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Louise Labé.

Poésie : Sonnets
Sonnet n°11 « ô doux regards, ô yeux pleins
de beauté… »

René MAGRITTE, Les amants (1928),


MOMA, NY

Table des matières


Introduction............................................................................................................................................. 1
Contexte .............................................................................................................................................. 1
Questions :........................................................................................................................................... 1
QUI A LE BEAU ROLE ? A QUI S’EN REMETTRE ? ............................................. Erreur ! Signet non défini.
Quelques conclusions à partir de ce « débat » ....................................................................................... 3
Un débat sans issue ? .......................................................................................................................... 3
Aporie ou changement de direction ? ................................................................................................. 3

Introduction
Contexte
Renaissance. Passé italien Pétrarque + Poètes de l’Ecole Lyonnaise : Maurice Scève
Lyrisme/ élégie
Louise Labé peinture contrastée des sentiments ; rapport au corps

Questions :
- De quels yeux parle-t-on ? Ceux de l’aimé ou ceux de l’amante (la poétesse) ?
- De quel cœur ?
- Est-il bon, conseillé d’être amoureux dans ce sonnet ?
- Qui est victorieux, des yeux ou du cœur ?
Poème énigmatique, tortueux (« tourmenté », « tours »)
Qui, des yeux ou du cœur, a le beau rôle ?

YEUX CŒUR

Chronologie : le regard d’abord (v.1), x2 « Pouvoir du cœur écrasant, l’importance du cœur


regards », « yeux » est signifiée par le degré de sophistication de la
rime : rigoureuses/langoureuses
Termes mélioratifs « doux », « pleins » 5 sons successifs
(hyperbole), « beauté » (à la rime), « bons » Alors que pour les yeux, au quatrain précédent :
(v.10) 3 sons successifs identiques
(« amoureuses » / « dangereuses »)
v.9-11 (1 tercet) « cœur » encerclé » par
er

« mes yeux » et « vois » Apostrophe insistante sur le cœur « toi, mon cœur »
(apposition)
En contrepoint, le cœur est dévalué : « cœur
félon », « cœur tourmenté » Retour sonore du [k] pour « cœur » : « cœur »,
« cruauté », complaire », « contraire »
Dans le 2 quatrain, les larmes (qui coulent
e

des yeux) se répandent dans la strophe : Image pathétique, propre à susciter la pitié du
allitération en [l] (« félon », « couler », lecteur grâce au cœur : « cœur félon », « cœur
« larmes », « langoureuses », « l’ardeur ») tourmenté » (participe passé passif)

Yeux occupent tout le premier quatrain Pour parler du cœur, des termes hyperboliques,
comme « l’ardeur » qui, étymologiquement,
Pluriel des « yeux » (> cœur singulier) renvoie à la passion amoureuse dévorante.

Champ lexical 9 occurrences (le cœur= 4x) v.11-12 accumulation de quantificateurs


(surenchère) « plus les vois » / « plus tu languis » /
Allitération en [r] tirée de « regards » (deux « plus en as »
fois le son [r] dans regards
Rythme saccadé qui rend hommage aux battements
Forme de l’œil dans le ô d’invocation (à 4 du cœur « Mais toi, mon cœur, plus les vois s’y
reprises) + le « où » adv relatif complaire » : la métrique vient imiter le rythme
cardiaque qui s’emballe.
Œil motif obsessionnel des sons vocaliques :
nasalisation [õ], [ou], [oi] (doux, Débordement de la surenchère d’une strophe à
amoureuses, Amour, vous, félon, coulé etc.) l’autre « plus … plus » enjambement = propagation

« … à mon cœur contraire » terme conclusif


« cœur », effet de chute (il a le dernier mot)

« Cœur » jamais modifié dans sa désignation (alors


que les « yeux » sont aussi bien « le regard » que
« l’œil », et que par ailleurs, ce sont aussi bien les
siens que ceux de son amant. => « cœur » plus
homogène, plus fiable
Quelques conclusions à partir de ce « débat »
Débat : organisation d’un conflit de valeurs dans le texte poétique au 16e s.
Ex. Louise Labé écrit un Débat d’amour et de folie

Un débat sans issue ?


• Quasiment autant d’arguments en faveur des yeux ou du cœur : ce
conflit est-il vraiment soluble ?
• Le dernier vers termine sur un adjectif, « contraire », aussi bien
(grammaticalement parlant) applicable au « cœur » qu’à « l’œil ». Le
choix ultime est celui de l’ambiguïté.
• Infiltration égale des yeux ou du cœur dans les décasyllabes de l’un ou de l’autre : aussi bien
ce sont les yeux qui viennent s’immiscer dans le décasyllabe débuté avec le cœur (« Mais toi,
mon cœur, plus les vois s'y complaire, ») que, plus loin, le cœur qui vient parasiter le
décasyllabe commencé avec les yeux : « Sentant mon œil être à mon cœur contraire. ».

Aporie 1 ou changement de direction ?


• Faux dilemme ? Est-ce à dire qu’on se pose, en amour, les mauvaises questions ?
• Au fil du poème, on note deux glissements successifs de l’enjeu : passage d’une logique de
combat (champ lexical de l’antagonisme, champ lexical de l’agression : « félon », « cruel »,
« flèches ») => passage à une logique élégiaque (plainte amoureuse) => passage à une logique
didactique avec l’impératif lancé aux lecteurs
• La question est donc laissée à résoudre aux lecteurs et appelle une réflexion au-delà des 14
vers du sonnet, ou comment, pour un sonnet, tout miser sur le 15e vers et tous les suivants…

1
Une aporie est, littéralement, une voie sans issue.

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