Des yeux sans nombre ont vu l'aurore ; Ils dorment au fond des tombeaux, Et le soleil se lève encore. Les nuits, plus douces que les jours, Ont enchanté des yeux sans nombre ; Les étoiles brillent toujours, Et les yeux se sont remplis d'ombre. Oh ! qu'ils aient perdu leur regard, Non, non, cela n'est pas possible ! Ils se sont tournés quelque part Vers ce qu'on nomme l'invisible ; Et comme les astres penchants Nous quittent, mais au ciel demeurent, Les prunelles ont leurs couchants, Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent. Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, Ouverts à quelque immense aurore, De l'autre côté des tombeaux Les yeux qu'on ferme voient encore.
René-François Sully Prudhomme, Stances et poèmes,
(1865) 3 Illustration : Nature morte au crane, Paul Cézanne (1896-1898)
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Mes impressions personnelles : J’ai adoré la manière dont, l'auteur explore « le pouvoir émotionnel des yeux ». Les yeux sont selon moi décrits comme exprimant la douleur, l'attente prolongée et la perte d'espoir. Ces sentiments évoquent pour moi une profonde mélancolie, et je peux interpréter cela comme une réflexion sur la vie et la mort. Les yeux deviennent des témoins de la souffrance humaine, de l'angoisse liée au passage du temps, et de la réalité inévitable de la fin de la vie. En résumé, le poème me laisse penser que les émotions exprimées à travers les yeux sont liées à des thèmes universels tels que la mortalité, la condition humaine, et la manière dont nous faisons face à la douleur et à la perte dans nos vies.
Baudelaire, Paul Claudel, André Gide, Rameau, Bach, Franck, Wagner, Moussorgsky, Debussy, Ingres, Cézanne, Gauguin: Les études et biographies d'artistes de Jacques Rivière