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Journal D27un Poilu 28429 - 240516 - 082504
Journal D27un Poilu 28429 - 240516 - 082504
Extraits des carnets de notes de Théode BONVALLET (né le 21/11/1886 à Ravenel - mort le 21/09/1918 à Doiran (Macédoine))
Lundi 13 septembre 1915 : manger avec Boucq et l’après-midi au travail. Dimanche 19 septembre 1915 :
Après une nuit excellente, je me levais vers 7 Un combat aérien : résultat nul. Le soir une La nuit fut des meilleures mais manquant de
heures et demie et à 8 heures j’allais avec petite promenade et au pieu. couvertures j’eus froid le matin. Il fait frais
mes hommes à l’école de brêlage (Ecole de Vendredi 17 septembre 1915 : toute la journée. Je ne fais pas grand-chose
différents nœuds) pendant une heure. Levé de bonne heure, je vais laver et que de faire une boite à allumettes et di-
L’après-midi je fis une bague que j’envoyais à confectionner des colis avec les objets que j’ai verses bricoles. Je reste toute la journée au
Ravenel le jour même. Je fis quelques lettres de trop ici puis je me repose. Je fais quelques bivouac. Le soir j’assistai à la descente d’une
et me couchais de bonne heure. lettres et à 17 heures je pars aux travaux « saucisse » ballon d’observation long
Combat d’aéros : résultat nul. Nous « Abris de secours 152 » du boyau neuf où d’environ 25 à 30 mètres diamètre de 5 à 7
bombardons intensément les boches ne leur j’arrive très tard. Je pose les claies sur l’abri mètres, retenu à terre par un treuil à porteur,
laissant aucun repos. A 9 heures les pièces de n° 1 avec mon équipe, nous entamons le trainé par 6 à 8 chevaux. Un téléphone est
gros calibres tonnent. La terre tremble n° 2 mais sur le n° 1 une marmite arrive et relié à l’observateur. Nous en avons une qui
jusqu’au bivouac nous avons eu un canon de pousse les terres et je suis obligé de le fut prise aux boches parait-il pendant la
90 démoli par les boches. Quelques blessés. démolir et de mettre toute la charpente
Le Journal d’un Poilu (4) Page 2
plantés la veille qu’une nouvelle rafale arrive.
La piste a dû être reconnue par les boches
dans le jour et toutes les 20 à 30 minutes, une
rafale de marmites nous arrive dessus. Je
saute dans le boyau, une marmite arrive en
plein sur la passerelle, la coupant en deux et
bouchant le boyau. La violence de l’explosion
me renverse et comme un bolide je suis
précipité dans une guitoune. Je ne me
rappelai de la chose que deux ou trois
minutes après. Je n’avais rien. La rafale
passée, je fais sortir mes hommes de leur abri
et en 5-7 le boyau est déblayé des morceaux
de passerelle. L’équipe arriva commandée par
un adjudant qui, jugeant le travail impossible
nous fait attendre. Je me fourre dans le fond
d’un abri et nous attendons pendant presque
une heure la fin du bombardement qui ne
cesse pas. Pendant une accalmie, nous
revenons en arrière et de là au bivouac où
j’arrive vers 4 heures et ¼ après avoir fait une
vingtaine de kilomètres au risque de se faire
zigouiller et de n’avoir fait aucun travail.
Jeudi 23 septembre 1915 :
Je dors deux heures et après avoir fait un brin
Gonflage d’une « saucisse » à Beauvais (1914-1918) de toilette, je fais quelques lettres et me mets
Crédit photo : http://crdp.ac-amiens.fr/cddpoise/oise14_18/affiche4.php à finir mes briquets. Vers 10 heures je vois
passer 14 aéros ensemble. Le canon ne cesse
bataille de la Marne : elle n’a pas tout à fait la tombent sur la route à quelques mètres de pas un instant. La journée se passe sans trop
même forme que les autres et est un peu plus moi. Cela ne me fait rien et je ne ressens d’ennuis. Dans les régiments qui montent aux
grosse. aucune palpitation de cœur. tranchées, les hommes chantent. Ils ont tous
Lundi 20 septembre 1915 : Mardi 21 septembre 1915 : un sac, chacun 180 cartouches, 2 grenades ou
Rien d’anormal de toute la journée que la Je quitte le chantier et reviens à la parallèle pétards et deux jours de vivres en réserve en
canonnade qui se poursuit avec la même de Carency où je fais quelques améliorations. prévision de l’attaque qui va avoir lieu ces
intensité. A 6 heures je pars aux travaux. Je Bien fatigué j’arrive au bivouac vers 4 heures jours ci. A 18 heures je dois aller voir un
dois aménager un chemin pour le passage de et demie et je me couche de bonne heure . copain mais on ne doit pas bouger : nous
l’artillerie, abattre des rideaux et les faire en devons nous tenir prêts à partir. A 19 heures il
Mercredi 22 septembre 1915 :
rampe, boucher des trous d’obus et combler éclate un orage subit. Epouvantable ! La pluie
La nuit fut épouvantable dans les lignes. Ce
de vieux boyaux. Mais à peine sommes nous tombe toute la nuit sans discontinuer. On
fut un bombardement ininterrompu de part
arrivés que les boches se mettent à répondre croirait par moment, avec ces rafales et coup
et d’autres, les aéros, au petit jour volaient
et les marmites de pleuvoir sous la pluie de la de canon se trouver en quelques coins de
par dizaine cherchant à repérer les batteries
mitraille. Mes 15 auxiliaires d’infanterie se l’enfer.
boches nouvellement placées. Toute la
sauvent et je ne les revois plus de la nuit. Les journée, je fais faire des claies et des fascines. Vendredi 24 septembre 1915 :
hommes de mon escouade ont des intentions Le soir, je vais faire une petite promenade Je suis réveillé plusieurs fois dans la nuit par la
de s’enfuir aussi mais je les retiens quand jusque 19 heures. A peine rentré, en tenue, pluie qui ne cesse de tomber.
même. Prenant le styx nous arrivons au nous partons pour faire une piste entre la
parallèle de Béthune entre deux marmites et première et la deuxième ligne. Je pars seul à
nous nous casons dans la sape du bois droit 20 heures avec mon escouade. Pendant deux
sous-secteur Nord. Là je vois passer plusieurs heures à travers champs nous nous rendons à
morts et blessés du 46ème, mon ancien notre chantier. Je passe sur la route de
régiment ,et ma Compagnie ensuite. Pendant Béthune Là je remarque un arbre truqué
une accalmie je reviens au poste de comman- servant d’observatoire à l’artillerie, imitant à
dement ne pouvant exécuter le travail com- s’y méprendre le vrai arbre qui fut coupé par
mandé et on me confie le déchargement de 3 un obus à 4 m de terre. Ce faux arbre, en
voitures. Malgré la mitraille, je les conduis acier, creux, fut amené là un soir. On scia le
route de Béthune au petit chantier, ne vrai et on mit le faux à sa place. Arrivé à
pouvant aller les déposer là où je devais, le l’intersection de la route des Pylônes et du
bombardement étant trop intense à cette boyau neuf, une rafale de marmites nous
place-là. Les artilleurs ne pouvant plus tenir renverse dans le boyau. Je vais reconnaitre le
leurs chevaux et eux-mêmes étaient apeurés. chantier, traverse le boyau de la bravoure,
Il y avait de quoi. Il tombait 3 à 4 marmites celui de Saint Eloi et j’arrive le premier de
par minute et à 100 m et même moins de l’équipe avec mes hommes au point indiqué.
nous. Je réussis à les calmer et montant sur Nous devons aménager une piste entre la
ma voiture avec mes hommes, je la deuxième et la première ligne c’est-à-dire
rechargeais de même que les deux autres boucher les trous des marmites, abattre des
rapidement. Nous n’avons eu aucune perte rideaux et cela à 300 m des boches qui sont,
en hommes ou en chevaux. Je suis obligé de eux, sur la côte 119 et dans la plaine par un Tenue d’un soldat d’infanterie en 1915
me terrer dans une guitoune, les marmites clair de lune superbe. A peine suis-je monté (Crédit photo : Internet)