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HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE,
PAR
LÉON VAUDOYER,
Architecte du Gouvernement.
PARIS.
J.-J. DUBOCHET ET C,B, ÉDITEURS,
RUE RICHELIEU, 60.
JANVIER 1846.
Imprimé par Plon frères.
dans ces monuments la composition d'un nument celtique le plus remarquable de
plan disposé pour former un ensemble. Ces cette espèce est celui qui existe en Angle-
allées couvertes se composent de deux terre, dans le comté de Salisbury, et que
rangées de pierres brutes posées verticale- les Anglais désignent sous le nom de Slone
ment à la suite l'une de l'autre, et formant ,henge, pierre suspendue. En France nous
ainsi deux murailles parallèles, entre les- avons plusieurs cromlechs ; il en existe Un
quelles il existe un corridor ou une gale- près de Fontevrault, et quelques-uns dans
rie couverte par de grandes pierres trans- l'ancienne Bretagne.
versales servant à la fois de plafond et de Les Alignements se composent, ainsi
couverture. Rien ne peut mieux en donner que les cromlechs, d'un certain nombre de
l'idée que la manière dont un enfant com- pierres debout, si ce n'est qu'au lieu d'être
mence à disposer des dominos quand il disposées circulairement elles sont placées
cherche à figurer une bâtisse. Tant il est en ligne droite et sur plusieurs lignes pa-
vrai que cette disposition résulte du prin- rallèles les unes aux autres. Les pierres ali-
cipe le plus élémentaire de stabilité; sa- gnées de Carnac forment un ensemble ex-
voir : deux points d'appui plus ou moins traordinaire; elles sont rangées sur onze
distants, servant à supporter une traverse lignes parallèles, et s'étendent dans l'es-
horizontale d'une dimension proportionnée pace de plusieurs lieues, car on les sup-
à cette distance. On pourrait facilement pose devoir se rattacher aux pierres
établir un rapprochement entre ces monu- d'Ardeven, auxquelles elles sè lient par
ments celtiques :t certains monuments plusieurs points intermédiaires. Parmi
de l'tnde et de l'Egypte. les différentes explications que les au-
La plus remarquable des allées couver- teurs ont voulu donner de ces singuliers
tes qui existent en France est celle qui monuments, il nous serait difficile de don-
est située à Bagneux près Saumnr (Maine- ner la préférence à aucune ; et nous crai-
et-Loire ), elle. a 20nl de longueur. Les gnons bien que ces énigmes restent encore
pierres qui servent de support aux tables long-temps irnpénétrables.
ont environ 2D1,25 de hauteur. Près d'Essé, Pierres branlantes ou tournantes.
à 2810.01 de Rennes (Ille-et-Vilaine), on voit — Ou rencontre parmi les monuments
une allée couverte, d'une importance pres- celtiques des roches posées en équilibre
que égale à celle du monument de Sau- l'uue sur l'autre, ii'ayant qu'un point de
mur. Celle dont nous donnons un desqin, contact, et pouvant recevoir un mouve-
et qui, comme celle d'Essé, est connue ment d'oscillation plus ou moins marqué ;
sous le nom de Roche-aux-Fées, se trouve dans d'aiitres cas, le bloc supérieur tourne
près de Mettray, dans le département comme sur un pivot, et cependant elles
d'Indre-et-Loire, à 8kn> de Tours. Sa situa- demeurent dans cette position depuis des
tion au milieu d'un-bouquet d'arbres touf- sièéles. Des traditions superstitieuses ont
fus, le seul existant au centre d'une plaine, fait considérer ces monuments comme des
semble ajouter à son caractère, et lui prête pierres probatoires destinées à rechercher
une physionomie qui n'est peut-être pas la culpabilité des accusés, et particuliè-
sans analogie avec celle que ce monument rement la fidélité des femmes; leurs mou-
devait avoir dans son origine. La longueur vements servaient atissi, à ce qu'on sup-
totale du monument est de 701,40, sa lar- pose, à l'interprétation des oracles : peut-
geur de 3"',30, et sa hauteur de 4"',20. Les être, en les faisant mouvoir, les prêtres
pierres sont mieuxjointes que dans les au- interprétaient-ils leurs mouvements dans
tres monuments de ce genre. le sens le plus favorable à leurs intentions.
Etait-ce dans l'intérieur de ces monu- MM. Cambry, Dulaurc, Baudoin, Maison-
ments que s'accomplissaient les rites mys- Blanche, et, depuis eux, plusieurs autres
térieux des druides 1 étaient-ils réservés à antiquaires ont émis sur la destination de
la demeure des prêtres ou'aux oracles de ces singuliers monuments diverses opi-
lajustice! c'est ce que jusqu'ici nous sem- nions parmi lesquelles nous nous abstien-
blons destinés à ignorer. drons même de faire un choix, tant elles
Crornleks. — On désigne sous le nom nous semblent hasardées. Il existe de sem-
de cromleclt un ensemble composé d'un blables pierres sur plusieurs points de la
certain nombre de peulvans ou menhirs France : la plus volumineuse de toutes est
disposés régulièrement, soit en cercle, soit celle de Perros-Guyrech (Côtes-du-Nord) ;
selon la forme elliptique, et quelquefois son poids doit être évalué à 400 OOOkg,
sur plusieurs rangs concentriques les uns et cependant un seul homme peut lui im-
aux autres. Ces sortes d'enceintes sa- primer un mouvement sensible. Nous cite-
crées, qui offrent une analogie réelle avec rons aussi celle qu'on voit près du village
celles du même genre qui étaient très- d'Uchon, à 12knl d'Autun (Saône-et-Loire).
communes chez les premiers peuples de La Bretagne, l'Auvergne, et le départe-
l'Asie, sont considérées par les auteurs, ment de la Lozère offrent un assez grand
soit comme des temples, soit comme des nombre de pierres branlantes ; on leur
lieux d'assemblée publique, soit enfin donne les noms divers de pierres roulan-
comme des sépultures de famille. Le mo- tes, pierres qui dansent, pierres folles, etc.
Tumuli ou tombellcs, — L'inhuma- déposait à ses côtés ses armures, des
tion d'un corps a pour effet de laisser à la vases, des bijoux et d'autres objets qui
surface du sol un monticule de terre qui lui avaient appartenu pendant sa vie.
aide à reconnaître la place même de la Quelques-unes de ces collines étaient con-
sépulture; mais, dans un court espace de sidérées comme sacrées, d'autres étaient
temps, la pluie, le vent ont bientôt fait élevées dans un but de défense : dans ce
disparaître cette trace périssable, et le sol cas, elles étaient tronquées dans leur par-
reprend son aspect primitif; or donc, pour tie supérieure de manière à pouvoir con-
la perpétuer et prévenir cette rapide des- tenir un certain nombre de combattants ;
truction , on eut l'idée toute naturelle d'y dans ce cas, un large fossé les circonscrit,
amonceler des pierres de manière à former et souvent elles se trouvent liées à un sys-
une élévation factice et plus durable, jus- tème de défense.
qu'à ce qu'enfin on entreprit de rendre Autres constructions des Gaulois.
ces surélévations plus durables à l'aide de — Tous les monuments que grossiers,
nous venons
constructions solides ; et ce qui avait dû de décrire sont informes et et
avoir lieu pour la sépulture d'un seul in- l'on peut dire que l'art n'est aucunement
dividu eut également lieu pour celle d'un intervenu ni dans leur conception, ni dans
certain nombre d'hommes, lorsqu'après leur exécution. Ils se trouvent tous épars
une bataille, par exemple, on donnait la dans la campagne, plus ou moins distants
sépulture ài ceux qui y avaient trouvé la les uns des autres, souvent sans aucun
mort. rapport entre eux, et n'ont jamais été
Telle est évidemment l'origine des lu- compris dans l'enceinte des villes. Les
muli que l'on trouve dans tous les pays du Gaulois n'avaient- ils donc pas de villes ?
monde et qui servirent de type aux plus étaient-ce donc là leurs seuls monuments 1
somptueux mausolées. Les pyramides d'E- et en existait-il d'nn autre genre qui nous
gypte ne sont autre chose que de gigan- seraient restés inconnusl Telles sont les
tesques tumuli, et tous les grands tom- questions qu'on est amené à se faire quand
beaux de l'antiquité affectent toujours la on s'occupe de rechercher quels pouvaient
forme conique ou pyramidale, qui est de- être les mœurs et l'état de la civilisation
venue en architecture le type caractéris- des Gaulois avant l'occupation romaine.
tique des monuments funéraires. On comprend très-bien que les Gaulois,
La France possède un grand nombre de sans cesse guerroyant et toujours occupés
tumuli qui peuvent être attribués aux d'expéditions lointaines, ne se soient pas
Celtes, aux Gaulois ou aux Romains; les attachés à se construire des habitations
plus simples tombelles gauloises sont for- fixes et susceptibles d'une longue durée.
mées avec de la terre; d'autres, que l'on Voici la description que donne Strabon
nomme des habitations gauloises (liv. iv) : - Les
gnlgals, ii maisons gauloises, spacieuses et rondes,
se compo- » étaient construites de poteaux et de
sent d'un » claies, en dehors et en dedans desquels
amas de j> on
appliquait des cloisons en terre ; une
pierres ; » large toiture, composée de bardeaux
elles sont, » de chêne et de chaume ou
de paille ha-
en géné- » chée et pétrie dans l'argile, recouvrait
ral , de » le tout. »
forme co- Vitruve, liv. Il, ch. i, après avoir fait la
nique, quelquefois cependant leur base description de ce même genre de bâtisse,
est elliptique, leur hauteur est souvent mentionne la Gaule, l'Espagne, le Portu-
de 20m, le tumulus de Cumiac en a plus gal et l'Aquitaine comme les contrées dans
de 30. lesquelles il était usité.
L'intérieur des galgals se compose sou- César dans ses Commentaires, dit que
vent de plusieurs chambres sépulcrales ses soldats étaient logés (in casas rjua
composées de pierres brutes comme des more gallic) stramentis tecta eront). Ce
dolmens, contenant plusieurs squelettes, more gallico donne à penser que ce genre
soit assis, soit couchés ; dans d'autres il de toiture de chaume était peu en usage
n'existe qu'une seule salle dans toute l'é- en Italie, où il est encore aujourd'hui
tendue de la colline, servant de sépulture extrêmement rare.
commune ; enfin on trouve quelquefois dans Les agglomérations de population qui
l'intérieur de ces monuments des construc- composaient chez les Gaulois ce qu'on
tions cimentées; dans ce cas, on peut appela des villes ne devaient avoir aucun
être certain qu'elles sont d'origine ro- rapport avec l'ensemble d'une ville tel
maine. qu'on est arrivé à le composer depuis;
Les fouilles faites dans l'intérieur de mais les oppida dont il est souvent ques-
plusieurs de ces monuments ont fait recon- tion dans l'histoire des luttes désespérées
naître que, selon le rang et la dignité du qu'ils eurent à soutenir contre les Ro-
personnage qui y était enseveli, on y mains en tenaient lieu; les oppida gaulois
étaient entourés d'enceintes fortifiées qui, soumettre à sa puissante unité tous ces
chez les peuplades les plus sauvages, peuples barbares, afin de les initier plus
étaient formées à l'aide d'abatis d'ar- sûrement, et pour ainsi dire malgré eux ,
bres croisés en tous sens et établis de aux avantages d'une civilisation avancée.
préférence dans les endroits déjà formi- Pour les Romains, conquérir une province,
dables par leur situation naturelle ; dans soumettre une nation, c'était la faire en-
d'autres provinces ces remparts étaient trer dans la grande famille romaine, et,
construits d'une manière plus solide et une fois incorporée à l'empire, chaque
pins durable à l'aide de pierres entremê- province participait à sa prospérité, à sa
lées de grandes pièces de bois ; ce système gloire et à sa puissance. Cette Gaule, donc
de construction, outre qu'il avait l'avan- naguère si sauvage, si ignorante, si indis-
tage de s'exécuter plus rapidement, avait ciplinée subit promptement une trans-
de plus celui d'offrir une grande résis- formation , complète
et n'eut bientôt plus
tance , car la pierre était à l'abri du feu, rien à envier à l'Italie.
et le bois ne permettait pas d'y faire brèche. Au lieu des antiques oppida situés dans
Il paraît que ce mode de construction va- des lieux escarpés, s'élevèrent dans les
riée ne produisait pas un mauvais effet, situations les plus favorables des villes
et c'est ainsi que César le juge quand il florissantes qui s'embellirent de monu-
dit : Hoc quurn, in speciem varielatemque ments de toute espèce; les landes incultes,
deforme non est, allrmis trabibus ac saxis les marais insalubres sont livrés à la cul-
quæ reclis li)tcis suos ordines sei-vant, tum ture, les vastes forêts sont exploitées
ad utilitatem et defensionem urbium sum- régulièrement, des voies de communi.ca-
mam hdbet opporlunilatem... (Cæs. Bell. tion ouvertes dans toutes les directions
gall., liv. vu ). C'était dans ces espèces de sillonnent le pays et franchissent les fleu-
citadelles qu'au premier signal de guerre ves sur des ponts solides et durables ; des
les populations de la campagne, aban- ports sûrs et commodes reçoivent les vais-
donnant leurs misérables chaumières,cou- seaux sur les deux mers, des aqueducs
raient se renfermer avec leurs femmes, d'un développement immense traversent
leurs enfants, leurs troupeaux et tout ce les montagnes et les vallées pOlIr apporter
qu'elles pouvaient transporter avec elles. au sein des villes des eaux pures et abon-
g 2. Époque romaine.
dantes, les campagnes se couvrent de
maisons de plaisance; enfin le latin rem-
Premiers effets de la conquête. — place la langue celtique, ou plutôt, en se
Ces oppida, bien que témoins de nom- fondant avec elle, engendre un idiome
breux et héroïques exploits, ne purent nouveau. C'est ainsi que ces peuples diffé-
cependant pas protéger la liberté gauloise rents réunis en un seul corps de nation
contré la science et la puissance des Ro- virent naître pour eux une ère toute nou-,
mains, et quelquefoismême les villes gau- velle. Les Gaulois, dès lors, s'habituèrent
loises devinrent le noyau de villes ro- à ne plus considérer les Romains comme
maines. des vainqueurs, mais bien comme des frè-
La première ville fondée par les Romains res et la Gaule prit rang parmi les pre-
dans les Gaules fut celle d'Aquæ Sextiae mières ,
nations de l'Europe.
(Aix en Provence), qui eut pour fondateur Les monuments divers qui appartien-
le consul C. Sextius, 123 av. J.-C. nent à cette période brillante de notre
Un des plus anciens monuments romains histoire ont en partie été détruits dans les
fut celui qu'on éleva en mémoire de la cé- siècles postérieurs; mais cependant, dans
lèbre victoire remportée par Marius sur le petit nombre de ceux qui ont survécu,
les Cimbres et les Teutons ilO1 av. J.-C.). nous possédons encore assez d'exemples
C'était une haute pyramide située à l'ex-* variés pour avoir une idée à peu près exacte
trémité du Champ-Putride, près d'Eaux- de ce que ftirent les productions de l'art
Sextiennes ; les bas-reliefs représentaient romain dans notre pays. Il serait difficile
Marius debout sur un bouclier soutenu d'assigner à chacun de ces édifices une
par des soldats et dans l'attitude d'un gé- date bien précise; mais cependant on peut
néral proclamé imperalor. Ce monument souvent, faute de documents authentiques,
était encore entier au 15" siècle, et le vil- reconnaître, d'après le style de leur archi-
lage de Pouvrières avait pris pour armoi- tecture ceux qui appartiennent aux beaux
ries la scène représentée par le bas-relief. temps de ,
l'empire et qui doivent être
La conquête de la Gaule, commencée si classés dans l'époqueceux de la décadence.
brillamment par Jules-César 51 av. J.-C., Ponts et aqueducs. — Les Romains
fut accomplie par Auguste et ses succes- considéraient comme un des premiers
seurs; mais la conquête romaine n'était moyens de civilisation l'établissement de
pas la conquête qui détruit et ne laisse ces constructions d'utilité publique qui ont
après elle que des ruines ; la tâche que les pour objet de contribuer au bien-être des
Romains s'étaient imposée était noble et citoyens et d'assurer la salubrité du
grande : si Rome ambitionnait la domina- C est par ce sentiment qu'ils établissaientpays.
on universelle, c'était dans le but de ces constructions de manière à leur don-
ner la. plus grande durée possible, afin seul, mais le principal luxe de l'architec-
que, s'il survenait dans l'Etat quelque ca- ture. Pour se convaincre de ce que nous
lamité publique, une guerre, ou un dés- avançons ici, il suffirait de citer les ponts,
ordre dans les finances, elles pussent pen- les aqueducs et les égouts de Rome, qui
dant longtemps se passer de réparations servent encore aujourd'hui aux habitants
et continuer à satisfaire aux besoins pour de cette ville et qui n'ont pas peu contri-
lesquels elles avaient été créées : l'extrême bué certainement à la préserver d'une
solidité était donc, dans ce cas, non le ruine complète.
En France, sans être aussi riches en simples n'étaient percées que d'une seule
OA.
aussi intéressants à étudier quant aux usa- à Nîmes ; on les désigne vulgairement sous
ges qui se rattachent à ce genre d'édifices. le nom d'arènes. On n'a aucun document
L'un de ces amphithéâtres est à Arles ; qui permette de fixer d'une manière cer-
ie second beaucoup mieux conservé, est taine la date de leur construction. Le plan
,
de 'Pamphithéâtre de Nîmes, comme celui la civilisation romaine, la Gaule subit les
de tous les amphithéâtres, a la forme d'une vicissitudes de l'empire comme elle en
ellipse, dont le grand axe a l33m 380mm, avait partagé la gloire.
et le petit axe 10lui 400""" ; l'extérieur se Dès le 5« siècle eut lieu l'invasloii des
composait de deux rangs de portiques à Francs, qui occupèrent les provinces du
arcades : il y avait en tout trente-cinq nord. Déjà le christianisme avait com-
rangs de gradins, divisés en quatre pré- mencé à remplacer le culte des idoles et
cinctions, ayant chacune leurs issues et Clovis, en recevant le baptême avec ,ses
leurs vomiloires particuliers. La distribu- sold.ts, devint bientôt pour l'Occident ce
tion des nombreux escaliers, des galeries, que Constantin avait été pour l'Orient; il
des vomitoires, etc., était combinée de assura le triomphe de la religion chré-
manière à faciliter la circulation du con- tienne, et posa ainsi les fondements de
cours immense de citoyens qui s'y réunis- cette nouvelle société dont nous allons
saient les jours de spectacle, et dont le avoir à étudier les développements succes-
nombre pouvait être de 20 000 (le Colysée sifs. On comprend que l'influence des idées
de Rome contenait 87 000 spectateurs). chrétiennes devait naturellement produire
Il parait que l'amphithéâtre de Nîmes, une transformation complète dans les arts,
comme le Colysée, pouvait être à l'occa- et particulièrement dans les monuments
sion transformé en naumachie. religieux.
Il existe en France quelques autres res- Catacombes. — Pendant tout le temps
tes d'amphithéâtres romains, à Fréjus, que les chrétiens avaient été persécutés,
département du Var ; à Lillebonne, en ils n'avaient pu songer à construire des
Normandie; à Saintes et à Poitiers. édifices, et leurs cérémonies religieuses
Arcs de triomphe. — Nous devons restèrent ensevelies dans les catacombes.
mentionner encore un autre genre de mo - La Gaule, comme l'Italie, possédait de
nument qui appartient à l'occupation ro- mystérieux sanctuaires consacrés par le
maine ; ce sont sang des martyrs. On voit encore queLques.
les arcs de unes de ces grottes creusées dans le sol à
triomphe, dont Lyon, à Agen, à Montmajour, etc.
plusieurs exis- Basiliques. -Devenus libres de prati-
tent dans un quer publiquement leur religion, les chré-
assez bon état tiens eussent été incapables d'élever des
de conserva- temples, et ne voulant pas se servir des
tion. Celui temples païens qui d'ailleurs ne se prê-
qu'on voit a taient aucunement à leurs besoins, ils choi-
l'entrée de la sirent parmi les édifices grecs ou romains
ville d'Orange, celui de tous qui, par sa disposition et son
département de étendue, pouvait le mieux convenir aux
Vaucluse, est le exigences de ce nouveau culte : ce fut la
plus remarquable de tous ; il a été dégagé basilique, vaste salle composée d'une nef
et complètement restauré : trois arcades, principale, de bas-côtés ou galeries laté-
une grande et deux petites, servent de rales et de tribunes, qu'ils essayèrent de
passage. Les sculptures qui décorent les transformer en église. Cette disposition de
différentes faces représentent des armures, la basilique antique devint ensuite tradi-
des agrès et des attributs nautiques. Mal- tionnelle, et fut reproduite lors de l'érec-
gré la difficulté qu'on éprouve à fixer la tion des nouveaux temples.
date de l'érection de ce monument qui ne La basilique chrétienne fut donc bien
porte aucune inscription on peut du effectivement une imitation de la basili-
,
moins affirmer qu'il n'a jamais été dédié que païenne mais il importe de remar-
à Marius comme quelques auteurs l'ont quer que, soit par une cause soit par une
,
avancé sans autorité, car le style de autre, les chrétiens, dans la construction
l'architecture et des ornements permet de de leurs basiliques, substituèrent bien-
croire que cet arc de triomphe appartient tôt à l'architrave grecque des basiliques
à une époque plus avancée. Les arcs de antiques un système d'arcs reposant di-
Reims, de Carpentras et de Cavaillon rectement sur les colonnes isolées qui
duivent être rangés dans la dernière pé- leur servaient de points d'appui, combi-
riode de l'empire; celui qu'on voit à Saint- naison toute nouvelle, dont il n'existait
Semy pourrait seul être considéré comme aucun e-xemple antérieur. Ce mode nou-
antérieur à ceux-ci, et par la pureté de veau de constructionqu'on a généralement
ses profils et l'exécution des détails on attribué à l'inhabileté des constructeurs
peut supposer qu'il date d'une époque flo- de cette époque ou à la nature des maté-
rissante de l'art. riaux qu'ils avaient à leur disposition,
§ 3. Origines et développements de l'archi- devait cependant devenir le principe fon-
tecture chrétienne. damental de l'art chrétien, principe qui se
caractérise par l'affranchissement de l'ar-
Après avoir participé aux bienfaits de cade, et l'abandon du système de construc-
tion rectiligne des Grecs et des Romains. de décoration. Le genre de construction
En effet, l'arcade, qui était devenue l'élé- adopté à cette époque était analogue à
ment dominant de l'architecture romaine, celui dont les Romains' faisaient usage
était cependant restée assujettie aux pro- dans les derniers siècles de l'empire ; c'é-
portions des ordres grecs, dont l'entable- tait un mélange de briques et de petites
ment lui servait d'accompagnement obligé, pierres cubiques comme on en voit aux
et de ce mélange d'éléments si divers était Thermes de Julien à Paris. La Basse-Œu-
né ce style mixte qui caractérise l'architec- vre à Beauvais, le baptistère de Saint-
ture gréco-romaine. Or, les chrétiens, en Jean à Poitiers et l'église de Savenières
dégageant l'arcade, en abandonnant l'em- sont les principaux exemples de ce style,
ploi des ordres antiques et en faisant de la qui se trouve caractérisé en outre par des
colonne le support réel de l'arc, ont posé les frontons très-obtus et des fenêtres à plein
bases d'un nouveau style, qui conduisit à cintre généralement de petite dimension ;
l'emploi exclusif des arcs et des voùtes dans quant à l'ornementation, elle est très-sim-
les monuments chrétiens. C'est l'église de ple , et les sculptures ressemblent encore à
Sainte-Sophie, à Constantinople, bâtie par celles de ladécadence romaine, quelquefois
Justinien au milieu du 6e siècle, qui nous on remarque l'emploi de pierres ou de bri-
offre le plus ancien exemple de ce système ques de diverses couleurs disposées avec
de construction en ares et en voûte dans une certaine symétrie.
une église ch rétienne de grande proportion. Il devait y avoir à cette époque un
Nous ne pouvons douterqu'il n'ait existé grand nombre d'églises bâties en bois, si
en France comme en Italie et en Orient, l'on en juge par les fréquents incendies
des basiliques chrétiennes faites à l'imita- dont il est fait mention. Le style latin dut
tion des basiliques antiques ; mais aucun subir, pendant la durée de cinq siècles,
de ces édifices, que la nature même de plusieurs modifications, mais nous man-
leur construction rendait très-périssables, quons d'éléments pour pouvoir les signa-
n'a pu parvenir jusqu'à nous. ler; nous remarquons seulement que sous
Fortunat et Grégoire de Tours décri- le règne de Charlemagne le style de l'ar-
vent plusieurs basiliques construites à Pa- chitecture chrétienne offrait encore une
ris , à Tours, à Clermont et dans d'autres grande analogie avec le style gallo-romain,
villes de la Gaule, et, d'après ces descrip- ainsi qu'on peut en juger par les parties
tions, on peut facilement juger que ces de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle qui ap-
basiliques primitives présentaient exacte- partiennent à l'origine de la construction.
ment la disposition des basiliques que l'on Toutes les églises élevées antérieure-
voit encore à Rome. Néanmoins les au- ment au règne de Charlemagnen'étaient
teurs chrétiens nous apprennent que dans pas toutes aussi simples qu'on serait dis-
le nombre des premières églises il y en posé à le croire; l'on peut avoir une idée
avait de forme circulaire.L'ancienne église de leur richesse en consultant les auteurs
de Saint-Germain-l'Auxerrois à Paris, qui les ont décrites.
surnommée Saint-Germain-le-Rond, en Etienne de Tournai, décrivant la basi-
serait une preuve suffisante si l'Italie n'en lique de Sainte-Geneviève, construite par
présentait encore de nombreux exemples; Cloyis et détruite par les Normands lors-
il arriva aussi que la forme circulaire fut qu'ils firent le siége de Paris, dit qu'elle
combinée avec les nefs rectangulaires. Le était couverte de mosaïques à l'intérieur
temple élevé par Perpetuus sur le tom- et à l'extérieur.Fortunat, poète du 6e siè-
beau de saint Martin auprès de Tours fut, cle , appelle la basilique de Saint-Vincent,
dans notre pays, un exemple remarquable aujourd'hui Saint-Germain-des-Prés,bâ-
de cette curieuse disposition. tie par Childebert, la maison dorée de
Style latin du 5e au 10e siècle. — Les Germain ; elle était décorée de mosaïques
monuments chrétiens les plus anciens que d'or, et sa couverture était en-métal bril-
nous possédions en France ne remontent lant. On sait que Dagobert fit élever l'ab-
guère qu'aux lOe ou 11e siècles; le style baye de Saint-Denis, qui fut également
de leur architecture dérive directement du décorée de marbres, de peintures et de
style romain, more romano, ainsi qu'on sculptures. Saint Eloi était un artiste re-
le trouve exprimé dans les écrivains du nommé et construisit plusieurs églises re-
temps, et c'est par cette raison que l'on haussées de marbres et de mosaïques.
peut comprendre soHis la dénomination de C'est lui qui fonda la fameuse abbaye de
style latin les monuments qui se trouvent Solignac, qui était pour ainsi dire une
- appartenir à la période de siècles qui s'é- école d'artistes. On sait que saint Eloi fit
tend du 5e au 10", pour faire distinction des élèves et qu'il se livrait avec eux à des
avec le style byzantin qui à cette époque, travaux d'orfévrerie.
régnait en Orient etn'avait pas encore pé- Parmi les constructeurs de l'époque
nétré en Occident. mérovingienne nous citerons encore saint
Les caractères distinctifsdesmonuments Berquerre, qui fit bâtir un couvent à 20'"u
de style latin dépendent de l'appareil, de de Reims; saint Colorubans, fondateur de
la forme des fenêtres et des éléments l'abbaye de Luxeuil ; saint Martin de
Tours, qui était un excellent charpentier ; Quant aux ouvriers laïques, ils venaient
sous Charlemagne, prince passionné pour pour la plupart de l'Italie, où les arts n'a- '
l'architecture,Eginhard avait l'intendance vaient jamais cessé d'être pratiqués et qui
générale des constructions; un nommé avait reçu des artistes grecs les procédés
Robert fut le maître de l'œuvre d'un cou- de l'art byzantin. De ce concours de cir-
vent que Charlemagne bâtit en Espagne, constances il résulta une certaine unifor-
près de Carcassonne. Théodulfe, Engil- mité dans les dispositionsgénérales et dans
bert, Fardulfe étaient de véritables archi- le style des monuments chrétiens; mais
tectes ; Radgniert, qu'on trouve qualifié les influences locales n'étaient pas toute-
de sapiens arclLitectus, envoyait les moines fois sans effet sur le caractère et l'ordon-
de son monastère étudier à Tours sous Al- nance des églises élevées dans les diffé-
cuin, que Charlemagne avait fait venir rentes provinces de France ; et celles
d'Angleterre. contemporaines de l'Alsace, de l'Auvergne,
Les efforts tentés par Charlemagne pour de la Normandie, du Poitou et de la Pro-
faire prévaloir les principes de la civilisa- vence présentent dans chacune de ces
tion romaine exercèrent une influence in- contrées une physionomie particulière qui
contestable sur les arts, et l'architecture mérite d'être observée attentivement.
particulièrement, mais elle ne fut pas de Dans les provinces méridionales, les
longue durée; les guerres continuelles qui monuments romains, dont un grand nom-
eurent lieu tant à l'intérieur qu'à l'exté- bre subsistaient encore à cette époque, fu-
rieur, suivies des craintes qu'inspiraitl'ap- rent pris pendant longtemps pour modèles
proche de l'an 1000, que l'on considérait par les artistes chrétiens. La façade de
comme devant être la dernière année du Notre-Dame-des-Dons à Avignon, qui
monde, s'opposèrent à l'accomplissement fut probablement élevée, au 11e siècle, est
de cette renaissance latine. évidemment une imitation de l'architec-
Style roman. — Une fois que les ter- ture romaine; celles de Saint-Trophime à
reurs de l'an 1000 furent dissipées et que Arles et de Saint-Gilles près de Nîmes, se
les populations furent rassurées sur leur ressentent aussi du voisinage des édifices
avenir, une ère nouvelle commença pour antiques qui existaient dans ces villes ; on
la chrétienté les esprits sortirent de leur pourrait en dire autant de la cathédrale
engourdissement, et de cette époque date d'Angoulême. Enfin dans beaucoup d'au-
la constitution sociale du moyen âge. tres villes de la France, à Vaison, à Ca-
L'art, suivant cette impulsion, com- vaillon, etc., on voit des églises plus ou
mença à se transformer : les anciennes moins importantes dans lesquelles il" est
églises, pour la plupart couvertes,ou même facile de reconnaître que certaines écoles
voûtées en bois, avaient été détruites ou du moyen âge restèrent long-temps sous
brûlées pendant les guerres; il fallait les l'influence des principes de l'architecture
réparer ou songer à en élever de nouvelles. antique. Si du midi nous remontons vers
Mais on ne se contenta pas de remplacer le nord, nous retrouverons dans le portail
les églises qui avaient pu être détruites, de Saint-Remy à Reims, et dans l'ordon-
on n'hésitait pas à démolir celles qui sem- nance de la nef de la cathédrale d'Autun,
blaient trop petites ou trop pauvres pour qui sont d'une date moins ancienne, la re-
les rebâtir , sur do nouveaux plans plus productiondecertaines formes bien évidem-
,
vastes et plus belles. Voici ce que dit à ce ment inspirées par les monuments romains
-
sujet Raoul Glaber (liv. IJI, ch. iv) : Près
de 3 ans après l'an 1000, les églises furent
que possèdent ces deux villes. S'il s'agit
maintenant de généraliser les caractères
renouvelées dans presque tout l'univers, distinctifs des églises des 11e et 12e siècles,
surtout dans l'Italie et les Gaules, quoi-- nous devrons prendre pour exemples celles
que la plupart fussent encore en assez bon qui présentent le plus d'unité dans leur
état pour ne point exiger de réparations. » ensemble et la plus grande netteté de style
Il semblait que l'onvoulût tout rajeunir'; on dans leurs détails.
bâtit alors de tous côtés, avec une ardeur Aux 11e et 12e siècles, le plan des églises
vraiment surprenante, des monastères, des d'Occident conserva la disposition primi-
églises plus grandes et plus magnifiques tive de la basilique latine, c'est-à-dire la
que celles des siècles précédents ; c'est à forme allongée et les galeries latérales;
cette époque, c'est-à-dire au 11c siècle, les modifications les plus importantes fu-
qu'appartiennent en effet la plupart des rent le prolongementdu chœur et des ga-
églises de France, surtout celles situées leries au delà de la croix, la circulation
entre la Loire et la Méditerranée'; ce fut établie auteur de l'abside, et enfin l'ad-
aussi alors que se formèrent les premières jonction des chapelles qui vinrent se grou-
associations de constructeurs dont les ab- per autour du sanctuaire. Dans la con-
bés et les prélats faisaient eux-mêmes Struction, les colonnes isolées de la nef
partie; les arts étaient cultivés dans les sont quelquefois remplacées par des pi-
couvents, les églises s'élevaient sous la liers ; tous les vides sont cintrés en arca-
direction des évêques, et les moines coo- des , et un système général de voûtes est
péraient aux travaux de toute espèce. substitué aux plafonds et tux charpentes
des anciennes basiliques latines. En un des bords du Rhin , dans l'église de Saint-
mot, l'architecture chrétienne subit en Etienne à Caen, etc. Souvent il n'y avait
Occident, au Il" siècle, la même transfor- qli'un seul clocher, et dans ce cas il était
mation qu'elle avait subie en Orient au 6", placé soit au-dessus de l'entrée, soit au
seulement il importe de remarquer que centre de la croix ; mais quelquefois les
les points de dissemblancequi existent en- clochers étaient au nombre de trois, un sur
tre l'Eglise d'Occident et l'Eglise d'O- la croix et un de chaque côté du portail,
rient, consistent dans la disposition du ou bien un sur le portail et un de chaque
plan et surtout dans l'importance des clo- côté du transseptcomme à Saint-Germain-
chers. L'usage des cloches, qui lie fut que d es-Prés à Paris; enfin, dans certaines
passagèrement adopté en Orient, a cOlltri- églises de cette époque on trouve jusqu'à
bué, en effet, à donner aux églises d'Occi- quatre et cinq clochers. La décoration des
dent un caractère et une physionomie qui clochers est analogue à celle des façades :
leur est propre et qu'elles doivent particu- ce sont en général des tours carrées, per-
lièrement à ces tours élevées devenues la cées d'arcades à plein cintre, à un, deux,
partie essentielle de leurs façades; le clo- ou trois étages, et surmontées d'une toi-
cher peut donc être considéré comme la ture pyramidale qui s'élève souvent sur
forme symbolique de l'Eglise d'Occident, une base octogonale; cette toiture est le
de même que la coupole est restée pen- plus généralement construite et couverte
dant long-temps le type caractéristiquede en pierre. Le clocher de l'église de l'ab-
l'Église d'Orient. baye de Saint-Germain d'Auxerre est un
Les façades des églises romanes sont en
général très-simples dans leur ensemble
elles offrent à leur partie inférieure, selon
leur importance, une ou trois ouvertures ;
,
des plus beaux exemples de clocher roman
qu'on puisse citer; ceux de l'Abbaye-aux-
Hommes, de Caen ( (Saint-Etienne) méri-
tent d'être mentionnés, quoiqu'ils soient
considérés comme moins anciens que la
au-dessus des portes on remarque qtielque-
fois une galerie composée de petites arca- partie inférieure de la façade.
des supportées par des colonnettes, mais Les façades latérales des églises roma-
cette galerie est plutôt figurée que réelle; nes sont de la plus grande simplicité et
on peut supposer qu'elle fut imitée des ne présentent pas encore cette multitude
façades des églises d'Orient, dans lesquel- de contreforts et d'arcs-boutants qu'on re-
les le gynécée ou tribune des femmes, tou- marque dans les édifices religieux d'une
jours située au premier étage, était éclai- époque postérieure. Quelques contreforts
rée par une suite de fenêtres contiguës. ou pilastres peu saillants forment à peu
Dans les églises romanes de France, ces près la seule décoration de cette partie de
arcades sont ordinairement décorées de l'édifice ; les transsepts se dessinent nette-
statues comme dans la façade de Notre- ment en saillie, et sont peu décorés. Celui
Dame de Poitiers. Au-dessus de cette ga- de Saint-Etienne, de Beau vais, mérite
Ierie s'ouvrait l'oculus (l'œil), grande fenê- d'être remarqué comme exemple complet
tre circulaire desti- de cette partie des églises de cette époque.
née à éclairer la C'est à l'abside que l'on flt les premières
nef plus tard, dans applications d'arcs-boutants, mais ces
les églises de exemples sont peu nombreux ; lorsque les
grande étendue, voûtes de la nef commencèrent à s'élever
l'oculus est souvent et nécessitèrent des arcs-boutants, on prit
remplacé par trois soin de ne pas les rendre apparents à l'ex-
ouvertures, comme térieur, et l'on comprit qu*il était néces-
dans la façade de saire d'abriter cette partie essentielle fkla
Saint-Etienne de construction. A l'église de l'Abbaye-aux-
Caen. Les pignons Hommes à Caen, à SaintrSernin., à Tou-
qui terminent les louse, on a su profiter de ces arcs-boutants
façades romanes pour couvrir le triforium situé au-dessus
sont l'expression de des collatéraux.
la couverture, dont l'inclinaison ne forme A l'intérieur les églises romanes, comme
pas un angle très-aigu: ils sont décoré3 nous l'avons déjà vu, se composent d'une
d'ornements peu saillants disposés en nef principale, de deux galeries ou nefs
forme de losanges, de cercles, ou en imbri- latérale,; au-dessus des nefs latérales il
cations comme on en voit à Notre-Dam., y a souvent un triforium ou tribune, qui
de Poitiers, à Saint-Etienne de Beau- est une tradition des galeries supérieures
vais, etc. de la basilique antique. Le jour pénètre
Dans les églises des 9c et ne siècles, par trois rangées de fenêtres : les unes
les clochers commencèrent d'abord par s'ouvrent sur les bas-côtés de la nef; les
être peu importants, comme ceux de No- secondes, sous la galerie ou tribune qui
tre-Dame de Poitiers ; mais une fois adop- règne au-dessus, et les troisièmes sont
tés , nous les voyons grandir et s'élever percées entre les arceaux de la grande nef,
triomphalemént, comme dans les églises au-dessus du toit du triforium. Ces fenê'
tres sont en général de petite dimension les plus anciennes de l'édifice : c'est là
et sans meneaux; leur forme, comme celle qu'on peut le plus facilement retrouver les
de tous les arcs, est le plein cintre. Les types primitifs de l'art roman. Dans les
nefs sont ordinairement voûtées en voûtes
d'arêtes; mais cependant on trouve des
exemples de voûtes en berceau, comme à
l'église de Notre-Dame des Dons à Avi-
gnon , à celles de Chapaize en Bourgogne
de Saint-Sernin à Toulouse, de Chatel
de Montagne, dans l'ancien Bourbonnais,
de Saint-Georges de Bocherville en Nor-
mandie, à Notre-Dame du Port à Cler-
mont. La voûte de l'église de Tournus, en
Bourgogne, présente une disposition uni-
que de voûte: ce- sont des berceaux trans-
versaux portant d'un arc doubleau à l'autre.
Parmi les églises romanes les plus im-
portantes et les plus remarquables qui
existent en France, outre celles déjà ci-
tées, nous ajouterons encore Saint-Paul
d'Issoire, en Auvergne; l'église de l'ab-
baye deVezelay, Saint-Benoît-sur-Loire,
dont un certain Bertin fut l'architecte ; la
cathédrale de Châlons-sur-Marne,etc. de Saint - Denis, est située sous le chœur
Dans certaines églises du lle et du 12" et renferme les tombes des rois de France ;
siècle, au centre de la croix, à la ren- elle est du règne de Charlemagne et consé-
contre des deux voûtes, il existe quel- quemment antérieure aux autres caveaux.
quefois une coupole ou une construction L'abside des églises romanes. qui dérive
analogue, supportée par des pendentifs de la tribune des basiliques antiques , est
ou des encorbellements de formes va- généralement demi-circulaire ou à pans
riées. Ces pendentifs, d'origine byzantine, coupés; mais cependant quelquefois on
sont évidemment une importation orien- trouve des exemples d'absides carrées,
tale due à quelques confréries d'artistes comme dans l'église de Laon. Dans d'au-
voyageurs; mais elle n'est pas parvenue à tres églises, .au contraire, les transsepts,
se naturaliser dans notre pays. Les églises ou bras de la croix, sont terminés à l'in-
de France dans lesquelles cette disposition térieur par une disposition demi-circulaire
particulière a été adoptée doivent donc analogue à celle de l'abside, comme à
être considérées comme faisant exception ; Noyon, à Soissons, etc.
mais elles méritent néanmoins sous ce rap- Dans les façades de quelques églises des
port d'être étudiées avec intérêt. Le sanc- 1Il et 12" siècles, on remarque des galeries
tuairedel'église deNotre-Dame-des-Dons, crénelées et disposées ,pour la défense,
à Avignon, est surmonté d'une coupole. comme à Notre-Damed'Etampes, à l'église
L'église de Souillac a deux coupoles dans abbatiale de Saint-Denis, etc.
la nef et une au transsept ; on en voit éga- L'ornementation des églises romanes
lement aux églises de Périgueux, de Notre - comprend trois types différents celui qui
Dame-du-Puy en Yelay, de Cahors, etc. émane directement de l'artromain, celui
L'église Saint-Etienne, à Nevers, dont la qui se compose d'emprunts faits à l'art
construction entière remonte positivement byzantin, et enfin celui qui est une sorte
au lIe siècle, présente une nef voûtée en de mélange des deux. Mais, malgré ces
-
berceau, des bas-côtés en voûte d'arête,
un triforium voûté en demi berceau, une
abside flanquée de trois chapelles en cul
variétés, il faut reconnaître que l'archi-
tecture romane conserva toujours un grand
caractère d'unité résultant des principes
de four, le plein cintre partout et une cou- qui lui avaient servi de base et qui, s'ils
pole à huit pans au point d'intersection de avaient pu être développés entièrement,
la croisée. L'église de Tournus possède eussent engendré un art complet.
lîne coupole très-remarquable. Le style roman est donc vraiment le
Sous le chœur des églises romanes on type primordial de l'architecture chré-
, à
rencontre souvent des cryptes destinées tienne en France, et l'église du 12" siècle
renfermer le tombeau d'un martyr ou du peut, selon nous, être considérée comme
patron sous l'invocation duquel l'église a l'expression la plus noble, la plus simple
été placée. Ces chapelles souterraines, qui et la plus sévère du temple chrétien.
furent une tradition des souterrains et des Style de transition. — Entre le style
catacombes, sont basses et obscures; le de l'architecture du 12" siècle, dont le si-
style de leur architecture est simple et sé- gne distinctif était encore l'arc plein cin-
vère, et, comme les cryptes des églises tre, et le style de l'architecture du 13° siè-
romanes sont nécessairement les parties cle, qui est caractérisé par l'emploi exclu -
sif de l'arc ogival, il faut reconnaître une tecture antique. Mais, tout en admettant
période de transition dans laquelle l'ogive ces deux grandes divisions, il faut re-
et le plein cintre se mêlent et se marient marquer que les différentes provinces de
de manière à faire pressentir la révolution France formaient diverses écoles qui
prochaine qui est sur le point de s'opérer avaient chacune leur style particulier.
dans l'architecture chrétienne. Ainsi la Normandie, l'Ile-de-France, la
Dans les églises de l'époque de trans- Bourgogne, l'Auvergne, la Provence, le
ition, le chœur prend déjà plus d'impor- Périgord, le Limousin, etc., possèdent
tance en raison des cérémonies qui devien- des monuments très-différents les uns des
nent plus pompeuses, et la forme dela autres.
croix latine commence à s'altérer ; les cha- Les églises d'Auvergne sont remarqua-
pelles secondaires deviennent plus nom- bles par l'emploi de pierres colorées et de
breuses et la forme carrée remplace la terres cuites combinées de différentes ma
forme pol:ygonple des chapelles romanes. nières; l'église d'Issoire est un exemple re-
Si les constructions acquièrent plus de per- marquable de ce genre d'ornementation.
fection en raison d'une exécution maté-
§ 4. Style ogival ou gothique.
rielle plus soignée, elles s'éloignent de
plus en plus de l'unité et de la sévérité Aperçu général.—Nous voici parvenue
qui caractérisent les édifices de l'époque à cette époque de notre histoire où l'arc
antérieure; le nombre et le volume des plein cintre, qui pendant mille à douze
cloches augmentant,l'emplacementet l'im- cents ans avait eu le privilége de régner
portance des clochers augmentent aussi; à dans tous les édifices chrétiens, est entiè-
l'intérieur, les orgues, qui s'étaient per- rement détrôné par l'arc ogival ou aigu.
fectionnées et avaient acquis plus de vo- Quant à la raison de cette préférence aC-
lume, motivèrentprès de l'entrée des con- cordée à l'arc ogival, on ne peut, selon
structions importantes. nous, la trouver que dans ce besoin de li-
Nous considérerons comme appartenant berté illimitée vers laquelle tendait inces-
à l'époque de transition l'église de Saint- samment l'art chrétien. L'architecture ogi-
Remy, à Reims, celles de Laon, de NQyon, vale caractérise l'époque romantique du
de Saint-Denis, de Saint-Nicolas, à christianisme ; c'est un art qui tend à ge
Blois, la cathédrale de Châlons-sur- soustraire à l'autorité tyrannique de l'É-
Marne, l'église de Jumiéges, etc. glise pour s'abandonner au sentiment de
Ce fut surtout dans le nord de la France l'infini. M. Vitet a parfaitement défini les
que le type roman commença à se modi- caractères de l'architecture ogivale lors-
fier et que l'ogive prévalut d'abord; dans qu'il a dit : cc Son principe est dans l'é-
le midi et dans le sud- ouest, au contraire, » mancipation, dans la liùert{., dans l'es-
les formes latine et byzantine persistè- " prit d'association et de commune, dans
rent, et les édifices ogivaux y sont en " des sentiments tout indigènes et tout na-
très - petit nombre. Il y a cependant lieu " tionaux; elle est bourgeoise, et de plus
de citer quelques exceptions ainsi à Nar- elle- est française, anglaise, teutonique,
bonne, à Clermont, àToulouse, à Carcas- » etc. L'autre, au contraire ( l'architecture
Y)