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Les risques propres aux banques islamiques

Les banques islamiques socialement responsables et éthiques sont parfois confrontées à


des risques différents des banques conventionnelles du fait des contraintes qu’elles
s’imposent et de la spécificité de leur mode de gestion. Pour survivre et se développer,
elles doivent développer des méthodes de gestion des risques appropriées sans
nécessairement avoir accès à toutes les techniques à la disposition des banques
conventionnelles. Les banques islamiques, dont la résistance face à la crise financière de
2008 a illustré la nature spécifique de leur exposition aux risques traditionnels
(marché, crédit, opérationnel) est différente de celle des banques conventionnelles. Les
institutions financières islamiques font face également à des risques qui leur sont
propres du fait de leurs modes de fonctionnement particulier.

Les risques communs avec les banques conventionnelles.

Les banques islamiques sont exposées aux risques bancaires traditionnels similaires à
leurs contreparties conventionnelles à savoir le risque de crédit, le risque de liquidité,
le risque de marché et le risque opérationnel.

Le risque de crédit

A titre principal, le risque de contrepartie est le risque de perte lié à la défaillance d’un
débiteur sur lequel l’établissement de crédit détient un engagement.

Les banques islamiques sont exposées au risque contrepartie. Elles font affaire avec des
contreparties qui se sont engagées à respecter les termes convenus du contrat mais il
est probable qu’elles se révéleraient dans l’incapacité de faire face à leurs engagements.

Le risque de marché

Le risque de marché est le risque de pertes potentielles dans les positions du bilan et du
hors bilan liés aux mouvements défavorables des facteurs du marché.

Les banques islamiques sont sensibles au risque de variation du prix des titres qu’elles
détiennent mais elles subissent également le risque de prix des biens qu’elles
détiennent. L’exigence de matérialité dans les opérations bancaires implique la
négociation des contrats adossés à des actifs physiques par la banque islamique. Ainsi,
la variabilité des prix des actifs sous-jacents expose la banque au risque de prix. Ce
risque de prix se manifeste généralement par la variation des prix des marchandises
entre la date d’achat de ces biens et la date de revente aux clients.

Le risque opérationnel

Dans les banques islamiques, Les risques opérationnels sont encore plus amplifiés que
dans les banques conventionnelles, de fait que les banques islamiques supportent les
mêmes types de risques opérationnels des banques conventionnelles, relatifs aux
facteurs humains, procédures, technologies …,

2. Les risques spécifiques aux banques islamiques

Le risque de référence

Le modèle de fonctionnement des banques islamiques repose sur un modèle


commercial d’achat vente, notamment pour les opérations telles que la Murabaha et
l’Ijara. Et si les profits doivent être déterminés à l’avance, et ne peuvent être modifiés
après contractualisation avec le client, les institutions financières participatives utilisent
un taux de référence (taux de benchmark) pour déterminer ce niveau de profit.
L’utilisation de ce taux de référence a été autorisée par les juristes musulmans, comme
utilisation ponctuelle servant à définir la marge avant la signature du contrat. Ceci dit,
Les banques islamiques doivent donc faire face au risque émanant de la variation du
taux de référence.

Le risque de conformité

Comparées aux banques traditionnelles, le Comité de la Charia constitue l'entité


nouvelle ou spécifique des banques islamiques. Il s'occupe de la conformité des
transactions financières avec les principes de la Charia.

Une banque participative contrairement à une banque classique doit respecter certains
principes islamiques.

Par exemple dans les contrats participatifs, une IFI ne doit pas investir dans des
activités illicites ou par exemple dans un contrat Murabaha le prix d´un bien ne doit
pas être versé directement au client.

Le risque lié au stock

Ce risque émane de la spécificité du mode de financement des banques islamiques.

Le mode utilisé par les banques islamiques repose sur des opérations d’achat/vente
comme la Murabaha, ou de location sous forme d’une Ijara, afin de pouvoir réaliser
des gains. Ce qui implique la constitution d’un stock de biens pour les banques
islamiques.

La constitution de ce stock sera bien évidement accompagnée d’un risque de gestion,


un risque de perte des produits stockés, un risque de livraison pour les clients.

Le risque commercial déplacé

Le principal risque propre aux institutions financières islamiques c’es le risque


commercial déplacé. Ce risque résulte de la mobilisation des fonds par la banque
islamique sous forme de comptes d’investissement participatifs. Il découle plus
spécifiquement du comportement de leurs titulaires qui, insatisfaits de la rémunération
aléatoire offerte par leur banque, peuvent retirer leurs fonds, faisant courir un grave
risque d’illiquidité à l’établissement. Face à ce risque, les banques islamiques ont
développé des techniques originales de lissage des revenus sur les comptes
d’investissement participatifs. L’accord Bâle II sur les fonds propres ne tient pas compte
des risques associés aux instruments financiers islamiques, notamment le risque lié aux
comptes d’investissement participatifs. Les institutions islamiques internationales de
réglementation prudentielle, telles que l’AAOIFI et l’IFSB, reconnaissent la particularité
des banques islamiques et procèdent ainsi à des ajustements de l’accord de Bâle dans le
but de développer une approche plus sensible aux caractéristiques spécifiques de ces
institutions financières.

Fonctionnement des comptes d’investissement participatifs

L’originalité des banques islamiques consiste à la mobilisation des fonds sous forme de
comptes d’investissement participatifs, gouvernés par le contrat Mudaraba. Ce contrat
spécifique met en relation un investisseur (apporteur de fonds/Rab al mal) et un
entrepreneur (gestionnaire des fonds/Mudarib). Les titulaires des comptes
d’investissement (les déposants) représentent les apporteurs des fonds, la banque
islamique joue le rôle de gestionnaire de ces fonds pour le compte des déposants. La
relation entre les titulaires des comptes d’investissement et la banque est donc une
relation du type entrepreneur – investisseur, et non une relation créancier - débiteur
comme dans le modèle conventionnel. Les fonds placés en comptes d’investissement
participatifs sont rémunérés au taux de rendement réel généré par les actifs financés
par ces fonds d’investissement. Le taux de répartition du profit réel entre la banque
islamique et les titulaires des comptes d’investissement doit être fixé à l’avance. Les
comptes d’investissement participatifs représentent théoriquement un mécanisme
puissant d’atténuation des risques pour les banques islamiques. En théorie, elle n’a
donc pas besoin d’exigences minimales en fonds propres si elle applique parfaitement
le principe de partage des pertes et des profits avec les titulaires des comptes
d’investissement. Mais, en pratique, la banque islamique doit prendre en charge tout
ou partie du risque supporté par les déposants.

La pression commerciale

Les banques islamiques opèrent dans un environnement concurrentiel. Les concurrents


peuvent être d’autres banques islamiques, ou des banques conventionnelles. Les clients
ont donc la possibilité de changer de banque facilement en cas d’insatisfaction. Un
taux de rendement trop faible sur les comptes d’investissement participatifs pourrait
provoquer l’insatisfaction des déposants. Les titulaires de ces comptes risquent alors de
retirer leurs fonds pour les placer dans une banque concurrente, cherchant ainsi une
rémunération plus élevée sur d’autres investissements alternatifs. La banque islamique
se trouve exposée à un risque de retrait massif des fonds et doit faire face à un
problème de liquidité. Ce risque fait référence au risque lié à un taux de rendement
des comptes d’investissement non compétitifs. Pour éviter ce risque, la banque
islamique va essayer d’augmenter le taux de rendement offert sur les comptes
d’investissement participatifs lorsqu’il est bas et prélever une partie du revenu de ces
comptes pour alimenter une réserve lorsqu’il est haut. La pression commerciale, incite
donc les banques islamiques à lisser les revenus des comptes d’investissement.

Gestion du risque lié aux comptes d’investissement participatifs

Identification du risque commercial déplacé

Le lissage des taux de rendement sur les comptes d’investissement expose la banque
islamique au risque commercial déplacé, un risque unique qui leur est spécifique. Ce
risque est identifié pour la première fois par l’AAOIFI en 1999. Le conseil des services
financiers islamiques (IFSB) définit le risque commercial déplacé par :

Le risque qui fait référence aux pertes que la banque islamique absorbe pour s’assurer
que les titulaires des comptes d’investissement participatifs sont rémunérés à un taux
de rendement équivalent à un taux compétitif et ce, par pression commerciale. La
banque islamique peut décider de réduire sa marge afin d’assurer une rémunération
compétitive à ses clients. On assiste alors à un transfert d’une part des profits des
actionnaires vers les titulaires des comptes d’investissement. Il y a donc un transfert de
risque,

Afin de fidéliser leurs clients investisseurs, les banques islamiques utilisent trois
techniques pour lutter contre le « risque commercial déplacé ». L’objectif est
d’améliorer le rendement des comptes d’investissement standards afin de les rendre
attractifs par rapport à ce que proposent les banques conventionnelles :

La réserve de lissage du profit (PER), qui vise à mettre de côté une partie des profits
engendrés par les projets d’investissement. Le reste des profits sera distribué entre les
détenteurs des comptes d’investissement standards et les actionnaires de la banque.
Cette réserve améliore ainsi le taux de rendement de ces comptes.

La réserve pour faire face au risque d’investissement (IRR) : lorsque les projets financés
par les comptes d’investissement conduisent à des pertes, cette réserve prend le relais
en octroyant aux comptes d’investissement standards une partie des profits réalisés lors
d’opérations antérieures.

La donation (hiba), qui correspond à la totalité ou à une partie des profits de la


banque (moudharib) et de ses actionnaires transférés aux détenteurs des comptes
d’investissement standards toujours dans le but d’améliorer le rendement dégagé par
les comptes d’investissement.

L’analyse prudentielle des comptes d’investissement


Les comptes d’investissement sont des capitaux à maturité déterminée, ils ne doivent
donc pas faire partie du capital de la banque. Théoriquement, les fonds
d’investissement mobilisés sur la base du contrat Mudaraba ne devraient pas être le
sujet des exigences minimales de capital, sauf pour les pertes résultant d’une mauvaise
gestion de la part de la banque islamique. Dans ce cas, la banque est soumise à un
risque opérationnel classique. Par conséquent, le dénominateur du ratio prudentiel ne
devrait inclure que le risque opérationnel associé aux comptes d’investissement. En
pratique, la banque islamique se trouve obligée également d’assurer un minimum de
fonds propres pour couvrir le risque commercial déplacé.

L’AAOIFI et l’IFSB considèrent PER et IRR comme des réserves prudentielles. Jusqu’à
présent, la rétention des deux types de réserves n’est pas obligatoire. Par contre elle
est fortement recommandée par ces deux institutions.

Les ratios prudentiels proposés

L’AAOIFI a publié en 1999, cette proposition représente la première tentative pour


développer un ratio d’adéquation en capital qui prend en considération les spécificités
des banques islamiques. Le ratio proposé par l’AAOIFI est :

Avec CC : Comptes courants, CP : Capitaux propres, CI : Comptes d’investissement


participatifs.

Ce ratio a le mérite de constituer un premier pas dans l’analyse réglementaire du


risque commercial déplacé mais il ne propose aucune justification concernant le
pourcentage de 50 % choisi. Actuellement ce ratio n’est plus utilisé.

L’IFSB a publié en 2005 et propose deux méthodes : une méthode standard et une
méthode plus avancée. Dans la méthode standard, l’IFSB ne considère que l’aspect
théorique des comptes d’investissement participatifs collectés à la base du contrat
Mudaraba. La logique théorique dit que le capital investi par les déposants n’est pas
garanti par la banque islamique, sauf en cas de mauvaise gestion des fonds de la part
de la banque islamique (risque opérationnel). Le ratio est alors :
Avec CI : Comptes d’investissement participatifs. Dans l’approche avancée, l’IFSB
(2005) propose un ratio plus proche de la pratique :

Avec CIR : comptes d’investissement participatifs restrictifs, CINR : comptes


d’investissement participatifs non restrictifs.

L’intégration d’une proportion α des risques de crédit et de marché des actifs, financés
par les comptes d’investissement participatifs, permet de prendre en compte le risque
commercial déplacé. Plus la valeur de α est grande, plus la banque islamique absorbe
une plus grande proportion de risques liés aux actifs financés par les comptes
d’investissement participatifs (risque de crédit et risque de marché). La politique de la
banque islamique quant à la détermination des réserves PER et IRR affecte l’estimation
de la valeur et donc la valeur des fonds propres minimum pour couvrir le risque
commercial déplacé. Le risque commercial déplacé résulte seulement de la gestion des
comptes d’investissement non restrictifs. La banque islamique n’absorbe en aucun cas
les pertes sur les actifs financés par la deuxième catégorie des comptes d’investissement
(restrictifs) puisque la gestion est assurée par leurs titulaires.

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