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Philosophie

Devoir obligatoire
pour le 22 septembre

Dissertation

Faut-il avoir peur de la liberté ?

Quelques textes de référence :


- Vous utiliserez au moins trois de ces textes dans votre travail.
Je n'attends pas une simple citation, je souhaite que vous analysiez bien ces extraits et
que vous les mobilisez de façon précise.
- Les textes proposés étant nombreux, vous pouvez parfaitement vous y limiter. Vous
pouvez, néanmoins, vous appuyer également sur d'autres sources si vous le souhaitez.

N'est-ce pas le désir insatiable de ce que la démocratie regarde comme son bien suprême
qui perd cette dernière ? - Quel bien veux-tu dire ? - La liberté, répondis-je. En effet, dans
une cité démocratique tu entendras dire que c'est le plus beau de tous les biens, ce
pourquoi un homme né libre ne saura habiter ai!leurs que dans cette cité (...). Or (...) n'est-
ce pas le désir insatiable de de ce bien, et l'indifférence pour tout le reste, qui change ce
gouvernement et le met dans l'obligation de recourir à la tyrannie ? (.. ). Lorsqu'une cité
démocratique, altérée de liberté trouve dans ses chefs de mauvais échansons, elle
s'enivre de ce vin pur au delà de toute décence; alors, si ceux qui la gouvernent ne se
montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie
(...). Et ceux qui obéisse aux magistrats, elle les bafoue et les traite d’hommes serviles et
sans caractère. Par contre elle loue et honore, dans le privé comme en public, les
gouvernants qui ont l'air de gouvernés et les gouvernés qui prennent 1'air de gouvernants.
N'est-il pas inévitable que dans une pareille cité l'esprit de liberté s'étende à tout ? (...).
Qu'il pénètre mon cher. dans l'intérieur des familles, et qu'à la fin l'anarchie gagne
jusqu'aux animaux ? (..). Or, voici le résultat de tous ces abus accumulés ? Conçois-tu
bien qu'ils rendent l'âme des citoyens tellement ombrageuse qu’à moindre apparence de
contrainte ceux-ci s'indignent et se révoltent ? Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne
plus s'inquiéter des lois écrites ou non écrites, afin de n'avoir absolument aucun maître. -
Je ne le sais que trop, répondit-il. Eh bien ! mon ami, c'est ce gouvernement si beau et si
juvénile qui donne naissance à la tyrannie.
Platon, la République, Liv. VIII
Mais ce qui arrive, partout et tous les jours : qu’un homme seul en opprime cent mille et
les prive de leur liberté, qui pourrait le croire, s’il ne faisait que l’entendre et non le voir ? Et
si cela n’arrivait que dans des pays étrangers, des terres lointaines et qu’on vînt nous le
raconter, qui ne croirait ce récit purement inventé ?
Or ce tyran seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni de l’abattre. Il est défait de lui-
même, pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s’agit pas de lui ôter
quelque chose, mais de ne rien lui donner. Pas besoin que le pays se mette en peine de
faire rien pour soi, pourvu qu’il ne fasse rien contre soi. Ce sont donc les peuples eux-
mêmes qui se laissent, ou plutôt qui se font malmener, puisqu’ils en seraient quittes en
cessant de servir.
C’est le peuple qui s’asservit et qui se coupe la gorge ; qui, pouvant choisir d’être soumis
ou d’être libre, repousse la liberté et prend le joug ; qui consent à son mal, ou plutôt qui le
recherche...
S’il lui coûtait quelque chose pour recouvrer sa liberté, je ne l’en presserais pas ; même si
ce qu’il doit avoir le plus à cœur est de rentrer dans ses droits naturels et, pour ainsi dire,
de bête redevenir homme. Mais je n’attends même pas de lui une si grande hardiesse ;
j’admets qu’il aime mieux je ne sais quelle assurance de vivre misérablement qu’un espoir
douteux de vivre comme il l’entend. Mais quoi ! Si pour avoir la liberté il suffit de la désirer,
s’il n’est besoin que d’un simple vouloir, se trouvera-t-il une nation au monde qui croie la
payer trop cher en l’acquérant par un simple souhait ? Et qui regretterait sa volonté de
recouvrer un bien qu’on devrait racheter au prix du sang, et dont la perte rend à tout
homme d’honneur la vie amère et la mort bienfaisante ?
Certes, comme le feu d’une petite étincelle grandit et se renforce toujours, et plus il trouve
de bois à brûler, plus il en dévore, mais se consume et finit par s’éteindre de lui-même
quand on cesse de l’alimenter, de même, plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus ils
ruinent et détruisent, plus on leur fournit, plus on les sert. Ils se fortifient d’autant,
deviennent de plus en plus frais et dispos pour tout anéantir et tout détruire. Mais si on ne
leur fournit rien, si on ne leur obéit pas, sans les combattre, sans les frapper, ils restent
nus et défaits et ne sont plus rien, de même que la branche, n’ayant plus de suc ni
d’aliment à sa racine, devient sèche et morte.
Pour acquérir le bien qu’il souhaite, l’homme hardi ne redoute aucun danger, l’homme
avisé n’est rebuté par aucune peine. Seuls les lâches et les engourdis ne savent ni
endurer le mal, ni recouvrer le bien qu’ils se bornent à convoiter. L’énergie d’y prétendre
leur est ravie par leur propre lâcheté ; il ne leur reste que le désir naturel de le posséder.
Ce désir, cette volonté commune aux sages et aux imprudents, aux courageux et aux
couards, leur fait souhaiter toutes les choses dont la possession les rendrait heureux et
contents.
Il est une seule [chose] que les hommes, je ne sais pourquoi, n’ont pas la force de
désirer : c’est la liberté, bien si grand et si doux ! Dès qu’elle est perdue, tous les maux
s’ensuivent, et sans elle tous les autres biens, corrompus par la servitude, perdent
entièrement leur goût et leur saveur. La liberté, les hommes la dédaignent uniquement,
semble-t-il, parce que s’ils la désiraient, ils l’auraient ; comme s’ils refusaient de faire cette
précieuse acquisition parce qu’elle est trop aisée. (…).
Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le
pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un
grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.
La Boétie, Discours de la servitude volontaire
Des fondements de l'État tels que nous les avons expliqués ci-dessus, il résulte avec la
dernière évidence que sa fin dernière n'est pas la domination ; ce n'est pas pour tenir
l'homme par la crainte et faire qu'il appartienne à un autre que l'État est institué ; au
contraire c'est pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il vive autant que possible en
sécurité, c'est-à-dire conserve, aussi bien qu'il se pourra, sans dommage pour autrui, son
droit naturel d'exister et d'agir.
La fin de l’État n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à
celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et
leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une
raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se
supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l’État est donc en réalité la
liberté. [Et], pour former l’État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de
décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul.
Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun
pense être seul à tout savoir et qu’il est impossible que tous opinent pareillement et
parlent d’une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à
son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir
par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à
la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il
peut avec une entière liberté opiner1 et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu’il
n’aille pas au-delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion
par la raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine.
Spinoza, Traité théologico-politique
Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même
responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de
penser) sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute)
puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque
de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! (Ose
penser) Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des
Lumières.
La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu’un si grand nombre d’hommes,
après que la nature les a affranchis depuis longtemps de toute direction étrangère, restent
cependant volontiers, leur vie durant, mineurs, et qu’il soit si facile à d’autres de se poser
comme leurs tuteurs. Il est si commode d’être mineur. Si j’ai un livre qui me tient lieu
d’entendement, un directeur qui me tient lieu de conscience, un médecin qui juge de mon
régime à ma place, etc., je n’ai pas besoin de me fatiguer moi-même. Je ne suis pas
obligé de penser, pourvu que je puisse payer ; d’autres se chargeront pour moi de cette
besogne fastidieuse. Que la plupart des hommes finissent par considérer le pas qui
conduit vers sa majorité, et qui est en soi pénible, également comme très dangereux, c’est
ce à quoi ne manquent pas de s’employer ces tuteurs qui, par bonté, ont assumé la tâche
de veiller sur eux. Après avoir rendu tout d'abord stupide leur bétail domestique, et
soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent oser faire le moindre
pas hors du parc où ils les ont enfermées, ils leur montrent ensuite le danger qu'il y aurait
à essayer de marcher tout seul. Or le danger n’est sans doute pas si grand que cela, étant
donné que quelques chutes finiraient bien par leur apprendre à marcher ; mais l'exemple
d'un tel accident rend malgré tout timide et fait généralement reculer devant toute autre
tentative.
Kant, Qu'est-ce que les Lumières ?
Le grand ennemi de l'Europe qu'il importe d'étouffer par tous les moyens qui ne sont pas
des crimes, l'ulcère funeste qui s'attache à toutes les souverainetés et qui les ronge sans
relâche ; le fils de l'orgueil, le père de l'anarchie, le dissolvant universel, c'est le
protestantisme. Qu'est-ce que le protestantisme ? C'est l'insurrection de la raison
individuelle contre la raison [intellect] générale. (…). Le principe fondamental de cette
religion [le christianisme], l'axiome primitif sur lequel elle reposait dans tout l'univers avant
les novateurs du XVIème siècle, c'était l'infaillibilité de l'enseignement d’où résulte le
respect aveugle pour l'autorité, l'abnégation de tout raisonnement individuel, et par
conséquent l'universalité de croyance. Or ces novateurs sapèrent cette base : ils
substituèrent le jugement particulier au jugement catholique ; ils substituèrent follement
l'autorité exclusive d'un livre à celle du ministère enseignant plus ancien que le livre et
chargé de nous l'expliquer - un livre, séparé de l'autorité qui l'explique, n'est rien. De là
vient le caractère particulier de l'hérésie du XVIème siècle. Elle n'est point seulement une
hérésie religieuse, mais une hérésie civile, parce qu'en affranchissant le peuple du joug de
l'obéissance et lui accordant la souveraineté religieuse, elle déchaîne l'orgueil général
contre l'autorité, et met la discussion à la place de l'obéissance. (...). La grande base du
protestantisme étant le droit d'examiner, ce droit n'a point de limites ; il porte sur tout et ne
peut recevoir de frein. (...) Or nul homme, et même nul corps, ne possédant, suivant cette
secte, la souveraineté religieuse, il s'ensuit que l'homme ou le corps qui examine et rejette
une opinion religieuse ne peut, sans une contradiction grossière, condamner l'homme ou
le corps qui examine en examinerait ou en rejetterait d'autres. Donc, tous les dogmes
seront examinés et, par une conséquence infaillible, rejetés plus tôt ou plus tard ; il n'y
aura plus de croyance commune, plus de tribunal, plus de dogme régnant : c'est ce que
veut Condorcet, et c'est ce que veulent ses semblables (...) Aussi, il n'y a pas de factieux,
il n'y a pas d'ennemi de la religion et des lois qui n'ait vanté le protestantisme. Il n'y a pas
de fauteurs de l'exécrable Révolution dont nous sommes les témoins qui n'ait vanté celle
du XVIème siècle.
Joseph de Maistre, Sur le protestantisme
Représentez-vous un être affranchi de toute limitation extérieure, un despote plus absolu
encore que ceux dont nous parle l'histoire, un despote qu'aucune puissance extérieure ne
vienne contenir et régler. Par définition, les désirs d'un tel être sont irrésistibles. Dirons-
nous donc qu'il est tout-puissant ? Non certes, car lui-même ne peut leur résister. Ils sont
maîtres de lui comme du reste des choses. Il les subit, il ne les domine pas. En un mot,
quand nos tendances sont affranchies de toute mesure, quand rien ne les borne, elles
deviennent elles-mêmes tyranniques, et leur premier esclave, c'est le sujet même qui les
éprouve. Aussi, vous savez quel triste spectacle il nous donne. Les penchants les plus
contraires, les caprices les plus antinomiques se succèdent les uns aux autres, entraînant
ce souverain soi-disant absolu dans les sens les plus divergents, si bien que cette toute-
puissance apparente se résout finalement en une véritable impuissance. Un despote est
comme un enfant : il en a les faiblesses, et pour la même raison. C'est qu'il n'est pas
maître de lui-même. La maîtrise de soi, voilà la première condition de tout pouvoir vrai, de
toute liberté digne de ce nom.
Durkheim
Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme
existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après. L'homme, tel
que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne
sera qu'ensuite, et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine,
puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. L'homme est non seulement tel qu'il se
conçoit, mais tel qu'il se veut, et comme il se conçoit après l'existence, comme il se veut
après cet élan vers l'existence, l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait. Tel est le
premier principe de l'existentialisme. C'est aussi ce qu'on appelle la subjectivité, et que
l'on nous reproche sous ce nom même. Mais que voulons-nous dire par là, sinon que
l'homme a une plus grande dignité que la pierre ou que la table? Car nous voulons dire
que l'homme existe d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un
avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir. L'homme est d'abord un projet
qui se vit subjectivement, au lieu d'être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur; rien
n'existe préalablement à ce projet; rien n'est au ciel intelligible, et l'homme sera d'abord ce
qu'il aura projeté d'être. Non pas ce qu'il voudra être. Car ce que nous entendons
ordinairement par vouloir, c'est une décision consciente, et qui est pour la plupart d'entre
nous postérieure à ce qu'il s'est fait lui-même. Je peux vouloir adhérer à un parti, écrire un
livre, me marier, tout cela n'est qu'une manifestation d'un choix plus originel, plus spontané
que ce qu'on appelle volonté. Mais si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme est
responsable de ce qu'il est. Ainsi, la première démarche de l'existentialisme est de mettre
tout homme en possession de ce qu'il est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale
de son existence. Et, quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même, nous
ne voulons pas dire que l'homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu'il est
responsable de tous les hommes. (…).
Dostoïevski avait écrit : “Si Dieu n'existait pas, tout serait permis.” C'est là le point de
départ de l'existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n'existe pas, et par conséquent
l'homme est délaissé, parce qu'il ne trouve ni en lui, ni hors de lui une possibilité de
s'accrocher. Il ne trouve d'abord pas d'excuses. Si, en effet, l'existence précède l'essence,
on ne pourra jamais expliquer par référence à une nature humaine donnée et figée;
autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est liberté. Si,
d'autre part, Dieu n'existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des
ordres qui légitimeront notre conduite. Ainsi, nous n'avons ni derrière nous, ni devant
nous, dans le domaine numineux des valeurs, des justifications ou des excuses. Nous
sommes seuls, sans excuses. C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est
condamné à être libre. Condamné, parce qu'il ne s'est pas créé lui-même, et par ailleurs
cependant libre, parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu'il
fait.
Sartre, L'existentialisme est un humanisme
Dostoïevski, Le grand inquisiteur (extrait des Frères Karamazov).
Texte accessible à l'adresse suivante :

https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjUv-
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