina de Constantine. Ou
encore, qu’ils ont connu un changement bien avant cette date, compte tenu qu’en référence
à certains actes du manuscrit, quelques axes sont mentionnés par leurs noms les mieux
connus, d’autres par leurs vieux noms et d’autres par leurs nouvelles nominations (Tableau
2-2).
Tableau 2-02 : Changement de la nomination de quelques Raïghat et Rahba bien avant la
colonisation française (Registre des Habûs)
Page de
Le vieux nom Le nouveau nom
l’acte
Raïghat Cheikh Abi El Qacem Ben Badis Raïghat El Ghalla 06
Raïghat El Hassakra Raïghat Ben Billal 07
Raïghat Ibn Abi Qohafa Raïghat Sidi M’hamed Ben Afounes 07
Raïghat Ibn Aallane Raïghat Ibn Rabah 08
Raïghat Lelloucha Raïghat Ben Tamer El M’zabi 09
Raïghat Ben Aboud Zenqat Ben Ammar 21
Rahbet Ben Said Rahbet Ledjmal 14

96
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

* M’halet Bab El Djabia


* Bab el hnincha de Bab El
Djabia
M'hala
* M’halet Souiket Bab El
Djabia (Souikèt Ben Thaeleb)
* M’halet Qaous Ben Nadjda

* Raïghat Ben Ammar à


M’halet Bab El Djabia
* Raïghat Ben Aboud
* Raïghat Ben Annab
Raïgha * Raïghat Ed-Derdaf de Bab El
Djabia
* Raïgha vers la Qibla menant
vers Masdjid El Merakchi à
M’halet souiket Bab El Djabia

Bab El Djabia Dordj * Dordj Bab El Djabia

* Derb proche de Masdjid


Affine
Derb
* Derb à ouverture Est à
Raïghat Ben Aboud

* Zelaqet Ouled El Qadhi


Zelaqa proche de Masdjid Ben Skatra à
M’halet Qaous Ben Nadjda

* Charae liant Dordj Bab El


Charae
Djabia à Z'qaq Et-bal

Sabat * Sabat El Miliïne

Figure 2-20 : Bab El Djabia de Constantine selon le Registre des Habûs (‫)دفتر األحباس‬

97
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Ces différents axes obéissent aux principes dictés par la religion musulmane. Selon une
description du chroniqueur espagnol Luis Del Mármol Carvajal qui remonte au XVIe
siècle, les maisons de la ville n’étaient pas collées les unes aux autres. Mais en évoluant
dans le temps, des transformations ont modifié le tissu urbain : des travaux de destruction,
de réédification, d’extension d’une bâtisse, d’ouverture d’un axe (tel que Raïgha El Jadida
citée plus haut) ou de fermeture d’un autre. Cette évolution a donné naissance à un tissu
dense de la médina. Avec l’avènement de l’islam, ce tissu a été soumis aux règles dictées
par la religion, qui ne précisent pas le mode ou le principe de création des rues et ruelles,
mais elles se présentent comme un ensemble de principes, dont le but est la protection de la
rue de l’empiétement des usagers, ou protégeant la vie privée des individus. Nous pouvons
citer par exemple :
 La construction des Sabat pour créer un lien entre deux bâtisses ou la création
d’une nouvelle salle comme extension de la bâtisse ne doit en aucun cas
représenter un obstacle devant les piétons. Également, le passage laissé au-
dessous de ce Sabat doit avoir la hauteur d’un homme montant son cheval avec
un vide au-dessus.
 La mise en place des chaises ou proprement dit des « Massatibe » (‫ )المساطب‬ou
des Dakka (‫ )الدكة‬devant les locaux de commerce ou au bord de la rue (figures 2-
21, 2-22, 2-23), ne doit en aucun cas perturber la fluidité de la circulation des
piétons dans la rue ou la diminution de sa largeur. Également, sa localisation
devant la porte d’une maison est interdite. Cette interdiction a pour but la
protection de la vie privée des habitants. Prenons à titre d’exemple une citation
de Louis Régis dans son ouvrage « Constantine voyages et séjours », où ces
Dakka apparaissent comme des points de rencontre et d’échange. Donc, comme
des lieux de sociabilité dans le tissu de la médina. Avec l’analyse de quelques
vieilles photos de la médina, les Massatibe et les Dakka apparaissent dans
plusieurs rues et ruelles. Précisément devant les locaux de commerce, devant des
cafés maures et sur d’autres axes comme celui de la rue de l’échelle malgré sa
déclivité.

98
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Figure 2-21 : Les Dakka devant les locaux de commerce à Souk Figure 2-22 : Les Massatibe au
El Acer bord d’une rue arabe 17

« … Dans toutes les classes, chacun est rempli de


soumission et de respect pour ceux qui sont au-
dessus de lui dans la vie publique comme dans la vie
privée ; aussi est-il très ordinaire de voir des Arabes
de bonne famille rester assis fort longtemps sur le
rebord de pierre qui sépare les boutiques de la rue.
Ils causent avec les marchands et donnent même leur
opinion à l’acheteur […] Le marchand offre souvent
une tasse de café à ses visiteurs […] Il discute avec
eux et se range quelquefois, sans morgue, à leur avis.
Figure II-23 : Les Massatibe au bord de la C’est une manière de passer le temps pour les
rue de l’échelle (ancienne carte postale, indigènes qui, le plus souvent, sont sans carrière… »
collection Constantine d’hier et Louis Régis (1880)
d’aujourd’hui) 18

17 Source : https://i.ebayimg.com/images/g/nuEAAOSwMr1XPcU1/s-l300.jpg
18 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/cartespostales/vieille_ville/cartes062.jpg
99
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Tableau 2-03 : Réseau routier de la médina de Constantine selon le registre des Habûs (‫)دفتر األحباس‬

Des Raïgha, dont les noms sont connus : (63 Raïgha)


* Raïghat El Bouni * Raïghat Ben Echahid * Raïghat El Foqaha Ben Abd * Raïghat En-Nadjarine * Raïghat Masdjid Ben Aachaba
* Raïgha El Djdida * Raïghat Ben Ed-Dordjia El Djalil * Raïghat En-Nahaid Mimoun * Raïghat Masdjid Ben
* Raïghat Ibn Aallan * Raïghat Ben El Kammad * Raïghat El Foqaha Ouled Ben * Raïghat Es-Sekkajine Namouch
* Raïghat Ibrat Abou Kas * Raïghat Ben El Qadhi Abd Essamad * Raïghat Es-Serrajine * Raïghat Masdjid Echouachine
* Raïgha Qablia connue dans le * Raïghat Ben El Qassem * Raïghat El Foqaha Ouled Ben * Raïghat Es-Souari * Raïghat Masdjid Ferâane
vieux temps sous le nom de * Raïghat Ben Haroun Aboud * Raïghat Ibn Abi El Kheimi * Raïghat Mebsset
Z’niqet El Boul * Raïghat Ben Hidel * Raïghat El Foqaha Ouled El * Raïghat Ibn Abi El Qassem * Raïghat Ouled Ben Abd
* Raïghat Abi El Hacen El * Raïghat Ben Mechâal Âaccheq Ez-Zelaiwa Essamad
Waekaki * Raïghat Cheikh Ben Afous * Raïghat El Ghaba * Raïghat Ibn Abi Qassem Ez- * Raïghat Ouled Ben Abi El
* Raïghat Abi El Qassem * Raïghat Cheikh Sidi * Raïghat El Hadadine Zelaiq Qassem
* Raïghat Bab El Oued Mohamed Ben Afounes * Raïghat El Haddadine * Raïghat Ibn Daoud * Raïghat Qadah El Bayari
* Raïghat Ben Aachaba * Raïghat Chikh Ibn Abou Nais * Raïghat El Hadjamine * Raïghat Ibn Ed-Dordjia * Raïghat Sidi Cheqroune Ben
* Raïghat Ben Âammar * Raïghat Echouachine * Raïghat El Kharratine * Raïghat Ibn Meftah Hlima
* Raïghat Ben Âannab * Raïghat Ed-Derdaf * Raïghat El Majokoni * Raïghat Leloucha * Raïghet M’halet Masdjid Ben
* Raïghat Ben Abd El Djalil * Raïghat El Beghla * Raïghat El Mekteb * Raïghat Masdjid Abi El Sbaha
* Raïghat Ben Abd El Wahid * Raïghat El Mellah Abbas
* Raïghat El Ouaouerti

Des Raïgha définies par rapport à des équipements structurants : (32 Raïgha)
* Raïgha à l’Est De Masdjid El * Raïgha collée à Hammam El * Raïgha en face à Masdjid El * Raïgha Proche De Masdjid * Raïgha proche de Mesdjid
Aarbi Hachachine Âanaba Abi Abd Allah Mohamed El Hafssa
* Raïgha à l’ouest de Masdjid * Raïgha contenant l’accès de * Raïgha en face à Masdjid El Marakchi * Raïgha proche de Zaouiet El
Ben Makhlouf Couchet El Qonfud Foualine * Raïgha proche de Masdjid Foqaha Ouled Ibn Badiss
* Raïgha à l’Ouest de Masdjid * Raïgha contenant Masdjid * Raïgha en face à Masdjid Ibn Ben Hidane * Raïghat contenant Zaouiat El
El Aarbi Mefredj Abi Maeza * Raïgha proche de Masdjid Foqaha Awled Ibn Badiss
* Raïgha en dessous de Masdjid * Raïgha contenant Masdjid * Raïgha en face de Masdjid El Cheikh Sidi Ben Makhlouf * Raïghat proche de Hammam
Fliyou Sidi Mendjel Metouessine * Raïgha proche de Masdjid Ed- El Houa
* Raïgha au dessus de Masdjid * Raïgha contenant une Koucha * Raïgha menant vers Kouchet Dahane et Masdjid Mendjel * Raïghat proche de Masdjid El
Ben Hachoune à Rahbet El Djemal Ben Dourak * Raïgha Ouest, A Son Début Bayarza
* Raïgha au-dessus de Masdjid * Raïgha en face à Masdjid * Raïgha menant vers Masdjid Masdjid Ibn Abi Âabass * Raïgha Ouest Fermée, en face
Ibn Aalnes Cheikh Sidi Abd Allah Abi El Merakchi de Masdjid Ben Âanab
* Raïgha au-dessus de Masdjid Maeza * Raïgha Contenant Tarbiâat * Raïgha proche de Masdjid El
Flyou Echarqi Ben Aachaba Âadji

100
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Des Raïgha définies par rapport à la maison la mieux connue


Des Raïgha définies par rapport à leurs localisations : (12 Raïgha)
qu’elles contiennent : (09 Raïgha)
* Raïgha collée à la maison d’El Ouichahi * Raïgha à Hodjret El Boyoue
* Raïgha contenant Dar Abd Allah El Awrar * Raïgha à M’halet Bani Thomama
* Raïgha contenant Dar Bchaiir * Raïgha à M’halet Ech-Riâa
* Raïgha contenant Dar Ben Aarout ou Dar Es-Sour * Raïgha à M’halet El Bir
* Raïgha contenant Dar El Ghazal * Raïgha à M’halet El Massassa
* Raïgha contenant Dar Ettadji Ahmed Ennaqawi * Raïgha à M’halet Erraha
* Raïgha contenant Soukna El Faqih Ali El Marwani * Raïgha à M’halet Hajret El Bir
* Raïgha en face à la maison de Abi El Abass Ahmed El-Leben * Raïgha à Rahbet Essouf
* Raïgha limitée entre Dar Ibn Abi Zaki et Dar Ibn Aalouche * Raïgha à Rous Ed-Douames
* Raïgha à Souk El Ghzel
* Raïgha proche de Qasr Echirk
* Raïgha proche de Rous Ed-Douames

Zenqa Charae Sabat Zelaqa


* Zenqat El Kharratine * Charae Rahbet Essouf * Sabat El Miliïne * Zelaqet El Ouchtani
* Charae à l’Ouest de Fondouk * Sabat A Raghiat Ibn El Qadhi * Ez-Zelaqa à l’Est de Zelaqet El
* Zenqat Abd El Wahed Ben Djalloul * Sabat Ben Felous Ouchtani
* Zenqat Echouachine * Charae descendant directement à * Sabat Dar El Mouhawla * Zelaqet Ben Ziane
* Zenqat El Harka Bab El H’nincha * Sabat Echrif En-Nchir * Zelaqet Ouled El Qadhi
* Charae Ed-Dordj * Sabat El Bayani
* Zenqat El Qramdi
* Charae liant Dordj Bab El * Sabat El Ghiari Ou El Biari
Z’qaq Djabia à Z'qaq Et-Tbal * Sabat El Harami Dordj
* Z’qaq El Blat du Z’qaq Ed- * Charae menant directement à * Sabat El Harrassi * Dordj Bab El Djabia
dheyeq Masdjid Ibn Tandjia * Sabat Er-Rssi
* Z’qaq El Miliïne * Charae menant directement à * Sabat proche de Masdjid Abi
* Z’qaq Et-Tbal Rahbet Ledjmal Deghra
* Charae menant vers La Casbah
* Charae El Yahoud

101
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Derb R’sif
* Derb à Raïghat Ben Aboud * R’sif en haut de Rous Ed-
* Derb au vieux Souk El At-Tarine Douames
* Derb Ouled Ben Badiss * R’sif Rass El Kharratine
* Derb proche de Masdjid Affine
* Derb proche de Masdjid El
Foualine
Tableau 2-04 : Réseau routier de la médina de Constantine à la veille de la colonisation française (Ernest Merciers, 1878)

Zenqa Z’qaq Sabat (passage couvert)


Zenket Ahtchi Bakir Zenket Dar Bach Tarzi * Z’qaq El Blat Sabat Ben El Bouchibi Sabat Draa Es-S'eïd
Zenket Arbaïn Chérif Zenket Dar Ben Oudina * Z’qaq El Miliïne Sabat Ben El Hamlaoui Sabat Djama El Djouza
Zenket Baghla Zenket Dar Ben Qenaq Sabat Ben Fellous Sabat Ed Dréïba
Zenket Ben Cheïkh Zenket Terbïat El Djezzar Sabat Ben Tchanderli Sabat El Hanencha
Zenket Ben Dali Moussa Zenket Dar Bou Chettabia Braham Sabat El Khalifa
Zenket Ben El Ghazali Zenket Dar Bou Khoubza Sabat Cheikh El Arab Sabat El Khammar
Zenket Ben Sammar Zenket Dar Braham Khoudja Sabat Dar Bach Agha Sabat El Kheroufi
Zenket Ben Si El Hacen Zenket Dar El Hadj Brahim Sabat Dar Ben Aïssa Sabat El Koura
Zenket Ben Tarzi Zenket Dar El Hadj Saïd Sabat Dar El Bey Sabat Mekad El Hout
Zenket Ben Titah Zenket Ed-Derdaf Sabat Dar El Khalifa Sabat Souk El Acer
Zenket Ben Zagouta Zenket El Amamra Sabat Dar El Kheïtmi
Zenket Ben Zerbib Zenket Mekaïs Sabat Dar Housseïn Bey
Zenket El Hadj Saïd Zenket Salah Bey
Zenket El Rouamel Zenket Sari
Zenket Es-Soultane Zenket Sidi Derrar
Zenket Halmoucha Zenket Sidi Offane
Zenket Khera

102
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Figure 2-24 : Constantine la ville arabo musulmane, des éléments permanents (PPSMVSS vieille ville de Constantine, B.E.T Jennie KRIBECHE, 2011)

103
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Conclusion :
Capitale de Gaïa puis capitale du roi Syphax dès la fin du IIIe siècle avant J.C, Cirta
était l’une des plus vieilles cités de l’Afrique du Nord. Son peuple autochtone est berbère.
Il se rattache par parenté aux vieilles races de l’Égypte et de l’Abyssinie. Avant
l’avènement des Phéniciens, elle n’était qu’une petite agglomération, et c’est l’empire de
Carthage qui lui a conféré le statut d’une cité.
Cirta, capitale des Numides, a été détruite au début du IVe siècle. Suite à sa
reconstruction par Constantin, elle a abandonné son vieux nom afin de prendre celui de son
bienfaiteur. Suite aux travaux d’embellissement engagés par Massinissa et ses fils, et en
considération de l’importance et la diversité de ses équipements, Constantine est
transformée rapidement en une opulente et luxueuse cité.
Malgré les guerres, les destructions et les reconstructions, Constantine conserve encore
des éléments de l’époque romaine. Les découvertes de cette époque ont participé à la
conservation d’une histoire riche d’une ville millénaire.
Détruite par les Vandales et reconstruite par les musulmans, selon M. Kaddache (1980)
Constantine était l’une des principales villes de l’État hafside. Avant l’occupation
ottomane, et en référence au voyageur El Ouezen, cette ville avait deux accès, petits et
étroits, et regroupait un nombre estimé à 8000 habitants. Elle possédait quelques
équipements cultuels et culturels, et des marchés, dans lesquels les métiers sont répartis
judicieusement sous forme de corporations.
Après la chute du royaume musulman en Andalousie en 1492, les Musulmans et les
Juifs pourchassés se sont réfugiés dans les villes côtières du Maghreb. Menacés par les
Espagnoles, les gouverneurs algériens avaient fait appel aux frères Barberousse. Depuis,
l’Algérie faisait partie de l’Empire ottoman. Mais, leur accès à la médina de Constantine,
nommée par la suite comme capitale du beylik Est, n’était pas aussi simple, en tenant
compte de la résistance de ses habitants. Leur présence à Constantine remonte à une date
subséquente à 1572, bien que leur ambition pour la prendre, selon E. Mercier et Vayssettes,
date de 1517. Suite d’une réconciliation, les pouvoirs turcs ont gardé position à l’extérieur
de la médina, jusqu’à la nomination du premier bey Hacene Ben Farhat en 1646. Depuis
cette date et jusqu’à la veille de la colonisation française, 45 beys ont passé sur le trône.
Mais ce n’est que sous l’autorité du Bey Hacene Abu H’nek, qu’elle a connu des travaux
d’embellissement. Et puis sous l’autorité de Saleh Bey, elle a connu des extensions dans le
but était de créer un nouveau centre proche de la casbah.

104
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Cette médina avait des spécificités. Elle est conçue de bout en bout pour être à l’écart du
danger : sa localisation sur un rocher difficilement accessible, l’enceinte qui ne l’entoure
pas complètement est percée par 04 portes d’une hauteur d’un cavalier, la première
inclinaison juste après la porte principale permet aux défenseurs de voir et d’attaquer
l’ennemi rapidement, l’ampleur des Rahba au centre et leur étroitesse vers les extrémités a
pour but d’entourer afin de mieux contrôler l’ennemi, etc.
Son tissu est formé de quatre quartiers résidentiels (Tabia, La Casbah, El Kantara et Bab
El Jabia), chacun possède les équipements nécessaires à son bon fonctionnement, et d’un
seul quartier à caractère commercial (souk Et-tejjar). Bien qu’il contienne également des
espaces résidentiels, Souk Et-tejjar est constitué d’un nombre important d’échoppes. En
appliquant le principe du réseau Soukier des médinas, il fait la distinction entre les métiers
par la spécialisation des rues.
À l’exception des activités nuisibles mentionnées dans le registre des Habûs présents
dans la médina, le reste est mis soit sur la limite du Rocher à l’exemple des 33 tanneries
regroupées sur le Chott, ou à l’extérieur du tissu médinal.
Les différents quartiers de la médina avaient desservi par un ensemble de rues, ruelles et
impasses. Bien qu’en référence au registre des Habûs, le vocable utilisé pour décrire cette
structure était différent, leur conception fût conditionnée par des critères, tels que : la
présence des cours d’eau, le tissu préexistant, la forme et la superficie du site, etc. Cette
structure viaire avait pour rôle : la desserte des différentes parties de la médina, la liaison
entre les différentes portes et la distinction entre les espaces (public et prive, résidentiel,
zone d’activité, etc.).
En référence à Carvajal, au XVIe siècle les maisons de la médina n’étaient pas collées
les unes aux autres. En évoluant dans le temps, le tissu médinal était l’objet d’importants
travaux de destruction, de réédification ou d’extensions d’édifices, et d’ouverture de
nouvel axe. Ces travaux ont donné naissance au tissu dense de la médina, ou les rues et
ruelles étaient soumises à des règles dictées par la religion islamique, afin de protéger la
rue et son usager.

105
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

Travaux cités :
ABDELOUAHAB, Bouchareb (2006). Cirta ou le substratum urbain de Constantine la
région, la ville et l’architecture dans l’antiquité (une étude en archéologie
urbaine), thèse pour l’obtention du diplôme de Doctorat d’État, option : urbanisme,
sous la direction du Pr. M.H. LAROUK, Université Mentouri –Constantine,
Algérie, p.177.
Idem, p.182.

BAGES, Doris (2003). Recherches sur la topographie urbaine de Cirta-Constantine dans


l’Antiquité, Thèse de Doctorat Archéologie, spécialité mondes classiques et cultures
indigènes, sous la direction de Pierre Garmy, Université Montpellier III - Paul
Valéry, p. 163.
Idem, p. 160.
Idem, p. 161.
Idem, p. 87.
BENIDIR, Fatiha (2007). Urbanisme et planification urbaine : le cas de Constantine,
Thèse de Doctorat d’État en urbanisme, sous la direction de Burgel Guy, université
Constantine, département d’architecture et d’urbanisme, p.43.
Idem, p. 54.
BERTHIER, André et CHARLIER, René (1952). Le sanctuaire punique d’El-Hofra à
Constantine, Paris, Art et Métiers Graphiques, volume 02, p. 05-08.
BERTHIER, André (1981). La Numidie, Rome, et le Maghreb, Paris, Picard, p. 164.
DELAMARE (1850). pl. 134.
DOUVRELEUR (1931). Constantine en 25 tableaux, deux petits prologues et un brin
d’histoire, Édition de la jeune Académie, Paris, p. 95.
Il était une ville … il était Constantine, regards croisés à travers « Constantine, voyage et
séjours 1879 » de Louis Régis illustration et témoignages, Constantine, Algérie,
édition Araja, 2012, p. 34.
Idem, p. 20.
JOLEAUD, L. (1937). Le Ravin de Constantine et les Origines de Cirta. c. f. Constantine :
son passé, son centenaire (1837-1937). En Recueil des Notices et Mémoires de la
Société archéologique de Constantine, Le ravin de Constantine, Vol. LXIV,
Constantine, édition Braham, p. 21.
Idem, p. 10.

KADDACHE, M. (1980). L’Algérie médiévale, SNED Alger, p. 153.

106
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

KHELIFA, Abderrahman (2008). La gestion du patrimoine culturel dans la commune, In


Grand Maghreb : Économie & société - Gestion des collectivités locales, p. 07-17.
LESCHI, L. (s.d). De la Capitale Numide à la Colonie Romaine. c. f. Constantine : son
passé, son centenaire (1837-1937). En Recueil des Notices et Mémoires de la
Société archéologique de Constantine, Le ravin de Constantine, Vol. LXIV,
Constantine, édition Braham, p. 21.
Idem, p. 28-29.
Idem, p. 31.
MERCIER, Ernest (1878), Constantine avant la conquête française 1837 : notice sur cette
ville à l'époque du dernier bey, extrait du recueil des notices et mémoires de la
société archéologique de Constantine, Vol.XIX, p.21.
Idem, p. 449-450.
MERCIER, Ernest (1879). Constantine au XVIe siècle : élévation de la famille El-
Feggoun, Extrait du recueil des Notices et Mémoires de la Société archéologique
de Constantine, Vol. XIX (année 1878), p. 11.
MERCIER, Ernest (1903). Histoire de Constantine, J. Marle et F. Biron, Imprimeurs-
Éditeurs, Constantine, p. 70.
MOMMSEN, Th. (1866). Die fassung cirta und der Cirtensischen colonien, in Hermes,
Tome I, p. 47-68.
RÉGIS, Louis (1880). Constantine : voyage et séjours, ancienne maison Michel Lévy
Frères, Paris, p. 57.
ROMANELLI, P. (1970). Topographia e archeologia dell Africa romana, Turin.
TOPALOV, Christian (2005). Les divisions de la ville, préparé dans le cadre du
programme de l’UNESCO gestion des transformations sociales (MOST), Édition
UNESCO, Édition de la maison des sciences de l’homme, Paris, p. 416.
VARS, Ch. (1893). Inscriptions inédites de la province de Constantine, et recherches
archéologiques sur Cirta, Recueil des notices et mémoires de la Société
Archéologique du Département de Constantine, Tome 28, p. 44-164.
Idem, p. 237.
VAYSSETTES, E (1867). Histoire des Beys de Constantine : Recueil des Mémoires de la
Société archéologique de Constantine, p. 281-282.
WICHE, K. et HUNDERT, Jahre (s.d). c.f Kasba 64 study group, in Living in the edge of
the Sahara, (s.d), Government Publishing Office, La Hague, p. 227.
XAVIER de Planhol (1957). Le monde islamique, essai de géographie religieuse, c.f
MOULINE, Saïd (2004). Tétouan portrait de la blanche colombe, Portrait
architectural et urbain, Rabat, p. 03. In MAROCPLURIEL [en ligne], URL :
http://marocpluriel.com/home/wp-content/uploads/2011/12/39-urb_portrait-de-
tetouan.pdf, article consulté en 2013.

107
Chapitre II : De la cité romaine à la médina arabo musulmane

، ‫ صححه و علق عليه نور الدين عبد القادر‬،" ‫) " تاريخ حاضرة قسنطينة‬1870/1790 ( ‫الحاج احمد بن مبارك‬
.09.‫ ص‬، ‫ الجزائر‬، 1952
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،‫ مصلحة المخطوطات‬، ‫ دائرة الحفظ و المخطوطات‬، ‫ المكتبة الوطنية الجزائرية‬، ‫دفتر الحبوس لمدينة قسنطينة‬
. ‫ لوحة‬36 ‫ عدد اللوحات‬، 3568 : ‫ رقم‬، ‫سم‬17*45 ‫المقاس‬

Support cartographique :
MERCIER, Ernest (1878), Plan : Constantine avant la conquête française 1837 : notice
sur cette ville à l'époque du dernier bey.
B.E.T Jennie KRIBECHE (2011). Plan : éléments permanents de l'histoire, in PPSMVSS
vieille ville de Constantine, ministère de la culture.

Sites Web :
 Collection Constantine d’hier et d’aujourd’hui, ancienne carte postale, URL :
http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/images/cartespostales/vieille_ville/cartes062.jpg
 Collection Delcampe [en ligne], vieilles cartes postales, URL : www.delcampe.net
 Photo prise d’une vidéo de l’an 1938, Constantine en couleur 1938 ‫قسنطينة باأللوان‬,
minute : 00:57, longueur totale de la vidéo : 01:41minutes. URL :
https://www.youtube.com/watch?v=vpVR_yKyGkM, vidéo ajoutée le :
15/02/2012, consultée le : 14/09/2012.
 URL : https://data.bnf.fr/fr/12140619/luis_del_marmol_y_carvajal/
 URL : https://i.ebayimg.com/images/g/nuEAAOSwMr1XPcU1/s-l300.jpg
 URL :
https://lh4.googleusercontent.com/proxy/Jvl6Zszr4cTxgo_ncGXDjPfzgOgPjkfykyg
_mt-4-d1rOOU6zCp1deaqUdYHxyxfLLlc79Iy2PMQjFk4Hg7fFIEihUtNF4Pq=s0-
d
 Wikipedia [en ligne], URL :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Luis_del_M%C3%A1rmol_Carvajal, dernière
modification de la page le : 5/03/2016.

108
CHAPITRE III :
BOULEVERSEMENT ET
DÉSÉQUILIBRE DES VIEILLES
STRUCTURES DE LA MÉDINA
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Introduction :
Afin de mieux comprendre l’influence des interventions coloniales sur la ville arabo-
musulmane et sa population, nous nous intéresserons dans ce chapitre aux changements
induits par la colonisation. En se basant sur différents points de vue de chercheurs, les
lectures auront pour but la mise en lumière de l’impact des mouvements migratoires sur la
structure socio-spatiale de la ville. Ce chapitre porte également sur la mise en lumière des
qualités d’urbanité de la médina de Constantine, et sur l’impacte des interventions
coloniales sur le tissu médinal et sur ses pratiques, à travers la lecture de quelques
indicateurs.
Dans le second volet, nous nous intéresserons aux projets d’extensions qui ont marqué
l’espace de la ville de Constantine depuis l’indépendance.

1. Constantine sous la colonisation française :


À la veille de la colonisation, la médina de Constantine s’étale sur le plateau du Rocher
sur une superficie de 37ha (selon le plan publié par E. Mercier), d’un tissu dense qui
regroupe un nombre important d’équipements cultuels, culturels et administratifs, en plus
d’une structure importante réservée à l’industrie artisanale et aux commerces.
La population autochtone de cette ville ou, comme l’appelaient autrefois les voyageurs
et les écrivains, « les beldi », sont les maîtres de la ville. Le beldi est son constructeur. Il
l’adapte à ses besoins et à son mode de vie. Son rôle dépasse l’organisation spatiale de la
ville à la sauvegarde de son patrimoine urbain. En plus des beldis, la ville regroupe des
étrangers (entre autres il y avait des Noirs). Ces étrangers portent le titre de Moustawtinins
et n’ont que quelques droits citadins. Et encore, ils ne l’auront qu’après une installation
d’une longue durée et l’acquisition d’un acte de bienfaisance de la communauté urbaine.
À la veille de la colonisation, cette ville regroupait entre 25 0001 et 30 000 habitants.
Afin de connaître le nombre de la population qui occupe le Rocher à cette époque, nous
recourons au premier recensement établi par la colonisation en 1846, et qui fait état de
25 035 habitants. À cette époque, le Rocher regroupait un mélange de Turcs, de
Kouloughlis et d’indigènes, sous différentes couches sociales : des familles nobles, des
fonctionnaires, des artisans et des commerçants. Ces derniers étaient répartis selon leurs

1 Le chiffre de 25 000 habitants est proposé par A. Noushi. Il semble être le chiffre le plus proche de la
réalité. Bien que la densité estimée par celui-là soit de 675 habitants par hectare, en comparaison avec le reste
des villes moyennes, cette densité est plus élevée.
110
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

groupes ethniques2 sur des limites socialement et spatialement précises, et pratiquaient


deux religions bien distinctes l’Islam et le Judaïsme.

Figure 3-01 : La place de la Brèche à l’époque coloniale (Ancienne carte postale, collection
Micheline Casier) 3
Historiquement, la médina de Constantine a connu le blocus plus de quatre-vingts fois.
Mais selon une déclaration du marabout Mohamed Ibn Abd El Krim, cette médina n’a
jamais été prise par la force ; jusqu’à l’arrivée de l’armée française le matin d’un vendredi
13 octobre 1837 (14 Rajab 1253 de l’hégire), date de la deuxième attaque.
La première attaque de l’armée française remonte à l’an 1836. À cette époque, sous le
commandement du Hadj Ahmed Bey, l’armée a été divisée en deux parties ; l’une à
l’intérieur de la médina et l’autre derrière les lignes ennemies. Cette stratégie assiégeante
proposée par le Bey a pu perturber l’armée française et l’inciter à se retirer le 24 novembre
1936 (Abd El krim Badjadja, s.d, p. 08).
Suite à cette attaque, les Français ont pris conscience de la difficulté d’accéder à cette
ville. Après la signature d’un traité de paix avec l’Amir Abd El Kader à l’Ouest (le 30 mai
1937), tous les pouvoirs ont été mobilisés pour la colonisation de la ville de Constantine.
Vers le mois de septembre 1937, l’armée française a pris sa place dans les hauteurs d’El
Mansourah pour canonner les remparts de la médina. Pendant cette seconde attaque, la
population autochtone a essayé de suivre la même stratégie utilisée lors de la première
attaque. Mais, malgré leur longue résistance, la médina de Constantine est tombée entre les
mains des colons le 13 octobre 1937.

2 En fonction des confréries religieuses, cette population se subdivise en (F. Benidir, p.60-62) : 1) Arabes
représentaient presque 50 % de la population. Ils occupaient la partie basse de la médina et pratiquaient
divers métiers artisanaux. 2) Moins nombreux que les Arabes, les Kabyles berbérophones regroupent des
Beni Abbas, des Kabyles et des M’zitis. La partie installée dans la médina de cette population occupe la
Tabia Barrania. 3) Les Kabyles arabophones et berbérophones habitaient le faubourg devant la porte de
Bab El Oued. 4) Les Turcs et les Kouloughlis représentaient environ 25 % de la population. Ils occupaient
la partie haute de la médina. 5) Les Biskris, nègres et mozabites étaient peu nombreux, ils occupaient Chatt.
Les Biskris étaient des portefaix ou des teinturiers. Les nègres étaient des peintres. Les Mozabites
pratiquaient le commerce. 6) Les Juifs habitaient Charaa et pratiquaient le commerce de gros et l’orfèvrerie.
3 Source : http://www.kiosquesdumonde.net/coppermine/displayimage.php?album=5&pos=10 et 11
111
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Pendant son installation, la colonisation est passée par deux étapes bien distinctes. La
première a duré plus de 33 ans de 1837 à 1870. Sous une administration militaire, elle a
utilisé la famine et l’acculturation, dans le but de détruire les relations socioculturelles et
d’affaiblir la population autochtone. Le peuplement de la ville par l’introduction d’une
population de différentes origines (des Français, des Maltais, des Espagnols et des Italiens)
avait pour but l’éradication de l’identité arabo-musulmane, à travers la mise en contact de
la population autochtone avec de nouvelles cultures.
Pendant les deux dernières décennies du XIXe siècle, la colonisation a suivi une
deuxième étape, en passant d’une administration militaire à une autre civile (A. Fillali,
M. Laarouk, 1984, p. 107-115). Pendant cette étape, l’identité culturelle et cultuelle de
cette ville et de sa population a connu une renaissance, conséquence des efforts de certains
savants et écrivains, tels que : Abd El Kader El M’djaoui (1848-1913) et Saleh Ben
M’hanna (1854-1910).

1.1 Des installations militaires pour le contrôle du tissu médinal :


Sous l’administration militaire, la médina de Constantine n’a pas subi de grands
changements, à part la transformation de l’espace de la Casbah et l’occupation des points
dominants dans et autour de la médina. Les efforts de la colonisation ont été consacrés à la
fortification et à son contrôle.
Suite à l’occupation du palais, la Casbah a été totalement détruite afin de céder la place
aux équipements nécessaires (l’hôpital militaire, les casernes, les prisons, un arsenal et une
manutention). La transformation de la vieille citadelle ottomane, en une citadelle adaptée
au bon fonctionnement de l’armée française, est passée par plusieurs projets
d’aménagement effectués entre 1837 et 1878.
D’après Bernard Pagand (1989), tous les travaux entrepris par la colonisation à cette
époque avaient pour objectif d’assurer la défense de la ville. En plus de l’occupation et de
la fermeture de la Casbah et de la création de liens entre elle et les différentes portes de la
ville, ces travaux se résument dans la consolidation de l’enceinte et le relèvement de la
Brèche.
Malgré la conservation et la prise en considération de l’aspect socioculturel et cultuel, et
l’application de l’arrêté du 8 septembre 18304, le tissu résidentiel de la médina n’était pas à

4 « Les biens de l’ancien pouvoir sont confisqués par l’arrêt du 8 septembre 1830 : les maisons, magasins,
boutiques, jardins, terrains, locaux et établissements quelconques occupés précédemment par le Dey, les
beys, et les Turcs sortis du territoire et de la régence l’Alger ou gérés pour leurs comptes, ainsi que ceux
112
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

l’abri des transformations. Après l’acquisition d’une construction mentionnée comme étant
un bien vacant délaissé par les Ottomans en rapport à cet arrêt, la construction était détruite
si elle posait au problème de sécurité. Mais dans le cas où elle était jugée utile, elle était
transformée pour accueillir d’autres fonctions.
1.2 La division de l’espace médinal :
La division de l’espace médinal en deux entités spatiales bien distinctes a été édictée par
l’ordonnance du maréchal Valée du 9 juin 1844. En plus de cette division spatiale, les
transactions immobilières dans les deux entités ont été soumises à des règles qui
mentionnaient que seules les transactions entre les indigènes dans la partie basse étaient
autorisées5, alors que tout type de transaction dans la partie haute était autorisé. Afin de
créer un espace adéquat aux nouveaux arrivants, et à travers cette ordonnance, la partie
haute de la médina a connu d’importants changements, allant des opérations d’alignement
et de percement des voies de communication, aux opérations de destruction et de
reconstruction dans le tissu urbain.
Malgré la séparation entre les deux entités et la préservation de la gestion traditionnelle
de la partie basse réservée à la population indigène, cette ordonnance n’élimine pas
l’introduction de quelques changements dans cette partie, sous forme d’interventions
ponctuelles à caractère public, agréées par le ministère de la guerre (comme le mentionne
F. Z. Guechi (2004) dans son ouvrage « Constantine, une ville, des héritages »), se
présentant sous forme d’implantation de quelques établissements d’utilité publique.
1.3 Interventions urbaines et distinction socio spatiale entre les différents
groupes ethniques :
Lors de la prise de la médina de Constantine, une seule catégorie de population a
occupé les maisons beylicales ou les makhzens : des compagnons des militaires. Mais vers
1850, la population européenne a connu un accroissement important, conséquence du
nombre important des migrants d’outre-mer. Venant d’une autre culture, ces nouveaux
migrants avaient des problèmes d’adaptation au confort des maisons arabes qui ne
répondait pas à leurs besoins. Pour résoudre ces problèmes, il a fallu créer des quartiers
conformes au mode de vie européen.

affectés à quelque titre que ce soit, à la Mecque et à la Médine, rentrent dans le domaine public et seront
régis à son profit » MAUMERAT. M (1984).
5 Cela apparait clairement dans l’article numéro 5 de l’ordonnance Valée « aucun Européen ou Israélite
étranger ne peut s’établir ou devenir locataire, propriétaire ou détenteur d’immeuble à quel que titre que ce
soit, dans les quartiers indigènes » J .CHIVE et A .BERTHIER (1937).
113
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

La création de nouveaux quartiers en dehors de la médina nécessitait beaucoup de


travaux. La seule solution proposée par les autorités locales était l’intervention sur le tissu
préexistant, donc sur le tissu médinal. Depuis cette date, la population autochtone a perdu
le pouvoir d’intervenir dans la médina. La solution proposée par les colons est passée par
deux étapes : l’expropriation d’un nombre important d’habitations, et la destruction
d’autres. Cette situation s’est aggravée avec la présence de défaillances sur le plan
économique et politique, résultat de l’incapacité des beldis de s’adapter au nouveau
système colonial, et l’exclusion de la population autochtone des conseils municipaux et
généraux.
Les premières installations des colons dans l’espace du Rocher datent de 1843. Une
année plus tard, leur nombre a atteint 1 478 habitants. En 1847, leur nombre était de 2 190,
et il a pu atteindre 8 290 en 1856 (Bernard Pagand, 1989, p. 27), résultat du grand nombre
des arrivants. En observant le processus d’occupation de l’espace médinal par les colons, le
passage vers la création d’un lieu de vie propre à eux a suivi quelques étapes :
 Le 09/07/1844, promulgation de l’ordonnance portant division de la ville en
deux parties : l’une indigène et l’autre européenne. Ce qui facilite
l’appropriation de l’espace.
 Le 22/12/1846, un arrêté désignant la commission de nivellement.
 Vers 1849, la partie nord-ouest de la médina a perdu totalement ses caractères
initiaux pour céder la place au quartier colonial qui s’articulait autour de la rue
Caraman.
 En 1849, la juxtaposition de la ville administrative proche de la ville militaire,
en plus de l’aménagement d’un espace public central vers 1850, représenté par
la place Negrier.
 ……….
Dans ces conditions, la colonisation est passée par trois phases, allant de l’appropriation
de l’espace et de l’implication des principes coloniaux, à la création d’un espace sécurisé
qui regroupait à la fois des fonctions administratives et militaires, en plus d’un espace de
vie sociale. Comme résultat et selon le recensement de 1861, le Rocher a atteint le nombre
de 17 809 habitants (6 757 Français, 4 000 Juifs et 17 052 musulmans). Avec
l’augmentation du nombre des arrivants, la partie basse, réservée aux indigènes, a connu
une nouvelle délimitation. En plus de la destruction d’un nombre important d’édifices du

114
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

tissu autochtone, pour le percement de la rue Nationale6 qui fait le lien entre la halle aux
grains et la gare ferroviaire, toute la partie comprise entre la partie coloniale délimitée par
l’ordonnance Valée et la rue Nationale a connu des opérations d’alignement.

Le 14 juillet 1850 : un décret de création de


deux école arabo françaises (Sidi Djliss pour
les garçons et l’autre dans la mosquée de Sidi
Remah pour les filles).
L’installation d’un
appareil
Entre 1851 et 1852 : l’ouverture de la rue
Entre 1848 administratif et civil
commerciale (Rue de France) pour faciliter le
et 1852 dans la médina transit.
(préfecture,
tribunal…etc.) En 1852 : la création de la grande poste et la
Brèche qui représente le point de convergence
des 03 lignes qui cisaillent la médina.
En 1853 : la création de la société
archéologique.
L’installation d’un
grand nombre En 1857 : la création d’un centre de marché de
Entre d’équipements : légumes (la place de Rahbet Essouf) pour
1852 et banquière, foncière, faciliter l’accès par la rue des cigognes.
1870 culturel, scolaire,
économique, En 1864 : la mise en place d’un palais de
commerciaux. justice.

En 1863 : la mise en place d’un chemin de fer


qui relie la ville de Constantine à Skikda.

Figure 3-02 : Interventions urbaines de la colonisation entre l’an 1848 et l’an 1870
La distinction sociale entre les trois catégories (Musulmans, Juifs et Français)
s’exprimait par une distinction spatiale (figure 3-03). La vie de chacune des sociétés
s’articulait autour d’un centre qui regroupait à la fois un lieu de culte, un lieu de rencontre
et d’échanges culturels, et un centre économique destiné aux échanges commerciaux.
Prenons comme illustration la communauté juive. Selon E. Mercier, à l’époque de Saleh
Bey, les Juifs de Constantine ont connu leur premier regroupement dans un quartier propre
à eux connu sous le nom du Charae. En référence à la description de Mercier, ce quartier
n’était auparavant qu’un ensemble de trous, de fondrières et de misérables masures. Après
quelques travaux de nivellement du terrain, le Bey l’a mentionné comme quartier juif.
Mais, en référence aux actes d’achat destinés à la constitution des biens Habûs remontant à
la même époque, dans l’un de ces actes se trouve la description du Charae Yahoudi qui est
antécédente aux travaux de Salah bey, et également à la construction de la synagogue. Ce
qui explique l’existence de ce quartier bien avant cette époque.

6 Percée vers l’an 1865 et connue bien avant sous le nom de rue Impériale.
115
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

« Un acte notarié dressé à la fin du XVIIe siècle rend compte de la vente de


deux frères, David et Mardochée fils de Dani d'une maison sise "au-dessus du
Shâra' al-yahûdî (des juifs)", dit encore Shâra' des zhimmî-s (les non-
musulmans), dans la huma de Bâb al-Qantara » I. Grangaud (1998)
La présence du « Shâra' al-yahûdî » remonte au XIVe siècle. En référence à l’historien
Ibn El Attar, la ville de Constantine a connu une attaque de la part du Sultan El Marini Abi
Inan (‫ )المريني أبي عنان‬vers l’an 757 de l’hégire. Lors de cette attaque, ce Sultan avait promis
d’entrer et de mettre à l’envers la vie à l’intérieur de cette ville. Pour ce faire, il l’a cernée
pendant plus de neuf mois. Il a construit un grand barrage qui a changé la direction
d’écoulement des eaux de l’Oued. Après une longue durée de sécheresse et dans le but
d’avoir des pluies, les habitants ont demandé l’aide du Ouali Sidi Ali Ben Makhlouf pour
prier Dieu. Après de grandes précipitations, le barrage a été détruit. Mais, le problème posé
était que le Sultan ne pouvait pas s’en aller avant d’avoir réaliser ses promesses. Pour ce
faire, et suite à une réconciliation avec les habitants, le Sultan a pu accéder à la ville avec
un seul serviteur. En y passant sa première nuit, le sultan a remarqué la marginalisation de
la communauté juive étant donné qu’elle habitait dans un quartier d’ordures. Dans son
désir de bouleverser la vie à l’intérieur de la ville et de rendre les plus pauvres plus riches
de son point de vue, il a décidé de les délocaliser vers le Charae au Sud de la Casbah. Cette
histoire qui remonte au XIVe siècle prouve l’existence d’une distinction spatiale entre les
communautés à l’intérieur de la ville depuis des siècles.

La Grande Mosquée

Musulmans La Place Molière La Medersa

Le marché des Galettes

La grande Synagogue

Juifs La Place Negrier Le consistoire

Le Marché Souk El Acer

La Cathédrale

Colons La place Foch L'Hôtel de ville

Le marché Nemour

116
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-03 : Répartition des espaces de manifestation de la vie urbaine selon les communautés
La préparation d’une assiette pour l’installation des colons a engendré la demande de la
création des liaisons avec les parties périphériques de la ville. En 1856 Napoléon III a pris
la décision de créer une gare et de mettre en place toute une structure ferroviaire.
Vers le début de 1860, et suite à ces interventions, la médina de Constantine offrait un
nouveau visage. D’après L. Velenci qui cherchait les marques d’urbanité dans cette
médina, seules les interventions des colons sur le tissu de la médina ont pu faire apparaître
ses marques d’urbanité. Plus précisément, cela ne s’est concrétisé qu’à travers l’application
du principe haussmannien, à travers la construction d’un boulevard de ceinture (une voie
de contournement) remplaçant le mur d’enceinte, et le percement de trois artères formant
les principaux axes de la ville. Ce principe est apparu plus clairement lors de l’extension
vers Bab El Oued et le Coudiat Aty. Ces extensions étaient basées sur certains principes :
la continuité urbaine, la hiérarchisation des voies, l’organisation du tissu en îlots à travers
le percement des voies de circulation en diagonale ou en tracé rayonnant, la répartition des
places, jardins, squares, en harmonie avec le cadre bâti. Compte tenu que l’harmonie entre
le plein et le vide lors de la conception donne plus de valeur aux espaces publics, cette
nouvelle conception n’était qu’une réponse spatiale aux besoins socioculturels des colons.
La partie faisant le lien vers Philippeville a eu lieu en 1870. Cette ouverture vers
l’extérieur et cette distinction socio-spatiale a eu d’autres effets sur la vie dans la partie
basse de la médina. Selon les écrits de certains conseillers algériens vers la fin du XIXe
siècle, les conséquences du changement des circuits traditionnels de vie et de commerce, et
l’exode d’une grande masse des ruraux vers cette partie de la ville, en plus de l’état
dégradé et saturé de la partie arabo musulmane du Rocher ont incité la population
autochtone à rechercher des solutions en dehors des limites du Rocher (Bernard Pagand,
2007) .
Tandis que l’état inhabitable des quartiers arabes et juifs s’accroît de jour en jour, l’idée
de la création d’un nouveau quartier arabe n’a pas vu le jour. À propos de cet état
d’insalubrité, le comité d’enquête a rédigé un constat sur la vie à l’intérieur du quartier des
Juifs en 1904. À cette époque, ce quartier regroupait 1200 familles réparties sur une
superficie de 10 ha, suivant une densité plus ou moins élevée. L’insalubrité et le mauvais
entretien des rues et des impasses causaient des épidémies. Les problèmes
d’assainissement faisaient partie des causes d’insalubrité. Mais, l’absence des pratiques de
nettoyage et de blanchissement des façades a fait que cet un espace était séparé du reste de
la ville ; comme s’il ne lui appartenait plus.

117
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Dans la partie basse de la médina, la densité de la population qui n’était que de 600
hab./ha a connu un accroissement jusqu’à 1 026 hab./ha, causé par le transfert de la
population autochtone qui occupait naguère la partie haute de la ville, à cause des travaux
de la colonisation. Ces habitants qui ne voulaient pas quitter la médina ont essayé de garder
leur mode de vie tel qu’il était autrefois. De même, ils ont refusé tout type de changement
venant de l’extérieur afin de se protéger des menaces culturelles de la colonisation.
La partie haute de la médina, occupée par les colons, a été transformée et réadaptée à
leur mode de vie. Progressivement, elle a connu l’introduction d’une certaine population
d’origine turque qui en a occupé les marges depuis les années trente. Vers 1954, 32 % des
colons avaient quitté cette partie haute de la médina. Durant cette même période, une
permission a été donnée à une couche intellectuelle algérienne afin qu’ils occupent des
postes dans l’administration ou dans la fonction publique. En conséquence de ces
évènements, une nouvelle classe sociale occidentalisée7 a pu s’introduire dans ce quartier
européen à travers l’occupation de ces biens vacants.

7 Étant donné qu’elle était influencée par le mode de vie et la culture européenne.
118
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-04 : Les modifications apportées à la ville arabo-musulmane (PPSMVSS vieille ville de Constantine, B.E.T Jennie Kribeche, 2011)

119
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

1.4 Impact des interventions du génie militaire sur la structure du tissu


médinal :
Comme résultat des diverses interventions du génie militaire, le Rocher regroupe deux
types d’îlots bien distincts. La partie basse est caractérisée par des îlots de formes variées,
trop denses (arrive jusqu’à 50 maisons par îlots) et compacts. Ces îlots sont dessinés par
une trame viaire irrégulière. Ils sont servis à partir des impasses d’une langueur qui varie
de 15 m à 70 m. Leur forme irrégulière est conditionnée par la topographie un peu
accidentée du site d’un côté, et par le principe qui caractérise la majorité des villes du
monde arabe de l’autre côté. Par opposition à la partie basse, la partie haute du tissu a
connu une nouvelle structure caractérisée par sa régularité et les formes carrées ou
trapézoïdales des îlots (figure 3-05), résultat de l’application du principe d’alignement et
de nivellement dicté par le Décret de novembre 1859. Cette régularité n’avait pas
seulement comme but la création d’un espace adéquat aux Européens semblable à la
métropole européenne, tout en appliquant le principe de distribution des rues dans les villes
de guerre (Bakiri Rym, 2011, p.110) qui nécessite leur régularité le plus possible.

Avant Après

Figure 3-05 : La nouvelle structure caractérisée par sa régularité


De ce fait, il y a deux types d’îlots bien distincts et que nous pouvons distinguer à l'aide
de la trame viaire qui les structure. Rues, ruelles ou impasses, couvertes ou ouvertes, le
réseau viaire de ce tissu est très variable compte tenu qu’il regroupe des éléments de
différentes civilisations. D’une époque à une autre, ces voies ont pris de nouvelles
fonctions et dimensions.

120
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

À la veille de la colonisation, la médina de Constantine était traversée par quatre voies


primaires. Le premier changement induit à sa structure viaire remonte à 1851/1852, date de
l’ouverture de la rue commerciale (rue de France) pour but de faciliter le transit. À cette
époque, la rue de France (actuelle rue Didouche Mourad8 ou 19 juin 1965) était la limite
physique entre la partie haute occupée par les colons et la médina basse occupée par la
population autochtone.
L’une des quatre voies traversant la médina et le seul chemin des caravanes (Louis
Régis, 1880, p.116) était celle qui dessinait le lien entre les deux portes de la ville Bab El
Oued et Bab El Kantara. Elle regroupait d’importantes activités (des boutiques, la grande
mosquée). Avec le percement de la rue Nationale en 1865 (connue bien avant sous le nom
de rue Impériale et actuellement sous le nom de rue Larbi Ben M’hidi9), la place devant la
grande mosquée et sa fontaine ont disparu (figures 3-06 et 3-07). Les transformations
apportées au chemin des caravanes, par la colonisation, se résument dans la proposition
d’un nouveau tracé, la création d’une nouvelle bordure et l’interdiction d’accès des
caravanes. Pour la création des liens entre cette rue et le reste des ruelles, il a fallu parfois
creuser profondément et solidifier la tranchée afin de placer des escaliers étroits créant ces
liens.

8 Axe Didouche Mourad ou 19 juin 1965 : prolongé sur une distance de 62 m et d’une largeur de 08m.
Actuellement, il est connu par sa grande fréquentation pour des raisons multiples : comme un espace de
transit, compte tenu qu’il représente une intermédiaire entre les deux parties de la ville, ou comme un axe
commercial qui attire une grande partie de la population féminine. Avant 2015, en raison de la largeur réduite
de cet axe, la fréquentation élevée des piétons et le stationnement informel ont souvent posé des problèmes
d’encombrement. Dans le cadre des projets d’aménagement de la ville de Constantine pour la préparer à
accueillir la manifestation de « Constantine, capitale de la culture arabe 2015 », il y a eu l’exclusion des
voitures de cet axe et son aménagement en une allée piétonne.
9 Axe Larbi Ben M’hidi : d’une langueur de 720 m et une largeur de 12m. Historiquement, cet axe représente
la distinction socio-spatiale entre la ville coloniale (la partie haute de la médina) et celle arabo-musulmane (la
partie basse de la médina). Actuellement, cet axe réservé aux déplacements mécaniques et piétons est utilisé
comme un lien entre la place 1er novembre et le pont de Bab El Kantara. Concernant son degré de
fréquentation, cet axe est connu par leur fréquentation plus ou moins réduite ; en raison de la présence des
commerces spécialisés en vente en gros (54 du nombre total des commerces).
121
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-06 : La rue nationale en cour de Figure 3-07 : La grande mosquée après le
réalisation (Araja, 2012, p. 27) percement de la rue nationale 10
Afin de connaître s’il y a eu des changements et pour chercher l’originalité de ce réseau
actuel et les raisons pour lesquelles il a pris sa structure actuelle, nous devrons faire un
retour dans le temps. Pour cela, nous devons passer par une superposition de certaines
cartes, chacune datant d’une époque donnée.
En l’absence d’un plan bien fait représentant la structure ou des indices de la ville
préromaine, cette époque sera négligée. De ce fait, notre point de départ est la cité romaine.
Pour cette époque, nous nous référons aux différents croquis dessinés par les historiens et à
des hypothèses dictées par eux-mêmes sur cette cité. Pour la période ottomane, là où le
principe de la ville arabo-musulmane est le plus clair, les plans utilisés datent de la fin de
cette occupation, élaborés par le génie militaire bien avant l’introduction des modifications
au tissu de la médina. Au même titre que ces plans, les récits des voyageurs sont
importants pour sa description. Enfin, pour l’époque coloniale, le plan le plus utile est le
même que celui de l’époque contemporaine.
La médina de Constantine s’étale sur un énorme bloc de calcaire appelé le Rocher.
Compte tenu de sa topographie, la ligne de crête descend du Nord vers le Sud-ouest,
rejoignant la rivière vers le nord par une pente très abrupte, et vers le sud par une pente
plus ou moins douce (figure 3-08). L’écoulement des eaux pluviales de surface suivait la
déclivité du terrain, en même temps l’écoulement des eaux souterraines se fait sur les
traces des anciens ravins. La première remarque est que l’aménagement de cette ville s’est
fait en se basant sur un point phare qui est l’eau, ce qui est confirmé par l’usage de la
même répartition des espaces d’une époque à autre.

10 Source : http://image.noelshack.com/fichiers/2016/45/1478539448-160614022121595271.jpg
122
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Du plan de la médina, il est clair que la ligne droite n’a pas de place. Quant aux
interventions du génie militaire français, elles se résument dans la régularisation et la
normalisation de l’existant en fonction de leurs besoins. Par retour à l’époque ottomane, la
structure urbaine de la médina à cette époque se superpose avec celle de l’époque romaine
en quelques points importants : les voies formant les premières formes de regroupement de
la population et les espaces publics. Malgré leur changement d’appellation, leur fonction
est restée la même pendant deux époques successives.

123
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-08 : La topographie du Rocher (PPSMVSS vieille ville de Constantine, B.E.T Jennie Kribeche, 2011, p. 21)

124
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Avant de passer à l’analyse des pratiques exercées dans un espace, nous devons mettre
des arguments de fond structurel pour classer ces espaces en fonction de leur importance
dans l’ensemble du tissu. Cette classification facilite l’explication du degré du choix d’un
espace par l’usager et de la négligence d’un autre. Pour ce faire, nous nous référons à la
syntaxe spatiale comme méthode d’analyse de la structure urbaine des tissus.
1.4.1 L’espace de confinement :
Le confinement où « the space containment » fait partie de l’organisation spatiale de la
ville traditionnelle. Cet indice décrit l’espace à travers ce qui l’entoure, comme les blocs ou
les éléments architectoniques, donc à travers son environnement. Il est utile pour tout
espace clos. Dans la ville arabo-musulmane, la mosquée représente le centre de
confinement et les constructions collées les unes aux autres avec une harmonie
représentent l’enveloppe. Ces blocs qui représentent l’enveloppe sont liés par des rues ou
des Derb dont leur spécificité est l’étroitesse et l’inclinaison.
Le but de quantifier le confinement d’un espace est la justification de certaines
sensations que procure l’espace à l’usager. Le calcul nécessite la prise en considération de
la largeur de l’espace face à sa hauteur. Selon Mc Cluskey, le rapport largeur/hauteur
indique un sentiment de phobie des espaces clos lorsque ce rapport varie entre 0,12 et 1
(1<La/H ≤0,12).
Lorsque ce rapport varie entre 1 et 3 cela signifie que l’usager a le temps d’observer son
environnement avec une bonne sensation, car les limites de l’espace sont bien définies. Au
moment où cette valeur dépasse le 4, l’usager passe de la lecture verticale des limites vers
une lecture horizontale. À ce moment, il aura le sentiment d’un espace ouvert et sans
limites.
L’analyse du rapport La/H dans la médina de Constantine nous donne des explications
sur le choix des dimensions des rues et de leur classification du public au privé.
Rue, Sabat ou impasse, tout axe dans la partie conservée de la médina de Constantine se
trouve dans le premier cas, où le rapport varie entre 0,2 et 1. Mais avec des exceptions,
compte tenu que pour certaines rues la valeur de ce rapport est inférieure à 0,2 ; ce qui
explique la vie privée (des impasses conçues à l’échelle de l’homme) dans cette médina.
Dans le cas où ce rapport est supérieur à 1, l’usager a le temps d’observer son
environnement, ce qui le met dans un état de gêne avec les principes de la religion
islamique où l’observation des façades donc du contour immédiat est plus ou moins
interdite. Cela s’applique sur la partie conservée de la médina arabo musulmane.

125
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

L’opération de nivellement opérée par la colonisation avait pour principe


l’élargissement des voies de communication dans la partie haute, et la création d’une
nouvelle façade urbaine. Selon la lecture du rapport La/H, toutes les voies créées par la
suite ont un rapport qui dépasse 0,6. La présence d’une telle valeur élimine cette phobie de
clôture. De plus, elle transmet un sentiment de limites observables. Par conséquent,
l’usager peut dessiner son enveloppe et l’observer.
1.4.2 La profondeur de l’espace (the MeanDepth) :
La profondeur des espaces dans l’ensemble du tissu donne des résultats bien distincts
allant de 0 à 17. Mais de l’analyse de l’ensemble, une partie égale à 7,47 % du total
regroupe des espaces qui ont des valeurs allant de 13 à 17. Sachant que cette valeur est
bonne lorsqu’elle se rapproche de 0, tout espace qui s’éloigne de cette valeur est mentionné
comme dispersé dans son ensemble. Le plus remarquable est le regroupement de ces
espaces dispersés dans la partie basse, donc dans le tissu de Souika. Alors que, l’analyse de
cette dernière - toute seule – comme tissu arabo musulman nous offre d’autres
informations : la profondeur est élevée sur l’axe contenant la place de la mosquée et la
dispersion aussi pour quelques espaces privés.
1.4.3 Degré de connectivité et d’intégration :
Le degré de connectivité d’un espace dépend du nombre de lignes connectées
directement à l’espace analysé.
2(𝑀𝐷 − 1) * MD est la profondeur de l’espace
𝐴𝑠𝑦𝑚é𝑡𝑟𝑖𝑒 𝑟𝑒𝑙𝑎𝑡𝑖𝑣𝑒 =
𝐾−2 * K nombre d’espaces dans l’ensemble
La première analyse de la connectivité et du degré d’intégration des espaces s’intéresse
à l’ensemble du tissu, donc à la partie haute coloniale et la partie basse arabo musulmane
en même temps. Alors que la partie coloniale représente une intégration parfaite allant
jusqu’à 1,294 dans l’ensemble du tissu, la partie basse est sous-intégrée, étant donné que
plus de 40 % de ses espaces ont un degré d’intégration entre 0,3802 et 0,6294.
Lors de la comparaison de ce faible degré d’intégration dans son nouvel ensemble avec
son degré d’intégration dans son ancien tissu arabo musulman, d’autres résultats
apparaissent (figure 3-09). Toutes les parties ont des degrés d’intégration plus ou moins
égaux, dont les espaces sous intégrés sont les axes privés.
L’autre élément à tirer est fortement lié à l’état actuel des espaces sous intégrés, par
rapport à l’ensemble : 54,69 % d’entre eux sont actuellement des ruines. Cette partie
regroupe les espaces qui ont le plus bas degré d’intégration, variant entre 0,4031 et 0,4447.

126
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-09 : La vieille ville de Constantine, degré d’intégration locale et globale


Par rapport au degré de connectivité, l’analyse de l’ensemble du tissu donne des
résultats varient de 1 à 22. Les plus basses valeurs se regroupent dans la partie basse, donc
dans la partie arabo musulmane où le degré de connectivité ne dépasse pas la valeur de 4.
D’un autre point de vue, l’analyse du plan de la partie basse de la médina, « Souika »
(figure 3-10), montre que le degré de connectivité des espaces varie de 1 à 9, avec une
dominance de l’axe menant vers la place de la mosquée de Sidi Abd El Moumen.

Figure 3-10 : Souika, Degré de connectivité Figure 3-11 : Souika, Degré d’intégration

127
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

1.4.4 Le degré de contrôle unitaire ou de diffuse :


Tout espace a une valeur de contrôle, qui est expliquée par son degré de choix élevé ou
bas. La distribution d’un espace est indiquée par le nombre de voies qui y mènent. Ou
autrement dit, c’est l’étendue de sa participation dans l’ensemble du système. Elle dépend
du nombre des choix disponibles pour aboutir au même endroit.
Partant de l’analyse du degré de contrôle et du choix des espaces dans l’ensemble, seule
une artère menant vers l’axe Mellah Slimane est justifiée comme contrôlable (figures 3-12
et 3-13). Cette artère a un degré plus ou moins élevé pour être choisi par l’usager, pour
traverser la partie basse du tissu. L’autre analyse de Souika donne d’autres résultats,
l’espace dominant est toujours l’axe contenant la place de la mosquée. Les espaces les
moins contrôlables sont les espaces privés dans le tissu arabo musulman, ils sont aussi les
moins choisis.
L’analyse de la localisation des plus vieilles mosquées de la médina de Constantine
donne une autre explication aux résultats obtenus. Prenons par exemple Djamae Rahbet
Essouf, il se trouve entre les deux quartiers Charae et la casbah. Il donne aussi sur Rahbet
Essouf, lieu de passage de l’un des principaux axes de la médina liant la casbah à Bab El
Oued et l’extrémité de Souk Et-tojjar. C’est aussi le lieu de passage d’une artère menant
vers Souk El Djumuâa. Une deuxième mosquée est Djamae Souk El Ghazel (1741), elle
donne sur l’un des principaux Souks de la médina. Elle se trouve à côté du palais du bey, et
est traversée par un axe liant les deux portes du côté Ouest « Bab El Oued et Bab El
Djdid » à Souk El Djumuâa à l’Est de la médina. L’autre mosquée est Djamae El Akhdar
(1743), au milieu de quatre Souks (Souk El Qezazine, Souk El Qassaîne, Souk El
Djazzarine et Souk El Kebir). De plus, cette mosquée donne sur une artère qui lie Bab E l
Oued à l’Ouest, à Bab El Kantara à l’Est. Le dernier exemple est celui de Jamae Sidi El
Kettani, il donne sur Souk El Djumuâa et se trouve entre les trois quartiers (la casbah,
Charae et Tabia).
De ces différents exemples, quelques remarques peuvent être tirées. La mosquée donne
toujours sur l’un des Souks de la médina. Elle se trouve sur les principaux axes et elle sert
de lien entre les différents quartiers qui la côtoient. De ce fait, le choix du point de
localisation de la mosquée dans la médina de Constantine avait comme but la dominance et
le contrôle des différents Souks, axes et quartiers, donc des différents points de la ville.

128
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-12 : Souika, Degré de contrôle Figure 3-13 : Souika, Choix rapide des espaces

« … des européens du XIXe siècle, des Français, venant s’établir au milieu de


cet amas de bicoques entassées, en dépit de toutes les lois de l’art et du bon sens,
sur les vestiges superposés de diverses civilisations, ont dû dès l’abord modifier
profondément ce dédale pour en rendre l’habitation possible. On a donné du jour
et de l’air, percé, démoli, nivelé, aligné, reconstruit […] maintenant le vieux
Constantine n’existe pour ainsi dire plus que dans le quartier de Bab El Djabia
et dans partie de celui d’El Kantra. » Ernest Mercier (1878)
Face à ce jugement de Mercier, toute modification apportée par la colonisation avait
comme but l’amélioration du cadre de vie. Mais selon les résultats obtenus, l’application
du principe haussmannien sur le tissu de la médina a donné des résultats autres que la
création d’un espace propre au mode de vie des colons. L’opération de nivellement qui
avait pour but l’élargissement des voies de communication et la création d’une nouvelle
façade urbaine a développé un nouveau sentiment qui n’existait pas auparavant dans les
rues, les Sabat et les impasses de la médina. L’évaluation du confinement de ces espaces
avant la colonisation donne des valeurs qui varient entre 0,2 et 1 et qui répondent à une
hiérarchisation du public au privé, dont le sentiment de phobie des espaces clos marque
tous les espaces privés. Toutefois, ces valeurs répondent aux conditions de vie dictées par
le climat. Les rues tortueuses et étroites dans la médina de Constantine donnent peu de
vigueur aux vents, à la chaleur du soleil et aux poussières, elles sont adaptées contre les

129
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

effets du siroco. De plus, la faible présence des ouvertures sur les façades des maisons
semble être une bonne protection contre les aléas climatiques.
Les opérations imposées par la colonisation ont détruit cette hiérarchisation, étant donné
que cet indice a connu une augmentation. En introduisant la partie coloniale, toutes les
valeurs dépassent 0,6 , ce qui élimine cette privatisation des espaces et développe un
nouveau sentiment de limites observables.
L’analyse des différents critères (profondeur, connectivité, intégration, contrôle... etc.)
dans le tissu de Souika avant l’introduction de la partie coloniale affirme l’idée de certains
chercheurs concernant l’ordre et l’harmonie de ce tissu du fait que l’espace dominant en
terme de contrôle, d’intégration et en profondeur est la place de la mosquée ; ce qui affirme
l’usage de la mosquée dans tous les tissus arabo-musulmans comme point central de la
médina.
En introduisant la partie coloniale, 7,47 % du tissu arabo musulman sont allés vers la
dispersion des espaces et leur ségrégation. En plus des difficultés11 rencontrées par l’État
pour la protection de cette partie, plus de 40 % de sa superficie regroupant des espaces
moins connectés, ségrégés et dispersés sont aujourd’hui des ruines (figure 3-14). Ce ne
sont que des espaces qui ont le plus bas degré d’intégration (entre 0,4031 et 0,4447).

11 « L’administration n’a fait qu’emboîter le pas aux locataires et vers certains commerçants qui ont
transformé des maisons en de douteux bazars. Les autorités, de peur que l’irréparable se produise, comme
l’affaissement d’une maison, ont préféré précéder les évènements. Ce qui nous donne une destruction
officielle et une autre officieuse [...] L’APW a proposé de détruire toute maison évacuée, sans l’aval de ses
propriétaires, en 2001. Une opération qui a été reportée, puis suivie par une autre… » BELAGHA,
Hamid (2015) in EL WATAN.
130
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-14 : Localisation des maisons en ruines dans la partie basse de la vieille ville de
Constantine (B.E.T Jennie Kribeche, 2011)
1.5 La population autochtone face au processus d’acculturation :
Sous l’ordre de Saleh Bey, une enquête a été menée sous la direction des Qadis et des
deux muftis de la médina de Constantine dans l'intention de quantifier les biens Habûs
alloués aux mosquées et aux Zaouïas. Cette enquête a donné comme résultats un nombre
de 80 mosquées, 13 Zaouïas et deux medersas. Quelques années plus tard et à la veille de
la colonisation et selon Bernard Pagand, cette médina comptait une structure cultuelle et
culturelle importante, due à l’augmentation du nombre des établissements religieux passant
de 95 à environ 107 établissements. Cette structure regroupe 59 mosquées, 35 Zaouïas, 04
Médersas et 09 Marabouts (R. Bakiri, 2011). Malgré cette augmentation du nombre des
établissements, nous constatons l’abaissement du nombre des mosquées de 80 à 59. Cette
diminution avait une autre explication. Ces établissements assurent leur entretien à travers
les revenus de leurs biens Habûs. À cause de la mauvaise gestion des Ouakil et la
privatisation des ressources nécessaires à leur fonctionnement, certaines mosquées ont été
transformées en écuries, alors que d'autres ont fermé leurs portes avant de tomber en
ruines.

131
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

En plus de leur fonction comme des lieux de culte, ces différents équipements
assuraient l’enseignement du Coran, du Hadith, des sciences islamiques, de l’histoire, de la
littérature, de la médecine et de l’astronomie. Avec la colonisation, tous leurs biens Habûs
ont été annexés aux domaines et mis sous le contrôle du gouvernement général. Avec le
temps, ce contrôle a diminué la valeur de cette structure cultuelle et culturelle,
particulièrement avec la délimitation de leur rôle dans l’apprentissage seulement du Coran,
et en ignorant toutes les autres sciences enseignées bien avant. Parallèlement, par manque
de formations destinées au personnel capable de les gérer, ces établissements ont été
transformés en « entreprises familiales de type maraboutique tirant prestige du passé… »
(Bernard Pagand, 1989, p.132). Cette négligence a été accompagnée de destructions,
compte tenu que pendant le processus de transformation urbaine imposée par la
colonisation 72 établissements religieux entre mosquées et Zaouïas, ont été détruits.
Quelques-uns ont pu tout de même survivre face aux usures du temps et à la colonisation,
dont nous pouvons citer les suivants :
 El Jamae Sidi Lakhdar : selon l’inscription qui se trouve au-dessus de l’entrée,
le Bey Hacene Ibn Hossein l’avait construite en 1743 (1156 de l’hégire), en plus
de la médersa qui la juxtapose.
 Masdjid Sidi Abd El Moumen : comme centre de la médina basse, cette
mosquée a pu résister au temps. Au mépris de sa petite superficie et de son rôle
limité à la prière et l'apprentissage du Coran sacré, cette mosquée attire un
nombre important de visiteurs. Cela peut s’expliquer par sa localisation sur un
grand axe commercial, celui de Mellah Slimane.
 Masdjid Sidi Ben Mimoune : cette mosquée n’a connu que des réfections et
elle est toujours fonctionnelle.
 Masdjid Sidi Ed-Drar : il a connu d’importants travaux de réfection et de
réparations concernant la salle de prière et l’annexe. Mais, il n’a subi aucune
transformation ni sur la forme ni sur sa fonction.
 Masdjid Sidi Kamouche : l'une des plus vieilles mosquées de la médina, elle
date du VIIIe ou IXe siècle de l'hégire. Cette mosquée est une propriété de la
Famille du Chaikh Ibn Badis. À l'exemple de la mosquée de Sidi Boumaâza, elle
a été consacrée à l'apprentissage des principes de l'islam. Aujourd'hui, c'est une
mosquée pour les cinq prières et l'apprentissage du Coran sacré pour les jeunes
enfants.

132
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

 Masdjid Sidi Kiss : réellement c’est une Zaouïa portant le nom de la Zaouïa El
Amarya. Elle est réservée à l’apprentissage du Coran sacré aux jeunes enfants.
Ce Masdjid a toujours sa fonction originelle et il existe toujours à l’entrée d’Al
Ben Cherif.
 Masdjid Sidi Rached : il se trouve au-dessous du pont de Sidi Rached, dans un
endroit plus ou moins isolé. Cette localisation est l'un des facteurs de son
abandon. Malgré la présence de quelques rites, visites et pratiques exercées dans
ce lieu pendant certaines périodes de l'année, vers 2009 cette mosquée a connu
un incendie, dont le but était d’anéantir les croyances qu’on y pratiquait.
 Zaouïat En-Nadjarine : portant le nom du quartier où elle se trouve. Cette
Zaouïa existe toujours et elle est utilisée comme un Masdjid.
 Zaouïa Et-Tidjania : ou Zaouïa Ben Naâmoune, car elle regroupe les tombeaux
d’une famille des Beys de Constantine, celle de Al Naâmoune Eddine. Elle se
trouve à Chott. Elle est utilisée comme un Masdjid pour la pratique des cinq
prières.
D’autres établissements ont pu résister, mais ont subi des modifications de forme, tels
que :
 La grande mosquée : en référence à une inscription trouvée du côté ouest de la
mosquée sur une pierre tombale située sur le tombeau de Mohamed Ibn Ibrahim
El Marakchi12, cette mosquée a été construite en 1136 (530 de l’hégire) par
Mohamed Bouali EL Baghdadi à El Betha. Ce lieu de culte a connu une
première intervention sous l’ordre de Mohamed Ibn Ahmed Ibn Abd El Karim
Lefgoun en 1679 (1000 de l’hégire). Le but de cette intervention était
l’élargissement de cet équipement du côté Est, cette même partie qui a été
transformée par la suite en un institut de formation.
Les dates de construction de la mosquée, de la remise en état du mihrab et aussi
de cette intervention d’élargissement, ont été découvertes lors du percement de
la rue Nationale vers 1860. Pour tracer cette voie, il a fallu détruire quelques
maisons. Concernant cette mosquée, les Français y ont apporté d’importantes
modifications, mais sans introduire d’autre fonction à cet équipement cultuel.
Parmi ces interventions, il y a eu la rénovation du minaret et du Maydha (lieu

12 Mohamed Ibn Ibrahim El Marakchi est mort l’an 1222 (618 de l’hégire).
133
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

d’ablution dans la mosquée), en plus de la remise en état de la toiture, des portes


et de la peinture des façades vers l’an 1951.

Figure 3-15 : Une vieille porte


en bois de la grande mosquée
conservée au musée de
Constantine

 Masdjid Sidi Abd Errahmane El Koraoui : l'une des plus vieilles mosquées
de la médina. À l'époque de sa construction, cette mosquée n'était qu'un petit
Masdjid à Rahbet Ledjmelle réservé juste pour les cinq prières. Avec le temps, il
a évolué en une grande mosquée, contenant une cour plus large et un minaret,
chose qui n'existait pas auparavant.
 Masdjid Sidi El Ketani : elle porte le nom du Ouali El Katani dont le tombeau
existe toujours à l’emplacement de cette mosquée. Collée à elle se trouve une
école. Ces deux établissements ont été construits par Saleh Bey Ben Mostafa en
1202 de l’hégire. Selon ce qui est mentionné sur ses deux portes, l’école et la
mosquée ont subi des modifications sur ordre du Napoléon III lors de sa visite à
Constantine vers 1864 (1281 de l’hégire).
Une autre partie de ces établissements cultuels regroupe des mosquées et des Zaouïas
qui ont connu des modifications de fonction, alors que d’autres ont été conservés comme
lieux de culte, mais répondant à d'autres cultures. La plus grande partie a été consacrée à
l’enseignement.
 Masdjid Rahbet Essouf : il se trouve du côté Est de Rahbet Essouf. Cette
mosquée a été construite par Radjeb Bey. Durant la colonisation, les Français lui
ont fait changer de fonction plusieurs fois : de mosquée à un hôpital, et par la
suite en un couvent. Vers la deuxième guerre mondiale, elle a été transformée en
une école française portant le nom de Ali Khodja. Après l’indépendance, elle a
pu garder cette fonction d’enseignement comme école primaire puis CEM.
 Masdjid Sidi Boumaâza : construit à Rebaîne Chrif et consacré pour une
certaine période à l’éducation avant la construction de l’école d’Ibn Badiss.

134
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Cette mosquée a été transformée après l’indépendance en une école primaire


portant le nom de Zeghdoude.
 Zaouïa Et-Tlemsani : cette Zaouïa a connu à travers le temps plusieurs
transformations de sa fonction, dues à l'appropriation de cet espace par
différentes organisations. Au début, lors du tracement des axes primaires dans la
vieille ville de Constantine, elle a été occupée par le génie militaire. Celui-ci l’a
laissée par la suite aux Domaines. À ce moment-là, des religieuses l'ont occupée
par acte de location pour trois baux successifs. Par la suite, elles l’ont quittée.
Vers 1880, un autre courant l’a occupé, cette fois-ci, c'étaient des Juifs. Par
considération pour leur importance dans l'administration française, ils ont
transformé cet espace en un sanctuaire de culte juif. Après l'indépendance et par
un acte d'enlèvement de la propriété par force, les Juifs l’ont cédé aux
Musulmans. Actuellement, retournant à sa fonction initiale, cette Zaouïa est
consacrée à l’apprentissage du Coran sacré.
Une autre partie regroupe des mosquées ou Zaouïas qui ont connu une modification de
fonction et de forme en même temps. Parmi les plus connues, nous pouvons citer :
 Masdjid Sidi El Djliss : cette mosquée a été transformée pendant la
colonisation (en 1851) en une école de langue et en un centre de formation
professionnelle sous le nom de Jules Ferry. Actuellement, cette école est un
CEM (Oueld Ali), à l’exception d’une petite surface qui a été conservée depuis
les premières interventions induites par la colonisation comme mosquée
consacrée à l'apprentissage du Coran sacré aux jeunes enfants, en plus des cinq
prières.
 Masdjid Souk El Ghzel : selon une inscription trouvée dans une chambre du
palais du bey, cette mosquée a été construite sous l’ordre du Bey Hossein en
1720. Sous le gouvernorat d’Ahmed bey, elle a connu des extensions. Mais,
avec l’arrivée de l’armée française et suite à leur installation dans le palais du
Bey, cette mosquée a été transformée en église. Elle n’a regagné sa fonction
primaire qu’au lendemain de l’indépendance (vers 1963).
La dernière partie regroupe des établissements qui ont disparu face au principe
d'acculturation imposé par la colonisation, et à cause des destructions dictées par le bey
lors des attaques. Ces destructions regroupent des équipements placés en dehors des limites
de la médina, plus précisément du côté de la Brèche. De nos jours, ces équipements ne sont
connus que comme des mythes. Parmi ces établissements, nous pouvons citer les suivants :
135
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

 Masdjid Chikh Omar El Ouezane : il se trouvait autrefois sur la place du


théâtre. Il regroupe à la fois une mosquée, une école et une fontaine (S’bile).
 Masdjid El Djouzza : il se situe dans la rue Chevalier. Cette mosquée a été
démolie lors de la construction de l'école des filles qui existe toujours.
 Masdjid Sidi Abd Errahmane El M’natki : selon des récits, cette mosquée
était située autrefois devant Fondouk Ez-Zit. Elle appartenait à la famille Ibn
Zagouta. Mais, les colons l’ont détruite afin de réaliser une cour devant ce
Fondouk et les maisons qui l’entourent.
 Masdjid Sidi Ali Ben Makhlouf : cette mosquée porte le nom d'un Ouali dont
le tombeau existait autrefois à l’intérieur. Cette mosquée a été démolie lors de la
construction de l’Hôtel de ville. Après la destruction de la mosquée, le tombeau
a été transporté vers la mosquée Rabaine Chrif.
 Masdjid Sidi Ali Tandji : actuellement, il n’y a aucune trace de son existence.
 Masdjid Sidi Ben Inass : sa localisation n’est pas précise. Mais selon des récits,
il se trouvait autrefois en bas de Rahbet Ledjmal.
 Masdjid Sidi Bouksiâa : cette mosquée se situait à la Brèche avant l’arrivée des
colons. À l’exemple de la mosquée de Sidi Berkat El Aroussi, elle a été utilisée
par les Français lors de leur accès à la médina et elle a été détruite par la suite.
 Masdjid Sidi Eddeby : construit en dehors de la médina, proche de l'entrée de
Bab El Oued, précisément à l'emplacement actuel de la grande poste. Mais il a
été démoli.
 Masdjid Sidi El Haouari : son emplacement était au Sud de Makâad El Hout.
Aujourd’hui ses traces n’existent plus, car il a été détruit.
 Masdjid Sidi Mefredj : Selon les récits nous pouvons le localiser dans la Tabia.
Mais sa localisation précise est inconnue, compte tenu de sa destruction et de la
disparition de ses traces.
 Zaouïa Naâmène : cette Zaouïa regroupe des tombeaux. Elle a été démolie pour
céder la place à la maison de secours à l'époque de la colonisation, au même titre
que Zaouïa Ibn Radouane.
En parallèle à cette réduction du nombre des lieux de culte musulmans, le judaïsme a
connu une certaine évolution due à l’augmentation du nombre des Juifs depuis
l’occupation par les Français, la création de plus d’une dizaine de synagogues et la
formation d’un consistoire pour l’enseignement des enfants sous la surveillance du grand
rabbin de France.
136
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-16 : Quelques conséquences du processus d’acculturation pendant et après la colonisation


Les modifications apportées à la structure culturelle et cultuelle de la médina de
Constantine s’inscrivent dans une politique qui consistait à effacer les traits de la culture
arabo musulmane. De même, elles avaient pour but de déraciner - mais à long terme - la
population autochtone de la religion islamique qui a été vue dès le début de la colonisation
comme une opposition à leur domination. D’un autre point de vue, lors de la conquête,
Charles X a été soutenu par le pape et l’Église catholique. De ce fait, l’action politique a
137
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

été transformée en une lutte idéologique entre le Christianisme et l’Islam (Bakiri Rym,
2011, p. 129-134) et une ouverture du christianisme vers l’Afrique.
Face à ces interventions d’acculturation, et dans le but d’assurer une domination de la
culture coloniale, il y a eu l’installation de quelques équipements (tels que le théâtre, les
clubs, cercle culturel, bibliothèque municipale, etc.) à des points stratégiques de la
médina ; ou dans des lieux de regroupement de la population. Ces différentes interventions
de la part de la colonisation sur la structure culturelle et cultuelle de la médina, comme l’a
mentionné Alexis de Tocqueville dans son rapport de l’an 1847, ont mis la population
autochtone en désordre (Kamel Kateb, 2001, p. 133).
1.6 Les extensions en dehors du Rocher :
Face à cet état, il y a eu la proposition du plan de Constantine13 le 4 octobre1958 par le
Général de Gaulle, comme suite à la proposition d’un autre projet en 1955 connu sous le
nom de plan de réformes de Soustelle 14. L’objectif de plan de Constantine était de
promouvoir l’économie de l’Algérie en promouvant tous les secteurs, et de résoudre un
nombre important de problèmes dans un délai qui ne devait pas dépasser les cinq années
suivantes. Les trois grands problèmes connus à cette époque étaient l’habitat précaire, le
nombre important des chômeurs et - le plus important - la présence d’un grand écart social
entre la population autochtone et la population européenne. Lors de son lancement au mois
de décembre 1958, ce plan qui est venu comme une solution à ces divers problèmes avait
proposé dans son volet social la construction d’écoles, de logements et des postes
d’emplois à travers les différents projets industriels proposés.
À travers les multiples interventions durant cette période coloniale, la ville de
Constantine a connu un développement extra-muros. Son extension s’est faite du côté Sud-
ouest et Est avec l’édification du faubourg Lamy et la réalisation de quelques cités à la
périphérie. Cette extension est passée par deux étapes. La première en 1845. Sous l’ordre
du général Herbillon, elle a été consacrée aux extensions du côté Est : El Kantara et Sidi
Mabrouk. En plus de ces extensions, il y a eu des opérations de boisement autour de la
ville et de reboisement de Djebel El Ouahch, et à la création de fermes militaires sur la
route de Sétif vers 1846. En seconde étape, vers 1871, a été réalisé le faubourg Saint-Jean
du côté Sud-ouest de la ville.

13 Données extraites du CDROM « Histoire d'Algérie 1830-1962 », édité par Ministère des Moudjahidines.
14 Ce plan de réforme de Soustelle envisage la réforme de nombreux aspects administratifs, économiques,
sociaux et culturels dont l’objectif était l'intégration des Algériens à la France.
138
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Quelques années plus tard, précisément vers 1904, ont été repris des travaux
d’extension du côté d’El Kantara, Faubourg Lamy, Sidi M’cid, El Mansourah et Sidi
Mabrouk (Bakiri Rym, 2011, p.119). Enfin, vers 1919, a été créé le quartier du Coudiat
Aty ; après d’importants travaux de décapement pour l’accroissement des terrains
disponibles sur ce côté de la ville. Mais, la décision de la réalisation de ce quartier remonte
à l’an 1845, lorsque le conseil municipal a pris la décision de faire s’étendre le Rocher vers
cette direction. Après la mise en place d’un plan et le dégagement d’une plateforme de six
hectares de superficie, les premiers travaux de construction ont été lancés en 1907.
Avec l’arrivée du plan de Constantine, la ville a connu d’importantes opérations de
construction (Ciloc, Fillali, Bosquet). Suite à ce premier plan quinquennal et vers 1960
(Bakiri Rym, 2011, p.124), Constantine, à l’exemple du reste des villes de l’Algérie, a
connu la naissance de son plan d’urbanisme directeur, qui a proposé l’extension et la
densification des quartiers résidentiels de Sidi Mabrouk, Mansourah et Belle Vue.

139
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-17 : Constantine pendant la colonisation, des éléments permanents (PPSMVSS vieille ville de Constantine, B.E.T Jennie KRIBECHE, 2011)

140
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

2. La ville contemporaine :
2.1 Une urbanisation accélérée :
En dehors du Rocher, le paysage urbain de Constantine a connu du changement, causé
par l’avènement du plan d’urbanisme directeur. Ce changement est dû à l’apparition du
logement social sous forme d’habitat à loyer modéré (HLM), d’habitat bon marché (HBM)
en plus des cités de recasement et cités évolutives. Alors que le logement social a été
attribué à des couches moyennes de la population, les cités de recasement et les cités
évolutives ont été destinées à une couche plus pauvre regroupant ceux qui habitaient
autrefois les bidonvilles.
Le logement social a été regroupé dans de grands immeubles, tels que ceux du Ciloc et
de Bel Air. D’autres cités telles que la cité Filali, et d’autres immeubles tels que les tours
du Bosquet destinés à recevoir ce type d’habitat, n’ont été achevés que quelques années
après l’indépendance.
Avec l’indépendance, d’un côté la population de la ville de Constantine a connu un
accroissement de 116 % (de 111 000 en 1954 à 240 000 en 1966) avec un taux
d’accroissement annuel de 9.6 %. Mais d’un autre côté, on n’enregistrait pas de production
de logements (Benidir Fatiha, 2007, p. 101). Pour répondre aux besoins, les responsables
ont compté sur les biens vacants et l’achèvement des chantiers délaissés par
l’administration coloniale (à l’exemple de la cité Filali et des tours du Bosquet). Malgré
ces efforts de la part de l’État, le besoin était considérable. Cette insuffisance et ce
déséquilibre entre l’offre et la demande ont provoqué par la suite le développement
accéléré de l’habitat précaire.
2.2 Les grands ensembles, une réponse à la crise de logement :
À part quelques unités produites par leurs propriétaires, Constantine à l’exemple de
toutes les villes algériennes, se trouvait face à une véritable crise de logement. Comme
solution à cette crise, il y eut la production de lotissements et de logements collectifs sous
forme de grands ensembles. Mais, par manque de moyens pour l’acquisition d’un lot de
terrain ou d’un habitat social, les habitants ont été orientés vers des pratiques illicites pour
l’acquisition des terrains, comme l’occupation informelle de terrains communaux et l’achat
de lots de terrain sous seing privé. Dans le but de mettre fin à cette crise de logement,
l’État a opté pour l’industrialisation lourde du logement collectif. À cette époque,
Constantine a bénéficié d’un nombre important de grands ensembles construits dans sa
périphérie, mais livrés sous équipés compte tenu qu’ils répondaient à une population non
exigeante.
141
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

2.3 Des projets d’embellissement et d’amélioration urbaine :


Toutes ces zones d’habitat collectif créées entre 1958 et 1990 (Boudjenana, Boussouf,
Deksi, Djebel El Ouahech, Sakièt Sidi Yousef, Ziadia, 5 Juillet 1962, 20 Août1955) posent
le même problème au niveau du cadre de vie à l’intérieur de la cité. La vie urbaine des
citoyens s’articule dans les espaces publics. Mais, dans le cas où ces derniers ne sont pas
pris en compte dans les différents projets de réalisation, alors les espaces extérieurs de
mauvaise qualité posent par la suite des problèmes de qualité de vie aux citoyens dans les
différentes cités. Après l’application de ce modèle pendant quelques années, et suite à la
prise en conscience de la valeur et de l’importance de ce problème, les collectivités locales
ont lancé des projets contenant des interventions ponctuelles, dans le but d’améliorer du
cadre de vie des usagers.
Selon le plan directeur d’aménagement et d’urbanisme de l’agglomération de
Constantine, le début du programmé concernait les cités périphériques de : Ziadia, Daksi et
la cité du 05 juillet 1962 sous forme d’opérations d’embellissement et d’amélioration du
cadre de vie.

142
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Figure 3-18 : Les étapes d’extension spatiale de la ville de Constantine (Groupe URBACO-EDR,
2006, p. 12)

143
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Conclusion :
Durant son histoire, la ville de Constantine est passée par différentes opérations de
destruction, de constructions, de réaménagement, etc. Ces opérations ont participé à la
mise en lumière de ses richesses et l’élaboration des relevés. Mais en même temps, elles
ont détruit les traces de différentes civilisations. De la Préhistoire à nos jours, toute
nouvelle construction avait pour but l’adaptation à un nouveau mode de vie. Mais, cette
adaptation a causé la perte de certaines valeurs du passé ; c’est le cas de l’édification de la
ville coloniale.
Avant la colonisation, la médina de Constantine regroupait une population constituée de
différentes couches sociales et pratiquait deux religions bien distinctes. Suite à la prise de
la ville, elle a connu l’introduction d’une population européenne. Cette nouvelle catégorie
a connu un accroissement important durant une période courte. Pour le relogement de ces
nouveaux migrants, la colonisation est passée par trois étapes, allant de l’appropriation de
l’espace à la création d’un espace de vie propre aux colons. Vers 1861, le Rocher a atteint
un nombre de 17 809 habitants divisés entre Musulmans, Juifs et Français. Cette
distinction sociale a été exprimée par une distinction spatiale, où chacune des sociétés avait
son propre espace de vie. Malgré cette distinction socio-spatiale, l’installation des colons a
généré la dégradation causée par la saturation de la partie réservée à la population
indigène, en plus du changement des circuits traditionnels de vie et de commerce dans
cette partie. Sur l’autre partie, les colons ont transformé et adapté la partie haute de la
médina à leur mode de vie.
L’édification de la ville coloniale a entraîné la destruction d’une bonne partie de la
médina arabo musulmane. Elle a causé également le bouleversement et le déséquilibre
dans la vieille structure sociale de la médina, déséquilibre engendré par les différents
mouvements migratoires à l’intérieur du tissu. De ce fait, cette édification a bouleversé la
structure socio spatiale de la médina. L’isolement structurel et fonctionnel de la partie
autochtone a posé des problèmes socio-économiques.
L’adaptation de la partie haute de la médina au mode de vie des colons s’est faite à
travers l’introduction d’un système d’avenue et de places publiques. Cela a induit, en plus
de la destruction de la hiérarchie fonctionnelle de ce tissu, la destruction d’un organisme
complexe répondait autrefois à une culture spécifique propre aux indigènes. Comme
résultats de cette opération, un nouveau paysage est apparu. Ce dernier regroupe deux
modèles : le premier traditionnel, du fait qu’il a pu réserver son caractère fermé et son
échelle humaine ; et le second colonial apparaît avec son caractère ouvert et son échelle

144
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

monumentale. Mais, cette opération ne s’est pas limitée à la juxtaposition de deux modèles,
mais de plus à l’introduction de quelques éléments sous forme d’interventions ponctuelles,
qui ont pour rôle de dominer et de cacher les restes du tissu précolonial.
Sous l'effet de ces opérations l’espace médinal, obéit aux principes dictés par la religion
afin de protéger l’espace de l’empiétement des usagers et protégeant la vie privée des
individus, a connu des changements. En référence aux différents indicateurs étudiés dans
ce chapitre, la centralité qui a été autrefois représentée par le lieu de culte dans le tissu
arabo musulman a été orientée vers des avenues à grande valeur et vers des places
publiques créées dans le tissu par la colonisation. L’analyse de ces indicateurs dans la
partie conservée de la médina sans l’introduction de la partie coloniale a prouvé sa
hiérarchie fonctionnelle. Mais avec l’introduction de la ville coloniale, ces indicateurs ont
été bouleversés. Les degrés d’intégration plus ou moins égaux ont été remplacés par
d’autres faibles, pareillement aux degrés de connectivité dans le tissu, ce qui explique la
sous intégration de cette partie conservée de la ville arabo musulmane. Comme résultat des
différentes opérations imposées par la colonisation, 7,47 % du tissu arabo musulman est
caractérisé par la dispersion des espaces et leur ségrégation. Encore, depuis les années
trente, l’espace de la médina a pris le rôle d’un espace de transit. De plus aux difficultés
rencontrées par l’État pour la protection de cette partie, plus de 40 % de sa superficie est
actuellement en ruines.
Quelques années avant l’indépendance, et dans le but d’une réconciliation avec la
population autochtone, la colonisation a lancé de grands projets, qui avaient pour but de
rectifier le grand écart social entre les indigènes et la société coloniale. Dans ce même
volet, de grands projets d’extension ont marqué l’espace de la ville, avec différentes
formes d’habitat. La logique imposée par la colonisation a pu survivre après
l’indépendance, elle a même caractérisé tout type d’extension, de la colonisation à nos
jours.
Malgré les efforts des historiens et des chroniqueurs, peu d’informations sont
disponibles sur cette médina. Le recours au registre des Habûs a révélé de nouvelles
informations concernant la structure urbaine du tissu médinal, dont les destructions causées
depuis la colonisation à nos jours ont participé à leur ignorance. À ce stade, pouvons-nous
parler des qualités d’urbanité de la ville traditionnelle à l’ère contemporaine ? Encore de la
valeur donnée à la rue et aux espaces collectifs comme des lieux de manifestation de la vie
urbaine à l’époque actuelle ?

145
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Dans la recherche d’une réponse à ce questionnement, nous devons passer par l’analyse
de l’espace public, de son utilité et de sa valeur dans la vie des individus. En considération
de la variété des composants du tissu urbain médinal, nous optons pour le choix de
quelques cas précis en fonction des informations demandées.

146
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

Travaux cités :
Archives communales de Constantine, Liasse 200. c.f : PAGAND, Bernard (2007). La
médina de Constantine et ses populations, du centre à la marge. Un siècle de
dégradation socio-spatiale, in Insaniyat, n° 35-36 (janvier – juin 2007), p. 131-140.
BAKIRI, Rym (2011). Impact de l’intervention coloniale sur la vieille ville de
Constantine : cas des maisons hybrides, mémoire de Magister, université
Constantine département d’architecture et d’urbanisme, p. 110.
Idem, p. 129-134.
Idem, p. 119.
Idem, p. 124
BELAGHA, Hamid, 06/03/2015. « Destructions en série de bâtisses séculaires menaces
sur la médina de Constantine », journal EL WATAN.
BENIDIR, Fatiha (2007). Urbanisme et planification urbaine : le cas de Constantine,
Thèse de Doctorat d’Etat en urbanisme, sous la direction de Burgel Guy, université
Constantine département d’architecture et d’urbanisme, p. 60-62.
Idem, p. 101.
CDROM « Histoire d'Algérie 1830-1962 », Ministère des Moudjahidines.
CHIVE, J. et A .BERTHIER, A. (1937). c.f BAKIRI, Rym (2011). Impact de
l’intervention coloniale sur la vieille ville de Constantine : cas des maisons
hybrides, mémoire de Magister, université Constantine département d’architecture
et d’urbanisme, p. 108.
GRANGAUD, Isabelle (1998). La ville imprenable : Histoire sociale de Constantine au
XVIIIème siècle, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), p. 338.
Groupe URBACO-EDR, (septembre 2006). Etude de l’élaboration du Schéma de
Cohérence Urbaine de Constantine, Rapport I : périmètre de l’étude, Ministère
chargé de la ville, p. 12.
Il était une ville … il était Constantine, regards croisés à travers « Constantine, voyage et
séjours 1879 » de Louis Régis illustration et témoignages, Constantine, Algérie,
édition Araja, 2012, p. 27.
KATEB, Kamel (2001). Européens, "indigènes" et juifs en Algérie (1830-1962) :
représentations et réalités des populations, INED, p. 81, c.f BAKIRI, Rym (2011).
Impact de l’intervention coloniale sur la vieille ville de Constantine : cas des
maisons hybrides, mémoire de Magister, université Constantine département
d’architecture et d’urbanisme, p. 133.

147
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

MAUMERAT. M (1984). c.f BAKIRI, Rym (2011). Impact de l’intervention coloniale sur
la vieille ville de Constantine : cas des maisons hybrides, mémoire de Magister,
université Constantine département d’architecture et d’urbanisme, p. 107
MERCIER, Ernest (1878), Constantine avant la conquête française 1837 : notice sur cette
ville à l'époque du dernier bey, extrait du recueil des notices et mémoires de la
société archéologique de Constantine, Vol.XIX, p. 04.
Idem, p. 4-5.
Idem, p. 4.
PAGAND, Bernard (1989), La médina de Constantine : de la cité traditionnelle au centre
de l’agglomération contemporaine, Thèse de Doctorat 3e cycle, option monde rural,
sous la direction de Gildas Simon, centre interuniversitaire d’études
méditerranéennes, Poitiers, France, p. 27.
Idem, p. 132.
PAGAND, Bernard (2007). La médina de Constantine et ses populations, du centre à la
marge : Un siècle de dégradation socio-spatiale, in Insaniyat [en ligne], n° 35-36,
URL : https://journals.openedition.org/insaniyat/3853.

" ‫ دراسة التطور التاريخي و البيئة الطبيعية‬: ‫ " مدينة قسنطينة‬.)1984( ‫ محمد الهادي العروق‬، ‫عبد العزيز فياللي‬
. 115-107.‫ ص‬، ‫ دار البعث للطباعة و النشر‬،
.08.‫ ص‬، ‫ فصلة مطبوعة بأرشيف الوالية‬، " ‫ " معركة قسنطينة‬، ‫عبد الكريم بجاجة‬

Support cartographique :
B.E.T Jennie KRIBECHE (2011). Plan : éléments permanant de l'histoire, in PPSMVSS
vieille ville de Constantine, ministère de la culture.
Plan : Levé topographique, c.f B.E.T Jennie KRIBECHE (2011). PPSMVSS vieille ville de
Constantine phase III : rédaction finale du PPSMVSS, rapport de présentation,
ministère de la culture, p. 21.

Sites Web :
 Collection Micheline Casier [en ligne], Ancienne carte postale :
 URL :
http://www.kiosquesdumonde.net/coppermine/displayimage.php?album=5
&pos=10

148
Chapitre III : Bouleversement et déséquilibre des vieilles structures de la médina

 URL :
http://www.kiosquesdumonde.net/coppermine/displayimage.php?album=5
&pos=11

149
CHAPITRE IV :
PLACES PUBLIQUES ET
RÉFÉRENTSÀ TRAVERS LE TEMPS
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Introduction :
Après la lecture de l’espace et de son influence sur l’usager, nous devons passer par une
analyse de la fréquentation des espaces publics dans la vieille ville de Constantine ; afin de
connaître l’utilité de ces espaces et pour une évaluation de leur degré d’attractivité. Dans la
partie suivante, et selon les résultats obtenus lors des interviews ; nous essayerons de
présenter deux places publiques dans la vieille ville de Constantine. Ces dernières étaient
toujours présentes dans les discours des usagers de cette ville. Les deux places choisies
pour cette étude sont : la place Si El Haoues et la place de Sidi El Djliss. La première est
une place qui a connu de grandes transformations durant la colonisation ; que nous
questionnerons comme lieu de mémoire ou comme un simple espace de transit à l’époque
contemporaine. La seconde est une place connue depuis l’époque ottomane. Elle a subi des
transformations pendant la colonisation à l’exemple du reste des espaces publics dans la
médina, mais d’un degré très faible par rapport à la première. Pour ce second cas, nous
questionnerons les pratiques propres à cette place en fonction de ses spécificités à travers le
temps.
Pour une meilleure compréhension des pratiques socio spatiales, les lectures seront
faites cas par cas ; en fonction de leur fréquentation et pratique. Avec un retour à chaque
fois à l’histoire pour justifier la persistance, l’évolution ou la disparition d’une pratique.
Pour ce faire, nous devons suivre pour chaque place publique, un itinéraire commençant de
son histoire, origine de sa création, forme et pratique actuelles pour arriver aux sens et aux
messages qu’elle porte. Cet itinéraire a pour but de mieux comprendre comment les
individus utilisent et perçoivent ces places publiques.

151
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

1. La place du palais du Bey ou la place Si El Haoues :

Figure 4-01 : La place Si El Haoues, vue Figure 4-02 : Accessibilité, des artères menant
aérienne (Yann Arthus-Bertrand) vers la place Si El Haoues (auteur, 18/03/2016)
La place objet d’étude se situe sur le côté Nord-est de la vieille ville de Constantine.
Cette place est le lieu de convergence des principales artères du tissu (figures 4-02 et 4-03).
Elle est limitée sur son côté Nord-est par le palais du bey, un centre d’information militaire
et un vieux café. Sur son côté Nord-ouest par un immeuble d’habitation contenant au rez-
de-chaussée la Banque Extérieure d’Algérie (BEA) et le CEM Fatima Zohra. Alors que la
mosquée de H’cene Bey dessine sa limite du côté sud-est, son côté sud-ouest est
caractérisé par la présence d’un restaurant et d’une agence bancaire au rez-de-chaussée
d’un immeuble. Comme un espace minéral ouvert au grand public, cette place publique
sert d’interface entre ces différents équipements dessinant son environnement immédiat,
qui renforcent le flux de la population (entre usagers et passagers de transit).
1.1 Genèse et évolution de la place du palais du bey :
Selon les récits de S. Gsell, l’existence d’un nombre important de monuments à la place
actuelle de la Brèche n’a qu’une seule signification : le forum est assez proche de cet
endroit. Mais, Mercier a formulé l’hypothèse de l’existence d’un forum proche de la limite
de la ville, plus précisément là où se trouve la place du palais de Bey actuel (figures 4-03 et
4-04). De ce fait, ce lieu à l’époque romaine pouvait être le forum de la cité romaine
«
Cirta ».
Durant les travaux d’aménagement de cette place, l’an 2010, les services de
l'hydraulique de la wilaya ont signalé la découverte de vestiges archéologique lors de la
rénovation du réseau d'eau. Les travaux effectués par une équipe d’archéologues en
collaboration avec le centre national de la recherche archéologique, durant cinq jours, ont
mis en lumière sur le premier niveau : une céramique datant de l'époque romaine sur une
profondeur de 60 cm, un dallage d'un forum romain de 90 cm de profondeur et des pièces
de monnaie ; et sur le second niveau (de 1,10 m) : des pièces de monnaie de l’ère punique

152
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

et des structures remontant à l’époque numide (El Watan, 03/03/2011). Cette découverte
confirme l’hypothèse d’Ernest Mercier.

153
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Figure 4-03 : Localisation des inscriptions découvertes dans la place du palais du bey (Bages Doris,
2003, p.215-228)

154
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Figure 4-04 : Localisation des inscriptions découvertes autour de la place du palais du


bey(Bages Doris, 2003, p.215-231)

155
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Pour une reconstitution de la place du palais à l’époque ottomane, nous nous sommes
référées à des descriptions d’historiens et de certains voyageurs qui ont vécu les débuts de
la colonisation. Dans son ouvrage « Le tour du monde », Charles Féraud (1877) a bien
décrit la place du palais et les maisons qui l’enveloppent en se basant sur des interviews
menées avec de vieux habitants du palais du bey (les femmes de son sérail) et d’autres de
l’entourage de Hadj Ahmed Bey.
Avant l’arrivée de hadj Ahmed bey, cette place n’occupait qu’une petite surface, dont
l’enveloppe était formée de plusieurs maisons collées les unes aux autres. Selon le relevé
toponymique ottoman dessiné par Ernest Mercier en 1878 et qui avait pour but la
sauvegarde de la mémoire et du patrimoine toponymique de la ville (désormais en voie
d'extinction vers la fin des années 70), cette aire portait à l’époque le nom du Derb. Devant
la mosquée de Souk El Ghzel, il y avait un passage portant le nom de Derb El Hadj Ahmed
Bey, fermé par une porte garnie d’épaisses plaques de fer. Selon Charles Féraud(1877),
c’est ce même nom qui est utilisé par la suite pour le palais et pour la place.
Selon sa description, il y avait trois principaux accès à cette place : le premier existe
toujours devant l’hôtel de la subdivision ; le second accès était la porte du Derb El Hadj
Ahmed Bey ; et le troisième est représenté par une petite porte du côté Nord menant vers la
caserne de la gendarmerie.
Lors de son installation à Constantine en 1818 en tant que Calife ou lieutenant du Bey,
El Hadj Ahmed a demandé Dar El Mouna (l’une des maisons formant l’enveloppe de cette
place) dans le but de déblayer les décombres et d’assainir les abords de son habitation.
Pour obtenir cette bâtisse, le calife a donné en échange aux propriétaires de Dar El Mouna
une autre petite maison dans un autre quartier. Hadj Ahmed Bey a totalement détruit la
sienne et à sa place, il a planté des orangers apportés de Mila. Actuellement, ces arbres
forment le jardin du côté gauche de l’entrée du palais.
Vers 1826, nommé Bey de Constantine, Hadj Ahmed Bey s’est installé à Dar El Bey,
mais sa mère, El Hadja Rekia et des membres de sa famille sont restés à Dar Oum-En-
Noun. À l’exemple des habitations et monuments construits à l’époque de Salah Bey, ce
nouveau bey a décidé de faire de son habitation une résidence à sa hauteur. Pour ce faire, il
s’est référé à ce qu’il avait vu pendant son pèlerinage d’Alger vers La Mecque. À ce
moment-là, l’enveloppe de la place du palais du bey a connu des changements. D’abord
l’appropriation des maisons voisines de Dar Oum-En-Noun. Entre l’échange et l’achat de

156
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

gré ou de force1, le Bey a assuré plus d’étendue à son palais. Par cette méthode et jusqu’en
1830, le Bey a pu démolir et occuper la place de vingt-huit constructions. Parmi ces
édifices, nous mentionnons l’occupation d’une construction qui faisait partie des biens
Habûs et qui était utilisée comme mosquée. En plus de cette mosquée, le bey a occupé
quatre boutiques et un atelier de tisserand. La nouvelle demeure du bey s’est arrêtée avec
les premiers coups de feu de la colonisation. Après sa finition, ce palais a atteint une
grande superficie de forme rectangulaire dont l’un des grands côtés donne sur la place
formant Derb El Hadj Ahmed Bey.
À la veille de la colonisation, cet espace avait une forme géométrique triangulaire. Il
occupait une superficie de 0,3 ha. Il regroupait à la fois un lieu de culte représenté par la
mosquée de souk El Ghazel et un lieu de gouvernance représenté par le palais du Hadj
Ahmed Bey. Mais, à la lumière des interventions de l’époque coloniale, il est passé par
deux étapes : la première s’est limitée à la démolition d’une partie du palais (plus de
159 m²) et de certaines constructions du côté Nord de la place (sur environ 450 m²) ; la
deuxième étape fut consacrée au percement des artères menant vers cette place publique
(figure 4-05). Ces interventions ont été accompagnées par l’aménagement de la surface
dégagée en un espace de détente et la transformation de la mosquée en une église.
Depuis l’indépendance, cette place publique n’a pas connu d’importantes interventions,
jusqu’à l’an 2009, où elle a bénéficié d’un projet d’aménagement 2 proposé par le bureau
d’étude Benhamiche (figure 4-06) en mois de mai. Ce projet avait pour objectif la mise en
lumière d’une part de l’histoire de cette place, à l’aide du pavage mis en place (figure 4-
07). Bien qu’elles restent ambiguës pour les usagers, les deux couleurs choisies dessinent
l’emplacement du vieux bâti de l’époque ottomane (figures 4-14, 4-15 et 4-16).

1« L'exemple suivant donne une idée des expédients odieux qu'il employa. Une vieille femme, née dans la
maison qu'elle habitait et qui tenait à y finir ses jours, ne voulut s'en défaire à aucun prix. En présence de
cette obstination, le bey la fit enfermer chez lui, dans une étroite prison et la priva progressivement d'air et
de lumière. Elle résista quelque temps, mais il fallut bien qu'elle cédât à la violence ; un taleb complaisant
rédigea une déclaration par laquelle la cession de l'immeuble convoité était consentie, la pauvre vieille
femme, exténuée par les privations de tout genre qu'elle avait souffertes, n'obtint sa liberté qu'en promettant
de ne plus remettre jamais les pieds à Constantine. Elle fut conduite en Kabylie où elle ne tarda pas à mourir
de misère. » Charles Féraud, 1877, p. 05.
2Selon le chef de service du suivi des projets à l'APC de Constantine, ce projet a été entamé au mois d'avril
de l’an 2010 pour un délai de quatre mois et une enveloppe de plus de 30 millions de dinars.
157
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

La place à l’époque turque Les démolitions

Le percement des artères

Figure 4-05 : Genèse de la place Maréchal


Foch3

Figure 4-06 : Plan d’aménagement proposé par le bureau d’étude Benhamiche l’an 2009

3Réalisation du schéma de différents plans : Plan 01 :Constantine au XVIIIe siècle, Plan 02 :Place de
Constantine 1878, Plan 03 : Plan de Constantine et de ses environs.
158
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Figure 4-07 : La place du palais du bey au cours des travaux


1.2 Des référents persistants dans la place du palais du Bey :
1.2.1 Les éléments architecturaux persistants :
De l’époque ottomane à l’époque coloniale, cette place et les constructions qui la
bordent ont connu de grands changements. Avant la nomination de Hadj Ahmed comme
bey sur la médina de Constantine en 1826, cette place n’occupait qu’une petite surface.
Elle était bordée de plusieurs maisons collées les unes aux autres.
Parmi les maisons qui entouraient
cette place à cette époque, deux étaient
contiguës appartenant au Bey Hadj
Ahmed. L’une était Dar Oum-En-Noun
(figure 4-08), où il était né, les Français
l’ont transformée en un hôtel de la
subdivision, alors que l’autre était
affectée au bureau topographique Figure 4-08 : Passage conduisant vers Dar Oum-
militaire. En-Noun (Dessin de H. Catenacci)4

Une troisième vieille maison, mais d’une grande importance, est celle de Dar El
Bechmat ou Dar El Mouna. Cet édifice servait autrefois comme réserve des
approvisionnements destinés aux soldats. Ensuite, Dar El Mouna a connu un changement
de fonction, elle fut convertie en écuries pour être abandonnée totalement quelque temps
après, ce qui a fait de cette maison un point noir dans le quartier, à cause de son état
d’insalubrité. Cet édifice est la première maison demandée par Hadj Ahmed, lors de son
installation à Constantine en 1818 en tant que Calife.

4Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/monuments/passageversdaroumennoum.jpg.
159
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Dans une description remontant à l’époque coloniale, dans son ouvrage « Le tour du
monde », Charles Féraud avait donné des indices concernant l’état de cette place, telles que
les artères menant vers elle, le cadre bâti qui l’enveloppe et la composition sociale de ses
habitants. Selon sa description, la grande porte du Derb El Hadj Ahmed existait encore à
son emplacement, suivie par des escaliers menant vers une ruelle mal pavée. Selon Féraud,
cette ruelle était encadrée par des maisons de médiocre tenu, habitées par les Mamlouks et
les serviteurs du bey. L’accès vers la droite conduisait à la salle d’audience (El Mahkama).
Vers la gauche, une ruelle tournait à angle droit et aboutissait directement à Dar Oum-En-
Noun. Au lieu de convergence de ces deux axes, se trouvait une petite porte : « encadrée
d'un chambranle et d'une corniche cintrée en marbre, que surmonte un fronton à écusson
dans le genre italien, sans nulle inscription » (Charles Féraud, 1877). Cette porte dessinait
l’accès du palais du bey.
En continuité de la façade du palais et de l’autre côté de la place se trouvait la mosquée
de Souk El Ghzel. L’inscription qui mentionne sa présence se trouve à l’intérieur du palais,
plus précisément dans le compartiment servant par la suite de vestibule au cabinet du
général. Sur une plaque en marbre (figure 4-09) et d’une couleur de plomb est écrit : « …
Sa vaste nef érigée par la main de Husseïn s'ouvre riante devant les humbles dévots… Le
fondateur espère obtenir sa grâce de celui qui laissera tomber demain sur les pécheurs le
voile de la miséricorde… Si tu veux apprendre, ô lecteur, la date de la construction, elle
est contenue dans ces mots :“Le Bey du siècle, Husseïn ben Mohammed,” qui donnent la
date 1143 de l'hégire (de J. C. 1730) » (Araja, 2012).

Figure 4-09 : Inscription sur marbre (Araja, 2012, p. 37)


De l’analyse d’une carte établie par André Raymond (1987), nous constatons qu’à cette
époque la façade qui dessine la limite du Derb du côté de la mosquée ne dépassait pas les
24 m. Cette information sur le cadre bâti qui enveloppe le Derb à l’époque ottomane s’est
confirmée lors de l’analyse d’un autre dessin fait par H. Catenacci (figure 4-10) et publié

160
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

dans l’ouvrage « le tour du monde ». C’est un dessin de la façade de la mosquée de Souk El


Ghzel juste au début de sa transformation en une église.
« De tous les monuments de l'Algérie,
le palais de Constantine est celui qui offre
le plus d'intérêt, sinon sous le rapport de
l'antiquité et des souvenirs, du moins au
point de vue de l'architecture barbaresque.
Ce n'est pas qu'il soit d'un aspect
imposant, d'un rare fini de détails et d'une
parfaite harmonie dans son ensemble ;
mais comparé aux autres résidences
somptueuses de l'époque turque, il leur est Figure 4-10 : Façade du palais de bey (Dessin de H.

supérieur par ses proportions élégantes et Catenacci)

grandioses,et l'on y trouve tout ce que le goût de l'ostentation et le luxe algérien peuvent réunir
de plus séduisant. C'est, en un mot, le type le plus complet de l'architecture appliquée à la fois
aux nécessités des mœurs et du climat du pays. » M. Charles Féraud (1877)
À l’époque coloniale, suite à la démolition d’une partie du palais et de quelques
constructions bordant, cette la place est passée de 0,3 h à plus de 2,4 ha. S’ajoute à ces
interventions le percement des artères y menant et l’aménagement de la surface dégagée,
ce qui a fait d’elle une place à l’échelle de la ville. À ce moment, le palais du bey et la
mosquée de souk El Ghzel ont connu des modifications de forme et de fonction, mais en
gardant toujours leurs affectation (le palais comme un lieu de commandement et la
mosquée comme un lieu de culte). La mosquée de Souk El Ghzel a été transformée en une
église catholique entre 1839 et 1876 (figure 4-11), elle était pour plusieurs années le seul
lieu de culte des Français ou comme le nomme Louis Régis « l’Église paroissiale de toute
la ville ». Au début, la mosquée de Souk El Ghzel n’a pas subi de grandes transformations
du fait que son architecture s’est parfaitement adaptée à la religion catholique. Mais, un
nouvel élément a été rajouté : la coupole.

161
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

La conversion de la mosquée en église Les modifications apportées à l’édifice 5

Figure 4-11 : Transformation de la


mosquée de Souk El Ghazel en une
église à l’époque coloniale

Les transformations apportées au minaret6


Au lendemain de l’indépendance, précisément en 1963 elle a regagné sa fonction
primaire comme mosquée. Mais, ce n’est qu’en 2009, que ces deux édifices (le palais et la
mosquée) ont bénéficié d’un projet de restauration.
1.2.2 La fonction et les pratiques :
L’édification de la nouvelle demeure de Hadj Ahmed Bey devant la mosquée de souk El
Ghzel avait pour but la création d’un nouveau centre, loin de celui créé par Salah Bey.
Bien que le Derb soit un espace semi-public ou privé, Derb El Hadj Ahmed servait à
l’époque ottomane comme abri temporaire à la population qui habitait les baraques devant
Bab El Jabia (à l'extérieur des remparts) lors des attaques.
Après le dégagement d’une surface de plus de 2,4 ha et le percement des artères à
l’époque coloniale, un simple aménagement a été affecté à cette place. Au début, la place
Maréchal Foch regroupait un petit espace vert et un kiosque à musique, qui n’existe plus
aujourd’hui, au centre. La présence du café Charles et l’implantation de quelques arbres

5 Source : https://encrypted-
tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSthzsIyJ6yq1bLPnIEMTSa0IIaFWDzJvumtOyQUr2DqwB4P11pW
A
6 Source : https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRNYoXZDByScb7xzTa-
SbpALOdvGV0_fcEP-2jmTeWcIJA8_v0U.
162
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

avec la mise en place des bancs publics expliquent le rôle de cette place à l’époque
coloniale, comme un lieu de rencontre et de détente.

Figure 4-12 : La place du Maréchal Foch, un espace de rencontre et de détente7


Selon Louis Régis (1880) dans son ouvrage « Constantine : voyage et séjours », cette
place représente à cette époque un lieu de promenade pour les colons comme pour la
population autochtone (figure 4-12). Les visiteurs assistaient deux fois par semaine aux
soirées musicales animées par la musique militaire. La présence des vendeurs maltais
d’œillets rouges et de jujubes attirait les usagers des deux sexes.
De plus, pour plusieurs décennies cette place contient le seul lieu de culte des Français8.
Cette église animait la place principale de la ville malgré sa fréquentation réduite, compte
tenu qu’à cette époque le nombre des chrétiens ne dépassait pas les douze mille.
Après l’introduction de l’automobile, cette place a connu un changement de fonction,
d’un espace de repos et de détente à une aire de stationnement (figure 4-13).

Figure 4-13 : Usage de la place Maréchal Foch comme aire de stationnement à l’époque coloniale9

7Source : http://www.cparama.com/forum/cartes2012a/1327073683-Constantine-1.jpg
8« … pendant longtemps, il n’y en eut qu’une… une convertie, une ancienne mosquée, agrandie depuis
l’occupation française et élevée au rang de Cathédrale. Les autres n’étaient que des chapelles […] En 1922,
Mgr Bessière posait… la première pierre de la future Église du Sacré cœur, au Koudiat et, le 13 décembre
1925… Mgr Thiénard, donnait sa bénédiction au monument aux blanches coupoles, achevé. » Mme
Douvreleur, 1931, p. 52.
9 Source : https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTCeqUQT-
2ZWe9M6lif6dEb0eLEcNhSjtGJGuD8Fsi-xjCuqlsgXw
163
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Dans la recherche des fonctions exercées dans cet espace actuellement, et selon les
résultats de l’enquête sociale, cette place est connue comme aire de stationnement. Dans
laquelle, un seul changement durant l’année s’effectue, durant le mois du patrimoine, au
printemps au moment de la mise en place d’une exposition de plantes et de fleurs et de la
vente de leurs essences et huiles. Mais, en raison de la présence de la même exposition sur
l’avenue Ben Boulaide, 38 % seulement de l’échantillon enquêté fréquentent la place du
palais du bey pendant cette exposition. Le reste de la population ignore le rôle de cette
place pendant le mois du patrimoine.

164
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Tableau 4-01 : La place du Palais du Bey à différentes époques, Tableau de synthèse

Époque Arabo Turque Coloniale Contemporaine


 Derb El Hadj Ahmed Bey  Au début de la colonisation : La
 Ou place du palais du bey cour de l’église
Nom  Par la suite la place Maréchal La place Si El Haoues
Foch Ou la place du palais de la
division
Caractère Derb, espace privé ou semi-public Place publique Place publique
En première étape :
897.970 m²
Superficie 288.433 m² 2462.1074 m²
En deuxième étape :
2462.1074 m²
Volume 533.5514m3 / /
 Une grande porte à la même hauteur  L’escalier du Derb  Rue Boudechiche Belkacem
que l’escalier, dessinant l’accès  Rue Sassy (escalier)
Accès principal vers Ed Derb  Rue du Docteur Martin  Rue Jerusalem
 Une petite porte du côté Nord  Rue de Morès  Rue Zaatar Taieb
 Une impasse conduisant vers Dar  Rue Bestandji Mohamed
Oum-En-Noun
 La mosquée Souk El Ghzel  La cathédrale  La mosquée de H’cene bey
 Le palais du bey  Hôtel de la subdivision  Le palais du bey
Équipements  Une salle d’audience (El Mahkama)  L’archevêché  Centre d’information militaire,
structurants  Le café militaire  Deux agences bancaires
 La banque d’Algérie avec sa  CEM Fatima Zohra
façade blanche.  Deux cafés
 Un restaurant

165
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

 Plusieurs maisons de médiocre  Ensemble d’immeubles de style  Ensemble d’immeubles de style


tenue, collées les unes aux autres et colonial. colonial à l’exception de la façade
Enveloppe qui délimitent une ruelle mal pavée. du palais du bey, qu’avait reprise
Sur l’autre côté se trouve le palais, son premier style de l’époque
avec une façade simple et de petites ottomane, de façade simple, et de
ouvertures. petites ouvertures.
 Le palais du bey  L’Église paroissiale de la ville  Le palais du bey
Référents ponctuels  Dar Oum-En-Noun  Le caféCharles  Le café de la place
 La salle d’audience  Le kiosque à musique
Avant la nomination du bey Hadj  Espace de détente par la présence  Aire de stationnement
Ahmed : d’une allée de platanes.  Espace de rencontre et d’échange
 Derb  Espace animé par la présence de entre les habitants.
Après sa nomination : l’Église paroissiale de toute la  Espace d’exposition pendant la
 Accès semi-public à la demeure du ville, les soirées musicales et les manifestation de distillation des
Rôle et importance bey vendeurs Maltais d’œillets rouges fleurs à parfum.
 Le nouveau centre de la médina et de jujubes.
 Un abri temporaire à la population  Un espace de promenade pour les
qui habitait les baraques devant Bab colons et les indigènes.
El Jabia lors des attaques.  Cette place publique attire des
usagers des deux sexes.

166
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

1re période :
Implantation des lampadaires
2e période :
Alignement d’arbres limitant la place
installation de quelques bancs publics
3e période :
Mobilier urbain Mise en place d’un kiosque (café)
 Quelques arbres Enlèvement du lampadaire proche de
préfabriqué
la porte du palais et l’installation d’un
kiosque à musique
4e période :
Enlèvement du kiosque à musique
pour céder la place au stationnement
des automobiles.

167
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Figure 4-14 : Le palais du bey après sa restauration (R. Benseddik, Figure 4-15 : La mosquée Souk El Ghezal en cours de restauration(R.
26/05/2013)10 Benseddik, 26/05/2013)11

Figure 4-16 : Façade urbaine, la place du palais du Bey à l’ère contemporaine(auteur, 18/03/2016)

10Source :http://www.panoramio.com/photo/91084214
11Source :http://www.panoramio.com/photo/91082589
168
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

2. La place Sidi M’Hamed El Djliss :


Cette place a été nommée en la mémoire du Oueli Sidi M’hamed El Djliss, dont le
tombeau existe toujours dans le CEM Ouled Ali (ex primaire Jules-Ferry), de même que le
quartier. Le CEM contenant le tombeau (Figure 4-17) était dans l'ancien temps la mosquée
de Sidi El Djliss, qui a été transformée en une école primaire « Jules-Ferry » vers l’an 1851.
À l’exception d’une petite aire occupée actuellement par la mosquée d’El Ikhlass (Figure
4-18).

Figure 4-17 : Le tombeau du Oueli Sidi Figure 4-18 : La mosquée El Ikhlass (auteur,
M’hamed El Djliss dans l’école Jules-Ferry 25/03/2016)
(auteur, 26/07/2016)
2.1 La place Sidi M’Hamed El Djliss à travers le temps :
2.1.1 Des découvertes archéologiques remontant à l’époque romaine :
Les récits des habitants racontent la découverte de pièces de monnaie de l’époque
romaine, en considération de lesquels nous pouvons attester que la place Sidi M’Hamed El
Djliss remonte à cette époque. Comme une confirmation de cette datation, nous faisons
recours à certaines découvertes archéologiques dans des espaces proches de cette place
publique.
La première découverte est une mosaïque dessinant une scène de chasse. En 1875,
M. Narboni a acheté deux maisons sur la rue nationale de style Arabo-Turque pour la
construction d’un immeuble de style européen (à la place de la maison nº 59) et d’un
magasin (à la place de la maison nº 61).

169
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Lors de la destruction de la
maison nº 59, ils ont découvert
une mosaïque (figure 4-19)
dessinant une scène de chasse
(Doris Bages, 2003, p.113)dans
le sous-sol. Par décision du
gouverneur général, cette
mosaïque a passé cinquante ans
comme ornement du cercle des Figure 4-19 : Une mosaïque découverte le 6 février 1928
officiers, avant qu’elle ne (RSAC, 1928)

disparaisse.
La maison nº 61 était détruite pour céder la place au magasin. Par la suite, M. Francini
l’a acheté vers l’an 1928. En creusant les fondations pour la construction d’un garage (à
l’emplacement du magasin), ils ont découvert une mosaïque polychrome (Doris Bages,
2003, p.114)de 5 m de longueur et de 3.1m de largeur à une profondeur de deux mètres
sous le sol (figure 4-20). La partie de cette mosaïque qui se trouvait sous la maison nº 59
était en bon état, alors que l’autre partie sous la maison nº 61 a été détruite lors de la
construction du magasin. Une partie de cette mosaïque est toujours présente au musée
Cirta.
Une autre découverte a vu le jour l’an 2003, à quelques mètres à Ouest de la place de
Sidi El Djliss (figure 4-20), plus précisément en dessous de la maison n° 11 sur de la rue de
Belabed Tahar (ex Jean Bart). Suite à la destruction d’une grande partie de leur maison, les
propriétaires de la maison n° 11 ont fait appel aux membres de l’association des amis du
musée pour leur montrer ce qu’ils ont trouvé dans la cave. En référence à la description
fournie par l’association des amis du musée national Cirta, il y avait deux murs en pierres
taillées dans la pièce constituant le sous-sol de cette maison. Le mur de refend est percé de
deux arcades, dont le matériau utilisé lors de leur construction a été réemployé. Également,
le passage de ce mur de refend au-dessus d’une mosaïque donne un autre indice de leur
non-contemporanéité. Après plusieurs visites allant de l’an 2003 à 2007, les membres de
l’association ont pu regrouper plusieurs fragments d’une mosaïque au sol. Cette mosaïque
remonte à l’époque romaine, elle représente des motifs géométriques formant des étoiles à
cinq branches traitées en noir et blanc (Doris Bages, 2003, p. 112). La composition de la
mosaïque représente une grande ressemblance à celles de la Numidie ancienne, mais selon
Doris Bages la disposition des espaces dans cette salle répond aux normes et aux fonctions
170
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

soit d’un caldarium (salle chaude) ou d’un frigidarium (salle froide) des thermes de
l’époque romaine.
« … une salle qui, à la lumière d’une torche électrique, apparaît en longueur
très sombre, construite en belles pierres de taille dont l’origine remonte très loin.
Sur le côté droit, une belle mosaïque assez bien conservée couvre la partie
déblayée du sol de motifs géométriques… »
L’association des amis du musée national Cirta

A – Localisation de la mosaïque
dessinant une scène de chasse
découverte en 1875 et de la
mosaïque polychrome
découverte le 6 février 1928.

B – Localisation de la mosaïque
récoltée par fragment entre 2003
et 2007, de la maison n° 11 dans
la rue Belabed Tahare.

Figure 4-20 : Localisation des deux découvertes de l’époque romaine


Ces découvertes archéologiques donnent de la valeur aux récits des habitants de la place
de Sidi El Djliss. Mais, sans avoir une précision de son rôle comme une place publique ou
comme un espace résidentiel à l’époque romaine. Par la superposition des croquis dessinés
par des historiens ou des archéologues dessinant les principales voies de communication
dans la cité romaine sur le plan de la médina de Constantine(figure 4-21), une autre lecture
est apparue. L’une des principales voies menant vers Bab El Kantara passe par la place de
Sidi El Djliss, ce qui lui offre une valeur importante à cette époque.

171
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Figure 4-21 : La voie principale de la cité romaine traversant la place de Sidi El Djliss
2.1.2 La place de Sidi El Djliss dans le tissu arabo musulman :
« Vers la fin du XIIe s. de l’hég, dit M. Cherbonneau, l'espace compris entre
l'extrémité de la rue Caraman, la manutention, la place de Sidi Djelis et la porte
d'El Kantra, ne ressemblait en rien au reste de la ville. C'étaient des buttes et des
déclivités de terrain où l'herbe poussait librement, tant elles étaient peu
fréquentées. On n'y apercevait que quelques maisons de médiocre apparence, au
milieu desquelles s'élevaient les mesdjed de Sidi Seffar et de Sidi Tlemçani. La
ville habitée semblait s'arrêter à ce carrefour que les indigènes appellent Mekad-
el-haout, la poissonnerie. » Louis Piesse (1862)
Selon Louis Piesse (1862), la médina de Constantine à l’époque ottomane s’arrêta à
Mekâad El Hout ; ce qui explique le rôle de la place de Sidi El Djliss comme un arrêt des
caravanes. Mais sous la gouvernance de Salah Bey, et suivant les travaux de construction
et d’embellissement de la médina, d’importants équipements ont été édifiés sur cette partie
(la médersa l’an 1775 et la mosquée Sidi El Kettani). De plus, le reste des terres vagues
mentionnées dans la description de M. Cherbonneau ont été transformées en un quartier
juif ; regroupant une population, dont la religion et les mœurs, sont bien distincts du reste
des habitants de la ville. À cette époque, la place de Sidi El Djliss dessinait une continuité
spatiale avec une petite placette d’une superficie de 256 m et portant le même nom.
2.1.3 La place de Sidi El Djliss à l’époque coloniale :
Pendant la colonisation, le quartier dans son ensemble et la place de Sidi El Djliss en
particulier ont connu de grandes transformations en deux étapes successives. La première
étape remonte à l’an 1844, suite à l’application de l’ordonnance Valée du 9 juin 1844 qui

172
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

divise la médina de Constantine en deux parties. L’une, haute réservée à la population


européenne et l’autre basse regroupe les indigènes. Cette division spatiale entre les deux
entités a été concrétisée à travers le percement de la rue de France. Par sa localisation, la
place de Sidi El Djliss a fait partie de l’espace réservé à la population indigène. Lors de la
construction de la ville coloniale sur la partie haute de la médina, Sidi El Djliss à l’exemple
des quartiers de la partie basse de la médina a connu un exode de la population des
quartiers du Nord : la Casbah et la Tabia.
La seconde étape remonte aux années soixante (entre 1865 et 1870), suite à
l’élargissement de la ville coloniale. À cette époque, il y a eu le percement de la rue
Nationale. Cette nouvelle rue a divisé l’îlot musulman en deux parties, elle a mis ainsi la
place de Sidi El Djliss entre les deux rues (la rue de France et la rue Nationale).
De ce fait, ces deux étapes se résument dans l’exode de la population d’autres quartiers
vers Sidi El Djliss en premier lieu, et la séparation et la dislocation de cette dernière de la
partie indigène en second lieu.
Les interventions de la colonisation ne se limitent pas dans l’isolement de cette partie du
reste de la ville indigène, mais d’importants changements ont touché les référents et les
points de repère à travers le processus de transformations plus ou moins profondes. Dans
ce cas d’étude, le point de repère était la mosquée de Sidi M’Hamed El Djliss. Avec
l’application du Décret du 14 juillet 1850, et vers l’an 1851, cette mosquée a été
transformée partiellement en une école primaire portant le nom de Jules Ferry. Tandis que,
la petite surface restante est devenue par la suite la mosquée D’El Ikhlass. Selon les récits
des habitants du quartier, la construction de ce grand bâtiment de style colonial a été suivie
par le changement du pavage de la place publique ; également du reste des rues et ruelles
menant vers cet équipement.
2.2 Des référents persistants dans la place Sidi M’Hamed El Djliss :
En analysant l’évolution de cette place à travers le temps, des éléments ont pu survivre
d’une époque à une autre.
2.2.1 Enveloppe :
En dehors de la construction de l’école primaire Jules-Ferry en 1851 et du changement
du pavage, les constructions bordant cette place publique n’ont pas connu de grands
changements. Mais depuis cette date, ces constructions subissaient des transformations,
dont les plus importants se résument dans la rénovation de quelques façades, la fermeture
de quelques ouvertures et l’ouverture d’autres (Figure 4-22), surélévations illicites (Figure

173
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

4-23) en plus de l’effondrement de certaines maisons par effets de dégradation (Figure 4-


24).

Absence totale des ouvertures Apparition des ouvertures sur la façade

Figure IV-22 : Modifications apportées à la façade urbaine d’une bâtisse à la place de Sidi El Djliss

Figure 4-23 : Des surélévations illicites (auteur, 25/03/2016)

174
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Figure 4-24 : Effondrement d’une partie d’une maison (auteur, 09/02/2013, 26/07/2016 et
14/09/2017)
2.2.2 Les éléments architecturaux persistants :
Malgré les transformations apportées aux constructions bordant cette place publique,
quelques éléments persistent encore et témoignent l’ancienne façade urbaine (Figure 4-25).

Figure 4-25 : Un élément qui existe encore, c’est un témoignage de l’ancienne façade de la bâtisse
(auteur, 25/03/2016)

175
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

2.2.3 Mobilier urbain :


La fontaine connue depuis des siècles est encore présente au centre de la place de Sidi
El Djliss. Mais à l’exemple des constructions qui enveloppent la place, cette fontaine a
connu des modifications (figure 4-26). Juste après l’indépendance et selon les récits des
patriarches du quartier, l’écurie dans la rue Bitat Mâamar était toujours fonctionnelle. Par
considération pour l’importance de l’animal comme moyen de déplacement et de transport,
cette présence de l’animal a induit la présence des abreuvoirs. Dans le cas d’Ain Sidi El
Djliss, de son côté gauche il y avait auparavant un petit bassin utile comme un abreuvoir
pour ces animaux, aujourd’hui il a disparu. De même, la fontaine a connu quelques
modifications ; étant donné que sa hauteur est passée de 2,63 m à 1,44 m. Cette diminution
est due à la perte de deux rangées de pierre du dessus de cette fontaine. Cette dernière n’a
pas subi seulement des modifications de forme, mais d’après les résultats de l’enquête
sociale ; dans la mémoire des usagers, le nom de cette fontaine est méconnu. De ce fait,
actuellement cette fontaine ne fait plus appel au Ouali Sidi M’Hamed El Djliss.
Avant : Après :
La présence d’un abreuvoir du côté gauche de La disparition de l’abreuvoir et de deux rangées
la fontaine de pierre du dessus de la fontaine

Figure 4-26 : Ain Sidi El Djliss avant l’indépendance et à l’ère contemporaine (Collection
Constantine d’hier et d’aujourd’hui et auteur, 09/02/2013)
2.2.4 Des pratiques propres à la place Sidi El Djliss :
Bien qu’elle remonte à l’époque romaine, son rôle comme une place publique ou
comme un espace résidentiel à cette époque est méconnu. Juste avant l’arrivée de Salah
bey, la médina de Constantine s’arrêtait à Mekâad El Hout, cela explique le rôle de la place
de Sidi El Djliss comme un arrêt des caravanes. Conformément aux récits des patriarches,
pendant la colonisation et après l’indépendance, cette place était connue comme un lieu de
rencontre des vendeurs de fruits et de légumes venant de la banlieue de la ville. Donc, elle

176
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

jouait le rôle d’un petit marché journalier. Elle est connue par la vente du petit-lait et par
l’industrie de la confiserie traditionnelle. En plus de ces fonctions, cette place abrite
quelques ateliers de dinanderie non pas de production, mais de nickelage et de nettoyage.
Actuellement, cette place publique connaît une faible fréquentation. Cette dernière est due
à la diminution de son rôle, d’un marché quotidien à grande importance à un espace de
transit regroupant quelques boutiques en majorité non fonctionnelles. Malgré ce nombre
réduit, les boutiques de confiseries racontant toujours une vieille histoire de cette place
attirent une certaine couche de population. En conséquence, cette pratique liée à la place de
Sidi El Djliss est encore vivante dans leur mémoire.
« ... je me rappelle quand j’étais petit, chaque jour j’attends les vendeurs du lait,
quand ils arrivent on achète une gourde (‫ ) قربة‬et on la partage avec les voisins, car à
cette époque on n’était pas riche et c’est le cas de nos voisins surtout ceux venant de la
compagne... »Récit d’un patriarche (oncle Ali) âgé de 73ans habitant de Sidi Djliss
Dans le but de connaitre le rôle, la signification et la valeur de cette place depuis
l’époque coloniale, nous nous sommes référées aux résultats de l’enquête sociale. En
référence aux résultats obtenus de la première enquête élaborée avec des habitants de la
vieille ville (figure 4-27), nous constatons que la place de Sidi Djliss représente un lieu de
mémoire plus qu’un espace à fonction commerciale ; du fait que 47,06 % de la population
enquêtée font le lien entre ce lieu et la vie des Constantinois après l’indépendance. Ils font
appel aux pratiques journalières des habitants et des visiteurs de la compagne, en termes
d’échanges commerciaux… etc. En décrivant cet espace en fonction de ce qu’il se trouve
dans ce dernier, un pourcentage de 18,30 % des enquêtés le définit à partir de la fontaine
« Ain Sidi El Djliss » qui se trouve au milieu de cet espace. Une autre partie représentée
par 17 % de la population fait référence aux vieux ateliers de dinanderie et aux boutiques
de confiseries.

Figure 4-27 : La place de Sidi El Djliss dans la Figure 4-28 : la place de Sidi El Djliss dans la
mémoire des habitants de la vieille ville mémoire de ses usagers (enquête sociale, 2014)
(enquête sociale, 2014)

177
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

En interrogeant des usagers de l’espace habitant en dehors du rocher (figure 4-28), de


nouveaux résultats sont apparus. Conformément aux résultats de la première enquête,
48,33 % des enquêtés lui accordent la valeur d’un marché ouvert, dont 12,34 % précisent
la présence d’une habitude disparue avec le temps ; celle de la vente du petit-lait. En
comparaison avec l’âge des enquêtés, cette catégorie appartenait à une couche d’âge de
plus de 40 ans. Cette même couche de population fait appel à la présence d’une écurie
réservée aux animaux des étrangers. Cette écurie remplacée par des maisons se trouva sur
l’une des artères conduisant vers la place de Sidi Djliss.
Alors que pour 12,08 % des enquêtés, cet espace ne représente qu’un vieux quartier
connu juste par son nom ; pour 26,48 % de la population enquêté cette espace est méconnu
et n’a aucune valeur.
Les 13,11 % restant de la population enquête ont accordé à cette place publique des
coutumes et des traditions, en faisant référence aux Dellalate et à Dar El Ouesfane. Les
Dellalate sont des femmes marquaient depuis longtemps leur présence dans l’ex-rue Rabier
(Rue des frères Mekhlouf), précisément devant la maison de Ben Guetache. Actuellement,
ces femmes sont présentes dans la place de Sidi El Djliss. Ces Dellalate proposaient à leur
clientèle de fameuses marchandises tels des bijoux les gandouras brodées au fil d’or, sont
remplacées actuellement par des femmes portant toujours le costume constantinois, mais
mettant en vente des vêtements préparés à la maison ou déjà utilisés. En raison de leur
nombre limité, ces vendeuses ou Dellalate n’attirent plus l’attention des usagers de la
place. Trente ans avant, lors de l’élaboration de son enquête, Bernard Pagand a mentionné
dans son ouvrage « médina de Constantine » la présence de 25 marchands ambulants
regroupés dans la partie basse de la ville. Ces marchands - comme il mentionne - vendaient
des vêtements d’occasion à une clientèle pauvre. Selon le même auteur, ce type de
« commerce existe sur la place de Sidi Djliss, là se regroupent des femmes en très grande
majorité » (Bernard Pagand, 1989, p. 47-48).
El Ouesfane sont des hommes de couleur noire affiliés à une confrérie religieuse. Ils
habitent deux vieilles maisons de la médina. La première porte le nom de Dar Bernou, elle
se trouve à Souika. La seconde maison est la mieux connue, elle porte le nom de Dar
Hafsa, et elle se trouve à Sidi El Djliss (figure 4-29). Dar Hafsa ou mieux connue sous le
nom de Dar El Ouesfane abrite à la fois El Ouesfane et El Fqirat (un groupe de chanteuses
ou chanteurs).Le rôle des hommes noirs se résume dans l’émission d’un vœu rituel comme
une récompense de la somme d’argent récoltée des individus. Pour les personnes qui n’ont
pas les moyens, cette pratique est une réduction d’En-Nachra ;du fait qu’elle symbolise
178
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

tous ses actes rituels. Mais durant l’exercice du cérémonial d’En-Nachra, cette maison aura
plus de valeur, étant donné qu’elle abrite sa seconde étape qui consiste à un rite de danse à
la présence d’un bouc et à une certaine présence masculine. En dehors de ce rite, les
habitants de cette maison animent la place de Sidi El Djliss chaque lundi matin.

Figure 4-29 : Localisation de Dar El Ouesfane de Sidi El Djliss

179
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Tableau 4-02 : La place de Sidi El Djliss à différentes époques, Tableau de synthèse


Arabo Turque Coloniale Contemporaine
Époque La Place Sidi El Ensemble Placette La Place Sidi El Ensemble Placette La Place Sidi El Ensemble Placette
Djliss + Place Djliss + Place Djliss + Place
Placette Sidi El Placette Sidi El
Nom Place Sidi El Djliss Place Sidi El Djliss Place Sidi El Djliss
Djliss Djliss
Caractère Un arrêt des caravanes Placette Marché journalier Place publique Place publique
Superficie 535.75 m² 876.18 m² 453.81 m² 671.42 m² 453.81 m² 671.42 m²
 Zenqat El Hadj Said  Rue Cavaignac  Rue Bitat Maamar
 Zenqat Ben Samar  Impasse Ben Souiki  Impasse Ben Souiki
 Saida Yasmine  Rue du 7e Tirailleur  Rue Ben Delloul Abdel Madjid
Accès  Sidi Saffar  Rue Rabier  Les Frères Ben Makhlouf
 Rue Jean Bart  Rue Belabed Tahar
 Impasse Sidi Djliss  Impasse Sidi Djliss
 Rue Saffar  Rue Derbel Omar
Équipements  La mosquée de Sidi M’hamed El Djliss  École primaire Jules-Ferry  CEM Ouled Ali
structurants  La mosquée d’El Ikhlass
 Des maisons collées les unes aux  Introduction d’un grand immeuble de  Apparition de grandes ouvertures
autres, avec une façade très simple style colonial donnant sur la place
 Manque d’ouvertures donnant sur la  Changement du pavage  Effondrement de quelques maisons
Enveloppe
place par usures du temps
 Les ouvertures présentes sont de petites  Apparition des surélévations illicites
tailles
 Mosquée Sidi M’hamed El Djliss  École primaire Jules Ferry  Fontaine publique
 Ain Sidi El Djliss  Fontaine publique au centre de la  Les boutiques de confiserie
 Tombeau du Ouali Sidi M’hamed El place  École Jules Ferry
Référents ponctuels Djliss  L’écurie réservée aux animaux des
étrangers
 Boutiques et ateliers de confiserie de
dinanderie
 Un arrêt des caravanes  Souk quotidien à importance locale  Lieu de rencontre des habitants du
 Souk quotidien à importance locale (petit-lait, légumes, fruits, œufs, quartier
Rôle et importance
gourmandises à production locale)  Espace de transit pour le reste des
 Marché hebdomadaire de vente de usagers

180
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

différents produits de la compagne :


œufs, fromage, poule de ferme, lait
de vache et petit lait.
 Lieux d’échange commercial et de
rencontre de deux populations (rurale
et citadine)
 Marché hebdomadaire  Souk journalier  Les Dellalate
Pratiques exercées  El Quesma12  L’industrie de confiserie
 Les Dellalate
Mobilier urbain  Fontaine publique  Fontaine publique  Fontaine publique

Figure 4-30 : Découpage du parcours en séquences

12El Quesma (‫ )القسمة‬: pratique d’achat de lait ou de petit lait connue entre les habitants de Sidi El Djliss. Lors de l’achat de l’un de ces produits, cinq ou six familles se
partagent la quantité achetée à égalité et c’est au paysan de la diviser jusqu’au l’épuisement de la quantité achetée.
181
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Première Séquence (S1) :débute depuis l’entrée de la placette de Sidi El Djliss du côté de la Deuxième Séquence (S2) :sur ce second plan apparaît la
rue Ben Delloul Abd El Madjid et se termine à la sortie de la même placette. continuité entre la place de Sidi El Djliss et la petite placette.

Figure 4-31 : La place de Sidi M’Hamed El Djliss, la première séquence (S1) Figure 4-32 : La place de Sidi M’Hamed El Djliss, la
deuxième séquence (S2)
Troisième Séquence (S3) :ce troisième tableau commence de la limite de la mosquée El Quatrième Séquence (S4) : débute de la sortie de la place
Ikhlass et se termine à la sortie de la place de Sidi El Djliss. de Sidi El Djliss et se termine vers la rue de Bittat Maamar

Figure 4-33 : La place de Sidi M’Hamed El Djliss, la troisième séquence (S3) Figure 4-34 : la place de Sidi M’Hamed El Djliss, la
quatrième séquence (S4)

182
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Conclusion :
En passant de l’évaluation du degré d’attractivité des espaces à l’analyse de leur utilité,
les résultats obtenus sont multiples. Dans ce chapitre, nous nous sommes intéressées à
l’analyse de deux cas de places publiques, dont le but était de connaître leur valeur chez
leurs usagers. Ces deux cas ont connu des transformations à différents degrés qui ont
influencé l’utilisation et la perception de chacun des deux cas d’étude.
Le premier cas choisi était la place du Palais du Bey. Cette place publique a pu garder
sa fonction depuis l’époque romaine comme un forum de la cité (cf. E. Mercier) à l’époque
coloniale comme un espace central regroupant d’importants équipements administratifs et
militaires. Encore, elle a connu une grande évolution, d’un Derb d’une petite superficie et à
accessibilité réduite à une place publique à l’échelle de la ville pendant la colonisation.
Malgré son importance dans la structure urbaine, son rôle dans la vie sociale des habitants
a connu une grande réduction ; notamment avec l’avènement de l’automobile, compte tenu
de son affectation comme aire de stationnement. Bien qu’elle regroupe d’importants
éléments de l’histoire de la ville, et malgré les travaux d’aménagement
effectués récemment, cette place ne dépasse pas la valeur d’un espace de transit, d’une aire
de stationnement et d’un lieu de rencontre en raison de la présence de cafés.
Le second cas est la place de Sidi El Djliss. Contrairement au premier cas, en termes de
forme cette place n’a pas connu de grands changements pendant la colonisation. Mais, elle
a été exposée à deux processus, le changement des référents identitaires et des points de
repère à travers le processus d’acculturation et l’isolement comme suite au percement des
deux voies de communication (la rue de France et la rue Nationale). Depuis la colonisation
et jusqu’à nos jours, cette place subissait encore des transformations, telles que la
rénovation des façades, les surélévations illicites et l’effondrement de maisons vétustes. De
plus à ces transformations causées majoritairement par les habitants, cette place à l’ère
contemporaine est caractérisée par une fréquentation réduite. Également, son rôle est limité
à un espace de transit. Devant tous ces changements, quelques éléments de l’histoire
persistent encore dans la mémoire des habitants et des usagers. Cette résistance des
souvenirs fait de cette place publique un lieu de mémoire, malgré sa dégradation et son
isolement.
Les souvenirs gardés dans la mémoire des usagers ont été liés à des pratiques de vente
et d’achat, de même à des marchands ambulants et au marché quotidien. Cet état nous

183
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

dirige vers le questionnement de la persistance de la mémoire du lieu dans des espaces à


caractère commercial, tels que les Souks et les Rahba.

184
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

Travaux cités :
ARTHUS-BERTRAND, Yann (s.d). Image tirée d’une vidéo YouTube, Constantine vue
du ciel algérie, minute 02:17, longueur totale de la vidéo 04:11m.
URL :https://www.youtube.com/watch?v=LrsZ-MbEZ64, vidéo ajoutée le 12/02/
2014.
BAGES, Doris (2003). Recherches sur la topographie urbaine de Cirta-Constantine dans
l’Antiquité, Thèse de Doctorat Archéologie, spécialité mondes classiques et cultures
indigènes, sous la direction de Pierre Garmy, Université Montpellier III - Paul
Valéry, p. 215-228.
Idem, p. 215-213.
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Idem, p. 112.
CATENACCI, H. (s.d). Façade du palais de Constantine, c.f FERAUD, Charles (1877).
Le tour du monde, librairie Hachette et Cie, Paris, p.04, in Algérie-ancienne [en
ligne], URL : http://www.cnplet.dz/file.php/1/cnplet_mina/navi-
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CATENACCI, H. (s.d). Passage conduisant à Dar oum-en-Noum, c.f FERAUD, Charles
(1877). Le tour du monde, librairie Hachette et Cie, Paris, p.05, in Algérie-ancienne
[en ligne], URL : http://www.cnplet.dz/file.php/1/cnplet_mina/navi-
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DOUVRELEUR (1931). Constantine en 25 tableaux, deux petits prologues et un brin
d’histoire, Édition de la jeune Académie, Paris, p.52.
FERAUD, Charles (1877). Le tour du monde, librairie Hachette et Cie, Paris, p.01, in
Algérie-ancienne [en ligne], URL :
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horiz/departement/Autres/pdf18.pdf
Idem, p. 04.
Idem, p. 05.
Il était une ville… il était Constantine, regards croisés à travers « Constantine, voyage et
séjours 1879 » de Louis Régis illustration et témoignages, Constantine, Algérie,
édition Araja, 2012, p. 37.
KOROSEC-SERFATY, P. et KAUFFMANN, C. (1974). Psychosociologie des Places
Publiques. Neuf, 51, p. 01-18.

185
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

PAGAND, Bernard (1989), La médina de Constantine : de la ville traditionnelle au centre


de l’agglomération contemporaine, centre interuniversitaire d’études
méditerranéennes, Poitiers, France, p. 47-48.
PIESSE, Louis (1862). Itinéraire historique et descriptif de l'Algérie : comprenant le Tell
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RAYMOND, André (1987). Les caractéristiques d'une ville arabe moyenne au XVIIIe
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RÉGIS, Louis (1880). Constantine : voyage et séjours, ancienne maison Michel Lévy
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RSAC (1928). c.f BAGES, Doris (2003). Recherches sur la topographie urbaine de Cirta-
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Montpellier III - Paul Valéry, p. 113.
VERNET, Horace (1877). c.f FERAUD, Charles (1877). Le tour du monde, librairie
Hachette et Cie, Paris, p. 02-03, in Algérie-ancienne [en ligne], URL :
http://www.cnplet.dz/file.php/1/cnplet_mina/navi-
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Support cartographique :
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Plan : Constantine au XVIIIe siècle, c.f RAYMOND, André (1987). Les caractéristiques
d'une ville arabe moyenne au XVIIIe siècle : Le cas de Constantine, ROMM, n. 44,
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Plan : Place de Constantine 1878, c.f SHAT, carton d'archives 1 h 805 ex 1 h 306.
Plan : Plan de Constantine et de ses environs, levé pendant l'expédition de 1837, c.f
FERAUD, Laurent-Charles (1868). Les anciens établissements religieux
musulmans de Constantine, in Revue Africaine XXVI, p. 121-133.

Sites Web :
 BENSEDDIK, Raouf (2013), in PANORAMIO [en ligne], photo prise le
26/05/2013, URL : http://www.panoramio.com/photo/91084214

186
Chapitre IV : Places publiques et référents à travers le temps

 BENSEDDIK, Raouf (2013), in PANORAMIO [en ligne], photo prise le


26/05/2013, URL : http://www.panoramio.com/photo/91082589
 Collection Constantine d’hier et d’aujourd’hui [en ligne], vieilles cartes postales,
URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/LesImages/cartespostales/vieille_ville.htm
 Collection Delcampe [en ligne], vieilles cartes postales, URL : www.delcampe.net
 Collection Micheline Casier [en ligne], Ancienne carte postale, URL :
http://www.kiosquesdumonde.net/coppermine/displayimage.php?album=5&pos=9
 Place Si El Haoues : Un trésor enfoui sous le sol, in El Watan [en ligne],
URL :https://www.ensh.dz/index.php?option=com_content&view=article&id=198:
el-watan-place-si-el-haoues-un-tresor-enfoui-sous-le-sol&catid=70:presse-mars-
2011, article publié le 03/03/2011.
 URL:http://4.bp.blogspot.com/-vPJwJdWlOxA/UThYlt6H-
fI/AAAAAAAAItY/hrCQ9cD8Lho/s1600/La+mosqu%C3%A9e+Souk+El+Ghezal
.jpg.
 URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/LaVille/visiteaupalais/visiteaupalais03.htm
 URL: https://encrypted-
tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRNYoXZDByScb7xzTa-
SbpALOdvGV0_fcEP-2jmTeWcIJA8_v0U
 URL : https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTCeqUQT-
2ZWe9M6lif6dEb0eLEcNhSjtGJGuD8Fsi-xjCuqlsgXw
 URL : http://www.cparama.com/forum/cartes2012a/1327073683-Constantine-
1.jpg,

187
CHAPITRE V :
SOUKS ET RAHBA DANS LA
VIEILLE VILLE DE CONSTANTINE,
DES LIEUX DE MÉMOIRE OU DES
ESPACES DE COMMERCE ?
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Introduction :
Selon les historiens et les voyageurs, la ville de Constantine est connue depuis l’ancien
temps pour son commerce. Cette médina abrita à l’époque ottomane un nombre important
de souks et de Rahbet. Avec le temps, quelques-uns ont disparu, d’autres ont changé de
rôle et quelques-uns ont eu plus de valeur. Par leur localisation proche des portes de la
médina, ces Rahba et ces souks représentent les principaux lieux d’échange commercial à
l’échelle régionale. À l’exemple de Rahbet Z’raâ (marché aux grains) ou Rahbet Ledjmal1
(marché de bétail) qui se trouve du côté de Bab El Oued ; ou encore la place proche de Bab
El Kantara qui est réservée aux marchandises venant de l’Est et allant jusqu’en Tunisie.
D’autres se trouvent à l’intérieur de la médina, telles que : Rahbet Essouf, Rahbet El
Mezouar 2 , Souk El Ghezal, Souk El Acer (marché de fruits et légumes) et Souk El
Djumuâa. À l’intérieur du tissu, ces derniers assurent davantage les échanges commerciaux
que les échanges culturels entre les habitants de la ville.
Selon un manuscrit qui remonte à la seconde moitié du XVIe siècle, cette médina
possédait 12 Souks non spécialisés et 28 Souks spécialisés en général dans l’industrie
artisanale, sans l’ignorance de la présence de deux souks dont les noms sont méconnus
(tableau 5-01). Les Souks spécialisés abritent des locaux d’artisans dont le rôle était la
fabrication des produits artisanaux et leur commercialisation. D’après l’historien E.
Mercier, à la veille de la colonisation quatre Souks non spécialisés parmi ceux mentionnés
précédemment ont toujours été là, et trois autres sont apparus dans sa description.
Concernant les souks spécialisés, dans la description du même auteur cinq nouveaux souks
sont apparus.
Nous avons déjà mentionné que la mémoire gardée chez les usagers, en analysant les
places publiques, était fortement liée aux pratiques commerciales. Dans ce chapitre, nous
questionnons la présence d’une mémoire propre aux Souks et Rahba. Pour ce faire, nous
choisissons trois cas d’études : Rahbat Ledjmal, Rahbat Essouf et Souk El Acer. Ce choix
s’explique par leurs différences en termes de composition, de fonction et de type d’usagers,
étant donné que Rahbet Ledjmal est à exclusivité masculine, Rahbet Essouf attire une
grande population féminine, et Souk El Acer attire une population des deux sexes, mais
d’une couche moyenne.

1 En référence au manuscrit, rahbet Ledjmal est connue dans le vieux temps sous le nom de Rahbet Ben
Saïde.
2 En référence au Registre des Habûs «‫»دفتر االحباس‬, cette Rahba a été mentionnée deux fois dans un acte à la
page 19 et dans un autre à la page 32. Dans le second acte, Rahbet El Mezouar se trouve à l’ouest de Ghdir
Abi El Gharat.
189
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de commerce ?

Tableau 5-01 : Souks présents dans la ville de Constantine à différentes époques


Souks mentionnés dans le manuscrit Souks mentionnés par Ernest
Nom Autre nomination Mercier
Souk Bab El Oued )‫(سوق باب الواد‬ / /
Souk Ech-Houd )‫(سوق الشهود‬ / /
Souk El Bab )‫(سوق الباب‬ / /
Souk El Baraka )‫(سوق البركة‬ / /
Souk El Hanaya )‫(سوق الحنايا‬ / /
Souk El Kebir )‫(سوق الكبير‬ / Souk El Kbir
Souk général

Souk El Khalq )‫(سوق الخلق‬ / Souk El Khalq


Souk El Mouqef )‫(سوق الموقف‬ / Souk El Mouqef
Souk Ghdir Abi El Gharat / /
)‫(سوق غدير أبي الغارات‬
Souk Rahbet Essouf )‫(سوق رحبة الصوف‬ / /
Souk Z’qaq El Blat )‫(سوق زقاق البالط‬ / /
Souk Er-Rahadnya (‫)سوق الرهادنية‬ Connu sous le nom de Souk Et-Todjar Souk Et-Tedjar
/ / Souk Ech-Chott
/ / Souk El Acer
/ / Souk El Djumuâa
Souikèt Bab El Casbah )‫(سويقة باب القصبة‬ / Souikèt Ben M’qalef 3
Souika

Souikèt Ben Thaeleb )‫(سويقة بن ثعلب‬ Actuellement connue sous le nom de Souikèt Bab El Djabia
Souikèt Bab El Djabia
Souikèt Houara )‫(سويقة هوارة‬ / /
Souk El Ghzel )‫(سوق الغزل‬ / Souk El Ghzel
spécialisé

Souk Ed-Dahanine )‫(سوق الدهانين‬ /


Souk

Souk Es-Sabaghine )‫(سوق الصباغين‬ / Souk Es-sebaghine (les teinturiers)


Souk Es-Sagha )‫(سوق الصاغة‬ / Souk Es-sagha (les bijoutiers)
Souk El Qalaline )‫(سوق القاللين‬ / /

3 A. Dahdouh avait donné une probabilité que Souikèt Bab El Casbah a connu probablement un changement de la nomination vers Souikèt Ben M’qalef. Cette probabilité
proposée par le docteur A. Dahdouh a été argumentée par la localisation du nouveau marché au même endroit du premier mentionné dans le manuscrit.
190
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de commerce ?

Souk Er-Raqaqine )‫(سوق الرقاقين‬ / Souk Er-reqaqine (les parchemineurs)


Souk Es-Samadine )‫(سوق السمادين‬ / /
Souk El Kharradine )‫(سوق الخرادين‬ / /
Souk El Qassaïne )‫(سوق القصاعين‬ Connu dans le vieux temps sous le nom Souk El Qassaïne (les fabricants de plats
de Souk Houara en bois)
Souk Ed-Dabaghine )‫(سوق الدباغين‬ / /
Souk El At-Tarine )‫(سوق العطارين‬ Connu dans le vieux temps sous le nom Souk El At-Tarine (les droguistes)
de Souk El Kherrazine Souk El Kharrazine (les cordonniers)
Souk Es-Seffarine (‫)سوق الصفارين‬ / /
Souk Ez-Ziatine )‫(سوق الزياتين‬ Connu dans le vieux temps sous le nom /
de Souk El Foualine
Souk El Haddadine )‫(سوق الحدادين‬ Connu actuellement sous le nom de Souk Souk El Djazarine (les bouchers)
El Qassabine Souk El Haddadine
Souk Es-Serrajine )‫(سوق السراجين‬ / Souk Es-seradjine (les selliers)
Souk Khdharine )‫(سوق الخضارين‬ Actuellement connu sous le nom de Souk Souk El Khadharine
El Hattabine )‫(سوق الحطابين‬
Souk El Fadhadhine )‫(سوق الفضاضين‬ / /
Souk El Halfadiïne )‫(سوق الحلفاديين‬ / /
Souk Es-Sekkajine )‫(سوق السكاجين‬ / /
Souk El Qachachine )‫(سوق القشاشين‬ / /
Souk El Kharratine )‫(سوق الخراطين‬ / Souk El Kharratine (les tourneurs)
Souk Es-Semadine )‫(سوق السمادين‬ / /
Souk Es-Serdaniïne )‫(سوق السردانيين‬ / /
Souk El Hachachine )‫(سوق الحشاشين‬ / /
Souk Echekkazzine )‫(سوق الشكازين‬ / /
Souk El Kammadine )‫(سوق الكمادين‬ / /
Souk El M’tawsine )‫(سوق المتوسين‬ / /
Souk En-Nedjarine )‫(سوق النجارين‬ / Souk En-Nedjarine (les menuisiers)
Souk En-Nahadine )‫(سوق النهادين‬ / /
/ / Souk Echbarliïne (fabricants de
chaussures de femmes)

191
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de commerce ?

/ / Souk El Bradîine (les fabricants des bâts)


/ / Souk El Kazzazine (les passementiers)
/ / Souk El Khrachfiïne (les marchands des
cœurs d’artichaut sauvage)
/ / Souk El Ghrabliïne (les tamisiers)
Des Souks dont le nom est méconnu
01 Souk en haut de Raïghat El Kharratine et M’halat Es-Sagha
02 Souk au-dessous de Souk El Attarine, contient Fondouk El Bouniïne

192
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

1. Rahbet Ledjmal :
Rahbet Ledjmal est caractérisée par sa
fréquentation élevée par une population
exclusivement masculine. Cet espace
commercial (figure 5-01) est connu par ses
divers articles (habilement, chaussures,
téléphone mobile, etc.). Mais, cette
fréquentation masculine a induit la
prolifération de certaines activités et maux
Figure 5-01 : Le commerce informel à
sociaux, dont l’impact sur l’espace est
Rahbet Ledjmal (Michel Setboun)4
assez visible.
1.1 Rahbet Ledjmal à travers l’histoire :
Dans le passé, Rahbet Ledjmal était réservé aux caravanes venant du Sud. La position
de ce caravansérail à proximité de l’un des principaux accès « Bab El Oued » et des
boutiques de vente des produits du Sud lui offre la possibilité d’être un lieu parfait pour les
pratiques commerciales à l’époque ottomane.
Tahar Ouattar5 dans son roman Ez-Zilzal (le séisme) a donné un indice sur l’étendue de
Rahbet Ledjmal. Il mentionne qu’en son état actuel, elle ne peut plus accueillir plus de 50
chameaux. Dans sa description de la halle et de la plate-forme qui l’entoure, Louis Régis
explique comment une petite surface peut accueillir un nombre important des caravanes.
Chaque caravane n’avait qu’un moment pour s’arrêter devant l’une des entrées de la halle.
Lorsque les achats se terminaient, les employés versaient les grains dans des sacs pour les
entreposer dans ce bâtiment afin de céder la place aux nouveaux arrivants. Cette petite
superficie ne remonte pas à la colonisation, mais bien avant. Dans son ouvrage « Histoire
de Constantine », Ernest Mercier (1903) fait référence à Eugène Vayssettes et à une
chronique indigène qui mentionne la présence sur cette place, de la caserne des janissaires
construite par le bey Ahmed-El-Kolli. Cette caserne a été détruite par la colonisation
française pour céder la place au théâtre de la ville dont les travaux ont duré de 1861 à
1883. Ce qui signifie que la place qui la jouxte (Rahbet Ledjmal) n’a pas connu de grands
changements en termes de superficie, mais un changement brutal de son enveloppe.

4 Source : http://www.setboun.com/ALGERIE/ALGER002%20Constantine/ppages/ppage84.htm.
5 « Rahbet Ledjmal comme elle était. Mais elle est étroite ne peut pas accueillir cinquante chameaux,
pourquoi les anciens l’appelé par ce nom ? Bien sûr, elle était spacieuse, dès qu’un chameau l’abandonne
son passager reste pour s’installer » Tahar Ouattar, 1973, p.139.
193
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Selon Jean-Louis Charvet (1873), à l’époque ottomane la ville de Constantine


regroupait une nouba à cinq seffaras 6 sur un total de 86, réparties sur toute l’Algérie
(donnant un chiffre de 1978 hommes). La caserne des janissaires a été connue chez les
indigènes sous le nom de « dar ienkcheria mta'a rahba el Djemel », ou la maison des
janissaires de Rahbet Ledjmal. Dans sa description, Jean-Louis Charvet (1873) a
mentionné que cette caserne donne sur une petite place portant le nom de Rahbet Ledjmal.
De ce fait, sa superficie n’était pas aussi grande qu’à l’époque coloniale, mais elle abritait
cette construction comme l’un des éléments les plus remarquables de l’ensemble du tissu
du Rocher (la seconde après les grandes bâtisses de la casbah).

Figure 5-02 : Une scène de guerre, la prise de Constantine (collection antique-prints)7


La construction de cette demeure puis de la caserne des janissaires remonte à l’époque
du gouvernement d’Ahmed bey Ben Ali (1756-1771). Dans le but d’éviter la tyrannie des
janissaires, les habitants ont profité du projet du bey pour mettre fin aux problèmes posés
par leur hébergement. Pour ce faire, ils ont récolté et amené gratuitement tout type de
matériaux utiles pour la construction de la nouvelle demeure8 des soldats (des pierres, du
bois, de la chaux et autres matériaux de construction).
Pendant la colonisation, en termes de forme, cet espace a connu des travaux
d’alignement. Vers 1853, parmi les travaux de construction, il y a eu la rectification des
alignements de la rue Damrémont, la reconstruction de la façade du Trésor,
l’aplanissement de cette place ainsi que sa délimitation à travers la construction des

6 La nouba se subdivise en seffaras ou escouades, et chaque seffara compte 23 hommes.


7 Source : http://www.antique-prints.de/shop/Media/Shop/5195.jpg
8 Une description détaillée de cette demeure apparaît dans un article de Jean-Louis Charvet paru en juin
1873 dans un numéro du journal le Magasin pittoresque : « En y pénétrant, on se trouve dans une cour carrée
de dix mètres de côté, enveloppée par une galerie formée de trois arcades sur chaque face, et surmontée
seulement d'un étage offrant la même disposition. Seulement ici le couronnement, au lieu d'être supporté par
des arcades, est formé de plates-bandes en bois ornées de moulures et de modillons du meilleur effet. Toutes
les colonnes proviennent d'édifices antiques ; la plupart sont de granit rose oriental ou de marbre de
couleur. Les chapiteaux sont en marbre blanc, de style moresque, et d'une exécution parfaite. »
194
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

édifices qui la bordent (figures 5-03 et 5-04). Cette délimitation n’élimine pas l’existence
des limites physiques datant d’avant la colonisation, ce qui apparaît clairement dans une
description de Eliaou Gaston Guedj : « … les troupes se retrouvent sur le caravansérail
devenu plus tard la place des chameaux. Tout autour est accolé un enchevêtrement de
bâtisses s’appuyant les unes sur les autres… ».

Figure 5-03 : La halle9 à côté du théâtre construit Figure 5-04 : Construction du crédit foncier à la
l’an 1883 (vieille carte postale, collection place de la halle l’an 1908 (vieille carte postale,
Constantine d’hier et d’aujourd’hui) 10
collection Constantine d’hier et
d’aujourd’hui)11
1.2 Des référents persistants de Rahbet Ledjmal :
À deux époques successives, Rahbet Ledjmal a pu garder sa fonction principale comme
une dernière station des caravanes. Dans le but de connaître les pratiques exercées à
Rahbet Ledjmal après l’indépendance, revenons au roman de Tahar Ouattar (1973) où il
mentionne la forte présence des cordonniers, le grand nombre de restaurants et les odeurs
des différents plats qui dominent la place, des voleurs et des vendeurs de tout objet 12 et à
des prix modestes. En plus de cette grande concentration de métiers, l’auteur mentionne la
présence d’une cuisine populaire municipale qui attire une couche pauvre de la population,
compte tenu qu’elle avait pour rôle la distribution gratuite de la nourriture.
« Il se tourna… avant de quitter Rahbet Ledjmal il confronta une langue
rangée de pieds nus et sales dans leurs mains des assiettes tendues avec des
cordes ou des chiffons sales. Il lit sur le mur : la cuisine populaire municipale »
Tahar Ouattar (1973)

9 Selon Bernard Pagand, La hall aux grains fut construite sur l’ancien marché aux grains, de gros et des
tribus « Rahbet Ez-zrae » ; un autre marché local situé à Rahbet El Djamel.
10 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/cartespostales/theatre/2111.jpg.
11 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/cartespostales/theatre/0095.jpg.
12 « Je suis convaincu que le constantinois est soit un voleur ou un volé. Et que les gens, passent la nuit à
voler les uns des autres et la journée ils vendaient les marchandises volés les uns aux autres. » (Tahar
Ouattar, 1973. p.136).
195
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Dans le but de connaître ce que signifie cet espace dans la mémoire de ses usagers
actuellement, et pour mieux comprendre s’il existe toujours des pratiques propres à ce lieu,
nous nous référons aux résultats de l’enquête sociale (figure 5-05 et 5-06).

Figure 5-05 : Rahbet Ledjmal d’un point des Figure 5-06 : Rahbet Ledjmal d’un point de
habitants de la vieille ville (enquête sociale, vue de personnes habitants hors le Rocher
2014) (enquête sociale, 2014)
En analysant la figure 5-05, nous constatons que la perception de cet espace est
fortement liée aux fonctions qu’il abrite. En plus de sa fonction comme marché de
vêtements à fréquentation masculine, cette place publique regroupe quelques ateliers de
couture. Les 18 % des enquêtés qui n’accordent aucune valeur à cet espace dans leur vie
quotidienne sont majoritairement des femmes et des jeunes de moins de 20 ans. Comme
explication du choix de cette réponse, ils se sont basés sur leur méconnaissance de cet
espace, étant donné qu’ils ne l’ont jamais fréquenté. L’évitement de cet espace est dû,
selon leur point de vue, à sa mauvaise réputation et à la délinquance qu’il abrite. Comme
résultat, pour les habitants de la vieille ville, Rahbet Ledjmal n’est pas un lieu de mémoire,
mais un espace à fonction commerciale.
Pour chercher comment cet espace est perçu par d’autres usagers, nous avons dû nous
baser sur d’autres résultats liés à une population qui n’habite pas le Rocher (figure 5-06).
Avec le changement de la population, de nouveaux résultats sont apparus. 7 % des
enquêtés font appel à des éléments dans l’histoire, liés à Rahbet Ledjmal. De ce fait,
l’image mentale de ce lieu est attachée aux types et aux raisons de sa fréquentation.
Malgré le changement du mode de vie, la disparition de quelques corps de métiers et la
transformation de certaines fonctions, la réputation de cet espace a pu résister au temps. La
perception de cet espace par ses usagers n’est pas liée seulement à la fonction actuelle de
l’espace, mais aussi à des moments dans son histoire et à sa fonction exercée auparavant.

196
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Malgré la mauvaise réputation de Rahbet Ledjmal dans la mémoire de ses usagers, cet
espace persiste encore comme lieu de mémoire.
1.2.1 Le caravansérail ou Fondouk Beni Abbès :
Les ateliers de couture décrits par les enquêtés se regroupent dans des fondouks. Sur
l’un des côtés de Rahbet Ledjmal se trouvent deux fondouks. Le grand, appelé Fondouk
Beni Abbès, et le petit, Fondouk Aouidet. Dans la ville arabe, le fondouk répond à
plusieurs fonctions liées au commerce et à l’industrie (Figure 5-07).

Les fonctions du fondouk

Un espace de
Un dépot des fabrication et Un point de Hébergement Un lieu de Transactions
produit et des confection de distribution des rencontre des commerciale
marchandises certains des produits commerçants commerçants s
produits

Figure 5-07 : Les différentes fonctions d’un Fondouk


Les fondouks partagent le même principe de distribution des espaces. D’abord, peu de
fondouks ne possèdent qu’un rez-de-chaussée ; en majorité ils possèdent un à deux étages.
Autrefois, ce Rez-de-chaussée était utilisé comme écuries. Autour de la cour centrale se
regroupent soit des entrepôts pour les produits lourds et volumineux, soit des magasins et
des ateliers. Lorsque les entrepôts se trouvent au rez-de-chaussée, les ateliers occupent le
premier étage. Dans le second cas, pendant que les magasins et les ateliers occupent le rez-
de-chaussée, les petites cellules qui se trouvent à l’étage sont destinées à l’hébergement des
étrangers. Avec le temps, cette fonction d’hébergement a totalement disparu des fondouks.
Actuellement, les fondouks ne représentent que des espaces de commerces et d’artisanat.
Dans le cas de Constantine, la médina abritait autrefois une vingtaine de fondouks dont
le plus grand nombre se répartit sur le parcours soukier (Benidir Fatiha, 2007, p. 56-58). La
fonction de ces fondouks diffère de l’un à l’autre. Alors que certains n’assurent qu’une
seule fonction, d’autres connaissent une polyvalence d’activités. En plus des fonctions déjà
mentionnées, à Constantine le fondouk peut abriter des ateliers de fabrication. De ce fait, il
joue le rôle d’une usine de fabrication, d’un lieu d’exposition et d’un point de distribution.
Il assure aussi les échanges entre les maîtres artisans et les jeunes apprentis, donc, il a la
fonction d’une école de formation professionnelle.
L’origine du fondouk des Beni Abbès tire ses racines du royaume des Beni Abbès ou du
Sultanat des Beni Abbès. De par sa localisation stratégique au cœur de la chaîne

197
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

montagneuse des Portes de fer13, elle assure le lien entre la mer Méditerranée et le Sahara ;
principalement entre Alger et Constantine. La forteresse des Beni Abbès et les villages qui
l’entourent attirent au XVIe siècle un grand savoir-faire regroupant des Andalous, des Juifs
et des Chrétiens. En plus des relations développées avec le reste des villes du grand
Maghreb, cette diversité et ces liens ont développé une grande activité intellectuelle. En
même temps, ils ont enrichi son industrie locale tout en assurant la persistance de son
héritage tribal. En considération de la pauvreté des ressources naturelles et des terres
fertiles, l’économie de ce royaume donne une place importante à l’arboriculture et à
l’horticulture, mais qui n’offrent que peu de ressources. La seconde source de revenus de
ce royaume était liée aux commerces entre le Sud et le Nord. Une autre source était liée au
contrôle du passage stratégique des Portes de fer14.
En raison de l’importance du commerce dans leur vie, les marchands des Beni Abbès
(Ijelladen) sillonnent tout l’espace algérien. Ils sont présents dans plusieurs villes à
l’exemple de Constantine. Ces marchands ont été connus principalement pour la
production des Burnous commercialisés jusqu’en Tunisie et au Maroc. Dans la médina de
Constantine, ces marchands ont leur propre fondouk donnant sur Rahbet Ledjmal. Selon un
article paru en 1967 sur les Cahiers de la Méditerranée, ce fondouk est connu sous le nom
de fondouk Beni Abbès en tenant compte de l’importance de cette tribu dans la production
artisanale et les échanges commerciaux.
Le fondouk jouait le rôle d’intermédiaire, car il a pour but d’assurer les échanges
import-export dans les centres urbains. Selon Carette, à Constantine il y avait trois
fondouks dont seulement un remonte à une date antérieure à la colonisation. Selon le
même auteur, ces fondouks servaient comme centres d’échanges commerciaux et en même
temps comme des gîtes aux trafiquants (Alain Sainte-Marie, 1976, p. 104).
Alors que Carette les décrit comme des centres d’échange commercial, l’historien
Mercier, au début de la colonisation, leur donne la valeur d’écuries publiques (Mercier

13 Les portes de fer ou Les Bibans « ‫ » البيبان‬sont une chaîne de montagnes du Nord algérien constituant une
partie de l’Atlas Tellien, dont la hauteur est de 1840 mètres d'altitude. Cette chaine montagnarde se trouve
entre la vallée du fleuve Sahel-Soummam et les hautes plaines de la Medjana dans la « Petite Kabylie ».
Selon Tassadit Yacine-Titouh (1990), ce massif montagneux est le lieu d'un passage stratégique nommé en
berbère Taggurt « la porte ». Par l’usage de deux passages (un petit et l’autre grand), ce secteur est nommé
Tiggura « les porte ». De ce mot berbère vient le nom arabe « al-Biban ». Par extension actuellement tout le
massif porte le nom de Portes de fer.
14 Étant donné que depuis le XVIIe siècle les Beni Abbès exigent des droits de passage portant le nom
d’Ouadia. « Ces troupes [la milice turque], si redoutables dans tout le royaume, sont obligées de baisser
leurs étendards et leurs armes, en passant par un détroit fâcheux appelé la Porte de fer, entre des montagnes
escarpées. La nation dite Benia-Beïd [Beni-Abbas], qui habite ces montagnes, les force à la soumission. »
Laurent-Charles Féraud (1872)
198
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Ernest, 1878, p.31). Pourtant, il partage la même idée que Carette sur la présence de
seulement trois fondouks dans la médina de Constantine. En contradiction avec ces deux
historiens et en référence au manuscrit qui remonte au XVIe siècle, le registre des Habûs
(‫)دفتر األحباس‬, la médina de Constantine possédait huit fondouks15.
Tableau 5-02 : Fondouks présents dans la ville de Constantine à travers les différents documents
Fondouks apparus Fondouks Fondouks présents
Fondouks mentionnés
dans le Registre des mentionnés par E. à l’ère
par Carette
Habûs Mercier contemporaine
Fondouk Fondouk Ben Fondouk Ben Fondouk
Ouled Bel Kassem Amoun (sa cour Nouioua Beni Abbès
Fondouk Ben intérieure communique Fondouk El Fondouk
Djalloule avec la rue Combes) Hafsi ou Fondouk Aouidet
Fondouk Ben Fondouk El Ez-Zite Fondouk Ben
S’bae (‫)السباع‬ Hafsi (composé de 24 Fondouk hammadi
Fondouk El chambres) Kissarli Fondouk Ben
Bouniïne (‫)البونيين‬ Fondouk Bou - Djaballah
Fondouk Er- chiba (composé de 02 Fondouk
roum bâtiments contigus. Zeyate
Fondouk Es- L’entrée du 1er donne Fondouk
sebaghine sur la rue Combes, Bechtarzi
Fondouk El celle de l'autre sur la
Fawakih (des fruits) rue Vieux. Ensemble,
Fondouk sous ils regroupent 50
engagement de Ben chambres)
Djefal En-nedjar Fondouk Ez-zit
Le grand
fondouk des Beni-
Abbès.
Pendant quelques décennies, Fondouk Beni Abass a servi de grand atelier regroupant
des artisans tailleurs (figure 5-09). À l’époque contemporaine, ce fondouk de Rahbet
Ledjmal, malgré son état actuel de dégradation, représente l’un des derniers ateliers
abritant des tailleurs. Dans les petites cellules du vieux caravansérail, ces artisans passent
leur journée à confectionner des pantalons commandés par les grossistes installés autour de
la cour ou par des commerçants de la ville.

15 Selon le Docteur Dahdouh, il y avait deux possibilités : soit ces fondouks ont disparu pour céder la place à
d’autres fondouks ou à des constructions, soit ils ont connu un changement de nomination.
199
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Figure 5-08 : L’intérieur d’un Fondouk à Figure 5-09 : Façade du vieux Fondouk des
Constantine (vieille carte postale, collection Beni Abbès (vieille carte postale, collection
Delcampe) 16
Constantine d’hier et d’aujourd’hui) 17
Avec le changement du mode de vie et d’habitudes, plusieurs éléments ont disparu alors
que d’autres sont apparus à Rahbet Ledjmal (figure 5-10). La disparition de quelques corps
de métiers, la transformation d’une bâtisse en un bazar de luxe ou le changement de
fonction d’autres boutiques (telles que le changement du vieux bazar Berbère de Paris en
un ensemble de boutiques de téléphone mobile) ; ces modifications font référence au temps
moderne. Elles peuvent s’expliquer comme une adaptation aux nouvelles pratiques
économiques. Mais, cette adaptation s’est accompagnée de la transformation d’un cadre
bâti patrimonial, causée par le réaménagement des espaces en bazars.

Entré du sabbat

Accès principal du
petit Fondouk

Figure 5-10 : Localisation de l’accès du sabbat à Rahbet Ledjmal 18


Sous l’angle des préparations programmées pour accueillir l’évènement de « Constantine
capitale de la culture arabe » et après une longue période de négligence, ces fondouks ont

16 Source : https://images-04.delcampe-static.net/img_large/auction/000/221/212/780_001.jpg?v=0
17 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/quartiers/foundouk_beni_abbes2.jpg
18 Source 01 : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/cartespostales/place_chameaux/0131.jpg.
Source 02 : http://www.setboun.com/ALGERIE/ALGER002%20Constantine/ppages/ppage9.htm.
200
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

bénéficié d’un plan de réhabilitation et de mise en valeur, qui fut mené sous la
responsabilité de Mr Nabil Gaham19 et en partenariat avec un bureau d’études espagnol. Ce
projet de réhabilitation s’étale sur la partie haute de Souika, plus précisément sur l’îlot 2B
qui regroupe, en plus des deux fondouks, la mosquée d’Abderrahmane El Karaoui et la
zaouïa de Seyda Hafssa. Avant de passer à l’étape décisive de réhabilitation, un diagnostic
a été établi par le bureau d’études. Les plus importantes étapes dans ce projet ont été
décrites aussi par le responsable :
« Le projet dont le montage financier n’a pas encore été arrêté a été entamé le
5 janvier dernier avec le recensement et la prospection du site, avant d’entamer
les relevés architecturaux de l’ensemble des structures au scanner 3D, réalisés
par le bureau Topo Consult d’Alger. On passera ensuite au diagnostic des
constructions avant de se lancer dans la phase décisive de la réhabilitation et de
la mise en valeur. L’étude des lieux devra être achevée vers fin mai, à condition
que les services de l’APC et de la daïra de Constantine prennent leurs
dispositions pour la libération des lieux, occupés toujours par près de 170
artisans, commerçants et gargotiers, et différents locaux pour qu’on puisse
mener notre mission dans les conditions requises » Nabil Gaham (2014)
Toute opération de réhabilitation des fondouks doit tenir compte de la vocation
antérieure du fondouk, de son utilisation actuelle et de toute possibilité de restructuration
de ses activités plus précisément artisanales. Prenons comme exemple le cas de la ville de
Fès traité par Michon Jean Louis (1982)., où le programme de réhabilitation des fondouks
avait deux principaux buts : les réhabilitations fonctionnelle et architecturale. Pour ce faire,
il a fallu établir un inventaire (J. L. Michon, 1982, p.2-3) contenant :
La mise au point d’un listing des fondouks dans les quatre coins de la ville.
Une précision de leur localisation par rapport aux différentes portes de la ville.
La connaissance de la valeur architecturale de chaque fondouk.
La mise en lumière de son importance dans la structure économique de la ville.
La précision de son état de dégradation.
La mise en lumière de sa fonction antérieure et de celle actuelle.
La déclaration du propriétaire.
Ce projet de réhabilitation est passé par plusieurs étapes, dont la première, la plus
importante, a été consacrée à la restauration des fondouks dont la qualité architecturale est
la plus remarquable, afin de les mettre à la disposition des services de l’artisanat pour

19 Nabil Gaham : responsable du cabinet d’architecture chargé de l’étude et de la suivie du projet de


réhabilitation de l’îlot 2B dans la haute Souika.
201
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

remplir leur fonction économique, comme lieux d’exercice ou des comptoirs artisanaux.
Ces dernières avaient comme but la renaissance d’une vieille pratique liée au contrôle de la
qualité des produits et de leur prix par les commerçants.
Durant la réalisation de l’inventaire, la dernière question a été liée au propriétaire. La
méconnaissance du responsable de l’entretien du fondouk se pose comme un problème
pour assurer sa survie après sa restauration. La solution proposée à ce problème a été le
Habûs, dans la mesure où il assure le financement des travaux d’entretien du fondouk (J. L.
Michon, 1982, p.6).
L’autre fonction du fondouk, ignorée avec le temps, était l’hébergement des
commerçants venant de l’extérieur de la ville. Au cours des travaux de réhabilitation,
certains fondouks ont été consacrés à une seule activité. Au lieu de chercher d’autres
assiettes foncières à l’intérieur ou à l’extérieur de la ville pour la construction des hôtels,
ces fondouks répondaient à une partie de la demande malgré leur petite superficie. Pour
augmenter cette offre, les responsables ont eu recours à des maisons en bon état afin de les
utiliser comme centres d’accueil (J. L. Michon, 1982, p.6-8).
1.2.2 Le préjugé et la contre-occupation de l’espace :
Selon les résultats des interviews, l’exclusion de la femme comme usager de Rahbet
Ledjmal s’expliquait par la présence des filles de joie dans cet endroit, dans le passé.
Malgré la disparition de ces pratiques depuis la décennie noire, la mauvaise image de ce
lieu a persisté dans la mémoire des habitants de la ville.

Figure 5-11 : Un coin de Rahbet Ledjmal (vieille Figure 5-12 : Rahbet Ledjmal avant
carte postale, collection Constantine d’hier et l’indépendance, vue du côté du fondouk (vieille
d’aujourd’hui) 20
carte postale, collection Constantine d’hier et
d’aujourd’hui)21

20 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/cartespostales/place_chameaux/0131.jpg.
21 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/cartespostales/place_chameaux/0132.jpg.
202
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Sur deux photos (figure 5-11 et 5-12) remontant à la colonisation, précisément à une
date bien avant la construction du kiosque de tabac, apparaissent quelques femmes. Mais,
leur présence est très faible par rapport à celle de la place du Caravansérail. Dans son
roman, Tahar Ouattar (1973) a fait appel à une fréquentation féminine inexplicable due à la
réservation du Hammam aux femmes, alors qu’il a mentionné bien avant, l’élimination de
la femme de cette place publique, à son époque.
Cette exclusion de la femme remonte à l’époque ottomane. Les constructions sur le côté
sud de Bab El Djabia étaient réservées à une activité réglementée dont le rendement était
collecté par un employeur portant le nom de Mézouari. La présence des filles de joie dans
cette partie de la ville explique l’exclusivité de cette partie aux hommes. Pour les femmes
constantinoises, cet endroit fait partie des sujets tabous dont la fréquentation et le sujet de
conversation sont interdits.
Par manque de date précise de l’apparition de cette pratique à l’époque ottomane, nous
interrogeons les récits des historiens. Dans son ouvrage « Histoire des derniers beys de
Constantine », E. Vayssettes (1859-1860) a expliqué le choix d’Ahmed Chaouch de
s’installer à proximité de Rahbet Ledjmal. Ainsi Vayssettes justifie l’absence de cette
pratique auparavant. De ce fait, elle n’existait pas avant le gouvernement de Ali bey
(mois d’août 1807, 1222 de l’hégire).
Dans ce même ouvrage, nous trouvons une autre justification de l’absence d’une telle
pratique avant cette époque à Rahbet Ledjmal et sa présence dans d’autres lieux en dehors
du Rocher. En se référant au manuscrit de Sidi Mohamed El Baboury, Vayssettes a raconté
l’histoire du fils de Hussein Bey nommé Hassouna (mort en 1799) avec le marabout Sidi
Ahmed Ez-zouaouy (E. Vayssettes, 1859-1860, p. 38-40). Dans son récit, l’historien a fait
appel à la présence d’un espace réservé à cette pratique à Sidi Mabrouk, qui était un petit
village qui servait autrefois de lieu de rendez-vous à la jeunesse dorée de Constantine.
Ainsi était éliminée la présence de ces lieux dans la médina de Constantine.
Comme nous l’avons déjà mentionné, cette activité a été réglementée et classée parmi
les métiers, et s’exerçait sous la surveillance du Mezouar (‫)المزوار‬. Selon les deux historiens
Mohamed Salah El Antari et E. Vayssettes, le Mezouar portait le grade de Caïd el Casbah ;
et son nom Mezouar n’est utilisé qu’à Alger. Cette personne était chargée de la police de la
ville et de l’exécution des sentences portées contre les criminelles. Selon Vayssettes, son
second rôle était « la surveillance des filles de joie et faisait, en compagnie de Khalifat el-
leïl, garde de nuit, des patrouilles, assisté d’une escouade de Kobdji ou agents de police »
(E. Vayssettes, 1859-1860, p. 20). Dans son étude sur le fond économique de l’Algérie
203
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

pendant l’époque ottomane, l’écrivain El M’nouar Echrif (2009) a pu donner une définition
du rôle exact du Mezouar dans cette activité. Selon lui, le Mezouar ou Caïd El Casbah
jouait le rôle d’intermédiaire entre les filles de joie et les clients (El M’nouar Echrif, 2009,
p.339). De plus, ces filles ont été mentionnées dans des registres officiels sous deux
catégories selon leurs rétributions, qui variaient de 121 à 6342 riyals (El M’nouar Echrif,
2009, p.351).
Pendant la colonisation, l’activité a été conservée, et le développement de quelques
activités commerciales n’a pas pu y mettre fin, pas plus que l’exclusion de la femme.
Depuis des décennies, la rue de l’Échelle menant vers la place de Rahbet Ledjmal a été
toujours occupée par ces filles de joie. Depuis les années 90 22, cette activité a connu un
grand affaiblissement dû à la fermeture des maisons moresques qui étaient réservées à
l’exercice de cette pratique. Malgré cela, les habitudes sont toujours les mêmes, car seuls
les hommes fréquentent cette place et cette partie de la ville de Constantine.

22 « … Depuis l'attentat de 1995, où une bombe terroriste a explosé dans une des dernières maisons closes
de la rue de l’échelle, le plus vieux métier du monde a disparu d'une manière définitive de Rahbet
Ledjmal... » Omar Belkacem
204
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

2. Rahbet Essouf :
Alors que Rahbet Ledjmal attire une population masculine, Rahbet Essouf est connue
par sa fréquentation féminine élevée, que ce soit de Constantine ou de sa périphérie. Elle
est le lieu de convergence de sept artères. On y accède à partir des quartiers : Charae,
Maqaâd El Hout, El Djezarine, R'cif, Sidi Djliss, Arbaine Cherif.
Comme l’un des plus importants marchés de la ville, Rahbet Essouf regroupe une
structure artisanale importante (des magasins pour la confection des costumes
traditionnels, de broderie, de bijouterie, etc.). Mais, cela n’élimine pas la présence des îlots
de produits chinois (du prêt-à-porter, des chaussures, des cosmétiques de la contrefaçon,
etc.). S’ajoute à cette structure, la présence de trois cafés maures : Habbati, El Djezoua et
Boucherit. Alors que les deux premiers ont changé d’activité, le troisième est le seul
fonctionnel de nos jours. À l’exemple du café Boucherit qui attirait les matelassiers dans le
passé, Rahbet Essouf attire des vendeurs de différents produits (de pizza, des glands de
chêne en hiver, etc.).
2.1 Genèse et évolution de Rahbet Essouf :
Selon le plan dessiné par Ernest Mercier au début de la colonisation française, Rahbet
Essouf n’était qu’un ensemble d’artères localisées à la limite de Souk Et-toudjar dont la
spécialité était la laine comme l’indiquait son nom. De l’analyse d’un second plan qui
remonte à 1878, dessiné par le génie militaire, nous constatons la présence d’une grande
surface vide remplaçant cet ensemble d’artères. Cette étendue forme une grande place,
dont la superficie dépasse les 1642 m². Pour la dégager, il a fallu détruire deux
constructions et une partie de la troisième. Selon Ernest Mercier, ces constructions
enlevées n’étaient qu’un ensemble de citernes occupant cette surface : « était occupée par
une série de citernes, fut entièrement découverte, puis l’on construisit des voûtes destinées
à soutenir le sol au-dessus… » (E. Mercier, 1903, p.549).
Sur ce même plan (figure 5-13) se regroupent les interventions réalisées par les Français
jusqu’en 1878 sous forme d’indication en deux couleurs (rouge et bleu). À Rahbet Essouf,
l’intervention mentionnée en rouge concerne la transformation de la mosquée de Rahbet
Essouf en un hôpital civil et, par la suite, en un dispensaire. En dehors de cette
intervention, nous constatons l’absence d’intervention menée pour la réalisation de cette
place, ce qui confirme sa réalisation à une époque antérieure ; selon Doris Bages en 1855.
À cette date, elle a été aménagée comme une place publique pavée contenant une fontaine
réalisée pour la distribution de l’eau vers cette partie de la ville.

205
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Rahbet Essouf

Figure 5-13 : Rahbet Essouf sur un plan de l’an Figure 5-14 : Rahbet Essouf sur un plan de l’an
1878 (le génie militaire, 1878) 1888 (Collection des Guides-Joanne, 1888)
Dix ans plus tard, sur un autre plan de la ville de Constantine et ses environs (figure 5-
«
14), issu probablement d'un guide (les Guides Joanne ») et localisant les différents
édifices à utilité publique ou touristique, cette place était toujours présente et inoccupée.
Mais selon Doris Bages dans son ouvrage « Topographie urbaine de Cirta », à la fin de la
même année (1855) les autorités de la ville ont proposé de construire un marché de fruits et
légumes sur cette place publique, dont les travaux ont commencé vers la fin de 1856 et le
début de 1857. Ce marché est à « une armature métallique supportée par des colonnes en
fonte accompagnée de parois de verre et de bois, donnant une allure aérienne à ces
nouveaux bâtiments ». En raison de cette contradiction de datation, voyons ce que disent
d’autres écrivains, historiens et chercheurs. Ernest Mercier confirme le point de vue de
Doris Bages, il a donné la date de 1855 à l’aménagement de cette place et également à
l’installation de la fontaine. Selon le même historien, à l’époque de l’attentat contre
Napoléon III donc le 14 janvier 1858, ce marché couvert de fruits et légumes était
partiellement construit.
Mais, vers le 22 avril 1858 et avec la mise en place des cintres pour la toiture, les piliers
qui étaient totalement reliés ont connu une inclinaison et un aplatissement horizontal qui
heurta l’une des maisons limitrophes. Pendant deux ans, cette place n’a connu aucun
changement. Dans sa description, Ernest Mercier l’a présentée comme la place des ruines.
Au cours de 1860, parmi les principaux travaux exécutés, il y a eu le nivellement de la
place de Rahbet Essouf et l’enlèvement des matériaux de construction qui l’encombraient
afin de céder la place au marché arabe.

206
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

2.2 Des référents persistants de Rahbet Essouf :


2.2.1 La forme et la taille :
L’analyse de certains plans et de vieilles photos de Rahbet Essouf ont fait apparaître les
transformations qui y ont été apportées pendant la colonisation. Pendant son évolution,
cette Rahba est passée d’un ensemble d’artères à l’époque ottomane, à une place publique
en 1855. Vers la fin de 1856 et au début de 1857, les travaux de réalisation d’un marché
couvert de fruits et légumes sur cette place ont commencé.
La construction du marché couvert et l’alignement des façades (figure 5-15) ont
augmenté la largeur des artères qui, avant la colonisation, ne dépassait pas le 4,15 m avec
un confinement de 0,8484. Suite aux différentes interventions, cette largeur est passée à
plus de 6,08 m, donnant un indice de confinement égal à 0,8922. Cette faible modification
de l’indice de confinement est due au respect de la même hauteur des constructions, et à
l’érection du marché couvert avec une hauteur faible de 4,84 m.

Figure 5-15 : Rahbet Essouf avant et après les travaux d’alignement et la construction du marché
couvert (vieille carte postale, collection Constantine d’hier et d’aujourd’hui) 23
2.2.2 Les éléments architecturaux persistants :
Bien qu’elle ait connu de grands travaux d’aménagement, de nivellement et
d’alignement pendant la colonisation, sur l’un des coins de cette place se trouve encore une
construction de l’époque ottomane. En référence aux récits des habitants, cette vieille
maison était la propriété d’un Juif (figure 5-16).

23 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/cartespostales/place_galettes/0006.jpg
207
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

À l’époque
contemporaine, cette
place subissait encore
des transformations
dues à l’aménagement
des vieilles maisons,
des locaux et de
certains hammams en
Figure 5-16 : façade de la maison conservée de l’époque ottomane
des bazars de luxe.
(vieille carte postale, collection Constantine d’hier et d’aujourd’hui) 24
2.2.3 Rôle de Rahbet Essouf :
Rahbet Essouf a pu garder sa fonction commerciale à différentes époques de l’histoire.
À l’époque ottomane, les artères formant Rahbet Essouf formaient un marché de laine.
Après l’achèvement de la place, l’installation d’une fontaine dans sa partie inférieure et
l’aménagement de sa mosquée pour y installer l’hôpital civil en 1855, les travaux de
construction d’un marché aux légumes au centre ont commencé. Le 22 avril, l’armature de
la halle s’écroula en heurtant l’une des maisons de la place. Pendant deux ans, Rahbet
Essouf restait couverte des débris. En 1860, il y a eu l’enlèvement des matériaux
encombrant et le nivellement de la place ; afin de céder la place au marché arabe 25 formait
par différentes boutiques spatialisées dans l’industrie.
Actuellement, certains locaux, maisons et hammams ont cédé la place à des bazars de
luxe. En plus de la grande présence des vendeurs informels, Rahbet Essouf est devenu un
marché florissant.
2.2.4 Les pratiques socio spatiales :
Selon Louis Régis (1880), pendant la colonisation cette place regroupait des tableaux de
mœurs. Les vendeurs de roses et de fleurs d’oranger y venaient des environs de la ville se
rencontraient pendant le mois de juillet. Ils mettaient leurs fleurs à terre sur des draps
blancs couvrant la plate-forme du marché. Cette pratique attirait les femmes, car elles
tiraient de ces fleurs et des roses, des essences et des huiles pour les cheveux.
Avec l’apparition d’une nouvelle pratique, cette place a connu un changement de nom
de Rahbet Essouf à « la place des galettes ». L’implantation de la boulangerie arabe proche

24 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/cartespostales/place_galettes/cartes078.jpg
25 « Sur cette plateforme se tient le marché arabe. Dans une des guérites, un homme pile incessamment du
café dans un grand mortier. Dans une autre guérite, un autre fabrique des bracelets porte-bonheur en
baleine encastrés d'argent et ornés de petits clous d'argent et forme d'étoile, d'autres industries se partagent
les différentes boutiques » Louis Régis (1880)
208
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

de cette place a encouragé la vente de la galette, pratique exclusivement féminine. Après


l’achat de la galette, les femmes se déplaçaient pour la vendre ailleurs sur la place de la
Brèche ; mais cette pratique a disparu avec le temps en raison du changement du mode de
vie.
Bien qu’elle regroupe un nombre important de commerces, pour plus de 72 % des
enquêtés, Rahbet Essouf est un marché de produits féminins, spécialement de vêtements, et
07 % ajoutent à cette spécialisation la présence des ateliers de couture.
Dans la recherche des pratiques propres à cet espace, un élément important est apparu.
Les enquêtés, dont l’âge est de plus de 50 ans, font appel à deux vieilles pratiques liées à
cet espace : la vente des galettes pendant la colonisation ; et la présence des vendeurs
d’œufs de poulets, d’oies, de dindes et même de canards à quelques pas de Mekâad El
Hout. Cette présence des vendeurs venant de la campagne a accordé à cet endroit le nom
de Haoumet El Aadhama (‫)حومة العضامة‬.

209
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de commerce ?

Tableau 5-03 : La place Rahbet Essouf à différentes époques, tableau de synthèse

Époque Arabo turque Coloniale Contemporaine

Place Beloucif
Nom Souk Rahbet Essouf Place des galettes
Ou Rahbet Essouf
Un ensemble d’artères localisées à la limite
Caractère Place publique Place publique
de Souk Et-toudjar
Superficie / 1642,2 m² 1642,2 m²
 Sidi Youmen  Rue Combe  Rue des Frères Arafa
 Zenka Mekais  Rue Ben Seghir Abd El Wahab  Rue Ali Moussa
 Mekaad El Hout  Rue Varna  Rue Rouag Said
Accès
 Rue Vieux  Rue Kedid Salah
 Rue Ben Seghir Abdelwahab
 Rue Abdelhamid Ben Yamina
 La mosquée de Rahbet Essouf  Un hôpital civil transformé par la  La mosquée de Rahbet Essouf
Équipements suite en un dispensaire  Le marché Rahbet Essouf
structurants  Le marché couvert de fruits et de  Les bazars
légumes
 Aménagement de la place l’an 1858.
 Installation du marché couvert vers
la fin de l’an 1856 et le début de l’an
1857.
Enveloppe
 Nivellement de la place et
enlèvement des ruines l’an 1860.
 Alignement des façades ont
augmenté la largeur des artères.
 Une fontaine publique installée vers  Les bazars.
l’an 1858.
 Pendant deux ans, les ruines du
Référents ponctuels
marché couvert ont donné le nom de
la place des ruines à cette place
publique.

210
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de commerce ?

 Marché de laine.  Un lieu de regroupement des  Espace à fréquentation féminine


vendeurs de roses et de fleurs élevée.
d’oranger venant des environs de la  Lieu de regroupement d’une
ville de Constantine pendant le mois structure artisanale importante.
de juillet.
 La plateforme du marché couvert est
Rôle et importance
le lieu d’exposition des fleurs.
 Un espace d’attraction pour la
population féminine pour l’achat des
fleurs d’oranger pendant le
printemps.
 Lieu de vente de la galette

211
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

3. Souk El Acer :
Souk El Acer est une place publique à fonction commerciale. Sa forme actuelle est le
résultat de certaines interventions de régularisation et d’alignement de la période coloniale.
Mais à l’origine, cette place qui date de l’époque ottomane s’appelait Souk El Djumuâa.
3.1 Genèse du quartier et du Souk El Djumuâa :
Les inscriptions récoltées aussi que les fragments trouvés dans cet endroit donnent peu
de renseignements sur le rôle de cet espace à l’époque romaine. De la superposition des
croquis de la cité romaine dessinés par certains chercheurs sur le plan de la médina de
Constantine (figure 5-17), nous constatons que cette partie Nord-est de la cité représente
autrefois le point d’intersection de la voie triomphale et de la voie principale qui entoure la
cité du côté Est et qui fait le lien entre El Kantara et la Casbah.

Figure 5-17 : Souk El Djumuâa à l’époque romaine


Ce Souk est venu comme suite à une grande restructuration de la médina à l’époque de
Salah Bey. Lors de sa création, le bey avait comme but la revivification des souvenirs liés
au lieu de culte du Ouali Sidi El Kettani. Cette revitalisation était accompagnée par
l’intégration de ce lieu symbolique dans la géographie religieuse de la médina de
Constantine. D’un point de vue économique, la création du Souk avait comme intention de
donner une nouvelle dynamique au commerce dans ce côté de la médina, et aussi de créer
un nouveau centre ou un autre espace consacré au commerce bien loin des deux portes de
la ville, Bab Djdid et Bab El Oued.
Sous actes d’achat ou d’échange, et par l’application du principe de Habûs pour
l’acquisition des terres, le Bey a pu transformer, durant 10 ans, la partie la plus abandonnée
de la médina en un lieu d’échange commercial. Selon I. Grangaud (1998), cette partie Nord
de la médina regroupait autrefois un ensemble d’immeubles en ruine et des terrains nus. Le

212
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

début de l’acquisition des terres et la constitution des biens Habûs par le bey remontent à
1774. Le premier terrain constitué en Habûs date du mois de mars 1775, et le second du
mois de décembre 1776. Dans une seconde étape, vers 1777 le bey est passé à l’acquisition
des bâtiments en ruine. À chaque fois qu’il possédait un bâtiment, il le clôturait.
Après l’acquisition des terres nécessaires et la construction de sa demeure à proximité
de la mosquée et de ses annexes (hammam, écurie… etc.), le bey a détruit le premier
ensemble de ruines acquises26, pour y construire un Fondouk. Ce nouvel hôtel fut construit
pour accueillir des commerçants de passage. Il contenait 77 pièces et 02 écuries. Tandis
que la mosquée de Sidi El Kettani était l’élément de repère et le lieu symbolique, cet hôtel
constituait le premier noyau du nouveau centre économique « Souk El Djumuâa ». Des
biens Habûs, le bey a créé un ensemble regroupant en plus à cet hôtel, 07 maisons, un
hospice réservé aux soldats blessés, 05 écuries, et autour du souk 38 boutiques et 01 café,
en plus d’une médersa27 (1775) annexée au Jamae El Aâdam.
Le premier terrain constitué par Saleh bey en Habûs est celui qui se trouve au-dessus de
la route menant vers Dar Al Hadj Mustafa Qïsarlï 28. Ce dernier avait un rôle important
dans la concrétisation de ce projet urbain, à travers la réalisation d’une maison, de deux
boutiques et une fontaine proche de la mosquée de Sidi El Kettani. Ces deux boutiques
créées par El Hadj Mustafa Qïsarlï sont des biens Habûs, dont les revenus sont réservés à
l’entretien de la fontaine et des boutiques.
Mais, à l’avènement de la colonisation française, et selon un plan dessiné par Mercier
en 1878, le nom du Souk El Djumuâa se trouve du côté Est, proche de Fondouk Qïsarlï. Le
nom de Souk El Acer apparaît devant la façade de la medersa de Sidi El Kettani.
En référence aux différentes descriptions des terrains ou des immeubles constituant les
biens Habûs par Saleh bey, le nom de Souk El Acer n’apparait pas, ni celui de Souk El
Djumuâa. Mais, selon E. Mercier, Souk El Acer a pris la place de Souk El Djumuâa (figure
5-18).

26 « L'ensemble des bâtiments en ruines qu'a acquis Sâlah Bey et qu'il habouse en mai 1777 est entouré d'un
enclos qui le sépare "au sud, de l'enclos qui était la propriété de Ibn Nasif, à l'ouest, de la ruine de Sî
Muhammad b. Darbal, à l'est, de la ruine de Ibn al-Sarâdj, transférée après sa mort aux héritiers de Sî
Husayn b. Dalî, enfin au nord, de Dâr al-Sarâdj (sellerie)" » Isabelle Grangaud, 1998, p. 339.
27 Au début, cette médersa n’était que l’un des deux ulwâ (‫ )علو‬créés par le bey.
28 « … le premier terrain que Sâlah Bey constitue en habûs en mars 1775 est délimité "au sud par la route
que l'on emprunte pour rejoindre la maison du Sayid al-Hâdj Mustafa Qîsârlî ; à l'ouest par la même route ;
au nord par une autre route qui le sépare du terrain de 'Uthmân Samâr Ibn Dalî ; enfin à l'est par le terrain
du Hâdj Ahmad al-Qadjâtî" » Isabelle Grangaud, 1998, p. 339.
213
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

« La place était, autrefois,


beaucoup moins large. En face de la
mosquée, et sur la partie latérale de
droite, il établit un grand nombre de
boutiques entourant l’emplacement
libre, qui devint un marché appelé
Souk-El-Djemâa (du vendredi),
actuellement Souk-El-Acer. »
E. Mercier (1878)

Figure 5-18 : Présence de Souk El Acer sur la carte à la veille de la colonisation (E. Mercier, 1878)
La medersa et la mosquée de Sidi El Kettani mentionnées ci-dessus ont été l’objet d’un
placage vers 1860, qui apparaît clairement dans leur nouvelle façade de style classique.

Figure 5-19 : Souk El Acer, les interventions de la colonisation


Au même titre que le reste des espaces de la ville, cet espace a connu des travaux
d’alignement et de régularisation (figure 5-19). Avant la colonisation, la superficie de Souk
El Acer ne dépassait pas les 558 m². Mais suivant les travaux d’alignement, elle s’est
transformée en un carré d’une superficie de 2886 m². Elle a connu également un
changement dans son volume et du cadre bâti qui l’enveloppe. Selon la description de
Louis Régis, se trouvaient là trois grandes bâtisses : un palais de justice, une université
arabe et une grande mosquée, c’est-à-dire Dar El Immama, la medersa et la mosquée de
Sidi El Kettani. En dehors de ces équipements et sur l’un des côtés de la place se localisent
de petits ateliers ouverts de bijouterie.

214
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

3.2 Des référents persistants de Souk El Acer :


Le nouveau centre économique créé par Saleh bey était le lieu de rencontre des
commerçants de différentes origines et de différentes religions (figure 5-20). Cela est dû à
la présence d’une synagogue, de la mosquée Sidi El Kettani (figure 5-21) et de Dar El
Imama dans le même endroit. En plus de ces équipements, cette rencontre des religions
était concrétisée dans la vie quotidienne des habitants, du fait que les locaux commerciaux
étaient occupés par des Musulmans et des Juifs. Ces locaux situés sur l’un des côtés du
Souk étaient des ateliers d’orfèvrerie indigène.

Figure 5-20 : Souk el Djumuâa, une intersection Figure 5-21 : Souk El Acer, façade de la
des religions 29 mosquée Sidi El Kettani
À cette époque, le point de repère des habitants et des usagers était Dar Salah Bey
(actuellement connue sous le nom de Dar Ben Jelloul) et la mosquée de Sidi El Kettani.
Avec la création d’un nouveau centre à l’époque de hadj Ahmed bey, constitué du palais
du bey, d’El Mahkama et de la mosquée Souk El Ghazel, l’importance de cet espace a
diminué.
Pendant la colonisation, Souk El Acer a connu d’importants travaux d’alignement et de
régularisation. Il était à fréquentation réduite pendant les jours de la semaine, sauf le
vendredi en raison de la présence de la mosquée. De l’analyse d’une ancienne photo de
cette place (figure 5-22) nous constatons la grande présence féminine, étant donné que la
majorité des vendeurs sont des femmes.

29 Source :
file:///G:/PLACE%20DU%20BEY/Constantine%20photos%20des%20rues,%20des%20batiments%20et%20
des%20places_files/constantine-place-negrier.jpg
215
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Figure 5-22 : La place du Caravansérail (vieille Figure 5-23 : Un coin de la place négrier (vieille
carte postale, collection Constantine d’hier et carte postale, collection Delcampe) 31
d’aujourd’hui)30
Les transformations accomplies par le génie militaire n’ont pas changé la vocation ou
l’aspect fonctionnel de cette place publique, étant donné qu’elle a gardé sa vocation
commerciale sauf l’introduction de la vente de vêtements et d’objets d’occasion (une chose
qui n’a jamais existé auparavant).
Les résultats de l’enquête sociale montraient que les habitants de la vieille ville
partagent à 100 % la même réponse pour cet espace : un marché de fruits et légumes. Mais
en questionnant des usagers habitant hors de la vieille ville, les réponses sont variées en
fonction de l’âge (figure 5-24).

Marché
4%
10%
Marché de légumes et de
11% fruits
49%
Marché pour les pauvres
14% et les couches moyennes
Lieu de mémoire et
12% d'histoire
Un vieux quartier

Espace sans valeur

Figure 5-24 : Souk El Acer d’un point de vue de ses usagers (enquête sociale, 2014)
75 % de la population enquêtée partagent la même idée de cet espace : c’est un marché.
Parmi eux 14 % le décrivent par rapport à la couche de population qu’il attire, et 12 % par
rapport aux produits mis en vente comme un marché de fruits et légumes depuis de longues

30 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/cartespostales/marches/3103.jpg
31 Source : vieilles cartes postales, image prise de Delcampe : www.delcampe.net
216
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

années. Cette deuxième catégorie regroupe une population jeune dont l’âge est de moins de
30 ans.
Par contre 11 % de la population enquêtée n’a aucune idée de cet espace, et 4 % le
mentionnent comme un vieux quartier sans valeur.
La catégorie de population qui donne de la valeur à cet espace comme lieu de mémoire
et d’histoire représente 11 % du total de l’échantillon. Elle a un caractère commun, elle se
trouve dans la classe des plus de 51 ans. Cette catégorie précise que dans le passé, au
moment où la ville vivait des périodes de crise économique, ce lieu était le refuge d’un
nombre important de familles pauvres, compte tenu de ses prix modestes.
De cette analyse, nous constatons qu’avec le temps, ce lieu a perdu sa signification,
passant d’un lieu de mémoire à un simple espace occupé par un marché.
« … j’avais trois enfants et je n’avais pas de quoi les nourrir. À cette époque,
il y avait un endroit où les vendeurs jettent leurs déchets. À la fin de la journée,
mon fils descend et ramasse tout ce qui est récupérable, on les nettoie pour les
vendre le lendemain devant la porte de la maison… »
Une interviewée habitait autrefois la rue de Romani.

Figure 5-25 : Place du


Caravansérail vue du côté Est
(1908) 32

Figure 5-26 : Place du


Caravansérail vue du côté Ouest
(1908) 33

32 Source : http://image.noelshack.com/fichiers/2016/45/1478512637-160926090744871763.jpg
33 Source : http://image.noelshack.com/fichiers/2016/45/1478512657-160926090731842657.jpg
217
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de commerce ?

Tableau 5-04 : La place du caravansérail à différentes époques, tableau de synthèse

Époque Arabo turque Coloniale Contemporaine

La place des Caravanes


Place du palais de justice Souk El Acer
Nom Souk El Djumuâa
Place Negrier Place Bouhali Said
Souk El Acer
 Avant 1775, un ensemble d’immeubles Place publique à caractère commercial Une place publique à fonction
Caractère en ruine et des terrains nus commerciale
 Près 1775, un centre économique Marché de fruits et de légumes
Superficie 557.8108 m² 2885.9610 m² 2885.9610 m²
 Mekâad Ez-zouaoua  Rue lieutenant Armand El Kaïm  Rue El Kaïm
 Dar Salah bey  Rue A. Zévaco  Les Frères Mentouri
Accès  Sour Ed-Derk  Rue A. Piquet  Rue 19 mai 1956
 Souk el Djumuâa  Rue Omar Ben El Mouffok  Rue Amar Ben Mouffok
 Rue Pothier  Rue Bouhali Said
 Le Fondouk  Le palais de justice  La mosquée de Sidi El Kettani
 La mosquée de Sidi El Kettani  La synagogue  Dar El Immama
Équipements  Dar El Immama  La medersa
structurants  La medersa
 Un hospice réservé aux soldats blessés
 La synagogue
Une aire de petite superficie, entourée par Modernisation de la façade de la médersa Une grande aire contenant dans son
trois grandes bâtisses et un ensemble et de la moquée de Sidi El Kettani centre un marché couvert entouré par des
d’ateliers ouverts spécialisés dans (1860). immeubles de style colonial. Ces
Enveloppe l’orfèvrerie indigène. immeubles abritent dans leurs rez-de-
chaussée des locaux de commerce
spécialisés dans le tissu.

 Lieu de culte du Ouali Sidi El Kettani  Le palais de justice  Dar Ben Jelloul
 La mosquée de Sidi El Kettani ou El  La grande mosquée
Référents ponctuels Jamae El Aâdam  La médersa de Sidi El Kettani
 Dar Salah Bey  CEM El Ketania
 La fontaine créée par Al Hadj Mustafa

218
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de commerce ?

Qïsarlï

 Lieu de rencontre des commerçants de  Espace de rencontre et de discussion  Marché connu par ses prix modestes
différentes origines  La grande présence de vendeurs de
Rôle et importance  Lieu de rencontre des religions sexe féminin
 Espace à fréquentation journalière
réduite, sauf pour le vendredi

219
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Conclusion :
Selon les historiens et les voyageurs, Constantine regroupe un nombre important de
souks et de Rahba. Par leur localisation et leur importance, ils assurent, en plus de
l’échange commercial, l’échange culturel à l’échelle de la ville et de la région. Dans ce
chapitre, nous nous sommes intéressées à trois cas d’étude : deux Rahba (Rahbet Essouf et
Rahbet Ledjmal) et un souk (souk El Acer). Le but de ce choix était la recherche et le suivi
de la persistance des pratiques liées à ces espaces, et aussi leur valeur dans la mémoire des
usagers à l’époque contemporaine. Les résultats obtenus ont été multiples et variés.
Dans le premier cas d’étude (Rahbet Ledjmal), nous assistons à la persistance d’une
mémoire malgré la disparition de la pratique liée à cette dernière, c’est le cas de la rue de
l’Échelle connue dans le passé par la présence des filles de joie. En même temps, la
disparition d’une autre, causée par l’abandon du lieu d’exercice, c’est le cas des vieux
fondouks abritant des tisserands. La résistance de la première a engendré une exclusivité
dans l’usage de l’espace, étant donné que le préjugé a causé l’exclusion de la femme de
cette partie de la ville. De plus, elle a engendré la prolifération des maux sociaux. Pour
l’autre cas, le changement du mode de vie et des pratiques des individus a causé des
modifications qui se résument à la disparition de quelques corps de métiers, le changement
de fonction ou carrément la transformation de la bâtisse. Bien qu’elles fassent référence au
temps moderne, ces modifications participent à la disparition d’une mémoire liée à la place
du caravansérail, celle des vieux fondouks.
Rahbet Essouf a conservé une boutique qui rappelle sa fonction initiale dont l’essentiel
a glissé dans la ruelle qui prolonge la place. De même nous constatons la présence d’une
mémoire basée sur la nomination des espaces. C’est l’exemple de « la place des galettes »,
un nom lié à une pratique apparue dans le passé à Rahbet Essouf. Cette nomination est une
introduction de l’histoire dans la réalité géographique des individus.
Le troisième cas est Souk El Acer. Il a connu sa genèse à l’époque de Saleh bey. À cette
époque, Souk El Acer regroupait la mosquée de Sidi El Kettani, une médersa, la demeure
du bey (hammam, écurie… etc.), un fondouk (composé de 77 pièces et 02 écuries), un
hospice réservé aux soldats blessés, 05 écuries, 38 boutiques autour du souk, 01 café et une
fontaine. Le regroupement de ces équipements a donné naissance à un nouveau centre pour
la médina, dont la mosquée est l’élément de repère et le lieu symbolique. Mais,
contrairement aux deux premiers cas, souk El Acer a connu de grandes transformations
pendant la colonisation, allant des travaux d’alignement et de régularisation, au placage des

220
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

façades. Malgré ces modifications, l’aspect fonctionnel et la vocation de Souk El Acer ont
été conservés. Mais, l’absence d’une mémoire liée à cet espace le décline, d’un lieu de
mémoire à un simple espace à vocation commerciale.
Durant cette analyse, nous avons constaté le changement du lieu d’exercice de certaines
pratiques, telles que l’exposition des fleurs d’oranger à Rahbet Essouf. Comme célébration
collective, cette fête populaire persiste encore, malgré le changement de lieu d’exercice.
Nous avons déjà mentionné que la participation de l’individu à une idéologie ou à des
traditions et à des célébrations réalise son identité culturelle. À ce niveau, deux questions
se posent : l’identité de la vielle de Constantine se concrétise-t-elle à travers la
manifestation des idéologies et des traditions ? Par recours à la définition du référent, ce
dernier sort de la connaissance profonde de la ville. De plus, il peut représenter une
pratique qui s’est imposée avec le temps au sein des usagers d’un même lieu. De ce fait,
le changement du lieu d’exercice, malgré la conservation de la tradition, de l’idéologie ou
encore d’une fête populaire et sa persistance à travers le temps, peut-elle l’éliminer des
référents identitaires de cette ville ?

221
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

Travaux cités :
BAGES, Doris (2003). Recherches sur la topographie urbaine de Cirta-Constantine dans
l’Antiquité, Thèse de Doctorat Archéologie, spécialité mondes classiques et cultures
indigènes, sous la direction de Pierre Garmy, Université Montpellier III - Paul
Valéry, p. 503.
BELKACEM, Omar (2010). Le quartier interdit aux femmes Constantine : Rahbet Lejemal
(la place des Chameaux), in Le Temps d'Algérie [en Ligne], le 09 - 03 – 2010 ;
URL : http://www.djazairess.com/fr/letemps/33704 ; article publié le : 09/03/2010.
BENIDIR, Fatiha (2007). Urbanisme et planification urbaine : le cas de Constantine, thèse
de Doctorat d’État en urbanisme, sous la direction de Burgel Guy, Département
d’architecture et d’urbanisme, Université Mentouri Constantine, p.56-58.
CHARVET, Jean-Louis (1873). Les janissaires d'Algérie : Leur caserne à Constantine, in
over-blog [en ligne], article tiré du Magasin pittoresque, numéro de juin 1873,
URL : http://jlcharvet.over-blog.com/article-les-janissaires-d-algerie-leur-caserne-
a-constantine-118860740.html, Document généré le 03/07/2013.
FERAUD, Laurent-Charles (1872). Histoire Des Villes de la Province de Constantine :
Sétif, Bordj-Bou-Arreridj, Msila, Boussaâda », volume : 05, Constantine, édition
Arnolet (réimprimé en 2011), p.249.
GAHAM, Nabil (2014). c.f SELMANE, Arslan (2014). Constantine - Place Benhamadi
Mohamed Ameziane (Rahbet Ledjmal) : Un projet pour sauver les fondouks, El
Watan [en ligne], URL : http://www.vitaminedz.org/constantine-place-benhamadi-
mohamed-ameziane/Photos_323_186472_25_1.html, article publié le 18/03/2014.
GRANGAUD, Isabelle (1998). La ville imprenable : Histoire sociale de Constantine au
XVIIIème siècle, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), p. 339.
JEAN-LOUIS, Michon (1982). Contribution à l'étude de la réhabilitation des Fondouks,
MAROC, Action internationale contribuant aux activités des États membres pour la
préservation et la mise en valeur des biens culturels, Rapport technique, RP/1981-
1983/4/7.6/04, Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la
culture (UNESCO), Paris, p.6. URL :
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000050032
Idem, p.6-8.
MERCIER, Ernest (1878), Constantine avant la conquête française 1837 : notice sur cette
ville à l'époque du dernier bey, extrait du recueil des notices et mémoires de la
société archéologique de Constantine, Vol.XIX, p.31.

222
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

MERCIER, Ernest (1903). Histoire de Constantine, J. Marle et F. Biron, Imprimeurs-


Éditeurs, Constantine, p.269-270.
Idem, p. 549.
Idem, p.585.
RÉGIS, Louis (1880). Constantine : voyage et séjours, ancienne maison Michel Lévy
Frères, Paris, p.93 et 170.
Idem, p. 221-222.
Idem, p. 50.
SAINTE-MARIE, Alain (1976). Aspects du colportage à partir de la Kabylie du Djurdjura
à l'époque contemporaine, in Cahiers de la Méditerranée, Volume 01, Numéro 01,
p. 104. Persee [en ligne], URL : http://www.persee.fr/doc/camed_0395-
9317_1976_hos_1_1_1482.
TASSADIT, Yacine-Titouh (1990). Poésie berbère et identité : Qasi Udifella, héraut des
At Sidi Braham, Les Éditions de la MSH, p. 19.
VAYSSETTES, Eugène (1859-1860). Histoire des derniers beys de Constantine et de l’Est
Algérien : depuis 1793 jusqu’à la chute de Hadj-Ahmed, article tiré de Revue
Africaine (1859-1860), présenté par CHEHRIT, Kamal (2005), Édition Grand
Alger Livres, p. 73.
Idem, p. 38-40.
Idem, p. 20.
VAYSSETTES, Eugène (s.d). Histoire de Constantine sous la domination turque 1514-
1837, p. 325. c.f MERCIER, Ernest (1903). Histoire de Constantine, J. Marle et F.
Biron, Imprimeurs-Éditeurs, Constantine, p. 694.

، " ‫ الجزء األول العملة األسعار و المداخيل‬: ‫ " دراسات عن الجزائر في العهد العثماني‬.)2009( ‫المنور الشريف‬
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‫ " فريدة منسية في حال دخول الترك بلد قسنطينة و استيالئهم على أوطانها أو تاريخ قسنطينة‬، ‫محمد صالح العنتري‬
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.34 ‫ الصفحة‬، ‫ الجزائر‬، ‫التوزيع‬
223
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

،‫ مصلحة المخطوطات‬، ‫ دائرة الحفظ و المخطوطات‬، ‫ المكتبة الوطنية الجزائرية‬، ‫دفتر الحبوس لمدينة قسنطينة‬
. ‫ لوحة‬36 ‫ عدد اللوحات‬، 3568 : ‫ رقم‬، ‫سم‬17*45 ‫المقاس‬
Support cartographique :
Collection des Guides-Joanne (1888). Plan : Constantine et ses environs, Hachette & C.ie,
Imp. Lemercier, Paris.
Génie Militaire (1878). Plan : Place de Constantine, Direction de Constantine.
MERCIER, Ernest (1878), Plan : Constantine avant la conquête française 1837 : notice
sur cette ville à l'époque du dernier bey.
Site web :
 Collection Antique-prints [en ligne], URL : http://www.antique-
prints.de/shop/Media/Shop/5195.jpg.
 Collection Constantine d’hier et d’aujourd’hui [en ligne], vieilles cartes postales :
 Foundouk beni abbes 2, URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/images/quartiers/foundouk_beni_abbes2.jpg.
 Marchés, URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/images/cartespostales/marches/3103.jpg.
 Place des chameaux, URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/images/cartespostales/place_chameaux/0131.jpg.
 Place des chameaux, URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/images/cartespostales/place_chameaux/0132.jpg.
 Place des galettes, URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/images/cartespostales/place_galettes/0006.jpg
 Théâtre, URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/images/cartespostales/theatre/0095.jpg.
 Théâtre, URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/images/cartespostales/theatre/2111.jpg.
 Collection Delcampe [en ligne], vieilles cartes postales, URL : www.delcampe.net :
 URL : https://images-04.delcampe-
static.net/img_large/auction/000/221/212/780_001.jpg?v=0.

 Collection Setboun [en ligne] :


 SETBOUN, Michel (s.d). CONST001_132, Medina, les rues commerçantes
de la vielle ville sur le rocher, marché Constantine Algérie, setboun [en

224
Chapitre V : Souks et Rahba dans la vieille ville de Constantine, des lieux de mémoire ou des espaces de
commerce ?

ligne], URL
: http://www.setboun.com/ALGERIE/ALGER002%20Constantine/ppages/p
page9.htm .
 SETBOUN, Michel (s.d). CONST041_001, trabendistes : trafic d’objet
volés ou de contrebande. Médina, les rues commerçantes de la vielle ville
sur le rocher, marché Constantine Algérie, setboun [en ligne], URL :
http://www.setboun.com/ALGERIE/ALGER002%20Constantine/ppages/pp
age84.htm.
 Cartes postales de la place des galettes, in Constantine d’hier et d’aujourd’hui [en
ligne], URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/LesImages/cartespostales/place_galettes.htm
 Il y a de la place publique, in Constantine d’hier et d’aujourd’hui [en ligne], URL :
http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/LaVille/quartiers/Vignettes/place_galettes.htm
 Le théâtre, in Constantine d’hier et d’aujourd’hui [en ligne], URL :
http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/LaVille/theatre.htm.
 Royaume des Beni Abbès, in Wikipédia [en ligne], URL :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_des_Beni_Abb%C3%A8s#Rinn1891,
document généré le : 11/03/2015, dernière modification de cette page le :
08/01/2017
 URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bibans, dernière modification de la page le :
19/10/2016
 URL : http://doc.cresson.grenoble.archi.fr/doc_num.php?explnum_id=308.

225
CHAPITRE VI :
DES LIEUX DE MANIFESTATION
D’UNE MÉMOIRE COLLECTIVE
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Introduction :
Cette étude vise la recherche des référents identitaires dans la ville de Constantine. Ces
référents constituent à la fois son patrimoine matériel et immatériel, où les mythes et les
faits sociaux font partie des éléments constituant son patrimoine immatériel.
Le rite est né d’un mythe ou d’un fait social. Il est l’expression du mythe, donc à la fois
un exercice et une spatialisation. La territorialisation du mythe insère ses lieux d’exercice
dans la catégorie des éléments constituant son patrimoine matériel. De ce fait, le folklore
composé des rites est l’un des éléments constituant le patrimoine matériel et immatériel de
la société.
La fragmentation du tissu traditionnel de la médina de Constantine a induit la
déstructuration de son ordre social préexistant. Le processus imposé par la colonisation
avait comme principe l’extériorisation des valeurs socioculturelles de la population
autochtone. De même, l’imposition d’un nouvel ordre « colonial » opposé au traditionnel
(dans lequel sont affichées toutes les valeurs de la communauté traditionnelle) a mis en
cause la culture traditionnelle de la médina de Constantine. À l’ère contemporaine, nous ne
nous apercevons leur culture que sous sa forme exotique et pittoresque ; donc sous forme
de Folklore.

227
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

1. Les lieux de rencontre et de détente :


1.1 Les Cafés Maures :
« Chassé le Turc en 1830, reste le Maure. Le janissaire efface, mais le café
demeure. Et avec lui son espace, ses fonctions, et ses usagers préférentiels ou
typiques. Pourtant, tout a changé. Et la société dans laquelle il survit, et le regard
porté sur lui. Entre temps, précisément, le café barbaresque est devenu café
maure… » Omar Carlier (1990)
Selon Omar Carlier, le café maure est un produit historique de langage. D’après le
même écrivain, depuis le XVIe siècle ce concept est utilisé pour désigner une partie de
population composée d’un mélange d’autochtones et d’Andalous chassés d’Espagne. Cette
catégorie se distingue du reste de la population par leur savoir, « leur richesse et leur
raffinement, leur habileté de lettrés et artisans ». Caractérisée par un genre littéraire
propre, et compte tenu de son importance dans la structure sociale de la ville ; cette
catégorie avait un rôle important comme acteur de la ville à côté des Turcs. Malgré le
départ des ottomans en 1830, ce concept a pu résister pour décrire un lieu propre à cette
catégorie de population.
En contradiction avec le café maure qui regroupe l’élite pratiquante d’une population
citadine, le café barbaresque semble être facile et accessible à ceux de l’extérieur de la ville
ou du monde rural. Cette distinction en termes d’usagers apparaît plus clairement dans la
population qui fréquentait les cafés maures. D’après Omar Carlier, à chaque fois qu’un
nom de groupe ou de métier apparaît, les textes renvoient directement aux Turcs, aux
Maures, aux Kouloughlis ou aux Juifs.
À l’indépendance, la vieille ville de Constantine comptait une vingtaine de cafés maures
(tableau 6-01), qui représentaient des lieux de rencontre pour les Constantinois. En faisant
appel à certains lieux à valeur symbolique pour les anciens habitants de la Souika, Sid Ali
Bouaziz, l’un des membres de l’association des « Amis du musée » attire l’attention sur la
valeur donnée aux cafés maures aujourd’hui disparus : « La majorité de ces cafés de la
vieille ville ont complètement disparu, alors que certains ont laissé place à des magasins
pour meubles, des bazars ou des boucheries »1.

1 Le bon vieux temps à Constantine, in blog de sentawa [en ligne], URL :


http://sentawa.skyrock.com/2624088726-LE-BON-VIEUX-TEMPS-A-CONSTANTINE.html, article publié
le : 13/09/2009
228
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Tableau 6-01 : Quelques cafés Maures de la vieille ville de Constantine


Café Maure Localisation Fonction actuelle
Café des Mouches Rue Bouchrit Allaoua Fermé
Fermé pour travaux de
Café Nedjma (El Gofla) Rue Larbi Ben M’Hidi
réhabilitation
Café El Mektoub Rue Mellah Slimane n° 05 Transformé en magasin
Rue Mellah Slimane (en face du Café
Café du centre Transformé en épicerie
El Mektoub)
Rue Mellah Slimane (à 50 m du Café Transformé en
Qahouet Bouya
El Mektoub) boucherie
Café rue Abdallah bey Rue Abdallah bey /
Café d'El Hafsi Rue Zaâbane Disparu
Café des Chouafnia / /
Café Belattar À Chatt /
Café Ziouane Place d'El Batha Café
Café Boutmeyra Près du quartier de Zelaïqa Café
Café de Saïfi Zenqet Laâmamra /
Café de Bouaârour Ex-rue Casanova /
Café Boucherit Rahbet Essouf /
Café Benyamina Arbaïne Cherif /
Café de Si Laroussi Arbaïne Cherif /
Selon les récits des voyageurs, nous constatons la présence de trois types de cafés
maures. Cette classification est basée sur la catégorie de population qui les fréquente.
Le premier type appartenait à la bourgeoisie constantinoise. Prenons à titre
d’exemple le «
Café des mouches » qui se trouve dans une ruelle tortueuse
portant le même nom, et bordée par des constructions basses regroupant les
ateliers de fabrication de selles pour les animaux de monture. À l’angle formé
par l’inclinaison de la ruelle se trouve un café dont la superficie ne dépasse pas
les douze pieds carrés. En se basant sur une description de Louis Régis (1880),
ce café n’était fréquenté que par la bourgeoisie arabe : « … toujours occupé par
des hommes aux burnous très blancs. Ils sont assis, les jambes croisées, sur un
divan en pierre couvert de nattes […] un grand bouquet de forme pyramidale
s’épanouit dans un long vase posé à terre au milieu de la pièce… » (Louis
Régis, 1880, p.121-122).
Le second type fait appel au monde rural. Selon les récits des voyageurs, ce cas
peut être subdivisé en deux catégories. Alors que la première catégorie est à
fréquentation masculine, la seconde attire également une population masculine,
mais avec une certaine présence féminine. Pour le premier cas, nous faisons

229
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

appel à une description de Louis Régis (1880). Cette description mentionne la


présence d’un café donnant sur la rue moderne. Par opposition au premier type,
ce café attire les moins riches de la population. Il n’est qu’une petite chambre
obscure et étroite contenant une cheminée. L’une de ses caractéristiques est la
présence perpétuelle d’un joueur de flûte devant l’accès. La musique maigre
entendue par les piétons et les usagers du café fait appel à la vie paysanne et aux
pâturages.
Pour la seconde catégorie, madame Douvreleur en a fait une description lors de
son séjour à Constantine en 1931. Après une soirée dans un quartier arabe, elle
mentionne la présence d’un mélange d’odeurs qui dominent l’espace et attirent
les passants issus d’une grande foule regroupant un amalgame de populations de
différentes races (des Arabes, des Français, des Maltais, des Italiens, etc.). En
plus de cette présence masculine, l’auteure mentionna la présence de femmes
vêtues en Ouled-Naïls, chose qui n’est pas signalée dans les autres descriptions
de Louis Régis.
Le troisième type attire les fumeurs de hachisch, d’après la description de Louis
Régis (1880) d’un café sur la rue Rohault de Fleury (actuellement la rue Abane
Ramdhane) faisant le lien entre le square et le faubourg neuf (le Coudiat Aty).
Les habitués de ce café ne font rien d’autre que fumer du hachisch, boire du café
ou dormir. Ils appartiennent dans leur majorité à la secte des Aîssaoua
originaires du Maroc.
Dans son ouvrage « histoire des derniers beys de Constantine », Vayssettes
mentionne la présence de cette pratique depuis si longtemps, mais dans un autre
lieu. En racontant l’histoire du jeune Ali fils du Hadj Mostafa Ingliz Bey
(janvier 1797, 1202 de l’hégire) avec un Hachaichi de la ville, l’auteur décrit où
se pratique cette activité : dans de misérables échoppes de cordonniers, ornées
de cages renfermant plusieurs rossignols, là se regroupent les malheureux
ouvriers, en profitant d’un luxe oriental et à des prix considérables. D’une telle
description, trois éléments importants apparaissent : l’état du lieu en lui-même,
la couche sociale de ses visiteurs et sa valeur dans leur vie quotidienne.
En plus de cette population qu’attirent les différents cafés maures de Constantine, se
trouvent souvent d’autres visiteurs comme les barbiers et les marchands de limonades et
d’eau de fleur d’oranger. Mais, avec le temps ces deux métiers ont disparu.

230
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Figure 6-01 : Café maures à Constantine (Hedouin Pierre-Edmond-Alexandre, 1868)

Figure 6-02 : Café maures à Constantine, Figure 6-03 : Café maures à Constantine 1935
sur une vieille carte postale datée du (Charles de Gastyne)
2
05/08/1902
1.2 Et-Tarbiâa :
Comme nous l’avons mentionné plus haut, s’ajoutent à l’espace public de la médina,
des maisons ou des parties de maisons d’utilité publique. Bien que la maison soit l’espace
familial par excellence, dans ce cas l’espace domestique ou féminin est isolé. C’est le cas
de la Tarbiâa dans la vieille ville de Constantine. Ce lieu de rencontre des hommes fait
partie des signes de l’urbain. Dans la recherche de sa résistance à travers le temps, et selon
les résultats obtenus lors de l’enquête sociale, trois idées bien distinctes sont apparues, qui
sont en rapport direct avec l’âge, le niveau intellectuel et le statut professionnel des
enquêtés (question posée : « Que signifie pour vous le mot Tarbiâa ? »).
Mais en premier lieu, il faut faire la distinction entre le concept « Tarbiâa » dans la ville
arabo musulmane, et son usage pour la description d’un espace conçu dans la médina de
Constantine. Autrefois, dans les villes arabes « la Tarbiâa » était un concept lié à un mode

2 Source : http://4.bp.blogspot.com/_5zroOKkJJ8E/SSqu-J_bANI/AAAAAAAAA2M/HfJ--
rxRwlU/s400/3156.jpg .
231
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

de répartition des commerces. Chaque groupe de locaux occupait une surface de forme
carrée. Ces locaux juxtaposés dos à dos avaient pour but de dessiner toute une façade
commerçante sur les deux côtés de la rue. Selon Mohammed Abd Essattar (1988), cette
répartition est toujours présente dans le vieux Caire. Par contre, les « Tarbiâa » dans la
médina de Constantine font appel à trois éléments bien distincts.
1.2.1 Les Tarbiâa des artisans :
Pendant sa vie comme Bey de Constantine (1771-1792), Saleh Bey a donné une grande
importance à l’industrie. Cela s’est traduit par la présence de 27 moulins, 28 marchés
(Souk et Souika) et trois Rahba pour la présentation des produits ; en plus de sept Tarbiâa
spécialisées dans la fabrication du tissu.
Cette présence des Tarbiâa est confirmée sur un plan dressé par l’historien Ernest
Mercier en 1878, portant comme intitulé « Constantine avant la conquête française 1837 »,
dont le but était de sauvegarder le patrimoine toponymique de la ville de Constantine
désormais en voie de disparition vers la fin des années 1870. Dans ce relevé toponymique
ottoman, il mentionne la présence de deux Tarbiâa (figure VI-12) : Tarbiâat Haouka qui se
trouve au-dessus de Bab El Casba ; et Tarbiâat Ben Ganna du côté Est d’Ech-Chott, à
laquelle nous accédons à travers Zellaika. Tarbiâat Haouka n’existe plus aujourd’hui, étant
donné qu’elle a été démolie pour céder la place à la zone militaire (la Casbah). Pour la
seconde, d’après des habitants de Zellaika, Tarbiâat Ben Ganna n’existe pas et la
construction sur laquelle est mentionné le nom de la Tarbiâa, regroupe aujourd’hui une
douche, un café et une boutique. Au-dessous de cette construction se trouve une bâtisse
inaccessible et partiellement en ruine, dont les habitants ignorent la fonction initiale.
Dans le but de confirmer la fonction de Tarbiâat Haouka avant la colonisation, nous
nous référons à Bernard Pagand. En décrivant les premières formes d’urbanisation et de
déstructuration de l’espace traditionnel, Pagand mentionne la fermeture de la Casbah sur le
point le plus haut de la médina et l’occupation des maisons traditionnelles 3 afin de les
utiliser comme des écuries, des magasins et les logements des garnisons. En analysant une
carte de son ouvrage exposant les premières implantations militaires dans le tissu
traditionnel, dans toute la partie haute occupée par les colons, l’îlot portant le nom de

3 Lors de la description de la Casbah, Mercier, dans son ouvrage « Constantine avant la conquête », avait
mentionné la présence d’un certain nombre de constructions appartenant aux deux familles Ben Hasseîn et
Ben Kachkout Ali. Ces maisons sont celles utilisées comme des logements des garnisons selon Bernard
Pagand. En référence à E. Mercier (1878), hormis ces maisons, la casbah regroupait aussi « … plusieurs
mosquées : Djama-El-Kasbah, Sidi Abd-el-Kader, Kobbet-Bechir ; une prison (Habs), établie, dit-on, dans
les citernes romaines, sorte d’in-pace ; une réunion de métiers de tisserands (Terbïât-Houka), etc. »

232
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Tarbiâat Haouka n’était pas occupé (figure 6-04). De ce fait, cette représentation confirme
la présence non pas d’une maison traditionnelle à caractère d’habitation, mais d’une bâtisse
ayant une autre fonction.

Figure 6-04 : Transformation d’une partie du quartier résidentiel de la Casbah en un quartier


militaire à l’exception de Tarbiâat Haouka (Pagand Bernard, 1989, 21)
Tableau 6-02 : Quelques actes de transactions (I. Grangaud, 1998, p.45, 47, 48, 49)

N° d’acte Date Acte de transaction

119 I « Le Hadj Abbas achète au hadj Ahmed Mahnach el


13/23 Août Ghurabli, 4 appareils à tisser, qui se trouvent dans un
3e 1683 atelier du souq el kamakhin, situé dans le quartier du
transaction hammam el Attarin »

119 I Fin avril- « Le Hadj Abbas acquiert un appareil à tisser, qui se situe
8e début Mai au dessus de la Zaouïa el Sabaghin, pour un montant de 25
transaction 1684 riyals. Le vendeur est Suleyman fils de ‘Ali Bin Abi Chafah »

125 I « Le Hadj Abbas achète à ‘Ayad fils de Mohammed, fils de


15/25 mars Belqassem el ’Ayadi, un appareil à tisser, avec ses murs et
2e 1687 sa porte, situé près du hammam el Djedid, au Souq el
transaction Ghzel, pour un montant de 55 riyals. »

59 I « L’objet de l’achat de ‘Abbas est un métier (Manul) qui se


Milieu trouve dans l’atelier el Fuqara, en face du hammam el
1e juillet 1687 Attarin. Le vendeur est le jeune Qassem, fils du hadj
transaction Mubarak el Zahaf, le prix de 25 riyals. »
Dans différentes transactions (tableau 6-02) citées par I. Grangaud dans son ouvrage
« Histoire sociale de Constantine », il est mentionné la présence des ateliers de confection.

233
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Cette présence non verbale est expliquée par les actes consacrés à des appareils à tisser, à
des chambres destinées à cette fonction ou à des « Manuls ». Dans la première transaction
de l’acte portant le numéro 59I, est mentionné le mot «
Manul ». Toujours, selon I.
«
Grangaud, ces métiers Manuls » présents dans différents actes étaient destinés à la
confection des « Haîks » (I. Grangaud, 1998, p. 64).
Les Tarbiâa spécialisées dans la fabrication du tissu et la couture des costumes
traditionnels pour hommes sont des fondouks spécialisés. Ces derniers regroupent les
tisserands (les Haouka) dans une cour plantée d’arbres. Selon Isabelle Grangaud (1998),
avant la conquête, la vieille ville de Constantine possédait entre 20 et 30 fondouks
regroupant 195 métiers et 1500 fabricants de tissus. Chaque Tarbiâa regroupait entre 5 et
12 tisserands travaillant la laine, la soie et le coton, dont fondouk Beni Abbas mentionné
antérieurement en fait partie. Comparativement, Mercier dans son ouvrage « Constantine
avant la conquête » mentionne la présence de six Tarbiâa définis comme une réunion
d’ateliers de tisserands, dont trois avaient déjà disparu à son époque. Ces Tarbiâa sont
citées comme suit (E. Mercier, 1878, p.50-51) :
 Tarbiâat Ben El Djazar (‫ )تربيعة بن الجزار‬: dans la rue du Ravin (El Kantara).
 Tarbiâat Ben Ganna (‫ )تربيعة بن قانة‬: dans la rue Perrégaux, vers la voûte dite
Sabat Cheikh El Arab.
 Tarbiâat el Fahhamine (‫ )تربيعة الفحامين‬: cette Tarbiâa a disparu et elle se
trouvait autrefois dans la rue des Mouches.
 Tarbiâat El Madjen (‫ )تربيعة الماجن‬: dans la rue Perrégaux, près de celle de
Ben Ganna.
 Tarbiâat Haouka (‫ )تربيعة حوكة‬: selon l’historien, cette Tarbiâa avait disparu,
et elle se trouvait autrefois dans la Casbah.
 Tarbiâat Rahbet Ledjmal (‫ )تربيعة رحبة الجمال‬: à l’exemple des deux autres,
cette Tarbiâa a aussi disparu.
En comparaison avec le tissu existant, un fondouk dont le nom est méconnu se trouve
tout au début de la rue Perrégaux (figure 6-05), collé à Hammam Zouaoui. Sa position
proche de Sabat Cheikh El Arab (figure 6-06), lieu de localisation de Tarbiâat Ben Ganna,
implique la possible survivance de Tarbiâat El Madjen. Ce fondouk abrite jusqu’à présent
des tisserands. Dans ce fondouk, on trouve un atelier de bijouterie juste à l’entrée du
fondouk, un atelier de réparation de moteurs au premier sous-sol avec deux ateliers de
tissage, et un espace de dépôt de marchandises (figure 6-09). Le second sous-sol est
complètement abandonné (figure 6-10). Cet abandon est causé par son état de dégradation,
234
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

résultat de la négligence et du changement de mode de vie. Selon les récits des patriarches
du quartier, cet espace fut l’un des derniers lieux de confection du costume constantinois
après l’indépendance. Mais, depuis quelques décennies, le rôle de l’espace a connu un
changement, de la confection des costumes à la reprise des vêtements. Selon le seul
tisserand trouvé dans ce fondouk, les mauvaises conditions de travail ont incité les
tisserands à abandonner leurs ateliers. Le manque d’éclairage et de ventilation a poussé le
dernier tisserand à quitter son atelier afin de se servir de la lumière entrante d’une fenêtre
donnant sur le Rhumel.

Figure 6-05 : Localisation de l’immeuble n° 90 Figure 6-06 : Localisation du fondouk par


contenant le fondouk rapport à Tarbiâat Ben Ganna selon le plan
d’Ernest Mercier

235
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Figure 6-07 : Façade du fondouk (auteur, 14/09/2017)

Figure 6-08 : Espace de rejet des eaux usées sur la rive du Rhumel (auteur, 14/09/2017)

Figure 6-09 : Photos de l’intérieur du fondouk, l’étage partiellement fonctionnel du vieux fondouk
(niveau -1) (auteur, 14/09/2017)

236
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Figure 6-10 : Photos de l’intérieur du fondouk, l’étage abandonné du vieux fondouk (niveau -2)
(auteur, 14/09/2017)
Pendant notre recherche de ces Tarbiâa, nous nous sommes référées au Registre des
Habûs «‫» دفتر األحباس‬, compte tenu qu’il remonte au XVIe siècle. Sur la partie réservée aux
Habûs des faibles de la ville 4 est mentionnée la présence de 36 Tarbiâa ; dont deux se
trouvent en dehors des limites du Rocher. Parmi ces 36 Tarbiâa, une seule a été
mentionnée par la suite par l’historien E. Mercier, celle des Charbonniers (Tarbiâat El
Fahhamine). Une autre Tarbiâa était toujours présente dans le registre contenant les actes
de mariage et de divorce, comme le nomme le docteur Dahdouh « Registre du tribunal
légal » (‫)سجل المحكمة الشرعية‬5, et qui a pu résister jusqu'à la fin de l’époque ottomane, celle

4 Cette partie « ‫» بيان أوقاف الضعفاء في المدينة‬, de la page 06 à la page 09, est consacrée en premier lieu aux
Habûs réservés aux locaux de commerces, aux Fondouks, aux Tarbiâa, et aux Souks dans la médina. En
seconde partie et après les locaux de commerce, on trouve les Habûs des maisons ensuite des tanneries, afin
de finaliser par les terres et quelques maisons et magasins.
5 Étant donné qu’il regroupe de plus à des actes de mariage et de divorce plusieurs actes généraux tels que
l’achat, la vente, des divisions d’héritage et d’autres jugements.
237
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

de la Tarbiâa Es-Sebaghine. Cette dernière est apparue sur un autre acte, celui des
dotations de Salah bey sous le nom de Tarbiâat El Fondouk (Dahdouh Abd El Kader, 2015,
p.100).
Par élimination des deux Tarbiâa qui se trouvent en dehors des limites du Rocher, et à
travers la comparaison des informations collectées (localisation de la Tarbiâa, ses abords,
son ouverture, etc.), nous avons pu recenser 29 Tarbiâa, parmi lesquelles 19 se trouvent
dans des souks spécialisés ou dans des Rahba.
De l’ensemble de ces 29 Tarbiâa, quatre portent le nom d’un métier, telles que Tarbiâat
Es-Sebaghine (les teinturiers), Tarbiâat El Fahhamine (les charbonniers) et Tarbiâat El
Qallaline (les potiers). Cette dénomination indique la probabilité que ces différentes
Tarbiâa ne fussent pas consacrées seulement aux tisserands 6 . De ce fait, une autre
définition de la Tarbiâa est éventuellement plus utile : elle représente une structure
possédant un ensemble de locaux ou ateliers réservés dans l’ensemble à l’industrie
artisanale.
Pour le tissage, les M’naoul (‫ )المناول‬apparus bien avant dans certains actes de
transactions mentionnés par I. Grangaud, sont réapparus, mais dans d’autres Tarbiâa dans
le Registre des Habûs. Par référence à ce dernier, cette forme d’industrie artisanale
s’exerce dans d’autres Tarbiâa, autres que Tarbiâat El Hririïne qui se trouve en haut de
Souk Es-Sagha, à l’exemple de :
 La Tarbiâa qui se trouve à M’halet Souk El Ghazel, et qui possède deux espaces
Est réservés au métier de tissage.
 Tarbiâat Ibn El Hachfa à Souk El Ghazel, elle est préparée pour le tissage.
 Tarbiâat El Qrini en haut de Bab El H’nincha, et qui regroupe 18 M’naoul
(Figure 6-11).

Figure 6-11 : Acte de Habûs dédié au Masdjid Sidi Rachid pris de la page 23 du Registre des
Habûs

6 Cette hypothèse est discutable, compte tenu qu’en référence à un acte de la page 23 du registre des Habûs,
il apparaît un bois d’un manul dédié à la mosquée de Ben Hassoun, ce bois se trouve dans une Tarbiâa à souk
El Qallaline. À défaut du nom de cette dernière, il est probable que cette Tarbiâa n’a pris que le nom du Souk
qui la contient. De ce fait, la proposition qu’elle est dédiée aussi aux tisserands est fort probable.
238
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Tableau 6-03 : Tableau de comparaison, présence des Tarbiâa à travers le temps selon différentes sources
Les Tarbiâa Page dans Les Tarbiâa
Vieux nom ou le Description mentionnée Localisation mentionnée
N° mentionnées dans le mentionnées par
mieux connu dans le manuscrit dans le manuscrit
le manuscrit manuscrit E. Mercier 7
Tarbiâat fathoune
01 / / / 05 /
(‫)تربيعة فتحون‬
Tarbiâat Ain Edqa
Elle se trouve dans l’une
02 Bel Djabas / / 05 /
des Rahba
(‫)تربيعة عين ادقا بالجباس‬
Elle se trouve à Souk El
Selon une transaction datée
Kammadine qui se trouve
Tarbiâat El Lben de l’an 1024 de l’hégire,
Tarbiâat Ben Qadhi à Souk Er-Rhadnya au- 06 /
(‫)اللبن‬ cette Tarbiâa était déjà en
03 ou Ben El Qadhi dessous de Souk El
ruine
(‫)تربيعة بن قاضي‬ Khaleq
8
Sa porte est souterraine et
/ / 22 /
d’une ouverture Ouest
Tarbiâat El Lben Elle se trouve à Souk Ed-
04 / / 06 /
(‫)اللبن‬ Dahhanine
Tarbiâat Ouled El
Tarbiâat El Lben D’une ouverture Elle se trouve à Souk Es-
05 Qadhi 16/29 /
(‫)اللبن‬ souterraine Sebaghine
)‫(تربيعة أوالد القاضي‬
Tarbiâat Es-
Sebaghine / / / 22 /
06 )‫(تربيعة الصباغين‬
Collée à la medersa d’Es-
/ / À ouverture Est 33 /
Sabaghine du côté Est

7 E. Mercier ; « Constantine avant la conquête » ; page 50-51.


8 Le vocable utilisé dans le manuscrit comme est Djawfya «‫» جوفية‬
239
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Tarbiâa souterraine,
Elle se trouve à Souk El
/ / remonte 06 locaux de 06 /
Ghazel
commerce
Elle se trouve en haut de
07
Souk El Ghazel, sur la
Tarbiâat Ez-
/ Tarbiâa souterraine droite du passager à 31 /
Zahanine (‫)الزهانين‬
travers le Charae Est du
souk
D’une porte vers la Qibla9
Possède deux espaces Est Elle se trouve à M’halet
08 / / 16 /
réservés au métier de Souk El Ghazel
tissage
Tarbiâat Ibn El Tarbiâat Ouled El La Tarbiâa Est
Elle se trouve à Souk El
Hachfa Medjel Elle est préparée pour le 14 /
Ghazel
)‫(تربيعة ابن الحشفة‬ (‫)أوالد المدجل‬ tissage
09
La Tarbiâa Est Elle se trouve dans une
/ / Elle possède un M’naoul Raïgha vers la Qibla en 29 /
d’une position Ouest haut de Souk El Ghazel
Tarbiâat El Qallaline Tarbiâat Ibn Abd El Elle se trouve à Souk El
/ 06 /
(‫)تربيعة القاللين‬ Hamid Qallaline
Elle se trouve à M’halat
souk El Qallaline au-
10 Tarbiâa vers la Qibla
dessous de souk El En-
/ / Elle possède du bois de 23 /
nadjarine
M’naoul

9 Le vocable utilisé dans le manuscrit est Qablya «‫» قبلية‬


240
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Une chambre en ruine,


s’une porte Est.
Elle se trouve à Souikèt
11 / / Lors de sa construction, 08 /
Ben Thaeleb
elle a été destinée à être
une Tarbiâa.
Elle se trouve en haut de
12 / La Tarbiâa Est 09 /
Souikèt Ben Thaeleb
Tarbiâat El Ahouadh Elle se trouve dans un
( ‫)تربيعة األحواض‬ Charae menant
13 / La Tarbiâa Ouest 28 /
directement vers la
mosquée d’Ibn Et-tandjia
Tarbiâat Ben
Elle se trouve à Souikèt
14 Mimoune / / 22/26 /
Ben Thaeleb
)‫(تربيعة بن ميمون‬
Tarbiâat Ben Dar Ibn Abi
Elle se trouve à Souikèt
15 Zekhnin Chaqroun / 24 /
Ben Thaeleb
)‫(تربيعة بن زخنين‬ )‫(دار ابن أبي شقرون‬
Elle se trouve au début
Tarbiâat Ibn
d’une Raïgha contenant
16 Âachaba / / 10/18 /
la maison connue sous le
)‫(تربيعة بن عشابة‬
nom d’El Qastalani
Tarbiâat Ed-derqa Elle se trouve à Hdjar Es-
17 / / 13 /
)‫(تربيعة الدرقا‬ stah
La Tarbiâa Est
C’est une boutique dans un
Elle se trouve à Souk Es-
18 / / Fondouk créé par Ibn 13 /
Sagha
Zabouba

241
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

En haut de Souk Es-


Tarbiâat El Hririïne Sagha sur la rompe
/ / 25 /
)‫(تربيعة الحريريين‬ menant vers Souk Et-
Todjar
Connu sous le nom D’une ouverture
de Soukna Ibrahim souterraine et sa porte se
Cette Tarbiâa est collée à
Tarbiâat Es-souary Ibn Khalifa El trouve du côté Ouest.
19 la maison d'Ibn Abd El 15/31 /
)‫(تربيعة السواري‬ Kouach Elle est sous la
Djalil
‫(سكنا إبراهيم بن خليفة‬ responsabilité d’Abd
)‫الكواش‬ El krim El Halimi
Elle se trouve proche de
la mosquée Maghreb et
20 / / / 15 /
de la maison du chérif
Omar
La Tarbiâa Ouest Elle se trouve à Ghdir
21 / / 19 /
Abi El Gharat
C’est une boutique d’une
Elle se trouve dans une
22 / / maison d’une porte 20 /
Raïgha à El Kharratine
Djawfia
Elle se trouve à Souk
23 / / Tarbiâa souterraine 22 /
Houera (‫)هوارة‬
Elle se trouve à Souk El
/ / Tarbiâa souterraine Qassaïine 22 /

24 Tarbiâat El
Tarbiâat El
Fahhamine Elle se trouve à Souk El
/ / 31 Fahhamine
)‫(تربيعة الفحامين‬ Qassaîine
(les charbonniers)

242
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Tarbiâa souterraine, son


premier propriétaire était Elle se trouve en haut de
Tarbiâat El Qrini
25 / Mohamed El Qrini Bab El H’nincha de Bab 23 /
)‫(تربيعة القريني‬
Elle regroupe un nombre El Djabia
de 18 M’naoul
La Tarbiâa Est
Détruite et vendu. Sa
valeur est donnée à la Elle se trouve à M’halet
26 / / 25 /
mosquée de Ben Zouineq Aqouass Ben Nedjda
(‫ )بن زوينق‬à Droudj Bab El
Djabia
La Tarbiâa Est
Proche de Souk El
C’est une boutique Ouest
Ghazel et de Dar El
27 / / Elle est sous la 25 /
Khatib qui se trouve à
responsabilité d’Abd
Souk Ed-Dahhanin
El Krim El Halimi
Elle se trouve à Z’qaq El
28 / / Tarbiâa Qiblia 27 /
Blat
Tarbiâat Ibn Abi Elle se trouve à Bab El
29 Dharssa / / Djabia proche de la 28 /
(‫)تربيعة ابن أبي ضرسة‬ mosquée El Merrakni
Tarbiâat Ben
30 / / / / /
Ganna
Tarbiâat Ben EL
31 / / / / /
Djezzar
Tarbiâat El Madjen
32 / / / / / (de la citerne)

243
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Tarbiâat Haouka
33 / / / / / (des métiers à
tissage)
Tarbiâat Rahbet
34 / / / / /
Ledjmal
Des Tarbiâa en dehors des limites du Rocher
Au sommet du Coudiat
35 / / / 13
Aty
Proche des terres de
Tarbiâat Bani Abd Demama (‫ )رقعة الدمامة‬et
36 El Monïm / / des terres des Foqaha 20
(‫)تربيعة بني عبد المنعم‬ Bani El Fgoun
(‫)رقعة الفقها األزكيا بني الفقون‬

244
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Figure 6-12 : Localisation des deux Tarbiâa selon le plan d’Ernest Mercier (1878)

245
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

1.2.2 Les Qaâda dans les cafés maures :


Cette notion fait appel à une vieille tradition des cafés maures, dont le but est de créer un
lieu de rencontre convivial regroupant toutes les couches de la population. Les « Tarbiâa » ou
les Quaâda (s’asseoir en tailleur) s’exercent dans ces cafés maures dans des espaces bien
aménagés, garnis de bancs et de tapis traditionnels confectionnés en alfa (des nattes). Dans
ces cafés, les clients savourent le café d’El Djezoua préparé par Rais El Oudjak (le patron des
lieux). Avec la modernisation de certains cafés, le changement d’activité et même la
disparition d’autres, cette tradition s’est perdue avec le temps.
1.2.3 Les Tarbiâa, lieux de rencontre des Hachachine :
Dans la recherche des traces des deux premières Tarbiâa mentionnées dans le plan d’Ernest
Mercier (Tarbiâat Ben Ganna et Tarbiâat Houka) (figure 6-12), une autre Tarbiâa est apparue
qui, malgré son état de dégradation et les changements apportés à sa construction, est toujours
connue comme une Tarbiâa chez les habitants de Couchet Ez-ziate. L’édifice porte le
numéro 23 (figure 6-13), occupe une superficie de plus de 298,19 m². Elle est habitée
aujourd’hui par trois familles, des descendants de la famille Djalout propriétaire de la Tarbiâa.

Figure VI-13 : Entrée de la Tarbiâa donnant sur Figure VI-14 : L’accès réservé aux membres de
l’axe Ben Zagouta Mohamed 10 la famille donnant sur une impasse privée
(auteur, 14/09/2016)

10 Source :
https://www.google.fr/url?sa=i&rct=j&q=&esrc=s&source=imgres&cd=&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwjdlc
_6pIHSAhVPnRQKHdl6BQIQjRwIBw&url=http%3A%2F%2Fwww.skyscrapercity.com%2Fshowthread.php%
3Ft%3D458797%26page%3D11&psig=AFQjCNE_ZkfSpCsKrgK3g7u0nSm0Bw0Q1g&ust=148667039471184
3
246
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Selon le récit de monsieur Oussama (l’un des propriétaires de cette maison), cet édifice
avait deux principales fonctions :
 Celle de Fondouk, car il abritait autrefois des étudiants venant de l’extérieur de la
ville. Pendant la guerre de la libération, il représentait un lieu de rencontre des
militants dont les photos existent toujours chez les membres de la famille Djalout.
 En plus de cette fonction comme fondouk, cet édifice abritait un lieu de rencontre
«
la Tarbiâa » dont il porte le nom. Selon le propriétaire, l’accès principal réservé
autrefois aux membres de la famille était du côté Sud-est donnant sur une impasse
privée (figure 6-14). L’autre accès donnant sur l’axe Ben Zagouta Mohamed était
l’accès principal de la Tarbiâa. À travers un Sabat, nous accédons à un espace de
près de 78 m² (Figure 6-15). Cet espace est réservé à cette seconde fonction. Les
deux grandes portes de part et d’autre de l’accès représentent des boutiques.
Un élément important dans cette Tarbiâa est le bassin, il se trouvait auparavant
derrière la grande porte à gauche. Depuis plus d’une décennie, cet espace a été
utilisé comme salle de jeux avant de tomber en ruines. Autour de ce bassin se
rencontraient autrefois les hachachines. Il faut mentionner que cet espace n’est pas
accessible à toutes les couches de population, compte tenu de l’élimination des
femmes, des jeunes et des enfants. De plus, selon le propriétaire, les invités sont
choisis par le patriarche de la famille, et parmi eux on trouve toujours des
chanteurs de Malouf et des musiciens.

Figure 6-15 : La Tarbiâa dans la vieille ville de Constantine


Quant aux habitants de la vieille ville de Constantine, selon les résultats de l’enquête
sociale (figure 6-16), une première couche déclare la Tarbiâa comme faisant partie des us qui

247
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

vont disparaître avec le temps, en raison de la perte de la valeur de l’espace même. Cette
catégorie regroupe dans sa majorité des individus de plus de 50 ans et d’autres moins
nombreux entre 21 et 40 ans, dont la plupart sont sans-emploi et utilisant la place proche de
l’accès d’elle comme lieu de rencontre.

Figure 6-16 : La signification de la Tarbiâa pour la population enquêtée (enquête sociale, 2014)
L’autre partie de la population classe la Tarbiâa comme une pratique liée à un espace
précis et qui n’existe que dans les récits des patriarches. Ces personnes se regroupent dans une
même couche d’âge, entre 21 et 30 ans, avec une dominance féminine. Sous ce même point de
vue, nous pouvons mentionner la présence de certains vieux qui n’habitent pas la vieille ville
actuellement, mais qui y ont passé une période de leur vie.
Pour le reste des enquêtés (plus de 41 %), cette pratique, de même que son espace, n’ont
aucune valeur, ni dans leur mémoire ni dans leur vie quotidienne. La perte de la valeur de cet
espace le décline d’un lieu de mémoire à un espace non fonctionnel dans la vieille ville de
Constantine.
Au même titre que cette Tarbiâa, mentionnons la présence autrefois des « Madjliss ».
Certains fondouks de la médina de Constantine assuraient en plus des échanges commerciaux,
le rôle de « Madjliss » (Madjliss El Zadjel, Madjliss El Haouzi, Madjliss El Malouf, etc.). Le
Madjliss occupait une chambre du fondouk réservée pendant toute l’année afin d’accueillir
des artistes de différentes villes de l’Est algérien. Il avait le même rôle que la Tarbiâa dans la
médina de Constantine, compte tenu qu’au même titre que cette Tarbiâa, il représentait des
temples de la musique dans lesquels se regroupaient les Hachachine et les Zadjalines. Parmi
ces fondouks de la ville de Constantine, qui avaient pour mission la préservation de ce
patrimoine culturel, on peut mentionner : Fondouk Ben Charif à R’cif, Fondouk Ben Azziem
à Chott et Fondouk Sidi Guessouma à Rahbet Essouf.

248
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

1.3 Entrées des rues et des maisons :


« … l’entrée des maisons et des rues de la cité semblent avoir été conçues
pour réserver un accueil chaleureux aux passants ou aux étrangers fatigués. Les
étrangers à la ville ou au quartier qui passent dans la rue peuvent se reposer s’ils
en éprouvent l’envie sous les voutes qui forment l’entrée des maisons sous
lesquelles propriétaires et serviteurs s’asseyent aux frais ; ils savent que
l’hospitalité de leurs compatriotes tolère cet usage… » Louis Régis (1879)
En référence à une description de l’écrivaine Najia Abeer (2003), la rue se présente
comme une propriété privée des habitants des maisons qui l’entourent, et l’animation y est
assurée par la forte présence des enfants. Le manque des aires de jeux et la faible présence
des passants offrent aux enfants la possibilité de s’approprier ces espaces privés. Dans sa
description, l’écrivaine mentionne l’appartenance de ces lieux à cette couche d’âge, non
seulement comme des lieux d’exercice, mais d’expression. Dans ce cas, l’auteure dessine
une image de son espace vécu selon son degré d’acceptation, d’adaptation et de
satisfaction. Ces trois éléments sont fortement liés à l’image mentale de l’espace, définie
par l’usager, au sentiment d’appartenance, à sa signification et à son sens pour l’usager. La
présence d’un tel lien établi entre l’usager et l’espace donne deux résultats. Le premier est
la présence d’un sentiment d’enracinement et le second est la possibilité offerte de vivre en
communauté.
« La rue était notre espace, un lieu qui nous apprenait la vie dans toutes ses
libertés. Elle vivait dans une perpétuelle représentation, où les personnages
crachaient leur réalité […] Elle ne nous imposait aucune contrainte […] elle
permettait l'expression gestuelle, orale, spirituelle […] Les ruelles de la vieille
Souika sont des crèches, des jardins d'enfants improvisés […] lieu parfait pour
celui qui sait observer, l'attentif et le curieux. La rue était notre propriété privée
et les passants devaient faire attention où mettre les pieds […] et presser le pas
pour disparaître le plus vite possible ... » Najia Abeer (2003)

249
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

2. Le Folklore et la naissance des lieux de mémoire :


L’identité est une construction permanente et collective. C’est un construit social et
culturel. Il s’exprime par les individus qui le formulent et le diffusent. Le transfert
identitaire du singulier au pluriel s’accompagne souvent de la fabrication d’un mythe, dont
la territorialisation constitue une identité collective qui contribue à son inscription dans les
représentations sociales.
Du point de vue de la sociologie française, le rite est une « répétition collective,
commémorative du mythe de la religion des origines » (Nourredine Toualbi, 1984). Il a
pour objectif la définition d’une mémoire du passé liée à la religion. De ce fait, le rite est
un outil de mémorisation qui répond à une motivation collective d’une présentation des
valeurs du passé. Donc, il est une évocation d’un mythe ou d’un fait social tiré des
traditions auxquelles se rattache un groupe d’individus. C’est une action collective. Il est
soumis à des règles de répétition qui assurent leur survivance et la pérennité des
évènements qui lui ont donné naissance.
De ce fait, la concrétisation et la territorialisation du mythe créent un champ lisible
d’exercice des identités sociales. Au même titre que les territoires ; les lieux peuvent être
matérialisés, cartographiés et visibles. Les traditions qui y sont exercées ont pour but de
renforcer les acquis culturels et les référents identitaires. Du point de vue de
l’anthropologie, cet exercice se manifeste sous forme d’expressions folkloriques. Comme
représentation d’une mémoire collective, le folklore offre aux individus la possibilité
d’assister à des traditions et de les connaître, étant donné que ce type de manifestation est
un ensemble d’expressions culturelles tirant ses racines du passé.
2.1 La cérémonie de la distillation de l’eau de rose et de fleurs d’oranger,
une pratique ancrée dans la mémoire des Constantinois :
Cette cérémonie a lieu chaque année pendant le mois du patrimoine. Elle dure environ
deux semaines, pendant lesquelles, les habitants et les visiteurs assistent à plusieurs
expositions à l’intérieur du palais du bey et le long de l’avenue Ben Boulaid. Ces
expositions ne sont pas seulement consacrées à la distillation de rose et de fleurs d’oranger.
Elles sont aussi ouvertes aux artisans représentant différents métiers. Le premier jour de
cette cérémonie est le plus important, on y assiste au passage d’une caravane (figure VI-
18) qui annonce l’ouverture de cette cérémonie. Cette caravane est composée de groupes
de musiciens représentant les traditions de la médina de Constantine, tels que les
Aïssaouas, El Hadouwa, El Ouesfane et autres. Ils traversent les rues de Constantine en
partant du stade Ben Abd El Malek jusqu’à l’entrée du palais du bey.
250
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Les deux éléments phares dans cette caravane sont le camion et la charrette que tirent
quatre chevaux transportant des mariés constantinois. Le premier élément dans cette
caravane est un petit camion couvert de roses et de fleurs et entouré par des cavaliers. Ce
camion porte l’outil principal pour la manifestation de cette tradition, « El Qattare ». Juste
derrière ce camion se trouvent la charrette et quelques femmes portant le costume
traditionnel constantinois.
Avant le commencement de l’opération de distillation, les visiteurs ont le droit de
déguster « Taminet El Ferkh »11. Selon les croyances des femmes, cet acte assure le bon
déroulement de cette tradition, et l’acquisition de bons résultats. Mais en réalité, les bons
résultats sont fortement liés au bon choix des roses et des fleurs d’oranger 12 , et à la
technique de distillation. Cette tradition se déroule dans le palais du bey (figure VI-19) et
dans les cours de quelques vieilles maisons de Constantine. À la fin de la distillation, les
femmes constantinoises se rencontrent autour de festins en dégustant différents plats
traditionnels et en échangeant leurs produits. Depuis quelques années, cette tradition a
changé de lieu d’exercice, elle s’est déplacée de la cour des maisons, au jardin Ben Nacer
sur l’avenue Ben Boulaid. Pendant une seule journée, les femmes se rencontrent dans ce
jardin pour fêter cette tradition. Ce changement a donné l’occasion à d’autres familles et
aux amateurs d’assister et de participer à cette fête populaire.
La distillation de roses et de fleurs est une tradition qui est bien antérieure à la
colonisation française. Elle commençait autrefois par la présentation des fleurs récoltées
des jardins des environs de Constantine, dans toutes les ruelles menant vers la place Rahbet
Essouf. Aujourd’hui, d’autres lieux sont réservés à ces expositions. En plus de l’avenue
Ben Boulaid, les différents marchés 13 de la ville attirent des marchants ambulants venants
de Hamma Bouziane ou d’El Ghrab. Ce type de manifestation a fait renaître des métiers
disparus avec le temps, à l’exemple de la production du matériel nécessaire pour la
distillation (la production et l’entretien d’El Qattare chez les dinandiers et la production
des flacons spéciaux14 et des bouchons de liège pour la préservation des essences pour de

11 Une friandise à base de semoule blanche, de beurre et de miel. Selon les coutumes, elle est offerte sous
forme de boules allongées aux visiteurs à l’ouverture de cette cérémonie et découpée en losange pour la
soirée des femmes à la fin de cette cérémonie.
12 Il faut mentionner que la récolte des fleurs d’oranger se fait la dernière semaine du mois d’avril. Alors
que, celle des roses est retardée à la première semaine du mois de mai.
13 À l’exemple du marché Bou Mezou, Souk El Acer, marché Ben Battou, le début de la rue Kitouni Abd El
Malek (Aouinet El Foul), les deux jardins de la Brèche et autres espaces de la vieille ville.
14 Pour la production de ces flacons, nous mentionnons la présence d’un artisan à Saida Hafsa. Cet artisan a
pu faire renaître un vieux métier lié à l’ornementation de vieilles bouteilles avec de l’Alfa, afin de les
réutiliser. L’usage de l’Alfa a pour but de protéger leur contenu pour une longue durée. En raison de leurs
prix modestes et des bons résultats obtenus, son travail est demandé par plusieurs familles de Constantine.
251
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

longues durées). Elle a aussi développé une nouvelle activité économique liée à la vente
des roses, des fleurs et de ses essences (produit de leur distillation).
«
En 2015, lors de la préparation de la manifestation Constantine capitale de la
culture arabe 2015 », une demande 15 a été envoyée à l’UNESCO 16 ayant pour objectif
l’introduction de cette tradition de distillation des roses dans le répertoire du patrimoine
culturel immatériel universel. Une fois acceptée, cette tradition aura la cinquième place
après le pèlerinage annuel au mausolée de Sidi Abd El Kader Ben Mohammed dit « Sidi
Cheikh » (‫)ركب سيدي الشيخ‬17, les rites et les savoir-faire artisanaux associés à la tradition du
costume nuptial de Tlemcen18, Imzad (‫)إمزاد‬19, Ahellil Gourara (‫)أهاليل قورارة‬20 et le rituel et
les cérémonies de la Sebeïba dans l'oasis de Djanet (‫)سبيبة جانت‬21, qui font déjà partie du
patrimoine culturel immatériel algérien. Selon la déclaration du docteur Slimane Hachi22, il
a fallu établir un dossier qui démontre que ce rite est constitutif du patrimoine culturel
immatériel tel qu’il est défini dans l’article 2 de la convention. Pour ce faire, il a fallu
identifier :
 Le domaine du patrimoine culturel immatériel dans lequel se manifeste ce rite
(des pratiques sociales, rituel et évènements festifs, savoir-faire lié à l’artisanat
traditionnel).
 Ses bases historiques,

Parmi elles, certaines habitantes la Souika ont recours à la distillation des roses comme source de revenus au
printemps.
15 Le dossier constituant cette demande dans l’annexe pages XXII-XXVII
16 Il faut signaler qu’au cours de cette manifestation et pendant cinq jours, 22 experts en patrimoine
immatériel de différents pays d’Afrique sont réunis. En considération de l’importance de la culture dans le
développement des sociétés, et suivant le plan établi par l’UNESCO afin d’assurer le développement durable
et la sécurité, cette réunion avait pour objectif : la mise en lumière de l’état du patrimoine immatériel en
Afrique, la recherche des solutions pour augmenter le soutien monétaire des comités responsables, la
formation des experts, la création d’un champ pour l’échange des expériences personnelles et l’introduction
des administrations dans la procédure de protection de ce patrimoine.
17 Du dernier jeudi de mois de juin et pendant trois jours, des soufies nomades et sédentaires effectuent ce
rituels religieux et rendent hommage au fondateur de la confrérie. Ce pèlerinage a été inscrit en 2013 sur la
liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité
18 Ils sont inscrits en 2012 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
19 La musique de l’Imzad, caractéristique des populations touarègues (de l’Algérie, du Mali et du Niger), est
jouée par les femmes avec un instrument à corde unique frotté, également connu sous le nom d’imzad. Elle
est inscrite en 2013 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité
20 Ahellil Gourara : un genre poétique et musical emblématique des Zénètes du Gourara, pratiqué lors de
cérémonies collectives. Il est inscrit en 2008 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de
l’humanité.
21 Le rituel et les cérémonies de la Sebeïba sont pratiqués sur dix jours par deux communautés vivant à
Djanet au cours du mois de Muharram. Des danseurs et des chanteuses s’affrontent pour avoir le droit de
représenter leur communauté lors d’une compétition sur neuf jours appelée « Timoulawine ». Les vainqueurs
participent le lendemain au rituel et aux cérémonies de la Sebeïba. Ce rituel et ces cérémonies ont été inscrits
en 2014 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
22 Monsieur Hachi Slimane Directeur du Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques
et Historiques.
252
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

 Sa reconnaissance par la communauté comme une partie de son patrimoine, la


fonction sociale de ce rite et sa signification culturelle actuelle pour cette
communauté.
 Les responsables à l’égard de ce rite, les participants, le savoir-faire lié à ce
dernier et ses modes de transmission.
 … etc.
En plus de ces justificatifs, il a fallu démontrer l’importance de l’inscription du rite de
distillation des roses sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de
l’humanité. De plus, il a fallu faire connaître les mesures de sauvegarde prises par le passé
et actuellement pour sa protection. Ces mesures de sauvegarde sont proposées afin
d’assurer que ce rite ne soit pas menacé dans le futur.

Figure 6-17 : Ouverture de la cérémonie de la distillation des roses (Aljazair 24, 25/04/2015)

Figure 6-18 : Exposition le long de l’avenue Figure 6-19 : Exposition à l’intérieur du palais du
Ben Boulaid 23 bey 24

23 URL : https://encrypted-
tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSV07foiVnckJtSeOAKFH7XHynkV3CSZUtNJf-
y5h5VSNp3ZFoK1A
24 URL :
http://www.nawafedh.org/sites/default/files/field/image/f4cfe756a4ed4b5da7a8bd088e12b88c_xl.jpg
253
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

2.2 Les référents persistants de l’imaginaire populaire :


2.2.1 Les espaces sacrés, lieux d’expression d’une mémoire collective :
Selon le poème «
La justicière » «‫( »المنصفة‬Annexe, page XXII) écrit par le Mufti Ibn
Mouhoub et expliqué par son professeur Abd El Kader El B’djaoui, la ville de Constantine
était pleine de légendes et de mythes présents sous forme de croyances liées à de
personnages légendaires de la ville, et à des pratiques ancrées dans la mémoire collective.
Plusieurs de ces pratiques, liées à des espaces connus dans la ville ou dans ses environs,
apparaissent dans ce poème. Parmi ces rites, on peut citer : En-Nachra ou Ez-Ziara, Zerdet
Sidi M’cid ou les vautours de Sidi M’cid, etc. Le recours à des récits ou à des poèmes a
pour objectif d’extraire la valeur du sacré ou du mythe dans la vie des individus, et aussi de
mettre en lumière les espaces consacrés à l’exercice de ces rites, et leur valeur comme des
représentations collectives d’une mémoire.
La fête des vautours est une pratique de culte regroupant une minorité de la population
constantinoise. Elle est consacrée au samedi pendant des périodes précises de l’année. Elle
se déroule au sommet du rocher de Sidi M’cid, sous forme d’une grande cérémonie dont
l’animation est assurée par les Noirs et leurs tambours. Dès les premières heures de la
journée se regroupent des familles constantinoises. Elles se cachent, dans les anfractuosités
du rocher, des yeux des curieux afin de préparer du couscous. Après le sacrifice de
quelques animaux au nom du Ouali Sidi M’cid et l’installation de quelques bougies
allumées sur des points du sommet, d’autres personnes attirent les vautours avec des coups
frappés sur un tambour. Le rôle du vautour dans cette manifestation est de prendre ce que
lui offrent les femmes. Dans leurs croyances, cet acte assure la grâce et la faveur des Ouali.
Dans le même poème apparaît un autre indice lié à l’enjolivure (‫)الزينة‬, un concept plus
proche de la journée de l’enjolivure (‫ )يوم الزينة‬des vieilles civilisations de l’Égypte. Mais
dans cette pratique de culte, cet indice est lié à la décoration d’un bouc qui a pour rôle de
faire le tour des maisons de la ville, afin de récolter l’argent nécessaire pour cette
cérémonie. D’après L. Joleaud, cette coutume fait appel aux « cultes des lieux hauts à
nécropole mégalithique et des gorges protectrices de la ville ».
Lors de sa visite pendant la fête des vautours au mois d’octobre, la roche de calcaire qui
se trouve juste derrière la cahute du marabout a attiré l’attention du capitaine Jacquot. Dans
un article paru en 1918, il a donné une description détaillée de cette roche et a émis la
probabilité de la présence, sur sa partie Nord, de deux Empreintes Pédiformes placées
l’une derrière l’autre, grosses, assez ressemblantes, profondes, avec des abords lisses, et
orientés vers l’Ouest (Jacquot, 1918, p. 58-59). Cette possibilité est confirmée par Marcel
254
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Baudouin, qui a donné davantage de justifications 25 en rapport avec la présence d’un


travail de sculpture, leur disposition sur une même ligne solaire, le but de cet alignement,
etc. Les indices récoltés et les justifications données par Marcel Baudouin laissent à penser
que ces empreintes pourraient être à l’origine de cette fête des vautours. En considération
de l’emplacement probable 26 du pied sur la ligne solsticiale Nord [Coucher au Solstice
d'Hiver], cette fête est une survivance du culte stelo-solaire, dont le vautour est le signe du
Zodiaque au Solstice d'Hiver. De ce fait, cette fête ne peut être qu’une sorte d’hommage à
cette roche sculptée.
Cette découverte révèle l’origine de ce rite, mais la pratique en elle-même est
partiellement non expliquée ; par considération pour le manque de rapport avec les
sacrifices et le rôle des vautours dans ce rite. Pour mieux comprendre, revenons à l’histoire
médiévale des gorges du Rhumel. À l’exemple des villes du Maghreb, Constantine est
passée par une longue période de guerres. Ibn Khaldoun, vers le début du XIIIe siècle,
signale que les engins de guerre étaient bien développés à l’exemple du canon chargé de
mitraille. Comme conséquence de ce développement et à cause des guerres et les
épidémies27, les destructions et le nombre important de morts ont transformé le Rhumel en
un grand cimetière et aussi en dépotoir, qui attire les oiseaux de proie tels que les vautours.
Comme suite à l’explication de la grande présence des vautours, nous questionnons la
survivance de ce rite. Cette pratique est liée à une légende arabe racontant que Sidi M’cid
était un marabout nègre. Ce dernier habitait autrefois le Sud. Ce saint commit un péché, il
mangea par défaillance en plein ramadan, un poulet noir, e en conséquence de cet acte, il
fut transformé en vautour et exilé dans le gouffre du Rhumel. Pendant ce rite des vautours,
les Noirs célébraient la mémoire de ce saint avec des danses sacrées, des festins de viande
de bouc et la distribution des morceaux de viande aux vautours (Figure 6-20).

25 « … Voici pourquoi. 1° Ils sont alignés, de façon voulue, sur une même ligne solaire (1). 2° Ils ont la
plante du même côté. 3e Ils l'ont du coté Ouest [Soleil couchant]. 4° Ils sont entourés d'un travail de
sculpture, indéniable, qui existe dans nombre d'endroits (Vendée : Le Pied de la Vierge, à Commequiers ;
Seine-et-Oise : Le Pied de Sainte- Anne, de Buno; etc.). » Marcel Baudouin in « La pierre à cavités
pédiformes de Sidi Mçid (Constantine) »
26 Marcel Baudouin n’a pas confirmé cet emplacement, cela est dû à l’absence d’orientation précise sur la
boussole.
27 « … après la dégradation ou la destruction stratégique des aqueducs romains, les citadins en furent
réduits à l'eau des citernes de la forteresse, et, quand celles-ci se vidaient au cours des sécheresses estivales,
à celle des trois ou quatre sources d'eau chaude ou froide jaillissant au fond des gorges. Il suffisait d'une
faible variation de niveau pour que cette eau se confonde avec celle du torrent et la consommation de ce
liquide pollué occasionnait fatalement des épidémies. Les chroniqueurs locaux en parlent souvent en
insistant sur celles du seizième et du dix-septième siècle qui firent jusqu'à 400 victimes par jour… » Denis
Mourad Chetti (2006)
255
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Figure 6-20 : Scène de vie, la fête des vautours à Constantine en 1890 (M. Poulli)
La survivance probable du culte stelo-solaire (Marcel Baudouin) et la célébration de la
mémoire du saint noir ont donné au rocher de Sidi M’cid la valeur d’un lieu sacré. À
l’exemple de la légende racontant l’histoire de Sidi M’cid, une autre légende remontant à
une époque plus récente a donné naissance au lieu sacré de Koubat Salah Bey, mieux
connu sous le nom de Sidi M’hamed El Ghorab (le Oueli autour duquel s’articule la
légende).
Pas très loin de la médina de Constantine se trouve « Koubat Salah Bey ». Selon les
récits des voyageurs, pendant la colonisation, ce point attirait des familles de la petite
bourgeoisie constantinoise. À côté de la bâtisse contenant le tombeau du Marabout se
trouve une enceinte qui sert de lieu de repos pour les visiteurs.
L’histoire de ce lieu remonte à l’époque ottomane durant laquelle la ville a connu
plusieurs révolutions contre les pouvoirs turcs (en majorité sous l’angle de la religion).
Également, à l’exemple de la révolution conduite par Yahya El Awrassi (un enseignant
Mufti) au XVIe siècle. Sa révolution est venue en réponse aux injustices de la part des
Turcs, précisément lors de la récolte des impôts. Au même titre que la révolution de Yahya
El Awrassi, Sidi M’hamed a été connu par sa répugnance envers les Turcs. Sa révolution à
l’époque de Salah Bey n’a pas duré longtemps avant sa proscription par le bey.
L’histoire de sa mort a connu un mélange entre l’histoire populaire et le mythe ou
proprement dit l’imaginaire populaire. Ce mélange était l’expression de la solidarité de la
société, qui consiste à la diffusion d’une légende stipulant la mort du Ouali. Selon les
récits, lors de la proscription, le corps décapité de ce révolutionnaire a été transformé en un

256
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

grand corbeau. Il a volé afin de se poser sur le toit de la propriété rurale du bey28. Salah
Bey eut peur, car il comprit que c’était là un indice de sa mort prochaine. Comme
propitiation, il décida de construire un mausolée avec une coupole blanche, dédié à
M’hamed El Ghorab, connue de nos jours sous le nom de « Koubat Salah Bey » ou « Sidi
M’hamed El Ghorab ».
«
La visite de ce tombeau est entreprise entre les familles constantinoises par En-
Nachra », une forme de rite thérapeutique 29 exclusivement féminine. Elle a pour but leur
bien-être mental et spirituel. Ce cérémonial est consacré au printemps, la période du
renouveau. Ce rite cyclique est pratiqué par des musulmanes autant que des juives. Le
parcours traversé est le seul élément qui fait la distinction 30 entre ces deux groupes
(Bestandji Siham, 2008, p.157). Il dure plusieurs jours, durant lesquels l’animation est
assurée par un groupe de musiciennes connues sou le nom de « El Fqirat ».
D’après un article d’Abd EL Aziz Filali paru dans la revue Cirta en 1979, les pratiques
exercées par les visiteurs de ce lieu tirent leurs racines des us et coutumes de la vieille
Numidie, mais elles sont influencées par les rites des Juifs. Une citation d’El Hacene Ben
Mohammed El Ouazan remontant au XVe siècle, révèle la présence d’un hammam proche
de la ville de Constantine (Figure 6-21). Ce hammam contenait entre de grosses pierres une
source d’eau chaude, lieu de vie des tortues. Selon les croyances des femmes, ces tortues
représentent des esprits malins. Si une femme tombe malade, et afin de guérir, elle doit

28 Elle se trouve à une distance d’environ 08 km de la médina de Constantine. Selon un article de Malek
Haddad paru dans le journal Annasr le 13/01/1966, la maison de campagne de Salah Bey a été édifiée sur
l’emplacement d’une cité romaine. Cette propriété du Bey contient une source thermale utilisée depuis
l’époque romaine.
29 Cette pratique se résume dans le sacrifice d’un coq - élément sacré chez les juifs - et l’enterrement de ses
os. La visite de Sidi M’hamed El Ghorab a comme but la guérison d’un malade. Après le choix du volatile
(coq ou pigeon), les femmes le préparent la nuit. Selon S. Bestandji (2008), cette préparation consiste à
enduire le volatile de parfum et l’imprégner de la salive de l’initiatrice. Le lendemain, les femmes le
sacrifient devant Koubat Salah Bey. Au cours de sa préparation, les visiteurs se regroupent pour chanter et
danser. À la fin de ce cérémonial, l’enterrement des plumes du volatile et de ses os est confié au malade.
Proche de cette coupole se trouve un bain portant le nom d’El Borma. En s’y baignant, et selon les récits, le
malade va guérir. Du point de vue des visiteurs, El Borma est une piscine sacrée ; et tout ce rite thérapeutique
est basé sur le contact avec son eau sacrée. Mais, en réalité, l’eau de la source n’est pas sacrée, et la guérison
de certains malades est due seulement à la présence d’une grande quantité de minéraux dans l’eau de cette
source chaude. Dans l’imaginaire populaire, El Borma a un autre rôle. Les femmes jettent dans ce bassin des
dattes, des pois chiches et des avelines qui attirent les tortues qui vivaient dans ce bassin d’eau chaude. Selon
leurs croyances, cet acte assure pour ces femmes la bénédiction des esprits malins représentés sous forme de
tortues. Comme finalité de cette pratique, les femmes jettent une grande quantité de parfums dans ce bassin.
La nourriture jetée attire par fois des poissons ou même des serpents. Dans ce cas, la malédiction est la seule
explication de l’absence des tortues.
30 Alors que les femmes musulmanes suivent un parcours dans lequel elles font hommage à plusieurs saints
(tombeau du Ouali Bouledjbel et de Sidi M’hamed El Ghorab), en passant par plusieurs espaces humides
(source d’eau chaude de Sidi M’cid et de Sidi M’hamed El Ghorab), les femmes juives éliminent les
tombeaux des saints musulmans de leurs visites. De ce fait, leurs sacrifices et offrandes n’auront lieu que
dans la source d’eau chaude.
257
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

immoler un volatile, le mettre dans une tasse entourée de bougies et le déposer devant la
source d’eau. La présence d’un sacrifice (sang) et des bougies (lumière) ou encore des
senteurs et des sucreries a pour but de calmer les ardeurs des forces surnaturelles
présumées initiatrices du mal que subit le malade (Bestandji Siham, 2008, p.163).

Figure 6-21 : Localisation d’El Borma (Google Earth, 19/08/2017)


Au même titre que le rocher de Sidi M’cide et Koubat Salah Bey, le Rhumel était aussi
une source de légende. Souf Jimar 31 ou Oued El Kabir est le nom du Rhumel tel qu’il
apparaît dans les vieux romans des Constantinois. Traité comme l’un des saints de la ville,
Oued El Kabir représentait autrefois un secours pour les femmes stériles et celles ayant des
problèmes conjugaux (divorce, dispute, etc.). Elles faisaient des boules de semoule grillée
additionnée de dattes écrasées ou de miel, afin de les jeter dans le lit de l’oued. Selon leur
imaginaire, cette donation entraînait la résolution de leurs problèmes.
Du point de vue des pratiquantes, ces rites permettant la communication entre les deux
mondes (le monde des vivants et le monde des morts) ont pour but de domestiquer les
forces maléfiques et d’assurer la faveur de ces esprits malins. Malgré le grand décalage
entre ces croyances et le monde réel, les différents rites cycliques ont donné naissance à
des lieux sacrés et ils ont assuré leur survivance.

31 Souf Djimar ou rivière des défilés obscurs est le nom attribué au Rhumel dans les écrits de Léon
l’Africain et l’Abbé Poiret (XVIe-XVIIIe siècle).
258
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

2.2.2 Des référents liés aux mythes et aux croyances des individus :
En plus des croyances liées à de personnages légendaires de la ville de Constantine et
des pratiques ancrées dans la mémoire collective, certains espaces ont été des sources de
légendes à l’exemple de la fortification de la porte Ouest de la médina et le mythe du palais
de l’ogresse ou Kçar El Ghoula.
2.2.2.1 La porte Ouest de la médina et l’histoire de sa fortification :
À l’exemple du fameux talisman de Grenade connu sous le nom Faroudj Er-rouah, qui
se trouve au-dessus de la porte de la Casbah et qui la protège des ennemis, et à l’exemple
de celui de Taïba qui oblige tout visiteur à trouver la solution et débloquer le mystère avant
d’accéder à la cité, Constantine avait son propre talisman protecteur qui se trouvait au-
dessus de sa porte Ouest et avait pour rôle de protéger cette ville des ennemis.
‫" … يقال إن حكماء قسنطينة األولين العارفين بموضع الطالسم و علم النجوم جعلوا بباب الوادي‬
‫ غزيت ثمانين مرة فلم يدخلها عدو و ال نال منها‬، ‫ و قد وجد مقيدا على ظهر كتاب‬، ‫رصدا ال يدخلها عدو‬
32
)1852( ‫شيئا لرصد بها من عمل الحكماء … " أحمد بن مبارك ابن العطار‬
Selon Ahmed Ben M’barek Bel Attar (1852), la fortification de la ville est due à un
vieux Talisman placé à Bab El Oued, qui remonte à une époque antérieure non précisée par
l’auteur. Il fut confectionné par des connaisseurs en astronomie. Selon les récits, ce
talisman a protégé la ville de 80 essais d’invasion.
La première citation de Ben M’barek mentionnait que ce talisman a été attaché au dos
d’un livre. Mais dans une autre citation, il a donné des précisions sur la forme et la
localisation de cette vigie. Selon l’historien, il ne pouvait être que le rempart qui se situait
autrefois à l’intérieur de Bab El Oued, détruit par le Pacha Ibn Issa à l’époque d’Ahmed
Bey, après le premier refuge de l’armée française sous la direction du comandant Joseph.
En plus de ce talisman, une vieille pratique a caractérisé les entrées de la médina de
Constantine c’était l’enterrement des Ouali (des Fouqaha ou des savants) à un endroit
proche de ces entrées. Cette pratique d’enterrement avait pour but d’assurer la sécurité
dans la médina, étant donné que, selon les croyances des habitants, l’âme du Ouali
surveille la médina et la protège des ennemis. Comme concrétisation de cette pratique, on
peut donner comme exemple la présence du tombeau d’Abi Abd Allah Es-Seghar à
Masdjid Es-Safsaf à Bab El Kantara, et du tombeau d’Abi Abd Allah Mohamed Ben
Afouness proche de Bab El Oued.

32 Traduction de la citation : « Disant que les premiers savants de Constantine qui étaient versés dans l'art du
talisman et l'astrologie ont placé à Bab El Oued un talisman qui avait pour vertu d'empêcher l'ennemi de
pénétrer dans la ville. Il est découvert attaché au dos d'un livre, elle fut assaillie 80 fois, mais aucun ennemi
n’a pu pénétrer ou prendre quelque chose de la ville grâce à une vigie confectionnée par les savants »
259
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

2.2.2.2 Kçar El Ghoula ou le palais de l’ogresse :


Ce nom connu par les habitants de la ville fait appel à des croyances disant que l’Arc de
triomphe qui formait autrefois une entrée de la ville était le palais où habitaient des diables.
Cet arc de triomphe se composait de trois portes, dont la plus grande est la porte centrale,
elle avait une largeur de 25 pieds. Les deux autres portes sur les côtés étaient plus petites.
Ernest Mercier (1903) dans son ouvrage « histoire de Constantine » témoigne de la
présence seulement des portiques encore debout à la fin du XVIIIe siècle. Selon lui, en
raison du retard lors du déplacement des pierres venant des Baléares et des difficultés de
transport rencontrées, Saleh Bey avait pris la décision d’utiliser les pierres d’une
construction romaine appelée autrefois « Kçar El Ghoula » (le palais de l’ogresse), pour la
restauration du pont d’El Kantara. De ce fait, cette construction à la veille de la
colonisation était au minimum partiellement démolie.
Concernant les inscriptions ou les décorations, on trouve deux idées complètement en
contradiction. La première de Shaw, qui mentionne l’existence d’une décoration de fleurs.
La seconde, celle de J. A Peyssonel, infirme l’existence de décoration sur l’arc et la
présence d’une inscription.
Cet arc apparaît dans une description de la ville de Constantine par El Hacene El
Ouazani. Il indique que cet arc est connu sous le même nom, « le palais de l’ogresse »,
mais cette fois-ci il donne une explication du choix de cette nomination. Selon El Ouazani,
à l’extérieur de la ville de Constantine se trouvaient autrefois plusieurs constructions
mauresques. À une distance d’un mile se trouvait un arc de triomphe correspond à celui de
Rome. Les indigènes croyaient qu’il était habité par les diables repoussés par les
Musulmans lors de leur accès à la ville.

260
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Conclusion :
L’espace urbain est le lieu de fondement des liens et des valeurs. Il est marqué par des
référents représentés sous forme de pratiques sociales. Comme suite aux divers
évènements, certaines valeurs et pratiques sont remises en cause, d’autres ont pu résister
avec une simple réadaptation aux nouveaux modes de vie. Les résultats obtenus pendant
cette recherche ont été multiples, dont le plus important est la présence d’une division
sexuelle des espaces : alors que les hommes se rencontrent dans les cafés maures et les
Tarbiâa, les femmes se regroupent pour transformer des mythes en des rites, donc, en une
mémoire collective exercée dans des lieux sacrés pendant des moments précis. Cet espace
sacré renvoie aux sources, à l’origine, donc aux souvenirs et à la mémoire qui le caractérise
et qui le définit symboliquement.

Malgré les bouleversements, une certaine couche de population partage toujours les
mêmes croyances ; c’est le cas des rites à exclusivité féminine représentés par des
sacrifices aux démons. Malgré quelques changements, à l’exemple de la mutation du lieu
de pratique ou de la méthode, ces croyances existent toujours.

Avec la résistance des croyances et des pratiques, l’espace urbain pratiqué assure sa
survie à travers le temps comme un lieu de mémoire. Par contre, un espace non fonctionnel
tel que la Tarbiâa perdra sa signification non seulement dans la vie quotidienne des
individus, mais encore dans leur mémoire, et avec le temps sa valeur dans la structure
urbaine. La disparition de cette pratique est une expression du changement de la société,
fortement basé sur le volet économique et lié aux nouveaux modes de vie. Les nouvelles
pratiques apparues dans la société ne sont qu’un héritage des pays orientaux, avec une
adaptation au contexte socio spatial local. L’appropriation de ce nouvel héritage a mis en
cause une grande part de la mémoire de la ville de Constantine. Devant ce changement de
la société et cette remise en cause d’une mémoire collective, une question se pose : les
nouvelles créations ont été elles adaptées aux valeurs et aux traditions de la société ?
Peuvent-elles assurer la survie du passé et des héritages devant les nouvelles conditions de
vie ? C’est ce que nous essaierons de découvrir dans les prochains chapitres.

261
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Travaux cités :
AHMED BEN M’BAREK, El Attar (1852). c.f GRANGAUD, Isabelle (1998). La ville
imprenable : Histoire sociale de Constantine au XVIIIème siècle, École des Hautes
Études en Sciences Sociales (EHESS), p.387.

BESTANDJI, Siham (2008). Rites thérapeutiques et bien-être spirituel. Ancrages et


résurgences. Pour un projet urbain de tourisme pèlerin. Thèse de Doctorat es-
sciences, option : urbanisme, sous la direction de Belkacem Labii, Université
Mentouri Constantine, Département d’architecture et d’urbanisme, p.157.

Idem, p.163.

CARLIER, Omar (1990). Le café maure : Sociabilité masculine et effervescence citoyenne


(Algérie XVIIe-XXe siècles), in Annales : Économies, Sociétés, Civilisations, 45e
année, Numéro 04, p. 980. URL : http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-
2649_1990_num_45_4_278882, Document généré le : 14/03/2016.

CHARLES de Gastyne (1935). Café maures à Constantine 1935, URL :


http://www.artnet.com/artists/charles-de-gastyne/caf%C3%A9-maure-%C3%A0-
constantine-tFGZt_fXCBIL1au_EoHlSQ2 .

DOUVRELEUR (1931). Constantine en 25 tableaux, deux petits prologues et un brin


d’histoire, Édition de la Jeune Académie, Paris, p.72-73.

GRANGAUD, Isabelle (1998). La ville imprenable : Histoire sociale de Constantine au


XVIIIème siècle, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), p.45, 47,
48, 49.

Idem, p.64

DI MEO, Guy (2007). Identités et territoires : des rapports accentués en milieu urbain ?,
in Métropoles [En ligne], 1 | 2007, URL : http://metropoles.revues.org/80,
Document généré le : 15/05/2007.

HEDOUIN, Pierre-Edmond-Alexandre (1868). Café à Constantine, URL :


http://idata.over-blog.com/0/49/05/21/img_4652.jpg

Il était une ville… il était Constantine, regards croisés à travers « Constantine, voyage et
séjours 1879 » de Louis Régis illustration et témoignages, Constantine, Algérie,
édition Araja, 2012, p. 63.

262
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

Idem, p. 97

JACQUOT (1918). La pierre à cavités pédiformes de Sidi Mçid (Constantine), Bulletin de


la Société préhistorique de France, Volume 15, Numéro 01, p. 58-59. URL :
http://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_1918_num_15_1_11878, Document
généré le : 07/03/2017.

JOLEAUD, L. (1937). Constantine : son passé, son centenaire (1837-1937). En Recueil


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Constantine, Vol. LXIV, Constantine, édition Braham, p. 490.

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Éditeurs, Constantine, p. 75-76.

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Constantine : la qualité acoustique de l’espace urbain, permanences et
changements, Diplôme d’Études Approfondies, ambiances architecturales et
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Université de Nantes - école polytechnique de Nantes, p. 39-40.

NOURREDINE, Toualbi (1984) Religion, rites et mutations. Psychologie du sacré en


Algérie, Alger ENAL. c.f BESTANDJI, Siham (2008). Rites thérapeutiques et
bien-être spirituel. Ancrages et résurgences. Pour un projet urbain de tourisme
pèlerin. Thèse de Doctorat es-sciences, option : urbanisme, sous la direction de
Belkacem Labii, Université Mentouri Constantine, Département d’architecture et
d’urbanisme, p.140.

PAGAND, Bernard (1989), La médina de Constantine : de la ville traditionnelle au centre


de l’agglomération contemporaine, centre interuniversitaire d’études
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Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

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Support cartographique :

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sur cette ville à l'époque du dernier bey.

Sites Web :

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http://www.cnrpah.dz/pci-bnd/.

 CHETTI, Denis Mourad (2006). L'Histoire Médiévale des Gorges du Rhumel, in


Le-Rhumel [en ligne], URL : http://lerhumel.free.fr/moyenage.htm, publié en juillet
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Aps-Est-Infos [en ligne], URL : http://localhost/aps-ouest/spip.php?article29997,
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 Distillation de l'eau de roses et de fleurs d'oranger à Constantine, in Overblog [en


ligne], URL : http://mariedjiness.over-blog.com/2015/05/distillation-de-l-eau-de-
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 Google Earth, 19/08/2017

 Le bon vieux temps à Constantine, in blog de sentawa [en ligne], URL :


http://sentawa.skyrock.com/2624088726-LE-BON-VIEUX-TEMPS-A-
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 Le passé de la médina en jachère : Disparition progressive des fêtes populaires à


Constantine, in La tribune, Nourbouka [en ligne], URL :
https://nourbouka.blogspot.com/2014/04/2005_3572.html, article publié le
10/04/2014.

 URL : http://4.bp.blogspot.com/_5zroOKkJJ8E/SSqu-
J_bANI/AAAAAAAAA2M/HfJ--rxRwlU/s400/3156.jpg

265
Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective

 URL : https://encrypted-
tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSV07foiVnckJtSeOAKFH7XHynkV3CSZ
UtNJf-y5h5VSNp3ZFoK1A

 URL : http://aljazair24.com/hot-news/16555.html, mis en ligne le 26 avril 2015.

 URL : http://aljazair24.com/wp-
content/themes/aljazair2/timthumb.php?src=http://aljazair24.com/wp-
content/uploads/2015/04/11200927_456035934561637_4728353194415448784_n.
jpg&h=395&w=840&zc=1

 URL :
http://www.nawafedh.org/sites/default/files/field/image/f4cfe756a4ed4b5da7a8bd0
88e12b88c_xl.jpg

، )‫ اآلن جريدة إلكترونية في الكويت و الخليج (نسخة رقمية‬، " ‫" 'قسنطينة تحتفي بعيد تقطير الورد لمدة أسبوعين‬
: ‫مصدر‬
، http://www.alaan.cc/pagedetails.asp?nid=224262&cid=46#.WUVgoZI1_Dc
.2015 ‫ أفريل‬29 ‫نشر في‬

http://www.el- : ‫ مصدر‬، "‫ "عادة عريقة ترفض االندثار وماء يستعمل في األكل والعالج‬، ‫ز‬. ‫زبير‬
.2017 ‫ أيار‬04 ‫ نشر في‬، massa.com/dz/index.php/component/k2/item/36189

"‫ انطالق عيد المدينة السنوي "تقطير الزهر والورد‬: ‫ " بكرنفال استعراضي معبأ بعبق األصالة والتراث‬، ‫ س‬. ‫س‬
: ‫مصدر‬ ، )‫رقمية‬ ‫(نسخة‬ ‫الحدث‬ ‫جريدة‬ ، " ‫بقسنطينة‬
. ‫ ماي‬09 ‫ نشر في‬، http://essalamonline.com/ara/permalink/63135.html

‫ جزايرس محرك بحث إخباري‬، " ‫ إرث عريق يصارع من أجل البقاء‬: ‫ " تقطير الزهور بقسنطينة‬، ‫شبيلة ح‬
05 ‫ نشر في‬، http://www.djazairess.com/elmassa/21816 : ‫ مصدر‬، )‫(نسخة رقمية‬
.2009 ‫جوان‬

)‫ الفجر جريدة يومية مستقلة (نسخة رقمية‬، " ‫ مهارة وخبرة منذ القدم‬..‫ " تقطير ماء الزهر والورد بقسنطينة‬، ‫ م‬.‫ق‬
‫ نشر في‬، http://www.al-fadjr.com/ar/index.php?news=244456?print : ‫ مصدر‬،
.2013 ‫ ماي‬11

‫ جريدة النصر‬، "‫ " اقتراح تسجيل " تقليد تقطير الورد " كتراث معنوي محفوظ لدى اليونيسكو‬،‫نور الهدى طابي‬
http://www.annasronline.com/index.php/2014-08-09-10- : ‫ مصدر‬، )‫(نسخة رقمية‬
.2015 ‫ سبتمبر‬29 ‫ نشر في‬، 34-08/22402-2015-09-29-21-54-46

266
‫‪Chapitre VI : Des lieux de manifestation d’une mémoire collective‬‬

‫هاجر زقرير ‪ " ،‬إنطالق فعاليات تظاهرة عيد تقطير الورد والزهر بقسنطينة في طبعتها الثامنة " ‪ ،‬الجزائر ‪24‬‬
‫جريدة (نسخة رقمية) ‪ ،‬مصدر ‪ ، http://aljazair24.com/hot-news/16555.html :‬نشر في‬
‫‪ 26‬أفريل ‪.2015‬‬

‫‪267‬‬
CHAPITRE VII :
DÉRACINEMENT OU
TRANSFORMATION DES
RÉFÉRENTS
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Introduction :
L’application de certaines théories du mouvement moderne a donné naissance aux
grands ensembles. L’un des objectifs de cette nouvelle forme est la construction d’un
nombre important de logements dans un temps restreint et à des prix modérés, afin de
répondre aux besoins en logements. Comme un type d’habitat économique et rapide dans
sa réalisation, il assurait l’égalité sociale, par l’offre multiple de logements sociaux. Ce
mode de production s’appuie sur des plans majoritairement conçus sur un modèle standard
et universel. Il exclut la participation sociale durant toutes les étapes de la conception à la
réalisation. Cet état marque une rupture totale avec les référents de la ville traditionnelle et
le contexte local de la société. La présence d’une telle rupture nous oriente vers le choix de
cette production comme second cas d’étude, dont le but est l’examen des changements afin
de faire apparaître les référents persistants à travers le temps.
En Algérie, les premières cités des grands ensembles étaient connues grâce au Maire
d’Alger1( Myriam Maachi Maïza, 2008). Comme solution à la crise de logement, il a lancé
de grandes opérations de construction aussi bien pour les colons que pour la population
autochtone. Depuis, cette forme a été généralisée dans tout le territoire algérien après le
lancement du plan de Constantine. Au lendemain de l’indépendance, l’État algérien a
poursuivi la construction des chantiers délaissés par la colonisation.
Pour la ville de Constantine, la pensée haussmannienne a caractérisé la superposition de
la ville coloniale sur la médina et les extensions sur le Coudiat Aty, Belle vue, Sidi
Mabrouk et le Faubourg Lamy au début du XXe siècle. L’industrialisation et l’universalité
du concept du confort ont donné naissance à un nouvel habitat, dont le principal caractère
était la production en série et la typification des plans. Le principe de conception de tous
les plans était la hiérarchisation des voies de communication, l’éclatement des îlots et
l’isolement des édifices dans la verdure.
Cette politique des grands ensembles a été appliquée dans la ville de Constantine au
début sous forme d’habitat haut standing dans la partie haute de la vieille ville. Par la suite,
dans des cités de 200 logements2 à l’échelle d’un quartier destinées aux Européens,
précisément à une couche sociale démunie. Vers l’an 1959, il y avait le lancement d’un
programme pour la réalisation de 700 logements, dont une grande partie sera destinée à la
population autochtone. Mais, ce nouvel espace est conçu pour un usager européen, dont

1 Mr Chevalier J. J. : Maire d’Alger pendant les années 50


2 La cité Gaillard regroupe un nombre élevé par rapport aux restes (Bel Air, Belle Vue, Sidi Mabrouk, etc.)
égale à 400 logements.
269
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

l’adaptation sera plus rapide et évolue harmonieusement avec son mode de vie, car elle
répond logiquement à leurs besoins socioculturels. À ce niveau, la question qui se pose
s’articule autour de l’usager indigène : aura-t-il sa place dans ce nouvel espace ?
L’adaptation sera-t-elle facile ? Ou s’orientera-t-il vers la recherche de solutions pour
adapter l’espace à son mode de vie ? Si c’est le cas, que peuvent être ses référents ?

270
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

1. Présentation du cas d’étude des grands ensembles :


Dans le but d’analyser le vécu des habitants et l’usage de l’espace public dans les
grands ensembles, nous avons choisi une aire d’étude regroupant six cités : le 20 août
1955, Ben Boulaid, Kadi Boubaker, Filali, Ben Zekri (les Terrasses) et Fadhila Saâdane.
Cet ensemble s’étale sur une superficie de 63,40 ha (figure 7-01) et regroupe, selon le
RGPH 2008, 8 516 habitants de différentes couches sociales répartis sur 173 constructions
et selon une densité moyenne de 134,3 hab./ha.

Figure 7-01 : Plan de la zone d’étude

271
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Selon leurs dates de création, ces différentes cités se subdivisent en deux catégories. La
première regroupe des cités réalisées pendant la colonisation et complétées juste après
l’indépendance telles que les deux cités Filali et les terrasses (ex Bellevue les jardins) qui
font partie des chantiers délaissés par la colonisation et complétés dans le cadre de
«
l’opération carcasse » après l’indépendance. La seconde catégorie regroupe les cités
créées suivant le programme des réalisations de l’an 1972, dont la cité 20 août 1955 est
l’une des premières cités réalisées en industrialisation lourde.
2. Organisation spatiale :
Les cités formant cette zone d’étude occupent une assiette foncière d’une forme
géométrique irrégulière. Dans le but de comprendre l’organisation spatiale de cette aire
d’investigation, nous faisons recours à la cité 20 août 1955 comme un exemple à expliquer.
Son projet de réalisation comptait 1 039 logements répartis sur une superficie de 15 ha,
réalisé par la Société Nationale de Bâtiment « SONATIBA», qui avait opté pour un système
d’industrialisation lourde français c’était « le système pascal ou le système des panneaux
sandwichs de préfabrication lourde » (Benidir Fatiha, 2007, p.136).
Cette cité regroupe des immeubles de R+4 et R+5, suivant des modules de base de 14 m
de longueur et 10 m de largeur, où chaque immeuble dispose d’un nombre de un à six.
Malgré la densité élevée par rapport à la moyenne nationale 3, nous constatons la présence
de quelques poches vides occupées par la suite par des équipements nécessaires au bon
fonctionnement de la cité.
Son organisation spatiale a été dictée par deux éléments. Le premier était la pente du
terrain, étant donné que lors de sa création, il a fallu réaliser plusieurs plateformes pour
porter les immeubles, et créer des escaliers et des rampes carrossables dans les différents
points de la cité pour assurer son accessibilité. Le second élément était le déplacement de
la grue qui a conditionné la réalisation de grands immeubles bordant les voies de
communication, ce qui a permis de laisser de grandes étendues entre les immeubles.
« … Par sa position fixe, la grue dispose des bâtiments autour de ce centre, ce
qui détermine des “espaces communautaires” plus ou moins grands selon la
taille des immeubles qui les encadrent… » Benidir Fatiha (2007)
Ces grandes surfaces délaissées après l’implantation des bâtisses (89,97 % de la
superficie totale de l’aire d’étude) n’étaient pas bien définies, ni dans la forme non plus
dans la fonction. De même, les îlots de différentes tailles et formes sont le résultat de

3 La densité brute dans la cité est égale à 69 logements par hectare, alors que la moyenne nationale est égale
à 49 logements par hectare.
272
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

l’application du principe d’alignement de certains immeubles suivant les voies de


communication.
La trame viaire de cette zone d’étude est conçue selon une logique fonctionnelle. Au
niveau de toute la zone, nous constatons la fluidité de circulation. Cet état est dû à la
hiérarchisation des voies mécaniques de la voie principale à celle de desserte. Le seul
élément qui peut gêner cette fluidité est le stationnement informel sur les deux côtés de la
voie mécanique.

Figure 7-02 : Accès vers le quartier, aires de stationnement et arrêts de bus

273
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

« Les grands ensembles et plus généralement les quartiers aménagés à partir


des années 1960 forment des espaces assez peu différenciés. Ils s’organisent
presque entièrement autour de la circulation et du stationnement automobile […]
L’espace public résiste mal à la distribution fonctionnelle des espaces et à la
temporalité qu’autorise désormais la mobilité automobile […] son appropriation
se réduit à la mobilité… » B. VOISIN (2001)
Le stationnement dans cette zone d’étude se fait soit sur les deux côtés de la voie
mécanique ou dans des parkings (figure 7-02) qui n’étaient depuis quelques années que de
vastes étendues délaissées entre les bâtiments. Ces étendues ont été utilisées comme des
aires de jeux préférés pour les enfants de 4 à 14 ans, ou encore comme des dépôts
informels des déchets ménagers.
Les aires de stationnement occupent actuellement une superficie égale à 3,67 ha, ce qui
représente 5,79 % de la superficie totale de la zone d’étude. En référence au règlement
dicté par le PDAU applicable dans cette zone d’étude, précisément à l’article 60 « accès,
parkings et stationnement » dans les zones à usage résidentiel, nous devons réserver au
minimum une place pour deux logements. Par opposition au règlement, cette aire d’étude
souffre d’un déficit, cela est observable à travers le stationnement informel au bord de la
route et l’usage des trottoirs comme des aires de stationnement.
Pour les établissements à usage commercial tels que le marché couvert de la cité Fadhila
Saâdane, selon les dispositions du même article 60, pour une surface commerciale
dépassant 250 m², une aire de stationnement de 50 m² doit lui être destinée, pour ce marché
couvert dont la superficie est de 698 m², l’aire de stationnement avoisinante est de 465 m².
Ce cas est applicable pour le reste des marchés dans cette zone d’étude, mais avec une
prise en considération du partage de l’aire de stationnement avec les riverains. C’est le cas
du marché de la cité 20 août 1955 (figure 7-03), la superficie du marché est de 704 m² et
l’aire de stationnement est de 476 m². Avec une prise en considération des quatre blocs de
bâtiments qui partagent cette même aire, le problème de stationnement se pose souvent.

274
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Figure 7-03 : Le marché de la cité 20 août 1955 (auteur, 19/09/2015)


2.1 L’espace de confinement :
Le but de la quantification de cet indicateur est de trouver des arguments ou des
explications aux différentes sensations des individus dans l’espace public. Nous avons
mentionné avant cela que le sentiment passe d’une phobie des espaces clos à une perte des
repères dans un espace trop ouvert. Dans ce cas d’étude, le rapport largeur/hauteur des
constructions varie de 0,95 à 3,52. Dans les cas qui sont entre la valeur de 01 et de 03 (1 <
La/H < 3), l’usager a le temps d’observer l'espace dans sa verticalité.
Alors que 29,79 % des enquêtés expriment leur familiarité avec l’espace par le non-
besoin de repères pendants leurs déplacements, le reste de la population enquêtée utilisent
des composantes spatiales pour se repérer dans l’espace. 10,64 % des enquêtés se réfèrent
aux façades des bâtiments(figure 7-04). Ils les utilisent pour faire la distinction entre les
cités, car malgré la standardisation, d’après les habitants chaque cité possède une façade de
bâtiments propre.

La cité 20 août 1955

275
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

La cité Ben Boulaid

La cité Filali
La cité Fadhila Saâdane

La cité Kadi Boubaker

Figure 7-04 : Des façades de bâtiments de quelques cités (auteur, 2018)


276
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Au même titre que les façades, les individus utilisent les voies de communication et les
aires de stationnement en tant que lieux de regroupement, auxquels ils se réfèrent (figure 7-
05).
6,38 % de la
population enquêtée ont Equipements
40%
utilisés les espaces verts Rien 30% Façades
et les aires de jeux 20%
comme des repères. 10%
Arrêts de bus Locaux de
L’ignorance de ces deux et parkings 0% commerce

composantes de l’espace
public par le reste des
Voies Marchés
enquêtés est due à leur
Espaces verts
illisibilité causée par et aires de
jeux
l’absence d’une
Figure 7-05 : Référents utiles dans l’espace public
délimitation physique
(enquête sociale, 2014)
(figure 7-06).
En comparaison avec les résultats de l’enquête sociale, les individus qui les utilisent
comme des référents habitent la même cité « 20 août 1955 », dans laquelle se localise le
grand nombre d’aires de jeux et d’espaces verts achevés, donc à limites physiques claires
et précises (figure 7-07).

Figure 7-06 : L’aire de jeux


abandonnée de la cité kadi
Boubaker

277
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Figure 7-07 : Des aires de


jeux de la cité 20 Août 1955
(auteur, 2018)

Lors de la création des différentes cités, et à l’exemple de la cité 20 août 1955, les
promoteurs n’ont livré que le logement et les équipements éducatifs nécessaires au
fonctionnement de la cité. Actuellement, l’ensemble des six cités regroupe 2 290
logements, et possède un nombre important et varié d’équipements (figure 7-08) : 03
CEM, 06 écoles primaires, 02 mosquées l’une d’elles est toujours en cours de réalisation,
une polyclinique, 02 maisons de jeunes, la BNA, CPA, l’Office de la Promotion et de la
Gestion Immobilière (OPGI), la direction du transport, un hammam, 02 douches, la mairie,
le cadastre, sûreté urbaine (18e), 02 agences d’assurance (la CAAT et la CAAR), etc.
Malgré la présence d’une structure administrative importante dans cette zone, seulement
6 % des enquêtés font référence aux équipements lors des déplacements. Cela est dû au
regroupement des équipements dans des points en formant de petits centres administratifs.

278
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Figure 7-08 : Équipements structurants

279
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

S’ajoutent à cette structure administrative des commerces au niveau des rez-de-chaussée


des bâtiments sur quelques axes précis, auxquels 34,04 % des enquêtés font référence.
Ce recours à des composantes spatiales n’est qu’un indicateur de l’observation
horizontale de l’espace, et de la présence du sentiment de perte de repères dans de vastes
espaces, ce qui est expliqué par les valeurs qui dépassent le 03.
2.2 La profondeur de l’espace :
De l’analyse de la figure 7-09, nous constatons que le tissu donne des résultats proches
les uns des autres, dont les valeurs varient de 0 à 11, ce qui représente une meilleure valeur
que celle du cas d’étude de la vieille ville où elle arrive jusqu’à 17. Dans ce cas, 65,22 %
de la totalité regroupent des valeurs proches de 0, dans lesquelles la profondeur de l’espace
varie entre 0 et 5. Les 34,78 % restant sont des espaces dispersés. Ils sont représentés sur le
tissu par des espaces à faible fréquentation.

25%

20%

15%

Linéaire
10% y = -0,0052x + 0,1118
(profondeur)
R² = 0,079

5%

0%
0 2 4 6 8 10 12
La valeur de la profondeur des espaces

Figure 7-09 : La profondeur des espaces dans la zone d’étude


2.3 Degré de connectivité et d’intégration :
Cet indicateur explique l’accessibilité d’un espace en fonction de sa fréquentation, et
cela à travers la mise en lumière de son degré de connectivité et son importance dans le
tissu. Alors que les valeurs de connectivité (figure 7-10)varient de 01 à 06, pour cette zone
d’étude 16,18 % des espaces donnent une valeur de connectivité très faible égale à 01. Ils
représentent en majorité de petites aires de stationnement.

280
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

60%

50%

40%
Linéaire
30% (connectivité)

20% y = -0,0647x + 0,3931


R² = 0,3607
10%

0%
0 1 2 3 4 5 6 7
Degré de connectivité

Figure 7-10 : Degré de connectivité des espaces


Ces degrés de connectivité sont fortement liés aux degrés d’intégration de ces espaces
dans le tissu, dans son ensemble et entre eux-mêmes. Les deux indicateurs d’intégration
globale et locale donnent des valeurs variées(figure 7-11). Dans l’ensemble du tissu, le
degré d’intégration varie de 0,4063 à 1,2102 où 50 % des espaces sont sous intégrés, parce
qu’ils représentent des valeurs de moins de 0,7. Par contre, le degré d’intégration locale
donne des valeurs plus élevées arrivant jusqu’à 2,2063, pour lequel juste 13,04 % du total
sont des espaces sous intégrés.

35%

30% intégration
globale
25%
integration
20% locale

15% Linéaire
y = -0,0447x + 0,1647 (intégration
10% R² = 0,1224 globale)
Linéaire
5% y = -0,0383x + 0,1205 (integration
R² = 0,0339 locale)
0%
0 0,5 1 1,5 2 2,5 3
Degré d'integration

Figure 7-11 : Degré d’intégration globale et locale des espaces

281
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

2.4 Le degré de contrôle unitaire ou de diffuse :

30%

25%

20%

15%
Linéaire
10% y = -0,0219x + 0,1135 (contrôle)
R² = 0,0437
5%

0%
0 0,5 1 1,5 2 2,5 3
degré de contrôle

Figure 7-12 : Degré de contrôle des espaces


Le degré de contrôle d’un espace influence le choix de l’usager, du fait que le sentiment
de sécurité de l’individu et la visibilité de l’espace l’incitent à choisir un espace par rapport
à un autre. De l’analyse des résultats(figure 7-12), nous constatons que les mêmes espaces
donnant une valeur d’intégration locale et globale élevée offrent un indicateur plus élevé
de choix rapide arrivant jusqu’à 0,2974, et ce, malgré leur degré de contrôle faible.
Les valeurs les plus faibles de contrôle regroupent 18,48 % des espaces étudiés. Ces
faibles valeurs sont liées à des espaces sous intégrés, à faible connectivité et à une
intégration globale et locale faible, ce qui explique leur faible valeur de choix par
l’usager(figure 7-13).

70%

60%

50%

40%
Linéaire
30%
(choix
20% y = -2,0622x + 0,4244 rapide)
R² = 0,7256
10%

0%
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3
Degré du choix rapide

Figure 7-13 : Degré du choix rapide des espaces

282
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

3. Pratiques urbaines et référents :


Le vécu urbain et les pratiques des individus dans un espace donnent d’importantes
lectures et facilitent la projection des aménagements dans le futur. De ce point de vue, la
compréhension de l’utilité de ces espaces et les catégories de population qui les fréquentent
sont les éléments les plus importants à connaître et à développer dans cette partie d’étude.
Avant d’entamer toute analyse, il faut mentionner que les espaces publics d’aujourd’hui ne
sont à l’origine que le résultat de l’implantation du bâti dans toute la zone d’étude.
Actuellement, les interventions sont ponctuelles, elles ont pour objet l’aménagement des
espaces verts et la création des aires de jeux.
3.1 L’usager dans l’espace public :
Pour l’analyse du vécu, nous avons fait recours à l’observation quotidienne et à des
entretiens avec les habitants. Les résultats obtenus nous donnent des lectures dans le temps
du changement d’usage ou d’usager des espaces publics en fonction de quelques critères et
l’avènement de quelques influents.
3.1.1 La femme, la nouvelle pratiquante de l’espace public :
Au XIXe siècle, la femme était méconnue socialement, étant donné qu’elle était coincée
dans une sphère familiale, à exercer un travail domestique. Avec l’industrialisation, elle a
pu accéder au marché du travail. À partir de là, elle est devenue visible dans l’espace
public. Vers le début du XXe siècle, la femme pratique l’espace public en égalité avec
l’homme. Pour notre cas d’étude, elle n’est apparue dans l’espace public que depuis
quelques années. Avant cela, la femme, jeune ou âgée, n’avait pas de place dans l’espace
public : la voie n’est qu’un espace de transit sans rupture, les jardins et les placettes sont
interdits même si elle est accompagnée.
En général, l’insécurité influe négativement sur la pratique de l’espace. Mais dans ce
cas d’étude, le développement de l’insécurité et le changement des mœurs dans la société
ont participé à l’introduction d’un nouveau pratiquant de l’espace, qu’est la femme. La
pratique de l’espace par elle est passée par trois étapes, allant de l’absence de la femme
dans l’espace public à son appropriation. Depuis quelques années, la femme est présente
comme une mère, donc sa présence dans l’espace public peut se traduire par un exercice de
ses activités privées. À l’écart du travail, ses activités se résument dans l’éducation urbaine
des enfants à travers son accompagnement dans l’espace public et la fréquentation des
marchés pour des obligations domestiques.
La propagation du phénomène de violence qu’avait connu le pays depuis un certain
temps a fait passer la femme d’un exclu de l’espace à un usager, pratiquant seulement
283
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

certains espaces précis et à des moments précis. La présence d’une telle délimitation
spatiale et temporelle rend le repérage de la présence d’une ségrégation spatiale sexuée
difficile. Le partage de l’espace entre l’homme et la femme pour des temps précis a été
décrié par Jacqueline Coutras comme « un cloisonnement des espaces-temps quotidiens ».
Ce jeu d’appropriation est soumis à des règles d’usage précisant : l’appartenance de
l’espace, son partage entre les usagers ou même l’exclusion de certains d’entre eux, la
manière de communiquer dans cet espace et les modes d’occupation.
Actuellement, les femmes occupent certains espaces tels que les aires de jeux pour
enfants et les espaces verts protégés, en plus de quelques espaces qui leur sont réservés
pour certains moments de la journée, il s’agit de certains bancs publics et quelques espaces
verts aménagés répartis à travers la zone d’étude. Comme usager de l’espace public, la
femme a pu passer d’une délimitation des déplacements entre le domicile, le lieu de travail
et l’école à l’appropriation d’un espace et sa réservation au sexe féminin. Cette
appropriation est à usage exclusif, mais non autonome, étant donné que ces espaces sont à
usage précis comme des lieux de rencontre des femmes, mais sans avoir une interdiction
aux autres usagers pour le reste des heures de la journée. Ces femmes appartenant à la
même catégorie d’âge (plus de 40 ans). Pour cette forme d’appropriation, l’exemple de
l’espace vert (figure 7-14) qui se trouve dans la cité Kadi Boubeker peut être illustratif, les
femmes s’y regroupent pour tricoter ou juste discuter en profitant de l’air frais. De
l’analyse des espaces appropriés par les femmes dans les différentes cités, nous constatons
la présence de quelques critères communs liés à l’état de l’espace public, dont les plus
importants sont : la propreté de l’espace, son accessibilité et son ouverture. Ces critères
assurent leur sécurité tout en évitant le sentiment de coincement.
Pour mieux comprendre ce processus d’appropriation, nous avons choisi l’observation
du comportement et des pratiques de cette catégorie d’usagers durant une longue période.
L’appropriation de l’espace s’est faite graduellement, allant de la découverte de l’espace en
groupe, la justification de la pratique à travers l’accompagnement des enfants, à
l’occupation de l’espace et la précision de la pratique à exercer.
Avant l’appropriation de l’espace, la femme passe d'abord par sa découverte à travers
l’accompagnement des enfants qui n’est qu’un justificatif, étant donné que dans la société
toute pratique exercée par la femme dans l’espace public doit être justifiée. En seconde
étape, il y a la découverte de l’espace en groupe. Cette étape se rapproche d’une démarche,
connue sous le nom de « Les marches exploratoires », développée au début des années 90
par Metro Action Committee on Public Violence Against Women and Children (Blanze
284
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Marie, 2009/2010). Cette démarche est basée sur la découverte d’un espace mentionné au
préalable comme insécurisé pour un groupe d’usagers. Accompagné d’un animateur, ce
groupe aura le temps de découvrir et d’analyser l’environnement. Ce passage par
l’observation de la réalité urbaine assure, comme finalité, une meilleure appropriation de
l’espace. Passant par ce même principe, les femmes dans cette zone d’étude ont pu
pratiquer certains espaces mentionnés depuis des années comme des espaces à exclusivité
masculine. Mais comme nous l’avons précisé auparavant, en plus de la pratique de
l’espace, la femme a pu s’en approprier certains, par un usage exclusif féminin qui a pris la
forme des Qaeda, malgré le manque d’aménagement approprié.

Figure 7-14 : Lieu de rencontre des


femmes, espace approprié à usage
exclusif, mais non autonome
(auteur, 25/03/2012)

3.1.2 Les groupes de jeunes dans le quartier :


Un élément important caractérise la pratique des espaces publics dans cette zone
d’étude, c’est la distance en termes de rencontre et d’échange entre les différentes tranches
d’âge. D’un point de vue sociologique, l’un des critères de la civilité se consacre à travers
ces distances. À la fois, elles façonnent la perception de l’espace public et elles offrent des
possibilités d’avoir des intentions ou des arrière-pensées qui structurent directement ou
indirectement l’espace, le délimitent et lui donnent un caractère public ou privé, en
fonction de la valeur donnée aux échanges entre les tranches d’âges.
Pour ce cas d’étude, nous notons l’importante exploitation des lieux de passages par
deux catégories de population : les plus âgés et les jeunes. Pour les groupes de jeunes, la
visibilité des espaces influe directement la pratique et le mode d’appropriation, étant donné
qu’elle leur donne la possibilité de voir tout le monde, d’observer et de surveiller ce qui se
passe, d’éviter toute surprise inattendue, de partir dans toutes les directions à n’importe
quel moment et de ne jamais être coincé. Ces lieux de passages regroupent, en plus des
voies de communication et parkings, les entrées des immeubles.
Ces espaces interstitiels mentionnés comme semi-privés regroupent une couche moins
jeune entre 12 et 17 ans. Cette catégorie d’usagers refuse les places visibles et s’approprie
285
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

des espaces ayant un caractère ambigu entre public et privé. Là, ces espaces ne sont pas des
lieux de refuges, mais de croisement. De ce fait, l’appropriation n’est pas le résultat total
de l’évitement du face à face avec d’autres catégories d’usagers.
Quelques surfaces libres dans la zone d’étude sont mentionnées comme des points noirs
dans le tissu. Ils sont représentés par quelques surfaces boisées (Figure 7-15) caractérisées
par une fréquentation réduite et à exclusivité masculine. Elles sont fréquentées
essentiellement par des usagers dont l’âge varie de 17 à 50 ans. L’inaccessibilité psychique
de ces surfaces boisées est due à la présence des clans qui les utilisent parfois pour se
cacher des autres, et dans la plupart du temps pour pratiquer leurs propres exercices tels
que les jeux de cartes ou autres.

Figure 7-15 : Surface boisée représentant un point noir dans le tissu


D’un point de vue sociologique, le cadre bâti dans un quartier représente une limite
physique ou proprement dit un cadre formel sans vie. Le corps actif de cette organisation
spatiale est la dynamique interne qui s’exerce dans l’espace public. Avec le temps, les
usagers auront des innovations dans leurs pratiques des espaces, étant donné que leur prise
d’âge s’accompagne par conséquent d’une avancée territoriale due à la création de
certaines relations dans le quartier ou inter quartiers et des dynamiques internes. Le
développement de ces relations influe sur les pratiques des jeunes, c’est le cas des espaces
publics de la cité 20 août 1955 qui attirent des jeunes de différents quartiers pour
différentes raisons. Selon une enquête établie sur terrains, le choix de 42 % de la
population jeune qui fréquente ces espaces est basé sur des relations établies dans le cadre
de la scolarité, 15 % sont influencés par la présence des relations familiales. Pour le reste
de cette tranche d’âge, les potentialités perçues en termes de loisir ou autre dirigent leur
choix.

286
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

3.1.3 L’enfant et le changement des pratiques en fonction des


disponibilités :
Cette aire d’étude dispose de six aires de jeux achevées, mais d’une localisation,
superficie et fréquentation variables. Dans l'ensemble, elles totalisent une superficie de 3
466,51 m². Mais, leur distribution entre les cités n’est pas équitable, étant donné que la cité
20 août 1955 dispose de cinq, ce qui représente 62,20 % de la superficie totale des aires de
jeux. La cité Kadi Boubeker ne dispose que d’une seule aire non fonctionnelle occupant 1
310,48 m², donc le 37,80 % de la superficie totale des aires de jeux. Pour le reste des cités,
elles ne disposent d’aucune aire de jeux.
Depuis moins d’une décennie, les différentes cités ne disposaient d’aucune aire de jeux.
Du fait que seuls les vastes terrains vagues entre les blocs de bâtiment attirent les enfants,
cet état avait une influence sur le choix des jeux des enfants : jeux de billes, cerceaux, vélo
et autres. Avec le temps, la création et l’achèvement des aires de stationnement, à travers
les différentes cités, ont offert une autre assiette aux enfants. Cet état a généré un
changement des jeux en fonction des disponibilités. Comme résultat, les jeux de billes et de
cerceaux ont disparu et ont été remplacés par les rollers et les trottinettes.
3.2 Pratiques polymorphes : un détournement d’usage des espaces publics
ou une chronotopie4 urbaine ?
3.2.1 Le commerce, animateur des espaces publics :
En tenant compte de son rôle important comme animateur de l’espace public, le marché
est l’un des éléments importants pour la vie du quartier, que ce soit sous sa forme
réglementée ou informelle. Les cinq petits marchés informels éparpillés dans cette zone
d’étude occupent des aires de stationnement pendant les heures du matin.
Ce type de commerce informel attire un nombre important d’habitants dans la majorité
sont des femmes, il facilite ainsi les courses et élimine le besoin de se déplacer vers
d’autres espaces plus éloignés, particulièrement pour la population âgée. Les commerçants
ambulants mettent en vente des produits de premières nécessités tels que les fruits et les
légumes, en plus de petits articles tels que : la vaisselle et des éléments utiles et à usage
quotidien dans les maisons. Ces activités informelles ont engendré la saturation de
l’espace, perçue à travers les problèmes posés au niveau de la circulation mécanique et du
stationnement, et les nuisances sonores et visuelles.

4 Concept utilisé par Thierry Paquot : « une utilisation fonctionnelle diversifiée de l’espace qui prend chaque
fois une ambiance différente dans une périodicité constante ».
287
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Malgré leur statut informel, et contrairement aux restes des espaces publics dans cette
zone d’étude, cette présence des marchands ambulants a donné une fonction à l’espace.
Alors qu’auparavant, ces espaces n’avaient aucune fonction et ne représentaient que des
espaces de transit. Actuellement, ils sont marqués par une importante présence féminine,
par une fréquentation élevée par toutes les tranches d’âges, et par le développement des
pratiques de rencontre et de regroupement. Par opposition aux marchés légaux, dans
lesquels nous pouvons mentionner l’activité partielle du marché couvert qui se trouve dans
la cité Fadhila Saâdane, les deux autres marchés attirent une certaine couche de population
(des travailleurs). De même, ils sont moins fréquentés pendant la matinée. Ces deux
marchés de la cité 20 août 1955, remontent aux années 1972/1973. Ils sont construits sous
forme de barres d’un seul niveau destinées à accueillir une grande variété de commerces
quotidiens. La première barre est adossée au talus (figure 7-03) alors que la seconde
représente des modules de 18 m² jumelés dos à dos.
3.2.2 Les espaces verts, entre l’abandon et la mauvaise fréquentation :
Lors de la création des différentes cités, toutes les intentions ont été mises sur l’urgence
de la réalisation pour répondre à la crise de logement. Cet intérêt donné à la procédure de
la réalisation a mis en cause les espaces publics dans les différentes cités.
Selon les dispositions du PDAU applicables dans cette zone, et en référence à
l’article 59 « Espaces paysagers et plantations », à l'exception des voies et des aires de
stationnement, toute surface accessoire au bâti doit être plantée. Ces surfaces font partie de
l’espace vert dans les différentes cités au même titre que les plantations
d’accompagnement et d’alignement, les squares et les jardins.
Les vastes espaces verts dans ce cas d’étude n’ont pas une forme précise, où leur
étendue est délimitée par son enveloppe. Ces espaces verts peuvent être classés comme des
espaces illisibles, en raison du manque d’une limite physique bien observée par l’usager.
Un autre élément qui accentue cette situation est leur état d’insalubrité. À ces jours, la
majorité de ces espaces est utilisée comme des dépôts des ordures, et cela malgré les
procédures de nettoyage programmées par les services d’hygiènes de la commune. Par
opposition, quelques jardins publics dans cette aire d'investigation ont une forme régulière,
dont deux se trouvent dans la cité de Fadhila Saâdane et un autre au centre de la cité Filali.
Le jardin de la cité Fadhila Saâdane (figure 7-16) s’étale sur une superficie de 1,2 ha,
d’une forme régulière, et accessible de ses trois côtés. Ce jardin se trouve au centre d’une
zone résidentielle. Il est délimité par des blocs de bâtiments de deux côtés et d’une maison
de jeunes de l’autre côté. Cette localisation le qualifier comme un espace de regroupement
288
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

pour les jeunes et les adultes. Particulièrement avec la présence d’un boulodrome en bon
état. Ainsi, chaque fin de journée, cet espace devient une destination d’un nombre
important de personnes de différents âges et de toutes les cités.
Également, sa présence sur un axe routier utilisé pour l’examen de conduire et proche
d’un CEM, lui offrent l’opportunité d’être un espace de repos et d’échange de toutes les
catégories d’âge et des deux sexes. Depuis quelques années, et avant le choix de ce lieu
pour cet examen, la femme était totalement exclue de ce jardin. Mais, la présence féminine
pendant toutes les matinées a poussé les femmes âgées à prendre une pose lors de ses
déplacements dans cet espace. Comme résultat, actuellement ce jardin représente un espace
de repos et de détente des vieux de la cité.
Le second jardin dans cette même cité de Fadhila Saâdane ne représente dans sa moitié
qu’un espace de transit. Sa seconde moitié est fréquentée par des clans de jeunes.
Également, la présence d’un petit abri pour un mouton de combat limite la fréquentation de
cette partie du jardin.

Figure 7-16 : Le jardin de la cité Fadhila Saâdane (auteur, 11/12/2015)


L’autre jardin se situe dans la cité Filali. Il est caractérisé par une fréquentation élevée,
malgré son inachèvement. D’une forme rectangulaire, ce jardin s’étale sur une superficie
de 0,3 ha, d’une largeur de 38,03 m et une langueur de 84,5 m.
Ce jardin regroupe à la fois des espaces minéraux et d’autres verts. Il représente, d’un
point de vue de ses usagers, un espace de regroupement et de rencontre pour les adultes, et
une aire de jeux pour les enfants de moins de six ans. Cet espace connaît une fréquentation
élevée du sexe féminin, dont l’âge de cette catégorie est de plus de 50 ans. La partie non
aménagée de ce jardin représentée par le talus est réservée aux clans de jeunes, mais suite à
l’enlèvement des grands arbres, cette fréquentation a connu une grande diminution.
Le jardin de la cité de Ben Boulaide est connu entre les habitants par son nom Djnane
Ben Boulaide. D’une forme plus ou moins triangulaire, il dessine le reste de la surface de
l’îlot de terrains délaissé après l’implantation des blocs de bâtiments.

289
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Malgré la présence de grands arbres et la fraîcheur connue pendant toutes les saisons, ce
jardin connaît une très faible fréquentation. Cette dernière est due à son inaccessibilité
psychique. Cette dernière est liée à la présence d’une limite matérielle qui entoure tout
l’espace, de même au manque d’un accès clair pour l’usager. S’ajoute à cet état le manque
du mobilier urbain, à l’exception de quelques bancs publics en bois répartis
anarchiquement dans le jardin, et qui font partie de ces désagréments.
Au mépris de ces inconvénients, cet espace est accessible pour des groupes de jeunes et
des patriarches de la cité, dans lequel leurs pratiques se résument dans les jeux de cartes et
les discussions. Malgré sa présence sur l’axe routier et sa localisation centrale, les usagers
préfèrent le recours aux trottoirs et aux accès des immeubles afin de les utiliser comme des
aires de jeux et des espaces de rencontre au lieu d’utiliser ce jardin.
Partant de ce principe : « tout fait façonne un mot et tout mot modèle un fait », la non-
nomination d’un élément cause son abandon au cours du temps. Avec le temps, de
nouvelles pratiques sociales se développent, par conséquent, de nouveaux vocables
apparaissent, afin de désigner les deux à la fois l’espace et la pratique. Comme nous
l’avons déjà mentionné, seulement 6,38 % des enquêtés ont utilisé les espaces verts et les
aires de jeux comme des repères. La négligence de ces espaces du dialecte peut s’exprimer
par une existence physique ou matérielle et une inexistence culturelle. De ce fait, ces
espaces sont désintégrés de la vie sociale, du fait qu’ils n’ont pas une pratique propre, ou
du point de vue des usagers ils ne répondent pas aux normes. Par conséquent, ils ne sont
pas vécus et ils ne seront pas perçus comme il était prévu lors de leur création.
L’expression utilisée dans le parler des habitants pour donner un nom aux différentes
composantes de l’espace public est toujours la même, c’est le dehors. Pendant l’entretien
mené avec un certain nombre d’habitants, quelques précisions sont apparues pour désigner
quelques composantes. Comme mots utiles, il y avait la rue et le parking. La rue, mais pas
Zenka, car elle ne répondait pas aux normes. Cette distinction est due à la largeur de la rue
et l’éloignement des constructions de cette dernière, ce qui élimine la notion de bordure
des deux côtés. Le parking qui joue trois rôles à la fois, comme aire de stationnement, aire
de jeux pour les enfants et une surface réservée aux commerces informels pendant les
matinées.
La première lecture du concept du dehors est que tous les espaces publics ne sont que
l’extérieur de leur maison. La seconde lecture, les pratiques exercées par les habitants dans
ce dehors peuvent être semblables ou les mêmes dans toute la zone. Cette lecture nous

290
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

renvoie à la même idée développée auparavant, c’était le conflit des usages dans le même
espace.
Pour bien connaître l’utilité de l’espace public dans la vie quotidienne des individus
dans le quartier, nous sommes passées par une comparaison entre leurs attentes et leurs
pratiques (figure 7-17). Les usages de l’espace public sont multiples. À l’exception des
6,90 % pour qui l’espace public n’a pas d’utilité, pour le reste des enquêtés l’espace est
multifonctionnel, mais de l’analyse des résultats de l’enquête, nous retenons :
 Les deux valeurs stables dans cette zone représentent la pratique de promenade
et celle de sport. Ces deux pratiques sont exercées majoritairement par des
individus appartenant à une catégorie d’âge de moins de 30 ans. Elles sont à
fréquentation quotidienne, dans les mêmes endroits et à la même heure avec un
faible changement durant les saisons.
 34,48 % des enquêtés fréquentent l’espace public juste pour effectuer des achats.
Mais, seulement 15,38 % de cette catégorie arrivent à leur satisfaction, du fait
que l’offre en commerce dans le quartier, représentée par des activités
informelles ou réglementées, ne répond pas convenablement à cette demande.
 L’autre besoin dans l’espace public est le repos et la détente. Devant cette
demande recherchée par le ¼ de la population, seulement 7 % sont satisfaits.

40%
30%
20%
10%
0%

raisons de fréquentation Pratiques exercées

Figure 7-17 : Les raisons de fréquentation et les pratiques exercées dans l’espace public
(enquête sociale, 2014)

291
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Figure 7-18 : Taux de fréquentation des espaces publics selon les heures de la journée
3.3 Appropriation des abords des immeubles :
Entre l’offre urbanistique et les demandes sociales, l’espace public, comme support de
la vie sociale, subit des changements de la part des décideurs (acteurs institutionnels) et des
usagers. Les logiques imposées par les décideurs ont un but figé, c’est la régulation sociale,
à travers le réaménagement de l’espace ou sa revivification économique par le changement
de sa vocation. De la part de l’usager, les modifications sont d’un autre type, car elles
regroupent les représentations et les perceptions spatiales que produisent les usagers
collectivement ou individuellement d’un espace lors de sa fréquentation.
292
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Une autre forme d’appropriation de l’espace public par des individus est apparue dans
cette zone, à l’exemple de tous les grands ensembles, les habitants du RDC procèdent à la
privatisation les abords des immeubles. Cet empiètement sur l’espace public a pris
plusieurs formes, où dans l’ensemble, les espaces appropriés connaissent un détournement
d’usage :
 Empiètement sur le trottoir et marquage du territoire à travers la mise en place
de clôtures en fil de fer (figure 7-19). La création d’un espace réservé aux
membres de la famille et interdit aux étrangers a pour but la préservation de
l’intimité. Selon Oscar Newman (1972), cet acte renvoie à la notion de l’espace
défendable. En effet, les justifications des habitants, qui s’approprient l’espace
donnant sur la façade antérieure de l’immeuble, sont multiples telles que : le
regard indiscret des passants, le regroupement des jeunes devant les fenêtres,
etc. Les habitants s’appropriant l’espace donnant sur la façade postérieure de
l’immeuble, donnent la même et la seule justification : le rejet aléatoire des
déchets par les voisins.
 Extension de la sphère domestique vers l’extérieur (figure 7-20) dont le but est
la création d’une cour. Bien qu’elle fasse référence à la cour de la maison
traditionnelle, selon Zerdoumi-Serghine (1996), par sa position extérieure, elle
est plus proche de celle de la maison individuelle coloniale.
 Occupation des abords de bâtiment, la délimitation de l’espace puis la création
d’un espace de rangement (figure 7-21) ou de jardin destiné à des pratiques
rurales telles que la plantation des arbres fruitiers (vignes, figuiers, etc.) et des
plantes grimpantes. En plus de ces fonctions, l’espace approprié est utilisé pour
des pratiques domestiques ménagères telles que le séchage des grains, du
couscous et de la laine et l’étendage du linge.

Avant la création du trottoir Après la création du trottoir

Figure 7-19 : Empiètement sur le trottoir et marquage du territoire au moyen d’une clôture (auteur,
juin 2012, septembre 2018)

293
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Figure 7-20 : Extension de la sphère domestique vers l’extérieur et la réalisation d’espace type cour
(auteur, 2018)

Figure 7-21 : Empiètement sur le trottoir et création d’un espace de rangement (auteur, 2018)

Par opposition au reste des cités constituant cette aire d’investigation, l’occupation des
abords des immeubles dans la cité 20 aout 1955 était collective. Prenons à titre d’exemple
l’immeuble qui apparaît sur la figure 7-22, dont nous avons assisté à des travaux
d’entretien élaborés par les habitants, chacun selon sa journée de repos. Bien qu’ils
dessinent une continuité spatiale, les abords de cet immeuble sont divisés en trois espaces,
dont chacun a une fonction précise. L’espace donnant sur la façade postérieure de
l’immeuble est un jardin, il est utilisé comme un espace de détente pour les patriarches et
les matriarches et un espace de loisir pour les enfants à petit âge. L’espace donnant sur la
façade latérale gauche est réservé aux jeunes, il est utile comme un espace de rencontre et
de détente. L’espace donnant sur la façade antérieure de l’immeuble est un grand espace
minéral, il est destiné à des pratiques domestiques ménagères, telles que : le séchage des
grains, du couscous et de la laine, le nettoyage des tapis... etc.
Selon l’un des patriarches, malgré la présence d’une clôture en fil de fer, ces espaces
sont accessibles à d’autres usagers qui n’habitent pas cet immeuble, mais sous des
conditions. L’espace de rencontre est accessible à d’autres jeunes dans la seule condition :
s’ils sont accompagnés par un jeune habitant cet immeuble. De même, les femmes
habitants les immeubles limitrophes peuvent accéder et utiliser l’espace destiné à des

294
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

pratiques domestiques ménagères après avoir l’autorisation de l’un des patriarches


habitants cet immeuble.
D’après le même patriarche, cette coopération entre les voisins est due à la présence de
la même catégorie de population dans cet immeuble. En effet, il a été occupé en 1971 par
des familles des employés du centre hospitalo-universitaire de Constantine (CHU), depuis,
ces espaces appartenaient à l’ensemble des habitants. Malgré l’avènement de trois
nouvelles familles et leur non-participation, l’entretien collectif de ces espaces par le reste
des habitants est toujours le même.

295
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Figure 7-22 : Appropriation collective des abords de l’immeuble et la fonction affectée à chaque espace (auteur, 20/01/2019)

296
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Conclusion

Durant cette étude nous nous sommes intéressées à une aire d’étude regroupant six cités
d’habitat collectif, dans lesquelles se cohabitent 8516 habitants de différentes couches
sociales. Selon leur date de création, ces cités se subdivisent en deux catégories. La
première regroupe des cités créées pendant la colonisation ou complétées (achevées) juste
après l’indépendance. La seconde regroupe des cités réalisées en 1972 en industrialisation
lourde.
Selon Beaujeu Garnier (1995), la présence de trois fonctions dans le système urbain
donne des indices sur le degré de mixité fonctionnelle du système. Ces trois fonctions se
résument dans : les fonctions d’enrichissement, les fonctions de responsabilité et les
fonctions de transmission. Pour ce cas d’étude, dans la catégorie des fonctions
d’enrichissement se regroupent les commerces et les services financiers. Les fonctions de
responsabilité sont représentées par les administrations et les équipements sanitaires et
d’enseignements. Les fonctions de transmissions sont représentées par tous les réseaux de
communications. Cette cohabitation des différentes fonctions exprime la mixité
fonctionnelle et la valeur de cette zone d’étude dans le système urbain à différentes
échelles.
L’organisation spatiale de cette aire d’investigation a été dictée par le déplacement de la
grue, ce qui a donné comme résultat des ilots de différentes tailles et formes et de grandes
étendues entre les immeubles, dont la forme et la fonction ne sont pas bien définies. De
même, il a généré de larges voies de communication, ce qui a incité l’usager à utiliser des
repères de nature physique pendant leurs déplacements, telles que les façades pour faire la
distinction entre les cités, les aires de stationnement utilisées comme des espaces de
regroupement... etc. Ce recours à des composantes spatiales n’est qu’un indicateur de
l’observation horizontale de l’espace, et de la présence du sentiment de perte de repères
dans de vastes espaces.
Seulement 6.38 % des enquêtés font référence aux espaces verts et aux aires de jeux, ils
habitent la même cité, là où ces espaces sont achevés et à des limites précises. De même,
nous avons constaté la négligence de ces espaces du dialecte des enquêtés, cela peut
s’exprimer par une existence physique et une inexistence culturelle. Du point de vue des
usagers, ils ne répondent pas aux normes et ils n’ont pas une pratique propre, donc ils sont
désintégrés de leur vie sociale. À cause de leur état d’insalubrité et leur inaccessibilité
psychique, ces espaces ne sont pas vécus et ils ne seront pas perçus comme il était prévu

297
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

lors de leur création. C’est le cas quelques surfaces boisées caractérisées par leur
inaccessibilité psychique due à la présence des clans et leur fréquentation réduite et à
exclusivité masculine.
De même, la femme a pu s’en approprier certains espaces, dans lesquels les femmes se
regroupent pour tricoter ou juste discuter en profitant de l’air frais. Elle a pu passer d’une
délimitation des déplacements entre le domicile, le lieu de travail et l’école à
l’appropriation d’un espace et sa réservation au sexe féminin. Cette appropriation était à
usage exclusif, mais non autonome, du fait que ces espaces sont à usage précis comme des
lieux de rencontre des femmes, mais sans avoir une interdiction aux autres usagers pendant
le reste de la journée. Cette appropriation a été faite graduellement. La première étape était
la découverte à travers l’accompagnement des enfants pour justifier leur présence. Puis,
l’exploration en groupe, ce qui lui a permis de pratiquer certains espaces mentionnés
depuis quelques années comme des espaces à exclusivité masculine.
D’un point de vue sociologique, le cadre bâti dans un quartier représente un cadre
formel sans vie. Son corps actif est la dynamique interne qui s’exerce dans l’espace public.
Les marchés informels éparpillés dans cette aire d’étude occupent des aires de
stationnement pendant les heures du matin. Auparavant, ces espaces ne représentaient que
des espaces de transit. Actuellement, ils sont marqués par une importante présence
féminine, par une fréquentation élevée par toutes les tranches d’âges, et par le
développement des pratiques de rencontre et de regroupement. Donc, malgré leur statut
informel et bien qu’ils aient engendré la saturation de l’espace perçue à travers les
problèmes posés au niveau de la circulation mécanique, du stationnement et les nuisances
sonores et visuelles, ce type de commerce a animé ces espaces.
L’autre forme d’appropriation apparue dans cette zone d’étude est la possession à la
privatisation des abords des immeubles, dans laquelle l’empiètement sur l’espace public a
pris plusieurs formes :
 Marquage du territoire pour but de la privatisation de l’intimité, qui renvoie à la
notion d’espace défendable.
 Extension de la sphère domestique vers l’extérieur et la création d’une cour qui
fait référence à celle de la maison individuelle coloniale (Zerdoumi-Serghine
1996).
 Délimitation de l’espace puis la création d’un espace de rangement ou de jardin
destiné à des pratiques rurales.

298
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Mais en général, l’espace approprié connait un détournement d’usage. Par contre, la


forme d’appropriation apparue dans la cité 20 août 1955 est bien distincte. C’est une
appropriation collective des abords des immeubles. Elle a généré un meilleur partage de
l’espace entre les différentes catégories d’âge et une parfaite répartition des fonctions selon
les besoins des usagers.
Autrefois, l’espace public ne servait que de passage où les individus se croisent.
Actuellement, il constitue un lieu de rencontre et de discussion. Les femmes, qui étaient
totalement exclues de l’espace public depuis quelques années, utilisent aujourd’hui des
espaces verts pour sécher la laine lavée, ou pour s’asseoir sur l’herbe et discuter tout en en
surveillant ce qui se passe autour d’elles. De ce fait, la vie sociale se déroule « dehors », car
les espaces publics sont devenus les lieux privilégiés des relations sociales et des espaces
d’échange et de convivialité. L’accès de la femme et son appropriation de quelques espaces
éliminent la présence d’une répartition sexuée des espaces. L’occupation rythmée des
espaces par les mêmes usagers pendant la même période de la journée pendant une longue
durée ne s’explique pas par un conflit d'usage, mais par une « chronotopie urbaine ».

299
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Travaux cités :

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(AUDIAR), (septembre 2007). Composer la ville : trame urbaine et espace public,
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Kaddour (2005) « Appropriations de l’espace public dans les ensembles de
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http://norois.revues.org/513 ; DOI : 10.4000/norois.513, p. 04.
BENIDIR, Fatiha (2007). Urbanisme et planification urbaine : le cas de Constantine, thèse
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d’architecture et d’urbanisme, Université Mentouri Constantine, p.392.
BLANZE, Marie (2009-2010). L'appropriation des places publiques selon le genre : le
regard dans le processus d'appropriation, projet de fin d’étude, sous la direction de
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http://www.applis.univ-tours.fr/scd/EPU_DA/2010PFE_Blanze_Marie.pdf
COUTRAS, J. (1996).Crise urbaine et espaces sexués, Paris, A. Colin.
CUCHE, Denys (2010). La notion de culture dans les sciences sociales, édition La
Découverte, collection Grands Repères, p. 157.
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KOUMBA, Théodore (1992). Expérience migratoire et changement de stéréotypes
sociaux, sciences humaines et sociales, EPU, p. 101.
LIEBER, Marylène (2002). « Les marches exploratoires à Paris », dans 1er Séminaire
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URL : http://femmesetvilles.org/downloadable/lieber_fr.pdf.

300
Chapitre VII : Déracinement ou transformation des référents

Myriam, Maachi Maïza (2008). L’architecture de Fernand Pouillon en Algérie, in


Insaniyat / ‫إنسانيات‬ [En ligne], 42 | 2008, URL :
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PAQUOT, Thierry (2009). L’espace public. Édition La Découverte, collection Repères,
Paris, p. 156.
SILVANO, Maria Filomena de Almeida Paiva (1994). Mobilités : projets de vie et projets
d’espace ; les réseaux du migrant et l´identité locale, ses marcages et ses
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Pierre Pellegrino (125,143).
VANCOUVER, dans N. A. Benmatti (1982 : 20). c.f MEBIROUK Hayet, ZEGHICHE
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VOISIN, B. (2001). Espaces publics, espaces de ville, espaces de vie, c.f TOUSSAINT J.-
Y. et ZIMMERMANN M. (dir.). User, observer, programmer et fabriquer l’espace
public, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, p. 33-47.

301
CHAPITRE VIII :
ÉVOLUTION DES PRINCIPES DE LA
RURALITÉ À LA CITADINITÉ
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Introduction :
Dans le chapitre précédent, nous nous sommes intéressées à un tissu des grands
ensembles créé pendant une période de crise pour des raisons économiques et sociales pour
loger le plus grand nombre, l’industrialisation-standardisation était la solution choisie. Il
regroupe des espaces publics dans l’ensemble sont sans statut bien défini, dans lesquels les
interventions des individus étaient peu observables. Cet état a mis la relation espace/usager
en question, compte tenu de la non-implication de l’habitant dans le processus de sa
conception. Par contre, ce chapitre a pour objet un tissu dans lequel les individus ont droit
non seulement à intervenir sur l’espace public, mais également, ils participent à sa
conception. Ce tissu regroupe à la fois une cité de recasement, de l’habitat informel en dur
et de l’habitat collectif. Hormis ce dernier, le reste du tissu subit des transformations de
jour en jour. Les interventions des habitants mettent le tissu en perpétuelles mutations.
Devant cette possibilité d’intervenir, et par ignorance de l’origine des habitants de ce tissu,
nous questionnons en premier lieu l’impact des soubassements socioculturels sur la
conception de l’espace, et en second lieu, l’exercice de la vie sociale dans l’espace public,
les expressions culturelles, le degré de satisfaction et d’aboutissement de la relation
espace/usager.

303
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

1. Présentation de l’aire d’investigation :


Comme conséquence de la crise mondiale de la famine, du développement de la
mécanisation de l’agriculture, l’élimination du principe du khammès et l’accroissement du
niveau de chômage entre les paysans vers les années 1929, l’exode rural s’est intensifié.
Migrant de la compagne vers les villes à la recherche du travail, le paysan a rencontré des
obstacles, dont le logement. Devant ces contraintes, l’une des solutions était son
installation dans des zones isolées, relativement impropres à la construction, mais plus ou
moins proches de la ville.
Pour la ville de Constantine, l’une des premières zones occupées pendant cette période,
plus précisément l’an 1934 était les Arcades romaines. Sous forme de bidonvilles. Les
habitations dans cette zone étaient construites avec des matériaux hétéroclites (un mélange
de fragments de bois, de tôle et même de tissu).
Cette forme a connu un développement assez rapide pendant la guerre de libéralisation
(figure 8-01). Vers l’indépendance, le tissu urbain de la ville de Constantine regroupa une
grande partie anarchique et informelle, où les règles d’urbanisme n’ont jamais été
respectées. Ce développement du tissu informel est dû au nombre important des nouveaux
arrivants qui l’ont créé sur les bords de l’oued et dans la périphérie de la ville. Pour
construire leurs espaces résidentiels, ils se sont servis de leurs propres référents.

Figure 8-01 : Répartition de la population et du logement par type d’habitat pendant la guerre de la
libération (H. Hafiane, s.d)
Au lendemain de l’indépendance, les objectifs de l’exode ont connu un changement du
refus de la pauvreté et la recherche de l’emploi dans la ville, vers un droit à la ville. Avec
le temps, le taux d’exode rural a diminué pour atteindre une valeur égale à 1 %
conformément au recensement général de la population et de l’habitat de l’an 1977.

304
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Ce nouvel habitant a pu s’introduire à cette ville, il l’habite, la pratique, l’influence


et s’influence par elle.
1.1 Situation de l’aire d’investigation :
Notre choix s’est porté sur le quartier des Mûriers. Ce quartier a vu le jour comme cité
de recasement. Mais avec le temps, il a connu la création d’un groupement d’habitat
collectif (figure 8-02 et 8-03), avant d’être envahi par de l’habitat informel en dur et les
bidonvilles. Selon le dernier recensement général de la population et de l’habitat (2008),
cette zone d’étude regroupe une population de 16 292 habitants, dont 8 066 de sexe
masculin et 8 226 de sexe féminin. Répartie sur 3 009 logements, selon un taux
d’occupation par logements (TOL) égale à 5,41, et une densité moyenne de 69,32 logts/ha.
La zone d’étude se situe au sud-est de la ville de Constantine, à une distance de moins
de 02 km à vol d’oiseau du centre. Elle est constituée de quelques équipements à l’échelle
du quartier, de logement collectif, d’habitat individuel et de quelques habitations illicites,
et s’étale sur une superficie de plus de 43,41 km². Elle regroupe cinq cités : les Platanes,
les Mûriers, Liedbold, les Peupliers et Benteliss.
Ces différentes cités regroupent trois types d’habitat. La première forme représentée par
la cité des Mûriers est une cité de recasement datant de l’an 1958 (figure 8-05). Elle
regroupe 362 logements répartis sous forme de rangées de maisons individuelles basses
identiques et évolutives, faisant partie du plan de Constantine (1958-1960). Au début, ces
maisons étaient occupées par un nombre de 2 530 habitants, répartis selon un taux
d’occupation égale à 07 personnes par logement. Elles étaient mitoyennes, de traitement
très simple contenant une seule porte en bois, et chacune ne possède qu’un seul mur de
façade.
Attenantes à cette cité de recasement, les cités « les Peupliers » et « les Platanes » sont
construites de part et d’autre d’elle, composée chacune d’habitat collectif (figure 8-04). À
une certaine distance de la cité des peupliers et au-dessous de l’ex-usine COMAMO (siège
SRFE actuellement) se trouve la cité Benteliss composée de l’habitat informel en dur
(figure 8-06). Avec l’indépendance, cette cité a connu une extension par l’implantation
d’un nombre important de constructions illicites, dont le nombre est égal à 124 baraques.
Ces dernières sont réparties sur deux sites (Tableau 8-01) : le premier se trouve à l’est de la
cité, il regroupe 99 baraques habitées par 135 familles ; le second du côté ouest regroupe
25 baraques habitées par 32 familles.

305
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Figure 8-02 : La cité des peupliers en cours de réalisation (Ammar Hamdi, 2016)

Figure 8-03 : Une vue générale de la zone d’étude avant l’occupation des poches vides par l’habitat
illicite (Ammar Hamdi, 2016)

Tableau 8-01 : L’habitat illicite (Recensement de l’an 2010)


Nature Nombre de Nombre de Date de
Zone Superficie
Juridique Baraques Familles Création
Zone Est 11 568 Étatique 99 135 1968
Zone Ouest 2417 Privé 25 32 1988

306
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Figure 8-04 : Habitat collectif dans la cité des peupliers 1

Figure 8-05 : L’habitat individuel dans la cité des mûriers (Alain Lefebvre, 1962)

Figure 8-06 : L’habitat individuel dans la cité Benteliss (auteur, 03/05/2014)

1 Source de la première Photo : http://static.panoramio.com/photos/large/67438890.jpg . Source de la


deuxième Photo : https://encrypted-tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSlasG3Vlm3N7RuwU-
YhBimvlELquyW7dTg0pKSafDoK3VpMfuH
307
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

1.2 Structure administrative :


Cette zone d’étude ne dispose que d’un petit nombre d’équipements, dans la mesure où
seuls les services de base sont présents sur son territoire. En plus d’être peu nombreux,
hormis les équipements éducatifs et religieux, le reste des équipements sont mal répartis.
En effet, le bureau de poste, le bureau des impôts, la mairie, le service de la protection
civile et le seul collège d’enseignement moyen sont regroupés sur le même espace formant
un petit centre administratif isolé du reste du quartier (figures 8-08 et 8-09). En plus de cet
isolement, nous constatons l’absence totale des équipements sociaux d’accompagnement,
tels que les espaces de loisirs et les centres culturels.
Nous pouvons énoncer aussi la grande présence de commerces. Étant donné que le
choix du type de commerce et sa localisation dans cette zone d’étude ne sont qu’une
réponse directe aux besoins de la population, la spécialisation à travers le regroupement du
même métier dans un même espace est impossible. Dans certains cas, ils se présentent sous
forme de rues commerçantes, c’est le cas de la cité de Benteliss où le commerce se
concentre sur la rue « A » (figure 8-07)qui la divise en deux parties. Dans la cité des mûriers
se forment quelques rues commerçantes telles que la rue Belbedroune Abdelkrim et la rue
Filali. Dans le reste du quartier se répartissent de petits commerces de première nécessité.
Ces différents
équipements et La rue «A»
commerces ont un double
effet. D’une part, ils
offrent de multiples
services aux habitants, et
de l’autre part, ils
constituent des points de Figure 8-07 : La rue «A», rue commerçante dans la cité de Benteliss
repère. 2

2 Source : http://www.panoramio.com/photo/61675659?source=wapi&referrer=kh.google.com
308
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Figure 8-08 : Classification des équipements

309
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Figure 8-09 : Répartition des équipements

310
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

1.3 Opération d’embellissement :


Selon la direction d’urbanisme et de construction, une étude de réaménagement de la
cité de Benteliss a été attribuée au centre d’étude et de réalisation urbaine en mars 2014. À
l’exemple de la rue de Roumanie, elle est menée sous le volet de l’étude du
réaménagement du grand Bardo, dont le but était l’éradication des bidonvilles. L’étude
consacrée à cette zone comprend la création d’un plan de déplacement approprié et la
réhabilitation des réseaux divers (assainissement et eau potable) et du plan actuel de
l’éclairage public.
Sous le premier volet, cette zone a connu l’éradication de 99 constructions illicites, dont
la création remonte au début de l’an 1968 (figure 8-10). Selon un recensement de l’an
2010, ces baraques occupaient une superficie de 11 568 m² de nature juridique étatique.
Ces constructions éradiquées étaient occupées par 135 familles, transférées après cela vers
la nouvelle ville Ali Mendjeli.

Figure 8-10 : La cité Benteliss avant l’éradication des bidonvilles 3


Au cours des préparations de l’événement « Constantine capitale de la culture arabe
2015 », cette zone avait bénéficié d’une part de l’opération d’embellissement (figure 8-11).
Mais, elle s’est limitée à quelques travaux de peinture des façades donnant sur l’hôtel
«
Mariott » récemment créé par une société américaine portant le même nom.

3 Source : http://www.vitaminedz.org/articles/609/609992.jpg
311
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Figure 8-11 : Création d’un espace vert à l’entrée principale de la cité Benteliss 4
2. Structure sociale et organisation spatiale :
Dans l’habitat collectif, l’espace est conçu au préalable. L’industrialisation lourde ne
permet pas l’intervention sur l’espace public, hormis quelques interventions sur le
logement, l’habitant n’a que la possibilité de s’y adapter. Dans la cité de recasements,
l’habitant exprime ses besoins en introduisant des modifications seulement au niveau de
l’unité d’habitation pour l’adapter à son mode de vie. Dans la cité Benteliss, où se
regroupent 8 781 habitants, représentant plus de 52 % de l’ensemble de la population de
l’aire d’investigation, l’habitant est le seul concepteur. Il crée son espace selon ses us et
coutumes et se permet des modifications au niveau de l’habitat et de l’espace public.
2.1 Organisation de l’espace public :
Comme nous l’avons mentionné, la première forme crée dans cette zone d’investigation
est la cité de recasement « la cité des Mûriers » qui remonte à l’an 1958. Pendant qu’elle
continuait son évolution verticale, vers les années soixante-dix sur le côté nord-ouest, la
cité Benteliss était en cours de formation. Selon le statut juridique de la propriété foncière,
cette cité a connu deux formes d’occupation. La première informelle, elle a caractérisé les
terres sur la rive d’oued appartenant aux domaines. La seconde a caractérisé les terres
fertiles (plantées d’arbres fruitiers tels que : des figuiers, des vignes et des mûriers)
formant la propriété du monsieur Mohamed Benteliss, et qui sont vendues sous seing privé.
Les trois entretiens établis avec des chefs de famille pour l’examen du processus d’accès
au foncier dans cette cité, nous permettent de mettre en exergue des éléments importants :

4 Source de la première photo : https://scontent-mrs1-1.xx.fbcdn.net/v/t1.0-


9/12512427_952307951504260_298375204660545713_n.jpg?oh=3d8415727242b7a739dca81b65807129&o
e=58E1F126 ; Source de la seconde photo : https://scontent-mrs1-1.xx.fbcdn.net/v/t1.0-
9/14034923_1033767666691621_2724877041411408506_n.jpg?oh=bbeb1ca56d599e7821e4157d9923a875
&oe=58EAB0D7
312
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

1- Un patriarche âgé de 83 ans, originaire d’un village portant le nom de Bordj Sabat
de la wilaya de Guelma : « Quelques mois avant l’indépendance, et par manque de
travail j’ai pris la décision de me déplacer sans avoir un lieu ou un abri à ma
famille. Un cousin a décidé de m’accompagner avec sa famille. À cette époque nous
étions trois personnes dans la famille, j’avais une fille de presque 3 ans. Mon cousin
était marié, mais il n’avait pas encore d’enfants. En arrivant à Constantine, j’ai
trouvé une chambre à louer dans la rue de Roumanie, on était une douzaine de
familles dans la même maison. Pendant deux mois, on a pu acheter un lot de terrain
proche de la rive du Rhumel. J’ai construit une petite maison et j’y suis resté
jusqu’au début des années soixante-dix. Vers l’an 1972, j’ai pu acheter un grand lot
de terrain de Benteliss, jusqu’à ce moment mon cousin était avec moi. Je lui avais
cédé gratuitement une portion du terrain. Au début, la construction était réduite à
une chambre et ses annexes. Par manque de moyens et la présence d’un comité de
destruction, tous les travaux ont été réalisés pendant la nuit. »
2- Une matriarche âgée de 80 ans, originaire de la grande Kabylie : « On est arrivé de
la kabyle, j’avais beaucoup d’enfants et je n’avais plus de quoi les nourrir. J’ai loué
une chambre comme tous les voisins. Parmi les habitants, il n’y avait qu’un seul
homme. Il avait le rôle du chef de famille pour toutes les familles qui habitaient
autrefois cette maison. Après son déménagement, il m’a aidé à acquérir un lot de
terrain dans cette zone. De plus, c’est lui - et à l’aide des voisins - qui ont construit
ma maison mitoyenne à la sienne. »
3- Un homme d’une cinquantaine d’années originaire de la vieille ville de
Constantine : « Chassé de notre maison de Souika, on est arrivé la nuit à cette zone.
Je me rappelle, on n’avait rien entre nos mains. Ma mère était une vieille dame, et
nous étions trois enfants. Notre maison a été édifiée pendant la nuit. On ne sait
même pas à qui appartenaient ces terres. Les voisins ont rassemblé tous les moyens
nécessaires pour la construction d’une petite baraque. Je me souviens lors de la
finalisation des murs, ils ont jeté de l’argile sur ces derniers pour qu’ils paraissent
anciens afin d’induire en erreur le comité qui surveille les constructions non
autorisées. »
Les enseignements les plus importants à tirer des différents témoignages et qui
expliquent le mécanisme d’urbanisation populaire sont :

313
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

 Le rôle important des liens de parenté dans l’accès au foncier. Dès que le
premier habitant arrive, il prévient un proche (frère, cousin, etc.) pour qu’il
vienne s’installer à son tour.
 Un lot de terrain peut être divisé en deux ou trois parties selon les aspirations du
nouveau propriétaire, sans avoir des obstacles.
 L’humanisme et la générosité des habitants des quartiers populaires facilitent
l’acquisition d’un lot de terrain et la construction d’une maison.
 Le grand effort de la part de l’État pour mettre fin à l’évolution de l’habitat
informel.
Pour bien comprendre le processus et la méthode d’occupation de cette zone, le recours
aux premières implantations était plus qu’une nécessité pour découvrir l’origine de la
population occupant cet espace actuellement.
Selon des interviews élaborées avec 57 patriarches parmi les premiers résidants choisis
de différentes parties de la zone d’étude, les résultats font apparaître que 15,8 % des
interviewés ont transité par un quartier de la ville de Constantine avant d’arriver à leurs
lieux de résidence actuels. Pour ce cas d’étude, cette partie de la population habitait
autrefois la médina et la rue de Roumanie, par le fait que la solidarité familiale et les prix
de location modestes dans les quartiers populaires ou les bidonvilles offrent plus de
possibilités d’installation aux nouveaux arrivants. Les 84,2 % restant des interviewés
d’origine rurale ou venus de la périphérie de la ville n’ont pas passé par cette expérience,
car à leur arrivée de la compagne le premier lieu d’installation choisi était cette cité.
Avant de parler de l’influence des pratiques de la population rurale ou citadine sur
l’occupation de l’espace, nous avons quelques critères que nous devons les vérifier, tels
que : l’âge, le niveau scolaire, la fonction antérieure de ces premiers occupants et l’année
d’occupation.

28,07%
30%
24,56%
Pourcentage des venants

25% 21,05%
20%
15% 10,53%
10% 7,02%
5%
0%
avant 1965 1966à 1970 1971à 1975 1976à 1980 après 1980
année

Figure 8-12 : Processus d’installation (enquête, 2013)


314
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

De l’analyse de la figure 8-12, cette cité a connu une forte installation de nouveaux
résidants durant les deux décennies qui suivent l’indépendance. Après 1980, ce
mouvement a diminué vers les 7,02 %. De l’analyse des résultats, nous constatons que
61,41 % des chefs de famille étaient des analphabètes et seulement 3,51 % ont pu rejoindre
le lycée (figure 8-13).
D’une origine rurale et de niveau de scolarisation faible, que peut être l’impact sur
la conception et la pratique de l’espace ?

Figure 8-13 : Niveau de scolarisation des chefs de famille (enquête, 2013)


Avant leur arrivée, le 1/3 de la population pratiquait l’agriculture et le 1/4 n’avait pas de
fonction antérieure (figure 8-14). À leur installation, et selon les récits des habitants,
l’emploi offert à cette époque était dans l’industrie de bâtiment, étant donné qu’elle ne
demande aucune formation, ainsi toute cette couche a été orientée vers ce secteur
d’activité. À ce niveau la question qui se pose tourne autour de l’influence de cette
orientation vers la maçonnerie sur la méthode de conception, la construction et l’évolution
de cette zone d’étude.

60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
services agriculture commerce industrie autres sans
fonction
Fonction antérieure Fonction actuelle

Figure 8-14 : Fonctions des premiers occupants (enquête, 2013)


La cité Benteliss regroupe des habitants en majorité d’origine rurale venus de
différentes régions, ainsi ils n’auront pas les mêmes repères ni les mêmes référents. Coupés
315
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

de la structure initiale de leur village en rencontrant un nouvel espace physique et social,


ils n’ont que leurs habitudes prises de la vie paysanne. En interrogeant l’impact d’une telle
structure sociale sur la fabrication de l’espace, d’autres éléments sont apparus.
Avec le temps, la structure de la cité Benteliss a pu prendre une forme claire ou plus ou
moins régulière, dont les maisons sont collées les unes aux autres, en formant des
groupements de différentes formes, où l’alignement n’a pas de place et ne laisse pas de
place à la création des axes (figure 8-15).

Figure 8-15 : Vue aérienne, un ilot de la cité de Benteliss (Google Earth, 13/06/2009)
Mais cette irrégularité qui fait référence aux bidonvilles peut avoir une autre
explication. Selon les récits des premiers occupants, la construction de ce site n’était pas le
résultat d’une journée, mais elle s’est étalée dans la durée. Chaque nouvel habitant avait le
droit soit de créer sa maison collée à une autre existante, ou d’acheter une existante
toujours avec une appropriation de l’espace qui la jouxte. Car du point de vue de ces
habitants, le terrain n’a pas de propriétaire et le passage laissé entre les maisons n’est qu’un
dehors, donc il n’appartient à personne. Afin de se l’approprier, il suffit de le délimiter.
Cette appropriation peut-être individuelle ou collective, selon la localisation du chemin.
L’autre critère de l’informel est l’irrégularité. Pour pouvoir expliquer cette implantation
en apparence anarchique, nous avons eu recours aux habitants qui ont participé à sa
construction. Selon les explications qu’ils nous ont données : compte tenu de la pente du
terrain et sa localisation sur la rive du Rhumel, ce site sera plus exposé aux inondations et
afin d’éviter ce contact avec les maisons, les rues représentent les surfaces d’écoulement
des eaux pluviales. Donc, malgré leur forme irrégulière, elles sont soumises à des règles
d’organisation dictées par les conditions du site (topographie, etc.).

316
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Au début de sa création, la cité des


Mûriers a été marquée par la
dématérialisation des rues (figure 8-16).
Cela est dû à l’absence totale des trottoirs
et les rues n’étaient pas bitumées. Étant
donné que cette zone abritait des familles
de couche sociale démunie qui optent pour
des déplacements piétons, ces critères
rendent la circulation piétonne difficile et
Figure 8-16 : Une vieille photo d’un côté de la
les rues impraticables particulièrement
rue Ben Souiad 5
pendant la saison d’hiver.
Alors que la cité des Mûriers est caractérisée actuellement par l’achèvement de son
réseau de circulation, et la matérialisation des rues, l’état des rues de la cité de Benteliss est
lamentable(figure 8-17). Elles sont définies par leurs bordures (des murs en béton ou en
parpaings). De même, le trottoir est pratiquement absent de toute la cité, sauf pour l’axe
principal faisant le lien entre cette cité est les autres cités.

Figure 8-17 : Des rues spatialement mal définies de la cité de Benteliss (auteur, 03/05/2015)

5 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/quartiers/muriers09.jpg
317
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

En majorité, les passages piétons se regroupent dans la cité Benteliss sous forme
d’impasses plus ou moins étroites(figure 8-18), dont la largeur ne dépasse pas dans certains
cas le 1m. Dans le lotissement, les chemins piétons sont souvent les parents pauvres de
l’espace public, étant donné qu’ils sont peu visibles, étroits et rejetés dernière les parcelles.
Dans ce cas d’étude, ces chemins forment un réseau de déplacement à l’intérieur de l’îlot.
Ils sont utiles comme des lieux de rencontre pour les femmes et des aires de jeux pour les
enfants en bas âge.

Figure 8-18 : Quelques impasses et ruelles de la cité Benteliss (auteur, 03/05/2015)


2.2 Le laissez-faire et la spontanéité des pratiques d’occupation :
L’appropriation dans la première forme représentée par la cité de recasement est bien
distincte du reste de la zone d’étude. Elle était progressive en tenant compte de quelques
facteurs : l’évolution des besoins en logement par l’élargissement des familles et en même
temps l’évolution du cadre de vie et des possibilités financières. L’important dans cette
forme d’appropriation est sa limitation à la surface du logement. De ce fait, l’espace public
n’a connu aucun changement. Les modifications apportées apparaissent plus clairement
dans la façade de la bâtisse (figure 8-19). Au début toutes les maisons avaient une façade
type très simple. Avec le temps, la construction a évolué verticalement, et la façade a
connu de grands changements, allant de la multiplication des ouvertures à la création des
balcons et l’usage des matériaux modernes pour la décoration. Selon Sylvie Geldel, cette
étape est une expression d’urbanité.
« L’exaltation de la façade représente d’une part, une des formes de
l’expression de l’urbanité et d’autre part l’accès à un type d’habitat, la villa,
qui fut celui de la bourgeoisie coloniale. » Sylvie Geldel (1992)

318
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

La cité des Muriers l’an 1962

La cité des Muriers l’an 2015

Figure 8-19 : Les extensions verticales dans la cité de recasements (Alain Lefebvre, 1962, auteur,
03/05/2015)

Dans cette zone d’étude, les


extensions horizontales sont limitées
dans la cité de Benteliss. Elles varient
d’une construction à une autre en tenant
compte du type de famille (simple ou
élargie). Hormis les extensions à
caractère résidentiel ou commercial, le
reste des extensions sont précaires
(figure 8-20), étant donné qu’elles se Figure 8-20 : Une extension précaire utilisée
réalisent à l’aide de matériaux et moyens comme un espace de rangement (auteur,
plus ou moins modestes. 03/05/2015)
Ces extensions précaires sont utilisées comme des espaces de rangement. Mettant en
application le principe que tout espace non occupé (bord de la route, trottoir, talus, etc.) est
naturellement récupérable. De cette façon, les habitants mettent leur quartier en perpétuelle
transformation, ce qui rend difficile la définition du statut public ou privé de l’espace, de sa
délimitation physique, son appartenance et de sa destination et son affectation. Cette

319
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

problématique de fixation d’un statut stable influe sur les rapports sociaux entre les
habitants du quartier, étant donné que la séparation des espaces (public/privé) et la
définition de leur usage (voirie, trottoir, aire de jeux, espace vert, etc.) conditionnent une
stabilité des rapports sociaux.
2.3 Pratiques urbaines :
La répartition des commerces influe sur le degré de fréquentation des espaces publics,
car là où ils se localisent, c’est un espace public à fréquentation élevée. À travers les
différentes cités, nous constatons une grande présence des individus devant les entrées des
locaux de commerce. Également, il se trouve souvent une ou deux chaises, devant l’entrée,
destinées au commerçant et ses amis. Cette présence semble être courante du fait qu’elle ne
perturbe pas l’activité du commerçant, de plus les invités donnent souvent leurs avis aux
acheteurs. Cette pratique renvoie aux Dakka présents dans le passé dans la médina de
Constantine (devant les locaux de commerce à Souk El Acer ou autres).
En raison du manque total des aires de jeux programmées par l’État et du sentiment de
sécurité généré par la présence des adultes, ces espaces attirent une autre catégorie de
population : les enfants.

320
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Figure 8-21 : Taux de fréquentation des espaces pendant les heures de la journée
321
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Comparativement aux deux autres cas d’étude, l’appropriation de l’espace par l’usager
dans cette zone est matérialisée spatialement plus que temporellement, car chaque
catégorie de population occupe son espace de manière à ce qu’il ne change pas d’usagers
en fonction du temps (figure 8-21). À titre d’exemple, les adolescents et les jeunes qui
prennent possession des espaces publics pendant le soir dans les deux autres cas d’étude,
dans cette zone ils ont leur propre espace et fréquenté exclusivement par cette catégorie
pendant les différentes heures de la journée et le soir.
2.3.1 Les espaces de rencontre et de détente :
L’espace public dans ce quartier se partage différemment entre les différentes catégories
d’âge d’usagers. Les patriarches se rassemblent généralement sur le petit carrefour en
dessous de la station multiservice. Sa position sur l’une des entrées du quartier et sur son
point le plus animé leur offre la possibilité d’observer les mouvements en jouant leur jeu
préféré de domino. Selon le récit d’un patriarche, avant la création de ce carrefour, ils se
rencontraient de l’autre côté de la RN3. Assis par terre, ils passent la journée à jouer de la
Kherebgua (un vieux jeu populaire connu entre les paysans). De ce fait, le point de
rencontre a changé avec le temps, la pratique s’est adaptée avec le mode de vie, mais la
catégorie d’âge qui la pratique et qui occupe ce point est toujours la même. À travers le
quartier, les patriarches se regroupent sur des points ensoleillés, proche de la mosquée, sur
quelques coins de la rue et devant les portes de quelques maisons donnant sur la rue
commerçante. Les hommes se rencontrent généralement dans les cafés et dans les rues
commerçantes.
Remontons un peu dans l’histoire selon les récits des habitants, avant la construction de
la mosquée d’Ali Ibn Abi Taleb et l’école primaire qui le jouxte, le terrain vague
constituant cette assiette foncière représentait autrefois un lieu de rencontre des patriarches
et des petits enfants.

322
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Sur l’autre côté du quartier, la rue


menant vers la cité des peupliers attire un
grand nombre d’enfants, pour jouer avec
des planches à roulettes faites main. Non
loin d’eux s’installent les adultes sur un
terrain vierge connu sous le nom d’El
Merdja et contenant une fontaine d’eau
potable (figure 8-22). Vers les années
quatre-vingt-dix, ce terrain a connu en plus
du changement de la nomination d’El
Merdja vers Ledjnan, un changement
d’usage et d’usager. Actuellement, ce
terrain représente un point noir dans le Figure 8-22 : La fontaine publique d’El Merdja
6

quartier.
2.3.2 L’appropriation féminine de l’espace :
Au même titre que les grands ensembles, la propagation du phénomène de la violence
contre les enfants a poussé la femme à sortir de chez elles pour les surveiller. À ce jour,
nous constatons une grande présence féminine devant les portes des écoles. Hormis cette
pratique développée récemment, la femme est exclue de l’espace public. L’échange ou la
rencontre entre les femmes du quartier ne se font que lors des croisements dans la rue ou
dans les passages semi-publics. Si l’espace approprié ne donne pas sur la rue, mais sur un
espace ombré plus ou moins caché, et c’est le cas de quelques maisons limitrophes dans la
cité de Benteliss, cet espace annexé offre aux femmes la possibilité de se regrouper en
travaillant la laine, en discutant ou juste en profitant des rayons de soleil et de l’air frais.
Selon le récit de certaines femmes de la cité, depuis quelques années certains chemins de
l’îlot apparu sur la figure 8-15 servaient comme des lieux de rencontre, où les femmes se
regroupaient pour prendre un café à trois moments de la journée choisis en fonction de la
saison. Dans ce cas, sommes-nous devant une présence d’une Qaeda ou d’une Tarbiâa
propre aux femmes ? Malgré le manque d’un espace aménagé, la pratique s’est créé son
propre espace.

6 Source : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/quartiers/muriers05.jpg
323
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

2.3.3 Espace approprié par l’enfant :


Par manque d’aires de jeux programmées par l’État, les enfants partagent les rues et les
impasses de ce quartier avec les commerçants, les voitures et tout usager (figure 8-23). Ce
manque avait un impact sur le type de jeux choisi par l’enfant dans la mesure où il s’adapte
avec ce manque, le choix du jeu signifie le non-besoin des aires de jeux aménagées.

Figure 8-23 : Une rue de la cité Benteliss (auteur, 03/05/2015)


Sur la carte représentant le degré de fréquentation des espaces pendant les différentes
heures de la journée, nous constatons la présence de deux points à faible fréquentation,
entre 9 h et 18 h. Le premier point se trouve derrière la bâtisse en haut dans la cité des
peupliers et le second juste en bas du siège SRFE (l’ex-usine COMAMO). Ces deux points
sont fréquentés exclusivement par des enfants dont l’âge ne dépasse pas les 15 ans.
2.3.4 Le jeu d’appropriation et l’apparition des points noirs :
Autant que les patriarches et les enfants, les jeunes et les adolescents ont leurs propres
espaces dans ce quartier. Devant l’entrée d’un cyber espace ou d’un coiffeur, auprès d’un
kiosque ou d’un café, ils se rassemblent, en passant la plupart du temps à discuter ou à
jouer les jeux de cartes et domino.
À la suite de l’éradication des bidonvilles, ces jeunes et adolescents ont créé un autre
espace donnant sur l’accès principal de la cité Benteliss du côté sud et à proximité d’un
cyber espace et d’une pizzeria. Sur les ruines d’une maison éradiquée, ils ont créé un
espace couvert et bien délimité avec des roseaux. Cet espace sert de lieu de rencontre et
d’échange. Il tire ses racines des vieux cafés barbaresques réservés aux fumeurs du
hachisch. De ce fait, sommes-nous devant une renaissance de la Tarbiâa ?
Selon C. F. Graumann, nous pouvons recenser sept modes d’appropriation de l’espace :
 Le mouvement et la locomotion en tant qu’annihilation de l’espace : saisir, se
mouvoir, etc.

324
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

 L’exploration sensorielle.
 La production et la destruction des objets.
 La maîtrise cognitive (dresser une carte).
 La communication à travers l’usage de l’espace et des objets.
 La prise de possession de l’espace ou d’un objet.
 La personnalisation de l’espace.
Dans ce cas d’étude, cet exercice d’appropriation a été accompagné par quatre points
importants : la prise de possession de l’espace, sa personnalisation, l’installation des
objets utiles pour son fonctionnement et l’usage exclusif de ce nouvel espace. Selon le
psychosociologue Serfaty-Garzon, ce marquage de l’espace par sa délimitation ou par la
disposition des objets se représente comme l’aspect matériel le plus important dans les
pratiques d’appropriation. Mais, comme une conséquence des ennuis causés et après
quelques querelles, les riverains ont démoli cet espace.
En plus de cette forme d’appropriation, nous mentionnons la présence d’une
appropriation symbolique ou proprement dite identitaire. Cette forme d’appropriation est
définie par F. Ripoll et V. Veschambre (2005) comme l’association d’une portion de
l’espace à un groupe d’individus au point de devenir l’un de ses attributs. Donc, il participe
à définir leur identité sociale. Pour cette forme d’appropriation, nous pouvons donner
l’exemple de la rue « I » de la cité de Benteliss connue sous le nom de « Roud El Barda »
ou « la rue froide » et de Djenan Ben Sassi qui forment des points noirs dans le tissu
(figure 8-24). Ou l’exemple de Djebel El Foqara (montagne des pauvres), c’est le terrain en
pente donnant sur le stade du 17 juin, il offre aux jeunes et aux adolescents la possibilité de
regarder les compétitions en direct sans l’obligation d’être à l’intérieur du stade et ce
depuis la fin des années soixante-dix. Bien que chacun des espaces ait sa propre pratique,
ils partagent les mêmes caractères d’un espace à fréquentation élevée et à exclusivité
masculine.

325
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Figure 8-24 : Partage des espaces publics entre leurs différents usagers
326
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

3. Qualité de vie et perception de l’espace :


« L’implantation résidentielle est un signe privilégié du statut social : les
qualités d’infrastructures (voirie, équipement, etc.) et d’environnement d’un
quartier, outre les satisfactions matérielles qu’elles apportent, témoignent du
niveau socio économique des habitants. » N. Haumont et A. Marie (1985)
Dans le but de connaître l’idée que les habitants ont de leur quartier, et selon une
enquête sociale établie avec un échantillon représentatif de la population, nous avons
obtenu les résultats indiqués dans la figure 8-25.

2%
vieux quartier
33% populaire
non convivial
dificile a s'adapter
61%
quartier propre et
calme
de style colonial
4%

Figure 8-25 : Présentation du quartier d’un point de vue des usagers (enquête sociale, 2014)
La majorité des habitants partagent la même idée : un vieux quartier populaire propre et
calme. De leurs descriptions, deux éléments peuvent être tirés. Le premier, concernant les
difficultés d’adaptation au mode de vie dans cette zone. Un pourcentage de 4,35 % du total
de l’échantillon enquêté pose le problème de nuisances visuelles et auditives. D’après eux
ces problèmes expliquent la non-convivialité du quartier. Pour trouver une explication à
ces arguments, il a fallu revenir sur d’autres résultats de l’enquête sociale. Cette masse de
population regroupe des arrivants installés après l’an 2000 (entre l’an 2000 et l’an 2008).
Un autre caractère commun, ces ménages habitaient avant cela des ZHUN telles que :
Boussouf, à El Khroub, et à Ali Mendjeli.
Le deuxième élément tiré est en rapport avec le style colonial, étant donné qu’une
grande partie de cette zone d’étude remonte à l’époque coloniale. En plus de la cité de
recasement et selon le récit des habitants, d’autres maisons qui se trouvent sur l’axe routier
du côté du Chalet des Pins ont une plateforme rectangulaire de petite superficie et une
forme de toiture en voûte différente du reste des maisons. Selon les récits, ces maisons
remontent à l’époque coloniale. Elles sont connues par tous les habitants de la zone étudiée
et de leur point de vue, elles représentent le noyau de la création de ce quartier. Ainsi, elles
sont utilisées comme des points de repère.

327
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

3.1 Référents dans la zone d’étude :


Nous avons demandé aux habitants de présenter leur quartier à travers des éléments
matériels ou immatériels. Des limites physiques aux équipements structurants, les réponses
des individus ont été multiples (figure 8-26). Mais, un nombre important des enquêtés ont
fait référence à une vieille fontaine qui existait autrefois sur l’un des accès de ce quartier.
Les habitants l’appelaient Ain Boutambel (‫)عين بوطمبل‬, c’est la prononciation du terme eau
potable. À l’époque de la création de ce quartier, cette fontaine était la seule source
d’alimentation en eau potable. Elle était aussi leur point de repère, en raison de la présence
d’une statue sous forme d’une tête de lion où l’eau s’écoule de sa bouche. Au-dessus se
trouvait une statue d’un couple fâché (chacun d’eux regardait dans une direction), où la
femme essayait d’étrangler l’homme en se servant de ses tresses. Selon les récits, devant
cette statue les femmes de la cité allumaient autrefois des bougies.
En fonction de leurs pratiques exercées dans l’espace public, les habitants de cette aire
d’étude se réfèrent à des éléments dont 90,22 % sont de nature physique ou proprement
dite matérielle. Le 9,78 % restant représente des référents immatériels regroupant des
pratiques à fréquence annuelle telle que les veillées du ramadan, ou occasionnelles telles
que l’entretien et le nettoyage du quartier.
D’autres pratiques
occasionnelles sont
féminines, parmi lesquelles
nous pouvons citer les
pratiques d'assèchement des
grains ou de la laine.
Concernant ces dernières,
ce faible taux est expliqué
par l’usage des terrasses des
maisons au lieu de l’espace Figure 8-26 : Référents utiles dans l’espace public (enquête sociale,
public. 2014)
En ce qui concerne les référents matériels, pendant leur déplacement, les usagers de
l’espace sont attirés à près de 37 % par les boutiques étant donné que l’achat occupe plus
de 39 % des raisons de déplacement dans le quartier. L’autre référent important est
représenté par les maisons à 21,69 % et les impasses à un degré moindre (8,46 %).
L’information à tirer des réponses des enquêtés est le recours aux noms des familles

328
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

occupant les vieilles maisons, aux styles architecturaux, et aux fonctions des rues et des
impasses (le métier le premier installé ou le plus connu).
3.2 L’insécurité dans le quartier et les problèmes relationnels inter-
quartiers :
Cette zone d’étude est caractérisée par un grand flux des automobiles. Il est justifié par
l’évitement des encombrements connus au niveau des deux axes qui la délimitent, et la
réduction du temps d’attente à travers le passage par les raccourcis présents dans les
différentes cités. Mais, elle ne représente en aucun cas un lieu de transit des piétons, à
cause de sa mauvaise réputation.
Une grande masse de jeunes des quartiers populaires, notamment ceux qui sont touchés
par le chômage à cause de leur faible niveau de scolarisation, s’adonnent aux pratiques
illicites, telles que les trafics, le vol, etc. Dans ce quartier, les pratiques illicites exercées
par une minorité de jeunes ont donné une mauvaise réputation à l’ensemble du quartier. À
laquelle s’ajoute le conflit entre les différentes cités constituant cette zone d’étude, qui
s’inscrit dans un cadre de lutte de clans. Il se manifeste sous forme de violence physique et
symbolique. Motivée par leur sentiment d’appartenance et défendant leur territoire, cette
minorité exerce deux formes de violence. La première est classée comme une violence
naturelle due à une perte de contrôle. La seconde est considérée comme stratégique. Elle
dépend de l’organisation de ses acteurs et s’exerce sous forme de pression sur l’autre dans
le but de faire prévaloir leur puissance.
Cette minorité considère cette violence en tant que lutte contre la pauvreté et la misère.
Ces pratiques illicites ont participé à la construction d’une image qui renvoie à l’insécurité,
la violence et la transgression des codes sociaux chez tous les habitants de la ville de
Constantine. Cependant, l’observation des pratiques illicites des individus dans ce quartier
nous donne des indices de la valeur donnée à la vie en communauté. Alors que tout
étranger à la cité est soumis à la violence imposée par ces jeunes, ces derniers sont
responsables de la sécurité des faibles à l’intérieur ou à l’extérieur de la cité.
La présence de ce type de violence urbaine n’élimine pas l’existence de rapports
sociaux entre les individus de la même cité. Prenant à titre d’exemple la cité de Benteliss,
les habitants se côtoient à différents degrés. Des liens de parenté, le village d’origine ou
une vieille connaissance, ces éléments régissent les liens et les rapports sociaux entre les
individus. La construction sur un terrain en pente crée d’autres liens représentés sous forme
d’intimité spatiale et temporelle. L’accessibilité d’une terrasse à une autre ou la présence
d’une ouverture sur le voisin créèrent des liens de familiarité entre les habitants.
329
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

3.3 La vie en communauté, des traditions persistent encore :


« … le soir à la fin des travaux on déclare le besoin d’argent pour l’achat des
matériaux de construction pour un nouvel arrivant ou une pauvre famille. On
met un foulard par terre, et chacun de nous donne ce qu’il peut de l’argent. Le
soir, tous ceux qui peuvent nous aider ont le droit de participer à la construction,
étant donné qu’elle n’est pas obligatoire. La construction s’élève la nuit, loin des
yeux du comité chargé de la destruction des constructions informelles… »
Récit d’un interviewé (un ancien maçon de la cité de Benteliss)
Selon Moustafa Mimouni (2003), la twiza « est une structure organisée qui se crée par
nécessité et s’estompe une fois le problème résolu, pour reprendre si nécessaire ». Dans sa
définition, elle se présente comme un travail collectif non lucratif dont le but est de
s’entraider à résoudre un problème posé. Il participe à la sauvegarde et le maintien des
liens et des relations dans le groupe, par leur implication dans différentes opérations. Mais
avant d’être un indicateur sur les participants dans cet acte, la twiza semble être une
réponse à une nécessité, donc elle naît d’une rareté des moyens et des objets nécessaires à
la vie ou à la survie. Elle sert aussi à l’amélioration du cadre de vie et du bien-être des
concernés. Cet acte se présente, en même temps comme une résilience identitaire, étant
donné qu’il participe à l’adhésion et l’inclusion des différents membres de la communauté.
Selon les intérêts, dans cette aire d’étude nous mentionnons la présence de deux types
de twiza. La première individuelle et la seconde collective. Le premier type de twiza est
connu entre les ouvriers et les artisans comme un travail supplémentaire ou comme une
corvée volontaire qui a pour but la construction ou la couverture d’une maison. Cet
exemple de twiza à intérêt individuel apparaît plus clairement dans le récit du vieux maçon
cité plus haut. Une chose importante de ce type de twiza est la participation volontaire,
compte tenu que le refus non justifiable d’une personne ne lui accorde aucun blâme. Le
second type de twiza regroupe toute personne dans la cité pour un travail à intérêt collectif,
tel que l’entretien des espaces publics ou des lieux de culte, la construction ou
l’agrandissement d’une mosquée, la consolidation d’une rue dégradée… etc.
Prenant à titre d’exemple les pratiques de nettoyage collectif du quartier connues entre
les habitants sous le nom de hamlat nadhafa (‫)حملة نظافة‬. Cette pratique est bien développée
entre les quartiers défavorisés, du fait qu’ils sont négligés par les services d’hygiène. Il faut
mentionner le grand besoin d’une telle pratique pour la cité des peupliers constituée de
l’habitat collectif comparativement aux cités de reacsement et auto-construite. Le non-
besoin dans ces deux cités est exprimé par l’état de propreté des rues et des impasses.

330
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

L’état d’hygiène remarquable dans la cité de Benteliss n’est que le résultat du civisme des
individus. Par l’observation des habitants, nous constatons que l’entretien de l’entrée de la
maison et de l’espace adjacent fait partie de leurs habitudes comme une pratique
quotidienne.

331
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Conclusion :

Dans ce chapitre, nous avons choisi une aire d’étude composée de cités regroupant trois
types d’habitat : une cité de recasement de l’époque coloniale, de l’habitat collectif et de
l’informel en dur ou l’auto construite. L’intérêt donné à l’influence de l’habitant sur
l’espace, les modes d’occupation et les pratiques exercées expliquent ce choix.
Hormis l’habitat collectif, les extensions de la cité des Mûriers étaient bien distinctes
des extensions de la cité de Benteliss. En référence aux études de Sylvie Geldel (1992) sur
les cités de recasement, les transformations apportées aux maisons de la cité des Mûriers
sous forme d’extensions verticales sont une expression d’urbanité. Dans la cité de
Benteliss, les extensions ont pris plusieurs formes, ce qui a mis la cité en perpétuelle
transformation, ce qui a maintenu une certaine instabilité sociale.
En comparaison avec les deux autres cas d’étude, l’appropriation de l’espace par
l’usager dans cette aire d’étude est matérialisée spatialement plus que temporellement.
Chaque catégorie de population possède son propre espace. Parmi les différentes formes
d’appropriation exercées dans cette zone d’étude, la matérialisation de l’appropriation par
les adolescents à travers la possession, la personnalisation, l’installation des objets et
l’usage exclusif de l’espace était la plus remarquable. S’ajoute à ce cas, l’appropriation
symbolique de quelques espaces de l’aire d’étude et leur usage comme des attributs
participant à la définition d’une identité sociale. En plus de ces formes d’appropriation,
nous assistons à une renaissance des vieilles Qaeda et Tarbiâa, malgré le manque d’un
espace créé et aménagé spécialement pour leur exercice, nous pouvons dire que la
renaissance de la fonction a précédé la création de l’espace approprié.

332
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

Travaux cités :

BOUCHAMA (2014). ‫ التكفل بدراسة إعادة تهيئة حي بن تليس بقسنطينة‬, in Aps-Est-Infos [En
ligne], URL : http://www.constantine-
aps.dz/spip.php?page=imprimer&id_article=27611, mis en ligne le : 23/03/2014.
CURIE, Raymond (2005). Les quartiers populaires : territoires du désordre social ?
Banlieues et violences urbaines : les orientations associatives et militantes
confrontées aux limites de la politique de la ville et de l’intervention sociale, in
OASIS MAG [En ligne], URL : http://www.travail-
social.com/spip.php?page=imprimer&id_article=534, mis en ligne le : 05/12/2005.
HAUMONT, N. et MARIE, A. (1985). « Politique et pratiques urbaines dans les pays en
voie de développement », dans acte du colloque international, (Paris, 25-28
septembre 1985), Paris, l’Harmattan, 1987, Tome I, p. 342, Tome II, p. 327.
KERDOUD, N. (s.d). Ville vénérée ou ville mal aimée ? Exemple de Constantine (Algérie),
Département d’Architecture Faculté des Sciences de la Terre, Géographie et
Aménagement du Territoire, Université de Constantine, Algérie, p.13.
MESSAHEL, Abdellah (2008). Une périurbanisation officielle dans un site
contraignant, in Espace Populations Sociétés [En ligne], 2008/1 | 2008, URL :
http://eps.revues.org/2408, mis en ligne le : 01/06/2008.
MIMOUNI, Mostefa (2003). « La Twiza : entraide d’hier et d’aujourd’hui », dans
Colloque « Transmission, mémoire et traumatisme » (9 et 10 mai 2003). Parole
sans frontière - psychanalyse et exil [En ligne], URL : http://www.parole-sans-
frontiere.org/spip.php?article108#pagination_recents, mis en ligne le 25/04/2005.
MURIEL, Cohen & CEDRIC, David (2012). Les cités de transit : le traitement urbain de
la pauvreté à l’heure de la décolonisation, in Métro politiques [En ligne], URL :
http://www.metropolitiques.eu/Les-cites-de-transit-le-traitement, mis en ligne le :
29/02/2012.
RIPOLL, Fabrice et VESCHAMBRE, Vincent (2005). Introduction, in Norois [En ligne],
195 | 2005/2, URL : http://norois.revues.org/477, mis en ligne le 05/08/2008.
SYLVIE, Geldel (1992), p.174. c.f LABED – RIGHI, Nadia (2010). Réappropriation de
l’espace dans les cités de recasement : cas de gammas à Constantine, mémoire de
magistère, option : urbanisme, sous la direction du Pr Belkacem Labii, Université
de Mentouri Constantine, département d’architecture et d’urbanisme, p. 112-113.

333
Chapitre VIII : Evolution des principes de la ruralité à la citadinité

TRICART, Jean-Paul (1977). Genèse d'un dispositif d'assistance : les « cités de transit », in
Revue française de sociologie, Volume 18, Numéro 4, p.601-624. Persée [en ligne],
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Sites web :
 HAMDI, Ammar (2011).
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image publiée le : 01/11/2011.
 URL : http://static.panoramio.com/photos/large/67438890.jpg
 URL : https://encrypted-
tbn0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcSlasG3Vlm3N7RuwU-
YhBimvlELquyW7dTg0pKSafDoK3VpMfuH
 LEFEBVRE, Alain (1962). In Constantine d’hier et d’aujourd’hui [en ligne],
URL : http://www.constantine-hier-
aujourdhui.fr/LesImages/diapos_alain_lefebvre.htm.
 URL : http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/images/quartiers/muriers05.jpg
: ‫ المصدر‬، ‫ جريدة النصر النسخة االلكترونية‬، "‫ " بعد تعليق مشروع تحديث مدينة قسنطينة‬، ‫م‬/‫ع‬
http://www.annasronline.com/index.php/2014-08-25-12-15-24/2015-02-13-18-11-
.2016 ‫أكتوير‬13 ‫ الخميس‬: ‫ نشر بتاريخ‬، 31/57955-2016-10-12-23-18-10

334
CHAPITRE IX :
ÉLÉMENTS DE SYNTHÈSE, POUR
UNE RENAISSANCE DE L’IDENTITÉ
URBAINE
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

Introduction :
L’analyse des résultats liés aux réponses des individus nous a permis de faire sortir les
éléments identifiant le sentiment d’appartenance à un lieu (FRANCE Guérin-Pace, 2006)1.
Pendant les différentes analyses élaborées durant cette étude, nous avons essayé de rester
objectives et fidèles aux vocables utilisés par les enquêtés.
En premier lieu, nous nous sommes intéressées à la morphologie de l’espace et à sa
perception, à travers lesquelles nous avons obtenu deux catégories de réponses. La
première regroupe des individus exprimant leur sentiment d’appartenance au lieu. Basée
sur ce sentiment et sur un choix de référents de l’espace vécu, cette catégorie regroupe des
individus qui font appel à des éléments matériels tels que les points de repère. La seconde
catégorie regroupe des individus exprimant leur relation avec l’espace à travers les
éléments matériels qui facilitent la création de cette relation, tels que les espaces de
rencontre aménagés pour cette fonction. En même temps, ils donnent de la valeur aux
éléments facilitant la création de la relation espace/usager (tels que l’accessibilité, la
sécurité, l’éclairage… etc.) et assurant le bien-être de l’usager dans l’espace.
En second lieu, nous nous sommes intéressées à la fonction de l’espace. Les résultats
n’étaient pas distincts de la première analyse, mais un élément important est apparu : le
choix des référents ou le sentiment d’appartenance est conditionné, selon les usagers, par la
fonction de l’espace. Les résultats obtenus peuvent être classés en deux catégories. La
première est liée à ce qu’offre l’espace utilisé comme sentiment à l’usager, un sentiment
d’appartenance ou de refuge et de négligence, et cela en fonction du degré de visibilité de
l’espace. La deuxième catégorie est fortement liée aux possibilités offertes par l'espace
pour établir des relations avec d’autres individus, aux fonctions de l’espace à diverses
temporalités (jour et nuit), à sa fréquentation et à la catégorie de population qui l’utilise.
Ces différents résultats ont fait apparaître des éléments qui participent au sentiment
d’appartenance de l’individu à la communauté et à l’espace auxquels il s’identifie, lesquels
nous essayerons de présenter dans ce chapitre.

1 « Le sentiment d’appartenance à un territoire figure parmi la multitude des référents identitaires potentiels
que sont l’appartenance sociale, religieuse, familiale, professionnelle, etc. [...] À chaque individu est attaché
un ensemble de lieux[...] Tous ces lieux constituent le patrimoine identitaire géographique de chacun qui,
selon les individus et les moments de la vie, sera en partie ou non mobilisé. » France Guérin-Pace (2006)
336
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

1. Fouiller le passé pour une quasi-suffisance sociale :


1.1 Les coutumes et les traditions, des différences entre les générations :
Les principales coutumes que nous avons pu dégager pendant cette recherche se
rapportent aux lieux de rencontre et aux lieux sacrés. Les distinctions apparues pendant les
différentes enquêtes sociales ont été fortement liées aux différences d’âge. Malgré la
présence d’un partage de connaissances entre les différentes générations, en termes
d’expérience et de connaissance, cette rupture est plus grande entre la génération actuelle
ouverte sur le monde de la technologie, et pour laquelle l’espace public n’a pas de valeur ;
et les personnes âgées, coincées dans leurs traditions. Malgré la présence de certains cas de
personnes traditionnelles et d’autres, moins traditionnelles, nous assistons à des essais
d’adoption d’un nouveau mode de vie plutôt moderne dans les différents tissus. Une autre
distinction est apparue, mais cette fois-ci liée au sexe féminin. Bien qu’en majorité, les
rites pratiqués par la femme constantinoise fassent appel au monde empirique, leur
transmission aux différentes générations a réussi.
À la suite de ses recherches sur l’identité des groupes ethniques, basées sur la culture ;
Yinger M. J. (1985) a proposé trois critères fortement liés, ensemble, ils représentent
l’identité de ces groupes. Ces trois critères ou conditions se présentent ainsi :
 La première condition est liée aux étrangers du groupe : ils doivent avoir une
idée générale sur ce groupe ethnique, savoir qu’il est spécial et que sa culture
est un élément spécifique par rapport au reste.
 La deuxième condition est liée aux membres du groupe ethnique : l’idée
générale est qu’ils se distinguent dans leurs manières et leur culture.
 La troisième condition est le partage de cette culture entre tous les membres
du groupe, pour qu’elle soit le point commun d’animation autour duquel
s’articulent tous ses exercices et activités.
Donc selon Yinger, la troisième condition de l’identité n’est pas d’avoir seulement une
culture spécifique et distincte des autres, mais elle ne doit pas être figée. Donc, elle doit
être fonctionnelle entre les membres du groupe et matérialisée dans leurs pratiques. En
application de ces trois conditions dans nos cas d’étude, et bien que ces critères
s’appliquent aux croyances et aux rites, l’identité de la société est représentée à la fois par
le mode de vie, la culture et les pratiques. Conformément aux résultats, nous pouvons
ajouter une autre condition : c’est l’exercice devant l’autre. Car, si nous faisons référence à
la tradition de distillation de roses et de fleurs d’oranger, le changement du lieu d’exercice,
de la cour des maisons au jardin Ben Nacer sur l’avenue Ben Boulaid, a donné l’occasion à
337
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

d’autres amateurs d’assister et de participer à cette fête populaire. Donc, bien que cet
exercice devant le public se résume à une seule journée, la rencontre des femmes dans ce
jardin pour fêter cette tradition a contribué au partage d’une culture et à la persistance d’un
rite.
1.2 La valeur donnée aux pratiques sociales dans les différentes
interventions :
La mise en valeur de la mémoire d’un lieu dépasse sa conservation ou son esthétisation,
et va vers une mise en valeur historique et culturelle, et une adhésion de la partie intéressée
de la communauté dans cette action (P. Ginet et L. Wiesztort, 2013). En psychologie
sociale, l’identité est définie comme l’image de soi du groupe (Edmond Marc, 2005).
Donc, elle est l’image qu’a l’individu de lui-même dans son groupe et dans son contexte
social. Mais, les individus du même groupe diffèrent les uns des autres. Dans le même
groupe peuvent se réunir des individus de différentes identités. Devant cette variété, le
processus d’adhésion de ces individus aux valeurs mémorielles prises en compte lors d’un
aménagement, peut induire sa remise en cause.
Nous avons déjà mentionné que la mémoire relève de l’espace vécu plus que voulu,
qu’elle traduit une vision rétrospective, et que sa prise en compte est essentielle dans tout
projet de territoire, de sa formulation à son déroulement au cours du temps. Nous avons
mentionné aussi que la culture d’une société, qui constitue son identité, se manifeste dans
les pratiques urbaines de ses individus. L’élément principal dans toute étude réservée au
Rocher était la protection et la conservation du patrimoine bâti. Mais, compte tenu que
nous sommes à la recherche d’une identité représentée par des pratiques socio-spatiales, le
but sera la recherche de l’importance donnée à la pratique urbaine dans les différents
projets proposés.
Un nombre important de projets n’ont pas vu le jour. Mais, vu l’époque de la réalisation
de ces études - pendant la guerre de la libération ou juste après l’indépendance - nous
sommes obligées de les revoir dans la seule intention de connaître l’importance donnée à
l’habitant.
Dans une vue globale de l’agglomération, deux études ont été réalisées en 1960. La
première par le BERU et la deuxième par l’architecte urbaniste français J. H. Calsat 2, dont
le but était le déplacement du centre colonial du Rocher. Mais, en négligeant l’importance
et la valeur donnée à ses composantes (la structure administrative et commerciale).

2 J.H. Calsat (architecte-urbaniste), l’enquête urbaine à Constantine, Atlas de Constantine 1960.


338
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

L’avènement, par la suite, du PUD en 1975 avait pour but la rénovation du cadre bâti du
Rocher. Mais, pour des raisons multiples entre autres le changement de l’une des
composantes du tissu urbain, la commune a suspendu l’offre des permis de construire.
Toute intervention de rénovation n’aura lieu que par l’État, étant donné que la présence
d’une grande masse de population étrangère dans cette zone augmente le risque des
transformations. Mais, les interventions de l’État n’ont pas vu le jour.
Trois ans plus tard, la question du Rocher a été traitée sous un autre angle suivant trois
principaux axes. Le premier assure la protection du patrimoine bâti de la même manière
que les études antérieures. Le second axe propose deux interventions : la restauration du
cadre bâti dégradé ou sa destruction pour la réalisation du nouveau. Le troisième axe est
basé sur la conservation des pratiques urbaines dans ce tissu. Pour cette étude, le commerce
et l’artisanat étaient les éléments phares à conserver. La mise en valeur de ces deux
pratiques veut dire le maintien d’une partie de population originale, ce qui assure la
conservation de l’espace et de la pratique en même temps. Mais au même titre que les
précédentes, cette étude n’a pas vu le jour, compte tenu qu’à cette époque, les extensions
avaient davantage de valeur.
Le PUD réalisé par le CNERU en 1982 avait le même principe de conservation de tout
élément classé comme patrimoine, et de la rénovation du reste du cadre bâti dégradé. Deux
ans plus tard, une autre étude plus détaillée a été réalisée. Compte tenu de l’état de
dégradation du cadre bâti, sur ordre du ministère de l’habitat et de l’urbanisme et selon un
contrat entre la wilaya de Constantine et le bureau des études urbaines URBACO, une
délimitation du périmètre d’interventions pour la restructuration et la rénovation a été
élaborée. Dans laquelle, les propositions ont été orientées vers les sites où l’état de
conservation du cadre bâti était mauvais (Souika avec le 1/4 détruit et Charae où le 1/5 des
constructions était en ruine). De ce fait, elles étaient orientées vers les quartiers contenant
une assiette foncière à récupérer. Concernant la conservation des lieux d’exercice des
pratiques urbaines, uniquement deux espaces, Souk El Acer et le vieux centre commercial,
avaient de l’importance dans cette étude, dont la proposition était la conservation de
l’espace pour assurer sa fonction.
Par rapport aux études antérieures, l’an 1988 a vu l’introduction d’un comité
culturel chargé d’émettre les lignes directrices des études, et qui avait le rôle de choisir les
éléments ayant une valeur historique ou artistique, la localisation des espaces qui ont
besoin d’une intervention rapide. Pour la réalisation de cette étude, un comité technique
avait pour rôle l’élaboration du recensement des familles et de préciser les données
339
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

concernant l’état de l’habitat. De plus, il devait offrir des permis de construire, élément qui
était exclu des études précédentes. Mais par manque de budget nécessaire, cette étude, au
même titre que les autres, n’a pas pu être réalisée. Dans toutes ces études, le passage de la
phase d’étude à l’application a été impossible pour des raisons multiples, entre autres les
problèmes financiers. La prise en compte et la conservation de la mémoire dans tout projet
de territoire répondent à une demande sociale. Mais à travers ces différents projets, nous
constatons la négligence totale de la société.
Les projets proposés pour la ville de Constantine avaient pour but la réconciliation entre
ses ancrages culturels et l’ambition d’un développement local. Bien que les ancrages
culturels ne nécessitent qu’un champ d’exercices pour les faire revivre, ces projets
proposés qui avaient pour but la revalorisation culturelle n’ont pas pu le créer.
Autrement vu lors de l’analyse de la demande déposée pour inscrire le rite de
distillation des roses dans la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de
l’humanité. Ou, la restauration d’un fondouk dédié à l’industrie artisanale, tel que fondouk
Beni Abass à Rahbet Ledjmal qui contient des ateliers abritant des artistes tailleurs. Ou
encore, la restauration d’un café maure (à l’exemple d’El Goufla) ou d’un fondouk
contenant l’un des «Madjliss».
La préservation d’une pratique sociale propre à la femme constantinoise participe à sa
présentation à différentes échelles (locale, nationale et internationale). Cet acte dépasse les
limites de la préservation d’un patrimoine culturel immatériel pour la promotion et le
développement de la culture des roses à Hamma Bouziane, et aussi la promotion de
l’artisanat liée à cette tradition. De même, la restauration d’un Fondouk a pour mission non
seulement la préservation d’un patrimoine culturel, mais encore son partage et sa
résurrection à travers la présence d’un lieu d’exercice.
2. L’appropriation de l’espace et l’identité urbaine :
Dans les différents cas d’étude, les pratiques varient d’un tissu à un autre et d’un usager
à un autre. Nous pouvons les classer, en fonction de la période d’existence ou de
fréquence, en éphémères, temporaires, intermittentes ou cycliques et pérennes. Ou, en
fonction de l’usager, en individuelles ou collectives. Ou encore, en fonction des réactions
de l’individu dans cet espace, en cohabitation avec l’existant, ou emboîtement de l’usager
sur lui-même et refus de l’existant (tableau 9-01).

340
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

Tableau 9-01 : Classification des pratiques dans les différents cas d’étude en fonction de leur fréquence et leurs usagers

Pratiques éphémères ou Pratiques intermittentes ou


Pratiques pérennes
temporaires cycliques
* La vente des vêtements *L’industrie de la confiserie à la place Sidi El Djliss.
préparés à la maison ou déjà *La visite d’El Borma, et le rejet des dattes, des pois
utilisés par des Dellalate à la chiches et des avelines dans le bassin, afin d’assurer la
place Sidi El Djliss. bénédiction des esprits malins.
*Le séchage des grains de blé
Persistantes /
vert pour les consommer
pendant le Ramadan, et de la
laine ou du couscous pendant
l’été dans le tissu des grands
ensembles.
Individuelles *Le refuge des trafiquants aux *La vente des vêtements * La vente d’œillets rouges et de jujubes par des
fondouks et leur usage comme d’occasion par des marchands vendeurs maltais à la place du Maréchal Foch.
des gîtes. ambulants à une clientèle *L’hébergement des artisans et des commerçants dans
pauvre dans la place de Sidi El les fondouks.
Djliss. *Le lancement des boules de semoule grillée additionnée
Disparues *L’enjolivure : la décoration de dattes écrasées ou de miel dans le lit de l’Oued El
d’un bouc afin de faire le tour Kabir, pratique exclusivement féminine, dont les
des maisons de la ville et la concernées sont les femmes stériles.
récolte de l’argent nécessaire
pour cette cérémonie de Sidi
M’cid.
*La célébration de quelques *Exposition des plantes et des *Rencontre des jeunes et des vieux dans les deux cafés
événements spécifiques dans fleurs et vente de leurs essences de la place Si El Haoues.
l’espace public. et huilesau milieu de la place Si *Fréquentation exclusivement masculine de la place de
El Haoues pendant le mois du Rahbet Ledjmal.
Collectives Persistantes patrimoine. *Le regroupement des commençants et des artisans dans
* En-Nachra ou la visite de de vieux fondouks.
Koubat Salah Bey au printemps. *Fréquentation féminine élevée de la place de Rahbet
*La cérémonie de la distillation Essouf.
d’eau de roses et de fleurs *La vente des fruits et des légumes à Souk El Acer.

341
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

d’oranger. *L’occupation de l’espace public dans le tissu des grands


*L’animation de la place Sidi El ensembles par les marchands ambulants anime ces
Djliss chaque lundi matin espaces et attire une grande population en majorité
assurée par El Ouesfane et El féminine.
Fqirat. *La rencontre et la détente des vieux de la cité dans les
*Les pratiques d’entretien des jardins des grands ensembles.
espaces publics. *La grande fréquentation féminine des jardins et des
aires de jeux dans le tissu des grands ensembles, et leur
usage comme des espaces de repos, de rencontres et de
discussions.
*L’occupation et l’appropriation des points noirs dans le
tissu par des groupes de jeunes.
*L’appropriation de quelques espaces par les femmes.
Elles s’y regroupent pour tricoter et discuter ou juste
pour profiter de l’air frais.
*L’appropriation sexuée des espaces dans le quartier des
Mûriers.
*La possession de chaque espace par une couche précise
de la population dans le quartier des Mûriers.
* Le regroupement d’une *Assistance de la population *Le regroupement des femmes dans un couloir voûté
population pauvre des aux soirées musicales animées taillé dans la roche à côté de l’eau de la rivière, pour le
autochtones devant la cuisine par la musique militaire deux nettoyage des vêtements. Elles accédaient à ce couloir à
populaire municipale à la place fois par semaine dansla place du travers un tunnel partant de Bab El H’nincha.
de Rahbet Ledjmal. Maréchal Foch. *Les promenades des Européens et des autochtones sur
*L’exposition des roses et de *El Quesma ou la vente du la place du Maréchal Foch.
fleurs d’oranger pendant le mois petit-lait dans le marché *La rencontre des vendeurs venant de la banlieue de la
de juillet, à terre sur des draps hebdomadaire de la place Sidi ville dans le marché journalier de fruits et légumes, place
Disparues
blancs couvrant la plate-forme El Djliss. Sidi El Djliss.
du marché de Rahbet Essouf. * La fréquentation élevée de la *La présence des filles de joie dans quelques maisons sur
*Regroupement des vendeurs place de Souk El Djumuâa le côté sud de Bab El Djabia.
de roses et de fleurs d’oranger chaque vendredi. *La rencontre des caravanes et les pratiques
venant des environs de *La fête des vautours. commerciales sur la place du caravansérail.
Constantine pendant le mois de *L’échange entre les maîtres artisans et les jeunes
juillet. apprentis dans les ateliers du fondouk.
*La grande présence des *La vente de la laine dans les locaux localisés dans

342
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

vendeuses dans la place de l’ensemble des artères placées à la limite de Souk Et-
Souk El Acer. toudjar formant Rahbet Essouf.
*La vente des vêtements et des *La vente de la galette à Rahbet Essouf, une pratique à
objets d’occasion à Souk El exclusivité féminine.
Acer. *La rencontre de l’élite de la population citadine de la
médina dans les cafés maures.
*La rencontre des hommes dans des cafés maures bien
aménagés connus sous le nom de Qaâda.
*La rencontre de ceux venant de l’extérieur de la ville ou
du monde rural dans les cafés barbaresques.
*La faible présence féminine dans certains cafés
barbaresques.
*La fréquentation des cafés des fumeurs de hachisch par
une population appartenant dans sa majorité à la secte
des Aîssaoua.
*La grande présence des barbiers et des marchands de
limonade et d’eau de fleurs d’oranger devant les cafés
maures et barbaresques.
*Le regroupement des tisserands dans les Tarbiâa des
artisans.
*La rencontre des fumeurs de hachisch dans les Tarbiâa
des Hachachine ou dans des Madjliss (Fnadeq), en
présence des chanteurs de Malouf et des musiciens.

Cohabitation avec l’existant


Refus de l’existant

343
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

« … l’appropriation que développe un habitant saisi par l’élévation matérielle


et culturelle générale des sociétés urbaines […] il semble difficile de parler de
l’usager de la ville […] habitant-citadin ordinaire, sans examiner le contenu des
activités urbaines qu’il développe comme personne inscrite dans un rapport
particulier, celui qui le place en société urbaine, dans des lieux et des situations
formant un puissant contexte d’interaction… » Daniel Pinson (2000)
Dans les chapitres précédents, nous avons commencé par l’observation des individus
puis l’analyse des pratiques. Cela nous a permis de comprendre le vécu des habitants de
chaque quartier à part et de bien cerner les référents de chaque catégorie. Un point
important est apparu lors des analyses, celui de l’appropriation des espaces publics dans les
différentes zones d’études.
2.1 Les formes d’appropriation de l’espace :
L’appropriation des espaces publics est apparue, durant cette étude, sous différentes
formes. L’appropriation par genre est apparue dans cette étude sous trois formes :
 La première forme est applicable dans des espaces dont l’accès est exclusif à
l’un des deux genres (espace exclusivement masculin ou exclusivement
féminin). Cette forme regroupe des espaces créés au préalable pour avoir cette
distinction. C’est le cas des cafés, des fondouks et des Tarbiâa des hachischines
dans la vieille ville et qui sont uniquement masculins.
 La deuxième forme regroupe des espaces dont l’accès a été influencé par des
préjugés. C’est le cas de Rahbet El Djamel dans la vieille ville ou de Roude El
Barda dans la cité Bentelliss, dans lesquelsle préjugé a causé l'exclusion de la
femme.
 La troisième forme est une appropriation ludique, elle regroupe des espaces qui
ont été appropriés par l’un des deux genres à travers l’exercice d’une pratique.
C’est le cas des espaces verts et des aires de jeux appropriés par les femmes dans
le tissu des grands ensembles, ou le cas des impasses occupées par des femmes
le matin à Benteliss.
L’appropriation individuelle des abords des immeubles s’est présentée sous forme
d’empiétement sur l’espace public, une possession à la privatisation et un détournement
d’usage. Dans la majorité des cas, elle avait pour but la création d’un espace destiné à des
pratiques ménagères ou rurales. Comme l’ont décrit P. Koresec-Serfaty et G.E.P.E (1976),
l’appropriation de l’espace est un dynamisme en vue d’exercer une maitrise sur un espace,
dont le but est son adéquation à l’usager. Ce dynamisme est tourné vers l’affirmation de

344
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

l’identité de l’usager. Par contre, l’appropriation collective a révélé un partage le plus


adapté aux attentes des usagers, dont chaque espace était destiné à une catégorie précise de
population et avait une fonction précise.
« …L’appropriation de l’espace se fera non pour elle-même, mais pour autre
chose qui sera un pas, plus ou moins timide, plus ou moins délibéré vers l’être,
une tentative d’arrachement à l’étant […] S’il est vrai que l’appropriation de
l’espace, à son plus bas degré peut n’être qu’une série d’actes sociaux
stéréotypés, elle reste, par nature, l’occasion de conflits entre la tentation de la
passivité et celle de l’activité, elle est dynamisme tourné vers l’affirmation d’une
identité… » P. Koresec-Serfaty et G.E.P.E (1976)
La recherche sur l’histoire de certaines places publiques du tissu de la vieille ville était
difficile, car il existe une documentation considérable concernant les édifices connus, mais
rares sont celles qui ont pour objet d’étude l’histoire des places publiques. Pour cela il a
fallu reconstruire leurs histoires à travers celle de la ville et de ses bâtiments ainsi qu’à
l’aide des entretiens.
Prenons à titre d’exemple la place de Sidi El Djliss, les récits des habitants ont révélé un
fort attachement à la place et une appréciation de l’ancien et un rejet de la monotonie et du
moderne. Dans leurs descriptions, ils mentionnent plus de détails en décrivant l’évolution
de la place, à travers la description des changements induits à l’enveloppe de la place, la
fermeture et l’abandon de certains locaux et le changement de l’activité d’autres en
fonction du changement du mode de vie et des besoins de la population. Ils évoquent ce
passé en même temps qu’ils racontent des moments de leurs histoires personnelles. Un
autre point qui fait apparaitre leur familiarité avec la place est la distinction facile des
étrangers, car hormis les individus qui traversent la place pour y arriver à leur destination,
dès qu’une personne donne signe d’être perdu ou qu’elle cherche quelqu’un, ils leur posent
la question : vous chercher quelle famille ?
La présence de ces éléments (l'attachement et la maitrise parfaite de l’espace,
l'évocation du passé, la connaissance approfondie de la composition sociale des habitants
et l’identification facile des étrangers, l’entretien et le maintien de la place sont la
responsabilité de tous les habitants… etc.) donne des indicateurs sur une appropriation par
familiarité ou une appropriation symbolique de la place et à laquelle les habitants
s’identifient.

345
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

2.2 L’image mentale et la satisfaction des usagers :


La partie immatérielle dans la ville, et la plus sensible est celle liée aux sens
symboliques ou imaginaires, donc liée à l’image mentale que dessine l’usager de cette
ville, ou le rapport de signification entre l'individu et l'espace vécu.
Le choix des interventions est fortement lié à la satisfaction de l’individu. Bien qu’elles
puissent répondre à des besoins en termes d’équipements commerciaux, culturels, cultuels
ou autres, elles ignorent l’autre besoin de l’individu dans son espace : son besoin
d’information, de communication, d’imaginaire et de symbolisme. Mais, le plus important
est celui d’avoir des référents identitaires dans l’espace et à travers l’espace. Donc, c’est
seulement si nous mettons l’usager au centre d’intérêt que nous pourrons aboutir à une telle
satisfaction.
Malgré la complexité des représentations mentales et leur caractère multidimensionnel,
la solution pour aboutir à une bonne compréhension des attentes des individus est toujours
la concertation, qui a pour but d’intégrer cet individu dans toute décision, afin de
comprendre et de respecter ses besoins et ses intérêts. En effet, en impliquant des usagers
dans un projet de réalisation d’un espace public ou dans le choix du type d’intervention, ils
se réfèrent à des modèles connus par eux et représentant le modèle type qui répond le
mieux à leurs besoins et qui assure leur confort et leur bien-être, donc leur satisfaction.
Dans ce cas, le modèle proposé oriente les choix et propose les solutions les mieux
adaptées aux usagers de l’espace public, car ils ont précisé et mis en lumière au préalable
ce qu’ils en attendent.
Si nous admettons que la dynamique de l’identité suit une logique circulaire, et non
linéaire ; par conséquent, la transformation de l’espace en fonction de l’image mentale
préférée de l’usager pour aboutir à sa satisfaction est possible, mais à la condition d’assurer
la prise en compte des référents identitaires préconisés par la population. La connaissance
de l’image mentale des usagers et de leurs attentes facilite le choix des interventions pour
requalifier l’espace public, ce qui leur permet de s’approprier l’espace, de se localiser et de
s’y identifier à nouveau.
Selon les résultats obtenus de différentes enquêtes sociales, l’individu dessine une
image de son espace vécu suivant son degré d’adaptation et son degré d’acceptation. De ce
fait, l’absence de l’identité du lieu influe sur cette image, ce qui accentue l’insatisfaction de
l’usager.
Le sentiment de satisfaction ou d’insatisfaction est instable, car l’organisation de
l’espace n’est pas figée. Dans sa définition, l’organisation de l’espace est l’action de
346
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

structurer ou de composer ses éléments. Mais, cela dépend des acteurs (l’action des
décideurs, le comportement des usagers, etc.) et des facteurs (les dysfonctionnements, le
temps, etc.). De ce fait, l’organisation de l’espace évolue avec le temps, ce qui explique
son instabilité. Étant donné que l’espace public dans la ville n’échappe pas à ce processus
de développement ou de transformation, ce principe s’applique aussi aux dimensions
sémantiques et morphologiques de cet espace.
Nous avons mentionné au début que la satisfaction de l’usager est fortement liée à
l’espace, et qu’il se met en relation avec son espace à travers l’image mentale qu’il s’en
dessine. Donc, si l’espace se transforme formellement cela influence l’esprit de l’individu.
En conséquence, tout changement dans l’espace vécu transforme la perception, le
sentiment d’appropriation, l’image mentale, le sens et la signification de cet espace chez
celui qui y vit, qui l’habite ou même chez celui qui le parcourt.
Les réactions de l’individu sont multiples. Elles peuvent être une adaptation à l’existant
ou une variation selon les besoins, une appropriation et une satisfaction ou un refus.
L’image mentale peut être positive ou négative en fonction de ces réactions. En se basant
sur cette image, l’individu choisit son comportement envers l’espace. Cette image est
apparue dans les descriptions des usagers. Dans la présentation du quartier, dans chaque
cas d’étude, les enquêtés ont indiqué clairement les spécificités de leurs quartiers. Dans le
troisième tissu choisi comme cas d’étude (constitué d’une cité de recasement, de l’informel
en dur et de l’habitat collectif), alors que 36,61 % des enquêtés le présentent comme un
quartier propre et calme, 4,35 % le présentent comme non convivial et difficile pour s’y
adapter. Dans le premier cas, le degré de satisfaction de l’habitant vis-à-vis de son espace a
influencé positivement l’image mentale. Dans le second cas, la perception par
l’apprentissage a déclenché d’autres sentiments identitaires, ce qui oriente la réaction des
individus vers le refus.
Dans le tissu des grands ensembles, l’espace public est utilisé, mais pas vécu.
Également, nous avons remarqué la présence des « Reclus » représentés par 6,90 % des
enquêtés. Sous cette catégorie se regroupent des individus qui ont pour principal horizon
leur logement. Pour eux, en dehors des déplacements visant la satisfaction des besoins
élémentaires, l’espace public est inutile (Cailly, 2004, p.105). Pour ces Reclus, le lien entre
l’usager et l’espace n’est pas établi et le processus de la construction de l’identité n’a pas
abouti.

347
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

3. Pour une réception sociale de l’urbain :


En considération des difficultés rencontrées par les individus pendant leur intégration
dans l’espace, et dans le but d’éviter le refus d’ordre social ou spatial, le recours dans cette
partie à la réception sociale, exprime le besoin de faciliter l’interaction individu /espace,
pour aboutir à une construction de l’identité à travers la facilitation de l’accès, de la
pratique et du choix des référents identitaires de l’espace vécu.
La compréhension du sens de l’espace public, du processus de construction de ce sens
ainsi que les étapes d’élaboration du rapport avec l’espace facilitent le choix du type
d’intervention, le choix des éléments dont nous avons besoin pour intervenir, en fonction
de la demande latente des usagers de l’espace. Les interventions peuvent être liées à la
pratique de l’espace, donc à un changement de sa perception par les individus, ou bien
elles peuvent être liées à l’espace dans sa part formelle seulement, donc à l’environnement
sous forme d’une transformation spatiale.
Dans cette recherche nous avons essayé de trouver un sens à l’espace public d’un point
de vue de l’usager, à travers le recours à quelques méthodes de collecte et de traitement de
données. Divisées en données subjectives liées aux individus et à leurs expériences dans
l’espace public ; et en données objectives liées aux différentes analyses de la structure
spatiale, pour donner des arguments expliquant la perception de l’espace par les individus
et leur influence sur leurs pratiques dans l’espace vécu.
Comme résultat final de cette recherche, quatre points importants, liés les uns aux autres
formant un processus circulaire qui ne se termine pas sont apparus : la perception de
l’espace, l’interprétation de l’existant pendant la construction des connaissances,
l’appropriation de l’espace par l’individu pour exprimer son identité ou dans le but de la
construire, et finalement l’usage de l’espace.

348
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

Perception

Usage
L’espace Interprétation
vie

Appropriation

Figure 9-01 : L’expérience sensible de l’individu dans l’espace vie 3


3.1 Le récepteur de l’urbain et l’appartenance socioculturelle :
Nous avons mentionné au préalable que la perception et l’interprétation de l’existant
sont la première étape dans l’élaboration de toute relation entre l’espace et l’usager. Dans
les trois cas d’étude, nous avons confronté des individus dont chaque groupe appartient à
un contexte socioculturel particulier.
Dans le cas du quartier auto construit de Bentelliss, le sens de l’espace urbain n’est que
le produit de ses usagers. Mais, dans le quartier des grands ensembles, et par opposition au
tissu auto construit, l’individu doit interpréter son nouvel espace selon son contexte
socioculturel précédent. Dans ce cas, l’usager doit passer par la réception de cet espace.
Selon Suchman, la réception est une action située, car elle se structure dans un espace
donné et à un moment donné. Avec le temps, elle se développe du fait qu’elle se nourrit du
vécu de l’individu, de son histoire personnelle, de ses expériences dans d’autres espaces, et
même de l’histoire de ces derniers. Pour le cas de la cité de Bentelliss, les individus ont
exprimé leurs histoires, leurs expériences et les contextes antérieurs dans la construction de
leur espace de vie. L’idée de Suchman s’applique aux nouveaux arrivants dans ce quartier
et sur la totalité des individus dans les grands ensembles, désignés par la suite comme des
récepteurs.
Ces récepteurs sont devant l’obligation de donner un sens à cet espace, compte tenu que
le sens de l’espace proposé par son concepteur n’est pas automatiquement facile à décoder
par l’usager. C’est le cas des grands ensembles. Comme nous l’avons mentionné

3Espace vie : concept utilisé par Kurt Lewin en 1936.


349
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

auparavant, l’espace public n’est que le reste de la surface, suite à l’implantation des
immeubles dans l’espace, et en majorité, il n’avait pas de fonction précise.
Avec le temps, les récepteurs, dans ce quartier, ont participé à la construction d’un sens
aux espaces extérieurs, à travers l’affectation de quelques fonctions à ces espaces. Cette
participation était d’ordre collectif dans certains cas, et dans d’autres, d’ordre individuel.
Mais dans sa globalité, elle répond automatiquement aux attentes des individus et à leurs
contextes socioculturels.
La participation collective s’est traduite en des interventions sur l’espace, telles que le
nettoyage et l’aménagement de quelques espaces verts. Ou encore, sous forme de pratiques
telles que le choix de quelques surfaces comme aires de détente ou de loisir. Par contre,
dans les pratiques individuelles, le contexte socioculturel apparaît plus clairement. Elle se
présente sous forme d’une appropriation des abords des immeubles et d’implantation de
certains arbres fruitiers et de quelques plantes décoratives ou à usage quotidien.
Si ces récepteurs partagent le même code socioculturel, leur participation implique le
recours à une mémoire collective, ou la construction d’une nouvelle si les individus
n’appartiennent pas au même contexte. Pour les deux cas, elle est constitutive d’une
identité spatiale en fonction de laquelle l’individu transforme l’espace et y réoriente ses
pratiques.
Partons du fait que l’individu naît dans une époque historiquement déterminée et des
conditions sociales particulières (Heller, 1975, p.23). Cet individu doit apprendre à utiliser
ce qui l’entoure selon ce que dictent ces conditions. Son unique référentiel est la
quotidienneté, définie par Lefebvre (1968) comme lieu de convergence du rationnel et
d’irrationnel, dans lequel l’individu s’approprie les choses et s’approprie par eux-mêmes.
Cette quotidienneté est à la fois un ensemble de relations entre les individus ou entre
l’individu et les choses. Elle est la confusion des pratiques et des connaissances naturelles,
ou transmises peu à peu du corps social sous forme de traditions.
L’ensemble des relations abstraites exercées dans la quotidienneté se définit par la
territorialité, qui est « la dimension latente de la quotidienneté, c'est la structure
relationnelle, pas ou peu perçue, de la quotidienneté » (C. Raffestin et M. Bresso, 1982).
Cette territorialité n’est pas stable dans le temps, étant donné qu’au fur et à mesure ces
relations exercées entre individus ou autres (choses) se transforment. À travers le temps, et
au même titre que la territorialité, la quotidienneté passe par des bouleversements causés
par la non-rentabilité des pratiques transmises des traditions.

350
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

À l’autre face de ces traditions se trouve la modernité. D’abord, il faut préciser que la
modernité n’est pas l’opposé de la tradition, mais elle en est le résultat. Alors que la
tradition est la confusion des connaissances et des pratiques, la modernité se définit comme
le processus de différenciation entre les deux. Nous avons mentionné plus haut que la
quotidienneté et la territorialité se transforment avec le temps. La modernité cause cette
transformation à travers l’introduction de la science et de la technologie qui actualisent
l’information fonctionnelle et apportent des connaissances et des pratiques nouvelles non
acquises, à travers le processus d’appropriation4. Sous l’angle de la modernité, la
territorialité disparaît, résultat de la négligence de la valeur des relations établies entre les
individus. À ce stade, dans lequel des cas pouvons-nous classifier nos différents cas
d’étude ?
En référence aux études de Kurtness mentionnées dans le premier chapitre, le processus
d’adaptation passe par trois phases (le contact, le conflit et la résolution ou l’adaptation
relative). Cette adaptation a donné naissance à trois types de communauté (traditionnelle,
transitionnelle et acculturée). D’après nos résultats, nous pouvons déduire l’absence totale
d’un retranchement dans les trois sites étudiés, de même leurs populations sont en phase
d’adaptation relative. Donc, elles font partie de la communauté transitionnelle. Pour
justifier ce choix, nous avons recours à quelques arguments :
 La résistance de certains rites liés à la communauté traditionnelle et leur
exercice à l’époque contemporaine, comme le rite de la distillation des roses.
 L’adaptation dans de courts délais aux nouveaux modes de vie, sans avoir de
difficultés d’intégration, c’est le cas des grands ensembles.
 Pour le même cas des grands ensembles, l’exclusion de certains traits de la
culture traditionnelle afin d’assurer une bonne intégration.
 Le maintien de certaines valeurs de la nouvelle culture et leur transmission.
C’est le cas des pratiques acquises lors du passage de la population rurale par la
vieille ville de Constantine. Étant donné que cette aire a été pour une longue
période un lieu de transit, 15,8% des enquêtés ont transité par l’un de ses
quartiers avant d’arriver à leurs lieux de résidence actuels. Nous constatons chez
eux les mêmes pratiques de nettoyages que cette population exerce de la même
manière que dans le tissu auto construit, au point que cela apparaît comme un

4Selon C. Raffestin et M. Bresso (1982), le processus d’appropriation est constitué d’un ensemble d’essais
répétés marqués par des succès ou des échecs par rapport aux objectifs. À travers cette répétition et
l’adéquation ou l’inadéquation avec les objectifs, l’expérience se construit, elle se mémorise et s’accumule
avec le temps pour être transmise aux nouvelles générations sous forme de traditions.
351
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

rite enraciné dans leur quotidien et dans leur culture traditionnelle, bien qu’il
fasse partie des valeurs acquises avec le temps.
 La réapparition de certaines pratiques exercées dans des espaces publics, telles
que les Tarbiâa.
De même que pour le retranchement, l’assimilation n’a également pas été observée.
Leur présence dans les grands ensembles pendant une certaine période peut être expliquée
par une phase de conflit, ce qui justifie la réapparition des pratiques liées à la culture
traditionnelle et l’appropriation des espaces.
3.2 Un lieu, une source de convivence :
Le 26 octobre 2004, le terme de convivence a été adopté par l’Académie française, pour
designer la vie en communauté ou la vie des uns avec les autres « le vivre ensemble ».
Selon Frank Lloyd Wright (1939), la modification de l’espace urbain mène vers le bien-
être de l’individu, ou vers la sereine convivence de toute la communauté, si nous assurons
le partage de l’espace public en « co-présence », un partage fonctionnel et social.
Selon les résultats de l’enquête sociale, l’espace urbain, pour la majorité de la
population, n’est pas vécu, et la relation espace / usager n’est pas établie. L’espace vécu
pour le reste des usagers n’a pas pu atteindre le but d’établir une vie communautaire, ni
favoriser le contact entre les individus. Car de l’analyse des résultats (figure 9-02), alors
que 28,4 % des enquêtés partagent l’espace en mode collectif, 59,67 % de la population
enquêtée pratiquent l’espace individuellement.

Figure 9-02 : La fréquentation et l’usage individuel ou collectif de l’espace public (enquête sociale,
2014)

352
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

Malgré ses inconvénients, c’est l’insécurité, dans ce cas, qui a poussé l’usager à
fréquenter l’espace public en compagnie des enfants. Avec le temps, ces espaces ont pris la
valeur de lieux de rencontre et de discussion. L’insécurité a encouragé 11,89 % des
individus à pratiquer l’espace en mode collectif, donc en vie communautaire.
Le principe de la convivence urbaine est de mettre en relation l’individu et l’espace
public, de telle façon que l’usager puisse se positionner dans l’espace vécu. Ce
positionnement facilite l’appropriation de l’espace, ce qui lui donne un sentiment
d’enracinement, ce n’est que dans ce cas que le lien espace/usager peut être établi. Ce lien
lui donne l’envie de vivre en communauté.
Des résultats des analyses antérieures, nous pouvons citer des éléments intrinsèques
pour redonner vie aux espaces qui ont perdu leur valeur avec le temps, et pour permettre au
reste des espaces publics d’être des lieux de vie, selon la composition de l’espace et son
usage.
3.2.1 Les dimensions de l’espace et leur accessibilité psychique :
Les dimensions de l’espace public vécu ont un impact sur le sentiment de satisfaction
des usagers. D’après l’analyse de la structure de l’espace en se basant sur l’indice de
confinement, la largeur de l’espace et la hauteur des constructions qui l’enveloppent ont un
impact sur les sentiments de l’usager. En effet, il passe d’un sentiment de phobie de la
clôture des espaces à un sentiment de bien-être (1<La/H ≤0.12) avec la possibilité
d’observer l’espace dans sa verticalité. Si cet indice dépasse la valeur de 4, le sentiment de
l’usager change, il se sent perdu dans l’espace. Du fait que l’observation est passée à
l’horizontalité, sa possibilité de se repérer dans l’espace est plus difficile. De même, les
dimensions intimes des places publiques facilitent à l’usager de les englober dans un seul
regard.
L’organisation parfaite d’un espace public en termes de visibilité, proportionnalité ou
même accessibilité, ne veut pas toujours dire qu’il est accessible, pour la raison qu’avant
de questionner l’accessibilité physique de l’espace, nous devons toujours faire appel à
l’accessibilité psychique, car l’espace public peut être inaccessible pour certaines
catégories de population.
S’ajoutent à ces deux éléments la sécurité dans l’espace et le confort. Nous avons déjà
mentionné que la visibilité d’un espace et son accessibilité ont une influence sur les
sentiments de l’usager. Les espaces moins éclairés tels que les rues étroites donnent un
sentiment d’insécurité. Donc, si une placette est accessible à partir d’une rue étroite, elle
sera moins fréquentée pour la seule raison que les sentiments d’inaccessibilité et
353
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

d’insécurité représentent un obstacle pour l’usager, même en plein jour. Le confort dans
l’espace public est représenté par sa propreté, car un espace bien entretenu est plus
accessible et mieux perçu, ce qui influe sur sa fréquentation.
3.2.2 La fonction de l’espace :
Dans nos différents cas d’étude, l’espace public en termes de fonction est polyvalent.
Pour l’usager, il peut être un simple espace de transit, comme il peut accueillir d’autres
activités, qui dépendent en premier lieu de sa composition. C’est le cas du tissu des grands
ensembles où l’aménagement des espaces minéraux a engendré l’apparition d’autres
fonctions telles que l’occupation de certains espaces par des enfants jouant aux rollers. De
ce fait, la distribution entre le minéral et le végétal influence la fonction de l’espace.
Le second élément à prendre en considération est la fréquentation de l’espace en se
basant sur sa polyvalence fonctionnelle. Si un espace est fonctionnel durant toutes les
heures de la journée, et si ses fonctions changent durant cette période (c’est le cas du
quartier des grands ensembles), sa fréquentation l’introduit dans la vie quotidienne des
individus donc le lien espace/usager sera établi.
3.2.3 L’attractivité du lieu :
Les analyses antérieures ont permis de constater qu’un espace dans une zone à fonction
administrative ou commerciale n’a pas la même valeur qu’un autre dans une zone
résidentielle. De ce fait, le contexte socio-économique influe sur la valeur donnée aux
espaces publics. Donc l’existence d’un espace à grande attractivité, proche d’un lieu vers
lequel le cheminement est facile, renforce la valeur et l’attractivité de ce lieu.

354
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

Conclusion :
La recherche d’une réponse à la question de l’identité d’un espace à travers la pratique
qui s’y exerce nous a conduites à poser des questions autour de : l’organisation spatiale, la
chronotopie urbaine et son influence sur le sentiment d’appartenance, le partage de
l’espace entre les différentes catégories des usagers, le choix des référents identitaires et la
convivence du lieu.
De ces questionnements, nous avons pu aboutir à un ensemble de propositions
permettant d’arriver à la satisfaction des usagers. Tout en se basant sur leurs
préoccupations socio-spatiales, dans le but de faciliter la réappropriation des espaces et
afin de leur redonner la valeur d’un lieu de manifestation de la vie urbaine. Dans cette
étude les préoccupations n’ont été qu’une traduction de la perception spatiale des usagers.
En nous basant sur l’aspect socioculturel et son influence sur l’espace, nous avons pu faire
ressortir le rapport entre l’organisation spatiale et le sentiment d’appartenance à un lieu et à
la communauté. Nous avons pu comprendre comment et à travers quels éléments elle se
construit, et mettre en lumière la signification de l’espace, la relation espace/usager et la
méthode de son élaboration.

355
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

Travaux cités :
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356
Chapitre IX : Eléments de synthèse, pour une renaissance de l’identité urbaine

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357
CONCLUSION GÉNÉRALE
Conclusion générale

La première apparition de Constantine dans les livres d’histoire remonte au troisième


siècle av. J.-C. Elle a connu une succession de civilisations. Elle n’était qu’une petite
agglomération, et c’est l’empire de Carthage qui lui a conféré le statut de cité. Détruite par
les Vandales au début du IVe siècle, elle fut reconstruite par Constantin. Depuis, elle a
abandonné son ancien nom (Cirta) afin de prendre celui de son bienfaiteur. Les travaux
d’embellissement engagés par Massinissa et ses fils l’ont transformée en cité luxueuse.
Bien qu’elle ait été détruite par les Vandales et fut reconstruite par les musulmans, nous
constatons le respect des fonctions des espaces lors de la reconstruction. Ce respect est
apparu plus clairement lors de l’analyse de l’organisation spatiale de cette ville, depuis
l’époque romaine jusqu’à l’époque contemporaine. Depuis sa reconstruction à la fin de
l’occupation ottomane, cette ville avait sa propre organisation spatiale qui reflétait sa
structure sociale, étant donné qu’elle abritait en plus de sa population, des Noirs, des
Turques, des Kouloughlis et des Juifs. Durant la présence turque, de 1528 à 1837, la ville a
connu le passage de 45 beys sur le trône du beylek Est. Durant ces trois siècles,
Constantine n’a connu des travaux d’embellissement que sous l’autorité du Bey Hacene
Abu H’nek, puis des extensions sous l’autorité de Saleh Bey dont le but était de créer un
nouveau centre proche de la casbah. En référence à Carvajal, au XVIe siècle les maisons
de la médina n’étaient pas collées les unes aux autres. En évoluant dans le temps,
d’importants travaux de destruction, de réédification, d’extensions d’édifices et
d’ouverture de nouvel axe ont été effectués, ainsi ils ont donné naissance au tissu dense de
la médina, où la conception des rues et ruelles fût conditionnée par des critères et soumise
à des règles dictées par la religion islamique, afin de protéger la rue et l’usager. C’est le cas
des Sabat qui ne doivent en aucun cas représenter un obstacle devant les piétons, ou des
Massatibe et des Dakka devant les locaux de commerce ou au bord de la rue, et qui ne
doivent pas perturber la fluidité de la circulation des piétons ou diminuer la largeur de la
rue. À travers la comparaison de la division spatiale de l’espace médinal en quartiers et
sous quartiers proposée par E. Mercier, avec ce qui apparaît dans le registre des Habûs, de
nouveaux noms et vocables sont apparus, c’est l’exemple du mot Mahalla qui est propre à
Alep, Mossoul et Bagdad selon Christian Topalov (2005), mais qui était présent dans
plusieurs actes du Registre des Habûs de Constantine. Pareillement, pour les résultats
obtenus lors de la comparaison des noms des rues et ruelles dans le Manuscrit et ceux
trouvés dans le plan toponymique élaboré par E. Mercier.
Avec l’avènement de la colonisation française, une nouvelle période de
bouleversements a marqué cette ville. L’introduction d’une population étrangère est le
359
Conclusion générale

résultat du processus de colonisation de peuplement qui a eu pour impact la division de


l’espace médinal et l’occupation de sa partie haute par les colons, en réservant la partie
basse à la population autochtone. Les mosquées et certaines maisons à valeur historique
n’ont pas échappé aux mutilations et transformations et les changements de leurs fonctions
initiales. Ces interventions ont causé d’importants changements, non seulement au cadre
bâti, mais aussi à la structure sociale, du fait qu’elles ont donné naissance à une dynamique
dominée par une redistribution des populations au niveau de l’espace. Conséquence de ces
différentes interventions, Constantine est passée d’une adaptation parfaite aux pratiques
urbaines des habitants à une modification de la structure spatiale afin de répondre au mode
de vie de chacun des groupes de population habitant la ville. De même, la centralité
représentée autrefois par le lieu de culte dans le tissu arabo musulman a été orientée vers
de grandes avenues et vers des places publiques créées par la colonisation. L’analyse de
différents indicateurs (profondeur des espaces, connectivité, intégration, contrôle, etc.)
dans la partie conservée de la médina sans l’introduction de la partie coloniale a prouvé sa
hiérarchie fonctionnelle. Mais, suite à ces interventions, ces indicateurs ont été
bouleversés : les degrés d’intégration plus ou moins égaux ont été remplacés par d’autres
faibles, pareillement aux degrés de connectivité dans le tissu, ce qui explique la sous-
intégration de la partie basse de la médina de Constantine, de même 7,47 % du tissu arabo
musulman est caractérisé par la dispersion des espaces et leur ségrégation.
Également, à cette époque, il y a eu des extensions en dehors des limites du Rocher.
Malgré leur standardisation et l’ignorance des héritages socioculturels de la population
autochtone, elles ont caractérisé la ville depuis la colonisation à nos jours. S’ajoute à ces
extensions l’apparition des tissus informels occupant les zones fragiles.
Avant la colonisation française, la médina de Constantine abritait une population
autochtone qui avait ses spécificités, sa propre perception et ses propres référents spatiaux.
Mais, depuis la colonisation et l’introduction de nouveaux habitants (résultat du processus
de peuplement et de l’exode rural), de nouvelles normes et valeurs sont apparues, elles ont
eu une grande influence sur la configuration spatiale de la ville. Elles ont anéanti certaines
valeurs et modifié certains repères et référents identitaires de la ville traditionnelle.
Les éléments qui fondent l’individualité d’une ville sont multiples dont la localisation
géographique, les évènements historiques, les œuvres esthétiques, la culture, etc. La
combinaison de ces éléments constitue non seulement son identité, mais forme aussi un
système de symboles qui lui sont propres. L’appartenance d’un lieu à une mémoire

360
Conclusion générale

collective est due à sa position et sa valeur dans l’histoire de la ville. Ce positionnement


fait de l’espace un véritable lieu sacré.
Au départ, notre questionnement était le suivant : « L’identité de la ville de Constantine
peut-elle apparaître à travers les composants de l’espace, donc à partir des référents et
repères spatiaux marquant l’espace et dessinant sa mémoire et son histoire ? Et
comment les pratiques socio spatiales marquent-elles cette identité ? »
Afin de répondre à ce questionnement, nous avions énoncé deux hypothèses. Tout
d’abord, nous avons supposé que l’identité de l’espace se met en relief à travers son
histoire et ses repères spatiaux. Et encore, elle influe sur l’individu qui l’habite. Cette
hypothèse a pu être vérifiée.
Alors qu’elle regroupe des éléments de différentes époques de l’histoire, et bien qu’elle
ait subi des travaux d’aménagement afin de les faire apparaître, la place du Palais du Bey
ne dépasse pas la valeur d’un espace de transit. C’est également le cas de Souk El Acer qui
était le centre économique de la ville à l’époque de Saleh bey, et qui regroupe son point de
repère et son élément symbolique. Bien qu’il ait connu de grands travaux d’alignement et
de régularisation pendant la colonisation, il a conservé sa fonction commerciale. Malgré la
présence de quelques équipements à valeur historique, l’absence d’une mémoire liée à cet
espace le décline d’un lieu de mémoire à un simple espace à vocation commerciale. Alors
qu’elle subit des transformations de jour en jour, et malgré son abandon et son exposition
au processus d’acculturation imposé par la colonisation, la place de Sidi El Djliss persiste
encore comme lieu de mémoire. Par opposition aux deux premiers cas (la place du Palais
du Bey et Souk El Acer), cela est dû à la persistance d’une mémoire collective. Cette
situation confirme la première hypothèse, que l’identité de l’espace se met en relief à
travers son histoire et ses repères spatiaux, mais à la seule condition de la présence d’une
mémoire collective.
S’ajoute à cette dernière la pratique de l’espace. De l’analyse de la place du
caravansérail, nous constatons la disparition de la mémoire du lieu, malgré la persistance
du lieu d’exercice, à cause de la disparition de la pratique. En conséquence, la persistance
de la mémoire du lieu est conditionnée aussi par la survie de la pratique.
Étant donné que le référent est défini comme une pratique imposée avec le temps au
sein des usagers d’un même lieu, donc l’absence de la pratique cause la disparition de la
mémoire collective. En parallèle, la pratique de l’espace participe à l’apparition d’une
identité propre. C’est le cas des croyances transformées en rites. L’exercice de ces rites
donne naissance à une mémoire collective et transforme l’espace en un lieu sacré qui
361
Conclusion générale

renvoie aux sources, donc aux souvenirs et à la mémoire qui le caractérise et qui le définit
symboliquement.
Le toponyme de l’espace est un autre élément qui assure la persistance de la mémoire
collective. Celui-ci est apparu plus clairement lors de l’analyse de Rahbet Essouf, du fait
que la nomination est une introduction de l’histoire dans la réalité géographique des
individus. Donc, elle assure la survie de l’histoire du lieu dans leur mémoire.
Nous supposons également que l’homme s’adapte à son nouvel environnement et à une
nouvelle culture. Encore qu’avec le temps, il construit sa propre identité urbaine et choisit
ses propres référents. Les résultats de nos analyses confirment cette hypothèse et relèvent
qu’effectivement l’individu passe par une période d’adaptation.
Les différences culturelles étaient peu observables dans le troisième tissu analysé
(constitué de l’habitat collectif, de l’informel en dur et une cité de recasement). Cela est dû
au passage par un espace de transition caractérisant la culture traditionnelle (la vieille ville
de Constantine). Ce passage a participé à la réduction du « choc culturel » qui se réfère aux
différences entre deux modes de vie (urbain et rural). Nous avons constaté également une
appropriation symbolique de quelques espaces dans ce tissu, et leur usage comme des
attributs participant à la définition d’une identité sociale de même que la renaissance de
certaines pratiques liées au mode de vie traditionnel. En conclusion, nos hypothèses sont
confirmées.
À partir des résultats obtenus, nous pouvons dégager des pistes de recherches possibles.
En rapport avec les représentations et le vécu de l’usager, il fait de l’ensemble de la ville
un contexte de référence. Ce dernier se présente sous forme d’une cartographie imaginaire.
Ces référents se subdivisent en quatre catégories : les référents matériels ou physiques, les
référents historiques, les référents psychoculturels et les référents psychosociaux. Dans
cette étude, nous n’avons pu développer que quelques référents appartenant aux trois
premières catégories. De ce fait, il serait intéressant d’effectuer une recherche sur les
référents sociaux, les attributs de valeur sociale et les potentialités de devenir dans cette
ville ou encore sur l’organisation matérielle et l’apparence physique.
Il serait également intéressant d’analyser la catégorie des « Reclus », apparue pendant
cette recherche. Cela nous permettrait de connaître les raisons pour lesquelles l’espace
public n’a pas de valeur dans leur vie quotidienne, et de proposer des solutions qui
permettraient d’établir le lien espace/usager et assurerait leur satisfaction. Il permettrait
ainsi l’aboutissement du processus de construction de l’identité pour cette catégorie de
population, à travers le changement de l’image mentale qu’ils se dessinent de l’espace.
362
Conclusion générale

Le renforcement des valeurs mémorielles d’un lieu dépasse sa conservation ou son


esthétisation, mais nécessite sa valorisation historique et culturelle et l’adhésion de la
partie intéressée de la communauté. De ce fait, il aurait également été intéressant de
prendre en considération les différences culturelles qui ont été peu observables durant cette
étude, et la mise en lumière de leur importance dans ce processus d’adhésion.

363
BIBLIOGRAPHIE
GÉNÉRALE
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‫‪385‬‬
Nom et Prénom : Ismahane BOULEMIA
Titre : Constantine à la quête de ses référents identitaires urbains
Thèse en vue de l’Obtention du Diplôme de Doctorat LMD en Urbanisme

Résumé

Chaque entité spatiale a sa propre façon de présenter ses référents spatiaux et institutionnels. Chaque lieu
peut être décrit par des représentations spatiales constituées de pratiques exercées dans des moments de vie
collective vécus au quotidien, et selon un rythme plus ou moins fréquent pendant une longue période. Ces
référents peuvent être classés en : des référents matériels ou physiques, des référents historiques, des
référents psychoculturels et des référents psychosociaux.

Cette recherche se propose d’analyser les représentations socio spatiales ainsi que les pratiques des
individus dans l’espace public dans trois sites bien distincts, afin de tirer des référents identitaires propres à
chaque espace. La problématique interroge le lien entre la pratique de l’individu, l’espace comme un lieu
d’exercice de cette pratique, les représentations spatiales des usagers et l’image mentale que dessine
l’espace chez ces derniers. Les résultats obtenus confirment l’importance de la prise en compte des pratiques
et des représentations des individus, lors de la création des espaces publics ou de la mise en valeur d’un lieu
de mémoire.

Mots clés : espace public, référent, lieu de mémoire, identité urbaine

Directeur de thèse : Fatiha BENIDIR - Université Constantine 3

Année Universitaire : 2019-2020


Données de la vieille ville de Constantine, des résultats de l’analyse de la
structure on se basant sur la méthode de la syntaxe spatiale :

387
RADIUS-
CONNE FAST GLOBAL LOCAL
DEPT RADIUS
ID CTIVIT CONTROL CHOI INTEGRATI INTEGRATI
H INTEGRATI
Y CE ON ON R3
ON
0 6 1,9028 3 0,0102 0,9136 2,2131 1,5188
1 2 0,3667 2 0,0077 0,9788 1,8539 1,5176
2 5 1,1566 1 0,1212 1,1299 2,632 1,7553
3 22 7,8429 0 0,4903 1,294 3,2547 1,9728
4 7 2,3121 1 0,1315 1,1867 2,7123 1,8381
5 9 3,4325 3 0,0512 0,9604 2,714 1,6556
6 8 1,4234 3 0,0229 0,9416 2,5001 1,5697
7 5 2,5714 5 0,0212 0,8201 2,2095 1,4759
8 5 2,0714 5 0,0208 0,8286 2,2437 1,505
9 7 3,4193 3 0,09 1,0412 2,6346 1,8606
10 3 0,3492 3 0,048 0,9245 2,2261 1,5415
11 3 1,3026 3 0,0263 1,0228 2,3158 1,7929
12 1 0,3333 4 0,0048 0,8771 1,2556 1,4056
13 2 0,6111 4 0,0143 0,8318 1,7214 1,3587
14 2 1,5 5 0,0096 0,7332 0,9217 1,104
15 1 0,5 6 0,0048 0,6552 0,3333 0,8635
16 2 0,5333 5 0,0057 0,8005 1,4063 1,2634
17 3 1,3333 5 0,0053 0,791 1,318 1,2208
18 2 0,4762 4 0,0054 0,8928 1,7052 1,4667
19 2 0,386 3 0,0175 0,998 2,2051 1,6726
20 3 1,8333 4 0,0133 0,8652 1,4337 1,3585
21 1 0,3333 5 0,0048 0,7585 0,6368 1,0924
22 1 0,1429 4 0,0048 0,8906 1,5768 1,4543
23 1 0,1429 4 0,0048 0,8906 1,5768 1,4543
24 2 0,386 3 0,0256 1,0071 2,215 1,6876
25 3 1,3333 4 0,0229 0,8822 1,5302 1,3998
26 2 0,6429 4 0,0117 0,8956 1,691 1,4731
27 2 0,8333 5 0,0073 0,7918 1,1208 1,2092
28 3 1,3333 5 0,0147 0,7816 1,327 1,1727
29 2 1,3333 6 0,0096 0,6939 0,862 0,9142
30 1 0,5 7 0,0048 0,6236 0,4224 0,636
31 3 0,7833 6 0,0048 0,7343 1,6101 1,2722
32 4 0,9881 5 0,0083 0,7937 2,1061 1,4099
33 19 5,8929 2 0,3297 1,1873 3,2962 2,2101
34 6 1,2148 1 0,0905 1,2127 2,8715 1,9714
35 3 0,5788 1 0,0106 1,0959 2,3473 1,6288
36 3 0,8667 2 0,0061 0,9405 1,6582 1,3761
37 6 1,8667 2 0,0128 0,9937 2,0628 1,5181
38 6 1,3667 2 0,0283 1,0585 2,3362 1,7225

388
39 3 0,4444 3 0,0064 0,9299 1,9799 1,5003
40 3 0,7 3 0,0049 0,8666 1,5365 1,2581
41 14 4,0944 4 0,0839 0,9016 3,049 1,6708
42 3 0,4464 4 0,0108 0,8608 2,3049 1,5275
43 4 1,8333 3 0,0146 0,9343 1,912 1,5228
44 5 1,5833 2 0,009 0,9961 1,9162 1,488
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46 2 1,1667 2 0,0096 1,0139 1,7724 1,5461
47 1 0,5 3 0,0048 0,8705 0,6269 1,2472
48 5 1,0788 1 0,0178 1,1304 2,482 1,7192
49 4 0,6621 1 0,0126 1,1405 2,4618 1,7157
50 2 0,3667 3 0,0048 0,866 1,4136 1,2545
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52 2 0,2778 3 0,0048 0,8729 1,6211 1,3724
53 2 1,1111 4 0,0096 0,8313 1,6819 1,3543
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55 2 1,1111 3 0,0096 0,8726 1,5843 1,3703
56 1 0,5 4 0,0048 0,7642 0,7806 1,1061
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58 1 0,2 6 0,0048 0,7236 1,2725 1,2132
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65 1 0,25 6 0,0048 0,7054 1,1917 1,1666
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81 1 0,2 2 0,0048 0,9309 1,4125 1,3235

389
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122 1 0,5 5 0,0048 0,6962 0,6269 0,859
123 2 1,1667 4 0,0096 0,7849 1,2726 1,1007
124 2 0,3788 1 0,051 1,087 2,2429 1,6065

390
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152 3 1,3333 4 0,0238 0,7328 1,327 0,9607
153 2 1,3333 5 0,0096 0,6552 0,862 0,7397
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391
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201 2 0,3095 2 0,0185 1,0123 1,9062 1,5219
202 2 0,4762 2 0,0102 1,0059 1,7925 1,4928
203 2 0,3095 2 0,0133 1,0015 1,8052 1,4809
204 3 1,3333 6 0,0148 0,6851 1,318 1,0193
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210 3 0,65 5 0,0098 0,812 1,752 1,3338

392
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393
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394
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395
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396
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386 2 0,8333 11 0,041 0,544 1,0208 0,9062
387 3 1,25 10 0,0595 0,591 1,4136 1,0377
388 4 1,3333 9 0,0901 0,6403 1,7379 1,0911
389 3 1 8 0,0925 0,6914 1,5517 1,1274
390 4 1,3333 7 0,2267 0,7525 1,6179 1,2108
391 3 0,9167 6 0,0842 0,7947 1,5365 1,0586
392 3 0,9167 7 0,0515 0,7532 1,4383 1,1299
393 2 0,8333 11 0,0048 0,5306 0,7278 0,7239
394 3 1,25 10 0,0143 0,5805 1,2123 0,9062
395 2 0,8333 11 0,0048 0,5306 0,7278 0,7239
396 1 0,5 15 0,0048 0,4037 0,4986 0,7098
397 2 1,25 14 0,0096 0,4321 1,0697 0,9235
398 2 0,5 12 0,0483 0,496 1,3444 1,0681
399 4 2,5 11 0,0591 0,5327 1,3846 1,0356
400 1 0,25 12 0,0048 0,4903 0,7662 0,7966
401 2 0,75 12 0,008 0,4993 1,1 0,8513
402 2 1 11 0,01 0,5334 0,887 0,7826
403 2 1 10 0,014 0,5755 0,862 0,8182
404 2 0,8333 9 0,0183 0,6276 1,0697 0,9451
405 3 0,9167 9 0,0324 0,641 1,3938 0,9871
406 3 1,1667 8 0,0464 0,6691 1,2123 0,9229
407 2 0,6667 7 0,0485 0,705 1,1059 0,8864
408 1 0,2 3 0,0048 0,9029 0,9793 1,1303
409 4 1,4167 13 0,0314 0,4607 1,5506 1,0336
410 3 1 14 0,0074 0,4312 1,3007 0,9652
411 2 0,75 14 0,007 0,4287 1 0,7984
412 2 0,8333 15 0,0048 0,4031 0,862 0,7416
413 2 0,75 10 0,0143 0,5486 1,1059 0,8075
414 2 1,5 11 0,0096 0,5039 0,7278 0,6534
415 1 0,5 12 0,0048 0,4658 0,3333 0,4973

397
Données de la zone d’étude dans les grands ensembles, des résultats de
l’analyse de la structure on se basant sur la méthode de la syntaxe
spatiale :

RADIU
GLOBA S-
LOCAL
CONNE DEPTH FAST L RADIU
CONTR LENGT INTEG
ID CTIVIT DEPTH FROM CHOIC INTEG S
OL H RATIO
Y 54 E RATIO INTEG
N R3
N RATIO
N
0 2 1 8 8 0,0294 0,6429 0,3306 0,887 0,7855
1 2 0,75 7 7 0,0368 0,6933 0,6805 1,1192 0,9057

398
2 4 1,25 4 4 0,1359 0,9305 0,1658 1,7852 1,2738
3 4 1,3333 5 3 0,0877 0,8948 0,4454 1,6071 1,2495
4 3 1 5 3 0,0259 0,8342 0,0685 1,318 1,1279
5 2 0,8333 6 4 0,0144 0,7081 0,346 0,862 0,8496
6 2 0,75 6 4 0,0171 0,7513 0,1542 1,0208 0,9573
7 2 0,75 5 5 0,0703 0,7822 0,0488 1,1982 1,0493
8 2 1 6 6 0,0567 0,6732 0,0809 0,887 0,8397
9 2 1 7 7 0,0428 0,5898 0,0042 0,8726 0,6505
10 2 1,5 8 8 0,0287 0,5239 0,0356 0,704 0,4928
11 1 0,5 9 9 0,0144 0,4705 0,0972 0,3333 0,349
12 2 0,6667 4 2 0,0566 0,9389 0,1351 1,3904 1,2223
13 2 0,6667 3 1 0,0581 0,9738 0,2396 1,4381 1,2775
14 4 1,0333 4 2 0,0892 0,9389 0,3484 1,7325 1,3245
15 4 1,1167 3 1 0,1206 0,997 0,1754 1,884 1,3979
16 4 2,2 2 2 0,0707 0,9575 0,0972 1,5688 1,297
17 2 0,75 4 2 0,0838 0,8308 0,0211 1,241 1,1279
18 2 1,2 2 4 0,0287 0,8748 0,0343 1,1561 1,0841
19 1 0,5 3 5 0,0144 0,7355 0,0992 0,5661 0,7814
20 2 0,6667 3 1 0,0239 0,9025 0,0608 1,3592 1,1824
21 2 1 2 2 0,0171 0,8652 0,1612 1,0103 1,0693
22 2 0,7 1 3 0,0216 0,9648 0,0353 1,3455 1,229
23 2 0,7 4 3 0,0284 0,8488 0,0532 1,2906 1,1291
24 2 0,8333 5 4 0,0147 0,722 0,051 1 0,891
25 2 0,8333 5 4 0,0424 0,722 0,102 1 0,891
26 2 0,7 4 3 0,0561 0,8488 0,0295 1,2906 1,1291
27 1 0,3333 7 6 0,0144 0,5529 0,0411 0,5817 0,5238
28 3 2 6 5 0,0289 0,6281 0,0436 1,2737 0,717
29 5 1,4 0 2 0,2974 1,2102 0,3873 2,0999 1,6085
30 2 0,5333 2 4 0,0515 0,9575 0,1111 1,4063 1,2221
31 3 0,8667 1 3 0,0583 1,0755 0,01 1,6792 1,4019
32 6 2,5333 1 3 0,237 1,1462 0,2177 2,0635 1,5054
33 4 1,25 2 3 0,0725 1,0521 0,1752 1,7874 1,4062
34 4 0,9833 2 2 0,0887 1,0943 0,246 1,8993 1,4843
35 5 1,0667 1 1 0,2952 1,1896 0,3596 2,2063 1,6401
36 5 2,2 1 3 0,1738 1,0755 0,6563 1,8363 1,4108
37 2 0,3667 2 4 0,0866 0,9784 0,1182 1,5887 1,2977
38 2 1,2 2 4 0,0287 0,8748 0,0324 1,1561 1,0841
39 1 0,5 3 5 0,0144 0,7355 0,0313 0,5661 0,7814
40 2 1 7 7 0,0382 0,6987 0,5372 0,887 0,8125
41 2 1 6 6 0,0413 0,7195 0,0696 0,862 0,8443
42 2 0,8333 5 5 0,0483 0,7842 0,0677 1,0697 0,9814
43 3 0,9167 4 4 0,0584 0,8999 0,0726 1,5448 1,1967
44 2 0,6667 4 4 0,0678 0,8454 0,037 1,3305 1,1124
399
45 2 1 5 5 0,0548 0,7245 0,0644 0,9479 0,9009
46 2 1 6 6 0,0418 0,6338 0,0254 0,8491 0,7448
47 2 1 7 7 0,0287 0,5633 0,0647 0,8491 0,6538
48 2 1 8 6 0,021 0,5392 0,0199 0,8491 0,6635
49 2 1 7 5 0,0225 0,5505 0,0462 0,8491 0,6635
50 2 1 6 4 0,0308 0,5926 0,0749 0,8491 0,6538
51 2 1 5 3 0,043 0,6711 0,0196 0,8491 0,7613
52 2 1 4 2 0,056 0,7735 0,0219 0,9479 0,9552
53 2 0,6667 3 1 0,069 0,913 0,0303 1,3746 1,2025
54 6 2,45 2 0 0,2389 1,1137 0,4219 2,0595 1,534
55 4 1,8333 6 6 0,1337 0,7951 0,5399 1,5692 1,0673
56 2 0,75 7 7 0,0407 0,7236 0,549 1,1192 0,9043
57 2 0,5833 4 5 0,0374 0,8523 0,0384 1,2552 1,0946
58 3 1,25 3 4 0,0421 0,909 0,1885 1,2906 1,1705
59 3 1,5833 5 7 0,0287 0,7568 0,0705 1,2388 1,0416
60 1 0,3333 6 8 0,0144 0,6502 0,1192 0,6368 0,7673
61 1 0,25 3 5 0,0144 0,8511 0,0922 1,0234 1,0502
62 2 0,5833 3 4 0,0144 0,8822 0,0361 1,1208 1,1041
63 2 0,7 4 6 0,0201 0,7991 0,1254 1,2388 1,0306
64 2 0,6667 2 4 0,0271 0,9403 0,0466 1,3746 1,1962
65 2 1 3 5 0,0187 0,8375 0,138 1,0405 1,0373
66 1 0,5 10 12 0,0144 0,4063 0,0904 0,3333 0,349
67 2 1,5 9 11 0,0287 0,4455 0,0275 0,704 0,5095
68 2 1 8 10 0,0428 0,4923 0,0912 0,8726 0,5913
69 2 1 7 9 0,0567 0,5491 0,0184 0,8491 0,6538
70 2 1 6 8 0,0703 0,6194 0,0577 0,862 0,8007
71 2 0,8333 5 7 0,0838 0,7089 0,0116 1,0697 0,9906
72 3 1 4 6 0,1688 0,8265 0,1594 1,5517 1,2284
73 4 1,2833 3 5 0,192 0,9319 0,1388 1,7289 1,3192
74 4 1,6167 2 4 0,1993 1,0434 0,2071 1,8344 1,372
75 4 1,6667 5 7 0,1266 0,7707 0,038 1,6064 1,188
76 1 0,5 7 9 0,0144 0,5789 0,1079 0,4986 0,6544
77 2 1,25 6 8 0,0287 0,6619 0,0245 1,0208 0,911
78 2 0,75 6 8 0,0567 0,6647 0,0521 1,1366 0,9539
79 2 1 7 9 0,0428 0,5832 0,0387 0,862 0,7547
80 1 0,5 9 11 0,0144 0,4663 0,107 0,3333 0,3831
81 2 1,5 8 10 0,0287 0,5187 0,037 0,704 0,5683
82 1 0,5 6 8 0,0144 0,5838 0,0287 0,3333 0,5203
83 2 1,5 5 7 0,0287 0,6682 0,0264 0,7278 0,7735
84 2 0,75 4 6 0,0428 0,7793 0,0835 1,1561 1,0316
85 4 1,3667 4 6 0,0993 0,8581 0,1452 1,6684 1,2018
86 5 2,5833 3 5 0,1199 0,9223 0,2577 1,8135 1,2514
87 3 0,8667 4 5 0,0834 0,8909 0,2212 1,4897 1,1905
400
88 5 1,7 3 2 0,1542 1,0297 0,2267 1,9311 1,4395
89 5 1,65 2 2 0,2213 1,1176 0,2834 1,9876 1,5429
90 3 0,9167 5 5 0,1236 0,8785 0,0539 1,3938 1,1116
91 2 0,5333 3 3 0,117 1,018 0,0468 1,3904 1,2713
92 3 1,1667 4 4 0,1128 0,9531 0,1804 1,2906 1,1655
93 3 0,8667 4 5 0,0923 0,9292 0,1014 1,4725 1,181
94 5 2,3333 3 5 0,1346 0,9575 0,4965 1,7852 1,2971
95 1 0,5 6 8 0,0144 0,5937 0,022 0,3333 0,5336
96 2 1,5 5 7 0,0287 0,6813 0,0186 0,7662 0,7727
97 2 0,7 4 6 0,0428 0,7971 0,0247 1,2241 1,0217
98 3 2,25 3 3 0,0429 0,8897 0,0945 1,2552 1,1468
99 1 0,3333 4 4 0,0144 0,746 0,054 0,6368 0,8423
100 1 0,3333 4 4 0,0144 0,746 0,0506 0,6368 0,8423
101 1 0,5 6 6 0,0144 0,5741 0,0301 0,3333 0,4032
102 2 1,5 5 5 0,0287 0,6557 0,1073 0,704 0,6425
103 2 1 4 4 0,0428 0,7623 0,0141 0,887 0,9179
104 2 0,7 3 3 0,0567 0,9077 0,0321 1,3089 1,2019
105 3 0,8333 5 7 0,0701 0,7901 0,2061 1,4725 1,1559
106 1 0,5 11 11 0,0144 0,4332 0,0564 0,3333 0,349
107 2 1,5 10 10 0,0287 0,478 0,0333 0,704 0,4928
108 2 1 9 9 0,0428 0,5323 0,137 0,8726 0,6271
109 2 1 8 8 0,0567 0,5993 0,133 0,887 0,7703
110 2 0,75 7 7 0,0703 0,6842 0,0115 1,1192 0,9083
111 1 0,2 4 6 0,0144 0,7931 0,0509 1,0103 0,9873
112 1 0,2 4 6 0,0144 0,7688 0,0792 1,0103 0,952
113 1 0,1667 2 4 0,0144 0,9183 0,1983 1,195 1,1425
114 1 0,25 3 3 0,0144 0,7931 0,0548 0,8462 0,972
115 2 0,75 3 3 0,0215 0,7951 0,0589 1 0,9858
116 2 0,75 3 3 0,0215 0,7951 0,0584 1 0,9858
117 2 1 4 4 0,0144 0,6798 0,0137 0,698 0,7092
118 2 1 6 4 0,0567 0,6194 0,0271 0,8491 0,6998
119 2 1 7 5 0,0428 0,5481 0,032 0,8726 0,5789
120 2 1,5 8 6 0,0287 0,4907 0,0374 0,704 0,5095
121 1 0,5 9 7 0,0144 0,4436 0,0133 0,3333 0,349
122 2 1 5 3 0,0703 0,7105 0,0126 0,887 0,8979
123 2 0,6667 3 1 0,0703 0,9077 0,0333 1,3746 1,2022
124 2 1 4 2 0,0567 0,7641 0,1017 0,9479 0,9408
125 2 1 5 3 0,0428 0,6584 0,0156 0,8726 0,707
126 2 1,5 6 4 0,0287 0,5773 0,0504 0,704 0,5104
127 1 0,5 7 5 0,0144 0,5132 0,1071 0,3333 0,349
128 6 2,4167 3 3 0,2196 1,0147 1 1,9416 1,3889
129 3 0,8333 4 4 0,0999 0,913 0,2283 1,5517 1,24
130 3 1,1667 5 5 0,0534 0,8319 0,3369 1,2726 1,0945
401
131 2 0,8333 6 6 0,0423 0,7287 0,5903 0,9856 0,8878
132 2 1 7 7 0,0328 0,6619 0,1397 0,862 0,7439
133 2 1 8 8 0,0279 0,6313 0,0387 0,8491 0,717
134 1 0,5 5 7 0,0144 0,5628 0,0529 0,3333 0,4032
135 2 1,5 4 6 0,0287 0,6409 0,0141 0,704 0,613
136 2 1 3 5 0,0428 0,7425 0,0453 0,887 0,8488
137 2 0,7 2 4 0,0567 0,8797 0 1,2552 1,1102

402
Articles utilisés pendant la recherche :

Source : http://www.constantine-aps.dz/spip.php?page=imprimer&id_article=27611

403
Source : https://www.ensh.dz/index.php?option=com_content&view=article&id=198:el-
watan-place-si-el-haoues-un-tresor-enfoui-sous-le-sol&catid=70:presse-mars-2011

404
Source : https://www.djazairess.com/fr/lqo/5134695

405
Le poème la justicière (‫ )المنصفة‬écrit par le Mufti Ibn Mouhoub :

Demande déposée à l’Unesco :


Dossier de candidature n° 01192 pour inscription en 2017 sur la liste représentative du
patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Le dossier porte comme intitulé : «Les
savoirs et savoir-faire liés à la distillation de l'eau de rose et de l'eau de fleur de
bigaradier par les citadines de Constantine, dit Teqtar ». Ce dossier est en cours de
traitement pour le cycle de 2017, il sera examiné par le Comité lors de sa douzième
session en novembre/décembre 2017.

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