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LA LYRIQUE COURTOISE : LES TROUBADOURS EN

LANGUEDOC ET EN CATALOGNE

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CHAPITRE I

Hommes et sources
dans les comtés de Toulouse et de Barcelone

Dans le domaine de la culture profane, la lyrique des troubadours a largement contribué à


forger une identité méridionale. A la fin du XIème siècle, au moment où la lyrique courtoise
apparaît – au moment, plutôt, où l’on en a les premières traces écrites – quatre royaumes se
partagent l’espace politique de l’Occident chrétien : l’empire germanique en « Allemagne », le
royaume capétien dans le bassin parisien, le royaume d’Angleterre en Normandie et en Grande-
Bretagne et enfin l’Occitanie, dont ni le concept, ni l’entité, ni le vocable n’existent avant la fin du
XIIIème siècle. C’est précisément l’Occitanie, cet ensemble diversifié, non centralisé, qui
constitue l’espace des troubadours. Quatre grandes entités territoriales, souvent conflictuelles, le
découpent : l ‘Aquitaine, le Languedoc, la Catalogne et la Provence.
C’est en Aquitaine, dans la région de Limoges et Poitiers qu’est apparue la lyrique
courtoise : Guillaume IX (1071-1126), comte de Poitiers et duc d’Aquitaine, semble être ainsi,
d’après les sources, le premier troubadour. Trobador, terme occitan, désigne celui qui troba, qui
trouve, c’est-à-dire celui qui invente des pièces poétiques soutenues par des mélodies. Le
troubadour est donc poète et compositeur. C’est à lui aussi que revient l’interprétation de ses
chansons devant la cour à laquelle il appartient ou celle auprès de laquelle il est invité. La
performance peut être parfois assurée par un autre troubadour, plus rarement par un jongleur et
accompagnée de façon monodique par des instruments, la vièle en particulier, comme en
témoigne l’iconographie.

2
Le trobar, expression de l’idéal de courtoisie

Trobar dérive de la forme médiolatine tropare issue du latin tropus, « tropes », pièces
poético-musicales greffées sur les chants liturgiques de la messe et de l’office et destinées à
embellir la liturgie des grandes fêtes de l’année. Les tropes sont apparus dès le IXe siècle en
Aquitaine, notamment à l’abbaye Saint-Martial de Limoges et y ont été pratiqués jusqu’à la fin du
XIIe siècle : en somme, dans la région où sont apparus les premiers troubadours. Cette parenté
sémantique s’accompagne d’une certaine parenté musicale : les mélodies des troubadours se
rapprochent à certains égards, du point de vue modal notamment, des versus de Saint-Martial
composés au XIIe siècle.

Dans le domaine de la culture profane et en particulier de la lyrique courtoise, l’identité


occitane s’incarne avant tout dans la langue qui l’exprime : l’occitan. L’occitan se définissait alors
par opposition aux autres langues : le troubadour et grammairien catalan Raimon Vidal de Besalù
la nommait Lemosi par opposition à la parledura francesca ; les italiens l’appelaient proensal avant que
Dante n’utilise pour la première fois l’expression lingua d’oco par opposition aux langues d’oïl et de
si1. Notons que la lyrique des troubadours déborda les frontières linguistiques, d’une part parce
que ces poètes-musiciens se déplaçaient beaucoup, en particulier dans les cours de l’Espagne et
de l’Italie du Nord mais aussi parce que l’occitan fut adopté par le roi Alfonse II comme langue
officielle de la cour d’Aragon : preuve de sa perméabilité à la culture courtoise, mais aussi, comme
le souligne Linda Paterson « choix stratégique visant à soutenir ses ambitions politiques en
Provence2 ».
En abandonnant le latin et en choisissant la langue vernaculaire pour chanter la fin’amor,
les troubadours ont élevé l’occitan au rang de langue poétique. La littérature des troubadours ne
présente d’ailleurs aucune trace des différences dialectales existant sur l’ensemble du territoire de
l’Occitanie ; les poètes ont véritablement institué une langue littéraire. Ils ont su ainsi doter les
laïcs d’un mode d’expression qui leur était propre et qui s’opposait à l’ordre moral établi par
l’Eglise. En exaltant l’amour profane, le désir masculin et le plaisir donné par les femmes, la
lyrique courtoise a permis d’exprimer la distinction fondamentale entre les clercs, en principe
voués à la chasteté, et les chevaliers.

1Ces trois expressions font référence à la manière de dire « oui » en occitan, en français et en italien.
2PATERSON (Linda M.), Le monde des troubadours. La société médiévale occitane. 1100-1300, traduit par Gérard Gouiran,
Montpellier, Les presses du Languedoc, 1999, p. 9.

3
Comme dans le Sud de l’Espagne et en Orient – ces cultures hispano-arabes qui ont été
en rapports constants avec la civilisation chrétienne, précisément dans cette « Marche » que
constituaient le Languedoc et la Catalogne – la poésie chantée est intimement liée à la vie de cour.
Les troubadours ont inventé la courtoisie, c’est-à-dire le code de valeurs qui unit les diverses
cours seigneuriales du Midi dans un même idéal de l’art d’aimer. Un art d’aimer élevé à la hauteur
d’un rite. La courtoisie est cet ensemble de valeurs – mesure, savoir, raffinement, service
d’amour, perfection morale – qui forment l’éthique de la vie de cour du XIIe siècle, tant du point
de vue moral que social. Au sens social, elle s’applique à une élite et requiert une initiation. La
pratique de la fin’amor fut un critère de distinction dans la société masculine : elle établit une
distance entre le vilain et l’homme de cour. Elle est un art de savoir-vivre. Selon les théories des
arabisants, la force ennoblissante de l’amour serait à rechercher dans la philosophie mystique
d’Avicenne, attribuant à l’amour humain une force qui élève l’âme vers l’amour divin3. Au sens
moral cependant, quiconque aime de fin’amor peut accéder à la courtoisie. « Si la courtoisie du
Nord est d’abord l’idéal du chevalier, la cortesia des poètes occitans est la vertu et l’idéal de l’amant
courtois. (…) Aimer courtoisement est pour le noble du XIIe siècle la grande affaire de la vie et
c’est par la courtoisie que cet amour sublimé peut élever l’amant jusqu’à l’idéal tel que le
concevaient les « dames ». C’est donc un idéal de culture se fondant avec celui de l’amour4 ». En
exprimant de manière consensuelle les valeurs de la société courtoise – prouesse, largesse, sens de
l’honneur et courtoisie – les troubadours ont su renforcer la cohésion du groupe aristocratique.
Ces valeurs fondatrices et conservatrices de l’idéologie courtoise s’expriment dans le grand chant
courtois, la canso, mais sont exaltées aussi, bien que formulées dans un autre contexte, dans le
sirventes, chant de propagande politique.

Si certains troubadours étaient issus de milieux bourgeois ou commerçants, comme Peire


Vidal ou Guilhem Figueira, si quelques-uns, rares, étaient d’anciens religieux, comme Peire
Rogier, chanoine de Brioude ou Matfre Ermengaut de Béziers, franciscain, la plupart
appartenaient à la noblesse, haute noblesse comme Raimbaut d’Aurenga ou plus basse comme
Berenguier de Palazol mais sans doute le plus souvent étaient-ils issus de la moyenne noblesse.
C’est pourquoi, selon l’hypothèse de E. Koehler retenue aujourd’hui, ils avaient l’ambition de se
valoriser dans les cours auprès du seigneur et de son épouse laquelle jouait dans cette perspective
le rôle de médiatrice5. Les troubadours étaient donc sinon issus de l’élite laïque au pouvoir, du

3 Voir NYKL (A.R.), Hispano-Arabic Poetry and its Relations with the Old Provençal Troubadours, Baltimore, 1946.
4 WIND (Bartina H.), ZINK (Michel), « Courtoisie », Dictionnaire des lettres françaises, Paris, Fayard, 1964, p. 334.
5 KOEHLER (E.), « Observations historiques et sociologiques sur la poésie des troubadours », Cahiers de Civilisation

Médiévale, 1964, p. 27-61.

4
moins à son service et à ce titre mettaient leur talent de poètes au service de l’idéologie dominante
accordant une valeur morale à la perfection esthétique.
Les jongleurs, tel Guilhem Ademar, fils d’un pauvre chevalier de Meyrueis, qui ne
possédait pas de biens propres et ne pouvait plus tenir son rang, trouvaient protection auprès de
l’aristocratie. Les jongleurs – du médiolatin jocularis dérivé de jocus, jeu – étaient musiciens,
interprètes et parfois mélodistes. De basse condition dans la société nobiliaire, ils aspiraient à se
faire connaître et reconnaître à la fois par leurs confrères troubadours et par les familles nobles
pour lesquelles ils chantaient.

Sources languedociennes et catalanes

Le répertoire des troubadours nous est connu par quatre-vingt-quinze manuscrits copiés
entre le XIIIe et le XVème siècle, les plus nombreux datant du XIVe siècle. Tous les manuscrits
sont postérieurs – de vingt ans à deux siècles – au répertoire qu’ils contiennent. Les troubadours
écrivaient leurs œuvres sur des feuillets de parchemin mais les livraient ensuite à l’oralité. Ces
manuscrits sont des chansonniers, c’est-à-dire des anthologies compilant et organisant un choix
de chansons. Selon Gérard Le Vot, ces chansonniers « devaient représenter pour les classes
aristocratiques ce que la courtoisie avait accompli de plus achevé : une tradition dont elle
pressentait avec nostalgie la disparition6 ». Si la plupart ont été écrits en Italie, certains cependant
ont été copiés en Languedoc et en Catalogne :

- manuscrit C : Paris, BnF, fr. 856 ; XIVe s. ; copié à Narbonne.


- manuscrit E : Paris, BnF, fr. 1749 ; XIVe s. ; copié en Languedoc (Béziers).
- manuscrit J : Florence, biblioteca nazionale, cov. Sop. F, 4, 776 ; XIVe s. ; copié en
Languedoc (Montpellier).
- manuscrit R : Paris, BnF, fr. 22543 ; copié en Languedoc (Toulouse).
- manuscrit Sg : Barcelone, biblioteca de Catalunya, 146 ; XIVe s. ; copié en Catalogne.
- manuscrit V : Venise, biblioteca Marciana ; daté de 1268 ; copié en Catalogne.
- manuscrit Veag : Barcelone, biblioteca de Catalunya, 7y8 ; XVe s. ; copié en Catalogne.
- manuscrit Z : Paris, BnF, fr. 1745 ; XIIIe s. ; copié en Languedoc.
- manuscrit p : Perpignan, bibliothèque municipale, 128 ; XIVe s. ; copié en Languedoc.
- manuscrit q : Aix, bibliothèque de l’Académie ; daté de 1373 ; copié en Languedoc.

6 LE VOT (Gérard), « Les chansonniers musicaux des troubadours et leur transcription », dans ZUCHETTO
(Gérard), Terre des troubadours. XIIème-XIIIème siècles, Paris, Les éditions de Paris Max Chaleil, 1996, p. 423.

5
Des quatre vingt quinze manuscrits, quatre seulement contiennent les mélodies notées. Ce
sont les manuscrits : Paris, BnF fr. 844 (W) dit manuscrit du roi ; Paris, BnF fr. 20050 (X) dit
manuscrit de Saint-Germain des Prés ; Milan, bibliothèque ambrosienne, S.P.4 (G), et Paris, BnF fr.
22543 (R) dit chansonnier d’Urfé ou chansonnier Lavallière.

Ce dernier seulement a été copié en Languedoc : originaire vraisemblablement de la


région de Toulouse, il a été rédigé dans le premier quart du XIVe siècle et a pu appartenir à Peire
Lunel de Montech près de Montauban, docteur en droit et poète du début du XIVe siècle.
L’hypothèse selon laquelle il aurait été le chansonnier du comte Henri II de Rodez, lequel a abrité
les troubadours languedociens Folquet de Lunel et Guiraut Riquier à la fin du XIIIe siècle, n’est
pas confirmée par Geneviève Brunel-Lobrichon. Cependant, la splendeur de ses enluminures,
dans lesquelles ont reconnaît le style de Maître Honoré (enlumineur de Philippe le Bel), celui d’un
artiste du Sud-Ouest et peut-être celui d’un enlumineur septentrional, laisse à penser qu’il a été
commandité par un milieu royal. Le volume porte par ailleurs la marque du Consistori del gai saber
fondé en 1323 par sept lettrés toulousains. Bernart de Panassac, Guilhem de Lobra, Berenguier
de Sant-Plancat, Peire de Mejanassera, Peire Camo, Guilhem de Gontaut et Bernat Oth se sont
érigés en Subregaia companhia dels VII trobadors de Toloza – « compagnie très joyeuse des sept
troubadours de Toulouse » – et ont formé le Consistori del gai saber afin de relancer l’art poétique
troubadouresque appelé alors Gaia Siensa et Gai Saber. Cette entreprise représentait une réaction à
une certaine « déchéance » de la poésie occitane et surtout à l’influence française qui s’exerçait
désormais sur la littérature d’Oc depuis l’annexion de la région au royaume capétien. Cette
académie récompensait les lauréats en leur attribuant des fleurs symboliques – una violeta de fin aur
– lors d’un concours poétique annuel. Le premier lauréat, en 1324, fut Arnaut Vidal, poète de
Castelnaudary. Les sept lettrés demandèrent alors à leur chancelier Guilhem Molinier de rédiger
un code poétique : ce furent les Leys d’Amors. Gaston Phébus (1333-1391), comte de Foix,
puissant et magnificent prince-poète qui accueillait auprès de sa cour les plus grands musiciens de
l’ars subtilior, tel Franciscus, obtint la suprême récompense pour sa chanson Aras quan vei del bosc
folhar la rama7.
Sur les 2542 textes de troubadours parvenus jusqu’à nous, le manuscrit R en contient
1162 dont 160 seulement ont conservé leurs mélodies8 ; 696 pièces sont notées sur des portées
restées hélas sans musique. Sur ces 160 mélodies, 119 sont des unica, c’est-à-dire ne sont
conservées que par ce manuscrit. Le manuscrit R est ainsi l’unique source musicale pour

7 « Maintenant, quand je vois les branches de la forêt se couvrir de feuilles ». Texte complet dans ZUCHETTO
(Gérard), GRUBER (Jörn), Le livre d’or des troubadours, Paris, Les éditions de Paris Max Chaleil, 1998, p. 290-291.
8 Le nombre de mélodies différentes conservées dans l’ensemble des sources s’élève à 353.

6
Berenguier de Palazol, Guilhem Ademar, Pons d’Ortafas, Peire Cardenal et Guiraut Riquier9.
Vingt-cinq troubadours sur les quarante-deux dont les mélodies nous sont parvenues sont
représentés dans ce volume. S’ajoutent à ceux-là un grand nombre de troubadours dont les
poésies seules ont été transmises. Ce manuscrit renferme en outre une série d’épîtres dans
lesquelles Guiraut Riquier et Alfonse X le Sage distinguent les fonctions de troubadours et de
jongleurs.
Les mélodies sont écrites en notation carrée, distinguant la graphie des longues et des
brèves mais sans adopter la notation franconienne mesurée. La restitution rythmique pose donc
des problèmes au chanteur. « La tendance actuelle des musicologues et des interprètes, souligne
Gérard Le Vot, va vers une déclamation oratoire tenant compte de la physionomie du vers tendu
en début de période et s’assouplissant notablement à la cadence, à la rime, là où la mélodie est la
plus ornée10 ».

Troubadours languedociens et catalans

Si les premiers troubadours sont apparus en Aquitaine à la fin du Xe siècle ou au tout


début du XIIe, il semble qu’il faille attendre les années 1140 pour qu’ils apparaissent à leur tour
en Languedoc et en Catalogne.
La région à laquelle la chancellerie du roi de France donnera le nom de Languedoc à la fin
du XIIIème siècle, c’est-à-dire lors de son annexion au royaume capétien, est formée jusque-là
d’un ensemble de comtés et de vicomtés placés sous la domination de la dynastie comtale de
Toulouse, dont Raimon V, Raimon VI et Raimon VII. Certaines villes réussirent à se soustraire à
la domination des comtes de Toulouse : le domaine constitué des vicomtés de Lautrec, Albi,
Béziers, Agde et Nîmes ainsi que des comtés de Carcassonne et du Razès qui constituait déjà un
ensemble culturel et institutionnel passa sous le contrôle de la dynastie des Trencavel et vécut de
manière assez autonome ; de même, Narbonne et Montpellier avaient des seigneurs
indépendants. Quant à Toulouse, la seule ville importante avec Saint-Gilles à dépendre en théorie
des comtes de Toulouse, tendait à devenir à la fin du XIIe siècle une république indépendante.
Enfin, au-dessus du comte de Toulouse, le Languedoc relevait de la souveraineté capétienne mais
Raimon VII a toujours œuvré pour s’opposer à l’avancée des français : les familles seigneuriales

9 En ce qui concerne les troubadours languedociens (ou venus en Languedoc comme Peire Cardenal, né au Puy en
Velay et mort à Montpellier) et catalans. Il est aussi l’unique source pour Guiraut de Bornelh, Bertran de Born,
Raimbaut de Vaqueiras, Le Monge de Montaudon, Uc Brunenc, Cadenet et Aimeric de Belenoi.
10 LE VOT (Gérard), op. cit., p. 425.

7
locales sont entrées dans les réseaux de pouvoir du dispositif royal. Comme le soulignent
Geneviève Brunel-Lobrichon et Claudie Duhamel-Amado, « les troubadours servent un
souverain, un prince ou un seigneur châtelain, les célèbrent, commentent leurs actions, propagent
leurs opinions, transmettent leurs messages. L’emboîtement des pouvoirs et des solidarités au Sud
de la Francia, plus précisément dans le grand Toulousain, expliquent leur rôle dans le grand jeu
politique qui conduira inexorablement à son rattachement à l’Etat français11 ». L’Occitanie
comprenait d’autres entités politiques plus ou moins indépendantes comme les baronnies du
Béarn, de Bigorre, de Comminges et de Foix.
A la fin du XIe siècle, la future Catalogne est déjà formée d’une dizaine de comtés – dont
l’actuel Roussillon – constituant une principauté territoriale dont le centre était Barcelone. Mais
elle n’a pas encore le pouvoir, la richesse et les ambitions qui allaient devenir les siens dès son
union avec l’Aragon en 1137. Elle est placée alors sous la souveraineté de Ramon Bérenguer IV,
issu de la dynastie des comtes de Barcelone, puis de ses successeurs Alfonse II (1164-1196), Pere
II le Catholique (1196-1213), Jacques 1er (1213-1276) et Pere III (1276-1336). L’histoire politique
de la Catalogne est marquée au XIIème siècle par les luttes qui opposèrent les rois d’Aragon et les
comtes de Toulouse pour le contrôle de la Provence. Ramon Berenguer IV puis Alfonse II,
surtout, nourrissaient l’espoir de créer un état méditerranéen s’étendant de la Garonne et de
l’Ebre aux Alpes.

Quelles étaient les cours fréquentées par les troubadours ?


Les troubadours, comme parfois les cours qu’ils servent, sont itinérants : sauf exception, ils ne
restent pas longtemps attachés à une cour seigneuriale. Leur carrière se déroule généralement au
service de plusieurs mécènes dans leur région d’origine et tout aussi souvent hors d’elle. Certains
même ont pu se sentir appelés par le pèlerinage ou la croisade. A la fois poètes et musiciens,
lettrés et capables de convaincre, ils sont aussi ambassadeurs et médiateurs : employés comme
ministériels aux côtés de leur prince, ils sont chargés par lui de missions diplomatiques auprès des
alliés ou des adversaires politiques.

En Languedoc, Toulouse a été considérée par les historiens parfois comme un des centres
les plus brillants du mécénat des troubadours, d’autres fois comme un centre de peu
d’importance. Peire Vidal et Peire Rogier ont été au service de Raimon V. Bon exemple de
l’itinérance des troubadours, Peire Rogier, chanoine du chapitre de Brioude, laisse sa prébende
pour se rendre à Narbonne auprès de la vicomtesse Ermengarde (1137-1197) puis auprès de

Brunel-Lobrichon (Geneviève ) et Duhamel-Amado (Claudie), Au temps des troubadours. XIIème-XIIIème siècles, Paris,
11

Hachette (coll. La vie quotidienne), 1997, p. 15.

8
Raimbaut d’Aurenga. A la mort de celui-ci en 1173, il rejoint Alfonse X de Castille (1154-1214)
puis Alfonse II d’Aragon (1162-1196). Le dernier mécène au service duquel il se rendra est
Raimon V de Toulouse (1148-1194) :
Lonc temps estet ab En Rambaut, et estet en Espaigna ab lo bon rei N’Anfos de Castela, et
ab lo bon rei N’Anfos d’Aragon, et ab lo bon comte Raimon de Toloza12.
Enfin, comblé d’honneurs, il se retirera dans un monastère de l’ordre de Grandmont.
Raimon de Miraval au contraire a été étroitement lié à Raimon VI pendant plus de vingt
ans. Guilhem Ademar, originaire de Meyrueis en Lozère, a lui aussi rejoint la cour de Raimon VI.
Guilhem de Montanhagol est entré au service de Raimon VII. On sait par ailleurs que les comtes
Raimon VI et Raimon VII ont bénéficié du soutien de nombreux troubadours pendant la
Croisade des Albigeois, même si cela n’implique pas de leur part un mécénat considérable, la cour
n’étant pas riche. Peire Cardenal qui fut au service des deux comtes successifs, a soutenu la cause
occitane dans ses sirventes politiques tout comme Guilhem Figueira et Bernart Sicart de Marvejols.
Matfre Ermengaut (…1288-1322), auteur du Breviari d’amor, séjournera encore à Toulouse dans la
seconde moitié du XIIIe siècle.
Dans la deuxième moitié du XIIe siècle et au début du XIIIe, le domaine des Trencavel
comptaient de nombreux mécènes. Parmi tous ceux susceptibles d’accueillir les troubadours, se
distinguait la comtesse Burlatz, fille de Raimon VI de Toulouse, qui entretenait une cour à
Béziers dans les années 1190. A Narbonne, la vicomtesse Ermengarde (1143-1192), souveraine
respectée et spécialiste de casuistique amoureuse, protégeait aussi de nombreux poètes-musiciens,
parmi lesquels Peire Rogier, et entretenait des liens avec les Catalans.
Le comte Guilhem de Montpellier protégeait Aimeric de Sarlat, Guiraut de Calanson et
accueillit à sa cour Peire Raimon de Toloza.
Plus au Nord, entre Carcassès et Auvergne, Rodez accueillit sous le règne du comte Henri
II les derniers troubadours, notamment Guiraut Riquier (ca 1230 - ca 1295), originaire de
Narbonne, et Folquet de Lunel. Ajoutons aussi les cours de Foix et de Pamiers.
Dans l’espace qui correspond aujourd’hui au Languedoc-Roussillon, bon nombre de
troubadours ont fait profité les cours de leurs talents de poètes-musiciens. Ainsi peut-on nommer
dans les années 1140 à 1250 – que l’on considère comme la deuxième période et la plus
florissante de la production troubadouresque – Pons d’Ortafa, Raimon de Miraval, Guilhem
Ademar, Bernart Sicart de Marvejols, Bernart de Rovenac ainsi que deux trobairitz, Azalaïs de
Porcairagues et Clara d’Anduze, tous originaires du domaine des Trencavel, du comté de

12Cité par LEMAîTRE (Jean-Loup), Les troubadours et l’Eglise. Entre histoire et légende, Musée du pays d’Ussel, De
Boccard, 2001, p. 37.

9
Montpellier et de la Lozère. L’on peut ajouter le comte Raimbaut d’Aurenga, brillant protecteur
de troubadours et troubadour lui-même, né au château d’Aumelas à l’Ouest de Montpellier puis
établi à Orange ainsi que les Roussillonais Berenguier de Palazol et Guilhem de Cabestanh. Les
troubadours restent relativement nombreux durant la troisième période, après la Croisade des
Albigeois. Citons Peire Cardenal, Folquet de Lunel, Guiraut Riquier, Raimon Gaucelm de
Béziers, Joan Esteve et Bernart d’Auriac.

Les premières traces de la poésie occitane en Catalogne coïncident avec les débuts de
l’utopie catalane d’un grand empire méditerranéen sous les règnes successifs de Ramon
Berenguer IV et surtout d’Alfonse II. Roi d’Aragon en 1164, comte de Provence deux ans plus
tard – la Provence est alors placée sous la double souveraineté du comte de Toulouse et du roi
d’Aragon – Alfonse II s’oppose aux revendications de Raimon V et mène une politique efficace
d’expansion dans le Midi sur la base de pactes avec les grands barons provençaux. Il fréquente
ainsi Arles, Tarascon, Montpellier, Carcassonne, Aix, Marseille… Il accueille les valeurs de la
fin’amor, reçoit les troubadours à sa cour, à Barcelone ou en Provence, compose lui-même de la
poésie en Occitan et encourage les barons catalans à l’imiter. Son projet politique s’effondre avec
la mort de son fils Pere II le Catholique à Muret en 1213 mais la réussite littéraire et musicale de
sa politique fut éclatante. La terre catalane vit naître un certain nombre de troubadours tels que
Guilhem de Berguedan et Pons de la Guardia actifs dès 1138 puis Cerveri de Girona – poète
officiel de la cour royale d’Aragon sous le règne de Jacques 1er puis de son fils Pierre III –
Raimon Vidal de Besalù, Jofre de Foixà, Amanieu de Sescars et Guilhem Ramon de Gironella
actifs à partir de 1250. La cour d’Aragon, brillante et raffinée, attira aussi de nombreux musiciens
non catalans. Peire Vidal, Peire Raimon de Tolosa, Peire Rogier entrèrent au service d’Alfonse II ;
Aimeric de Peguilhan et Raimon de Miraval se rendirent auprès de Pierre II ; Peire Cardenal et
Bernart Sicart de Marvejols auprès de Jacques 1er ; Guiraut Riquier et Folquet de Lunel auprès de
Pierre III. Guilhem de Montanhagol exaltera ainsi les qualités de son protecteur Jacques 1 er dans
sa chanson Leu chansoneta m’er a far13 :

« Vers le vaillant roi d’Aragon, qui est si louable,


Chanson, suis ton chemin !
Car lui c’est un roi qui sait bien se conduire
Envers Dieu et envers l’honneur, s’il ne change pas
Mais que de cela le roi sache se garder

13 « J’aurai à faire une chansonnette légère ».

10
Car Dieu et mérite sont semblables en ceci
Qu’on les perd dès qu’on s’écarte d’eux.»

Après les désastres de la Croisade des Albigeois et avec l’avancée des Français ruinant le
système féodal des cours méridionales et par incidence les conditions mêmes de cette poésie, les
derniers troubadours se sont exilés dans les cours de l’Italie du Nord ou de l’Espagne. Ainsi
Guilhem Figueira se réfugia-t-il en Lombardie. Guilhem de Montanhagol et Guiraut Riquier
séjournèrent à la cour d’Alfonse X de Castille que Folquet de Lunel percevait et louait comme
une cour idéale :

« Il [Alfonse X] tient une cour où aucun homme de valeur n’a à attendre en vain des
présents, une cour qui ne prive ni ne force les gens et où l’on suit la raison ; une cour sans
arrogance ni grossièreté, où il y a cent hommes qui font des présents, souvent sans qu’on le
leur demande – des présents si riches que je connais des rois qui les solliciteraient14. »

Poésie et musique

Du point de vue poétique, le vers occitan est construit sur l’accent syllabique qui lui
donne un caractère rythmique, la dernière syllabe accentuée devenant la rime. Les vers sont
organisés en strophes ou coblas, structurées par le jeu parfois complexe des rimes. La pièce
compte le plus souvent cinq à six strophes, parfois plus. Les strophes sont de mètre identique
puisque chantées sur la même mélodie. La pièce se termine généralement par la tornada ou envoi.
Istvan Franck a répertorié plus de huit cents formes métriques différentes dans la lyrique des
troubadours15. Musicalement, ces chansons sont toujours monodiques. Si certaines, notamment
dans la première génération, sont écrites en oda continua – une ligne mélodique spécifique à chaque
vers – d’autres ont intégré des structures répétitives, le plus souvent, au XIIIe siècle, de schéma
ABB. Une des caractéristiques des chansons de troubadours est l’étroite correspondance entre le
texte poétique et la mélodie, d’où leur structure parfois irrégulière.

14 Cité par Linda PATERSON, Le monde des troubadours. La société médiévale occitane. 1100-1300, traduction de Gérard
Gouiran, Montpellier, Les presses du Languedoc, 1999.
15 FRANCK (Istvan), Répertoire métrique de la poésie des troubadours, 2 vol., Paris, 1953-57.

11
CHAPITRE II

Les thèmes du trobar :


fin’amor, politique et dévotion mariale

Parmi les thèmes mis en musique par les troubadours, la fin’amor tient évidemment la
première place. Expression de l’idéal de courtoisie, elle tendra cependant, après la Croisade des
Albigeois, à disparaître au profit de textes d’actualité, propagandistes et souvent virulents.
Cependant, les derniers poètes-musiciens occitans et catalans exprimèrent aussi leur profonde
ferveur chrétienne en chantant leur amour pour Marie.

La fin’amor

La fin’amor s’adresse à la domna, la dame, femme d’un rang supérieur et souvent mariée :
l’épouse du maître. Le troubadour vente ses qualités et vertus qui la rendent inaccessible et,
utilisant les métaphores du vasselage, s’engage à la servir lors d’une cérémonie d’ommatge. La dame
doit alors le récompenser. La fin’amor est un jeu. Un jeu qui confère à la femme un pouvoir
certain mais circonscrit dans l’imaginaire et dont les hommes sont en réalité les maîtres. Non
platonique dans son intention, l’amour courtois se définit comme la sublimation du désir
masculin dans l’attente, le report perpétuel de l’accomplissement amoureux. Le plaisir culmine
finalement dans le désir, révélant la nature fondamentalement onirique de la fin’amor : amour et
désir se confondent. C’est pourquoi l’amour tend vers son assouvissement et en même temps le
redoute, comme disparition du désir. La canso, le grand chant courtois, exprime parfaitement cette
attente, ce désir en suspens :

12
Domna si totz temps viva …

Madame, si je vivais éternellement16


toujours je vous serai fidèle.
Etrangement il me plaît
de vous aimer, quelque dommage que j’en puisse avoir
destiné ou à venir.
Si je ne puis jouir de tout
aussi bien que le souhaiterait mon cœur
ma pensée du moins en vaut davantage
j’en estime mieux jeunesse
et distraction et gaieté.

Par Dieu ! Belle douce amie


pour laquelle je m’enflamme et languis
vous m’avez conquis de telle sorte
que jouir d’une autre ne me plairait pas.
J’ai essayé de mentir
pour mieux couvrir
l’amour excessif que j’avais pour vous.
jamais un jour n’a changé ma pensée
de vous aimer finement
et je n’en aurai pas le pouvoir.

Je préfère votre seigneurie


à celle de quelque autre dame que je vis jamais.
Et à votre personne noble et loyale
plus gracieuse que je ne saurai dire
me fait mourir de désir
car plus souvent nous nous regardons.
Vous êtes de si belle apparence
qu’une autre joie serait néant (ne pourrait être)
de cela, moi, je suis [témoin]
contrairement à celui qui vous possédait.

Jamais je ne pensais entrer en une telle voie


dont je ne pus sortir
pourtant je m’y suis mis avec tant d’ardeur

16 Edition et traduction de Gérard ZUCHETTO et Jörn GRUBER, Le livre d’or des troubadours. Anthologie XIIe-XIVe
siècle, Paris, Les éditions de Paris Max Chaleil, 1998, p. 49-50.

13
que jamais je ne regardais où elle [me] conduirait
et donc, dame que je désire,
puisque je ne puis atteindre le sommet
de ce que je voudrais tant
quelle sera ma conduite
si ici, où d’abord
j’entrai, je me trouve toujours ?

Jamais le sens, la courtoisie


ni les gracieuses façons, ni les doux sourires
qui sont ancrés dans mon cœur
(…)
ne devraient autant me réjouir
si vous ne daignez m’approuver [de vous aimer].
Avant que ces désirs me tuent
me vainquent et m’abattent
que votre personne vaillante et noble
restaure avec sens ma folie.

C’est folie et légèreté


car malgré vos ordres
je vous aime et néanmoins contre nul [bon] sens
je ne changerai ma folie.
Berenguier de Palazol

La fin’amor repose sur trois notions essentielles : la mezura (mesure),la jovens (jeunesse), le
joi (jouissance). La mezura invite l’amant à se dominer lui-même, à agir avec dignité et contrôle de
soi. Elle instaure une manière courtoise de conquérir les femmes nobles et en cela contribue à
l’instauration d’un « ordre courtois ». Au-delà de ce que pourraient laisser supposer les poésies de
troubadours, ce n’est pas la femme qui y tient la première place mais l’homme. Ces chants ont été
composés pour le divertissement des hommes, des hommes de guerre et en particulier des jeunes.
La jovens représente donc les valeurs – fidélité, mérite – portées par ces jeunes, chevaliers et
célibataires ; et les femmes ne sont là que pour mieux les rehausser. Le joi enfin a été défini
comme l’état d’extase de l’amant espérant accomplir son désir et le sublimant dans l’élévation
morale voire mystique. Certains commentateurs y voient aussi un élément de jouissance érotique
après l’obtention des dernières faveurs.

14
De plus, si ces jeunes hommes rivalisent pour gagner l’amour de la dame, c’est en réalité
celui du maître qu’ils recherchent pour bénéficier de ses largesses. Comme l’écrit Georges Duby,
« ainsi, tout naturellement, l’« amour » de ces « jeunes » se dirigeait, comme la dévotion des
Chrétiens envers Marie, vers une femme, médiatrice, pour rebondir par ricochet vers son but
final, vers la personne du seigneur, détenteur de la vraie puissance et dispensateur de bienfaits. Il
n’est donc pas surprenant qu’un personnage féminin ait été placé au cœur d’un dispositif
pédagogique visant à discipliner l’activité sexuelle masculine, à juguler les débordements de la
brutalité virile, à pacifier, à civiliser, dans le progrès général et fulgurant du XIIème siècle, la part
la plus violente de la société, le milieu des gens de guerre17 ».
Ceci étant, cette dernière idée ne doit pas laisser croire à une vision mysogine de l’idéologie
courtoise ni même à l’idée d’un processus artificiellement construit au sein duquel la femme serait
réduite à un rôle de figurante. Il est certain en effet que l’exaltation dont elle a fait l’objet a
procédé d’une attitude tout-à-fait sincère. La courtoisie a ouvert une ère nouvelle dans les
rapports entre les sexes et a généré indubitablement la promotion de la condition féminine. Si la
rudesse des mœurs dans les rapports conjugaux persistent (les rapts, la femme conquise sur
l’ennemi, le droit de vie et de mort qu’exerçait le mari), l’amour courtois a impliqué en revanche
pour l’amant un certain effacement de soi. Dans ce milieu plus raffiné, la femme n’est plus une
proie mais devient l’objet d’un désir qui élève l’amant et le mène à la perfection morale conçue
par elle. Par la fin’amor, celui-ci progresse en générosité, en mérite, en valeur – transposition dans
le service amoureux des idées du service féodal – afin de se rendre digne de la femme, parangon
de toutes les vertus.

Chanson et politique : le sirventes

Au XIIIe siècle, la poésie politique et la satire morale ont une bien plus large audience que
la chanson amoureuse. D’après Martin Aurell, « l’ancien triangle amoureux dame-troubadour-
lausenger est remplacé par un nouveau triangle de nature idéologique mécène-troubadour-public
tandis que la lyrique occitane connaît un processus de politisation à outrance. Aux époques
anciennes, une plume adroitement maniée sert aussi bien les intérêts de celui qui s’engage dans la
course pour le pouvoir que la mieux aiguisée des épées à double tranchant. (…) Les chansons de
troubadours ont été intensément utilisées par les protagonistes de la vie politique, par tous ceux

DUBY (Georges), « Le modèle courtois », Histoire des femmes en Occident. Le Moyen Age, sous la direction de Georges
17

DUBY et Michelle PERROT, Paris, Plon, 1990, pp. 261-276.

15
qui s’efforçaient de contrôler une portion de pouvoir dans un monde où celui-ci s’était émietté de
longue date18 ». Le sirventes s’avère alors le plus efficace moyen de diffusion d’une propagande
politique : écouté en collectivité, il permet à ceux qui l’entendent de se forger une opinion et de la
transmettre pour éventuellement exercer une certaine pression. Mais il convient de souligner que
cette propagande politique se fait toujours dans le sens d’une résistance à l’intrusion des valeurs
de la monarchie française et de l’Eglise de Rome : les troubadours entendent défendre et
conserver les valeurs courtoises méridionales, alors en voie de disparition.
Selon la Doctrina de compondre dictatz, traité rhétorique du milieu du XIIIe siècle, le sirventes
tiendrait son nom du caractère servile du poème soumis à un mètre préexistant. A. Jeanroy, fait
découler son étymologie de sirven, serviteur composant des poèmes en l’honneur de son maître.
En ce qui concerne la définition du genre, la Doctrina et les écrits de certains troubadours
s’accordent avec les Leys d’Amors de Guilhem Molinier pour y voir un chant qui doit « traiter de
blâme, de reproches généraux pour corriger les fous et les méchants et, si l’on veut, du fait de
quelque guerre ». Le sirventes est donc perçu à cette époque comme une chanson relative à des
sujets d’actualité ayant pour but de fustiger le comportement ou les choix politiques et
stratégiques de certains personnages détenteurs du pouvoir.
Du point de vue musical, le sirventes se présente toujours comme un contrafactum : il emprunte la
métrique, la rime et la mélodie à une canso, d’où l’étymologie proposée par la Doctrina.

Le sirventes est apparu dans la seconde moitié du XIIe comme mode d’expression et acte
de propagande dans les luttes entre les familles comtales des différentes principautés pour le
contrôle et la possession de l’espace occitan lequel constituait un territoire hautement stratégique.
Comme le souligne Robert Lafont, « si l’Occitanie est un concept et si son nom même est une
invention de la chancellerie capétienne après la conquête française de sa part centrale, il n’en
demeure pas moins que cet espace européen, à la fois boulevard d’Espagne au moment de la
Reconquista et espace d’intervention en Méditerranée dans le temps des croisades, a une valeur
stratégique qui n’échappe pas aux pouvoirs importants du XIIe siècle19 ». Ceci étant, la grande
époque du sirventes reste le XIIIe siècle, secoué par la Croisade des Albigeois, l’Inquisition et
l’inexorable avancée des Français.
Dès 1207, sous le prétexte de l’assassinat du légat du pape à Saint-Gilles, la croisade se
prépare contre le territoire toulousain où l’on dit alors s’être incrustée l’hérésie albigeoise. La
croisade est lancée en 1209 et s’oriente vers les terres des Trencavel : Carcassonne, Béziers et

18AURELL (Martin), La vielle et l’épée, Paris, Aubier, 1989, p. 11.


19Dans ZUCHETTO (Gérard), Terre des troubadours. XIIème-XIIIème siècles, Paris, Les éditions de Paris Max Chaleil,
1996, p. 427.

16
leurs alentours tombent rapidement et Simon de Montfort se voit conférer le domaine du
vicomte. D’abord fidèle à ses objectifs, la croisade les dépasse très vite. Elle devient le prétexte à
une guerre de conquête des terres occitanes par le pouvoir capétien : « l’ambition française se
cache derrière la répression religieuse et le Capétien derrière Simon de Montfort20 ». Après la
défaite de Pere II à Muret en 1213 alors qu’il tentait de secourir Toulouse, la dépossession des
seigneurs occitans remplacés par les Français selon les statuts de Pamiers commence. Le conflit
devient européen, l’empereur voyant d’un mauvais œil le pouvoir du roi de France s’exercer sur
les régions méditerranéennes. En 1229, le comte de Toulouse Raimon VII signe le traité de
Meaux-Paris imposé par Blanche de Castille, scellant définitivement la soumission et le
rattachement de la majeure partie de l’espace occitan à la couronne de France. Débuta ensuite
l’Inquisition dont le bûcher de Montségur en 1244 est l’un des sommets.
Recrutant d’abord parmi les élites urbaines de la richesse et du savoir – hommes de loi,
notaires, marchands – puis dans la petite aristocratie, l’hérésie albigeoise s’avère en réalité un fait
minoritaire ne touchant pas les couches populaires. Elle concerna en effet moins de 5 % de la
population dans une zone embrassant l’Agenais, le Toulousain, le Sud du Quercy, l’Albigeois, le
Lauragais, le Carcassès, le Razès et le pays de Foix. La question est alors de savoir pourquoi la
région a été présentée comme entièrement gagnée à l’hérésie jusqu’à légitimer vingt ans de
croisade puis l’Inquisition. La situation politique du comté de Toulouse à la fin du XIIème siècle
l’explique en partie. Le comté de Toulouse, que Jean-Louis Biget qualifie de « ventre mou du
Midi » à cause de sa structure lâche, fait l’objet de la convoitise de ses voisins aquitains et
catalano-aragonais21. L’hérésie leur fournit alors un excellent prétexte pour intervenir dans le
Languedoc toulousain. Afin d’éviter cette intrusion, les comtes de Toulouse désignent à la
vindicte de leurs adversaires leur ennemi permanent, le vicomte de Trencavel. Ils accueillent par
ailleurs les Cisterciens sur leur territoire. Ceux-ci, qui ont noué une entente avec le roi de France,
favorisent la centralisation de l’Eglise autour du pape – lui-même issu de l’ordre des moines
blancs – et se font les premiers artisans de la lutte contre l’hérésie. Le second élément de réponse
à la question soulevée ci-dessus est alors lié au développement de la théocratie pontificale : les
Cisterciens manifestent fortement le désir de réduire l’Eglise méridionale, laquelle était jusque-là
traditionnellement liée aux aristocrates locaux et peu soumise à l’autorité de Rome. Par leur
discours, ils amplifient volontairement l’importance de l’hérésie notamment dans le domaine tout
désigné des Trencavel. Ainsi se cristallise l’image qui fait du Midi toulousain et surtout de

20 Robert LAFONT, dans ZUCHETTO (Gérard), Terre des troubadours. XIIe-XIIIe siècles, Paris, Les éditions de Paris
Max Chaleil, 1996, p. 429.
21 Voir à ce sujet BIGET (Jean-Louis), « Hérésie, politique et société en Languedoc, vers1120-vers1320 », Le pays

cathare. Les religions médiévales et leurs expressions méridionales, sous la direction de Jacques BERLIOZ, Paris, Seuil (coll.
Points Histoire), 2000, p. 17-79.

17
l’Albigeois une zone totalement acquise à l’hérésie, considérée comme « l’ennemi intérieur » de
ce que l’on nomme alors la Chrétienté.

La révolte contre le pouvoir incarné par la monarchie française et la théocratie de l’Eglise


romaine est exprimée de manière très acerbe dans la seule pièce qui nous soit parvenue de
Bernart Sicart de Marvejols, Ab greu cossire fau sirventes cozen22. Ce sirventes a été écrit peu après la
rédaction du traité de Meaux-Paris en 1229. Il s’agit d’un contrafactum de la chanson d’amour
courtois Lo dous consire que.m don’amors soven de Guilhem de Cabestanh23, et se présente comme un
véritable manifeste contre la société qu’il juge corrompue par les clercs représentants de l’Eglise
de Rome et les Français : corruption de la foi chrétienne par des clercs simoniaques et hypocrites,
perversion des serments de fidélité spécifiquement méridionaux par le goût du luxe et du pouvoir
des Français, auquel, hélas, de nombreux aristocrates méridionaux s’étaient ralliés.

Ab greu cossire fau sirventes cozen Une terrible angoisse me fait faire ce sirventes
[cuisant
Deus qui pot dire ni saber lo tormen Dieu ! qui pourrait savoir et dire le tourment
qu’eu quan m’albire sui en gran pessamen. Les tristes pensées qui m’assaillent quand je regarde
[autour de moi ?
Non posc escrire l’ira ni-lh marrimen Je ne puis écrire ma colère ma tristesse
que-lh segle trobat vei Car je vois le monde troublé
e corromp on la lei où sont corrompus la loi
e sagramen e fei la bonne foi les serments
qu’usquescs pessa que vensa où chacun s’acharne à dominer
son par ab malvolensa son pareil avec méchanceté
e d’aucit lor e sei et de tuer les autres et lui-même
ses razon e ses drei. sans raison et sans droit.

Tot jorn m’azire et ai aziramen Tout le jour je m’irrite et je suis en colère


la nueg sospire e velhan e dormen et la nuit je souffre que je veille ou que je dorme
Vas on que.m vire aug la corteza gen où que je me tourne j’entends des gens courtois
que cridon « Cyre » al Frances umilmen. Qui crient « Sire » humblement devant les Français.
Merce an li Francei Les Français ont pitié
ab que veio.lh conrei avec ceux qu’ils voient opulents
que autre dreg no.i vei. Car ils n’y voient pas d’autre loi.
Ai ! Toloza e Proensa Ah ! Toulouse et Provence
e la terra d’Argensa, et la terre d’Argense

Edition et traduction ZUCHETTO (Gérard), GRUBER (Jörn), op. cit., p.191-192.


22
23« La douce pensée que me donne l’amour, souvent madame », voir l’édition complète du texte par Gérard
ZUCHETTO et Jörn GRUBER, op. cit., p. 49-50.

18
Beziers e Carcassei Béziers et Carcassès
quo vos vi e quo.us vei ! comme je vous ai vues et comme je vous vois !

Cavalaria Hospitals ni Maizos Ni Chevalerie Hospitaliers ou Templiers


ordes que sia no m’es plazens ni bos ni quelque autre ordre que ce soit ne sauraient me plaire
ab gran bauzia los trob et orgolhos je les trouve perfides et orgueilleux
ab simonia ab gras posseissos. Enrichis par la simonie et avec de grands domaines.
ja non er apelatz Il ne sera jamais admis par eux
qui non a granz rictatz celui qui n’a pas de grandes richesses
o bonas eretatz. Ou de noble héritage.
Aquels an l’aondansa Ceux qui vivent dans l’abondance
e la gran benenansa et avec grand luxe
enjans e tracios tromper et trahir
es lor confesios. telle est leur règle.

Franca clergia gran ben dei dir de vos Clercs loyaux je dois dire grand bien de vous
e s’eu podia diria.n per un dos et si je le pouvais j’en dirais deux fois plus
gen tenetz via et ensenhatz la nos vous suivez le droit chemin et vous l’enseignez
mas qui ben guia n’aura bos gazardos. et un bon guide aura une bonne récompense.
Res no vei que.us laissatz Je ne vois rien que vous nous laissez
tan quan podetz donatz quand vous pouvez vous donnez
non autz cobeitatz vous ignorez la convoitise
sofretz greu malanansa vous vivez de privations
e vistetz ses conhdansa. vous habillez sans luxe.
melhs valha Deus a nos Il vaut mieux que Dieu nous protège
qu’eu no dic ver de vos ! car je n’ai pas dit la vérité à votre sujet !

Si quo.lh salvatges per lag temps mov son chan Comme l’homme sauvage qui chante quand il voit le
[mauvais temps
es mos coratges qu’eu chante derenan j’ai décidé de chanter dorénavant
e car paratges si vai anderrairan et parce que noblesse retourne en arrière
e bos linhatges decazen e falsan bons lignages se dégradent et déclinent
e creis la malvestatz et croît la méchanceté
e.ls baros rebuzats parmi les barons pervertis
bauzadors e bauzata trompeurs et trompés
valor menon derreira qui mettent derrière eux la valeur
e desonor primeira et le déshonneur en avant
avols rics e malvatz pour cela le noble vil et mauvais
es de mal eretatz. est un fils de putain.

Rei d’Aragon si.us platz Roi d’Aragon s’il vous plaît


per vos serai onratz. par vous je serai honoré.

19
La satire la plus violente contre Rome et la papauté émane de Guilhem Figueira,
troubadour né à Toulouse vers 1195. Il est en pleine jeunesse lorsque Simon de Montfort assiège
Toulouse et a à peine dépassé la trentaine quand est signé le traité de Meaux-Paris. Lorsque sa
ville est occupée par les Français, il se réfugie en Lombardie. Dans ce sirventes de 23 strophes et
161 vers, le troubadour développe les reproches que les ennemis de la papauté lui ont de tous
temps adressés – soif de domination, amour des richesses en si complète contradiction avec
l’Eglise primitive – mais fait aussi référence aux événements d’actualité, la Croisade des Albigeois
et la prise des villes de Toulouse et Béziers24.
…/…
Roma trichairitz cobeitatz vos engana Rome tricheuse ! La cupidité vous égare
qu’a vostra berbitz tondetz trop de lana car à vos brebis vous tondez trop de laine !
lo Sana Esperitz que receupcarn umana Que le Saint-Esprit qui reçut un corps humain
entenda mos precs entende mes prières
e franha tos becs et brise tes crocs.
Roma no m’entrecs car es falsa e trafana Rome, point de trêve avec moi car tu es fausse et perfide
vas nos e vas grecs. envers nous comme envers les Grecs.

…/…

Roma vers es plan que trop fotz angoissosa Rome ! Il est bien vrai que vous fûtes trop empressée
dels perdons trafans que fetz sobre Toloza aux pèlerinages hypocrites engagés contre Toulouse
trops rozetz las mans a lei de rabiosa vous avez trop rogné de mains à la façon enragée.
Roma descordans Rome ! Semeuse de discorde !
Mas si.l coms presans Mais si le valeureux comte
Viu ancar dos ans Fransa n’er doloroza vit encore deux ans, la France portera le châtiment
Dels vostres engans. De vos perfidies.

…/…

Roma ben ancse a om auzit retraire Rome ! On a bien toujours entendu dire
Que.l cap sem vos te per que.l faitz sovenraire que si votre tête est diminuée c’est que vous la
[faites souvent raser.
per que cug e cre qu’ops vos auria traire Je pense donc et je crois qu’auriez besoin,
Roma des cervel Rome, qu’on vous ôtât la cervelle
car de mal capel car vous êtes de mauvaise réputation
etz vos e Cistel qu’a Bezers fezetz faire vous et Cîteaux ! A Béziers vous fîtes faire
mout estran mazel. un très horrible massacre.
…/…

24 Edition et traduction ZUCHETTO (Gérard), GRUBER (Jörn), op. cit., p. 209-213. Ce sirventes est le contrafactum de
la chanson mariale anonyme Flors de paradis, regina de bon aire dont on trouve l’édition complète du texte dans OROZ
ARIZCUREN (Francisco), La lirica religiosa en la literatura provenzal antigua. Edicion critica, traduccion, notas y glosario,
Pamplona, 1972, p. 430-453.

20
C’est aussi dans la satire que Peire Cardenal, l’un des derniers troubadours du XIIIe siècle,
a excellé. Quarante sur ses cinquante-six sirventes raillent aussi la société de son temps, celle des
seigneurs français qui ont reçu les domaines occitans en récompense de leurs actions. Il passe en
revue les classes qui méritent d’être vitupérées : puissants et riches, barons cupides, femmes
amoureuses et dévergondées. Le rôle du poète est alors, selon lui, de leur rappeler un remède
chrétien, la pensée de la mort, et un remède social, la courtoisie, source de vraie valeur. Après
Guilhem Figueira, il est le poète de la conscience politique occitane et de la révolte. Ses sirventes
contre les gens d’Eglise ne sont pas nombreux mais sont en revanche extrêmement violents :

Clergue si fan pastor25 Les clercs se donnent pour des bergers


e son aucizedor et ce sont des assassins
e semblan de sanctor sous des airs de sainteté.
quan los vei revestir Quand je les vois se vêtir
e pren m’a sovenir il me souvient de messire
que n’Ezengris un dia Ysengrin qui voulut un jour
volc ad un parc venir entrer dans une bergerie
mas pels cans que temia mais par crainte des chiens
pel de mouton vestic il endossa une peau de mouton
ab que los escarnic et trompa leur surveillance
pos manget e trahic puis il dévora par trahison
tot so que li abelic. Les bêtes qui lui plurent.
…/…
Clergues qui voc chauzic Clercs, celui qui crut vous apercevoir
sans felon cor enic sans un cœur félon et injuste
en son comde falhic a fait une erreur de compte
qu’anc peior gent no vic. car jamais je n’ai vu gent pire que la vôtre.

Les chansons mariales

Violemment anticléricaux comme le prouvent les satires contre le clergé, les troubadours
demeurent cependant profondément croyants et religieux. Le culte voué à la dame et l’éthique liée
à la fin’amor ont amené les poètes à chanter Marie, la « dame des dames », figure de la femme
idéale. L’essor de la lyrique mariale au XIIIème siècle s’inscrit pleinement dans le développement
plus général de la théologie mariale : ce siècle est en effet le plein temps de la dévotion à Marie.
Dès les premières années du siècle, les ordres mendiants, principalement les franciscains,

25 Edition et traduction ZUCHETTO (Gérard), GRUBER (Jörn), op. cit., p. 243-245.

21
prennent le relais de saint Bernard et développent une dévotion plus affective à Marie, une piété
essentiellement filiale : ils montrent en effet moins de crispation que les théologiens du XIIe
siècle sur la virginité de Marie et célèbrent avant tout en elle la femme et la mère. Au même
moment, dans les facultés de théologie, lieu de la spéculation et de l’élaboration du dogme, trois
franciscains – Alexandre de Halès (1245), Bonaventure (1274), Jean Duns Scot (1308) – et
deux dominicains – Albert le Grand (1280) et Thomas d’Aquin (1274) – jettent, en moins
d’un demi-siècle, les bases théoriques qui permettront la mise au point des deux derniers grands
dogmes mariaux : l’Immaculée Conception et l’Assomption. Comme les trouvères dans le Nord
de la France, comme les auteurs des hymnes, des séquences, des conduits ou des motets de ce
siècle, les troubadours, imprégnés de l’œuvre des théologiens et surtout de la prédication des
Mendiants, composent de nombreuses chansons à la gloire de Marie. Ils exaltent dans la langue
occitane la puissance de la Vierge, son rôle dans les mystères de l’Incarnation et de la
Rédemption, et développent tout un répertoire d’images qui, pour certaines d’entre elles, trouvent
leur parallèle dans la poésie mariale latine.

La chanson Vera vergena Maria de Peire Cardenal est un très bel exemple de la poésie
mariale profane des troubadours car l’on y trouve rassemblés différents éléments de la théologie
mariale du XIIIe siècle : Marie, symbole de la femme idéale qui « répara la folie dont Adam fut
atteint26 » ; Marie « l’étoile qui guide », qui fait écho à l’image de « l’étoile de mer » – stella maris – si
fréquemment employée dans les hymnes et les séquences latines ; Marie qui joua un rôle essentiel
dans le mystère de l’Incarnation – « tu fus de si douce compagnie que Dieu se mit en toi » – et
que le XIIIème siècle élève au rang de reine – « tu es cette reine sans nul doute » – comme en
témoigne dans l’iconographie le thème du couronnement de la Vierge ; Marie, la « vierge de
douceur » telle que nous la montre la statuaire : vierge mère, élégamment déhanchée, posant un
regard tout empreint de tendresse sur son enfant. Et c’est en jouant sur la douceur des sonorités
que Peire Cardenal chante son amour pour Marie, « vera maire, ver’amia, ver’amors27 … »

Vera vergena Maria, Véritable vierge Marie,


vera vida, vera fes, véritable vie, véritable foi,
vera vertatz, vera via, véritable vérité, véritable voie,
vera vertutz, vera res, véritable vertu, véritable chose,
vera maire, ver’amia, véritable mère, véritable amie,
ver’amors, vera merces : véritable amour, véritable merci :

26Dans cette perspective, Eve est plutôt le symbole de la femme réelle.


27Edition OROZ ARIZCUREN (Francisco), op. cit., p. 362-369 ; traduction AZAÏS (Gabriel), Les troubadours de
Béziers, Béziers, 1869, Genève, Slatkine Reprints, 1973, p. 51-52.

22
per ta vera merce sia que par ta véritable merci
qu’eret en me tos heres. ton fils descende en moi.
De patz, si.t plai, dona, traita O Dame, s’il te plaît, qu’un traité de paix
qu’ap to filh me sia faita. soit fait avec moi et avec ton fils.

Tu restauriest la follia Tu réparas la folie


don Adams fon sobrepes ; dont Adam fut atteint ;
tu yest estela que guia tu es l’étoile qui guide
los passans d’aquest paes, les voyageurs de ce pays,
e tu yest l’alba des dia et tu es l’aube du jour
don lo tieus filhs solelhs es dont Dieu le fils est le soleil
que.l calfa e clarifia, qui le réchauffe et l’éclaire,
verais, de dreitura ples. lui, sincère et plein de droiture.
De patz, si.t plai, dona, traita O Dame, s’il te plaît, qu’un traité de paix
qu’ap to filh me sia faita. soit fait avec moi et avec ton fils.

Tu fust nada de Suria, Tu es native de Syrie,


gentils e paura d’arnes, gentille et pauvre de parure,
humils e pura e pia, modeste, pure et pieuse,
e fatz, en ditz et en pes ; en actions, en paroles et en pensées ;
faita per tal maïstria, faite avec une telle perfection,
ses totz mals mas ab totz bes. que tu fus exempte de tous les maux et pourvue de
[tous les biens.
Tan fust de doussa paria, Tu fus de si douce compagnie,
per que Dieus en tu se mes. que Dieu se mit en toi.
De patz, si.t plai, dona, traita O Dame, s’il te plaît, qu’un traité de paix
qu’ap to filh me sia faita. soit fait avec moi et avec ton fils.

Aquel que en te se fia Celui qui se fie à toi


Ja no.l cal autre defes, n’a jamais besoin d’autre défenseur,
que sitot lo mons peria car si tout le monde périssait
aquel non perria ges ; celui-là n’en ressentirait rien ;
quar als tieus precx s’umilia le Très-Haut est favorable
l’auzismes, a cuy que pes à tes prières
e.l tieus filhs non contraria et ton fils ne contrarie
ton voler neguna ves. en rien ton désir.
De patz, si.t plai, dona, traita O Dame, s’il te plaît, qu’un traité de paix
qu’ap to filh me sia faita. soit fait avec moi et avec ton fils.

David en la prophetia David prophétisant


dis, en un salme que fes, dit dans un psaume qu’il fit,

23
qu’al destre de Dieu sezia, qu’à la droite de Dieu,
del rey en la ley promes, du roi promis par la loi,
una reyna qu’avia était assise une reine
vestirs de var e d’aurfres : vêtue de vair et d’orfroi :
tu yest elha, ses falhia, tu es cette reine sans nul doute,
non o pot vedar plaides. personne ne peut soutenir le contraire.
De patz, si.t plai, dona, traita O Dame, s’il te plaît, qu’un traité de paix
qu’ap to filh me sia faita. soit fait avec moi et avec ton fils.

Peire Cardenal

Dans sa chanson Be volria de la mellor, Bernart d’Auriac exalte à son tour la douceur, la
gloire et la maternité de Marie28. Mais sans doute doit-on souligner ici l’emploi qu’il fait des
images et du vocabulaire de la fin’amor, en particulier dans la deuxième strophe : le poète
s’adresserait-il autrement à sa dame ?

Be volria de la mellor Je voudrais bien sur la meilleure


de totas far chanso plazen, de toutes [les femmes] faire une chanson
[agréable,
quar d’autra chantar non enten car je n’entends pas en chanter une autre
mas de la verge de doussor ; que la Vierge de douceur ;
qu’estiers non puesc mielhs mos bons je ne puis ailleurs mieux employer mes
[motz despendre [bonnes paroles
qu’en le doussa dona de paradis qu’en la douce dame du paradis
on Dieus pauzet totz los bes el.s assis ; où Dieu plaça et assit tous les biens ;
per qu’ieu li prec que.l plassa mon c’est pourquoi je la prie qu’il lui plaise de recevoir
[chant prendre. [mon chant.

Aitant, ses plus, viu ad honor Ainsi, sans plus, vit honorablement
totz hom quant ama coralmen tout homme quand il aime cordialement
aquesta don d’onramen cette dame pleine de gloire
e met son temps en sa lauzor ; et emploie son temps à sa louange ;
quar ela.n pot mout bon guizardon rendre : car elle peut en rendre très bonne récompense :
que nom es joys, plazer, solatz ni ris vu qu’il n’est joie, désir, soulas ni rire
que non agues totz hom que la servis que n’ait tout homme qui la sert
e qu’en s’amor totz temps volgues entendre. et qui voudrait toujours s’appliquer à son amour.

28 Edition OROZ ARIZCUREN (Francisco), op. cit., pp ; 82-87 ; traduction AZAÏS (Gabriel), op. cit., pp. 52-54.

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S’om pogues partir de follor Si l’homme pouvait sevrer de folie
e de malvays entendemen et de mauvaise inclination
son cor, e servis leyalmen son cœur, et servir loyalement
la maire de nostre senhor, la mère de Notre Seigneur,
e no volgues Dieu tan soven offendre et qu’il ne voulut pas si souvent offenser Dieu
ni ves lo mon tan fort estar aclis , ni vers le monde être si fort enclin,
ia fals’amors non l’agr’aissi conquis jamais un faux amour ne l’aurait à ce point maîtrisé
que.l fezes tan sos avols dons atendre. qu’il fit aussi longtemps attendre son faible tribu.

Nulhs hom no val ni a valor Nul homme ne vaut et n’a de valeur


si non lauza la plus valen s’il ne loue la plus méritante femme
la maire de Dieu, doussamen, la mère de Dieu, avec humilité,
per cuy se salvon peccador. Par qui sont sauvés les pécheurs.
Quar en lieys son totz bos ayps, ses contrendr’e Car en elle sont toutes les qualités sans doute
la mieller es que anc fos ni hom vis ; c’est la meilleure qui fut et qu’on vit jamais
tan fon lo pretz dels sieus bes ricx e fis tel fut le mérite de ses nobles et excellentes qualités
per que Dieus volc en lieys per nos dessendre. que Dieu voulut descendre en elle pour nous.

Mout hi fes gran a nos amor Il nous témoigna un bien grand amour,
Dieus quan venc en lieys humilmen Dieu, quand il vint en elle humblement
per delir nostre fallimen pour effacer notre péché
e per portar nostra dolor, et pour supporter notre douleur,
e s’en laysset als sieus trahir e vendre, et il se laissa pour cela trahir et vendre par les siens
et ab sa mort la nostra mort aucis. et avec sa mort il tua notre mort.
Mort eravam tug, si Dieus no muris ; Nous étions tous morts si Dieu n’était mort ;
per qu’a luy plac son cors en crotz estendre. c’est pour cela qu’il voulut étendre son corps sur la croix.

Bernart d’Auriac

Autour des chansons de ces poètes-musiciens s’épanouit toute une littérature mariale
occitane. Le majorquin Ramon Llul chanta magnifiquement la Vierge avec son Llivre de Santa
Maria, ses Horas de Nostra Dona Sancta Maria et son Llibre de Ave Maria. Le biterrois Matfre
Ermengaud inséra dans son Breviari d’Amor un traité de mariologie de près de 2000 vers. De
nombreux traités anonymes furent alors consacrés à Marie : le Tractat dels noms de la Mayre de Dieu,
didactique, le Gardacors de Nostra Dona Santa Maria verges e pieucela, un poème symbolique ainsi
qu’un mystère mettant en scène le mariage de la Vierge, l’Esposalizi de Nostra Dona. De même,
cantiques et prières occitans abondèrent jusqu’à la fin du XIVème siècle où fut copié le Llivre
vermell de Montserrat. Ce volume contient parmi d’autres textes dix chants – latins, catalans et

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occitans – dédiés à la Vierge miraculeuse du célèbre monastère. Ces cantilenae sont destinées aux
pèlerins qui, arrivés au terme d’un long parcours à l’église de Montserrat, voulaient chanter et
danser pendant la veillée.

Raffinement poétique et virtuosité d’écriture ont fait de cette poésie un exemple pour la
lyrique occidentale. L’art des troubadours a eu une influence dans le Nord de la France et
l’Allemagne, générant l’art des trouvères et celui des Minnesänger, mais aussi en Angleterre, en
Galice, au Portugal, en Castille et bien sûr en Italie. C’est là que Dante, amant de Béatrice et
créateur du dolce stil nuovo, imita les troubadours : il les cite dans la Commedia et dans le De vulgari
eloquentia comme personnages mais aussi comme modèles qu’il est soucieux d’égaler pour doter
son pays d’une poésie toscane de même hauteur d’inspiration.

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TABLE DES MANUSCRITS DE TROUBADOURS

COPIES EN LANGUEDOC

ET EN CATALOGNE

Manuscrit C Paris, BnF, fr. 856 ; XIVe s. ; copié à Narbonne.


Manuscrit E Paris, BnF, fr. 1749 ; XIVe s. ; copié en Languedoc (Béziers).
Manuscrit J Florence, biblioteca nazionale, cov. Sop. F, 4, 776 ; XIVe s. ; copié en
Languedoc (Montpellier).
Manuscrit R Paris, BnF, fr. 22543 ; XIVe s. ; copié en Languedoc (Toulouse).
Manuscrit Sg Barcelone, biblioteca de Catalunya, 146 ; XIVe s. ; copié en Catalogne.
Manuscrit V Venise, biblioteca Marciana ; daté de 1268 ; copié en Catalogne.
Manuscrit Veag Barcelone, biblioteca de Catalunya, 7 y 8 ; XVe s. ; copié en Catalogne.
Manuscrit Z Paris, BnF, fr. 1745 ; XIIIe s. ; copié en Languedoc.
Manuscrit p Perpignan, bibliothèque municipale, 128 ; XIVe s. ; copié en Languedoc.
Manuscrit q Aix, bibliothèque de l’Académie ; daté de 1373 ; copié en Languedoc.

TABLE DES MANUSCRITS


DE TROUBADOURS ET DE TROUVERES
CONTENANT LES MELODIES NOTEES

Manuscrit G Milan, bibliothèque ambrosienne, S.P.4 ; XIVe s. ; copié en Italie.


Manuscrit R Paris, BnF fr. 22543 dit chansonnier d’Urfé ou chansonnier Lavallière ;
XIVe s. ; copié en Languedoc (Toulouse).
Manuscrit W Paris, BnF fr. 844 dit manuscrit du roi ; XIIIe s. ; copié en France.
Manuscrit X Paris, BnF fr. 20050 dit manuscrit de Saint-Germain des Prés ; XIIIe s. ;
copié en France.

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TABLE DES TROUBADOURS
LANGUEDOCIENS ET CATALANS CITES

Aimeric de Peguilhan (…1190-1221…), vers Saint-Gaudens, fils d’un drapier de Toulouse. Au service
de la cour de Catalogne (jongleur de Guilhem de Berguedan ?), Gaston VI de Béarn, Bernart IV
de Comminges, Pere II d’Aragon, Alfonse VIII de Castille, Guillaulme IV de Montferrat, Azzo VI
d’Este. La tradition le dit hérétique (cathare) et de ce fait mort exilé en Lombardie. Une
cinquantaine de poèmes dont six avec musique.
Aimeric de Sarlat (fin XIIe ou début XIIIe s. ?), en Dordogne. Au service du comte d’Urgell (Catalogne),
et du comte Guilhem de Montpellier. Cinq canso conservées.
Alfonse II, roi d’Aragon (né en 1154, règne de 1162 à 1192), accueille la lyrique courtoise et protège les
troubadours, écrit lui-même en occitan. Deux poèmes conservés.
Amanieu de Sescars (…1278-1295…), catalan. Deux salutz d’amor et deux ensenhamens en vers.
Arnaud de Carcasses (1ère moitié XIIIème s.), poète originaire du Languedoc, auteur de Las Novas del
Papagai, satire contre les maris jaloux.
Azalaïs de Porcairagues (…1173…) = Portiragnes près de Béziers. Trobairitz. Une canso adressée à
Raimbaut d’Aurenga.
Berenguier de Palazol (1160-1175 ou 1150-1170) = Palou en Roussillon (près d’Elne), le plus ancien
troubadour catalan. Neuf à douze poèmes conservés dont huit avec musique.
Bernart d’Auriac (fin XIIIe s.). Semble avoir vécu à Béziers : surnommé dans les rubriques du manuscrit
C (Paris, BnF, fr. 856) « Mayestre de Bezers ». Quatre poèmes conservés.
Bernart de Rovenac (…1242-1261…), près de Limoux (Aude). Quatre sirventes conservés.
Bernart Sicart de Marvejols (…1230…) = Marvejols en Lozère. Au service de Jacques 1er d’Aragon. Un
sirventes conservé.
Cerveri de Girona (= Guilhem de Cervera) (…1259-1285…) = Cervera dans la province de Lerida
(Catalogne). Au service du vicomte de Cardona puis poète officiel de la cour d’Aragon auprès de
Jacques 1er et Pierre III. Oeuvre entièrement conservée : cent-quatorze poèmes lyriques, cinq
narratifs auxquels s’ajoutent les Proverbis en vers pour l’instruction de ses fils.
Clara d’Anduze (vers 1200), d’Anduze dans le Gard. Une canso conservée.

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Folquet de Lunel (1244-1284…) = Lunel dans l’Hérault. Au service d’Henri II de Rodez, Pierre III
d’Aragon, Alfonse X de Castille, des cours de Lombardie et de Lunel-Rodez.Neuf poèmes
conservé plus le Romans de mondana vida dédié au comte de Rodez.
Guilhem Ademar (…1195-1217…), fils d’un pauvre chevalier de Meyrueis (Lozère). Jongleur au service
de Raimon VI de Toulouse, Eble d’Ussel. S’est semble-t-il retiré dans un monastère de l’ordre de
Grandmont. Dix-huit poèmes conservés dont un avec musique.
Guilhem de Berguedan (…1138-1192…) = Berga (Urgell). Chevalier catalan. Trente et un poème
conservés, surtout des sirventes.
Guilhem de Cabestanh (…1180-1212…) = Cabestany (Roussillon). Au service de la cour de Château-
Roussillon. Huit canso conservées.
Guilhem de Montanhagol (…1233-1268…), de Toulouse. Au service de Jacques 1er d’Aragon, Alfonse
X de Castille, Raimon VII de Toulouse. Quatorze poèmes conservés.
Guilhem Figueira (…1215-1240…), de Toulouse, se réfugie en Lombardie après la prise de sa ville. Au
service de l’empereur Frédéric II. Huit poèmes conservés.
Guilhem Ramon de Gironella (2ème moitié XIIIe s.), de Gironella en Catalogne. Trois canso et une tenso
conservées.
Guiraut de Calanson (…1202-1212…), jongleur gascon ? Au service de Alfonse VIII de Castille, Pere II
d’Aragon, Marie de Ventadour, Guilhem de Montpellier. Onze poèmes conservées ainsi que le
Fadet joglar, sirventes de 240 vers.
Guiraut Riquier ( vers 1230-vers 1295), de Narbonne. Origine modeste. Considéré comme le « dernier »
troubadour. Au service du vicomte Amalric de Narbonne, du roi de France Louis IX, puis des
cours de Catalogne, d’Aragon, d’Alfonse X de Castille, de Narbonne à nouveau et d’Henri II de
Rodez. Œuvre entièrement conservée et datée. Une centaine de poèmes dont quarante-huit avec
la musique notée par l’auteur.
Joan Esteve (…1270-1288…) de Béziers. Onze poèmes conservés.
Jofre de Foixà (…1267-1295…), de Foixà dans l’Ampurdan. Franciscain puis bénédictin. Pierre III
d’Aragon et son successeur Alfonse lui confient des missions diplomatiques. Au service des cours
de Rome, Palerme, de la cour pontificale d’Agnani. Quatre canso conservées ainsi qu’un traité de
grammaire et de poétique commandé par Jacques II d’Aragon, les Regles de trobar.
Peire Cardenal (vers 1180-vers 1280), d’une famille noble du Puy-en-Velay, d’abord chanoine puis
devient troubadour. Au service de Raimon VI et Raimon VII de Toulouse, des cours d’Auvergne,
de Foix, de Jacques 1er d’Aragon. Plus de soixante-dix poèmes conservés, dont trois avec musique,
cinquante d’entre eux étant des sirventes.
Peire Raimon de Toloza (…1180-1221…), fils d’un bourgeois de Toulouse devenu jongleur. Au service
d’Alfonse II d’Aragon, des cours d’Este (Italie) et Pamiers. Dix-huit canso conservées dont une
avec musique.

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Peire Rogier (…1162…), Auvergnat d’origine. Chanoine de Clermont (ou Brioude) puis jongleur. Au
service de la vicomtesse Ermengarde de Béziers, de Raimbaut d’Aurenga, d’Alfonse II d’Aragon,
de Raimon V de Toulouse. Se retire dans l’ordre de Grandmont. Huit poèmes courtois et un
sirventes conservés.
Peire Vidal (…1183-1204…), fils d’un fourreur de Toulouse. Au servide de Na Vierna (épouse de Barral
de Marseille), Raimon V de Toulouse, Alfonse II d’Aragon, Boniface de Montferrat (Italie),
Hongrie, Gênes, Maltes. Quarante-cinq poèmes conservés dont douze avec musique.
Pons de la Guardia (…1154-1194…), cadet de la famille catalane de la Guardia de Ripoll, (Vich). Au
service de : Alfonse II d’Aragon, Azalaïs de Burlatz (vicomtesse de Béziers), Marquisa d’Urgell
(vicomtesse de Cabrera). Neuf canso conservées.
Pons d’Ortafa (mort en 1246) = Ortaffa en Roussillon. Deux canso conservées dont une avec musique.
Raimbaut d’Aurenga (…1147-1173) = né au château d’Aumelas près de Montpellier puis devient
seigneur d’Orange (Vaucluse), protège les troubadours et écrit lui-même. Quarante poèmes
conservés dont un avec musique.
Raimon de Miraval (…1191-1229…) = Miraval-Cabardès (près de Carcassonne), petit chevalier. Au
service de Raimon VI de Toulouse, Pere II d’Aragon, Alfonse VIII de Castille, Uc de Mataplana.
Mort à Lerida (Catalogne). Une quarantaine de poèmes conservés dont vingt-deux avec musique.
Raimon Gaucelm de Béziers (…1262-1275…) = Béziers dans l’Hérault, une dizaine de poèmes
conservés.
Raimon Vidal de Besalu (1e moitié XIIIe s.) = Besalu dans la province de Gérone. Au service des cours
d’Aragon, de Castille, et du Midi. Auteur du traité de grammaire de la langue des troubadours : les
Razos de trobar (qui influença les Regles de trobar de Jofre de Foixà) et des deux nouvelles Abrils
issi’emays intrava (avant 1213) et So fo el temps c’om era jays. On lui attribue deux chansons lyriques.

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