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SOUS L’ANTIQUITE

LES GERMAINS

Au commencement, vivaient les Germains, un ensemble de peuples et de tribus auxquels ce


nom a été attribués par les Romains, qui parlent des dialectes différents. Ce sont des indo-
européens, masse nomadisante qui circulait vers les 3ème et 2ème millénaires avant JC dans
les grandes plaines de l’Asie Centrale et de la Russie méridionale. La branche germanique
composée comme les autres de tribus nomades et guerrières d’éleveurs de bétails s’est
détachée de cette masse pour se diriger vers les régions voisines de la mer Baltique en
Basse-Saxe et au sud de la Scandinavie, le Jutland, les îles danoises et la Scanie. Ces
territoires étaient déjà peuplés, ce qui a provoqué des affrontements, des mélanges, des
couches sociales. L’artisanat germanique le plus ancien porte l’influence de l’art des Steppes
(poterie, métal forgé, aux dessins abstraits et motifs d’animaux).

Jusqu’au début du Moyen Age, la civilisation germanique repose largement sur la guerre, le
« raid », la conquête, l’expédition de pillages, la migration de masse, un grand esprit
d’aventure. Les Cimbres et les Teutons font irruption dans le monde romain à la fin du 2ième
siècle avant JC. Les Romains, connaissant bien les Gaulois qui sont mêlés à l’histoire
romaine depuis des siècles, distinguent parfaitement les Germains des Celtes.

Dans les étendues sauvages de ce qui va devenir l’Allemagne, les Germains vus par Tacite
vivent groupés au milieu des grandes forêts, des marécages et des Heiden, des landes,
s’organisent en sociétés de nobles, hommes libres, serfs, esclaves. Pour les raids, un chef
riche et prestigieux, ambitieux, promettait gloire et butin. Les tribus et les peuples se font et
se refont ainsi sans cesse. D’une expédition heureuse menée derrière un grand chef peut
naître un peuple nouveau. Ainsi d’un siècle à l’autre, les noms des peuples germaniques
surgissent et disparaissent sans qu’on puisse établir des généalogies crédibles ! Au 3ème
siècle après JC, apparaît le nom d’un peuple : les Alamans (alle Mannen = tout le monde)
signifie qu’ici un peuple nouveau s’est constitué en ramassant ceux qui restaient d’un peu
partout au cours d’une longue pérégrination qui en plusieurs siècles a parcouru le sud de la
Scandinavie, la Vistule, la Thuringe, pour venir frapper aux portes de l’empire romain, entre
Rhin et Danube. Le monde des mythes et légendes germaniques est celui d’un peuple
profondément inséré dans une nature dure et avare, peuplée d’esprits et de forces plus que
de sylphes et de muses.
A travers les landes et les forêts de ce qu’on appellera plus tard la Germanie, des contacts
s’établissent avec les voisins Celtes et Illyriens, qui appartiennent à d’autres branches de la
grande famille indo-européenne. Plus tard apparaîtront les Slaves et les peuples baltiques.
Il faudra 7 siècles entre l’apparition des Cimbres et des Teutons dans le monde
méditerranéen et l’achèvement de la mise en place des « Stämme » (tribus, peuples
souches) qui formeront la nation allemande (Francs, Saxons, Souabes, Thuringiens,
Bavarois) dans une mêlée énorme et confuse où les peuples se font et se défont. La plupart
des noms de tribus cités par Jules César et Tacite auront disparus 2 ou 3 siècles plus tard.

Autant les Gaulois se montrent prêts à l’assimilation romaine, autant les Germains se
montrent réfractaires. Les Romains construisent une ligue fortifiée, le « Limes » germanique,
ligne de défense avancée. L’Empire romain a atteint là une extension extrême que ses
forces ne lui permettent plus de dépasser. Sur le Limes et le long du Danube, les empereurs
romains des 2ème et 3ème siècles rencontrent une forte et agressive confédération germanique,

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celle des Marcomans (=les hommes de la frontière) qui aurait donné naissance à la tribu des
Bavarois qui apparaît brusquement vers l’an 500 en Bohême. La Confédération marcomane
disparaît à son tour et d’autres peuples et groupements de peuples surgissent à leur place :
- Les Alamans, face au Limes, belliqueux et sauvages.
- Les Visigoths et Ostrogoths (Westgoten et Ostgoten) au Nord-Est des Balkans, venant
de Scandinavie, Suède.

Peuples nombreux et vigoureux, ils sont les premiers Germains à fonder quelque chose qui
ressemble à un Etat. Au 4ème siècle, ils sont envahis par les Huns venus du fond de l’Asie. les
Visigoths se jettent sur les frontières de l’Empire romain, les Ostrogoths sont entraînés dans
l’avalanche nomade des vainqueurs. Tour à tour alliés et ennemis, colons établis sur le bas
Danube pour assurer la défense de l’Empire et envahisseurs pillards courant l’aventure,
semant la destruction jusqu’au cœur de l’Anatolie (=Turquie), de la Grèce, les Visigoths
finissent par abandonner l’Orient dévasté pour se jeter vers le début du Vème siècle sur
l’Occident encore en partie intacte. En 410, le roi Alaric prend Rome pour mourir quelques
mois plus tard en Italie du Sud. Ses successeurs envahissent la Gaule méridionale et
fondent un royaume autour de Toulouse que les Francs refoulent début Vème siècle au-delà
des Pyrénées. Ils s’établissent en Espagne, y règnent durant deux siècles jusqu’à la
conquête arabe. De la Scandinavie à Tolède, capitale gothique, la migration aura durée 3 ou
400 ans, avec un détour par la mer Noire et Rome ! Des restes de l’aristocratie visigothique
réfugiée dans les montagnes des Asturies surgira au 13ème siècle l’Espagne médiévale de
la « Reconquista ».

Pendant ce temps, le peuple Ostrogoth avait suivi le destin des vainqueurs hunniques. A la
cour d’Attila, roi des Huns, des princes Goths et exilés Romains étaient nombreux et
influents. Après l’écroulement foudroyant des Huns, les Ostrogoths font comme leurs cousins
les Visigoths et tente de s’établir au Sud du Danube. Le roi Théodoric chasse Odoacre, roi
des Hérules, peuple germanique, qui avait déposé le dernier empereur de Rome avec
mission de l’empereur de Constantinople, de reprendre l’Italie. Ce qu’il fait en 488 et fait de
Ravenne sa capitale. Il meurt en 526. Les Hérules alors établis en Pannonie (=Hongrie)
retournent en Scandinavie d’où ils étaient partis plusieurs siècles plus tôt.

A la mort de Théodoric, l’empereur de Constantinople profite des troubles surgis dans


l’aristocratie gothique et entreprend de conquérir l’Italie avec la complicité d’une grande
partie des « Romains » italiens. La guerre gothique racontée par Procope dure 30 ans, 536-
562, le peuple goth est anéanti. Félix Dahn, écrivain du 19ème siècle, en a fait un roman
populaire « Ein Kampf um Rom » (=un combat pour Rome) qui a galvanisé l’émotion
nationale de plusieurs générations de jeunes allemands, faisant de cette branche des
peuples germaniques disparue sans héritier, les ancêtres par adoption des Allemands
modernes qui ne sont en fait que leurs lointains petits-cousins !

Les Vandales eux aussi venus du Nord, de l’Elbe, ont traversé la Germanie d’Est en Sud-
Ouest, pour se joindre à de nombreux autres peuples qui se jettent sur la Gaule en 406. Un
flot terrible de dévastateurs se répand jusqu’aux Pyrénées et au-delà. Ils passent en Afrique
du Nord, s’y établissent en maîtres et devient un peuple de marins-pirates qui sème la
terreur sur toute la Méditerranée. Ils sont restés 100 ans puis ont été décimés par Justinien,
empereur d’Orient.

Les Suèves même famille que les Souabes alémaniques, créent un petit royaume au Nord-
Ouest de l’Espagne en Galice et au Nord du Portugal.
A peine les Byzantins ont-ils reconquit l’Italie qu’une nouvelle vague de Barbares les
envahissent : les Langobars (=longues barbes, soit les Lombards). Le Pape au 8ème s. fait
appel aux rois qui régnaient sur la Gaule et une partie de la Germanie. Les Langobards
s’allient avec les Bavarois. Pépin le Bref et son fils Charlemagne ont vaincu tour à tour le

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royaume lombard et le duché bavarois. Ils ont été germanisés. Dans le reste de l’Italie, ils se
sont fondus dans la masse romaine.

Les Burgondes, autre peuple germanique, franchissent le Rhin en 406 et s’établissent


définitivement dans les régions Savoie, Dauphiné, Franche-comté et la Bourgogne, qui
conserve son nom. Ils restent durant 3 générations entre 460 et 534. Ils sont vaincus par les
Francs, sont annexés et les Burgondes se perdent dans la majorité franco-gallo-romaine.

Au cours des 3 et 4ème s. les tribus des Francs (= homme libres) participent à de nombreux
raids, parfois avec les Saxons, terrestres et maritimes, en Gaule. Ils ne s’élancent pas tout
d’un coup dans une migration lointaine. Au fur et à mesure que l’autorité romaine s’affaiblit
dans ces régions extrêmes de la « Belgique » actuelle, les Francs avancent dans un pays
peu peuplé, s’y installent avec leurs familles et leurs serviteurs. A la fin du 5è s., après
l’écoulement des structures romaines, les Francs occupent rapidement, par bonds
successifs, l’espace jusqu’à la Seine. Un de leurs rois, Clodevec, Clovis, (soit Ludwig en
allemand et Louis en français) se débarrasse de tous ses parents et rivaux et unifie sous son
commandement l’ensemble des tribus franques. Ils se convertit au catholicisme. Petit à petit,
Clovis et ses fils chassent les barbares établis en Gaule et à l’exception du Sud-Ouest
gascon, des Basques et de la Bretagne, en voie d’occupation par des Bretons (Celtes venus
de Bretagne, chassés par l’invasion anglo-saxonne) les royaumes sont unis sous les
sceptres des rois francs.

Au 6ème s. c’est la descente des « Bavarois » venus de Bohême. Ils rencontrent des tribus
slaves qui s’installent lentement dans les espaces laissés libres par les peuples germaniques
(Goths, Vandales) ou par les reculs de l’empire romano-byzantin incapable de se maintenir
au Nord des Balkans et en Pannonie (=Hongrie). Les peuples « barbares » de ces régions,
Turcs, Mongoles, Bulgares ou Avars, faibles en nombre ne peuvent pas faire obstacle aux
infiltrations slaves : les Bulgares, tribu turque à l’origine, sont peu à peu slavisés… en
Bohême, les Tchèques, slaves, remplacent les proto-Bavarois. En Carinthie et en Styrie, les
Bavarois se heurtent aux Slovènes. Tout un puzzle de peuples se met en place vers les 6 et
7ème s., structure de l’Europe centrale actuelle. Au 7 ème s. les rois francs ayant soumis les
Alamans, commencent à intervenir en Bavière. A la fin du siècle suivant, Charlemagne
achèvera d’intégrer à son royaume ce 4ème peuple germanique (après les Francs, les
Burgondes et les Alamans (= Souabe). Ensuite ce sera le tour des Saxons.

Les Saxons n‘avaient pas de roi, mais se regroupaient en période de guerre autour de chefs
choisis parmi les Nobles, comme les Alamans. Ce peuple constitué par la victoire d’une ou
plusieurs tribus sur d’autres races belliqueuses et audacieuses, s’établit sur les côtes de la
mer du Nord et sur l’embouchure de l’Elbe et de la Weser d’abord, puis descendent jusqu’en
Westphalie. Pendant les grandes migrations, des Saxons avec ou sans les Francs,
s’avancent le long des côtes de la Gaule jusqu’au Sud de la Loire, semant terreur et
dévastation. Ils avaient une certaine expérience de la navigation qui leur a été fort utile
quand, au 6ème s., ils s’attaquent à l’île de Bretagne avec leurs voisins les Angles et les Jutes
(danois). D’ailleurs les romains abandonnent « la Terre des Angles » (=Angleterre) et ses
tribus bretonnes très peu romanisées, devant les brigands et pirates, les mercenaires, les
Saxons et leurs alliés maintenant, où ils installent femmes et enfants, et y demeurent de plus
en plus nombreux, se substituant aux Bretons qu’ils repoussent vers les régions pauvres et
montagneuses de l’Ouest. Une fois maîtres de la meilleure partie de l’île, ils fondent des
royaumes, développent une civilisation originale par la langue, la littérature (légendes et
chansons) par le Droit et les structures politico-sociales. Tous les Saxons ne sont pas partis
en Angleterre. Aux 7 et 8ème s. c’était le peuple le plus important de Germanie, après les
Francs. Ils se sont opposés farouchement aux tentatives franques de les conquérir. Il faudra
30 ans de guerres implacables pour venir à bout des Saxons à la fin du 8è s. et les intégrer
dans l’Empire et dans l’Eglise.

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Voilà donc en place les éléments qui vont un jour constituer le peuple allemand, les quatre
« Stämme » fondateurs (Alamans, Francs, Bavarois, Saxons).

SOUS LE MOYEN-AGE
L’ALLEMAGNE CAROLINGIENNE

Charlemagne, roi Franc germanique, conscient et fier de ses origines, parlait le germain
avec ses amis, ses compagnons, les ecclésiastiques savants d’origine anglo-saxonne
(Acuin). Le commandement de ses armées et le gouvernement de ses provinces était confié
à des comtes et marquis (gardiens des marches) d’origine austrasienne. Sa famille est
d’origine souabe et bavaroise. Il choisit ses femmes et concubines en Souabe, dans les
grandes familles austrasiennes et germaniques. Il réside de préférence à Aix-la-Chapelle de
langue germanique.

Le peuple carolingien est un peuple paysan. Disséminé dans la forêt, ou regroupé dans les
vallées anciennement occupées. Ce sont pour une grande part des hommes libres,
propriétaires de leur terre, assujettis seulement au service des armes. D’autres sont « semi-
libres », travaillent et vivent sur les domaines appartenant à d’autres, aux nobles, au roi ou à
l’Eglise. Dans le royaume franc, il existe aussi des serfs, hommes non libres, asservis à des
seigneurs, ou roi, ou l’Eglise, par hérédité, par suite d’un jugement ou parce qu’ils n’ont pas
pu s’acquitter d’une dette. Il y a enfin des esclaves qui sont des prisonniers de guerre ou de
razzias pris chez les Slaves (d’où leur nom), en Scandinavie, en Russie et dans les steppes
d’Asie. Le trafic des esclaves est un des commerces les plus florissants de l’époque
carolingienne (fait essentiellement par des juifs), destiné surtout aux musulmans…

Pour la cour brillante du roi empereur Charlemagne, le soin qu’il prend aux arts et à la
culture, les richesses qu’il tire de ses conquêtes, son prestige, les relations qu’il établit avec
Byzance, l’annexion des 4/5ème de l’Italie et son commerce méditerranéen, l’ambre et les
esclaves du Nord-Est, les laines d’Angleterre, les produits de luxe de l’Inde, la Perse,
l’Arabie et la Syrie s’entrecroisent au bénéfice de marchands dont beaucoup de juifs,
protégés par Charlemagne et ses descendants. Armes, tissus, vins fins et épices, pierres
précieuses et vêtements de luxe, pour notamment le sacerdoce, tiennent une grande place
et n’intéresse qu’une infime minorité de puissants et de possédants. Des bourgades naissent
et voient s’établir des marchands à titre temporaire d’abord, à demeure ensuite. Ils s’ajoutent
aux serviteurs des gouverneurs, comtes, marquis, seigneurs et évêques, aux artisans que
ces cours font vivre, et naturellement aux agriculteurs qui s’occupent des terrains alentour.
C’est l’ébauche des futures cités médiévale. Cette évolution sera difficile : combien de
bourgs en Germanie brûleront, une fois, deux fois, dix fois au cours du siècle sous les coups
des peuples envahisseurs ?

Au 9ème s., les invasions pillardes des Normands sauvages (Vikings) venant de Scandinavie
se multiplient tandis que les côtes de la Méditerranée sont livrées aux razzias arabes et ce
juste avant la mort de Charlemagne. A sa mort, l’Empire est partagé entre ses trois fils et
c’est Louis le Germanique qui reçoit la Francie Orientale, la Saxe, la Thuringe, l’Austrasie,
l’Alamanie, la Bavière et la Carinthie. Il réside à Rastibonne, la Bavière est alors le cœur du
royaume. Mais les invasions féroces, les guerres civiles et de divisions font renaître le désir
impérieux de rétablir l’unité et de revoir à la tête de l’héritage de Charlemagne un prince
défenseur du peuple chrétien. C’est un fils de Louis le Germanique, Charles le Gros, qui est
élu. Il est peu courageux, sans énergie : il est déposé en 886, et c’est la division définitive
des royaumes : la Francie orientale (future Allemagne) revient à Arnulf (Arnoul), un neveu
bâtard de Charles le Gros. Mais il meurt jeune et ne laisse qu’un enfant au berceau qui

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mourra avant sa majorité. Tout ceci favorise à nouveau le désordre, l’anarchie et la montée
au pouvoir des grands, des comtes et ducs, des évêques et abbés qui se rendent de plus en
plus indépendants d’un pouvoir central inexistant.
Surviennent alors de nouveaux envahisseurs, les Magyars (=Hongrois) peuple sauvage venu
des steppes de Russie du Sud-Est, qui reviennent chaque année comme les Normands, au
printemps, chercher nourriture, richesses et esclaves. La fin de l’âge carolingien en
Allemagne est un temps de désordre et de barbaries atroces.

En 911, les seigneurs franconiens et les Souabes se mettent d’accord pour élire roi le duc de
Franconie, Conrad, qui a eu beaucoup de mal à se faire admettre des Bavarois et des
Saxons. En 918, sur son lit de mort, il désigne comme successeur le duc de Saxe, Henri 1 er
l’Oiseleur (chasseur). A partir du Xème s. la Francie orientale est appelée « Germanie » et
forme désormais une communauté indissociable. Il est Saxon, d’où le choix, descendant de
Widukind, héro païen de la lutte saxonne contre Charlemagne.
Henri 1er comme son prédécesseur Conrad et comme tous ses successeurs devra lutter
sans cesse contre la désobéissance des grands et faire face à des conspirations et
soulèvements souvent animés par des membres mécontents de la famille royale elle-même.
Chaque roi élu et acclamé devra chevauché (Rundritt) à travers le royaume pour obtenir au
prix de difficiles négociations voire de combats sanglants, la reconnaissance toujours
précaire des ducs, comtes et évêques qui constituent la classe politique de cette Allemagne
primitive.
Les rois saxons n’ont pas de capitale fixe et voyagent sans cesse à travers le royaume
germanique puis l’Italie. Cependant le centre de leur puissance se trouvent en Saxe
méridionale, là où se situent leurs domaines familiaux. Ils bâtissent leurs palais et fondent
des monastères où ils célèbrent les grandes fêtes chrétiennes, où ils établissent leurs filles
et où ils se font enterrer.

Au 10ème s. les mines du Tyrol, de la Forêt Noire, la Carinthie, du Harz se développent grâce
aux progrès du commerce après les attaques normandes et magyares, et à ceux des
techniques. Les mines d’argent constituent la ressource la plus importante de la chrétienté et
du revenu des rois Saxons. Pendant ce temps, les raids Magyares (hongrois) sévissent
toujours et c’est son fils et successeur Othon 1er, 936-973 qui en 955 mettra définitivement
fin à leurs raids en Occident. Othon 1er est couvert de gloire et couronné empereur. Il marie
deux de ses sœurs, l’une au roi carolingien, l’autre au chef de la maison rivale des
Robertiens. Il fait acclamer de son vivant son fils Othon II, 973-983, roi de Germanie, âgé de
7 ans, ce qui conduit à l’hérédité de la couronne, comme en Francie occidentale et en
Angleterre. Mais cela n’a pas abouti, dû à la brève durée des dynasties : celle des Saxons
ou othoniens s’éteint en 1025. Othon II a 18 ans à la mort de son père et meurt à 28 ans.
Othon III, 983-1002, majeur à 16 ans, meurt à 22 ans. Henri II le dernier empereur Saxon
meurt à 52 ans après un règne de 22 ans.
Pour succéder à Othon III les Grands ont choisi comme successeur Henri II 1002-1024 duc
de Bavière, petit-fils d’un frère d’Othon 1er le grand. A sa mort, la dynastie des Saliens
(=Pays-Bas) s’éteint. L’Assemblée électorale choisit un seigneur important, possédant de
vastes territoires dans le Palatinat rhénan actuel : Conrad II, 1025-1039, qui est par les
femmes un arrière petit-fils d’Othon le Grand. Il a eu lui aussi comme ses prédécesseurs à
lutter et pour consolider sa dynastie, il se résigne à l’inévitable, et reconnaît l’hérédité des
grands fiefs. La grande réussite de son règne a été d’avoir pu en 1033 réunir la Bourgogne
à la mort de son dernier roi Rodolphe III à l’Allemagne et à l’Italie. Ainsi Genève, Lyon ,
Besançon, Arles, Marseille sont et seront pour des siècles villes d’Empire allemandes.
Son fils Henri III, 1039-1056, lui succède. Il épouse Agnès de Poitiers et ont un enfant, le
futur Henri IV qui a 6 ans lorsque Henri III meurt à 39 ans. Henri IV ne règnera qu’une année
1056, puis il sera excommunié par le Pape. Il mourra en 1106 en exil chez des bourgeois de
Liège.
Au 11ème s. les pèlerinages en Terre Sainte s’intensifient. L’art Roman permet des réalisations
prestigieuses. Ce sont encore les églises et les monastères qui, seuls bâtiments construits

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en pierre (à l’exception des palais royaux) portent témoignage des progrès des arts de la
peinture, sculpture, architecture surtout, et aussi de l’écriture des livres avec leurs images
peintes (manuscrits, livres d’heures) permettant de conclure à un enrichissement continu de
l’Eglise qui prélève une partie croissante de la rente foncière, prix – jusqu’à un certain point
– des services immenses et indispensables qu’elle rend à la société, mais prix excessif
parce que la puissance de l’Eglise permet aux clercs, aux évêques et aux abbés d’exploiter
la masse des « travailleurs », c’est à dire des paysans qui relèvent d’eux, et cela d’autant
mieux que hiérarchie ecclésiastique et seigneurie séculière se confondent chez les hauts
dignitaires – qui oseraient résister à des princes aussi puissants que l’archevêque de
Cologne et celui de Bohême qui se disputent la tutelle du petit Henri IV ? Au-dessous de ces
seigneurs riches, ambitieux et fastueux (le haut clergé), croupit la masse d’un bas clergé
affamé, ignare, concubin ou marié…

L’ hérédité des grands fiefs depuis la dislocation de l’Empire de Charlemagne entraînera peu
à peu l’hérédité des fiefs secondaires et subordonnés, chaque tenancier cherchant à
arracher à son seigneur la libre disposition du bien qu’il peut réclamer après la mort du
vassal. Ainsi se met en place la pyramide féodale, alors que disparaît l’ancienne division par
statut personnel. Des hommes libres tombent en bas de l’échelle féodale pour cause de
dettes non honorées. D’autres, attachés à la personne du Seigneur, voire du roi, deviennent
administrateurs de biens importants qu’ils ont à leur tour l’ambition de transformer en fief, à
moins qu’ils en obtiennent un en récompense des services rendus. Ceci est à l’origine de la
catégorie importante des « ministériaux », serviteurs personnels du roi-empereur. Contre les
grands vassaux exigents et pas toujours fiables, le roi se doit de maintenir et d’élargir le
domaine de la couronne et son domaine familial (chaque dynastie – Saxons, Saliens…-
réunit à son domaine les biens de la précédente). Ce sont les serviteurs personnels du roi
qui gèrent et défendent ces biens comme baillis. Pendant les minorités royales et les guerres
intestines, les grands vassaux cherchent à s’en emparer. Parfois, c’est le bailli qui, à force de
gérer une terre en devient lui-même le Seigneur à titre personnel et définitif.

Au 11ème s. aussi, il faut noter les changements considérables dus au contact des grands
seigneurs et hauts prélats avec l’Italie (qui appartient à l’Empire). Ils découvrent une
civilisation plus riche, plus complexe, moins primitive. Les villes Milan, Pavie, Rome et
Venise sont de « vraies » villes comptent des milliers d’habitants où les commerçants, les
artisans, les artistes et les lettrés sont de plus en plus nombreux. Les écoles épiscopales et
abbatiales développent l’étude de la théologie et de la philosophie, mais aussi du Droit de
l’Eglise et de l’Empire, le Droit romain dont on retrouve et approfondi les recueils et les
codes. Ayant pris des habitudes nouvelles, consommé et utilisé des produits qui leur étaient
jusque là inconnus, les seigneurs séculiers et ecclésiastiques, de retour en Allemagne,
ramènent de nouveaux besoins que seul peut satisfaire le commerce interrégional dont
l’essor favorise celui des bourgades, des lieux de foire et d’échange, et celui des ports. La
conquête de l’Angleterre par les Normands en 1066 (Guillaume le Conquérant, fils bâtard de
Robert le Diable) va de plus intensifier les relations entre les îles britanniques et les
provinces proches du continent par la Flandre impériale (moins importante que la Flandre
royale), le Brabant, la Hollande. Des villes comme Lubeck, Brême, Hambourg, métropoles
du commerce du Nord deviennent au 11ème s. des centres où se regroupent des artisans
détachés des domaines seigneuriaux et qui exigent des droits et s’opposent aux maîtres des
lieux, comtes ou évêques.

Henri III et son épouse Agnès de Poitiers ont favorisé la propagation en Allemagne et dans
tout l’Eglise romaine des idées de la Réforme religieuse développée en France au 10 ème s. à
Cluny (fondation des ducs d’Aquitaine et de la maison de Poitiers dont l’impératrice Agnès
était issue) réforme contre un monde d’horreur et de bassesses jusque chez les moines.
Purifier le culte, purifier la vie des moines, pour qu’elle ne soit qu’au service de Dieu et
rejeter tout contrôle de la vie religieuse et de ses institutions par les laïcs, retrouver
l’enseignement divin dans sa pureté et agir sur le monde pour le purifier lui aussi et le

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pacifier autant que faire se peut : voilà les grandes aspirations de ce mouvement spirituel,
une des plus importantes qui périodiquement naissent pour arracher l’Eglise aux
compromissions, corruptions du siècle. Henri III confie d’ailleurs la papauté à un évêque
lorrain formé dans l’ esprit Cluny, pour la purifier de sa corruption romaine. Il restaure entre
autre le célibat des moines.

Henri IV sera confronté à la force montante de la bourgeoisie urbaine des communes, une
force qui se place hors du système féodal, une force d’avenir. Elle a comme point commun
avec la Réforme, le refus de l’ordre établi, mais pour des motivations très différentes. La ville
est étrangère au monde féodal et elle finit par le faire éclater.
Mais quand le pouvoir monarchique princier aura triomphé des structures féodales, il finira
dans d’autres siècles par soumettre les villes à leur tour. Henri IV est excommunié en 1056,
ses deux fils Henri V et Conrad III lui succèderont.

Henri V succède en 1106 à la mort de son père et meurt en 1125. Avec lui s’éteint la
dynastie Salienne. Il n’a pas d’héritier mâle ce qui entraîne un nouvel affaiblissement du
pouvoir central. Les biens de la famille royale passent au neveu de Henri V, Frédéric duc de
Souabe, fils de la princesse Agnès et d’un seigneur local Frédéric de Büren à qui son beau-
père Henri IV avait donné le duché de Souabe.

Lothaire III de Supplinburg, duc de Saxe 1125-1137 a été choisi par l’Assemblée électorale.
Il a passé une grande partie de son énergie et de son temps à lutter contre Frédéric de
Hohenstaufen et son frère Conrad, duc de Franconie, qui ont refusé de reconnaître son
élection. Le Pape appelle Lothaire III à la rescousse contre les attaques de Roger II, roi
Normand de Sicile, il meurt en Italie en 1137.

Conrad de Franconie 1137-1152, frère de Frédéric de Souabe (ou Staufen) ou


Hohenstaufen mort, petit-fils de Henri IV et neveu de Henri V lui succède. Il lutte longtemps
pour imposer son autorité et peut ainsi enlever le duché de Bavière à ses adversaires. Il
décide de prendre la Croix et part avec une importante armée en Terre Sainte pour s’unir au
roi de France Louis VII (1er époux d’Eléonor d’Aquitaine). A la 2ème croisade, il revient déçu et
malade. Il meurt en 1152 après 15 ans de règne et après avoir recommandé son neveu
Frédéric duc de Souabe, Frédéric 1er « Barberousse ».

Tandis que les empereurs affrontent le Pape et combattent en Italie, les seigneurs de
l’Allemagne du Nord agrandissent le territoire du peuple allemand vers l’Est dans des
proportions prodigieuses. Une seconde Allemagne prend naissance sur ces sols colonisés (l’
« Ostkolonisation »). Colonisation qui s’est faite sans le pouvoir central et presque à son insu
vers l’est (Pologne, Tchéquie, Silésie, Poméranie, le Mecklembourg). Les tribus tchèques et
polonaises isolées et ennemies, résistent mal sous le nombre et le poids d’une civilisation
matérielle et intellectuelle plus développée. Dans la partie du Holstein, les Slaves ont été
submergés par l’assaut allemand et se sont noyés dans la seigneurie des comtes de
Schauenburg. Sur la moyenne Elbe, le comte Albert de Ballenstätd dit « l’Ours » conclut un
arrangement avec un prince slave possédant des terres qui s’étendaient le long des rivières
Havel et Spree, traité par lequel les deux seigneurs s’instituaient mutuellement héritier au
cas où ils mourraient sans descendance. Le Slave étant mort quelque temps après, Albert
s’empare de ses domaines qui forment désormais la marche de Brandebourg.
Des ports sont créés sur les côtes méridionales de la Baltique (Riga en Livonie 1202,
Stralsund en Poméranie 1209, Stettin et Danzig connaissent un grand essor). A l’intérieur
des terres aussi les villes se développent rapidement ou sont fondées et ce jusque dans le
Sud-Est de la Pologne (Lvov 1259).
Quelques années plus tard, c’est la Silésie (peuple germanique, les Silingnes sous-tribu des
Vandales) qui se détache du royaume slave. Elle se divise en duchés et principautés qui
passent rapidement sous l’influence politique et culturelle de l’Allemagne. Les dynasties
silésiennes se germanisent et font appel aux allemands pour développer l’agriculture, les

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villes et les mines de leurs territoires. Soumise à la suzeraineté de la Bohême, elle sera
incorporée à la Prusse après 1740, et y restera jusqu’à la fin du Saint Empire romain
germanique en 1806.
Partout en Allemagne, dans les pays slaves et magyares qui conservent leur autonomie
politique, les villes se peuplent de commerçants et d’artisans allemands qui doivent
respecter les chartes de droit allemand garantissant aux bourgeois germanisés ou pas une
large autonomie de gestion. Le droit de Lubeck et de Magdebourg va s’étendre jusqu’en
Russie. Cet immense mouvement qui intéresse aussi bien l’histoire politique que l’économie
et la culture ne s’achèvera qu’au 14ème s. Un nouvel Etat se formera, celui de l’Ordre
Teutonique. Singulière création séculière d’un ordre de moines-chevaliers qui étendront leur
domaine et celui de l’Empire allemand jusqu’en Estonie tout en menant contre les Prussiens
une longue guerre d’extermination. En même temps autour de Lubeck se constitue une autre
puissance non moins singulière, la Ligue Hanséatique, d’abord association de marchands,
ensuite alliances de villes, en 1350 jusqu’à 250 cités maritimes et continentales, de Bruges à
Cracovie, de Tallin (=Reval) jusqu’à Cologne. Mais les conquêtes de l’Ordre Teutonique ne
sont pas réellement incorporés à l’Europe et la Hanse reste un groupement non étatique,
bien qu’elle ait eu à certains moments une force militaire commune, essentiellement navale,
et un tribunal suprême.
La nouvelle Allemagne naissante vas dépasser en importance l’ancienne, le vieil empire
(Altreich). Alors que se décomposent les vieux duchés de Saxe, Franconie et de Souabe,
seule la Bavière reste un ensemble relativement cohérent et étendu.

L’apogée de l’Empire médiéval de Frédéric 1er Barberousse à Frédéric II 1152-1250

Frédéric 1er Barberousse 1152-1189 Barberousse devient roi à 27 ans. Il épouse l’héritière
de la Franche-Comté qui rentre ainsi dans le patrimoine des Hohenstaufen. Lors de son
règne, c’est l’art gothique qui se répand en Allemagne et les premiers grands textes de la
première littérature classique en langue allemande qui s’écrivent et se récitent .
En Italie, le Pape essaie d’étendre des territoires pontificaux sur ceux de la souveraineté
impériale, au-delà du Latium. L’Eglise a pour alliés les plus importantes villes de l’Italie du
Nord que l’on appelle maintenant « Lombardie » (du nom les Langobards = longues barbes)
constituée en républiques autonomes à la tête d’importants territoires. Les villes impériales
d’Italie restées fidèles fournissaient des contributions financières considérables. Frédéric
Barberousse conclut la paix de Venise en 1177 avec le pape et en 1183 à Constance avec
les villes lombardes, ramenant les villes lombardes sous la souveraineté impériale en leur
garantissant une autonomie réelle. Barberousse est désormais maître de l’Italie et incontesté
en Allemagne. A 70 ans, il part en croisade et disparaît noyé par hydrocution dans un fleuve
anatolien (=turc).

Henri VI 1190-1197 le Lion, son fils âgé de 18 ans lui succède. Henri VI épouse Constance
de Sicile, fille de Roger II et tante du roi régnant Guillaume II (elle avait plus de trente ans).
Guillaume II meurt en 1190. Les Normands placent à la tête du royaume un fils naturel de
Roger II, Tancrède de Lecce, qui meurt en 1994. Depuis l'arrivée des Normands en Italie,
ceux-ci étaient les plus acharnés adversaires de l’empereur qui n’a jamais cessé depuis
Othon 1er de vouloir réunir l’Italie du Sud à l’Empire.
Henri Vl récupère la Saxe et la Bavière dont il faut séparer le margraviat d’Autriche, érigé en
duché autonome au profit de la dynastie des Babenberg, proches parents du roi qui tiennent
à Vienne une vie fastueuse.
A sa chute en 1180, la Saxe est dépecée. Henri VI part en exil en Angleterre et c’est Otto de
Wittelsbach qui le remplace dans le duché de Bavière. Dans le Nord de la Saxe démantelée,
Henri VI le Lion ne conserve que les possessions familiales et l’archevêque de Cologne et
les descendants d’Albert l’Ours se partage l’ancien duché avec une foule de princes moins
importants.

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Henri VI se lance lui aussi dans la croisade. Il meurt à Messine en 1197, à 30 ans,
probablement empoisonné par l’impératrice elle-même. Elle détestait son mari cruel. Il laisse
un enfant Frédéric II 1197-1250, âgé de quelques mois seulement, roi de Sicile, élu roi
d’Allemagne du vivant de son père Henri VI.
Tandis que la domination allemande s’écroule en Italie et que l’impératrice Constance
chasse de Sicile les troupes de feu son époux, les princes germaniques se rallient au frère
de Henri VI, le duc Philippe de Souabe 1198-1208, roi des Romains. Il est assassiné en 1208
par un seigneur mécontent.

Frédéric II de Sicile, 15 ans, unique Hohenstaufen survivant, devient le maître en


Allemagne, mais un maître pressé de repartir vers son Italie natale. Il appartient davantage
à l’histoire de l’Italie qu’à celle de l’Allemagne. Il part en croisade en 1229, épouse la fille du
dernier roi franc, se couronne roi de Jérusalem. Il revient en Italie, reprend la lutte incessante
avec la papauté et certaines villes lombardes, luttes sans fin, épuisantes, où défaites et
triomphes se succèdent. Il meurt à 56 ans. Il laisse à son fils Henri VII, élu roi des Romains,
encore enfant, du vivant du son père. Vaincu et déchu, il se suicide dans le transport de
prisons italiennes. C’est le Henri de Luxembourg 1308-1312 qui sera le « vrai » Henri VII
que l’on verra plus tard.

Conrad IV 1250-1254, frère de Henri VII et deuxième fils de Frédéric II, succède à son frère.
A l’annonce de la mort de son père, Conrad IV se précipite en Italie et reprend les combats
de son père. Il meurt à son tour en 1254 avant d’avoir été couronné empereur. Il laisse un
vide politique. 27 ans après, c’est Rodolphe 1273-1291, comte de Habsbourg, filleul de
Frédéric II qui est désigné par les princes-électeurs.

La période finale des Hohenstaufen n’est pas seulement pour l’Allemagne un temps de
désordre et de désastres. Dans beaucoup de territoires allemands, c’est au contraire une
période de progrès, de floraison matérielle et culturelle, une période d’expansion nationale
qui s’achève avec l’ « Ostkolonisation » qui sert de cadre à la création et la montée en
puissance de l’Etat de l’Ordre Teutonique en Prusse. Comme les autres ordres de
chevalerie, l’Ordre Teutonique a été fondé en Terre Sainte pour soigner blessés, malades
croisés et pèlerins. Les Templiers et les chevaliers de Saint Jean (futur ordre de Malte) se
recrutent principalement parmi les nations francophones, anglaises, et même quelques
italiens. Dans ce monde romain, les Allemands se sentaient isolés. Les chevaliers allemands
veulent être infirmiers et gardes-malades et se rassemblent donc à part. Ils ont leur siège à
la fois hospitalier et combattant, portant croix noire sur manteau blanc.
Le roi de Hongrie en proie aux assauts de nomades païens fait appel aux Chevaliers
Teutoniques en échange de quoi il leur propose de s’établir en Transylvanie. Ainsi l’Ordre
Teutonique s’établit en Europe. Quelques années plus tard, un grand seigneur polonais, le
duc de Mazovie les appelle à son tour pour lutter contre les incursions dévastatrices que les
Pruzzes (=prussiens) faisaient sans cesse sur le territoire mazovien.
Les Pruzzes appartenaient à une branche des peuples baltes, proches parents des
Lituaniens et Lettons (Litonie). En 1225, les premiers chevaliers-prêtres de l’Ordre négocient
en contre partie la propriété entière et en pleine souveraineté des territoires qu’ils pourraient
« sauver ». Les chevaliers-prêtres avec leurs serviteurs organisent une croisade
permanente. On a du mal à comprendre la vie intérieure de ces prêtres combattants, tuant et
blessant au nom du Christ, hommes pieux et durs, excellents tacticiens militaires et stratèges
politiques, excellents administrateurs et grands bâtisseurs. Les « Deutschritter » (=
chevaliers Teutoniques) avancent en couvrant de châteaux forts les territoires conquis. Leur
conquête, longue et difficile, de plus d’un siècle est marqué par plusieurs grands évènements
de régions que l’Ordre tentent de pacifier. La répression est féroce. l’Ordre fonde
Königsberg. De l’Orient et d’Italie les Chevaliers apportent un nouvel art de gouverner et de
bâtir. Ils créent un Etat le plus autoritaire et le plus centralisé de l’époque, une sorte de
république présidentielle absolue où le grand maître et son Conseil possèdent tous les
pouvoirs spirituels et temporels où une gestion méticuleuse et implacable enregistre toutes

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les ressources et fait de l’Ordre une grande puissance militaire, économique et financière.
Les polonais se mordent les doigts d’avoir fait appel à ces moines-soldats aux ambitions
démesurées. L’Ordre leur arrache la Poméranie (de Thorn à Danzig) qui devenait le centre
commercial principal de la Baltique centrale qui s’étendait jusqu’en Ukraine occidentale. Le
coup le plus dur que l’Ordre a subi est la conversion des Lituaniens au catholicisme et la
jonction du grand-duché de Lituanie à la Pologne chrétienne par le mariage du grand Duc
Jagellon avec la reine Edwige d’Anjou en 1386. A partir de ce moment, l’Ordre perd sa raison
d’être : plus de païens à conquérir et convertir. C’est le début de leur décadence.

(Jusqu’en 1940, la Prusse Occidentale reste une terre partagée et contestée entre Polonais
et Allemands. En Prusse Orientale, si l’Ouest et le Nord sont germanisés à la veille de
l’exode de 1945, le Sud-Est, la région des lacs de Mazurie, a été peuplée de Slaves qui ont
remplacé les établissements prussiens peu nombreux).

Revenons maintenant à l’Interrègne et les débuts du deuxième Moyen Age 1254-1347

Quelque chose d’irréversible et d’irréparable s’est produit avec la défaite des Hohenstaufen :
 La convergence des intérêts et passion de l’Eglise des princes Allemands et des villes
italiennes
 A l’arrière-plan la puissance montante de rois de France
a mis un terme à l’étape centrale de l’histoire allemande, au haut moyen âge politique de la
nation allemande.
Pendant longtemps, les rois allemands n’auront plus le temps de se mêler activement aux
affaires italiennes. Aucun roi allemand n’y descendra de 1254 à 1313. L’importance
économique et culturelle de l’Italie ne cesse de grandir et sera trop longtemps abandonnée à
elle-même pour peser sur la politique allemande et elle ne fera plus vraiment partie de
l’Empire. Charles d’Anjou (frère de Saint-Louis ou Louis IX) , futur roi de Naples, a hérité de
la Provence par son mariage qui soustrait ce riche comté à l’autorité impériale.
A la mort en 1291 du roi Rodolphe de Habsbourg, c’est le comte Adolphe de Nassau que les
Electeurs choisissent. Albert, fils aîné de Rodolphe le tue à la guerre et est élu à sa place en
1298. Il meurt en 1308 assassiné par un de ses neveux. Les électeurs élisent un grand
seigneur, Henri, comte de Luxembourg. Henri VII riche, puissant, expérimenté et brillant
1308-1313, tente de soumettre l’Italie mais n’y parvient pas et meurt jeune, là-bas.
En 1314, c’est Louis IV, duc de Bavière 1314-1348, appartenant à la prestigieuse maison
d’Allemagne, les Wittelsbach, qui avaient reçu la Bavière à la chute de Henri VI le Lion.
Louis IV disparaît en 1347 et c’est Charles IV de Luxembourg 1347-1378, petit-fils de Henri
VII qui est élu.

Survient ensuite la Grande Peste et la crise de l’Eglise 1347-1437

La peste bubonique (la « mort noire ») effrayante par la rapidité de sa progression et


l’affreuse modification au corps humain, boursouflé et noirci, couvert de pustules suintants.
La peste embarque sur les navires italiens en Asie et débarque en Sicile et en Ligurie. Elle
aborde l’Italie en 1347 et parcourt l’Europe jusqu’en Ecosse, la Scandinavie et la Russie en
moins de 2 ans.

Charles IV se fait couronné empereur en Italie et roi de Pologne à Arles, prince francophone
sinon français par sa famille paternelle, tchèque par sa mère, sera néanmoins un grand
souverain allemand mais un bon roi bien différent des princes-chevaliers d’un moyen âge
désormais révolu, diplomate habile, administrateur consciencieux et efficace, préférant une
politique de mariages dynastiques aux campagnes militaires, collectionneur d’œuvres d’art et
de reliques, homme de culture et de réflexion (premier roi-empereur a avoir laissé des
mémoires, sorte de récits autobiographiques). Il marie son fils cadet Sigismond 1410-1437 à

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l’héritière de Hongrie. Quant à son fils aîné et successeur, Venceslas ou Wenzel, qui une fois
élu roi des Romains, ne quittera plus la Bohême et se désintéressera de l’Empire mais ne
voulait cependant jamais abdiquer. Roi fainéant, mal vu en Allemagne, jalousé par ses
frères et cousins, s’appuie sur le sentiment national tchèque qui se développe rapidement
chez les nobles, le clergé et aussi dans le peuple. Dans le Reich, son inaction lasse les
princes qui le déposent en 1400 et c’est le compte palatin Rupert de Wittelsbach qui luis
succède et ne fera rien non plus. A sa mort en 1410, les Electeurs font appel au frère cadet,
roi de Hongrie, Sigismond 1410-1437 qui s’attaque aussitôt élu à l’Eglise. Dans l’Eglise
universelle, la Bohême sera désormais un cas à part, et la colonisation allemande est
stoppée en Bohême et en Moravie. Quelques années après Sigismond, la Bohême
deviendra une royauté nationale. Son destin paraît alors se séparer du Reich. Avec
Sigismond s’achève le règne de la dynastie luxembourgeoise. Son unique fille suivante,
Elisabeth, mariée à l’archiduc Albert d’Autriche, Albert II, ligne aînée de la famille des
Habsbourg. Il succèdera à son beau-père comme roi de bohême et de Hongrie. Les
électeurs le désigneront également comme roi des Romains. La maison (des Habsbourg)
d’Autriche se maintiendra à la tête du Saint Empire jusqu’à la disparition de l’Ancien Reich
en 1806 (par Napoléon).
Pendant 50 ans, sous Charles IV et son fils Venceslas, Prague est la capitale de l’Empire.

Albert II de Habsbourg, meurt en 1439 après un règne de deux ans, laissant son épouse
enceinte. Le garçon qui naît quelque mois après la mort de son père reçoit le nom slave de
Ladislas et le surnom de « Posthmus ».
Les Electeurs ont choisi son cousin l’archiduc Frédéric, duc de Styrie, de Carinthe et comte
de Carniole. Frédérick III (arrière-grand-père de Charles Quint) favorise Charles le
Téméraire qui voulait annexer la Lorraine à son domaine pour établir une liaison entre les
Pays-Bas et les deux Bourgognes. L’Alsace est donnée en gage au « Grand Duc
d’Occident ». Frédérick III obtient la main de Marie de Bourgogne, fille unique héréditaire de
Charles le Téméraire, pour son fils unique et héritier l’archiduc Maximilien. Ils ont un fils
Philippe (d’Autriche) le Beau. Maximilien en s’unissant à Marie de Bourgogne récupère les
Pays Bas, la Franche-Comté, la Flandre française et l'Artois.

En 1494, Charles VIII de France commence les guerres d’Italie que poursuivra François 1er.

En 1526, le deuxième roi polonais Louis II roi de Bohême et de Hongrie est tué lors d’un raid
turc. Ferdinand, frère de Charles Quint, marié à la sœur de Louis II, devient roi de Bohême
et de Hongrie.

Le 15ème s. surtout dans sa 2ème moitié, voit en Allemagne s’accroître et se fortifier encore le
rôle et la puissance des villes. L’immense majorité de la population reste rurale (elle le
restera jusqu’à la révolution industrielle du 19ème s.). Mais pour leur triple fonction :
commerçante, artisanale et financière, les villes constituent l’élément moteur d’une économie
dont la partie rurale a été affaiblie par les conséquences de la grande peste.

Les puissants – papes, empereurs, rois, princes séculiers et ecclésiastiques – ont besoin de
numéraire pour payer les mercenaires qui remplacent les armées féodales, pour payer les
administrateurs, les juges de métier, pour acheter les voix des membres des corps
électoraux, cardinaux ou chanoines, princes-électeurs, pour payer les consentements
pontificaux… Pour favoriser tous ces nouveaux besoins d’argent, de monnaie, de numéraire,
l’économie n’aurait pas suffit sans une expansion impressionnante des activités (commerce
et manufacture) minières, (mines d’or et d’argent qui passent entre les mains de capitalistes
ayant les finances et qui prêtent de l’argent aux puissants et reçoivent d’eux en garantie ou
en paiement des monopoles miniers. Les plus fortunés des capitalistes de l’époque sont les
Fugger et les Welser d’Augsburg qui financent les guerres et les élections impériales ou
pontificales et qui « produisent » eux-mêmes une partie de l’argent et de l’or qu’ils prêtent.
Par ailleurs au moyen âge finissant, l’artisanat individuel, celui des maîtres assistés de

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compagnons et d’apprentis, unis dans des guildes et corporations, voit se développer à ses
côtés une activité « préindustrielle » financée par les capitaux marchands. De véritables
manufactures (produits textiles, armes et armures) emploient des travailleurs regroupés en
ateliers. Dans d’autres cas, comme le tissage, les marchands font travailler à domicile une
population rurale en leur fournissant la matière première et leur imposant leurs prix. La main
d’œuvre des ateliers n’ait pas protégée par les règlements des corporations. Ils sapent
l’ordre social et économique des villes. Avec le moyen âge finissant et l’exode de la
campagne vers les villes, s’accroît dans les villes un sous-prolétariat sans emploi, sans
revenu, et sans domicile stable. Foule nombreuse et flottante, vivant de mendicité et de
rapine.

La vie intellectuelle du dernier Moyen Age allemand correspond à la montée de la


bourgeoisie urbaine. Il voit disparaître le privilège clérical de la culture écrite. Certes, des
différences profondes subsistent et s’élargissent encore entre les cultures des lettrés et les
cultures populaires - la très grande majorité des Allemands reste illettrée et ignorent l’art du
lire et de l’écrire - mais le nombre et le pourcentage des instruits ne cessent de progresser.
Beaucoup de laïcs savent leurs lettres et ont un minimum d’instruction indispensable pour
avoir du succès dans toutes les activités bourgeoises.

LE XVIème siècle – LA RENAISSANCE


Dynastie des Habsbourg

- 1493-1519 Maximilien 1er, fils de Frédéric III de Habsbourg.


1ère ép. Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne.
Elle a un frère roi d’Angleterre, Edouard IV.
2ème ép.

- 1519-1556 Charles Quint, petit-fils, duc de Luxembourg, roi de Hollande, roi d’Espagne,
empereur du Saint Empire romain germanique.
Ep. de Portugal

- 1556-1564 Ferdinand 1er, frère. Ep. , fille du roi Jagellon de Bohême et de Hongrie.

- 1564-1576 Maximilien II, fils. Ep.

- 1576-1612 Rodolphe II, fils. Ep.

Maximilien est élu roi des romains en 1486, du vivant de son père Frédérick III, l’empereur
fainéant. Il règne de 1493 à 1519. Maximilien 1er a échoué dans ses guerres en Italie, en
Suisse. Négociateur rusé et rêveur, humaniste, grand amateur d’art, il pensionne tous les
grands noms de la grande génération de l’art allemand : Dürer, peintre officiel de la cour,
Altdorfer, paysagiste et peintre des grandes batailles, Lucas Cranach, Roland Frühauf, Hans
Schaüffelein, les sculpteurs Peter Vischer, Veit Stoss, Adam Krafft, l’historien Stabius, le
musicien Heinrich Isaac. L’empereur roi est aimé des savants, des écrivains, des artistes qui
faisaient sa gloire. Lui, de son côté, les recevait à sa cour, les pensionnait, les comblait de
largesses, prélevées sur les produits des prêts qui lui consentaient chèrement les banquiers.
C’est un humaniste convaincu et rassemble à Ambras, son château tyrolien près
d’Innsbruck, sa résidence préférée de ses dernières années, pour le « Livre des Héros », les
manuscrits des anciens textes poétiques, dont l’unique texte de la « Chanson de Gundrun»,

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une des épopées classiques du haut passé germanique. A son petit-fils et héritier, le jeune
Charles (Quint), Maximilien, vieil empereur de cœur et de volonté, laisse avec tous les
anciens domaines des Habsbourg, tous les grands problèmes non résolus de l’histoire
allemande : la tension entre le pouvoir central et les « Stände », la tension entre la nation
germanique et l’Eglise de Rome. .Charles de Gand (Charles Quint) étranger aux réalités
allemandes, pieux catholique, maître des Pays-Bas et roi d’Espagne, d elangue et de culture
française, allait avoir le rendez-vous historique avec Martin Luther.
Voir « La Réforme » en Annexe. La Réforme, une des plus grandes périodes de l’histoire
allemande qui équivaut chez nous à la Révolution.

A la mort de Maximilien en 1519, sa succession n’est pas assurée, son fils Philippe le Beau
meurt avant lui. Deux candidats sont alors en lice : Charles de Gand, son petit-fils (fils de
Philippe le Beau et de Jeanne de Castille) roi d’Espagne, Naples et de Sicile, et François
1er roi de France.
Le pape Léon X (Médicis) craint voir renaître l’empire des Hohenstaufen qui est une menace
pour l’indépendance des Etats de l’Eglise et pour celle de ses proches parents, els maîtres
de Florence. Dans ces conditions, Léon X n’hésite pas à soutenir François 1er contre
Charles Quint ainsi que les prétentions françaises sur le Milanais pour créer en Italie un
contrepoids à la puissance du Habsbourg espagnol. Comme ses prédécesseurs Charles VIII
et Louis XII, François 1er se lance dans les guerres d’Italie. débute ainsi la grande rivalité
des Maisons de France et d’Autriche qui sera une des dominantes de l’histoire politique
européenne pendant plus de trois siècles (jusqu’à Napoléon en 1806). C’est pourquoi Rome
ne se hâte pas à instruire le procès intenté à Luther pour ses agissements hérétiques, des
négociations autrement plus importantes s’engagent en parallèle au sujet de l’élection du roi
des Romains. C’est Charles qui sera finalement élu.
L’élection de Charles d’Espagne, Charles V 1519-1556, Charles Quint, a coûté très cher. Le
financement a été confié exclusivement (comme ce fut le cas pour le trafic des indulgences)
à Jacob Fugger, alors au sommet de sa richesse et de sa puissance (les Fugger sont
intimement liés à l’empereur qui les fera comtes du Saint Empire). Les Electeurs ont voulu
des assurances. Un véritable traité, la « capitulation électorale », a été imposé à Charles
Quint qui est en fait un étranger, élevé dans les Flandres, parlant le français et le flamand
comme langues maternelles, et n'ayant jamais mis les pieds en Allemagne. Il s’engage à ne
prendre que des conseillers allemands, à partager le pouvoir avec un « Regiment » élu par
le Reichstag, à ne pas engager l’Allemagne dans des guerres étrangères, à ne faire juger
aucun Allemand par des tribunaux étrangers, ni à l’étranger. cette dernière clause vise
directement le cas Luther. Charles Quint, aux prises avec de grandes révoltes sociales en
Espagne, n’a pas encore étudiée à fond ni mesuré la dimension nationale et transnationale
de cette affaire. La capitulation électorale le liera quand les affaires espagnoles lui
permettront enfin, en 1521, de venir en Allemagne, de s’y faire couronner et de réunir le
Reichstag. De plus, il sera engagé à fond dans la lutte avec la France. François 1er a mal
accepté son échec à l’élection royale allemande et reprend les efforts de ses prédécesseurs
(Henri VIII et Louis XII) pour s’assurer en Italie tout au moins la possession du Milanais.
Charles aura besoin de toute la bienveillance des princes pour obtenir des moyens, finances
et troupes nécessaires à la guerre qui a pour enjeu des terres d’empire en Italie. A l’Est, le
Turc (Soliman le magnifique) menace. Jamais dans ces conditions Charles ne pourra
imposer aux princes une solution de force de l’affaire Luther. Charles d’Autriche ou de
Flandres a alors 20 ans. Fils du brillant Philippe Le Beau et de Jeanne de Castille (Jeanne la
Folle) qui vit depuis des années enfermée dans des châteaux prisons. Elevé à Gand et à
Bruxelles par sa tante Marguerite d’Autriche (devenue Marguerite de Savoie et veuve de
Philibert de Savoie et qui a fait construire la merveilleuse église de Brou près de Bourg-en-
Bresse à la mémoire de son jeune époux). Charles est un garçon timide, renfermé, sans le
brillant et la beauté de son père ou grand-père qui attiraient l’admiration et l’amour.
profondément pieux, réfléchi, hésitant. Face au brillant et lumineux roi de France, Charles
est sombre et pâle. Homme de cabinet et d’étude, bien plus que chef de guerre, ses
passions même sont discrètes et obscures, le plus souvent cachées, à de rares exceptions

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près, comme la liaison qu’il a eut avec une jeune patricienne de Rastibonne, Barbara
Blomberg, qui lui a donné un fils, Don Juan d’Autriche, le plus brillant, le plus génial des
chefs de guerre de l’Espagne habsbourgeoise (1547-1578), le vainqueur de la bataille de
Lépante.
L’empereur, au bout de 35 ans de harassants efforts reconnaîtra son échec en choisissant
l’abdication.

Le deuxième grand événement des années 1521-1526 est le soulèvement d’une partie de la
noblesse féodale contre les puissances modernes, l’Etat princier, territorial et administratif
ainsi que les villes marchandes et capitalistes, en Rhénanie centrale, en Souabe et en
Franconie, c’est à dire dans des contrées où après la disparition des Hohenstaufen,
l’absence simultanée d’un pouvoir central et d’un pouvoir princier fort, avait favorisé le
développement d'une noblesse d'Empire, d'une chevalerie quasi indépendante. La
chevalerie d’Empire se compose en grande partie d’anciennes familles ministériales dont la
fortune est liée aux Hohenstaufen. Après 1250, des militaires de vocation et de destination
ont vu leur fonction social mise en cause par le développement des armes
« technologiques» de l’arme à feu individuelle et surtout de l’artillerie qui a entraîné des
armées de métier. De plus, l’artillerie menace la sûreté des places fortes, des Burgen, base
de la puissance de cette noblesse de plus en plus sans emploi, si elle ne consent pas à
servir les nouveaux pouvoirs princiers, successeurs des rois et des anciens ducs.

L’évolution économique menace doublement cette noblesse ex-féodale :


- perte de son quasi-monopole de la guerre, des fonctions de commandement,
- la crise de la main d’œuvre rurale du 14ème s., la baisse des prix manufacturés,
l’inflation continue, accélérée par la politique des princes et des villes, ce qui diminue
progressivement les revenus que la noblesse tire essentiellement des redevances dues
par les paysans, en monnaie dont la valeur ne cesse de se rétrécir.

Le prince s’intercale entre le Chevalier et l’Empereur. Les chevaliers s’endettent auprès des
marchands, deviennent des Raubritter , chevalier pillards, ce que font aussi de nombreux
membres de la noblesse territoriale quand l’autorité princière est faible. Les villes et les Etats
se mobilisent alors et créent des grandes ligues qui deviennent les principales armées,
comme la « Schwäbische Bund » dans l’Allemagne du Sud. La crise des années 1521-1523
est l’aboutissement d’un processus engagé depuis de nombreuses décennies, un dernier et
violent retour de flamme d’une classe condamnée : c’est le soulèvement d’une classe en
perte de fonction et en décadence économique, qui éclate à une époque de grands
bouleversements moraux et politiques et qui reçoit les courants de modernisation de
l’humanisme et de la Réforme. Mais ce n’est pas une révolution innovatrice comme on en
verra en Angleterre au 17ème s. et en France au 18ème s.

Deux noms symbolisent ce mouvement : Franz von Sickingen et Ulrich von Hutten.

Hutten est un chevalier savant, plus homme de plume que d’épée, humaniste et patriote. Il
critique les princes, les marchands, le clergé, glorifie la patrie allemande dont la grandeur lui
paraît inséparable de sa classe , la chevalerie. Il attend du jeune empereur qu’il libère
l’Allemagne de Rome et des princes. Il écrit des poèmes en langue allemande avec un
immense talent, mais aussi et d’abord dans un latin d’une rare élégance. Il célèbre le
libérateur Luther. C’est un des plus grands noms de la littérature allemande. C’est un
intellectuel militant. Son importance politique découle de son amitié avec Franz von
Sickingen. Hutten, isolé et malade, se réfugie en Suisse et meurt là, jeune et désespéré. Son
destin romantique a passionné l’Allemagne du 19ème s.

Franz von Sickingen est un des plus riches et plus puissants des Reichsritter, possédant de
nombreux châteaux, capable de lever de véritables armées et qui a guerroyé au service de
l’empereur. Homme cultivé, ardent patriote, à la recherche de ses intérêts, nourrissant de

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grandes ambitions. Mais il saute d’un projet à l’autre sans aller jusqu’au bout des choses,
s’attaque à des villes riches, à de grands princes. Il va d’échec en échec puis s’enferme
dans sa forteresse de Landstuhl et est pris par une armée de princes, les énormes murailles
ne résistent pas à l’artillerie moderne. Sickingen meurt des suites de blessures reçues
pendant le siège . Il est déçu de l’empereur qui n’a pas pris le parti de la noblesse contre les
princes (Charles ne peut les attaquer puisqu’il attend de l’argent et des hommes de la part
de ces princes). Les princes et les villes profitent de la guerre de Sickingen pour en finir avec
les menaces représentées par les Raubritter (chevaliers pillards). Plus de 50 places fortes
sont prises et brûlées rien qu’en Souabe.
Sickingen a inspiré Ferdinand Lassalle, fondateur de la social-démocratie allemande. En
1525, la noblesse d’Empire, déjà gravement compromise à l’issue de l’aventure de
Sickingen, va être confronté lourdement à la guerre des Paysans, grande incendiaire de
châteaux. Après cette épreuve, la plupart des Reichsritter s’intègreront directement ou
indirectement, comme officiers ou administrateurs, dans les Etats territoriaux. Leur rôle
politique comme classe autonome est terminée.
Les troubles déclenchés par Sickingen sont les conséquences des changements sociaux,
économiques et politiques de l’Allemagne de la moitié du XVIème siècle mais est toute
relative à côté de l’immense secousse de la grande guerre allemande des Paysans, la
« Deutscher Bauernkrieg » 1524-1526. Mouvement de masse transrégional (Souabe,
Franconie, Alsace, Thuringe, Tyrol) pratiquement toute l’Allemagne du Sud, excepté la
Bavière et l’Autriche, et une bonne partie de l’Allemagne centrale. Ce qui montre que les
zones d’insurrection paysanne et les troubles de la chevalerie (Ritterschaft) se recouvrent ce
qui n’est pas un hasard, car ce sont les chevaliers les plus appauvris qui pressurent le plus
« leurs » paysans. Les masses paysannes que la révolte de l’extrême misère amène à
cotoyer la résistance des ruraux assez bien nantis, n’acceptent pas l’aggravation de leur
situation matérielle et personnelle des nobles et des nouvelles administrations princières.
Les dirigeants de al révolte sont des paysans, des aubergistes, des maîtres artisans, des
« lansquenets » (mercenaires fils de paysans). Il n’y a plus de travail dans une agriculture
morcelée alors que la progression démographique a compensé vers 1500 les pertes dues
aux grandes pestes. L’ère des conquêtes coloniales à l’Est (l’ Ostkolonisation) est close. Les
surfaces abandonnées au 14ème s. ne sont pas remises en culture. Une aggravation
sensible du climat jusqu’au milieu du XVIème s. qui constitue peut être la cause la plus
fondamentale et la plus déterminante des troubles avec comme apogée la grande Guerre
des Paysans. Les paysans révoltés s’unissent dans des grands mouvements régionaux,
« Haufen » (= tas), chaque unité menant son propre combat et ses propres négociations.
Chaque Haufen se fera battre séparément. Les chefs les plus avisés comprennent la
nécessité d’une union plus large, mais il est trop tard, à un moment où les réactions des
princes a déjà repris l’offensive. nulle part les paysans mal armés, mal entraînés, n’opposent
une résistance sérieuse. Dés qu’ils voient des troupes de métier, ils s’enfuient. Sébastien
Lotzer écrit les « Douze articles de la paysannerie en Souabe » exigeant l’abolition des
redevances et des corvées, le rétablissement du vieux droit et de la justice rendue par des
juges élus, l’élection des curés. Naturellement les « douze Articles » ont été soumis à Luther
qui répond par un appel à la paix, à la négociation, condamne la violence. Dans le sud, la
révolte réclame l’abolition pure et simple des privilèges, l’égalité, voire la communauté des
biens. Elle détruit les sièges de l’adversaire, les châteaux de la noblesse et les couvents,
hauts lieux par excellence d’une religion pervertie. Alors beaucoup de princes et de villes
composent avec les insurgés pour gagner du temps, mais la riposte se prépare et sera
implacable. Les grands rassemblements paysans sont écrasés et dispersés, et la répression
des vainqueurs (princes et villes) sera à la mesure de leur peur et colère. Les paysans sont
frappés de lourdes pénalités qui mettent fin au relatif bien-être dont jouissait beaucoup de
famille. Les meneurs sont cruellement exécutés (rôtis vivants à petit feu !). Les droits
féodaux, les redevances et les corvées sont partout rétablis. Les vainqueurs ne sont pas les
petits seigneurs mais les Etats territoriaux. C’est la ligne Souabe, les landgraves de Hesse,
les ducs de Saxe et de Lorraine, qui ont organisé l’attaque et la répression. Les
administrateurs et les juges vont maintenant rétablir et figer l’ordre à la campagne, supprimer

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les anciennes libertés et l’autonomie des communautés rurales et les plier sous l’autorité du
souverain. L’empereur a été absent et étranger à toute cette énorme secousse qui vient
d’ébranler la société allemande. Tout le monde a pu voir qu’en cas de crise, le pouvoir réel
se situe au niveau des princes et de quelques rares grandes villes. La leçon ne sera pas
oubliée. Les paysans révoltés en brûlant les châteaux des nobles ont rendu un service
important aux princes : une partie de la noblesse est ruinée et est contrainte à servir dans
l’armée et l’administration des Etats. Ils ont compris que seule la puissance des princes
garantit ce qui reste de leurs privilèges. La Guerre des Paysans accélère ainsi l’intégration
des nobles dans le nouvel ordre territorial où s’élaborent les idées et les moyens de la
monarchie absolue !

Entre 1520 et 1530, autres grands évènements de l’époque : la guerre avec la France c’est-
à-dire bloquer l’offensive française vers l’Italie du Nord et rétablir l’autorité impériale contre le
pape et contre les Etats et les seigneuries qui s’y sont rendus pratiquement indépendants.
Charles Quint passe son temps entre les Pays-Bas, l’Italie et l’Espagne, et ne peut se
consacrer aux affaires allemandes. La guerre française et la menace turque accapare son
attention et l’oblige à composer avec les princes et les villes d’Allemagne pour obtenir les
moyens et les fonds nécessaires à sa grande politique. Ce qui l’amène à céder aux princes
allemands la plus grande partie des droits et prérogatives attachées à la dignité royale et
impériale. Quand l’empereur est enfin victorieux à l’extérieur, il se tourne vers l’Allemagne
pour y restaurer l’ordre. mais aussitôt une nouvelle crise s’annonce sur la frontière française
en Italie et après de longues années de guerre, Charles Quint l’emporte à nouveau, le
désordre a progressé en Allemagne à tel point que la situation est devenue irréversible. Le
manque d’argent de Charles Quint, son incapacité à soumettre par la force des armes les
princes allemands, la prolongation des combats en Italie, les troupes non payées, conduiront
au sac de Rome : prise et pillage par les soldats révoltés car laissé sans solde, de la capitale
dont la splendeur ne s’en remettra jamais ! L’empereur catholique n’avait pas lui-même
ordonné la prise de Rome, ce qui montre à quel point l’événement échappe à sa puissance
immense et dérisoire, son incapacité à maîtriser les problèmes de son temps avec ses idées
et ses moyens. La Paix des Dames (sa tante Marguerite d’Autriche et la mère de François
1er Louise de Savoie) permettra à l’empereur de revenir en Allemagne en 1529. Mais les
dissensions internes en Allemagne serviront la cause des rois de France. Les princes
protestants s’allieront avec Henri II qui aura en 1552 des terres de Lotharinge Metz, Toul et
Verdun, ce qui est une défaite pour Charles Quint dont il ne se relèvera plus moralement,
très las, et constitue une perte substantielle irrémédiable pour l’Allemagne.

Autre grande affaire extérieure qui s’ajoute à la guerre française de la 1ère moitié du XVIème
s., c’est la menace turque. La conquête de l’Europe du Sud-Est, nomades asiatiques
islamisés, est la revanche musulmane sur les croisades, la destruction de l’Empire byzantin
par les Latins. Déjà Sigismond, roi de Hongrie, avait subi l’effroyable bataille perdue de
Nicopolis. L’arrêt de leur expansion en Europe n’est due qu’aux défaites des Ottomans en
Asie infligées par les Mongoles de Tamerlan. L’Orient conquis et pacifié, l’acquisition de
l’Egypte et la vassalisation de l’Afrique du Nord ont donné au sultan, Soliman le Magnifique,
la maîtrise de la mer puis la reprise du chemin de l’Europe. Premier choc en 1526 en
Hongrie, à Mohacs, la guerre des Paysans à peine terminée, et François 1er encore
prisonnier à Madrid. Louis II de Hongrie meurt au cours du combat, sans héritier. C’est
l’archiduc Ferdinand, frère de Charles Quint, qui accède aux trônes de Bohême et de
Hongrie. Pendant un siècle et demi, la Hongrie sera coupée en trois :
- au centre : partie turque administrée par des pachas, autour de la capitale d’ Ofen
- à l’Est : la Transylvanie, sous l’autorité des princes autochtones hésitant entre vassalité
turque et suzeraineté royale, recherchant eux-mêmes surtout la couronne.
- Au Sud et au Nord : une longue bande territoriale en forme de croissant, la « Hongrie
royale» avec la nouvelle capitale Presburg (Bratislava, Poszonyi).

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De 1526 à 1687, dans les Etats de Habsbourg, le Reich allemand est directement impliqué
dans la guerre turque : raids et razzias incessantes sur les frontières. En 1529, l’année de la
Paix des Dames, Vienne, chef-lieu des Etats habsbourgeois et résidence principale du roi
Ferdinand, est assiégée par une puissante armée turque qui ne lève le siège qu’à la suite
des conflits internes qui secouent l’Empire Ottoman (dissensions au sein de leurs classes
dominantes, la guerre permanente avec la Perse, défauts de structure d’un Etat fait de
nomades…).

En 1552, la Réforme qui jusqu’ici était la cause de la nation allemande, fait appel à une aide
extérieure dont la cause nationale fera les frais. Attaqué par surprise alors qu’il n’a pas de
troupes en Allemagne, Charles Quint humilié cherche refuge en Italie. La guerre reprend
avec la France, l’Italie, les Pays-Bas. Charles Quint est usé. Les échecs ont ruiné sa santé
autant que les fatigues de toute une vie de voyages, de campagnes et d’excès de table (il
souffre très tôt de la goutte). Il remet à son fils l’Espagne, les Pays-Bas, la Franche-Comté,
Naples et Milan, les provinces du Nouveau monde, et il abdique l’Empire en faveur de son
frère Ferdinand en 1556. Ce n’est pas une vie de moine, mais une brève vie de retraite qui
l’attend près du couvent de San Geronimo de Yuste en Espagne, bien loin de l’Allemagne
qui lui est toujours restée étrangère, dans un luxe décent et dans le recueillement.

Après l’échec des tentatives de restauration impériale, l’économie allemande paraît, elle,
entrer dans une longue phase de léthargie, où la grande floraison du génie pictural et
plastique s’éteint, la poésie et la littérature (à l’exception du chant luthérien) ne se fait plus
entendre. Quant aux banquiers de l’époque, les Fugger et les Welser, leurs héritiers
deviendront princes et les banques feront banqueroute. La Hanse se disloquera aussi devant
les princes allemands et les rois étrangers. A la même période, la France et l’Angleterre
traversent elles aussi des crises profondes, mais de ces crises, la monarchie française et
l’Etat anglais en sortiront renforcés, alors que l’Allemagne voit progresser sa division et son
affaiblissement. Révolution nationale à ses débuts, la Réforme devra sa survie à l’alliance de
ses princes avec la royauté française (Henri II) ennemie à la fois du protestantisme français
et de la nation allemande.

Si la première moitié du XVIème s. allemand a connu des éclats de génie et de fureur, des
grandes agitations et des grandes personnalités, durant la deuxième moitié du XVIème s. se
passe comme si l’humanité allemande prenait un temps de repos. On consolide l’acquis, on
pense les blessures, on tente de reprendre du terrain perdu. Les grandes affaires du monde
se passent ailleurs. Les hommes, les collectivités doivent maintenant « digérer » cette
situation inimaginable : l’existence de plusieurs religions, de plusieurs Eglises chrétiennes…
Dans la plupart des pays d’Europe, l’unité de la foi sera maintenue ou rétablie par la force :
luthérisme des pays scandinaves, calvinisme de Hollande et d’Ecosse, catholicisme en
Espagne et Italie. En France, la longue succession des guerres de religion se termine par la
victoire du catholicisme, parachevée sous Richelieu et Louis XIV. L’Angleterre connaîtra au
17ème s. une véritable guerre de religion intérieure au protestantisme où l’élimination du
catholicisme y est poussée jusqu’au bout. En Pologne, la Contre-Réforme ne laissera que
quelques îlots de protestantisme dans les zones de peuples allemands. La religion du
XVIème s. reste profondément marquée de magie et de mysticisme. La crainte de Dieu est
une VRAIE crainte, une VRAIE terreur. L’amour de Dieu est continuellement contrarié par la
frayeur de l’Enfer et l’horreur des puissances diaboliques qui s’incarnent surtout dans des
femmes ( !). Aux 16è et 17è s. se multiplient à travers toute l’Europe, comme une épidémie,
les procès de sorcellerie, de sorcières surtout, dans une société violemment masculine. Qui
a le besoin fou de se défendre du Malin qui domine la période. Les procès en sorcellerie,
effroyablement fréquents, occupent une place considérable dans le système de la
répression, du maintien et du rétablissement de l’ordre tenu par les maîtres de la vie
politique, du gouvernement des âmes et des corps.
Cette deuxième moitié du XVIème s. voit émerger le calvinisme et la Réforme catholique (=
la Contre-réforme). En France, Hollande, Ecosse, en Angleterre aussi, dans la petite et

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moyenne bourgeoisie, la Réforme religieuse s’établira selon Calvin. L’Allemagne restera
luthérienne.
Ce qui caractérise le calvinisme intégral de Calvin, c’est le remplacement de l’Eglise
institutionnelle par la communauté, la cité qui se gouverne elle-même, fixe les règles de sa
vie religieuse et contraint ses membres à s’y conformer. Ce qui ne s’adapte pas à la forme
monarchique de la plupart des « Stände » allemands. On retrouver dans le calvinisme
allemand l’attachement à la lecture et à l’étude. chaque Stand calviniste qui en a les moyens
se dote d’une université sinon d’un lycée ou d’une académie, et développe à tous les
niveaux l’enseignement public, populaire, imposé aux enfants de tous les habitants.
L’université calviniste de Heidelberg est l’une des plus réputées d’Europe, à la fin du XVIème
s. le fameux catéchisme d’Heidelberg sera reçu dans beaucoup d’Eglises calvinistes même
hors d’Allemagne. en Europe occidentale, le calvinisme se heurte au catholicisme et en
Allemagne contre une autre confession de la famille protestante : luthériens, calvinistes,
évangéliques et réformés, High Church anglicans et presbytériens…
Luther a été un phénomène spécifiquement allemand. Il a voulu libérer le peuple allemand et
son équipe de la servitude du pontife romain. Son action visait l’Allemagne essentiellement
et s’est étendue aux peuples scandinaves, proches parents des Allemands.
La Contre-Réforme ou Réforme catholique, domine la scène idéologique, politique et culturel
de la deuxième moitié du siècle. L’Eglise romaine pour survivre a dû répondre aux défis de
Luther et de Calvin, définir de manière claire et moderne les contenus de sa foi visés par les
attaques de ces « hérésiaques » et sur lesquelles il n’est pas possible de céder. La Contre-
Réforme redéfinit le dogme sans le modifier et réorganise les structures traditionnelles par
un clergé capable de faire front. La Réforme catholique en Allemagne est lente et difficile, et
se solde par un demi-succès. Neuf Allemands sur dix sont luthériens, et seulement la moitié
à peine a été récupéré par les catholiques.

L’Angleterre et les Pays-Bas sont sur la défensive face à l’énorme puissance espagnole dont
les échecs et l’épuisement se feront sentir vers la fin du XVIème s. la France, ennemie de
l’Espagne et de l’empereur, est paralysée par les guerres de religion. Les Pays-Bas
méridionaux reviennent au catholicisme grâce à l’aide militaire espagnole.
Après la mort de l'empereur Maximilien II (1564-1576), esprit tolérant attiré par le luthérisme,
son fils Rodolphe II (1576-1612) élevé à la Cour d’Espagne dans l’esprit de la Réforme
catholique, nomme des majorités catholiques dans les deux grandes cours impériales : le
« Reichskammergericht » (cour de justice de la chambre impériale) et le « Reichshofrat »
(conseil de la Cour impériale ou Conseil aulique). Mais au début du XVIIème s. l’Allemagne
glissera vers une guerre de religion qui a désolé depuis 1/82 siècle la France et les Pays-
Bas au moment même ou ces deux pays retrouveront la paix avec la conversion de Henri IV
(Edit de Nantes) en France et l’armistice entre la Hollande et l’Espagne de 1609.

LE XVIIème SIECLE
En 1608, l’ « Union » est fondée autour du prince-électeur palatin Frédéric IV ou les
calvinistes jouent un rôle moteur. L’Union est une alliance armée qui noue des relations
étroites avec les puissances protestantes occidentales et avant tout avec les Pays-Bas que
le Stathouder Maurice d’Orange (1572-1632), fils aîné du Taciturne, a engagé sur al voie
d’un calvinisme rigoureux. Le duc de Bavière est chargé d’obliger la ville libre protestante de
Donauworth à respecter la liberté du culte catholique. Il triomphe facilement et conserve sur
le plan militaire la ville pour gage des frais occasionnés par cette « exécution impériale ».
Peu de temps après, il l’annexe et au bout de quelques années, il ne reste plus un protestant
dan s cette ville naguère entièrement luthérienne. De son côté, le duc de Bavière constitue
en 1609 un certain nombre de Stände catholiques. La « Liga » qui s’arme elle aussi et
trouve des appuis politiques, financiers et militaires auprès de l’Espagne et du pape.

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Une nouvelle et grave crise éclate en 1609 au sujet de la succession d’un des princes les
plus puissants d’Allemagne du Nord-Ouest : le duc de Juliers (Jülich), Berg et Clèves, comte
de la Mark et de Ravensberg. L’héritage est réclamé par plusieurs dynasties dont les
meilleures, deux maisons protestantes, les ducs de Prusse (Hohenzollern) et les comtes de
Neubourg, branche cadette de la famille palatine. Le duc de Prusse n’a pas de fils, son
gendre et héritier est l’Electeur de Brandebourg. Etant donné la situation géographique et
l’importance de l’héritage, toutes les puissances européennes s’en mêlent. Afin de s’assurer
des appuis décisifs, les prétendants n’hésitent pas à changer de religion. Finalement les
deux prétendants principaux s’entendent sur un partage provisoire (jusqu’en 1806) : les
Neubourg obtiennent Juliers et Berg (Düsseldorf devient le siège d’une cour brillante) et le
Brandebourg obtient Clèves et deux comtés. Peu à peu le nom de la Prusse s’impose dans
cette association de territoires disperser sur 1000 km du Rhin au Niémen.

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