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Alain POMPIDOU
Coordonnateur du Groupe de travail
sur l’éthique de l’espace extra-atmosphérique
de la Commission mondiale d’éthique des connaissances
scientifiques et des technologies (COMEST) de l’UNESCO
L’objectif commun de tous ceux qui ont contribué à la présente publication sur
« L’éthique de la politique spatiale » est d'éviter que des applications de la technologie
spatiale se fassent au détriment des générations à venir. En effet, nous ne pouvons plus
privilégier systématiquement nos intérêts immédiats au mépris des effets directs et indirects,
à moyen et à long terme, plus ou moins néfastes, que pourrait entraîner une telle conduite.
Je me dois ici de remercier le Groupe de travail de la COMEST, et en particulier le
Professeur Alain Pompidou, l’Agence spatiale européenne et tous les experts qui n’ont
ménagé ni leur temps ni leur énergie.
Le temps de l'avenir, sous réserve de précaution, est espace de liberté, pourvu que
nous fassions preuve d'anticipation et que nous n'hypothéquions pas le futur abusivement.
Temps long de l'avenir qui seul nous permet - quoique l'on dise de l'accélération du
changement - de construire un futur viable et durable pour les générations futures.
La Terre et l’Espace ne sont pas nôtres, ce sont des trésors réels et symboliques que
nous nous devons de préserver pour nos descendants.
Vigdís Finnbogadóttir
Pages
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 1
CONCLUSION ....................................................................................................................... 32
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... 33
ABREVIATIONS ..................................................................................................................... 34
LEXIQUE .............................................................................................................................. 35
iv
DOCUMENT COMPLEMENTAIRE I
Membres du Groupe de travail de la COMEST sur
« L’éthique de l’espace extra-atmosphérique » ..................................................... 41
DOCUMENT COMPLEMENTAIRE II
Contributions des membres du Groupe de travail sur
« L’éthique de l’espace extra-atmosphérique » ..................................................... 43
Le développement de la science et des technologies spatiales ................................. 45
L’utilisation des technologies spatiales ...................................................................... 49
L'homme dans l'espace ............................................................................................. 53
Le vol spatial habité, une mission culturelle ............................................................... 55
Espace et protection de l’environnement ................................................................... 65
DOCUMENT COMPLEMENTAIRE IV
Rapport final du Séminaire de Paris
sur « L'éthique de l’espace extra-atmosphérique »................................................... 87
DOCUMENT COMPLEMENTAIRE V
Compte-rendu synthétique du Séminaire de Paris
sur « L'éthique de l’espace extra-atmosphérique »................................................. 115
Face aux risques d’abus, qui sont d’autant plus grands que la pression
économique est forte, ou aux risques de mauvaises utilisations des applications de la
science et de la technologie, le politique doit, lui aussi, s’engager dans la démarche
éthique. En effet, l’approche éthique est devenue une responsabilité politique qui doit
être pleinement assumée par les décideurs afin d’imposer le respect de la dignité, de
l’identité et de l’intégrité de l’homme confronté aux progrès de la recherche
scientifique et technique.
Une telle démarche éthique vise notamment à assurer l’objectivité de
l’information du décideur politique ainsi que la formation adéquate des élus en vue
de la prise de décision.
L’éthique apparaît à la fois comme morale de l’action et pensée du risque.
Ainsi, le politique, à qui appartient l’arbitrage final en vue de trancher des
problèmes éthiques, doit prendre en considération à la fois le principe de précaution,
qui vise à éviter toutes conséquences irrémédiables pour les générations actuelles et
futures ; le principe du retour d’expérience qui est un des principes essentiels de la
démarche expérimentale : elle procède pas à pas en se nourrissant des résultats des
expériences successives ; et le principe de vigilance qui consiste à identifier les
signaux faibles, véritables systèmes d’alerte susceptibles d’anticiper sur l’apparition
de risques éventuels. Ces trois principes se fondent eux-mêmes sur les
engagements moraux d’équité et de solidarité qui conditionnent l’efficience des choix
technologiques. De tels choix se font dans un contexte éthique qui implique la
confrontation et l’interaction entre trois acteurs différents mais complémentaires, à
savoir l’expert, le politique et le citoyen. Afin d’assurer l’efficacité de cette démarche,
il importe de définir les rôles de ces différents acteurs. Ainsi, l’expert n’est pas
nécessairement un scientifique, mais son expertise est basée sur une approche
scientifique. Pour le scientifique, la démarche éthique repose sur la qualité de la
connaissance, le refus des falsifications ou des malversations : sans honnêteté, la
liberté de la connaissance ne se justifie pas. Le scientifique ne se préoccupe pas
nécessairement des conséquences de sa démarche. En effet, si le scientifique est
animé, selon les termes d’Albert Einstein, par « le plaisir de connaître », « la science
ne pense pas », comme le soulignait Martin Heidegger : elle avance aveugle. Le
scientifique doit alors élaborer une hypothèse, puis la démonter pour la justifier et
passer ainsi de l’imaginaire et du raisonnement abstrait à la réalité concrète. L’expert
explique le savoir et l’intègre dans le domaine socio-économique. Parallèlement, il lui
revient de définir les principaux objectifs et d’identifier les problèmes éthiques relatifs
au financement de la recherche, à la présentation, à la gestion, à l’utilisation des
découvertes scientifiques et des progrès technologiques. En outre, l’expert formule
les enjeux et les défis de la connaissance, en précisant les risques que comporte son
application. Il dégage, en toute objectivité et indépendance, les orientations à venir et
il répond aux questions du politique et du citoyen, en fournissant les explications
nécessaires, dans un cadre interactif permettant d’éviter les malentendus et de lever
les doutes. Ainsi, dans un contexte de progrès scientifique et technique, mais face à
de nouveaux risques, l’expert doit apporter l’éclairage nécessaire au décideur
politique, l’expert et le politique se situant entre le scientifique et l’opinion publique.
Parmi les décideurs politiques, l’élu est la personne la plus proche de l’opinion
publique et du profane. Il est en effet le détenteur d’une forme de connaissance des
citoyens de son pays, dans un contexte socio-culturel donné. Il doit, par conséquent,
être informé des objectifs principaux de la science et des politiques technologiques,
en termes d’investissements et de conséquences pour la société.
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des vols habités qui impliquent notre capacité à maintenir dans l’espace des êtres
humains ; l’exploration des autres planètes et de l’Univers ; enfin l’avenir de la
politique spatiale proprement dit, c’est-à-dire ce que les activités spatiales
représentent sur le plan des coûts et des relations entre le coût et le bénéfice.
b) Le retour d'échantillons
Le retour sur Terre d’échantillons provenant de la Lune, ou les projets de
missions de prélèvements d'échantillons d’autres planètes, telles que Mars, suscitent
de nombreuses interrogations d’ordre éthique concernant en particulier l'intérêt
scientifique de ce type de missions, les bénéfices que l'humanité pourra en retirer. La
gestion des risques inhérents à de telles missions nécessite la mise en place de
systèmes de précaution et de protection afin d’éviter toute contamination éventuelle
de la planète Terre. De telles missions nécessitent d’informer une opinion publique
qui est, dans le contexte actuel, particulièrement sensible aux problèmes de
contamination tout en restant fascinée par l’exploration de l’Univers.
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b) la surveillance électronique
Parmi les risques émanant de l’utilisation de la technologie spatiale, ceux liés
à la surveillance électronique sont particulièrement préoccupants du fait de leur
éventuelle atteinte aux libertés individuelles. En effet, le matériel informatique
embarqué sur les satellites permet, par son interconnexion, des échanges interactifs,
instantanés et planétaires. D’autre part, la capacité des systèmes d’information
permet de recueillir, de trier, de traiter, de recombiner, et de disséminer les données
numérisées. Le support informatique engendre également l’élaboration et la
transmission de données à caractère virtuel et anonyme. Ces fonctions exercées par
le matériel informatique embarqué sur les satellites peuvent être particulièrement
intrusives. Elles rendent possible une surveillance électronique planétaire, dans au
moins trois domaines : la communication grâce aux nouvelles technologies
d’information et de communication (NTIC), le positionnement des mobiles grâce au
système global de navigation par satellite (GNSS), et l’observation de la Terre grâce
à l’imagerie à haute résolution.
c) l’atteinte aux libertés individuelles
La performance de la surveillance électronique pose avec plus d’acuité le
problème de l’atteinte aux libertés individuelles. Ainsi, l'utilisation de la technologie
spatiale permet d'intercepter les communications privées via le téléphone, le fax, le
courrier électronique. Elle permet également d’identifier le comportement des
individus, par le biais des transactions qu’ils effectuent avec leurs cartes bancaires,
enfin de localiser, par un système de positionnement, non seulement les
communications entre téléphones mobiles, mais aussi, l’emplacement de véhicules.
En effet, les systèmes de positionnement par satellite, à l'instar du système mondial
de localisation (GPS) des Etats-Unis d'Amérique ou du système mondial de satellites
de navigation (GLONASS) de la Fédération de Russie, permettent de déterminer
avec une très grande précision la position de mobiles terrestres, aériens ou
maritimes. Il est possible, dans certains cas, d’en déduire la position des personnes,
à leur insu. Ces techniques, auparavant utilisées par les seuls militaires, se trouvent
aujourd’hui à la portée de ceux qui disposent de moyens techniques appropriés ; leur
utilisation détournée est susceptible de porter atteinte aux libertés individuelles.
d) l’atteinte à l’identité et à la diversité culturelles
Une mauvaise utilisation des technologies spatiales peut avoir un impact
considérable non seulement sur la vie sociale et les libertés individuelles, mais aussi
sur l’identité et la diversité culturelles. En effet, la relation qui existe entre les
technologies spatiales et la diversité culturelle comporte aussi quelques risques pour
cette dernière. Les moyens spatiaux, de par leur nature planétaire, contribuent à la
mondialisation de la culture et par conséquent à une standardisation des moyens
d’expression. Une telle mondialisation risque désormais de conduire à
l’homogénéisation des comportements des peuples, à l’uniformisation des langages,
des cultures et des comportements, et, par voie de conséquence, à la disparition des
diversités culturelles, qui sont une part inestimable de notre patrimoine. Ainsi,
certaines sociétés vulnérables peuvent être victimes d’une forme perverse
d’aliénation culturelle.
Le problème qui se pose en la matière peut se résumer par cette interrogation :
comment assurer la diffusion des technologies de l’information au niveau mondial en
permettant une communication aussi optimale que possible tout en assurant la
personnalisation des communications et le respect des identités culturelles ?
17
III. DISCUSSION
III.1. DE LA BIOETHIQUE A L’ETHIQUE DES TECHNOLOGIES
Le mouvement de bioéthique qui a émergé à partir des années 70 aux Etats-
Unis d’Amérique a fait peu à peu place à un mouvement plus vaste de réflexion
éthique dans les domaines des sciences et des technologies. Ce mouvement tirait
notamment ses origines du constat de certains dérapages de la science, comme par
exemple les atrocités perpétrées par des médecins et des scientifiques sur les
prisonniers et les déportés dans les camps de concentration nazis, ainsi que des
répercussions de certaines découvertes scientifiques ou mise au point
technologiques, telles que la fission nucléaire ou le clonage reproductif. Ces
situations ont montré la nécessité de poser clairement la question des limites de la
recherche en édictant des principes éthiques et en définissant la responsabilité des
chercheurs. Les comités d’éthique qui se sont ainsi constitués concernaient au
départ les sciences de la vie, mais ils ont progressivement élargi leur champs de
réflexion pour englober les sciences en général ainsi que les applications
technologiques.
19
d’ordre scientifique, mais aussi d’ordre éthique, qui président à l’attribution équitable
de ces ressources. La définition de ces principes doit résulter d’un équilibre entre
l’intérêt général et les intérêts particuliers des différents acteurs en présence, dans le
domaine spatial. En effet, l’allocation des ressources suppose une interaction entre
le monde scientifique, le monde industriel et les décideurs politiques. Les Etats, par
le biais de leurs dirigeants politiques, décident de l’attribution des ressources, en
tenant compte de la dialectique qui s’établit entre leurs intérêts et ceux des
industriels qui doivent remplir leurs carnets de commandes. Ainsi, l’allocation des
ressources nécessite de faire des choix stratégiques qui posent en substance la
question des motivations avancées pour justifier les programmes spatiaux.
Cette question est d’autant plus importante que les activités spatiales
engendrent l’allocation de budgets colossaux. Aussi les responsables de
programmes spatiaux peuvent parfois être tentés, pour obtenir les crédits
nécessaires, de masquer derrière l’alibi de la science une partie des mobiles qui
fondent leurs projets. Il y a par conséquent, en la matière, une exigence éthique de
présenter clairement et honnêtement les motivations sous-tendant les décisions
relatives aux programmes spatiaux, que leur fondement soit d’ordre culturel,
économique, scientifique ou politique.
L’irruption des NTIC dans les actes de la vie quotidienne et à tous les âges de
la vie est à l’origine de nouveaux produits, de nouveaux services : télé-
enseignement, télé-travail, télé-médecine, commerce électronique et télé-loisirs. Se
dessinent ainsi de nouveaux métiers, de nouveaux services et de nouvelles activités,
facteurs de nouveaux enjeux économiques et sociaux. Par exemple, les effets
d’Internet se font de plus en plus sentir sur le tissu social qu’ils modifient et
remodèlent en profondeur. La société va devoir s’adapter à cette nouvelle situation.
Un long chemin reste à parcourir pour parvenir à faire évoluer les mentalités afin de
passer de l’information au savoir et de la communication à la compréhension.
Aujourd’hui, avec la télévision, l’émergence des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, les satellites, l’homme est aussi en capacité de
« téléprésence » : il est à travers d’autres moyens de sensation et de perception que
ne l’était son ancêtre très immédiat. Il faut donc s’interroger sur la nouvelle nature de
l’être humain qui est en train de se créer, ainsi que sur les nouvelles relations qui
vont émerger. En effet, la mondialisation des échanges et le respect des identités
socio-culturelles, sont à la fois une conséquence et une perspective des NTIC. Ainsi,
sur le plan économique, la société de l’information permet une nouvelle organisation
des activités professionnelles, une nouvelle stratégie industrielle, de nouvelles
relations entre les clients et les entreprises ou les services, dans le cadre notamment
du commerce électronique. Sur le plan sociologique, les hiérarchies habituelles, les
relations purement opérationnelles liées à la vie professionnelle sont
progressivement remplacées par un nouveau système relationnel entre les
responsables et les acteurs économiques.
IV. RECOMMANDATIONS
Après avoir identifié un certain nombre de problèmes ou de questions portant
sur l’éthique de la science et des technologies spatiales, notre groupe de travail
propose plusieurs recommandations à la COMEST qui pourra, le cas échéant,
élaborer, sur la base de nos travaux, des principes directeurs relatifs au
développement et à l’usage des technologies spatiales.
L’espace et l’environnement :
- A court terme, la technique spatiale doit permettre d’établir un système
de gestion de l’environnement global.
- L’établissement d’une source permanente de connaissances fondées sur
l’observation de l’environnement planétaire devrait constituer un objectif
majeur pour les Nations spatiales.
- A terme, l'intervention de la technique spatiale pourrait servir à
débarrasser la surface de la Terre des déchets les plus dangereux de
l'activité humaine, en particulier les déchets nucléaires, en les mettant sur
une orbite circumsolaire, à capacité de stockage illimitée. Ceci implique
néanmoins que des conditions de sécurité absolue soient atteintes.
La surveillance électronique :
- La surveillance électronique étant inévitable, la gestion et le contrôle des
données doivent être réglementés, tout en protégeant la confidentialité
des informations et des individus.
- Des législations relatives à l’accès et à l’utilisation des données traitées
par satellites mériteraient d’être développées.
- Il convient de s’assurer que les techniques de communication spatiales
ne servent pas à la diffusion de messages subversifs ou au
développement d’activités illicites.
La communication :
- Une éthique de l’information sur les sujets relevant de l’exploration
spatiale doit être développée dans les médias.
- Il serait opportun d’envisager des cahiers des charges portant sur
l’information sur la politique spatiale.
- Il faudrait assurer une formation scientifique suffisante aux journalistes
afin d’éviter toute désinformation. Dans cette optique, les agences
spatiales pourraient remplir une fonction pédagogique vis-à-vis des
médias.
- Il serait souhaitable de permettre au grand public de disposer d’une
meilleure information concernant les activités spatiales. Une bonne
information du public peut aider à légitimer l’exploration spatiale.
- L’information seule ne suffit pas. L’opinion publique doit être en mesure
de la comprendre. Il est donc primordial de veiller à la diffusion d’une
culture scientifique de base suffisante pour que le grand public puisse
appréhender les objectifs, les enjeux, mais aussi les risques des activités
spatiales.
- Des programmes de formation de formateurs et de médiateurs
scientifiques devraient être élaborés et assurer par des institutions
internationales spécialisées.
- Une meilleure compréhension et adhésion du public pourraient
notamment être développées par le biais de débats publics ou de
« forums hybrides » regroupant des experts, des scientifiques et des
citoyens.
- Tous ces efforts en matière de communication doivent aboutir à
développer cette « culture de l’espace » basée sur la pédagogie de la
médiation devenue indispensable.
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CONCLUSION
L’espace extra-atmosphérique fait partie du patrimoine commun de l’humanité
et en tant que tel, son exploration et son exploitation doivent être libres d’accès et au
bénéfice de l’humanité.
La démarche éthique dans le domaine spatial est à la fois morale de l’action,
pensée du risque et reconnaissance de l’autre et elle doit se fonder sur une nouvelle
stratégie de communication. Dans le cadre de cette stratégie, il est primordial de
maintenir une part de rêve comme source d’imagination créatrice, de donner sa juste
place à la fiction, tout en ayant à l’esprit la réalité de l’avenir de la politique spatiale
au bénéfice de l’humanité.
Les travaux engagés par le groupe de travail sur l’éthique de l’espace extra-
atmosphérique ont permis d’identifier les problèmes d’ordre éthique qui se posent en
la matière, et le présent rapport n’est qu’une étape préliminaire. Le groupe va
soumettre ses conclusions à la COMEST à qui il reviendra d’élaborer les bases de la
« SPATIOETHIQUE » afin d’amorcer une concertation mondiale.
BIBLIOGRAPHIE
COPUOS, Technical Report on Space Debris, United Nations, New York, 1999.
GAVAGHAN Helen, Something New Under the Sun, Satellite and the Beginning of
the Space Age, Copernicus, New York, 1998.
Eye in the Sky, the Story of the Corona Spy Satellites, Edited by John M. Logsdon
and Brian Latell, Smithsonian Institution, 1994.
LEBEAU André, L’Espace. Les enjeux et les mythes, Paris, Hachette (Littératures),
1998.
ABREVIATIONS
LEXIQUE
Collecte de données (par satellite) : technique utilisant des satellites artificiels pour
rassembler, en quelques heures et éventuellement en un seul lieu, un volume
considérable d’informations prélevées en un grand nombre de sites,
géographiquement dispersés.
COPUOS (Committee on the Peaceful Uses of Outer Space) : créé en 1959 par
l’Assemblée générale des Nations Unies, l’un des principaux organismes
internationaux au sein desquels s’élaborent les normes juridiques destinées à
réglementer les utilisations pacifiques de l’espace. Il possède deux sous-comités,
l’un scientifique, l’autre juridique, qui travaillent soit en réunion plénière, soit en
groupes de travail par sujet particulier, à partir de propositions émanant d’un Etat ou
d’un groupe d’Etats. Le rapport annuel que lui transmet chacun de ces sous-comités
sert de base aux propositions qu’il soumet à l’Assemblée générale des Nations
Unies. Celle-ci peut, en outre, adopter des recommandations ou des résolutions
contenant des textes de conventions internationales ouvertes à la signature des
Etats.
Engin spatial : objet de fabrication humaine situé dans l’espace ou destiné à y aller.
36
MIR : le « complexe orbital » MIR est constitué d’un « bloc de base » ou module
d’habitation mis en orbite par l’Union Soviétique en 1986 et de modules spécialisés
(Qvant, Qvant 2, Kristall,…). La capsule Soyouz permet le transport des équipages
entre la Terre et MIR alors que le fret est assuré par la capsule Progress qui évacue
les déchets et brûle dans l’atmosphère. En russe, MIR signifie à la fois « Globe » et
« Paix ».
Navette : engin spatial habité doté d’ailes et capable d’atterrir à l’horizontale qui peut
être utilisé au cours de plusieurs missions successives.
Orbite géostationnaire : elle est située dans le plan de l’équateur à une altitude
d’environ 35 800 km. D’une circonférence de 270 000 kilomètres, elle offre un
nombre de places restreint. Les satellites lancés sur cette orbite gardent une position
fixe par rapport à la surface terrestre, leur période de révolution autour du centre de
la planète étant la même que celle de la Terre. En raison de son altitude, un satellite
peut, à lui seul, couvrir le tiers de la surface de la Terre.
Satellite : engin placé par un système de transport spatial (fusée, navette) en orbite
autour de la Terre ou d’un astre quelconque.
Sonde : engin non habité lancé hors de l’atmosphère terrestre et destiné à étudier un
astre du système solaire ou l’espace interplanétaire.
Système solaire : ensemble du Soleil et des astres qui gravitent autour de lui.
DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES
DOCUMENT COMPLEMENTAIRE I
M. Jean-Jacques DORDAIN
Directeur Stratégie et développement, Agence spatiale européenne (ESA)
M. Georges B. KUTUKDJIAN
Directeur,
Division de l’éthique des sciences et des technologies
UNESCO
DOCUMENT COMPLEMENTAIRE II
Les stations spatiales (et les satellites dédiés à ces études) permettent de
créer les conditions d’apesanteur. Deux disciplines scientifiques tirent profit de ces
caractéristiques : certains laboratoires développent des expériences de
cristallographie et de physique des solides menées en absence de gravité
(croissance de cristaux…), mais ce sont surtout les médecins et les biologistes qui
étudient le comportement du vivant (végétal, animal ou humain) dans ces
environnements. Ces travaux entrepris sur les végétaux, les animaux et aussi sur
l’homme grâce à la collaboration active des spationautes embarqués dans les
véhicules russes ou américains permettent en particulier de tester le comportement
de la matière vivante en état d’apesanteur et corrélativement de déterminer plus
précisément le rôle de la gravité dans les processus biologiques fondamentaux.
La science a donc été bouleversée par l’accès à l’espace. Il en est de même
pour la technologie : les ingénieurs et les industriels ont accompli des progrès
extraordinaires sur la fiabilité des matériels qu’ils embarquent dans les satellites et
autres véhicules spatiaux, sur la miniaturisation de leurs dispositifs ainsi que sur tous
les aspects liés à l’informatique et au développement de logiciels de plus en plus
complexes et performants.
Malgré ou à cause de ces succès éclatants qui profitent aussi bien à la
connaissance de l’Univers qu’à des préoccupations beaucoup plus immédiates
(météorologie, télécommunications…), les interrogations et les préoccupations à
caractère éthique ne manquent pas. Evoquons les plus importantes ou les plus
évidentes d’entre elles :
1. Les programmes spatiaux relèvent de la « science lourde » qui mobilise des
budgets colossaux qui ne sont accessibles qu’aux pays les plus riches. Les « utopies
du futur » (création d’observations ou de stations scientifiques sur la Lune, envol des
hommes vers Mars ou des planètes plus lointaines, missions scientifiques spatiales
de deuxième ou troisième génération) seront encore plus coûteuses, même si le
slogan de la NASA est de faire voler des missions plus modestes selon la formule
(« better, quicker, cheaper »), c’est-à-dire « mieux, plus rapidement et moins cher » :
à côté des très grandes opérations entreprises par cette agence, celle-ci veut, en
effet, mettre en place un créneau permettant à des utilisateurs motivés de mettre au
point des projets de durée de vie plus brève ayant des finalités très ciblées et pour
lesquels on accepte de prendre davantage de risques quant à la fiabilité des
matériels embarqués.
Du fait de la complexité technologique de la plupart de ces missions et de leur
coût, l’accès à l’espace soulève le même type de problèmes d’ordre éthique que
ceux rencontrés dans la production et la consommation des énergies. Pour illustrer
cette constatation, rappelons que dans les deux cas, on doit veiller à une plus grande
équité entre tous ceux qui ont vocation à mettre en œuvre ces programmes. Dans
les deux domaines on doit prendre en compte tous les risques et les évaluer dans
tous leurs aspects. Le devoir de recherche et d’accroissement de la rentabilité en
adoptant des démarches aussi économiques que possible en moyens humains et
matériels s’imposent également ainsi qu’une plus grande et meilleure information de
tous les publics à leur propos.
En matière de science et technologie spatiales, à partir de ces constats, trois
préoccupations viennent donc immédiatement à l’esprit :
a) l’équilibre à respecter entre les budgets « spatiaux » et les autres ;
47
INTRODUCTION
L’objectif de ce texte est de soulever des questions dans un certain nombre de
domaines concernant les technologies spatiales et présentant des répercussions
éthiques. Il envisage également brièvement l’impact de ces technologies dans trois
domaines : l’environnement, l’économie et les conséquences de leur utilisation
militaire.
Les considérations éthiques sont énoncées à plusieurs reprises dans tous les
principes traditionnels des Nations Unies sur l’espace.
1. L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL
Dès que l’humanité a pu accéder à l’espace, elle a également commencé à le
polluer. Cette pollution comprend les débris de lanceurs précédents et de missions
qui ont échoué et dont la présence risque d’entraver le succès de futures missions ;
les satellites devenus non opérationnels en orbite terrestre, et les débris provenant
de missions, habitées ou non, qui ont été envoyées vers d’autres planètes et dans
l’espace interstellaire.
La question des débris spatiaux en orbite terrestre a récemment fait l’objet
d’une attention grandissante, d’un point de vue purement technique, quant à la
gestion de leur volume en orbite terrestre, afin de protéger les systèmes des vols non
habités et les missions habitées. Ceci devient un sujet d’autant plus important que
nous nous dirigeons vers l’achèvement et l’utilisation éventuelle de la Station spatiale
internationale.
Il y a également une prise de conscience grandissante quant à la nécessité
d’aboutir à une certaine harmonisation des pratiques ou des réglementations. Ceci
pourrait prendre la forme d’un code de conduite auquel tous ceux qui sont impliqués
- les agences spatiales ou l’industrie - souscriraient. Les débris augmentant à chaque
nouvelle mission, il apparaît désormais de plus en plus nécessaire de les évaluer et
de les gérer. L’importance des effets défavorables provenant de l’intrusion de ces
débris dans d’autres environnements requiert également qu’un débat international
s’instaure.
A mesure que l’humanité explore plus profondément l’Univers, la nécessité
d’élaborer des systèmes de puissance contrôlée devient de plus en plus urgente.
Tout en traitant le problème de l’utilisation limitée de sources nucléaires de
puissance dans les missions spatiales, il faudrait aussi se demander si l’énergie
nucléaire est la seule alternative viable, et s’il n'existe pas une source d’énergie plus
écologique et moins dangereuse.
50
2. L’IMPACT ECONOMIQUE
Avec le débat entourant la prolifération des armes nucléaires, nous sommes
confrontés à la question des véritables besoins d’un pays en matière de
développement technologique et à celle des besoins financiers d’une entreprise. Où
se situe la limite ? Comment les pays (en particulier les moins développés)
participent à ces développements alors que dans certains pays, les industries
spatiales ont été créées grâce à des investissements gouvernementaux ? De telles
entreprises ont crée des applications qui ont un impact global directement en matière
commerciale, comme les télécommunications, et indirectement sur l’observation de
la Terre. Les questions sont multiples.
Les avantages économiques engendrés par les systèmes de communication
peuvent-ils être partagés rationnellement entre les possesseurs de ces
infrastructures et leurs utilisateurs ? Jusqu’à quel point un pays peut-il exercer un
contrôle sur le contenu et les services de réseaux intrusifs ? C’est le même dilemme
qu’en matière nucléaire. Alors que la communauté internationale doit garantir les
droits des Etats, de plus en plus d’Etats intègrent des entités supranationales plus
larges, dans lesquelles les droits d’un Etat se perdent dans ceux de la communauté
dans son ensemble. Ces organes supranationaux sont les mieux à même pour
résoudre les problèmes et pour garantir les intérêts de chaque Etat.
Ce contrôle de l’accès à l’espace par un nombre réduit de pays affecte la
possibilité d’autres pays d’y participer. Les services de lancement sont-ils maintenant
tellement commerciaux que la question est simplement une question de
développement économique plus large ?
Les applications de l’observation de la Terre soulèvent la question de la
possession de l’information ainsi que de l’intrusion (passive pour les systèmes
optiques, active pour les systèmes radar). Si un système commercial identifie qu’une
récolte est perdue dans un pays spécifique, à qui appartient cette information - à
ceux qui l’observent, au pays, ou au propriétaire de la récolte ?
3. LA DIMENSION MILITAIRE
Les traités internationaux relatifs à l’espace se réfèrent généralement à des
concepts tels que « l’intérêt commun de l’humanité » et « l’utilisation de l’espace à
des fins pacifiques ». Cependant, la plupart des applications spatiales ont la
possibilité d’être utilisées à des fins à la fois civiles et militaires (utilisation duale). Les
utilisations militaires peuvent être offensives ou défensives. Les applications
commerciales sont de plus en plus dépendantes des systèmes élaborés à des fins
51
militaires. Cette question devient critique lorsqu’un Etat risque d’être dépendant de
ces systèmes. Alors que la technologie devrait bénéficier de l’utilisation duale de la
technologie militaire, de ses coûts réduits de développement et de production, il
faudrait qu’il y ait une séparation complète entre l’utilisation de la technologie elle-
même, en prenant en compte les besoins des différents utilisateurs ainsi que l’aspect
militaire.
Dans le contexte d’utilisation duale, l’observation de la Terre devient de la
surveillance. Les satellites de communication facilitent la projection de force au-delà
des frontières nationales. Ces mêmes technologies permettent le déploiement de
systèmes d’intelligence. Les systèmes de positionnement (GPS et Glonass) ont été
développés à des fins militaires et donnent un avantage dominant à leurs
possesseurs. Cependant, la disponibilité de leurs signaux aux utilisateurs civils a
conduit à une dépendance grandissante des applications commerciales, importantes
pour la société civile, à ces systèmes militaires. Dans quelles circonstances les
possesseurs de ces systèmes devraient refuser leur utilisation par d’autres ?
L’espace peut contenir des systèmes d’armement ou peut permettre de brouiller des
systèmes terrestres d’armement. Est-ce le rôle des Nations Unies de traiter et de
réglementer une telle utilisation de l’espace ?
CONCLUSION
La communauté spatiale est consciente de la complexité de ces problèmes
mais leur considération n’est pas évidente quand un projet spatial débute, que ce soit
avec des financements publics ou privés. Le fait de décider comment nous faisons
ceci est le nouveau défi auquel nous sommes confrontés.
53
2. L'EXPLORATION DE L'ESPACE
Quant à la question de l'objectif des vols spatiaux habités, il est important de
ne pas s'engager d’emblée dans des considérations de coût-bénéfice. L'intérêt de
l'homme à explorer son environnement n'est pas orienté vers l'utilité, au sens strict,
mais cela s’apparente plutôt à un besoin culturel fondamental. Ce besoin ne
représente pas simplement un intérêt scientifique, mais une réalisation culturelle
générale. Dans cette perspective, les vols spatiaux se situent dans la continuité des
fameuses explorations et découvertes du 19e et du 20e siècles.
L'intérêt d'explorer l'espace vivant humain ne se rattache pas seulement à
l'espace des perceptions humaines, mais aussi à l'espace des actions humaines.
L'exploration de l'espace implique également la possibilité de le contrôler et de s'y
installer (au moins temporairement).
54
Dans le débat actuel sur le pour et le contre des missions spatiales, l’intérêt du
vol non habité fait en général l’unanimité. Non pas chaque projet pris
individuellement, mais le choix technologique dans son ensemble : il s’agit peut-être
bien de la seule technologie de pointe - à part l’informatique - à ne pas rencontrer de
véritable opposition dans la société. La raison d’un tel succès est à chercher dans
des avantages évidents, jusque dans des domaines hautement respectés comme la
transmission de programmes éducatifs dans le tiers monde ou l’observation de la
Terre au service de la protection de l’environnement. A l’ombre de ces domaines
sans conteste économiquement et socialement rentables, des entreprises moins
axées sur le profit, telles que l’envoi dans l’espace de sondes à des fins purement
scientifiques, ne soulèvent pas de protestation sensible.
Au regard des missions habitées, par contre, la réussite économique et
sociale du vol spatial non habité s’avère fatale. Le vol habité est forcément pris dans
une « spirale argumentative » en vertu de laquelle on exige au moins de lui les
mêmes critères de réussite à long terme que le vol non habité. Critères, soit dit en
passant, que le vol non habité n’aurait jamais satisfaits au premier stade de son
histoire. Du fait de cette demande, le débat sur les missions spatiales habitées reste
circonscrit, en Allemagne notamment, à l’analyse coûts-avantages1. Les avantages
sont compris ici comme directs ou indirects : les perspectives scientifiques, par
exemple, sont envisagées essentiellement en fonction de l’utilité économique au
moins indirecte qui leur est demandée, point de vue que les scientifiques eux-mêmes
sont nombreux à reprendre à leur compte.
Cette optique centrée sur le profit (excédentaire) fait le jeu des adversaires du
vol habité, convaincus que le rôle rempli par l’homme dans l’espace peut être
compensé (du moins avec le temps) par des missions non habitées ; voire
surcompensé (« l’homme, facteur d’ingérence »). Pour eux, le vol habité est donc
superflu, car générateur de coûts élevés supérieurs aux bénéfices identifiables.
Sous-entendu, d’autres projets scientifiques ou sociaux sont privés de ces fonds2.
Incidemment, nombre de défenseurs des vols habités - en Allemagne en particulier -
sont sensibles à cette argumentation. En recherchant les failles de leurs adversaires,
ils admettent a priori les présupposés de base de l’analyse coûts-avantages.
sur les missions spatiales habitées. Pour éviter les méprises, il importe de définir
pour commercer un cadre terminologique, qui permettra de différencier
grossièrement diverses notions d’avantage5.
Une « terminologie pragmatique » de cette nature n’est évidemment pas
neutre, compte tenu de toutes les positions philosophiques existant au sein de la
théorie des actes. La terminologie suggérée ci-après détermine donc dès le tout
départ une interprétation finaliste : en matière d’évaluation technologique, on doit
considérer notamment que les sujets agissent dans le but de parvenir à certaines
fins. Si l’on supposait au contraire que l’homme produit des outils techniques
presque naturellement, à l’instar de fourmis construisant leur fourmilière
(appréhension causaliste de l’action), nous n’aurions rien de plus à évaluer quant
aux conséquences de l’activité technologique. Rien du moins, dès lors que
l’évaluation doit être basée sur des considérations relatives aux choix.
En ce sens, le but est une condition prévue comme conséquence de l’action,
la conséquence étant la condition qui en résulte en tant qu’effet (supposé) si l’action
est reconstruite comme cause. Les objectifs sont les attributs d’un but donné qui le
font apparaître comme une condition souhaitée. Par moyens, nous entendons une
action supposée être menée à bien de sorte que le but en devienne la conséquence.
On peut parler de but supérieur (ou moindre), un but pouvant constituer le fondement
d’un autre ; l’action réalisée dans le cadre d’un tel but est un moyen. Les biens sont
les « objets », au sens large du mot, nécessaires à la réalisation d’un moyen ou
adaptés à un but. Incidemment, le mot « technologie » est souvent employé de façon
équivoque, nommément pour désigner d’une part une certaine catégorie de moyens,
d’autre part une collection de moyens donnés.
L’une des expériences fondamentales de l’être humain est qu’autrui possède
ce dont il a besoin lui-même pour appliquer des moyens à une fin ou à un but. Les
biens peuvent s’avérer insuffisants par rapport aux besoins individuels ou collectifs.
D’où l’institution du troc dans toutes les civilisations connues. Grâce au troc, les
évaluations subjectives de biens deviennent comparables, implicitement ou
explicitement.
Le troc exige donc que les biens puissent être situés dans une relation
ordinale (comparative). Les conditions logiques de la mesurabilité ordinale sont la
cohérence intrinsèque (propre à la sphère interne d’un agent) et la transitivité interne
des valeurs d’échange subjectives. L’utilisation des biens nécessaires à l’échange
détermine des coûts, et le fruit attendu des biens en détermine l’avantage.
Si un certain type de biens est utilisé comme moyen d’échange, on parle
d’argent. Une autre condition logique de rationalité de l’argent est la transformabilité
linéaire de l’avantage sur une certaine échelle, en vertu de laquelle, dans cette
transformation, une cohérence et une transitivité externes (inter-subjectives)
interviennent pour tous les agents concernés. N’importe quel bien évalué sous
l’angle de son avantage ou de son coût économique est vu comme utilitaire. Si des
biens présentent une utilité qui ne puisse être évaluée comme utilitaire, il est possible
alors de parler d’utilité trans-utilitaire.
11. Voir en particulier A. Gehlen, Der Mensch et Urmensch und Spätkultur ; H. Plessner,
Die Stufen des Organischen und der Mensch et Conditio humana ; M. Scheler, Die Stellung
des Menschen im Kosmos. Toutefois, la situation méthodologique de la théorie de la non-
adaptation structurelle n’a pas été suffisamment clarifiée par l’anthropologie philosophique :
elle est jugée parfois empirique, ou à nouveau comme un a priori. Pour progresser dans
cette clarification, il conviendrait de présenter clairement la conscience de cette non-
adaptabilité comme une condition de la possibilité de la conquête du monde grâce à la
technique.
12. K. M. Meyer-Abich, Wege zum Frieden mit der Natur.
63
5. Remarques finales
Pouvons-nous dans ces conditions et devons-nous pratiquer le vol spatial
habité ? On ne peut répondre à cette question par des arguments impérieux sur le
plan utilitaire. Il n’est pas de justification utilitaire impérieuse, que ce soit pour
entretenir un orchestre ou un musée, pour monter une expédition ou pour travailler à
une invention brillante. Il convient de garder à l’esprit, en outre, que si les missions
spatiales habitées contribuent à l’accomplissement de certains buts, ceux-ci peuvent
être atteints à un degré peu ou prou similaire par d’autres choix technologiques et
culturels. De même que l’exclusivité des moyens est rarement un critère de
justification, l’existence de solutions de rechange est rarement une objection valable.
La colonisation de l’espace constitue une exception, puisqu’elle est impossible sans
vol spatial habité. Mais le prix de l’exclusivité des moyens est ici la nature
problématique du but. Généralement, il suffit pour justifier un choix qu’un but puisse
être atteint par un moyen donné, même si l’on peut imaginer d’autres moyens
adaptés. La bonne argumentation consiste alors à mettre en balance entre eux les
moyens de rechange. Les investissements initiaux requis par les solutions de
rechange plaident habituellement en faveur de choix déjà mis en pratique, point de
vue entièrement utilitaire.
En pesant le pour et le contre, il est essentiel toutefois que nous gardions en
mémoire ce qui suit : si l’on ne donnait droit de cité, dans le débat sur les réalisations
technologiques, qu’aux raisons utilitaires, il n’y aurait pas de choix culturels justifiés
dans l’histoire de l’humanité. Cela est vrai incidemment de la variante temporelle
consistant à ajourner les choix culturels tant que certains problèmes (famine dans le
monde, déforestation…) ne sont pas résolus. Du reste, il n’est pas concevable de
garder, en quelque sorte, des projets technologiques à grande échelle à l’état
potentiel jusqu’au jour J. Contrairement à la connaissance, l’aptitude ne peut être
préservée. On peut conserver un dictionnaire pour l’ouvrir plus tard, on ne peut pas
conserver les facultés d’un orchestre.
En résumé, une chose est sûre : en limitant le débat sur les choix culturels à
des arguments utilitaires, on réduira l’humanité à une vaste troupe d’anthropoïdes
(peut-être) satisfaits ; à moins qu’ils n’aient déjà disparus depuis longtemps, victimes
de leur modération.
65
ait pour objet de limiter la création de débris spatiaux et, de ce fait même,
il n’existe pas non plus de dispositif institutionnel chargé de veiller à sa
mise en œuvre, sur le modèle de celui qui gère les attributions de
fréquences radioélectriques aux véhicules spatiaux.
La création par les Etats d’un instrument légal international est une priorité
essentielle. Il pourrait s’agir d’un traité qui viendrait compléter l’ensemble des traités
qui régissent l’usage de l’espace extra-atmosphérique et d’un dispositif de mise en
œuvre. Le cadre adéquat pourrait être soit l’ONU, soit, en raison des enjeux
commerciaux impliqués et de l’importance qui s’attache au maintien d’une
concurrence équitable, l’OMC.
A la pollution matérielle de l’espace susceptible, à terme rapproché, de freiner
le développement des activités spatiales, s’ajoute la pollution électromagnétique qui
gêne l’observation de l’univers extérieur par les astronomes. Il y a donc lieu de veiller
aussi à ce que les activités spatiales ne perturbent pas de façon incontrôlée la
transparence de l’environnement terrestre aux rayonnements venus de l’extérieur.
Altérations de l’environnement terrien et des environnements planétaires
En regard du problème de pollution de l’espace par les débris orbitaux, les
atteintes à l’environnement terrien et les risques engendrés par les activités spatiales
sont d’une importance et d’une urgence nettement moindres. Il s’agit pour l’essentiel :
• des risques que fait courir aux populations la rentrée d’objets massifs au
premier rang desquels la station MIR (120 tonnes). Ces risques n’existent
que si l’objet échappe à tout contrôle, comme ce fut le cas de Skylab ;
dans le cas de MIR, il serait souhaitable qu’une rentrée contrôlée vers une
zone océanique non fréquentée soit pratiquée avant que la station ne
devienne incontrôlable. En tout état de cause, le risque pour les
populations est limité ; il est sans relation avec la mobilisation médiatique
qu’un tel événement ne manquerait pas de produire et très inférieur aux
risques que faisait courir la présence discrète, sur des satellites militaires
en orbite très basse, de réacteurs nucléaires. Les précautions à prendre
dans ce domaine concernent davantage la nature que la masse de ce qui
est mis sur des orbites susceptibles de donner lieu à des rentrées
incontrôlables. Il semble suffisant de proscrire l’usage, sur de telles
orbites, de charges utiles susceptibles de disperser des matières
radioactives dans le processus de rentrée.
• de la pollution atmosphérique engendrée par des lanceurs spatiaux. Cette
pollution est négligeable au niveau où se situe l’activité actuelle et la
généralisation de la propulsion cryogénique - qui rejette uniquement de
l’eau - contribuera à en réduire le niveau.
S’agissant des environnements planétaires se pose la question de la pollution,
notamment par des formes de vie et par des molécules organiques d’origine
terrestre, d’environnements planétaires demeurés vierges. Ce problème a été
identifié dès les premières missions planétaires. Comme ces activités sont menées
par la puissance publique et n’ont pas, dans un avenir prévisible, d’enjeu
commercial, elles s’accommodent aisément de mesures contraignantes qui ont été
prises spontanément par leurs initiateurs. Le COSPAR établit sur ce sujet une base
de données systématique qui pourrait servir de base à la formulation et à l’adoption
de règles de conduite internationales.
67
Conclusion
De cet examen général des relations de l’espace à l’environnement, deux
aspects émergent qui s’imposent par leur importance et par leur urgence :
• le problème des débris spatiaux qui sous-tend un conflit entre compétitivité
commerciale et mesures de contrôle. Il appelle l’élaboration d’un accord
international fixant les règles déontologiques qui s’imposeront à tous ;
• l’utilisation systématique de l’espace à la connaissance de l’environnement
terrestre et à la gestion des risques qui appelle un effort international pour
la création d’un système d’observation global de la planète Terre.
69
Distribution : limitée
ETH/COMEST-ESP/99/1
Paris, le 23 février 1999
Original : français
Dans son intervention, M. Georges B. Kutukdjian a rappelé que dès avril 1996,
quand M. Federico Mayor, le Directeur général de l’UNESCO, avait envisagé la
possibilité de créer une Commission mondiale sur l’éthique des connaissances
scientifiques et technologiques, l’espace figurait déjà parmi les six domaines
prioritaires qui seraient étudiés dans le cadre de cette Commission. M. Kutukdjian a
mentionné la notion de patrimoine commun de l’humanité, en évoquant le Traité des
Nations Unies sur la Lune et sur les corps célestes. Il a également mentionné le
niveau d’acceptabilité par la société des technologies. Sa dernière remarque visait à
souligner l’importance de favoriser l’accès des pays en développement aux
connaissances et aux technologies scientifiques et spatiales.
III. DISCUSSION
D’une façon générale, les membres du Groupe ont souscrit aux objectifs
tracés par le coordinateur, tout en insistant sur certains points qu’ils jugeaient
particulièrement importants. Ainsi, tous les participants ont évoqué la question de
l’aspect militaire de la conquête spatiale, qui est un problème qui ne permet pas
d’ignorer que l’espace présente une composante militaire inséparable de la
composante civile, et sur lequel le Groupe doit prendre parti. En effet, certains
systèmes civils indispensables au développement des activités de la société civile
ont des implications militaires. L’exemple le plus évident est celui du système
américain de positionnement GPS, qui est à la base un système militaire, mais qui a
des applications civiles fondamentales, notamment dans le domaine du trafic aérien
commercial.
De plus, certains participants ont souligné l’importance d’envisager le
problème de l’implication des médias et la diffusion par des moyens appropriés des
informations.
L’utilisation du nucléaire dans l’espace a aussi suscité l’attention de plusieurs
membres du Groupe.
A l’issue du tour de table, le Coordinateur a dégagé une synthèse des
propositions issues des différentes interventions. Il a ainsi relevé les quatre
catégories suivantes :
(i) les problèmes militaires ;
(ii) les problèmes de motivation, d’équité et de libre accès qu’il a regroupés
sous le terme d’efficience ;
(iii) les risques avec la protection de l’environnement et l’utilisation du
nucléaire ;
(iv) et, les aspects liés plus spécifiquement au développement des
connaissances et des technologies, avec leurs conséquences pour
l’humanité.
Sur le plan militaire, M. Pompidou a fait une proposition qui a recueilli
l’unanimité. En effet, il a suggéré d’exclure des débats du groupe de travail tout ce
qui serait spécifiquement militaire, car ceci relève du domaine de la décision et de la
souveraineté stratégique des Etats, à moins qu’une opération spécifiquement
militaire menace véritablement l’humanité. En revanche, tout ce qui serait susceptible
d’utilisation duale et qui menacerait les libertés publiques, d’une part, et les identités
culturelles, d’autre part, entrerait dans le champ de compétence du Groupe.
75
V. SEMINAIRE DE REFLEXION
Concernant les personnalités de haut niveau susceptibles de travailler avec le
Groupe, l’idée du Directeur général de l’UNESCO est d’impliquer dans les activités
du Groupe des personnes d’un très haut niveau de pensée, qui soient philosophes,
économistes, scientifiques, humanistes et qui viennent des différentes parties du
monde, afin de respecter un certain équilibre géographique et culturel.
A titre de document de travail, une première liste comprenant M. Heinz
Riesenhuber, Sir Herman Bondi, M. Cheikh Modibo Diarra, M. Freeman Dyson, M.
Umberto Eco, M. Luc Ferry, M. Elie Wiesel, et M. Joseph Ki-Zerbo, a été dressée.
L’ESA, l’UNESCO et les membres du Groupe devront faire des suggestions qu’ils
assortiront de courts curriculum vitae. La décision finale sera prise de manière
collégiale par le Groupe.
A propos des acteurs du domaine spatial, qui sont aussi bien les agences
spatiales que les industriels, ou les agents économiques, et qui seront appelés à
intervenir dans le cadre du séminaire du mois de septembre, l’ESA et l’UNESCO
devront également soumettre des propositions qui permettent d’avoir une répartition
géographique et de métiers équilibrée.
Distribution : limitée
ETH/COMEST-ESP/99/1
Paris, le 23 février 1999
Original : français
I. INTRODUCTION
En ouvrant la réunion, M. Alain Pompidou, Coordonnateur du Groupe de
travail sur l’éthique de l’espace extra-atmosphérique, a souhaité la bienvenue au
Professeur U.R. Rao, Président du « United Nations Committee on the Peaceful
Uses of Outer Space » (COPUOS) et d’UNISPACE III, ainsi qu’au Professeur Stan
Grzedzjelski, Directeur exécutif du « Committee on Space Research » (COSPAR).
M. Alain Pompidou a informé les membres du Groupe que lors de la première
session de la Commission mondiale de l’éthique des connaissances scientifiques et
des technologies (COMEST) qui s’est déroulée à Oslo, il a exposé le vendredi 30
avril les premières réflexions du Groupe de travail.
Il a rappelé les cinq thèmes de travail définis lors de la première réunion, et
sur lesquels chaque membre a préparé une note factuelle identifiant les problèmes
éthiques. L’ordre du jour de cette réunion comportait deux points, à savoir :
• la présentation par chaque membre de sa contribution, suivie d’un tour de
table permettant aux autres membres de formuler des commentaires et
remarques ;
• l’organisation du séminaire des 10 et 11 septembre 1999.
D. La protection de l’environnement
M. le Professeur André Lebeau a indiqué que la technique spatiale avait une
relation ambiguë avec l’environnement parce qu’elle peut à la fois être à l’origine
d’altérations de l’environnement naturel et être un outil de contrôle de ces altérations.
Il a distingué les altérations de l’environnement extraterrestre des altérations de
l’environnement terrien et des environnements planétaires. Dans la première
hypothèse, M. Lebeau a insisté sur le fait qu’en matière de débris orbitaux il n’existait
à l’heure actuelle aucun procédé pour supprimer ces débris. Par conséquent seules
des mesures de prévention peuvent être mises en œuvre. M. Lebeau a indiqué que
les applications commerciales de l’espace circumterrestre sont, en raison de leur
nombre, les plus polluantes et l’imposition de mesures de prévention ayant un coût,
celle-ci aura donc un effet sur la compétitivité des systèmes commerciaux. De ce fait,
M. Lebeau a souligné qu’il était indispensable que ces mesures s’imposent à toutes
les entreprises sans exception, et en particulier aux entreprises commerciales, et
qu’elles soient inscrites dans le droit international, bien qu’actuellement aucun cadre
légal international n’impose de règles en la matière.
Dans le domaine des altérations de l’environnement terrien et des
environnements planétaires, M. Lebeau a mentionné que la rentrée d’objets massifs
et que la pollution atmosphérique engendrée par les objets spatiaux étaient des
phénomènes négligeables. S’agissant plus particulièrement des environnements
planétaires, M. Lebeau a évoqué la pollution par les formes de vie et les molécules
organiques, tout en précisant que c’était un problème sous contrôle en raison de
l’application de protocoles lourds et coûteux. Quant à l’utilisation de la technique
spatiale aux fins de protection de l’environnement terrestre, M. Lebeau a identifié
deux aspects, à savoir, d’une part, un aspect à court terme qui est d’utiliser les
programmes spatiaux comme des outils de connaissance de l’évolution de
l’environnement terrestre, et d’autre part, un aspect à long terme correspondant au
développement d’un transport spatial fiable à un coût abordable qui permettrait de
débarrasser la surface de la planète des déchets les plus dangereux de l’activité
humaine, et en particulier les déchets nucléaires, en les mettant sur une orbite
solaire.
niveau mondial en permettant une communication aussi optimale que possible tout
en assurant la personnalisation des communications et le respect des identités
culturelles3.
Concernant la proposition de disposer d’un espace électronique réservé au
maintien de la diversité culturelle, il a été proposé d’avoir sur les transbordeurs des
satellites des espaces gratuits en autogestion.
En outre, en marge du phénomène d’uniformisation, certains membres ont
évoqué la création de nouvelles diversités culturelles qui ne doit pas être trop
excessive car sinon on risque de perdre l’héritage basé sur l’identité précédente. La
nécessité de trouver un équilibre entre le maintien des identités culturelles existantes
et l’apparition de nouvelles identités a été soulignée.
Le Groupe a également abordé la question du droit d’accès des individus à
l’information qui est l’objet de discussions sur le plan international depuis une
quinzaine d’années et qui touche en définitive au fonctionnement de la démocratie,
en prenant notamment pour exemple des arrêtés municipaux interdisant l’installation
d’antennes de réception de télévision. Les membres ont indiqué que toute tentative
de manipulation de l’opinion par le biais d’une interdiction d’accès à l’information
n’était pas acceptable, et il a été suggéré de lancer un débat démocratique dans
différents pays sur les problèmes de maintien de la diversité culturelle.
F. Conclusion
M. Alain Pompidou a indiqué que tous les membres devraient prendre en
compte dans leur texte respectif les différentes remarques formulées au cours de la
réunion et soumettre une nouvelle version de leur note pour le 1er juin au plus tard au
Secrétariat de l’UNESCO qui se chargera de les transmettre à l’ensemble des
membres du Groupe de travail.
A propos des thèmes qui seront abordés lors de ce séminaire, le Groupe s’est
mis d’accord sur les trois points suivants :
• l’espace comme dimension comprenant l’homme dans l’espace,
l’exploration de l’univers, le développement de la science et des
technologies spatiales ;
• l’espace comme outil comprenant les enjeux économiques et la protection
de l’environnement, les technologies spatiales et les risques liés à
l’utilisation de l’espace ;
• l’espace perçu, c’est-à-dire la perception médiatique de l’espace, le rôle
des médias et des organes de communication, celui des décideurs
politiques.
Le Groupe a ensuite examiné la liste, préparée par le Secrétariat de
l’UNESCO, des personnalités susceptibles d’être invitées au séminaire, tout en
laissant à l’ESA et à l’UNESCO le soin de dresser la liste des représentants
d’agences spatiales nationales et des industriels. M. Johnston, Secrétaire général de
l’OCDE, ainsi que MM. Ashpal (Inde), Sagdiev (Fédération de Russie/Etats-Unis
d’Amérique) et Haerendel (Allemagne), Président du COSPAR, ont été ajoutés à la
liste. Il a aussi été décidé d’inviter le COPUOS, UNISPACE III, le COSPAR,
l’International Aeronautical Association et l’International Astronomical Union.
87
DOCUMENT COMPLEMENTAIRE IV
RAPPORT FINAL
I. INTRODUCTION
1. L’espace constitue un nouveau défi pour l’humanité puisqu’il s’agit de définir la
place de l’homme dans l’univers. Le problème est à la fois philosophique et
scientifique : l’homme souhaite conquérir l’espace, le connaître, l’explorer. Il faut
auparavant qu’il s’interroge et que les scientifiques cherchent à mieux sonder
l’opinion publique dans toute sa diversité culturelle. Cette question se doit d’être
abordée autant du point de vue scientifique que culturel. Par ailleurs, les
conséquences de la conquête spatiale exigent de mener la réflexion éthique sur ce
sujet dans un contexte international, ce d’autant que l’espace extra-atmosphérique a
été reconnu comme patrimoine commun de l’humanité. C’est dans cet esprit que le
Directeur général de l’UNESCO, en collaboration avec M. Antonio Rodotá, Directeur
général de l’Agence spatiale européenne (ESA), a créé, en décembre 1998, un
groupe de travail sur l’éthique de l’espace extra-atmosphérique, dont il a confié la
coordination au Professeur Alain Pompidou. Ce groupe, composé sur une base
pluridisciplinaire a pour mandat de préparer un rapport sur les implications éthiques
soulevées par les activités spatiales.
2. Ce rapport sera soumis à l’examen de la Commission mondiale des
connaissances scientifiques (COMEST), l’éthique de l’espace extra-atmosphérique
figurant parmi les domaines qui sont et seront étudiés dans le cadre de cette
Commission. A cet égard, il est à souligner que lors de la première session de la
COMEST, qui s’est tenue à Oslo en avril 1999, le coordonnateur du groupe de travail
a eu l’occasion de présenter les premiers travaux du groupe et le cadre de sa
réflexion. Il a précisé notamment que si les technologies spatiales relèvent souvent
des domaines civil et militaire, sans les rejeter de manière systématique, le groupe
de travail a décidé de ne pas traiter des questions exclusivement militaires.
3. Comme point d’orgue aux travaux du groupe de travail le séminaire a été
organisé afin d’une part de permettre à des spécialistes de partager leurs réflexions
et expériences en la matière et d’autre part d’intéresser des acteurs du domaine
spatial, représentants d’agences spatiales et de l’industrie. La liste des participants
figure en annexe 1 du présent rapport.
II. OUVERTURE
4. En présentant le mandat et le fonctionnement de la COMEST, cadre dans
lequel se situe le séminaire, S. Exc. Mme Vigdís Finnbogadóttir, Présidente de la
Commission, a souligné que la prise de conscience accrue des implications
humaines et sociales de la recherche scientifique et des applications technologiques
qui en découlent a donné naissance à un phénomène nouveau. Jamais sans doute,
le progrès scientifique et les innovations technologiques n’ont modelé, autant
qu’aujourd’hui, les modes de productions économiques, les relations sociales et les
styles de vie. Si le monde de la recherche scientifique considère désormais que la
réflexion éthique fait partie intégrante du développement de ce domaine, le grand
public est aussi conscient que les sciences et leurs applications ont transformé la vie
quotidienne. L’éthique des connaissances scientifiques et des technologies doit
désormais figurer au premier rang dans toutes les prises de décision. L'éthique doit
donc devenir un système de référence, à l’instar du dialogue mondial qui, sur les
questions d’actualités, intègre désormais les préoccupations sociales et culturelles.
La réflexion éthique est une interrogation constante sur le fondement de nos actes et
92
d’exploration spatiale. Il est, enfin, primordial que les citoyens puissent être associés à
la prise de décision, en s’appuyant sur une argumentation rationnelle, pour éviter
d’éventuels mouvements protestataires lorsque des accidents, inévitables, surviendront.
compétition existant entre les disciplines scientifiques. Par ailleurs, une bonne
gestion de l’espace étant une des conditions de la survie de l’humanité et du bien
être des générations futures, l’élaboration de principes éthiques en la matière prend
toute son importance.
18. Au regard de l’élimination des débris spatiaux, la question des coûts élevés
des mesures à prendre a été soulevée, de même que les responsabilités partagées
par tous les acteurs dans les domaines politique, économique et technique. S'il est
certain que l’utilisation de l’espace comme outil de gestion des climats est
communément admise, il n’en demeure pas moins qu’il se pose un problème éthique
sur sa légitimité, en raison des incertitudes qui existent encore.
saisir les données de communication transitant par les satellites ou de localiser les
communications par téléphones mobiles. Ces techniques auparavant utilisées par les
seuls militaires se trouvent aujourd’hui à la portée de ceux qui disposent des moyens
techniques appropriés ; leur utilisation détournée est susceptible de porter gravement
atteinte aux droits fondamentaux de l’homme. Il a été cependant souligné que cette
question de la surveillance des individus dépassait le cadre de l’espace, c’est en
effet un problème plus général. Enfin, s’il faut admettre que la surveillance est
inévitable, ce qui doit être réglementé c’est la gestion et le contrôle des données.
faut se garder de jouer avec la crédulité des individus ou des sociétés dans un
domaine où l’on passe facilement du rationnel à l’émotionnel. A cet égard, l’on doit
développer, dans les médias, une éthique de l’information sur les sujets relevant de
l’exploration spatiale. Il faut éviter le mercantilisme inhérent à la diffusion des
informations, souvent soumise à la pression de bailleurs de fonds et dénoncer toute
interaction perverse entre les médias et le monde politique, lequel a une capacité de
persuasion bien plus grande que le monde scientifique. Bien que l’Etat ne soit plus le
seul acteur en matière de technique spatiale et qu’il ne soit plus le seul garant de
l’intégrité morale, il a un rôle important à jouer dans la gestion sociétale. Des cahiers
des charges pour l’information sur l’espace pourraient être envisagés pour éviter
toute distorsion de l’information fournie, pour éviter que les risques ne soient tenus
secrets, pour que la mise à disposition des connaissances soit faite à travers un
langage accessible au grand public, ce pour éviter les malentendus. Enfin, le
Professeur Pompidou a insisté sur l’utilité de développer le débat public sur toute
question relative à l’espace.
26. La discussion a permis de dégager l’importance de la phase d’élaboration de
l’analyse des questions spatiales, en dehors de tout contexte médiatique, à travers
un dialogue organisé, sous la forme de forums hybrides, entre les experts, les
scientifiques, les politiques et le public. La formation scientifique insuffisante de
certains journalistes a été mise en cause comme pouvant représenter un élément de
la désinformation. Une fonction pédagogique vis-à-vis des médias pourrait être
remplie par les agences spatiales. Ces dernières pourraient développer en leur sein
une pédagogie de la médiation qui serait le préalable à la formation d’une culture de
l’espace. Comme il a déjà été souligné, il est nécessaire de présenter l’espace de
façon compréhensible par le plus grand nombre, d’éviter la surabondance
d’informations, de veiller à la diffusion d’une culture scientifique élémentaire tout en
ménageant la part de rêve qu’induit l’utilisation des technologies spatiales. Des
actions pédagogiques à l’intention des jeunes devraient être organisées sur le
modèle de celles déjà mises en place par la NASA, les moyens télévisuels devraient
être également largement utilisés à ces fins, de même que des programmes de
formations de formateurs et de médiateurs scientifiques devraient être développés.
politique, en estimant que ces deux notions doivent être séparées. En effet, l’éthique
permet de définir des limites à ne pas dépasser. Or il arrive que la politique ne tienne
pas compte des considérations éthiques. L’implication de la politique dans le
domaine spatial pose la question du partage des données obtenues de l’espace. En
effet, il a été estimé que tous les pays devraient en bénéficier afin d’avoir les mêmes
droits et opportunités. De plus, la différence entre l’exploration et l’exploitation de
l’espace a été mise en avant.
C. COMMISSION EUROPEENNE
33. A titre de remarque préliminaire, M. Hamelin, Délégué à la Coordination
spatiale, a précisé que la Commission n’est pas une agence spatiale, mais qu’elle
aborde le domaine spatial sous son angle applicatif et celui de ses conséquences
stratégiques, économiques et culturelles pour la société et l’Europe en particulier. En
tant qu’acteur régulateur dans la conduite des politiques spatiales, la Commission est
pleinement concernée par le débat sur l’éthique de l’espace extra-atmosphérique, et
elle est convaincue que les activités spatiales ne peuvent se développer que dans un
cadre juridique précis, sous-tendu par une éthique clairement acceptée par tous les
acteurs du domaine. Parmi les préoccupations du groupe de travail sur l’éthique de
l’espace extra-atmosphérique, il y a un certain nombre de domaines que la
Commission fait sien, à savoir, l’altération de l’environnement par les techniques
spatiales, l’utilisation des techniques spatiales pour la protection de l’environnement
et la prévention de risques majeurs, l’utilisation des techniques spatiales pour
garantir la sécurité des moyens de transport, et la protection de la sphère privée ainsi
que la préservation des identités culturelles.
34. La discussion a permis d’évoquer la relation entre l’Agence spatiale
européenne et la Commission qui se met en place progressivement et qui suppose
une délimitation de leurs compétences respectives. Certains participants se sont
interrogés sur l’opportunité d’élaborer un droit européen en matière spatial, en
prenant pour exemple la protection de la propriété intellectuelle des matériels
embarqués qui relève exclusivement d’un dispositif juridique américain. Il a été
souligné que parmi les sujets traités par la Commission, la question des données
environnementales, et plus particulièrement dans le sens de leur utilisation à des fins
de contrôle de l’environnement, tend à devenir l’un de ses objectifs stratégiques
parce qu’au travers de la politique des données, un nouveau regard est apporté sur
l’observation de la Terre.
E. ARIANESPACE
38. Le Président Directeur général de cette entreprise, M. Jean-Marie Luton, a
présenté brièvement les activités d’Arianespace qui sont soumises à certains
critères, comme celui de leur aspect pacifique, et au principe général de sauvegarde
des personnes et des biens lors de chaque lancement. Le jugement sur la
sauvegarde émane d’une autorité indépendante et cette séparation entre les organes
chargés du contrôle et ceux chargés des opérations est importante. M. Luton a
exposé la politique de son entreprise en matière de débris spatiaux qui consiste à
n’avoir qu’un seul débris par lancement. Cette position n’est pas neutre car elle
conduit à des réductions de performance et à une évolution négative de la
performance économique. Par ailleurs, il a souligné la compétition permanente qui
existe entre le développement des moyens terrestres et des moyens spatiaux. A cet
égard, il convient de ne pas tuer les avantages des systèmes spatiaux qui sont
spécifiques et de faire attention en élaborant des normes éthiques de peser leurs
conséquences sur les différents systèmes et de ne pas privilégier, dans la
compétition, certains acteurs.
39. La discussion a mis en lumière le besoin pour les industriels de disposer de
normes et de standards qui soient applicables à tous et à l’élaboration desquels ils
doivent prendre part afin d’éviter tout risque de distorsion de concurrence.
Cependant l’écueil de la sur-réglementation pour rassurer l’opinion publique doit être
évité, ce qui suppose une éducation de l’opinion publique par un travail d’explication
et de médiation scientifique. Concernant les pratiques commerciales, certains
participants ont estimé qu’il était de l’intérêt des industriels de laisser cette question
dans le cadre des discussions commerciales entre les pays et au sein de
l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
F. ALENIA AEROSPAZIO
40. M. Franco Malerba, représentant cette entreprise, a estimé que les industriels
devaient travailler en étroite collaboration avec les autres acteurs du domaine spatial,
et qu’ils ne devaient pas eux-mêmes être chargés de définir ou d’établir des règles
d’éthique qui doivent venir de la société, l’éthique de l’entreprise et l’éthique de la
société se rencontrant à un moment donné. Par ailleurs, l’établissement d’un code
éthique devrait découler d’une concertation internationale afin d’éviter la
multiplication de codes suivant les pays. M. Malerba a souligné l’importance de
l’égalité de l’accès à l’espace et de l’égalité des chances en matière de compétition,
en évoquant l’appropriation de l’espace et les motivations commerciales qui sous-
tendent l’exploitation de l’espace. Il s’est ensuite intéressé aux liens entre le
développement durable et l’espace. En effet, Alenia se préoccupe de la protection de
103
G. AEROSPATIALE MATRA
42. Du fait de la nature de ses activités, Aerospatiale Matra est confrontée à des
choix qui dans certains cas posent des problèmes éthiques. M. Frédéric d’Allest,
Conseiller du Directoire pour les affaires spatiales, a estimé que les industriels ont,
dans leur propre intérêt, une contribution à apporter dans l’élaboration et la mise en
œuvre d’une éthique de l’espace en identifiant et en gérant les risques et les
problèmes qui peuvent découler des matériels qu’ils construisent d’une part, et en
élaborant, en collaboration avec les agences spatiales qui ont un rôle majeur à
remplir dans ce domaine, des codes de bonne conduite, voire des réglementations
internationales d’autre part, tout en ayant à l’esprit un souci de transparence et de
communication et en prenant en compte les préoccupations essentielles des
industriels. M. d’Allest a également souligné qu’une définition de l’éthique devait
relever d’une démarche positive et qu’il convenait de ne pas avoir une attitude
réprobatrice à l’égard de l’exploitation commerciale et industrielle de l’espace qui
constitue, avec la science, un moteur de l’exploration spatiale. En effet, sans activité
commerciale raisonnable, l’observation civile de la Terre risque de rencontrer
quelques difficultés pour se développer.
43. L’importance d’élaborer une démarche positive en évitant toute réprobation de
la commercialisation des activités spatiales a été reprise au cours de la discussion. A
cet égard, certains participants ont souhaité qu’en cas de survenance de certains
événements tels que des catastrophes naturelles, la dissémination rapide et quasi
gratuite des informations puisse se faire, indépendamment d’autres activités plus
104
CAS PRATIQUE
44. Avant de clore le séminaire, un « cas pratique » simulant l’interpellation d’une
industrie par les médias à l’occasion d’un accident imaginaire, a permis aux
participants de réfléchir à la stratégie de communication qu’il faudrait adopter vis-à-
vis de l’opinion publique et des médias au cas où les débris d’une station spatiale
ferait des victimes en retombant sur Terre. Un tel événement poserait notamment le
problème de la responsabilité en matière de gestion du risque, et le problème de
l’enjeu des activités spatiales. Et il est apparu qu’un travail d’approfondissement des
aspects de communication, de médiation scientifique et d’explication de la gestion du
risque était plus que nécessaire afin de préparer l’opinion publique à d’éventuels
incidents de ce genre avant qu’ils ne se produisent.
CONCLUSION GENERALE
45. En guise de conclusion, S. Exc. Mme Vigdís Finnbogadóttir, Présidente de la
COMEST, s’est félicitée de l’intérêt manifesté par les participants pour les droits de
l’homme ainsi que pour le rôle du citoyen à l’avenir. Elle a rappelé que le travail de la
COMEST consistait en partie à définir de « bonnes pratiques » et qu’il était primordial
que, dès à présent, la COMEST puisse communiquer avec le public et qu’elle puisse
lui donner de plus amples informations sur ces activités afin de le responsabiliser et
de lui faire prendre conscience des enjeux. Cette prise de conscience est d’autant
plus urgente vis-à-vis des jeunes, qu’au cours des prochaines décennies, la part des
moins de 20 ans dans la population mondiale va être prédominante et qu’ils ne
seront pas forcément suffisamment aptes à prendre des décisions. Dans cette
optique, Mme Vigdís Finnbogadóttir a avancé l’idée de développer le concept de
« guides éthiques » qui pourraient jouer le rôle de « Socrate des temps modernes »
en encourageant l’opinion publique à trouver les réponses aux questions qu’elle se
pose. C’est sur une note optimiste et poétique que la Présidente de la Commission
mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies a conclu le
séminaire sur l’éthique de l’espace extra-atmosphérique, en estimant que chaque
début de siècle suscitait toujours beaucoup de dynamisme et qu’au fond, la science
et la poésie étaient liées car elles représentent toutes les deux des visions et des
espoirs pour l’avenir.
United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
UNESCO - ESA
10-11 septembre / September 1999, Roissy-Charles de Gaulle (France)
I. EXPERTS
S. Exc. Mme / H.E. Mrs Vigdís FINNBOGADOTTIR
Présidente, République d'Islande, 1980-1996,
Présidente de la Commission mondiale de l'éthique,
des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST)
Ambassadeur de bonne volonté de l’UNESCO /
President, Republic of Iceland, 1980-1996,
Chairperson of the World Commission on the Ethics
of Scientific Knowledge and Technology (COMEST),
UNESCO Goodwill Ambassador
M. / Mr Alain POMPIDOU
Coordonnateur du Groupe de travail de la COMEST
sur l’éthique de l’espace extra-atmosphérique
Membre du Conseil économique et social,
Professeur à la Faculté de médecine de Cochin-Port-Royal, Université Paris V,
Membre du Conseil d’application de l’Académie des Sciences /
Coordinator of the COMEST Working Group
on the Ethics of Outer Space
Member of the Conseil économique et social,
Professor at the Faculty of Medicine Cochin-Port-Royal, University of ParisV
Member of the Conseil d’application of the French Academy of Sciences
106
M. / Mr Jean AUDOUZE
Astrophysicien, Directeur de recherche au CNRS,
Directeur du Palais de la découverte,
Membre du Groupe de travail de la COMEST sur l’éthique
de l’espace extra-atmosphérique /
Astrophysicist, Research Director at the CNRS,
Director of the Palais de la découverte,
Member of the COMEST Working Group on the Ethics of Outer Space
M. / Mr Ezio BUSSOLETTI
Professeur à l’Université navale de Naples,
Directeur de l’Institut de physique expérimentale,
Membre du Groupe de travail de la COMEST sur l’éthique
de l’espace extra-atmosphérique /
Professor at the University of Naples, Director of the Institute of Experimental
Physics,
Member of the COMEST Working Group on the Ethics of Outer Space
M. / Mr Karl DOETSCH
Président de l’Université internationale de l’espace de Strasbourg /
President of the International Space University of Strasbourg
M. / Mr Juan Manuel de FARAMIÑAN GILBERT
Professeur de droit international public,
Faculté des sciences sociales et juridiques, Université de Jaén, Espagne,
Membre du Bureau du Centre espagnol du droit de l’espace /
Professor of International Law,
School of Social and Juridical Sciences, Jaén University, Spain,
Member of the Bureau of the Spanish Center for Space Law
M. / Mr Jens Erik FENSTAD
Président du Comité permanent de la physique et des sciences de l'ingénieur de la
Fondation européenne pour la science, Membre du Comité scientifique de l'OTAN et
du Comité exécutif du Conseil international pour la science (ICSU),
Membre de la Commission mondiale de l'éthique
des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) /
Chairman of the Standing Committee for the Physics and Engineering Sciences of
the European Science Foundation, Member of NATO Science Committee and
of the Executive Council of the International Council of Science (ICSU),
Member of the World Commission on the Ethics of
Scientific Knowledge and Technology (COMEST)
M. / Mr Carl Friedrich GETHMANN
Professeur à l'Institut de Philosophie de l'Université de Essen,
Directeur de l'Académie européenne pour l'étude des conséquences des
avancées scientifiques et technologiques,
Membre du Groupe de travail de la COMEST sur l’éthique
de l’espace extra-atmosphérique /
Professor at the Philosophy Institute of the University of Essen,
Director of the European Academy for the Study of the Consequences
of Scientific and Technological Progress,
Member of the COMEST Working Group on the Ethics of Outer Space
M. / Mr Stan GRZEDZJELSKI
Directeur exécutif du Comité sur la recherche spatiale (COSPAR) /
Executive Director of the Committee on Space Research (COSPAR)
107
M. / Mr Gerarld HAERENDEL
Président du Comité sur la recherche spatiale (COSPAR) /
Chairman of the Committee on Space Research (COSPAR)
M. / Mr Peter LALA
Directeur adjoint, Section de la Recherche de l'Office des Nations Unies
pour les affaires concernant l'espace extra-atmosphérique /
Deputy Director, Research Section of the United Nations Office
for Outer Space Affairs
M. / Mr Christian J. LANGENBACH
Académie européenne pour l'étude des conséquences
des avancées scientifiques et technologiques /
European Academy for the Study of the Consequences of
Scientific and Technological Progress
M. / Mr André LEBEAU
Membre de l’Académie nationale de l’air et de l’espace,
Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM),
Ancien Directeur général adjoint de l’Agence spatiale européenne,
Ancien Président du Centre national d'études spatiales (CNES),
Membre du Groupe de travail de la COMEST sur l’éthique
de l’espace extra-atmosphérique /
Member of the Académie nationale de l’air et de l’espace,
Professor at the Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM),
former Deputy Director-General of the European Space Agency,
Chairman of the Centre national d’études spatiales (CNES),
Member of the COMEST Working Group on the Ethics of Outer Space
M. / Mr U. R. RAO
Président du Comité des Nations Unies sur l’utilisation pacifique
de l'espace extra-atmosphérique (COPUOS) /
Chairman of the United Nations Committee on the Peaceful Uses
of Outer Space (COPUOS)
AEROSPATIALE MATRA
M. / Mr Frédéric d’ALLEST
Conseiller du Directoire pour les Affaires spatiales /
Advisor of the Directory for Spatial Affairs
ARIANESPACE
M. / Mr Jean-Marie LUTON
Président Directeur général / President Director-General
AGENCE SPATIALE ALLEMANDE /
GERMAN AEROSPACE AGENCY
M. / Mr Kai-Uwe SCHROGL
Délégué de l’Agence spatiale allemande au Comité des Nations Unies
sur l’utilisation pacifique de l'espace extra-atmosphérique (COPUOS) /
Delegate of the German Aerospace Center to the United Nations Committee
on the Peaceful Uses of Outer Space (COPUOS)
ALENIA AEROSPAZIO
M. / Mr Franco MALERBA
Division de l’espace /
Space Division
CENTRE COMMUN DE RECHERCHE DE LA COMMISSION EUROPEENNE /
EUROPEAN COMMISSION RESEARCH CENTER
M. / Mr Joël HAMELIN
Délégué à la Coordination spatiale, Groupe de coordination sur l’espace /
Delegate for Space Coordination, Space Coordination Group
CENTRE NATIONAL D’ETUDES SPATIALES (CNES) /
NATIONAL CENTER FOR SPACE RESEARCH
M. / Mr Gérard BRACHET
Directeur général / Director-General
M. / Mr Jacques ARNOULD
Consultant
PROGRAMME
Mesdames,
Messieurs,
DOCUMENT COMPLEMENTAIRE V
INTRODUCTION
A titre introductif, S. Exc. Mme Vigdís Finnbogadóttir
(Présidente d'Islande, 1980-1996), Présidente de la COMEST, a
Le mandat et le souhaité présenter le mandat et le fonctionnement de cette
fonctionnement de la instance. Cette Commission s’inscrit dans une dynamique
COMEST d’accroissement de la prise de conscience, par la communauté
scientifique, des implications humaines et sociales de la recherche
scientifique ainsi que de ses applications technologiques et de leur
exploitation commerciale. Jamais le progrès scientifique et les
innovations technologiques n’ont modelé autant qu’aujourd’hui les modes
de production économique, les relations sociales et les styles de vie.
Cette prise de conscience suppose l’inclusion d’une dimension éthique
La dimension éthique des dans la présentation générale des questions scientifiques et de leurs
questions scientifiques applications. A cet égard, la réflexion éthique fait désormais partie
intégrante du développement de la science et des technologies en
perpétuel renouvellement. Elle représente une constante interrogation
sur le fondement de nos actes, qui va au-delà de la définition d’une
déontologie. Apparaissant de plus en plus comme une exigence
démocratique, la réflexion éthique implique une approche interne à
chaque pays, avec l’organisation de débats publics supposant la
participation éclairée des décideurs politiques et du grand public, de plus
en plus conscients des transformations de la vie quotidienne induites par
les connaissances scientifiques et leurs applications. Quant à l’approche
internationale, elle doit s’assurer de la participation de la communauté
intellectuelle de toutes les régions du monde.
Tout en soulignant son profond attachement à la primauté de
l’éthique des connaissances scientifiques et techniques dans toutes les
prises de décision, S. Exc. Mme Vigdís Finnbogadóttir a estimé que la
création de la COMEST pouvait fournir une réponse à ces questions
La double fonction de la éthiques en remplissant une double fonction de mobilisation de la
COMEST communauté scientifique et de conseil sur des sujets primordiaux, tant
pour les sociétés que pour les individus. En tant que forum de réflexion, il
appartient à la Commission de formuler, sur une base scientifique, des
principes susceptibles de fournir aux décideurs, dans des domaines
sensibles, des critères de choix autres que strictement économiques. Il
Fixer les limites entre le lui revient également de fixer les limites entre ce qui est possible et ce
possible et l'acceptable qui est acceptable. En préservant la mémoire des bienfaits apportés par
la science et la technologie, et en améliorant la gestion du risque, la
118
Une base de réflexion La démarche éthique s’appuie à la fois sur une base de réflexion
qui entrevoit l’espace à plusieurs niveaux (l’espace comme
questionnement éthique ; l’espace comme dimension ; l’espace comme
Une stratégie de outil ; et l’espace comme perception) et sur une stratégie de
communication communication. Ce qui compte, c’est d’éviter la désinformation et la
fraude, de s’engager à ne pas jouer avec la crédulité des individus ou
des populations. Ceci conduit à éviter l’alarmisme non justifié et le
mercantilisme propre à des informations qui représentent un argument
de vente pour les médias, un argument d’allocation des ressources pour
le monde de la recherche et parfois même pour certaines entreprises
industrielles.
120
Nécessité d’une les activités sont menées à longue échéance, ce qui nécessite une
planification à long terme planification à long terme. M. Rodotà a ensuite repris les trois grands
thèmes du séminaire, à savoir, l’espace comme dimension, l’espace
comme outil et l’espace comme perception. En envisageant l’espace
L’espace comme comme une dimension, M. Rodotà a insisté sur la nécessité, en matière
dimension d’exploration, de définir des règles universellement acceptées. Puis il
s’est intéressé à la question des motivations qui sous-tendent
l’exploration spatiale et les vols spatiaux habités ainsi qu’aux
conséquences que ceux-ci produisent, notamment sur le plan
environnemental, avec la pollution électromagnétique de l’espace ou
l’utilisation de sources nucléaires. Les seules considérations
économiques doivent être dépassées afin d’intégrer dans la prise de
décisions l’aspect culturel. De plus, l’exploration de l’espace doit
bénéficier à l’humanité entière, ce qui implique un partage entre tous les
pays, quel que soit leur degré de développement, des avantages induits
par cette exploration.
L’espace constitue un outil dont les applications sont multiples et
L'espace comme outil
quotidiennes. M. Rodotà a plus particulièrement mis l’accent sur le
double impact de cet outil sur la diversité culturelle qu’il tend d’une part à
uniformiser, et d’autre part à enrichir. Par ailleurs, l’espace en tant
qu’outil engendre des données dont l’accès et la disponibilité à
l’ensemble des pays sont problématiques en raison des intérêts
divergents qu’ils suscitent.
Enfin, la perception de l’espace par l’opinion publique suppose un
L'espace comme véritable travail d’information et d’explication de ce que sont les limites,
perception les avantages et les risques liés à l’espace, afin de permettre au public
de faire des choix en connaissance de cause et de comprendre les
enjeux de la politique spatiale. A cet égard, des débats démocratiques
devraient être organisés plus fréquemment au sein de la société.
Au cours de la discussion qui a suivi, le rôle de l’éthique dans
l’élaboration stratégique des agences a été évoqué, dans le sens où des
L'éthique et la stratégie principes directeurs (guidelines) devraient sous-tendre les plans
des agences spatiales stratégiques des agences ainsi que l’allocation des ressources. Par
ailleurs, certains participants se sont intéressés à la relation qui existe
entre l’éthique et la politique, en estimant que ces deux notions doivent
être séparées. En effet, l’éthique permet de définir des limites à ne pas
dépasser. Or il arrive que la politique ne tienne pas compte des
Ethique et politique considérations éthiques. L’implication croissante de la politique dans le
domaine spatial pose la question du partage des données et des
informations obtenues à partir de l’espace. En effet, il ne suffit pas de
disposer d’informations, encore faut-il que tous les pays y aient accès et
Partage des données puissent en bénéficier, afin d’avoir les mêmes droits et opportunités. A
cet égard, il a été rappelé qu’UNISPACE III, le CNES et l’ESA avaient
formulé des propositions ouvertes à tous visant à partager les données
obtenues de l’espace. De plus, la différence entre l’exploration et
La différence entre l’exploitation de l’espace a été mise en avant, dans le sens où
exploration et exploitation l’exploration répondant à un besoin de la connaissance humaine est
de l'espace soumise à des limites beaucoup moins strictes qu’en matière
d’exploitation. La question de l’action pédagogique et éducative de l’ESA,
notamment vis-à-vis des jeunes, a également été évoquée.
133
œuvre de l'outil gestion des risques implique la séparation entre les instances dites de
technologique « sauvegarde » et celles de mise en œuvre de l’outil technologique, afin
d’avoir une autorité indépendante de protection de la sûreté.
De plus, le souhait d’un rapprochement entre les agences spatiales
et diverses institutions dont l’objet est de faire connaître l’information
scientifique au public a été exprimé, en vue d’engager le processus de
Former à la médiation
« médiation scientifique ».
scientifique
Concernant les liens entre la démarche éthique du CNES et la
formulation du droit international, ils ne sont pas encore établis en raison
du caractère récent et insuffisamment avancé de la réflexion qu’ils
imposent.
Les préoccupations des responsabilité de contribuer, avec toutes les agences spatiales et leurs
industriels clients, à identifier et à gérer les risques et les problèmes qui peuvent
découler des matériels qu’ils construisent. Ils doivent également élaborer,
en collaboration avec les agences spatiales, des codes de bonne
conduite, voire des réglementations internationales. Ceci implique de
garder présent à l’esprit le souci de transparence et de communication
Concurrence équitable : vis-à-vis de la société, tout en prenant en compte les préoccupations des
proportionner les industriels. Ces préoccupations visent à maintenir les conditions d’une
contraintes en fonction concurrence équitable et à proportionner les contraintes, techniques ou
des risques réels économiques, qui sont ou seraient imposées, en tenant compte d’un
risque réel, objectivement évalué. Par ailleurs, M.d’Allest a estimé que
les agences spatiales ont un rôle majeur à remplir pour alimenter la
Le rôle des agences réflexion des Etats. Elles doivent les conseiller et les éclairer sur leur
spatiales politique spatiale. Elles peuvent, de plus, servir de relais aux industriels
pour l’élaboration et la mise en œuvre des codes de bonne conduite. Il a
également souligné qu’une définition de l’éthique devait relever d’une
Une définition de l'éthique démarche positive et qu’il convenait de ne pas avoir une attitude
dans le cadre d'une uniquement réprobatrice à l’égard de l’exploitation commerciale et
démarche positive industrielle de l’espace. Celle-ci constitue, avec la science, un moteur de
l’exploration spatiale. En effet, sans activité commerciale raisonnable,
l’observation civile de la Terre risque de rencontrer quelques difficultés
pour se développer.
L’importance d’élaborer une démarche positive en évitant toute
réprobation de la commercialisation des activités spatiales a été reprise
au cours de la discussion. A cet égard, certains participants ont souhaité
lors de la survenue de certains événements tels que les catastrophes
naturelles, la dissémination rapide et quasi-gratuite des informations
L'accès rapide aux puisse se faire. D’autres activités plus commerciales, comme la
données spatiales dans surveillance des cultures n’obéissent nécessairement pas à la même
les conditions critiques politique. D’autres participants ont imaginé la possibilité de disposer des
liées à des catastrophes mécanismes de compensation par lesquels les acteurs les plus
naturelles privilégiés payeraient à la place de ceux qui sont défavorisés : ceci
permettrait la mise en pratique du principe d’équité qui transcende les
aspects commerciaux en vue de réduire les disparités entre pays. La
pratique d’Eumetsat à l’endroit des pays non membres, qui, s’ils sont
riches doivent payer les données alors que s’ils sont pauvres, ils y ont
accès gratuitement, a été citée à titre d’exemple.
VIII. CAS PRATIQUE
Avant de clore le séminaire, un « cas pratique » a permis aux
L'élaboration d'une participants de réfléchir à la stratégie de communication qu’il faudrait
stratégie de adopter vis-à-vis de l’opinion publique et des médias au cas où les débris
communication d’une station spatiale feraient des victimes en retombant sur Terre. Un tel
événement poserait notamment le problème de la responsabilité en
matière de gestion du risque, et le problème de l’enjeu des activités
La gestion du risque spatiales. Il nécessiterait l’instauration d’une commission d’enquête afin
d’expliquer les causes de cet incident et de proposer des actions de
réduction des risques pour que les activités spatiales ne représentent
plus un danger objectif. Il conviendrait aussi de mettre en lumière le
caractère tout à fait exceptionnel d’un tel événement, et de rappeler
L'enjeu des activités
spatiales l’enjeu de départ. Il est apparu qu’un travail d’approfondissement des
aspects de communication, de médiation scientifique et d’explication de
La médiation scientifique la gestion du risque était plus que nécessaire afin de préparer et
d’informer de manière transparente et objective l’opinion publique quant
à la survenue d’incidents ou d’accidents éventuels.
139
CONCLUSION
En guise de conclusion, S. Exc. Mme Vigdís Finnbogadóttir s’est
félicitée de l’intérêt manifesté par les participants pour les droits de
l’homme ainsi que pour le rôle du citoyen à l’avenir. Elle a rappelé que le
travail de la COMEST consistait en partie à définir de « bonnes
La définition de « bonnes
pratiques » et qu’il était primordial que, dès à présent, la COMEST
pratiques » puisse communiquer avec le public. Elle doit pouvoir fournir à l’opinion
publique de plus amples informations sur ses activités afin de la
responsabiliser et de lui faire prendre conscience des enjeux. Cette prise
de conscience est d’autant plus urgente vis-à-vis des jeunes qu’au cours
des prochaines décennies, la part des moins de 20 ans dans la
population mondiale va être prédominante et qu’ils ne seront pas
forcément suffisamment mûrs pour prendre des décisions dans le
domaine de l’éthique des technologies. Dans cette optique, Mme Vigdís
Finnbogadóttir a avancé l’idée de développer le concept de guides
Le concept de guides éthiques qui pourraient jouer le rôle de « Socrate des temps modernes »
éthiques en encourageant l’opinion publique à trouver les réponses aux questions
qu’elle se pose.
C’est sur une note optimiste et poétique que Mme Vigdís
Finnbogadóttir a conclu le séminaire sur l’éthique de l’espace extra-
atmosphérique, en estimant que chaque début de siècle suscitait
toujours beaucoup de dynamisme et qu’au fond, la science et la poésie
étaient liées car elles représentent l’une et l’autre des visions et des
espoirs pour l’avenir.
ANNEXES TECHNIQUES
Routier 84%
Non transport et loisirs 9%
Aéronautique 5%
Maritime 1%
Rail 1%
ANNEXE TECHNIQUE V
Year
A: Nombre total d’objets y compris les objets non répertoriés dans le catalogue officiel
B: Nombre total d’objets établi d’après le catalogue offkiel
c: Débris de fragmentation ; les fragments sont comptabilisés à partir de l’année de
l’événement ; les parents de fragmentation sont comptes comme intacts jusqu’à la
date de l’événement ; les parents sont comptabilisés comme fragments. a partir de la
date de l’événement
D: Vaisseau spatial
E: Corps de fusée
F: Débris opérationnels ; les débris opérationnels liés h, un lancement sont
comptabilisés à partir de l’année de lancement ; les débris opérationnels de Salyut 4,
5, 6, 7 et de MIR ne sont pas comptabilisés h partir de la date de lancement des
débris parents, mais à partir d’une date plus réaliste.
ANNEXE TECHNIQUE IX
I
Etats-Unis
‘y.
:.
. DEPARTMENTOFDEFMSE
(inchdlng rœonnalssurcc)
0
1980 1982 l-984 1986 1988 1990 1991 1994 19% 1998 2COO
450
1
350 -
300 -
Suprcme
foriel
2so -
150 -
100 -
SO-
,
0 j I I I , I t 1
1960 196s 1970 1975 19.30 1915 1990 1995 2am
C w
“ti~m EllPgiYrlIlU~
,
2000 ;
Europe
1000 :
0
72 73 74 73 76 77 78 79 80 II 12 83 84 8s X6 87 KK 19 90 91 92 91 94 95
(1) OUIlXySfor USA . Primrry dam ESA and nrtiond sowceS
source: Euroconsult.
Pre’vision de crokwnce de l’lndusfriie des satellit8s (million VS $)
Imprimé en France
Dépôt légal : juin 2000