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TOME TROISIÈME.
VOYAGES
PITTORESQUES ET ROMANTIQUES
T R 0 1 S I È M E E T D E R NI E R Y VOLUME
A PARIS
LXXVIII
MDCCC
INTRODUCTION.
belle
Dans la première partie de cet ouvrage, en visitant cette pro-
vince de Normandie, si riche en souvenirs historiques et en monuments
du moyen âge, nous nous sommes arrêtés à Évreux, et nous avons
donné les dessins de plusieurs édifices de cette ville intéressante. Tou-
tefois, le temps nous avoit manqué alors pour faire connoître dans son
ensemble et dans ses détails la cathédrale de cette ville. M. l'abbé
Bourassé, dans son remarquable livre sur les cathédrales de France, nous
reproché de n'avoir pas parlé avec assez d'étendue de Notre-Dame d'É-
a
vreux, tout en adressant à notre ouvrage des éloges dont nous sommes
profondément reconnoissants. Si nos travaux, qui, il Y a quarante-six
commencèrent à donner l'impulsion aux études d'archéologie
ans,
la critique et les
chrétienne, ont quelque mérite, c'est d'avoir provoqué
approbations des hommes distingués et savants qui se sont voués a
sérieuses études. Nous nous étions bornés, dans notre premier
ces
à mentionner la belle cathédrale d'Évreux, parce que nous
voyage, aujourd'hui de
nous réservions d'y revenir. Nous sommes en mesure
combler cette lacune, et nous compléterons par une étude archéolo-
gique accompagnée de nouveaux dessins, notre travail sur cette partie
de la haute Normandie. Pour décrire l'église épiscopale d'Évreux, nous
nous placerons dans le monument, le livre de M. Bourassé à la main,
et nous nous inspirerons de son excellent travail.
L'origine historique de la cathédrale d'Évreux remonte aux premiers
Éburovices. Ce fut
temps de l'établissement du Christianisme chez les
d'abord un simple oratoire élevé vers la fin du IVe siècle par saint Tau-
rin, l'apôtre de la contrée et le premier évêque du diocèse, puis un édi-
fice plus grand et plus orné, que les pirates du nord renversèrent en 892.
Reconstruite dans le Xe siècle, cette cathédrale fut de nouveau détruite
pendant le siège que Robert Ier, duc de Normandie, vint mettre devant
Évreux en 1028, et, à peine s'étoit-elle relevée de ses ruines, qu'elle fut
presque entièrement réduite en cendres lorsque les Anglois brûlèrent la
ville en 1119. Cette fois, le dommage fut promptementréparé; dès l'année
1130, la réédification du monument s'achevoit sous la direction de
l'évêque Audoin, et un contemporain nous apprend que c'étoit une des
plus splendides églises qu'il y eût alors en Normandie ; mais elle eut
grandement à souffrir dans les dernières années du même siècle; deux
fois le roi Philippe-Auguste livra la ville aux flammes,en 1194 et 1199.
Enfin, la cathédrale d'Évreux fut encore endommagée par de terribles
incendies, en 1356 et en 1379.
La partie la plus ancienne de l'édifice actuel est la grande nef,
qui est certainement antérieure à ces derniers désastres. Les piliers et
les arcades de cette nef sont d'un beau style roman. Des chapiteaux
largement sculptés, une ornementation sobre et austère, semblent
indiquer que ces constructions remontent à la fin du XIe ou au com-
mencement du XIIe siècle. Si l'on ne peut affirmer qu'elles soient anté-
rieures à l'incendie de 1119, il est au moins probable qu'elles sont un
reste de la belle église achevée vers 1130, par l'évêque Audouin.
Sur ces piliers romans s'appuient les galeries, les fenêtres et les
voûtes de la nef, oeuvre charmante du XIVe siècle. Le triforium, de
formes architecturales très-riches, est composé d'arcades en ogives
tréflées et de colonnettes à chapiteaux feuillagés. La corniche qui
supporte la balustrade découpée à jour a beaucoup d'élégance, et les
fenêtres, traversées par de nombreux meneaux, sont surmontées de
quatre-feuilles, de rosaces et de figures diverses délicatement sculptées.
Le choeur et l'abside offrent tous les caractères de l'architecture
ogivale flamboyante du xve siècle; on y retrouve ces moulures pris-
matiques, cette profusion de fleurs et de feuillages profondément dé-
coupés, ces compositions animées et fantastiques, et toute cette orne-
mentation vigoureuse et luxuriante qui n'est pas sans poésie, mais qui
de décadence de l'art
accuse un goût moins pur et un commencement
chrétien. Les chapelles absidales, dont la plus richement ornée est
celle de la sainte Vierge, appartiennent au XVIesiècle ainsi que leurs
beaux vitraux.
La lanterne ou dôme gothique qui s'élève au-dessus de l'entre-croi-
du roi Louis XI, sous l'épis-
sement du transsept a été bâtie aux frais
grande élégance et atteste
copat du cardinal la Ballue. Elle est d'une
l'heureuse transformation que le style ogival avoit fait subir à la coupole
latine. Nous retrouverons à Coutances une autre construction de ce
genre, plus remarquable encore.
L'extérieur de la cathédrale dÉvreux, comme l'a dit M. l'abbé Bou-
rassé, est en parfaite harmonie avec l'intérieur. La flèche qui se dresse
au-dessus des transsepts est pleine de force et de grâce et somptueuse-
dehors, de frontons
ment décorée. Les fenêtres sont surmontées, au
triangulaires embellis de crosses végétales, et les contre-forts eux-mêmes
richement sculptés. Des deux portes qui donnent entrée dans
sont
l'église, celle du nord délicats soit
est la seule qui par ses ornements
l'édifice. Celle qui s'ouvre au milieu
avec l'ensemble de
Nous en dirons
du frontispice principal est lourde et insignifiante.
caractère et sans intérêt.
autant de la façade, construction moderne sans
de Lieuvin et
En quittant cette ville, nous parcourrons le petit pays
parler dans nos
visiterons Lisieux, sa capitale, dont nous n'avons pu
à la haute
deux premiers volumes, quoique cette contrée appartînt
de Rouen.
Normandie comme étant comprise dans l'ancien bailliage
de
C'est une omission que nous devons réparer avant de nous occuper
décrire la basse Normandie.
de la
Située au fond d'une riante vallée que fertilisent, les eaux
Touque et du ruisseau d'Orbec, la ville de Lisieux remonte par son
la capitale
origine à l'époque celtique. Les Lexoviens, dont elle étoit
sous le nom de Noviomagus Lexoviorum, résistèrent longtemps aux
l'ère chrétienne,
armes de César et de ses lieutenants, et douze ans avant
elle figure parmi les soixante cités de la Gaule lyonnoise qui élevèrent
Barbares à la fin du IVe siècle,
une statue à Auguste. Détruite par les
la ville des Lexoviens fut rebâtie a peu de distance de son premier
emplacement, et devint, au VIe siècle, une des cités importantes du
le Débon-
royaume de Neustrie et le siege d un eveche. Sous Louis
naire, un savant prélat, Fréculfe, sorti de cette école palatine qu'avoit
fondée Charlemagne, gouverna le diocèse de Lisieux et composa une
histoire universelle, ouvrage le mieux conçu de tous ceux qui
nous restent du Ixe siècle, au jugement des doctes auteurs de
l'Histoire
littéraire delà France. Les Normands pillèrent Lisieux en 877, et, quel-
ques années plus tard, dévastèrent un célèbre monastère voisin, l'ab-
baye de Saint-Évroul. Lorsque la Normandie sortit de ses ruines sous le
gouvernement de Rollon, les évêques de Lisieux furent investis de l'au-
torité temporelle comme comtes de la ville et de son territoire. En
1135, un de ces prélats, Jean I, s'étant déclaré en faveur d'Étienne de
Blois, Geoffroy Plantagenet marcha sur Lisieux et en fit le siége. Des
archers bretons qui défendoient la ville y mirent le feu pour repousser
l'ennemi. L'évêque Jean releva les remparts de sa cité épiscopale, et après
l'avoir protégée contre la guerre qui sévissoit au dehors, il y construisit
plusieurs monuments et y fit fleurir les lettres. Un docteur célèbre de
ce temps, Jean de Salisbury, écrivoit, en 1150, que Lisieux étoit une ville
merveilleuse pour l'éloquence. Ces traditions littéraires ont été suivies
durant tout le moyen âge par la plupart des évêques de Lisieux, dont
les plus connus sont Guy de Harcourt, qui
fonda, en 1330, le collège de
du roi Charles V, et
Lisieux à Paris; Nicolas Oresme, conseiller intime
chronique
traducteur d"Aristote; Thomas Basin, auteur d'une importante
d'Amelgard. Ces pré-
latine, composée, vers 1475, sous le pseudonyme
xvIe siècle, dans Jean le Hennuyer,
lats eurent un digne successeur, au
pillage de Lisieux par les
qui fit preuve d'une grande fermeté lors du
1562 ;
au XVIIesiècle, le diocèse
fut gouverné avec une
protestants en
remarquable habileté par Guillaume du Vair et Cospéan. L'histoire
tout entière dans celle de l'administration de ses
de Lisieux est presque
spirituelle et la puissance tem-
évêques, qui réunissoient la puissance
particulière ne se rencontre
porelle. Aucun fait digne d'une mention
d'ailleurs dans ses annales.
bois, ses statues, ses tableaux, les tombes de ses évêques. Tout ce qui
AJF.Lemaitre
éditeur,23.Quai
delHorloge
.
A.F.Lemartre éditeur,23.Quai de 1 Horloge.
Caen.
il entoura de murs cette ville agrandie, qui fut dès lors son séjour de
prédilection. « De cette première clôture, dit un historien du pays, il
ne reste que ce que nous appelons aujourd'hui les petites murailles,
et quelques débris le long de l'Odon, derrière la rue de la Boucherie. »
A l'époque de son différend avec Léon IX, au sujet de son mariage
avec Mathilde de Flandre, Guillaume s'engagea à doter la ville de Caen
de fondations religieuses pour obtenir la levée de l'interdit que le Pape
avoit jeté sur la province, et ce fut l'origine des célèbres abbayes de
Saint-Etienne et de la Sainte-Trinité, que nous décrirons plus loin.
Autour de ces deux monastères, il se forma deux nouveaux quartiers
la
que l'on appela l'un le Bourg-l'Abbé, l'autre le Bourg-l'Abbesse.Après
conquête de l'Angleterre, Guillaume ne négligea pas sa bonne ville de
Caen qu'il avoit en quelque sorte créée; il y fît construire, en 1072,
l'église de Saint-Gilles, et lorsqu'il se sentit près de mourir, il désigna
l'abbaye de Saint-Etienne pour le lieu de sa sépulture. Nous racontons
ailleurs les tristes et dramatiques incidents auxquels donnèrent lieu ses
funérailles. Les fils du Conquérant s'occupèrent de Caen avec autant de
sollicitude que leur père. En n04, Robert Courte-Heuse réunit le
quartier Saint-Jean à la ville, et fit exécuter, en détournant une branche
de l'Orne, le canal appelé encore de son nom le canal du duc Robert.
Henri Beauclerc exhaussa les murs de la cité et fit construire le donjon
du château (1123). Ce fut sous son règne que Raoul de Caen écrivit en
latin l'histoire de Tancrède, un des héros de la première croisade. Caen
obtint sous Jean sans Terre (1203) une charte de commune qui fut
confirmée par Philippe-Auguste. En 134b, Edouard III, roi d'Angleterre,
vint assiéger cette ville à la tête d'une formidable armée. Les habitants,
commandés par Raoul, comte d'Eu, connétable de France, et par Jean
de Melun, comte de Tancarville, opposèrent une résistance désespérée,
mais, défaits dans une sortie, ils ne purent empêcher l'ennemi de pé-
nétrer dans leurs murs; une lutte acharnée s'engagea dans les rues, et
les Anglois furent obligés de faire le siège de chaque maison avant de
se rendre maîtres de
la place. Édouard, furieux, livra la ville au pillage
pendant trois jours, et fît transporter un butin immense sur la flotte qui
stationnoit à l'embouchure de l'Orne. Après le départ des Anglois, le roi
Philippe de Valois prescrivit aux bourgeois de Caen de réparer les
murs
et d'augmenter les fortifications; c'est alors que furent élevées la plu-
part des tours de lenceinte. Sous le roi Jean, on mit en état de défense
le monastère de Saint-Étienne et celui de la Trinité. Mais
tous ces tra-
vaux ne purent empêcher la ville de succomber lors de l'invasion an-
gloise de 1417. Le roi Henri V s'en empara le 8 septembre après plusieurs
assauts meurtriers, et la dominationétrangère s'y maintint jusqu'en 1450.
A cette dernière époque, Dunois la reconquit
sur les Anglois, et Char-
les VII y fît son entrée le 6 juillet de la même année. Au siècle suivant
les dissensions religieuses y amenèrentles plus
graves désordres. En 1562
et 1563, les protestants soulevés, s'étant rendus maîtres de la ville, pil-
lèrent toutes les églises, et détruisirent les
ornements sacrés ainsi que
les précieuses oeuvres d'art qu'elles renfermoient. Ils
ne respectèrent pas
même les tombeaux de Guillaume le Conquérant et de Mathilde ;
ces
monuments furent profanés et brisés, et l'église abbatiale de Saint-
Étienne se trouva réduite à
un état si déplorable, que pendant plus
de soixante ans il fut impossible d'y célébrer le culte divin. Ledit de
pacification, qui suivit immédiatement, vint mettre
un terme à ces ca-
lamités, et Caen, depuis cette époque, resta étranger à la plupart des
troubles dont la France fut le théâtre. Si l'on
en excepte une tentative
de révolte produite par les démêlés du roi Louis XIII
avec sa mère
Marie de Médicis, et bientôt apaisée,
aucun événement important ne se
passa dans cette ville depuis la fin du XVIesiècle, jusqu'à la révolution
de 1789. Pendant cette période de
repos et de prospérité, la ville de
Caen, que les poëtes ont surnommée 1Athcncs d& la JYovmctndiô, s'ho-
nora par la culture des sciences et des lettres. On sait qu'elle a donné
le jour à Malherbe, à Segrais, à Boisrobert, le favori du cardinal de
Richelieu, et aux savants Samuel Bochart, Tanneguy Lefèvre Daniel
et
Huet, évêque d'Avranches.
Le plus beau et le plus vaste des monuments du
moyen âge que la
ville de Caen ait conservés est la célèbre église de l'abbaye de Saint-
Etienne, fondée, comme nous l'avons dit, par Guillaume le Conqué-
L illustre Lan-
rant, et ordinairement nommée 1 Abbaye aux Hommes.
franc, appelé par le fondateur à la direction de ce monastère, en
surveilla lui-même les constructions, depuis l'an io63 jusqu'au moment
dota
où il fut appelé au siège archiépiscopal de Cantorbéry (1070), et il
la nouvelle abbaye d'une école qui rivalisa bientôt avec celle du Bec.
Dans le nombre des élèves que cette école a produits, seulement au
premier siècle de son existence, on compte plusieurs archevêques et
évêques, et une foule d'hommes éminents de cette époque. Pendant
des principaux cen-
tout le moyen âge, Saint-Étienne de Caen fut un
de la Normandie. La ré-
tres d'étude et un des plus riches monastères
formation de Saint-Maur y fut introduite en 1063, et, sous cette nou-
velle règle, l'abbaye continua de fleurir jusqu'à sa suppression. Alors
théologie, de philosophie et
encore elle entretint des professeurs de
de littérature qui formèrent des éleves du mérité le plus distingue.
L'église de l'antique abbaye de Saint-Étienne est digne à tous égards
de l'importance de ce grand établissement religieux. L édifice, en foi me
de croix, offre, dans son ensemble, trois styles différents qui caracté-
risent évidemment trois époques.
La façade, les tours jusqu'à la corniche du toit, la nef et les transsepts
appartiennent à la première construction et datent du XIe siècle. Dans
l'origine, l'église avoit trois absides; l'une d'elles, la principale, qui étoit
placée à l'extrémité orientale, a disparu; on voit encore celles qui s'ou-
vroient à l'est de chacun des transsepts.
Le portail se distingue par la gravité plutôt que par l'élégance
du
style; de chaque côté s'élèvent de petites colonnes, et si l'on découvre
quelques moulures, elles sont dépourvues de toute espèce d enjolivement.
de cette
Les tours forment sans contredit la partie la plus intéressante
il
façade. Comme l'a remarqué avec raison M. de Caumont, y en a peu
du XIe siècle qui soient mieux traitées.
A l'intérieur, et surtout dans la nef, la grandeur
de l'ensemble, l'é¬
lévation des voûtes^ i heureuse disposition des lignes frappent
tout d'a-
bord les regards. Des piliers garnis de demi-colonnes soutiennent les
arcades qui séparent la nef des ailes. Ces demi-colonnes, s'élancant
jusqu'à la voûte, sont alternativement simples et triples. Les chapiteaux
des piliers consistent dans un feuillage de la plus grande simplicité,
et
les bases des colonnes sont taillées en chanfrein. Au-dessus des arcades
de la nef, et au niveau du triforium, de larges galeries règnent
sur toute
l'étendue des bas-côtés, à droite et à gauche. Les
rampes en pierre de
ces tribunes, découpées en quatre-feuilles, n'appartiennent pas à la
construction primitive ; il en est de même des voûtes ogivales des bas-
côtés, dont les arceaux prismatiques annoncent le xve siècle. La grande
chapelle accolée au collatéral du nord paroît de la même époque. Les
voûtes de la nef sont de style roman, mais il est possible qu'elles soient
un peu moins anciennes que les murs; suivant la remarque judicieuse
d'un archéologue anglois, M. Gally-Knight, il y a, dans les petites
co-
lonnes auxiliaires qui aident à les supporter, et dans la manière dont
elles sont adaptées, quelques indices qui viennent à l'appui de cette
conjecture.
Le choeur, auquel l'abbé de la Rue a assigné, à tort, la date du
XIVesiècle, est évidemment antérieur, et, selon toute probabilité, du
commencement du XIIIe. Tous les caractères architectoniques de cette
partie de l'église annoncent, en effet, les premiers temps du style ogival,
et nous partageons à cet égard l'opinion exprimée par MM. de Jolimont
et de Caumont. A l'intérieur, les archivoltes de plusieurs arcades sont
encore ornées de zigzags; les fenêtres sont toutes étroites et en forme
de lancettes; des arcades à plein cintre encadrent les lancettes gémi-
nées des galeries. La charmante décoration de la chapelle dans laquelle
se trouve la sacristie ne peut guère se reporter à une époque posté-
rieure. A l'extérieur de l'abside, les cintres entrelacés, sculptés sur les
murs des collatéraux, la nature des ornements, la simplicité des fenê-
tres, accusent également le style de transition.
Les pyramides octogones qui couronnent les deux tours de l'ouest
endommagée
paraissent être du XIVesiècle. Celle de la tour centrale,
rétablie dans son état actuel un peu après
par le siège de 1417, a été
cette dernière époque.
Le tombeau de Guillaume le Conquérant, le
principal et le plus
célèbre ornement de l'église abbatiale de
Saint-Étienne, s'élevoit au
milieu du choeur. Il étoit porté sur des pilastres de pierre et surmonté
de la statue couchée du Conquérant, autour de laquelle on lisoit une
inscription en vers latins composée par Thomas, archevêque d'York.
1562.
Ce précieux monument fut renversé et brisé par les protestants en
Un écrivain du temps, de Bras, auteur d'une Histoire de Caen citée par
M.
de Caumont, raconte tous les détails de cette violation, et décrit en
lequel avoit été renfermé le corps du duc
ces termes le cercueil dans
en
1087 :
« Et finalement quelques jours après, ils (les Huguenots) cas-
sèrent le locule de pierre où estoient les ossements du corps de ce
«
duc, sépulchre ; lequel locule estoit d une forte pierre
« roy sous son
de voideryl (granit de Vire) et soustenu sur trois pilastres de pierre
«
blanche. Et la cause de le casser fut que le dessous estoit vuide et
«
le dit (cercueil) rendoit quelque son. Ces violateurs le froissèrent
« que
à de dague, estimant qu'il y eust quelque trésor ou autre chose
« coup
précieuse; toutefois, ils n'y trouvèrent rien que les os de ce grand roy.
«
Ces ossements estoient couverts d'un cendal ou taffetas rouge, des-
« taint ;
et estoient. encore inhérentes à la teste les mâchoires et plu-
«
sieurs dents, et les autres ossements, tant des jambes et cuisses que
«
des bras, estoient fort longs. « A la suite des ravages commis par les
«
longtempsvide. Ce
protestants, la tombe de Guillaume le Conquérant resta
fut seulement en 1642, que le prieur Jean de Baillehache, qui avoit con-
l'église, ayant rassemblé
sacré une partie de sa vie à la restauration de
les ossements dispersés du fondateur, les replaça
dans un nouveau cer-
cueil et érigea au dessus une petite construction avec une inscription com-
siècle. En 1742, les
mémorative. Ce second tombeau subsista juste un
de Guillaume le Conquérant furent transférés dans le sanctuaire
restes
simple dalle de marbre blanc que l'on voit aujour-
et placés sous la
d'hui.
Le chevet de cette église a été élevé, au plus tard, dans les premières
années du xIIIe siècle. C'est une oeuvre fort remarquable, et qui inté-
resse surtout comme un exemple de la direction nouvelle que prenoit
l'art à cette époque. Il existe sur le mur, à quelques pouces de terre,
une inscription latine, en caractères du temps, qui fait connoître que ces
belles constructions sont dues à un architecte nommé Guillaume,
dont la sépulture avoit été placée dans cette partie de l'édifice. Cette
inscription, citée par M. Vaultier dans son Histoire de la ville de Caen,
est ainsi conçue :
(I) « Ci gît Guillaume,habile dans l'art de bâtir. C'est lui qui a construit ce nouvelédifice. Que le Christ
lui accorde les récompenseséternelles. Amen. »
avoit été défiguré dans plusieurs de ses parties par le percement de
nouvelles fenêtres et par l'établissement de nouveaux planchers à l'in-
térieur, lorsque, au commencement de la Révolution, on le transforma
en magasin pour l'administration de la guerre. Mais on l'a réparé,
il y a quelques années, pour l'affecter à l'école normale primaire. La
façade, qui est d'un bon style ogival, a été restaurée avec beaucoup
de soin. On distingue à droite, en entrant dans l'ancienne cour de l'ab-
baye, une autre construction qui n'a point été restaurée, et qui se
lioit à la précédente; elle offre à peu près les mêmes caractères archi-
tectoniques et doit être du XIVesiècle. On y voit des fenêtres trilobées;
des tourelles surmontoient les escaliers.
Au fond de la cour, on remarquoit encore, il y a vingt ans, un
vieil hôtel appelé dans les anciens actes le logis neuf de l'évêque de
Castres, parce qu'il avoit été bâti en 1490, par Charles de Martigny,
évêque de Castres, qui étoit en même temps abbé de Saint-Etienne de
Caen. Ce curieux édifice, dont on trouve la description dans le Bulletin
monumental de M. de Caumont, a été démoli en 1845.
A l'est de la même cour, et dans la partie la plus voisine des cons-
tructions neuves, il existe des restes intéressants du grand bâtiment
qui renfermoit le magnifique appartement connu sous le nom de
Salle des Gardes.C'étoit, suivant la remarque de M. de Caumont, un des
plus beaux morceaux d'architecture civile de la Normandie. On l'a mal-
heureusement défiguré pour y établir les classes du collège. Ce bâtiment,
en forme de carré très-allongé, étoit divisé en deux étages. Aux angles
se trouvoient quatre tourillons servant d'escalier, et vers le milieu du
grand côté orienté à l'est, une tour carrée flanquée de contre-forts, cou-
ronnée par un toit fort élevé à quatre pans. De ce côté s'ouvroit
une des entrées principales, ainsi placée dans une pièce en saillie. Un
grand nombre de fenêtres élégantes éclairoient le rez-de-chaussée et le
premier étage. La grande salle du premier, appelée, on ne sait trop
pourquoi, la Salle des Gardes,servoit de magasin à blé lorsque Ducarel
la visita, en 1752 ; mais, en 1684, elle renfermoit la bibliothèque de
l'abbaye, comme on le voit par la légende d'un plan dressé à cette
époque pour le Monasticon gallicanum. Personne n'ayant pris la peine
de décrire cette belle salle avant les mutilations qu'elle a subies, on est
heureux de trouver dans le voyage de Ducarel les détails suivants :
« La longueur de la grande chambre des Gardes, dit-il, est de cent
« soixante pieds et sa largeur de quatre-vingt-dix. A chaque extrémité
« sont des rosaces garnies de vitraux peints, du travail le plus soigné.
« On voit du côté du nord deux cheminées bien conservées, ainsi qu'un
« banc de pierre à l'entour de la salle. Le plancher est pavé de bri-
« ques de six pouces carrés, vernissées, dont les huit rangées qui
« s'étendent de l'est à l'ouest sont chargées de divers écussons. L'intervalle
« entre chaque rang de ces briques ornées de rosaces et le milieu, re-
« présente une espèce de labyrinthe d'environ dix pieds de diamètre.
« Le reste du pavé est formé de divers carreaux offrant des échiquiers,
" En sortant de cette salle on entre dans une autre plus petite, nommée
« la chambre des Barons, de vingt-quatre pieds de large sur vingt-sept
« de long, pavée de la même espèce de briques, mais avec cette diffé-
« rence qu'au lieu d'armoiries, elles représentent des figures de cerfs et
« de chiens de chasse. Les murs de cette salle paraissent avoir été décorés
« de peintures. Sous ces salles il y en a d'autres dont les voûtes sont sup-
« portées par de belles colonnes, et qui servoient à coucher les personnes
« d'un rang inférieur (I). »
Il subsiste encore quelques pans de murs de l'enceinte fortifiée, dont
on avoit entouré l'abbaye de Saint-Étienne au XIVesiècle. Ces murs,
construits en pierre de taille de moyen appareil, bordent le chemin qui
longe l'Odon, entre le couvent du Bon-Sauveur et la place Fontette.
L'abbaye de Sainte-Trinité de Caen, ou Yabbaye aux Dames, n'a pas
une origine moins ancienne ni moins illustre que celle de Saint-Étienne.
Elle fut fondée par Math ilde de Flandre, femme de Guillaume le
Bâtard, duc de Normandie, au commencement de l'an 1066, c'est-à-
(1) Antiquités anglo-normandes, par Ducarel, trad. de l'anglois par A.-L. Lechaudé d'Anisy,
1823-1825, in-8°.
dire au moment où ce prince préparoit son expédition d'Angleterre, et
la dédicace de l'église fut célébrée le 18 juin de cette môme année, en
présence de Guillaume et de Mathilde. Ce monastère étoit destiné à
recevoir des religieuses de l'ordre de Saint-Benoît, choisies dans les pre-
mières familles du pays. Le duc Guillaume lui-même voulut y placer sa
fille Cécile, qui, plus tard, en devint abbesse ; et après la conquête de
l'Angleterre, il fit don à la nouvelle abbaye d'un grand nombre d'impor-
tantes seigneuries, situées dans ce pays. La pieuse reine Mathilde ne
qu'elle avoit fon-
se montra pas moins libérale envers la communauté
dée, et lorsqu'elle mourut (1083), elle lui laissa par testament sa cou-
d'orfè-
ronne, ses ornements royaux, ainsi que de précieux ouvrages
vrerie, et voulut y avoir sa sépulture. Robert Courte-Heuse, fils de
Guillaume le Conquérant et son successeur au duché de Normandie, en
témoignage d'affection pour sa soeur Cécile, alors abbesse de la Sainte-
Trinité, accrut encore les dotations de l'abbaye. A son retour de la
croisade, en l'année 1100, rapportant pour trophée l'étendard des Sar-
rasins, qu'il avoit enleve a la bataille d'Ascalon, il en fit hommage,
selon Robert Wace, à l'église de ce monastère, où il est resté longtemps
déposé. D'autres historiens assurent que cet étendard fut suspendu à la
voûte de l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem.
Des constructions primitives de cette grande abbaye, il ne reste plus
de conservation
que l'église, laquelle est heureusement dans un état
qui laisse peu de chose à regretter. L'édifice, en forme de croix latine,
l'église abbatiale de
est moins vaste, moins élevé, mais plus orné que
Saint-Étienne. La façade, dans les archivoltes de ses portes et de ses
fenêtres, offre plusieurs rangs de zigzags, et sa décoration variée, quoique
d'un style simple, contraste avec la sévérité un peu aride de la façade
de Saint-Étienne. A l'intérieur, des frettes crénelées se déroulent
nef ; les piliers sont moins massifs que dans
autour des arcades de la
d'autres monuments du même temps; les colonnes ont plus d'élé-
vation et de hardiesse; leurs chapiteaux sont ornés de feuillages d'un
bel effet, et de nombreuses bandes de quatre-feuilles décorent les
arcades du transsept. Au-dessus de la nef, une galerie légère tient la
place du triforium ; les petites colonnes de cette galerie portent des
chapiteaux couverts d'ornements bizarres et de figures, dont plusieurs
sont symboliques, entre autres deux chimères ailées.
On voit dans le choeur le tombeau de la reine Mathilde, renversé
par les huguenots en 1562, profané de nouveau en 1793, et rétabli
en 1819. Le monument actuel est très-simple. Ce qui en fait tout le
prix, c'est la table de marbre du sépulcre primitif, qui, ayant échappé
deux fois à la destruction, recouvre encore le nouveau cénotaphe. Elle
porte l'inscription suivante, en caractères du XIesiècle, disposée sur deux
lignes autour de cette table :
(I) Voici la traduction que l'abbé De la Rue a faite de cette épitaphe : « Sous ce magnifiquetombeau
repose Mathilde, dont la vie prouva qu'elle étoit un illustre rejeton de nos rois. Elle eut pour père le duc
de Flandre, pour mère Adèle, fille du roi Robert et soeur du roi Henri. Son mari fut le noble roi
Guillaume. Elle fit bâtir ce temple, sa dernière demeure, et, après l'avoir enrichi par de grandes posses-
sions et lui avoir abondammentfourni toutes les choses nécessaires, elle en fit célébrer la dédicace. Elle
aima la piété, elle consola les pauvres, et, pauvre pour elle-même, elle ne se trouva riche que pour distri-
buer ses trésors aux indigents. C'est par cette conduite que le Ier novembre,après six heures du matin,
elle alla jouir de la vie éternelle. »
Il existoit autrefois dans l'église de Sainte-Trinité d'autres monu-
Cecile et deux autres
ments funèbres qui ont ete détruits. L abbesse
princesses de la famille de Guillaume le Conquérant y avoient leurs
tombeaux. L'emplacement n en a pas été reconnu.
Nous ne devons pas omettre de signaler la crypte placée sous le choeur,
et qui servoit probablement de sépulture aux abbesses. Ea voûte de
colonnes
cette vaste chapelle souterraine est soutenue par trente-six
cylindriques, dont seize seulement sont isolées ; celles du pourtour, en
partie engagées dans les murs, reposent sur un stylobate continu.
Au-dessus de l'église s'élèvent trois tours carrées, l'une au centre
de l'édifice, les deux autres à l'occident, de chacun des deux côtés du
portail. Ces tours sont du commencement du xIIIe siècle; mais les cou-
ronnements ornés de consoles et de balustrades qui terminent celles de
l'ouest ont été ajoutés dans les premières années du siècle dernier.
On a malheureusement détruit, de nos jours, l'ancienne porte de
l'abbaye, un vaste édifice d'architecture romane qu'on appeloit le Palais
de Mathilde, et ce qui restoit des fortifications construites en 1336, au-
modernes et ont été
tour du monastère. Les bâtiments d'habitation sont
transformés en hôpital.
L'église de Saint-Pierre, autrefois la première paroisse de Caen et le
lieu ordinaire des grandes solennités religieuses, est aujourdhui encore
de celte ville. Son architec-
un des monuments les plus intéressants
détruit pas l'unité
ture appartient a divers siècles, ce qui pourtant ne
de l'ensemble. Les parties les plus anciennes sont la tour, la nef et le
choeur, qui toutefois ne remontent pas au delà du XVIe siècle.
La tour de Saint-Pierre, chef-d'oeuvre de hardiesse et d'élégance, a
été construite en l'année 1308. Elle est surmontée
d'une pyramide
pieds au-dessus du sol,
octogone s'élevant à deux cent vingt-sept
de rosaces. Les belles
et percée de quarante-huit ouvertures en forme
proportions de cette pyramide, les huit clochetons à jour qui l'accom-
les arêtes de ses
pagnent, et les crochets qui garnissent extérieurement
huit faces, contribuent beaucoup au merveilleux effet de son aspect.
Le portail ou porche placé sous la tour avoit ete décoré de statues en
1608. Des réparations modernes 1ont complètement dénaturé.
Le portail occidental, ou grand portail, dont la façade s'ouvre sur la
place du Marché-Neuf, a été terminé en 1384 ; mais il a subi, de-
puis cette époque, diverses altérations. Les bords du fronton découpé
à jour qui le couronne, sont garnis de feuilles contournées dans le
style du xve siècle. Plusieurs traits de la vie de saint Pierre étoient
sculptés sur le tympan de la porte; ces ornements ont été presque en-
tièrement détruits en 1793. L'entrée latérale, au nord, du côté opposé
à la tour, est décorée d'élégantes moulures et couronnée d'un fronton
garni de dentelures trilobées. Les sculptures du tympan, représentant
des scènes du Jugement dernier, sont très-endommagées, et la porte a
été murée.
Le chevet, commencé en 1521 par un architecte de Caen, Hector So-
hier, passe avec raison pour un des plus beaux spécimens de l'art de
la renaissance en Normandie. On doit surtout admirer, dans cette par-
tie de l'église, la hardiesse des voûtes chargées de nervures et de pen-
dentifs, et la grâce, la variété, la multiplicité des décorations extei ieuies
de l'abside. Les arceaux du choeur, oeuvre du même architecte, sont
aussi très-remarquables par leur protonde saillie et leur élégance.
Le choeur lui-même et la nef, construits, comme nous l'avons dit,
au XIVesiècle, mais complètement
retouches au XVe,offrent, en géné-
ral, le caractère des derniers temps de l'époque ogivale : guirlandes de
feuilles frisées autour des fenêtres; contre-forts couronnés d'aiguilles hé-
rissées de crochets, nervures prismatiques des voûtes, colonnes
élancées,
à chapiteaux ornés de feuilles déchiquetées.
Les arcades de la nef reposent sur des piliers massifs. Les sculptures
piliers
grossières qui forment les chapiteaux des deux derniers de ces
singularité. Elles
du côté gauche, méritent d'être signalées pour leur
fabliaux du moyen
représentent divers sujets tirés des romans ou des
âge; on y distingue notamment le philosophe Aristote, portant sur son
dAndely, trou¬
dos sa maîtresse (épisode du Lai d Aristote, par Henri
vère normand); Tristan de Leonois, chevalier de la Table ronde, tra-
Chres-
versant la mer sur son épée (roman de Tristan de Léonois, par
tien de Troyes); Lancelot du Lac voyageant en charrette pour aller re-
trouver la reine Genèvre (roman de Lancelot du Lac).
L'ancienne église paroissiale de Saint-Etienne le Vieux, qui depuis
longtemps ne sert plus au culte, remonte par sa fondation à une épo-
que reculée, puisqu'elle existoit déjà au XIesiècle; le patronage en ap-
partenoit à l'abbaye de Sainte-Trinité , par échange fait entre la reine
Mathilde et Odon, évêque de Baveux ; mais l'édifice primitif a disparu.
L'église actuelle, qui offre une longue nef avec des bas-côtés garnis de
chapelles, et un transsept surmonté d'une tour assez hardie, est presque
tout entière du xve siècle, à l'exception de quelques chapiteaux du
choeur qu'on peut regarder comme plus anciens. Tout le côté occiden-
tal de la nef et le charmant portail de la façade appartiennent au style
ogival le plus fleuri. Les culs-de-lampe qui ornent les voûtes du sanc-
tuaire, et, à l'extérieur, les arcs-boutants et les contre-forts du chevet,
sont de la renaissance.
Sur l'un de ces contre-forts, près d'une porte donnant entrée à l'é-
glise par la rue de la Préfecture, est incrustée une statue équestre mu-
tilée et très-fruste, qui paroît n'avoir pas été faite pour la place qu'elle
occupe. À en juger par le costume du personnage représenté, cette sta-
tue semble être une oeuvre du xIIe siècle. Un vieil historien de Caen la
regardoit comme « l'image de Guillaume le Conquérant, faisant son
entrée dans la ville. » L'état de mutilation de cette sculpture ne permet
guère aujourd'hui d'en déterminer le sujet avec certitude.
L'ancienne église Saint-Sauveur, convertie en halle aux grains, est un
composé de constructions de diverses époques. La partie la plus an-
cienne est le dessous du clocher, où l'on distingue encore des colonnes
romanes et des ouvertures bouchées qui étoient à plein cintre. La tour,
autrefois surmontée d'une flèche en charpente qu'on a détruite, et
maintenant recouverte d'un toit à quatre pans, a peu de caractère; la
base de cette tour doit être des premières années du XIIIe siècle, à en
juger par la forme des ogives et les dents de scie de la corniche. L'in-
térieur de la nef annonce le xve siècle. Le choeur, dans le style de la
Renaissance, avoit des voûtes garnies de pendentifs et de diverses mou-
lures en relief qui ont été détachées lors des réparations faites à la halle
il y a quelques années; plusieurs de ces moulures ont été transportées
déposé
au musée de la Société des Antiquaires de Normandie. On a
aussi dans ce musée des fragments de l'ancien portail de Saint-Sauveur,
oeuvre charmante du XVesiècle, dont les voussures étoient couvertes
de guirlandes de feuillage découpées à jour. Le portail actuel a été
élevé peu de temps avant la Révolution.
L'église Notre-Dame de Froide rue est formée de deux édifices accolés
dans le sens de leur longueur, et dont la communication n'existe qu'au
hardiesse. Des
moyen d'une construction en arc, remarquable par sa
deux absides de cette église, l'une, construite vers la fin du xve siècle,
offre des fenêtres festonnées, chargées de ciselures exécutées avec beau-
Saint-Eustache, est un ou-
coup de délicatesse. L'autre abside, dite de
le maître-autel, un vi-
vrage de la Renaissance. On remarque, derrière
trail assez beau, représentant la sainte Vierge debout, tenant dans ses
bras Jésus enfant. " C'est, dit un historien de Caen, le seul monument
de cette espèce qui se soit conservé dans notre ville. » La tour, sur-
montée d'une flèche de pierre travaillée à jour, est d'un bel effet, quoi-
Saint-Pierre. L église
que moins élégante et moins élevée que celle de
de Notre-Dame de Froide rue a gardé son titre de paroisse ; mais elle a
reçu la dénomination de Saint-Sauveur, depuis que
l'ancienne église de
ce nom a cessé d'être consacrée au culte.
L'église de Saint-Nicolas, autrefois dépendante de l'abbaye de Saint-
Étienne, a été construite vers l'an 1083. C'est un des monuments
religieux les plus anciens et les plus précieux de la ville de Caen, parce
qu'on y trouve un type intéressant de l'architecture romane secon-
daire, presque sans mélange d'ornements étrangers et sans altérations
modernes. Sa forme est celle d'une croix latine. A l'extérieur, les
fenêtres demi-circulaires sont accompagnées de curieux modillons à
figures grimaçantes, et des arcatures supportées par des colonnes gar-
nissent la partie basse de l'abside. A l'intérieur, l'édifice est divisé, dans
son élévation, en deux ordres. Au premier ordre, on trouve de belles
arcades cintrées, à plusieurs retraits, reposant sur des colonnes engagées,
cantonnées en croix. Les chapiteaux des arcades qui séparent la nef
des ailes sont ornés seulement de deux larges feuilles recourbées en
volutes et séparées par une espèce de console. L'hémicycle de l'abside
présente une courbe gracieuse, et les cintres qui encadrent les fenêtres
du premier étage sont garnis de tores. Tous ces caractères indiquent
la seconde moitié du XIe siècle. Une rampe en pierre, à moulures pris-
matiques, court entre les colonnes qui soutiennent les cintres des fenêtres
du second ordre. Cette construction, évidemment postérieure au reste
de l'église, se rapporte à des réparations faites vers la fin du xve ou au
commencement du XVIesiècle. C'est aussi à cette époque qu'a été édi-
fiée, du moins en grande partie, la tour principale, accolée à la nef près
de la façade. Une autre tour peu élevée surmonte le transsept. L'église
de Saint-Nicolas, supprimée comme paroisse depuis la Révolution, a
servi longtemps d'écurie. Aujourd'hui, une fabrique de plomb de chasse
est établie dans la tour occidentale.
L'église de Saint-Jean, restée paroisse, existoit dès le milieu du XIe
siècle, puisqu'elle se trouve mentionnée dans la charte de fondation de
l'abbaye deTroarn en 1059. Rien ne subsiste plus de l'édifice primitif.
Gravement endommagée lors du siège de Caen par les Anglois en 1417,
cette église fut alors reconstruite presque entièrement, et l'on y travailla
pendant un siècle. Dans son état actuel, elle peut fournir un bon
exemple du style ogival de la dernière époque. « Ce style, dit M. de
Caumont, est écrit dans les compartiments contournés des fenêtres
garnies à l'extérieur de feuillages frisés que supportent des animaux
de différents genres, dans des postures forcées et bizarres; il est écrit
dans les colonnettes à fûts ovales, équarris du côté le plus apparent;
dans les chapiteaux de ces colonnes, couverts de feuilles déchiquetées;
dans la forme des balustrades, enfin dans les nervures prismatiques qui
décèlent de tous côtés, jusque dans les moindres détails, le ciseau des
artistes du xve ou du commencement du XVIesiècle. »
La petite église de Saint-Gilles, située dans le faubourg de ce nom,
près de l'abbaye de Sainte-Trinité, fut fondée, en exécution d'une charte
de Guillaume-Ie-Conquérant, datée de l'an 1082. Elle est intéressante
par son ancienneté, bien qu'elle paroisse n'avoir été construite que
cent ans environ après cette époque. On ne sauroit, en effet, partager
l'opinion de l'abbé de la Rue, qui considère cette église comme un
monument de la fin du XIesiècle. Les arcades à plein cintre de la nef,
portées sur des pilastres garnis de colonnettes groupées, et les arca-
tures qui les surmontent, annoncent par leur travail la seconde moitié
du XIIe siècle; il en est de même de la corniche ornée de dents de scie,
qu'on remarque sur les murs extérieurs de cette partie de l'édifice. Le
choeur, beaucoup moins ancien, appartient au style ogival ; il a été
construit, au XVesiècle, par un architecte de Caen, nommé Blaise
Leprestre. Le portail latéral, du côté du sud, offre de jolis détails; c'est
une oeuvre de la même époque que le choeur, ou peut-être du com-
mencement du XVIesiècle. Le quartier Saint-Gilles, à cause de sa posi-
tion riante et salubre, fut longtemps habité par les personnages les plus
distingués de la ville, et l'on y trouve encore d'anciens manoirs d'une
construction curieuse. C'est dans une de ces maisons, rue Basse-Saint-
Gilles, que naquit, en 1463, le poëte Jean Marot.
Nous signalerons comme un monument du XIesiècle, d'un assez grand
intérêt, quoique fort dégradé, l'église de Saint-Georges-du-Château, adossée
aux murs de la citadelle et maintenant convertie en magasin pour l'artil-
lerie de la place. On remarque aussi quelques restes de l'époque romane
dans l'ancienne église collégiale du Sépulcre,également abandonnée au-
jourd'hui à l'administration de la guerre. A la même période de l'art ap-
partient la tour méridionale de l'église Saint-Michel de Vaucelles, mais le
reste de l'édifice est moderne. Les églises deSaint-Ouen et de Saint-Julien,
dont les parties les plus anciennes paroissent être de la fin du xve siècle,
n'ont rien qui soit digne d'être recommandé à l'attention des archéologues.
Il ne reste plus que des vestiges de la chapelle de Sainte-Paix fondée
par Guillaume-le-Conquérant, et qui devoit son nom à la Paix ou trêve
de Dieu, publiée dans un concile tenu à Caen en 1061, l'année même
de sa fondation. Quelques bas-reliefs provenant de cette chapelle ont
été transportés au musée de la Société des Antiquaires. Parmi ces
fragments, on distingue une représentation du Christ, la tête ceinte du
nimbe croisé, tenant un livre de la main gauche et donnant la béné-
diction de la main droite.
Les communautés religieuses étoient fort nombreuses à Caen avant
1780; plusieurs d'entre elles avoient des églises remarquables, qui presque
toutes ont disparu. Parmi celles qui subsistent encore, nous ne voyons
guère à citer que l'église de l'ancien couvent des Cordeliers, occupé
aujourd'hui par les Bénédictines du Saint-Sacrement. Cette église avoit
été gravement endommagée pendant les guerres de religion (1562) et
l'on ne commença à la réédifier qu'en 1578. L'édifice, assez vaste,
appartient donc dans son ensemble à la seconde moitié du XVIesiècle;
toutefois, quelques parties paraissent plus anciennes, notamment les
hautes fenêtres en ogive qui éclairent les bas-côtés de la nef.
L'ancien Hôtel-Dieu, fondé par Guillaume-le-Conquérant, reconstruit
et agrandi au XIIe siècle par Henri II Plantagenet, étoit un monument
considérable et fort curieux qu'on a démoli en 1831. Il n'en reste plus
qu'une salle basse soutenue par des colonnettes avec voûte en arc de
cloître.
Les fortifications du Château, commencées par le duc Guillaume vers
la fin du XIe siècle, furent considérablement augmentées par son fils
Henri Ier. Le donjon, construit entièrement par ce dernier prince, offroit
une tour carrée de plus de quatre-vingts pieds de diamètre, flanquée
de contre-forts et entourée d'une ceinture de murailles également carrée,
aux angles de laquelle s'élevoient quatre tours rondes. Cette citadelle
redoutable, environnée de fossés profonds, fut démolie en 1793. D'im-
portantes reconstructions avoient été faites dans toutes les parties du
château sous Louis XII et sous François Ier. Sous Henri III, le seigneur
d'O, gouverneur de Caen et lieutenant du Roi en Basse-Normandie, y
fit aussi exécuter de grands travaux. On ne voit plus aucune trace du
palais que les ducs de Normandie possédoient dans l'enceinte de la
forteresse, et dont Raoul Tortaire, moine de l'abbaye de Fleury-sur-
Loire, qui le visita au XIIesiècle, nous a laissé une pompeuse description.
Mais les murs de l'enceinte elle-même n'ont pas été entièrement détruits.
La partie la plus intéressante de ces vieilles fortifications est la porte
dite de secours, autrefois précédée d'un pont défendu en avant par
des tours qui ont été abaissées.
Parmi les monuments intéressants d'architecture civile que la ville
de Caen renferme en assez grand nombre, nous citerons d'abord l'ancien
hôtel de ville, place Saint-Pierre, construit en 1538 par Nicolas le
Valois, seigneur d'Écoville, et désigné encore sous le nom d'hôtel ou
manoir d'Écoville. Il est formé de quatre corps de logis disposés autour
d'une cour carrée. Le premier, qui fait face à la place Saint-Pierre, est
décoré d'un ordre composite; la porte d'entrée à plein cintre étoit
autrefois surmontée d'une statue équestre de ronde bosse, représentant
le cavalier de l'Apocalypse, et qui a été détruite en 1793, ainsi que la
plus grande partie des ornements des croisées et de la corniche. Le
bâtiment placé au fond de la cour est divisé en trois pavillons. Celui
du milieu est surmonté d'un toit fort élevé et d'une fenêtre en lucarne,
richement décorée d'arcades, de colonnes et d'entablements. A droite
de ce pavillon se trouve l'entrée principale de l'hôtel, sous un péristyle
ouvert formé de deux arcades et conduisant à un escalier en spirale,
couronné à l'extérieur de deux lanternes à jour d'une grande élégance,
qui rappellent à quelques égards les charmants détails du château de
Chambord. Le troisième corps de logis, formant le côté droit de la
cour, est remarquable par la beauté des sculptures et des ornements
qui garnissent les trumeaux des fenêtres. La partie inférieure de ces
trumeaux offre des niches dans lesquelles sont placées deux statues
représentant David tenant la tête de Goliath, et Judith la tête d'Holo-
pherne. Dans la partie supérieure, des écussons armoriés sont soutenus
des nymphes et des génies, et accompagnés de trophées habilement
par
ajustés ; des
le tout est enrichi de lucarnes pyramidales terminées par
l'édifice sont décorés de médaillons et de têtes
vases; enfin les murs de
relief de personnages historiques ou fabuleux. Suivant la tradition,
en
confié la
c'est à des architectes florentins que Nicolas le Valois avoit
d'Écoville
construction de ce riche hôtel. De sa famille, le manoir
au
XVIIe siècle,
en la possession d'un homme érudit et zélé pour
passa,
le progrès des sciences, Moysant de Brieux, qui en fit un
lieu de réunion
fonda l'Académie de Caen. En
pour les savants et les littérateurs, et y le
1733, cette maison ayant été achetée des héritiers de Brieux par
corps municipal, devint l'hôtel de ville et conserva cette destination
jusqu'en 1793.
de la
Autour de la cour des anciennes halles, appelée aussi cour
d abord
Monnoie, se groupent plusieurs édifices dignes d'attention. Cest
l'hôtel Duval de Mondrainville, bâti au XVIe siècle par Étienne Duval,
qu'il
riche bourgeois de Caen, anobli sous Henri II pour les services
colonnes
avoit rendus à l'État. Trois grandes arcades, séparées par quatre
d'ordre composite, forment le rez-de-chaussée primitif de cet hôtel,
subdivisé à une époque postérieure par un plancher faisant entre-sol. La
façade se complète, au-dessus de ces trois arcades, par un attique percé
figurent
de petites fenêtres jumelles garnies de vitraux peints, où
Duval de Mondrainville. On monte
encore les armoiries de la famille
tourelle carrée
à cet attique par un escalier en vis, pratiqué dans une
dôme couronne
faisant retour d'équerre à la façade; une lanterme en
lucarne richement
cet escalier. Le milieu de l'édifice est terminé par une
ornée. Les dés du piédestal des colonnes présentent sur leur
face prin-
l'on distingue les
cipale des bas-reliefs, dégradés par le temps, mais où
de la façade opposée à
quatre cavaliers de l'Apocalypse. A l'extrémité
l'escalier, l'humidité ronge les débris d'un grand médaillon où lon
légende
entrevoit des nuées, une étoile, et des rayons entourés d'une
latines
devenue illisible. Sous la corniche se trouvent trois inscriptions
en lettres noires.
Dans la cour dite de la Monnoie est une autre maison de la Renais-
sance qui a aussi appartenu à Duval de Mondrainville et qu'on avoit
convertie, au XVIIesiècle, en hôtel des monnoies. Une jolie tourelle en
encorbellement occupe le centre de la façade. On y lit l'inscription sui-
vante qui se rencontre également sous la corniche de l'hôtel Duval :
ANT.
NE VITAM SILENTIO PRYETERE
peuple qui occupoit, avec les Viducasses, le riche et fertile pays appelé
depuis le Bessin. Son importance à cette époque est attestée par les
nombreux monuments gallo-romains dont on a trouvé les restes dans
son enceinte. Longtemps avant la chute de l'empire, probablementvers
la fin du IIIe siècle, des pirates saxons, venus de la Scandinavie,s'avan-
cèrent sur les côtes du Bessin et y exercèrent de cruels ravages. On leur
attribue la destruction de la cité des Viducasses, Aregenus, dont nous avons
signalé les ruines au village de Vieux. Le territoire de ce peuple fut
alors réuni à celui des Bajocasses, et il n'y eut plus qu'une capitale
pour tout le pays, Bayeux, qui est la civitas Bajocassium de la Notice
de l'empire. Les Saxons avoient trouve les rivages du Bessin accessibles
navires ; la contrée leur plut, et, soit après
en tous temps à leurs légers
ils établirent
une lutte contre les Romains, soit de leur consentement, y
des colonies, d'où lui vint la dénomination générale de littus saxo¬
nicum ; les colons eux-mêmes reçurent le nom de Saxons Bajocasses,
désignation qui, au moyen âge, se traduisit en langue romane par
cette appellation : les Saisnes ou Sesnes de Bayeux. Lorsque saint Exu-
père ou saint Spire introduisit le christianisme, au Ive siècle, parmi les
habitants du Bessin, et devint le premier évêque de Bayeux, la colonie
saxonne résista avec une sauvage énergie à ses prédications; l'idolâtrie
se maintint longtemps a la porte même de la cite épiscopale, sur
le
mont Phaunus, où s'élevoit, suivant la tradition, un temple druidique
que saint Vigor fit détruire, deux siècles plus tard, pour établir un mo-
nastère sur ses ruines. Les Sesnes de Bayeux fournirent leur contingent
à l'armée qui, sous les ordres d'Aétius, défit les Huns dans les champs
catalauniques (45i); trente-cinq ans plus tard ils se réunirent aux Francs
pour expulser les Romains de la Gaule, et, après la victoire de Tolbiac,
ils se soumirent à la domination de Clovis. Les rois de la première
race établirent à Bayeux un hôtel des monnoies, où l'on frappa des
pièces d'or portant l'inscription HBAIOCAS. Lorsque Charlemagne, vain-
queur des Saxons de la Germanie, répartit ses captifs entre plusieurs
contrées de France, il en envoya un grand nombre dans les campagnes
du pays Bessin. L'ancienne colonie saxonne se trouva ainsi fortifiée
par l'arrivée de nouvelles recrues germaniques; le canton qu'elle oc-
cupoit est désigné dans les capitulaires de Charles le Chauve sous le nom
cVOtlingua Saxonia, petite Saxe. Les Normands, après avoir ravagé le
Bessin en 844, sous la conduite de Biaern et de Hastings, poussèrent
leurs incursions, quatre ans plus tard, jusqu'au coeur du pays, saccagèrent
Bayeux et égorgèrent Walfrid, évêque du diocèse. En 899, ils renou-
velèrent leurs attaques, ayant cette fois à leur tête le célèbre Rollon,
qui vint mettre le siège devant Bayeux. Les habitants se défendirent
vaillamment et firent prisonnier Bothon, un des chefs de l'armée assié-
geante, puis, sur la proposition des Normands, ils se décidèrent à rendre
leur captif, et obtinrent à ce prix un an de trêve. Rollon s'éloigna,
mais, l'année expirée, il quitta les environs de Paris, descendit la Seine
jusqu'à la mer, revint devant Bayeux et s'empara de la place par sur¬
prise. Bérenger, comte du Bessin, qui la défendoit, fut tué avec un
grand nombre d'habitants, et sa fille, la belle Poppa, tomba au pouvoir
du vainqueur (900). La ville avoit été incendiée et presque entièrement
détruite pendant le siége. Rollon, devenu duc de Normandie, donna
Bayeux à Bothon, qui en releva les fortifications et reconstruisit la
plupart de ses églises. Sous les successeurs de Rollon, la capitale du
Bessin devint la seconde cité de la Normandie et le séjour préféré des
familles saxonnes, qui tenoient à conserver la langue de leurs ancêtres,
dont l'usage se perdoit peu à peu dans les autres parties du duché.
On lit en effet dans la chronique rimée de Benoît de Sainte-More
que le second duc de Normandie, Guillaume Longue-Epée, fils de
Rollon et de Poppa, ne voulant pas que son fils Richard sans Peur
fût élevé à Rouen, parce qu'on n'y parloit que le roman, confia
l'éducation de cet enfant au comte de Bayeux, près duquel le jeune
prince apprit à parler « danois. » Richard sans Peur, du vivant de
son père, reçut à Bayeux le serment de fidélité des grands du duché,
et, après la mort de Guillaume, il ne cessa pas d'affectionner le
séjour de cette ville où il fit construire vers l'an 960 un château,
avec une chapelle dédiée à saint Ouen et devenue plus tard paroisse.
Au temps des premiers ducs, l'enceinte fortifiée de la cité, flanquée de
douze grosses tours, ne renfermoit pas seulement le château, la ca-
thédrale et les principales églises; elle comprenoit en outre, dans sa
ligne de défense, une partie des faubourgs de Saint-Laurent, de
Saint-Patrice et de Saint-Jean. La ville étoit rapidement arrivée à sa
plus grande expansion, et le trop plein de sa population débordoit
déjà dans ses champs fertiles. Cet essor fut bientôt arrêté par un évé-
nement funeste. En l'année 1046, un vaste incendie éclata dans Bayeux,
dont presque toutes les maisons étoient construites en bois. La cathé-
drale, les églises, les monastères, tout fut consumé par les flammes.
En quelques années le zèle des habitants parvint à réparer une partie
de ce désastre, mais quelques-uns des quartiers de la cité ne furent
point rebâtis, et, suivant l'expression d'un historien, « les murs de
l'ancienne enceinte se resserrèrent autour de ce corps amaigri, comme
vêtement devenu trop ample. » L'évêque Hugues, cousin du duc
un
il consacra
Robert Ier, gouvernoit alors le diocèse de Bayeux ;
la cathédrale. Ce puis-
des sommes considérables à la reconstruction de
prélat, Regnauld, comte du Bessin, et Grimoult du Plessis, un
sant
à la
des seigneurs les plus influents du pays, prirent une part active
la
révolte des barons normands contre Guillaume le Bâtard. On sait que
allié le roi de
lutte se termina par la victoire de Guillaume et de son
de la
France Henri Ier, au Val des Dunes (1047). Une des conséquences
de
défaite des révoltés devoit être la suppression du titre de comte
Bessin : Regnauld, dépouillé de cette dignité,
fut remplacé par un simple
de Bayeux fut le célèbre
vicomte. Le successeur de Hugues à l'évêché
Odon de Conteville, frère utérin de Guillaume le Bâtard. Après avoir
fait construire à Port-en-Bessin et fourni à son frère plus de cent na-
à éta-
vires pour la conquête de l'Angleterre, Odon l'aida puissamment
blir sa domination dans ce pays, et en fut nommé gouverneur en
Hereford
l'absence de Guillaume, avec les titres de comte de Kent et de
mais ambitieux et remuant,
et de grand justicier. Esprit supérieur,
mêla à
l'évêque de Bayeux conçut l'idée de se faire élire pape et se
1 également
diverses intrigues pour arriver à ce but. L'histoire accuse
de s'être livré en Angleterre à d'iniques concussions qui
attirèrent sur
1082, il y
lui la colère de Guillaume. Arrêté et conduit à Rouen en
prisonnier jusqu'à la mort de son frère. Plus tard, il chercha vai-
resta
la de son neveu
nement à faire passer la couronne d'Angleterre sur tête
Robert Courte-Heuse, partit avec ce prince pour la Terre-Sainte et
chemin, à Palerme, en 1097. La ville de Bayeux doit à cet
mourut en
la restauration du monastère de Saint-Vigor et l'achèvement de
évêque
du XIesiècle rap-
la cathédrale; un autre monument précieux des arts
où sa
pelle le souvenir du même prélat : c'est la tapisserie de Bayeux,
Epis-
figure est plusieurs fois reproduite, avec cette seule désignation :
Odon avoit beaucoup fait pour sa ville épiscopale ; nous avons
copus.
témoignage curieux de la prospérité à laquelle elle étoit parvenue
un
de son temps, et particulièrement de la magnificence de la cathédrale
dont il avoit terminé la construction; c'est une épître latine de Raoul
Tortaire, moine de l'abbaye de Fleury-sur-Loire, contenant le récit d'un
voyage qu'il fit vers cette époque dans le Bessin : « Je pars, dit le pieux
voyageur, pour Bayeux, où se présentent à la vue des édifices pom-
peux et les tours élevées d'un temple admirable, qu'une pierre polie
décore à l'intérieur, tandis qu'au dehors il se distingue par ses statues.
Dans ce temple brillent des vases de divers métaux, les toiles les Plus
fines, l'écarlate et la pourpre la plus éclatante; là des cercles de fer sou-
tiennent une couronne d'argent fixée solidement à la voûte; l'or brille
sur toute sa surface, et un ouvrier habile l'a ceinte d'une suite de petites
tours élégantes. A peine dans la vaste étendue de sa double muraille la
basilique peut-elle contenir cet ornement, qui n'a pas son pareil en pe-
santeur (I). » Henri Ier, roi d'Angleterre, ayant débarqué en Normandie
l'an 1106, pour enlever ce duché à son frère Robert Courte-Heuse,
devenu odieux aux Normands, recruta beaucoup de Manceaux et
d'Angevins et fut reçu partout comme un libérateur. Les seules villes
de Bayeux et de Falaise restèrent fidèles au duc Robert. Roger d'Aul-
nay, qui commandoit pour lui à Bayeux, faisoit des excursionsjusqu'aux
portes de Caen ; il mit le feu à l'église de Secqueville où s'étoit ré-
fugié Robert Hamon, seigneur de Thorigny, partisan du roi Henri, le
fit prisonnier et l'emmena à Bayeux où le peuple vouloit le pendre
:
Mult sovent li escrioient :
La hart, la hart al traïtor
Ki a guerpi son dreit seignor (2).
(i) Histoire des villes de France, article Bayeux, par Aristide Guilbert, tome V, p. 692.
Ce règne de la terreur protestante dura quatorze mois. L'arrivée du
comte de Matignon à Bayeux, le 16 septembre 1563, fit passer la force
du côté des catholiques. Cependant les chefs de l'Église réformée
continuèrent à agiter le Bessin jusqu'à la pacification de 1567.
Le tocsin de la Saint-Barthélemy (1572) n'eut point d'écho à
Bayeux et n'y fit pas une seule victime. A la reprise des hosti-
lités, cette ville resta sous l'autorité de Charles IX ; elle se déclara
aussi pour Henri III lorsqu'il rompit avec les Guises. Le capitaine de
Viques, qui s'en empara pour le compte de la Ligue, ne put s'y main-
tenir, et, dès les premiers jours de l'année 1590, elle fut rendue à
Henri IV.
Toutes les institutions judiciaires de Bayeux relevoient du parlement
de Rouen et de la généralité de Caen, mais les démêlés de la royauté
avec la haute magistrature de la province firent transporter deux fois
à Bayeux le siège de la justice suprême du duché. Des commissaires
nommés par François Ier y tinrent les Grands Jours en 1540 et 1548,
et, sous Louis XV, après la suppression des parlements, le roi, à l'insti-
gation du chancelier Maupeou, y établit un conseil supérieur auquel
devoit, ressortir toute la basse Normandie. Ce conseil, installé le 2 oc-
tobre 1771, fut supprimé trois ans plus tard, lorsque Louis XVI, à son
avénement, rappela le parlement de Rouen.
La ville de Bayeux, dépouillée de son château ducal et de la plu-
part de ses églises, qui ont été détruites au temps des troubles révolu-
tionnaires, a du moins conservé sa belle cathédrale de Notre-Dame, un
des monuments religieux les plus importants et les plus remarquables
de la basse Normandie. Reconstruite à diverses époques, après les in-
cendies et les dévastations dont nous avons parlé, cette basilique porte
l'empreinte de toutes les transformations que l'art religieux a subies
durant le moyen âge. L'édifice, en forme de croix latine, a 306 pieds
de longueur totale, sur une largeur de 60 pieds; sa hauteur, de la base
à la voûte, est de 70 pieds. Le choeur et la nef sont flanqués de colla-
téraux de 18 pieds de largeur, autour desquels rayonnent des cha¬
pelles de 15 pieds de profondeur. Le transsept est long de III pieds,
large de 33 et haut de 75.
L'extérieur du monument est d'un aspect imposant et plein de gran-
deur. La façade principale, celle de l'ouest, a conservé ses deux tours
romanes, que couronnent deux élégantes flèches pyramidales du XIIe
siècle, hautes de 225 pieds. Les cinq portes de cette façade, avec leurs
frontons de couronnementet leurs voussures ornées de personnages, sont
du centre, primitivement divisée en
un placage du XIVesiècle. Celle
deux parties par un trumeau en pierre portant une magnifique statue
de la Vierge, a été détruite et refaite à une époque récente ; elle offre
aujourd'hui peu d'intérêt. Dans le tympan de la porte placée à droite
de la grande entrée, se distingue la Résurrection des morts et le Juge-
différentes scènes de la
ment dernier; du côté gauche, on a représenté
vie de Jésus-Christ.
actuel, au-
Le portail du transsept méridional qui fait face à l'évêché
trefois l'hôtel du Doyen, est orné d'une profusion de délicates et gra-
mutilés,
cieuses sculptures. Ses principaux bas-reliefs, malheureusement
rappelant l'histoire de saint Thomas de Cantorbéry; ses deux belles
de ferrures fleurdelisées ou bar-
portes, en bois de châtaignier, décorées
dées de clous, sont une oeuvre du XIVe siècle. A
l'autre extrémité, du
au-dessous
côté du nord, le transsept est percé d'une fenêtre rayonnante,
autrefois servoit
de laquelle s'ouvre une porte ogivale du xve siècle, qui
exclusivement à l'entrée de l'évêque. La tour centrale, dite de
l'Horloge,
l'effet ma-
qui s'élève au-dessus du transsept, contribue puissamment à
xIIe siècle, rebâtie au XIIIe, continuée
jestueux du monument. Fondée au
pendant les siècles suivants, cette tour offre, dans ses parties les plus
Elle
importantes, les caractères du style ogival de la dernière époque.
d'ordre dorique
avoit été surmontée, au siècle dernier, d'une lanterne
de ces constructions successives,
par l'architecte Moussard. Par suite
faites d'ailleurs en matériaux peu résistants, des écrasements si graves
sont manifestés dans les points d'appui, qu'il a fallu cintrer les
se
démolir les parties supé¬
quatre arcs-doubleaux, étayer les piliers et
rieures, qui sont aujourd'hui (1866) en voie de reconstruction. La forme
de la tour est octogonale. Sa base est assise sur une plate-forme car-
rée entourée d'une élégante galerie qui domine de 30 pieds la toi-
ture de l'édifice, et que surmontent douze clochetons ornés de figures
chimériques ou allégoriques. Aux angles de la plate-forme sont sculptés
des personnages de grandeur naturelle figurant des scènes de l'Ancien
et du Nouveau Testament : sainte Anne apprenant à lire à la sainte
Vierge; les rois David et Salomon ; la Vierge tenant l'enfant Jésus dans
ses bras ; Abraham ; le prophète Jérémie, etc. De cette galerie partent
deux beaux escaliers en spirale montant à deux plates-formes entourées
de balustrades et décorées, ainsi que les escaliers, de lions debout te-
nant des écussons aux armes de Normandie ; plus haut, au pourtour
du dôme, des anges aux ailes déployées soutiennent des écussons aux
armes de l'évêque Louis de Harcourt.
En entrant dans la nef par la porte principale, on est frappé d'abord
de la richesse des arcs cintrés du premier ordre et de l'opposition
qu'ils présentent avec les longues fenêtres ogivales qui les surmontent.
Ces arcades romanes aux moulures élégantes et variées sont les restes
de la cathédrale qui existoit au XIIe siècle; au dessus a été greffé, au
XIIIe siècle, le second ordre, qui s'élève jusqu'aux voûtes. Sous la cor-
niche inférieure des galeries, des quatre-feuilles réunis en chaîne en-
tourent la nef comme une guirlande légère incrustée dans la muraille.
Cette frise, qui produit un très-bon effet, ne se rencontre pas fré-
quemment dans les églises monumentales.
Le choeur de la cathédrale de Bayeux offre un des plus beaux types
de l'architecture du xIIIe siècle. L'ornementation en est aussi hardie
que gracieuse. Dans la galerie obscure ou triforium qui règne autour de
l'abside, les arcades sont disposées, au nombre de quatre, sous une plus
grande ogive qui les encadre, et supportées par de légères colonnettes
aux chapiteaux décorés de feuillages. Cet ensemble est d'une extrême
élégance. Aux voûtes du choeur on remarque de très-anciennes et très-
curieuses inscriptions murales peintes en couleur, reproduisant les noms
des vingt et xin premiers évêques de Bayeux ; on y voit aussi les por-
traits en buste de quelques-uns d'entre eux. Des cent quatre magnifiques
stalles qu'on admiroit, il y a peu d'années, dans cette partie de la ca-
thédrale, cinquante-deux ont été enlevées en 1858. Celles qui restent
1588 et 1589 par un menui-
sont fort belles; elles ont été sculptées en
sier de Caen nommé Jacques Lefebvre. A l'entrée du choeur, on voyoit
dernièrement encore un jubé massif soutenu par six colonnes de
marbre noir, et qui coupoit la perspective d'une manière fâcheuse: on
l'a judicieusement fait disparoître.
On compte, autour de la nef et du choeur, vingt et une chapelles,
Cette dernière chapelle,
sans y comprendre celle de la sainte Vierge.
originairement dédiée a la sainte Croix, paroit avoir été construite
après le corps du monument, et probablement sous l'épiscopat de
Philippe de Harcourt (1159). Elle est située à l'extrémité de l'abside
fenêtres ; la voûte s'appuie sur des piliers isolés
et éclairée par cinq
d'une grande délicatesse. Les autres chapelles sont du xIIIe et du XIVesiècle.
Dans quelques-unes d'entre elles, on a découvert, en 1845, de précieux
restes de peintures murales des xve et XVIe siècles,
cachées sous
des couches de badigeon. Ces peintures représentent : saint Panta-
léon, médecin, guérissant un enfant de la morsure d'un serpent; la
décapitation du même saint; saint Éloi, en habits pontificaux, et saint
Robert, en habits de moine; épisode de la vie de saint Blaise ; visite
de la sainte Vierge à sainte Élisabeth ; la Trinité; l'Annonciation; traits
principaux de la vie de saint Nicolas.
Sous le sanctuaire et sous une partie du choeur s'étend une crypte
fort intéressante, que M. de Caumont et la plupart des archéologues
s'accordent à considérer comme une oeuvre du XIe siècle. Les voûtes de
cette crypte sont soutenues par des colonnes monocylindriques à
cha-
piteaux grossièrement sculptés. Par un concours de circonstances assez
difficiles à expliquer, on avoit complètement perdu, pendant longtemps,
le souvenir de cette chapelle souterraine, et elle se trouvoit comme
enclavée dans des constructions du XIIIe siecle, sans qu'on eût même
laissé une ouverture pour y pénétrer. En 1412, lorsqu'on creusa le
tombeau de l'évêque Jean de Boissay, on fut très-surpris de la décou-
vrir. Une inscription en lettres gothiques, placée au-dessus de l'une
des entrées de la crypte, nous révèle cette particularité. Sur les mu-
railles on trouve encore des fragments de peintures du xve siècle; bien
que fort dégradées, ces peintures méritent qu'on veille à ce qu'elles ne
disparoissent pas entièrement. Les derniers évêques de Bayeux ont été
inhumés dans cette crypte.
La salle capitulaire, accolée à la tour du nord, avoit été construite
primitivement dans le style du xIIIe siècle, mais elle a subi des modi-
fications dans les deux siècles suivants. Cet édifice, appelé ordinairement
« le Chapitre, » est plein de détails gracieux; son ornementation à l'in-
térieur a dû être fort riche, à en juger par ce qui reste. Nous signalerons
surtout son curieux pavage émaillé, composé de huit bandes de largeur
inégale, séparées par des bordures de quatre-feuilles ou de fleurs de lis,
et au milieu duquel est figuré un labyrinthe ou chemin de Jérusalem,
dont M. G. de Villers a donné une intéressante description dans le
XIIe volume des Congrès archéologiques de France.
On conserve dans le trésor de la cathédrale plusieurs objets du plus
grand prix, entre autres : la célèbre chasuble de saint Regnobert, décrite
par M. Spencer Smith, et qui est renfermée dans un coffret arabe en
ivoire, avec ornements d'argent, une des merveilles de l'art des Sarra-
sins, remontant au moins au xe siècle de notre ère; l'armure complète
de l'homme d'armes qui accompagnoit autrefois l'évêque de Bayeux
dans quelques cérémonies; une grande armoire du xIIIe siècle servant
aujourd'hui de chartrier. Cette armoire, dont toutes les ferrures sont
intactes, est divisée en sept compartiments, fermés par autant de portes.
Les panneaux ont été peints, et les sujets qui y étoient représentés sont
cela de par-
encore distincts. Ces peintures, assez largement traitées, ont
ticulier que, suivant la remarque de M. de Caumont, elles ressemblent
beaucoup, pour le faire et le procédé des hachures destinées à marquer
les ombres, aux vitraux peints du même temps.
Après la cathédrale, le monument religieux le plus important de
Baveux est la chapelle du séminaire, élégant édifice de la première
moitié du XIIIe siècle, construit par l'évêque Robert des Ablèges poul-
ie service de l'Hôtel-Dieu, qu'il venoit de fonder (i2o6-i23i). Cette-
jolie chapelle offre les combinaisons heureuses usitées dans les plus
remarquables édifices de cette belle époque. Les murs latéraux sont di-
visés en six travées par les colonnes supportant les arceaux de la voûte.
L'élévation de chaque travée présente un mur surmonté d'une fenêtre
à deux lancettes séparées par une colonnette et réunies sous une arcade
ogivale : c'est en petit, et avec plus de simplicité, la disposition des
fenêtres géminées de la cathédrale. Le chevet, qui est droit, se trouve
divisé en deux petites absides pat* l'agencement des arceaux de la voûte
et par une saillie dont le sommet est orné de trois colonnes recevant
la nervule centrale. Nous regretterons avec M. de Caumont que le por-
tail de cette chapelle ait été supprimé, et qu'on ne puisse plus y péné-
trer que de l'intérieur même du séminaire, au moyen d'une galerie
couverte.
Les autres églises de la ville ont peu d'intérêt archéologique, à l'ex-
ception de celle de Saint-Patrice, dont la tour élégante porte la date de
1549. Cette tour se compose de sept étages; les quatre premiers, de
forme carrée, sont ornés de colonnes et de pilastres. Les trois étages
supérieurs sont ronds et surmontés d'un de ces petits dômes hémi-
sphériques ou lanternes dont le XVIesiècle nous a laissé tant d'exemples.
Entre les rues Saint-Nicolas et de la Juridiction, 011 voit quelques
débris de l'ancienne église Saint-Sauveur, qui appartenoit au style ogival.
La petite église de Saint-Laurent, sur le bord de la rivière d'Aure,
n'a aucun caractère, et doit dater du siècle dernier; mais elle mérite
d'être visitée, parce qu'elle est fondée sur les murs de thermes gallo-ro-
mains qui paraissent à la surface du sol.
Ces murailles ne sont pas, à beaucoup près, les seuls restes antiques
qui existent à Bayeux. En construisant la halle, il y a quelques années,
on a reconnu des fragments d'un aqueduc romain qui amenoit dans la
ville les eaux de plusieurs sources des environs, et, sur divers points,
des fouilles ont mis à découvert des fûts de colonnes, des frises char-
gées de sculptures, des chapiteaux, des statues mutilées et de nom-
breuses inscriptions. M. Lambert, conservateur de la bibliothèque pu-
blique, a recueilli les plus intéressants de ces objets d'antiquité, pour
en former un musée lapidaire qui est placé dans la cour de la biblio-
thèque. Parmi les monuments épigraphiques de ce musée, nous citerons
seulement cinq bornes ou colonnes milliaires avec des inscriptions
appartenant aux règnes de Claude, Marc-Aurèle, Septime-Sévère, Maxi-
min et Constantin le Grand, depuis l'année 46 de l'ère chrétienne
jusqu'à l'an 313.
C'est à la bibliothèque de la ville de Bayeux qu'est conservé, dans
une galerie construite spécialement pour cette destination en 1838, un des
plus précieux et des plus célèbres monuments des arts du moyen âge, la
tapisserie de la reine Mathilde, représentant la conquête de l'Angleterreen
1066, par Guillaume le Bâtard, duc de Normandie. Ce magnifique ou-
vrage, dont la réputation est européenne, et qu'on a souvent décrit,
n'a pas moins de 216 pieds de longueur, sur une hauteur d'un pied
et demi, et se compose de cinquante-huit scènes ou groupes de person-
nages disposés dans l'ordre suivant : Le roi Édouard ordonne à Harold
d'aller apprendre au duc Guillaume qu'il sera un jour roi d'Angleterre.
église; Harold met pied à
— Harold est en marche. — On voit une
terre pour prier. — Harold est en mer. — Il est poussé par les vents
sur les terres de Guy, comte de Ponthieu. — Harold s'avance sur le
rivage. — Guy se saisit d'Harold. — Guy conduit Harold à Beaurain
(ad Belrem) ; tous deux sont à cheval, l'oiseau au poing. — Pourpar-
ler entre Guy et Harold. — Guillaume, informé du message d'Édouard
le Confesseur, a envoyé des émissaires vers le comte de Ponthieu
pour le prier de relâcher Harold. — Guy ne s'étant pas rendu à
cette invitation, deux autres envoyés, deux cavaliers bardés de fer,
lui présentent la pointe de leur lance et le menacent au nom
du duc Guillaume. — Un messager vient trouver le roi Guillaume.
Guy amène Harold à Guillaume. La scène se passe à Eu. Guil-
—
laume a conduit Harold dans son palais. La scène est en deux tableaux :
dans le premier, l'escorte est à la porte du château de Rouen ; dans
le second, on voit une grande salle pleine de personnages : c'est l'au-
dience de cérémonie que Guillaume accorde à l'envoyé d'Édouard le
Confesseur. — Un lettré, un docteur, un clerc, présentent à Harold la
belle Edwige, fille de Guillaume le Conquérant, qui lui a été promise.
Conan, duc de Bretagne, ayant déclaré la guerre à Guillaume, celui-ci
— s'em-
invite Harold, son hôte, à prendre les armes avec lui ; ils vont
barquer pour le Mont-Saint-Michel. —Arrivés à la rivière du Couesnon,
les hommes et les chevaux s'enfoncent dans les sables mouvants par un
effet de la marée. Harold sauve les Normands du danger. — L'armée
de Guillaume marche sur Dol, les Bretons prennent la fuite. — Attaque
de Dinan. — Le duc de Bretagne offre en hommage au duc de Norman-
Ha-
die les clefs de la ville au bout d'une lance. — Guillaume arme
rold chevalier sur le champ de bataille même. — Guillaume se rend
à Bayeux. — A Bayeux, Harold prête serment de
fidélité à Guillaume,
successeur d'Édouard le Confesseur au trône d'Angleterre, selon
comme
à Guil-
le voeu du roi Edouard lui-même. — Harold fait ses adieux
laume; il passe la mer pour retourner en Angleterre. — Harold arrive
à la cour; Édouard écoute du haut de son trône
le récit de l'ambas-
paroles aux
sade en Normandie. — Mort d'Edouard; ses dernières
hommes de sa cour. — Des gens du palais ensevelissent son corps.
la
Harold prend la place de son beau-frère Edouard; on lui donne
royale. Couronnement d'IIarofil. — Le peuple lui rend
couronne — étoile
hommage et se réjouit. — Les mages du temps, à la vue d'une
Harold. —Harold prend la
toute particulière, présagent des malheurs à
Des amis de
lance et se barde de fer pour résister à Guillaume.
duc les
Guillaume font voile vers la Normandie pour apprendre au
Guillaume
événements qui se sont passés après la mort d'Édouard.
On
ordonne que l'on construise une flotte pour passer en Angleterre.
tire les vaisseaux à la mer. — On porte des armes aux navires. —
Guillaume a passé la mer et est arrivé à Pevensey. — Les chevaux
sortent des navires; on monte en selle. — Les cavaliers se dirigent vers
Hastings. — Un chevaucheur à la suite de Guillaume, nommé Wadard,
surveille la cuisine et les cuisiniers de l'armée. —Les viandes cuisent;
les serviteurs préparent le repas. — Guillaume et ses barons sont assis
à une table qui figure un sigma (2). — On tient conseil à Hastings ;
Guillaume est assis entre ses deux frères, Odon, évêque de Bayeux, et
Robert, comte de Mortain. — On creuse un fossé autour du camp fortifié.
— Un
chef s'approche de Guillaume et l'entretient à l'oreille des mou-
vements d'Harold. — On brûle une maison qui gênoit le développe-
ment de l'armée. — Guillaume marche à la rencontre d'Harold. — Sur
sa route, Guillaume interroge un chef de troupe, qui indique de
la
main l'endroit où l'ennemi va se montrer. — Ce même chef, laissé
libre par Guillaume, court prévenir Harold de l'approche de l'armée
normande. — Guillaume harangue les Normands ; la bataille s'engage.
Mort des frères du roi Harold, Lewine et Gyrd. — L'action continue
—
avec fureur. — Odon, évêque de Bayeux, frère de Guillaume, encourage
les combattants. — Le duc Guillaume, que l'on croyoit blessé, repa-
roît, lève son casque et rassure ses soldais. — L'armée d'Harold est
taillée en pièces. — Harold meurt les armes à la main. — Et ce jour-là,
14 octobre 1066, la victoire d'Hastings fut remportée par Guillaume,
désormais surnommé le Conquérant (1).
L'origine et la date de la tapisserie de Bayeux, incontestées pendant
plus de sept siècles, ont été discutées de nos jours, et quelques écri-
vains ont avancé que cet ingénieux ouvrage étoit probablement posté-
rieur au temps où vivoient Guillaume et Mathilde ; mais une étude
approfondie de cette précieuse broderie historique a fait reconnoître
qu'elle appartient bien réellement à la seconde moitié du XIe siècle,
d'après laquelle la tapisserie
et tout confirme aujourd'hui la tradition
représentant la conquête d'Angleterre fut exécutée par la reine Mathilde
mandie, tome XV. - Histoire militaire des Bocains, par Richard Seguin, Vire,
1816, in-12, p. 294.
hommes de troupes qu'il avoit sous ses ordres, le suivit dans son mou-
vement d'invasion, et fut fait prisonnier avec lui à la bataille de For-
migny. Le connétable de Richemont se présenta bientôt devant la place
de Vire, et le fils de Norbery, qui en avoit pris le commandement, la
livra au connétable, en échange de la liberté de son père (avril 1450).
Le roi Charles VII donna à Richemont la charge de gouverneur de
cette ville. Le duc de Rretagne, François II, occupa la forteresse pendant
ses démêlés avec Louis XI, mais ses troupes l'évacuèrent au bout de
quelques mois (1468). Pendant les guerres de religion Vire fut deux fois
pillée et dévastée par Montgomery, chef du parti protestant (1562 et
1568). Ses habitants, ruinés par ces désastres, se trouvèrent alors réduits
à une si profonde misère, que Charles IX leur fit remise des tailles qu'ils
ne pouvoient payer. En 1574, les calvinistes s'emparèrent encore une
fois de Vire, mais ils en furent chassés au bout de quelque temps par
le duc d'Étampes. A la mort du duc de Guise, les Virois embrassèrent
le parti de la Ligue, et résistèrent à Henri IV, qui vint en personne
assiéger leur ville. Elle se soumit en 1590, et une longue paix y
ouvrit une ère nouvelle de prospérité qui ne fut interrompue que par
la sédition des Nu-pieds en 1689. Les mutins envahirent le lieu des
séances des officiers de l'élection, chassèrent les magistrats, massacrèrent
le président Sarcilly et brûlèrent sa maison. Tous ces désordres étoient
l'ouvrage des habitants des faubourgs; les bourgeois de la ville voulu-
rent s'opposer aux séditieux, il y eut collision, et quelques-uns de ces
derniers furent tués. Les faubourgs, pour se venger, investirent alors la
cité. De grands malheurs étoient inévitables, sans le comte de Matignon,
lieutenant général de Normandie, qui sut réconcilier les citoyens prêts
à s'égorger les uns les autres (I). En 1759, un incendie réduisit en
cendres une partie du faubourg de Vire. C'est le dernier événement
remarquable que les historiens de la localité aient enregistré dans ses
annales.
« Je
demande, répondit-elle, que la rue du Camp-Ferme soit exempte
du pillage et qu'il me soit permis de la barricader. » Henri y consentit.
ville fut saccagée,
Les troupes royales ayant forcé la porte, toute la
excepté la rue de la Grande Éperonnière. Le Béarnais entra donc en
vainqueur dans Falaise. La garnison du donjon demanda à capituler;
mais le roi exigea qu'elle se rendît à discrétion. Brissac vint demander
son pardon au roi, qui le lui accorda; la plupart des soldats qu'il com-
mandoit eurent aussi la vie sauve (I ).
A partir de la soumission de Falaise à Henri IV, l'histoire de cette
ville n'a plus de faits spéciaux à signaler : elle se confond avec l'his-
toire générale de la France.
L'église de la Trinité, le monument religieux le plus important de
Falaise, appartient presque tout entière au style ogival. Sa façade
principale, qui s'ouvre sur la place de l'Hôtel-de-Ville, offre un joli
porche du XVIesiècle, transformé en chapelle, et un beau portail de la
renaissance. Les figures qui décorent les parois latérales sont d'une
grande finesse d'exécution, mais fort dégradées. On remarque particu-
lièrement, à l'extérieur de l'édifice, les ornements nombreux et variés
du chevet, les pinacles qui surmontent les contre-forts, les fenêtres,
ornées dans leur contour de fleurs et de crochets, et la belle balustrade
en pierre qui règne autour de l'église.
Le transsept est la portion la plus ancienne du monument. A ses
étroites fenêtres en ogive garnies de bourrelets, à la forme des galeries
intérieures et aux modillons placés sous la corniche, on reconnoît le
XIIIe siècle. Ces constructions ont été épargnées lorsque l'église fut en
partie détruite, pendant le siége de Falaise par les Anglois, en 1418.
La nef et le choeur sont du xve siècle, ainsi que les collatéraux,
comme l'indiquent les inscriptions qui se lisent sur les murailles au
dedans et au-dehors. Ils furent reconstruits pendant l'occupation angloise,
de 1434 à 1450. La nef offre de chaque côté d'énormes piliers à
nervures, formant des arcades au-dessus desquelles règne une balustrade
et de grandes fenêtres ogivales, les unes à meneaux flamboyants, les
&Gie57
rdeSeine
kipletneraer Paris.
A.F.Lemaitre
éditeui" del'Horloge.
23Quai
Figurespar Ch.Vernier
Imp.Lemercier
etC_57r.deSeinePans.
2tfençon, illorttuinc, Occ;, Argentan,
Domfront.
À.F.Lemâitre
Editeur, del'HoTÎOge.
Quai
Coutances et le Cotentin.
Bâtie sur un mamelon de granit qui lui donne les aspects les plus
variés, la ville de Coutances a une origine fort ancienne. On peut douter
que son emplacement réponde exactement à celui de Cosedia, une des
principales villes des Unelli avant l'occupation romaine; mais il est
certain qu'après la conquête de César les vainqueurs y établirent un
poste militaire. Vers l'an
296 de l'ère chrétienne, 1empereur Constance
Chlore fortifia cette position et jeta les fondements de la ville, à laquelle
il donna son nom (Constantia, d'où est dérivé Coutances). Bientôt après,
cette ville devint le chef-lieu du pagus Constantinus ou pays de Cotentin,
Les Nor-
et le siège d'un évêché suffragant de l'archevêché de Rouen.
mands s'en emparèrent en 866 et la ruinèrent si complètement en 888,
qu'il fallut transférer le siége épiscopal à Saint-Lô, où il resta établi
jusqu'au XIe siècle. La noblesse du Cotentin prit une part considerable
de
à la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Batard. L évêque
Coutances lui-même, Geoffroi de Montbray ou de Moubray, y joua un
rôle actif, assista au couronnement de Guillaume à Westminster et
30
obtint pour sa part deux cent quatre-vingts fiefs ou domaines dans la
Grande-Bretagne. En 1117, pendant les luttes qui éclatèrent entre les
prétendants à la succession de Guillaume le Conquérant, Coutances fut
prise d'assaut par Foulques le jeune, comte d'Anjou, reprise quelque
temps après par Henri Ier, roi d'Angleterre, puis reconquise par Geoffroi
Plantagenet, fils de Foulques. Après avoir été vainement assiégée en 1356
par Godefroi d'Harcourt, cette ville passa, en 1417, sous la domination
angloise, qui s'y maintint jusqu'en i449- ^es protestants s'en emparèrent
quatre fois de 1561 à 1566. Ils y commirent toutes sortes d'excès,
assassinèrent des prêtres, violèrent les tombeaux de la cathédrale, brû-
lèrent l'église des Dominicains, celle de Saint-Nicolas, démolirent l'aqueduc
et firent subir toutes sortes d'humiliations à l'évêque Arthur de Cossé,
qu'ils déguisèrent d'une manière ridicule et conduisirent à Saint-Lô,
monté sur un âne, la tête tournée vers la queue de sa monture. Au
XVIIe siècle, l'insurrection des Nu-Pieds, causée par la gabelle, amena
dans Coutances le maréchal de Gassion et le chancelier Séguier, exé-
cuteurs des ordres impitoyables de Richelieu. Les révoltés avoient mis
à mort, avec des circonstances atroces, un receveur de la taille. Un des
plus coupables parmi les meurtriers fut rompu vif, quatre furent pendus
et les autres condamnés aux galères.
Il ne reste que des ruines des vieux remparts de Coutances. Le
monument le plus ancien de la ville, l'Aqueduc, qui, dès le temps des
Romains, amenoit dans la cité les eaux de la fontaine de l'Écoulanderie,
et qui avoit été détruit par les Normands, puis reconstruit en partie
au xIIIe siècle, endommagé de nouveau, comme nous l'avons dit, par
les protestants, et réparé en 1595, se composoit primitivement de seize
arches, dont onze n'existent plus. Les piliers qui ont été conservés sont
de forme quadrangulaire et mesurent près de dix-huit pieds de hauteur ;
leurs contre-forts sont épais de six pieds. La maçonnerie est en pierres
brutes unies par un ciment. Les ruines de cet aqueduc sont de l'effet
le plus pittoresque.
Mais ce qui, à Coutances, mérite surtout l'attention et l'intérêt de
l'archéologue, c'est sa remarquable cathédrale de Notre-Dame, qui, bâtie
dans la partie la plus haute de la ville, domine tout le pays environnant
et sert de point de reconnoissance aux navigateurs. Cette belle église
offre dans ses principales parties tous les caractères du style ogival
primitif en usage à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe,
et en est certainement un des types les plus purs et les plus harmonieux.
L édifice a la forme d'une croix latine et se compose d'une vaste nef
garnie de bas-côtés, d'un transsept et d'un choeur. Sa longueur totale
est de deux cent quatre-vingt-cinq pieds, et sa largeur de cent deux
pieds. Trois entrées principales y donnent accès : le grand portail occi-
dental et deux portes latérales, l'une au nord, l'autre au sud, surmontées
de deux tours quadrangulaires à la base, mais terminées par une pyra-
mide de forme octogonale. Leurs toits de pierre présentent des ornements
superposés comme des écailles de poisson, et leurs clochetons se terminent
par des pyramides à quatre pans d'une admirable légèreté. Au-dessus
de la croisée se dresse une énorme tour octogone, nommée le Plomb,
flanquée de tourelles sur les quatre faces diagonales. Cette tour hardie
et majestueuse est du plus bel effet. Sur le tympan de la porte latérale
du midi on voit sculptée l'image de Jésus-Christ entouré des symboles
des quatre évangélistes ; le tympan de la porte du nord nous montre la
Vierge assise sur un trône entre deux anges prosternés. Une galerie règne
autour du choeur, de la nef et des deux étages de la tour. Le long du
grand comble de la nef on remarque des arcatures divisées en deux
ogives; chaque ogive est elle-même subdivisée en deux autres plus petites.
Dans le choeur et dans la nef, de belles colonnes s'élancent d'un seul jet
au haut des murs, où elles reçoivent les arceaux des voûtes; des fleurons
décorent le point où se croisent les arceaux. Les treize arcades ogivales
qui, autour du choeur, forment un collatéral secondaire, reposent sur des
colonnes monocylindriques.Le choeur, comparativementplus long que la
nef, présente un rang de quinze arcades également ogivales. Il occupe la
partie centrale du transsept, disposition que l'on observe surtout dans les
églises du XIIIe siècle. La grande chapelle absidale n'a été construite qu'en
1384, et les six chapelles parallèles à chaque collatéral de la nef portent
aussi le caractère du XIVesiècle et des traces évidentes d'adjonction.
A l'intérieur nous signalerons surtout quelques beaux vitraux des
XIVe,XVeet XVIesiècles, dont deux, près de la chapelle de la Vierge,
retracent les faits de la vie de saint Lô et de celle de saint Marcouf ; un
tombeau monumental en pierre, orné d'un bas-relieffigurant un évêque ;
une fresque assez bien conservée représentant un personnage nimbé,
assis sur un trône entre deux anges à genoux; saint Michel terrassant le
démon, et un ange offrant un écusson à la Vierge.
L'église de Saint-Pierre, ruinée pendant les guerres du moyen âge
et réédifiée au xve siècle par l'évêque Geoffroi, appartient presque entiè-
rement au style ogival de la troisième époque, bien qu'on puisse y
distinguer facilement des additions d'une date plus récente. Au-dessus
de la porte occidentale s'élève une tour élégante qui porte la date de
1550. Le transsept est couronné d'un dôme octogone où l'on monte
par un bel escalier en spirale. Ce dôme est éclairé par deux rangs de
fenêtres dont les vitres sont décorées d'écussons. Tout l'extérieur de l'édifice
se distingue par l'abondance et la richesse des
détails. L'intérieur, au
contraire, est d'une grande simplicité. La nef présente cinq arcades
supportées par des colonnes sans chapiteaux ni sculptures, et une galerie
avec balustrade, qui se prolonge autour du choeur et de la chapelle
méridionale du transsept. Dans le choeur, les voussoirs des arcades sont
à nervures prismatiques ou anguleuses; on y voit une grille en fonte
d'une belle exécution et deux rangs de stalles du XVIIe siècle. La chaire,
Luzerne ; les vitraux,
assez richement décorée, provient de l'abbaye de la
siècle.
en grand nombre, et généralement bien conservés, sont du XVIe
A l'exception de quelques reconstructions partielles, l'église Saint-
Nicolas est du XIVesiècle, et se compose d'un choeur, d'une nef principale,
de bas-côtés rayonnantautour du choeur et de deux chapelles qui forment
à chapiteaux
une nef transversale. Le choeur est circulaire; ses colonnes,
délicatement sculptés, supportent treize arcades ogivales dont cinq, les
plus voisines de l'autel, sont surélevées et un peu rétrécies. Dans la nef
à droite, on remarque une ancienne statue de la Vierge, couronnée,
et portant l'enfant Jésus dans ses bras. C'est une oeuvre du XIVeou du
xve siècle, qui n'est pas sans mérite.
La chapelle de la Roquette, qu'on aperçoit au-dessus du vallon en
descendant les boulevards du sud-ouest, a été bâtie à la fin du XVIesiècle,
à la place d'un calvaire où se rendoient de nombreux pèlerins depuis
les temps les plus reculés. L'hospice, fondé par l'évêque Hugues de Mor-
ville, en 1209, a été reconstruit et agrandi; il renferme aujourd'hui dans
son enceinte ce qui reste de l'ancien couvent des Augustins. L'église de
ce couvent n'existe plus, mais on en a conservé la tour, qui est d'un bel
effet. Le monastère des Dominicains, fondé au xIIIe siècle, a disparu sans
laisser d'autre trace que des débris dépourvus de caractère architectural.
Après la cathédrale de Coutances, le plus remarquable édifice reli-
gieux de cette partie de la Normandie est l'église de l'abbaye de Lessay,
de l'ordre de Saint-Benoît,fondée vers 1040 par Turstin Haldup, vicomte
de Cotentin, et Anna ou Emma, sa femme. Cette église, bien conservée,
qui sert maintenant de paroisse au bourg de Lessay, peut être considérée
comme un excellent modèle de l'architecture romane. Elle a deux
bas-côtés se prolongeantparallèlement au choeur et s'arrêtant à la cour-
bure de l'abside. De chaque côté de la nef règnent sept arcades cintrées
dont les piliers sont ornés de chapiteaux à figures grimaçantes. La voûte,
d'une grande hardiesse, est couronnée d'une tour en dôme, curieuse
par ses ornements. L'intérieur, vaste et d'une simplicité sévère, est du
style le plus pur et d'un aspect vraiment imposant. Les six stalles placées
à l'entrée du choeur proviennent de l'abbaye de Blanchelande; deux
sont ornées de châsses ogivales dans lesquelles se voient de petites statues
en bois représentant des évêques, des abbés et des moines.
A la Haye-du-Puits, bourg situé près de l'ancienne voie romaine de
Coutances à Cherbourg, se dressent, sur un tertre élevé, quelques débris
d'un château fort qui appartenoit, au milieu du XIesiècle, à ce vicomte
de Coutances, Turstin Haldup, que nous venons de citer comme
fondateur de l'abbaye de Lessay. La Haye-du-Puits fut le siége
d'une baronnie célèbre dont la juridiction s'étendoit à plus de vingt
paroisses, seigneurs avoient la sixième place à l'Échiquier de
et ses
Normandie parmi les barons du Cotentin. L'église paroissiale de ce lieu
datoit de la même époque que le château, c'est-à-dire du XIe siècle;
elle a été reconstruite dans ces dernières années, mais on a replacé
dans le nouvel édifice un tombeau du XVIesiècle qui se trouvoit dans
l'ancienne église. C'est un beau monument garni de colonnettes et d'un
dais ornementé dans le goût de la Renaissance. L'église de Saint-Sauveur-
Lendelin, bâtie au xIIIe siècle et dotée par la reine Blanche, a été récem-
primitif. Celle de
ment l'objet d'agrandissements conformes au style
Périers, moins ancienne, mais plus vaste et plus remarquable, appartient
de beaux vitraux,
aux XIVe,XVeet XVIesiècles. Les fenêtres sont ornées
cardinal du Perron.
et l'on voit dans le choeur l'écusson armorié du
Sur la lisière de la forêt de Mont-Castre, à une lieue de la Haye-du-
Puits, le voyageur visitera avec intérêt le village de Lithaire, dont l'église
de
romane renferme des fonts baptismaux très-anciens et une statue
saint Jean, également ancienne et d'un beau travail. Près de Lithaire
se trouvent la chapelle et
les cloîtres de l'ancien prieuré de Brocquebeuf,
où nous avons remarqué des portes cintrées, des fenêtres à meneaux,
et, dans une salle qui étoit
autrefois la chambre du prieur, une belle
cheminée de pierre richement ornée.
C'est à peu de distance de Lithaire et du prieuré de Brocquebeuf
connétable de Normandie, sénéchal
que Richard de la Haye-du-Puits,
de Henri II, roi d'Angleterre, et sa femme, Mathilde de Vernon, dame de
Varenguebec, avoient fondé, vers le milieu du XIIesiècle, la grande abbaye
de Blanchelande, où ils furent inhumés. La belle église de ce monastère
renfermoit de précieux objets d'art qui ont été dispersés ; nous avons
cité quelques-uns de ceux qui se trouvent aujourd'hui dans les localités
voisines. A Neufmesnil, l'église paroissiale possède une fort belle pierre
tombale sculptée qui provient également de l'abbaye de Blanchelande.
A Bolleville, bourg dont le nom rappelle celui d'un des compagnons
de Guillaume le Bâtard à la conquête d'Angleterre, il n'y a plus aucune
trace du prieuré ni de la léproserie qu'y avoient fait construire les
barons de la Haye-du-Puits. Le village d'Agneaux montre encore quelques
ruines intéressantes de son couvent de moines augustins, et Saint-Gilles
a conservé son église, qui est une ancienne collégiale fondée par
Louis XI. Le voyageur peut aller saluer, à Hauteville-le-Guichard, le
berceau de Tancrède de Hauteville et de ses enfants, qui, au XIe siècle,
conquirent les royaumes de Naples et de Sicile. En parcourant les bords
de la mer aux environs de Coutances, il doit aussi s'arrêter devant les
débris assez considérables du château fort de Regnéville, dont l'origine
remonte à l'alliance de Charles le Mauvais avec l'Angleterre. Le donjon,
de cent pieds de hauteur, subsiste presque entier; ses murs épais se
dressent encore au milieu des remparts écroulés de la forteresse. Le
château historique de Gavray, un des plus forts de la Normandie au
XIVesiècle, ceux d'Aubigny, de Meurdrac, de Montaigu, de Montchaton,
de Saint-Denis-le-Gast, ne sont plus que des souvenirs; mais le château
et l'abbaye de Hambie méritent toute l'attention de l'archéologue.
Le bourg de Hambie ou Hambye, situé à peu de distance de Gavray
et de Saint-Denis-le-Gast, et à cinq lieues de Coutances, a deux anciens
châteaux forts dont le principal, celui qui porte le nom de Hambie, a
toujours été possédé par des seigneurs très-puissants. 11 appartenoft, en
1066, à l'un des compagnons de Guillaume le Conquérant. La baronnie
de Hambie, donnée au comte de Suffolk par Henri V, roi d'Angleterre,
fut rendue à ses anciens possesseurs ou à leur famille en 1450. Le
donjon étoit un des plus grands, des plus beaux et des mieux placés
de la Normandie. De tous côtés ses ruines sont très-pittoresques. Haut
de cent pieds et de forme quadrangulaire, il étoit, il y a peu d'années
encore, flanqué de tourelles dont la plus considérable soutenoit l'escalier
sous le premier palier. Une plate-forme spacieuse couronnoit le sommet,
avec guérites en saillie aux angles; mais ces curieuses ruines sont au-
jourd'hui fort dégradées. A une demi-lieue du château, au pied d'un
coteau couvert de bois, dans une vallée formée par la petite rivière de
Sienne, on trouve les ruines de l'abbaye de Hambie, fondée en 1145
de lierre, sont
par Guillaume Pesnel. Ses vénérables débris, couverts
encore du plus bel effet; malheureusement ils sont attaqués sans cesse
disparu.
par le marteau des démolisseurs, et bientôt, sans doute, ils auront
Imp.
Lemercier
'er.de
etC67 Paris
Seine
A .F. Lemaitre Editeur, 23. Quai de i Horloge.
Lith.parEug.Cicéri.
(1) Histoire manuscritedu mont Saint-Michel, par Dom Huynes, religieux de l'abbaye.
blocs de granit d'un aspect sauvage et pittoresque; au nord, se dévelop-
pent au-dessus des aspérités du roc, mêlées à quelques bouquets d'ar-
bustes, les hautes et belles murailles de la Merveille, appuyées sur leurs
nombreux contre-forts; au sud, la petite ville du mont Saint-Michel se
présente au regard entourée de ses sombres murs, et plus haut la puis-
sante et splendide architecture du monastère brave depuis des siècles
les vents du nord et les ouragans qui viennent constamment l'assaillir.
Avant de nous engager dans l'unique rue de la ville et de pé-
nétrer dans l'abbaye, nous avons voulu faire le tour des rem-
parts. Cette enceinte militaire, construite presque entièrement par
l'abbé Robert Jolivet, au commencement du xve siècle, monte ou
descend, se projette ou s'enfonce, suivant les mouvements de la mon-
de
tagne. Elle est formée de hautes et épaisses murailles flanquées
tours et de bastions, et couronnées de créneaux et de mâchicoulis. La
plupart des tours sont percées de meurtrières; celle qu'on rencontre
d'abord à l'ouest est la tour Gabrielle ; viennent ensuite la tour du
Roi, près de laquelle s'ouvre la principale porte de la ville, et la tour
de l'Arcade ou de l'Escadre, caractérisée par un toit conique; puis la
tour de la Liberté, la tour Basse, la Demi-Lune ou tour de la Reine, la
fer scellés
tour Boucle qui, dit-on, doit son nom à des anneaux de
dans ses murs, servant à amarrer les barques, et plus loin la tour
Claudine et la tour du nord, ou tour Marilland. Celle-ci, évidemment
antérieure aux constructions de Robert Jolivet, semble appartenir au
xIIIe siècle; elle est circulaire, élancée, évasée à la base, et garnie de
balistaires rondes. C'est probablement un reste des fortifications dont
l'abbé Jourdain entoura, de ce côté, le pied du rocher vers l'année
laquelle le roc inaccessible interrompt
1210. La tour Claudine, après
l'enceinte extérieure, communique avec la Merveille, gigantesque mu-
raille de deux cent trente pieds de longueur, de plus de cent de
hauteur absolue et de deux cents d'élévation au-dessus de la grève,
flanquée de vingt contre-forts, percée de baies variées, et fleurie à son
sommet d'une ligne d'arcades élégantes. Cette muraille,
d'une hardiesse
extraordinaire et d'un effet prodigieux, fut construite, de 1117 à 1121,
par l'abbé Roger II. A l'angle oriental de la Merveille, se dresse la gra-
cieuse tourelle dite des Corbins ou du Réfectoire. A la base d'une autre
tour, jaillit la fontaine de Saint-Aubert ; puis, au tournant de la mon-
tagne, est posée, au bord de la grève, la chapelle du même saint, oratoire
rustique, plusieurs fois reconstruit et sans valeur architecturale, mais
remarquable par sa position pittoresque. Plus loin s'étend la plate-forme
de Beauregard ou du Saut-Gautier, posee sur trois arcades
en ogive. Les
bâtimentssuivants sont d abord l'ancienne abbatiale ou maison de l'abbé,
appeléeaussile GrandExil,puisla Bailliverie,et puisla Bailliverie,et enfinla Perrine.Ce
dernier édifice, de forme carrée, bordé d'une élégante arcature à huit
lancettes, est dû à l'abbé Pierre le Roy, qui le fit élever en 1393.
On entre dans la ville par la porte dite de la Bavolle, au-delà de
laquelle s'ouvre la cour du Lion, ainsi nommée parce que, dans le
mur, à droite, est encastré un lion sculpté, dont la griffe repose sur
l'écusson abbatial.; dans une seconde cour se trouvent les Michelettes,
pièces de canon enlevées aux Anglois pendant le siége de 1427 ; une
autre cour, appelée le Boulevard, conduit à la porte de la ville, encore
garnie de sa herse de fer et de sa couronne de mâchicoulis, et flanquée
de deux tours, la tour du Guet et la tour du Roi.
Au-delà de cette porte commence la rue tortueuse de la ville, qui
gravit en serpentant le flanc de la montagne et aboutit à l'abbaye par un
escalier divisé en plusieurs rampes. Vers le milieu de cette rue, aux
vieilles maisons de couleur sombre, on aperçoit à gauche le cimetière
et la petite église paroissiale du Mont, où nous ne pouvons rien signaler
de remarquable, à l'exception d'une dalle tumulaire très-ancienne et d'un
beau dessin. Plus haut, quelques débris au fond d'un jardin sont tout
ce qui reste du grand « logis » que Duguesclin fit construire, en 1366,
pour sa femme Tiphaine Raguenel, surnommée la Fée, « dame bien ver-
sée, disent les chroniqueurs, en philosophie et en astronomie judiciaire. »
Rien de plus imposant que l'entrée de l'Abbaye-Château qui cou-
ronne le sommet du mont Saint-Michel. Un escalier pratiqué entre
deux tours monte à une porte bardée de fer, s'ouvrant dans le ves-
tibule ou poste des Gardes ; là, une autre porte placée à droite con-
duit à cette partie des bâtiments si justement appelée la Merveille,
comme la muraille elle-même sur laquelle elle s'appuie. Les bâtiments
de la Merveille se divisent en trois zones de constructions superposées.
A l'étage inférieur sont de vastes cryptes du XIe siècle que l'on a nom-
mées les Montgommeries, depuis une attaque infructueuse du fameux
chef calviniste Montgommery. Ces cryptes, qui servoient autrefois d'écu-
ries, sont partagées en plusieurs travées et soutenues par d'énormes pi-
liers trapus, les uns ronds, les autres carrés. Au-dessus des Montgom-
meries s'étend la magnifique salle des Chevaliers, la plus spacieuse
peut-être et l'une des plus belles qui se puissent voir au monde. C'est
XIIe siècle. Divi-
un type parfait du style à la fois élégant et sévère du
sée en quatre nefs par trois rangs de colonnes, dont les chapiteaux sont
ornés de feuilles de vigne, d'acanthe et de chêne, elle se développe dans
une longueur de quatre-vingt-cinq pieds. L'ogive y est à sa naissance,
de deux immenses chemi-
car cette pièce date de 1120, à l'exception ses
nées et de ses fenêtres à meneaux prismatiques qui appartiennent aux
xve et XVIesiècles. C'est dans cette salle que Louis XI institua l'ordre
de Saint-Michel; c'est là que les chevaliers tenoient chaque année, la
veille de la fête de l'archange, leur chapitre ou assemblée solennelle,
fourrés
portant des capuchons cramoisis, de longs manteaux de damas
d'hermine et le collier d'or orné de coquilles. L'appartement qui suit est
l'ancien Réfectoire des moines, bâti, comme la salle des Chevaliers, au
commencement du XIIe siècle, et offrant le même caractère d'architec-
nefs, sont à base octogone
ture. Les colonnes, qui le partagent en deux
et ornées de chapiteaux très-variés dont les
tailloirs supportent des ner-
les murs
vures qui retombent, par trois, sur de triples colonnettes ornant
DUTEXTE,
DESLITHOGRAPHIES
ETDESGRAVURES
AVIS AU RELIEUR
Cette table indique l'ordre dans lequel doivent être placés le texte, les lithographies et les
gravures.
N. B. — Ce classement est le contraire de celui existant dans les deux premiers volumes les
;
estampes précèdent le texte.
PREMIÈRE FEUILLE !
Au dessous, gravé, le sceau de Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, et celui de Guillaume le Conquérant,
roi d'Angleterre.
Hoc Normanorum Willelmum noscepatronumsigno. —Hoc Anglis regem signo fatearis eundem. 1069.
ANCIENNE NORMANDIE
INTRODUCTION.— Les feuilles A jusqu'à II. — Vignette. cathédrale de Lisieux, E. Sagot, Gaildrau. — Cathédrale de Li-
Fragments de monuments divers, F. Duban, Poitevin. sieux ; vue générale, E. Sagot, Ch. Vernier. —Vue intérieure
de la cathédrale de Lisieux, E. Sagot, Bachelier. — Vue inté-
LITHOGRAPHIESET GRAVURES.— Les planches représen- rieure de l'abside de la cathédrale de Lisieux, E. Sagot, Ch. Ver-
tant : Vue générale de la cathédrale d'Évreux, A.-F. Lemaître, nier. — Porte latérale; portail de la cathédrale de Lisieux,
E. Cicéri. — Abside de la cathédrale d'Évreux, E. Cicéri.— E. Sagot. — Ancien évêché de Lisieux, E. Sagot, Clément.
—
Cathédraled'Évreux ; porte du transept nord, Bachelier,Ch. Ver- Château de Saint-Germainde Livet (manoir digned'être visité),
nier. — Cathédrale d'Évreux; vue intérieure du transept, E. Sagot,Gaildrau.—Châteaud'Harcourt, E. Sagot, E. Cicéri.
—
E. Sagot, Bachelier. —Église cathédrale d'Évreux ; portes de Église à Neubourg, E. Sagot. —Égliseà Saint-Pierre
sur Dives,
la sacristie, E. Sagot, Ch. Vernier. — Cathédrale d'Évreux; E. Sagot, Ch. Vernier. — Château de Chamboy (Chambray),
chapiteauxde la nef, E. Sagot. — La flèche de l'églisede Conches, E. Sagot, E. Cicéri. — Château de Beaumesnil, E. Sagot, Ba-
E. Sagot, E. Cicéri. —Église Sainte-Foix, à Conches, E. Sagot, chelier. — 1, Château de Beaumesnil. — 1, Fenêtres d'ailes
Bachelier ( la ville et les deux églises de Conches méritent l'at- côté de l'entrée : 2, 3, Cheminées, E. Sagot, Clément.
—
tention de l'archéologue). — Église Saint-Pierre Saint-Paul, 2, Château de Beaumesnil; pavillon côté du parc, E. Sagot,
taine-Henri, près Caen, E. Sagot, Ch. Vernier. Château de
Clément. — 3, Château de Beaumesnil ; pavillon central côté
du parc, E. Sagot, Clément. — A, Château de Beaumesnil ; pa- Lasson, E. Sagot, Ch. Vernier. — Château de Lion-sur-Mer,
villon d'ailes, E. Sagot, Clément. — Restes du prieuré de Beau- E. Sagot, Gaildrau. — Église à Bernières-sur-Mer, E. Sagot,
mont-le-Roger,E. Sagot, E. Cicéri. — La Tour de l'église de Bachelier. — Église de Bernières-sur-Mer;porche et fonts bap-
Rugles, E. Sagot, E. Cicéri (clocher remarquable du XVIesiècle). tismaux, E. Sagot, Ch. Vernier. — Église de Langrune-sur-Mer,
E. Sagot, Gaildrau. — Église de Langrune-sur-Mer,près Caen ;
LISIEUX. — Texte, folio de 1 à 14 ; pages de 1 à 14. — le transept, E. Sagot, Gaildrau.
Vignette. Le château du Mesnil-Guillaume, près Lisieux,
CAEN. — Texte, folio de 15 à 44 ; pages de 15 à 44. —
E. Sagot, Bachelier. — Manoir de la Renaissance.Dans les en-
virons de ce château, on trouveun grand nombre de tombeaux Vignette.Sculptureextérieureà Saint-Étienne-le-Vieux, à Caen,
A.-F. Lemaître.
et des statues de moines qui couvraient ces tombeaux.
PLANCHES.— Église Saint-Étienne, Abbaye-aux-Hommes, PLANCHES. — Cathédrale de Bayeux, E. Sagot, Ch. Ver-
à Caen, Séchan, E. Cicéri. — Vue extérieure de l'abside de nier, _ Cathédrale de Bayeux; vue extérieure du transept,
l'église Saint-Étienne,à Caen, A.-F. Lemaître,E. Cicéri. — Vue E. Sagot, Bachelier.— Église cathédrale de Bayeux; le sanc-
extérieure du transept de l'église Saint-Étienne,à Caen, Cam- tuaire et bas-côtés, E. Sagot, Gaildrau. — Salle capitulaire de
bon, E. Cicéri. — Eglise Saint-Étienne, à Caen ; la nef et le la cathédrale de Bayeux, E. Sagot. — Chartrier de la cathé-
choeur, Séchan,Fichot. — Sacristie de l'église
Saint-Étienne, drale de Bayeux, E. Sagot.—Crypte de la cathédralede Bayeux,
à Caen, Séchan, Fichot. — Église Saint-Étienne, â Caen; la E. Sagot, Ch. Vernier. — Chapiteaux et bases de la crypte de
galerie du premier étage, Séchan, Fichot. — Travées de la la cathédrale de Bayeux, E. Sagot. — Plan de la cathédralede
nef de l'église Saint-Étienne, à Caen, A.-F. Lemaître,Clément. Bayeux, Chapuy, A.-F. Lemaître, Tavernier. — Tapisseriede
Travées du choeur de l'église Saint-Étienne, à Caen, Bayeux, P. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, Tavernier.
Saint-Étienne,
A.-F. Lemaître, Clément. — Plan de 1 église BAYEUX. Texte, folio de 45 à 66 ; pages de 45 à 66.
—
Abbaye-aux-Hommes,à Caen, A.-F. Lemaître, Tavernier.—
Eglise Saint-Pierre, à Caen, Séchan, E. Cicéri. \ue exté- PLANCHES.— Église Notre-Dame,à Vire, E. Sagot, Gail-
rieure de l'apside de l'eglise Saint-Pierre, à Caen, E. Cicé . —
Plusieurs lithographies et gravures sont désignées : « NORMANDIE, IIe PARTIE » Ces planches devraientporter
l'indication suivante : NORMANDIE, IIIe PARTIE. »
Il y a soixante ans, en 1818, j'eus seul l'idée de publier les Voyages pittoresques dans l'ancienne
France : je proposais au charmant et éminent écrivain Charles Nodier de collaborer à l'exécution de
mon projet. Plus tard, Charles Nodier attesta ce que je rappelle maintenant.
Onze missions dans l'intérêt des beaux-arts, pendant le cours de ces soixante ans, ont quelquefois
retardé la publication de cet ouvrage : mes voyages en Égypte pour obtenir les deux obélisques de
Louqsor, à Thèbes, et l'aiguille de Cléopâtre, à Alexandrie, ainsi bue le prouve cette Ordonnance
royale :
« Le sieur baron Taylor sera envoyé comme commissaire auprès du Pacha d'Égypte pour négo-
cier la cession des obélisques de Thèbes et faire transporter en France l'obélisque d'Alexandrie.
« Signé : CHARLES. »
Dix autres missions ont été accomplies par moi, dont les produits ont rempli les musées du
Louvre, la galerie espagnole, la collection Standish. J'y ajouterai mes missions à Athènes, à Rome,
en Sicile, à Constantinople,à Balbek, dans l'Asie-Mineure, dans l'Archipel grec, en Angleterre et en
Allemagne.
La plus grande partie de ma vie a été consacrée à mon pays, pendant plus d'un demi-siècle, avec
un dévouement sans borne, et enfin j'ai créé une fortune d'un capital inaliénable de douze millions
de francs. Ces douze millions appartiennent aux artistes.
B0N I. TAYLOR.
26 novembre 1878.