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RAPPORT 2016 SUR LES DROITS DE L’HOMME - MAROC

RÉSUMÉ ANALYTIQUE

Le Maroc est une monarchie constitutionnelle dans laquelle le pouvoir ultime


revient au roi Mohammed VI, qui préside le Conseil des ministres. Le roi peut
démettre les ministres de leurs fonctions, dissoudre le Parlement et convoquer de
nouvelles élections ou gouverner par décret. Il partage l’autorité exécutive avec le
chef du gouvernement (le Premier ministre) qu’il doit nommer parmi les membres
du parti politique ayant obtenu la majorité des sièges au Parlement, et il approuve
les membres du gouvernement désignés par le Premier ministre. Selon les
observateurs internationaux et nationaux, les élections parlementaires du 7 octobre
ont été crédibles et relativement exemptes d’irrégularités. Le parti de tendance
islamiste au pouvoir, le Parti islamiste de la justice et du développement (PJD) a
encore remporté une majorité des sièges lors de ces élections. Conformément à la
constitution, immédiatement après les élections du 7 octobre, le roi a choisi le PJD
pour diriger la coalition au pouvoir et nommé le secrétaire général du PJD
Abdelilah Benkirane pour assurer à nouveau la fonction de chef du gouvernement.
Pendant l’année, le gouvernement a poursuivi l’application de son plan de
« régionalisation avancée » qui accorde aux organes locaux élus en 2015 d’exercer
des pouvoirs budgétaires et de prise de décisions accrus.

Les autorités civiles n’ont parfois pas assuré un contrôle efficace des forces de
sécurité.

La corruption, la discrimination à l’égard des femmes et le non-respect de l’état de


droit par les forces de l’ordre ont continué de constituer les principaux problèmes
en matière de droits de l’homme.

D’autres problèmes relatifs aux droits de l’homme ont été signalés de sources
diverses, notamment le fait que les forces de sécurité auraient parfois commis des
violations des droits de l’homme, y compris infligé de mauvais traitements à des
personnes en détention. Tandis que les conditions dans les prisons et les centres de
détention se sont améliorées au cours de l’année, dans certains cas, elles n’étaient
toujours pas en conformité avec les normes internationales. Les conditions de
détention provisoire posaient particulièrement problème en raison du
surpeuplement des prisons et les périodes de détention étaient souvent longues. Le
pouvoir judiciaire n’était pas totalement indépendant et les accusés se voyaient
parfois refuser le droit à un procès public et équitable. Des organisations non
gouvernementales (ONG) marocaines et internationales ont affirmé qu’il y avait
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des prisonniers politiques, mais les autorités ont déclaré qu’il s’agissait de
personnes inculpées pour des crimes de droit commun. Le gouvernement a
restreint les libertés civiles en portant atteinte à la liberté d’expression et à la
liberté de la presse, notamment en harcelant et en arrêtant des journalistes de la
presse écrite et web pour avoir publié des articles ou des commentaires sur des
questions sensibles aux yeux du gouvernement. Ce dernier a également limité la
liberté de réunion et d’association ainsi que le droit de pratiquer sa religion. Sur
certaines questions de politique nationale, le pouvoir du gouvernement élu était
limité. Les pouvoirs publics ont imposé des restrictions aux organisations
nationales et internationales de défense des droits de l’homme qui variaient en
fonction de leur évaluation de l’orientation politique de l’organisation et du
caractère sensible des questions soulevées. La traite des personnes et le travail des
enfants, notamment dans le secteur informel, ont continué de se pratiquer.

Il a été signalé peu d’exemples d’enquêtes ou de poursuites sur des cas d’exactions
ou de corruption, que ce soit au sein des forces de sécurité ou des autres instances
gouvernementales, ce qui a contribué à un sentiment répandu d’impunité.

Section 1. Respect de l’intégrité de la personne, y compris le droit de vivre à


l’abri des atteintes suivantes :

a. Privation arbitraire de la vie et autres exécutions extrajudiciaires ou à


motivations politiques

Aucune exécution arbitraire ou illégale imputée aux pouvoirs publics ou à leurs


agents n’a été signalée.

b. Disparitions

Aucun cas de disparition à caractère politique n’a été signalé au cours de l’année.

Concernant les affaires de disparitions non résolues remontant aux années 1970 et
1980, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), institution nationale
indépendante de défense des droits de l’homme financée par les deniers publics, a
poursuivi ses enquêtes sur les allégations de disparitions forcées et involontaires
pendant les années précédentes. Le cas échéant, le CNDH a recommandé
l’attribution d’indemnisations sous forme de compensations financières, de soins
de santé, d’emplois ou de formation professionnelle aux victimes de disparitions
forcées (ou à leurs familles). Ces dernières années, le gouvernement a moins mis
l’accent sur les demandes individuelles, tant en attente que nouvellement déposées,

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pour se recentrer sur des projets de réparation communautaire. Tout au long de


l’année, le CNDH a continué de recevoir de nouvelles demandes de réparations et
d’enquêter à ce sujet. Selon le CNDH, six affaires n’étaient pas encore résolues en
octobre et quatre avaient été portées par les familles au tribunal. (Pour de plus
amples informations sur les demandes de réparations au Sahara occidental, veuillez
consulter le Rapport annuel sur les droits de l’homme au Sahara occidental du
Département d’État.)

c. Torture et autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou


dégradants

La constitution et la loi interdisent de telles pratiques et les pouvoirs publics ont


nié avoir eu recours à la torture. La torture est définie par la loi qui stipule que tout
représentant du gouvernement ou membre des forces de sécurité qui, « sans motif
légitime, use ou fait user de violences envers les personnes dans l’exercice ou à
l’occasion de l’exercice de ses fonctions, est puni pour ces violences et selon leur
gravité ». Un amendement à la loi de 2006 fournit une définition légale de la
torture et fixe des sanctions pour les cas de torture en fonction de leur gravité. Le
gouvernement a également promulgué des mesures visant à éliminer la torture. Par
exemple, en novembre 2014, il a déposé son instrument de ratification du
Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture auprès des
Nations Unies, le CNDH ayant assuré un rôle d’organe d’enquête pour la
prévention de la torture. Moins de cas de torture ont été signalés au cours des
dernières années, en dépit du fait que des institutions gouvernementales et des
ONG comme Amnesty International et Human Rights Watch aient continué de
recevoir des allégations concernant de mauvais traitements infligés à des personnes
détenues officiellement. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU, qui effectue
un suivi de l’application des observations finales du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques sur le sixième rapport périodique du pays publié le
1er décembre, a remarqué que le gouvernement avait pris des mesures pour lutter
contre la torture et les mauvais traitements, et constaté une « diminution marquée »
de ces pratiques depuis son rapport de 2004. Mais il demeurait préoccupé par la
poursuite des allégations de torture et de mauvais traitements infligés par des
agents du gouvernement, particulièrement à des personnes soupçonnées de
terrorisme ou de représenter une menace pour la sécurité nationale ou l’intégrité
territoriale.

Les années antérieures, il avait été dénoncé un recours plus fréquent à la torture.
Un rapport publié par Amnesty International en mai 2015 affirmait que, entre 2010
et 2014, les tortures infligées régulièrement par les forces de sécurité prenaient la

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forme de passages à tabac, d’asphyxies, de positions douloureuses, de simulacres


de noyade et de violences psychologiques et sexuelles afin « d’extorquer des
« aveux », de réduire des militants au silence et d’étouffer la dissidence ». Depuis
ce rapport d’Amnesty International, les pouvoirs publics ont entrepris des efforts
de réforme, parmi lesquels de vastes initiatives de formation aux droits de l’homme
destinées aux responsables des forces de sécurité et du secteur de la justice. En juin
2015, le ministre de la Justice Mustapha Ramid a annoncé publiquement que la
torture ne serait pas tolérée et que tout agent public impliqué dans de tels actes
serait passible de peines de prison.

En cas d’accusation de torture, la loi requiert que les juges fassent examiner un
détenu par un expert médico-légal sur demande de celui-ci ou de son avocat, ou si
le juge remarque qu’il présente des marques suspectes sur le corps. Le Groupe de
travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, les ONG de défense des droits
de l’homme et les médias ont recensé des cas de non-application des dispositions
de la loi interdisant la torture, notamment le fait ne pas effectuer d’examen médical
alors que les détenus affirment avoir subi des actes de torture. Suite aux
recommandations du rapport de 2013 du Rapporteur spécial sur la torture, le
ministère de la Justice, l’Administration pénitentiaire et la Police nationale ont
émis des avis demandant à leurs fonctionnaires de respecter l’interdiction d’infliger
de mauvais traitements ou de perpétrer des actes de torture, leur rappelant
l’obligation qui leur incombe de procéder à des examens médicaux dans tous les
cas d’allégations ou de soupçons de torture. Depuis janvier 2015, le ministère de la
Justice a organisé une série de formations aux droits de l’homme pour les juges,
notamment sur la prévention de la torture. En juin, il a émis un avis ordonnant aux
tribunaux d’appliquer la recommandation du Rapporteur spécial de se rendre dans
les prisons et les centres de détention locaux au moins deux fois par mois.

Pendant l’année, le CNDH a indiqué avoir reçu 34 plaintes pour torture au Maroc
internationalement reconnu, soit 56 % de moins que l’année antérieure. Après
avoir enquêté sur les 34 accusations, le CNDH a établi la recevabilité de quatre
d’entre elles, respectivement dans les prisons de Khouribga, Tétouan, Toulal 2 et
Salé 1. Il a transmis une affaire (celle de Salé 1) au Ministère public, tandis que
deux autres ont été prises en charge par les avocats des détenus (à Khouribga et
Tétouan). Dans le cas de la prison de Toulal 2, le CNDH n’a pas été en mesure de
réunir suffisamment d’éléments de preuve pour transmettre l’affaire au parquet et,
à la place, il a présenté des recommandations à la Délégation générale à
l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR). Les quatre affaires
transmises au Ministère public par le CNDH en 2015 étaient toujours en cours
d’instruction par le système judiciaire à la fin de l’année. La DGAPR a indiqué

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qu’elle avait remis au système judiciaire un responsable pénitentiaire qui aurait


blessé un détenu au cours de l’année.

En 2015, les autorités ont mené des enquêtes sur 42 agents publics concernant des
actes de torture ou de mauvais traitements. Pour 19 d’entre eux, les enquêtes
étaient toujours en cours, pour trois, les affaires avaient été portées devant le
tribunal et pour 20, elles avaient été jugées à la fin de l’année. Par exemple, le 7
juin, les tribunaux ont condamné cinq gendarmes à des peines de prison de cinq à
10 ans pour meurtre et falsification de preuves en rapport avec la mort en
septembre 2015 d’une personne en garde à vue. Selon une déclaration du ministère
de l’Intérieur au sujet de ce décès, qui a été communiquée aux médias, les
gendarmes auraient maltraité cet homme lors de son arrestation, et il est décédé
pendant son transfert à l’hôpital. Trois responsables pénitentiaires dont les dossiers
ont été transmis aux tribunaux en septembre 2015 pour avoir maltraité des détenus
ont été condamnés en mars à des peines de prison de quatre mois ainsi qu’à des
amendes de 500 dirhams (50,20 dollars des États-Unis). Ils ont fait appel de ce
verdict. Les pouvoirs publics ont poursuivi 14 agents de police en rapport avec la
mort en août 2015 d’un détenu qui était en garde à vue. Le 30 novembre, huit de
ces agents ont été condamnés pour torture et « usage de la violence à l’encontre
d’un détenu dans un état psychologique fragile ayant entraîné la mort sans
intention de la causer », tandis qu’un neuvième agent était condamné pour avoir
omis de dénoncer une infraction majeure. Cinq autres agents ont été acquittés. Ces
neuf agents ont été condamnés à des peines d’un à dix ans de prison assorties
d’amendes de 150 000 dirhams (15 625 dollars des États-Unis).

Au cours de l’année, selon des données de l’ONU, six cas d’accusations


d’exploitation et d’abus sexuels qui auraient été commis par des casques bleus
marocains déployés pour des opérations de maintien de la paix des Nations Unies
en République centrafricaine et en République démocratique du Congo ont été
recensés. Trois de ces incidents se seraient produits pendant l’année, un en 2015 et
deux en 2014. Selon l’ONU, cinq de ces allégations faisaient l’objet d’une enquête
conjointe entre les Nations Unies et le gouvernement, et une autre était dans
l’attente d’une enquête. Les enquêtes relatives à quatre allégations rapportées les
années antérieures étaient terminées. Suite aux enquêtes conjointes de l’ONU et du
gouvernement, une accusation d’abus sexuels a été corroborée tandis que trois
allégations d’abus et d’exploitation ont été jugées infondées.

Conditions dans les prisons et les centres de détention

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Les conditions de détention se sont améliorées pendant l’année, mais elles ne


répondaient pas aux normes internationales dans certains cas.

Conditions matérielles : L’Observatoire marocain des prisons a continué de


signaler que certaines prisons étaient surpeuplées et qu’elles ne répondaient pas
aux normes locales et internationales. La DGAPR a indiqué que la surpopulation
avait baissé grâce à l’ouverture de 26 nouvelles prisons au cours des trois dernières
années, dont trois durant l’année. Selon les chiffres de la DGAPR, l’espace moyen
affecté à chaque détenu s’est accru pour passer de 1,75 m2 en 2015 à 1,89 m2
pendant l’année parce que trois nouvelles prisons ont été ouvertes. Ces 26
nouveaux établissements carcéraux représentaient environ 35 % des centres de
détention du Maroc et ils ont été construits conformément aux normes
internationales. Dans ces nouvelles prisons, les prisonniers en détention provisoire
étaient séparés des condamnés. À mesure que la construction de chaque nouvel
établissement était terminée, les établissements plus anciens étaient fermés et les
détenus transférés dans les nouveaux. Les prisons plus anciennes demeuraient
surpeuplées à tel point que les prisonniers en détention provisoire et les condamnés
n’étaient pas séparés. Selon des sources officielles et des ONG, le surpeuplement
des prisons s’expliquait en grande partie par le recours insuffisant à la libération
sous caution ou provisoire, aux grands retards dans le traitement des dossiers et à
l’absence d’exercice de discrétion judiciaire pour réduire la durée des peines
d’emprisonnement pour des infractions spécifiques. Selon des sources
gouvernementales, les impératifs administratifs empêchaient les autorités
pénitentiaires de transférer des personnes en détention provisoire dans des
établissements hors de la juridiction où leur procès devait avoir lieu, ce qui
compliquait d’autant plus la situation. En septembre, les autorités avaient libéré
45 071 personnes sous caution contre 65 065 en 2015.

La législation prévoit que les mineurs soient détenus séparément des adultes. Dans
toutes les prisons, les responsables répartissent les jeunes délinquants en deux
catégories et les détiennent séparément des autres catégories : les mineurs âgés de
moins de 18 ans et les jeunes adultes âgés de 18 à 20 ans. Les autorités détenaient
un certain nombre de mineurs avec les adultes, notamment en détention provisoire,
dans les prisons ordinaires et les commissariats, à cause du manque
d’établissements pour mineurs. La DGAPR compte quatre Centres de réforme et
d’éducation destinés aux adolescents, mais elle dispose de quartiers séparés pour
les jeunes dans toutes les prisons pour mineurs. Au 30 septembre, les mineurs âgés
de moins de 18 ans représentaient 2,7 % de l’ensemble de la population carcérale
(2 131 mineurs sur une population carcérale totale de 78 875). Les autorités ont
indiqué que dans les cas où un juge pour mineurs estimait qu’il était nécessaire de

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les incarcérer, les mineurs âgés de moins de 14 ans étaient détenus séparément de
ceux de 15 à 18 ans. Human Rights Watch a déclaré que dans une affaire
concernant deux mineures arrêtées le 27 octobre pour présumés rapports sexuels
entre personnes de même sexe, les autorités les ont incarcérées avec des adultes et
elles auraient subi des menaces et du harcèlement.

Selon une étude réalisée par le CNDH en début d’année, si les quartiers des
femmes dans les prisons étaient moins surpeuplés, leurs conditions de détention
n’étaient souvent pas conformes aux Règles des Nations Unies concernant le
traitement des femmes détenues et les mesures non privatives de liberté pour les
femmes délinquantes de 2010. Cette étude constatait que les structures de santé se
trouvaient en général dans les quartiers des hommes, ce qui en limitait l’accès des
femmes, et qu’il était offert aux femmes détenues des possibilités limitées de
formation professionnelle. Elle a également noté que les femmes détenues étaient
confrontées à de la discrimination fondée sur leur sexe de la part des personnels
pénitentiaires, y compris des personnels médicaux. Au 30 septembre, selon des
chiffres de la DGAPR, 1 815 femmes étaient en détention sur une population
carcérale de 78 875 personnes, représentant 2,3 % de la population carcérale.

Des ONG marocaines ont fait valoir que les établissements pénitentiaires ne
fournissaient pas un accès suffisant aux soins de santé et ne répondaient pas aux
besoins des prisonniers handicapés, mais des sources gouvernementales ont déclaré
que chaque détenu bénéficiait en moyenne de six consultations par an avec un
professionnel de la santé et que tous les soins étaient dispensés gratuitement. Selon
des chiffres de la DGAPR pour 2015, il y avait un médecin pour 675 détenus et
un(e) infirmier(-ère) pour 135 d’entre eux. Les autorités ont signalé que 129
détenus étaient décédés pendant l’année, parmi lesquels 19 en prison et 110 à
l’hôpital. Cent vingt-quatre d’entre eux sont morts de causes naturelles ou de
maladie, quatre se sont suicidés et un s’est électrocuté accidentellement. Les ONG
locales de défense des droits de l’homme n’ont pas pu confirmer ces chiffres.

Le 15 avril, le militant Brahim Saika est mort quelques jours après s’être présenté
devant le procureur ; ses proches ont affirmé que des agents du poste de police de
Guelmim lui avaient fait subir de mauvais traitements à la suite de son arrestation
le 1er avril, et qu’il avait entamé une grève de la faim en signe de protestation.
Brahim Saika aurait été interpelé alors qu’il allait rejoindre une manifestation et il
a été accusé d’outrage et agression à l’égard d’agents des forces de l’ordre ainsi
que d’outrage à une institution publique.

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Le parquet a ordonné à la police judiciaire de mener une enquête afin de


déterminer les conditions et circonstances du décès de Brahim Saika, suite à
l’autopsie qui a établi que la cause du décès était naturelle, provoquée par une
infection bactérienne, et qui faisait remarquer que sa grève de la faim aurait pu
contribuer à sa mort. L’examen médical de la dépouille du défunt n’a révélé
aucune trace de torture ni de mauvais traitements. Les services de la police
judiciaire de la Gendarmerie royale et de la Police nationale ont mené des enquêtes
séparées avant de conclure qu’aucun acte de torture n’avait été pratiqué et que le
décès avait été provoqué par un problème médical sans lien avec la torture ou de
mauvais traitements. Le CNDH a été également informé de la plainte et il a
entrepris une enquête qui a conclu que les accusations étaient infondées. Toutefois,
suite à une demande des avocats de la famille, une autre autopsie a été pratiquée le
22 avril, qui a conclu que le décès était « attribuable à un choc septique lié à une
infection dans le contexte de la grève de la faim ». En dépit de la demande de la
famille, aucune autopsie indépendante n’a été pratiquée.

Selon des informations communiquées par le CNDH, en réaction à l’intérêt suscité


par cette affaire à l’échelle nationale et internationale, le procureur a ordonné que
la police judiciaire mène une enquête afin de déterminer les conditions et
circonstances du décès pour compléter une autopsie qui a établi que la cause du
décès était naturelle et causée par une infection bactérienne.

La DGAPR fournit des repas gratuitement aux détenus et, depuis 2015, l’entreprise
privée chargée de cette prestation offrait une nourriture de meilleure qualité que
par le passé. Les économats des prisons vendent des fruits et légumes frais et les
familles étaient autorisées à apporter des paniers de produits alimentaires une fois
par semaine. Les ONG ont souvent cité des cas de prisonniers qui protestaient
contre les conditions de détention en faisant la grève de la faim. Selon Amnesty
International, les détenus entamaient des grèves de la faim pour protester contre les
conditions de détention pénibles, notamment le manque d’hygiène et
d’assainissement, la nourriture et les soins de santé insuffisants, la grave
surpopulation et un lieu de détention géographiquement éloigné de leurs proches,
ainsi que des droits de visites et un accès à l’éducation limités.

Des militants des droits de l’homme ont fait valoir que l’administration
pénitentiaire réservait un traitement plus dur aux islamistes qui remettaient en
cause l’autorité religieuse du roi et aux personnes accusées de « remettre en
question l’intégrité territoriale du pays ». Toutefois, le rapport du Rapporteur
spécial de l’ONU sur la torture de 2013 déclarait : « La majorité des victimes
interrogées dans les prisons visitées ont nié avoir été soumises à une quelconque

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forme de torture ou de traitement dégradant à l’intérieur des établissements


pénitentiaires. Les allégations reçues imputaient généralement ces violations à un
nombre restreint de fonctionnaires, la majorité du personnel pénitentiaire n’y étant
pas impliquée. » Le Rapporteur n’a pas effectué de visite ni réalisé de rapport
depuis 2013. La DGAPR a nié que des détenus reçoivent un traitement différent et
a affirmé que tous les prisonniers étaient traités de la même façon conformément à
la loi sur les prisons.

Administration pénitentiaire : Les dossiers des détenus étaient correctement tenus


par l’administration pénitentiaire. Les autorités n’ont pas mis en place de solutions
de substitution à l’incarcération pour les délinquants non violents.

Si les autorités autorisaient en général des proches et amis des détenus à leur
rendre visite, il a été signalé qu’elles leur avaient dans certains cas refusé ce
privilège.

Le CNDH et la DGAPR ont mené des enquêtes au sujet d’allégations de conditions


inhumaines de détention. Ces deux organismes assuraient efficacement un rôle de
médiateur, et un système de « boîtes à lettres » était toujours en vigueur dans les
prisons pour permettre plus facilement aux détenus d’exercer leur droit de déposer
des plaintes sur leur emprisonnement. Ils pouvaient ainsi déposer des plaintes sans
subir de censure. Ces plaintes ont été transmises au bureau du délégué général de la
DGAPR pour y être traitées, ainsi qu’au CNDH.

Surveillance indépendante : Le gouvernement autorisait certaines ONG ayant pour


mandat de défendre les droits de l’homme de réaliser des visites de contrôle sans
être accompagnées. La politique du gouvernement autorisait les ONG fournissant
des services sociaux, éducatifs ou religieux aux détenus à pénétrer dans les
établissements carcéraux. Les autorités pénitentiaires ont indiqué que des ONG
avaient effectué 673 visites dans les prisons au cours des neuf premiers mois de
l’année, qui sont venues s’ajouter aux 127 visites de contrôle menées
régulièrement par le CNDH. Selon les chiffres de la DGAPR, des parlementaires,
des médias et des autorités religieuses, judiciaires et d’autres secteurs du
gouvernement ont effectué plus de 3 000 visites en prison au cours de l’année.

Améliorations : Pour lutter contre le surpeuplement, les autorités


gouvernementales ont déclaré avoir ouvert trois nouveaux centres de détention
pendant l’année. Elles ont signalé avoir accru le nombre de programmes de
formation professionnelle et d’enseignement général qu’elles gèrent dans les
prisons. La Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus dispensait un

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enseignement général et une formation professionnelle aux détenus sur le point


d’être libérés, leur offrant une formation pour occuper des emplois qualifiés, des
cours d’alphabétisation et un enseignement général jusqu’au niveau universitaire.

d. Arrestations ou détentions arbitraires

La constitution interdit les arrestations et détentions arbitraires. Selon des


observateurs, la police ne respectait pas toujours ces dispositions ou n’appliquaient
pas systématiquement la procédure régulière. Selon des ONG et des associations
marocaines, des policiers arrêtaient parfois des personnes sans mandat, les
maintenaient en garde à vue au-delà du délai légal sans les inculper et ne
déclinaient pas leur identité lorsqu’ils procédaient à des arrestations.

Rôle de la police et de l’appareil de sécurité

L’appareil de sécurité se compose de plusieurs organisations policières et


paramilitaires dont les compétences se recoupent. La Police nationale (Direction
Générale de la Sûreté Nationale, DGSN) est chargée d’assurer le maintien de
l’ordre sur le territoire national et elle relève du ministère de l’Intérieur. Relevant
également du ministère de l’Intérieur, les Forces auxiliaires appuient le travail des
gendarmes et de la police. Sous la direction de l’Administration de la Défense
nationale, la Gendarmerie royale est chargée de l’application de la loi dans les
régions rurales et sur les routes nationales. Les services de police judiciaire de la
Gendarmerie royale et de la Police nationale relèvent du procureur du roi et ils sont
habilités à procéder à des arrestations. Entité de la Police nationale, le département
de la Sécurité royale assure la protection du roi et des membres de la famille
royale. Relevant du ministère de l’Intérieur, la Direction générale de la surveillance
territoriale (DGST) est responsable de la collecte du renseignement, sans pouvoir
d’arrestation.

Les autorités civiles n’ont pas toujours assuré un contrôle efficace des forces de
sécurité et il a été dénoncé des cas d’exactions et d’impunité. La corruption
généralisée et systémique nuisait aux efforts des services de maintien de l’ordre et
à l’efficacité du système judiciaire.

L’impunité était répandue en l’absence de mécanismes efficaces pour enquêter et


imposer des sanctions dans les cas d’abus et de corruption. Les organisations
internationales et marocaines de défense des droits de l’homme affirmaient que les
autorités avaient rejeté de nombreuses plaintes pour exactions et se fondaient
uniquement sur les versions des événements fournies par la police.

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Les autorités ont enquêté sur quelques incidents mineurs concernant des
allégations d’abus et de corruption. La police judiciaire enquête sur les allégations,
y compris à l’encontre des forces de sécurité, et elle informe le tribunal de ses
conclusions. Tandis que les autorités ont suspendu des personnes accusées de
violations des droits de l’homme, elles n’ont pas poursuivi systématiquement ni
condamné les membres des forces de sécurité qui commettaient de telles
violations. Les dossiers restaient souvent bloqués pendant les phases de
l’instruction ou du procès. En 2015, les tribunaux ont instruit le cas de 16 membres
de la Gendarmerie royale, qu’ils ont jugés coupables de corruption et condamnés à
des peines de prison assorties d’amendes, tandis que 14 autres ont été acquittés et
ont réintégré leur poste. En octobre, les tribunaux ont instruit le cas de 21 membres
de la Gendarmerie accusés de corruption : l’un d’eux a été condamné à deux mois
de prison, deux ont été acquittés et le procès des 18 autres était toujours en cours.

Procédures d’arrestation et traitement des personnes en détention

La police peut arrêter une personne après délivrance d’un mandat verbal ou écrit
par un procureur général. La loi prévoit l’accès à un avocat dans un délai de
24 heures après l’arrestation dans les affaires de droit commun, mais les autorités
ne respectaient pas systématiquement cette disposition. La loi permet aux autorités
de refuser aux accusés l’accès à leur avocat ou à leur famille pendant les premières
96 heures de garde à vue aux termes de la législation sur le terrorisme, ou pendant
les premières 24 heures de garde à vue pour les autres accusations, la garde à vue
pouvant être prorogée de 12 heures avec l’autorisation du parquet. Les allégations
de violences concernaient généralement ces périodes initiales de détention, lors des
interrogatoires menés par la police.

La loi stipule que « Dans le cas de crime ou délit flagrant. - L’officier de police
judiciaire qui instrumente peut garder à vue la personne suspecte pendant 48
heures. Si des indices graves et concordants sont relevés contre cette personne, il
peut la garder à sa disposition pendant trois jours au maximum sur autorisation
écrite du procureur. » Pour des crimes ordinaires, les autorités peuvent proroger à
deux reprises cette période de 48 heures, jusqu’à six jours de détention. En vertu
des lois de lutte contre le terrorisme, un procureur peut prolonger la période initiale
de garde à vue sur autorisation écrite, jusqu’à une durée totale de détention de
12 jours. Aux termes de la loi anti-terroriste, le prévenu ne bénéficie pas du droit
de voir un avocat durant cette période, sauf à l’occasion d’une visite contrôlée
d’une demi-heure au bout de six jours sur les 12 jours de garde à vue. Les

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observateurs ont dans l’ensemble trouvé que la loi de lutte contre le terrorisme de
2015 était conforme aux normes internationales.

Des ONG ont déclaré que certains juges étaient réticents à recourir aux peines de
substitution autorisées par la loi comme la mise en liberté provisoire. La loi
n’exige pas d’autorisation écrite pour que soient libérées des personnes détenues.
Dans certains cas, les juges ont libéré des prévenus sur engagement. Il existe un
système de libération sous caution ; celle-ci peut prendre la forme de biens ou du
versement d’une somme au tribunal afin de persuader le juge de libérer le suspect.
Le montant de la caution est laissé à la discrétion du magistrat qui en décide en
fonction de l’infraction. La caution peut être exigée à tout moment avant le procès.
En vertu de la loi, tout accusé a le droit d’avoir un avocat et, lorsqu’il n’en a pas
les moyens, les autorités doivent lui procurer un avocat commis d’office lorsque la
peine de prison requise dépasse cinq ans. Les autorités n’ont pas toujours fourni
des avocats efficaces.

Dans les affaires de droit commun, la loi requiert que la police informe un membre
de la famille du détenu immédiatement après la période de mise au secret
précédemment mentionnée, à moins que les autorités ayant procédé à l’arrestation
n’aient fait une demande de prolongation de cette période auprès d’un magistrat et
qu’elle ait été accordée. La police n’a pas systématiquement respecté cette
disposition. Comme les autorités mettaient parfois du temps à notifier les familles,
elles n’informaient pas les avocats en temps voulu de la date de l’arrestation de
leur client et ils n’étaient donc pas en mesure de vérifier si la durée légale de garde
à vue avait été respectée ou si le détenu avait été correctement traité. Selon un code
militaire distinct, les autorités militaires peuvent détenir des membres des forces
armées sans mandat ni procès public.

Arrestations arbitraires : Les forces de sécurité ont fréquemment arrêté des groupes
d’individus, emmené ceux-ci à un poste de police pour les interroger pendant
plusieurs heures, puis les ont remis en liberté sans inculpation. Conformément aux
dispositions du code pénal, tout agent public ordonnant une détention arbitraire est
passible d’être rétrogradé et, si cet acte est motivé par des intérêts personnels, il
peut encourir une peine allant de 10 ans de prison à la réclusion à perpétuité. Tout
officiel qui omet de transmettre une plainte ou une observation de détention
arbitraire ou illégale à ses supérieurs est passible d’être rétrogradé. Aucune
information n’était disponible indiquant si ces dispositions ont été appliquées cette
année.

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MAROC 13

Tandis que dans les années antérieures, les autorités ont été accusées d’arrêter des
migrants sans papiers, de les détenir et de les raccompagner aux frontières, ou
encore de les expulser sans leur donner l’occasion d’exercer leurs droits légaux, le
HCR et des ONG ont remarqué que ce type de situation n’avait pas été signalé
cette année.

Détention provisoire : Bien que le gouvernement ait affirmé que les autorités
traduisaient généralement les accusés en justice dans un délai de deux mois, les
procureurs peuvent demander jusqu’à cinq fois la prorogation des deux mois de
détention provisoire. La détention provisoire peut durer jusqu’à un an et il a été
signalé que les autorités maintenaient régulièrement des prévenus en détention au-
delà de la limite d’un an. Les agents publics ont expliqué ces retards par le grand
nombre des dossiers en souffrance dans le système judiciaire. Le ministère des
Affaires étrangères a déclaré qu’un ensemble de facteurs contribuaient à
l’accumulation des dossiers : un manque de ressources consacrées au système
judiciaire, tant humaines que d’infrastructure, l’absence de possibilités de
négociation de plaidoyer pour les procureurs, l’allongement du temps nécessaire
pour instruire les affaires en moyenne et le faible recours aux mécanismes de
règlement à l’amiable et à d’autres dispositifs de résolution extrajudiciaire
autorisés par la loi. Les pouvoirs publics ont indiqué qu’au 30 septembre, 43,1 %
des prisonniers étaient en détention provisoire. Dans certains cas, il est arrivé que
la peine reçue par le condamné soit plus courte que la période qu’il avait déjà
purgée en détention provisoire.

Possibilité de contester la légalité de leur détention par les détenus devant un


tribunal : La constitution stipule que « Nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou
condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi » et elle prévoit le droit
à l’indemnisation en cas d’erreur judiciaire. Les personnes ont le droit de contester
le bien-fondé de leur détention ou de se plaindre du caractère arbitraire de celle-ci,
et d’exiger réparation en déposant plainte au tribunal. Si la plainte n’est pas étayée,
l’accusé a le droit de réclamer des dommages-intérêts à l’accusateur.

Amnistie : Le roi a continué à exercer sa prérogative d’accorder son pardon à des


criminels condamnés. La procédure de prise de décision pour octroyer la grâce
royale n’était pas publique ; toutefois la Commission des grâces tenait compte de
l’état de santé, de la situation sociale, de la participation à des programmes de
réhabilitation et de réinsertion, ainsi que du degré d’amélioration du comportement
du condamné pour prendre ses décisions. Certaines personnes ne remplissaient pas
les conditions pour bénéficier de la grâce royale, parmi lesquelles celles qui en
avaient déjà bénéficié ou qui avaient commis certains crimes graves. Les personnes

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MAROC 14

ayant reçu une grâce royale n’ont pas été soumises à de nouvelles arrestations
arbitraires pendant l’année.

e. Déni de procès public et équitable

La constitution prévoit un pouvoir judiciaire indépendant et, les années antérieures,


des agents publics, des ONG et des avocats reconnaissaient largement que la
corruption et l’influence extrajudiciaire affaiblissaient l’indépendance du pouvoir
judiciaire. Au cours de l’année, le gouvernement a mis en place le Conseil
supérieur du pouvoir judiciaire, un nouvel organe public qui autorise les juges à
administrer les tribunaux et les affaires judiciaires, conçu pour remplacer
l’administration jusque-là assurée par le ministère de la Justice. Tandis que le
gouvernement a déclaré qu’il cherchait, en créant ce conseil, à renforcer
l’indépendance du pouvoir judiciaire, celui-ci n’était pas pleinement opérationnel à
la fin de l’année et les effets qu’il induirait sur l’indépendance du pouvoir
judiciaire n’étaient pas encore clairs. Les résultats des procès dans lesquels le
gouvernement avait de forts intérêts politiques, tels que ceux ayant trait à l’islam
dans la mesure où il était lié aux questions de vie politique et de sécurité nationale,
à la monarchie et au Sahara occidental, semblaient joués d’avance.

En février, un conseil disciplinaire du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire a


révoqué le magistrat Mohamed El Haïni, à la suite d’une plainte adressée au
ministère de la Justice selon laquelle il aurait « porté atteinte au devoir de réserve »
et « pris des positions politiques ». Ces allégations provenaient des critiques que ce
juge avait émises sur les réseaux sociaux au sujet des projets de loi concernant le
Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et le statut des magistrats. La décision de
ce conseil est irrévocable. Un jury a aussi suspendu une magistrate, Maître Amal
Homani, pour une durée de six mois et pour les mêmes motifs.

Procédures applicables au déroulement des procès

La loi prévoit le droit à un procès public équitable avec le droit de faire appel, mais
il n’en a pas toujours été ainsi, en particulier pour ceux qui dénonçaient
l’intégration du Sahara occidental au pays. La loi reconnaît la présomption
d’innocence. Après une période d’enquête initiale dans le cadre de laquelle un
procureur est autorisé à détenir des personnes, les accusés sont informés dans un
délai raisonnable des chefs d’accusation qui pèsent contre eux avant leur procès.
Les procès se déroulent en arabe et les étrangers peuvent demander un interprète
s’ils ne parlent pas cette langue.

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MAROC 15

Les accusés ont le droit d’être présents à leur procès et de consulter un avocat en
temps opportun. Dans la pratique, les autorités refusaient fréquemment aux avocats
de voir leur client en temps voulu et, dans la majorité des cas, ils le rencontraient
pour la première fois à la première audience devant le juge. Dans les affaires où la
peine encourue est supérieure à cinq ans, les pouvoirs publics sont tenus de fournir
des avocats à l’accusé s’il n’a pas les moyens de s’en procurer un. Les avocats
commis d’office par les autorités étaient souvent mal rémunérés, ils n’avaient
fréquemment pas la formation requise pour les affaires concernant les mineurs, ou
n’étaient pas affectés aux accusés en temps voulu. De ce fait, les accusés étaient
souvent mal représentés. De nombreuses ONG procuraient des avocats à des
mineurs qui n’avaient souvent pas les moyens d’en payer un. Ces possibilités
étaient limitées et concernaient les grandes agglomérations. Aux termes de la loi,
les accusés dans les affaires pénales et de droits de l’homme ont accès aux preuves
à charge détenues par le ministère public, mais il arrivait que les juges les
empêchent d’y accéder ou en retardent la communication. La loi autorise l’avocat
de la défense à poser des questions aux témoins. En dépit des dispositions légales,
des juges auraient parfois refusé à la défense le droit d’interroger des témoins ou
de présenter des témoins à décharge ou des éléments de preuve susceptibles
d’affaiblir le dossier de l’accusation.

La loi interdit aux juges de recevoir des aveux obtenus sous la contrainte. Des
ONG ont signalé que le système judiciaire s’appuyait souvent sur des aveux pour
engager des poursuites au pénal et les autorités exerçaient des pressions sur les
enquêteurs pour en extirper aux suspects afin de faire avancer les poursuites
judiciaires. Human Rights Watch et des ONG locales ont accusé les juges de
statuer sur des affaires, à leur discrétion, en se fondant sur des aveux obtenus par la
force. Des ONG ont fait valoir que cela se produisait fréquemment dans les affaires
impliquant des Sahraouis ou des personnes accusées de terrorisme. Selon les
autorités, la police se servait parfois de prétendues déclarations des détenus au lieu
des aveux des accusés lorsque ces derniers étaient susceptibles d’avoir été obtenus
sous la contrainte. Le Maroc est en train de s’orienter, d’un système fondé sur les
aveux, vers un système fondé sur les preuves. En août, le gouvernement a inauguré
18 salles de préservation des pièces à conviction sur l’ensemble du territoire afin
de préserver la chaîne de possession des pièces à conviction, ce qui appuie le
passage à des poursuites fondées sur des données probantes. Plus de 18 000 agents
de police ont reçu une formation aux procédures récemment établies pour le recueil
et la préservation des éléments de preuve, afin de garantir une chaîne de possession
adéquate des pièces à conviction pour appuyer les poursuites fondées sur des
données probantes. Les policiers collaborent avec les tribunaux pour présenter les

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MAROC 16

nouvelles salles de préservation des pièces à conviction aux magistrats afin de


renforcer leur confiance dans les pièces soumises aux procès.

Prisonniers et détenus politiques

La loi ne définit pas ni ne reconnaît la notion de prisonnier politique. Le


gouvernement marocain ne considérait aucun de ses prisonniers comme des
prisonniers politiques et déclarait avoir condamné ou inculpé toutes les personnes
en prison conformément au droit pénal. Toutefois, les associations de défense des
droits de l’homme niaient ces allégations, particulièrement au sujet des militants
revendiquant l’indépendance du Sahara occidental.

Le 27 juillet, la Cour de cassation a accordé un nouveau procès par devant les


tribunaux civils aux 22 prisonniers de Gdim Izik, qui avaient été arrêtés lors du
démantèlement du campement de cette localité en 2010 et des violences qui s’en
étaient suivies à Laâyoune. De nombreuses ONG considéraient que ces détenus,
qui avaient antérieurement été condamnés par un tribunal militaire, étaient des
prisonniers politiques. Les protestataires, parmi lesquels 21 sont toujours en
détention, avaient été condamnés principalement sur la base « d’aveux », qui leur
auraient été arrachés sous la torture. Ces accusations de torture et d’autres mauvais
traitements en détention n’ont pas fait l’objet d’une enquête. Le procès a débuté le
26 décembre, mais il a été ajourné le 23 janvier 2017.

Relèvent du droit pénal les activités non violentes de plaidoyer et de dissidence,


telles que le fait d’insulter la police par des chansons ou de porter « atteinte aux
valeurs sacrées du Maroc » en dénonçant le roi et le régime au cours d’une
manifestation publique. De surcroît, des ONG, parmi lesquelles l’Association
marocaine des droits humains (AMDH) et des organisations sahraouies ont affirmé
que les autorités emprisonnaient des gens pour leurs activités ou convictions
politiques en prétextant des infractions au droit pénal.

Procédures et recours judiciaires au civil

Bien que les particuliers puissent recourir aux tribunaux civils pour y porter des
affaires concernant des violations des droits de l’homme et qu’ils se soient
prévalus de ce droit, ces poursuites n’ont souvent rien donné à cause du manque
d’indépendance des tribunaux pour ce qui est des affaires politiquement délicates
et de la faible impartialité des tribunaux s’expliquant par l’influence extrajudiciaire
et la corruption. Il existe des recours administratifs et judiciaires pour les

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MAROC 17

préjudices présumés. Parfois, les autorités ne respectaient pas les décisions


judiciaires.

Un bureau du médiateur national (Institution du Médiateur du Royaume) apportait


son concours pour résoudre des affaires civiles que l’appareil judiciaire ne jugeait
pas utile d’examiner ; il a progressivement étendu le champ de ses activités jusqu’à
soumettre les plaintes à des enquêtes approfondies. Les autorités ont référé au
CNDH des affaires ayant trait spécifiquement à des accusations de violations des
droits de l’homme que les autorités auraient commises. Le conseil a continué à
servir de voie par laquelle les citoyens pouvaient exprimer des plaintes relatives à
des abus et des violations des droits de l’homme.

f. Ingérence arbitraire ou illégale dans la vie privée, la famille, le domicile ou


la correspondance

La constitution stipule que le domicile privé est inviolable et qu’il peut uniquement
faire l’objet d’une perquisition après obtention d’un mandat. Toutefois, il est arrivé
que les autorités pénètrent au domicile de particuliers sans autorisation judiciaire,
surveillent les déplacements de particuliers en l’absence de procédure légale,
contrôlent les communications privées, notamment le courrier électronique, les
textos et d’autres communications numériques censées relever de la vie privée, et
qu’elles emploient des indicateurs.

Fondé sur des entretiens réalisés en 2014 avec des journalistes citoyens qui
couvraient des sujets jugés délicats par les autorités, un rapport publié en avril
2015 par Privacy International relatait des cas de harcèlement présumé, comme des
visites inopinées d’agents publics aux familles de ces personnes, ainsi que des
accusations selon lesquelles leurs ordinateurs individuels, sites internet et lieux de
travail auraient été piratés ou fait l’objet d’écoute.

Section 2. Respect des libertés civiles, notamment :

a. Liberté d’expression et liberté de la presse

La constitution et la loi garantissent généralement la liberté d’expression et la


liberté de la presse, même si une certaine liberté d’expression dans la presse et les
réseaux sociaux était pénalisée et limitée, tout particulièrement concernant des
critiques à l’encontre de l’islam, de l’institution de la monarchie et de la position
publique officielle concernant la souveraineté territoriale et les revendications
relatives au Sahara occidental. De telles critiques peuvent entraîner des poursuites

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MAROC 18

conformément aux dispositions du code pénal, passibles d’amendes et de peines de


prison, en dépit des dispositions concernant la liberté d’expression prévue dans le
nouveau code de la presse adopté en juillet. Toutefois, il n’a pas été fait état de
poursuites depuis la promulgation du nouveau code de la presse.

Les chiffres officiels pour l’année indiquaient que six journalistes ou médias
avaient fait l’objet d’accusations pour violations du code national de la presse et
qu’aucun journaliste ne faisait l’objet d’accusations aux termes du code pénal. Sept
autres journalistes ou médias font l’objet d’accusations conformément à des lois
autres que le code de la presse ou le code pénal. Parmi les 13 dossiers en cours, des
poursuites ont été entamées par les autorités pour l’un et par des particuliers pour
les autres, notamment pour des plaintes touchant la diffamation. Des organisations
marocaines et internationales de défense des droits de l’homme ont émis des
critiques sur les poursuites pénales engagées contre des journalistes et des éditeurs
ainsi que sur les poursuites pour diffamation écrite, faisant valoir que le
gouvernement utilisait principalement ces lois pour limiter les activités des
associations indépendantes de défense des droits de l’homme, de la presse et des
réseaux sociaux.

Liberté de parole et liberté d’expression : La loi criminalise toutes les déclarations


critiques de l’islam, de l’institution monarchique, des institutions de l’État, des
représentants de l’État tels que les militaires, et de la position officielle du
gouvernement concernant l’intégrité territoriale et les revendications relatives au
Sahara occidental, et le gouvernement a poursuivi activement en justice toutes les
personnes qui en faisaient.

Le 21 janvier, les autorités ont inculpé Ali Anouzla, journaliste et militant pour les
droits de l’homme, pour « atteinte à l’intégrité territoriale », suite à des propos
qu’il avait tenus en novembre 2015 à un journal allemand, qui l’avait cité évoquant
le Sahara occidental comme étant le « Sahara occupé ». Ali Anouzla a maintenu
qu’il avait fait référence à ce territoire uniquement comme étant le « Sahara » et
que le journal l’avait cité de façon erronée. Plusieurs semaines plus tard, le journal
a publié un rectificatif de sa traduction disant seulement le « Sahara ».
Ultérieurement, le 24 mai, les autorités ont abandonné les poursuites engagées à
son encontre. Toutefois, à la fin de l’année, aucune information n’avait confirmé
l’abandon des charges retenues contre Ali Anouzla pour « aide matérielle »,
« apologie » et « incitation » au terrorisme en rapport avec un article qu’il avait
écrit en 2013 qui comportait un lien vers une vidéo critiquant le roi. Les dates de
procès fixées les années antérieures pour examiner ces accusations ont été
reportées à de nombreuses reprises.

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MAROC 19

Liberté de la presse et des médias : En juillet, le Parlement a adopté un nouveau


code de la presse limitant les sanctions pour infractions des journalistes à des
amendes. Cependant, la loi de lutte contre le terrorisme et le code pénal
comprennent des dispositions autorisant les pouvoirs publics à emprisonner et à
sanctionner par une amende les journalistes et les éditeurs qui violent les
restrictions en matière de diffamation et d’injures. Les autorités peuvent imposer
des peines de prison aux personnes condamnées pour diffamation écrite. Ainsi,
l’autocensure demeurait répandue. Les autorités ont engagé des poursuites contre
certains journalistes pour diffamation écrite et d’autres infractions prévues par le
code pénal et retardé indéfiniment ces poursuites.

L’État a appliqué également des procédures strictes régissant les entretiens des
ONG et des militants politiques avec des journalistes. Les journalistes étrangers
devaient obtenir l’accord préalable du ministère de la Communication avant toute
rencontre avec des militants politiques, accord qu’ils n’ont pas toujours reçu.

En 2015, des responsables s’en sont pris à des membres de l’Association


marocaine du journalisme d’investigation (AMJI). Les autorités ont arrêté et
interrogé plusieurs membres de cette association parmi lesquels Hicham Mansouri,
Maâti Monjib et Hicham Al Miraat. Le 26 octobre, le procès des sept membres de
l’AMJI a été reporté à janvier 2017. À la fin de l’année, ceux-ci demeuraient en
liberté, mais ils faisaient toujours l’objet d’une enquête et n’avaient toujours pas
été inculpés.

Le 20 juin, le tribunal de première instance de Casablanca a condamné Hamid El


Mahdaoui, le rédacteur en chef d’un site internet d’information, à quatre mois de
prison avec sursis et à une amende de 10 000 dirhams (1 000 dollars) pour
diffamation suite à la publication d’un article relatif aux indemnités de
déplacement du ministre de la Justice.

Violence et harcèlement : Les autorités ont fait subir à certains journalistes des
actes de harcèlement et d’intimidation, y compris en tentant de les discréditer en
répandant des rumeurs nuisibles sur leur vie privée. Des journalistes ont signalé
que les poursuites judiciaires sélectives faisaient fonction de mécanisme
d’intimidation.

Censure ou restrictions sur le contenu : L’autocensure et les limites imposées par le


gouvernement sur des sujets sensibles ont continué de constituer de graves
obstacles au développement d’une presse et d’un journalisme d’investigation libres

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MAROC 20

et indépendants. Bien que le gouvernement ait rarement censuré la presse


nationale, il a exercé des pressions en intentant des poursuites qui se sont traduites
par de lourdes amendes et des suspensions de publications. Ces affaires ont
encouragé les rédacteurs et les journalistes à pratiquer l’autocensure. Un rapport
publié par Freedom House cette année a fait remarquer qu’il existait une
« atmosphère de peur parmi les journalistes » qui a entraîné une autocensure
accrue. Le code de la presse cite les menaces à l’ordre public comme étant l’un des
critères de censure. Les publications et les médias audiovisuels doivent également
obtenir une accréditation officielle. Le gouvernement est habilité à refuser ou à
révoquer des accréditations et à suspendre ou à confisquer des publications. Il a
affirmé n’avoir censuré, suspendu, révoqué ou confisqué aucun média de la presse
écrite, en ligne, télévisée ou radio de janvier 2015 à septembre 2016.

Le 3 avril, une équipe de télévision étrangère a été arrêtée alors qu’elle tournait un
reportage pour la chaîne française Canal + sur les homosexuels au Maroc. Les
journalistes ont été expulsés au motif qu’ils n’avaient pas d’autorisation de
tournage ; ceux-ci ont déclaré qu’ils n’avaient pas fait de demande d’autorisation
parce que le sujet de leur reportage était trop sensible et qu’elle ne leur aurait pas
été accordée.

Lois contre la diffamation écrite/verbale : Les autorités ont engagé des poursuites
contre des journalistes pour diffamation écrite et d’autres violations du code pénal.
Le nouveau code de la presse comprend des dispositions autorisant les pouvoirs
publics à sanctionner par une amende les journalistes et les éditeurs qui violent les
restrictions en matière de diffamation et d’injures. Selon les chiffres officiels, il
aurait été enregistré 47 affaires de diffamation, de diffamation écrite ou de
blasphème au cours de l’année. Un tribunal peut imposer une peine de prison si le
condamné ne peut pas ou n’est pas disposé à payer l’amende.

Sécurité nationale : La loi de lutte contre le terrorisme prévoit l’arrestation de


journalistes et le filtrage de sites web estimés « troubler l’ordre public par
l’intimidation, la terreur ou la violence ». Cependant, il n’a pas été signalé que les
autorités auraient utilisé cette disposition de la loi pendant l’année.

Actions visant à étendre la liberté de la presse : En février et en juillet, le Parlement


a adopté un nouveau code de la presse qui prévoit la liberté de la presse et des
médias électroniques. Ce nouveau code de la presse, actualisé par rapport à sa
version de 2003, remplace les peines d’emprisonnement par des amendes pour
infractions et garantit la protection juridique de la confidentialité des sources.
Toutefois, il ne protège pas les journalistes des poursuites judiciaires aux termes du

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MAROC 21

code pénal ou du droit pénal si, dans l’exercice de leur profession, ils critiquent
l’islam, l’institution de la monarchie ou la position officielle du gouvernement
concernant l’intégrité territoriale et les revendications relatives au Sahara
occidental.

Liberté d’accès à internet

Les pouvoirs publics n’ont pas limité ni perturbé l’accès à internet, mais ils ont
appliqué la législation régissant et limitant l’expression publique et la presse sur
internet. Le nouveau code de la presse stipule que le journalisme électronique est
équivalent à celui de la presse écrite. Selon le dernier rapport de Freedom House,
Freedom on the Net (La liberté sur internet), le gouvernement n’a pas bloqué ni
filtré de sites web au cours de l’année, bien que les lois sur la lutte contre le
terrorisme permettent de les filtrer.

En janvier, le gouvernement a annoncé le blocage de la technologie VoIP (voix sur


IP), comme Skype, FaceTime et Google Voice. Toutefois, il n’a pas bloqué les
capacités de messagerie associées et les services voix demeuraient disponibles par
VPN. Il a fait valoir qu’il avait bloqué ces services car ils n’étaient pas titulaires de
licences d’exploitation adéquates au Maroc. Cependant, le public et les ONG
marocaines étaient persuadés que ces blocages n’étaient pas une tentative de
restreindre la liberté d’expression sinon une réaction vis-à-vis des plaintes des
entreprises de télécommunications que ces services faisaient baisser leurs
bénéfices. Peu après la publication d’un rapport de la Brookings Institution, citant
des pertes économiques s’élevant à 320 millions de dollars à cause de cette
interdiction, le gouvernement a révoqué le chef de l’Agence Nationale de
Réglementation des Télécommunications et l’interdiction a été levée en novembre.

Selon une estimation de la Banque mondiale de 2015, 57 % des Marocains


utilisaient internet.

Liberté d’enseignement et manifestations culturelles

La loi confère au gouvernement le droit de criminaliser les discours ou débats


remettant en cause la légitimité de l’islam, de la monarchie, des institutions de
l’État ou du statut du Sahara occidental. Elle impose des limites concernant les
manifestations culturelles et les activités universitaires, même si les pouvoirs
publics accordaient généralement davantage de latitude au militantisme politique et
religieux s’ils restaient à l’intérieur des campus universitaires. Le ministère de
l’Intérieur approuvait la nomination des recteurs d’universités.

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b. Liberté de réunion et d’association pacifiques

Liberté de réunion

Légalement, les groupes de plus de trois personnes doivent obtenir l’autorisation


du ministère de l’Intérieur pour se réunir publiquement. Des ONG se sont plaintes
que les autorités n’appliquaient pas de façon cohérente la procédure d’autorisation
et elles affirmaient que le gouvernement avait prétexté des retards administratifs et
utilisé d’autres stratagèmes pour réprimer ou décourager des réunions pacifiques
indésirables. Lorsque cette autorisation n’était pas accordée, les autorités
dispersaient les réunions organisées par divers groupes, depuis des réformateurs
aux enseignants stagiaires, parfois en employant une force excessive.

D’après le Rapport mondial 2016 de Human Rights Watch, la police autorisait de


nombreuses manifestations réclamant des réformes politiques et protestant contre
des mesures gouvernementales, mais il lui est arrivé de disperser des manifestants
ou d’empêcher des manifestations d’avoir lieu.

Le 7 janvier, la police a violemment réagi à une manifestation pacifique


d’enseignants stagiaires à Inezgane et dans d’autres villes, qui protestaient contre
de nouveaux décrets réduisant leurs bourses d’études et l’accès à l’emploi. Selon
des témoins, la police s’est servie de matraques en caoutchouc et de boucliers pour
frapper les manifestants sans sommation. Selon l’AMDH, plus de 150 manifestants
ont été blessés, dont 100 à Inezgane, certains ayant souffert de fractures et de
blessures au visage et à la tête.

En février, sous l’effet du tollé général provoqué par les actes de la police lors des
manifestations des enseignants stagiaires en janvier, le ministère de l’Intérieur a
mis en œuvre un programme de formation sur la dispersion non violente des
manifestations et la gestion des manifestations pacifiques, en réaction aux plaintes
dénonçant les brutalités policières. Bien que les manifestations des enseignants
stagiaires se soient poursuivies de façon sporadique jusqu’en septembre, la police
n’est pas intervenue souvent après le mois de janvier.

Pendant l’année, les autorités ont parfois autorisé de petites manifestations


publiques concernant des sujets politiques sensibles. En juin par exemple, le
ministère de l’Intérieur a accordé l’autorisation à un groupe de citoyens athées et
non musulmans de se rassembler devant le Parlement pour protester contre un

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MAROC 23

article du code pénal concernant le jeûne durant le mois sacré musulman du


ramadan. Ce rassemblement s’est déroulé sans être dispersé.

Plusieurs sources de la société civile ont signalé des cas d’annulation du jour au
lendemain de réservations d’espaces destinés à des événements privés, évoquant
des pressions des pouvoirs publics sur les propriétaires pour qu’ils n’autorisent pas
d’activités « controversées » dans leurs locaux.

Liberté d’association

La loi et la constitution prévoient la liberté d’association, bien que le


gouvernement ait parfois imposé des restrictions à cette liberté. Les autorités ont
interdit ou n’ont pas reconnu des groupes politiques d’opposition, jugeant qu’ils ne
remplissaient pas les critères requis pour bénéficier du statut d’ONG. Elles ont
refusé de reconnaître officiellement des ONG qu’elles estimaient militer contre
l’islam comme religion d’État, la monarchie ou l’intégrité territoriale.

Les pouvoirs publics ont fait obstacle à l’enregistrement de plusieurs associations


qui étaient perçues comme critiquant les autorités en refusant d’accepter leurs
demandes d’enregistrement ou de leur délivrer des récépissés confirmant la
réception de leur demande.

En juin, l’ONG basée en Espagne NOVACT (Institut international pour l’action


non violente) a décidé de fermer son bureau lorsque les autorités ont interdit à deux
des membres de son personnel de pénétrer sur le territoire marocain. En mai 2015,
le gouvernement avait expulsé un représentant de NOVACT. Cette organisation
avait des activités dans ce pays depuis 2012 (voir section 5).

En septembre 2015, le gouvernement a demandé à Human Rights Watch de


suspendre ses activités dans le pays. Cette suspension était toujours en vigueur à la
fin de l’année.

En juin 2015, les autorités ont détenu, puis expulsé des chercheurs d’Amnesty
International. Cette ONG a amorcé un dialogue avec les autorités pour surmonter
les difficultés d’accès, mais à la fin du mois d’octobre, ses recherches se heurtaient
toujours à des restrictions.

Le ministère de l’Intérieur exigeait que les ONG s’enregistrent pour être reconnues
en tant qu’entités légales, mais il n’existait pas de registre national exhaustif à la
disposition du public. Une organisation cherchant à obtenir un agrément doit au

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MAROC 24

préalable présenter au ministère ses objectifs, ses statuts, son adresse et des
photocopies des documents d’identité de ses membres. Le ministère délivre à
l’organisation un récépissé qui fait office d’agrément officiel. Si l’organisation ne
reçoit pas ce récépissé dans un délai de 60 jours, elle n’est pas officiellement
agréée. Les organisations sans agrément ne pouvaient obtenir de financement
public ni accepter légalement de contributions.

Plusieurs organisations que les autorités avaient décidé de ne pas reconnaître


fonctionnaient sans récépissé et le gouvernement en tolérait les activités. La
Fédération Nationale des Associations Amazighes, organisation militant pour
l’intégration de la population amazighe dans la vie publique, a signalé que deux
organisations amazighes s’étaient vues refuser l’agrément cette année. Malgré la
décision de décembre 2015 d’un tribunal ayant jugé que le ministère de l’Intérieur
avait agi de façon inappropriée en refusant de recevoir une demande de l’AMDH
pour le renouvellement de l’agrément de sa section locale de Témara, l’association
a continué de signaler des difficultés à renouveler son agrément dans de
nombreuses municipalités du pays, même après les décisions des tribunaux en sa
faveur.

Le 7 novembre, les autorités ont informé l’historien Maâti Monjib que le tribunal
administratif de Rabat avait jugé que le ministère de l’Intérieur n’avait pas agi de
façon adéquate en refusant de remettre le récépissé à l’association Freedom Now,
qu’il présidait. Le tribunal a ordonné au ministère de verser une amende à Freedom
Now et d’accepter sa demande d’agrément.

Les autorités ont continué de surveiller les activités du mouvement Justice et


bienfaisance.

c. Liberté de religion

Veuillez consulter le Rapport sur la liberté de religion dans le monde du


Département d’État à l’adresse suivante : www.state.gov/religiousfreedomreport/.

d. Liberté de circulation, personnes déplacées à l’intérieur de leur pays,


protection des réfugiés et personnes apatrides

La loi prévoit la liberté de circulation à l’intérieur du pays, les voyages à


l’étranger, l’émigration et le rapatriement, et dans l’ensemble le gouvernement a
respecté ces droits.

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MAROC 25

Maltraitance des migrants, des réfugiés et des apatrides : Les réfugiés et les
demandeurs d’asile, ainsi que les migrants, étaient particulièrement vulnérables à
la maltraitance ; toutefois, contrairement aux années précédentes, à la suite du
programme de régularisation des migrants de 2014, il a été moins souvent signalé
que les forces de sécurité procédaient à des arrestations massives et brutalisaient
des migrants d’Afrique subsaharienne, et que des gangs criminels impliqués dans
la traite des personnes commettaient des exactions. Des sources ont signalé que les
autorités gouvernementales arrêtaient des migrants ou les plaçaient en détention,
particulièrement dans les environs des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla,
pour les réinstaller de force dans d’autres villes du pays (voir section 1.d.).

Déplacements à l’intérieur du pays : La loi garantit la liberté de circulation sur le


territoire national. Les autorités ont généralement respecté ce droit.

Exil : La loi prévoit l’exil forcé, mais il n’y a pas eu de cas d’exil forcé au cours de
l’année.

Émigration et rapatriement : Le gouvernement a encouragé le retour des réfugiés


sahraouis d’Algérie et d’autres pays à condition qu’ils reconnaissent l’autorité du
Maroc sur le Sahara occidental. Il a continué de délivrer des documents de voyage
aux Sahraouis et il n’a pas été signalé de cas où les autorités auraient empêché des
Sahraouis de se rendre à l’étranger. Le 22 août, les médias ont indiqué que les
autorités avaient empêché Salem Bachir, également connu sous le nom de Salem
Hamda ou de M’Hamed Salem Hamda Birouk, « ambassadeur » du front Polisario
en Argentine, de pénétrer sur le territoire marocain à son arrivée à l’aéroport de
Laâyoune. Les autorités ont fait valoir qu’elles lui avaient refusé l’entrée dans
l’intérêt de la sécurité publique.

Protection des réfugiés

Le gouvernement a coopéré avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les


réfugiés (HCR) et d’autres organisations humanitaires pour apporter protection et
assistance aux réfugiés, aux réfugiés rapatriés, aux demandeurs d’asile et aux
autres personnes relevant de la compétence du HCR. Il a également fourni une aide
financière aux organisations humanitaires dans le but de dispenser des services
sociaux aux migrants, notamment aux réfugiés. Le 31 octobre, le HCR avait
enregistré quelque 1 151 Syriens. Il transmettait les cas remplissant les critères
pour obtenir le statut de réfugié à la Commission interministérielle en charge du
processus de régularisation (Commission gouvernementale ad hoc menant les
auditions des demandeurs d’asile reconnus par le HCR) relevant du Bureau des

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MAROC 26

réfugiés et des apatrides ; 70 personnes n’ayant pas la nationalité syrienne avaient


reçu ce statut à la fin novembre. Les autorités ont continué d’accorder des cartes de
réfugiés à des demandeurs d’asiles reconnus par le HCR et un statut temporaire
aux Syriens enregistrés. Selon les chiffres du HCR, la Commission
interministérielle en charge du processus de régularisation des demandeurs d’asile
avait accordé depuis 2013 le statut de réfugiés à 696 réfugiés non syriens dont les
dossiers lui avaient été transmis par le HCR.

Droit d’asile : La loi prévoit l’octroi du statut de réfugié. Comme de coutume, le


gouvernement s’en remettait au HCR comme seul organe dans le pays habilité à
déterminer le statut de réfugié et à étudier les demandes d’asile. Le gouvernement
reconnaît deux types de statuts de réfugiés : ceux désignés aux termes du statut du
HCR et la « régularisation exceptionnelle des étrangers en situation irrégulière ».
En 2015, les autorités ont continué à accorder cette « régularisation
exceptionnelle » à des Syriens qui avaient sollicité une protection internationale.

Le 15 décembre, le gouvernement a lancé la seconde phase de son programme de


régularisation des migrants afin d’accorder un statut officiel à des migrants en
situation exceptionnelle. Semblable à la campagne de 2014, ce programme
permettra d’accorder un statut légal aux conjoints/tes et enfants étrangers de
citoyens marocains et d’autres personnes résidant légalement au Maroc, ainsi
qu’aux personnes justifiant d’une durée de séjour régulier d’au moins cinq ans au
Maroc, d’un contrat de travail ou souffrant d’une maladie chronique.

Accès aux services de base : Les réfugiés reconnus comme tels avaient accès aux
services de santé et éducatifs. Les demandeurs d’asile, en revanche, se voyaient
souvent refuser l’accès au système national de santé et ils bénéficiaient d’un accès
limité au système judiciaire tant qu’on ne leur avait pas encore accordé le statut de
réfugiés. Les réfugiés enregistrés et les migrants régularisés ont le droit d’avoir un
emploi.

Section 3. Liberté de participer au processus politique

La loi prévoit des élections libres et régulières, au suffrage universel et à bulletin


secret, qui garantissent la libre expression de la volonté du peuple, à la Chambre
des représentants du Parlement et aux conseils municipaux et régionaux, et les
citoyens ont exercé ce droit. Les organes régionaux et professionnels élisaient au
suffrage indirect les membres de la Chambre des conseillers du Parlement, moins
puissante.

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MAROC 27

Le roi a le droit de dissoudre le Parlement en consultation avec le chef du


gouvernement (le Premier ministre) et il peut gouverner par décret. Il préside le
Conseil des ministres, organe de décision suprême, sauf dans les cas où il délègue
cette autorité au chef du gouvernement. Il assure la présidence du Conseil suprême
de sécurité et du Conseil supérieur des oulémas (conseil de hauts chefs religieux).

En sa qualité de chef de l’État, il nomme le chef du gouvernement. La constitution


oblige le roi à choisir un chef de gouvernement issu des rangs du parti ayant
remporté la majorité des sièges à la Chambre des Représentants. Si la constitution
autorise le chef du gouvernement à nommer tous les ministres de son
gouvernement, le roi doit donner son aval à ces nominations. Les conseillers du roi
assurent des rôles de coordination avec les différents ministères du gouvernement.

La constitution peut être amendée par un référendum national dont les résultats
doivent être approuvés par le roi, ou par une proposition soumise par le roi qui
recueille une majorité des deux tiers des voix de chacune des deux chambres
législatives.

Élections et participation à la vie politique

Élections récentes : Le 7 octobre, le Maroc a organisé des élections au suffrage


direct pour élire les membres de la Chambre des représentants (la chambre basse
du Parlement), à l’issue desquelles le Parti de la justice et du développement (PJD)
a remporté la majorité des sièges. Comme le stipule la constitution, le roi a chargé
le PJD, qui compte le plus grand nombre de sièges à la Chambre nouvellement
élue, de constituer une coalition gouvernementale et de nommer les ministres.

Le CNDH était la principale institution chargée du suivi des élections. La


Commission spéciale d’accréditation des observateurs des élections, présidée par le
CNDH avec la participation de la Délégation interministérielle aux droits de
l’homme (DIDH), de l’Instance centrale de la prévention de la corruption (ICPC)
et de 32 associations marocaines, a accrédité 4 365 observateurs nationaux. Par
ailleurs, 316 observateurs internationaux ont également participé à la surveillance
des élections. Les principaux partis politiques et la grande majorité des
observateurs nationaux ont convenu que les élections avaient été libres, régulières
et transparentes. La plupart des observateurs internationaux les ont jugées
crédibles, les électeurs ayant pu faire leur choix librement, et ils ont estimé la
procédure exempte d’irrégularités systémiques.

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MAROC 28

Partis politiques et participation à la politique : Aux termes de la constitution de


2011, les partis politiques ont été confrontés à moins de restrictions de la part du
gouvernement. Le ministère de l’Intérieur a mis en application les lois facilitant
l’enregistrement des partis politiques. Un parti politique ne peut pas légalement
remettre en question l’islam en tant que religion d’État, l’institution de la
monarchie ni l’intégrité territoriale du pays. La loi interdit qu’un parti soit fondé
sur une identité religieuse, ethnique ou régionale.

Participation des femmes et des minorités : Les femmes politiques figuraient en


bonne place dans les médias sur de nombreuses questions, mais elles étaient
presque totalement exclues des postes à hautes responsabilités. Les élections ont
permis d’accroître la participation des femmes à la Chambre des représentants de
17 à 21 %. Les électeurs ont élu un nombre sans précédent de femmes lors des
élections du 7 octobre, même si très peu d’entre elles ont été par la suite nommées
à des postes de leadership comme ministres ou présidentes de commissions
parlementaires.

Section 4. Corruption et manque de transparence au sein du gouvernement

La loi impose des sanctions pénales en cas de corruption d’agents publics, mais le
gouvernement n’a dans l’ensemble pas veillé efficacement à son application. Des
officiels se sont fréquemment livrés à des pratiques de corruption en toute
impunité. La corruption constituait un problème grave au sein du pouvoir exécutif,
notamment de la police, ainsi que dans le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.

Corruption : Il a été surtout fait état de « petite » corruption au sein du


gouvernement, mais les autorités ont mené peu d’enquêtes et elles ont obtenu des
résultats dans au moins neuf poursuites judiciaires au cours des deux dernières
années. La perception que le gouvernement était très corrompu était répandue,
mais il a été peu signalé de corruption de niveau intermédiaire et de haut niveau.
En général, les observateurs considéraient que la corruption posait un problème
grave, les contrôles de la part du gouvernement étant insuffisants pour en réduire la
fréquence. Selon des chiffres officiels, la Gendarmerie royale a interrogé en 2015
41 848 agents publics pour des délits de corruption. Au 12 octobre, 16 572 agents
publics supplémentaires avaient été interrogés. Aucune information n’était
disponible concernant les résultats de ces interrogatoires.

Le roi, qui fait des déclarations appelant à une réforme du système judiciaire
depuis 2009, a reconnu le manque d’indépendance de la justice et sa vulnérabilité à
l’influence. De nombreux membres de la communauté judiciaire, bien implantée et

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MAROC 29

conservatrice, étaient peu disposés à adopter de nouvelles procédures. Dans


certains cas, des magistrats recevaient des sanctions disciplinaires pour corruption,
mais ils ne faisaient pas l’objet de poursuites.

D’après les observateurs, la corruption était répandue dans la police. Les pouvoirs
publics ont déclaré mener des enquêtes sur des affaires de corruption et d’autres
cas de malversations de la police par le biais d’un mécanisme de contrôle interne
(voir section 1.d.).

L’ICPC est chargée de combattre la corruption. En mai 2015, le Parlement a


adopté une loi mandatée par la constitution accordant à l’ICPC l’autorité pour
contraindre les institutions gouvernementales à respecter leurs obligations en
matière d’enquêtes pour affaires de corruption. D’après les chiffres du
gouvernement, l’ICPC a reçu 398 plaintes ou dénonciations formelles jusqu’à
octobre (par rapport à 400 pour toute l’année 2014). Elle a transmis au procureur
général 55 affaires de corruption pendant l’année. Les sanctions légales pour
corruption étaient rares et le gouvernement a indiqué qu’à compter d’octobre, 334
agents publics faisaient l’objet de poursuites pour corruption. Il n’y avait pas
d’informations disponibles au sujet des condamnations et des peines imposées.

Hormis l’ICPC, le ministère de la Justice et la Cour des comptes avaient


compétence sur les affaires de corruption, mais ils n’ont engagé aucune poursuite
sur les affaires à grand retentissement pendant l’année. Le ministère de la Justice
offrait un numéro vert pour permettre au public de dénoncer des cas de corruption.
Selon les chiffres du ministère de la Justice, ce numéro vert a reçu en moyenne
quelque 2 000 appels par jour au cours des six premiers mois de l’année. En
conséquence de ces appels, 12 procédures ont été engagées, qui ont mené à des
peines d’emprisonnement et à des amendes dans neuf cas, deux affaires ont été
closes faute de preuves et une enquête est toujours en cours sur une autre.

Divulgation de situation financière : La loi exige des juges, des ministres et des
membres du Parlement qu’ils communiquent une déclaration de situation
financière à la Cour des comptes qui est chargée du contrôle et de la vérification de
la conformité à cette exigence. Toutefois, selon des groupes d’action plaidant pour
la transparence dans l’administration, nombreux sont les officiels qui ne
soumettaient pas ces déclarations. Il n’est pas prévu de sanctions pénales ou
administratives efficaces en cas de non-respect de cette exigence.

Accès public à l’information : Alors qu’il n’existe pas de loi sur le droit d’accès à
l’information, un projet de loi relatif à l’accès du public à l’information a été

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MAROC 30

adopté par la Chambre basse du Parlement le 20 juillet. À la fin de l’année, il


attendait d’être adopté à la Chambre haute avant d’être soumis à l’approbation du
Conseil des ministres et du roi. La constitution accorde aux citoyens le droit
d’accès aux informations détenues par les institutions publiques, mais les autorités
n’ont pas mis en place de mécanisme d’accès à cette fin. Le gouvernement a
rarement autorisé les citoyens et les étrangers, y compris les médias étrangers, à
accéder aux informations officielles. Les agents publics n’ont pas reçu de
formation au sujet de l’accès à l’information. Il n’existait pas d’initiatives de
sensibilisation du public à l’égard de l’accès du public à l’information.

Section 5. Attitude du gouvernement face aux enquêtes internationales et non


gouvernementales sur des violations présumées des droits de l’homme

Des groupes ont mené des enquêtes et publié leurs conclusions sur des affaires
liées aux droits de l’homme ; toutefois, la réceptivité des pouvoirs publics aux
organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme, leur
coopération avec elles et les restrictions qu’ils leur ont imposées ont été variables
en fonction de leur évaluation de l’orientation politique de l’organisation et du
caractère sensible des questions soulevées.

Le 26 janvier, selon plusieurs sources, les autorités auraient expulsé Andrea Nüsse,
la représentante de la Fondation Friedrich Naumann au Maroc, une ONG
allemande de plaidoyer pour les droits de l’homme, l’état de droit et la démocratie.
Cela faisait trois ans qu’elle occupait ce poste au Maroc pour le compte de la
fondation. Selon cette ONG, cette mesure d’expulsion a été prise car la fondation
avait accordé à l’opposant Ali Anouzla un prix international des droits de
l’homme. Les autorités ont déclaré que le permis de séjour d’Andrea Nüsse avait
expiré en août 2015, qu’elle avait quitté le territoire marocain de son propre chef
en décembre 2015 et qu’était revenue pour une courte période en janvier afin de
régler des affaires personnelles. Elle n’aurait jamais fait l’objet d’un arrêté
d’expulsion.

Le 29 juin, l’ONG basée en Espagne NOVACT (Institut international pour l’action


non violente) a décidé de fermer son bureau en raison des pressions qu’elle
subissait de la part du gouvernement depuis juin 2015, notamment en raison de son
refus de l’enregistrer et de l’expulsion ou la non-admission de membres de son
équipe sur le territoire marocain. L’organisation a déclaré que les difficultés
qu’elle rencontrait avaient trait à son plaidoyer en faveur des droits de la
communauté LGBTI. Le gouvernement a déclaré que les refus d’enregistrement et

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MAROC 31

d’entrée sur le territoire national étaient dus à des dossiers de demandes


incomplets.

Suite à des différends entre Amnesty International et les autorités


gouvernementales en 2015, cette organisation a tenu une série d’échanges avec le
gouvernement au cours de l’année, mais la question d’autoriser la venue de
chercheurs internationaux dans le pays n’avait toujours pas été réglée en
septembre. À la fin septembre, Amnesty International a été empêché d’organiser
son Camp de jeunesse annuel comme prévu. Le ministère de l’Intérieur a déclaré
qu’il avait demandé le report de cet événement parce qu’il coïncidait avec la
période des élections. À la fin de l’année, Amnesty International n’avait toujours
pas organisé son camp annuel.

Les autorités ont ordonné à Human Rights Watch de suspendre ses activités en
2015. En mars, l’organisation a rencontré des représentants du gouvernement, mais
elle a été informée que la suspension resterait en vigueur jusqu’à nouvel ordre.
Jusqu’au mois de septembre, Human Rights Watch n’a pas été en mesure d’exercer
ses activités sur le territoire marocain. Cependant, les chercheurs de cette
organisation ont pu dialoguer avec les autorités par voie électronique et ils
continuent de publier des informations limitées sur la situation dans le pays.

Les autorités ont reconnu plusieurs ONG nationales de défense des droits de
l’homme actives dans l’ensemble du pays. L’Organisation marocaine des droits
humains (OMDH) et l’AMDH étaient les plus grandes organisations nationales de
défense des droits de l’homme.

Pendant l’année, des militants et des ONG ont signalé que leurs activités
continuaient de faire l’objet de restrictions. Selon l’AMDH, les autorités ont
interdit 111 activités prévues entre juin 2014 et juin 2016. De nombreux militants
ont indiqué que, plutôt que d’interdire purement et simplement des activités, les
autorités auraient plutôt imposé des restrictions à l’utilisation d’espaces publics et
de salles de conférences, et elles auraient informé les propriétaires de locaux privés
que certaines activités n’y étaient pas souhaitables. Les organisations ont fait valoir
que des agents publics les avaient informé que leurs activités avaient été annulées
parce qu’elles n’avaient pas suivi la procédure requise pour l’organisation de
réunions publiques, alors qu’elles affirmaient avoir présenté les documents
nécessaires, sauf dans les cas où elles estimaient que la loi ne l’exigeait pas.
Certaines ONG non reconnues qui ne coopéraient pas officiellement avec le
gouvernement communiquaient néanmoins, de façon informelle, des informations
aux organismes gouvernementaux ainsi qu’à des organismes parapublics.

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MAROC 32

Pendant l’année, le gouvernement a parfois rencontré des ONG et répondu à leurs


demandes et recommandations.

Organismes publics de défense des droits de l’homme : Il existe trois organismes


publics de défense des droits de l’homme.

Le CNDH est une institution nationale de défense des droits de l’homme établie
par la constitution qui fonctionne indépendamment du gouvernement élu. Il est
financé par les deniers publics et fonctionne conformément aux Principes de Paris
de l’Alliance mondiale des institutions nationales de défense des droits de
l’homme, qui l’a reconnu en novembre 2015 en tant qu’institution nationale de
protection et de promotion des droits de l’homme accréditée au statut A, dans le
cadre adopté par l’ONU. Le CNDH était le principal organe consultatif du roi et du
gouvernement sur la question des droits de l’homme. Ce conseil remplissait un rôle
de mécanisme de contrôle national des droits de l’homme en matière de prévention
de la torture, conformément aux obligations internationales de l’État. Qui plus est,
le CNDH a produit au cours de l’année des rapports critiquant des pratiques
actuelles et antérieures des pouvoirs publics dans le domaine de la liberté
d’expression et de réunion ainsi que des droits des femmes, et il a publié des
guides sur les droits politiques des jeunes militants et des journalistes. En 2014, le
CNDH a mis en place l’Institut national de formation aux droits de l’Homme
(INFDH), qui s’associe à des organisations internationales afin de dispenser des
formations à la société civile, aux médias, aux forces de l’ordre, aux personnels
médicaux, aux éducateurs et aux juristes. Entre janvier et novembre, l’INFDH a
organisé 39 sessions de formation sur l’observation des élections, la
discrimination, les droits de l’homme au travail et la prévention de la torture ainsi
que les enquêtes sur les cas de torture.

L’Institution du Médiateur remplissait une fonction de médiation plus générale.


Elle examinait les allégations relatives aux injustices commises par le
gouvernement et avait compétence pour effectuer des enquêtes et des demandes de
renseignements, proposer des mesures disciplinaires ou déférer des affaires au
Parquet.

La mission de la DIDH consiste à encourager la protection des droits de l’homme


auprès de tous les ministères, à servir d’interlocuteur gouvernemental des ONG
nationales et internationales, et à prendre en charge les relations avec les organes
concernés des Nations Unies au sujet des obligations internationales en matière de
droits de l’homme. Celle-ci était chargée en premier lieu de coordonner les

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MAROC 33

réponses du gouvernement aux organes de l’ONU au sujet de ses obligations


découlant des traités.

Section 6. Discrimination, abus sociétaux et traite des personnes

Condition féminine

Viol et violences conjugales/familiales : La loi sanctionne les hommes coupables


de viol par des peines de prison de cinq à 10 ans et, lorsque la victime est mineure,
de 10 à 20 ans. Le viol conjugal n’est pas un crime. Les agressions sexuelles
peuvent entraîner une peine de prison pouvant atteindre un an, assortie d’une
amende de 15 000 dirhams (1 530 dollars). La police n’intervenait pas rapidement
dans les affaires de violence familiale et les pouvoirs publics n’appliquaient
généralement pas la loi et parfois renvoyaient les femmes de force chez un conjoint
violent. Les victimes ne dénonçaient pas la grande majorité des agressions
sexuelles à la police à cause des pressions sociales et du fait que la victime serait
vraisemblablement tenue pour responsable. La police menait des enquêtes de façon
sélective ; parmi le petit nombre des affaires jugées, rares étaient celles qui
débouchaient sur une condamnation. En 2013, des articles du code pénal qui
pénalisaient le fait de cacher ou de soustraire aux recherches une femme mariée, ce
qui dans la pratique interdisait légalement l’existence de refuges pour les victimes
de violences conjugales, ont été abrogés.

La violence conjugale était répandue. Les chiffres sur le viol ou les agressions
sexuelles n’étaient pas fiables en raison du nombre de ces actes qui ne faisaient pas
l’objet d’une plainte ; la dernière étude sur ce sujet remonte à 2009. Un recueil du
Haut-Commissariat au Plan publié en 2013, La femme marocaine en chiffres, a
révélé que 63 % des femmes avaient déclaré avoir subi un acte de violence durant
l’année antérieure, mais ces chiffres se fondaient sur une enquête réalisée en 2009.
Plusieurs organisations nationales de plaidoyer contre la violence familiale, comme
la Ligue démocratique pour les droits de la femme (LDDF), estimaient que dans
huit cas sur 10 de violences à l’égard des femmes, l’auteur était le mari.

Avant 2014, les violeurs pouvaient échapper à la condamnation en épousant la


victime. Une modification de 2014 du code pénal n’autorise plus le violeur à
racheter son crime en épousant sa victime. Toutefois, de nombreux articles du code
pénal concernant le viol perpétuent un traitement inégal des femmes et ne
procurent pas suffisamment de mécanismes de protection en dépit des révisions
effectuées en matière de droit de la famille en 2009.

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MAROC 34

La loi n’interdit pas spécifiquement la violence conjugale contre les femmes, mais
les interdictions d’ordre général du code pénal s’appliquent à ce type de violence.
Légalement, il y a délit grave lorsque la victime souffre de blessures qui entraînent
20 jours d’incapacité de travail. Il y a délit mineur lorsque l’incapacité de travail
est inférieure à 20 jours. Selon des ONG, les tribunaux poursuivaient rarement les
auteurs de délits mineurs. La police traitait généralement la violence familiale
comme un problème social plutôt qu’un crime. Les statistiques fournies par le
gouvernement indiquaient que celui-ci apportait un appui direct à 45 centres de
conseil psychologique pour les victimes féminines de violence et un soutien
indirect à 97 autres, dans le cadre d’un effort plus ample visant à soutenir des
projets destinés aux femmes dans la société.

La violence physique était un motif légal de divorce, bien que peu de femmes aient
dénoncé ces violences aux autorités. La médiation en cas de violence familiale était
généralement prise en charge au sein de la famille. Les femmes optant pour les
poursuites judiciaires préféraient généralement demander le divorce auprès des
tribunaux de la famille plutôt que d’engager des poursuites pénales.

Un petit nombre d’associations, telles que le réseau Anaruz et la Ligue


démocratique pour les droits de la femme, étaient disponibles pour fournir aux
victimes assistance et conseils. Les centres de conseil psychologique existaient
exclusivement dans les zones urbaines. Dans les zones rurales, seuls les services de
la police locale étaient généralement disponibles pour les victimes de violences.

Le gouvernement a financé plusieurs centres d’hébergement pour les femmes sous


l’égide du ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du
Développement social. Quelques ONG s’efforçaient d’offrir des foyers d’accueil
pour les victimes de violence conjugale. Toutefois, il a été signalé qu’ils n’étaient
pas accessibles aux personnes handicapées. Les tribunaux disposaient de « cellules
de prise en charge des victimes de la violence » rassemblant procureurs, avocats,
juges, représentants d’ONG de femmes et personnel hospitalier, pour examiner les
affaires de violences conjugales et de maltraitance d’enfants afin de protéger les
intérêts des femmes ou des enfants conformément à la procédure appropriée.

De nombreuses ONG nationales ont œuvré pour promouvoir les droits des femmes
et les questions concernant les femmes. On compte, parmi celles-ci, l’Association
démocratique des femmes du Maroc, l’Union de l’action féminine, la Ligue
démocratique pour les droits de la femme, Mobilising for Rights Associates
(MRA) et l’Association marocaine pour les droits des femmes. Elles faisaient
toutes du plaidoyer pour le renforcement des droits politiques et civiques des

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MAROC 35

femmes. Des ONG ont également encouragé l’alphabétisation et enseigné aux


femmes les principes d’hygiène de base, la planification familiale et les soins aux
enfants.

Harcèlement sexuel : Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail n’est une


infraction pénale que s’il constitue un abus de pouvoir de la part d’un supérieur
hiérarchique, comme le stipule le code pénal. Cette infraction est passible d’une
peine d’un à deux ans de prison et d’une amende de 5 000 à 50 000 dirhams (511 à
5 108 dollars). Les autorités n’ont pas appliqué efficacement la législation en
matière de harcèlement sexuel. Selon les autorités, bien que la loi permette aux
victimes de poursuivre leurs employeurs en justice, seules quelques-unes le
faisaient. Le gouvernement a indiqué que 36 affaires de harcèlement sexuel avaient
fait l’objet de poursuites en 2015. La plupart des femmes craignaient de perdre leur
emploi ou s’inquiétaient d’avoir du mal à prouver leur accusation. Les ONG ont
précisé que le harcèlement sexuel répandu contribuait au faible taux de femmes
dans la population active, même si le nombre total d’actes de violence dénoncés
était extrêmement faible et vraisemblablement peu représentatif du véritable
nombre d’incidents de ce type au Maroc.

Droits génésiques : Les couples et les personnes ont le droit de décider du nombre
de leurs enfants, de l’espacement et du moment de leur naissance, de gérer leur
santé génésique et de disposer des informations et des moyens de le faire sans
discrimination, coercition ou violence. Les autorités n’ont généralement pas
pratiqué de discrimination à l’égard des femmes en matière d’accès aux soins de
santé génésique et sexuelle, y compris pour les infections sexuellement
transmissibles. La contraception est légale et elle est largement disponible sous la
plupart de ses formes. Selon le Population Reference Bureau, le Maroc a investi
pour renforcer la disponibilité des services volontaires de planification familiale,
étendre et améliorer les soins de santé maternelle et favoriser l’accès aux soins
obstétriques en les rendant gratuits.

La pilule contraceptive est disponible dans les pharmacies sans ordonnance. Des
professionnels de santé qualifiés étaient disponibles pour prendre en charge
l’accouchement et les soins postnatals des femmes qui en avaient les moyens, et
quelque 74 % de l’ensemble des naissances en ont bénéficié. En juin, le
gouvernement a déposé un projet de loi autorisant l’IVG dans les cas de viol,
d’inceste ou de graves malformations, ce qui étendrait la législation actuelle
autorisant l’IVG lorsque la vie de la mère est en danger.

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MAROC 36

Selon les statistiques les plus récentes des Nations Unies, il y avait en 2015 environ
121 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes au Maroc, et 57 % des
femmes âgées de 15 à 49 ans utilisaient une méthode moderne de contraception en
2011. Les principaux facteurs influençant les taux de mortalité maternelle et
d’utilisation de contraceptifs étaient l’analphabétisme des femmes, la
méconnaissance de la disponibilité des services, le coût de ces services, les
pressions sociales à l’encontre de l’usage des contraceptifs et la disponibilité
limitée de moyens de transport dans les zones rurales vers les centres de santé et
les hôpitaux.

Discrimination : La constitution accorde aux femmes des droits égaux dans la vie
civile, politique, économique et culturelle et dans le domaine de l’environnement.
La loi exige que soit versé un salaire égal pour un travail égal, mais ce n’était pas
le cas dans la pratique. De nombreux problèmes liés à la discrimination à
l’encontre des femmes ont perduré, tant en matière d’imposition de l’égalité des
droits prévus par la législation et la constitution que de limitation des droits
accordés aux femmes en matière de succession. La mise en application des lois et
réformes s’est heurtée à une résistance considérable de la part des hommes dans
certaines régions du pays. En dépit de pressions considérables de la part des ONG
de femmes, l’application de ces lois sur la propriété est demeurée inégale.

Aux termes de la loi, les femmes ont droit à une part des biens hérités, mais celle
des femmes est inférieure à celle des hommes. En général, les femmes sont en droit
de recevoir la moitié de l’héritage que recevrait un homme dans les mêmes
circonstances. Un homme fils unique recevrait la totalité du patrimoine alors
qu’une femme fille unique recevrait la moitié de l’héritage et d’autres parents
l’autre moitié. La réforme du code de la famille de 2004 n’a pas modifié les lois
successorales et la constitution n’aborde pas spécifiquement ces questions.

Le code de la famille confie les responsabilités familiales conjointement aux deux


époux, autorise le divorce par consentement mutuel et impose des limites
juridiques à la polygamie. Toutefois, l’application des réformes du droit de la
famille restait difficile. Le pouvoir judiciaire manquait de volonté pour veiller à
leur application car de nombreux magistrats n’en approuvaient pas les dispositions.
La corruption parmi les greffiers des tribunaux et le manque de connaissance des
avocats concernant les dispositions du code ont également constitué des obstacles à
l’application de la loi. L’analphabétisme répandu parmi les femmes a également
limité leur capacité à s’orienter dans le système juridique.

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MAROC 37

Peu d’obstacles juridiques ont entravé la participation des femmes aux affaires
commerciales et à d’autres activités économiques. Selon certains chefs d’entreprise
et ONG, les femmes ont toutefois éprouvé des difficultés en matière d’accès au
crédit et pour être propriétaires d’entreprises et les diriger. Dans les zones rurales,
les femmes se heurtaient à des restrictions concernant les opportunités en matière
d’éducation et d’emploi pour des raisons sociales et culturelles. Les syndicats ne
comptaient pas de femmes à des postes dirigeants.

Les pouvoirs publics ont déployé quelques efforts pour améliorer le statut des
femmes au travail, principalement dans le cadre du mandat constitutionnel qui
prescrit la création d’une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes
de discrimination, une institution que le Parlement et le CNDH étaient en train
d’élaborer ensemble, mais qui ne fonctionnait pas encore à la fin de l’année. En
octobre 2015, le CNDH a publié un rapport citant l’inégalité répandue entre les
sexes et plaidant pour des réformes correspondant à la constitution, notamment
avec la création d’une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de
discrimination indépendante et habilitée, des modifications au code de la famille et
des réformes du régime de succession qui abandonnerait les règles fondées sur la
religion pour garantir l’égalité entre les femmes et les hommes. Les ONG de
défense des droits des femmes ont continué de faire pression sur le gouvernement
pour obtenir une codification des droits des femmes dans le cadre de lois
officielles.

Enfants

Enregistrement des naissances : La loi autorise les deux parents à transmettre leur
nationalité à leurs enfants. Il y a eu toutefois des cas où les autorités ont refusé
d’accorder des documents d’identité à des enfants nés de parents non mariés. Des
ONG, des magistrats et des avocats sont intervenus en faveur des enfants sans
papiers. Les démarches pour obtenir les documents d’identité requis étaient
longues et laborieuses si elles n’étaient pas effectuées dans les 30 jours suivant la
naissance de l’enfant. Selon des articles dans la presse et des ONG amazighes, au
cours de l’année, des représentants du ministère de l’Intérieur ont refusé
d’enregistrer la naissance d’enfants auxquels les parents souhaitaient donner un
prénom amazigh.

Éducation : L’école est gratuite et obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans. La


proportion des filles à l’école s’est accrue ces dernières années de façon
appréciable, surtout dans les agglomérations.

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MAROC 38

Maltraitance d’enfants : Les ONG, les groupes de défense des droits de l’homme,
les médias et le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance ont indiqué que la
maltraitance des enfants était répandue, mais les pouvoirs publics ont noté que ce
phénomène était signalé moins fréquemment. Selon les chiffres officiels, 6 830 cas
de maltraitance des enfants ont fait l’objet d’une enquête cette année, pour 7 526
en 2015. Des informations ponctuelles ont révélé que la maltraitance des enfants
employés comme domestiques était un problème. Le 26 juillet, le Parlement a
adopté une loi interdisant aux enfants de moins de 16 ans de travailler comme
domestiques et limitant de façon stricte le travail des mineurs de moins de 18 ans
(voir section 7.c.). Les poursuites judiciaires pour maltraitance d’enfants ont été
extrêmement rares.

Le ministère de la Jeunesse et des Sports administrait 18 centres de protection de


l’enfance, dont cinq étaient réservés aux filles. Ces centres accueillent des
délinquants, des enfants sans abri, des victimes de violence familiale, des
toxicomanes et d’autres « mineurs en détresse » qui n’avaient pas commis de
crime, ainsi que des enfants qui avaient commis des crimes ou des infractions
mineures mais qu’un tribunal avait décidé de ne pas placer dans un Centre de
réforme et de rééducation géré par l’administration pénitentiaire. Ce mélange de
mineurs aux prises avec la loi avec des enfants en détresse se produisait aussi à
d’autres étapes du processus. Ces centres proposaient un enseignement général et
une formation professionnelle afin de favoriser la réinsertion de ces jeunes dans la
société. Tandis que le budget de ces centres était faible, les conditions d’accueil
étaient variables car certains recevaient des dons.

Mariage forcé et mariage précoce : L’âge légal du mariage est fixé à 18 ans, mais
les parents, avec le consentement informé de l’enfant mineur, peuvent obtenir une
dérogation auprès d’un juge. Le pouvoir judiciaire a approuvé la grande majorité
des demandes de mariages de mineurs. Le mariage d’enfants est resté préoccupant.

Exploitation sexuelle des enfants : L’âge du consentement est fixé à 18 ans.


L’exploitation sexuelle des enfants est passible de peines allant de deux ans de
prison à la réclusion à perpétuité et d’amendes de 9 550 à 344 000 dirhams (960 à
34 600 dollars). Les violeurs et pédophiles condamnés ne peuvent pas être graciés.
Des enfants se prostituaient et le Maroc était une destination pour le tourisme
sexuel. Le code pénal prévoit également des sanctions pour la pornographie
infantile.

Pendant l’année, les pouvoirs publics ont déclaré avoir entrepris des initiatives
pour mettre en œuvre leur politique de protection de l’enfance adoptée en 2014 et

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MAROC 39

supervisée par le ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du


Développement social. Les mesures consistaient à mettre en place une coopération
avec les fournisseurs d’accès à internet pour protéger les enfants de l’exploitation
et offrir un accès sûr à internet, à élaborer avec le ministère du Tourisme une
stratégie de communication pour promouvoir un tourisme responsable afin de
protéger les enfants, et à sensibiliser le secteur privé du tourisme aux droits des
enfants et à la prévention du tourisme sexuel pédophile conformément au code
mondial d’éthique du tourisme de l’Organisation mondiale du commerce.

Veuillez également consulter les Conclusions sur les pires formes de travail des
enfants du Département du Travail à l’adresse suivante :
www.dol.gov/ilab/reports/child-labor/findings.

Enlèvements internationaux d’enfants : Le Maroc est partie à la Convention de la


Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.
Veuillez consulter le rapport du Département d’État intitulé Annual Report on
International Parental Child Abduction (Rapport annuel sur les enlèvements
parentaux internationaux d’enfants) à l’adresse suivante :
https ://travel.state.gov/content/childabduction/en/legal/compliance.html.

Antisémitisme

Selon les dirigeants communautaires, la population juive s’élèverait à environ


4 000 personnes. Dans l’ensemble, il semblait y avoir peu d’antisémitisme
manifeste. Le gouvernement protège et appuie la communauté juive. Il assurait la
sécurité des Juifs de manière adéquate et ceux-ci vivaient généralement en sécurité.
Cette communauté a remarqué une escalade des tensions lorsque les hostilités se
sont accrues entre Israël et les Palestiniens, même s’il était rarement signalé d’actes
antisémites.

Traite des personnes

Veuillez consulter le Rapport sur la traite des personnes du Département d’État à


l’adresse suivante : www.state.gov/j/tip/rls/tiprpt/.

Personnes handicapées

La loi interdit la discrimination à l’encontre des handicapés physiques, sensoriels,


intellectuels ou mentaux dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et de
l’accès aux soins de santé. Elle prévoit également des règlements et des codes du

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MAROC 40

bâtiment qui assurent l’accès des personnes handicapées. Le gouvernement n’a pas
veillé efficacement à l’imposition ou à l’application de ces lois et réglementations.
Tandis que les codes du bâtiment entrés en vigueur en 2003 exigent la mise en
accessibilité pour tous, ils en dispensent la plupart des structures préexistantes et
étaient rarement appliqués aux nouvelles constructions. La plupart des transports
en commun n’étaient pas accessibles aux personnes handicapées, même si les
chemins de fer nationaux étaient équipés de rampes d’accès pour fauteuils roulants,
de toilettes accessibles pour les personnes handicapées et de sièges réservés. La
politique du gouvernement garantit aux personnes handicapées un accès égal à
l’information et aux communications. Toutefois, il y avait peu de dispositifs de
communication spéciaux disponibles pour les personnes atteintes d’un handicap
auditif ou visuel.

Chargé de protéger les droits des personnes handicapées, le ministère de la


Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social a tenté
d’assurer leur intégration dans la société en faisant respecter un quota de 7 % de
personnes handicapées dans la formation professionnelle dans le secteur public et
de 5 % dans le secteur privé. Mais ces quotas étaient loin d’être atteints dans ces
deux secteurs. Le gouvernement a continué à offrir plus de 400 classes intégrées
pour les enfants présentant des difficultés d’apprentissage, mais l’insertion des
personnes handicapées est restée principalement l’affaire des organisations
caritatives et des organisations de la société civile. Habituellement, les personnes
handicapées étaient à la charge de leur famille, mais certaines survivaient en
pratiquant la mendicité.

Minorités nationales/raciales/ethniques

Bon nombre des régions les plus démunies du pays, particulièrement le Moyen-
Atlas, étaient majoritairement amazighes et enregistraient des taux
d’analphabétisme supérieurs à la moyenne nationale. Dans cette région
montagneuse et sous-développée, les services publics de base étaient souvent
limités. Si les langues officielles sont l’arabe et l’amazigh, l’arabe prédomine.
L’instruction en amazigh est obligatoire pour les étudiants de l’École de
perfectionnement des cadres du ministère de l’Intérieur à Kénitra. Le français et
l’amazigh sont présents dans les médias et, dans une bien moindre mesure, dans les
établissements d’enseignement. Le 26 septembre, le Conseil des ministres a adopté
un projet de loi d’application de la disposition constitutionnelle faisant de
l’amazigh une langue officielle, qu’il a soumis au Parlement pour y être débattu.
Toutefois, le Parlement était en vacances et il n’avait pas encore débattu le projet à
la fin de l’année.

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MAROC 41

La majorité de la population revendiquait un héritage amazigh, y compris la


famille royale. Les groupes culturels amazighs affirmaient qu’ils étaient en train de
perdre rapidement leurs traditions et leur langue du fait de l’arabisation. Les
pouvoirs publics ont diffusé des émissions de télévision dans les trois langues
nationales amazighes, le tarifit, le tashelhit et le tamazight. Ils avaient également
déclaré offrir des cours de langue amazighe dans le cadre des programmes de 30 %
des établissements d’enseignement. Cependant, une pénurie d’enseignants qualifiés
entravait l’essor de l’enseignement dans cette langue. L’Institut royal de la culture
amazighe, financé par le palais, a cherché à remédier à ce problème au moyen d’un
programme universitaire de formation des enseignants.

Pour de plus amples informations sur la situation des Sahraouis au Sahara


occidental administré par le Maroc, veuillez consulter le Rapport 2016 sur les
droits de l’homme au Sahara occidental du Département d’État.

Actes de violence, discrimination et autres abus basés sur l’orientation


sexuelle et l’identité de genre

Les actes homosexuels consensuels constituent une infraction au code pénal


passible d’une peine maximale de trois ans de prison. Le mariage homosexuel n’est
pas autorisé par la loi. Les médias et le public ont abordé les questions de sexualité,
d’orientation sexuelle et d’identité de genre plus ouvertement que les années
antérieures.

La loi pénalise les actes homosexuels, ou « actes contre nature », ainsi que toutes
activité sexuelle hors des liens du mariage quelle que soit l’orientation sexuelle.
Les lois contre la discrimination ne s’appliquent pas aux LGBTI et le code pénal
ne contient pas de dispositions pénalisant les crimes motivés par la haine. Les
LGBTI étaient stigmatisés, mais il n’a pas été signalé de discrimination sur la base
de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre dans l’emploi, le logement,
l’accès à l’éducation ou les soins de santé. Les autorités ont poursuivi en justice
des personnes ayant des relations homosexuelles au moins une fois pendant
l’année.

Dans une affaire à grand retentissement, le 27 octobre, les autorités ont arrêté deux
mineures âgées de 16 et 17 ans à Marrakech pour « homosexualité » suite à la
dénonciation à la police d’un proche qui avait vu les deux jeunes filles
s’embrasser. Les médias et les ONG ont indiqué qu’après une semaine en détention

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MAROC 42

provisoire, elles ont toutes deux bénéficié d’une libération provisoire en attendant
leur procès. Le 9 décembre, elles ont été innocentées.

L’orientation sexuelle et l’identité de genre ont été à l’origine de violences


sociétales, de harcèlement, de chantage ou d’autres actions, essentiellement à
l’échelle locale, mais moins fréquemment que par le passé. Il a été signalé des
actes de discrimination sociétale, de violence physique ou de harcèlement fondés
sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

En mars par exemple, des observateurs ont filmé un groupe de personnes à Beni
Mellal en train d’agresser deux hommes qu’ils présumaient être homosexuels. Ces
hommes les ont passé à tabac à leur domicile avant de les obliger à se déshabiller,
puis de les jeter nus dans la rue, les forçant à se rendre jusqu’au poste de police où
ils ont été arrêtés et inculpés pour homosexualité. Ultérieurement, les autorités ont
arrêté plusieurs des hommes impliqués dans cette agression. Le tribunal a
condamné les agresseurs à des peines de trois à six mois de prison ferme et les
deux hommes accusés d’actes homosexuels à des peines avec sursis.

Stigmatisation sociale liée au VIH et au sida

Les personnes vivant avec le VIH-sida faisaient l’objet de discrimination et avaient


peu d’options thérapeutiques. Un récent sondage d’Afrobaromètre a révélé que
60 % des Marocains ne seraient pas contents d’avoir un voisin séropositif au VIH.
Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH-sida (ONUSIDA) a signalé
que certains prestataires de soins de santé se montraient réticents à soigner les
personnes atteintes du VIH-sida de peur d’être infectés. Il existe actuellement
16 centres de traitement du VIH-sida sur l’ensemble du territoire marocain. Des
ONG nationales se consacraient au traitement des personnes atteintes du VIH-sida.

Section 7. Droits des travailleurs

a. Liberté d’association et droit à la négociation collective

La constitution autorise les travailleurs à constituer des syndicats et à y adhérer, à


se mettre en grève et à entreprendre des négociations collectives, dans certaines
limites. La loi actuelle interdit à certaines catégories de fonctionnaires, notamment
les membres des forces armées, les agents de police et certains membres du
système judiciaire, de constituer des syndicats, d’y adhérer et de faire grève. La loi
ne permet pas aux travailleurs migrants d’occuper des postes de direction dans les
syndicats.

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MAROC 43

Selon le code du travail, les salaires et les conditions de travail des salariés
syndiqués doivent faire l’objet d’accords conclus dans le cadre de négociations
entre employeurs et délégués des salariés. Si la loi autorise l’existence de syndicats
indépendants, elle requiert que 35 % au minimum des salariés y soient associés
pour que le syndicat soit estimé suffisamment représentatif et qu’il puisse
participer aux négociations collectives. La loi interdit la discrimination
antisyndicale et empêche les entreprises de licencier des employés au motif de leur
participation à des activités syndicales légitimes. Les tribunaux sont habilités à
imposer la réintégration des salariés licenciés arbitrairement et ils ont compétence
pour faire appliquer des décisions contraignant les employeurs à leur verser des
dommages et intérêts ainsi que des arriérés de salaires.

La loi relative à la grève requiert un arbitrage obligatoire des conflits, interdit les
sit-in et exige le dépôt d’un préavis de grève de 10 jours. Le gouvernement est
autorisé à intervenir dans les grèves. Il est interdit de faire grève sur des questions
couvertes par une convention collective dans l’année suivant l’entrée en vigueur de
ladite convention. Les pouvoirs publics ont compétence pour disperser les grévistes
dans les lieux publics où les manifestations sont interdites, ainsi que pour
empêcher l’occupation non autorisée d’espaces privés. Les syndicats ne peuvent ni
pratiquer des actes de sabotage ni empêcher les travailleurs non grévistes de
travailler.

Les pouvoirs publics n’ont pas veillé correctement à l’application de la législation


du travail en raison du manque de personnel d’inspection et de moyens. Les
inspecteurs du travail ne sont pas habilités à imposer des sanctions et à percevoir
des amendes ou d’autres peines. Sur l’initiative du parquet, les tribunaux peuvent
contraindre l’employeur à prendre des mesures correctives par un arrêt. Les
sanctions étaient insuffisantes pour avoir un effet dissuasif. La réglementation
exigeait également que les inspecteurs fassent aussi office de médiateurs dans les
litiges, ce qui les contraignait à passer beaucoup de temps dans leur bureau au lieu
de mener des inspections sur le terrain. Les procédures d’application étaient
soumises à de longs retards et pourvois en appel.

Dans l’ensemble, le gouvernement a respecté la liberté d’association et le droit à la


négociation collective. Les employeurs ont limité la portée des négociations
collectives, en fixant fréquemment les salaires de manière unilatérale pour la
majorité des travailleurs syndiqués et non syndiqués. Des ONG marocaines ont
signalé que les employeurs avaient souvent recours à des contrats temporaires pour
décourager les salariés d’adhérer à des syndicats ou d’en constituer. Légalement,

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MAROC 44

les syndicats peuvent négocier avec le gouvernement sur les questions de travail de
portée nationale. Du 12 avril au 4 mai, le gouvernement a organisé la première
session officielle du traditionnel dialogue social tripartite depuis 2012,
principalement pour débattre d’un projet de loi de réforme des retraites qui a été
adopté ultérieurement au Parlement en dépit des protestations des syndicats. Au
niveau sectoriel, les syndicats ont négocié avec les employeurs du secteur privé au
sujet du salaire minimum, des indemnisations et d’autres questions.

Les conflits du travail étaient fréquents et, dans certains cas, ils se sont déclenchés
parce que l’employeur n’appliquait pas les conventions collectives et ne versait pas
les salaires. Les syndicats se sont plaints que le gouvernement avait parfois recours
au code pénal pour poursuivre les travailleurs grévistes et réprimer les grèves. La
plupart des centrales syndicales étaient étroitement alliées à des partis politiques,
mais elles n’ont subi dans l’ensemble aucune ingérence des pouvoirs publics.

b. Interdiction du travail forcé ou obligatoire

La loi interdit toute forme de travail forcé ou obligatoire. Elle pénalise le travail
forcé des adultes par une amende pour la première infraction et par des peines de
prison allant jusqu’à trois mois en cas de récidive. Les peines prévues par la loi en
cas de travail forcé des enfants vont d’un à trois ans de prison. Les autorités n’ont
pas veillé à l’application de cette législation de façon adéquate. Il a été fait état de
travail forcé, en particulier parmi les enfants (voir section 7.c.).

Le 22 août, le gouvernement a adopté une loi pour réglementer l’emploi des


travailleurs domestiques, qui n’étaient antérieurement pas couverts par le droit du
travail. Cette nouvelle loi comprend des dispositions sur l’emploi des mineurs
comme domestiques (voir section 7.c.). Le non-respect de cette loi est passible
d’une amende dans un premier temps et, en cas de récidive, d’un à trois mois
d’emprisonnement.

Les inspecteurs du travail ne se sont pas rendus dans les petits ateliers et domiciles
privés où étaient commises la majorité de ces infractions, car la législation exige
un mandat pour perquisitionner les résidences privées. Le petit nombre
d’inspecteurs, les maigres ressources à leur disposition et la grande dispersion
géographique des lieux ont également limité l’application efficace de la loi.

Selon des ONG nationales, un nombre indéterminé d’employées de maison


philippines et indonésiennes ont intenté des poursuites contre leurs anciens
employeurs ; ces dossiers présentaient des indicateurs significatifs de la traite des

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MAROC 45

personnes, tels que la confiscation des passeports et le non-versement des salaires.


Des informations concernant l’issue de ces affaires n’étaient pas disponibles.
Veuillez également consulter le Rapport sur la traite des personnes du
Département d’État à l’adresse suivante : www.state.gov/j/tip/rls/tiprpt/.

c. Interdiction du travail des enfants et âge minimum d’admission à l’emploi

L’âge minimum d’admission à l’emploi dans la plupart les secteurs d’activité est
fixé à 15 ans. La loi interdit aux mineurs de moins de 16 ans de travailler comme
domestiques et à ceux âgés de moins de 18 ans de travailler dans 33 secteurs
« dangereux » (voir section 7.e.). Dans tous les secteurs, la loi interdit le travail des
mineurs de moins de 16 ans pendant plus de 10 heures par jour et les employeurs
sont tenus de leur accorder une heure de pause au moins par jour. Les mineurs de
moins de 16 ans ne sont pas autorisés à travailler entre 21 heures et 6 heures du
matin dans le secteur non agricole et entre 20 heures et 5 heures du matin dans
l’agriculture. D’après le Haut-Commissariat au Plan, qui est l’organe chargé des
statistiques officielles du Maroc, l’écrasante majorité des enfants travailleurs
étaient employés dans les zones rurales. La loi ne couvre pas le travail agricole
saisonnier ni celui dans les entreprises des secteurs traditionnels manuels et
artisanal comptant moins de cinq employés. Elle interdit d’employer des mineurs
de moins de 18 ans dans les carrières de pierre, les mines, la pêche ou pour
effectuer d’autres tâches jugées dangereuses par le gouvernement. Des familles des
régions rurales envoyaient les filles travailler comme domestiques dans les zones
urbaines. Des garçons subissaient le travail forcé comme apprentis dans l’artisanat,
les industries du bâtiment et les ateliers de réparation automobile.

Le ministère de l’Emploi et des Affaires sociales est chargé de veiller à la mise en


œuvre et à l’application des lois et règlementations concernant le travail des
enfants. La législation prévoit des sanctions à l’encontre des employeurs qui
embauchent des mineurs âgés de moins de 15 ans, avec des amendes de 27 000 à
32 000 dirhams (2 710 à 3 210 dollars). Les infractions aux lois sur le travail des
enfants sont passibles de sanctions pénales, d’amendes civiles ainsi que de la
révocation ou de la suspension d’un ou de plusieurs droits civiques, nationaux ou
familiaux, avec notamment une interdiction de séjour légal au Maroc pour une
durée de cinq à 10 ans. Ces sanctions étaient insuffisantes pour avoir un effet
dissuasif.

Le ministère n’a pas systématiquement effectué d’inspections sur les lieux de


travail ni veillé à l’imposition de sanctions en cas de travail des enfants. Pendant
l’année, les 51 délégations nationales chargées de l’inspection du travail

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MAROC 46

comptaient dans leurs rangs 53 inspecteurs formés aux questions de travail des
enfants et désignés comme des « points focaux ». Selon diverses sources, la police,
les procureurs et les juges ont rarement appliqué les dispositions légales sur le
« travail forcé des enfants domestiques » ; par ailleurs, peu de parents d’enfants
travaillant comme employés de maison étaient désireux ou capables d’engager des
procédures susceptibles de leur apporter des avantages directs.

Les autorités ont engagé tout au long de l’année des poursuites concernant l’emploi
d’enfants domestiques qui ont abouti, mais les inspecteurs du travail chargés de
veiller à l’application du code du travail n’ont pas compétence pour inspecter des
domiciles privés, car il est nécessaire de disposer d’un mandat. Des parties
prenantes ont indiqué qu’il existait peu de coordination au sein du gouvernement
pour assurer la réinsertion des enfants soustraits au travail, de nombreux
organismes remplissant des rôles faisant double emploi et ayant des responsabilités
peu claires, ce qui entraînait des carences dans les services œuvrant pour la
réinsertion des enfants.

Durant l’année, les pouvoirs publics ont amplifié la coordination avec des ONG
locales, nationales et internationales sur divers programmes éducatifs et de
formation aux fins de lutter contre le travail des enfants. Le ministère de l’Emploi
et des Affaires sociales, conduit par la Direction du Travail en association avec des
ONG, a supervisé des programmes pour remédier au problème du travail des
enfants. Ils avaient pour objectif d’en réduire l’incidence par un renforcement de la
sensibilisation à ce problème, l’octroi d’une aide financière aux familles démunies
et la réduction des obstacles qui empêchent les enfants à risques d’être scolarisés.
De plus, les enfants migrants ont pu accéder à l’enseignement public, ce qui les a
rendus moins vulnérables au travail.

Le ministère de l’Emploi et des Affaires sociales a indiqué qu’en 2015 (l’année la


plus récente pour laquelle des données annualisées sur les inspections sont
disponibles), les inspecteurs ont réalisé 443 visites dans différentes entreprises du
secteur privé. Lors de ces visites, ils ont fait 2 214 « observations » officielles. Les
autorités ont soustrait 63 enfants âgés de moins de 15 ans de situations de travail
ainsi que 265 autres âgés de 15 à 18 ans de situations de travail dangereux. Il
n’existait pas d’informations détaillées sur la perception d’amendes ou sur
l’assistance apportée aux enfants identifiés grâce aux inspections.

Des observateurs ont signalé des situations de non-respect de la législation du


travail des enfants dans l’agriculture et des domiciles privés en ville.

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MAROC 47

Des enfants devenaient apprentis avant l’âge de 12 ans, notamment dans les petits
ateliers familiaux du secteur artisanal. Des enfants travaillaient également dans des
emplois définis comme dangereux par la loi. Il s’agissait notamment de la pêche et,
dans l’économie informelle, du textile, de l’industrie légère et de la fabrication de
tapis. Les conditions sanitaires et de sécurité dans lesquelles se trouvaient les
enfants ainsi que leurs rémunérations étaient souvent inférieures aux normes.

Dans certains cas, les employeurs ont soumis des enfants aux pires formes de
travail, notamment à l’exploitation sexuelle commerciale, parfois suite à la traite
des personnes (voir section 6, Enfants), au travail domestique forcé, également
parfois suite à la traite des personnes et au travail forcé dans la production
artisanale et le bâtiment.

Des ONG ont documenté les sévices physiques et psychologiques endurés par des
enfants employés comme domestiques. Les employeurs payaient les parents des
enfants qu’ils employaient. La plupart des enfants employés de maison étaient
logés, nourris et vêtus au lieu d’être rémunérés, ou encore leurs employeurs les
rémunéraient bien en-deçà du salaire minimum.

Le Haut-Commissariat au Plan a fait état d’une baisse continue du travail des


enfants et déclaré qu’à la fin de 2015, quelque 59 000 enfants âgés de sept à 15 ans
travaillaient, contre 68 870 en 2014 et 88 570 en 2013.

Veuillez également consulter les Conclusions sur les pires formes de travail des
enfants du Département du Travail à l’adresse suivante :
www.dol.gov/ilab/reports/child-labor/findings.

d. Discrimination en matière d’emploi et de profession

Le code du travail interdit toute discrimination en matière d’emploi et de


profession fondée sur la race, la couleur, le sexe, le handicap, la situation
conjugale, la religion, l’opinion politique, l’affiliation syndicale, l’ascendance
nationale ou l’origine sociale, entraînant une violation ou altération du principe de
l’égalité des chances ou du traitement sur un pied d’égalité en matière d’emploi ou
d’exercice d’une profession. Ceci était particulièrement vrai eu égard à
l’embauche, à la conduite et à la répartition des tâches, à la formation
professionnelle, aux salaires, à l’avancement, à l’attribution d’avantages sociaux,
aux mesures disciplinaires et au licenciement. La loi n’aborde pas dans ce contexte
l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, la langue, la séropositivité au VIH
ou d’autres maladies transmissibles. Elle prévoit l’égalité des salaires pour un

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travail égal. Elle interdit l’embauche des femmes et des jeunes (âgés de 15 à 17
ans) dans certaines professions que les autorités estiment dangereuses, comme
l’extraction minière.

Des discriminations de tous les types interdits par la loi se sont produites car le
gouvernement ne comptait pas suffisamment de ressources humaines et financières
pour veiller efficacement à l’application de la législation. Les organisations de
travailleurs migrants ont indiqué que des migrants subissaient de la discrimination
en matière d’embauche, de salaires et de conditions de travail.

e. Conditions de travail acceptables

Le salaire minimum s’élevait à 108 dirhams (11,13 dollars) par jour dans le secteur
industriel, à 70 dirhams (7,22 dollars) par jour pour les travailleurs agricoles et à
65 dirhams (6,70 dollars) par jour pour les travailleurs domestiques. Le salaire en-
dessous duquel une personne se trouve en-deçà du seuil de pauvreté absolue, défini
par la Banque mondiale, s’élève à 70 dirhams (7,22 dollars) par jour. Y compris les
primes versées habituellement pour les jours fériés, les travailleurs percevaient en
général l’équivalent de 13 à 16 mois de salaire par an. Les entreprises du secteur
informel employaient environ 60 % de la population active et ne tenaient souvent
pas compte des obligations concernant le salaire minimum. En vertu d’un
programme de contrats de travail temporaire (les contrats ANAPEC) conçu pour
aider les nouveaux arrivants à intégrer le marché du travail, le gouvernement paie
les cotisations de la sécurité sociale et l’assurance maladie pour les salariés et les
employeurs doivent offrir des salaires supérieurs au salaire minimum et embaucher
60 % des stagiaires en contrat ANAPEC une fois le contrat temporaire arrivé à
terme. Toutefois, les contrats ANAPEC ne relevaient pas du code du travail et
pouvaient donc faire l’objet d’abus.

La législation prévoit une semaine de travail de 44 à 48 heures et 10 heures par


jour au plus, une majoration de salaire pour les heures supplémentaires, des congés
annuels et des jours fériés rémunérés, ainsi que des conditions minimales en
matière de sécurité et de santé, parmi lesquelles l’interdiction du travail de nuit
pour les femmes et les mineurs. La loi interdit un nombre excessif d’heures
supplémentaires.

Révisées et appliquées par le ministère de l’Emploi et des Affaires sociales, les


normes en matière de santé et de sécurité au travail sont rudimentaires, à
l’exception de l’interdiction d’embaucher des femmes et des mineurs pour
certaines tâches dangereuses. La loi interdit aux mineurs de moins de 18 ans de

Country Reports on Human Rights Practices for 2016


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MAROC 49

travailler dans 33 secteurs à risque, qui sont notamment les mines, la manipulation
de substances dangereuses, le transport d’explosifs et le maniement de machinerie
lourde.

De nombreux employeurs n’ont pas respecté les dispositions légales concernant les
conditions de travail. Les pouvoirs publics n’ont pas non plus veillé efficacement à
l’application des dispositions fondamentales du code du travail, telles que le
paiement du salaire minimum et d’autres prestations de base prévues par la Caisse
nationale de sécurité sociale. Bien que les 409 inspecteurs du travail aient tenté de
surveiller les conditions de travail et d’enquêter sur les accidents, le manque de
moyens les a empêchés de faire appliquer efficacement la législation du travail.
Les sanctions étaient généralement insuffisantes pour avoir un effet dissuasif. Les
inspecteurs du travail sont également chargés d’assurer la médiation en cas de
différends, ce qui leur laissait moins de temps pour effectuer des inspections
préventives de lieux de travail pour en vérifier la conformité avec la législation du
travail.

Selon les ONG, il ne s’est pas produit de grave accident du travail pendant l’année.
En revanche, les médias ont signalé de nombreux cas d’accidents, parfois mortels,
survenus sur des chantiers de construction où les normes étaient insuffisantes ou
qui n’avaient pas d’équipement de sécurité. Dans le secteur formel, les travailleurs
bénéficient du droit de se retirer de situations qui présentent un danger pour leur
santé ou leur sécurité sans risquer de perdre leur emploi et les autorités ont veillé
efficacement à la protection des salariés se trouvant dans cette situation.

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