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STARTUP MINISTRIES

23CI-TH-Introduction à l'Histoire de l'Église


Christian Reichel

Un survol de l’hérésie cathare


Mathias Renoult

2022-2023
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Table des matières

1. Introduction ............................................................................................................. 2
2. Histoire ..................................................................................................................... 2
2.1. Origines : manichéisme et bogomilisme ......................................................... 2
2.2. Croisade des légats et croisade albigeoise ...................................................... 4
2.2.1. Montée en puissance ................................................................................... 4
2.2.2. La croisade.................................................................................................. 7
2.3. Inquisition ......................................................................................................... 9
2.3.1. Genèse ......................................................................................................... 9
2.3.2. Méthodes ................................................................................................... 10
2.3.3. Victoire de l’Inquisition ............................................................................ 11
3. Liturgie................................................................................................................... 11
3.1. Racines ............................................................................................................. 11
3.2. Rituel cathare .................................................................................................. 13
3.2.1. L’Oraison .................................................................................................. 14
3.2.2. Le Consolament......................................................................................... 14
3.3. Vie pratique..................................................................................................... 15
4. Conclusion ............................................................................................................. 16
5. Bibliographie ......................................................................................................... 17

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1. Introduction
Le 8 juillet 1119, le pape Calixte II nouvellement sacré dirige un concile à Toulouse
condamnant les hérétiques et appelant le bras séculier à sévir à leur égard1. Son
troisième Canon ne saurait être plus explicite :

Quant à ceux qui, feignant la forme de la religion, condamnent le sacrement du corps et du sang
du Seigneur, le baptême des enfants, le sacerdoce et les autres ordres ecclésiastiques, ainsi que
les légitimes alliances matrimoniales, nous les chassons et les condamnons en tant qu'hérétiques
de l'Église de Dieu, et nous ordonnons qu'ils soient contraints par les pouvoirs étrangers. Nous
asservissons également les défenseurs de ceux-ci par le lien de la même condamnation, jusqu'à
ce qu'ils se repentent.2

Qui sont ces hérétiques qui, « feignant la forme de la religion », refusent les saints
sacrements de l’Église ? Comment le Saint-Siège a-t-il lutté contre eux ? Quand est née
cette doctrine hétérodoxe et d’où puise-t-elle ses racines ? Existe-t-elle encore
aujourd’hui ? C’est à ces questions que nous allons essayer de répondre dans cette
section au travers d’un survol chronologique du mouvement (ou peut-être plus
précisément « des mouvements ») cathare(s).

Dans ce travail, nous étudierons le mouvement cathare de sa naissance à son déclin d’un
point de vue historique et chronologique. Nous nous concentrerons particulièrement
dans la région du Midi, en France, car c’est là qu’il fût le plus présent. La partie
cultuelle du mouvement sera également abordée dans une deuxième partie. Enfin, nous
essayerons de tirer des enseignements théologiques et pratiques à destination des
chrétiens contemporains. Le lien entre cathares et réformés ne sera pas abordé, les
sources étant trop vagues quant à l’établissement d’un lien entre ces deux courants3.

2. Histoire

2.1. Origines : manichéisme et bogomilisme


Une des premières utilisations du terme « cathare » s’est faite sous la plume d’Alain de
Lille, un moine rhénan, aux alentours de l’an 1200. Il trace l’étymologie du mot au latin
katus car il était raconté que ces hérétiques baisaient le derrière des chats. Il n’en rejette
cependant pas la possibilité d’une étymologie grecque à partir de la racine cathar-

1
Huguette Taviani-Carozzi, « Hérésie et conception du mariage au XIIe siècle », Cahiers de Fanjeaux
43/1 coll. Famille et parenté (2008), p. 159.
2
Paul Fredericq, Corpus documentorum inquisitionis haereticae pravitatis Neerlandicae, 1, Gand/La
Haye, J. Vuylsteke/Martinus Nijhoff, 1889, p. 29. (Notre traduction)
3
Michel Jas, Cathares et protestants. Familles rebelles et histoire du Midi, coll. Les Mots Et La Trace,
Nouvelles Presses du Languedoc, 2011, p. 5.

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signifiant « pur »4. C’est aujourd’hui cette filiation qui fait consensus parmi les experts
du mouvement.

En 1163, c’est l’évêque Eckbert de Schönau qui utilise ce terme dans son Sermones
adversus catharos qui dénonce les hérésies de son époque. L’origine du terme vient très
probablement de Saint Augustin lui-même qui l’utilisait déjà pour dénoncer les
manichéens de son époque dans son traité De haeresibus5. Il ne l’utilisait cependant pas
pour désigner les mêmes hérétiques d’au XIIe siècle6.

Il est important de noter que cette terminologie ne vient pas des cathares eux-mêmes
mais de leurs opposants. Il en va de même pour l’appellation « parfait » et « parfaite »
utilisée pour distinguer les hérétiques ayant reçu le consolament des simples croyants.
Dans son sens original, le terme « parfait » signifiait « accomplit, achevé » en faisant
référence à leur hérésie7. Ce sont ceux qui sont allé jusqu’au stade le plus élevé du
reniement de la foi catholique.

Il est évident que les cathares n’ont pas attendu d’être nommés pour exister. Bien qu’il
ne soit pas facile de savoir exactement à quel moment ce courant a émergé, la plupart
des spécialistes s’accordent à dire qu’il serait né aux alentours de l’an mil8,9,10.

Il n’est pas rare de voir le mouvement cathare associé à celui des bogomiles et à raison
car ils partagent de nombreux points communs. Ce mouvement né vers l’an 950 dans les
Balkans et nommé d’après le pope Bogomil partage en effet un certain nombre de
similitudes avec celui des cathares. Les bogomiles prêchaient une doctrine dualiste et
étaient adepte de la vision symbolique de la Cène (de la même manière que les
cathares !), en opposition totale avec l’eucharistie catholique11. Ils opposent le Nouveau

4
Michel Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, coll.
Tempus, Paris, Perrin, 2002, p. 33.
5
Yann Roques, « Les Cathares en Albigeois | Conférence 1/3 - Les Origines (1120-1208) », Albi, 2019,
4min23.
6
Jean Duvernoy et Catherine Thouzellier, « I. Une controverse sur l’origine du mot «Cathares» »,
Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale 87/123
(1975), p. 341.
7
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 33.
8
Anne Brenon, Les cathares. Pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?, coll. Découvertes Gallimard
Religions, Paris, Gallimard, 2000, p. 12.
9
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 46.
10
René Nelli, Écritures cathares, coll. Sciences Humaines, Monaco, Éditions du Rocher, 1995, p. 21.
11
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 41‑42.

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Testament à l’Ancien12 et affirme que le monde d’en bas, c’est-à-dire le monde


matériel, a été créé non pas par Dieu mais par Lucifer lui-même13.

Un certain Basile, membre important du mouvement et phoundagiate14, est brûlé avec


quelques-uns de ses coreligionnaires à Constantinople15. Bientôt, les bûchers se
multiplieront en Occident à destination des hérétiques portants divers nom péjoratifs,
notamment celui de « cathares ».

2.2. Croisade des légats et croisade albigeoise


Comme le dit si bien Michel Roquebert : « Écrire l'histoire des cathares, c'est peu ou
prou écrire l'histoire de leurs persécutions16 ». En effet, il n’y a aujourd’hui que 5
documents17 connus écris par les cathares eux-mêmes. La presque intégralité des
documents que nous avons sur eux proviennent de l’église catholique, et tout
particulièrement de l’Inquisition. Il est naturel de penser que ces documents ne sont pas
neutres18, mais il faut noter également que ces documents semblent être d’une grande
intégrité et n’hésitent pas à dire les choses telles qu’elles se sont passées.

2.2.1. Montée en puissance


Avant la croisade totale de 1209 que l’on nomme « croisade albigeoise19 » ou « croisade
en Albigeois », il y eut une période de plusieurs décennies durant laquelle la répression
de l’hérésie se fit d’abord au moyen de conciles, discussions, prêches et autres moyens
relativement « doux ». En effet, il est souvent imaginé que l’église catholique appliquait
une politique de « tolérance zéro » face aux diverses blasphèmes et hérésies. Or, c’est
bien sur une période relativement étendue que le Saint-Siège a traité progressivement le
problème cathare. Roquebert apporte cependant une nuance, il écrit :

C’est une erreur souvent répétée de croire qu’Innocent III commença par lutter contre le
catharisme occitan au moyen d’une sorte de débonnaire et généreuse politique de persuasion ;
c’est une méprise de dire que ce fut seulement devant l’échec de cette « croisade spirituelle »,

12
À noter que certains rituels cathares rejette purement et simplement l’Ancien Testament, tandis que
d’autres semblent les accepter, au moins en partie, en témoignent les citations des Psaumes et du livre
d’Ésaïe dans le rituel latin.
13
Brenon, Les cathares. Pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?, p. 31.
14
Nom donné aux moines vagant en Asie Mineure lors de cette période.
15
Brenon, Les cathares. Pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?, p. 32.
16
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 15.
17
Il y a 3 documents rituels et 2 traités de théologie contre 30 traités anticathares.
18
Julien Théry, « L’hérésie des bons hommes Comment nommer la dissidence religieuse non vaudoise ni
béguine en Languedoc (XIIe-début du XIVe siècle) ? », Heresis (2002), p. 112.
19
Il semble que ce soit l’abbé Bernard de Clairvaux qui fût le premier à qualifier les hérétiques
d’« albigeois », mettant ainsi dans le même panier les cathares et les simples habitants de la région
d’Albi.

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devant l’insuccès de ses prédicateurs, donc à cause de la mauvaise volonté des Occitans eux-
mêmes, et surtout à la suite de l’assassinat de son légat, au début de 1208, qu’il prôna la solution
de force, c’est-à-dire l’intervention armée – celle qu’on connaîtra sous le nom de croisade contre
les albigeois.

Ce que Roquebert appelle « croisade spirituelle » désigne la montée en intensité de la


lutte anticathare par le Saint-Siège commencée le 8 juillet 1119 lors du concile de
Toulouse et jusqu’à la déclaration officielle de la croisade albigeoise en janvier 1209.

Au printemps 1165 s’est tenu le colloque de Lombers opposant un certain Olivier,


accompagné de ses compagnons se faisant appeler « Bons Hommes20 » et toute une
délégation de l’église catholique faite d’évêques, de clercs, de prévôts et
d’archidiacres21. L’objectif du colloque est de trouver une conciliation (en faveur de
l’Église) entre les deux partis. Les hérétiques ne lâchant pas leur position, le colloque se
clôtura avec une condamnation de principes à leur encontre et la demande aux
chevaliers de Lombers d’arrêter de leur accorder leur protection. Ces condamnations
n’ayant rien d’officiel, elles ne furent pas appliquées22.

Deux ans plus tard se tient le concile cathare de Saint-Félix-Lauragais où seront


ordonnés trois nouveaux évêques cathares : Bernard Raimon pour Toulouse, Guiraut
Mercier pour Carcassonne et Raimond de Casalis pour Agen23. Au terme de ce concile,
huit commissaires sont nommés pour délimiter le territoire des deux évêchés
nouvellement créés (à savoir ceux de Toulouse et d’Agen). Alors que toute l’Europe
souhaite leur destruction, les cathares continuent de pratiquer leur contre-Église sous le
nez du Saint-Siège.

Les nombre de cathares ne semblant pas diminuer, Pons d’Arsac, archevêque de


Narbonne, écrit une lettre au roi de France Louis VII en 1177 pour le sommer de réagir
belliqueusement face à l’hérésie languedocienne24,25. Ce dernier est cependant
complètement impuissant à solliciter les forces locales. Raymond V, comte de
Toulouse, partage les inquiétudes de Pons d’Arsac et sommera le chapitre de l’ordre de
Cîteaux ainsi que le roi de France, à nouveau, de lancer une intervention armée. Le
comte de Toulouse va finir par se faire entendre par Cîteaux, le roi de France et même le
roi d’Angleterre.

20
Terme qu’utilisait les cathares eux-mêmes pour se désigner.
21
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 57.
22
Roquebert, Histoire, p. 57.
23
Roques, « Les Cathares en Albigeois | Conférence 1/3 - Les Origines (1120-1208) », 37min27.
24
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 62.
25
Roques, « Les Cathares en Albigeois | Conférence 1/3 - Les Origines (1120-1208) », 42min36.

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Pierre de Savie, légat du pape, est alors envoyé par les deux monarques avec comme
mission claire de ramener les hérétiques dans la droite voie. Le projet est approuvé par
le pape Alexandre III qui joint à la délégation « l’abbé de Clairvaux Henri de Marsiac,
les archevêques de Bourges et de Narbonne, les évêques de Poitiers et de Bath, en
Angleterre26 ». Leur succès est quasiment nul, voire négatif ; à peine arrivés dans le
Toulousain, ils sont huhés, moqués et même traités d’hérétiques par la foule ! Mais
l’abbé de Clairvaux ne perd pas espoir et fait jurer l’évêque local de dénoncer tous les
hérétiques dont il prendrait connaissance. Raymond V livre un homme nommé Pierre
Maurand qui était connu comme étant à la tête des hérétiques de la région. Réticent à
avouer au début, il refuse de prêter serment et finit par avouer toutes ses fautes. Il est
dépossédé de ses biens et condamné à trois ans d’exil en Terre Sainte, Raymond V
refusant de brûler un homme de bonne famille27.

La mission continuera ainsi dans tout le sud-ouest de la France jusqu’en 1181, date à
laquelle la première croisade au sens propre se déroulera. Pour la première fois, une
confrontation armée impliquant des adeptes du christianisme se déploie en terre
chrétienne. Le 1er juillet, une expédition est lancée depuis Lescure, une propriété
relevant du Saint-Siège au milieu de l’Albigeois, en direction de Lavaur. Le siège est
établi autour de la ville, donnant lieu à des affrontements sporadiques. Notablement, la
vicomtesse Adélaïde, présente à Lavaur, capitule en personne, conduisant à la capture
de la cité28. Ce conflit revêt une dimension particulière du fait de la participation
conjointe de prélats ecclésiastiques et de forces militaires. Le résultat de ces opérations
se traduit par la capture de deux individus, Bernard Raimon et Raimon de Baimiac,
reconnus comme adeptes de la foi cathare. Ces derniers, confrontés à leur hérésie,
confessent leurs croyances blasphématoires et se voient contraints de réintégrer l'ordre
clérical en tant que chanoines29.

Le fils de Raymond V de Toulouse, Raymond VI, succède à son père en 1194. Sa


tolérance envers les hérétiques est inversement proportionnelle au zèle qu’avait son
père, bon catholique, envers ces apôtres de Satan30.

26
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 63.
27
Roquebert, Histoire, p. 65.
28
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 98.
29
Roquebert, Histoire, p. 66.
30
Brenon, Les cathares. Pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?, p. 73.

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2.2.2. La croisade
Le 8 janvier 1198, Innocent III devient pape. Ce personnage a été d’une importance
capitale dans l’histoire du mouvement cathare. Il poussa à son paroxysme le pouvoir de
la papauté au travers de la théorie de la théocratie pontificale. Il a également défini très
clairement ce qui est orthodoxe et ce qui ne l’est pas. Mais aujourd’hui son nom reste
surtout associé à la croisade de 1209, 11 ans seulement après son accession au plus haut
des rangs de l’église catholique31. Durant ces années de règne, Innocent III essaya à de
nombreuses reprises d’enrayer la propagation cathare, tout en préparant de son côté une
croisade. Il demande plusieurs fois à Philippe Auguste, roi de France, d’attaquer le
comté de Toulouse. Ce compté lui appartenant par vassalité, le roi ne peut pas se
permettre d’attaquer32.

Au printemps 1207, une conférence se tiendra à Montréal (à proximité de Carcassonne)


entre cathares et catholiques. Il est raconté que la prédication de Dominique de Guzmàn
ramènera près de 150 cathares à l’orthodoxie catholique33. Quasiment au même
moment, fin avril 1207, le compte Raymond VI de Toulouse est excommunié par le
Saint-Siège34. C’est Arnaud Amaury, prélat du pape, qui lui annonce la nouvelle. À la
fin de cette année, Innocent III fait monter la pression en Languedoc en créant la ligue
de Provence menée par Pierre de Castelnau. Cette ligue eut pour objectif de rallier tous
les petits seigneurs de la région encore fidèle à l’Église de Rome en désignant un
« ennemi de Dieu » contre lequel tout le monde pourrait s’unir35.

Ce qui mit réellement le feu aux poudres de la croisade en Albigeois fût l’assassinat du
légat Pierre de Castelnau, à proximité de Saint-Gilles, le 14 janvier 1208. Arnaud
Amaury ne perd pas de temps et accuse immédiatement Raymond VI fraîchement
excommunié et ennemi de l’Église. Cependant, tout porte à croire que ce dernier n’est
en rien responsable de cet assassinat36. Quoi qu’il en soit, responsable ou non, il en
subira les foudres. Innocent III proclame l’ouverture de la croisade albigeoise.

Alors que les croisés se rassemblent dans tout le Royaume de France, Raymond VI est
convoqué pour être mis une dernière fois devant ses responsabilités. Il demande le
pardon du pape et signe une déclaration de ses aveux. Il promet de faire pénitence en

31
Brenon, Les cathares, p. 75.
32
Roques, « Les Cathares en Albigeois | Conférence 1/3 - Les Origines (1120-1208) », 57min42.
33
Roques, « Les Origines ».
34
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 118.
35
Roquebert, Histoire, p. 119.
36
Roquebert, Histoire, p. 121.

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public et d’obéir au doigt et à l’œil au Saint-Siège, notamment en ce qui concerne la


traque des hérétiques. Il cède également un certain nombre de châteaux qui devient la
propriété de l’Église. La cérémonie pénitentielle se tint à Saint-Gilles, dans la basilique
de la vieille abbaye, ville d’origine du comte. Un grand nombre de personne vinrent
pour assister à cet événement peu commun37…

Raymond VI pense pouvoir échapper au courroux de la croisade en se battant à leur


côté, mais cela ne se passera pas comme il l’avait prévu. Le pape et ses légats, avant
même que Raymond VI ne prête serment à l’Église, avait déjà prévu le déroulement de
la croisade peut importe le comportement du comte de Toulouse. Diviser pour mieux
régner, dit-on ; c’est la méthode qu’utilisa l’Église à son encontre. Peu importe qu’il
rejoigne la croisade au début, il finira seul et sans alliés face à l’armée qu’il s’est vu
forcé de rejoindre38.

Le cousin de Raymond VI, Raymond-Roger Trencavel, comte de Carcassonne,


demanda également à prêter serment aux légats du pape. Mais il était trop tard et ils le
lui refusèrent. Il retourna alors dans ses terres pour se préparer à combattre39.

La première victime de la croisade fût la ville de Béziers dans ce que l’on qualifie
aujourd’hui de massacre. Arnaud Amaury, à la tête de l’armée croisée, lance un
utilmatum aux consuls de la ville pour qu’ils livrent tous les hérétiques qu’ils
connaissaient. Les Biterrois n’ayant pas pour habitude de livrer leurs citoyens,
refuseront de se soumettre et restèrent sur leur position. Le 22 juillet 1209, l’armée
croisée, lancée de manière désordonnée à l’assaut de la ville. Lorsque l’on vient
demander à Amaury comment il serait possible de distinguer les catholiques des
hérétiques, il répondit : « Massacrez-les, car le Seigneur connaît les siens40 ». Phrase
légèrement modifiée et faussement attribuée à Simon de Montfort. Ce jour-là, les prélats
annoncèrent avoir fait 20'000 victimes…

Qui est Simon IV de Monfort ? Il s’agit probablement du personnage le plus


emblématique de la croisade albigeoise. Il fut nommé vicomte de Carcassonne juste
après la capture de la ville par l’armée croisée. Par extension, il fut de facto proclamé
chef militaire de la croisade41. Celle-ci ne manqua pas d’affrontement passionnant et

37
Roquebert, Histoire, p. 129‑132.
38
Roquebert, Histoire, p. 132.
39
Roquebert, Histoire, p. 134.
40
Roquebert, Histoire, p. 136.
41
Roquebert, Histoire, p. 141.

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d’histoires rocambolesque, mais se montrer prolixe ne permettra probablement pas de


répondre aux questions brûlantes concernant les hérétiques. En effet, comme le résume
bien la macabre phrase d’Arnaud Amaury citée plus haut, cette croisade ne fit que peu
de foi de la volonté originelle de l’Église, c’est-à-dire de traquer systématiquement les
hérétiques. Cette croisade, appelée parfois « croisade des barons », fût un échec du point
de vue du Saint-Siège42.

La croisade se termina officiellement avec le traité de Paris en 1229. Celui-ci scelle la


paix entre Raymond VII, fils de Raymond VI et comte de Toulouse. Mais cela ne se fait
qu’au prix d’une lourde pénitence pour le comte. Les termes du traité sont rapportés par
Roquebert ainsi :

Pour pénitence, Raymond devra prendre la croix pour la Terre Sainte, s’embarquer avant août
1230 et rester cinq ans outre-mer. À tout cela, on ajoute dix-mille marcs d’argent de dommages
et intérêts et quatre-mille d’amende, le tout réclamé par l’Église. Mais le traité va beaucoup plus
loin, en instaurant un nouveau système répressif associant obligatoirement le pouvoir civil à la
poursuite des hérétiques et en institutionnalisant à cet effet la délation43.

Bien que le montant soit exorbitant, Raymond VII parvint par ce traité à sauver sa
couronne. En 1242, certains bourgs se révoltent contre l’Inquisition : ce ne fût que de
courte durée. En 1244, Montségur tombe après un siège. Plus de 200 cathares sont
brûlés au bûché44.

2.3. Inquisition
Contrairement à la dernière partie de ce travail qui abordait la question de l’histoire du
catharisme d’un point de vue chronologique, nous adopterons ici une approche un peu
plus synchronique et thématique.

2.3.1. Genèse
Dès les prémices de la croisade albigeoise, l'Inquisition se révèle être une force
opérationnelle, bien que son caractère institutionnel ne prenne véritablement forme qu'à
la conclusion de la campagne militaire. Innocent III institue l’inquisition dès 1199 mais
sa mise en place ne se fera qu’en 123145. À la fin de la croisade armée, l'Inquisition
évolue en une entité organisée, une machinerie implacable dédiée à la traque, la capture
et l'éradication des hérétiques. Sa mise en place en tant qu'institution à part entière est le
fruit d'une collaboration entre les juristes du droit romain de la curie pontificale et les

42
Brenon, Les cathares. Pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?, p. 77‑78.
43
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 301.
44
Brenon, Les cathares. Pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?, p. 84‑86.
45
Yann Roques, « Les Cathares en Albigeois | Conférence 3/3 - L’épuration », Albi, 2019.

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érudits des écoles de Toulouse. Une ironie historique se dessine alors, car ces mêmes
écoles étaient soutenues financièrement par les contributions de Raymond VII ! La
machine mortelle ainsi façonnée prend la forme redoutable d'un tribunal d'Inquisition,
doté du pouvoir de juger, condamner et punir ceux qui sont soupçonnés d'hérésie. Cette
institution, née dans le contexte de la répression des cathares, deviendra emblématique
de l'effort de l'Église catholique pour éradiquer toute divergence doctrinale et maintenir
son autorité théologique et politique dans la région occitane et au-delà46.

2.3.2. Méthodes
Bien que dans l’imaginaire collectif l’Inquisition porte une connotation franchement
négative, il faut comprendre qu’à son époque, elle représentait une révolution
(positive !) dans le droit et la justice. Anne Brennon l’explique merveilleusement ainsi :

Se substituant aux cours de justice de l’ordinaire des évêques, jugés trop impliqués dans les
intérêts de leur diocèse, et confiée aux jeunes ordres mendiants, dominicains et franciscains,
cette procédure d’ « Enquête sur la perversité hérétique » comme on l’appela (Inquisitio heretice
pravitatis), qui se fondait sur le recoupement des témoignages et qui autorisait l’accusé à se
défendre, constitua indéniablement un progrès en matière de justice religieuse, par rapport aux
techniques germaniques d’ordalie par l’eau ou le fer rouge. Elle eut une efficacité aigüe47.

Cette méthode d’investigation, à la fois terriblement efficace et relativement juste, est


inédite dans l’histoire. Un grand nombre de documents relatant le contenu de ces
jugements ont été créés et conservés au fil des siècles, si bien qu’aujourd’hui nous
pouvons nous replonger facilement dans cette époque.

Avec ce procédé d’enquête et de jugement finement rôdé, l’Inquisition avait tout ce dont
elle avait besoin pour traquer n’importe quel groupe d’individus. Ce qu’il restait à
déterminer, c’étaient les critères de cette traque. Quels sont les crimes des hérétiques ?
Qui chasser et quelles peines donner ?

L’inquisiteur Bernard Gui publie même, en son temps, ce qu’on pourrait appeler un
« manuel de l’inquisiteur ». Ce traité a pour but de partager son expérience de chasseur
d’hérétique avec ses coreligionnaires afin d’augmenter leur efficacité à la tâche. De
cette source, nous pouvons tirer une liste crimes ainsi que la sentence s’accompagnant
généralement. La liste présentée est rapportée par Yann Roques48 :

• Possibilité de ne pas être emprisonné, mais quand même interrogé


o "visio" : voir un cathare

46
Brenon, Les cathares. Pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?, p. 79‑80.
47
Brenon, Les cathares, p. 81.
48
Roques, « Les Cathares en Albigeois | Conférence 3/3 - L’épuration »,.

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• Emprisonnement
o "auditio" : entendre un cathare
o "adoratio" : aller écouter un cathare
o "participatio" : être proche d'un cathare
o "comestio" : partager un repas avec un cathare
o "receptio" : se faire recevoir dans la maison d'un cathare
o "adductio" : combinaison de tout ce qui est cité plus haut
o Agent des hérétiques : personne qui "aide" les cathares, notamment en
les cachant
• Mise à mort, souvent par le bûcher
o "hereticatio" : recevoir le consolamentum, donc être un parfait ou une
parfaite
o Relapse : le pire, abjurer la foi et cathare puis y retourner

Cette liste met en perspective l’ambition du Saint-Siège de traquer tous les hérétiques
jusqu’au dernier afin de stopper une bonne fois pour toute l’hérésie cathare. Il ne laisse
pas de place aux collaborateurs qui, dans les années précédant la croisade, ont fait office
de véritable bouclier pour eux.

2.3.3. Victoire de l’Inquisition


C’est dès le début du XIVe siècle que le mouvement Cathare s’éteindra pour ne laisser
qu’une vague trace dans l’inconscient collectif des habitants du sud-ouest de la France.
L’Inquisition instituée a peine plus d’un siècle plus tôt eut raison de ce courant pluri
centenaire. Le manque de traces écrites cathares est probablement l’un des facteurs
ayant facilité son éradication. Éradication ? Pas tout à fait ! L’Église cathare existe
encore aujourd’hui. Le 24 août 2021, l’Église cathare de France tint son assemblée
constituante ressuscitant ainsi ce mouvement éteint depuis près de 600 ans !

3. Liturgie

3.1. Racines
La problématique fondamentale à laquelle les cathares réagissent de manière
substantiellement divergente de l'Église catholique est communément désignée sous les
appellations de "l'origine du mal" ou du "problème du mal". Cette question,
partiellement abordée dans le Livre de Job, soulève des interrogations quant à la façon
dont Dieu peut permettre à l'un de ses serviteurs fidèles d'être continuellement

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tourmenté par Satan. Cette préoccupation constitue une réflexion majeure pour le
lecteur dans le cadre de cette œuvre littéraire remarquable. De manière plus générale, la
question fondamentale qui émerge concerne l'existence même du mal au sein de la
Création. Comment un Dieu infiniment bon, omnipotent et omniscient aurait-il pu
engendrer quelque chose capable de pécher ?

S'écartant des interprétations traditionnelles qui invoquent le libre arbitre, Mani,


prophète perse du IIIe siècle, avance la proposition de diviser Dieu en deux forces
antagonistes : celles du Bien et celles du Mal. Cette conceptualisation permet d'adorer
Dieu de manière inconditionnelle, étant donné que tout mal dans notre existence ne peut
être attribué à Dieu. Les forces du Mal assument ainsi le rôle de boucs émissaires.

La réponse cathare a cette même question se rapproche de celle des manichéens mais
n’est pas tout à fait la même. Alors que les manichéens voient la lutte entre les forces
cosmologiques du Bien et du Mal comme éternelle, les cathares excluent l’égalité entre
le principe fondateur du Bien et celui du Mal. Il est important de noter qu’il n’y a qu’un
seul Dieu pour les cathares, comme le rappelle Roquebert en disant : « De "Dieu
suprême et vrai", il n’y en a qu’un, seul et unique, et son unicité est fortement
proclamée […]». Dieu ne pouvant pas créer le Mal, il ne peut pas être créateur du
monde matériel dans lequel nous vivons. Le principe fondateur du Mal ne peut pas non
plus avoir été créé par Dieu, c’est-à-dire le Bien, pour les mêmes raisons. Nous voyons
ici la manifestation d’un dualisme certain entre le Bien et le Mal, le spirituel et la
matière. Cette vision du Mal est responsable, peu ou prou, de l’intégralité des
différences entre la théologie des antagonistes de la croisade albigeoise. Quelles sont les
implications pratiques d’une telle croyance ?

Cette différence théologique fondamentale et ses implications sont-ils suffisants pour


exclure le mouvement cathare du cercle des chrétiens ? Les cathares eux-mêmes se
déclarent entièrement chrétiens. Dans la lettre d’Évervin, prévôt de Steinfeld, à Bernard
de Clairvaux, il nous rapporte leurs propos comme suit :

D'eux-mêmes ils disent : "Nous, pauvres du Christ, errants, fuyant de cité en cité (Mat. 10,23),
comme les brebis au milieu des loups (Mat. 10,16), nous souffrons la persécution avec les
Apôtres et les martyrs ; pourtant nous menons une vie sainte et très stricte, en jeûne et en
abstinences, passant jour et nuit à prier et à travailler, ne cherchant à retirer de ce travail que ce
qui est nécessaire à la vie. Nous supportons tout cela parce que nous ne sommes pas du monde ;
mais vous, qui aimez le monde, vous êtes en paix avec le monde parce que vous êtes du monde
(paraphrase de Jean 15,19). Les faux apôtres qui ont adultéré les paroles du Christ, recherchant
ceux qui leur appartenaient, vous ont fait dévier, vous et vos pères. Nous et nos pères, de la
lignée des Apôtres, nous sommes demeurés dans la grâce du Christ et nous y demeurerons

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jusqu'à la fin des siècles. Pour nous distinguer, vous et nous, le Christ a dit : C'est à leurs fruits
que vous les reconnaîtrez (Mat 7,16). Nos fruits à nous sont les traces du Christ 49"

Michel Roquebert s’accorde avec eux : « Les cathares ont raison de s’appeler chrétiens,
car ils le sont !50 ». Le débat reste bien entendu encore ouvert. La notion de « dualisme
chrétien » est largement rejetée par la communauté depuis le fondement de l’Église. Au
IIe siècle, Irénée de Lyon lui-même disait des gnostiques, dualistes également, dans son
traité Adversus hæreses : « … il [le baptisé] ne reconnaîtra pas le système
blasphématoire inventé par ces gens-là ». Si l’on s’en tient strictement au symbole de
Nicée, les cathares ne peuvent pas le reconnaître à cause de sa première phrase : « Je
crois en un seul Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre, de l’univers
visible et invisible […] ». Cela les exclut de facto de la chrétienté pour la majorité de la
communauté des croyants.

3.2. Rituel cathare


Deux documents cathares de « rituels » ont été conservés : le premier, rédigé en langue
d’oc et dit « de Lyon » est complet ; le second, rédigé en latin et dit « de Florence » ne
l’est pas, mais il est tout de même plus fourni51. Ces précieux manuscrits nous éclairent
sur le culte cathare au travers de leur rituels. Bien que ces deux documents semblent
avoir été rédigés par des personnes différentes et dans des contextes l’étant tout autant,
ils sont presque identiques dans leurs descriptions, ce qui témoignent de leur fiabilité52.

Nous tenons à préciser ici que ces rituels, bien qu’hétérodoxes, n’ont rien de sataniques
en eux-mêmes. Bien qu’Arnoux place les rituels cathares dans un cadre maçonnique53,
rien ne laisse à penser que les pratiquants de ce culte manquaient d’honnêteté lorsqu’ils
se proclamait de Jésus-Christ. Il n’y a pas moins de 13 citations textuelles du Nouveau
Testament dans la partie du rituel « de Lyon » concernant l’oraison54.

49
Anne Brenon, Les Archipels Cathares: Tome 1, Dissidence chrétienne dans l’Europe médiévale, 1,
Bridel, L’Hydre Editions, 2003.
50
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 22.
51
Nelli, Écritures cathares, p. 217.
52
Nelli, Écritures, p. 218.
53
Claude Arnoux, Rituels Cathares. Sur les RITUELS CATHARES (1230-1250) et sur la plus ancienne
traduction provençale (vers 1130) d’un extrait de l’Evangile selon Saint-Jean replaçés dans le contexte
d’une tradition maçonnique, coll. COLPORTEUR, Nîmes, Lacour, 1993, p. 30.
54
Les livres cités étant : Matthieu, Jean, II Corinthiens, I Timothée, Hébreux, I Corinthiens, Galates et I
Jean

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3.2.1. L’Oraison
La première étape marquante du futur parfait consiste à recevoir l’Oraison. Pour ce
faire, il doit participer à une cérémonie stricte durant laquelle des « Bonshommes »
(c’est-à-dire des parfaits) le béniront, notamment en répétant le Pater Noster. Afin
d’être accepté à cette cérémonie, le croyant devra montrer patte blanche, notamment en
appliquant déjà les principes fondateurs de la vie pratique du parfait (détaillés plus au
chapitre 3.3). C’est notamment au travers du mélioramentum, procédé souvent associé à
la repentance et des génuflexions, que le croyant s’accorde la grâce des Anciens.

Il peut parfois s’écouler une longue période entre la réception de l’oraison et la


prochaine étape : le consolament.

3.2.2. Le Consolament
Rituel le plus important de toute la liturgie cathare, le consolamentum (litt.
« consolation », parfois appelé « baptême spirituel ») n’était pas pris à la légère par la
communauté. Afin d’être digne de le recevoir, il fallait avoir premièrement reçu la
sainte oraison, puis avoir pratiqué l’ascétisme cathare pendant une période prolongée.
Certains auteurs annoncent que le jeûne pouvait durer jusqu’à un an55 !

Il est important de distinguer qu’il existe deux rites du consolament : le classique et


celui dit « des malades ». Ce dernier n’était donné qu’aux souffrant, dans l’espérance
que par cette acte, Dieu leur accorde grâce s’il advenait que le moribond expire pour la
dernière fois56. Dans le cas où la personne souffrante était remise sur pied, le
consolament « classique » était à faire au complet57.

Voici comment se présentait la cérémonie du consolament : l’Ordonné, tout en suivant


une suite de gestes et de paroles rituelles telles que des révérences, des prières et autres
Benedicte, parcite nobis, il recevait un exemplaire de l’évangile de Jean58. Il devait alors
se mettre à prêcher selon les termes prescrit dans le livre rituel. Ce prêche démontre en
quoi la foi cathare est juste selon les Écritures et justifie le présent rituel59.

La cérémonie se terminait par la réception du Saint-Esprit par l’imposition des mains,


aussi appelée « sainte ordination » ou ordinamentum, des Anciens. Ce passage est

55
Nelli, Écritures cathares, p. 220.
56
Nelli, Écritures, p. 236.
57
Nelli, Écritures, p. 220.
58
Nelli, Écritures, p. 248.
59
Nelli, Écritures, p. 248‑255.

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réellement la clé de voute de la foi cathare car, selon ses pratiquants, sans le Saint-
Esprit, le chrétien ne peut rien faire d’utile et ne peut pas être sauvé. Il est écrit dans le
rituel latin :

De tous ces témoignages [extrait du Nouveau Testament] il faut conclure que les vrais chrétiens,
instruits par la première Église, exercent (légitimement) et réellement ce ministère de
l’imposition des mains, sans lequel il est de foi parmi nous que nul ne peut être sauvé60.

Une fois la sainte ordination effectuée, l’Ordonné devait répéter des prières de
nombreuses fois. Il finissait par la lecture complète de l’évangile de Jean, le baisement
du livre et trois révérences61.

3.3. Vie pratique


Il est souvent raconté que tous les cathares pratiquaient l’ascétisme : il ne se mariaient
pas, n’avait pas le droit de manger de produits d’origine animale et prônaient un
pacifisme à toute épreuve. Bien que cette déclaration ne soit pas entièrement fausse, elle
reste très imprécise. En effet, les parfaits et les parfaites pratiquaient effectivement
l’ascétisme strict mentionné, mais ceux-ci n’étaient pas majoritaires parmi les cathares.
On estime que seule une petite partie des croyants atteignait le stade de parfait. Cela
veut-il dire que les cathares manquaient de cohérence, faisant preuve d’un laxisme
crasse avec les simples fidèles et d’une rigueur sibylline entre parfaits ? Roquebert
compare le catharisme à l’Église comme ceci :

Laisser aux simples fidèles la faculté de se marier, de faire des enfants, de manger de la viande,
de se battre et de tuer les ennemis, alors que parfaits et parfaites sont soumis à une rude ascèse,
n’est pas plus un immoral paradoxe que la différence de vie qu’on trouvait dans la société
catholique, entre le clerc et le laïc62,63.

Les parfaits étaient convaincus, de part leur postulat théologique dualiste des deux
principes fondateurs, que tout ce qui était matériel était par essence mauvais car créé par
Satan. L’ascétisme est une manière de se libérer du matériel pour se nourrir, le plus
possible, du spirituel. Celui-ci se caractérise par une abstinence complète de produits
d’origines animales ainsi que de toute sexualité. Cette dernière servant à la
reproduction, au sens propre comme au figuré, elle ne pouvait être vue autrement que
comme une machine à créer du mal. De plus, l’enfant né de l’union charnelle passerait
du monde spirituel au monde matériel, prisonnier malgré lui de son enveloppe de chair.

60
Nelli, Écritures, p. 255.
61
Nelli, Écritures, p. 258‑259.
62
Ici, le terme « laïc » est utilisé dans son sens premier, c’est-à-dire « qui concerne la vie civile », par
opposition à ce qui concerne la vie religieuse.
63
Roquebert, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au XIVe siècle, p. 88.

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Bien que l’autorité de l’Ancien Testament ne soit pas reconnue par tous les cathares, la
mise en pratique du fameux commandement transcrit dans le décalogue « Tu ne tueras
point. » était observé rigoureusement par les parfaits. Ils avaient l’interdiction stricte et
complète de tuer, que ce soit dans un contexte de paix ou de guerre, en attaquant ou en
se défendant.

4. Conclusion
Le mouvement cathare pourrait susciter une profonde intrigue parmi les chrétiens, en
particulier dans les courants à tendance pentecôtiste. Il est remarquable de constater que
près de cinq siècles avant la Réforme, les cathares pratiquaient déjà ce que les
évangéliques contemporains appellent le « baptême du Saint-Esprit » par imposition des
mains. Dans les églises évangéliques actuelles, on observe fréquemment des individus
qui, à divers degrés, manifestent un rejet envers tout ce qui est matériel. Bien que l'on
n'observe pas un dualisme comme principe fondateur du monde dans ces églises,
l'association entre la matière et le péché est souvent présente en filigrane, voire parfois
explicitement assumée. Actuellement, la barrière la plus tenace empêchant les plus
antimatérialistes de tomber dans un néo-catharisme mortifère est la croyance en
l’absolue souveraineté de Dieu. Car sans principe fondateur du Mal, on ne peut pas
décemment embrasser la liturgie cathare.

Comme mentionné précédemment, la divergence des cathares trouve son origine dans
une réponse distincte à la problématique du mal. La question qui se pose alors est de
savoir si, au sein de nos propres églises, nous avons véritablement confronté ce
problème de manière directe, en le regardant en face. Ou bien, cédons-nous à la
tentation de l'éviter en nous complaisant dans des excuses agréables à entendre mais
difficiles à assimiler ? Pour éviter de « jeter le bébé avec l'eau du bain », il semble
crucial, à mon sens, de ne pas disqualifier l'ensemble de la théologie cathare en la
déclarant hérétique dans son ensemble. Au contraire, il serait plus bénéfique de chercher
à la comprendre, depuis ses racines jusqu'à ses fruits, afin d'en extraire des
enseignements précieux. Ces enseignements pourraient potentiellement nous aider à
discerner avec une plus grande précision les vérités bibliques et à enrichir notre
compréhension théologique64.

21.12.2023 / 5515 mots

64
N’oublions pas que les cathares avaient une connaissance pointue du Nouveau Testament.

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5. Bibliographie
Arnoux, Claude, Rituels Cathares. Sur les RITUELS CATHARES (1230-1250) et sur la
plus ancienne traduction provençale (vers 1130) d’un extrait de l’Evangile selon Saint-
Jean replaçés dans le contexte d’une tradition maçonnique, coll. COLPORTEUR,
Nîmes, Lacour, 1993.

Brenon, Anne, Les Archipels Cathares: Tome 1, Dissidence chrétienne dans l’Europe
médiévale, 1, Bridel, L’Hydre Editions, 2003, 412 p.

Brenon, Anne, Les cathares. Pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?, coll. Découvertes
Gallimard Religions, Paris, Gallimard, 2000.

Duvernoy, Jean et Catherine Thouzellier, « I. Une controverse sur l’origine du mot


«Cathares» », Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la
France méridionale 87/123 (1975), p. 341‑349.

Fredericq, Paul, Corpus documentorum inquisitionis haereticae pravitatis Neerlandicae,


1, Gand/La Haye, J. Vuylsteke/Martinus Nijhoff, 1889.

Jas, Michel, Cathares et protestants. Familles rebelles et histoire du Midi, coll. Les Mots
Et La Trace, Nouvelles Presses du Languedoc, 2011.

Nelli, René, Écritures cathares, coll. Sciences Humaines, Monaco, Éditions du Rocher,
1995.

Roquebert, Michel, Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIe au


XIVe siècle, coll. Tempus, Paris, Perrin, 2002.

Roques, Yann, « Les Cathares en Albigeois | Conférence 1/3 - Les Origines (1120-
1208) », Albi, 2019.

Roques, Yann, « Les Cathares en Albigeois | Conférence 3/3 - L’épuration », Albi,


2019.

Taviani-Carozzi, Huguette, « Hérésie et conception du mariage au XIIe siècle », Cahiers


de Fanjeaux 43/1 coll. Famille et parenté (2008), p. 155‑187.

Théry, Julien, « L’hérésie des bons hommes Comment nommer la dissidence religieuse
non vaudoise ni béguine en Languedoc (XIIe-début du XIVe siècle) ? », Heresis (2002),
p. 75‑117.

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