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Histoire des Juifs en Provence et au Languedoc

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Pour un article plus général, voir histoire des Juifs en France.

Lampe à huile d'Orgon, exposée au musée judéo-


comtadin de Cavaillon Note 1

L'histoire des Juifs en Provence et au Languedoc remonte au I siècle. La


er

présence de Juifs semble attestée par des vestiges archéologiques du I siècle, tels
er
qu'une lampe à huile ornée du chandelier à sept branches découverte en 1967
à Orgon.
Durant tout le Moyen Âge, les Juifs du Languedoc et de Provence profitent de la
proximité avec l'importante communauté juive espagnole et de la relative
indépendance des autorités locales par rapport aux pouvoirs espagnols et français.
C'est ainsi qu'une importante communauté juive existe à Narbonne au VIII siècle et
e

qu'aux XII et XIII siècles, la communauté juive connaît un grand essor intellectuel
e e

avec notamment une famille de savants, les Tibbonides qui participe au


développement de l'étude de la philosophie et des sciences à Montpellier.
Les Juifs du Languedoc sont expulsés comme tous les autres Juifs du royaume de
France au XIV siècle et l'annexion de la Provence par le roi de France au XVI siècle
e e

entraine l'expulsion des Juifs qui ne trouvent refuge dans la région que dans les
possessions pontificales, à Avignon et au Comtat-Venaissin où ils sont confinés dans
des « carrières », nom local des juiveries. Au XVIII siècle, leur condition s'améliorant,
e

ils peuvent restaurer et décorer les synagogues de Carpentras et de Cavaillon qui


restent aujourd'hui parmi les plus belles et les plus anciennes de France.
La Révolution française apporte l'émancipation aux Juifs du pape dont la
communauté est rapidement assimilée. Le dernier locuteur du parler judéo-provençal
est le poète et écrivain Armand Lunel décédé en 1977. Toutefois, une nouvelle
communauté juive s'est développée au XX siècle, d'abord avec l'arrivée de
e

Juifs ashkénazes dans les grandes villes comme Marseille, puis avec l'immigration
de Juifs venus d'Afrique du Nord et particulièrement d'Algérie qui revitalisent les
communautés juives de toutes les grandes villes.
Des origines à l'an mille[modifier | modifier le code]

Inscription funéraire de Narbonne (689) : « Ici


reposent en paix les trois enfants d'heureuse mémoire du seigneur Paragorus, fils du
défunt seigneur Sapaudus, à savoir Justus, Matrona, Dulciorella qui ont vécu Justus
trente ans, Matrona vingt ans et Dulciorella neuf ans. Paix sur Israël. Ils sont
décédés dans la deuxième année du seigneur Egica, roi. »1
Le premier témoignage d'une présence juive en Provence est liée à la découverte
archéologique à Orgon (non loin de Cavaillon) en 1967 d'une lampe juiveNote 2 datée
du I siècle2. D'autres découvertes archéologiques confirment la présence de Juifs
er

dans la basse vallée du Rhône entre le I et le V siècle2.


er e

Au VI siècle, on trouve des Juifs à Marseille, à Arles, à Uzès, à Narbonne. Les


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premières persécutions dans le nord de la France incitent des Juifs à revenir s'établir
plus au sud, notamment à Marseille. Si les évêques d'Arles et de Marseille tentent de
les baptiser de force, ils semblent finalement avoir été laissés en paix sur ordre du
pape Grégoire le Grand3.
Aux VII et VIII siècles, la Septimanie - qui couvre à peu près le Languedoc et
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le Roussillon - sert de refuge aux Juifs opprimés dans l'Espagne wisigothique. C'est
du VII siècle que date la plus vieille inscription juive trouvée en France à Narbonne,
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ornée d'un chandelier et portant en hébreu la phrase ‫( שלם על ׳שראל‬Paix sur Israël).
La condition des Juifs à Narbonne sous les premiers Carolingiens semble très
favorable. Il s'y établit un centre majeur d'études du judaïsme dès le VIII siècleNote 3.
e

Elle ne se dégrade qu'avec Charles le Simple4. À la même époque, on trouve


également des communautés juives à Auch et Nîmes et au IX siècle, l'immigration
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d'Espagne contribue à la formation de nouvelles communautés dont celle


de Carcassonne5.
Essor du judaïsme du midi de la France
au XII siècle[modifier | modifier le code]
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La rue du puits juif à Aix-en-Provence y rappelle le


quartier juif des XII et XIII siècles6
e e

Au XI siècle apparaissent des communautés juives à ToulouseNote 4 et à Lodève5.


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Le XII siècle est une période de prospérité pour le judaïsme provençal et


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languedocien qui profite de l'esprit de tolérance qui règne alors dans les cours
de Toulouse et de Béziers. Armand Lunel peut écrire : « Sous le ciel des troubadours
et par la douceur native des tempéraments, l'âpreté des rapports entre l'Église et la
Synagogue put peu à peu se réduire et le poids de la réprobation théologique
s'alléger jusqu'à rendre pacifique la cohabitation des chrétiens et des juifs. »7
Les comtes de Toulouse et les Trencavel qui règnent à Béziers sont parmi les
princes les plus libéraux vis-à-vis des Juifs. Les vicomtes Raymond et Roger II
Trencavel, accueillent les Juifs à leurs cours, les protègent des émeutes suscitées
par l'évêque de Béziers, moyennant le paiement annuel d'un impôt de quatre livres
d'argent8. Ils nomment même deux baillis juifs. Le dernier Trencavel, Raimond-
Roger s'appuie sur les Juifs pour gouverner Béziers jusqu'à sa chute en
1209. Benjamin de Tudèle, le rabbin voyageur du XII siècle, cite certaines
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communautés du midi, évoque leurs nombreuses écoles talmudiques et leurs


maîtres de l'époque. Les Juifs peuvent s'adonner à l'agriculture comme au
commerce. Une des plus importantes communautés juives est alors celle de
Narbonne, forte de trois cents personnes et où les Juifs disposent d'un hôpital7.
D'autres communautés sont établies à Montpellier, à Lunel où existe
une synagogue pouvant accueillir trois cents personnes et où les rabbins accueillent
et enseignent leurs étudiants, à Beaucaire, à Saint-Gilles, à Arles et à Marseille où
chacune des deux synagogues peut recevoir trois cents fidèles9.
La communauté de Narbonne est dirigée au XII siècle par Kalonymos ben Toderos,
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issu d’une famille très ancienne probablement romaniote, qui possédait de nombreux
immeubles, dont la propriété lui était garantie par lettres patentes8.
Les Kimhi, Joseph, Moïse et David sont des grammairiens et lexicographes
narbonnais éminents, originaires d'Espagne, qui contribuent à la connaissance des
textes hébreux par les théologiens et savants chrétiens et qui participent à
des disputations judéo-chrétiennes. Quant aux Tibbonides, autres savants d'origine
espagnole établis à Lunel puis à Montpellier et Marseille, ils pratiquent souvent la
médecine et participent par leurs traductions de l'arabe vers l'hébreu à la diffusion
des écrits de Maïmonide mais aussi d'Euclide, Aristote et Galien10.
À Posquières (aujourd'hui Vauvert), près de Lunel, existait également une
communauté juive, comptant environ quarante membres8. C’est là que, vers 1125,
naquit Abraham ben David (mort en 1198), un des plus remarquables talmudistes du
temps, comparé par certains à Rachi et fameux par sa critique de Maïmonide. Isaac
l'Aveugle, lui aussi originaire de Posquières, commente un des livres fondateurs de
la Kabbale, le Sefer Yetzira.
À la fin du XII siècle, les Juifs du Languedoc et du comté de Toulouse connaissent
e

donc un sort enviable. La vie intellectuelle est brillante. Raymond VI de


Toulouse confie des charges importantes aux Juifs et laisse le catharisme se
développer dans ses possessions.
Benjamin de Tudèle cite aussi les communautés provençales de Marseille et
d'Arles aux savants ou rabbins réputés11. En ce XII siècle, « l’habitat juif s’égrène et
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fleurit sur tout l’espace méridional, aussi bien dans les villes que dans les villages ;
essaimage de la population qui traduit encore une certaine quiétude et
tranquillité »11. « Les potentialités andalouses s’épanouirent et décuplèrent en terrain
languedocien, qui devint un foyer exceptionnel de pensée et de science juives »11.
Spoliations, massacres et expulsions
aux XIII et XIV siècles[modifier | modifier le code]
e e

Aussi le légat du pape qui va déclencher la croisade des Albigeois ne reproche-t-il


pas seulement au comte de Toulouse d'avoir laissé se développer le catharisme
mais aussi d'avoir fait la part trop belle aux Juifs. Ceux-ci ne sont pas massacrés
comme les cathares après la défaite mais en 1229, Raymond VII de Toulouse est
vaincu et ses terres passent après sa mort sous la possession d'Alphonse de
Poitiers, frère de Saint Louis et mari de l'héritière de Raimond VII. Des Juifs biterrois
fuient quelque temps en Catalogne avant de revenir11, mais dès lors, les Juifs sous la
domination d'Alphonde de Poitiers souffrent d'un arbitraire semblable à celui qui
règne à leur égard dans le royaume de Saint Louis. Alphonse de Poitiers ne manque
pas de les pressurer : taxes pour dispense de rouelle ; fonds pour la croisade en
1248 puis nombreuses extorsions de fonds avec menaces d'expulsion et imposition
forcée qui lui rapporte autant que celle sur les chrétiens pour la Huitième croisade.
Les Juifs émigrent alors vers la Provence, sous la domination de la maison
d'Anjou10,12.
Les médecins juifs aussi sont craints par l'Église pour l'influence qu'ils ont auprès des
grands et, au concile de Béziers (1246), il est résolu d’interdire à tout médecin juif de
donner ses soins à un chrétien. Cette interdiction frappe une personnalité
comme Moshe ibn Tibbon et est renouvelée à un autre concile, tenu dans le sud de
la France13.
Désormais, les Juifs du Languedoc suivent le sort de ceux de la France du nord et
comme eux sont expulsés du royaume en 1306 sous Philippe le Bel. Soixante-quinze
mille livres sont produites par la vente par l'administration royale des biens des Juifs
expulsés de la sénéchaussée de Toulouse au XIV siècle14. e

Article détaillé : Histoire des Juifs en France.


Seuls, le comté de Provence et les possessions du Pape les accueillent encore,
dans le midi de la France. Ceux qui reviennent dans le Languedoc ou qui ont réussi
à y rester sont massacrés lors de la seconde croisade des Pastoureaux qui suscite
son cortège de massacres de Juifs dans le sud-ouest de la France,
à Auch, Castelsarrasin, etc. À Verdun-sur-Garonne, ils se suicident. Certains Juifs
préfèrent accepter le baptême plutôt que d'être massacrés mais sont alors
considérés comme relaps par l'Inquisition et donc menacés du bûcher s'ils reviennent
plus tard au judaïsme15
Les Juifs languedociens survivants doivent quitter la région lors des expulsions
ultérieures du XIV siècle décrétées par les rois de France. Beaucoup s'établissent
e

au royaume d'Aragon11.
Le judaïsme provençal, du XIII au XVI siècle[modifier | modifier
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le code]
La vie pour les Juifs de Provence reste relativement paisible en cette période où ils
subissent persécutions et expulsions dans le royaume de France. Ils sont
formellement reconnus comme « citoyens » à Marseille, à Saint-Rémy-de-
Provence et à Tarascon plusieurs fois du XIII au XV siècle. Leurs obligations
e e

religieuses sont même prises en compte par la réglementation : à Marseille, où, de


par la règlementation municipale, les habitants doivent balayer devant leur porte le
samedi, les Juifs doivent, eux, balayer le vendredi et ils sont dispensés de circuler
avec une lumière, les nuits de chabbat et de fêtes juives16.
Les contraintes qu'on leur inflige sont tempérées : la cornette que les femmes
doivent porter et la rouelle sont de petites dimensions et leur port n'est pas
obligatoire en voyage17. Les tribunaux civils interviennent parfois dans la vie
religieuse juive, par exemple, à Manosque, en jugeant un circonciseur refusant ses
services ou un homme se prétendant indûment du titre de Cohen18. À Tarascon,
défense est faite aux Juifs d'acheter de la viande non rituelle18. Les Juifs peuvent
s'adonner au commerce, leur occupation principale, au prêt à intérêt, à l'industrie,
notamment à la production de savon à Arles et au travail du corail et à la médecine 19.
À Manosque, en 1286, quatre médecins sont juifs alors que la population juive ne
dépasse pas quarante familles. Ceux-ci soignent Juifs et chrétiens et peuvent même
être « experts près les tribunaux ».
Les Juifs disposent d'équipements communautaires, synagogues, écoles primaires
et talmudiques, boucheries chargées de l'abattage de la viande rituelle, hôpitaux et
cimetières20.
Ils ne sont cependant pas épargnés par la pression fiscale : à Orange, la
communauté juive doit une contribution annuelle de trois-cents-écus21.
En 1482, à la mort du roi René d'Anjou, le roi de France Louis XI devient comte de
Provence. Ce dernier, qui avait vainement essayé de rappeler les Juifs
du Dauphiné évite de taxer les Juifs et, au contraire, renouvelle leur droit de séjour,
politique continuée, au début de son règne, par Charles VIII22. Toutefois, des
émeutes anti-juives ont lieu comme à Arles où des heurts font 16 morts dont 9
catholiques qui avaient secouru des Juifs22. Comme souvent, les Juifs sont accusés
d'être fauteurs de troubles et les édiles demandent leur expulsion, d'autant plus qu'en
1492, les Juifs sont expulsés d'Espagne. Charles VIII prononce l'édit d'expulsion en
1498 et Louis XII le réitère le 31 juillet 1501. Les Juifs, ici encore, ont le choix entre
le baptême ou l'exil. De nombreux Juifs préfèrent le baptême à l'exil mais une
nouvelle taxe de 6 000 livres touche en 1512 122 chefs de famille dans 16 localités.
Ces nouveaux chrétiens sont discriminés pendant près de 3 siècles. Ainsi, en 1627,
le poète Malherbe parle de ceux qui ont tué son fils Marc-Antoine comme des « fils
de ces bourreaux qui T'ont crucifié ». En 1778, un édit royal prescrit de ne plus faire
de différences entre nobles provençaux, fussent-ils d'origine juive ou mahométane23.
À partir du XVI siècle, seuls le Comtat-Venaissin et Avignon restent donc entr'ouverts
e

aux Juifs.
Les Juifs du Comtat et d'Avignon[modifier | modifier le code]
Si on a trouvé un cachet juif du IV siècle à Avignon, la présence juive y est attestée
e

depuis le XII siècle24. Les Juifs résident alors dans le quartier de la rue vieille
e

juiverie24 à moins que ce soit rue AbrahamNote 5.


Le 27 mars 1247, mercredi de la semaine sainte, une petite chrétienne est trouvée
morte à Valréas. Cela donne lieu à l'une des premières accusations de crime rituel
contre les Juifs25. Des Juifs de Valréas sont immédiatement arrêtés, torturés et brûlés
sur le bûcher. Par la suite, d'autres Juifs de la région sont eux aussi persécutés et il
faut l'intervention du pape Innocent IV pour arrêter cette flambée d'antijudaïsme26.
À Carpentras résident des Juifs depuis au moins le 28 février 1276, selon des rôles
d'impôts de cette période27.
Les Juifs du Pape du XIV au XVIII siècles[modifier | modifier le code]
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Arche sainte de la synagogue de Cavaillon


Article détaillé : Juifs du pape.
Durant cinq siècles, jusqu'à la Révolution française, les Juifs du Comtat-Venaissin et
d'Avignon vivent sous l'administration papale. S'ils sont protégés des expulsions
visant leurs coreligionnaires du royaume de France, ils y sont néanmoins victimes de
discriminations qui varient suivant les moments : restrictions professionnelles,
impôts, obligations vestimentaires... mais surtout obligation à partir de la fin
du XVI siècle, d'habiter une des quatre carrières (ou ghetto) de Carpentras,
e

d'Avignon, de Cavaillon ou de l'Isle-sur-la-Sorgue.


Après une courte période de prospérité liée à la présence de la cour papale à
Avignon, cette population végète jusqu'au XVIII siècle, quand l'allègement des
e

restrictions et la permission de voyager permettent un relatif essor économique


reflété dans la belle décoration des synagogues de Carpentras et de Cavaillon.
Les Juifs de la principauté d'Orange
du XIII au XVIII siècles[modifier | modifier le code]
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La présence d'une petiteNote 6 communauté juive dans la principauté d'Orange est


attestée par une première Charte du 6 décembre 1282, leur déniant le droit de
témoigner en justice contre des chrétiens, et de posséder un office. En 1311, une
seconde charte leur permet de témoigner sous réserve de l'obtention de l'autorisation
du prince.
Une troisième charte, datée de 1353, les place sous la protection du Prince et leur
accorde le même statut que les citoyens chrétiens d'Orange, avec la liberté entière
de pratiquer leur culte, de commercer et d'aller et venir. Ils sont autorisés à disposer
de leur propre système de justice interne et d'impôts, tout en étant soumis à
redevance. Toutefois, dès les années suivantes, cet égalitarisme est battu en
brèche : un chanoine leur rappelle l'obligation de porter des signes vestimentaires
distinctifs, et à la fin de la décennie, l'autorisation de la pratique de la médecine, qui
leur avait valu le soutien du prince, leur est retirée, tout comme la pratique de
l'« usure » (prêt à intérêt) ou le commerce des grains. Au XIV siècle, ils disposent de
e

deux synagogues à Courthézon et Orange, ainsi que d'un cimetière propre


à Crochans, au nord d'Orange. Aucune trace de carrière n'a été retrouvée, et les
témoignages historiques attestent au contraire de propriétés d'immeubles dans
plusieurs endroits de la Principauté et de la ville. Outre les rapports commerciaux, les
rapports d'échanges de service entre juifs et chrétiens témoignent d'une forte
intégration, avec intercessions réciproques des uns en faveur des autres pour faire
valoir leurs intérêts.
Constituant une minorité, tout comme les protestants, et prospérant dans les affaires,
ils sont assez rapidement en butte à la jalousie de la population, et sont expulsés par
une ordonnance du 20 avril 1505. Toutefois, même s'ils résident dans les villes des
alentours, le prince leur accorde des sauf-conduits l'année suivante, et plusieurs
d'entre eux reprennent leurs activités dans la principauté. À la suite de longues
négociations sans effets avec le conseil communal pour retrouver leurs droits, le
prince leur délivre de nouveaux sauf-conduits. Ces sauf-conduits sont annulés
en 1556, le conseil communal fait appel au Parlement de Grenoble qui décide d'un
procès, tout en reconnaissant la validité de la patente qui leur avait été accordée. Il
n'y a plus de trace de la présence de juifs à Orange jusqu'au milieu du siècle suivant,
où la ville, administrée par des « consuls », sollicite leur retour, dans l'espoir d'aider à
redynamiser l'économie et les finances de la ville. En 1687 et 1703, Louis
XIV prononce deux ordonnances d'expulsion à leur encontre, qui ne seront pas
suivies, du fait de la protection du comte de Médavy et de la princesse de Conti.
Sous la pression des commerçants, une troisième ordonnance aboutit en 1732, et
les 21 familles recensées vont s'installer dans les carrières surpeuplées des villes de
la région, dont celle de Carpentras. Vers 1796, un mouvement de Carpentras vers
Orange s'amorce, et en 1808, on compte 36 personnes habitant la ville d'Orange28,29.
Depuis la Révolution française[modifier | modifier le code]

Adolphe Crémieux

Portrait par Lecomte du Noüy. Plaque rappelant


l'ancienne synagogue d'Aix-en-Provence et commémorant la déportation des Juifs du
camp des Milles Grande synagogue de
Marseille (inaugurée en 1864)
Depuis 1791, les Juifs sont citoyens français et partagent l'histoire des Juifs en
France. En 1808, Napoléon crée l'administration consistoriale et les Juifs du midi
dépendent alors tous du Consistoire de Marseille. Les petites communautés
d'Avignon et du Comtat se dépeuplent à la suite du mouvement général des Juifs de
France vers les métropoles : il n'y a plus que 149 Juifs à Avignon en 189224.
Toutefois, le judaïsme du midi de la France donne un des personnages fondateurs
du judaïsme français actuel, Adolphe Crémieux, né à Nîmes en 1796, avocat qui
obtient l'abolition du serment more judaico, un des créateurs de l'Alliance israélite
universelle et ministre auteur du décret donnant la citoyenneté française aux Juifs
d'Algérie.
Durant la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de Juifs du nord de la France se
réfugient en zone sud qui n'est occupée par les Allemands qu'en 1942 mais où ils
subissent les lois de Vichy. Cependant, des camps sont établis en zone sud, point de
départ vers les camps de la mort, comme le camp des Milles près d'Aix-en-Provence.
Le 26 août 1942, 419 personnes sont arrêtées dans l'Hérault lors d'une rafle opérée
par la police et la gendarmerie de Vichy qui visait en fait 1010 hommes,femmes et
enfants dont certains ont pu être prévenus par ceux mêmes qui devaient les arrêter.
Une partie des Juifs arrêtés fut déportée vers les camps de la mort30. À Nice,
occupée par les Italiens, les Juifs connaissent une sécurité relative jusqu'à la
capitulation italienne et l'arrivée, en septembre 1943, des Allemands qui font déporter
des milliers d'entre euxNote 7.
Avec l'indépendance des pays d'Afrique du nord, de nombreux Juifs choisissent de
s'établir dans le sud de la France et en revitalisent ainsi toutes les communautés. Il y
a aujourd'hui une quarantaine de synagogues ou oratoires consistoriaux à Marseille
pour une communauté de 70 000 personnes selon le site du Consistoire de
Marseille31, six à Toulouse pour une communauté juive de 20 000 personnes32 et six
aussi à Nice33. Dans ces villes existent aussi des communautés juives libérales ou
réformées.
Bibliographie[modifier | modifier le code]
 Bernhard Blumenkranz, Histoire des Juifs en France, Privat, Éditeur,
Toulouse, 1972
 François-Hubert Forestier, Les Juifs du Puy au Moyen Age, dans Cahiers de la
Haute-Loire, Le Puy-en-Velay, 1999 (Résumé [archive])
 Heinrich Graetz, Histoire des Juifs, 1853-1875 (lire en ligne [archive])
 Danièle Iancu et Carol Iancu, Les juifs du Midi : une histoire millénaire, Avignon,
Éditions A. Barthélemy, 1995, 351 p. (ISBN 2-87923-008-X)
 Armand Lunel, Juifs du Languedoc, de la Provence, et des États français du
pape, Albin Michel, 1975 (ISBN 2226002359)
 Peter Nahon, Les parlers français des israélites du Midi, Strasbourg, Éditions de
linguistique et de philologie, 2023, 475 p. (ISBN 978-2-37276-066-9)
 Béatrice Philippe, Être juif dans la société française du Moyen Âge à nos jours,
Bruxelles/Paris, Montalba, 1979, 471 p. (ISBN 2-87027-672-9, lire en ligne [archive])
 Benjamin de Tudèle (trad. J.P. Baratier), Voyage de Rabbi Benjamin, fils de Jona
de Tudèle, en Europe, en Asie et en Afrique depuis l'Espagne jusqu'à la Chine,
Compagnie des Libraires, 1734 (lire en ligne [archive]). Cet ouvrage datant
du XII siècle nous renseigne dans son premier chapitre sur les communautés
e

juives du sud de la France.


 Joseph Shatzmiller, « Les juifs du Languedoc avant 1306 », dans Le Pays
cathare : Les religions médiévales et leurs expressions méridionales, Éditions du
Seuil, coll. « Point histoire », 2000 (ISBN 978-2020404358)
 Noël Coulet, Frontières incertaines : les Juifs de Provence au Moyen
Âge [archive], 1985
Notes[modifier | modifier le code]
1. ↑ Voici la description de cette lampe par Bernhard Blumenkranz : « Ce n'est pas un seul chandelier que
nous trouvons inscrit sur le disque central, mais deux chandeliers opposés, l'inférieur assurant quelque
peu la fonction du trépied traditionnel. Les branches assez fines se terminent par des espèces de
petites boules ; ce procédé se retrouve assez souvent sur d'autres chandeliers et est destiné à signifier
le chandelier allumé. Entre les deux chandeliers opposés, se trouvent de chaque côté quelques courtes
tiges qui se terminent également en petites boules ; je serais tenté d'y voir des grains de raisin. »
2. ↑ Cette lampe « corroborerait une vieille légende juive médiévale selon laquelle des bateaux chargés
d'exilés juifs palestiniens lors de la destruction du Temple et le sac de la Ville sainte par Titus en 70
après Jésus-Christ, auraient abordé des ports méditerranéens dont Arles ». Danièle Iancu et Carol
Iancu, Les juifs du Midi : une histoire millénaire, Barthélemy, 1995, p. 21
3. ↑ L'historien Gérard Nahon n'accorde toutefois guère de crédit à la légende de Makhir, roi des Juifs à
Narbonne. Voir Gérard Nahon, « Note brève sur l'ouvrage d'Arthur J. Zuckermann, A Jewish Princedom
in Feudal France [archive] », sur Persée, 1975
4. ↑ Selon Adhémar de Chabannes, la cérémonie humiliante de la « colaphisation » (du latin colaphus,
soufflet) avait lieu au début du XIe siècle à Toulouse. Le comte de Toulouse "colaphisait" un Juif, c'est-à-
dire le giflait dans la cathédrale, le jour de Pâques, en représailles du soufflet que Jésus avait reçu
durant sa Passion. Voir Jean-Claude Cohen, « Les communautés juives d'Avignon et du Comtat-
Venaissin au XVIIIe siècle. [archive] », Nouvelle Gallia Judaica (CNRS) (consulté le 2 octobre 2007).
5. ↑ Curieusement, la rue Abraham semble mieux rappeler la juiverie que la rue vieille juiverie. Voir
le « Dictionnaire historique des rues et des places publiques de la Ville d'Avignon [archive] », Centre
International de l'Écrit en Langue d'Oc, 1996 (consulté le 29 décembre 2005)
6. ↑ Selon des tentatives de recensement effectuées par Françoise Gaspari dans « La principauté
d'Orange au Moyen Âge », 1985, un recensement des actes notariés au XIVe siècle fait apparaître un
chiffre de 92 noms, pour une population de 10 000 habitants, la conduisant à une estimation de 5 % de
la population qu'elle juge probablement sous-évaluée
7. ↑ dont Arno Klarsfeld, père de Serge, et Simone Veil et sa famille (Jacob)

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