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Les animaux communiquent
Le langage humain, qui utilise lui aussi des sons, n’est donc qu’une forme
de communication parmi d’autres. Mais une forme très sophistiquée. Car
parler, c’est convenir arbitrairement qu’une série de sons désigne une
chose. Le gros avantage comparé aux grognements et aux cris, c’est que
cette association précise entre un objet et une combinaison de sons
arbitraires permet de désigner l’objet même quand il n’est pas là !
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Le langage, outil de la pensée
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Le langage, outil de catégorisation
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Le langage est spécifique à l’homme
1. Tous les êtres humains
parlent
Nim Chimpsky
http://www.youtube.com/watch?
v=UhOiAVJubGQ&feature=fvsr
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Les autres primates peuvent-ils
apprendre à parler?
Autre exemple: apprentissage du
langage des signes chez les
chimpanzés. Ils apprennent une
centaine de mots mais la
combinaison de mots (l’aspect
productif ou syntaxique du
langage) n’apparaît jamais.
Laura-Ann Petitto, Dartmouth College
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Les singes parlent mais ils ne nous disent rien
« La parole des singes est une parole muette; il faut interpréter
leurs propos. Le langage des singes doit être interprété de
l’extérieur, il ne débouche pas directement sur une création de
sens: tel pourrait être le constat de 3 décennies de recherches
fiévreuses. Le singe n’a rien à dire mais que voulait-on qu’il dît?
(…) En voulant donner la parole au primate l’homme cherche à se
voir à travers les yeux du singe; en voulant lui donner un langage,
c’est son regard que l’homme traque. (…) Le singe ne dit vraiment
rien; il se contente de répéter ce que l’homme dit, d’être un sous-
homme au niveau de la sémantique de son discours, et cette parole
est effectivement muette et non pas silencieuse »
Dominique Lestel, « Paroles de singes », Ed La Découverte
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Pour parler, il faut…
Un appareil phonatoire adapté
Le souffle de Dieu
« Puisque tout prend vie selon mes désirs, je vais façonner un être à
mon image. Et saisissant un morceau d’argile, il le façonna à son
image. Alors il se mit à parler à ce qu’il avait crée mais il n’en obtint
pas de réponse. Le regardant attentivement, il vit qu’il n’avait pas
d’esprit. Alors il lui donna un esprit. De nouveau il lui parla mais il
n’obtint toujours pas de réponse. L’examinant attentivement, il vit
qu’il n’avait pas de langue. Il lui donna une langue. Puis il s’adressa
de nouveau à lui mais il n’en reçut point de réponse. Le regardant il
vit qu’il n’avait pas d’âme. Alors il lui donna une âme. Puis, il lui
parla de nouveau et il dit presque quelque chose. Mais on ne
pouvait pas le comprendre. Alors Celui-qui-créa-la-Terre souffla
dans sa bouche, lui parla, et son image lui répondit. »
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De la pensée au langage
L’enseignement du Livre
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• Etats d’âmes
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Néanderthal, premier
homme parlant?
On a longtemps cru que l’homme de Neanderthal était incapable
de communiquer verbalement. On pensait qu’il devait bien avoir
une forme primitive de langage, mais qu’il ne pouvait produire la
gamme complète des sons du langage humain. Son larynx n’étant
pas encore aussi descendu que celui d’Homo sapiens, il devait
avoir beaucoup de difficultés à prononcer les trois voyelles
principales (i, « ou » et a) présentes dans la majorité des langues
du monde.
Toutefois, certains font remarquer que la maîtrise de la totalité des
voyelles n’est pas nécessaire pour parler un langage rudimentaire,
s’il comprend un nombre suffisant de consonnes. Par ailleurs, il
semble difficile de croire que l'Homme de Néanderthal, produisant
des outils sophistiqués, s’ornant le corps de bracelets et de
colliers, enterrant ses morts et produisant des œuvres d'art, ne
communiquait pas ou peu verbalement.
Des reconstitutions à partir de crânes néanderthaliens ont montré qu’il avait une base crânienne
permettant l’existence d’un appareil phonatoire très proche de l’homme moderne. Par exemple, la
découverte, en 1989, d’un crâne d’homme de Néanderthal âgé de 60 000 ans et possédant un os
hyoïde (l’os qui supporte le larynx) a fait dire à certains chercheurs qu’il pouvait probablement
parler. Chose certaine, les néanderthaliens ont disparu il y a environ 28 000 ans, laissant la place à
son rival Homo sapiens sapiens qui, lui, avait tout ce qu’il faut pour utiliser un langage symbolique
articulé et doté d’une syntaxe. 19
De la pensée au langage
Le protolangage
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De la pensée au langage
" Avant son règne, les Égyptiens se croyaient le peuple le plus ancien de la terre.
Quand Psammetichus devint roi, il voulut savoir quel peuple méritait vraiment ce
titre. Il imagina ce procédé : il fit remettre à un berger deux nouveau-nés, des
enfants du commun, à élever dans ses étables dans les conditions suivantes :
personne, ordonna-t-il, ne devait prononcer le moindre mot devant eux ; ils
resteraient seuls dans une cabane solitaire et, à l'heure voulue, le berger leur
amènerait des chèvres et leur donnerait du lait à satiété, ainsi que tous les soins
nécessaires. Par ces mesures et par ces ordres, Psammetichus voulait surprendre
le premier mot que prononceraient les enfants quand ils auraient dépassé l'âge
des vagissements inarticulés. Il en fut ainsi ; pendant deux ans, le berger
s'acquitta de sa tâche, puis un jour, quand il ouvrit la porte et entra dans la
cabane, les enfants se traînèrent vers lui et prononcèrent le mot bécos , en lui
tendant les mains c'est, chez les Phrygiens, le nom du pain. Les Égyptiens
s'inclinèrent devant une pareille preuve et reconnurent que les Phrygiens étaient
plus anciens qu'eux. " 22
Hérodote, L’Enquête, II, 2
De la pensée au langage
Combien de langues
parlons-nous?
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De la pensée au langage
Pourquoi parlons-nous
plusieurs langues?
« Au bout d’un certain temps Ala Tangana demanda à Hâ la main de
sa fille mais Hâ refusa. Ala décida d’enlever la fille. Le couple se
sauva dans la partie la plus éloignée de la terre. Là, ils vécurent
heureux et eurent quatorze enfants, sept garçons, sept filles. De ces
sept garçons, quatre étaient blancs et trois noirs. Il y avait
également quatre filles blanches et trois noires. A la déception des
parents, chacun ou chacune de leurs enfants parlait une langue
différente. Ils ne se comprenaient guère. Ala Tangana, ni la mère ne
les comprenaient. Ala alla voir son beau père, la mort. Hâ lui dit:
c’est moi qui t’ai puni pour m’avoir trahi. Tu ne devras jamais
comprendre ce que disent tes enfants. Mais quand même je
donnerai de l’intelligence à tes enfants blancs et du papier blanc
pour qu’ils y portent leurs idées. A tes enfants noirs, je donnerai la
boue, le sabre d’abatis et la hache pour se nourrir, fabriquer ce qu’il
faut et vivre contents »
Konos de Guinée 24
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Pourquoi parlons-nous
plusieurs langues?
Genèse, XI
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1. Le langage est-il inné?
2. Comment apprenons-nous?
3. Quand apprenons-nous?
4. Existe-t-il une différence homme-femme?
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De la pensée au langage
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De la pensée au langage
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De la pensée au langage
La première année
Vers 3 mois, le langage de l’enfant se résume à des gazouillis constitués de sons produits de
manière non spécifique.
Entre 3 et 8 mois, le babillage rudimentaire de l'enfant l’amène à jouer avec sa voix, à produire
des sons très graves et très aigus, des hurlements ou des murmures.
Entre 5 et 10 mois apparaît ce qu’on appelle le babillage canonique. Il s’agit du point culminant
du développement pré-linguistique.
Vers 6-8 mois, les enfants commencent aussi à acquérir des éléments prosodiques (mélodiques
et rythmiques) spécifiques à la langue de leur environnement.
Entre 7 et 12 mois, l’enfant comprend des ordres simples et familiers accompagnés d’un geste.
C’est aussi la période du babillage mixte: les enfants commencent à produire des mots à
l'intérieur du babillage.
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De la pensée au langage
Vers 11-13 mois, tous les sons que l'enfant produit appartiennent à sa langue maternelle. Il utilise
de plus en plus fréquemment les gestes et les changements d'intonation pour donner du sens à
ses "proto-mots".
Juste avant les premiers mots cependant, une étape décisive doit être franchie: celle du «pointer
du doigt». En effet, jusqu’à 10 mois environ, un bébé coincé dans sa chaise haute manifestera
son désir de s’approprier un objet éloigné par un geste du bras, la paume ouverte vers le bas, et
une grande agitation.
Mais entre 11 et 13 mois, son attitude change radicalement car l’enfant parvient alors à pointer
son index pour désigner l’objet désiré. Ce simple geste plante ni plus ni moins quelque chose
dans le monde mental de l’autre.
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De la pensée au langage
Vers 2 ans, la compréhension du langage entendu est quasi complète et l’enfant demande ce qu’il désire en
formulant sa requête oralement. Les premières phrases de 2 ou 3 mots commencent à répondre à des règles
syntaxiques, mais n’utilisent ni pronoms ni articles, et les verbes demeurent à l’infinitif.
Vers 3 ans les déformations des mots ont presque toutes disparu et la structure syntaxique de base, sujet-
verbe-complément, est en place. Le vocabulaire compte alors près de 1000 mots et l’usage du « je » est
maîtrisé. L’enfant aime écouter des histoires, poser des questions et commence à raconter ce qu’il a fait ou
vu.
Vers 4 ans, c'est le déchaînement verbal dominé par des questions incessantes. Le temps est maîtrisé (hier,
aujourd’hui, demain…). Les « petits mots » (conjonctions) sont de plus en plus utilisés et permettent
d’enchaîner plusieurs idées dans la même phrase. À quatre ans les principales composantes du langage sont
donc en place et c’est à cet âge que les troubles spécifiques du langage peuvent être détectés.
À 5 ans, les pronoms relatifs et les conjonctions apparaissent. L'enfant conjugue et le langage est manié plus
finement même si de petites imperfections persistent. L’enfant apprend aussi à dire les choses de façon plus
appropriée au contexte. Ceci est rendu possible par le fait qu'il se distancie de sa propre perception pour
réaliser que les autres ne perçoivent pas la réalité de la même façon que lui.
À 6 ans, l'enfant utilise de plus en plus de substantifs, de verbes et d’adjectifs. Son vocabulaire compte
maintenant plus de 2500 mots.
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De la pensée au langage
La mère d’un enfant lui offre des chaussures neuves. Si quelqu’un appelle
ensuite l’enfant au téléphone et lui demande ce qu’il a reçu l’enfant peut avoir
deux réactions qui dépendent de son âge : à 3 ans, tous les enfants montrent les
chaussures au téléphone, tandis qu’à 4 ans, tous ou presque mettent des mots à
la place de l’objet. En précisant souvent que les couleurs des chaussures sont
belles, que maman est gentille, etc., l’enfant agit désormais avec des mots sur
les représentations et le monde mental de l’autre.
Un enfant acquiert le sentiment d’être soi vers l’âge de 5 mois, bien avant de
parler. L’émergence du langage requiert cependant deux choses : la maturation
neurologique, et l’environnement culturel et langagier. Vers l’âge de 3-4 ans, le
mot «mort» désigne par exemple ce qui arrive lorsqu’il fait «pan, pan !» en
pointant un adulte : celui-ci s’écroule sur le plancher en faisant une grimace.
Vers 5-6 ans, le même mot désigne l’éloignement, très loin quelque part, sur un
nuage, et pour longtemps… La maturation de son système nerveux lui permet Nombre de mots approximatifs du
alors de commencer à se représenter des choses très éloignées. Enfin, entre 7 vocabulaire d’un enfant de 0 à 3 ans.
et 10 ans, la mort désigne quelque chose d’absolu. À ce moment se forment les
connexions entre le lobe préfrontal de l’anticipation et le système limbique qui
gère les souvenirs. L’enfant accède alors à la représentation du temps. Le mot
«mort» met donc sept à dix ans pour devenir «adulte».
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De la pensée au langage
Quelques définitions
Pour reconnaître les mots par leur son, le cerveau les décortique en phonèmes. Les
phonèmes sont les plus petites unités sonores qui servent à construire les mots d’une
langue. On peut ainsi définir un alphabet phonétique pour chaque langue. Celui du
français contient par exemple 37 phonèmes (19 consonnes, 15 voyelles, 3 semi-
consonnes) qui donnent la sonorité particulière du français.
La fonction ultime du langage est de transmettre de la signification. Une fois que l’on a
reconnu un mot par ses phonèmes, son sens va dépendre de plusieurs facteurs : ce
qu’il désigne dans le monde, le contexte de son élocution et, surtout, de la façon dont le
mot s’articule avec ses voisins dans une phrase, ce qu’on appelle la syntaxe.
Dans chaque langue, certains mots ne désignent rien en eux-mêmes, mais ont une
fonction syntaxique dans la chaîne de mots que constitue une phrase. Ces mots
«relationnels» comme et, le, un, avec montrent bien leur utilité lorsqu’ils viennent à
manquer. C’est le cas des titres de journaux ou des petites annonces où l’espace est
restreint : «Chien à donner. Mange de tout adore les enfants», «Vends armoire pour
dames aux pattes courbées», etc.
Le linguiste Noam Chomsky a montré toute la puissance de la syntaxe et son caractère
universel dans les langues naturelles. Sa fameuse phrase «Colorless green ideas sleep
furiously» (en français, «Les idées vertes incolores dorment furieusement») n’a
évidemment pas de sens, mais sa syntaxe correcte nous porte à en chercher un.
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L’alphabet selon
Victor Hugo
« Avez-vous remarqué combien l’Y est une lettre pittoresque qui a des significations sans nombre ? –
L’arbre est un Y ; l’embranchement de deux routes est un Y ; le confluent de deux rivières est un Y ; une
tête d’âne ou de bœuf est un Y ; un verre sur son pied est un Y ; un lys sur sa tige est un Y ; un suppliant
qui lève les bras au ciel est un Y." (…)
Toutes les lettres ont d’abord été des signes et tous les signes ont d’abord été des images." La société
humaine, le monde, l’homme tout entier est dans l’alphabet. (…)
" A, c’est le toit, le pignon avec sa traverse, l’arche, arx ; ou c’est l’accolade de deux amis qui
s’embrassent et qui se serrent la main ; D, c’est le dos ; B, c’est le D sur le D, le dos sur le dos, la brosse ;
C, c’est le croissant, c’est la lune ; E, c’est le soubassement, le pied-droit, la console et l’architrave, toute
l’architecture à plafond dans une seule lettre ; F, c’est la potence, la fourche, furca ; G, c’est le cor ; H,
c’est la façade de l’édifice avec ses deux tours ; I, c’est la machine de guerre lançant le projectile ; J, c’est
le soc et c’est la corne d’abondance ; K, c’est l’angle de réflexion égal à l’angle d’incidence, une des clefs
de la géométrie ; L, c’est la jambe et le pied ; M, c’est la montagne, ou c’est le camp, les tentes
accouplées ; N, c’est la porte fermée avec sa barre diagonale ; O, c’est le soleil ; P, c’est le portefaix
debout avec sa charge sur le dos ; Q, c’est la croupe avec sa queue ; R, c’est le repos, le portefaix appuyé
sur son bâton ; S, c’est le serpent ; T, c’est le marteau ; U, c’est l’urne ; V, c’est le vase (de là vient qu’on
les confond souvent); je viens de dire ce qu’est l’Y ; X, ce sont les épées croisées, c’est le combat ; qui
sera vainqueur ? on l’ignore ; aussi les hermétiques ont-ils pris X pour le signe du destin, les algébristes
pour le signe de l’inconnu ; Z, c’est l’éclair, c’est Dieu. »
Ainsi, d’abord la maison de l’homme et son architecture, puis le corps de l’homme, et sa structure et ses
difformités ; puis la justice, la musique, l’église ; la guerre, la moisson, la géométrie ; la montagne, la vie
nomade, la vie cloîtrée ; l’astronomie ; le travail et le repos ; le cheval et le serpent ; le marteau et l’urne,
qu’on renverse et qu’on accouple et dont on fait la cloche ; les arbres, les fleuves, les chemins ; enfin le
destin et Dieu, - voilà ce que contient l’alphabet. »
Comment lisons-nous?
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La mémoire de travail
Certaines aires cérébrales, qui participent à la
préparation du langage, sont activées lorsqu’on se
répète mentalement quelque chose sans le
prononcer. Ceci permettrait d’augmenter le temps
de maintien en mémoire de l’information verbale en
rafraîchissant le «tampon phonologique». Ces
régions frontales gauches sont ainsi impliquées
dans le maintien actif de l'information dans la
mémoire de travail.
Certaines études faites sur des enfants ayant des
problèmes de lecture ont montré que ceux-ci
avaient en fait des problèmes de compréhension de
la syntaxe causés par une déficience de leur La traduction simultanée est la tâche verbale
mémoire de travail. peut-être la plus complexe que l’on peut
C’est aussi la mémoire de travail qui nous permet i m a g i n e r. E n t r a d u i s a n t u n d i s c o u r s
de comprendre des phrases particulièrement simultanément, un interprète doit comprendre
longue ou complexe comme par exemple: “Le ce qui est exprimé dans une langue, le garder
clown qui porte le petit garçon embrasse la petite dans sa mémoire de travail jusqu’à ce qu’il
fille”. Ce que la mémoire de travail permet, c’est de l’ait encodé dans l’autre langue, puis
garder l’information verbale à l’esprit suffisamment prononcer ce bout de discours dans l’autre
longtemps pour que la séquence de mots d’une langue, pour ensuite aussitôt se re-concentrer
phrase prenne sens. sur ce que dit le locuteur dans le première
langue et recommencer le processus. 57
De la pensée au langage
Existe-t-il un dimorphisme
sexuel? (1)
Les femmes préfèrent parler de leurs états Des études démontrent que certaines difficultés de
d’âme tandis que les hommes aiment mieux communication dans la vie de couple
discuter de sujets impersonnels. Pour les proviendraient du fait que les hommes et les
femmes, parler est avant tout un moyen femmes utilisent le langage à des fins différentes.
d’entrer en relation alors que pour les Par conséquent, chaque sexe interprète ce que dit
hommes c’est davantage un moyen de l’autre selon ses propres critères, ce qui
transmettre de l’information. occasionne des malentendus.
Par exemple, selon une étude menée auprès Ainsi, le fait que les hommes sont naturellement
de 6609 individus dans 5 pays d’Europe, 66% moins loquaces que les femmes dans l’intimité ne
des femmes sont l’utilisateur principal du doit pas être pris pour un signe de rejet ou
téléphone tandis que 76% des hommes le d’indifférence par les femmes. Pas plus que le
sont pour l’ordinateur, ce qui appuie la besoin d’échange des femmes ne doit être perçu
préférence des premières pour les sujets comme une façon de contrôler la relation par les
personnels et celle des seconds pour des hommes.
sujets extérieurs. Autre cas de figure classique : alors que la femme
Les femmes utilisent aussi plus souvent le veut simplement discuter de ses problèmes,
«je» ainsi que des mots sociaux reliés aux l’homme cherche immédiatement une solution.
personnes; alors que les hommes utilisent Certains ont même comparé le degré de difficulté
plutôt le «nous» et s’intéressent davantage de la communication dans un couple à une
aux objets et aux événements. communication interculturelle !
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De la pensée au langage
Existe-t-il un dimorphisme
sexuel? (2)
Quatre personnes aphasiques sur cinq sont des Les femmes sont avantagées en ce qui
hommes ! Le cerveau des femmes semble donc concerne plusieurs aptitudes verbales,
avoir une organisation pour le langage qui le rend comme par exemple la fluidité qui permet de
plus résistant que celui des hommes aux aphasies. dire le maximum de mots ou de phrases
Même lorsque les dommages cérébraux sont dans un temps limité. De plus, les troubles
comparables, les femmes s’en tirent généralement du langage sont plus fréquents chez les
avec moins de déficits langagiers que les hommes. garçons, peu importe le type d’éducation
reçu. Par exemple, 4 fois plus de garçons
Alors que les hommes ont tendance à parler peu
que de filles souffrent de bégaiement, de
dans les situations intimes, ils peuvent devenir très
dyslexie ou d’autisme.
volubiles en public. Si les hommes parlent
davantage et plus longtemps que les femmes en
public, il semble que ce soit lié au fait qu’il s’agit de Bien que d’autres facteurs ne soient pas
bonne occasion de confirmer ou de s’approprier un exclus, la testostérone, qui retarde le
statut social. En revanche, les femmes développement de l’hémisphère gauche,
préféreraient s’exprimer dans la sphère privée qui pourrait être impliquée pour expliquer ce
privilégie l’expression des émotions. phénomène.
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1. Qu’est-ce qu’une dysphasie?
2. Qu’est-ce qu’une aphasie?
3. Pourquoi bégaie-t-on?
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De la pensée au langage
Il est commode de distinguer parmi les troubles du langage ceux qui apparaissent
durant le développement, ou dysphasies, de ceux qui surgissent suite à une lésion, ou
aphasies.
La dysphasie est une anomalie du développement du langage lié au mauvais
fonctionnement des régions du cerveau qui traitent le langage. Les enfants
dysphasiques entendent bien mais sans saisir le sens des mots ou l’ordre du discours.
Ce déficit est toutefois circonscrit au domaine langagier et l’enfant fait preuve par
ailleurs d’une intelligence tout à fait normale. Il ne s’agit pas non plus de troubles
relationnels puisque les enfants dysphasiques cherchent à communiquer par tous les
moyens, à l'inverse des enfants autistes par exemple.
Les causes de la dysphasie demeurent mystérieuses et multifactorielles. Il semble y
avoir une composante génétique puisqu’il existe des formes familiales de dysphasie et
que les garçons sont trois fois plus touchés que les filles. Mais l’exposition à la langue
et les interactions précoces pourraient aussi jouer un rôle, d’où l’appellation de
troubles neuro-développementaux pour désigner les dysphasies.
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De la pensée au langage
Les dysphasies
Les troubles dysphasiques les moins graves et les plus faciles à traiter sont les
troubles articulatoires. Ils portent le plus souvent sur les consonnes. Les troubles
articulatoires comprennent par exemple le chuintement ou le zézaiement. Ils peuvent
aussi se traduire par l’omission permanente d’un son ou par des remplacements de
phonèmes. Ainsi, «radio» deviendra «adio» ou «chat» deviendra «ta».
Les retards de la parole constituent une autre catégorie de dysphasie. Ils peuvent être
dûs par exemple à une mauvaise perception des sons, bien que l’enfant ne soit pas
sourd.
Les enfants dysphasiques accusent généralement assez tôt un retard sur les
étapes normales de développement du langage. Ils resteront par exemple
silencieux la première année de leur vie, ne diront pas encore de vrais mots (papa,
maman…) à 18 mois, ne diront pas de phrases de 2 - 3 mots à 2 ans ou ne
commenceront pas à poser des questions avec « pourquoi » vers l’âge de 3 ans. 62
De la pensée au langage
La dyslexie
H.C Andersen
La dyslexie consiste en une difficulté plus ou
moins grande à apprendre à lire et à écrire. C’est
un trouble du développement que l’on découvre
quand l’enfant apprend à lire, vers 6 – 7 ans et qui
est plus fréquent chez les garçons et chez les
gauchers.
L. Pasteur
A. Einstein L. De Vinci 63
De la pensée au langage
L’autisme
L'autisme est un trouble du
développement, qui se manifeste dès les
premières années de vie de l'enfant.
Les signes sont divers et d'intensité
différente d'une personne à l'autre; ils
varient avec l'âge:
Les aphasies
L'aphasie est un trouble du langage acquis suite à une lésion survenant à un moment précis
dans la vie d’un individu qui maîtrisait déjà le langage. Le plus souvent d’ailleurs, l’aphasie
n’altère pas les facultés cognitives, ni l’aptitude à mobiliser les muscles utilisés dans
l’articulation des mots.
La lésion à l’origine de l’aphasie affecte l’hémisphère dominant et ses causes peuvent être
multiples : un accident vasculaire cérébral, un traumatisme crânien (accident de la route,
chute, etc), une tumeur cérébrale, un processus dégénératif (maladie d’Alzheimer…), une
infection (encéphalite…).
Bien qu’on ait établi une classification des différents types d’aphasie et que deux grandes
catégories se démarquent, on trouve rarement des cas « pures » de ceux-ci. C’est que les
lésions cérébrales à l’origine des aphasies endommagent généralement plusieurs régions du
cerveau en même temps.
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De la pensée au langage
L’aphasie de Broca
L’individu qui en souffre cherche ses mots, parle au ralenti et son discours a un style
télégraphique. À la question: « Pourriez-vous expliquer ce que vous faites à l’hôpital ? », un
patient aphasique répond par exemple : « Oui. Bien sûr. Moi vais, euh, heu, neuf heures,
parler… deux fois…lire…éc…, euh écri…, écrire…pratiquer… progres…-ser. »
L’aphasique utilise surtout les mots qui ont un contenu et a de la difficulté avec ceux qui ont
seulement une fonction syntaxique (articles, pronoms, conjonctions) ainsi qu’avec les
terminaisons des verbes conjugués. Il leur est également très difficile de distinguer le sujet de
l’objet dans les phrases à la forme passive (par exemple, «l’élève est félicité par le maître»).
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De la pensée au langage
L’aphasie de Wernicke
À la question : «Qu’est ce qui vous a amené à l’hôpital ?», le patient aphasique de Wernicke
répond par exemple : «Eh bien, je transpire, je suis terriblement nerveux, vous savez, de
temps en temps, je ne peux plus bouger, alors que, d’autre part, vous savez ce que je veux
dire, il faut que je m’agite, regarde tout ce qui se passe, et tout le reste avec.» Un autre à qui
l’on demande de décrire une tortue répond : « la torpie, un amidjan qui va dans les jardins ».
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De la pensée au langage
L’aphasie globale équivaut à avoir à la fois une aphasie d’expression et une aphasie de
compréhension. De vastes lésions au cortex frontal, temporal et pariétal conduisent à une
perte totale de la capacité de comprendre le langage, de le parler, de lire ou d'écrire.
Ceux qui souffrent d’aphasie globale ne parviennent à prononcer que très peu de mots qui ne
sont liés par aucune syntaxe. Ces personnes ont tout au plus une certaine forme de langage
automatique, spécialement des exclamations émotionnelles. Les expressions faciales, les
gestes des mains et l’intonation vocale peuvent également être préservés.
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Le bégaiement
Le bégaiement disparaît quand la personne chante, récite un texte ou le lit. En fait, toutes
situations qui ne le placent pas en situation de communication spontanée et nécessitent
une adaptation conséquente de la prise de souffle. Comme le bégaiement est un problème
intimement relié à la "mécanique de la parole", les personnes qui bégaient sont sensibles
au stress, à la fatigue, aux émotions et à l'excitation. Enfin, comme le disent certains
spécialistes pour souligner le fait qu’on connaît au fond encore très mal le bégaiement : «
La seule différence entre une personne qui bégaie et une autre qui ne bégaie pas, c’est que
la personne qui bégaie bégaie ! »
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1. Existe-t-il des aires du langage?
2. Où est engrammée la deuxième langue?
3. Quelle est la plasticité du cerveau langagier?
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De la pensée au langage
L’aire de Broca
L’année 1861 marque le début de l’identification de
régions du cerveau impliquées dans le langage.
Cette année-là, le neurochirurgien français Paul
Broca examine le cerveau d’un de ses patients qui
vient de décéder. Ce patient ne pouvait prononcer
d’autres syllabes que « tan », bien qu’il comprenait
ce qu’on lui disait. Sans être atteint d’aucun trouble
moteur de la langue ou de la bouche qui aurait pu
affecter son langage, ce patient ne pouvait produire
aucune phrase complète ni exprimer ses idées par
écrit.
En faisant l’autopsie de son cerveau, Broca a trouvé
une lésion importante dans le cortex frontal inférieur
gauche. Par la suite, Broca a étudié huit patients aux
déficits semblables qui tous avaient une lésion dans
l’hémisphère frontal gauche. Cela l’amène à déclarer
son célèbre «Nous parlons avec l'hémisphère
gauche» et à identifier pour la première fois
l’existence d’un «centre du langage» dans la partie
postérieure du lobe frontal de cet hémisphère. En
fait, l’aire de Broca fut la première région du cerveau
associée à une fonction précise, en l’occurrence le
langage. 75
De la pensée au langage
L’aire de Wernicke
L’aire de Dejerine
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De la pensée au langage
À un an, le lobe temporal qui inclut l’aire de Wernicke est encore très immature et représente à peine plus de
50% de la surface du lobe temporal adulte. De plus, sa partie centrale qui, chez l’adulte, est associée au
stockage lexical, a à peine 20% de sa taille adulte. Même chose pour le lobe pariétal inférieur, relié à l’aire de
Wernicke, qui permet d’assigner des mots à des événements visuels, sonores ou somatosensoriels: ses
neurones sont relativement peu myélinisés durant la première année et sa surface est moins de 40% de celle de
l’adulte.
À environ 20 mois, âge auquel l’enfant peut dire presque 100 mots et en comprendre le double, la surface du
lobe temporal est passée à environ 65% de celle de l’adulte. À 30 mois, alors qu’il maîtrise environ 500 mots,
son lobe temporal est à 85 % de celui de l’adulte. La maturation de l’aire de Wernicke semble donc être un
facteur favorisant les capacités lexicales de l’enfant.
78
De la pensée au langage
80
De la pensée au langage
81
De la pensée au langage
La partie postérieure du gyrus frontal extérieur (aire 44) serait impliquée dans le traitement
phonologique et la production comme telle du langage, rôle qui serait facilité par sa position
proche des centres moteurs de la bouche et de la langue. La partie antérieure de ce même gyrus
(aire 45) serait davantage impliquée dans les aspects sémantiques du langage. Sans être
directement impliquée dans l’accès au sens, l’aire de Broca participe donc à la mémoire verbale
(sélection et manipulation d’éléments sémantiques). 82
De la pensée au langage
L’aire de Wernicke, dont une composante anatomique clé est le planum temporale, est située sur le
gyrus temporal supérieur, dans la portion supérieure de l’aire 22 de Brodmann. Il s’agit d’une
localisation stratégique compte tenu de ses fonctions dans le langage. L’aire de Wernicke se trouve
en effet située entre le cortex auditif primaire (aires 41 et 42) et le lobe pariétal inférieur.
Ce dernier est principalement composé du deux régions distinctes: caudalement, le gyrus angulaire
(aire 39), lui-même au voisinage des aires occipitales visuelles (aires 17, 18, 19), et dorsalement, le
gyrus supramarginal (aire 40) qui chevauche l’extrémité de la scissure de Sylvius, adjacent 83 à la
partie inférieure du cortex somato-sensoriel.
De la pensée au langage
Chez les personnes bilingues, plus la seconde langue a Un problème général auquel se heurte toute tentative
été acquise jeune, plus les aires cérébrales de de localisation des fonctions cérébrales est l’unicité
compréhension et de production associées aux deux de chaque cerveau. En effet, si tous les cerveaux ont
langues sont similaires. Dans le cas d’une deuxième les mêmes grandes structures cérébrales, la taille et
langue apprise plus tardivement, l’imagerie cérébrale la forme de ces structures peut varier de plusieurs
révèle que ce ne sont pas toujours les mêmes aires millimètres d’un individu à l’autre. Des mesures
corticales qui sont impliquées dans la compréhension moyennes sont bien sûr utilisées, mais reste qu’une
des deux langues. D’ailleurs, des personnes bilingues lésion donnée chez différents individus ne produira
peuvent, suite à un traumatisme, perdre l’usage d’une pas toujours exactement le même déficit.
seule langue, sans que la langue préservée soit Avec les cartographies fonctionnelles des fonctions
nécessairement la langue maternelle. cérébrales normalisées pour la taille des différents
Mais le bilinguisme est un phénomène complexe dont cerveaux, on obtient un cerveau de référence mais
les bases fonctionnelles demeurent encore méconnues. un qui ne correspond à aucun cerveau d’un individu
Considérant par exemple que l’italien utilise des en particulier.
phonèmes et une syntaxe beaucoup plus proche du
français que du chinois, le cerveau d’une personne
Lorsque l’on entend un son, le cerveau distingue
bilingue français / italien fonctionnera-t-il comme celui
automatiquement s’il s’agit d’un son provenant
d’un bilingue français / chinois ? Et chez ce dernier,
existe-t-il des différences entre ceux dont la langue d’une voix humaine ou d’une autre source; ensuite si
ce son « humain » est une syllabe ou non; enfin si
maternelle est le français et ceux pour qui c’est le
chinois ? Et quel est l’effet de la fréquence d’usage c’est un véritable mot ou un pseudo-mot (groupe de
sons n’ayant pas de sens). L’écoute de ces différents
d’une langue sur l’organisation cérébrale ? Comme on
sons en imagerie cérébrale permet de distinguer
peut le constater, le nombre de paramètres susceptible
d’influencer les aires du langage du cerveau des entre les aires impliquées dans la simple écoute de
sons de celles intervenant dans leur compréhension.
personnes bilingues est considérable.
86
1. Quels sont les systèmes neuronaux en jeu?
2. Quelle est la part de l’inné et de l’acquis?
3. A quoi ressemble un cerveau de gaucher?
4. Existe-t-il une pensée sans langage?
87
De la pensée au langage
Le modèle de Geschwind
Le modèle de Geschwind, dit «connexionniste»,
s’inspire des études lésionnelles. Son hypothèse
centrale est que les troubles du langage proviennent
d’une rupture dans un réseau de modules fonctionnels
connectés en série. Selon ce modèle, chaque module
prendrait en charge les différentes caractéristiques du
langage (perception, compréhension, production, etc.)
et seraient reliés entre eux par une chaîne de
connexions bien précise.
Le son d’un mot entendu est d’abord traité dans le
cortex auditif primaire. Celui-ci transmet ensuite de
l’information à l’aire voisine, celle de Wernicke, qui
associe la structure du signal sonore avec la
représentation d’un mot conservé en mémoire. C’est
ainsi que l’aire de Wernicke permettrait de faire surgir le
sens d’un mot particulier.
S’il s’agit maintenant de lire un mot à voix haute,
l’information est d’abord perçue par le cortex visuel
pour ensuite être transférée d’abord au gyrus angulaire,
et de là à l’aire de Wernicke.
88
De la pensée au langage
Le modèle de Geschwind-
Wernicke
Qu’on l’entende ou qu’on le lise, c’est dans le
lexique mental de l’aire de Wernicke que le mot
est reconnu et correctement interprété selon le
contexte. Il serait ensuite acheminé par le
faisceau arqué à destination de l’aire de Broca
qui planifie l’élocution du mot. L’information
chemine ensuite jusqu’au cortex moteur
responsable des muscles qui s’occupent de la
prononciation physique du mot.
Le modèle Geschwind-Wernicke est donc basé
sur la localisation anatomique d’aires
cérébrales ayant des fonctions distinctes.
Grosso modo, ce modèle est en accord avec la
description des principaux troubles du langage,
comme l’aphasie de Broca ou de Wernicke.
Mais il a aussi ses limites. L’une d’entre elles
est que son organisation en série suppose que
chaque étape n’est réalisée qu’à partir du
moment où la précédente est achevée, ce qui
n’est pas toujours ce que l’on observe. Ce
modèle n’expliquant pas non plus certains
troubles partiels du langage, d’autres furent
proposés pour pallier à ces lacunes. 89
De la pensée au langage
90
De la pensée au langage
Le modèle de Mesulam
Dans les années 1980, Marsel Mesulam a proposé un modèle
alternatif basé sur un modèle en réseaux hiérarchisés où le
traitement de l’information procède par paliers de complexité.
Par exemple, pour les traitements simples, comme dire les mois de
l’année dans l’ordre, les aires motrices et prémotrices du langage
sont directement activées. Dire un énoncé nécessitant une analyse
sémantique et phonologique plus poussée fera pour sa part
intervenir d’autres aires en amont des aires motrices.
Pour ce qui est des paroles entendues, elles sont perçues par l’aire
auditive primaire, puis traitées par des aires dites associatives
unimodales: les régions temporales supérieures et antérieures
Localisation approximative du gyrus frontal
ainsi que la région operculaire du gyrus frontal inférieur gauche. inférieur. Il est divisé en trois parties :
operculaire, triangulaire et orbitale. La partie
Selon le modèle de Mesulam, ces aires unimodales transmettent triangulaire du gyrus frontal inférieur forme
ensuite leurs informations à deux sites d’intégration distincts : au l’aire de Broca.
pôle temporal appartenant au système paralimbique donnant accès
au système de mémoire à long terme et au système émotionnel; et
à la partie terminale postérieure du sillon temporal supérieur qui
permet l’accès au sens. Les régions triangulaire et orbitaire du
gyrus frontal inférieur participent aussi au traitement sémantique.
91
De la pensée au langage
Un traitement parallèle et non
sériel
Plusieurs chercheurs rejettent aujourd’hui les modèles
localisationnistes classiques et proposent une conception du langage
et des fonctions cognitives comme étant distribuées sur des aires
anatomiquement distinctes qui traitent l’information en parallèle
(plutôt que de façon sérielle d’une «aire du langage» à une autre).
Les tenants de cette vision «en parallèle» du traitement de
l’information linguistique acceptent tout de même une certaine
localisation des fonctions primaires, tant auditives qu’articulatoires.
Pour les tenants de ce paradigme, l’étendue de l’activation des
différentes zones de l’hémisphère gauche ainsi que le grand nombre
des processus psychologiques impliqués exclut une association
précise des fonctions à des aires anatomiques. Seulement pour le
rappel des mots par exemple, il est le produit d’un réseau très
distribué localisé de façon prédominante à gauche et incluant le lobe
temporal inférolatéral, le lobe pariétal postérieur inférieur, les régions
prémotrices du lobe frontal, le gyrus cingulaire antérieur et l’aire
motrice supplémentaire. Quant à la contribution de chaque région à
cette tâche spécifique, un réseau aussi largement distribué exclut,
pour les tenants du traitement en parallèle, l’attribution précise de
fonctions à des structures.
92
De la pensée au langage
93
De la pensée au langage
Inné et acquis
Les capacités générales de lecture sont en
général plus développées chez la femme et
cette différence s’exprime souvent de manière
évidente dès l’école primaire. On s’interroge
encore sur la part d’inné et d’acquis qui
explique cette différence, mais il semble que la
valorisation de la lecture auprès des filles y soit
pour quelque chose. Les filles seraient donc, en
partie du moins, meilleures en lecture parce
qu’elles lisent plus, tout simplement, pendant
que les garçons se livrent souvent à des
activités sportives. Des spécialistes pensent
qu’en augmentant le temps de lecture et
d’écriture chez les garçons, et surtout en
adaptant les contenus pour les intéresser, on
pourrait réduire de façon substantielle l’écart
qui les sépare des filles. Les personnes aveugles utilisent leurs doigts
pour lire les caractères en points saillants du
Les filles semblent aussi plus performantes en braille. Chez les aveugles de naissance, on sait
ce qui concerne l’orthographe. L’utilisation de maintenant que c’est le cortex visuel qui prend
leurs deux hémisphères dans le traitement des en charge l’information en provenance des
sons (comparé aux hommes qui utilisent doigts lorsque ceux-ci lisent le braille et ce,
surtout le gauche) pourrait être ici en cause. En malgré l’absence totale d’influx visuel !
effet, on peut imaginer que mieux décortiquer
les sons d’un mot permet de mieux le décoder,
94
et donc de mieux l’écrire.
De la pensée au langage
Les anomalies corticales
de la dyslexie
On commence ainsi à identifier des signes
pathologiques variés dans le cerveau des
dyslexiques. Des anomalies évidentes dans la
Si la lecture exige le fonctionnement
disposition des cellules corticales, plus
spécialement dans certaines régions des aires coordonné du système visuel et
corticales frontales et temporales gauche, ont été linguistique, l’écriture repose pour sa
part sur l’interrelation des systèmes
rapportées. Elles se développeraient probablement
linguistiques et moteurs, ce dernier
dès le milieu de la période de gestation, période
permettant d’exécuter les gestes précis
pendant laquelle on observe une migration cellulaire
de l’écriture.
active dans le cortex cérébral.
Des changements dans les voies sensorielles des On appelle «alexie» les troubles de la
patients pourraient également être responsables de lecture et «agraphie» les troubles de
leurs difficultés à lire. Des examens post mortem ont l’écriture. Ces deux troubles du
montré que les neurones des dyslexiques étaient langage semblent dépendre de deux
plus petits que ceux des témoins dans les aires systèmes spécialisés distincts et
magnocellulaires du corps genouillé latéral où les autonomes.
neurones étaient à la fois plus petits et agencés de Une autre condition appelée «anomie»
façon désorganisée. Il se pourrait que ces anomalies consiste en une difficulté à trouver les
nuisent au traitement rapide qu’exigent des signaux noms des objets. Elle s’observe
changeants comme ceux impliqués dans la lecture. souvent suite à une lésion du gyrus
angulaire.
Des études en imagerie cérébrale ont par ailleurs
montré une activation moindre dans l’aire visuelle
V5/MT responsable de la détection du mouvement ou 95
dans la partie inférieure du lobe temporal gauche.
De la pensée au langage
La latéralisation du cerveau
96
De la pensée au langage
98
De la pensée au langage
101
De la pensée au langage
Bien qu’il n’y ait pas de lien direct entre les deux, la
latéralisation de la main habile influence néanmoins celle du Les anthropologues parviennent
langage. De nombreuses études, ont ainsi montré que 92 à à évaluer les latéralisations
96% des droitiers ont leur hémisphère gauche spécialisé dans manuelles dans les anciennes
le langage. cultures en examinant par
Pour les gauchers, c’est un peu plus compliqué et les résultats exemple les marques de la taille
des études présentent des disparités. Pour certaines, environ d’une hache de silex qui
70% des gauchers seraient latéralisés à gauche pour le indiquent qu’elle a été fabriquée
langage, 15% à droite et 15% seraient ambilatéraux, c’est-à-dire par un droitier ou par un gaucher.
que les fonctions du langage sont réparties entre les deux On examine aussi la proportion
hémisphères. Pour d’autres, seulement 15% des gauchers sont des personnages qui se servent
latéralisés à gauche, 15% à droite et 70% sont ambilatéraux à de la main droite ou gauche dans
divers degrés. les représentations artistiques à
partir de l’antiquité.
Bien que la préférence manuelle influence l’hémisphère
cérébral qui nous fait parler, il semble y avoir une
prédisposition naturelle de l’hémisphère gauche pour le
langage, prédisposition qui trouve un écho au niveau
anatomique.
102
De la pensée au langage
Autrefois, les instituteurs pensaient qu’un enfant gaucher écrirait nécessairement mal et les
forçaient à écrire de la main droite. Les scientifiques ont quant à eux longtemps pensé que les
gauchers étaient plus susceptibles de bégayer, d’être dyslexique ou d’être allergiques que les
droitiers. Mais les études récentes montrent que les gauchers ne sont pas plus atteints de 103
troubles physiques ou psychologiques que les droitiers.
De la pensée au langage
104
De la pensée au langage
Testostérone et maturation
Mais si l’hémisphère gauche est lésé ou déficient, le langage peut être acquis par l’hémisphère
droit. Une surabondance de testostérone fœtale due à un stress à la naissance pourrait bien être
l’une des causes les plus fréquentes de ralentissement du développement de hémisphère
gauche entraînant une plus grande participation de l’hémisphère droit.
Cette hypothèse d’un rôle central de la testostérone est appuyée par des expériences faites sur
des rats et qui ont montré que l’asymétrie corticale est modifiée si l’on injecte aux rongeurs de la
testostérone à la naissance. L’hypothèse hormonale expliquerait également pourquoi les deux
tiers des gauchers sont des hommes.
105
De la pensée au langage
Une latéralisation
d’origine phylogénétique
Chez de nombreuses espèces aussi loin de
nous que la grenouille, le cerveau est latéralisé Les femmes ont la réputation de pouvoir parler
à gauche pour la fonction de vocalisation. et écouter en faisant toutes sorte de choses en
Pour les régions anatomiques qui même temps, alors que les hommes
correspondent aux aires de Broca et de préféreraient parler d’une chose ou en écouter
Wernicke, la latéralisation cérébrale existe déjà une autre, mais successivement plutôt que
chez le chimpanzé même si elle ne correspond simultanément. L’imagerie cérébrale a peut-être
pas encore à la fonction du langage. Et comme révélé un fondement anatomique à cette
chez l’être humain, la majorité des chimpanzés différence de comportement en montrant que le
utilisent préférentiellement leur main droite langage sollicite davantage les deux
plutôt que la gauche. hémisphères chez les femmes et serait plus
latéralisé (surtout à gauche) chez les hommes.
Ces asymétries chez les autres primates Davantage de fibres nerveuses relient aussi les
constituent autant de preuves de l’origine deux hémisphères cérébraux chez la femme, ce
phylogénétique ancienne de la latéralisation qui va aussi dans le sens de plus grands
cérébrale. L’expansion massive du cortex échanges d’information entre les deux
préfrontal pourrait d’ailleurs en partie refléter hémisphères.
son rôle dans la production du langage.
Une contribution plus grande de l’hémisphère droit chez les gauchers pourrait
expliquer pourquoi on retrouve proportionnellement plus de mathématiciens et
de musiciens gauchers, deux habiletés faisant appel aux fonctions de
visualisation normalement situées dans l’hémisphère droit. 106
De la pensée au langage
Langage et musique
Le signifié du langage
La contribution de l’hémisphère droit dans le
comportement langagier est récente. Elle concerne la
capacité d’aller au-delà du sens littéral des mots et de
développer une intelligence sociale. Elle recourt pour
ce faire à de multiples processus. Cette nouvelle
science de la communication, du point de vue de
«l’hémisphère mineur» du langage, est appelée
pragmatique.
La fonction pragmatique désigne la capacité de
comprendre le signifié du discours, par exemple le
sens d’une métaphore ou d’une question comme
«Avez-vous du feu?» Lorsqu’un droitier est atteint
d’une lésion à l’hémisphère droit, la fonction
pragmatique est affectée et il est porté à interpréter une
telle question à la lettre. En fait, ces patients réagissent
exactement comme des étrangers devant des formules
idiomatiques : leur grammaire et leur phonologie sont
correctes, mais ils ne comprennent pas l’humour
verbal ni les métaphores que nous employons Activité du cerveau d’une femme qui doit décider si des
quotidiennement. En contribuant aux composantes mots riment ou non. On voit que l’hémisphère droit est
grandement sollicité. Shaywitz & Shaywitz, Yale Medical
émotionnelles et tonales du langage, l’hémisphère droit School.
apporte ainsi un supplément de signification à la
communication verbale. 109
De la pensée au langage
La prosodie
La prosodie fait référence à l’intonation et à l’accentuation
des phonèmes. Ainsi, un patient à l’hémisphère droit
cérébrolésé dont la prosodie est déficiente est incapable
d’exprimer une émotion réellement ressentie de façon
adéquate. Par conséquent la personne souffrant d’aprosodie
Expérience avec deux images: jeune
se comporte et tient des propos semblant manquer
fille en pleurs et jeune fille portant un T
d’affectivité. Autre aspect de la pragmatique pouvant être shirt avec un cœur. Si par exemple on
touché par des lésions à l’hémisphère droit est le discours demande à un patient ayant une lésion
ou plutôt son organisation découlant des règles qui dans l’hémisphère droit de nous
régissent sa construction. On note ainsi chez certains montrer l’image caractérisant le mieux
patients une moins grande capacité à distinguer les indices la phrase « Elle a le cœur gros », il vous
montrera l’image du personnage avec
permettant d’établir un contexte communicationnel, les
un gros cœur dessiné sur son chandail,
nuances apportées par certains mots, les intentions du laissant de côté la jeune fille en pleurs.
locuteur, le langage corporel ou les conventions sociales. Même chose pour la moindre remarque
Concernant les conventions sociales par exemple, on ironique : dites-lui «Il est vraiment
n’aborde généralement pas son frère ou son patron de la gentil, ce type !» et il sera convaincu
même façon, distinction que font pourtant difficilement qu’il a affaire quelqu’un de très bien…
certains cérébrolésés droits. Enfin, dernière catégorie de
trouble pragmatique mais non la moindre, la compréhension
du langage non-littéral. On estime en effet que plus de la
moitié des phrases que l’on prononce ne désigne pas
littéralement ce qu’on veut dire, du moins pas totalement.
C’est le cas de l’ironie, des métaphores et des actes de
langage indirects, tous reliés aux intentions des locuteurs. 110
De la pensée au langage
La théorie de l’esprit
111
De la pensée au langage
112
De la pensée au langage
• T h é o r i e d e l ’ e s p r i t . L e s
chimpanzés ont la capacité,
comme les humains, de « lire dans
la pensée » des autres.
• S t a d e d u m i r o i r. D a u p h i n s ,
éléphants et les grands singes se
reconnaissent dans le miroir.
• Métacognition. Le processus de
«penser sa pensée» a été observé
chez les singes et peut être les
dauphins.
"Le jour où l'on comprendra qu'une pensée sans langage existe chez les animaux, nous mourrons de honte
114
de les avoir enfermés dans des zoos et de les avoir humiliés par nos rires". Boris Cyrulnik
De la pensée au langage
115
De la pensée au langage
Serendipity:
les neurones miroirs
Giacomo Rizzolatti
L’expérience princeps
Agir ou imiter,
une même activation?
Sachant que 1) les neurones miroirs déchargent
plus lors de l’exécution que de l’observation
d’une action et 2) durant l’imitation, nous
observons et nous agissons, il peut être prédit
que les neurones miroirs humains doivent
montrer une plus grande activité durant
l’exécution ainsi que durant l’imitation.
KE + CS = FOXP2
En 1998, une relation fut établie entre un court segment du
chromosome 7 et l’altération spécifique du langage. Mais
cette région contenait encore 70 gènes et l’analyse de
ceux-ci un par un est une tâche qui s’annonçait
fastidieuse. Entre alors en scène «CS», un jeune garçon
anglais souffrant d’altérations spécifiques du langage
mais ne faisant pas partie de la famille KE. Parce que CS
avait un défaut qui était visible sur son chromosome 7
(technique de FISH), les chercheurs ont immédiatement
concentré leurs efforts sur ce segment d’ADN. Et comme
on s’y attendait, ce gène, qui reçut le nom de FOXP2, était
directement relié à l’altération spécifique du langage.
Comme pour l’identification de n’importe quel gène,
l’étape suivante consistait bien entendu à trouver quel
type de protéine était produit à partir des plans de ce gène.
Quand ces études ont été publiées, fin 1990 début 2000,
certains médias grand public se sont empressés de titrer
qu’on avait découvert «le gène du langage». Évidemment,
la réalité d’une fonction comme le langage est bien trop
complexe pour résider en un seul gène. Il aurait été plus
juste de parler «d’un gène qui pourrait être impliqué dans
le langage», et même plus précisément dans le
développement des structures cérébrales qui sous-tendent
le langage.
De la pensée au langage
Un facteur de transcription
Ainsi, si la maladie tend à frapper les membres des familles qui ont
les moins bons résultats aux tests de quotient intellectuel (QI),
certaines personnes atteintes ont cependant des résultats normaux
aux tests de QI, et d’autres ont même des résultats supérieurs à des
membres de leur famille qui n’ont pas d’altération spécifique du
langage…
Or, chez les centaines de sujets normaux testés, la protéine produite par FOXP2 a toujours un
arginine à ce locus particulier. Et chez les membres de la famille KE souffrants d’altérations
spécifiques du langage, toujours une histidine. Il n’y a donc pas l’ombre d’un doute sur la
mutation qui cause ce déficit. Cela dit, il est tout de même étonnant de constater que la mutation
d’une seule des 2 500 bases nucléiques du seul gène FOXP2 est suffisante pour ruiner une
faculté aussi vitale que le langage!
De la pensée au langage
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